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www.copernic.paris Trimestriel • 2,50€ Décembre 2017 / Kislev 5778 Le Messager LE MAGAZINE DE L’UNION LIBÉRALE ISRAÉLITE DE FRANCE n° 202 Qui sont les Juifs d’Ouzbékistan ? DE LA DÉCLARATiON BALFOUR Des ans AUX ANS D’ISRAËL le prix copernic

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Décembre 2017 / Kislev 5778

Le Messager

Le magazine de L’Union L ibéraLe israéL ite de France

n° 2

02

Qui sont les Juifs d’Ouzbékistan ?

de la déclaratiOn BalfOur

des ans

aux ans d’Israël

le prix copernic

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 3 • המבשר

Richard Metzger,Administrateur et Directeur de la publication d’Hamevasser

Le Messager - Hamevasser est une publication de l‘Union Libérale Israélite de France - 24, rue Copernic - 75116 Paris - Tél. : 01 47 04 37 27 - Site internet : www.copernic.paris - Directeur de la publication : Richard Metzger - Comité éditorial : Jean-François Bensahel, Odette Chertok « z"l », Michael Bar-Zvi, Richard Metzger. Rédacteur en chef : Michaël Bar-Zvi - Photos : ULIF, Patrick Altar, DR, sauf mention contraire - Couverture : Signelements- Conception graphique : Muriel Bloch-Michel - Régie publicitaire : Pierre LEVY - Tél. : 07 85 74 44 32 - [email protected]. Impression : ETC Inn Avenue des Lions Sainte-Marie des champs - B.P. 198 76196 YVETOT Cedex - Tél. : 02 35 95 06 00 - E-mail : etcimprimerie@

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BV/CdC/2108260Remerciements à nos partenaires : AUJF, Israël Bonds, KKL, Lamartine, Shangri-La hotel, Warga, Yaniv.

au sommaireLe mot du Président ……………………4 à 5

6 à 19

des 100 ans de la déclaration balfour aux 70 ans d’israël

• C’était il y a cent ans : la déclaration Balfour par Michaël Bar-Zvi ………………………… 6 à 7

• La sionisme, bilan et défis Entretien avec Denis Charbit …………… 8 à 11

• Israël et le piège de 67Entretien avec Micah Goodman ……… 11 à 13

• La vision d’Israël à l’horizon des soixante-dix ansEntretien avec Gidi Grinstein ………… 14 à 15

• Europe et Israël, deux destins inaccomplisQuestions au rabbin David Meyer et à Bernard Philippe …………………… 16 à 19

20/21

BlOc-nOtes la sélection d’Hamevasser

22/23

libéralisme-négationnisme : quand la foi s’égare Par Ariane Bendavid

24 à 26

Qui sont les Juifs d’Ouzbékistan ?Par Ariane Bendavid

28 à 29

un nouveau président pour arzenou france

Entretien avec Robert Ley

30

Prix copernic 2017 la lutte contre la barbarie génocidaire récompensée Par Tiphaine Bibas

32 à 34

infos communautaires

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carnet & agenda

Ce numéro de Hamevasser a été réaLisé

avec Le soUtien de

DR

édito

Chers amis,

Le 2 novembre 2017 marque le 100e anniversaire de la « déclaration Balfour », courrier adressé par Arthur Balfour, le Ministre britannique des Affaires étrangères à Lord Lionel Walter Rothschild, membre éminent de la communauté juive de Grande Bretagne. Cette lettre représente la première étape d’un processus qui a mené à la création de l’Etat d’Israël en 1948 et dont nous célébrerons l’année prochaine les 70 ans.

Les raisons de ce soutien britannique à « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif » sont connues, qu’il s’agisse de favoriser une présence occidentale au Moyen Orient pour des raisons économiques (protéger un accès entre l’Occident et certaines zones pétrolières ou riches en matières premières), religieuses (protestants sionistes chrétiens) ou de renforcer les liens entre les communautés juives d’Europe et la Grande Bretagne et ses alliés de la Grande Guerre.

La création de l’Etat d’Israël 51 ans plus tard a bouleversé la géopolitique et la communauté juive du monde entier.

Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises dans ces colonnes, Israël a besoin d’une diaspora forte et la diaspora a besoin d’un Israël fort. Que nous le voulions ou non, nos destins sont intimement liés.

Quelle est la situation actuelle d’Israël et quels sont les scénarios pour son avenir, donc le nôtre ? Ce numéro de Hamevasser va tenter d’apporter des éléments de réponse.

Nous avons interrogé plusieurs spécialistes de ces questions : Denis Charbit, maître de conférences à l’Open University d’Israël, Micah Goodman, écrivain et professeur à l’Institut Shalom Hartman à Jérusalem, Gidi Grinstein, ancien conseiller politique auprès d’Ehud Barak, le rabbin David Meyer et le diplomate belge Bernard Philippe auteurs d’un livre remarqué, « Europe et Israël, deux destins inaccomplis », etc.

Certains de ces intellectuels peuvent avoir des visions dérangeantes sur la situation d’Israël et son avenir, en particulier sur la question de la solution à un ou deux Etats et sur la dualité « occupation - sécurité ». Que nous soyons ou pas d’accord avec eux, ils nous interrogent, surtout nous, juifs de diaspora.

Dans ce numéro d’Hamevasser, nous abordons aussi, comme toujours, d’autres sujets comme le voyage d’Ariane Bendavid à la rencontre des juifs d’Ouzbékistan, et son excellente tribune sur les « égarements » du rabbinat orthodoxe, et l’interview de Robert Ley, président d’Arzenou-France.

Et nous vous informons et rendons compte de nos nombreuses activités.

Nous vous souhaitons une bonne lecture, de joyeuses fêtes de Hanouka et

une bonne et heureuse année 2018. ■

Bien amicalement

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4 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

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Jean-François BensahelPrésident de l’ULIF

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Chers amis,

Après le centenaire de la déclaration Balfour, le 19 avril 2018, Israël aura 70 ans. 70 ans déjà. Mais 70 ans seulement.

Les guerres, la paix précaire, la vie en sursis, la terreur endémique, la diabolisation internationale, en un mot la lutte pour la vie, la lutte pour pouvoir juste continuer à vivre, à respirer, le risque de l’éphémère et de l’impermanent, la mort toujours et partout, le sentiment pour les familles de vivre avec la possibilité de la perte d’un enfant, un peuple donc par nécessité en armes, la précipitation quasi-chimique de ces malheurs a violemment raccourci ces 70 ans qui ont passé à la vitesse d’un supersonique. N’avons pas l’impression que la proclamation d’indépendance par Ben Gourion en 1948, c’était hier ? Que les offensives de Sharon en 1967, le déferlement syrien ou égyptien pendant la guerre de Kippour en 1973, la visite de Sadate en 1977, et l’accolade avec Begin, la guerre du Liban, puis Oslo, Camp David, et la poignée de main entre Rabin, Arafat, et Clinton, c’était hier ? Que les scènes de terreur, les corps déchiquetés,

le 19 avril 2018, Israël aura 70 ans.

ressources financières limitées, mais inscrit dans la plus longue des histoires humaines- trois mille ans, trois mille cinq cents ans-, une population multipliée par 10 depuis 1948 – imaginez que la France compte 400 millions d’habitants !-, des expérimentations sociales uniques comme le kibboutz, le mochav, des réussites scientifiques, des prix Nobel, des universités à la pointe de l’enseignement supérieur mondial et de la recherche, des start-up parties à la conquêtes du monde, des technologies diffusées sur la planète pour le bien-être de l’humanité, de la si belle littérature, des films passionnants, de la créativité artistique débordante. En 70 ans seulement !

Qui, au monde, peut en prétendre autant ? Qui ? Alors bien sûr la jalousie, l’envie, puis la détestation, la déligitimation, la haine. De la part de ceux qui ne sont capables de rien, les épigones du gauchisme au premier rang. Classique hélas.

Alors, inévitablement, en un laps de temps aussi resserré, des points d’ombre demeurent qu’Israël devra affronter, et dont deux sont congénitaux.

après le 1re et la 2e intifada, le retrait de Gaza, et toutes les autres guerres, c’était hier ? Un peuple qui n’avait pas le droit de reprendre sa respiration, un Etat assiégé, menacé à l’intérieur et à l’extérieur, vilipendé, et dont le combat était le seul horizon. Un pays haletant, qui n’a pas vu passer ses premiers 70 printemps, comme un marathonien qui n’aurait cessé de courir et de courir. 70 ans ont passé comme un souffle, le temps s’est abattu comme une avalanche, il s’est compacté, pour ensuite déployer une énergie énorme, sur le modèle du big bang de l’univers.

Portée sur les ailes de cette puissance vitale, de cette joie de vivre si juive, en seulement 70 ans, a vu le jour un pays construit sur le sable du désert et les terres meubles des marécages, avec des

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 5 • המבשרDécembre 2016 - n° 198 / Le Messager 5 • המבשר

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D’abord, la proportionnelle intégrale nuit à la gouvernabilité du pays, et impose compromis et compromissions permanents en donnant une surreprésentation aux petits partis dont les exigences le p lus souvent ex trêmes conditionnent la capacité à former un gouvernement et imposent, dans des arbitrages bancals, des décisions au détriment de ce que veut la majorité. Et depuis de longues années, ce sont des partis religieux qui tiennent les majorités au bout de leurs caprices, de leur déraison, de leurs surenchères.

sous toutes les latitudes, la religion en l’éloignant de ses bases, de sa vocation. Elle nuit de plus au judaïsme puisqu’elle donne à croire qu’il n’y a qu’une seule forme de religion juive légitime, mais rétrograde, anti-féministe, anti-démocratique, aux rêves de théocratie et de contrôle de la société.

Enfin la paix n’a pas pu être conclue. Sans doute, comme disent les anglo-saxons « you have to be 2 to tango », et le refus par les palestiniens des offres de Barak, puis d’Olmert, ne peut que déniaiser les plus naïfs. Mais il n’en demeure pas

Mais, 70 c’est aussi le chiffre des nations, c’est le chiffre du monde. Et ce qui frappe en Israël, c’est précisément que l’on y vit dans un pays-monde, dans un pays, réduction du monde en petit, des Juifs de toute la terre y vivent ou y viennent, des religions y cohabitent, de nombreuses langues s’y parlent. Cela lui confère une capacité d’attraction phénoménale dans un monde en cours d’unification, de rapprochement.

Doit-on en conclure, pour autant que le destin de tout juif en diaspora est de faire son alyah,

70 ans déjà. 70 ans seulement.Ensuite, l’absence de séparation entre l’Etat et la religion nuit à l’un et à l’autre, d’autant plus que c’est à une version très ultra-orthodoxe du judaïsme à laquelle se trouve avoir été confié le monopole de l’état civil, la manne qui en découle, la puissance sur les gens qui en résulte. Elle nuit à l’Etat puisque, comme on l’a vu, l’Etat s’est mis sous la dépendance de groupes religieux financés et constitués en partis, avec la manne de l’état civil et des subventions publiques qui entretient d’innombrables yeshivas, où des hommes vêtus de noir passent leur temps confinés dans l’étude, sans contact avec le monde. Etonnant alors que le Talmud avait toujours enseigné : pas de travail, pas d’étude. La collusion avec l’Etat et le pouvoir transforme, comme cela l ’a toujours fait, sous tous les temps,

moins que le projet sioniste d’un Etat juif et démocratique implique la recherche sans relâche et l’atteinte de la paix. Sinon il faudra choisir entre juif et démocratique. Et la paix sera-t-elle une paix à un, deux, trois, ou quatre Etats ? Dans le grand renversement d’alliances qui se cristallise ces mois ci, et qu’incarne Mohammed Ben Salman en Arabie Saoudite, qui peut dire l’avenir ? Qui peut dire que dans cet Orient compliqué, depuis longtemps, la lumière de la paix n’est pas envisageable ? Qu’il ne faut pas célébrer Hanoukka avec cette pensée-là, comme nous le faisons tous les samedis matins ?

I l faudra des géants pour surmonter ce qui à vue d’homme se nomme impasses. Mais tout est possible là-bas . Même l’improbable.

et de s’installer en Israël ? Certes non. Mais tout juif de diaspora doit apprendre à marcher avec son pays, sa patrie, la France pour ce qui nous concerne, et vivre aussi au rythme d’Israël. Nous savons qu’un jour là-bas les nations feront la paix, et qu’elles se retrouveront pour prier, célébrer la paix perpétuelle et la fraternité universelle. L’unité du monde, l’unité du genre humain se jouent là-bas. C’est cette cause que doivent plaider et porter dans leurs pays les Juifs de Diaspora.

Une bonne année civile pour vous, vos familles, vos proches, une année de paix, de prospérité, de santé, de réussites. ■

Hag Hanoukka sameakh

Bon anniversaire et longue vie Israël

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6 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

Voici ce texte :

« cher lord rothschild,

J’ai le grand plaisir de vous adresser,

de la part du gouvernement de sa

Majesté, la déclaration suivante,

sympathisant avec les aspirations juives

sionistes, déclaration qui, soumise au

cabinet, a été approuvée par lui.

le gouvernement de sa Majesté envisage

favorablement l’établissement en

Palestine d’un foyer national pour

le peuple juif et emploiera tous ses

efforts pour faciliter la réalisation

de cet objectif, étant clairement

entendu que rien ne sera fait qui puisse

porter atteinte soit aux droits civils

et religieux des collectivités non juives

existant en Palestine, soit aux droits

et au statut politiques dont les Juifs

disposent dans tout autre pays.

Je vous serais obligé de porter cette

déclaration à la connaissance de la

fédération sioniste. »

c’était il y a cent ans :

la déclaration Balfour

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Un ensemble d’événements, de faits, de processus qui engendre des changements

dans le destin des peuples et des hommes. Le rôle de l’historien est de les examiner, d’en faire le tri et de les replacer dans un contexte pour comprendre le passé et expliquer la suite qui devient aussi son présent. Il n’est pas rare dans l’histoire de voir un document, un traité, une motion créer un bouleversement du cours du monde. Lorsque T. Herzl fonde le mouvement sioniste, le monde accueille cette initiative avec beaucoup de scepticisme, non seulement parce que l’idée d’un Etat juif semble irréaliste,

dossier

mais aussi parce qu’elle rencontre une double opposition au sein des communautés juives, celle des Juifs orthodoxes et celle des Juifs assimilés ou émancipés. La réunion du Premier Congrès sioniste à Bâle en 1897 est un tour de force et marque le commencement de ce qu’il est convenu d’appeler le sionisme politique. La vision de T. Herzl, et c’est sans doute ce qui lui a permis de gagner l’adhésion des communautés juives au fils des ans, consiste à bâtir un mouvement politique pluraliste, dans lequel se côtoient des Juifs religieux et des Juifs non pratiquants, des Ashkénazes et des Sépharades, des Juifs de l’est et de l’ouest. L’Organisation Sioniste Mondiale est dès le départ une assemblée démocratique, où les débats font rage sur des questions liées à l’éducation, à l’implantation des Juifs, au financement et au choix des alliés politiques. Herzl n’hésitera pas à rencontrer les grandes personnalités du monde, le Pape, l’empereur allemand, le sultan turc et même des ministres antisémites russes. Malgré la disparition prématurée de son fondateur le mouvement sioniste va poursuivre son action politique en s’efforçant d’obtenir le soutien de l’Allemagne, principal allié de l’Empire ottoman qui administre la Palestine, jusqu’à la première guerre mondiale. Comprenant, dès le début du

conflit, que l’Empire ottoman sera démantelé, le mouvement sioniste se rapproche des puissances de l’Alliance, la France et la Grande-Bretagne. Une légion juive est même créée par le mouvement sioniste pour prendre une part active aux combats avec les forces alliées. Au moment où l’armée du général Allenby conquiert la Palestine, la diplomatie sioniste, sous la houlette de Haïm Weizmann va réussir à obtenir une déclaration officielle britannique soutenant son projet de retour sur la terre ancestrale où s’est forgée la nation juive avant l’exil. Cette lettre est d’une rare sobriété, mais elle contient les éléments essentiels d’une reconnaissance fondamentale du droit du peuple juif. Elle comprend aussi une réserve sur les droits des populations non juives en Palestine et sur le statut des Juifs en diaspora.

Qu’ESt-CE QuE L’HIStoIrE ?

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Cette déclaration servira de base au Mandat confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations pour préparer l’établissement d’un futur Etat Juif, qui sera en définitive décidé en novembre 1947 par une motion de l’ONU. Le sionisme trouve ses racines spirituelles, culturelles et historiques dans une longue tradition juive, dans laquelle la mémoire de Sion est centrale. Sion est présent dans les cœurs juifs, quand ils lisent la Haggada lors du seder de Pessah, dans les prières juives principales, et dans les textes des poètes, philosophes ou kabbalistes juifs de toutes les époques. La nouveauté du sionisme de T. Herzl provient de sa vision politique de la question juive, à savoir l’idée que le peuple juif doit redevenir une nation aux yeux du monde.

ni contrainte pour immigrer en Palestine. Mais une partie du réservoir potentiel se trouvait en Russie, en pleine révolution bolchevique, et donc dans l’impossibilité de quitter cette région. Les communautés juives d’Occident, comme l’ensemble des nations européennes, pansaient encore les plaies de la Grande Guerre à laquelle les soldats juifs participèrent activement dans les deux camps.

Au cours des trente années de domination britannique sur la Palestine, la conception coloniale anglaise l’emporta et le soutien aux aspirations sionistes diminua de plus en plus jusqu’à se transformer en une hostilité ouverte. Dès le milieu des années trente, il était clair pour la direction sioniste que l’Angleterre était devenue un ennemi, qu’il aurait à combattre le moment venu pour obtenir l’indépendance. La politique coloniale britannique qui consistait à diviser pour mieux régner ne fit qu’exacerber l’opposition des Arabes de Palestine au sionisme, et la transforma petit à petit en un conflit inéluctable.

l’avancée diplomatique que représentait la déclaration Balfour fut le premier jalon d’une révolution dans la destinée du peuple juif qui aboutit à la création de l’etat d’Israël.

Cent-vingt ans après le Premier Congrès sioniste, cent ans après la Déclaration Balfour, soixante-dix ans après la création de l’Etat d’Israël, nous ne pouvons qu’être fiers du chemin parcouru par les acteurs de cette histoire. Etat juif et démocratique Israël est un lieu de créativité, de développement, de croissance, d’innovation, de culture, mais aussi le centre de tensions et de débats qui déchirent les citoyens de ce pays et parfois les Juifs de la diaspora.

La rédaction de Hamevasser a pensé que le centenaire de la Déclaration Balfour pouvait être le moment d’une réflexion sur l’aventure sioniste, ses réussites, ses rêves accomplis et inaccomplis, ses questions brûlantes, ses traumatismes et son avenir. Pour mener cette enquête nous avons fait appel à des intellectuels de bords différents, dont les opinions tranchent parfois avec les consensus, mais qui montrent aussi que le sionisme n’est pas une idéologie statique. Israël ne laisse pas indifférent et n’est pas parfait, mais il est un domaine dans lequel il reste inégalé, la liberté de penser et de critiquer. C’est ce qui fait sa grandeur ! ■

Michaël Bar-Zvi

La reconnaissance juridique internationale est la condition sine qua non de ce retour des Juifs sur la scène politique, qui leur rendra leur dignité perdue. Au début du vingtième siècle l’unique moyen d’obtenir une reconnaissance internationale est de la faire valider par les grandes puissances de l’époque. Le droit à l’indépendance ou à l’autodétermination n’est pas encore clairement défini par des instances juridiques internationales, car elles n’existent pas encore. Il faudra attendre la fin de la première guerre mondiale, avec la création de la Société des Nations lors des négociations des traités de paix et les quatorze points de Wilson pour que commencent à poindre les premiers concepts du droit international.

Il ne fait aucun doute que pour le mouvement sioniste il s’agissait d’une avancée significative pour la réalisation de son projet. Les dirigeants sionistes espéraient qu’une Alya massive suivrait immédiatement cette déclaration après l’arrivée des troupes anglaises en Palestine. De 1917 à 1922, date de l’instauration, il n’y avait aucune limitation,

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8 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

■ 100 ans après la Déclaration Balfour peut-on la considérer comme un tournant historique pour le Proche-Orient ou bien est-ce un document marginal, par rapport à d’autres accords de l’époque (Sykes-Picot etc..) auquel le mouvement sioniste a accordé une importance démesurée et un sens symbolique pour légitimer son projet ?

S’il y a bien un point sur lequel le mouvement sioniste et le mouvement national palestinien sont d’accord depuis toujours, c’est bien l ’ importance à accorder à la Déclaration Balfour. Au-delà de ce consensus, la divergence est totale : c’est par elle, disent les s ionis tes , que le projet d’Herzl a obtenu le début d’une consécration officielle, d ’abord par la Grande-Bretagne, ensuite par la communauté internationale. Que dit la Déclaration ? Il

existe une collectivité, le « peuple juif », qui s’est dotée d’une ambition nationale et polit ique digne d’être réalisée en Palestine (Eretz Israël), digne d’être soutenue par les Britanniques.

Une déc lara t ion à e l le seule ne suffit pas : qui se souvient du secrétaire d’Etat, Jules Cambon, qui a dit à peu près la même chose que Balfour et l’a précédé même de quelques mois ? Personne ou presque, car cette Déclaration d’intention est restée, côté français, lettre morte ; tandis que les Britanniques ont pris la déclaration au sérieux pour en faire un élément de leur politique étrangère au Moyen-Orient. La Déclaration a été approuvée par le gouvernement britannique en 1917, entér inée à la conférence de San Remo en 1920 lors de l’attribution des mandats à la France et à la Grande-Bretagne au Moyen-Orient. Elle fut enfin ratifiée par la Société des Nations

Entretien avec Denis Charbit

Propos recueillis par Michaël Bar-Zvi

Pour ce dossier sur le centenaire de la Déclaration Balfour, Hamevasser a interrogé un des spécialistes du sionisme, Denis Charbit, que le public francophone connaît aussi bien par ses interventions dans les médias, ses conférences que ses ouvrages. Denis Charbit est maître de conférences en science politique à l’Open University d’Israël. Il est l’éditeur d’une anthologie « Sionismes » qui a mis à la disposition des chercheurs et lecteurs francophones les textes principaux des penseurs sionistes. Dernier livre paru : Israël et ses paradoxes, Paris, éditions Le Cavalier bleu, 2015. Il nous a livré son regard sur l’histoire, mais aussi sur le présent.

Denis Charbit

le sionisme, bilan et défis

Photo: Sébastien Leban

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 9 • המבשר

en 1922. Ce n’est donc pas seulement une déclaration qui compte en tant que telle, mais sa prise en charge d’un ministre à un gouvernement et jusqu’à la communauté internationale.

Les sionistes n’ont pas tort d’y voir un tournant. Herzl avai t mis le mouvement sioniste sur les rails en 1897 ; en 1917, il se hisse sur la scène internationale pour ne plus jamais en redescendre puisqu’en 1948, on passe à l’Etat d’Israël appelé à siéger comme membre à par t entière des Nations-Unies.

La déclaration Balfour n’a pas eu qu’une portée symbolique, elle a imprimé sa marque sur le terrain. C’est Sykes-Picot qui reste un document qui relève de la vieille Histoire : qu’en est-il aujourd’hui de la zone d’influence française et britannique dessinée en rose et bleue sur la carte ? Rien. Les deux pays ont des relations diplomatiques avec tous les pays de la région. Tout au plus, la France dispose d’un certain statut au Liban, mais cela avait commencé bien avant Sykes-Picot.

La Déclaration Balfour fait état d’un peuple, d’un foyer national et d’un territoire – la Palestine. En 1917, celle-ci n’est encore qu’une notion géographique, historique, culturelle et religieuse. Elle n’a pas encore d’existence politique, laquelle se définit par des frontières. Or, la Palestine juive (sur laquelle s’applique la déclaration) va connaître plusieurs tracés successifs : en 1920, elle va de la Méditerranée à l’Irak ; en 1922, elle est amputée des 3/4 - la Transjordanie - par décision de Churchill, (ce qui entraînera la demande de révision réclamée en vain par le mouvement révisionniste de Jabotinsky). En 1947, le plan de partage attribue à un futur Etat juif 55 % de la Palestine mandataire et

Dès lors, leurs droits ne sont pas seulement civils et religieux. Ils sont politiques au sein de l’Etat d’Israël ; ils doivent être nationaux en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. D’où la tension entre le gouvernement israélien qui s’obstine à vouloir conserver les territoires, invoquant droits historiques, religieux et sécuritaires.

■ Dans l’historiographie sioniste la Déclaration Balfour est considérée comme le premier fondement de la reconnaissance de droit du peuple juif sur la terre d’Israël par une des grandes puissances, suivie par le Mandat britannique et la résolution de l’oNu de novembre 1947, pourtant ce droit est encore aujourd’hui remis en cause, comment expliquez-vous que l’Etat d’Israël et le mouvement sioniste n’ont pas réussi au cours des années à imposer cette légitimité et qu’on a même l’impression qu’elle est de plus en plus menacée ?

Votre question permet de clarifier le contentieux une

1947, c’est clair puisqu’il est question de deux Etats. Dans la déclaration Balfour, outre qu’il n’est pas fait mention d’un Etat, ce n’est pas la Palestine qui est reconnue comme le foyer national du peuple juif, c’est un foyer national en Palestine qui a été acquis. Aussi est-il vague de dire que le droit d’Israël est remis en cause de nos jours. Le droit du peuple juif à un Etat souverain en Palestine – non sur toute la Palestine – c’est l’Etat d’Israël - a été reconnu et il le demeure, y compris par l’initiative de la Ligue arabe de 2002. L’aspiration à vouloir étendre sa domination, sinon sa souveraineté, sur 100 % de la Palestine mandataire n’est pas remise en cause, elle n’a jamais été admise par aucun pays. Cet entêtement risque bel et bien de mettre en cause le droit à un Etat juif, qui était implicite en 1917 et explicite en 1947.

Pourquoi n’a-t-on pas réussi à imposer cette légitimité sur toute la Palestine mandataire comme l ’a réclamé Ben Gourion en 1942 avec le plan Biltmore ? C’est très simple : pour reprendre le slogan sioniste du début du xxe siècle, on a admis qu’un peuple sans terre (le peuple juif) en méritait une. Seulement voilà, on s’est rendu compte après coup que ce n’était pas une terre sans peuple puisqu’il y avait des autochtones de langue arabe et de religion musulmane ou chrétienne. Cela a suffi pour que la communauté internationale décide de l imiter sur le plan territorial tant le droit du peuple juif que celui du peuple palestinien. En 1917, cette collectivité arabe s’élevait à un demi-million de personnes, puis à un million deux cent mille, puis quatre millions environ aujourd’hui. L’équité exige que la partie de ce peuple vivant en

les Palestiniens, quant à eux, tiennent la déclaration Balfour pour l’origine de leur malheur

Britanniques comme pour la communauté internationale. Ils sont rabaissés dans la Déclaration Balfour au rang de « populations non juives ». Un s ièc le p lus tard, la communauté internationale admet que ces populations sans identité propre forment un peuple : le peuple arabe de Palestine, comme il y eut le peuple arabe du Liban ou de Syrie, jusqu’à ce que s’impose le syntagme de « peuple palestinien », de même qu’on emploie celui de « peuple libanais », etc..

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dévolue à l’Etat arabe les 45 % restant ; en 1949 à l’issue de la guerre d’Indépendance, l a p ropor t i on passe à 78 % ; enfin, en 1967, Israël accomplit un tour de force et récupère l’intégralité de la Palest ine mandataire, rectifiée seulement par le désengagement de Gaza en 2005.

Les Palestiniens, quant à eux, tiennent la Déclaration Balfour pour l ’origine de leur malheur et ils ont fait tout leur possible – non sans succès parfois - par la voie diplomatique ou par la violence pour en a t ténuer, s inon ef facer sa portée. Parallèlement à l ’accompl issement du sionisme commence pour les Palestiniens le long et tortueux chemin de leur histoire nationale dont le bilan est mitigé : le combat mené pour abolir la Déclaration Balfour a été perdu, ce qu’il lustre la création de l ’Etat d’ Israël . Mais leur bilan ne se réduit pas à cet échec : en 1917, les Arabes de Palestine, musulmans et chrétiens, ne comptent pas : ils sont transparents, insignifiants aux yeux des

bonne fois pour toutes. Au risque de surprendre, je dirai, en reprenant mot pour mot, votre formulation : le droit du peuple juif sur la terre d’Israël n’a jamais été reconnu ni par la déclaration Balfour, ni par la résolution 181 de l ’ONU, ni par la résolution 242. La SDN et l’ONU ont reconnu aux Juifs, et de manière irréversible, un droit en Palestine, non sur la Palestine, encore moins sur toute la Palestine ; un droit en Terre d’Israël, non sur toute la Terre d’Israël. En

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10 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

territoire dans l’Etat d’Israël jouisse de droits politiques - ce qui est fait, et de droits nationaux en Cisjordanie, ce qui reste à faire. Tout le reste est littérature.

■ 120 ans après la fondation du mouvement sioniste, 100 ans après la Déclaration Balfour, et 70 après la création de l’Etat d’Israël, pensez-vous que le projet sioniste a atteint ses objectifs ?

Le s ionisme pol i t ique a atteint ses objectifs : l’Etat existe, et il n’est pas près de disparaître. Le sionisme culturel a gagné la bataille de l’hébreu et celle d’une culture vivante, dynamique, créatrice, originale, nouant un dialogue avec le passé juif, avec l’Orient et l’Occident. Le sionisme nationaliste exulte et a le sentiment que la bataille est gagnée. La communauté internationale condamne et gesticule, mais on construit, bon an mal an, en Judée-Samarie, et les milliers de Juifs qui y vivaient autrefois, au début des années 1970, sont aujourd’hui un demi-million. L’occupation conçue comme prov iso i re dure depuis un demi-siècle et s’installe dans la durée. C’est exactement le postulat qui anime l’extrême-gauche post-sioniste pour qui le combat n’est plus celui de deux Etats pour deux peuples, mais

démocratique, Isratine, de nature bi-nationale, dont le drapeau serait une étoile de David aux couleurs rouge, vert et noir du drapeau palestinien. Il n’existe que quelques sionistes de gauche pour penser encore que le principe de deux Etats pour deux peuples demeure une solut ion imparfaite, mais rationnelle et morale, pu i squ ’e l le demande à chacune des deux parties de sacrifier une partie du territoire qu’elle considère pourtant comme sa patrie.

du présent qui ne présument pas de l’avenir.

■ L’évolution de la société israélienne aussi bien sur les plans économique, social, politique que démographique montre des signes inquiétants de recul dans l’identification des Israéliens aux idées portées par le sionisme, avec l’augmentation de la population orthodoxe a-sioniste ou antisioniste d’un côté et de l’autre

diaspora et le foyer national juif en Palestine. En Israël, les tensions sont vives et le consensus difficile à établir. Le discours du président Rivlin sur les quatre tribus de l’Etat d’Israël – la tribu laïque, la tribu nationale-religieuse, la tr ibu ul tra-orthodoxe et la tribu arabe – est un bon point de départ pour arrêter de fantasmer sur la disparition de l’une d’elles ou sur la menace d’une autre. Elle suppose que chacun et chacune se sentent protégés au sein de son groupe et respectés par tous les autres sans chercher à les convertir : plutôt qu’un projet civique transcendant, c’est une communautarisation assumée, et la diaspora, au lieu d’être appréhendée en bloc, serait elle-même en lien avec la tribu qui lu i correspond ( la ïque , nationale-religieuse, ultra-orthodoxe) . On est lo in du projet républicain à la française, mais Israël est au Moyen-Orient et il faut faire avec ces communautés irréduct ibles plutôt que d’imaginer une unité fictive même si trois de ses tribus ont en commun la judéité.

■ A l’heure du village global ou planétaire, le sionisme apparaît aux yeux de ses détracteurs comme le dernier avatar d’un nationalisme réducteur opposé à l’universalisme humaniste, or la pensée sioniste est un exemple hors pair de mouvement intellectuel pluraliste, que faut-il changer dans le paradigme sioniste pour qu’il soit mieux connu ou compris ? Quels éléments doivent-ils être mis en valeur pour opérer cette transformation des esprits ?

Le sionisme a toujours été un mouvement pluraliste. Cependant, en désignant la nation comme catégorie

Le sionisme laïc est sur la défensive : il a le sentiment d’être sur une pente glissante et tend à ne voir que le verre à moitié vide tandis que le sionisme religieux a le vent en poupe quand bien même il n’arrive pas à mordre sur le judaïsme ultra-orthodoxe.

l’émergence d’une frange importante de citoyens indifférents au destin collectif du peuple juif, comment le mouvement sioniste doit-il se repenser pour être encore pertinent dans les prochaines années ?

Le mouvement s ion is te a toujours eu depuis sa naissance en diaspora des adversaires de taille parmi les Juifs – les ultra-orthodoxes et les révolutionnaires. Cela n’a pas changé à ceci près que les révolutionnaires juifs ont disparu. Le judaïsme émancipé se méf ia i t , à l ’ époque , de l a cause nationale juive ; aujourd’hui, il se déclare sioniste de cœur, suivant l’exemple du judaïsme américain qui, dès les années 1920, prenait conscience de la complémentarité entre la

le mouvement sioniste a toujours eu depuis sa naissance en diaspora des adversaires de taille parmi les Juifs – les ultra-orthodoxes et les révolutionnaires.

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celui, désormais d’un Etat unique, de la Méditerranée au Jourdain. Deux options possibles : soit un Etat au sein duquel vit une population de quelques millions d’habitants privée de droits politiques ; so i t un E ta t un ique e t

L’ o b j e c t i f q u i e s t e n régression perpétuelle est celui de la justice sociale et de l’égalité. Mais l’utopie sioniste persiste et signe et préserve son quant-à-soi irréductible au messianisme et réfractaire aux vicissitudes

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 11 • המבשר

première, il s’est exposé aux crit iques de l ’orthodoxie religieuse pour qui le sacré est ai l leurs que dans la construction d’un Etat et d’une nation. Il ne fut pas épargné non plus par les critiques des révolutionnaires qui plaçaient la classe au-dessus de la nat ion e t adopta ient une opt ique internationaliste transcendant les particularismes. Quoi qu’il en soit, cette sacralisation de la nation et du collectif avait, à l’époque, sa raison d’être car le sionisme et le peuple ju i f n ’ava ient rien, ni Etat ni territoire.

Les entorses à l’universel étaient admissibles tant que les Juifs luttaient pour leur indépendance. Maintenant qu’elle est acquise et solide, même s i des menaces host i les pèsent toujours sur Israël, maintenant que nous disposons avec l’Etat de la puissance et de la souveraineté, les entorses sont perçues désormais comme la tyrannie de la majorité.

Pour opérer la transformation des esprits, il faut en premier lieu que cesse la prétention du sionisme nationaliste

à considérer que c’est lui qui détient la seule version légit ime du sionisme. I l faudrait que ses nombreux partisans admettent, par exemple, que celu i qui c o m b a t s a n s r e l â c h e l’occupation n’est pas moins sioniste que celui qui tient les acquis de territoriaux de 1967 pour une libération. Plus fondamentalement, si le sionisme veut continuer à s’inscrire dans la tradition human i s te , i l ne peu t esquiver l ’épreuve de la reconnaissance de l’Autre palestinien en Israël et dans les territoires. Si le sionisme

n’est rien d’autre que la préférence nationale en toutes choses, s’il n’a rien à dire du tikkoun olam, à quoi bon l’alyah, à quoi bon Israël ? Tout ça pour ça ? Pour avoir le droit d’être des beaufs ethnocentristes, fermés, mais circoncis ? Non merci. Je veux qu’il y ait mille manières d’être juifs, les unes plus hétérodoxes que les autres, y compris, à un bout de la chaîne, le droit à l’indifférence, et que ceux qui ne le sont pas se sentent en Israël… comme Dieu en France. ■

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Micah Goodman

Israël et le piège

de 67

Entretien avec Micah Goodman Propos recueillis par Michaël Bar-Zvi

■ Pensez-vous que la Déclaration

Balfour est un document historiquement

important qui a changé le destin du

peuple juif et du Proche-Orient ou bien

une lettre que le mouvement sioniste

a transformée rétrospectivement en

symbole de la reconnaissance du droit

du peuple juif à un foyer indépendant

par les nations du monde ?

Je pense que la Déclaration Balfour est un événement dramatique pour plusieurs raisons essentielles. Tout d’abord cette Déclaration est devenue une partie intégrante du Mandat britannique, dont le but était son application, avec l’accord de la Société des Nations, l’instance internationale la plus importante de l’époque. On peut donc affirmer rétrospectivement que la Déclaration a obtenu une validation internationale de son contenu. Il s’agit d’une reconnaissance des Juifs comme

In te l lectuel br i l lant , Micah

Goodman enseigne à l’Institut

Shalom Hartman et dirige la

Midrasha d’Ein Prat. Ses livres

font référence et le dernier en

date Catch 67 est un des best

sellers de l ’année. Goodman

s’interroge à la fois sur la Bible, le

judaïsme, le sionisme et les enjeux

brûlants de la société israélienne.

Il n’hésite pas à remettre en cause

les fondements, les préjugés et

les mythes pour construire sa

réflexion critique et porter un

jugement toujours acéré sur la

réalité. Nous l’avons interviewé

pour ce dossier sur les 100 ans

de la Déclaration Balfour>page 12

peuple et de la terre d’Israël comme demeure. L’expression utilisée dans la Déclaration « Foyer juif » implique cette double reconnaissance internationale. Il ne s’agit pas seulement d’une lettre personnelle de Balfour à son ami Rothschild, mais d’un document qui est devenu un acquis diplomatique pour le mouvement sioniste. La reconnaissance de cette lettre comme fondement du Mandat transforme ce document en événement dramatique.

■ Pourtant, malgré cette reconnaissance internationale, on a l’impression que la légitimité de ce droit du peuple juif sur sa terre est de plus en plus contestée, comment expliquer ce recul ?

C’est exact, tout s’est inversé. La vision de Herzl, qui estimait que la reconnaissance internationale permettrait la création d’un foyer juif, s’est réalisée. Mais comme il n’y a pas de reconnaissance de toutes les nations, le foyer juif doit faire face à des difficultés. Cependant le refus de reconnaître l’Etat d’Israël à travers le monde, même s’il s’étend, ne menace pas son existence. Elle porte atteinte à sa qualité de vie, à son fonctionnement au quotidien, mais sa vie n’est pas en danger. La véritable menace qui pèse sur Israël ne provient pas de ce manque de légitimité internationale. Les grandes puissances mondiales aujourd’hui, Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine, Inde, Allemagne ne remettent pas en cause la légitimité de l’Etat d’Israël. Autrement dit, au quotidien,

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12 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

■ Vous dites au fond que la vision du sionisme qui a triomphé est celle des compromis faits par Ben-Gourion ?

Les préoccupat ions de la droite et de la gauche en Israël ont changé. Ce qui préoccupe la droite israélienne ce n’est pas l a r é d e m p t i o n o u l e messianisme, mais le souci ex is tent ie l de sécur i té . Le retra i t éventuel des territoires est compris non pas comme un recul du processus mais comme la crainte de devoir vivre dans des frontières impossibles à défendre. A gauche on pense qu’un retrait des territoires n’amènera pas la paix, ou un nouveau Proche-Orient comme le souhaitait Shimon Peres, mais que si nous maintenons notre présence dans les territoires nous nous dirigeons vers une catastrophe démographique

piège de 67, les Israéliens rejettent l’occupation mais ne veulent pas être menacés par les conséquences d’un abandon des territoires. J’évoque dans mon livre les deux traumatismes qui ont ébranlé les conceptions de la droite et de la gauche en Israël. La première Intifada a porté un coup violent à la droite, car il s’agissait d’émeutes organisées par des jeunes qui lançaient des pierres et accrochaient des drapeaux. Cette situation ne correspondait pas à la formation militaire des soldats de Tsahal, qui après-coup se demandaient ce qu’ils faisaient. Quel était le sens de leur action ? On se rendait compte de l’impossibilité de réaliser le rêve du Grand Israël. Certes sur le plan historique cette terre a du sens pour le peuple juif, mais un autre peuple vit aussi sur cette terre, et on ne peut plus ne pas en tenir compte.

après l es propos i t i ons généreuses de Barak, éclatait la seconde Intifada, avec une violence inouïe et un nombre de victimes sans précédent. Il ne s’agissait plus d’enfants qui lançaient des pierres mais d’attentats suicides et un bilan très lourd, un millier de morts. La gauche s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de partenaire politique avec lequel on pouvait négocier. Après la première Intifada les Israéliens ont compris qu’i ls ne pouvaient plus indéfiniment contrôler les territoires et après la seconde Intifada ils ont intégré le fait qu’on ne pouvait pas se retirer des territoires sans mettre gravement en danger la sécurité du pays. Ainsi est né un nouveau consensus en Israël celui de la confusion ou de l’embarras. En Israël le centre ne se trouve pas entre la gauche et la droite, mais il est simultanément à gauche et à droite. Ce qui est curieux en Israël c’est que selon les sondages les Israéliens ne veulent pas continuer l’occupation mais ils votent pour la droite aux élections. C’est tout le paradoxe de ce consensus que je désigne par le terme « piège de 67 ». Il y a un écart entre les positions des Israéliens et les votes des Israéliens. La majorité des Israéliens est favorable à l’idée de deux États, mais ils votent contre, et cela montre l’ambivalence réelle des Israéliens.

■ Dans votre livre vous dites qu’il ne faut pas considérer le conflit israélo-palestinien comme un problème à résoudre, mais plutôt comme un piège dont il faut sortir, pouvez-vous nous expliquer la différence ?

Pour sortir du piège il faut dans un premier temps réduire l ’adminis trat ion militaire sur la population civile palestinienne, sans mettre en danger la sécurité

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et démocratique. La droite se soucie de sécurité et la gauche de démographie, elles ne soucient ni de la rédemption, ni de la paix. Elles ne vivent plus dans le rêve ou l’accomplissement d’un idéal mais gèrent leurs angoisses.

■ Vous avancez dans votre livre l’idée qu’il y a entre 20 et 30 % d’idéologues, une partie à droite et une partie à gauche, mais que 70 % des Israéliens estiment que le rêve de la paix et celui du Grand Israël ont volé en éclats. Comment définiriez-vous ce consensus ?

En effet la majorité des I sraé l iens ne veut pas dominer les Palestiniens et en même temps ils refusent de prendre le risque de mettre leur sécurité en danger. C’est ce que je nomme le

c’est tout le paradoxe de ce consensus que je désigne par le terme « piège de 67 »

su r l e p l an po l i t i que , é c o n o m i q u e , c u l t u re l , technologique, Israël a les moyens d’agir, de produire, de commercer etc. Certes nous avons des ennemis farouches au Proche-Orient, et des opposants dans le monde comme le BDS, et nous ne bénéficions pas d’une légitimité absolue, mais d’une légitimité suffisante pour permettre à l ’E ta t d’Israël de fonctionner et de se développer.

■ Le mouvement sioniste existe depuis 120 ans, avec des courants de pensée et des approches différentes de l’histoire. Selon vous deux paradigmes sont à l’œuvre dans la vision sioniste, celle de Herzl qui souhaitait résoudre la question de l’antisémitisme en émancipant le peuple des autres nations, et celle du Rav Kook qui voyait dans le sionisme un mouvement interne de développement du peuple juif vers une rédemption à la fois morale et historique ? Quelle conception du sionisme l’a emporté selon vous ?

A mon av i s ce s deux conceptions ont échoué. La majorité du peuple juif ne pense pas que le sionisme peut normaliser nos relations avec les autres nat ions, améliorer l’image qu’elles ont de nous ou supprimer la haine des Juifs. L’idéal de Herzl sur ce point ne s’est donc pas réalisé. De la même façon, la majorité des Israéliens ne pensent pas qu’il y a une solution immédiate au conflit israélo-arabe ou israélo-palest in ien. D ’un autre côté, la majeure partie des Israéliens ne pensent pas que la rédemption se trouve au coin de la rue, à portée de main. Ces deux visions du sionisme ne sont plus vraiment pertinentes aujourd’hui.

Lorsque vous courez après des enfants qui lancent des projectiles et ne veulent pas de vous à cet endroit, vous agissez comme un pouvoir militaire d’occupation que vous le vouliez ou non. La droite israélienne a pris conscience du prix très lourd à payer pour réaliser l’idéal du Grand Israël. La seconde Intifada, qui a éclaté deux mois après la conférence de Camp David de 2000, a porté un coup fatal à la gauche israélienne, dont elle ne s’est pas remise. Israël a proposé des concessions très importantes, retrait quasi-total des territoires, évacuation de nombreuses imp lan ta t i ons , pa r t age administratif de Jérusalem. Depuis des décennies la gauche prétendait que la cause du terrorisme était l’occupation, et deux mois

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rindépendants. Les dangers pour la sécurité d’Israël d’une tel le indépendance sont mineurs et elle n’implique pas non plus l’absence totale de relations. Avec de telles mesures les Palestiniens n’auront pas encore un Etat mais disons un « presque Etat » et en tous cas leur sent iment d ’humi l ia t ion par rapport à l’occupation d im inuera . D ’ un au t re côté toutes ces mesures leur permettent de ne pas signer un accord de paix, qu’ils ne sont apparemment pas prêts à signer, et ils ne renoncent pas au droit au retour ou d’autres exigences de leur part. Personne ne fait de concessions majeures mais tout le monde est gagnant . Nous l imi tons notre domination sur eux sans danger sécuri ta ire e t eux se rapprochent de l ’ indépendance. Nous renonçons à notre exigence de mettre fin au conflit , en retour nous ne leur permet tons pas d ’avo ir des armes lourdes ou une aviation qui mettraient en danger notre sécurité. La plupart des Israéliens ne

avec de telles mesures les Palestiniens n’auront pas encore un etat mais disons un « presque etat » et en tous cas leur sentiment d’humiliation par rapport à l’occupation diminuera.

achètent, leurs relations économiques avec d’autres pays passent par Israël. Si on supprime le Protocole de Paris les Palestiniens seront économiquement

sont pas convaincus que l’on peut mettre aujourd’hui un terme au conflit, quand bien même les Palestiniens le déclaraient. Il y a trop de raisons objectives et

Même s’il ne s’agit pas d’une continuité territoriale, nous leur permettons d’avoir une con t inu i té e t une souveraineté leur permettant de se déplacer sans aucun obstacle de notre part. Ils pourront aller de Ramallah à Naplouse sans rencontrer le moindre soldat israélien. La l iberté de circulation pe rme t t r a de rédu i re dramatiquement le sentiment d’humiliation provoquée par l’occupation. Tout cela peut être réalisé sans mettre en danger la sécurité d’Israël, c’est très pragmatique.

■ Il y a aussi un autre point important dans la situation actuelle, c’est la dépendance quasi-totale de l’économie palestinienne de l’Etat d’Israël. Cela fait aussi partie du sentiment d’occupation pour les Palestiniens, que peut-on faire pour limiter cette dépendance ?

Il faut tout d’abord annuler ou amender le Protocole de Paris, le traité annexe des accords d’Oslo qui a instauré cette dépendance économique des Palestiniens. Tout ce que les Palestiniens

profondes qui rendent la fin du conflit impossible, comme par exemple le retour éventuel de plusieurs millions de réfugiés, principe auquel les dirigeants palestiniens ne peuvent ou ne veulent pas renoncer. De la même manière qu’il existe un Hybris mil i taire dans lequel on pense pouvoir résoudre un problème par une guerre, il existe un Hybris diplomatique qui suppose que l’on peut mettre fin à un conflit ancien et complexe par une poignée de mains sur une pelouse. Dans l’histoire les processus doivent parfois se dérouler de façon organique, et cela prend le temps nécessaire.

■ Soixante-dix ans après le rétablissement d’un Etat juif souverain en Israël, n’avez-vous pas l’impression que les fractures s’approfondissent dans la société israélienne au lieu de tendre vers plus d’ouverture ou de compréhension ?

Il est vrai qu’en Israël nous avons une fâcheuse tendance à catégoriser les personnes, tout ou rien, religieux d’un côté et laïques de l’autre par exemple. Je pense que les Juifs venus de diaspora, et notamment les Juifs de France, ont un rôle important car il me semble qu’en France on comprend mieux qu’il n’y a pas de monopole du judaïsme et de dichotomie. L e s p e r s o n n e s n o n pratiquantes ont un profond respect pour les croyants et l’étude des textes juifs et les Juifs religieux sont ouverts sur le monde extérieur. Nous avons besoin qu’ils influent sur la vie en Israël, pour que les laïques soient plus ouverts sur la tradition et que les religieux acquièrent une culture générale. C’est ce que nous attendons des Juifs de la diaspora et plus particulièrement des Juifs de France. ■

de la population israélienne. Nous n’avons pas la possibilité d’éliminer le conflit, il sera toujours présent, en revanche l’occupation n’est pas une fa ta l i té . S i on env isage l’occupation et la sécurité de manière quantitat ive. Au jourd ’hu i nous avons 90 % de sécurité, à savoir de temps à autre des attaques terroristes mais d’une façon générale le sentiment de sécurité prévaut. Concernant l’occupation, les Palestiniens gèrent les vi l les dans la zone A, et le reste est sous cont rô le i s raé l ien , so i t 90 % d’occupation et 10 % d’autonomie. Il est possible d’ inverser ce chif fre en donnant aux Palestiniens 90 % d’autonomie et 10 % d’occupation, avec une baisse de la sécurité à 85 ou 87 %, par un certain nombre de mesures simples. Cela veut dire que l’on peut réduire de manière dramat ique l ’occupation sans porter gravement at te inte à la sécurité. Pour réaliser cette idée, il faut accepter que le conflit ne va pas disparaître, mais que nous sommes en mesure de limiter au minimum notre contrôle sur les Palest iniens tout en évitant qu’ils menacent notre sécurité. L’occupation se manifeste avant tout dans le manque de liberté de circulation des Palestiniens, soumis à des contrô les permanents aux points de passage. I l n’y a pas de continuité territoriale entre les vi l les contrôlées par l’Autorité palestinienne et pour se déplacer les Palestiniens doivent passer par la zone contrôlée par Israël, pourquoi ne pas envisager comme cela a été fait pour certaines implantations de tracer des routes de détournement sur lesquelles ils pourraient circuler librement, et le plus important c’est que nous leur donnons la souveraineté sur ces axes de circulation.

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■ Pensez-vous que la Déclaration

Balfour est un document historique

important qui a changé le destin du

peuple juif et du Proche-Orient ou un

document marginal que le mouvement

sioniste a transformé rétrospectivement

en symbole pour conforter sa légitimité

internationale ?

La Déclaration Balfour est évidemment un document d ’une importance historique indéniable, car il s’agit de la reconnaissance du droit du peuple juif à l’autodétermination par une des grandes puissances de l’époque. La vision du peuple juif comme une nation à part entière, à la différence d’un groupe religieux, a mis en route un processus politique qui a changé le destin du peuple juif et du Proche-Orient. Il

Gidi Grinstein, fondateur de l’Institut Reout, a exercé des fonctions de conseiller politique et stratégique auprès du Premier Ministre Ehud Barak, lors des négociations avec l’Autorité palestinienne entre 1999 et 2001. Il a étudié le Droit et l’Economie à l’Université de Tel Aviv et suivi le programme de formation de l’Institut John Kennedy à Harvard. Directeur du projet Taglit pendant plusieurs années, il a créé l’Institut Reout dont l’objectif est de préparer de nouveaux modèles de pensée et d’action sur les défis de l’Etat d’Israël dans les années à venir. Dans son livre sur le secret de l’adaptabilité du peuple juif à faire face aux épreuves au cours de son histoire, il propose un concept original, celui de la « flexigidité ». Nous l’avons interrogé pour ce dossier sur les 100 ans de la Déclaration Balfour et l’évolution de la société israélienne.

prochaines décennies. Enfin et ce n’est pas le moindre, le peuple juif est, grâce à l’existence de l’Etat d’Israël, dans une position qui peut lui permettre d’apporter une contribution majeure à l’amélioration de l’humanité et à la qualité de vie de millions de personnes à travers le monde par son inventivité créatrice. C’est une ouverture nouvelle et très émouvante pour le mouvement sioniste.

■ La Déclaration Balfour a été le

premier signe de reconnaissance

internationale du droit du peuple

juif, suivie par le Mandat britannique

et l’adoption de la résolution de

novembre 1947, et pourtant la légitimité

de l’Etat d’Israël est de plus en plus

remise en cause, pourquoi Israël

n’arrive pas à la faire accepter ?

Gidi Grinstein

la vision d’Israël à l’horizon des

soixante-dix ans

Entretien avec Gidi Grinstein

Interview réalisée par Michaël Bar-Zvi

réalisé trois objectifs importants définis dès son commencement : la fondation d’un Etat, le rassemblement des exilés, et la création d’une société permettant à des millions d’Israéliens, représentant aujourd’hui la majeure partie du peuple juif, de vivre en sécurité et de prospérer. Le monde de la Tora, qui avait été quasiment éradiqué, a aussi vécu un renouveau sans précédent. Israël et les communautés juives de diaspora ont atteint, à tous points de vue, des sommets inégalés. Pour autant assurer la sécurité d’Israël et son développement comme Etat juif et démocratique ce n’est pas suffisant pour accomplir l’essence du sionisme. Il est indispensable pour la société israélienne qu’elle change sa relation aux plus démunis, son rapport avec les Palestiniens de Judée et Samarie, ses liens avec les communautés juives de diaspora, pour devenir ce qu’elle aspire à être, à savoir une société modèle. Ces changements constitueront le principal défi pour Israël dans les

est difficile de concevoir l’entreprise sioniste sans l’événement fondateur que représente la Déclaration Balfour.

■ Cent ans après la Déclaration Balfour

peut-on dire que le sionisme a atteint

ses objectifs ?

L’ e s s ence du s i on i sme e s t l a concrétisation du droit du peuple juif à l’autodétermination, et la création de l’Etat représentait à cet égard, une étape incontournable, mais le processus n’est pas achevé, car chaque jour et à chaque endroit dans le pays les Israéliens participent à cette construction et ils le font en ayant conscience qu’ils prennent une part, même minuscule, dans l’immense entreprise de renaissance d’une vie juive souveraine du peuple juif sur sa terre. Le mouvement sioniste a

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Les dispositifs qui garantissent l ’ex is tence, la force, le d éve l o p p e m e n t e t l e leadership du peuple juif existent et fonctionnent. Pour que cela pers is te i l est important que le peuple juif soit dispersé et organisé comme un réseau de communautés à travers le monde. A notre époque, l’existence d’une diaspora bouillonnante et forte est un devoir sioniste.

■ A l’époque du « village planétaire » Israël apparaît comme un petit pays qui continue de croire à la nécessité d’un Etat-nation, faut-il changer ce paradigme pour s’adapter à la réalité ?

Le cas de l’Etat d’Israël est particulier, car il combine en

lui des éléments nationaux et internationaux, l’idée de peuple (peoplehood), la religion, et la mission juive envers l ’humanité. Israël ne peut être autre chose que l’Etat de la nation juive, mais ce nationalisme est particulier car il s’adresse aussi à l’humanité entière.

■ La vision sioniste d’un

Etat réalisant les idéaux de

justice sociale et solidarité

semble avoir disparue. Israël

est une puissance militaire,

technologique, capitaliste.

Est-ce que cette évolution de

la société israélienne remet

en cause la vision originelle

du sionisme ?

La mise en œuvre d’une société modèle fondée sur

la justice sociale est au cœur

du sionisme, elle est son âme.

L’aspiration à cet idéal est

indispensable pour garantir

la pérennité de l’Etat d’Israël.

Cependant le sens de cet

idéal d’une société modèle

évolue en permanence.

Il y a en Israël des forces

importantes qui agissent

en ce sens sans relâche,

et je suis fier d’appartenir

à ce vivier. Je pense qu’au

vingtième-et-unième siècle

une société modèle est une

société qui organise en

réseau et met en relation des

communautés prospères qui

développent une croissance

dont tous peuvent tirer des

profits significatifs. Atteindre

cet idéal est possible. ■

Malheureusement la réponse est simple et la montée du phénomène antisémite en est la cause, car elle exprime la négation du droit du peuple juif à l’existence et le refus de lui accorder la capacité de s’autodéterminer. Les deux phénomènes sont intimement liés et ils font aujourd’hui partie intégrante de la réalité à laquelle Israël est confronté. Il est important de lutter contre cette délégitimation d’Israël et je pense que nous avons eu, ces derniers temps, certains succès sur cette question.

■ Quelle devrait être la

stratégie d’Israël et du

peuple juif pour assurer leur

pérennité ?

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■ Cent ans après la Déclaration Balfour, qui a été à l’origine de la reconnaissance internationale du projet sioniste, peut-on dire que le rêve des fondateurs s’est réalisé ou qu’il est encore inachevé ?

Les deux à la fois, me semble-t-il. Il y a un élément indiscutable de « réalisation » puisqu’il y a bien un État d’Israël qui existe. Le principe de l’auto-détermination du peuple juif sur la terre de son récit biblique et de son passé historique est donc une réalité. Mais en même temps, le projet reste fondamentalement inaccompli car il demeure légitime de se poser les deux questions suivantes : d’une part, puisque la déclaration Balfour évoque sans ambigüité les « aspirations juives » nous devons nous demander si l’état d’Israël dans sa forme actuelle traduit bien les « aspirations » du judaïsme. Or, il me semble que, aussi bien sur le plan des tensions internes à la société (juive)

Les Editions Lessius viennent de publier un ouvrage écrit par deux auteurs, représentant deux champs de réflexion différents, celui du politique et celui du spirituel. Pourtant ils ont en commun un souci des affaires du monde, et plus particulièrement de l’Europe, dont le destin est lié à Israël, à la fois par ses racines, mais aussi par leurs destins. Pour ce dossier nous leur avons demandé de nous livrer leurs points de vue et parfois leurs interrogations et leurs inquiétudes. Bernard Philippe, diplomate belge à l’Union européenne et ancien membre du Service d’action extérieure a répondu à la deuxième et à la troisième question de l’interview et le rabbin David Meyer a répondu aux autres questions.

europe et Israël deux destins inaccomplis

Questions au rabbin David Meyer et à Bernard Philippe

REGARDS CROISÉS ENTRE UN RABBIN ET UN D IPLOMATE

israélienne qu’au niveau des relations entre israéliens et palestiniens, nous ne pouvons pas parler d’accomplissement de ces « aspirations » Nous sommes aussi bien loin des espoirs et des visions proclamés dans la déclaration d’indépendance, pour ne citer que ce texte fondamental. D’autre part, il ne faut pas oublier que la déclaration Balfour précise que son soutien à l’entreprise sioniste est conditionné par une clause importante. Le texte du gouvernement britannique précise : « étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine » Qui peut aujourd’hui considérer que la politique israélienne ne porte pas atteinte aux droits des populations arabes — qu’elles soient musulmanes ou chrétiennes — du pays ? Donc, cent ans après, il me paraît relativement évident que le rêve des pionniers est encore très inaccompli.

■ Dans votre livre vous évoquez le lien entre la construction européenne comme le fondement d’instauration de la paix entre des nations ennemies et la résolution du conflit israélo-palestinien, pourtant ce processus reposait sur des valeurs communes ou une communauté de destin, est-ce le cas entre Israéliens et Palestiniens ?

Oui, indéniablement, l’inversion de la violence et la construction de la paix sur le continent européen se sont nourries de valeurs communes et de la perception d’une communauté de destin partagée. Mais quel chemin n’a-t-il pas fallu franchir pour y aboutir ? J’irai même plus loin en disant que cet argument porte de sérieuse limites : si les Européens avaient, dès le départ, partagé de façon si intense ces valeurs et la matrice religieuse commune qui les nourrit et fait une large place au pardon, ils ne se seraient pas affrontés au cours de deux guerres qui ont dégénéré en conflits mondiaux avec des millions de morts. Du coup, la réconciliation entre Allemands et Français en particulier — qui se prenaient pour des ennemis éternels — n’est pas tombée du ciel et la réconciliation entre Pologne et Allemagne est loin d’être achevée. La paix c’est d’abord un combat. Il a fallu, comme il faut encore construire cette communauté et ces valeurs, sortir des haines anciennes, d’une perception du caractère inéluctable de la violence et, encore et encore, imaginer courageusement un autre à-venir. Le travail de la paix est loin d’être fini, même en Europe. De ce

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l ’eau, ce qui selon nous touche tout autant le futur que le passé. C’est cette même intuition que l’on retrouve dans l’ouvrage qui vient de remporter le prestigieux prix des libraires allemands, décerné en octobre 2017 à Robert Manasse. Intitulé « Die Haupstadt » (la capitale), ce livre croise petite histoire et grands enjeux de l’Europe d’aujourd’hui . Mais c’est sa conclusion qui lui a fait gagner le prix. S’interrogeant sur le besoin d ’un l ieu fondateur pour le futur de l ’Union européenne, le livre discute le besoin d ’une nouvel le capi ta le qu’il faudrait construire à un endroit dont l’histoire été décisive pour l’idée de l’intégration européenne, mais une histoire que notre Europe veut dépasser et qui soit le fanal éternel pour la politique future de l’Europe. La discussion reflétée dans ce livre aboutit ainsi à proposer… Auschwitz, en tant que ville du futur. En même temps, ville qui ne pourrait jamais oublier ( le « plus jamais ça » fondement sur lequel l’Europe est construite) et en même temps, « promesse » pour tout futur.

■ Vous dites qu’il faut « rabbiniser » les discours et les pensées sur Israël, pouvez-vous nous expliquer cette expression pour le moins paradoxale ?

objet d’idolâtrie. Pour cela, il faut trouver les termes d’un discours sur Israël qui garantisse le maintien d’une certaine distance entre Israël et le judaïsme. Or aujourd’hui, la tradition juive est incapable de formuler de telles pensées.

■ Vous portez un jugement très sévère sur la société et la politique israéliennes, pour autant chaque fois que des gouvernements israéliens ont proposé des plans de résolutions du conflit (Barak à Camp David en 2000, retrait de Gaza par Sharon, Olmert à Annapolis en 2008) les Palestiniens les ont rejetés et ont entamé des cycles de violence. Les Palestiniens ont-ils vraiment accepté l’existence d’un Etat juif ?

Je ne suis pas certain qu’il s’agisse véritablement d’un « jugement sévère » comme vous le dites. Je suis plutôt parti d’un constat. Un constat factuel, basé sur les réalités démographiques du pays. Ce constat est affligeant car il indique que l’avenir se dessine dès à présent comme l’échec de l’esprit des aspirations portées par la déclaration d’indépendance et par les enseignements d’une tradition religieuse mil lénaire. Chacun sai t , même si il est douloureux de se l’avouer, que les tendances d é m o g r a p h i q u e s n e permettront pas de maintenir un semblant de démocratie et d’égalité dans ce pays tant qu’Israël restera déterminé par l’idée du maintien d’une « majorité juive dans le pays » C’est cette constatat ion qui est sévère. Pas mon jugement. Mais je souhaite répondre à votre question, qui évoque très directement les propositions de plans israéliens rejetés par les Palestiniens, en vous citant un midrash. C’est un très bref texte sur Caïn et Abel. Nous savons tous que dans

« Rabbiniser » Israël cela signifie deux choses. D’une part, cela signifie retrouver une créativité caractéristique de la pensée juive la plus classique — donc rabbinique — que l’on pourrait appliquer à Israë l . Cet te pensée, normalement audacieuse, indépendante et faite de Hidushim , ne peut pas se contenter de penser Israël dans des termes entendus cent fois déjà et qui finalement ne mènent à rien et ne sont que lettres mortes et vœux pieux. Parler d’un État juif et démocratique a lo r s que l e ma in t i en d’une majorité juive est incompatible avec les bases de la démocratie, évoquer le lien historique et religieux à la terre alors que celui-ci se traduit par la domination par la force d’un autre peuple, rêver d’une « éthique » juive de style prophétique qui déterminerait le caractère spirituel de l’État alors les facteurs démographiques se t radu i sen t par une absence d’égalité entre les communautés juives et non juives dans le pays, tous ces discours ne font que discréditer et Israël et le judaïsme. Ma proposition est donc de rechercher les termes d’un discours rabbinique sur Israël qui serait avant tout créatif, c’est-à-dire capable de formuler une approche théologique et herméneutique audacieuse qui offre au judaïsme, et donc au peuple juif, la possibilité de penser Israël autrement. En particulier en libérant cette pensée de la problématique d é m o g r a p h i q u e q u i considère aujourd’hui que cet État se doit de maintenir « à tout prix » une majorité juive dans le pays. D’autre part, « rabbiniser » Israël c ’est aussi se refuser à idolâtrer cet Etat, tout comme les rabbins étaient parvenus à interpréter la Torah sans que celle-ci ne devienne un

point de vue, Hannah Arendt ne cesse de nous éclairer en nous rappelant le caractère sans doute universel – et donc pour tous — des valeurs qui fondent tout processus de paix, qu’on les appelle ( se lon nos préférences ou nos inclinaisons) : paix, réconciliation ou pardon, mais qui sont des passages obligés pour sortir des haines anciennes. C’est ainsi que, pour Arendt, le pardon, dans un sens laïque, doit être mis à la disposition de tous et se présente comme une clé du vivre ensemble « si l’on veut rester de libres agents et commencer du neuf ».

■ Vous dites que l’Europe restera inaccomplie tant que le conflit du Proche-Orient ne sera pas résolu, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, alors que l’on voit d’autres conflits se dérouler dans cette même région entre Sunnites et Chiites, entre Musulmans et Chrétiens d’Orient ou les tensions avec les Kurdes ? Ceux-là n’intéressent pas l’accomplissement de la construction européenne, tout autant ?

Dès le tout début de notre livre (p. 6), une phrase peut surprendre. On y affirme sans détour que : « Réussir Israël, c’est aussi réussir l’Europe », idée qui sous- tend une bonne partie de l’ouvrage. Elle ne se fonde pas sur un raisonnement mathématique imparable. C’est une intuition. Profonde, elle procède des liens si étroits qui unissent Europe et Israël. Et ceci, au point que sans la paix en Israël, l’Europe ne peut que rester bancale, comme une table à laquelle il manque un pied. La question d’Israël est ainsi constitutive de l’Europe, dans le sens premier, c’est-à-dire : « qui entre dans la composition de… », comme l’oxygène et l’hydrogène sont les éléments constitutifs de

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le verset 8 du chapitre 4 de la Genèse, la Torah est très silencieuse non seulement sur les motifs du meurtre fratricide, mais surtout sur le contenu du dialogue que Caïn et Abel auraient eu. Ainsi le verset dit : « Et Caïn dit à Abel son frère, et ce fut lorsqu’ils furent dans le champ que Caïn se leva contre son frère Abel et le tua ». Que se sont-ils dit ? Silence du verset biblique. Face à ce silence, le midrash (Bereshit Rabbah 22), invente un dialogue afin de combler ce manque. Je vous cite le texte dans sa totalité car il vaut la peine : « Et Caïn dit à Abel son frère, et il fut lorsqu’ils se trouvèrent dans le champ etc » De quoi débattirent-ils ? Ils dirent, « allons et partageons le monde » L’un prit les terres et l’un prit les biens meubles. Celui-ci dit, « la terre sur laquelle tu te tiens est à moi » et celui-là dit : « ce avec quoi tu te vêts est à moi » Celui-ci dit, « défais-toi [de tes vêtements] » et celui-là dit, « vole » De là, « et Caïn se leva contre Abel son frère et le tua ». Ce texte est impressionnant, audacieux et tellement proche de la réalité que nous connaissons. Les rabbins, ici, ne se contentent pas d’évoquer une platitude, à savoir que ce serait justement l’absence de parole entre les deux frères qui serait la cause de la violence. Non, il y a bien dialogue, un vrai dialogue emprunt de sophistication et d’une certaine recherche de justice. Les deux frères évoquent le partage comme solution, tout comme certains diplomates, politiciens et premiers ministres israéliens l’ont fait. Mais ce dialogue là s’effondre dans la violence car le par tage que les deux frères proposent est

entendu. Mais contrairement au Brit Shalom, dont la vision des relations entre juifs et musulmans en Palest ine était très naïve, nous devons aujourd’hui faire face à une réalité sans trace de naïveté ou de romantisme. C’est pour cela que je termine ma contribution au livre en évoquant l’idée d’un vivre ensemble sans amour. Une sorte de reformulat ion, une distorsion du célèbre enseignement de Hillel. Oui, dans un état il est possible de vivre ensemble sans s’aimer réellement. Il faut des règles, des devoirs, des codes. Tout cela demande de la flexibilité, de la créativité, une capacité d’adaptation permanente. Vous savez, j’ai été longtemps rabbin en Belgique, un pays construit sur un modèle fédéral avec les tensions que l’on connaît entre les différentes communautés. Il y a les barrières culturelles et l inguist iques entre le nord et le sud du pays et cela n’est pas nouveau. Et pourtant, sans grand amour entre Wallons et Flamands (pour ne citer que ces deux entités), il y a tout de même un « minimum commun » qui donne une ident i té au pays et qui lui permet de fonctionner, même si ce fonctionnement reste fragile et incertain. Entre Israéliens et Palestiniens les problèmes sont sans doute plus denses qu’entre Wallons et Flamands, mais la question n’est pas là. La question est de savoir si l’on se donne les moyens d’une créativité qui permet d’inverser tous les obstac les que vous évoquez afin de trouver une modalité de vivre ensemble qui garantisse la paix. Et là, l’exemple de l’Europe et de la construction européenne – même si bien mal en point aujourd’hui – reste particulièrement pertinente comme le rappelle Bernard Philippe dans sa partie du

Oui, dans un état il est possible de vivre ensemble sans s’aimer réellement. Il faut des règles, des devoirs, des codes.

simplement inviable. Tout comme l’un ne peut pas quitter la terre et « voler » l ’autre ne peut pas « se déshabiller » L’impossibilité de cette vision d’un partage ne fait qu’amener la violence car au-delà des paroles, ce que cherchent les deux frères c’est à faire en sorte que l ’ au t re d ispara isse de « son monde » Il s’agit d’une séparation pour faire disparaître l’autre. Or dans la réalité politique d’aujourd’hui, les propositions israéliennes que vous venez de rappeler évoquent également un partage, mais un partage non-viable, un partage sans reconnaissance de l’autre, sans attention pour l’autre. C’est une séparation qui camouffle la volonté d’une « disparition » pure et simple de l’autre. Et tout comme dans le midrash, cela se traduit par de la violence. Ce sont des solutions viables qu’il faut proposer et non pas des solutions non-viables.

■ Vous affirmez, comme l’estiment beaucoup d’observateurs aujourd’hui, que la solution de deux Etats pour deux peuples n’est plus pertinente et que l’on évolue lentement vers un Etat bi-national, qu’il « faut penser théologiquement ». Au fond ne s’agit-il pas d’un retour à l’idée du Brit Shalom de Martin Buber dans les années ? Peut-on vivre ensemble sans s’aimer, avec les conséquences démographiques, sociales, politiques que cela comporte ?

Oui, d’une certaine façon le projet du Brit Shalom aurait pu porter des fruits intéressants s’i l avait été

livre. L’Europe c’est l’histoire de l’inversion de la violence et de la haine dans une vision politique d’un avenir commun. C’est pour cela que l’Europe a un message qui doit être entendu.

■ Vous estimez qu’il doit se forger « une tension créatrice entre la loi juive et le droit international », pouvez-vous nous expliquer en quoi elle consiste ?

Dans ce t t e pa r t i e du livre que vous évoquez à présent, Bernard Philippe et moi-même (il s’agit là du troisième chapitre que nous signons tous les deux) nous revenons sur l’expérience de la construction européenne, inversant la violence et la haine pour construire l’avenir. Cette inversion ne se fait pas dans une vision romantique d ’un amour qui unira i t soudainement les différentes n a t i o n s d e l ’ E u r o p e . L’inversion dont il est question passe par le droit, par la loi, par les « petits pas » de la loi. Malheureusement, évoquer le droit et en particulier le droit international est vécu, en Israël, comme l’introduction d ’ u n e n o u ve l l e a r m e diplomatique dont le seul but serait la destruction de l’état. Israël ne veut pas entendre parler du droit international. Pourtant, l’idée des « petit pas de la loi » est une notion profondément ancrée dans la réflexion rabbinique, depuis l’époque de Jethro et Moïse et ce jusqu’à ce jour. Il nous a donc semblé intéressant de comparer l’introduction de la loi dans le judaïsme par Jethro ( le non juif) avec l’idée d’une référence universelle au droit (et donc au droit international) dans les réflexions contemporaines juives sur Israël. L’idée d’une tension créatrice entre ces deux références à la loi serait de chercher à traduire en termes halakhiques – donc en termes identifiables par

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Cette universalisation n’a pourtant pas empêché les rabb ins de déve lopper une herméneutique juive spéc i f ique qu i , ma lgré l ’ un iversa l i té du tex te , préserve un rapport singulier que le peuple juif entretient avec son texte fondateur. Je vois dans cette réalité l’image de ce que l ’Etat d’Israël pourrait devenir pour le peuple juif.

Même si Israël a été créé comme un particularisme juif, au sortir de la Shoah, abandonner l ’ idée d’une suprématie démographique juive sur le pays reviendrait à universaliser Israël, tout comme la traduction grecque universal isa la Torah. I l suffirait alors de développer u n e h e r m é n e u t i q u e juive d’Israël, capable de singulariser un lien unique entre le peuple juif et Israël pour que ce pays puisse continuer à avoir un sens pour

le judaïsme sans sombrer dans le carcan du piège de la définition démographique. Ce sont les contours de cette herméneutique d’Israël que j’ai tenté de décrire dans les pages de ce livre. Dans cette herméneutique, le judaïsme diasporique tient une place importante. C’est lui, précisément à cause de la distance qu’il entretient avec Israël, qui peut être le géniteur d’une réflexion plus créatrice et plus audacieuse.

Les juifs de la diaspora, plutôt que de se considérer comme valets ou un relais d’Israël, devraient plutôt rechercher dans les textes de la tradition e t dans leurs propres pensées une façon de libérer Israël de ses propres démons et de faire en sorte que ce pays puisse, tout comme l’a été et continue à l’être la Torah, devenir une source de fécondité pour le judaïsme et le peuple juif. ■

la tradition rabbinique – les concepts et les valeurs du droit international aujourd’hui, lorsque celui-ci se penche sur les prob lémat iques du conflit entre Israéliens e t P a l e s t i n i e n s . U n e tel le démarche pourrai t permettre de démystifier les craintes israéliennes vis-à-vis de l’ implication des instances internationales dans le conflit, et surtout de positiver la référence au droit et à la loi comme facteurs incontournables de l’inversion de la violence.

■ Une des idées centrales de votre livre est de penser ou de repenser Israël comme la Torah, pouvez-vous développer cette formule et nous exposer le rôle que peuvent ou doivent jouer les Juifs de la diaspora dans cette réflexion ?

Penser Israël comme la Torah, cela signifie d’une

part trouver les modalités d’un discours juif sur Israël qui se refuse à idolâtrer l’Etat. Tout comme le yad, à la synagogue, maintient une distance physique entre le texte et le lecteur, distance qui est garante de la non-appropriation radicale du texte, nous devons également apprendre à parler d’Israël sans s’approprier l’Etat ou ses symboles et en préservant une distance critique.

Or vous le savez, cette d i s t a n c e c r i t i q u e e s t qua s imen t i n ex i s t an t e aujourd’hui. Mais la Torah c’est aussi le l ivre dont l ’or igine s ’apparente au particularisme juif puisque c’est bien au peuple juif que Dieu la donna. Or la tradition rabbinique, en autorisant la traduction en grec de la Torah, universalise ce texte. D’un coup, la Torah devient également la propr ié té des autres, des non-juifs.

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Bloc-notes

Hamevasser a sélectionné pour vous

en partenariat avec

UN FUSIL, UNE VACHE, UN ARBRE ET UNE FEMME Meïr Shalev Editions Gallimard

Le jeune Ze’ev Tavori quitte sa Galilée natale pour s’installer au sud du mont Carmel dans un des nouveaux villages de la Palestine mandataire. Si sa pépinière prospère, son mariage avec la jeune femme que son père envoie le rejoindre, lui, tourne mal. Depuis, personne n’a jamais osé parler de ce qui a pu se passer en cet hiver 1930 : les Tavori ont

supporté le joug de Ze’ev, marqué par l’amertume, la colère et la vengeance. Seule Ruta Tavori, sa petite-fille, enseignante et esprit rebelle, a compris comment son grand-père a vraiment perdu son œil, pourquoi il conserve toujours ce vieux fusil allemand, et ce que sa femme semblait toujours

rechercher. Ce n’est que bien plus tard, lorsque Ruta sera à son tour frappée par une tragédie, que Ze’ev révélera un tout autre visage et que Ruta choisira de ne plus se taire. Dans un conte magistral, riche en émotion et plein d’humour, Meir Shalev évoque les grands thèmes de l’Ancien Testament – amour et trahison, résilience et expiation –, depuis la Palestine britannique jusqu’à Israël aujourd’hui, quand le pardon devient finalement possible. ■

Tragi-comédie modernesur la terre biblique

LA VILLE SANS JUIFS « ROMAN D’APRèS-DEMAIN » Hugo Bettauer Éditions Belfond

Né en Autriche en 1872 dans une famille juive, H. Bettauer est un journaliste, romancier,

dramaturge, mais aussi un personnage provocateur qui dérange les bonnes consciences. Un an après avoir fondé le journal « Elle et Lui : hebdomadaire pour une culture de la vie et de l’érotisme » il est abattu par un jeune nazi dans une

rue de Vienne. « La ville sans Juifs », publié en 1922 est un récit de politique-fiction étonnamment prémonitoire, décrivant la montée de l’antisémitisme en Autriche. Le roman raconte l’expulsion des Juifs de la ville de Vienne, suite à une décision du Parlement autrichien. Après le départ du dernier Juif, fêté dans l’allégresse, l’euphorie retombe très vite. Des secteurs entiers de l’économie s’effondrent. Le chômage et l’inflation galopent alors que la vie intellectuelle et culturelle tombe au plus bas. Best-seller en son temps, ce roman a été adapté au cinéma, comme d’autres œuvres de Bettauer, tombées aujourd’hui dans l’oubli. Une bobine du film a été récemment retrouvée par un collectionneur au Marché aux puces et est actuellement en cours de restauration. Satire de la lâcheté politique et de la grégarité, ce petit chef-d’œuvre comprend des phrases qui sonnent comme le comble de l’ironie, notamment celle où l’auteur fait dire à un des personnages : « Croyez-vous que les Allemands sont aussi crétins que nous et qu’ils vont flanquer leurs Juifs dehors ? ». ■

La réalité dépassera la fiction

CHIITES ET SUNNITES, LA GRANDE DISCORDE EN CENT QUESTIONS Pierre-Jean Luizard Éditions Tallandier

Spécialiste du Proche-Orient et de l’islam, l’auteur décrit dans un langage pédagogique

et en 100 questions/réponses un conflit confessionnel millénaire. Comment l’islam s’est-il divisé ? Comment s’est construit le sunnisme ? Comment s’est forgée la martyrologie chiite ?

Pourquoi y a-t-il une non-reconnaissance réciproque des deux c o m m u n a u t é s ? Quelle est la position de l’Iran chiite face au monde sunnite ? P o u r q u o i l e s Printemps arabes ont-ils dégénéré ? Quel est le rôle des grandes puissances

dans le conflit ? À la mort du Prophète, en 632, la jeune communauté musulmane s’est déchirée sur sa succession, déclenchant la première grande discorde (fitna). Un désaccord resté irrésolu. Après l’échec de multiples tentatives de rapprochement au cours des siècles, on assiste aujourd’hui au retour d’une nouvelle fitna opposant les deux principales branches de l’islam, chiites minoritaires contre sunnites majoritaires à 85 %. Les causes en sont largement contemporaines : faillite de certains États arabes, émancipation des communautés chiites arabes, éclatement de l’autorité religieuse chez les sunnites. Ces conflits trouvent leur épicentre au Moyen-Orient, mais se propagent au reste du monde : Inde, Pakistan, Indonésie… ■

Un outil pour comprendre le chaosdu monde islamique

LÀ Où L’HISTOIRE SE TERMINE Alessandro Piperno Éditions Liana Levi

Né en 1972, A. Piperno vit à Rome, où il enseigne la littérature. Auteur de plusieurs romans, qui décrivent avec une ironie féroce les milieux de la bourgeoisie juive romaine,

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Pierre-Jean Luizard intervient régulièrement dans les médias français

sur les conflits du Moyen-orient

Youtube

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 21 • המבשר

il décrit dans ce livre avec bienveillance un personnage douteux, dragueur invétéré criblé de dettes, revenant d’un exil forcé en Californie. Descendant d’une longue l ignée de rabbins, de penseurs, d’avocats, Matteo Zevi est un mauvais père, un mari volage ayant épousé quatre femmes dont deux par

convenance, et ne compte plus qu’un seul ami. De retour à Rome, après la mort de son créditeur, il retrouve après seize ans d’absence, sa ville natale, son quartier juif La piazza et ses enfants qui l’attendent sans l’attendre avec indifférence et animosité, tandis que son ex-femme en éternelle Pénélope s’efforce de recoller les morceaux. Résolu à dévorer la vie, Matteo redécouvre une ville qui conjugue beauté et délabrement, comme sa propre vie. Mais en Italie comme ailleurs un tournant d’époque marque la fin de l’histoire et change totalement la donne. Un roman surprenant sur la façon dont l’histoire avec un grand H nous menace, même si comme le dit Piperno « nous faisons notre possible pour ne pas la regarder dans les yeux, et d’ailleurs elle s’en fiche, elle poursuit sa route ». ■

La fin de la bourgeoisie juive de Rome

UNE TRAHISON FRANçAISE Walid Al-Husseini Éditions Ring

Emprisonné et torturé dans les geôles de l’Autorité palestinienne pour avoir critiqué

l’islam, W. Al-Husseini a échappé à une exécution. Réfugié politique en France, sous protection policière, il continue à dénoncer non seulement les dérives mais la collaborationnistes de cette idéologie dans la société française. En découvrant la France, l’auteur a voulu savoir si nos élites pouvaient trahir leur propre peuple. Il a remonté

les fils de connexions insoupçonnables, les tunnels et les arcanes de la honte et dénonce la « fatwa contre la démocratie laïque », les bienfaiteurs de l’ennemi qui sacrifient identité, valeurs et dignité par peur ou refus de lutter contre le fléau. Le mal gagne du terrain parce qu’on préfère la politique de l’autruche à celle du combat pour la liberté. « Au nom du respect de l’autre, du pluralisme et de la liberté, la France en particulier et les pays occidentaux en général ont fait le lit de l’extrémisme qui, paradoxalement, rejette la diversité et la

liberté. » Al Husseini démontre, de l’intérieur, que la question n’est pas seulement celle de l’islam radical ou du djihad, mais bien celle d’une réforme de l’islam, incluant une relecture du Coran pour l’expurger de ses fondements violents. ■

Les complices de l’islam radical

DJIHADISME : LE RETOUR DU SACRIFICE Jacob rogozinski Éditions Desclée de Brouwer

La violence des attentats terroristes des dernières années n’avait pas permis d’avoir suffisamment de recul pour penser ce phénomène nouveau pour les sociétés occidentales. Pris dans le tourbillon des événements en France et dans les zones de conflit, l e s p e n s e u r s occ iden taux se sont réfugiés dans des notions fourre-tout , i s lamisme, r a d i c a l i s m e , fondamental isme sans analyser en profondeur le dispositif qui permettait cet engagement dans le djihadisme. Ce que met en avant l’auteur c’est la dimension religieuse de passage, qu’il interprète comme une conversion au fanatisme avec une forte dimension d’identification. Le dispositif de terreur se nourrit des révoltes sans issue et de l’échec des combats pour l’intégration. Le djihadisme est apparu comme une réaction au mouvement de renaissance de l’islam du début du vingtième siècle la Nahda qui avait essayé de réformer l’islam et de l’adapter à la modernité. « Avec les attentats suicides des djihadistes, c’est à un retour du sacrifice que nous assistons, sous la forme de l’auto-sacrifice. On n’a donc pas affaire à un retour du religieux mais à un retour du sacré et de la violence sacrificielle au sein du religieux ».■

Comprendre » le dispositif djihadiste

QUI NE DIT MOT CONSENT Alma Brami Mercure de France

A l’heure où la parole des femmes se libère sur le harcèlement sexuel, Alma Brami nous propose un livre sur la domination masculine et la soumission « volontaire » des femmes dans le cadre du mariage. Elle dresse avec acuité le portrait d’une femme meurtrie pour qui le couple est devenu un piège. Isolant sa femme et sa famille, un mari impose une série de « ménages à trois » en assurant son

épouse de son amour pour elle. Situation insupportable que la femme accepte pour garder son mari, alors qu’elle le perd et qu’en définitive il la détruit petit à petit. On comprend m a i n t e n a n t l e courage qu’il faut à une femme pour sortir de cette forme de consentement, qui n’est au fond que le début de l’humiliation. Le silence est parfois, souvent, le meilleur moyen de sauver les apparences et de garder la face, mais à quel prix ? Avec son style, parfois corrosif, A. Brami réussit à nous faire vivre l’univers de cette femme, déchirée entre la réalité et son aspiration au bonheur, même s’il n’est qu’éphémère. ■

La violence conjugale passive

DU SANG SUR LES IDÉES – MANIFESTE DE LA PHILOSOPHIE ExPÉRIMENTALE Paul trouillas Éditions Hermann

Universitaire scientifique, l’auteur est un spécialiste de la psychologie collective en France, notamment dans un livre remarqué sur la figure de Marianne. Son nouveau livre au titre choc est un réquisitoire philosophique à charge contre deux penseurs, Marx et Nietzsche, qu’il accuse d’être les incitateurs de crimes contre l’humanité, des grandes tragédies du xxe siècle ayant entraîné la mort de 160 millions de personnes. L’auteur propose une autre méthode, appliquée en sciences, mais pas assez en philosophie : le contrôle par l’expérience,

qui permet de trancher entre le vrai et le faux, entre le moral et l’immoral, entre le juste et le crime. Les idées des Lumières se sont fondées sur cette méthode pour construire un monde plus juste, sur le plan

intellectuel et éthique. Aucune société n’est à l’abri d’une dérive irrationnelle et violente. « En cas de grande crise de la planète, il ne restera qu’eux, les philosophes expérimentaux-pour tenter d’endiguer les philosophies fausses… pour empêcher les catastrophes historiques. » ■

Quand les idées tuent

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22 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

Mais il faut peut-être rappeler ici que, contrairement à l’idée reçue, le peuple juif n’a pas attendu les Lumières pour s’adapter à son temps. Il l’a fait à chaque grande période de son histoire : aux époques perse, hellénistique, romaine, médiévale, et bien sûr, étape décisive, à l ’époque moderne. « Adopter et adapter », telle pourrait être sa devise. S’inspirer de ce que les autres ont de

Il y a quelques semaines, un Rabbin israélien, Shlomo Amar, déjà connu pour avoir déclaré que l’homosexualité était « une abomination », s’est à nouveau distingué en affirmant que les juifs libéraux étaient « pires que les négationnistes ». J’aurais traité par le mépris ces propos scandaleux, si ce Rabbin n’avait été invité à s’exprimer (et ce n’est pas la première fois) dans une synagogue consistoriale parisienne, où la présence du Grand Rabbin de France a été annoncée, puis démentie pour cause, non pas de désaveu de ces propos, mais d’emploi du temps...

Par Ariane Bendavid

Directrice du Talmud-Torah de l’ULIF-Copernic

Maître de Conférences, UFR d’études hébraïques, Paris IV-Sorbonne

Dans les communautés juives françaises d’aujourd’hui, le mot « libéral » est presque devenu une insulte. Le seul nom de « Copernic » suffit souvent à provoquer chez les plus orthodoxes une véritable levée de boucliers. Rien ne peut justifier un tel rejet, bien au contraire. Lorsque le mouvement réformé – devenu libéral - est né, au 19e siècle en Allemagne, puis en France – pionnière de l’émancipation - il a répondu au désarroi de très nombreux juifs qui ne se reconnaissaient plus dans les communautés orthodoxes.

Loin de les éloigner de leur religion de naissance, il a permis à ces juifs émancipés de retrouver le chemin de la synagogue.

Le culte s’est modifié, adapté, ouvert à la modernité, et au pluralisme.

Ariane BenDavid

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meilleur pour l’adapter à sa propre vision du monde, sans jamais oublier ses propres valeurs. C’est ce qu’Ahad Ha-Am, le chantre du sionisme culturel, appelait « imitation positive ». Celle qui sert de tremplin, et qui permet le progrès. Il n’y aurait pas eu de Philon d’Alexandrie ni de Maïmonide sans la philosophie grecque, pas de Mendelssohn, Rosenzweig ou Levinas, sans la philosophie occidentale. Mais peut-être Shlomo Amar considère-t-il ces penseurs comme superflus, voire hérétiques ? Oserais-je lui dire alors que la Torah elle-même s’est souvent inspirée des mythes environnants, que la loi dite du Talion, « œil pour œil, dent pour dent », figurait déjà dans le code d’Hammourabi, longtemps avant la rédaction de la Torah, et que l’expression « Tu aimeras l’Eternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme » est un emprunt, transposé, aux serments de vassalité assyriens ?

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Sa déclaration prenait place dans le contexte de débats qui opposent

depuis quelques années les juifs

orthodoxes aux femmes israéliennes qui

réclament - en vain - un espace mixte

devant le « Mur des Lamentations ».

L’objectif de Shlomo Amar : réaffirmer

que la Torah est La vérité, et que la

mixité est une atteinte à la pudeur.

libéralisme - négationnisme :

quand la foi s’égare

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occidentaux ont voulu le combler. Ils ont saisi la main qu’on leur tendait, ils ont fait tomber les barrières du ghetto physique et spirituel dans lequel ils étaient enfermés, sans aucune chance de progrès social ou culturel . La Haskalah – équivalent juif des Lumières - est parvenue à faire du peuple juif un ‘interlocuteur valable’ au sein des nations. Depuis, le monde occidental doit compter avec lui. Il a su y prendre sa place, et une place de choix. Et contrairement encore aux idées reçues, et n’en déplaise à Monsieur Amar, les juifs de France sont, dans leur immense majorité, des libéraux… mais hélas des libéraux qui n’osent pas se l’avouer, et encore moins l’avouer aux autres - en grande partie parce que les instances orthodoxes font peser sur eux une terrible culpabilité, dont les propos insultants de Shlomo Amar ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Bien sûr, cette entrée dans la modernité a souvent impliqué un éloignement vis-à-vis de la pratique religieuse. Mais ce judaïsme ouvert, accueillant, respectueux de ‘l’étranger’, n’est autre que celui que prônaient les Prophètes d’Israël, qui déjà subordonnaient le rituel à l’éthique : « Je suis las de vos holocaustes de béliers (…) Apprenez à bien agir, recherchez la justice ; rendez le bonheur à l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la cause de la veuve » (Isaïe 1, 11-17). « Voici le jeûne que j’aime : c’est de rompre les chaînes de l’injustice, de dénouer les liens de tous les jougs, (…), de partager ton pain avec l’affamé, de recueillir dans ta maison les malheureux sans asile » (Isaïe 58, 6-7).

Le judaïsme a toujours accepté en son sein les courants les plus divers, et c’est ce qui fait sa richesse. A l’époque où fut rédigé le livre de Ruth, deux écoles s’opposaient en Israël : l’une nationaliste et xénophobe, celle d’Ezra et Néhémie, qui préconisait la répudiation des femmes étrangères ; et l’autre qui, convaincue que l’immobilisme religieux et l’isolement étaient aussi vains qu’absurdes, prônait l’accueil de l’étranger. Non seulement le Livre de Ruth est entré dans le canon biblique, mais la tradition considère même cette convertie, une Moabite, l ’ennemie par excellence, comme l’ancêtre du roi David. Il lui a suffi de prononcer cette petite phrase : « Ton Dieu sera mon Dieu ».

Sans la Torah, c’est certain, le peuple juif n’aurait pas survécu en exil. La tradition est sans conteste la colonne de feu qui a guidé Israël dans ses exils successifs et lui a permis de traverser les siècles d’une histoire chaotique sans perdre ni son identité ni son patrimoine culturel. Pendant deux millénaires, le juif s’est défini par la pratique des commandements, qui lui dictaient son comportement du lever au coucher. Cette volonté de s’abriter, selon les termes de Martin Buber, «derrière l’ouvrage fortifié de la Loi », a sans nul doute permis sa survie. Mais cette pratique seule n’aurait pas été suffisante. Car en restant fermés sur eux-mêmes, les juifs seraient peut-être morts asphyxiés. Ils auraient peut-être disparu, comme de nombreuses civilisations de l’Antiquité - sumérienne, babylonienne, assyrienne, égyptienne… Leur survie, ils la doivent aussi, et peut-être surtout, à leur extraordinaire faculté d’adaptation, elle-même déjà prônée par le Talmud, qui stipule qu’on doit vivre avec son temps et que « La loi du pays est la loi ».

De cette volonté d’adaptation est donc né le judaïsme libéral.

Il se veut une religion moderne, capable de s’enrichir des apports extérieurs, ouverte sur le monde, bien implantée dans la Cité, et parfaitement compatible avec la laïcité de la République française.

Une religion qui refuse les superstitions, qui ne craint pas de jeter un regard critique sur les textes « sacrés », ne juge pas l’Autre en fonction de ce en quoi il croit, respecte les libertés de conscience, de culte, et d’expression. Le grand progrès de l’ère moderne en matière de religion est l’acceptation de l’Autre dans sa différence, y compris dans son athéisme.

Car on peut parfaitement, sans la moindre contradiction aujourd’hui, se sentir profondément juif tout en n’étant ni croyant ni pratiquant.

Jusqu’au 18e siècle, un abîme séparait les juifs des peuples dont ils partageaient pourtant la terre. Cet abîme, les juifs

Les juifs libéraux ne sont que les héritiers de ce judaïsme d’ouverture.

Bien sûr, vous pourrez me rétorquer que le libéralisme favorise l’assimilation et les mariages mixtes. Mais il s’agit en réalité d’un phénomène sociétal qui rend plus indispensable encore l’existence de communautés libérales. Face à la multiplication des mariages mixtes, une question vitale se pose aujourd’hui à nous, juifs français : pouvons-nous, tant sur un plan strictement démographique, que sur un plan éthique, rejeter tous ces couples, et surtout, tous les enfants de mère non juive ou convertie en dehors du Consistoire – alors même que c’était bien la patrilinéarité qui prévalait à l’époque biblique? Il en va aussi de la définition de l’identité juive. Ne serait-elle qu’une question de naissance, et non de culture, de volonté d’appartenance, de sentiment d’identité ? Est-ce un crime de préférer l’accueil de l’autre à la fermeture sur soi ? De donner la préférence à l’adage talmudique qui enseigne : « Un étranger qui veut se convertir, tu le feras entrer sous l’aile de la Shekhina – la Présence divine » ? Des dizaines de milliers d’enfants de père juif sont élevés dans le judaïsme. Ils portent un nom juif, ils sont perçus comme juifs par leur entourage, ils se revendiquent comme tels, mais ne le sont pas aux yeux de leurs propres coreligionnaires… N’y a-t-il pas là un terrible paradoxe, auquel il est grand temps de répondre ? Certes, les conversions sont possibles au sein du Consistoire, mais le « parcours du combattant » qui attend les candidats en décourage plus d’un.

Loin donc d’être un danger, le libéralisme est sans doute le dernier rempart contre la disparition du judaïsme de diaspora.

Il est le seul à répondre aux défis de la modernité et de la mondialisation. Ne donnons plus la parole à ceux qui propagent un judaïsme de haine et de division. L’ennemi lui-même, selon la Torah, a droit au respect. Et nous ne sommes pas des ennemis. ■

Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 23 • המבשר

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Accompagné par Ariane Bendavid, un groupe de voyageurs passionnés vient de passer une semaine en ouzbékistan. Le séjour, sur les traces des juifs de l’ancien empire perse, était remarquablement organisé par l’Agence Continents5, et a combiné, comme toujours, visites, rencontres (notamment avec l’Ambassadeur d’Israël) et conférences.

Séjour organisé par l’Agence Continents5, accompagné et animé par Ariane Bendavid

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route de la soie, à laquelle s’ajoutait le commerce de tap is , fourrures , coton, tabac, vers et depuis l’Inde, l ’Afghanistan, la Chine… L’origine persane des juifs de Boukhara est confirmée par de nombreux manuscrits et simplement aussi par leurs noms. Beaucoup ont longtemps parlé un dialecte issu du tadjik et du perse.

Malheureusement, le seul vest ige que nous ayons d’une présence juive aussi lointaine en Asie centrale est une synagogue découverte au Turkménistan, qui daterait du 3e siècle de notre ère. Selon d’autres traditions, les juifs seraient venus se réfugier dans la région au 7e s, après la défaite des Sassanides qui avaient régné sur le Grand Iran de 224 à la

Boukhara, Samarkand, deux villes mythiques, des noms qui font

rêver… Certes, elles sont surtout connues pour leurs magn i f iques madrasas , mosquées ou mausolées du moyen-âge, ou encore pour avoir été des étapes importantes de la route de la soie. Mais elles ont auss i , pendant p lus de deux millénaires, abrité des communautés juives dont l’origine pourrait remonter à la conquête de Babylone par le roi perse Cyrus, au 6e s avant notre ère. Il est fort possible qu’une partie des judéens exilés après la chute de Jérusalem, se soit ensuite dispersée dans tout l’Empire, profitant de la tolérance des rois perses, et aussi bien sûr des opportunités économiques qu’offrait la

qui sont les Juifs

d’Ouzbékistan ?

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 25 • המבשר

de « Lumière d’ Israël » . Profitant de cette situation plus favorable, de nombreux juifs arrivent d’Afghanistan, d’Iran et de Turquie.

Il n’en demeure pas moins vrai qu’au 19e siècle, hormis une petite minorité qui est parvenue à s’enrichir dans le commerce au point de dominer l ’économie de l ’émirat de Boukhara, la majorité des juifs vivent encore comme des parias, dans des sortes de ghettos fermés la nuit. (Cela étant, un document officiel de 1843 montre que les juifs de Samarkand eux-mêmes ont demandé aux autorités le droit de se regrouper dans un quartier de leur ville).

La fin du 19e siècle va ensuite voir se modifier le paysage du judaïsme centrasiatique, avec l ’aff lux de mil l iers d’ashkénazes. En 1868 en effet, la région est conquise par Alexandre II , le Tsar « réformateur », qui abolit les lois antijuives et la plupart

pacifique entre la population locale et les juifs, qui sont soumis désormais à des lois discriminatoires beaucoup plus contraignantes que les précédentes, connues sous le nom de « Termes d’Omar ». Ils doivent désormais porter un signe distinctif, et payer un très lourd impôt foncier

Samarkand mosquée

Synagogue de Boukhara

ni de monter à cheval, ni de porter des vêtements précieux. Ils doivent habiter des maisons plus basses et plus petites que celles des musulmans, et les femmes ont l’obligation de se voiler dans l’espace public. Pour autant, si leur condition est loin d’être enviable, ils ne sont pas menacés.

En 1220, les Mongols menés par Gengis Kahn conquièrent l’Ouzbékistan, provoquant l’émigration de nombreux juifs vers la Chine. Puis, en 1507, ce sera la conquête ouzbek, qui mettra fin non seulement à la route de la soie, mais aussi à la cohabitation

qui les empêche d’acheter des terres.

Mais le pire reste à venir : dès la seconde moitié du 18e i ls sont v ict imes de campagnes de conversions forcées à l’islam. Ceux qui cèdent (soit pas peur, soit parce qu’ils sont trop pauvres pour s’acquitter de la taxe réservée aux juifs) prendront le surnom de « tchala », qui signifie en russe « entre deux ». Ils seront peu nombreux, mais, comme les conversos en Espagne, rejetés et par les musulmans et par les juifs, ils seront contraints de vivre à l’écart, au fin fond des quartiers juifs . Bien qu’officiellement convertis, i ls n’ont pourtant jamais abandonné toute pratique juive. Pour Pessah il était fréquent qu’ils viennent à la synagogue demander des matsot.

Pour toutes ces raisons, ces communautés sont en plein déclin quand, en 1793, un rabbin d’origine marocaine, venu de Safed, Yosef Ben Moshe Mamane, va leur donner un nouvel élan. Il devient très vite le dirigeant de la communauté de Boukhara, et son leader spirituel. Il y ouvre des écoles et une bibliothèque, fait venir des livres de Livourne et de Vilna, leur offre un Sefer Torah... Il y vivra jusqu’à sa mort, 50 ans plus tard, et sera qualifié par sa communauté

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conquête musulmane de 651. Selon Benjamin de Tudèle, 50 000 juifs environ vivaient à Samarkand et Boukhara au 12e s. Une menace d’expulsion qui les visait au 13e siècle prouve effectivement bel et bien qu’ils étaient là… Et dans la mesure où ils s’étaient surtout installés à Boukhara, l’expression « juif boukhariote » a f ini par désigner l’ensemble des juifs d’Asie centrale.

Ce judaïsme centrasiatique, qu i n ’es t en réa l i té n i sépharade (bien qu’ils soient considérés comme tels) ni ashkénaze, a traversé les siècles dans une cohabitation plutôt pacifique avec les populations locales, mais avec, comme toujours, des périodes diff ic i les . Dans l’ensemble, ces juifs ont su s’intégrer - au point qu’il était souvent difficile de les distinguer des non-juifs - tout en restant fidèles à leur origine et en préservant leurs spécificités.

Du point de vue religieux, du début de l’empire sassanide à la conquête musulmane, le zoroastrisme – réforme du mazdéisme des ro is perses, qu’on peut qualifier de monothéiste - est religion officielle. Puis au début du 8e siècle, dans la foulée de la conquête arabe, l’islam s’impose, généralement par la violence. Pendant toute la période islamique, les juifs auront le statut de dhimmis. Certes, ils bénéficient d’une autonomie communautaire, mais i l s sont pr ivés de bon nombre de l ibertés, doivent s’acquitter d’une taxe spéciale, la Djizia, n’ont pas le droit de construire de nouvelles synagogues ( p e n d a n t d e s s i è c l e s , Boukhara n’a eu qu’une seule synagogue, rénovée en 1840, dans laquelle le groupe a assisté à l’office de shabbat, hommes et femmes ensemble) ni de sortir la nuit,

Le rabbin de la Synagogue de Boukhara qui nous a reçus pour l’office de shabbat

Madrasa de Boukhara

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corel igionnaires d’Union soviét ique, massivement quitté le pays, en quête d’un meilleur avenir. Beaucoup se sont installés aux Etats-Unis, notamment à New York, où on trouve une importante communauté boukhariote, et bien sûr en Israël où un quartier de Jérusalem porte leur nom.

Contrairement aux chiffres très fantaisistes avancés par certains, i l ne reste aujourd’hui en Ouzbékistan que moins de 2 000 juifs. Deux synagogues sont en activité à Boukhara, deux aussi à Samarkand, une sépharade et une ashkénaze et trois à Tachkent, dont une Habad. Mais elles ne réunissent pas souvent un mynian. L’histoire des juifs de Perse semble bien s’éteindre tristement… ■

Si en 1926, 76% d’entre eux déclaraient le yiddish comme langue maternelle, en 1989, 80% déclaraient le russe. A partir de 1940, ils ne sont plus autorisés à quitter l’URSS. Pourtant, la vie religieuse a connu un regain provisoire dans les années d’après-guerre. De nouvelles synagogues ont pu ouvrir leurs portes et quelque 200 étudiants de yeshiva

Synagogue à coupole à Samarkand qui rappelle l’architecture des mosquées.

étaient installés à Samarkand. Pendant l a guerre , on estime que l’Ouzbékistan a accueilli près de 500 000 juifs qui fuyaient les zones d’occupation al lemande, notamment la Pologne. Entre 1941 et 1942, environ 150 000 vivaient déjà à Tachkent.

Après la chute de l’URSS et l’indépendance, les juifs d’Ouzbékistan ont, comme bon nombre de l eu r s

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Synagogue de Samarkand

Khiva, mosquée à colonnes qui rappelle celles de Cordoue.

Une partie d’un harem

des restrictions qui pesaient sur les communautés. Pour les juifs, cette annexion est une chance de progrès inespérée. Ils connaissent très vite une forte croissance économique qui favorise la naissance d’une classe sociale plus aisée d’entrepreneurs et de grands commerçants. Après des siècles d’isolement, ils s’ouvrent enfin au monde extér ieur et obt iennent un quasi-monopole dans le commerce du coton, qui est du reste toujours central en Ouzbékistan. Un banquier juif devient même trésorier d’Alexandre II à Samarkand. A partir de ce moment, les ashkénazes représenteront le groupe le plus important en nombre. Mais l’assassinat d’Alexandre II, en 1881, met un terme à cette attitude bienveillante et des campagnes antisémites débutent à la fin du 19e. Pour ne pas susci ter le m é c o n t e n t e m e n t d e s musulmans, le nouveau Tsar limite de façon drastique leurs possibilités d’acquérir des terres.

Après la révolution de 1917, certains optent pour l’alyah, d’autres s’engagent dans le mouvement communiste, intégrant parfois la Yevsektsia, section juive du parti. Soumis aux mêmes lois que dans le reste de l’Union soviétique, les juifs seront aussi victimes de la politique de sécularisation e t d e r u s s i f i c a t i o n à outrance des années 1930.

Mausolée, Samarkand

Mosquée à Samarkand

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Robert Ley

28 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

■ Vous avez été élu président

d’Arzenou France il y a

quelques mois, quel est le

rôle de cette organisation et

quels sont ses objectifs ?

A r z e n o u F r a n c e e s t l ’association du sionisme libéral en France dont la mission est de porter la voix des juifs libéraux sur toutes les questions concernant Israël . Nous avons tro is grands objectifs :

• En France, nourrir une meilleure connaissance d ’ I s raë l t e l qu ’ i l e s t réellement. Israël a souvent mauvaise presse qui se focalise sur le conflit avec les Palestiniens. Dans nos activités, nous essayons de combler un peu le déficit d’information sur

la qualité de vie en Israël, ses avancées économiques, technologiques et sociales, sans voiler la face de ses multiples défis.

• En Israël, promouvoir une société juste et exemplaire, telle que Theodor Herzl e t l e s fonda teurs de l ’Etat d ’ Israël l ’avaient envisagée, et telle que décrite dans la Déclaration d’Indépendance de mai 1948. Nous ajoutons notre voix à celles qui plaident en faveur d’un pluralisme re l i g i eux , e t pour l a reconnaissance des actes religieux des rabbins non-orthodoxes (les mariages, les conversions, ...).

• Renforcer les liens entre Israël et la France. Il y deux ans, une nouvelle fête

« Journée Diaspora Israël » était créée le 7 Heshvan, par le mouvement libéral en Israël, pour sensibiliser les juifs à travers le monde sur la complémentarité entre Israël et la Diaspora. Nous avons célébré cette fête deux fois maintenant avec le Rabbi Tom Cohen à la synagogue de Kehilat Gesher.

J ’ a i é t é é l u P rés iden t d ’A r ze n o u Fra n c e e n février 2017, suite au départ d’Olivier Delasalle qui avait relancé l’association en 2011. Olivier et son épouse Miriam viennent de faire leur Alya pour s’installer près d’Eilat dans le kibboutz Yahel de tendance libérale. Olivier a beaucoup œuvré pour Arzenou France, notamment

lors de la grande campagne de 2015 pour gagner notre premier mandat au Congrès s ion is te mondia l . Je le remercie vivement.

■ Le mouvement libéral soutient l’Etat d’Israël d’une manière générale, pourquoi est-il nécessaire qu’il soit aussi présent dans les institutions sionistes ?

Oui, toutes les communautés l i b é r a l e s e n F r a n c e soutiennent l’Etat d’Israël, mais il faut assurer que ce soutien ne soit pas affaibli par des réticences légitimes à l’égard de la politique du gouvernement Israélien ; en même temps, i l faut promouvoir l’engagement envers Israël sans mettre la pression pour faire son Alya. En Israël , Arzenou Monde défend ses idées progressistes en sein du p a r l e m e n t d u p e u p l e juif qui est l’Organisation sioniste mondiale (OSM), ou les représentants des juifs d’Israël et ceux des juifs de la Diaspora échangent et débattent les questions de

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un nouveau président

pour arzenou france

Entretien avec Robert Ley

Interview réalisée par Michaël Bar-Zvi

Robert Ley est Président d’Arzenou France, Administrateur au MJLF et délégué au CRIF. Membre d’ULIF puis du MJLF, depuis 1981, il est devenu actif dans la communaute après sa retraite de l’OCDE en 2012. Né à Melbourne, Australie, il se marie à Perlette Toledano Ley à Washington DC en 1972. La famille compte trois enfants et six petits enfants qui commencent à faire leur bnei mitzvah l’un après l’autre, au MJLF et à Copernic.

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 29 • המבשר

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esociété les plus brûlantes. Suite aux élections, qui se déroulent tous les cinq ans, les coal i t ions pol i t iques gagnants établissent, après un débat difficile, un grand compromis qui détermine les nominations aux postes clés à l’OSM, à l’Agence juive, et au KKL, ainsi que la distribution de fonds disponibles.

■ Quel lien entretient Arzenou avec les autres courants du mouvement sioniste, y-a-t-il des actions communes, ou bien chacun agit-il au niveau de sa communauté ?

Au sein de l’Organisation s ionis te mondia l (OSM) , Arzenou se trouve leader de la « Joint Faction », la coalition la plus large, et tend la main, en cas de besoin, à d’autres formations sionistes pour trouver une majorité décisive. En France, tous les courants politiques sont membres de la Fédération des organisations sionistes de France (FOSF) et participent aux activités communes, notamment la célébration de Yom Hatzma’out et de Yom Yerushalaïm. Grâce à Mme Gusti Braverman, Directeur des affaires de la Diaspora, OSM, (voir Hamevasser avril 2017) , les communautés l i b é r a l e s f r a n ç a i s e s

bénéficient maintenant d’un soutien des oulpanim, des conférenciers venant d’Israël, et des activités pour enfants célébrant leur bar ou bat mitzvah.

■ Pensez-vous qu’il soit important de défendre et d’expliquer l’idée ou la cause sioniste, dans un contexte de montée de l’antisionisme, d’appel au boycott d’Israël ?

Certains disent que le projet sioniste s’est accompli avec la création de l’Etat d’Israël moderne. Mais l’idée sioniste représente aussi un rêve de société juive exemplaire qui reste à construire. Et les attaques contre le sionisme ne seront pas balayées par l a suppress ion du mot « sioniste » puisque la véritable cible est l’Etat Juif et les Juifs tout court. Israël est de facto notre deuxième patrie : les relations sont fortes par la famille, le travail, les investissements et les visites ; Israël est source de fierté, malgré tout, et offre à tout juif une assurance-vie (la loi de retour) ; enfin, Israël est central dans notre patrimoine juif, et il n’y a pas pour l’instant une autre idée forte capable de fédérer les forces vives, en Israël et en Diaspora, pour bâtir pour le peuple juif un avenir enthousiasmant.

■ Arzenou représente les communautés libérales, quantitativement sans doute les plus importantes en diaspora, pensez-vous qu’il peut avoir une influence sur les débats politico-religieux en Israël, comme celui sur la prière au Kotel ou le statut des femmes ?

En D i a spora , l e s j u i fs affi l iés à une synagogue s o n t m a j o r i t a i r e m e n t ashkénazes et libéraux, et i ls représentent quelque 1.8 million de personnes. Mais en France, les juifs libéraux sont minoritaires, la société étant largement séculaire et beaucoup de Juifs connaissent peu ou mal le judaïsme libéral. Le poids politique d’Arzenou au sein du Congrès sioniste se traduit par des postes clés à l’OSM, au KKL ou à l’Agence Juive. Il permet aussi de peser dans les débats publics, surtout à travers le tres actif mouvement du judaïsme progressiste en Israël (IMPJ) en faveur de la prière mixte au Kotel et plus généralement pour l’égalité de droits de tous les habitants quel que soit leur sexe ou leur religion.

■ Quelles sont les activités que vous projetez d’organiser en France ces prochains mois

C’est par nos activités, produit dans toutes les synagogues

libérales et au-delà, qu’on puisse remplir notre mission, rehausser notre visibilité et préparer les élections de 2020 pour augmenter nos mandats au sein du Congrès sioniste mondial. Nous avons bien démarré l’année avec Gil Mihaely, historien et cofondateur du magazine Causeur, qui nous a parlé du christianisme sioniste du 19e siècle qui a profondément marqué l’éducation de Lord Balfour et de son entourage. Le 13 février, le Juge Salim Joubran, premier Juge arabe de la Cour Suprême d’Israël (2003-17) viendra à l’ULIF-Copernic. Parmi d’autres intervenants prévus : un spécialiste de la santé en Israël où la minorite arabe est fortement représentée et bien intégrée ; Claude Giorno, Chef du bureau Israël a l’OCDE nous présentera son nouveau rapport sur l’économie israélienne au mois de mars, et on compte sur vous Michaël pour revenir régulièrement puisque tes contributions sont toujours très appréciées. Outre ces conférences/débats , on organisera des ate l iers culturels sur les films et la poésie Israél ienne avec Revital Berger Shloman. En avril, bien sûr, on célébrera le 70e anniversaire d’Israël bien comme il faut ! ■

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30 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

Vendredi 15 septembre, après l’office de Chabbat,

Jean-François Bensahel, le président de l’ULIF Copernic a remis le désormais célèbre prix Copernic pour la paix et la fraternité à Richard Odier, le directeur général du Centre Simon Wiesenthal (CWS), et à Jacques Fredj, le directeur du Mémorial de la Shoah, pour « leur œuvre éducative extraordinaire ». Un second prix a également été remis à Clément Fernandez,

un membre de l’Institut de l’Engagement, qui a créé le festival Al Andalus, réunissant des musiques arabes, juives et andalouses.

Le choix « d’une mémoire vivante »

« Richard Odier et Jacques Fredj ont , chacun à leur façon, fait le choix d’une mémoire vivante à travers l ’éducation. Une mémoire faite pour construire des liens pacifiques et durables entre les générations et les cultures, condition d’un désir de vivre ensemble, et qui est la seule arme efficace contre la folie meurtrière », a souligné Jean François Bensahel lors de la remise des prix.

Richard Odier, dirige la section française du Centre Simon-Wiesenthal, une organisation i n t e rna t i ona l e j u i ve qu i compte aujourd’hui plus de 400 000 adhérents luttant pour « la défense des droits de l’homme ».

Fondé en 1977 à Los Angeles, où se trouve son siège, le CWS, doté d’un statut consultatif auprès des Nations unies, de l’Unesco et du Conseil de l ’Europe, combat « l’antisémitisme, le négationnisme, l’extrémisme et les activités néonazies [...] en alertant les responsables gouvernementaux, les médias et les collectivités locales de ces incidents ». Il aspire aussi à maintenir « une surveillance des camps de concentration d’Europe afin d’assurer la mémoire de la Shoah et la protection de la sainteté de

ces lieux ».

Récompenser « des démarches de long terme »

À travers la figure de Jacques Fredj, c’est aussi un autre institut mémoriel que le jury du Prix Copernic a souhaité récompenser. Après avoir pris en 1996 la tête du centre de documenta t ion ju ive contemporaine et du mémorial du martyr juif inconnu, à Paris, le philosophe et historien, auteur notamment du livre Les Juifs de France dans la Shoah (1), est depuis 2011 directeur du mémorial de la Shoah.

Il est considéré, en France, comme l ’un des grands spécial istes de toutes les que s t i on s re l a t i ve s aux déportations de masse, et à l’internement des juifs dans le camp de Drancy, au nord-est de la capitale.

Concernan t l ’ a t t r i bu t i on de ce sixième prix, le jury composé d’Isabelle Giordano, Christine Kelly, Guy Bouaziz, Martin Hirsh et Jean-François Bensahel, a expliqué qu’ils souhaitaient « récompenser des démarches de long terme. Tous les membres, tous les amis de la synagogue de la rue Copernic, bâtie sur la conviction que le judaïsme libéral doit être un judaïsme engagé dans la société pour faire progresser le respect [...] ne peuvent que se réjouir de ce choix ».

Richard Odier et Jacques Fredj ont donc enrichi le palmarès du prix Copernic, qui a déjà mis à l’honneur en six ans nombre de personnalités, à l’instar de Dalil Boubakeur, le grand recteur de la mosquée de Paris en 2012, ou encore de Latifa Ibn Ziaten, fondatrice de l’association Imad pour la jeunesse et la paix, en 2015. ■

la lutte cOntre la BarBarIe génOcIdaIre récOMPensée

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PrIx cOPernIc

2017par Tiphaine Bibas

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32 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

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Des paysages de rêve aux villages de charme, l’Italie

a toujours des trésors à nous dévoiler… les Pouilles en font partie. région méconnue, elle abrite le Parc national du Gargano, des lacs, des sites datant de l’époque romaine, d’autres de la renaissance, des églises baroques et des châteaux. Mais, c’est moins connu encore, elle a aussi abrité, depuis la rome antique, des communautés juives qui ont laissé quelques traces, comme la synagogue de trani

bâtie au xiiie siècle, transformée en ég l i se pu i s rendue récemment à la communauté qui renaît depuis peu, grâce au dynamisme d’habitants qui se disent anciens marranes. Nous évoquerons aussi l’incroyable histoire de la conversion des habitants de San Nicandro, sous l’influence de Donato Manduz io , un chré t ien rebelle qui découvre la Bible hébraïque en 1930, pour ne plus la quitter.

Du 29 juin au 6 juillet

Programme et inscriptions : [email protected] ou [email protected]

Encore un beau voyage en perspective.

accompagné par Ariane Bendavid et organisé par l’agence Continents5.

Voyage dans les pouilles

1 930 € tout compris !

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Anne Frank, jeune fille de 13 ans, doit se cacher avec sa famille, parce qu’elle

est juive et que les Pays-Bas sont occupés par l’Allemagne nazie. Dans

« l’Annexe » où elle vivra enfermée pendant deux ans, elle écrira un journal qui sera trouvé après son arrestation, et publié à la fin de la

guerre, témoin d’une époque sombre de notre histoire européenne mais

également reflet des émotions et des questionnements d’une adolescente. Il

révèle sa maturité, sensibilité, finesse et clairvoyance et a marqué des

générations de lecteurs et de lectrices, de toutes cultures.

une création dans laquelle musique et paroles s’entremêlent, se répondent,

se complètent, où les mots deviennent musique et la musique accompagne

dans l’indicible. une création pour donner voix à Anne Frank, mais aussi à tous les

enfants juifs victimes de la Shoah.

Les textes sont extraits du journal d’Anne Frank. trois comédiens, âgés de 17 à 18 ans, incarnent la voix d’Anne le temps du spectacle. A eux trois, ils exposent les questions, les frustrations, les peurs ou les joies de la jeune fille. Le public devient alors le récepteur, le confident, « Kitty » comme l’appelle Anne. Parfois lus à trois voix, parfois sur un fond musical, les textes interpellent avec originalité et finesse.

Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 33 • המבשר

le Journal d’anne frank spectacle musical autour des textes d’anne frank

Composition musicale : Marylène MüllerMise en scène : Hélène BolanzLe prix des billets est fixé à :• 20 euros pour les adultes,• 10 euros pour les moins de 18 ans,

étudiants et chômeurs,• 8 euros à partir de deux enfants.

« Je veux continuer à vivre, même après ma mort ! »

théâtre St-Léon11 Place du Cardinal Amette, 75015 ParisSamedi 10 février 2018 à 20 hDimanche 11 février 2018 à 17 h

Billetterie et réservation : sur internet : www.billetweb.fr/le-journal-d-anne-frank ou par courrier à CIRDIC, 131 bd de Grenelle 75015 Paris - Paiement par chèque à l’ordre du « CIRDIC » ou sur place une heure avant le spectacle dans la limite des places disponibles (chèque ou espèces). Informations : [email protected]

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34 • Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager המבשר

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Meshouge Klezmer Band

Dimanche 17 décembre 2017 à 18 h

Concert de ‘HanoukauN orCHEStrE KLEZMEr CoMPLEtEMENt Fou !

Meshouge Klezmer Band a été créé par Stéphane Rougier (violon, chant, composition & melodica), qui a regroupé les plus grands musiciens, tous solistes reconnus et d’horizons différents, partageant une même passion pour cette transmission, avec Richard Rimbert (clarinette), Philippe Valentine (batterie), Mathieu Sternat

(contrebasse), Sophie Teboul (claviers).

APPEL NATIONAL POUR LA TSÉDAKA - 25e ANNIVERSAIRE

cOncerts

CONCERTS À COPERNIC 24 rue Copernic 75116 Paris

Réservations : copernic.paris (calendrier ou billetterie) Tél. : 01 47 04 37 27Tarif : 25 € Membres ULIF, CJL, KG, MJLF, IEMJ, Carte Aleph, étudiants, moins de 15 ans : 20 €

Concert : autour de Rossini et Rossi

Dimanche 28 janvier 2018 à 18 hL’Ensemble Choral Copernic chante :

• Gioacchino Rossini : Les Hébreux au bord de la mer rouge, extrait de l’opéra Moïse en Egypte

• Salomon Rossi : Madrigaux

• Mendelssohn : Hör mein Bitten, Herr pour soprano, choeur et orgue

• Louis Lewandowski : Enosh

• Gabriel Fauré : Cantique de Jean Racine

• Camille Saint-Saëns : Deux choeurs op.68

Nicole Wiener, orgue - Bertille Monsellier, piano

Direction : Itaï Daniel

Chorale invitée : renanim, direction thomas Macfarlane

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Décembre 2017 - n° 202 / Le Messager 35 • המבשר

✡ Marcelle AKIERMAN

✡ Claude GLATAUER née KAHN

✡ Betty ABOUDARAM

✡ Marcelle BELISHA

✡ Pierre Yaacov AZERAD

✡ Lydia BERDAH née MOATTI

✡ Charles MEYER

✡ Myriam KRIEF née RACCAH

✡ Irène FRIDMANN née HAÏK (mère de notre amie

Corinne Baudry)

✡ Joyce RAMBERT née VALDMAN

✡ Hermine Charlotte WOLFF

✡ Paul DRAY

✡ May COLLET née HASSAN

✡ Charles Chalom BIBAS

✡ Arlette Viviane ASSERAF

L’ULIF présente ses sincères condoléances

à leurs familles et à leurs proches.

Jeûne d’esthermercredi 28 février 2018

POuriMJeudi 1er mars 2018

lundi 25 septembre 2017

Warren AYOUN

samedi 14 octobre 2017

William HODARA-BLATTER

Mattéo JOSEPHSON

samedi 21 octobre 2017

Emma TERDJMAN

Simon LEGUEM

Nathan RAPPOPORT

samedi 28 octobre 2017

Julien WIMPHEN

Nathan COHEN

Benjamin COHEN

Ethan AMAR

samedi 4 novembre 2017

Ariel COHEN

Ysahia TARIKA-MARTINEZ

Sacha BELAÏCH

Alice LUCAS

samedi 11 novembre 2017

Thibault PIERRE-KAHN

Sasha COHEN-SCALI

Noémie BOTBOL

samedi 18 novembre 2017

Margaux ARAV-GOZLAN

Jonas KADOUCH

Aaron SALA-HABABOU

samedi 25 novembre 2017

Lilah BARANES

Sacha MARZOUK

Vinca LEVY

samedi 2 décembre 2017

Karl Wenceslas ISRAEL

Tom WAINSTAIN

Madeleine Liora MULLIEZ

Jonathan BONGART

samedi 9 décembre 2017

Jules ZANCHETTA-COHN

Mila Rose VOLCOT

samedi 16 decembre 2017

Daphné MADAR

HanOuKadu 13 au 20 décembre 2017

alluMage de la 1ére bougie

le mardi 12 décembre 2017

samedi 21 octobre 2017

Mina ELLENBOGEN

Un grand Mazel tov de la part de l’ULIF.

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