n°4 novembre – décembre 2010 Développer les usages ......commence à devenir un argu-ment...

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’ARCEP, en tant que régulateur secto- riel, doit veiller au respect de plusieurs objectifs inscrits à l’article L.32–1 du code des postes et des communications électro- niques : la concurrence bien sûr, mais aussi l’innovation, l’investissement efficace, l’em- ploi, l’aménagement du terri- toire et la protection du consommateur. Depuis la loi dite « Grenelle 2 », de juillet 2010, l’Autorité s’est égale- ment vu confier la mission, pour le secteur des communi- cations électroniques, de tenir compte de l’environnement dans ses décisions et ses actions. Deux principales questions se posent : quel est l’impact négatif des technologies de l’information et de la communi- cation (TIC) sur l’environne- ment et comment le limiter ? Quel est leur impact positif et comment le renforcer ? Pour répondre à ces deux questions, il convient d’abord de mesurer ces impacts positifs ou négatifs de manière précise et exhaus- tive. C’est notamment l’objet d’une étude récente menée par l’Idate et le Boston Consulting Group sous l’égide de la Fédération française des télé- coms (FFT), présentée dans ce numéro (lire page 15). L’ARCEP travaille également à la mise en place d’indicateurs pertinents en ce domaine (lire page 13). Le premier objectif est donc de chercher à diminuer les effets environnementaux néga- tifs des TIC, notamment la consommation d’énergie, à la fois au niveau « individuel », par la maîtrise de la consom- mation de chaque équipement, et au niveau « collectif », par la mutualisation des ressources, but premier de tout réseau, rappelons-le. Le souci de l’efficacité est un réflexe existant depuis l’origine dans le monde des mobiles, en particulier en raison des contraintes d’autonomie de la batterie des terminaux et d’op- timisation de la qualité de la transmission radio. Il faut égale- ment saluer les premières initia- tives de recyclage des terminaux mobiles (lire page 20), dont la durée de vie économique est actuellement très courte. C’est peut-être l’amorce d’une remise en cause du modèle de renou- vellement incessant des termi- naux, peu soutenable à long terme car porteur de gaspil- lages et peu responsabilisant pour les consommateurs. Le monde du fixe devrait suivre le même chemin. On peut ainsi noter que le carac- tère écologique des « box » commence à devenir un argu- ment commercial. Mais au- delà des terminaux fixes, qui ne représentent in fine que la partie émergée de l’iceberg, il faut se concentrer sur ce qui se cache dans le cloud , univers immatériel de services, souvent gratuits en apparence mais reposant sur des fermes de serveurs gigantesques. Le cloud computing correspond ainsi à une démarche de mutualisation des services, a priori bénéfique en termes de consommation de ressources. La revue trimestrielle de l’ n°4 novembre – décembre 2010 L Développer les usages durables de demain : le citoyen–consommateur au centre du jeu L’éditorial de Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité La démocratisation des moyens de communication s'accompagne aujourd’hui d'une prise de conscience des enjeux environnementaux. Pour contribuer à la lutte contre les changements climatiques, les acteurs de l'écosystème télécoms (opérateurs, équipementiers, SSII...) multiplient ainsi les initiatives pour réduire leur empreinte carbone. Mais la diffusion des TIC dans les autres secteurs de l'économie peut aussi, selon l'Idate, contribuer directement à réduire de 7 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, soit un tiers de l'objectif de la France. Les TIC deviennent donc essentielles pour conjuguer croissance et développement durable. A l’heure où la loi dite «Grenelle2» invite l'ARCEP à tenir le plus grand compte de l’environnement dans ses décisions, ce dossier a pour ambition de présenter acteurs et enjeux de cette révolution numérique verte. TIC et DÉVELOPPEMENT DURABLE Suite page 2 T I C e t d é v e l o p p e m e n t d u r a b l e Dossier

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Page 1: n°4 novembre – décembre 2010 Développer les usages ......commence à devenir un argu-ment commercial. Mais au-delà des terminaux fixes, qui ne représentent in fineque la partie

’ARCEP, en tant querégulateur secto-riel, doit veiller aurespect de plusieurs

objectifs inscrits à l’articleL.32–1 du code des postes etdes communications électro-niques : la concurrence biensûr, mais aussi l’innovation,l’investissement efficace, l’em-ploi, l’aménagement du terri-toire et la protection duconsommateur. Depuis la loidite « Grenelle 2», de juillet2010, l’Autorité s’est égale-ment vu confier la mission,pour le secteur des communi-cations électroniques, de tenircompte de l’environnementdans ses décisions et sesactions.

Deux principales questionsse posent : quel est l’impactnégatif des technologies del’information et de la communi-cation (TIC) sur l’environne-ment et comment le limiter ?Quel est leur impact positif etcomment le renforcer ? Pourrépondre à ces deux questions,il convient d’abord de mesurerces impacts positifs ou négatifsde manière précise et exhaus-tive. C’est notamment l’objetd’une étude récente menée parl’Idate et le Boston ConsultingGroup sous l’égide de laFédération française des télé-coms (FFT), présentée dans cenuméro (lire page 15). L’ARCEPtravaille également à la mise enplace d’indicateurs pertinentsen ce domaine (lire page 13).

Le premier objectif est doncde chercher à diminuer leseffets environnementaux néga-tifs des TIC, notamment laconsommation d’énergie, à la

fois au niveau « individuel »,par la maîtrise de la consom-mation de chaque équipement,et au niveau « collectif », par lamutualisation des ressources,

but premier de tout réseau,rappelons-le.

Le souci de l’efficacité est unréflexe existant depuis l’originedans le monde des mobiles, en particulier en raison descontraintes d’autonomie de labatterie des terminaux et d’op-timisation de la qualité de latransmission radio. Il faut égale-ment saluer les premières initia-tives de recyclage des terminauxmobiles (lire page 20), dont ladurée de vie économique estactuellement très courte. C’estpeut-être l’amorce d’une remiseen cause du modèle de renou-vellement incessant des termi-naux, peu soutenable à longterme car porteur de gaspil-lages et peu responsabilisantpour les consommateurs.

Le monde du fixe devraitsuivre le même chemin. Onpeut ainsi noter que le carac-tère écologique des « box »commence à devenir un argu-ment commercial. Mais au-delà des terminaux fixes, quine représentent in fine que lapartie émergée de l’iceberg, ilfaut se concentrer sur ce qui secache dans le cloud , universimmatériel de services, souventgratuits en apparence maisreposant sur des fermes deserveurs gigantesques. Lecloud computing correspondainsi à une démarche demutualisation des services, apriori bénéfique en termes deconsommation deressources.

La revue trimestrielle de l’

n°4 • novembre – décembre 2010

L

Développer les usages durables de demain :le citoyen–consommateur au centre du jeuL’éditorial de Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité

La démocratisation des moyens de communications'accompagne aujourd’hui d'une prise de conscience desenjeux environnementaux. Pour contribuer à la lutte contreles changements climatiques, les acteurs de l'écosystèmetélécoms (opérateurs, équipementiers, SSII...) multiplient ainsi les initiatives pour réduire leur empreinte carbone.

Mais la diffusion des TIC dans les autres secteurs del'économie peut aussi, selon l'Idate, contribuer directement à réduire de 7 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici2020, soit un tiers de l'objectif de la France. Les TICdeviennent donc essentielles pour conjuguer croissance et développement durable. A l’heure où la loi dite «Grenelle2» invite l'ARCEP à tenir le plus grand compte de l’environnement dans ses décisions,ce dossier a pour ambition de présenter acteurs et enjeux decette révolution numérique verte.

TIC etDÉVELOPPEMENT DURABLE

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TIC et développement durable

Dossier

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Dossier

n Editorial de Jean-Ludovic Silicani ............1-2

n La gouvernance

Les TIC au centre des enjeux du développement durable, par Michèle Pappalardo ..............3

Le regard d’un philosophe, par Christian Fauré ..................4-5

La notation environnementale,interview de Geneviève Férone ..6

Développement durable 2.0, par Gilles Berhault........................7

Citoyenneté, TIC et développementdurable, par Bettina Laville ......8-9

L’action des pouvoirs publics, par Jean Cueugniet....................10

Attention à la « mascaradeécologique », par FlorencePuybareau ..................................10

n Les télécoms face

au défi de l’environnement

La situation en France, par Didier Pouillot (IDATE) ..12-13

L’analyse des associations professionnelles• La FIEEC, par Pierre Gattaz......14• La FFT, par Richard Lalande ....15• Le Syntec Numérique,

par Eric Mittelette ..................16• Le Sycabel,

par Hugues de Gromard ........16• Alliance Tics, par Christophe

Stener et Gabrielle Gauthey..17• L’AFDEL, par Patrick Bertrand 22

Le point de vue des entreprises• Les CDN

Akamai et Juniper Networks..18• Le « Cool IT Challenge »

de Green Peace ......................19• Les équipementiers

Ericsson France, Cisco et Alcatel-Lucent ........19, 22, 28

• Les SSIIIBM ..........................................23

• Les opérateurs télécomsBouygues Telecom, SFR et France Télécom – Orange, (interview de Marc Fossier) ..24-25

• Technicolor,interview de Didier Huck ........27

n Focus. Le recyclage des mobiles ..20

n Juridique. La règlementationapplicable aux acteurs du secteur ..26

n Le numérique,

levier de l’économie verte

Les TIC, un atout essentiel pour laperformance environnementale del’économie, par le BCG ..........30-31

Le secteur énergétique............32-33

L’éducation ................................34

Les transports..........................35-37

Les TIC au service d’une ville durable ..................38-39

La domotique..........................40-41

La gestion de l’eau et des déchets, interview de Geneviève Férone ..........42-43

Le télétravail ................................44

Le commerce électronique ..........45

n Les postes à l’heure du Green it

L’action de La Poste, par Jean Paul Bailly ....................46

Le point de vue de l’Union postaleuniverselle, par Edouard Dayan..47

Actualités 48-49-54

International - Retour sur laréunion annuelle du FRATELà Ouagadougou 50-51-52

L’industrie du satelliteInterview 53

Vie de l’ARCEP 55Consommateurs 56

DossierTIC ET DÉVELOPPEMENT DURABLE 1 à 47

Sommaire

ARCEP7, square Max Hymans - 75730 Paris Cedex 15www.arcep.fr - 01 40 47 70 00Abonnement : [email protected] : 1290-290XResponsable de la publication : Jean-Ludovic SilicaniDirecteur de la rédaction : Philippe Distler

Rédaction : Ingrid Appenzeller, Audrey Briand et Jean-François Hernandez (équipe communication de l’ARCEP)Ont contribué à ce numéro : Alexandre Beaudouin, Claire Bernard,Edouard Dolley, Guillaume Lacroix, Guillaume Méheut, Sophie Palus.Crédit photo : © Elodie Guignard, Etienne Delorme (p. 20) ; © Jean Chiscano (p.21) ; Mon Oncle de Jacques Tati (1958) © Les Films de Mon Oncle - SPECTA FILMS C.E.P.E.C. (p.40) ;

Affiche Mon Oncle, © Pierre Etaix (p.40).Maquette : Emmanuel Chastel - Impression : Corlet Imprimeur

Réalisation

Les Cahiers de l’ARCEP sont imprimés sur du papier couché composé de 60 % de fibres recyclées et de 40 % de fibres vierges.

Cette publication est également accessible aux déficients visuelssur le site de l’Autorité (www.arcep.fr) depuis la page d’accueil.

2x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Suite de la page 1Mais, les utilisateurs dispo-

sant d’une visibilité assezréduite sur cette consomma-tion, il leur est donc très diffi-cile de la maîtriser.

La mutualisation des réseauxeux-mêmes est un principe misen œuvre dans le cadre régle-mentaire des communicationsélectroniques, en particulierpour le déploiement de lafibre optique ou de la 4Gmobile. Il s’agit de trouver un équilibre permettant d’at-teindre un bon niveau deconcurrence, tout en évitantde dupliquer exagérément lesinfrastructures, grâce à unecollaboration entre les opéra-teurs, lorsque c’est possible etpertinent, sur les plans tech-nique et économique.

Le second objectif est celuide renforcer les effets envi-ronnementaux positifs desTIC, au travers, en particulier,des économies d’énergiequ’elles peuvent générer. Onpense souvent à tous lesdéplacements évitables grâceaux communications électro-niques et aux différentesmodalités de téléprésence en particulier. N’oublionspas toutefois que l’internet peut aussi inciter les gens à se déplacer physiquement,compte-tenu de tous leséchanges et les mises en rela-tion que facilite le web 2.0. Lavéritable avancée se situepeut-être dans la capacitéfournie par les TIC de mieuxgérer l’espace et les besoinsen transports, de localiserautrement certaines activités,ou d’en créer de nouvellesliées aux territoires.

En outre, les TIC fournis-sent un outil instantané demesure, de stockage et decommunication de multiples

paramètres «environnemen-taux » : conditions météorolo-giques, flux d’énergie, devéhicules, etc. Il s’agit d’unformidable moyen de maîtriseet de valorisation de l’environ-nement : c’est, par exemple,l’objet des réseaux électriquesintelligents qui devraientpermettre d’optimiser la pro -duction et la consommationd’énergie grâce à des capteursinterconnectés. Sous réservede réussir la standardisationet l’industrialisation, unemultitude de nouvelles appli-cations sont envisageables,exploitant toutes les informa-tions géolocalisées potentiel-lement disponibles.

Mais, au-delà des débatssur les impacts positifs ounégatifs des TIC, il est néces-saire de concevoir et déve-lopper les usages de demain.Cette « révolution » ne serapas le résultat de directives,de lois ou de décrets maisviendra des citoyens-consom-mateurs. Pour cela, il est crucialde trouver des réponses à desquestions de société, parexemple la protection desdonnées person nelles et de lavie privée, et de faire uneffort de transparence et depédagogie sur les nouveauxusages ou comportements.

L’amélioration de la priseen compte de l’environne-ment face au développementdes TIC repose, en définitive,sur une convergence d’actionsdes consommateurs, desentreprises et des pouvoirspublics, dont le rôle, notam-ment d’intermédiation, seraessentiel.

Par Jean-LudovicSILICANI

président de l’Autorité

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x3

TIC et développement durableLa gouvernance

Par Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable

au sein du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Les TIC au centre des enjeux

du développement durable romues par les uns comme la solution incontournable àtous les problèmes environnementaux (ou quasi tous),décriées par d’autres comme une source grandissanteet préoccupante d’impacts négatifs sur notre planète,les TIC et leur rapport au développement durable sont

un sujet qui ne laisse personne indifférent. A l’heure du déploiement dela Stratégie nationale de développement durable 2010-2013 (1), adoptéele 27 juillet 2010 et dont le fil conducteur est de nous orienter vers uneéconomie verte et équitable, les TIC doivent plus que jamais démultiplierleurs contributions positives au développement durable et, parallèle-ment, réduire leurs propres impacts négatifs, en vue d’inscrire, dans lesfaits, les espoirs placés en eux.

Se poser les bonnes questions Concernant les apports actuels – et surtout futurs – des TIC au déve-

loppement durable, ce numéro des cahiers de l’ARCEP en fait largementétat. Dans des domaines comme l’habitat ou les transports et plusglobalement, en termes de productivité des entreprises, les gains poten-tiels en économie d’énergie peuvent être très conséquents dès lors queles technologies sont utilisées à bon escient et accompagnées desmesures d’appropriation permettant leur bon usage par les utilisateurs.Une simple illustration : si une meilleure gestion des fluides dans l’habitatest possible grâce aux TIC, on peut en revanche s’interroger sur lespriorités à donner aux développements des TIC en matière de mobilité.S’agit-il «simplement » de réguler au mieux les trafics en vue de dimi-nuer les phénomènes de ralentissement ou d’embouteillage ? Et, dans lemême temps, de permettre de fluidifier la circulation d’un nombre crois-sant de véhicules individuels ? Ou bien, les TIC permettront-elles une véri-table mutation de nos modes de mobilité, axée sur la fonctionnalité et leservice rendu plus que sur la possession d’un moyen de transport indi-viduel ? Au secteur des TIC de contribuer à apporter des réponses à lahauteur des enjeux.

Des équipements plus « écolos » mais beaucoup plus nombreux

Par économie verte, on entend une économie décarbonée mais aussisobre en ressources (matières, espace, air, eau, biodiversité…). A cetitre, on constate de réels progrès dans la consommation de cesressources dans les équipements électroniques. Ces progrès notables,doivent être salués et poursuivis, mais également considérés au regardde la consommation accrue d’équipements électroniques par lesménages. Au-delà de la consommation énergétique propre à l’usage deséquipements, la sobriété globale des systèmes doit être améliorée. Atitre illustratif, le principal enjeu actuel d’un téléphone mobile n’est passa consommation énergétique lors de son utilisation mais bien saconsommation de ressources lors de sa production et les déchets

consécutifs en fin de vie. Le flux des déchets d’équipements électriqueset électroniques (DEEE) augmente entre 2 et 3 % chaque année. Dansune logique de développement durable, le secteur des TIC doit êtreporteur d’une réflexion ouverte sur les fonctionnalités apportées par lesnouveaux équipements, sur leurs éventuelles redondances, et, surtout,sur l’obsolescence desproduits actuels quiconduit à leur renouvelle-ment de plus en plusfréquent. On ne peut quese féliciter de l’accrois-sement très significatifde la collecte et du recy-clage des DEEE (+ 30 %entre 2008 et 2009 decollecte pour les seulsDEEE issus des ménages), mais ce traitement « end of pipe » ne sauraitcompenser les consommations de ressources générées, qui seront àterme incompatibles avec les aspirations des futurs neuf milliards d’habi-tants dans un monde aux ressources limitées.

Un défi collectif pour l’avenir Au titre d’une économie équitable, au delà de la question du recy-

clage des déchets dont on voit périodiquement réapparaître quelquesexemples de dérives, c’est le défi global de la responsabilité sociétaledes entreprises qu’il conviendra de relever. Ce défi est collectif et vise àpoursuivre l’amélioration des conditions sociales et environnementalesde production et de recyclage. Les TIC contribuent à l’accès à l’infor-mation et à la culture du plus grand nombre, ainsi qu’à une améliorationdu bien-être social. Les déploiements technologiques seront égalementà penser à l’aune des nouvelles relations sociales qu’elles peuventengendrer dans les activités les plus variées, depuis le télétravail jusqu’àl’e-commerce, afin d’éviter ou réduire les éventuelles conséquencesnégatives.

Au regard des neuf défis posés par la Stratégie nationale de déve-loppement durable 2010-2013, le secteur des TIC porte donc unedouble responsabilité : permettre aux autres secteurs d’activité deréduire sensiblement leurs impacts, tout en maîtrisant ceux liés à sapropre croissance. Les signaux positifs se multiplient ; reste à accélérerles mutations et à changer d’échelle afin que l’économie verte et équi-table puisse être source d’opportunités, d’innovation et d’espoir quant ànotre capacité collective à répondre aux enjeux du développementdurable.

www.developpement-durable.gouv.fr

(1) www.developpement-durable.gouv.fr/SNDD-2010-2013-vers-une-economie.html

PLe secteur des TIC doit

être porteur d'une réflexionouverte sur l'obsolescence

des produits actuels quiconduit à leur

renouvellement de plus enplus fréquent.

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4x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

Par Christian Fauré, ingénieur et philosophe, membre du conseil d'administration de l'assoc

éveloppement durable» signifie « acceptable » à la foispour les générations actuelles mais aussi pour les géné-rations futures. Il s'agit donc d'articuler les enjeux à courtterme avec les enjeux à long terme, de les lier ensembleen prenant en compte les effets des uns sur les autres.

Un peu comme le fait un chef de projet qui s'assure de trouver le chemincritique qui enchaîne les tâches de la première à la dernière et qui répercuteen permanence les conséquences d'un moindre retard sur l'ensemble duprojet.

Il n'aura échappé à personne que les questions générationnelles étaientau coeur des enjeux du développement durable. La nouveauté étant peut-êtreque, étant donné la vitesse de développement industriel, ce n'est plus simple-ment pour les générations futures qu'il faut œuvrer, mais aussi pour les géné-rations actuelles.

Sortir de la mécroissanceFaire du développement durable, c'est prendre en considération

les "effets de bord", voire les "externalités négatives" comme disentles économistes, de nos modèles économiques et industriels. Àprésent, nous avons clairement pris conscience de la nocivité de nos acti-vités industrielles et de notre économie consumériste. Aussi, si nous voulonsque "cela dure", il faut veiller à ce que les conditions de fonctionnement dusystème économique et industriel ne l'empoisonnent pas elles-mêmes de l'in-térieur.

L'économiste René Passet (1) avait très bien décrit ce phénomène que l'on nomme le "passage aux limites" dans lequel ce sont les conditions mêmes

de fonctionnement dusystème qui l'étouffentde l'intérieur. Une voi-ture dans Paris, c'estformidable : un millionde voitures dans Paris,

c'est l'asphyxie de la circulation et de nospoumons. Assurément, un modèle économique et industriel qui se heurte àses propres contraintes de fonctionnement serait le modèle d'une mauvaisecroissance, d'une mécroissance.

Cette croissance sans perspective est pourtant celle face à laquelle nousnous trouvons, où donc se trouve la porte de sortie ? Quel rôle les TIC jouent-elles dans ce moment critique, c'est à dire en ce moment où les choses sedécident ?

Le désajustement du système technique C'est lorsqu'on s'est rendu compte de la facture énergétique des data

centers qui se trouvent à l'autre bout des tuyaux d'internet que le visage destechnologies de l'information a changé dans l'esprit de beaucoup depersonnes. Pendant longtemps, on nous a conté la "fable de l'immatériel", onnous a dit qu'internet ce n'était pas vraiment réel, que c'était un monde

virtuel. Mais voilà que tout à coup, en pointant du doigt la consommationénergétique des technologies de l'information, ces dernières ont immédiate-ment acquis un statut industriel à part entière : «si ça a une infrastructure, etsi ça consomme tant, c'est donc que c'est une industrie lourde et probable-ment une infrastructure technologique porteuse de changements ! ».

Pour l'historien des techniques Bertrand Gille (2), une technique n’estjamais esseulée et se constitue à partir de « techniques affluentes » pour secristalliser dans un système technique donné, à une époque donnée.L'infrastructure du numérique en réseau dont nous parlons est une industriequi est à la convergence des systèmes technologiques des télécoms, de l'in-formatique et l'énergie. C'est l'évolution d'un système technique qui se cris-tallise comme nouveau milieu technologique, celui dans lequel nous vivons etavec le lequel nous pouvons nous co-individuer.

Ce que met également en évidence Bertrand Gille, c'est le désajustementqui se produit entre un nouveau système technique et l'ensemble des autressystèmes : juridiques, sociaux, industriels, économiques, etc. A chaque cris-tallisation du système technique dans une nouvelle configuration, les autressystèmes se retrouvent désajustés et doivent rattraper leur retard en seréajustant.

Pourquoi cette insistance sur l'évolution des systèmes techniques? Nepourrait-on pas dire que c'est le système technique qui doits'adapter aux autres systèmes ? La technique n'est-elle pas unmoyen au service des finalités que pose l'homme ? Cette image biennative du rôle et du statut de la technique ne peut plus êtreaujourd'hui maintenue. Nous savons depuis les travaux de l'anthropologueAndré Leroi-Gourhan(3) que l'homme, mais il faudrait plutôt dire l'hominisation,est un processus d'extériorisation ; l'individuation humaine passe par lemilieu technique que l'homme ne cesse de faire évoluer depuis le premiersilex taillé. L'homme est un être prothétique, il ne vit qu'avec toutes sesprothèses qui constituent le milieu dans lequel il s'individue. Nous sommesdes êtres artificiels, au sens strict du terme.

Phénomène de prolétarisation Un nouveau stade d'évolution du système technique, en plus de provo-

quer des désajustements, provoque également un phénomène de prolétari-sation. "Prolétarisation" ne veut pas ici dire "paupérisation". La prolétarisationdésigne avant tout un processus de perte de savoir. Si Bernard Stiegler peutprésenter Platon comme le premier penseur du prolétariat (4), avant même laprolétarisation des ouvriers décrite par Marx, c'est parce que Platon voyaitdans l'écriture, qui est une technique, un court circuit de la connaissance.Pour lui, l'écriture, en tant qu'extériorisation de la pensée et de la mémoire,dénature notre âme qui doit penser par anamnesis (par la remémoration quenotre âme a de sa participation au ciel des idées) et non par hypomnesis,c'est à dire avec ces béquilles que sont les supports de mémoire.

Difficile de dire le contraire de Platon quand il pose que tout ce quiest support de mémoire conduit à une perte de mémoire, quand onvoit que l'on oublie le numéro de téléphone de nos proches depuis

D

De la mécroissance à en passant par les

Co-auteur avec Bernard Stiegler et Alain Giffard du livre "Pour en finir avec la mécroissance" (Ed. Flammarion, 2009), Christian Fauré est aussi Architecte Principal

Les questionsgénérationnelles sont aucœur des enjeux dudéveloppement durable.

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x5

TIC et développement durableLa gouvernance

iation Ars Industrialis, présidée par le philosophe Bernard Stiegler

qu'il est dans la mémoire extériorisée de nos smartphones. Mais cedéfaut de l'homme est aussi sa force, la technique est le supplémenten tant qu'elle supplée à nos défauts et à notre dénuement originaire.

Nous extériorisons nos mémoires et nos savoirs dans le système tech-nique, ainsi l'ouvrier est prolétarisé quand son savoir-faire, son tour de main,passe dans la machine-outil. Mais ce phénomène de prolétarisation, où cen'est pas seulement la mémoire qui a été externalisée, est rendu possiblepar l'état d'un milieu technique qui est celui du XXe siècle, système inauguréavec la première révolution industrielle du XVIIIe sicle. En effet, l'appareiléconomique et industriel du XXe siècle fonctionne en mode dissocié, c'est àdire en distinguant puis en opposant d'un côté, les producteurs et de l'autre,les consommateurs.

Modèle associé et modèle dissocié Dans cette dissociation, le consommateur qui consomme ne s'investit

plus dans la production, ce qui le consume. On s'appauvrit quand le systèmetechnique court-circuite toute possibilité d'investissement et de contribution.C’est précisément ce manque de motivation que les DRH déplorent dans lesentreprises, y compris au plus haut niveau du management.

Or, ce qu'ont apporté internet et le web, c'est un milieu technique nonplus dissocié mais associé. Un milieu qui permet des mécanismes de dépro-létarisation précisément parce qu'on peut être à la fois consommateur etproducteur. Ainsi le web est en lecture et en écriture là où le système debroadcast de la télévision était dissocié : les émetteurs d'un côté et lesrécepteurs de l'autre.

Mais, après tout, qu'est-ce qu'on mesure quand on indique la part crois-sante de la consommation énergétique des TIC ? Il ne s'agit pas simple-ment d'une augmentation qui viendrait de l'informatique des systèmesd'information des entreprises. Non, si les processeurs tournent, si lesespaces de stockage augmentent et si les réseaux de communication sontsi sollicités, c'est pour un web grand public, un web socialisé. Ce qui apermis au PDG de Google d'affirmer : « Innovation comes from theconsumer market ». Cette informatique qui croît à une vitesse exponentiellen'est plus une informatique de gestion professionnelle d'entreprise maisune informatique et des technologies relationnelles, pour ne pas diresociales.

Les technologies relationnelles Ces technologies sont relationnelles en ce qu'elles font la médiation, et

sont en même temps le support de l'individuation psychique et collective :les moteurs de recherche, les services 2.0, les réseaux sociaux, à la diffé-rence des technologies de gestion des entreprises, sont des technologiesrelationnelles. Or ce sont bien elles que mesure la croissance de laconsommation énergétique des TIC.

Cette mesure de l'augmentation de la consommation énergétique desTIC est celle de l'utilisation croissante des technologies relationnelles grâceauxquelles nous pouvons contribuer, être à la fois consommateur et

producteur et non plus simple récepteur, quitte à alimenter au passage les"gated communities" des services de réseaux sociaux qui tentent de raflerla mise en contrôlant cette libération de la contribution.

Faut-il dès lors chercher à diminuer la consommation énergétique deces technologies relationnelles si elles portent en elles un mouvement dedéprolétarisation ? Même si réduire la consommation énergétiqueest nécessaire, le vrai enjeu est de comprendre l'origine de cettedemande si soudained'une part (ce que nousavons caractérisé commemouvement de déproléta-risation), et, d'autre part,de voir si le modèleassocié des technologiesrelationnelles permet deposer à nouveaux frais non seulement la question énergétique maiségalement la question industrielle et économique.

Une économie de la contribution Ce nouveau modèle industriel et économique, l'association Ars Industrialis

l'appelle une économie de la contribution. On connaît les succès écono-miques et technologiques des logiciels libres, là où chacun peut avoir accèset contribuer au code source du logiciel. Il s'agit d'étendre cette pratiqued'une économie de la contribution là où l'économie consumériste est défail-lante, non durable.

Le modèle associé que portent en eux internet et le web peut s'appliquerà d'autres industries, et tout d'abord à l'industrie de l'énergie : les smart gridspermettent ainsi à chacun d'être à la fois producteur et consommateurd'énergie, le réseau devient distribué et associé, il s'écarte du modèledissocié avec sa centrale de production d'un côté et de l'autre, en «bout dechaîne», les clients qui consomment.

Aujourd'hui, chaque entreprise mais aussi chaque administration ouinstitution doit se demander ce que pourrait devenir son modèle d'affaires'il n'était pas seulement en mode dissocié mais en mode associé. Et il ya urgence car, plongés dans le milieu technologique du web, peu d'indus-tries et de gouvernements peuvent tenir le choc. À nous de faire que ceschangements soient adoptés et voulus pour le meilleur, et non subis pourle pire.

www.arsindustrialis.org(1) René Passet, L’économique et le vivant, Ed. Payot, 1979.(2) Histoire des techniques, sous la direction de Bertrand Gille, Encyclopédie de la

Pléiade.(3) André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Ed. Albin Michel 1964.(4) Bernard Stiegler, Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Ed. Galilée 2009.(5) Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit.

(www.arsindustrialis.org).

l'économie de la contribution technologies relationnelles

Le consommateur quiconsomme ne

s’investit plus dans la production, ce qui

le consume.

chez Capgemini.

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6x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

Interview de Geneviève Férone,fondatrice d’Arèse, première agence de notation extra financière

La notation environnementale, un vrai travail d’équilibriste

z Vous avez créé la premièreagence de notation extrafinancière en France. Quelrôle jouent ces agences ?J’ai créé Arèse – qui est aujourd’huiVigeo – en 1997. A l’époque, jetravaillais aux Etats-Unis où lesgros investisseurs institutionnelsque constituent les fonds depensions anglo-saxons, et mêmeeuropéens, commençaient àintroduire des critèresenvironnementaux, sociétaux et degouvernance dans leurs choixd’investissement. Or, ces fonds depensions américains étaienttellement énormes qu’ils devaientobligatoirement investir sur lesmarchés internationaux, dontl’Europe. Ils commençaient àquestionner les entrepriseseuropéennes pour connaitre leursniveaux d’organisation sur cessujets : par exemple pour connaitreleur stratégie en termes de gestiondes risques environnementaux, lafaçon dont les salariés étaientformés, rémunérés, l’indépendancedes administrateurs… Il y avait unevraie demande de leur côté etc’était tout à fait nouveau. D’oùl’idée de rentrer en France et decréer une agence de notation. Trèsvite, deux cents entrepriseseuropéennes cotées en Bourse ontété notées mais elles n'avaient riendemandé et n'ont pas eu vraimentle choix, la demande émanant deleurs actionnaires. Contrairementaux analyses financières, il s’agissaitde donner une opinion qualitative.Car entre Total et L’Oréal, les profilsde risque étaient bien différents !C’était là tout l’apport d’Arèse.

z Concrètement, commentcela fonctionne ?Comme les agences financières,ces agences attribuent des notes,qui vont de triple A jusqu’à D,

selon les niveaux de performancedes entreprises notées. Cesinformations sont achetées etutilisées par les gérants deportefeuilles et par les fonds depension. Elles leur permettent decorriger l’asymétrie d’information.L’agence de notation extrafinancière vient renforcer le niveaude pression sur les entreprises.Cela a réellement permis de lancerl’investissement socialementresponsable en France. En cinqans, nous avons établi laméthodologie, les ratings. Puis,en 2002, j’ai créé avec FitchRatings une autre agence denotation, Core Ratings, avec unobjectif : intégrer notreméthodologie dans la notationfinancière.

z Et vous y êtes arrivée ?Oui et non. En réalité, deuxsujets ont réussi à se fondre dansla notation financière : lesquestions environnementales etcelles liées à la gouvernance. Enrevanche, les sujets trop qualitatifscomme les questions sociales etsociétales – hormis les provisionspour les retraites - étaient tropdifficilement « quantifiables »pour les algorithmes de lanotation financière et n’ont pasété mis en œuvre.

z Comment ces informationssont-elles utilisées par lesactionnaires ? Ils s’en servent pour faire del’activisme actionnarial. Unexemple très connu, parce qu’il aété très étudié, est celui dunaufrage de l’Exxon Valdez en1989 en Alaska. A l’époque, il y aeu une coalition d’investisseursresponsables de fonds depension. Ils ont fait masse parcequ’ils représentaient un nombre

substantiel d’actions dans lecapital d’Exxon. Ils ont attaquéen assemblée générale endemandant clairement unepolitique environnementale, «unmonsieur environnement», desgages pour leur indemnisation. Ils n’ont rien lâché. Autant, pourune entreprise, il est facile de nepas répondre lorsque la demanded’information provient dessyndicats ou d’ONG, autant elle

est obligée de le faire si lademande vient de sesactionnaires. Le contraire seraitimpensable ! La notation metdonc à égalité des acteurs qui serespectent : les investisseurs, lesactionnaires et la direction desentreprises. En quelque sorte,nous donnons des «munitions»aux actionnaires pour interpellerles dirigeants sur ces sujets.Ensuite, ils s’en servent ou non,mais l’objectif est là.

z Combien y-a t-ild’agences de notationextra financièreaujourd’hui ? Il y en a trois grandes aux Etats–Unis, deux au Royaume-Uni, deux en France, une en Suisse,en Belgique, en Australie et auJapon. Au début, il s’agissaitsouvent de petits bureauxmilitants parfois liés à une causeécologiste, consumériste ou

religieuse, mais aujourd’hui,le marché est en train de seconsolider autour d’un mêmemodèle économique.

z Aujourd’hui, une grandeentreprise est-elle toujoursnotée en termes dedéveloppement durable ?Absolument toujours, oui. Jeparticipe cinq ou six fois par an àdes réunions, des road shows

socialement responsables où jesuis face à des actionnaires quime posent un tas de questions. Et je peux vous assurer que cen’est pas autour d’une tasse dethé, même si, par rapport auxroad shows financiers, cela resteencore un peu balbutiant. Mais ledialogue s’installe. Et lesentreprises ne peuvent plus traiterces questions par-dessus lajambe.

z N’est ce pas un moyen,pour ces entreprises, de sedonner « bonneconscience » ? Il faut effectivement faireattention à ne pas tomber dans letravers de la complaisance. Onperdrait toute crédibilité ! Demême qu’il n’est pas souhaitablede s’attaquer systématiquementaux entreprises. La notationenvironnementale est un vraitravail d’équilibriste !

Les agences de notation permettentde corriger l’asymétrie

d’information entre les investisseurs

et les dirigeants de l’entreprise.

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Par Gilles Berhault*, président d’ACIDD, président du Comité 21, délégué développement durable de la direction scientifique de l’Institut Telecom

’humanité a commencé sa mutation numérique il y avingt ans. Parallèlement, elle a pris conscience concrè-tement des limites de la planète : épuisement de sesressources et pollutions, dérèglements climatiquesdus aux modes de vies, renforcés par une démogra-

phie galopante, problèmes sociaux. Elle s’est aussi globalement inter-connectée. Nous nous sentons de plus en plus comme faisant partied’un monde global. Cinq milliards de téléphones portables sont en fonc-tionnement, 1,9 milliards de PC sont connectés. Internet nous permetde partager l’information environnementale et sanitaire, de créer descommunautés de citoyens, d’améliorer l’efficacité énergétique et lesprocess industriels, de localiser l’économie…

Bien évidemment, le développement de ces technologies a aussides impacts négatifs très importants en termes de consommationd’énergie et de ressources, de santé ou d’inégalités. Elles interrogentaussi sur l’identité, le respect réel de la diversité, la protection de la vieprivée. Mais j’ai la conviction qu’il n’y aura pas d’avenir durable sans lestechnologies numériques, et que les civilisations numériques ont besoindu développement durable comme axe structurant.

Relocalisation et mutualisationCette transformation, ou métamorphose comme la nomme Edgar

Morin, nous amène à nous poser la question du modèle économique etde la localisation des activités humaines. Nous avons l’impérieusenécessité de réapprendre à produire localement. Il n’est plus possibled’émettre autant de carbone pour les transports de marchandises oupour des réunions qui peuvent être aussi efficaces à distance. Le nuagerécent de cendres a démontré qu’au moins un voyage sur deux en avionpourrait être évité, du moins professionnellement.

Mais au delà de la localisation s’impose la mutualisation. Il s’agit derompre avec la propriété si rassurante. La fin du 20e siècle était celuide la voiture individuelle, propriété d’une seule personne, de l’accumu-lation de biens de consommation, appropriation à courte durée de vie.Si l’industriel d’aujourd’hui devient le prestataire des services qualifiésde demain, il se spécialisera dans l’augmentation de la durée de vie desobjets ou moyens de transports loués.

Le 21e siècle sera un siècle du partage des moyens et des outils.Le temps de transport consacré chaque jour aux déplacements entrele domicile et le travail dépasse généralement 90 minutes par jour. Cen’est plus acceptable aujourd’hui. De nouveaux lieux urbains restent à

inventer, à développer en très grand nombre (voir les travaux du ClusterGreen and Connected Cities – lire p.38 – et de MyOasis). C’est le pointde départ de toute économie plus légère.

La question de l’énergie est fondamentale quand on s’intéresse auclimat. Les technologies numériques se mettent au service des réseauxd'énergie traditionnelle; cela s'appelle les smart grids (cf p. 32). Ilsoffrent des perspectives d'économies importantes et des créations denouvelles activités. C'est tout le sens des travaux du laboratoire del'Institut Telecom et d'un programme développé avec ACIDD.

Vers une économie de l’usageNous devons passer à l’économie de l’usage, de la fonctionnalité. Il ne

s’agit pas de décroissance, mais bien au contraire de progrès humain.Mais il s’agit de déplacer le modèle de la vente du plus grand nombrepossible de produits identiques fabriqués à l’autre bout du monde par dessalariés jetables, à la création d’une valeur ajoutée fondée sur la qualité etle service plus que sur la quantité. C’est un passage nécessaire à l’éco-nomie de la fonctionnalité, de l’usage avec un autre modèle de répartition.Les TIC nous font comprendre, avec un petit effort de responsabilité, quenous pouvons rendre nos vies plus légères et plus agréables.

Quand allons-nous enfin comprendre que nous avons besoin de commu-niquer et pas de posséder des outils, comme nous n’avons pas besoind’une voiture mais de nous déplacer ? Il faut avoir expérimenté le fait de selibérer de la possession d’une voiture dans une grande ville comme Parispour comprendre que raisonner en besoins de mobilité et en usage n’estpas seulement un progrès pour la planète mais une amélioration de laqualité de vie, tout en réalisant une économie importante. La situation estpresque la même pour les outils informatiques et de télécommunication.Combien de temps allons-nous les considérer comme jetables ?

Nous avons de la chance de vivre ce 21e siècle.Chacun d’entre nous a la possibilité de participer àune profonde transformation économique et socié-tale. C’est cela le développement durable : une inno-vation et une créativité permanentes. Créons lesliens, engageons-nous. Richard Collin** considère

que nous avons eu trois étapes de profondes mutations économiques,sociétales et culturelles : l’invention de l’écrit en plusieurs milliers d’années,celle de l’imprimerie en centaines d’années, puis la révolution internet.Nous y sommes, tous. A nous de choisir ce que nous voulons en faire !

www.acidd.com, www.comite21.org www.institut-telecom.fr, www.gillesberhault.com

* Gilles Berhault est aussi expert auprès de la Commission européenne, ensei-gnant, conférencier et auteur de « Développement durable 2.0, l’internet peut-ilsauver la planète ? » aux Editions de l’Aube.

** Richard Collin : professeur à Grenoble Ecole de management.

L

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x7

TIC et développement durableLa gouvernance

Quand allons-nous enfin comprendre que nous avons besoinde communiquer et pas de posséder des outils, comme nousn’avons pas besoin d’une voiture mais de nous déplacer ?

Développement durable 2.0 :internet et le numérique en responsabilités créatives !

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e principe n°9 de la déclaration de Rio en 1992 affirme:« Les Etats devraient coopérer ou intensifier le renfor-cement des capacités endogènes en matière de déve-loppement durable en améliorant la compréhensionscientifique par des échanges scientifiques et tech-

niques et en facilitant la mise au point, l’adaptation, la diffusion et le transfertde technique, y compris des techniques nouvelles et novatrices».

Les TIC permettent l’accès au savoirLes TIC sont aujourd’hui les technologies qui permettent un accès au savoir

unique accessible à tous, à condition que l’accès soit organisé. Dès lesprémices du développement durable – la conférence de Rio se situe cinq ansaprès la définition de celui-ci par Gro Harlem Brundtland, ancienne Premierministre de Norvège - diffusion du savoir et développement durable étaientliés. Aujourd’hui les nouvelles technologies de l’information sont un instrumentincontournable de la mise en œuvre du développement durable.

C’est principalement par internet que se diffusent les informations sur ledéveloppement durable (rapport sur le réchauffement climatique, rapport sur labiodiversité, rapport issu du GIEC). Surtout, d’innombrables forums sur le websignalent les nouveaux indices de réchauffement ainsi que les atteintes à l’envi-ronnement. Les TIC sont ainsi un instrument de la mise en œuvre du principe10 de la conférence de Rio « la meilleure façon de traiter les questions d’envi-ronnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés auniveau qui convient ». Ainsi, lors du Grenelle de l’Environnement, une consulta-tion par internet a été réalisée qui a reçu plus de 300 000 connexions et enre-gistré 14.259 contributions. Ce qui constitue aujourd’hui encore, trois ansaprès, le plus grand succès pour un forum gouvernemental par internet. Lacommunauté «durable » d’internet est extrêmement active, anglophone majori-tairement et rend les conférences internationales sur le développement durabletrès transparentes, au point que toutes les positions des négociateurs sontquasi publiques

Par ailleurs, aujourd’hui, de très nombreux sites internet donnent au publicdes informations très techniques (dangerosité chimique, mesures de radioacti-vité nucléaire, informations sur les déchets nucléaires) permettant ainsi de satis-faire aux exigences de la convention européenne d’Aarhus sur l’information etla participation du citoyen en matière d’environnement.

Pourtant, malgré leur succès, ces technologies sont encore trop peu utili-sées dans les instruments territoriaux du développement durable : ils pour-raient l’être beaucoup plus dans les agendas 21 locaux, dans lesquels lescitoyens pourraient participer de manière plus approfondie au projet de leurville, ou bien dans l’élaboration des éco-quartiers pour lesquels, là aussi, lesresponsables locaux pourraient présenter de façon interactive les meilleurschoix d’économie d’énergie, de bâtiments à énergie positive de réutilisation del’eau, d’énergies renouvelables…

Les TIC contribuent à la « low-carbon economy »Au-delà de cette fonction, primordiale, de formation des citoyens du monde

et de mise en réseau des informations, les TIC contribuent, on le dit souvent, àune nouvelle économie, intitulée « low-carbon economy » puisque, grâce au

rapprochement et aux échanges qu’ils permettent sans déplacement despersonnes, les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports sont infi-niment diminuées. Mais aussi, et c’est le grand débat depuis deux ans, l’impactenvironnemental de ces technologies est devenu un sujet de préoccupation : unrapport a été commandé en 2008 par le gouvernement à la fois au ConseilGénéral de l’environnement et du développement durable et au Conseil Généraldes technologies de l’information (cf page 10). Il a conclu que la consommationénergétique due aux TIC pouvait être réduite de façon importante, même si l’ons’accorde sur le fait qu’elles permettent d’économiser de un à quatre fois leurspropres émissions de gaz à effet de serre. En effet, étant donné le développe-ment de l’équipement en ordinateurs, la consommation électrique du secteurcroît depuis 10 ans pour atteindre 13,5 % de la consommation électrique natio-

nale et sûrement 20 % en 2012. Afin d’honorer nos engagements en matière deréduction énergétique (baisse de 20 % d’ici 2020), il est indispensable deprendre des mesures pour réduire cette consommation ; le rapport recom-mande ainsi une meilleure communication sur la consommation des équipe-ments TIC, une amélioration de l’efficacité énergétique des centres de données,la prise en compte de la dimension de développement durable dans les déci-sions règlementaires concernant les TIC, une politique de labellisation, etc…

Mais il reste que l’empreinte carbone de la production des matériels utilisésdans les TIC est plus importante que celle de leur usage et c’est très certaine-ment sur le bilan environnemental des déchets issus des TIC qu’une politiquevolontariste doit être mise en place, d’autant que nous sommes en retard parrapport à d’autres pays, car la règlementation concernant les déchets d'équi-pements électriques et électroniques (DEEE) est mal conçue, en particulier pourles déchets professionnels. La révision communautaire en cours permettrad’améliorer l’ensemble de la filière de traitement, mais d’ores et déjà, la loi du12 juillet 2010 (dite Grenelle 2), qui a modifié l’article L. 541-10-2 du code del’environnement, permet d’améliorer l’élimination des déchets électriques etélectroniques ménagers à partir des collectes sélectives ou de la reprise parles consommateurs.

TIC et nouvelle gouvernanceUne fois maîtrisés ces problèmes environnementaux, il est clair que les TIC

contribuent à la fondation d’une société nouvelle, dans laquelle d’ailleurs lagouvernance en matière de développement durable ou de l’internet reste àinventer. Gouvernance éminemment mondialisée où les interactions entre lelocal et le mondial sont permanentes. Gouvernance en réseaux où l’objet de lagouvernance est un bien commun immatériel qui bouleverse nos codes habi-tuels, juridiques, sociologiques et politiques. Joseph Stiglitz l’avait dit dans sapremière phrase de « L’âge de l’accès ». « Concevoir la propriété comme droitimmuable et central, qui est, selon l’article 2 de la déclaration des Droits del’homme, le pilier de la CONSERVATION de la société, est une conception quiest difficilement applicable à la « nouvelle économie ». Notre société produit de

L

Les TIC sont des actrices positives dudéveloppement durable.

8x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

« Une bonne utilisation des TICdevrait nous préserver de voir

Par Bettina Laville, Avocate Associée (Landwell & Associés) - Présidente-fondatrice du Comité

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plus en plus une demande de services adaptés à des besoins nouveaux, qui euxmême évoluent vite, disparaissent ou se confirment, revêtent des expressionsdifférentes et mouvantes ».

De même, si nous voulons accéder à un développement plus durable.L’actuelle acception de la propriété ne favorise pas la gestion plus durable, laconsommation sobre de certains biens communs, qui devraient être partagéset utilisés rationnellement par tous. Ainsi, dans le domaine des transports encommun ; des expériences comme le Velib à Paris, ou Vélov à Lyon (cf page37) témoignent d’une nouvelle forme de mobilité, correspondant à un serviceréclamé par les « usagers » qui sont satisfaits de ne plus s’embarrasser de laconservation de l’objet ; l’usage de moyens de transport non polluants, stricte-ment limité au moment du besoin de déplacement, évite la tendance à destrajets en automobile trop fréquents.

Revoir le cadre juridiqueIl serait donc utile de définir un cadre juridique plus adapté pour l’usage des

biens. Rappelons nous les termes des articles fondamentaux du code civil surla propriété, lesquels, dans son article 544, la décrit comme le droit de « jouiret disposer des choses », et, dans son article 546, prévoit qu’elle donne droitsur tout ce qu’elle produit. Mesure-t-on l’écart entre les termes de ce droit et laréflexion actuelle sur la responsabilité, à la suite des travaux de JürgenHabermas et de beaucoup d’autres ? Mesure-t-on que les conventions ou traitésinternationaux que nous signons concernant le climat, la biodiversité sont d’ins-piration radicalement différente, voire même contradictoire ?

En cela, les articles 578 et 815-2, portant sur l’usufruit et l’indivision sontbeaucoup plus opératoires pour donner un fondement juridique à un nouveaumodèle de développement respectueux de l’environnement et assurant l’accèsaux services et à la connaissance. « La terre est en usufruit », affirmait unepublication de la conférence de Rio, faisant écho à la définition juridique de l’usu-fruit, laquelle consiste à jouir du bien comme le propriétaire « à la condition d’en

conserver la substance»;on peut même affirmerque les ressources de laplanète appartiennent àtous et à chacun,comme indivisaire, qui«peut prendre lesmesures nécessaires àla conservation desbiens indivis, même si

elles ne présentent pas un caractère d’urgence » (article 815-2). Comme il faudraitcroiser ces dispositions avec les articles 2 et 3 de la Charte de l’environnementqui considèrent que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservationet à l’amélioration de l’environnement » et « doit dans les conditions définies par laloi prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement, ou, àdéfaut, en limiter les conséquences » et aussi de les mettre en parallèle avec laconception de la propriété par la Cour européenne des droits de l’homme en vertude laquelle « l’objet approprié s’apparente plus, bien souvent, à une créance ou unintérêt, voire à un ensemble complexe, qu’à un objet matériellement défini ».

Le débat législatif « Hadopi » autour du téléchargement a trouvé une autreillustration passionnée de l’inefficience pour certains domaines de notreéconomie de la conception juridique en vigueur de la propriété, sans que nese construise un édifice juridique complémentaire au profit du droit d’usage.Sur la toile, il est fréquent de pouvoir télécharger (légalement bien sur !)l’ «usage » d’un film, d’une musique ou autre. La propriété et les droits qui l’en-tourent ne correspondent plus aux différentes utilisations que propose internet.Ici encore c’est l’usage qui semble plus approprié à l’évolution sociale. Quefaire alors ? Interdire cet usage de fait d’internet, ou fonder un droit nouveauaussi efficient que le législateur de 1804 qui a ancré ce droit réel qu’est lapropriété ?

De nouveaux concepts d’organisation de la société numérique

Au-delà des constats légitimes qui prônent les TIC comme des actricespositives du développement durable, en ce qu’elles permettent de réduire l’em-preinte carbone (par exemple dans la rationalisation des moyens d’impression,dans la possibilité de collaborer à distance, de partager des flottes de véhi-cules, etc) tout en maîtrisant l’augmentation des coûts de consommationsélectrique, des concepts nouveaux d’organisation de la société numériquedoivent être mis en place en cohérence avec le développement durable.

Deux grandes directions peuvent être suggérées : sur le plan technique,une utilisation plus partagées des « smart grids » (cf pages 32-33) qui permet-tent une meilleure intégration et une meilleure gestion de la production élec-trique décentralisée, une meilleure efficacité énergétique, une meilleureinter-opérabilité entre le réseau de distribution et le réseau de transport, maisaussi, sur le plan sociologique, un accroissement de la prise de responsabilitédu consommateur. En effet, si l’on parle beaucoup de ces projets, ils sontencore dans la réalité peu nombreux. Il faut se féliciter que le grand empruntnational ait dégagé des crédits pour qu’ils se multiplient. Mais, par delà lesperformances techniques et les économies d’énergie qui en résultent (avec lesmaisons intelligentes, les compteurs intelligents, etc), nous assistons à l’émer-gence d’un consommateur intelligent et actif pour qui l’acte de consommer nesera plus culpabilisant par rapport à la nécessité de réduire son mode deconsommation, mais au contraire un acte de responsabilité environnementale.

La prise en compte de la durabilité dans ce que l’on appelle la gouvernance del’internet doit devenir effective. Ainsi, lors du Forum pour la gouvernance del’internet né en 2005 au sommet mondial sur la société de l’information, dessujets cruciaux pour l’instauration d’une société plus durable ont été traités :protection de l’enfance, protection des données personnelles, réduction de lafracture numérique entre pays du nord et pays du sud. La meilleure gouver-nance de l’internet dans le cadre d’un développement plus durable devrarésider dans la recherche d’un modèle équitable, autrement dit qui fassepartager au maximum d’utilisateurs ce nouveau bien commun qui, sans nuldoute, est un instrument de pouvoir considérable. En quelque sorte, une bonneutilisation des TIC au profit d’une citoyenneté plus lucide devrait nous préserverde voir la technique nous transformer en robots…

www.landwell.frwww.comite21.org

La terre est en usufruit.Les ressources de la planète appartiennentà tous et à chacun,comme indivisaire.

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x9

TIC et développement durableLa gouvernance

au profit d’une citoyenneté plus lucide la technique nous transformer en robots »

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10x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

es pouvoirs publics ont commencé à s’intéresser à l’influencedes TIC sur l’environnement il y a trois ans, quand les étudesdu Gartner ont démontré que leur impact était, au niveaumondial, du même ordre que celui de l’aviation civile.

Le gouvernement français a souhaité disposer d’une étude objective sur laquestion (rapport CGTI/ CGEDD/ ARCEP de 2008), puis a demandé fin 2008 àMichel Petit (CGIET) d'animer un groupe de travail avec les différentes partiesprenantes (industriels, opérateurs télécom, utilisateurs, ONG) afin de dégager despistes d’action en vue d’une meilleure utilisation des TIC en faveur de l’environne-ment (Groupe DETIC : Développement écoresponsable et TIC).

Le premier rapport* a mis en évidence des lacunes dans la gestion des déchets.Depuis, les entreprises ont fait des efforts dans le recyclage des terminaux mobiles.Quant aux émissions de gaz à effet de serre, l’impact des TIC est très difficile à évaluercar les processus industriels sont complexes et largement décentralisés. La situationfrançaise est particulièrement atypique car sa production d’électricité provient majori-tairement du nucléaire, elle est donc décarbonée. Et comme les équipements TIC sontlargement importés, l’impact lié à la production (à l’étranger) de ces équipements estsouvent supérieure à l’émission que leur usage (consommation d’électricité nucléaire)génère en France. Ce point a suscité des tensions avec les industriels qui ont tendance

à pousser au renouvellement des matériels, arguant leur meilleure efficacité énergé-tique, mais qui oublient l’émission de CO2 liée à leur production.

Même si les estimations de certains industriels sont optimistes, on admet objecti-vement que les gains des TIC en matière de développement durable sont nettementsupérieurs à leur impact négatif. Pourtant, mesurer l’impact des TIC sur l’environnementest une affaire complexe. D’une part, il s’agit largement de potentiels estimés et, d’autrepart, il est par exemple difficile de faire la part des choses entre l’économie énormeréalisée par une communication électronique avec les Etats Unis et le coût en CO2 duvoyage : grâce aux TIC, on voyage moins, mais sans les TIC, qui favorisent la mondia-lisation et les échanges, peut-être voyagerait-on encore moins? Même constat pour letélétravail qui économise des déplacements mais autorise parfois une plus grandedistance domicile- travail. Ce qu’on appelle l’effet rebond.

Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan des travaux du groupe « DETIC » maisdeux ans après le premier rapport fait avec l’ARCEP, on constate que la plupart desrecommandations ont été suivies d’effet, et que les acteurs qui ont travaillé ensembleont intégré le développement durable dans leurs préoccupations. Le secteur, notam-ment celui des télécoms, devenu plus mature sur ces sujets, tend à faire converger deplus en plus économie et écologie.* www.telecom.gouv.fr/fonds_documentaire/rapports/09/090311rapport-ticdd.pdf

Par Florence Puybareau, journaliste

Attention àla « mascarade écologique »

'informatique peut elle être verte ? Ce qui pouvait, il y a quelquesannées, être un sujet de philosophie pour les élèves de termi-nale, est devenu aujourd'hui une véritable problématique pourtous les fournisseurs et consommateurs de nouvelles techno-

logies. En jargon branché, on appelle ça le Green IT, un concept un peu flou quienglobe pêle-mêle la consommation énergétique des appareils électroniques (et leurimpact carbone sur la planète) mais aussi le comportement des producteurs vis-à-visde l'environnement. Si Google semble avoir une empreinte carbone moindre qu'unfabricant d'ordinateurs - qui utilise pour ses machines des matériaux difficilementrecyclables - on oublie souvent que le géant américain fait tourner des milliers deserveurs informatiques à travers le monde. Or ces serveurs sont très gourmands enénergie, que ce soit pour l'alimentation électrique ou les circuits de refroidissement.

Trier le green du greenwashingD'une façon générale, les industriels de l'électronique ont bien compris l'enjeu.Certes, quelques uns, sous couvert de faire du Green IT, font plutôt du greenwas-hing ou, comme le disent, nos cousins québécois, de "la mascarade écologique". Asavoir enjoliver leurs pratiques environnementales ou les avantages environnemen-taux de leur produit ou de leur service. Ainsi, tous les ans, Greenpeace publie unclassement des plus grands fabricants de matériel IT et l'on constate que lesdiscours ne sont pas toujours en phase avec les actes (1). Car faire du Green coûtecher aux fournisseurs en les obligeant à modifier leurs modes de production. Sans

compter cette course à l'innovation qui pousse à aller plus vite et non pas forcémentà penser plus « écolo ». Néanmoins, la prise de conscience est indéniable, d'abordpour des raisons réglementaires (retraitement des déchets, des appareils usagés,interdiction de certaines substances...), mais aussi car la pression de l'opinionn'admet plus que les fabricants ne prennent pas leurs responsabilités. Vendre deslogiciels uniquement en ligne, développer des box moins gourmandes en énergie oumettre en place des data centers free cooling (qui utilisent les basses températuresde l'air extérieur pour refroidir l'intérieur) nécessite de gros investissements. Maisl'entreprise y gagnera en termes d'image et de retour sur investissement.

La vie en vert grâce aux TIC ?Parallèlement, la mise en place des TIC peut aussi être un facteur de réduction desgaz à effets de serre, même si, là encore, il faut se méfier du greenwashing. Le télé-travail, par exemple, évite à un salarié de se déplacer (donc de prendre sa voiture...),mais il va entraîner une hausse de la consommation électrique du foyer.Globalement, néanmoins, le solde est plutôt positif. C'est en tout cas la conclusiond'une étude réalisée début 2010 par l'Idate et The Boston Consulting Group quimontre qu'en 2020, "la mise en œuvre des TIC devrait contribuer au tiers de l'ob-jectif national de 20 % de réduction de gaz à effet de serre pour l'ensemble de l'ac-tivité française". Une prévision plutôt encourageante à condition que les fournisseurstiennent leurs engagements.(1) www.greenpeace.org/international/campaigns/toxics/electronics/how-the-companies-line-up

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Par Jean Cueugniet, Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies CGIET

Les pouvoirs publics passentà la loupe les « éco-TIC »

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x11

TIC et développement durable

La généralisation de l'usage des TIC dans le monde a un impact sur notreenvironnement : hausse importante de la consommation d'énergie etmultiplication du nombre d'équipements électroniques usagés. Dans cechapitre, c'est tout l'écosystème télécom - associations professionnelles,opérateurs, équipementiers, CDN, SSII - qui prend la mesure de l'enjeuenvironnemental et qui déroule le tapis vert aux bonnes pratiques écologiques(économies d'énergies, recyclage).

Télécom etdéveloppementdurableDidier PouillotIdate......................p. 12

Les associationsprofessionnellesPierre Gattaz FIEEC ..................p. 14

Richard LalandeFFT ........................p. 15

Eric MitteletteSyntec numérique ............p. 16

Hugues de GromardSycabel ......................p. 16

Christophe Stener,et GabrielleGautheyAlliance TICS ......p. 17

Patrick BertrandAFDEL ........................p. 22

Les équipementiersNicola Peill-MoelterAkamai Technologies..........p. 18

Bruno Durand,Juniper Networks..................p. 18

Franck Bouétard Ericsson ....................p. 19

Olivier SeznecCisco..............................p. 22

Didier Huck Technicolor ............p. 27

Alain Viallix Alcatel-Lucent ......p. 28

Les opérateursCatherine MoulinSFR................................p. 21

Yves CaseauBouygues Télécom....................p. 21

Marc FossierFrance Télécom -Orange........................p. 24

Et aussi...Tom DowdallGreenpeace ....p. 19

Etienne DelormeAteliers du Bocage........p. 20

Thierry MileoIBM ........................p. 23

TIC et « normes vertes» ..............p. 26

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Les télécoms face au défi de l'environnement

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'industrie des télécommunications connaît un déve-loppement ininterrompu depuis plusieurs décennieset singulièrement depuis dix-quinze ans avec l'émer-gence, puis le déploiement à grande échelle, desréseaux et services mobiles, puis des accès internet,

plus particulièrement haut débit.Ce mouvement s'est traduit à la fois par la production et la mise en

œuvre d'équipements de réseaux de plus en plus avancés et par une offrede terminaux de plus en plus nombreux pour soutenir l'explosion desnouveaux usages des consommateurs, grand public et professionnels. Auplan mondial, les opérateurs ont ainsi mis en place des infrastructurespermettant de gérer activement plus de 500 millions d'accès haut débitfixe, et d'en servir potentiellement plus d'un milliard, dont environ 200millions en très haut débit à ce jour, et 5 milliards de clients mobiles. Il s'estpar ailleurs écoulé, de 2000 à 2009, quelques 7,8 milliards de terminaux

mobiles dans le monde.Cette démultiplication

de moyens a bienévidemment créé uneaugmentation de laconsommation d'énergieinhérente au fonctionne-ment des réseaux et àl'alimentation des termi-

naux, en même temps que leur diffusion permettait d'entrevoir des écono-mies, et plus largement des effets positifs sur l'empreinte carbone pour unnombre croissant d'autres activités. Dans une période où la préoccupationenvironnementale devient majeure, les industriels du secteur œuvrentaujourd'hui à contenir les effets directs de ces nouveaux outils de commu-nication et à favoriser tous les effets de substitution, de gestion intelli-gente, de rationalisation, etc, qu'ils peuvent avoir sur l'ensemble del'économie.

Des effets directs à divers niveauxConcernant les effets directs, trois types d'activités sont généralement

isolés comme sources spécifiques d'émissions carbone : la production etle transport des équipements, chaque étape de la chaîne – depuis l'ex-traction des matériaux nécessaires à la fabrication à la livraison sur site,en passant par les différentes phases de transformation, assemblage, etc– nécessitant des apports d'énergie divers ; l'exploitation des réseaux,dont le fonctionnement se fait le plus souvent à partir de sources d'ali-mentation électrique, avec une mention particulière pour les datacenters ;le fonctionnement des matériels et terminaux enfin, qui nécessitent euxaussi d'être alimentés en électricité, en permanence ou régulièrement.

Au niveau mondial, les émissions liées directement à la production, àl'exploitation et à l'usage de réseaux, services ou terminaux télécoms

sont estimées à moins de 1% des émissions totales, ce qui, au regard dela contribution du secteur au plan économique, à savoir près de 3% duPIB mondial, apparaît modeste : l'industrie des télécoms serait donc plus"propre" que la plupart des autres secteurs. Il ne s'agit là toutefois qued'une moyenne et la situation, pays par pays, segment par segment,s'avère évidemment très contrastée. Dans certains cas, le fonctionne-ment de réseaux de télécommunications peut nécessiter des moyens enénergie fortement polluants : on cite notamment l'exemple de ces opéra-teurs mobiles, dans certains pays émergents, dont l'une des activitésprincipales est… le transport de camions-citernes pour ravitailler encarburant les stations et relais radio disséminés dans les territoires. Parailleurs, l'explosion des usages augmente mécaniquement les émissions,du moins tant que des efforts de rationalisation n'ont pas été engagés.

La situation en FranceEn France, l'IDATE a lancé depuis deux ans, en partenariat avec la

Fédération française des télécommunications (FFT), Alliance TICS et leSimavelec, des travaux de mesure de l'impact environnemental de lafilière TIC. Centrée sur l'empreinte environnementale des acteurs enFrance, cette analyse s'est polarisée sur les usages. Par ailleurs, pourtenir compte du mix énergétique spécifique de notre pays (contenufaiblement carboné de l'électricité), c'est l'évaluation de la consomma-tion électrique qui a été privilégiée plutôt que celle des émissions de CO2

ou de GES (1). Enfin, le périmètre, étendu à la filière TIC, permet de consi-dérer un impact global, indépendamment des transferts ou substitutionséventuels entre segments.

Pour 2008, nous avons ainsi mesuré une consommation au titre dufonctionnement et de l'usage des réseaux et services TIC en France de35,3 TWh. En l'espace de trois ans, ce volume a augmenté globalementde 19 % et son poids dans la consommation électrique totale du paysest passé de 6,2 % en 2005 à 7,3 % en 2008, soit une part légèrementsupérieure à la contribution directe de ces secteurs à l'économie natio-nale. Ce niveau relatif et surtout cette forte progression doivent bien sûrêtre mis en regard des économies générées de manière induite auprèsd'autres secteurs (lire page 30-31) et de la dynamique particulière d'équi-pement et d'usage des TIC au cours de la période récente. Le tauxd'équipement des ménages français en PC est passé de 55% à mi-2005à 74% à mi-2009, le nombre d'abonnés ADSL a plus que doublé entreles deux dates (de 7,4 millions à 15,9 millions) et continue de progresserfortement, le parc de clients actifs IPTV a crû en moyenne de plus de50% par an ces dernières années…

Pris isolément, le secteur des télécommunications entre pour un peumoins de 20% dans la consommation de la filière TIC en France : 6,7TWh en 2008. La croissance, de près de 50 % en trois ans, est toute-fois en ralentissement année après année ; en 2009, la consommationmesurée est de 7,2 TWh, soit +7,5% en un an. Pour 2012, son niveau

Par Didier Pouillot,responsable des études sur l’économie des télécoms à l’IDATE

Télécommunications et développement durable : les liaisons vertueuses

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12x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

Au niveau mondial, les télécommunicationsreprésentent 1 % desémissions carbonetotales, et 3 % du PIB.

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pourrait atteindre 8,5 TWh. Cette tendance résulte des effets, inverses,d'une forte augmentation des usages d'un côté et d'économies au niveaude la consommation unitaire des équipements de l'autre : ces dernièresrelèveraient pour partie de migrations dans le parc (disparition progressivedes télécopieurs par exemple), mais surtout d'améliorations de l'efficacitéénergétique des différents éléments de réseaux et terminaux, auxquellestravaillent fabricants et opérateurs.

Le niveau et la dynamique de consommation sont évidemment nuancésselon les postes, non seulement du fait de volumes et de croissances varia-bles selon les types d'usages et d'équipements qui les supportent (trafic IPen très forte augmentation, notamment), mais aussi du fait de profils d'ali-mentation différents. Une charge de quelques heures donne aux terminauxmobiles une autonomie de fonctionnement de plusieurs jours tandis que lesboîtiers ADSL doivent être alimentés en permanence. Au total, la consom-mation des 17 millions de box et des quelques millions de décodeurs asso-ciés actifs en 2009 est 25 fois supérieure à celle des 60 millions determinaux mobiles. Par ailleurs, la croissance par rapport à 2008 est de20% pour le premier groupe alors qu'elle n'est que de 5% pour lesecond.

Plus largement, les équipements de réseaux, fixes et mobiles, ainsique les bureaux et boutiques des opérateurs, entrent pour un peu plusde la moitié de la consommation électrique des télécommunications enFrance. Une petite moitié est donc consommée par ailleurs pour fairefonctionner les équipements terminaux d'entreprise, mais surtout grandpublic.

Datacenters et box au banc des accusésDeux postes sont scrutés de près parce que fortement consomma-

teurs. Pour les réseaux, ce sont les datacenters dont les capacitésdoivent augmenter en permanence et, pour les terminaux, ce sont les boxet les décodeurs, deux segments pour lesquels des efforts sont d'ores etdéjà engagés et qui doivent se poursuivre sur le moyen terme.

Concernant les datacenters, la préoccupation dépasse largement lesecteur télécoms ; c'est avant tout l'industrie informatique qui travaille àfournir des solutions pour contenir la consommation des datacenters etserveurs divers. Les leviers sont notamment la consolidation et la virtuali-sation de ces équipements ainsi que, plus immédiatement encore, l'opti-misation des systèmes de climatisation qui les entourent.

Sur les box et les décodeurs, une des premières réponses apportéespar l'industrie consiste à mettre en place une fonction "veille" dans les maté-riels qui doit permettre, dès lors que l'accès haut débit n'est pas sollicité(plus de 80% du temps en moyenne) de basculer automatiquement en

mode basse consommation. Parmi les solutions intermédiaires, la mise enplace d'un interrupteur sur les différents boîtiers peut déjà permettre auxutilisateurs d'éteindre les matériels quand ils s'absentent. Les travauxdoivent en outre intégrer les développements pour de futurs usages de cesbox, notamment comme outils de commande domotique. Des efforts demême nature sont engagés au niveau des réseaux d'accès : une fonctionbasse consommation est en développement pour les ports DSL parexemple.

Ces efforts combinés doivent permettre à l'industrie des télécommuni-cations de devenir de plus en plus "vertueuse", de plus en plus "propre", enFrance comme dans le reste du monde. Au plan national, ces efforts pour-raient permettre de stabiliser puis réduire progressivement la consomma-tion électrique du secteur à un horizon de 6-7 ans. Un certain nombre de

points visant à soutenir cet objectif ont d'ailleurs fait l'objet d'en-gagements de la part de la FFT (lire page 15). A plus long terme,la question se déplace vers les réseaux et accès de nouvellegénération (NGN/NGA), un domaine dans lequel ingénieurs etchercheurs sont déjà à la tâche pour faire en sorte que la profu-sion des usages dont ces nouveaux réseaux devraient être lessupports ne réengage la filière dans une spirale ascendante enmatière énergétique. Au-delà du programme Green Touch (lirepage 28), annoncé début 2010 par les Bell Labs, ce sont desefforts à tous les niveaux qui doivent se poursuivre pour quedéveloppement des télécommunications rime définitivementavec développement durable.

www.idate.org(1) Gaz à effet de serre

En juillet 2010, dans le cadre de la loidite « Grenelle 2 », l’Autorité s’est vuconfier la mission de tenir compte del’environnement dans ses décisions et ses actions. L’attention que porte l’Autorité auxquestions de développement durablepasse notamment par l’enrichissementdes informations collectées et publiéespar l’ARCEP dans ses observatoires.L’élaboration d’indicateurs de suiviappropriés n’est cependant pas simple.La première difficulté est la définition dupérimètre exact des TIC : les services decommunications électroniques ont desfrontières mouvantes (une télévisionpeut aujourd’hui être « connectée » etfournir des services de communicationsélectroniques) et comportent des servicesdématérialisés qui s’appuient sur desinfrastructures pourtant bien réelles maisparfois distantes (les fermes de serveurs).Par ailleurs, leur usage est susceptibled’avoir des répercussions sur l’ensemblede notre activité (le transport en étantune illustration). Cette complexitéconduit à des études d’impact qui, sielles semblent s’accorder sur l’impactpositif des TIC, donnent cependant desévaluations différentes selon les

périmètres retenus.Dans ce contexte, l’approchepoursuivie est de mettre en place

un nombre d’indicateurs

restreint, qui sera progressivement enrichiau fur et à mesure que seront stabiliséesles méthodes et que les périmètres serontprécisés. Deux axes principaux sontactuellement à l’étude : l’un relatif à laconsommation énergétique et l’autre auxdéchets d’équipements du secteur destélécoms. Sur le premier, l’approche globale desdépenses énergétiques des opérateurs(toutes les consommations des réseaux)peut être complétée par le suivi desconsommations des équipements desutilisateurs de services télécoms (box,terminaux mobiles, décodeur TV,…). Ceciimplique une connaissance précise deséquipements d’infrastructures tels que lenombre de DSLAM, ou de stations debase, et présuppose en outre deconnaître à la fois la consommationmoyenne énergétique de chacun de ceséquipements (chaque génération de boxa une consommation différente) et leurdiffusion dans la population. En ce qui concerne le recyclage desdéchets d’équipements, les opérateurs ontmis en place une collecte des terminauxmobiles usagés, qu’il convientnaturellement de suivre, comme peuventl’être également le nombre de terminauxcommercialisés sans chargeur ou bienencore le nombre d’abonnementssouscrits sans achat concomitant d’unterminal.

Les observatoires de l’ARCEP passent au vert

TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x13

Evolution récente de la consommation électrique liée àl'exploitation et l'usage des télécommunications en France

(TWh/an)

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es débats autour du développement durable et destechnologies de l’information oscillent toujours entredeux extrêmes. D’un côté, une inquiétude sur l’impactde ces technologies, notamment dans leur consom-mation électrique, de l’autre, un enthousiasme sur leur

apport pour mettre en place des processus plus économes. Commetoujours, la réalité est plus complexe que les discours simplificateurs.

Un impact environnemental à regarder dans sa globalitéL’impact environnemental des services et technologies de l’information et

de la communication (STIC) doit se regarder dans sa globalité. La consom-mation énergétique, sur laquelle beaucoup d’efforts sont focalisés, n’est aufinal qu’une dimension du problème : au-delà, les questions d’éco-concep-tion, de recyclage, de bannissement de certaines substances et de durabi-lité doivent être prises en compte dans une analyse plus globale. Or, grâceà des démarches volontaires, ou sous l’effet de la réglementation (directiveRoHs par exemple), des améliorations sont régulièrement accomplies en lamatière par l’industrie européenne.

Sur la consommation énergétique, force est de constater que lesprogrès sont constants, rapides et réels. Ainsi, la hausse de la consomma-tion globale des systèmes TIC est nettement moins rapide que pouvaitlaisser croire leur généralisation à l’ensemble de la société. Pour tous lesoutils liés aux TIC, depuis les téléviseurs jusqu’aux téléphones mobiles, enpassant par les composants et sous-systèmes, les efforts ont été énormespour réduire ces consommations énergétiques et ils commencent à payer.Encore une fois, beaucoup reste à faire, mais la dynamique vertueusesemble désormais bien enclenchée et ne peut que s’amplifier.

Un apport évident au développement durable, mais difficile à mesurer

La généralisation des STIC dans l’ensemble des processus et outils esten parallèle un élément très positif et concret d’efficacité et de développe-ment durable. Pour autant, la mesure de l’apport de ces nouvelles techno-logies est en revanche plus difficile à mesurer précisément, tant il recouvrede formes différentes. C’est l’exercice indispensable qu’ont mené laFédération française des télécommunications (FFT), Alliance TICs et laFédération des industries électriques, électroniques et de communication(FIEEC), courant 2009, dans une étude largement reprise. Au-delà des chif-fres, il est parfois plus simple de prendre quelques exemples :• le transport, et en particulier l’automobile, est un cas frappant de l’intérêt

des STIC. Aujourd’hui, l’essentiel des progrès que réalise encore la moto-risation thermique en termes de rejets de polluants, est dû à une meilleureintégration de l’électronique au sein de l’automobile. Demain, la voitureélectrique, dont l’autonomie restera limitée encore quelques années, nefonctionnera efficacement que si le véhicule devient un objet connecté,communiquant et intelligent avec les autres véhicules, mais aussi avec

l’infrastructure routière ou urbaine.• la consommation énergétique des bâtiments, et leur « efficacité énergé-

tique », ne peut être réduite à une démarche passive consistant à étan-chéifier l’enveloppe de la construction. La gestion énergétique intelligentedes bâtiments, la mise en œuvre d’automatismes, l’interconnexion de cesbâtiments et des logements, au sein de réseaux énergétiques intelligents(les fameux smart grid) sont des éléments tangibles et pertinents d’éco-nomie d’énergie qui ne peuvent exister que grâce à la généralisation desSTIC dans l’ensemble des processus.

• le développement de la télésanté et de la télémédecine, en limitant lesdéplacements, outre son efficacité en termes de soins, aura un impactécologique positif.

Comment capitaliser sur ces enjeux pour l’industrie européenne ?

Le développement durable, dont la mise en œuvre est un enjeu de surviepour nos sociétés, ne doit plus être vécu comme une contrainte, mais biencomme une opportunité majeure pour notre industrie. Nous avons en Europeune industrie des STIC qui reste vivace, forte, et innovante, n’en déplaise auxCassandre de tout bord : télécommunications, équipements et composants,logiciels, services sont des atouts qu’il nous faut entretenir. L’enjeu aujourd’huiest de généraliser l’utilisation de ces outils et composants au sein de diffé-rents métiers et processus. Pour cela, il ne faut pas se tromper d’axe detravail : l’industrie européenne des STIC ne doit pas vouloir « faire à la placede », mais bien « se mettre au service de ». Cela veut dire que la filière STICa une obligation de travailler en étroite collaboration avec les filières utilisa-trices (bâtiment, énergie…) : il s’agit de montrer aux acteurs compétents enquoi les technologies STIC sont porteuses d’innovations de rupture au servicede leurs enjeux. A condition que les infrastructures de base permettantl’émergence de ces services et usages « verts » soient bien en place (trèshaut débit, cloud computing reposant sur des datacenters « verts », etc.),c’est la capacité à intégrer les STIC dans des secteurs utilisateurs tiers quidonnera à notre industrie la capacité de réussir, collectivement.

Ainsi, le groupe filière STIC des états généraux de l’industrie concluaitqu’il y a une place à prendre pour notre filière au sens large (industrie,services et usages) dans le leadership d’une économie numérique auservice de l’environnement, innovante, force de solutions et largementdiffusée dans l’ensemble de l’économie. La feuille de route est tracée et lamobilisation des acteurs réelle. La conférence nationale de l’industrie,récemment mise en place, peut être un des éléments moteurs dans cettemise en œuvre pratique car il est important de transformer maintenanttoute cette réflexion en marchés concrets générant des commandes pourles entreprises. N’oublions pas, en effet, l’objectif fondamental de cetteréflexion : créer de la croissance, de la richesse pour notre pays et de l’em-ploi pour nos concitoyens.

www.fieec.fr

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14x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

Par Pierre Gattaz,président de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication

TIC et développement durable : une opportunitémajeure pour l’industrie

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TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x15

’industrie des technologies de l’information et de lacommunication est dans une situation paradoxale. Ellepeut être vue comme consommatrice d’énergie, et ced’autant plus que cette consommation a, jusqu’àprésent, augmenté avec l’explosion des usages,

malgré les efforts des industriels et des opérateurs pour réduire lesdépenses énergétiques unitaires des matériels et des réseaux. Mais elle doitaussi être vue comme un formidable outil de développement durable auservice de la société et de l’ensemble des secteurs d’activité de notre pays.

De nombreuses études internationales montrent en effet un importanteffet de levier des TIC en faveur des réductions de gaz à effet de serre,l’énergie dépensée dans les TIC permettant de réduire considérablement lesdépenses d’énergie dans tous les autres compartiments de l’économie et dela société. Le rapport du Climate group « Smart 2020 » parle ainsi d’unfacteur 5, la dépense d’1 kg d’équivalent CO2 dans les TIC permettantd’éviter l’émission de 5 kg de CO2 dans l’économie.

Pour disposer de données françaises, la Fédération française des télé-coms a décidé de mener en 2009 avec Alliance TICS et la FIEEC une doubleétude portant, d’une part, sur la consommation électrique de la filière TIC enFrance (confiée à l’DATE) et, d’autre part, sur les effets induits de l'utilisationdes technologies TIC dans les autres secteurs de l'économie en matière deconsommation énergétique (confiée au BCG). Une fois les résultats de cesdeux études connues, les entreprises de la Fédération en ont tiré les ensei-gnements en décidant de signer, en juillet 2010, une charte d’engagementsvolontaires avec les pouvoirs publics (lire encadré).

Un double défi S’agissant des télécoms, l’étude Idate (lire p.12-13) montre que la

consommation électrique de la filière est passée de 4,6 TWh en 2005 à7,2 TWh en 2009. La majeure partie de l’augmentation provient du déve-loppement des usages haut débit fixe qui a un peu plus que doublépendant que le nombre de box quintuplait. Quant à l’effet de levier desTIC sur le développement durable (lire p. 30-31), il est clair qu’avec lesbonnes incitations leur diffusion peut contribuer directement à réduirede 7% les émissions des gaz à effet de serre d’ici 2020, soit un tiersde l’objectif français, qui est de 20% selon les protocoles actuels.

Pour l’industrie des télécoms, le défi est double. Il faut stabiliser laconsommation d’énergie du secteur, dans un contexte d’explosion desusages et des trafics due à une diffusion massive des TIC. Pour réussir,les efforts entrepris pour développer des TIC plus sobres en énergie etminimiser notre empreinte environnementale au niveau de chaque entre-prise seront accentués. Il nous faut ensuite contribuer à la réduction desémissions de gaz à effet de serre de notre économie à horizon 2020.Nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour promouvoir,auprès des filières stratégiques de l’économie verte - transports, bâti-ments ou énergie – un vaste plan de diffusion des TIC vertueux en matièrede consommation énergétique.

Dans le débat actuel sur les réseaux électriques intelligents (smartgrids), notre contribution est par exemple centrée sur la nécessité de

développer des interfaces communes entre les réseaux domiciliaires et lesréseaux électriques pour optimiser la consommation électrique indivi-duelle. La télévision et l’ordinateur sont déjà connectés au réseau domici-liaire à travers 18 millions de box ; il faut maintenant se mettre d’accordpour connecter l’appareillage électrique, le chauffage, l’électroménager, etbientôt la voiture électrique.

Une charte environnementaleLes entreprises de la Fédération française des télécoms ont également

signé, en juillet 2010, avec les pouvoirs publics, une charte environnemen-tale. Cette charte est engageante, complète et réciproque. Engageante carelle propose des objectifs chiffrés, des plans d’actions volontaires et desindicateurs de suivi opérationnels, avec publication d’un bilan annuel.Complète car elle couvre tous les champs de responsabilité des opérateursen matière de maitrise de leur consommation et de participation à l’amé-lioration de la performance environnementale du pays. Réciproque, car elleengage les pouvoirs publics et les entreprises du secteur à conjuguer leursactions pour atteindre le même objectif de soutien au développementdurable de notre pays par la diffusion efficace des TIC au sein de l’économieet de la société, en leur permettant de réduire leur empreinte environne-mentale tout en améliorant la compétitivité de l’économie et le cadre de vie.

Bien que son organisation soit encore très jeune, l’industrie des télé-coms a ainsi, en moins de deux ans, concrétisé sa volonté de participerau cercle vertueux du développement durable, qui consiste à faire du bienà la planète tout en permettant aux citoyens de conserver un bon niveaude vie et aux entreprises de poursuivre leur développement économiquede manière compétitive et pérenne.

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Par Richard Lalande,président de la commission développement durable de la Fédération française des télécoms

Faire des TIC un secteur à énergie positive

Maitriser les consommationsd’énergies du secteur des télécoms

dans un contexte de fort développement desusages, avec pour objectif la stabilisation dela consommation globale (réduction de laconsommation unitaire des box haut débit,des centres de données, des réseaux…).

Contribuer à l’objectif nationald’amélioration de la performance

environnementale française à horizon2020, notamment en favorisant le pilotage etl’optimisation de la consommation électriqueen heures de pointe de la maison, lestransports intelligents, les bâtimentséconomes, le télétravail et la dématérialisationsous toutes ses formes. La seule optimisationdes consommations électriques en heure depointe représente ainsi un potentieléquivalent à la consommation totale dusecteur des télécoms.

Favoriser la consommationdurable en améliorant la

conception des produitscommercialisés pour en réduire lesimpacts environnementaux tout au longde leur cycle de vie, en incitant à larécupération des téléphones usagés, enaffichant les performancesenvironnementales des téléphones fixes etmobiles, en promouvant ladématérialisation, les écoproduits, lalimitation des emballages et l’arrivée duchargeur universel.

Avoir une démarche exemplairevis-à-vis des partenaires et

fournisseurs par la mise en œuvre depolitiques d’achats responsables.

S'inscrire dans une démarche deprogrès continu, notamment en

encourageant le comportement éco-responsable des collaborateurs desentreprises du secteur (optimisation duparc automobile, recyclage du papier,plans de déplacement d’entreprises…).

Une charte d’engagement en cinq volets

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www.fftelecom.org

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es technologies de l’information et de la communicationjouent un rôle fondamental en matière de développementéconomique. Elles peuvent être utilisées par bien dessecteurs d’activité pour réduire leur empreinte écolo-

gique. Le principal objectif de Syntec numérique est de démontrer aux utili-sateurs et aux décideurs les bienfaits de la mise en place d'outils et deméthodes plus responsables, et de réduire ainsi les coûts.

Participer à la croissance « verte » de l’économie Selon le rapport Smart 2020, les TIC peuvent réduire les émissions de

gaz à effet de serre de 20 à 25 % à l’horizon 2020, un des axes prioritairesd’action au sein des entreprises. Les TIC sont incontournables pour glisservers une économie positive, notamment en dématérialisant les supports etprocessus physiques, en privilégiant le télétravail et en réduisant l’empreinteenvironnementale des processus industriels et logistiques. Cette démarches’appuie sur un modèle de boucles écologiques fermées (cradle to cradle),qui consiste soit à ne pas produire de déchets en dématérialisant les biens,supports et processus, soit à réutiliser les déchets des produits obsolètescomme matière première pour fabriquer de nouveaux produits.

Anticiper l’évolution du cadre réglementaire La pression écologique des consommateurs et des citoyens se traduit

par une évolution des réglementations européennes et nationales. Cettepression agit à la fois sur les constructeurs informatiques, sur les éditeursde logiciels et sur les utilisateurs. En ce qui concerne les éditeurs de logi-ciels, la plupart des experts estiment qu’une double comptabilité carbonesera incontournable à court terme. Elle permettra notamment demesurer, sous un angle écologique, l’activité de l’entreprise.

Améliorer l’empreinte environnementale des TICEnfin, les TIC sont à l’origine de 2 % des émissions de gaz à effet de

serre. Ce chiffre va doubler à l’horizon 2020 si rien ne change. Lesacteurs des TIC ont pris la mesure de cet enjeu et innovent pour réduireleur empreinte environnementale en diminuant la consommation élec-trique des processus informatiques responsables des émissions de CO2.Les entreprises doivent également limiter les pollutions chimiques et lesdégradations des écosystèmes engendrées lors de la fabrication et dela fin de vie des matériels.

Pour Syntec numérique, les TIC apportent des réponses concrètesaux problématiques de développement durable, de gestion desressources et de réduction de l’empreinte écologique de tous lessecteurs de l’économie et constituent un pilier essentiel de l’économieverte.

www.syntec-numerique.fr

16x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

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Par Eric Mittelette, membre du Comité développement durable de Syntec numérique

u siècle dernier, les transports ont redessiné le mondeen raccourcissant les distances. Aujourd’hui, les TICsont en train d’abolir les distances et le temps en créantla possibilité d’être dans plusieurs lieux à la fois. Cette

ubiquité est une transformation radicale de notre société ; elle diminue lebesoin de transports, grands consommateurs d’énergie et émetteurs deCO2, et accélère le développement cognitif, économique et industriel surtoute notre planète, permettant ainsi de réduire l’exode rural.

Infrastructures des TIC, les câbles (cuivre, coaxial, fibre optique) sontl’ossature des réseaux de communication, de transport et de distributiond'électricité, ainsi que des réseaux de gestion technique centralisée. Ilssont au cœur des nouveaux systèmes éco-responsables à haute effica-cité énergétique. Au cœur du déploiement de ce qu’il est convenu d’ap-peler les smart grids, les réseaux de transport et de distributiond’énergie sont la condition sine qua non d’une consommation respon-sable d’énergie, et donc d’économies significatives.

Acteurs clés dans le déploiement de ces infrastructures, lesmembres du Sycabel mènent des actions concrètes en faveur du déve-loppement durable en participant activement aux travaux de normalisa-tion des produits, au choix des solutions technologiques les mieux

adaptées, ainsi qu’à de nombreuses études d’impact environnemental,comme par exemple celle du FttH Council sur le très haut débit. Lesindustriels se sont aussi engagés dans une démarche rigoureuse d'éco-déclaration en adhérant au PEP-Ecopassport (Profil EnvironnementalProduit) qui couvre la production, le transport, le traitement et recyclagedes déchets et la traçabilité. Une politique volontariste permet enfin demaintenir les unités de R&D et de production au plus près des besoins,pour éviter les délocalisations et les transports sur de longuesdistances.

L’atout fibre verteLe déploiement des TIC s’est souvent fait dans l’urgence et nombre

de réseaux sont non évolutifs, voire déjà obsolètes. La fibre optiquejusqu’à l’abonné (FttX) est le seul investissement durable et pérenne,avec des possibilités d’évolution quasi illimitées en débits montants etdescendants. La pérennité de ces réseaux en fibre optique concourt àla réduction du CO2 et limite, voire supprime, la nécessité de travaux deremplacement. Enfin, la fibre optique contribue fortement à la diminutiondu rayonnement électromagnétique. Un atout de plus !

www.sycabel.com

Câbles et fibre : des atouts verts

Par Hugues de Gromard,délégué général du Syndicat professionnel des fabricants de fils et câbles électriques et de communication (Sycabel)

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L’informatique au service du développement durable

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Par Christophe Stener, président

et Gabrielle Gauthey, vice-présidente exécutive d’Alliance TICS

Diffuser les bonnes pratiques

TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x17

es usages des TIC se sont formidablement déve-loppés depuis trois ans, notamment grâce à l’essordu haut débit qui place la France dans le peloton detête en matière d’accès au numérique au niveaumondial. D’après les résultats de l’étude réalisée en

2009 par l’IDATE et le BCG, et co-financée par Alliance TICS, le nombred’abonnés haut débit a quasiment doublé en France en trois ans, passantà 17 millions fin 2008, alors que le nombre d’équipements connectés aaugmenté de 40 %. L’enjeu est donc de taille pour les industriels des TICSqui sont engagés au quotidien dans une démarche de développementdurable visant à limiter leur propre impact environnemental tout en four-nissant aux autres secteurs de l’économie des produits et des technolo-gies leur permettant d’améliorer leur performance environnementale.

Des entreprises éco-responsablesLes entreprises des TIC travaillent depuis des années à la conception

de produits et solutions toujours plus innovants, réduisant à chaque étapel’impact sur l’environnement. Limitation de l’utilisation de substancesdangereuses, mise en place de filières de recyclage performantes, réem-ploi de produits, amélioration de l’efficacité énergétique des produits, utili-sation de matières recyclées, sont quelques illustrations récentes decette démarche.

Le principal impact des produits de notre secteur est celui de leurconsommation énergétique, en raison du fort développement des TIC.Les efforts d’éco-conception ont donc consisté, en premier lieu, àaméliorer l’efficacité énergétique de nos appareils, avec des gains de 20à 30% sur les nouvelles générations d’ordinateurs, terminaux et équipe-ments de réseaux mobiles...

Ces pratiques ont été renforcées par des initiatives conjointes desindustriels avec les pouvoirs publics telles que la labellisation EnergyStar, le développement de codes de conduite européens notammentpour les équipements haut débit. Tout ceci permet de prévoir des réduc-tions de consommation électrique à iso-fonction de 15% à 25% parcycle de 3 ans.

Ainsi, les efforts d’éco-conception des industriels devraient permettred’éviter une hausse de la consommation électrique des équipements auniveau national, voire de la diminuer. En parallèle, Alliance TICS s’efforcede promouvoir les bonnes pratiques auprès des utilisateurs finaux àl’image de la publication du « Guide de l’éco-utilisateur », en 2009.

D’autres dimensions et actions en faveur du développement durablesont menées par nos entreprises adhérentes, que ce soit en termes desanté et sécurité des salariés, mais également de responsabilité socié-tale de l’entreprise dans la gestion de sa chaine d’approvisionnement (parexemple, par la mise en place de critères d’achats responsables).

Pour les membres d’Alliance TICS, la dimension du développementdurable est une préoccupation quotidienne, une donnée essentielle quiguide les décisions et les choix économiques et les bonnes pratiques desentreprises.

Un enjeu crucial pour le développement durableD’autre part, l’étude menée par le BCG en 2009 a permis de mettre

en avant, de façon concrète, le rôle positif des technologies TIC sur l’im-pact environnemental des autres secteurs de l’économie en France. Eneffet, les réductions des émissions de gaz à effet de serre permises parla diffusion des TIC dans les différents secteurs de l’économie sontévaluées par le BCG à 32 Mt de CO2, ce qui correspond à 7% des émis-sions totales françaises (soit un tiers de l’objectif de réduction de laFrance pour 2020).

Les principaux gisements de réduction des émissions de gaz à effetde serre, rendus possibles par la mise en œuvre des technologies TIC,sont concentrés dans : – la réduction des consommations électriques, notamment via le déve-

loppement de solutions innovantes de type « smart grid » (réseaux dedistribution intelligents) ou l’optimisation de la consommation auxheures de pointe « smart metering » (compteurs intelligents) ;

– l’optimisation des transports par les TIC avec, par exemple, le déve-loppement de solutions permettant aux automobilistes de réduire leurconsommation de carburant, leurs temps de trajet, notamment via lagéolocalisation ;

– le développement de nouvelles possibilités dedématérialisation au service de tous lessecteurs de l’économie française : télé-travail, visioconférence, e-commerce.Ainsi, l’une de nos entreprisesévaluait récemment l’impact dutravail à domicile 1 à 2 jours parsemaine des salariés d’un de sessites français à 250 000 km écono-misés par an, soit 8 tonnes de Co2.

Le déploiement de technologies TIC performantesà tous lesniveaux

de nos écono-mies devient donc unenjeu crucial pour le déve-loppement durable, et nos entre-prises en font au jourd’hui l‘une de leur prioritéen y consacrant des budgets de recher che et dévelop-pement significatifs.

L

www.alliance-tics.org

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Dossier

Consommer moins pour donner plus

Par Bruno Durand, vice-président Europe du Sud, Juniper Networks

18x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Porter l’effort sur l’innovation

n prétend souvent que le cloud computing est plus« vert » qu’une infrastructure en propre. Akamai offre unbon exemple de réseau cloud écologique. Notre plate-forme mutualisée de 77 000 serveurs déployés chez

des centaines d’opérateurs dans plus de 71 pays, permet d’absorberles pics d’activité issus des applications, des transactions ou d’autrescontenus dynamiques. Cette plateforme traite des dizaines de milliardsde requêtes chaque jour.

Mais qu’est-ce qui rend cette plateforme « verte » ? Une ressourcepartagée offre des performances d’une efficacité énergétique supé-rieure à ce que la plupart de nos clients pourraient obtenir avec leurspropres infrastructures. L’optimisation de l’usage des serveurs réduiten effet significativement la taille de l’infrastructure. La technologie uti-lisée (de « mapping » dynamique) permet de gérer le trafic au plus prèset donc de maximiser l’utilisation de chaque serveur. Ce qui signifiemoins de serveurs à trafic égal. A titre de comparaison, un serveur Aka-mai traite de deux à huit fois plus d’informations qu’une infrastructureweb classique.

Gestion de trafic intelligenteL’agrégation des flux hétérogènes de tous nos clients se transforme en

un flux compact plus régulier que celui d’un simple site isolé. La plus grandeprévisibilité de notre trafic cumulé, ainsi que notre faculté à répartir lacharge intelligemment nous permet de gérer les ressources machines enévitant ainsi la sous utilisation, tout en conservant une plus grande facilitéd’absorption des pics de trafic, qu’il soit saisonnier ou ponctuel.

Par ailleurs, nos ingénieurs cherchent constamment à optimiser le taux d’efficacité et de productivité (la bande passante) des serveurs. Le résultat ?Un taux d’utilisation et une bande passante plus importants avec une moindreconsommation d’énergie. Nombreux sont ceux qui, parmi nos clients, n’ont niles capacités, ni le besoin commercial, de faire des efforts comparables.

Enfin, le dernier élément de notre plateforme est l’accélération. Cette tech-nologie permet à nos clients de réduire leurs data-centers sans sacrifier lesperformances et le taux de disponibilité de leurs sites web ou de leurs appli-cations professionnelles. Le bénéfice est donc double : économie d’énergieet optimisation des coûts.

O

Par Nicola Peill-Moelter, director, environmental sustainability, Akamai Technologies

www.akamai.fr

e développement durable est très important pourJuniper Networks. Nous abordons ce thème avec lamême rigueur que celle avec laquelle nous relevonstous nos défis métiers. Chaque année, nous investis-

sons entre 800 millions et 1milliard de dollars en R&D. Notre objectifest simple : améliorer la conception de nos produits, optimiser l’effi-cacité de nos équipements et aider nos clients à redéfinir leur fonc-tionnement réseau afin de mieux maîtriser leurs dépenses en énergie.Les TIC ont un rôle à jouer dans la réduction des émissions de gaz àeffet de serre, et notre ambition est de contribuer de façon significa-tive à la diminution de l'énergie nécessaire pour transmettre lesdonnées.

Il est également urgent de prendre des mesures à court termepour diminuer les émissions carbone, en portant l’effort collectif surl’innovation. Par exemple, nos centres de données n’auront bientôtplus besoin que d’un seul niveau d’équipement, ce qui améliorera lestemps de commutation et les performances, diminuera l’emploi deressources physiques et la consommation d’énergie, simplifiera lagestion et abaissera les coûts. La réduction d’énergie sera de 40%par rapport à une architecture classique à trois couches (1).

Axes d’amélioration réalistesEn 2004, nous avons commencé à mesurer notre empreinte

carbone. Cela nous a permis d’identifier des axes d’amélioration

réalistes et d’avancer dans la bonne direction en utilisant des outilsde mesure certifiés et indépendants. Nos objectifs incluent la réduc-tion des émissions de CO2, l’élimination des matériaux et/ou dessubstances détruisant la couche d’ozone, la conformité à la législa-tion sur la suppression des substances dangereuses dans les paysoù nous sommes présents et la diminution de la consommationd’énergies fossiles.

Pour donner une dimension concrète à notre engagement, nousavons créé un comité de direction pour la responsabilité socialed’entreprise, qui rend directement des comptes à notre PDG, ainsiqu’un groupe de travail « vert », qui se consacre à l’abaissement dela consommation d’énergie des solutions destinées à nos clients. Deplus, depuis 2008, Juniper mène des enquêtes internes, afin deréduire fortement l’empreinte carbone de ses serveurs ainsi que leurconsommation d'énergie.

Nous avons la volonté de contribuer à l’effort général visant àdiminuer l’emploi de ressources non renouvelables, mais nous necachons pas que les progrès effectués dans ce domaine ont étéprécipités par les conditions économiques actuelles. Avec l’aug-mentation des coûts énergétiques mondiaux, il est rationnel derechercher la plus grande efficacité possible dans ce domaine.

www.juniper.net(1) Juniper Networks - Citoyenneté d’entreprise et Développement Durable,

Rapport 2009.

L

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x19

les TIC doivent être à l’avant-gardedes solutions climatiques

Par Tom Dowdall, responsable des green it, Greenpeace international

ous le savons : l’industrie des technologies de l’information etde la communication (TIC) peut et doit être à l’avant-garde dessolutions climatiques. Nous constatons tous à quel point lesentreprises des TIC se concurrencent pour apporter dans nos

vies des gadgets toujours plus nouveaux, plus rapides et plus époustouflants.Il est donc naturel qu’elles appliquent ce savoir-faire aux enjeux du climat et seconcurrencent pour déterminer les meilleures solutions climatiques, et les plusrentables.

Plusieurs entreprises du secteur des TIC, dont HP, Nokia, Microsoft, Cisco,Ericsson, Google, Dell et IBM, ont déjà affirmé qu’elles sont en mesure de four-nir des solutions qui réduiraient les émissions de gaz à effet de serre mondialesde 15 % d’ici 2020. Parce que Greenpeace souhaite saisir le potentiel des TICpour apporter des changements et les transformer en réalité, l’organisation alancé le Cool IT Challenge (défi super technologies), qui vise à encourager leschefs de file de l'industrie des TIC à s'attaquer aux changements climatiques.

Le Cool IT ChallengeGreenpeace a lancé son Cool IT Challenge en février 2009 par une lettre aux

PDG des principales entreprises TIC, leur demandant d'adopter des mesuresspécifiques dont le changement climatique serait le cœur. Nous les avonsexhortés à faire preuve de leadership dans trois domaines :• proposer des solutions grâce aux TIC et mesurer avec exactitude les consé-

quences que celles-ci pourraient avoir sur le reste de l’économie. Ces solutionsconcernent des secteurs critiques tels que la transmission d’énergie sur les ré-seaux électriques, le transport et l’efficacité énergétique des bâtiments ;

• réaliser des actions de lobbying pour trouver un accord viable sur le climat

aux niveaux international, national et local. La demande pour les solutions climatiques proposées par les TIC augmente lorsque des décisions politiquesfortes sont prises.

• réduire leurs propres émissions et augmenter leur utilisation des énergies renouvelables.

Le Cool IT LeaderboardComme dans notre campagne pour une high-tech responsable (guide publié

chaque trimestre depuis 2006), il est nécessaire de médiatiser les entreprisesqui proposent des solutions, mais aussi celles qui restent sur le banc de touche.Car si l’industrie des TIC poursuit sa croissance sans se défaire de sa dépen-dance aux combustibles fossiles, elle deviendra une grande partie du problèmeclimatique, et non la solution, ce que Greenpeace et plus d'un demi-million desympathisants ont identifié avec certaines entreprises, dont Facebook.

Notre campagne dans le secteur des produits électroniques a poussé plu-sieurs grandes sociétés dont Apple, HP, Acer, Sony Ericsson et Nokia à élimi-ner les produits chimiques les plus toxiques de leurs produits. Du côté des TIC,les PDG d’Ericsson, de Dell et de Cisco s’affirment désormais en faveur d’unelégislation mondiale plus stricte sur les changements climatiques, alors queGoogle a largement investi dans les énergies renouvelables. Afin de montrer lesdifférences au sein du secteur des TIC, Greenpeace a aussi mis sur pied leCool IT Leaderboard (tableau des leaders en super TIC). Le dernier tableau deces leaders, publié en décembre lors des négociations internationales sur le cli-mat, à Cancun, a mis Cisco (1er prix), Ericsson et Fujitsu à l’honneur, le bonnetd’âne étant décerné à Oracle.

N

Ericsson: le «green» est dans notre ADNPar Franck Bouétard, président d’Ericsson France

l’heure où le changement climatique et les émissions carbonesont à l’agenda de nombreux pays, le « green tech » est devenutellement tendance que l’on ne sait plus s’il procède d’un au-thentique investissement industriel ou d’un vernis marketing

dans l’air du temps. Chez Ericsson, la question de l’environnement est inscritedans le patrimoine génétique de l’entreprise. En 1983, Ericsson avait déjà éla-boré un premier concept de station de base solaire alors même que les mobilesn’en étaient qu’à leurs balbutiements. Presque trois décennies plus tard, l’entre-prise a déployé dans le monde entier plus de 1000 « green sites» en usage com-mercial. Selon les pays, ces sites fonctionnent soit au solaire, soit avec unecombinaison solaire/éolien, soit avec une alimentation hybride diesel/solaire.

25 kg de CO2 par abonné GSM par anDepuis 1994, Ericsson s’attache à conjuguer avancées technologiques et dé-

veloppement durable grâce, notamment, à son outil de mesure d’empreinte environnementale, qui permet de mesurer les progrès accomplis en matièred’émissions de CO2. De 180 kg par abonné GSM avec les réseaux de premièregénération, le chiffre est tombé aujourd’hui à 25 kg annuellement émis. Ericssons’est désormais fixé pour nouvel objectif de réduire son empreinte carbone de

40 % supplémentaires dans les cinq années à venir. Ainsi, tous les équipements constituant un réseau mobile font l’objet d’une

innovation constante pour réduire l’empreinte environnementale. Grâce à leurconception originale, nos antennes-relais permettent par exemple d’obtenir une ré-duction totale des émissions de CO2 d’au moins 30 % (matériaux, production ettransport inclus). Plus généralement, un réseau mobile bien conçu peut réduire lenombre de sites radio requis de 30 à 50%. Ensuite, l’activation d’un mode « veille»sur les équipements d’une station de base peut réduire la consommation d'éner-gie de 10 à 20 %. Si toutes les stations de base GSM d’Ericsson installées dis-posaient de cette fonction, les émissions de CO2 diminueraient de 1million detonnes par an - l'équivalent des émissions de 330 000 voitures voyageant chacune16 000 km par an.Les efforts accomplis ne sont toutefois qu’une infime partie de la contribution

des télécoms qui ne représentent au total que 2% des émissions de C02 sur laplanète. En revanche, ces mêmes télécoms peuvent aussi aider significativementles autres industries à réduire leurs propres émissions sans nuire à leur dévelop-pement économique. Ce domaine est encore aujourd’hui totalement sous-exploitépar les décideurs de ce monde.

TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

www.blog-ericssonfrance.com/categorie/environnement/

www.greenpeace.org

A

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20x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

– Le mercure, utilisé dans lesdispositifs lumineux des écransplats, est une substancedangereuse. Une expositionprolongée au mercure peutendommager le cerveau et lesystème nerveux des enfants etfœtus.

– Le plomb, utilisé pourl’assemblage des différentscomposants électriques, peutaffecter et endommager le systèmeimmunitaire, endocrinien ounerveux des enfants.

– Le cadmium est une substancetoxique contenue dans les batteriesrechargeables. Jetée dans la nature,

une batterie peut contaminer600000 litres d’eau et provoquerdes dommages sur les reins et lesos des êtres vivants. Le cadmiumest progressivement retiré desnouvelles batteries.

– Les retardateurs de flammebromés, utilisés dans les cartes ducircuit imprimé et dans les boîtiersen plastique, sont difficiles à isoleret peuvent s’accumuler dansl’environnement. Toxiques, cessubstances chimiques sontreconnues cancérigènes.

– Le béryllium, métal hautementtoxique, peut provoquer desdommages pulmonaires s’il n’estpas incinéré dans usine spécialisée.

– Le PVC est une matière plastiquechlorée utilisée pour isoler les filsélectriques et les câbles. Sonincinération ou brûlage peutdégager des dioxines et furanestrès toxiques.

Métaux lourds et substances chimiques contenus dans les téléphones mobiles

Interview d’Etienne Delorme, chargé de la communication des Ateliers du Bocage

Installés dans les Deux Sèvres depuis 1991, les Ateliers du Bocagesont une entreprise d’insertion d’Emmaüs. Spécialistes du traite-ment des déchets électroniques, ils emploient aujourd'hui 230 sala-riés dont 46 pour le seul recyclage des téléphones mobiles. Plus de1 400 terminaux sont traités chaque jour. Etienne Delorme, chargéde la communication de l’entreprise, nous éclaire sur cette activité.

Cordon Electronics est une entreprise spécialisée dans le service après vente et la réparation électronique. Entreprise bretonnecréée il y a 21 ans, elle traite plus de 2,5 millions d’appareils par an, tous produits confondus (téléphonie mobile, produitsmultimédia, informatiques, décodeurs, box ADSL). En collaboration avec les principaux opérateurs français (SFR, Orange,Bouygues Telecom, NRJ Mobile), elle propose de former, en boutique, leur personnel technique et de développer des outils de testpour mieux diagnostiquer les pannes. Quant aux appareils usagés, deux voies sont possibles : une seconde vie dans les paysémergents, marché encore balbutiant mais à fort potentiel, ou le recyclage via des filières spécialisées. www.recyclez-moi.fr

z Que trouve-t-on dans nos télé-phones mobiles ? Chaque mobile compte entre 500 et1000 composants électroniques. Cescomposants sont à base de métauxprécieux aux ressources épuisables (or,cuivre, argent) et d’autres plus ordinaires(cuivre, fer) qui peuvent être récupérés etrecyclés. Les téléphones sont égalementcomposés de matière plastique (coque etclavier) et de métaux non ferreux (cartesélectroniques et câbles). S’ils sont jetés àla poubelle ou déposés en pleine nature,les métaux lourds et les substanceschimiques qu’ils contiennent peuventdevenir dangereux pour la santé etl’environnement (cf. encadré).

z Comment les recyclez-vous ? Nous effectuons dans un premier tempsun tri entre les modèles ré-employableset ceux qui sont obsolètes. Les équipements hors service sontenvoyés vers des filières de valorisationou de recyclage. Le plastique sert à créerdes pare-chocs de voiture, des ustensilesde cuisine ou encore des cônes dechantier. Les métaux sont utilisés pourfabriquer des réverbères. Les partiesnon-recyclables sont incinérées pourproduire de l’énergie.

z Et pour les autres ?Les salariés les passent en phase detests pendant lesquels ils vérifient toutesles fonctionnalités des appareils, laqualité d’écoute des appels entrants etsortants, les fonctionnalitésmultimédias, l’état des batteries, lesaccessoires… Les téléphones sontensuite débloqués et réinitialisés, les

données personnelles sont effacéesavant d’être confrontés à d’ultimescontrôles qualités. Enfin, à l’issue de cecircuit, les équipements sont nettoyéspuis conditionnés pour la vente.Actuellement, nous parvenons àréemployer 30% des mobiles traités.Les 70% restants rejoignent les filièresde recyclage de partenaires agréés etsélectionnés par nos soins selon descritères éthiques et de développementdurable.

z Comment vous positionnezvous sur ce marché par rapportà vos concurrents ? Nos concurrents proposent directementaux particuliers des solutions de rachatsde mobiles via internet. Notre structuren’en a pas la capacité car nos résultatsservent en priorité à la créationd’emplois. Toutefois, notre missiond’insertion et notre savoir faireintéressent les opérateurs mobiles. Deplus, nombre de particuliers commed’entreprises ne recherchent passystématiquement un retour financieret nous confient leurs mobiles dans leseul but de soutenir l’emploi.

z Quelles sont vos perspectivesd’évolution sur ce marché ?Nous sommes confiants parce que lesvolumes de collectes continuentd’augmenter et que, dans le mêmetemps, les familles comptent encore enmoyenne près de 5 mobiles au fond deleurs tiroirs. Quand on sait que lesutilisateurs renouvellent leurs mobilestous les 12 mois et que 17 millionsd’appareils sont vendus chaque année en

France, nous avons encoredu travail devant nous !

Zackaria El Hessni,responsable de l'activité de recyclage mobile

www.ateliers-du-bocage.comRéparateur : un business

qui rapporte

FOCUS : Recyclage des mobiles

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x21

TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

’association des TIC au développement durable n’est pasnouvelle, mais après avoir été « tendance », elle devientune réalité quotidienne pour nos entreprises. BouyguesTelecom associe le développement durable à l’innovation

utile et pérenne et s’efforce d’appliquer les « 3R » : réduire, réutiliser,recycler, pour nous-mêmes et dans nos relations avec nos fournisseurs.Aujourd’hui, nous optimisons les matériels existants, développons lavirtualisation et la mutualisation pour alléger l’empreinte de nos équipe-ments télécoms et de nos data centers.

Entreprise citoyenne, nous promouvons également les écoproduits,la limitation des emballages et le recyclage des mobiles. Notre solutionde recyclage concilie à la fois l’aspect environnemental (filière locale),social (secteur protégé) et économique pour le client (contrepartiefinancière). Enfin, lancée en 2010 sur le web, notre « Boutique plusresponsable » recense les offres et terminaux de notre gamme les plusrespectueux du développement durable d’un point de vue économique,sociétal et environnemental. C’est notre « front office durable ».

La domotique, conscience « green » de demainAu-delà du développement durable devenu quotidien de l’entre-

prise, de nouveaux services apparaissent. Les centrales domo-

tiques – marché de niche et installa-tions coûteuses – ont émergé dansles années 90. En 2000, internet a permis d’améliorer les servicesdans les foyers, mais la domotique n’a pas décollé. Avec les années2010, le « smart home » voit le jour : les objets connectés, toujoursplus nombreux, constituent le socle d’une nouvelle vie numérique.

Mais pour que cette « domotique intelligente » soit acceptée parnos clients, il faut qu’elle devienne évidente : débrayable, impliciteet ergonomique. Le cyber quartier résidentiel « Fort d’Issy », quiintègre les nouvelles technologies liées à l’habitat dans unedémarche environnementale, marque une première étape dans lebâtiment. Bouygues Telecom installe sa Bbox haut débit dans lesappartements et propose, grâce à une application sur smartphone,de contrôler toute la domotique de son lieu de vie à distance.

On le voit : les opportunités apportées par les TIC pour le déve-loppement durable sont multiples : les objets communicants parti-cipent au pilotage énergétique, les TIC transforment les produits etles services en systèmes, et les progrès constants de la techno-logie rendent communicants de nouveaux objets de notre quoti-dien.

www.bouyguestelecom.fr/

L

a politique environnementale de SFR vise à maîtriser lesimpacts de ses propres activités, notamment grâce à unsystème de management environnemental certifié ISO14001, et à permettre à ses clients de réduire leur

empreinte. En 2010, cette certification a été élargie à un périmètre bienplus ambitieux qu'en 2009 et concerne aujourd’hui l’ensemble des sites duréseau, 12 sites tertiaires, 2 datacenters et 1 site mixte sur l'île de laRéunion. A travers cette démarche, SFR s'attache en particulier à maîtriserses consommations d’énergie par leur suivi et leur optimisation en tempsréel, par le recours à des équipements moins énergivores ou encore parl’expérimentation des énergies renouvelables.

SFR mène aussi des actions pour transformer ses clients en éco-consommateurs. De nouvelles offres permettent à ceux qui ne renouvel-lent pas leur mobile de bénéficier d’une réduction sur leur facturemensuelle. Un bon d’achat est offert à ceux qui rapportent leurs anciensterminaux à recycler. L'affichage environnemental indique encore auxclients l’empreinte environnementale de leur mobile et les guide dans lechoix d’un téléphone plus respectueux de l’environnement.

Services à valeur environnementale ajoutée2010 a également vu le lancement de la neufbox Evolution, entière-

ment éco-conçue. Grâce à un nouveau design et une électronique rationa-

lisée, les principaux impacts environnemen-taux de cette nouvelle box ont été réduits de30% à 50%. Trois boutons – « Eco », « Wifi » et « On/Off»– ont été ajoutésafin que les utilisateurs optimisent leur consommation d'énergie en fonc-tion de leur usage. L’économie d'énergie ainsi réalisée atteint près de 40%.Enfin, l’empreinte carbone a été considérablement réduite, passant de 55à 36 kg eqCO2.

SFR a également souhaité anticiper, dès cette année, les dispositionsdu Grenelle de l’environnement en réalisant son premier bilan carbone basésur la méthodologie de l’ADEME (Agence de l’environnement et de lamaîtrise de l’énergie). Ce bilan permettra d’identifier de nouvelles pistesd’améliorations et de valoriser les gains engendrés par les actions déjàlancées.

Au delà des produits maîtrisés en interne, comme la box, SFR s'attacheà innover en développant de nouveaux services à valeur environnementaleajoutée, pour les entreprises ou le grand public. Cloud computing, energymanagement, télé/visioconférences, optimisation des transports, domo-tique, téléintervention, e-education, e-santé, etc, offrent en effet des pers-pectives considérables de réduction de leur empreinte carbone. C'est danscette logique que SFR a signé cette année, sous l’égide de la FFT, unecharte d’engagement volontaire avec le ministère de l’environnement.

www.sfr.fr

LEco-concevoir, éco-consommerPar Catherine Moulin, directrice santé et environnement de SFR

Par Yves Caseau, directeur général adjoint, technologies, services et innovation de Bouygues Telecom

Réduire, réutiliser, recycler

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Dossier

a prise de conscience relative au changement climatique, lestensions révélées par la crise économique et financière, ainsique la crise énergétique prédite par les analystes, conduisentnaturellement les industriels du secteur à s’interroger sur l’ap-

port des TIC dans la gestion de l’environnement. Tous les experts s’ac-cordent pour dire que les TIC peuvent contribuer à la réduction globale desimpacts environnementaux, et en particulier des gaz à effet de serre, desautres industries et services. Le logiciel, qui assume déjà un rôle clé dansla croissance de la productivité des entreprises, peut aussi constituer unlevier significatif en faveur d’une croissance respectueuse des préoccupa-tions environnementales.

Il est de la responsabilité de l’industrie de s’interroger sur son impactenvironnemental, en tant que producteur d’externalités négatives. Cettedémarche doit cependant tenir compte de la dimension intrinsèquementdurable du processus IT qui, ainsi dématérialisé, compense a priori (seuleune mesure précise pouvant l’attester) les émissions autrement produitesdans le cadre d’un processus physique. A titre d’exemple, les technologiesde cloud computing permettent une mutualisation des ressources infor-matiques conduisant à une réduction globale des consommations élec-triques individuelles.

D’un algorithme à l’autre…De par son caractère immatériel, le logiciel consomme peu

de ressources à produire et à reproduire en volumes, même si l’architecturelogicielle peut avoir une influence non négligeable sur la consommation élec-trique associée. Le développement du cloud accroit ce phénomène en inté-grant les préoccupations énergétiques du client et de son prestataire.Ceux-ci privilégient, selon un modèle de tarification à l’usage (puissance decalcul, stockage, etc..), le développement de solutions légères et plus faible-ment consommatrices. D’un algorithme à un autre, les ressources sollicitéessont en effet potentiellement très différentes.

Les principales opportunités de réduction d’émissions de gaz à effet deserre sont concentrées dans l’optimisation des consommations élec-triques en heure de pointe, des transports et dans la dématérialisation(visioconférence, télétravail, e-commerce…). Les exemples sontnombreux avec une place évidemment prépondérante pour le logicielcomme facteur de succès. L’AFDEL a donc souhaité offrir aux entreprisesde tous les secteurs un accès facilité aux solutions logicielles à valeurajoutée éco-responsable existantes. Ces solutions sont recensées au seindu guide « Software for Green ». De quoi fonder de nouveaux espoirs pournotre pays et le monde en général ! www.afdel.fr

L

’était en février 2006. John Chambers, CEO de Cisco,revenait du 36e Forum économique de Davos décidé àtransformer son entreprise et à la conduire vers l’« éco-responsabilité ». Un simple constat justifiait cette déci-

sion : la relation du secteur IT et de l’environnement est ambivalente.D’une part, le secteur porte la responsabilité d’une part non négligeabledes émissions de gaz à effet de serre : 2 % en 2007 (selon une étudeGartner), chiffre qui serait à doubler en 2012 si rien n’était entrepris.D’autre part, les innovations technologiques offrent des pistes promet-teuses pour réduire notre consommation et limiter nos émissions de CO2.

La transformation vers l’éco-responsabilité s’est construite autour detrois éléments : une organisation dédiée - l’Ecoboard –, des process de pilo-tage et des outils. L’Ecoboard a défini quatre axes stratégiques d’action :• l’axe « opérations » : l’objectif est de réduire de 25 % nos émissions de

CO2 dans la période 2007-2012 en valeur absolue. • l’’axe « produits » : l’impact environnemental de tout ce que Cisco conçoit,

fabrique, vend et recycle doit être diminué.• l’’axe « architecture » : offrir aux clients des solutions ad-hoc pour qu’ils

puissent à leur tour diminuer leur impact environnemental.• l’’axe « culture » : faire naître chez les collaborateurs de Cisco une véri-

table culture d’éco-responsabilité, et donner à chacun l’envie de prendre etde développer localement des initiatives.

Les bilans environnementaux de Cisco sont calculés tous les ans et despoints intermédiaires sont effectués tous les trimestres afin d’évaluer lesprogressions des initiatives. La certification ISO14001 permet égalementde documenter nos axes de progression.

Enfin, nous utilisons les technologies de l’information pour accompagnernotre transformation vers l’éco-responsabilité dans notre initiative Green IT. Lepremier volet concerne l’optimisation de nos systèmes d’information. Nousavons par exemple accéléré la mise en œuvre de la virtualisation et de l’auto-matisation de nos data centers. Les data centers de nouvelle génération nouscoûtent 60 % de moins que la génération précédente. Le second volet consisteà utiliser des outils IT pour transformer nos process opérationnels. Parexemple, nous avons, en deux ans, inclus la téléprésence dans tous nosprocess, depuis les entretiens d’embauche, les négociations commerciales,les formations jusqu’aux comités exécutifs et réduit nos déplacements. Avecplus de 780 000 sessions de téléprésence, nous estimons avoir réduit nosémissions de CO2 de plus de 380000 tonnes. Certes, il reste du chemin àparcourir. Mais les bases sont posées. John Chambers avait vu juste : bienconçues et bien comprises, les nouvelles technologies favorisent considéra-blement une démarche éco-responsable dans les entreprises, démarche égale-ment transposable dans la cité. www.cisco.com(1) La téléprésence permet de réunir autour d’une table virtuelle des participants physi-quement éloignés et de recréer les conditions d’une conversation en face à face.

C

En marche vers l’éco-responsabilité

Par Olivier Seznec, directeur de la stratégie technologique chez Cisco

Par Patrick Bertrand, président de l’Association française des éditeursde logiciels (AFDEL)

22x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Le logiciel se met au vert

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e secteur des télécoms doit devenir “green” et ainsirejoindre un grand nombre d’autres industries, c’est-à-direadopter des stratégies d’investissement éco-responsa-bles. Aujourd’hui, les solutions existent permettant auxopérateurs, mobiles en particulier, de maîtriser leurs

dépenses énergétiques et réduire leurs émissions de CO2, en s’attaquant demanière structurelle à leur principal poste de dépense d’exploitation :l’énergie consommée par leurs réseaux.

Quelques chiffres permettent de cadrer l’ampleur du problème auxquelsles opérateurs font face. Une récente étude interne à IBM a en effet mis enévidence l’augmentation considérable de la consommation d’énergie par lesréseaux mobiles : • 80 à 90 % de l’énergie consommée par les opérateurs mobiles est

absorbée par leurs réseaux, soit au total une énergie consommée de 72TWH (1) en 2008 ;

• 75 % de cette énergie consommée par les réseaux des opérateurs mobilesest dissipée dans les réseaux d’accès radio ; l’énergie est ainsi le premierposte d’Opex des opérateurs ;

• à parts égales, à hauteur de 45 %, cette énergie se partage entre l’ali-mentation des systèmes de climatisation et de refroidissement et celle deséléments actifs des stations radios.

Les opérateurs mobiles émettent 1 % du CO2 mondialAu total, les opérateurs mobiles sont donc responsables pour 272

milliards de m3 de CO2 émis chaque année, soit 1 % des émissions globalesde CO2 dans le monde. Ramené à la station radio, cela représente environ10 tonnes de CO2 par an…

Le principal facteur d’accroissement des quantités de CO2 ainsi émisespar les opérateurs mobiles, et donc de leurs Opex, est bien évidemmentconstitué par l’explosion des volumes de données transmises sur les réseauxmobiles. Les opérateurs mobiles se préparent en effet à installer 3 à 5millions de nouvelles stations 3G dans les trois prochaines années… soit 15à 25 milliards de m3 de CO2 supplémentaires qui seront émis chaque année.

Certes, la plupart des équipementiers télécoms ont d’ores et déjà déve-loppé des équipements radio basse consommation basés sur de nouvellestechnologies. Mais ceux-ci ne sont déployés qu’au gré des nouvelles installa-tions ou renouvellements. Il est donc nécessaire, pour les opérateurs, d’allerplus en profondeur dans la maîtrise et la réduction de la consommation éner-

gétique de leurs réseaux existants, en déployant des infrastructures decapteurs, au niveau de chaque station radio, en améliorant leurs propresprocessus d’exploitation et en mettant en place un pilotage intelligent de cescapteurs.

Mettre en place un pilotage intelligent des stations de baseLa méthodologie Green Sigma (2) permet aux opérateurs mobiles de

conduire exactement cette évolution de leurs processus, afin d’améliorer leurefficacité énergétique, réduire leurs coûts, réduire leur émissions de carboneet également améliorer la qualité du réseau.

De nouveaux indicateurs de conduite du réseau sont d’abord définis (tels quela consommation en kWH par site et par client, la consommation par kWH et parMb transporté…). Toutes les données en provenance du réseau (localisation,type de site et d’équipements, topologie du réseau, consommation, trafictélécom…) sont ensuite collectées et analysées, afin d’établir les niveaux de réfé-

rence précis, avec une mise en évidence des diffé-rents paramètres générateurs de variabilité. Latotalité du réseau radio peut alors être comparéeafin d’identifier les éléments aberrants du réseau(tels que des sites radios particulièrement ineffi-caces, ou bien d’autres, en revanche très effi-caces). Le pilotage continu et la programmationd’actions proactives dans le réseau sont rendus

possible par le déploiement d’un tableau de bord qui affiche en temps réelles indicateurs clés et les métriques suivis. Sur cette base, l’analyse statis-tique des données et la modélisation des processus permettent de quanti-fier finement les effets attendus des optimisations de processus engagées.Enfin, dernière étape, un système prédictif d’optimisation de l’énergie estdéployé afin de détecter en amont toutes les variances au niveau de chaquestation radio, et anticiper les interventions et actions correctrices dans leréseau.

Cette solution innovante de recueil des données en temps réel, coupléeaux techniques analytiques les plus avancées, permet d’atteindre des écono-mies d’énergie de l’ordre de 20 % et donc de l’ordre de 10 % des Opex.Déployée avec succès dans différents environnements de production indus-trielle, ou dans la gestion et le traitement de l’eau, elle offre également auxopérateurs mobiles la capacité de pouvoir piloter finement et dans la duréeleurs émissions carbone, mais surtout d’améliorer leur profitabilité. Et aussid’anticiper de futures dispositions fiscales ou réglementaires en matière deréduction des émissions de carbone.

www.ibm.fr(1) TWH = térawatt-heures(2) La coalition Green Sigma™ réunit autour d’IBM les leaders d’un grand nombre d’indus-tries : Johnson Controls, Honeywell Building Solutions, Eaton, ESS, Cisco, Siemens Building Technologies Division, Schneider Electric, SAP et récemment Autodesk, dans le but de créer des solutions visant à économiser les ressources et favo-riser le développement durable dans tous les aspects de l’entreprise.

Les opérateurs mobiles face à leur performance environnementale

L

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x23

TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

Les opérateurs doivent aller plus en profondeur dans la maîtrise et la réduction de la consommation énergétique de leurs réseaux existants, en déployant des infrastructures decapteurs, en améliorant leurs propres processus d'exploitationet en mettant en place un pilotage intelligent de ces capteurs.

Par Thierry Mileo, Executive partner, directeur du secteur communications,IBM Global Business Global France

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z Quel est votre rôle au sein dugroupe France Télécom ? J'ai en charge la coordination de laresponsabilité sociale de l'entreprise,avec l’ambition affichée de la placerau cœur de sa stratégie du groupe.Mais, chez France Télécom, nousfaisons de la responsabilité socialed’entreprise (RSE) et dudéveloppement durable depuis plusde 15 ans. En 1996, le groupe a signéla charte environnementale de l'ETNOet il a été, en 2000, l'un des touspremiers signataires du PacteMondial, le fameux Global Compact,déclinaison de la Charte des NationsUnies aux entreprises. Néanmoins,Didier Lombard en 2009 et StéphaneRichard plus récemment ont voulumettre la responsabilité de l'entrepriseau cœur de la stratégie et ils m'ontconfié ce poste car je fais partie desdirigeants de France Télécom qui ontune bonne connaissance transversaledu groupe et de ses enjeux.

z Comment la responsabilitésociale et environnementaleest-elle au cœur de la stratégiede l'entreprise ? Il n'y a pas de performance durablepour une entreprise qui ne s'inscritpas dans la durée et qui n'écoute passon environnement. La responsabilitésociale d’une entreprise consiste àprendre en compte les impacts de sesactivités et les attentes de toutes sesparties prenantes. Ma mission est devérifier que tous les processus deresponsabilité sociale de notre groupesont bien mis en œuvre. Celacommence par l’écoute des partiesprenantes que sont les salariés, lesclients, les fournisseurs, lesdifférentes instances de la société,mais aussi les pouvoirs publics, lasociété civile... toutes sortes d'entitésqui, d'une manière ou d'une autre,sont concernées ou formulent des

attentes. Nous avons mis en placeplusieurs méthodologies quienregistrent ces demandes et lesremontent sous une formestructurée. Ma mission consisteensuite à vérifier que les bonnesdécisions sont prises. Par exemple, laresponsabilité sociale d'Orange auMali n'est pas forcément la mêmeque celle d'Orange en France. Après,il faut rendre compte aux différentesparties prenantes.

z Concrètement, quelles sontvos actions ?Nous avons défini quatre grandsengagements qui sont au cœur de lastratégie du groupe et de notre plan« conquêtes 2015 ». La première estde reconnaître et d'accompagnernos collaborateurs. Le groupeemploie 180 000 personnes et nousavons connu une crise sociale graveen France. C'est donc clairementnotre priorité ! La deuxièmeorientation est d'apporter au plusgrand nombre les bénéfices dumonde numérique. C'est à direcombattre les fractures numériques -géographiques, physiques, deniveaux de vie, etc - sous toutes leursformes. Il s’agit, par exemple, depermettre aux non-voyants d'accéderau Web ou bien, dans les paysémergents où l'illettrisme estfréquent, de vocaliser les SMS pourceux qui ne savent pas lire.Notre troisième grande priorité estd'offrir un usage sûr, responsable etde qualité aux services detélécommunications. Alors que cesservices permettent d'accéder à laculture, à l'information, dedévelopper l'activité économique, ilspeuvent aussi engendrer des risquesliés à un usage non maîtrisé : atteinteà la vie privée, exposition des enfantsà des contenus dangereux… Pourfaciliter la prise en main de ces

nouvelles formes de communicationet protéger au mieux nos clients,nous commercialisons des filtres etmontons des opérations desensibilisation. Enfin, notre quatrième grandeorientation est d'innover au serviced'une nouvelle éco-citoyenneté,terme qui recouvre tous les sujetsenvironnementaux spécifiques auxtélécoms. Notre principal défienvironnemental est d’ordreénergétique. Alors que les TICconsomment actuellement une faiblepart (1 et 2 %) de l’énergie d'unpays, ce poids augmente plus vite

que le chiffre d'affaires qui découlede leur développement. Une situationpréoccupante pour tous lesopérateurs. Sous l’égide de la FFT (lire p. 15), lesopérateurs ont pris des engagementspour maitriser cette consommationénergétique. France Télécom veutainsi réduire de 20% ses émissions deCO2 d'ici 2020. Par ailleurs, lestélécommunications peuvent aussiaider nos clients à réduiremassivement leur empreinteenvironnementale. Cela passeévidemment par la dématérialisationdes réunions, par le recours à desvisioconférences ou à latéléprésence... Mais cela concerneaussi la gestion intelligente des flottesde véhicules ou le transport

intelligent et tout ce qui est lié à lagestion à distance, le machine tomachine, l'automatisation, lavirtualisation des stations de travail,bref, beaucoup de sujets danslesquels l'intérêt économique del'entreprise et sa responsabilitésociale convergent.

z Votre champ d'action estfinalement très vaste… Oui, c'est une vraie responsabilitétransversale. Mon métier recouvre deschamps extrêmement divers puisqu'ilva du travail des handicapés, del'égalité hommes-femmes jusqu'aux

consommations électriques et aurecyclage des déchets, en passant parla protection des enfants sur internetou le développement économique etsocial des pays émergents danslesquels nous opérons. Il est doncnormal que je sois associé de près à lastratégie du groupe, et que je puisseen rendre compte dans sa globalité.Ainsi, toutes nos données sontauditées par un commissaire auxcomptes, nos chiffres vérifiés et noussommes évalués par des organismesspécialisés (lire p.6). Certainsinvestisseurs ont constaté que lesentreprises qui ont un comportementresponsable gèrent mieux leurs risquessur le long terme et affiche unemeilleure performance. FranceTélécom est ainsi analysée par quatre

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Dossier

Interview de Marc Fossier,directeur de la responsabilité sociale d’entreprise de France Télécom

« Il n'y a pas de performdurable pour une entreps'inscrit pas dans la durn'écoute pas son enviro

Les entreprises qui ont un comportementresponsable gèrent

mieux leurs risques sur le long terme et

affichent une meilleureperformance.

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ou cinq grandes agences de notationenvironnementale, dont la françaiseVigéo.

z Avez-vous le sentiment quevos clients sont de plus en plusexigeants en matière dedéveloppement durable ? Oui. Les clients expriment un certainnombre d'attentes précises etsouhaitent que chacun de leursprestataires soient responsables ouplus proches d'eux. Par exemple, nosclients sont extrêmement sensibles àla consommation énergétique desbox d'accès ADSL; si l’on y ajoute latélévision, cela représente environ 15à 20 watts de consommation. Si vousmultipliez le nombre d'heures dansune année (8 700) au prix actuel del'électricité, la dépense est de 20 à 30euros, soit l'équivalent d'un moisd'abonnement supplémentaire autriple play, payé tous les ans. Le clientsait qu'une box est inévitable, mais ilveut être sûr qu'Orange a fait desefforts pour que la box soit la pluséconome possible, surtout si c’est luiqui paye la facture d’électricité !

z Le développement durableest-il un facteur différenciantdans le choix d'une entrepriseou d’un service ? Aujourd'hui, la plupart des appelsd'offres sont accompagnés dequestionnaires de responsabilitéd'entreprise. Parfois, cela peut mêmeêtre un facteur d'exclusion de l'appeld'offres. Certaines grandes marquesinternationales qui avaient été jugéesinsuffisamment attentives auxpratiques sociales de leurs fournisseurs,ont été boudées par leurs clients, cequi a conduit à de fortes pertes dechiffre d'affaires. Nous sommes trèssensibles à ce sujet. Nous considéronsque nos fournisseurs de terminaux etd'équipements, notamment ceux

localisés en Asie du Sud Est, nepeuvent pas déroger à laréglementation locale et aux principesgénéraux des droits de l'homme. Entant que client, nous faisonsrégulièrement réaliser des audits in situpour vérifier leur comportement.

z Quel est le bilan carbone deFrance Télécom ? On l’a réalisé en 2010. C’est un outilde réflexion stratégique prospectivetrès intéressant. Le calcul n'est pas trèsdifficile, mais il est un peu compliqué àcause de l'abondance deméthodologies et de conventions. Au-delà de nos émissions propres de gaz àeffet de serre, nous faisons des calculspour connaître la part des énergiesfossiles présentes dans les produitsque nous achetons et que nouscommercialisons. En France, le bilancarbone dépend pour une petite partdu contenu en CO2 de l'énergieconsommée pour le fonctionnementdes réseaux, mais près du doubleprovient de l’énergie fossile utiliséepour fabriquer les équipements deréseau que nous déployons. Unmontant comparable provient desterminaux achetés pour être revendusà nos clients. Les terminaux mobiles,avec 1,3 milliard d’appareils venduschaque année, sont les produitsd’électronique grand public les plusvendus sur la planète, et pour réduirenotre empreinte environnementale,nous avons souhaité augmenter laprolongation de leur durée de vie, maisaussi favoriser leur récupération et leurrecyclage. Un mobile contient 1 à 1,5euro d'or et de métaux précieux ;autant s’en débarrasser proprement ! Cette réflexion sur les bilans carboneamène à de vraies réflexionsstratégiques et parfois même deschangements de cap. Jusqu'à présent,l'industrie des télécoms et des mobilesfonctionnait largement sur le principeque la promotion d’un nouveau servicese faisait plus facilement par leplacement d'un nouveau terminalmobile. Nous devons changer decomportement afin de diminuer lenombre de terminaux qui finit par neplus être compatible à la fois avec lecoût de l’énergie, le contenu enénergie fossile et même les ressourcesrares. Notre réflexion s'étend aussi auxusages. Par exemple, ladématérialisation est une excellentechose. Mais si vous passez beaucoupde temps sur votre écran, il vaut mieuxpasser le même temps sur un papier

car l'énergie du terminal ajoutée à celledu serveur et du réseau peutcontrebalancer de façon négative lebénéfice de la dématérialisation, et afortiori si vous imprimez le contenu del’écran. Nous réfléchissons égalementsur le télétravail : par exemple, quelimpact cela peut avoir sur l'habitationdu salarié, ou s’il doit chauffer unepièce supplémentaire. En fait, tous cesenjeux de responsabilité d'entreprisesont des créations de valeur à longterme et permettent de se poser debonnes questions : si le prix del'énergie doublait dans les 5 à 10 ans àvenir, quel impact cette hausse aurait-elle sur notre activité ? Commentdiminuer notre dépendance au prix del'énergie ?

z Aujourd’hui, tout est «green».N’y a-t-il pas un effet de modedans les déluges decommunication sur ce thème ? Il y a eu des excès et pas mal de«greenwashing »*. Mais ça va sestabiliser car vous ne pouvez pas êtreresponsable et mentir. Toute action,tout chiffre avancé en matière de RSEest couplé à la démarche de pouvoir leprouver et le vérifier. La responsabilitésociale d’entreprise, c’est écouter, maisc’est aussi savoir répondre et rendrecompte.

z La mondialisation a-t-ellepoussé le sujet dudéveloppement durable sur ledevant de la scène ?Ce n’est pas le seul facteur. Lesopérateurs historiques ont toujours euune vraie responsabilité collective dansleur pays ; cette culture de servicepublic forme une excellente base pourune ambition de responsabilitéd’entreprise. La dimensionenvironnementale, et notamment lamaitrise de l'énergie, sont des sujetsplus récents, poussés par les défis duchangement climatique, mais qu'unopérateur historique se doive d'avoirun comportement responsable n'estpas nouveau.

La charte d’engagement sur ledéveloppement durable que nousavons signée avec les pouvoirs publicsest d’ailleurs assez représentative denotre action et de notre ambition.Dans cette charte, nous nousengageons à maitriser lesconsommations d'énergie du secteurdans un contexte de fortdéveloppement des usages. Alors quele trafic double tous les ans, nousallons essayer de stabiliser notreconsommation. Il faut aussi savoirque les télécoms peuvent réduire lesconsommations énergétiquesd'autres secteurs comme le bâtiment,les transports ou les travaux publics,etc. Mais cela sous-entend defavoriser les changements de

comportements et de permettre uneplus grande interopérabilité, etstandardisation, des appareilsélectriques et électroniques. Donnonsun exemple : à l'heure actuelle, toutle secteur de la production et del’utilisation de l’électricité, desélectriciens aux fabricantsd'équipements électriques, est entrain de travailler pour normalisertout le réseau domestique qui va devotre compteur intelligent jusqu'àvotre radiateur, votre machine à laver,etc. Mais on finit par oublier de semettre à la place du modesteutilisateur qui se demande commenton va lui raccorder tous ses appareils,alors qu’il a déjà une box ADSL avecsa propre connectivité. Si cessystèmes pouvaient s'interconnecter,ça simplifierait vraiment beaucoup leschoses. Mais pour le moment, ils sontdéveloppés en chapelles. Un sujet dontl’ARCEP pourrait aussi se saisir…

www.orange.fr

*greenwashing : le terme est utilisé parles groupes de pressionenvironnementaux pour désigner lesefforts de communication des entreprisessur leurs avancées en termes dedéveloppement durable qui nes’accompagnent pas de véritables actionspour l’environnement.

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x25

ancerise qui neée et quinnement. »

TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

La culture du service public

forme une excellentebase pour une

ambition deresponsabilité d’entreprise.

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Dossier

JuridiqueRéglementation, autorégulation par les acteurs économiques, standards techniques, codes de bonneconduite : les normes vertes se multiplient pour contribuer à la réduction de notre empreinte écologique.

TIC et « normes vertes » : tour d’horizon des principales règles

es technologies de l’information et de la communica-tion (TIC) ont un apport réputé positif en termes d’en-vironnement et de développement durable, enparticulier pour la réduction des gaz à effet de serre.On pense ainsi en premier lieu au télétravail et aux

économies de transports et d’énergie que son développement peutpermettre.

Ainsi le code de l’urbanisme, tel que modifié par la loi « Grenelle II » du12 juillet 2010, place-t-il la diffusion des TIC au cœur des préoccupationsde développement durable des projets des collectivités (1) . Par exemple,les schémas de cohérence territoriale et autres plans locaux d’urbanismedoivent désormais tenir compte « des objectifs de répartition géographi-quement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amé-lioration des performances énergétiques, de développement descommunications électroniques, de diminution des obligations de déplace-ments et de développement des transports collectifs » (art. L. 121-1).

Mais les TIC sont aussi, en elles-mêmes, un gisement de gains écono-miques et environnementaux. La consommation énergétique des équipe-ments est conséquente, croissante, et loin d’être optimisée. Laproduction d’équipements et leur recyclage peuvent aussi connaître desaméliorations (2). De nombreuses normes européennes régissent ainsi, enpremier lieu, les équipements : la directive relative à l’éco-conception (3),celle relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales (4) oucelle concernant l’indication de la consommation en énergie des appa-reils domestiques par voie d’étiquetage (5) , en cours de révision, visentdavantage d’efficacité énergétique pour les équipements TIC du quoti-dien, du téléviseur au modem, en passant par l’ordinateur…

Réglementation et environnementEn France, les préoccupations d’environnement figurent également

désormais en bonne place au sein du code des postes et des communi-cations électroniques. Depuis la loi « Grenelle II », l’ARCEP a égalementpour mission de «veiller à un niveau élevé de protection de l'environne-ment et de la santé de la population, conjointement avec les ministreschargés de la santé et de l'environnement » (art. L. 32-1, I, 12° bis duCPCE). Le CSA partage cet objectif (art. 3-1 de la loi « audiovisuelle »modifiée) ».

Parmi les obligations des opérateurs figurent également, de pluslongue date, « les prescriptions exigées par la protection de la santé etde l'environnement et par les objectifs d'aménagement du territoire etd'urbanisme, comportant, le cas échéant, les conditions d'occupation dudomaine public, les garanties financières ou techniques nécessaires à labonne exécution des travaux d'infrastructures et les modalités de partagedes infrastructures et d'itinérance locale.» Des prescriptions qui concer-nent aujourd’hui les installations radioélectriques (cf. D. 98-6-1). L’Autoritéet le ministre en charge des communications électroniques peuvent égale-ment préciser ces prescriptions selon la procédure prévue à l’article L.36-6 du CPCE (pouvoir de régulation « symétrique »).

Des avancées en autorégulationA côté de la réglementation, l’autorégulation par les acteurs écono-

miques apporte des améliorations tangibles, au niveau national, euro-péen, voire mondial. Trois illustrations emblématiques récentes : leschargeurs de téléphones mobiles, les « box » des opérateurs fixes, etles centres de données.

Ainsi, le Mobile World Congress de Barcelone a permis, en 2009, auxprincipaux acteurs du marché de la téléphonie mobile regroupés au seindu GSMA d’annoncer une standardisation des chargeurs de terminaux,au moyen du connecteur mini USB, pour 2012. La Commission euro-péenne a salué le mémorandum d’accord signé par l’industrie, ettravaille actuellement pour en faire une norme technique européenne.Elle assurait ainsi, en juillet dernier, que les consommateurs européenspourraient utiliser le même chargeur unique pour les téléphones porta-bles vendus dans l'Union européenne à partir de début 2011.

Autre exemple, les box des opérateurs fixes. Divers acteurs euro-péens, équipementiers comme opérateurs, s’engagent actuellementdans la signature d’un « accord volontaire » visant la réduction de l’im-pact environnemental des box de dernière génération, en premier lieuleur consommation électrique (6). Ces travaux doivent aboutir à l’élabo-ration d’un code de l’industrie, assorti d’un calendrier de réduction de laconsommation électrique. La Commission européenne suit de près cestravaux qui représentent un cas d’application souple de sa directive«ecodesign ». La Fédération française des télécoms (FFT) a témoigné,en juillet 2010, de l’inscription de ses adhérents dans cette démarche.Premier objectif affiché : stabiliser dès 2012 la consommation énergé-tique de ces équipements, qui devraient par exemple se voir dotés,dans un premier temps, d’un bouton on/off…

Dernière illustration : les centres de données, ou « fermes deserveurs». Un code de conduite de l'Union européenne pour l'économied’énergie des centres de données a été lancé en 2008, et promeut unensemble de bonnes pratiques, depuis la conception des salles auxsystèmes de refroidissement, jusqu’aux logiciels utilisés. Plus d’unecentaine d’acteurs européens y ont souscrit.

Entre les standards techniques et les codes de bonne conduite, lesrègles nationales et internationales, les « normes vertes » se multiplientet évoluent, pour un développement durable des TIC.(1) Voir notamment les articles L. 113-1 et s., et L.122-1-3, du code de l’urbanisme.(2) Cf. rapport « TIC et développement durable », CGEDD/CGTI/ARCEP, décembre

2008.(3) Directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2005,

étendue par la directive 2009/125/ce du parlement européen et du conseil du 21octobre 2009.

(4) Directive 2006/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006.(5) Directive 92/75/CEE du Conseil.(6) Voluntary Industry Agreement to improve the energy consumption of Complex

Set Top Boxes within the European Community, Proposal from the industry group, Version 2, 12 June 2009.

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TIC et développement durableLes télécoms face au défi de l’environnement

z Quel est le métier deTechnicolor et quel est votre rôle ?Technicolor est spécialisé dans lesservices pour les créateurs et lesdistributeurs de contenu :développement, duplication etdistribution de films, post-production,effets spéciaux, animation 3D,fabrication et distribution de DVD...Côté opérateurs de réseaux, nous lesaidons à bien fournir l’ensemble deleurs services fixes – voix, données,vidéo. Notre activité repose sur lesservices, les matériels (décodeurs etbox résidentielles, notamment) et lestechnologies (R&D et brevets). Nosproblématiques de responsabilitésociale et environnementale et degouvernance sont donc très variées.Mon rôle est de stimuler les initiativesrelatives à ces trois piliers et decoordonner la disponibilité externe desrésultats.

z Qu'entendez-vous pargouvernance ? Ce sont les méthodes que le conseild'administration met en œuvre pourassurer, au sein de l’entreprise,responsabilité, absence de conflitsd'intérêts ou bien encore détection desfraudes. En interne, l’entreprise doits’assurer qu’aucun comportement nel’expose à des poursuites. Unemauvaise gouvernance peut mettreune entreprise en péril. Il faut doncune culture très forte à tous les niveauxde l’entreprise, en interne ou avec destiers, et bien entendu sensibiliser etformer les salariés.Aujourd’hui, la gouvernance comporteégalement un volet éthique. Enmatière sociale, l'éthique consiste àrechercher les bonnes pratiques dans lalutte contre les discriminations, pouraccroitre la diversité ou pour garder etfaire progresser nos salariés. En matièreenvironnementale et sociale, celainclut les relations avec nosfournisseurs pour lesquels, danscertains pays, la question des droits de

l’homme s’ajoute à celle des conditionsde travail et du respect del’environnement.Auparavant, la gouvernance était uneproblématique strictement interne.Aujourd'hui, les agences de notation,les investisseurs et les clients regardentde près ces indicateurs et comparentles entreprises. Peu à peu, l’éthiquedevient un critère de notation et lesmauvaises pratiques sont pointées dudoigt, voir plus dans le cadre d’appelsd’offre. C'est ce que l'on appelle lanotation extra financière (lire page 6).La force du système, c’est que tout lemonde est obligé de s’y mettre.

z Quelle conséquence a ce typede notation ? Cela nous demande unengagement permanent ! Si lescritères sont bons, les agences vontnous recommander à leurs clients.Un référentiel se construit peu àpeu, et les rapports dedéveloppement durable,auparavant très « marketing »,deviennent beaucoup plusquantitatifs. Les agences nousdemandent aussi de suivre cesindicateurs chez nos sous-traitants, cequi est difficile avec une chainelogistique complexe et éclatée et deslogiques réglementaires trèsdifférentes. Des entreprises se sontainsi créées pour détecter les grossesfailles potentielles de ces sous-traitantset attirer l'attention des donneursd'ordres que nous sommes.

z Et le pilier environnemental ? Sur ce plan, nos problématiques sontclassiques : elles concernent l’efficacitéénergétique des produits, le recyclagedes déchets. Nous calculons lepourcentage d'énergie renouvelableutilisée et nous éliminonsprogressivement certaines substanceschimiques de nos produits. C‘est unenjeu de différenciation vis à vis dugrand public, mais il arrive aussi que cesoit un outil de guerre économique en

fonction de l’accès aux substances desubstitution. Notre travail porte sur laréduction de l'impact global du produittout au long de son cycle de vie surl'environnement, incluant énergie etcarbone, comme nous le faisons pourles décodeurs et les box qui sontsouvent tout le temps « on ». Amenerprogressivement ces produits àconsommer moins est essentiel mais deplus en plus complexe car il fautconserver des fonctions vitales, commecelle de pouvoir téléphoner, y comprislorsque la box est en mode «veille ».Or, aujourd’hui, il faut quelquesminutes pour réinitialiser une boxéteinte; autant dire une éternité àl’heure du tout immédiat ! Enfin, un

enjeu plus global est de permettre àces box de fournir des solutions pouroptimiser la gestion, notammenténergétique, du domicile (homeautomation) à travers un réseaudomiciliaire. On voit bien qu’il y a làdes enjeux de différenciationcommerciale, de réponse à la demandedu client, mais aussi de changementdes comportements individuels.

z La vidéo à la demande n'est-ellepas une réponse ?Oui, en partie. Il faudrait d’abord avoirdu très haut débit partout. Pourl'instant, le DVD est la méthode la plussûre pour avoir partout une qualité deservice HD à 100%, et surtout, unedisponibilité instantanée. A moyenterme, la VOD l’emportera mais ellenécessite de gros data centers,aujourd’hui très énergivores…Le développement durable, surtoutdans sa partie environnementale,

requiert vraiment une gestion à moyenterme car ce sont des coûtssupplémentaires. Il est difficile, enpériode de crise, de mobiliser pourfaire ces nouveaux investissements,d’autant plus que celui qui paye dansl’entreprise n’est pas celui qui en reçoitles bénéfices directs et le bénéficeglobal n’est pas forcément perçuindividuellement, sauf par exemplepour le cycle de vie du produit relié àl'offre client. Il faut espérer que lesclients comprennent cetteproblématique globale et en tiennentcompte dans leur sélection. Au final, leclient voudra toujours optimiser le prix,mais il sera aussi rassuré de constaterque l'on prépare l’avenir.

z L'implication de la direction del'entreprise est-elle importantedans ce cas ?C'est primordial car il faut anticiperet changer les habitudes. Le dirigeantdoit être visionnaire mais il doit aussisatisfaire toutes les parties prenantesde l’entreprise, en particulier lesactionnaires. L'important est doncd'avoir une bonne notation extrafinancière car les indices sont de plusen plus suivis. A l'avenir, lesinvestisseurs et les clientsapprécieront les entreprises enfonction de ces notations. Le plusgros problème est que chaqueagence a son propre indice.L'entreprise ne sait pas a priori selonquelle pondération et critères ellesera jugée. Elle a donc intérêt à êtrela plus transparente possible afin queses données soient exploitées aubénéfice de tous.

www.technicolor.com

Auparavant, la gouvernance était une problématique interne. Aujourd'hui, les

agences de notation et les investisseursregardent de près les indicateurs et

comparent les entreprises.

« La responsabilité sociétale devient un critère pourla notation des entreprises »

Interview de Didier Huck,vice président relations institutionnelles et développement durable de Technicolor

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28x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

elon l’UIT, les réseaux représentent 2,5% des émissionsde carbone dans le monde. Avec l’explosion exponen-tielle du trafic, cette empreinte devrait doubler en dixans. Des milliards d’utilisateurs se connectent via lenet, téléchargent et échangent des vidéos, usages

particulièrement gourmands en bande passante. Va s’additionner l’émer-gence de l’internet des objets. Une étude de l’IDC prévoit la connexion,dans les cinq ans, de plus de 15 milliards d’appareils, senseurs etcapteurs de toute nature : appareils ménagers, automobiles, compteursd’eau et d’électricité, maintenance, détecteurs de présence, nanotechno-logies etc. Les besoins de connectivité vont exploser dans le monde dedemain avec l’avènement de la société de la circulation des données !

Changer de logiqueLe développement des technologies actuelles permet une améliora-

tion de 10 à 20% par an de l’efficience énergétique. Mais avec desusages en forte augmentation, les spécialistes estiment que les émis-sions de gaz à effet de serre liées aux TIC devraient doubler pouratteindre 4% du total. Or, 2 % correspondent à 250 – 300 tonnes d’émis-sion de carbone par an. Soit l’équivalent de 50 millions d’automobiles –près de deux fois le parc automobile français.

Cette tendance n’est pas tenable. Elle devrait se poursuivre après2020, sans limite estimée à ce jour. Parce que les technologies de l’in-formation servent à toutes les autres activités humaines, une augmen-tation due aux seules TIC pénalise les autres secteurs. Qui ont pris desengagements de baisse de leur propre empreinte carbone. Comment,dès lors, prôner une utilisation plus importante des TIC, qui cultive volon-tiers une image « verte», alors que le secteur lui-même n’est pasvertueux ! La conclusion s’impose : il faut changer de logique.

Le 11 janvier 2010, une initiative « disruptive » est annoncée : GreenTouch™. Il s’agit de revenir à la source de toute technologie, à savoir larecherche fondamentale en revisitant la Loi de Shannon. Au cours dusecond semestre 2009, les Bell Labs concluent que l’internet pourraitêtre en théorie 10 000 fois plus économe en énergie. Pourquoi ? Lesréseaux répondent aujourd’hui au seul critère de performance. Les scien-tifiques estiment que revoir les technologies (optique, sans fils, routageet architecture) permettrait une bien meilleure efficacité énergétique.

Professeur au MIT, Claude Shannon (1916 – 2001) a été chercheuraux Bell Labs. Il est le père de la théorie de l'information, à la base detout le système moderne de communication, des ordinateurs à la révo-lution du numérique, de l’internet à la TVHD. Sa théorie mathématiquepubliée en 1947 sera utilisée pour prédire la capacité utile de n’importequel canal de communication. Elle s’appuie sur l’algèbre booléenne etformalise les aspects théoriques des communications. Compressiond’images, cryptographie, correction des erreurs de codage, modulationet mise en réseau en sont les applications concrètes. Un objectif raison-nable est fixé. Celle d’une diminution par un facteur 1000. Soit le fonc-tionnement, pendant trois ans, des réseaux avec l’énergie utiliséependant une journée de l’année 2010 !

La technologie comme réponse Comment parvenir à cet objectif ? Par le lancement d’un consortium

de recherche associant des opérateurs tels A&T, China Mobile ouTelefonica – des constructeurs comme Alcatel-Lucent, Samsung ouFreescale semiconducteur – et des grands centres de recherche dumonde académique : CEA-LETI et INRIA pour la France, MIT etStandford University aux Etats-Unis, Université de Melbourne etc. Dansle même temps, les gouvernements américain, britannique, coréen etfrançais soutiennent publiquement cette initiative.

Comme au temps des économies planifiées, l’horizon de temps estquinquennal. A cette échéance, les plateformes pilotes des élémentsclefs, les architectures et la feuille de route devront sortir des labora-toires. Dans cinq ans, il s’agira de publier les bases scientifiques desréseaux qui seront déployés pour les prochaines décennies !

Aujourd’hui, Green Touch™ est doté d’une structure de gouver-nance, a réglé le mode partage des IPR – toujours délicats entresacteurs d’horizons différents – les moyens apportés par les membreset les critères de mesure. Un séminaire vient de se terminer àAmsterdam.

Quels sont les premiers enseignements de cette aventure ? Dans lemonde d’aujourd’hui, le monde du court terme, il est réconfortant deconstater que des perspectives à vingt ans – une génération – etvenues d’acteurs non étatiques, sont encore possibles. De facto,aucun des dirigeants des membres fondateurs du consortium neseront encore aux commandes lors des lancements des premiersréseaux… Nous pouvons saluer ici l’altruisme de ces responsables. Etobserver que c’est plutôt une bonne nouvelle pour le monde que nousallons léguer à nos enfants.

Cette recherche de l’efficience énergétique du numérique porte enfiligrane la nouvelle convergence des années à venir : celle des réseauxde communication et de l’énergie électrique. Les TIC sont appelés àrévolutionner les systèmes de transport électrique pour des réseauxintelligents et interactifs qui multiplieront les points d’intelligence.

Observons ici que, face à une impasse annoncée, la recherchefondamentale (et non la R&D) relance l’innovation. En d’autres termes,la technologie reste une réponse aux défis environnementaux de laplanète. Pour les humanistes pétris de positivisme du XIXe siècle etceux qui s’opposent à la décroissance comme fausse bonne solution,c’est une seconde bonne nouvelle.

Une démarche transnationale et en réseau qui s’appuie sur unecollaboration des meilleurs experts du monde entier, pour fournir dessolutions à un défi planétaire. Aujourd’hui, chacun en convient : à défiglobal, la réponse doit mobiliser toutes les intelligences. Sans viser àl’hégémonie, ni au monopole, Green Touch™ a pour ambition d’ap-porter une réponse concrète à un problème de l’humanité sur une basevolontaire. Des compétences mises en commun pour servir les intérêtsde chacun et le bien collectif : ce schéma reste un levier puissant demotivation, certainement plus que la contrainte !

www.greentouch.org

Par Alain Viallix, directeur, affaires publiques, Alcatel-Lucent

Réduire par 1000 l’empreinte carbone des réseaux internet

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x29

Les TIC contribuent à l'émergence d'une nouvelle économie plusrespectueuse de l'environnement.Dans ce chapitre est ainsi abordé l'impact des technologies de l'informationet de la communication en termes de développement durable sur plusieurssecteurs économiques : l’énergie (et les smart grids), les transports, la ville,la domotique, la gestion de l'eau et des déchets, l'éducation, le travail, lecommerce électronique, le secteur postal.

TIC et développement durable

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66

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22

3

11

Une étudegénérique del’impact des TIC

Guillaume Charlinet Matthias BoyerChammardThe Boston ConsultingGroup ..............................p. 30

L’énergieXavier Dalloz

XDC....................................p. 32

Philippe de LadoucetteCRE....................................p. 33

Les box au régimewatts heure ............p. 33

L’éducationDominique BureauEcole polytechnique..........p. 34

Les transportsVincent et Anne AguileraUniversitéParis-Est ....................p. 35

Francis DemozJournaliste ................p. 36

Gilles VescoCommunauté urbaine de Lyon ..........................p. 37

La villeDaniel KaplanFing ..................................p. 38

Laurent CoussedièreCluster Green& Connected Cities ..............................p. 38

Michel BriandBrest métropoleocéane............................p. 39

La domotique et le bâtimentintelligentBruneau de LatourDomotique News..p. 40

Jean-Dominique SévalIdate..................................p. 41

Xavier de FromentIGNES..............................p. 41

La gestion de l’eauet des déchetsGeneviève FéroneVeolia ..............................p. 42

Le télétravailPhilippe PlanteroseAFTT ........................p. 44

Le commerceélectroniqueYohan RusoeBay ..............................p. 45

Le secteur postal

Jean-Paul BaillyLa Poste ................p. 46

Edouard DayanUnion postale universelle ..........p. 47

1 3 5

6

7

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9

104

2

Le numérique, levier de l’économie verte

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Les nouvelles technologies indiquant en temps réel l'étatdu trafic ou les places de stationnement disponibles sesont généralisées, au bénéfice à la fois de leurs utilisa-teurs, qui passent moins de temps dans les transports, etde l’environnement puisque ces derniers consomment en

moyenne 5% de carburant en moins. Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont un

formidable vecteur pour contribuer à réduire les émissions de CO2. Mais, dansle même temps, ces TIC consomment elles-mêmes de plus en plus d’énergie.Alors, leur bilan carbone est-il globalement positif ? Pour tenter d'apporter uneréponse quantifiée, les fédérations professionnelles du secteur des TIC –Alliance TICs, la FIEEC, la FFT – ont lancé en commun une étude propre aucontexte français dont les résultats ont été présentés en janvier 2010. Lepremier volet de l’étude, conduit par le BCG, porte sur l'impact de l'utilisationdes TIC sur le reste de l'économie et constitue le sujet principal de cet article.Le second volet analyse la performance environnementale de la filière TIC enFrance et fait l'objet d'un autre article dans ce dossier (lire p. 12-13).

Objectif : 7% de réduction des émissions de gaz à effetde serre de la France en 2020 grâce aux TIC

Depuis trois ans, les usages des TIC se sont considérablement développésen France qui est la référence mondiale en termes d'accès de masse au numé-rique. En parallèle à ce développement, les acteurs de la filière TIC œuvrentpour améliorer leur efficacité énergétique et contribuer à réduire les gaz àeffet de serre (GES) en France, dans l'ensemble des secteurs.

Ainsi, une vingtaine de leviers de réduction des consommations énergé-tiques et des émissions de gaz à effet de serre ont été modélisés dans cinqsecteurs : logistique/transport ; systèmes électriques ; bâtiment ; dématéria-lisation ; industrie. Pour chacun de ces secteurs, les TIC peuvent jouer un rôleconsidérable dans la réduction des gaz à effet de serre. Avec des hypothèsesambitieuses, mais réalistes, d'efficacité des TIC et de développement de leursusages dans ces différents secteurs, les émissions de GES françaises pour-raient être réduites de 32 Mt d'équivalent CO2 à horizon 2020, soit 7% deréduction, c'est-à-dire l'équivalent d'un tiers de l'objectif national !

Des impacts d'une ampleur similaire ont déjà été démontrés pour l'Europeou les Etats-Unis. En revanche, ces résultats sont les premiers à prendre encompte les spécificités du contexte énergétique français, en particulier le rôle

du nucléaire dans la production électrique. La prise en compte de cette spéci-ficité française permet de définir les leviers les plus pertinents. Aux Etats-Unis,où la production électrique est très carbonée, les leviers les plus significatifsde réduction des GES grâce aux TIC portent sur la réduction de la productiond'électricité d'origine fossile (52% du total) en encourageant une diminution desconsommations, la réduction des pertes dans les réseaux et la meilleure inté-gration aux réseaux des énergies renouvelables décentralisées. En France,l'électricité étant peu carbonée, les leviers les plus importants de réduction desémissions grâce aux TIC concernent d'abord les transports (61% du total) etensuite la gestion intelligente des pics de consommation d'électricité (28% dutotal).

Enfin, les gisements de réduction concernent également d'autres secteursde l'économie. Dans le bâtiment, la mise en œuvre d'automatismes dans leséquipements de chauffage, de climatisation et d'éclairage et le déploiementde système de gestion des bâtiments représente un gisement de 4 Mt CO2 en2020. La dématérialisation des échanges, en particulier la vidéo conférence,le télétravail ou le e-commerce, représente un gisement de réduction de 3 MtCO2 en 2020. Le déploiement des TIC dans l’industrie pour optimiser l'effica-cité des processus industriels représente, quant à lui, un gisement de réduc-tion de 1 Mt CO2 en 2020.

Les transports et les pics de consommations électriques,principaux gisements de réduction des GES en France

Dans l'ensemble, les TIC apportent des solutions efficaces aux différentssecteurs de l'économie pour moins et mieux consommer. Les principaux gise-ments d'économie en France concernent les deux secteurs les plus émet-teurs: les transports et les pics de consommations électriques.

Le secteur transport/logistique est le premier secteur émetteur en France.Les principaux leviers de réduction des GES consistent à déployer des solu-tions d'optimisation des trajets pour diminuer les kilomètres parcourus. Lesexemples les plus courants concernent les solutions d'optimisation desréseaux logistiques professionnels ou d'aide à la navigation des véhicules indi-viduels. D'autres leviers consistent à déployer des solutions d'éco-conduitepour diminuer les consommations de carburant à trajet identique comme lessimulateurs de conduite en auto-école ou de l'électronique embarquée. Enfin,les derniers leviers consistent à utiliser les TIC pour encourager les moyensde transport collectifs : le développement éventuel de péages urbains, desystèmes de facturation des transports au kilomètre, allant jusqu'à envisager« l'autopartage ». Au total, ces leviers représentent un gisement de réductionde 15 Mt CO2 en 2020.

Le secteur de la production d'énergie constitue le second secteur où deséconomies majeures peuvent être réalisées. Cela dit, avec son mix énergé-tique où le nucléaire représente 80% de la production, la France est le paysqui émet le moins de GES en Europe. Ce sont les pics de consommation àpartir de combustibles fossiles (charbon ou fioul fortement émetteurs en CO2,SOx et NOx) qui sont responsables de l'essentiel des GES. Et ces pics deproduction ont lieu l'hiver aux heures de pointe où la demande peut atteindre90GW contre 40GW en été durant les heures creuses. La France a donc uneélectricité dont le contenu carbone varie fortement en fonction du moment deconsommation. Les pics de consommation nécessitent un recours aux

Dossier

C

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4894571100511

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70701111111111111

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101007

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99944499449

Emissions GESFrance 2007

Estimation2020

Scénario ECO2020

Tendanciel 2007-2020

AbattementTIC

Effet mesuresantérieures au Grenelle

89 32

- 7%

Estimation de l'évolution des émissions de GESentre 2007 et 2020 (Mt eq CO2)

30x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Par Guillaume Charlin, Partner and Managing Director et Matthias Boyer Cham

Les TIC, un atout environnementale

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centrales thermiques ou à l'importation d'électricité très carbonée,comme celle en provenance d'Allemagne.

Dans ce secteur, le premier levier d'optimisation pertinent enFrance concerne le déploiement de solutions de gestion individuellede la demande d'électricité et passe par la sensibilisation desconsommateurs. Des pistes intéressantes peuvent être facilementmises en œuvre comme l'affichage en temps réel de sa consomma-tion, des conseils utiles d'utilisation des équipements électriques, desprix dynamiques en fonction des heures de la journée ou des jours dela semaine… jusqu'à la rémunération des effacements/reports deconsommation. Le développement de ces fonctionnalités nécessite ledéploiement de compteurs intelligents (smart meters) et de gestiondes équipements électriques de la maison (smart home).

Le second levier concerne la gestion de la recharge des véhiculesélectriques. Les plans des constructeurs font état d'un parc de véhi-cules électriques en France atteignant 1 à 2 millions de véhicules en2020. En l'absence de système de recharge intelligent, environ 65%de la charge des véhicules devrait avoir lieu durant le pic de consom-mation du soir, induisant des émissions de CO2 pour le système élec-trique de 20% supérieures à ce que seraient les émissions de CO2 d'unparc de véhicules thermiques classiques de taille équivalente ! Au total,ces deux leviers du secteur électrique représentent un gisement deréduction de 9 Mt CO2 en 2020.

Les conditions de la réussite : développer des modèles économiques et changer les comportements des consommateurs

L'objectif de réduction de 32 Mt d'équivalent CO2 à horizon 2020 est fondésur des hypothèses de déploiement de solutions innovantes. Les TIC sont indis-pensables pour permettre les réductions d'émission et, pour trois quart d'entreelles, constituent l'essentiel de la valeur ajoutée des solutions. Néanmoins, lestechnologies à elles seules ne suffisent pas. Elles nécessitent d'être mises enœuvre par les entreprises des différents secteurs et d'être adoptées par lesconsommateurs. Aujourd'hui, pour certains leviers de réduction d'émissions deCO2, les technologies existent, mais les modèles économiques n'ont pasencore permis un développement à grande échelle. C'est particulièrement vraipour les solutions qui impliquent la collaboration de plusieurs acteurs issus desecteurs industriels différents, comme dans le cas de l'installation de systèmede gestion des équipements électriques de la maison où interviennent équipe-mentiers, fournisseurs d'énergie, installateurs électriques, opérateurs télécom,etc. En l'absence de ces nouveaux modèles économiques permettant d’accé-lérer le déploiement de ces solutions innovantes, les réductions d'émissions deCO2 à horizon 2020 risquent, hélas, de rester des projections.

L'impact des TIC est-il positif ?Au final, l'impact environnemental net des TIC est-il positif ? La question est

légitime. L'approche consiste à comparer les impacts directs de la filière avecses impacts induits sur l'économie.

Comme l'a révélé l'étude, dans un contexte de triplement des usages numé-riques en France entre 2005 et 2008, les consommations électriques des

équipements TIC n'ont augmenté que de 20%, pour s'établir à 34 TWh, soitenviron 7% de la consommation française. A l'avenir, l'amélioration de l'effica-cité énergétique des équipements devrait compenser le développement desusages, de sorte que les consommations électriques des équipements TICdevraient rester stables, autour de 35 TWh jusqu'en 2020.

Si l’on tente d’exprimer ces résultats en termes de quantité d'énergie,exprimée en million de tonne d'équivalent pétrole (Mtep), pour introduire uneéquivalence entre des consommations électriques, de carburant et de fioul dechauffage, on constate que les effets induits estimés à 32 Mt CO2 en 2020correspondent à une réduction de la consommation d'énergie, toutes énergiesconfondues, de 10 Mtep. Les consommations électriques de la filière, esti-mées à 35 TWh en 2020, correspondent à 3 Mtep, soit plus de trois fois moinsque les effets induits. Compte tenu du mix de production d'électricité enFrance, comparer les impacts en termes d'émissions de CO2 est malaisé. Si lecalcul était néanmoins réalisé, il ferait apparaitre un ratio extrêmement favo-rable aux effets induits.

Au délà des calculs, il est clair que les TIC ont un rôle majeur à jouer dansl'amélioration de la performance environnementale de tous les secteurs del'économie puisqu'elles sont indispensables pour réaliser un tiers de l'objectifnational de réduction des émissions de GES. L'enjeu pour la France et lesautres pays est d'arriver à diffuser les bonnes technologies, avec les bonsmodèles économiques en maîtrisant les consommations énergétiques deséquipements. A cette condition, les TIC ont le meilleur impact.

www.bcg.fr

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

Exemples de leviers de réduction d'émissions grâce aux TIC dans différents secteurs

Thème Principaux leviers MtCO2 % total

Logistique / transports

Optimisation des réseaux de logistique Péage urbainEco conduiteAide à la conduitePay as you driveAuto partage

3,12,62,13,33,50,6

15,2

0,6%0,5%0,5%0,7%0,7%0,1%

3,1 %

Systèmes électriques

Compteur intelligent / Smart homeVéhicules électriques et charge intelligentePilotage des énergies renouvelables décentralisées

6,41,40,6

8,4

1,3 %0,3 %0,1 %

1,7 %

Bâtiments

Amélioration du design des bâtimentsAutomatisme de gestion HVACAutomatisation de l'éclairageBuilding management systemVariation de la vitesse des moteurs

—1,50,12,70,1

4,4

—0,3 %

< 0,1 %0,5 %

< 0,1 %

0,8 %

Dématérialisation

Vidéo conférence / TéléconférenceTélétravaileCommerce eGovernment / ePaper

0,61,21,30,2

3,3

0,1 %0,3 %0,3 %

< 0,1 %

0,2 %

Industriels

Variation de la vitesse des moteurs industrielsAutomatisation de process industriels

0,9—

4,4

0,2 %—

0,2 %

TOTAL 32 32 %

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x31

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mard, The Boston Consulting Group

essentiel pour la performance de l'économie

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32x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

’infrastructure de réseau électrique intelligent (smartgrid) est la prochaine grande étape dans le domainedes technologies vertes. C’est surtout un élément cléde la relance de l’économie américaine avec lasanté/bien-être, et l’éducation/formation.

Pourquoi ? Parce que le réseau actuel n'est pas capable de supporterles fluctuations en provenance des sources d'énergie renouvelablescomme l'énergie éolienne, solaire et géothermique. Les technologies del’information seront indispensables pour aider à réguler les variations desénergies renouvelables et la maîtrise de l’efficacité énergétique (l’antigaspi). Par exemple, le réseau a besoin de technologie de stockage pourcapturer et contenir l'énergie excédentaire émanant de ces sourcesrenouvelables, qui peuvent ensuite être diffusées à des moments deforte demande pour un quartier et pas seulement pour une maison.

Désintermédiation des énergéticiensTout comme l'internet a révolutionné le monde de la banque en ligne,

le télétravail et le shopping, l’internet va révolutionner les compteursélectriques intelligents (smart meters). Leurs interfaces (ou les logi-ciels) permettront par exemple aux citoyens/consommateurs de

moderniser leur consom-mation d'énergie et d'êtreplus en phase avec leurshabitudes de consomma-tion. Conséquences : les smart meters vontmodifier radicalement lemodèle économique desénergéticiens. Ces derniersrisquent d’être désinter-médiés rapidement parles nouveaux releveursde compteurs avec leursnouveaux moyens depaiement, notamment dela monnaie privative.

L ’ a d m i n i s t r a t i o naméricaine a prévu uninvestissement de plusde 50 milliards dedollars pour accélérer

les investissements uniquement dans ce domaine en misant sur desopportunités d’innovations de rupture qui ne manqueront pas de seconcrétiser très vite.

Les industriels de l'informatique, et notamment les fournisseurs deréseaux de communication de données, l’ont très vite compris. Ils sepositionnent sur le marché du smart grid avec des moyens considéra-

bles. Outre Microsoft, Google et IBM, dans l'industrie du logiciel et duservice informatique, Cisco vient de lancer sa gamme de produits avecdes produits dérivés des routeurs et connecteurs classiques du typeEthernet Gigabit. Ils parient tous sur les avantages d’un déploiementd’une atmosphère IP sur tout le territoire américain associant WiMAX,LTE, ADSL, Zigbee…

Les compteurs électriques intelligents constituent donc la premièrecible de ces acteurs majeurs. Ceux-ci dépendent en effet en grandepartie du développement et de la mise en œuvre du smart grid. Et,comme pour internet, les fabricants de logiciels et de matériels améri-cains proposent des solutions liées à la gestion de l'énergie sous formed’une interface «propriétaire » ou d’un tableau de bord avec lequel lesconsommateurs interagiront afin de surveiller et contrôler leur consom-mation d'énergie en traitant en temps réel des quantités considérablesd’informations.

Nouveau modèle économiqueGoogle, par exemple, a lancé PowerMeter pour répondre à ce

besoin. Il s’agit d’un système de surveillance gratuit pour aider lesconsommateurs à économiser de l’énergie et de l’argent. Sur le site deMicrosoft, une autre solution basée sur le web, l'interface Hohm, fournitaux consommateurs des capacités de surveillance accompagnées d’unrapport gratuit sur l’énergie et préconisant des recommandations sur lafaçon d’en économiser. PowerMeter et Hohm fournissent aux consom-mateurs leur consommation d'énergie en temps réel et des données surles prix de l’énergie, ce qui leur permet de prendre des décisions éclai-rées sur le moment de faire fonctionner le lave-vaisselle ou de refuser laclimatisation. Idéalement, ces produits seront en mesure d'aller au-delàdes chiffres sur la consommation d'énergie et incorporeront le fonction-nement des appareils et autres produits ménagers, de sorte que,lorsque les prix de l'énergie seront plus faibles, indépendamment de l’en-droit où se trouvera le consommateur (travail, vacances, etc), ils pour-ront en profiter.

Un bon exemple de modèle économique dans le smart grid est celuide Duke Energy. Ses barrières à l’entrée reposent sur un usage massifdes TIC et de l’internet. Son positionnement est comparable à celuid’Amazon. C'est-à-dire utiliser un réseau électrique intelligent pour offriraux clients des rabais sur les appareils économes en énergie, de lamême manière qu’Amazon vend des livres à bas prix grâce à son livreélectronique Kindle. Duke Energy va en effet vendre un appareil à hautrendement énergétique (comme un réfrigérateur intelligent) via unesociété de service (un fournisseur d’électricité par exemple), puis vendredes services à prix réduit ou même de l'électricité groupée avec cetappareil. L'idée évoque l’image d’une société de service comparable àcelle d’un revendeur, d’un fournisseur de gestion de l'énergie, et en finde compte, propriétaire de la relation avec le client.

www.dalloz.com

L

Les smart grids aux Etats-Unis :un marché en plein boom

Par Xavier Dalloz, analyste, XDC

Dossier

Les smart grids: le mariage prometteurde

Un bon exemple de modèleéconomique dans le smartgrid est celui de DukeEnergy. Son positionnementest comparable à celuid’Amazon. C'est-à-direutiliser un réseau électriqueintelligent pour offrir auxclients des rabais sur lesappareils économes enénergie, de la même manièrequ’Amazon vend des livresà bas prix grâce à son livreélectronique Kindle.

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x33

es réseaux électriques sont actuellement confrontés à deuxdéfis majeurs que sont l’augmentation de la consommation élec-trique, du fait de l’apparition en masse de nouveaux usages, etl’intégration des énergies de sources renouvelables de typeintermittentes et décentralisées telles que l’éolien et le photo-

voltaïque. Pour faire face à ces défis, le système électrique doit évoluer. Deux options sont envisageables : d’une part, renforcer les réseaux en construi-

sant de nouvelles lignes, ce qui est de plus en plus difficile compte tenu de l’urba-nisation croissante et de la réticence des populations locales; d’autre part,moderniser les réseaux en les rendant plus intelligents pour optimiser leur fonc-tionnement. C’est cette seconde option qui est privilégiée, car elle est rationnelle.

Rendre les réseaux plus intelligents consiste à leur intégrer des fonctionnalitésissues des technologies de l’information et de la communication, afin de prendreen compte les actions des différents opérateurs du système électrique. Le but estd’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande à tout instant avec une réactivité etune fiabilité accrues et de fournir un approvisionnement sûr, durable et compétitifaux consommateurs. L’intégration de ces nouvelles technologies à tous les niveauxdu réseau électrique est une innovation sans précédent dans un secteur qui, depuisl’invention de l’électricité, n’a pas connu d’innovations majeures, celles-ci restantlimitées à l’électrotechnique.

Réseau intelligentL’architecture des réseaux intelligents, ou smart grids, va se composer de

trois niveaux. Le premier niveau servira à transporter l’électricité, par une infra-structure classique d’ouvrages électriques (câbles, lignes, transformateurs, etc.).Le deuxième niveau est formé par une architecture de communication fondée surdifférents supports (fibre optique, GPRS, radio, etc.) et technologies de commu-nication (telles que IP) qui seront utilisés pour collecter toutes les données issuesdes capteurs installés sur les réseaux de transport et de distribution.

Enfin, le dernier niveau sera constitué de logiciels informatiques tels que dessystèmes de dépannage à distance ou des programmes automatiques deréponse à la demande d’électricité utilisant une information en temps réel. Il serapossible d’intégrer des procédures d’autoréparation, de gestion des erreurs etde permettre une meilleure prévision, une modélisation et une planification desnouveaux usages.

Le système de comptage évolué constitue la première brique du réseau intel-ligent de demain. Actuellement expérimenté en France par ERDF sous le nom deLinky, il comprend les compteurs communicants installés chez les utilisateurs etcapables de transmettre les informations résultant des mesures, les concentra-teurs installés dans les postes de distribution et le système de transmission desdonnées permettant la circulation rapide et fiable des informations entre lescompteurs et les acteurs du marché.

Il reste aux acteurs des secteurs électriques et des TIC à définir une « smartorganisation » pour travailler ensemble à mettre en œuvre cette vaste entreprisede modernisation du système électrique français.

www.cre.fr

LUne innovation sans précédentdepuis l’invention de l’électricité

Par Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) - co-auteur de l’ouvrage « L’électricité du futur : un défi mondial », éditions Economica

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

les box au régime watts heurene box consomme moins qu’une ampoule électrique basseconsommation : 10 W environ pour le modem connecté à laprise téléphonique et un peu plus de 10 W pour le décodeurTV. Mais la grande différence, c’est que les box sont allumées

en permanence et consomment quasiment autant en mode veille qu’en fonc-tionnement, tout au moins en ce qui concerne les générations actuelles !

A l’échelle du foyer, l’équipement en box représente une facture deplusieurs dizaines d’euros par an : une consommation constante d’un watttout au long de l’année est facturée près de un euro, en se basant sur un prixde 11 centimes d’euros le kWh(1). En prenant le nombre de foyers abonnés àinternet, la consommation totale des box en France (lire pages 12-13) repré-sente à elle seule presqu’autant que l’ensemble des infrastructures deréseaux fixe (commutateurs téléphoniques, équipements de raccordement àinternet, fermes de serveurs) et plus que les infrastructures de réseauxmobiles (antennes relais, équipements de cœur de réseaux, etc) (2). Surtout,elle contribue à relever les pics de consommation, difficiles à gérer pour lesfournisseurs d’électricité, et très émetteurs de gaz à effet de serre car ilsnécessitent la mise en route de centrales électriques thermiques(3).

Boitiers verts intelligentsAujourd’hui point névralgique des réseaux,

les box devraient toutefois devenir plusvertueuses, comme s’y est engagée la fédération fran-çaise des télécoms (lire page 15). Les équipementiers n’ont d’ailleursguère le choix puisqu’un règlement européen leur impose déjà un modeveille moins énergivore (lire page 26). Mieux, les box pourraient à l’avenirservir de relais entre le foyer et les fournisseurs d’énergie, en permettantde mesurer et maîtriser la consommation à distance. A condition, bien sûr– et c’est une gageure ! – que l’utilisateur ait confiance dans la gestion quisera faite de ses données personnelles et s’approprie ces nouveauxservices.

(1) Ordre de grandeur du prix du kWh chez EDF, en option de base.(2) D’après l’Idate, les box ont représenté en 2008 une consommation électrique de 1,6

TWh, les infrastructures de réseaux fixes 1,9 TWh et les réseaux mobiles 1,2 TWh. (3) Les box relèvent de plusieurs centaines de MW la puissance électrique à produire

en heures de pointe (un maximum a été atteint début janvier 2009 à 92,4 GW,d’après le commissariat général au développement durable).

U

l’énergie et des TIC pour chasser le gaspi

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Dossier

34x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

epuis deux décennies, des préoc-cupations nouvelles ont émergédans les sociétés occidentalesautour des problèmesd’environnement plané-

taire, dont les cas emblématiques sont lerisque climatique et la biodiversité. En effet,les gains de productivité remarquables réalisés depuis l’après-guerrel’ont été dans un contexte de relative abondance supposée des ressourcesnaturelles, et d’énergie peu chère, qui aujourd’hui n’apparaît plus soutenable.

La formation des ingénieurs, à l’Ecole polytechnique, est directementconcernée car le développement durable nécessite le recours à des disci-plines variées, aussi bien pour comprendre les enjeux, que pour définir lespolitiques et régulations publiques, ou faire émerger les technologiespermettant de répondre à ces défis.

Une révolution nécessaireLes travaux prospectifs dans le domaine de l’énergie, tels que ceux que

réalise l’Agence internationale de l’énergie, mettent en évidence la nécessitéd’une véritable révolution pour sauvegarder le climat et assurer la sécuritéénergétique, qui nécessite d’explorer toute la gamme des technologies envi-sageables. La mise en œuvre de celles-ci risque par ailleurs d’être associéeà des bouleversements des chaînes de valeur, comme le suggèrent lesréflexions sur le véhicule électrique ou ceux sur les smart grids.

La formation des ingénieurs de haut niveau doit donc anticiper ces évolu-tions, pour disposer de gens aptes à travailler dans ces nouveauxdomaines, aussi bien dans les entreprises et les collectivités publiques quedans la recherche. De plus, deux arguments renforcent ce besoin d’antici-pation : l’intérêt stratégique de se positionner tôt dans les domaines jugésdéterminants pour la croissance future, pour en faire un facteur de compé-titivité, et le constat de contraintes au « verdissement » de l’économiedécoulant des pénuries et lacunes de compétences.

Cependant, la perspective du développement durable implique des modi-fications profondes de l’enseignement pour les ingénieurs. En effet, si ledéveloppement de nouvelles technologies est requis, encore faut-il quecelles-ci soient sûres. Ceci suppose le développement de capacités, pourévaluer leurs impacts, sur les écosystèmes et la santé humaine, notam-ment. La mise en place du processus REACH pour les produits chimiquesillustre cet enjeu. Mais cette évaluation des impacts nécessite souvent desméthodologies nouvelles, recourant notamment à la modélisation.

Former à des gouvernances complexesAu delà, l’enseignement doit considérer le fait que le développement

durable nécessite aussi des ruptures dans les dynamiques institutionnelles,et économiques. Surtout, l’incertitude scientifique constitue un trait carac-téristique de tous ces problèmes obligeant à concevoir en conséquence lesprincipes d’évaluation des choix, et conférant à l’amélioration de l’état desconnaissances une importance primordiale.

Ces éléments impliquent de former les ingénieurs à desgouvernances complexes, impliquant un dialogue entre l’exper-

tise, la décision et le débat public. Sur le plan plus strictementscientifique, ceci implique aussi de stimuler les capacités d’ouver-

ture à la pluridisciplinarité.L’enseignement correspondant est nécessairement diversifié.

D’un côté, il faut reconnaître les dimensions spécifiques du déve-loppement durable, ce qui conduit, dans le cas de l’économie, par

exemple, à avoir un cours focalisé sur le long terme, les risques, la gestiondes ressources épuisables ou renouvelables, l’évaluation environnementale,la gouvernance des risques ; voire à créer de nouveaux cursus, aveccomme exemple « Ecosciences », qui vise notamment toutes les théma-tiques nécessaires pour l’évaluation des impacts. De l’autre, il faut intégrerle développement durable dans lescursus existants, ce qui, selon les cas,se situera au niveau de la sensibilisa-tion, ou au contraire des cursusapprofondis, pour traiter des techno-logies renouvelables, dans lesprogrammes consacrés à l’énergie,par exemple.

Par ailleurs, les interventions etcours associés au thème du déve-loppement durable privilégient,selon les cas, l’information desélèves sur le concept même dedéveloppement durable, l’enseigne-ment dans les domaines apparais-sant critiques en termes decompétences, ou pour larecherche et l’innovation et laformation des élèves, sur le planméthodologique.

Exigence d’excellenceConcrètement, ceci se traduit par le développement des séminaires et

des présentations «d’ouverture», et par l’importance prise par ces théma-tiques dans les projets scientifiques et les stages de recherche.

Ces évolutions s’inscrivent dans les transformations en cours de l’ensei-gnement supérieur et de la formation des ingénieurs, leur point communétant l’exigence d’excellence, dans un contexte de véritable compétitioninternationale au niveau de l’enseignement supérieur. La formation doctoraledevient un élément stratégique, le développement durable s’inscrivant defait au cœur de nombreux sujets de thèse. Plus généralement, on assisteainsi à un décloisonnement entre enseignement et recherche, et au déve-loppement de véritables partenariats entre l’Ecole polytechnique et lemonde industriel, dont les Chaires d’entreprise sont un vecteur.

www.polytechnique.fr

Par Dominique Bureau,président du comité de pilotage de la Chaire développement durable de l’Ecole polytechnique

Enseigner le développementdurable aux ingénieurs

D

Parce que le développement durable est unenjeu majeur pour l’avenir de tous les êtresvivants sur terre, son enseignement est unepriorité, mais il nécessite des contenus à lafois scientifiquement rigoureux etattrayants. Ainsi en est-il du portail dédiéwww.education-developpement-durable.fr,développé avec le soutien du Ministère del’éducation nationale et en partenariat avecl’ADEME, l’UNESCO et l’IRD (Institut derecherche pour le développement), quiambitionne d’apporter gratuitement auxenseignants et aux élèves des lycées etcollèges, les moyens de comprendre, grâceà des contenus pédagogiques, les enjeux dudéveloppement durable. Trois ans ont éténécessaires pour lancer ce projet. Il seraouvert aux élèves de primaire début 2011.

Les collèges et lycées aussi…

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x35

es transports urbains sont aujourd’hui essentiellementstructurés par les transports de personnes (1) pour desrelations domicile-travail. L’essentiel des débats autour destransports urbains durables porte, d’une part, sur deschoix énergétiques, d’autre part, sur des logiques d’orga-

nisation spatiale visant une mise en cohérence habitat/emploi. Les TICpeuvent néanmoins contribuer à une satisfaction durable des besoins de lamobilité urbaine sur au moins trois plans : la sécurité des véhicules, laqualité des services de transport, et enfin la facilitation des interactionssocio-économiques.

Des véhicules plus sûrsLa fonction première d’un système de transport est d’assurer la sécurité

des personnes transportées. Les données d’accidentologie reflètent la fortemixité des flux présents en milieu urbain, notamment sur la voirie de surfaceavec une forte sur-représentation, dans les accidents mortels, des collisionsentre voitures et deux-roues motorisés. Pour d’autres modes que le transportroutier, les TIC sont au coeur de systèmes de sécurité active visantnotamment à prévenir les collisions entre véhicules. Par exemple, lemode ferroviaire déploie depuis 2000 le système ERTMS (EuropeanRail Traffic Management System). Via un réseau de communicationsans fil GSM-R, le train communique constamment sa position aucentre de contrôle qui lui communique en retour les actions à effec-tuer en fonction notamment des autres trains en circulation.

Le retard relatif pris par le mode routier dans le déploiement des TIC estvraisemblablement plus imputable à l’absence, jusqu’à une date récente, d’uncadre normatif et législatif harmonisé au niveau européen, qu’à l’existence devéritables points durs technologiques. Une directive européenne récente fixeun cadre de déploiement de systèmes de transports intelligents. Elle devraitcontribuer à lever les verrous existants en permettant l’émergence desystèmes interopérables, fondés sur des normes ouvertes et publiques, aupremier rang desquels figurent le service d’appel d’urgence eCall, ainsi quedes systèmes coopératifs d’évitement de collisions.

Des réseaux mieux exploitésL’exploitation des réseaux de transport utilise largement les TIC, que ce

soit pour garantir le respect des règles d’usage (contrôle-sanction automa-tisé), assurer la tarification (billettique sans contact), ou orienter les fluxd’usagers par la diffusion d’informations en temps réel. Le développementde la téléphonie mobile permet à chaque exploitant de proposer à sesusagers des services innovants, voire personnalisés. Cependant, beaucoupreste à faire pour mieux prendre en compte, du point de vue de l’usager, unecaractéristique essentielle des réseaux de transport urbain, à savoir leurhaut niveau d’interconnexion. De fait, lorsque plusieurs modes sont disponi-bles pour effectuer un déplacement (multimodalité), se posent pour l’usagerles questions de l’articulation de ces modes et de la coordination des offres(intermodalité), et pour la puissance publique la question de l’exploitationoptimale des réseaux existants (comodalité). Si la question de la mise àdisposition d’information intermodale est en passe d’être résolue (2), celle de

la mise en œuvre opérationnelle de services intermodaux de porte à porte,permettant notamment de lisser pour l’usager les coûts de planificationd’une chaîne de déplacements et des ruptures de charge associées, resteouverte. Il y a là un intéressant gisement d’application des TIC. Un uniqueterminal, le téléphone portable, permettant tout à la fois la réservation àdistance de services (stationnement, véhicule partagé), l’accès aux trans-ports en commun, le calcul en route d’alternatives en cas de perturbation.

Des interactions socio-économiques facilitéesLes relations entre un usage croissant des TIC dans la vie quotidienne et

les comportements de mobilité sont complexes. Une étude danoise de 2007montre que, toutes choses égales par ailleurs, les acheteurs en ligne effec-tuent en moyenne plus de déplacements d’achats que les autres. Si l’usagedes TIC peut effectivement se substituer à certains déplacements, d’autresdemeurent — par nécessité (travail) ou par choix (achats, loisirs) —, alors qued’autres sont induits – les TIC accroissant le nombre d’interlocuteurs et la tailledes réseaux sociaux, le besoin de rencontres en face à face augmente.

S’il est difficile de dégager une relation directe entre usage des TIC etnombre des déplacements quotidiens, le débat peut être orienté dans deuxdirections. La première concerne les conditions d’appropriation des technolo-gies par les individus comme outils d’aide à leur mobilité quotidienne. Laseconde interroge les relations entre usage des TIC et organisation spatio-temporelle des activités, notamment dans le domaine professionnel. Encomparaison avec la moyenne de l’OCDE, le potentiel de développement dutélétravail en France est important (3), les leviers d’action étant principalementjuridiques, culturels et organisationnels. Il ne s’agit pas de dire que les TICpeuvent à eux seuls changer les comportements de déplacement, mais deposer la question des conditions sous lesquelles elles peuvent y participer.

En conclusion, les TIC vont prendre une part croissante dans la construc-tion technique de systèmes intégrés de mobilité urbaine à la fois plus sûrs,car coopératifs, et co-opérés, dans le sens d’une utilisation coordonnée demodes compris comme complémentaires. Ces technologies peuvent parailleurs contribuer à la construction d’une demande de transport durable,comme substrat de changements attendus dans l’organisation des activitésdans le temps et dans l’espace, changements au rang desquels le télétravailoccupe une place significative.

www.lvmt.fr/(1) Le transport des marchandises en ville représente environ 20% des véhicules-kilo-

mètre parcourus, mesurés en équivalent véhicule particulier. (2) Voir par exemple le service Google Transit.(3) Rapport du Conseil d’analyse stratégique, novembre 2009, www.strategie.gouv.fr.

LDes transportsurbains plus durables grâce aux TIC

Par Vincent et Anne Aguilera,chercheurs au Laboratoire ville, mobilité, transport,Université Paris-Est

Beaucoup reste à faire pour mieux prendre en compte, du point de vue de l’usager,

une caractéristique essentielle des réseaux de transport urbains, à savoir

leur haut niveau d’interconnexion.

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

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Dossier

Par Francis Demoz, auteur du livre « La voiture de demain : la révolution automobile a commencé », éditions Nouveau Monde, septembre 2010

vec la crise de 2008, le modèle économique de l’in-dustrie automobile a volé en éclats. La réalité s’ac-compagne désormais et durablement d’une doublecontrainte, énergétique et environnementale. En quoiles technologies de l’information et de la communica-

tion peuvent-elles contribuer à rendre la voiture de demain plus écolo-gique ?

Rouler intelligent…Longtemps perçues du point de vue de leur apport en termes de

sécurité, les technologies TIC jouent également un rôle majeur dans laréduction de l’empreinte écologique de la voiture. Le GPS, par exemple,qui permet d’optimiser les trajets, de localiser des places de parkingsou de prévenir des embouteillages, rend dans le même temps la voitureplus économe. On pourrait également citer les systèmes d’aide à l’éco-conduite, qui assurent le maintien automatique de la vitesse, en fonctiondes limites ou en fonction de la distance au véhicule précédent.

Nous ne sommes pourtant qu’au début de cette révolution. La miseen réseau et le marché des TIC dans la voiture va exploser dans lesannées qui viennent. L’automobile est à un changement de paradigmequi se traduit à la fois par une modification de la propulsion, avec l’ar-rivée de la voiture électrique, et par l’intégration massive des technolo-gies de l’information et de la communication. Des solutions doivent êtretrouvées, par exemple pour que la voiture électrique puisse communi-quer avec les infrastructures de recharges de manière durable etéconome. Dans les laboratoires, les développeurs testent des boîtierscommunicants embarqués permettant de localiser les bornes derecharges les plus proches et de transmettre des données sur le véhi-cule (comme l'état de charge de la batterie).

… etbranché !

De son côté,l’auto-partage,qui permet deposséder unevoiture, dès quel’on en a besoin, pour une heure, deux heures ou plus, nécessite unegestion intelligente des systèmes d’information. Les TIC sont au cœur decette question de la mutualisation des moyens de transport. Elles infor-ment l'exploitant de la flotte de l’emplacement de la voiture, et l'usagervia son téléphone mobile. Les opérateurs fournisseurs de services, lesindustriels de l’électronique ou encore les éditeurs de logiciels l’ont biencompris : l’ajout de services de communication au sein de la voituredevient un élément structurant du développement durable. Le nombre decapteurs et de caméras équipant les automobiles est aujourd’hui l’indica-teur le plus pertinent de l’évolution vers le véhicule intelligent. La voiturede demain, bardée de TIC, sera communicante. La communication devéhicule à véhicule (car to car) est en passe de devenir une réalité.

Pour les chercheurs et les industriels, l’enjeu est désormais decoopérer afin de mettre en place des plates-formes embarquées capa-bles de comprendre ces systèmes intelligents. Les véhicules ne dialo-gueront pas seulement entre eux mais aussi avec la route. Cette « routeintelligente » contribuera à une mobilité plus propre et plus économe. Lescarrefours intelligents, lieux stratégiques, permettront d’optimiser lesdifférents types de mobilité. La gestion du trafic devient un objectif prio-ritaire et l’utilisation des systèmes de transports intelligents (STI) devraitainsi influer sur les comportements. Des projets plus ambitieux encoredéveloppent déjà des véhicules à conduite entièrement automatisée. Larévolution technologique bouleverse tout sur son passage et contribue àrendre la voiture plus écologique.

www.lavoiturededemain.com

A

•• La Google car vous conduit làoù vous voulez…

…Et ça n’a rien de virtuel !Comme l’explique Marissa Mayer,vice présidente de Google encharge de l’expérienceutilisateurs : « Google a vocationà donner des informations pouraider à prendre de bonnes décisions».Et après tout, selon elle, «conduire unevoiture, c’est chercher des infos » ! Googlea donc mis au point des voitures qui se conduisent toutesseules. Il s’agit pour l’instant d’une flotte de six Toyota Prius etune Audi TT. Mais il faudra encore attendre à peu près huit anspour qu'un modèle totalement autonome et viable puisse êtrelancé sur le marché.

•• L’auto-partage « low cost » avec Deways

Au salon « LeWeb » des 8 et 9 décembre dernier à Paris, desétudiants de l’Essec ont présenté leur start up « Deways ». Leurmodèle consiste à permettre à des propriétaires de voitures delouer leur véhicule pour une durée courte et aux emprunteursde louer à des prix inférieurs aux agences de location. A l’image des sites d’e-commerce, les prêteurs et emprunteursse notent car « quand on laisse les clés de sa voiture àquelqu’un, il faut avoir confiance », précise Noël Paganelli,directeur technique de Deways. La première cible visée seraitdes micro-communautés (campus, copropriété, etc) où lesgens se connaissent. Le plus de Deways est d’apporter unencadrement juridique qui n’existerait pas dans une location« au noir ».

36x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Les TIC et la voiture : un engagement durable

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Par Gilles Vesco,vice-président de la Communauté urbaine de Lyon en charge des nouvelles mobilités urbaines

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x37

epuis que l’on demande sonchemin à autrui, information etdéplacement sont indissociables.Aujourd’hui, pour favoriser lesnouvelles pratiques et aider le

développement des modes alternatifs à la voitureindividuelle, l’information doit redonner à l’usagerle sentiment de liberté qu’il craint de perdre.

Priorité au libre choixPour cela, cette information doit être ciblée,

embarquée (d’abord sur soi ?), en « temps réel »,spécifique et fiable. Sous sa forme numérique,elle est déjà la clé des nouvelles mobilités : auto-partage, co-voitu-rage, taxi «pooling » et vélos partagés. Or, la nouvelle mobilité, cesont aussi les « interstices » entre les modes de déplacement : inter-modalité (plusieurs modes de transport), partage de l’espace public et,on l’a vu, information multimodale. Là encore, les TIC seront essen-tielles à ces articulations nécessaires à la personnalisation des trajets.Pas d’inter-modalité sans une « billetique » numérisée, pas de bonnecohabitation des modes sur l’espace public sans gestion informa-tisée, et pas d’information multimodale sans «centrale de mobilité »qui nécessite une radio, un site internet, des applications mobiles,des alertes «SMS »ainsi qu’un centred’appel. On le voit, enpermettant de rendre«serviciels » un trans-port en commun, unevoiture ou un vélo, lesTIC permettent demieux individualiser lestransports partagés etde mieux partager lestransports individuels.

Des «applis»mobiles pourparfaire le roulement

L’expérience de « Vélo'v », ce transportpublic-individuel, a permis d’illustrer à Lyon cedernier point : rendre le vélo « serviciel », c’esten démultiplier l’usage. Le partage appelle lepartage, car si une station reste constammentvide, ou pleine, la rotation est freinée. Cerisque est levé grâce aux applications « iPhone»

(et bientôt «Androïd» et «Blackberry», le«wap» étant déjàobsolète) qui donnent,en temps réel, lalocalisation et le tauxd’occupation desstations Vélo'v. Lescartes «sans contact»permettent un accèsrapide aux vélos.Avec bientôt l’abon-

nement sur internet,le succès des 4000Vélo'v sera, on le voit,indissociable des TIC.Résultat : 20000 tra-jets par jour, un tauxde rotation record

de douze trajets par jour et par vélo (soit 45000trajets !), et 12000 tonnes de CO2 épargnées. Sanscompter le doublement du trafic vélo général encinq ans. En permettant le partage (de l’information,des modes de transport et de l’espace public), sonnouveau paradigme, les TIC feront la mobilitédurable de demain.

www.grandlyon.com

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Mieux individualiserles transports partagés,mieux partager les transports individuels

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

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Le Vélo'v à LyonLe Bicloo à NantesLe Vélib à ParisLe Vélomagg' à Montpellier

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Quand la ville devient durable

38x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

e Cluster* Green and Connected Cities regroupe des acteurs mobi-lisés autour des usages des technologies de l’information et de lacommunication pour le développement urbain durable. Il rassembledes villes et communautés urbaines d’Europe et de Méditerranée,

des entreprises, des réseaux d’experts, des chercheurs, des associations et desinstitutions pour créer et expérimenter des initiatives innovantes et opération-nelles pour faire exister la ville durable et interconnectée du 21e siècle.

Les technologies numériques sont mobilisées pour contribuer aux enjeux dudéveloppement durable dans les territoires urbains, ce qui conduit les réflexions

sur l’innovation dans trois domaines prioritaires de l’économie verte et numé-rique: la mobilité durable, les nouveaux espaces d’activités et de vie, l’économierelocalisée et sobre en carbone. Les travaux du Cluster se sont en prioritéorientés sur les nouvelles formes de lieux de travail et d’activités. Des acteursdivers – entreprises, associations, réseaux d’entrepreneurs et collectivitéslocales – imaginent de nouvelles façons de travailler et innovent en créant deslieux répondant à des besoins, des publics et des logiques différentes mais s’ins-crivant tous dans une même démarche qui est celle d’utiliser internet et lesnouvelles technologies comme levier de transformation de la société.

L

es réponses technologiques aux défis du dévelop-pement durable ont souvent quelque chose de froid,voire d'inquiétant : automatisation à grande échelle,surveillance, contrôle social… Sous leur forme

actuelle, elles créent des tensions entre différentes valeurs – la protectionde l'environnement, l'inclusion sociale, les libertés – et risquent en définitivede susciter un rejet. Peut-on s'y prendre autrement, et faire de l'environne-ment une occasion d'associer les citoyens à l'invention d'alternatives à lafois durables et désirables ?

Le projet "Montre Verte" commence par le commencement : la mesurede l'environnement urbain. Aujourd'hui, quelques capteurs "lourds" (unedouzaine sur Paris, par exemple) produisent une mesure très précise, maisdont les critères échappent à la population. En portant au poignet unemontre qui mesure le bruit et la qualité de l'air, le citoyen contribue à multi-plier par 100, ou 1000, le nombre de capteurs environnementaux de saville. Sa montre l'informe sur ce à quoi il est personnellement exposé ; maissurtout, les données remontent vers une plate-forme dénommée Citypulse.Sur Citypulse, les données (anonymisées) sont mises à disposition d'entre-prises, d'acteurs publics, d'associations et de chercheurs, qui les traitent àdes fins de connaissance, de débat public ou de création de services.

Véritable adhésionLors de son expérimentation en juin 2009, dans le cadre de la manifes-

tation Futur en Seine, la Montre Verte a suscité une véritable adhésion. D'oùla décision d'approfondir ce projet qui n'était jusqu'alors qu'une exploration.

Première direction, améliorer l'objet lui-même : produire des mesuresd'une meilleure qualité et surtout, compatibles avec les mesures "offi-cielles" ; et retravailler le design pour proposer d'autres formes (unebroche, un collier ?), pour en réduire le poids et la consommation élec-trique.

Seconde orientation, détacher la plate-forme Citypulse de l'objet"Montre Verte". Beaucoup d'autres capteurs environnementaux vontéquiper les véhicules, les balcons, les grands réseaux urbains. Citypulseleur propose de partager leurs données pour créer une source sansprécédent de connaissances environnementales, exploitable par toutessortes d'acteurs.

Enfin, il s'agit de mesurer l'impact d'un tel dispositif, tant sur lescitoyens et leurs pratiques que sur les acteurs publics et les entreprises.C'est l'objectif d'un projet européen en cours de négociation, Green Eyes,qui associe les villes d'Amsterdam, Manchester et Paris.

www.fing.org

L

Par Laurent Coussedière, directeur du Cluster Green & Connected Cities

Dossier

Territoires urbains 2.0 :connectés et durables

•• La Montre verte est un dispositifpersonnel communicant équipé de deux

capteurs environnementaux (ozone, bruit), d’une puce GPS et d’unepuce Bluetooth. L’appareil a la forme d’une montre que son porteuremmène avec lui dans la ville, capturant et stockant ainsi des mesuresqui sont ensuite publiées sur le réseau. Le dispositif se complète d’untéléphone mobile sur lequel une application embarquée permet devisualiser les niveaux de pollution mesurés par la Montre et detransmettre à intervalles réguliers ces mêmes données à une plate-forme ouverte qui reçoit, stocke et rend disponibles les relevés demesure.

Quand les citoyens deviennent des capteurs environnementaux

Par Daniel Kaplan, délégué général de la Fondation internet nouvelle génération (Fing)

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grâce à l'innovation sociale

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x39

e-activités de nouvelle générationA partir de thématiques de travail, les acteurs du Cluster ont élaboré

un guide méthodologique « Construire ensemble les Ecocentres 2.0 - pourune nouvelle génération d’e-activité dans une économie durable de la créa-tivité » destiné aux porteurs de projets publics-privés. Ce guide présenteun cadre de référence posant les valeurs des Ecocentres, un ensemble defiches-outils pour faciliter le montage, la gouvernance, la mise en œuvre,le suivi et l’évaluation des Ecocentres, ainsi que des approfondissementsou focus spécifiques sur des expériences réussies. Aujourd’hui, le Clusterconcrétise son ambition d’inscrire son action dans l’opérationnel en travail-lant le déploiement à grande échelle d’expérimentations de télécentres.

Par ailleurs, l’objectif du Cluster est de porter la création de grappesd’entreprises qui couvriront l’ensemble des activités présentes sur lesEcocentres, ou seront utilisatrices des usages des TIC pour un dévelop-pement plus durable des territoires (économie verte et numérique, inno-vations par les services, technologies et outils collaboratifs de laconnaissance, formations, services). Ces grappes d’entreprises pourront

impulser une dynamique de développement économique territorial surchacun de ces lieux reliés en réseau, en y trouvant une identité propre.

Les enseignements tirés de ces différents travaux révèlent le triple impé-ratif d’une excellence en matière de technologies numériques, mise à dispo-sition de tous, et dans une mixité d’usages et d’applications interopérables :- la nécessité de trouver les modèles économiques innovants qui placerontles usages dans une logique imposée de mutualisation de services, et d’in-tégration aux offres déjà existantes ;

- le principe fondamental de l’appropriation des lieux avec des équipesd’animation, de gestion, de management, de support, de formation, etautant de compétences et de nouveaux métiers à construire ;

- la mise en lien des lieux de même nature entre eux, le maillage du terri-toire avec ce que nous appelons les « lieux modaux », « lieux familiers »(comme les gares, les bureaux de poste, maisons de quartier) en coursde transformation et de nouveaux lieux.

www.greenandconnectedcities.eu/* Cluster ou regroupement

es innovations technologiques qui arrivent les unes aprèsles autres modifient nos façons de travailler, d'échanger,d'accéder aux loisirs. Mais l'organisation sociale, dans laville, au travail, évolue lentement car le changement humain

est bien plus long. Nous sommes informés du pétrole cher mais nous avonspeu changé nos façons de nous déplacer. Le web 2.0 permet de travailler enréseau mais l'organisation de nos collectivités reste cloisonnée.Développement durable et TIC bouleversent la société mais ont en commun cetemps long des transformations sociales.

Accompagner la transition Ce qui se joue n'est pas l'usage d'outils mais une transition qu'il convient d'ac-

compagner. A côté de son rôle structurant dans la gestion des déchets, de l'eau,des déplacements, de l'urbanisme, la collectivité a un rôle privilégié d'animation,de coordination et de soutien à l'innovation.

En mettant à la libre disposition de chacun (entreprise, association, personne)les données de son système d'information géographique, Brest métropoleocéane passe d'une ère de l'information ressource rare à celle des contenusnumériques réutilisables, source de la création de services. C'est le sens duprojet « Cartes ouvertes au pays de Brest » : il ne s'agit plus de vendre descartes mais d'encourager les usages innovants. L'internet en mobilité ouvre lavoie à des systèmes de co-voiturage où la géolocalisation rapproche l'offre et lademande, à une utilisation efficace des transports en commun et de l'intermo-dalité.

En préparant un déploiement de salles de visio conférences à l'échelle desquartiers et des communes, nous renforçons le dispositif d’accès public et deproximité aux outils multimédia. Il existe déjà à Brest plus de 100 points d’accèspublics à Internet. L’appropriation du multimédia s’inscrit dans une vision pros-

pective de l’évolution de nos déplacements, le développement du travail àdistance représentant une réponse à la relocalisation des activités et au raccour-cissement des distances parcourues. Nous renforçons ainsi la dynamique detravail en réseau reliant équipements de quartiers, associations, services del'état et de la collectivité.

Vers une société économe et solidaireAvec l'accès à internet à 1€ par mois dans l'habitat social, la mise à dispo-

sition à faible coût d'ordinateurs recyclés, l'accompagnement des personneséloignées de l'écran informatique, la résorption de la fracture numérique est unepréoccupation majeure de notre politique. C'est la condition d'un accès dechacun aux services publics dématérialisés. Demain, la connexion de chaquelogement permettra un suivi individuel des consommations d'eau, d'électricité etde chauffage qui nécessitera aussi de savoir interagir avec l'information numé-rique. A côté du réseau métropolitain, du déploiement du très haut débit et de lamontée en débit dans les zones blanches de l'ADSL, le numérique social est unaxe à part entière de la politique d'aménagement numérique du territoire.

En favorisant l'usage des logiciels libres, nous élargissons les bienscommuns numériques et apprenons à mutualiser. En multipliant les ateliersautour des outils du web 2.0, en animant huit sites participatifs de l'aggloméra-tion et de la ville, par les appels à projets, nous favorisons l'émergence d'uneculture de l'innovation qui valorise les initiatives et développe le travail coopératifque nous n'avons pas appris à l'école.

Et c'est de cette culture de l'implication, de l'innovation sociale, du biencommun partagé dont nous avons besoin pour réussir une transition vers unesociété solidaire, économe de ses consommations, attentive aux circuits courtset à un développement local durable.

www.brest.fr

LLe temps long des transformations sociales

Par Michel Briand, vice président de Brest métropole océane, en charge de l'aménagement numérique du territoire, conseiller municipalde Brest en charge d'internet et de l'expression multimédia

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

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Par Bruno de Latour, éditeur du mensuel Domotique news, président de l’agence Connecticut.com et promoteur, depuis 1984, de la domotique en France

De la domotique de papaà la prise communicante

es premiers pas des technologies domestiquesfurent consacrés au confort. Avec, en toile de fond,la « magie » mais aussi l’envie que suscite unsystème d’organisation intelligent de son domicile.Au milieu des années 80, on l’appelait « le tableau

de bord et de commande domestique ». Le Minitel était son outil decommande. Vingt cinq ans et quelques mois d’hésitation plus tard… lestechnologies télécoms se sont largement infiltrées. La domotique despremières années était en effet une sorte d’antithèse des télécoms. Seulle contrôle d’environnement, les automatismes, faisaient phosphorer lesesprits des ingénieurs et ceux des utilisateurs-bricoleurs.

Innovation socialePartant du principe, en France, que c’est dans le social que se cultive l’in-

novation, les premières réalisations d’habitat domotique, au milieu desannées 80 (à Pontaut-Combault, Reims, Marseille…) se sont développéesdans l’habitat social. Ainsi, après le plan « Informatique Pour Tous » desannées 80 (consistant à équiper un maximum d’écoles de T07 et de MO5 deThomson) fut lancé presque simultanément le programme « Pour HabiterInteractif » (PHI) subventionnant trois groupes de constructeurs d’équipe-ments domotiques (Synforic, filiale de la Générale de chauffe, Sild, filiale deSchlumberger et Bouygues) pour équiper le logement social. Objectif :permettre à l’utilisateur de maîtriser sa consommation d’énergie, et sescharges.

Quinze ans plus tard, la vague de l’internet a balayé cette domotiquesociale et électrique pour ouvrir le champ de la communication, du multi-média. Elle dispose d’un pilier : le réseau domestique, et d’une préoccupa-tion majeure : le développement durable. De son côté, le consommateur a

bien changé. Il est largement équipé en informatique, en box internet et nesupporte plus les câbles. D’où le succès grandissant des offres de commu-nication radio ou courant porteur en ligne (CPL). A nouvelle génération,nouveaux besoins. Née avec le jeu vidéo et le téléphone sans fil, elleimpose définitivement les technologies de l’information dans la maison.Mais si l’accès à internet et le multimédia sont les deux mamelles desjeunes, la maîtrise des consommations d’énergie est toujours d’actualité. Etrevoilà les préoccupations premières de la domotique de papa !

Du compteur à la prise communicanteL’enjeu est cette fois ci plus stratégique pour les fournisseurs

d’énergie et d’équipements. Car seule la mise en œuvre de systèmesintelligents de gestion domestique rendra possible cette optimisation desconsommations. Elle représente d’ailleurs un gisement de gain évaluépour 2020 à 9 MtCO2 ou un gain potentiel de 7.9 TWh, soit l'ordre degrandeur de la consommation totale du secteur télécom à l’horizon 2020.Par quel miracle ? Grâce à des solutions de pilotage à distance du chauf-fage et des équipements domestiques (smart home). Cette nouvelle orga-nisation du domicile va s’accompagner d’un dispositif de recharge"intelligente" des véhicules électriques. Les compteurs et appareils ména-gers intelligents auront un impact considérable sur l’environnement. Dansle logement résidentiel, les enjeux sont la performance des équipementset la réduction des écarts journaliers. Pour les opérateurs et fournisseursd’accès, voilà bien un nouveau gisement.

Après les réseaux intelligents (smart grids) et les compteurs commu-nicants (smart meters), voici les prises électriques intelligentes : lessmart plugs ! Elles vont permettre une meilleure utilisation de la consom-mation électrique. Et une nouvelle génération d’objets, dits communi-cants, va offrir aux consommateurs des services nouveaux. Encommuniquant entre eux, via internet ou via le réseau électrique, cesobjets communicants vont par exemple informer l’utilisateur de sesbesoins en énergie, de sa consommation (à l’instant ou depuis leur miseen fonction).

Bien sûr, il va falloir s’habituer à cette nouvelle manière de vivre avecdes « objets communicants », ces afficheurs d’information qui nous rappel-lent l’environnement de nos véhicules automobiles. Les constructeurs s’en-gouffrent sur ce nouveau marché porteur d’avenir. Ainsi, le CanadienZeroFootPrint Software a lancé une prise électrique communicante et inter-active, la TalkingPlug. Même Intel s’y met en réalisant la maquette d’un« économiseur d’énergie » qui fait briller les yeux des Schneider Electric,Legrand, Siemens, Delta Dore et autres dinosaures de la domotique qui nedisposent pas d’un produit aussi abouti dans leurs cartons.

Pour s’imposer définitivement, la domotique doit enfin offrir une simpli-cité indispensable, un souffle d’air frais. Et si les télécoms le lui appor-taient ?

www.domotique-news.com

L

Le nouveau bâtiment «intelligent» de la CMT espagnole

Le nouvel édifice de l’Autorité de régulation espagnole, la CMT, à Barcelone, faitd’acier et de verre, a été conçu dans un souci d’efficience bioclimatique. Despanneaux solaires et une façade revêtue d’un isolant solairepermettent de réduire forte-ment la consommationénergétique du bâtimentet de diminuer de 50 % lesémissions de CO2 dans l’at-mosphère. La façade estégalement protégée parun système de plaques horizon-tales, semblable à un spectred’ondes, qui permet d’obtenir unehaute protection solaire sans cacherla vue extérieure depuis les bureaux.

www.cmt.es

Dossier

40x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Quand les TIC envah

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Par Xavier de Froment, président des Industries du génie numérique, énergétique et sécuritaire (IGNES)

Les technologies numériques au service du bâtiment

ous sommes aujourd’hui face à un processus de« numérisation » des flux physiques : c’est d’abordvrai pour l’énergie au sens large et l’énergie élec-trique, mais aussi pour les fluides (eau), lespersonnes, les voitures, etc. Concrètement, cela

signifie qu’à chaque élément peut désormais être associé un ensemble dedonnées numériques, donc une capacité à gérer de manière intelligenteces flux. Cette numérisation permet de faire émerger de nouveaux outilset services de gestion intelligente de l’énergie : la gestion technique dubâtiment (pour le tertiaire et l’industrie) ou les démarches de domotique(chez soi) sont désormais porteuses de nouvelles opportunités.

Encore faut-il que nos infrastructures le permettent. Ainsi, le bâti-ment, et notamment le logement, ne doit plus être vu comme unsystème fermé mais comme un outil ouvert dont l’infrastructure tech-nologique – numérique, énergétique, ou sécuritaire – doit être penséesous deux approches parfois contradictoires : améliorer la « vie inté-rieure », c’est à dire le confort et l’efficacité d’usage pour les habitants/usagers ; intégrer cette infrastructure avec l’extérieur pour gérer lesdéfis de demain : mobilités et sécurité urbaines, réseaux énergétiquesintelligents, télésanté, etc.

RévolutionCette révolution en cours amène à se reposer la question de nos

méthodes de travail. Au niveau de chaque entreprise, nous devons intégrer demieux en mieux les outils des TIC dans nos produits, tout en respectant ce quia fait l’excellence de la filière électrique française en termes de développementdurable : l’éco-conception depuis plus de 10 ans, le recyclage volontaire desproduits professionnels depuis 2010, l’affichage environnemental…

Au niveau collectif, nous devons approcher ces enjeux de manière unifiéeet ouverte. Unifiée : c’est ce qui a motivé la fusion de quatre syndicats dumonde électrique (Domergie, GIMES, GISEL et Sycacel) au sein d’unenouvelle entité, IGNES. L’objectif est de travailler, entre plusieurs métiers, surles infrastructures du bâtiment, et notamment le logement, pour permettrel’émergence de ces nouveaux outils et services. Ouverte ensuite, puisquenous sommes dans un monde interconnecté. IGNES est ainsi mobilisée avecles opérateurs de télécoms et les installateurs sur plusieurs sujets cruciaux:fibre optique dans les logements, l’interopérabilité des outils au sein de lamaison, etc. Chacun apporte sa compétence, son expérience et c’est biencollectivement que nous arriverons à rendre concret un futur qui, aujourd’hui,est parfois loin de la réalité.

www.francebtp.com

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x41

’est la première fois que je rends visite à mon oncle depuisque sa famille a emménagé dans l’un de ces nouveaux e-quartier, dont les luxueuses publi-cités envahissent nos écrans depuisquelque temps. Ma curiosité est àson comble ! Le portail d’entrée

s’ouvre comme par magie à la seule vue de mon visageet au son de ma voix. Autant pour m’impressionner quepour jouer avec ses nouveaux gadgets, ma tantedéclenche une véritable féerie zen : les murs et le plafondm’accueillent en s’éclairant d’une agréable lumière bleue,au son d’une de mes musiques préférées.

A l’intérieur, l’écran est roi. Des écrans plats dans chaque piècecomme autant de fenêtres grandes ouvertes sur le net. Destablettes personnelles posées ici ou là, comme autrefois autant delivres en instance de lecture. Jusqu’aux miroirs des salles de bain qui affi-chent l’heure, la météo, une vidéo ou la retransmission d’un programmeradio. Je ne parle même pas des systèmes de sécurité et de gestiondomestique qui se sont fait oublier en œuvrant en silence, tandis quequelques robots spécialisés prennent en charge des tâches domestiquesrépétitives. Mes hôtes, qui ne me font grâce d’aucun détail, tiennent à me

présenter à ces personnages d’impor-tance que sont l’aspirateur et la repas-seuse.

Question existentielleCe rêve technologique, devenu bien réel même s’il ne reste accessible qu’à

quelques privilégiés tendance « bobo geek », a pris corps au tournant desannées 2000 avec le développement des premiers réseaux domestiques si

souvent annoncés et tant attendus car, sans eux, rienn’est possible (1). Avec l’aide d’une box, de Wi-Fi et d’unpeu de courant porteur, des millions de ménages ontpu faire l’expérience concrète de la mise en réseau d’or-dinateurs, de téléphones et de téléviseurs. Maintenantque les TIC ont envahi nos foyers, mon oncle, commecelui de Jacques Tati en son temps, trône au milieu d’un

palais des Mille et une nuits de banlieue. Et je me pose avec lui cette questionexistentielle, presque vitale : ma maison tournera-t-elle bientôt sous Windows,sous Androïd, sous Linux ou sous le dernier OS d’Apple ?

www.idate.org(1) Lire le rapport de Laurent Michaud sur le sujet : « Digital Home : le marché mon-

dial des équipements du foyer numérique ».

Par Jean-Dominique Séval, directeur général adjoint de l'IDATE

Home, sweet digital home…

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TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

issent la maison

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Dossier

42x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

z Quel est le rôle d’undirecteur du développementdurable dans un grandgroupe industriel ?Veolia est une entreprise de servicesà l’environnement qui exerce quatremétiers : la gestion du cycle de l’eau,celle des déchets, l’efficacitéénergétique et la mobilité - toutesles formes de mobilité, sauf l’avion !Mon job a trois facettes. Jem’occupe tout d’abord de laconformité, c'est-à-dire du reportingenvironnemental – et de lagouvernance – c'est-à-dire de larelation avec les investisseurssocialement responsables et avectoutes les parties prenantesinstitutionnelles – dans les pays où laloi nous l’impose. Il s’agit, parexemple, du reporting carbone,pour lequel existent des indicateursbien précis. Dans d’autres domaines,il peut y avoir une marged’interprétation ; on parle alors de« soft compliance », ce qui signifiequ’il est possible d’élaborer sespropres standards, comme pour labiodiversité, par exemple. Nous noussommes engagés sur un certainniveau de transparence. Laconformité prend de plus en plus detemps parce que le niveaud’exigence augmente. Il y a ensuite l’enjeu opérationnel :comment intégrer dudéveloppement durable dans nosoffres pour en faire une force dedifférenciation par rapport à cellesde la concurrence ? Il s’agit demodèles très intégrés d’économiecirculaire : par exemple, commentfaire pour alléger l’empreinteenvironnementale d’un service demobilité ? Autre exemple :comment, sur tous les paramètres

physiques du cycle d’uncontrat de service d’assainissementou de recyclage de déchets, intégrerdes éléments visant à améliorer lagestion des flux et des fluides pouréconomiser la ressource ?

z Vos clients vous ledemandent ?Le client ne sait pas forcément bienle formuler, ou n’y a jamais pensé,mais nous le lui proposons toujours.Pour nos clients industriels,l'allégement de l’empreinteenvironnementale doit entrainerdes économies d’eau, d’énergie,ou rationnaliser les process.Nous nous engageons, bienentendu, sur des résultats en cedomaine, mais aussi sur le voletsocial, qui est loin d’êtrenégligeable, notamment pournos clients collectivités locales,car nous sommes sur desmétiers qui ne se délocalisent pas.En effet, quand on gère un contratde collecte de déchets, ou dedistribution d’eau potable ou demobilité, on est au service d’unecollectivité et confronté à toutes lesforces qui traversent la société.L’acceptabilité d’un modèleéconomique - même s’il est dit « dedéveloppement durable » - n’est pasforcément acquise. Par exemple, desdéfenseurs de la biodiversitépeuvent nous prescrire desméthodes ; on peut aussi nousimposer un volet d’insertion socialetrès fort.

z L’insertion sociale fait doncpartie du développementdurable ?Oui, complètement, et de plus enplus... Aujourd’hui, développement

durable égale souvent carbone. Maisen réalité, le développementdurable, c’est aussi le partage desressources et l’équilibre social. C’estd’autant plus important en cestemps de peur du chômage et de ladésocialisation, perçus beaucoupfortement que le changementclimatique ou la perte enbiodiversité, qui restent des sujetsextrêmement lointains et théoriques.Par contre, il est important de savoir

si un territoire peut être performantéconomiquement, tout enconservant des chaînes de solidaritésociales effectives. Nous sommesdonc très sollicités sur le versantsocial du développement durable,en matière de formation, dedispositif d’insertion, de solidarité,de partage des ressources,d’information aux ONG ou auxassociations locales...

z Ce volet social peut-ils’opposer au voletenvironnemental pour lesservices aux collectivités ?Non, parce que nous sommes dansla prestation de services. Notremétier, ce n’est pas de construire deséoliennes ou des centralesnucléaires. Nous gérons des servicesindispensables comme la distributionou l’assainissement de l’eau ou

encore des réseaux de tramway.L’excellence environnementale doittoujours s’accompagner d’uneredistribution sociale. Elle ne doit passe faire sur le dos des usagers, parexemple en leur imposant desniveaux de prix insupportables...Quand on installe un réseau d’eaudans un pays émergent, en Inde, auMaroc, ou à Guayaquil en Equateur,il faut prendre en compte despopulations fragiles qui ne peuvent

pas payer leur eau. Elles doiventquand même être raccordées, avecdes conditions sociales et tarifairesspécifiques. C’est complètement dudéveloppement durable, car lesservices que nous gérons sontstructurants pour le métabolismedes territoires. L’acceptabilité dumodèle économique etl’acceptabilité sociale vont de pair.

z Dans vos relations avec lesindustriels, le développementdurable est-il un facteurdifférenciant ?C’est l’un des objectifs. Ladifférenciation peut se faire àplusieurs niveaux : dans l’offre elle-même, par exemple dans la mise enplace de process quand il s’agit dequestions liées à la technologie.Mais aussi dans la culture généralede l’entreprise, dans sa politique

«Le développement durable, c’est aussi le partage des ressourceset l’équilibre social »

Interview de Geneviève Férone,directrice du développement durable - Veolia Environnement

L’excellence environnementale ne doit pas se faire sur

le dos des usagers etdoit toujours

s’accompagner d’uneredistribution sociale.

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x43

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

d’achat ou de ressources humaines.Nos écoles de formation intégréesfont aussi partie de notre offre ! Celaveut dire que l’on prend des jeunesen apprentissage dans lesterritoires... C’est un ADN communque nous partageons tous à Véolia,que l’on soit en Inde, aux États-Unisou à Buenos Aires.

z Finalement, vous pratiquezune forme d’engagement...Bien sûr ! Notre engagement estsociétal avec un volet prospectif.Parce que nos métiers affleurentl’économie informelle dans les paysémergents, nous pratiquonsl’initiative sociale, le social business :nous nous demandons par exemplecomment, sur certains territoires,améliorer le service, l’accès essentielaux personnes vraiment trèsdéfavorisées ? Nous travaillons avecla Banque Mondiale, la Commissioneuropéenne, des ONG locales, desacteurs du micro-crédit, tous cesacteurs de l’économie sociale.

z Concrètement ?Le recyclage des déchets est l’unedes économies les plus anciennesdu monde. Quand nous arrivonsquelque part avec un contrat de cetype, nous risquons de mettre auchômage les personnes quipratiquaient jusqu’alors ce métier.Nous devons donc nous poser laquestion de leur devenir : faut-il lesintégrer dans nos effectifs ?Instaurer avec eux des modes decollaboration ? Quant au volet prospectif, ilconcerne les grands enjeux dudéveloppement durable. Il s’agit defaire de la veille, de suivre les débatset les travaux des grandesconventions internationales – parexemple au niveau des Nationsunies– sur le climat, la biodiversité, laproduction des déchets, l’eau.Débats où peuvent apparaître lescontraintes, mais aussi les sources definancement, voire les opportunitésde développement.

z Quel rôle jouent les TIC dansvotre métier ?Dans un groupe de 320.000personnes réparties sur 75 pays etautant, sinon davantage, denationalités, la question du partaged’informations est absolumentcruciale. Il est évident que les

technologie de l’information y jouentun rôle important. Elles permettenttout d’abord d’économiser desdéplacements et d’avoir desinformations plus « fraîches », danstous les sens du terme. Les TICaident par ailleurs énormément àalléger l’empreinteenvironnementale. Acondition de savoir ce quel’on veut économiser ! Parexemple, dans la gestiondes déchets, les TICrenseignent sur la traçabilitélorsque les industrielsmettent des puces RFIDdans les emballages. Celapermet d’améliorer le tri,d’organiser la filière entermes de gain de matières pourmettre en cohérence les politiquesde recyclageLa question de l’éco-conception estégalement cruciale. Nous essayons, àtitre de conseil, d’y entrer le plus enamont possible avec lesconstructeurs. Si on pense très enamont la filière de recyclage, commepar exemple dans le cas des dosettesde cafés jetables, on peut mettre enœuvre des boucles appelées craddleto craddle, c’est-à-dire littéralement« du berceau au berceau » : ledéchet, qui peut être recyclé jusqu’à95 %, devient une ressource.

z Et dans la gestion de l’eau ?Un des grands sujets, c'est la gestiondes fuites. Au-delà des métiers deVRD (« voirie-réseaux-divers ») quenous pratiquons parfois, nousentretenons surtout les réseauxexistants. Quand nous reprenonsdes réseaux d’eau potable dans desgrandes villes comme Prague ouErevan, il est important de savoir oùsont les fuites d’avant d’entamerdes travaux de consolidation. Dansce cas, les TIC sont extrêmementprécieuses : les nouveauxéquipements contiennent ainsi descapteurs capables de mesurer lesdifférentiels en termes de pression.Plutôt que d’ouvrir une tranchée auhasard, on peut ainsi cibler lesréparations à l’endroit précis duréseau. Les technologies de l’informationsont également présentes dansl’énergie avec les réseauxintelligents, les smart grids. Pourl’instant, les consommateurs ne sontpas encore équipés, mais ça va venir,

c’est dans le sens de l’histoire. Cestechnologies ont un avenirextraordinaire car elles vontpermettre des niveaux de décision àdes échelons très fins et permettreau consommateur de devenir co-acteur, co-gestionnaire de sonempreinte carbone.

z Il existe vraiment unedemande citoyenne de cetype ? Oui, et elle ne fait que commencer !Bien sûr, si l’on appréhende cettedemande comme une forme decontrainte, ou en termes deculpabilité, si la réponse sociétale estcoercitive, elle ne décollera pas. Maisje suis frappée de l’appétence dupublic pour le commerce et lesmatériaux équitables, tous ces sujetsde grande consommationimpliquant une empreinteenvironnementale maîtrisée, « laconsommation bio », etc. Dans la façon de consommeraujourd’hui, notamment en termesd’information, les consommateurssont beaucoup plus acteurs. Un jeunequi organise un voyage aujourd’hui nese rend plus dans une agence devoyage. Il s’informe sur internet, surles blogs, achète son billet en ligne et,éventuellement, est content dedisposer de quelques informationscitoyennes auprès d’une ONG quitravaille sur un sujet qui l’intéresse.Le développement durable passed’abord par une meilleureinformation : « si on me donne labonne information sur l’état desressources, la façon dont je lesconsomme, je peux éventuellementajuster ma consommation et arrêterde gaspiller ». Il existe un mantrabourré d’informations qui parle trèsbien de développement durable :c’est le fameux « réduire-recycler-réutiliser ». Plus on donnerad’informations, mieux on réduira,mieux on recyclera et mieux onréutilisera.

La mise en cohérence de toutes cesinformations doit normalementavoir un effet. A condition que celaprenne une forme qui permette àtout le monde de se sentir concernésans culpabilisation. Mais la feuillede route doit être donnée par lesagendas politiques qui sont pour

l’instant assez velléitaires parce quele prisme social est devenuprédominant, et le resteralongtemps. Comme la poule etl’oeuf, la tension sur les ressourcesva générer des crises, les crisesgénèrent de l’instabilité sociale,laquelle est beaucoup plusimportante pour les gouvernantsque les crises environnementalesqui se forment sur des cycles pluslongs. Mais ceux qui ne veulent pas seposer la question del’environnement et du partage desressources se sont trompés desiècle. Indépendamment duproblème climatique, qui est bienréel, n’oublions pas que nous allonségalement vivre, dans les 25prochaines années, la transitionentre une économie d’énergiefossile vers une énergie post fossile,dans un contexte de tensioncroissante sur la ressourceprincipale, le pétrole.

z Existe-t-il une autre voieque le partage desressources ?Non, aucune. L’autre voie serait defaire durer l’économie fossile maiscela ne pourrait se faire qu’au prixd’instabilités économiques et socialestrès fortes. L’énergie va redevenir unsujet de souveraineté nationale.Certains pousseront le biocarburant,d’autres le nucléaire, le pétrole, lecharbon propre pour les énergiesrenouvelables, ... Mais, dans tous lescas, une société post carbone vanaître. La question n’est pas d’ycroire ou non, mais quand.

www.veolia.fr

Ceux qui ne veulent pas se poser la question del’environnement et du partage desressources se trompentde siècle.

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Une grande partie des télétravailleursexprime le souhait de travailler dans unespace professionnel : un télécentre. Ilpeut utilement servir de lieu de travailpermanent ou occasionnel pour destélétravailleurs habitant à proximité etdont l’entreprise est éloignée, debureaux de passage pour des télétra-vailleurs nomades, de lieux derencontre pour les télétravailleurs indé-pendants exerçant à domicile et dési-reux de rompre leur isolement. Répondant à l’appel à projets lancé parla DATAR en 2006, la proposition du

Conseil général du Cantal a étéretenue. L’originalité du projet dudépartement était de proposer un véri-table réseau de sept télécentres, avecchacun ses spécificités, dénomméCyberCantal Télécentres. Au niveaunational, une grande partie des télé-centres retenus sont Cantaliens. En2008, le département a entamé uneseconde phase : la mise en place d’unestratégie locale d’animation et dedéveloppement du réseau des télécen-tres Cantaliens s’articulant autour detrois axes: former, informer et faire

vivre le réseau départemental par lamise en place d’outils et de services.L’objectif est également depermettre l’installation, dansle Cantal, denouvel lespopulations endiminuant lacontrainte de l’en-clavement territorial etde la carence d’emploiet d’apporter uneréponse concrète auxp r o b l é m a t i q u e s

actuelles (transport urbain, environne-ment, immobilier…).

Désenclaver, rompre l’isolement, repeupler

z Où en sont le télétravail et,plus largement, les téléactivitésen France ?D’après nos informations, ledéveloppement du télétravail en Francecontinue de souffrir d’un retard certainpar rapport aux pays de même niveau(2 à 4 fois moins de salariés oud’agents publics en pourcentage).Pourtant, depuis un peu plus d’un an,un nombre significatif d’entreprisesparmi les plus importantes et quelquescollectivités territoriales le mettent enplace. A contrario, celui-ci rencontredes difficultés dans les PME et les pluspetites entreprises où il ne progressepas. Ainsi, un rapport remis au Premierministre fait par ailleurs état de 8,9%de télétravailleurs en France et 5,5%en Italie. La moyenne européenneserait de 18,3% quand les USAtotalisent 28%, le Japon 25,1% et laFinlande 32,9%. Mais si on confronteces pourcentages à la réalité, il y auraitseulement 1% de télétravailleurs parmiles non cadres dans l'entreprise, les 7%et plus restant seraient essentiellementdes cadres, des commerciaux, desingénieurs. Quant aux téléactivités, certaines sedéveloppent comme l’usage de latéléconférence, de la téléformation,alors que d’autres n’en sont encorequ’aux premières phasesexpérimentales comme la télémédecineou la téléassistance auprès des

personnes et des entreprises. Dans lesfaits, il semble que la France commenceà décoller mais on ne peut pas encoreparler de succès.

z Les téléactivités sont-ellesécologiques ?Si l’on prend l’acception écologique ausens large, c'est-à-dire celui desinteractions des individus avec le milieuvivant (biotique) et celui qui ne l’est pas(abiotique), on peut dire que letélétravail et les téléactivités sontévidemment écologiques dans lamesure où elles sont au cœur denouvelles interactions permettant dedépasser les contraintes de temps et delieux en offrant de nouvelles pratiqueséconomiques et professionnelles plusrespectueuses de l’homme au travail,de l’aménagement des territoires et dudéveloppement durable.

z Une étude de l'université de Newcastle tendrait àdémontrer le contraire ; qu'enpensez-vous ? Le mérite de l’université de Newcastleest au moins d’avoir posé le problèmeen étudiant les effets du télétravail dansun certain nombre d’états américains.Pour répondre à la question posée, ilfaudrait que l’impact du télétravail soitétudié suivant une modélisation dessystèmes complexes multi-agentsprenant en compte l’ensemble des

paramètres et agents liés au travail aussibien dans l’entreprise, que dans desespaces de co-working ou en télécentreou chez soi, en tenant compte descontraintes géographiques où cesagents se situent, du climat, desdistances domicile-travail, des difficultésde circulation, des types de transport,des types d’habitat, des types de vieprivée, des outils utilisés, mais aussi deséquipements des entreprises, mutualisésou non, des serveurs virtuels, du cloudcomputing, etc. Je souhaite qu’un jour,une modélisation mathématique nouspermette de donner des réponsescirconstanciées et étayées plutôt qu’uneconclusion parfois trop hâtive dans unsens ou dans un autre.

z L’Europe s’est engagée àréduire ses émissions de 20% àl’horizon 2020 : les téléactivitéssont-elles un levier efficace ?Qu’on le veuille ou non, le télétravail etles téléactivités n’ont pas pour premierobjectif de répondre aux engagementseuropéens concernant la réduction desémissions de gaz à effet de serre mêmes’ils peuvent y participer, car le télétra-vail est inéluctable, ainsi que le dévelop-pement des téléactivités. Que l’un et lesautres puissent améliorer le cadre de vieet celui du travail, un meilleur aména-gement du territoire, une meilleureproductivité, une diminution desfatigues et du stress, et qu’ils rentrent

dans des modifications comportemen-tales avec des améliorations technolo-giques, organisationnelles, logistiquespermettant de réduire les gaz à effet deserre apparaît comme un véritableprojet socio-économique pour des payscomme le notre, riche dans sa géo-diversité. Il existe une conjonction entreles nouvelles opportunités qu’offrent lesTIC, le télétravail, les téléactivités, ledéveloppement économique, la volontéde réduire les émissions de CO2 et lesgaz à effet de serre, l’arrivée denouveaux secteurs industriels, la créa-tion et la redistribution des emplois surle territoire pour notre pays face à lamondialisation. Se saisir des objectifseuropéens pour créer les changementscomportementaux au travail et sesmodes d’organisation permet aux déci-deurs de s’engager dans de nouvellesperspectives industrielles, technolo-giques, d’innovations et de compétiti-vité. Quand nous aurons compris quel’on peut vivre et travailler autrementgrâce au travail à distance, alors, nousaurons également franchi une étapepour atteindre une nouvelle économiedans laquelle les 20% de réduction desémissions seront également intégrés.L’un peut booster l’autre, et vice versa.

www.aftt.asso.fr* Estimations des personnes salariées en entreprise en situation de télétravail plus de 8 heures par mois établi en 2007 pour l'année2010 par le cabinet américain Gartner("Teleworking : the quiet revolution").

Penser, vivre et travailler autrement

Interview de Philippe Planteroseprésident de l’Association française du télétravail et des téléactivités (AFTT)

Télétravail et commerce en ligne :

44x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Dossier

Par Fabien Miedzianowski, directeur d’appui aux collectivités, de la prospective et des systèmes d’information, Conseil général du Cantal

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eader mondial du e-commerce, le site de vente enligne eBay s’implique pleinement dans le développe-ment durable. L’écologie, le recyclage et le commerce« vert » sont au cœur de notre stratégie d’entreprise. La prise de conscience écologique d’eBay à été

impulsée par la « Green Team », un groupe d’employés passionnés,décidés à faire de leur entreprise le lieu d’innovations éco-citoyennes. Ilsétaient une quarantaine en 2007 à réfléchir aux moyens de limiter l’im-pact environnemental d’eBay. Avec le soutien de leur hiérarchie, ils sontaujourd’hui 2400 salariés qui, additionnés aux utilisateurs du site,forment une communauté de 225 000 personnes aux quatre coins dela planète.

Acheter et vendre «responsable»L’important pour eBay est de réduire notre consommation d’énergie

et de ressources naturelles tout en rendant notre modèle économiqueencore plus efficace. La Green Team a encouragé le siège social de SanJosé à installer un important système d’énergie solaire. Aujourd’hui, cemodèle tend à se généraliser dans l’ensemble des antennes d’eBay, etnous investissons dans les toutes dernières solutions d’énergiespropres, comme les nouveaux générateurs « Bloom Energy ». De plus,si une majorité de produits neufs sont commercialisés sur eBayaujourd’hui, de nombreux objets d’occasion sont aussi vendus sur laplateforme. Au moins 100 milliards d’articles ont ainsi bénéficié d’unenouvelle vie grâce à eBay ces dix dernières années.

Une des missions de la Green Team est de mettre en relief et decommuniquer sur cette valeur qu’eBay tient pour essentielle. Pour cela,elle a créé un journal web, à la fois branché et informatif, www.ebay-greenteam.com. Chaque jour, les membres donnent des astuces pouracheter et vendre de manière responsable, en élaborant par exempledes dossiers sur les tendances du vintage. Des produits et des créa-teurs « verts » du site sont également mis en avant, ainsi que des utili-sateurs engagés pour la cause. Aux Etats-Unis, le site est soutenu pardes personnalités significatives, comme la blogueuse SheenaMatheiken, très médiatisée l’an dernier. Durant 365 jours, dans le cadrede son « Uniform project », elle s’était lancée le défi de composer destenues originales avec la même petite robe noire, pour démontrer l’in-térêt de recycler ses vêtements.

Economies d’emballageMais le projet le plus significatif de ces dernières années est la Green

Box, un paquet postal recyclable et durable. L’idée est née d’un constattrès simple : les utilisateurs du site, qui sont en général à la foisvendeurs et acheteurs, sont régulièrement amenés à envoyer et rece-voir des objets. La Green Box, réutilisable en moyenne 5 fois, permettrapar conséquent d’économiser un important volume d’emballages.

Lancée aux Etats Unis, cette opération a connu un grand succès auprèsdes utilisateurs, et a remporté le concours d’innovation interne eBay2010. Alors que 100 000 boîtes de différents formats ont déjà étémises en circulation, elle est en passe de s’implanter en France dans lesannées à venir.

Recyclage d’appareils électroniquesEnfin, « eBay Green », notre plateforme dédiée à la vente et à l’achat

d’articles « verts », a engendré un nouveau site, « eBay Instant Sale »,plateforme de recyclages d’appareils électroniques, mise en ligne le 21octobre dernier. La plus value d’ eBay Instant Sale est sans conteste sasimplicité d’exécution. En moins de cinq minutes, l’internaute peut sedébarrasser de son vieux portable, de son ordinateur ou appareil photo,en remplissant seulement quelques champs : marque, modèle et état duproduit. S’il accepte la proposition de rachat effectuée automatique-ment par eBay, il ne lui reste plus qu’à envoyer gratuitement l’articlepour recevoir, au bout d’une semaine, la somme due sur son comptePaypal. Il s’agit d’un moyen facile pour se faire de l’argent de poche, touten adoptant une démarche écologique, puisque l’appareil sera par lasuite réutilisé, au lieu de finir à la décharge. Ainsi, la priorité pour lesannées à venir est de donner toutes les cartes en main aux « eBayeurs»pour consommer de façon responsable !

http://green.ebay.com/instantsale/http://ebaygreenteam.com

vraiment écologiques ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x45

TIC et développement durableLe numérique, levier de l'économie verte

Par Yohan Ruso, directeur général d’eBay en France

L

eBay : « une nouvelle vie pour des millions d’articles »

Selon une récente étude de l'Universitéde Newcastle, télé-travailler ou achetersur le web ne serait pas « écolo » etporterait même atteinte à notreenvironnement. Un contre-pied auxidées reçues sur le sujet jusqu’àmaintenant. S’il reste clair que ne plusutiliser son véhicule pour se rendre autravail réduit la consommation decarburant et donc les émissions de gaz àeffet de serre, cette économie seraitdonc plus que compensée par ailleurs.En effet, le télétravailleur, équipé de sonpropre matériel bureautique(imprimantes, ordinateurs) et nebénéficiant pas de locaux de bureauxcollectifs (qui mutualisent chauffage etclimatisation), consommerait in fine plusd'électricité qu’un autre salarié. Privé decontacts relationnels dans la journée, il

sortirait également plus souvent. C’estce que les chercheurs appellent les«effets rebond». Même enseignement pour les achats surinternet. Les gains de transport permisgrâce à l’optimisation logistique du e-commerce dépendent grandement du nombre d’articles achetés et de ladistance que le produit aura à parcourirpour arriver jusqu’au consommateur.Selon les experts anglais, pourqu’acheter sur internet soit un acte vert,il faudrait commander en une seule foisautant que si vous étiez allé 3,5 fois ausupermarché, ou, dans le cas où vousn’achèteriez qu’un seul produit, que ladistance de livraison à parcourir soitinférieure à 50 kilomètres.

Des e-activités vraiment "green" ?

www.theiet.org/factfiles/transport/unintended-page.cfm

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’il est un thème qui fait consensus entre les opérateurs postaux,c’est bien celui du développement responsable. Ils ont prisconscience que le développement responsable devait être un axestructurant de leur stratégie. Sous l’égide d’IPC, ils se sont dotés

d’un dispositif partagé de mesures - Environmental Measurement and MonitoringSystem (EMMS) - qui est un des rares exemples de démarche opérationnelle auniveau international permettant une mesure fiable des impacts environnementauxd’un secteur d’activité dans son entier.

Les premiers résultats sont visibles. Entre 2008 et 2009, le secteur postal aréduit ses émissions de plus d’un demi-million de tonnes de CO2. Il faut dire quel’enjeu est considérable pour toutes les postes, au risque d’être réduites, malgréelles, à une image caricaturale : celle d’une industrie qui transporte du papier enémettant des gaz à effet de serre, et donc qui contribuerait à la fois à la défo-restation et au réchauffement climatique.

Papier recyclé, transport écologique, accessibilité et dématérialisation

Image caricaturale à un double titre, notamment en France. Tout d’abord, loind’être une cause de déforestation, le papier est un support qui gagne ses lettresde noblesse écologiques. Il est essentiellement issu de forêts gérées durablementdont la surface n’a cessé d’augmenter. Il est, avec les cartons, la matière la plusrecyclée et peut l’être jusqu’à cinq fois. Enfin, à l’instar des emballages, des piles,des déchets d’équipements électriques et électroniques, il existe une responsabi-lité élargie du producteur (REP) et EcoFolio, l’éco-organisme agréé par l’Etat,reverse aux collectivités locales chargées du recyclage les contributions payéespar les émetteurs de papier.

D’autre part, La Poste française est en pointe dans le développement de solu-tions douces de transport du courrier. Après une phase de test, nous sommes entrésdans une phase d’acquisition à grande échelle de véhicules électriques selon uneméthode originale et innovante. En constituant un groupement d’achat réunissant degrands utilisateurs – entreprises publiques et privées, collectivités locales et servicesde l’État – nous permettons aux constructeurs automobiles de faire des offrescompétitives, tant d’un point de vue économique que technique. La demande initialeest estimée à 50 000 véhicules électriques à partir de 2011, dont 10 000 pour legroupe La Poste. Le marché potentiel tous secteurs confondus atteint plus de100000 véhicules. Cette initiative promet de faire naître une offre de véhicules élec-triques, compétitive sur le plan technique et économiquement viable.

Au-delà, comme toutes les postes, nous avons un défi majeur à relever :améliorer la performance environnementale et l’accessibilité de nos bâtiments. Leparc de La Poste est gigantesque, plus de 14 000 sites, vieillissant et fortementémetteur de CO2. Sa rénovation est nécessaire, mais nécessite des investissementsconsidérables. Illustration parfaite de la relation qui existe entre la nécessaire perfor-mance économique de l’opérateur et sa capacité à relever les défis du 21e siècle !

La même attention doit être apportée aux impacts environnementaux des solu-tions dématérialisées du courrier. L’erreur commune est de considérer que ces solu-tions sont neutres d’un point de vue écologique, au motif que la numérisation etl’échange informatique des messages et documents feraient disparaître toute

empreinte environnementale. Il y a quelque chose de l’ordre de la «pensée magique»dans l’idée que ce qui ne se touche pas n’a pas d’effet sur l’environnement. Même sil’équation écologique du domaine est sensiblement moins connue que celle du trans-port routier ou de la consommation de papier, force est de constater que l’augmen-tation des puissances installées, la généralisation du haut débit et donc des volumeséchangées, la structuration des serveurs, des réseaux et des baies de stockage surla pointe d’un trafic qui explose sont autant de facteurs qui aggravent l’impact envi-ronnemental des technologies de l’information et de la communication.

Ainsi, en 2020, les data centers pourraient émettre autant de CO2 que le trans-port aérien et, d’ores et déjà, pour un kilowatt dépensé pour un serveur, un autrekilowatt serait nécessaire pour en dissiper la chaleur. En France, selon le rapportsur les TIC et le développement durable remis au ministre de l'écologie, la consom-mation électrique des TIC représente déjà 13 % de la consommation totale dupays, aux alentours de 420 térawattheures (TWh) par an. Au-delà de leur seuleconsommation énergétique, les TIC ont une empreinte carbone. En France, cetteempreinte globale s'élèverait à 30 millions de tonnes (Mt) de CO2 par an (5% de laproduction de CO2 en France estimée à 554 Mt), à comparer au million de tonnesémis annuellement par le transport postal, sous-traitance comprise.

Un axe stratégique pour La PosteD’où l’importance accordée aux démarches de green IT par La Poste, récem-

ment couronnées par la revue 01 Informatique, notamment à travers une véritableresponsabilisation des fournisseurs conformément au Code of Conduct forDatacenter de la Commission européenne, qui ambitionne de réduire de 20% lesémissions de gaz à effet de serre des centres de données d’ici 2020.

Il ne saurait donc y avoir d’opposition artificielle entre des moyens stigmatiséspour leur pollution et d’autres supposés propres. Ce serait méconnaitre la réalitéscientifique et se priver d’apporter aux clients, particuliers, administrations et entre-prises, le mixte de solutions, papier et numériques, adaptées à leurs besoins.

C’est bien l’enjeu majeur des postes pour les années à venir de maîtriser l’im-pact environnemental de toutes leurs offres et, parce que cette exigence est priseà bras le corps, d’être totalement légitimes pour offrir à leurs clients le meilleurde deux mondes. C’est pourquoi La Poste a fait du développement responsable,entendu aux sens environnemental, social et sociétal, l’axe structurant de sastratégie 2008-2012. C’est pourquoi elle met en place un projet deprofond renouvellement de ses offres de courrier. En menant de frontla réduction de l’impact de ses activités sur l’environnement etl’adaptation de son activité historique à la nouvelle donnecommerciale issue de l’explosion de l’internet et des servicesmobiles, elle entre de plain pied dans le nouveau siècle.

www.laposte.fr/

46x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Développement durable : les

Le meilleur du papier et du numérique : une chance pour le développement durable

S

Dossier

Par Jean-Paul Bailly, président directeur général du groupe La Poste

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uverture des marchés et des frontières, libéralisation, privati-sation, changements dans les habitudes de communication,diversification, dématérialisation du courrier physique, subs-titution électronique, le secteur postal connait aujourd’hui une

période de mutation sans précédent dans son histoire. A ces phénomèness’ajoute la prise de conscience des enjeux du développement durable et, enparticulier, ceux liés à la protection de l’environnement. Il est effectivementinévitable que la collecte, le tri et la distribution de 438 milliards de lettreset de 6 milliards de colis par 5,5 millions d’employés au sein de 600 000bureaux de postes à travers le monde aient un impact sur l’environnement.

Attention aux idées reçuesLes nouvelles technologies de l’information et de la communication

(NTIC), qui sont désormais intégrées aux produits et processus postaux,sont-elles la solution pour alléger l’impact sur l’environnement d’unsecteur postal qui demeure le plus grand réseau de distribution physiqueau monde ?

Si une lettre classique génère entre 20 et 25 grammes de CO2, étantainsi responsable de 2 à 6 fois plus d’émissions que le courrier électroniqueestimé de 4 à 9 grammes, le nombre de ces derniers, ainsi que la crois-sance exponentielle de courriers électroniques illégitimes (spam), corrigentcette première impression. En effet, tout cela additionné, les émissionstotales de CO2 produites par ces nouvelles technologies de la communica-tion sont 7 à 20 fois supérieures à celles du courrier traditionnel (1) .

Ainsi, le lien entre « NTIC » et services postaux doit-il être nuancé d’unpoint de vue environnemental. La substitution électronique et l’intégrationdes nouvelles technologies de la communication dans les processuspostaux ne garantissent pas une activité moins polluante. Et que dire del’impact du boom du commerce électronique, qui implique toujours plus demoyens de transport et de distribution ?

Pourtant, les opérateurs postaux sont plus écologiques qu’on ne l’ima-gine : ils possèdent la flotte de véhicules électriques, hybrides ou biodiesel

la plus importante du monde, recyclent des milliers detonnes de papier, de déchets et de plastique par an et

proposent des colis et lettres composésde matériaux respectueux de l'environ-nement. Ils encouragent égalementleurs clients à compenser les émis-

sions de leurs envois et font partie des entreprises ayant reçu les meil-leures certifications environnementales pour leurs bâtiments (ISO et LEED).

L’agenda de l’UPULes services postaux, qui intègrent trois dimensions – électronique,

physique et financière – devront continuer à se pencher sur cette question etnotamment au niveau international.

Institution spécialisée des Nations Unies pour le secteur postal, l’Unionpostale universelle (UPU) a intégré dans son agenda la protection de l’envi-ronnement et la lutte contre les changements climatiques. L’UPU agit autourde trois piliers : sensibiliser ses pays membres à l’impact des activitéspostales sur l’environnement, mesurer cet impact et proposer des actions etdes outils pour réduire ou compenser les effets du secteur postal sur l’envi-ronnement

Alors que la mobilisation internationale sur le dérèglement du climat ne faitque croître, et à une période où les yeux se tournent vers l’un des principauxresponsables de ce dérèglement – les entreprises – chaque secteur d’activité,tour à tour, s’engage. Et le secteur postal ne fait pas exception : les opéra-teurs postaux des 191 pays membres de l’UPU, s’ils sont partiellementresponsables du problème, sont déjà partie intégrante de sa solution.

Projet de compensation carboneEn collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’environne-

ment (PNUE), un inventaire global des émissions de gaz à effet de serre reje-tées par les opérateurs postaux a été réalisé et a montré qu’ils génèrent aumoins 26 millions de tonnes d'émissions de CO2 pour la seule utilisation desvéhicules et des bâtiments postaux. Cela représente 0,07% des émissionsestimées à travers le monde.

Enfin, l'UPU étudie actuellement la faisabilité de la mise en place d’un projetde compensation carbone pour le secteur postal. Cet outil pourrait permettreaux pays en développement de faire partie d’un projet de « solidarité clima-tique» en bénéficiant de transferts de technologies et aux pays industrialisésd'atteindre leurs objectifs stratégiques de réduction de leurs émissions. Endéfinitive, il permettrait de positionner le secteur postal comme un acteurproactif dans la lutte contre les changements climatiques, et de montrer qu’en-gagements internationaux, entreprenariat, développement des activités etrespect de l’environnement peuvent aller de pair.

Reconnaître l’impact du secteur sur l’environnement, et en particulier dansles changements climatiques, est aujourd’hui devenu une évidence. C’estsurtout un moyen de pérenniser les activités postales, voire de créer denouveaux leviers de croissance en répondant aux attentes toujours plusnombreuses de leurs clients qui exigent un secteur plus vert. C’est égalementune occasion de découvrir des outils de gestion plus efficaces et plus intelli-gents pour les organisations postales.

www.upu.int(1) Lire les deux études récentes menées par la Confédération de l'industrie européenne

du papier (CEPI) et la Plate-forme de l'industrie postale européenne (EMIP).

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x47

Services postaux, TIC et protectionde l’environnement : une synergie nécessaire

opérateurs postaux s'engagent

O

TIC et développement durableLes postes à l'heure du Green it

Par Edouard Dayan, directeur général de l’Union postale universelle (UPU)

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Le marché français est lepremier en Europe à disposer

d’un cadre complet pour

le déploiement des réseaux en fibre optique

L’Autorité a adopté le 15 décembre une décision fixant lecadre réglementaire de déploiement de la fibre optiquejusqu’à l’abonné sur l’ensemble du territoire en dehors des

zones très denses. Cette décision - fruit d’un long processus deconsultation, permettra aux acteurs publics et privés d’étendre defaçon sécurisée leurs investissements à l’ensemble du territoirenational. Les travaux portant sur les modalités détaillées de miseen œuvre se poursuivent activement. Elle complète la décision du22 décembre 2009 qui portait sur les zones très denses.

L’ARCEP a par ailleurs défini, en application de la loi de 2009 surla lutte contre la fracture numérique, les conditions d’accessibilitéet d’ouverture que les infrastructures et les réseaux doiventrespecter pour être éligibles à une aide du fonds d’aménagementnumérique du territoire. w

Encourager la formation aux métiers de la fibre

F ormer aux nouveaux métiers de la fibre est l’un des grandsdéfis du secteur des télécoms dans les prochaines années.C’est pourquoi, Philippe Distler, le directeur général de

l’Autorité, a accepté de parrainer la première promotion de laformation « technicien(ne)s réseaux et services très haut débit »de Novea, le premier centre de compétences et de formationréférent sur les réseaux et services très haut débit, basé àMortain, dans la Manche. « Pour déployer la fibre, il faut investir– et c’est le rôle des opérateurs – mais il faut aussi des hommeset des femmes sur le terrain », a-t-il souligné. Pour l’année 2011,ce sont une soixantaine de technicien(ne)s qui seront forméspour une vingtaine d’entreprises réparties sur toute la France. Denouveaux métiers qui devraient rester, pour longtemps, loin dela crise et du chômage. w

La 4G-LTE au banc d’essai

Afin de préparer le déploiement des réseaux 4G, l’ARCEPa délivré des autorisations pour des utilisations tempo-raires et localisées, permettant aux acteurs qui le souhai-

tent de réaliser des expérimentations techniques. Plusieursdizaines d’expérimentations ont ainsi été autorisées dans labande 2,6 GHz. Dans la bande 800 MHz, une première autori-sation temporaire d’utilisation de fréquences pour une expéri-mentation a été délivrée à Alcatel-Lucent. D’autres demandesdans cette bande sont en cours de traitement. w

Le colloque mondial des régulateurs à Dakar

Le colloque mondial des régulateurs de l’Unioninternationale des télécommunications a réuniplus de 400 participants de 81 pays à Dakar en

novembre dernier, sur le thème : «Favoriser le mondenumérique de demain ». Comme à chaque édition,l’Autorité a participé aux échanges, au travers d’uneintervention de Nicolas Curien à la session « la régula-tion du XXIème siècle » et en répondant à la consulta-tion qui a précédé cette rencontre sur «une nouvelleéchelle de régulation : les meilleures pratiques pourfavoriser des réseaux ouverts ». w

Actualités

48x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Au sommetde la tour Eiffel avec TDF

INTERNATIONAL

L’ARCEP sur le terrain

L e 10 décembre dernier, Jean-Ludovic Silicani,accompagné de collaborateurs, a visité, en compa-gnie du directeur général de TDF Olivier Huart, les

1700 m² d'installations de diffusion audiovisuelle hert-zienne terrestre de la tour Eiffel. Prévu le 8 mars prochain,le passage de l'Ile-de-France à la télévision tout numé-rique a en effet rendu nécessaire un certain nombre detravaux qui ont été réalisés ou sont en cours de réalisa-tion. Il a notamment fallu adapter les infrastructures auxnouvelles conditions de diffusion (nouvelles fréquences,puissances augmentées). Le guide d’ondes a par exempledû être démonté, par tronçon de 5 mètres, et remplacépar deux câbles coaxiaux de plus de 15 centimètres dediamètre entre le premier étage et le sommet de la tour. Le passage à la télévision tout numérique permettra delibérer les fréquences dites du "dividende numérique" dela bande 790-862 MHz, en vue de leur réutilisation pour

le très haut débit mobile 4G.L'ARCEP prépare actuellement leprochain appel à candidatures pourattribuer ces fréquences. Il sera

lancé au débutde l'année

2011.w

Jean-LudovicSilicani

BR

ÈV

ES

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w L’étude confirme à nouveaule niveau élevé de l’équipe-ment des Français en télé-phonie fixe et mobile(respectivement 87% et 83%).Le multi-équipement fixe-mobileest largement diffusé dans la po-pulation : ainsi 70% des per-sonnes disposent à la fois d'untéléphone fixe à leur domicile etd'un téléphone mobile person-nel.

w Sept Français sur dix ont accèsà internet à leur domicile,et plus d’un sur deux (54%) uti-lise désormais sa box pour télé-phoner. L’accès par l’ADSLdemeure largement majoritaireavec 92% des accès.

w Les débits sont jugés insuffi-sants par les utilisateurs. Ils

sont 44% à déclarer que leurconnexion à l’inter-net fixe n’est pas assez ra-pide, et plus d’un sur deux jugele débit de la connexion par lemobile insuffisant. Le méconten-tement est plus net dans leszones rurales.

w La consommation de SMSexplose avec un doublementde la consommationmoyenne, en particulier chez lesjeunes (182 SMS envoyés par se-maine chez les adolescentscontre 57 pour l’ensemble de lapopulation). Les jeunes sont éga-lement précurseurs de l’adoptionde l’internet mobile, utilisé cetteannée, tous âges confondus, par15% des personnes disposantd’un mobile (11% d’entre ellesutilisent le mail). Avec la diffu-

sion massive des smartphones, letéléchargement d’applicationsmobiles compte 4 millionsd’adeptes (soit 9% des per-sonnes équipées). En revanche,la télévision sur le mobile netrouve toujours pas son public.

w Le succès de la téléphoniemobile s’accompagne mal-heureusement d’un dévelop-pement important depratiques malhon-nêtes. Parmi ces pratiques,celles qui consistent à inciter àrappeler un numéro surtaxécommençant par 0899 se sontfortement développées. Prèsd’une personne sur deuxéquipée d’un mobile(46%) déclare avoir étévictime de l’une de cespratiques.

w Le téléchargement dépassépar le « streaming ».30% des personnes interrogéesdéclarent écouter de la musique(et 20% regarder des films) en «streaming », c'est-à-dire en fluxcontinu et sans stocker les don-nées sur le disque dur. Le télé-chargement de musique attire20% des utilisateurs, en légerrepli pour la deuxième annéeconsécutive, tandis que le télé-chargement de films n’évolueplus depuis 2007 (14%). w

Pour plus de détails : retrouvercette étude sur notre site internetwww.arcep.fr

Actualités

Pour la huitième année consécutive, l'ARCEP et le CGIET (Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies) ont faitréaliser (par le CREDOC) une étude sur la diffusion des technologies de l'information en France. Cette enquête décrit les équi-pements et les usages de nos concitoyens.

54% : plus d’un Françaissur deux utilise désormais sa«box» pour téléphoner. Cetteproportion atteint 72% chez lesplus jeunes. 36% des habitants en France ont participé à

un réseau social au cours des douze derniersmois.

Les Français toqués des « TIC » ?

Kaléidoscope du monde télécom en quelques chiffres

BR

ÈV

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65% des foyers français sont connectés àinternet, selon l'Eurobaromètre 2010 de la Commission euro-péenne. Un résultat sensiblement au-dessus de la moyenne euro-péenne (57%) : la France figure ainsi en tête des « grands pays »de l’Union : l’Allemagne, le Royaume Uni, l’Italie et l’Espagne.

6,7 TWh : c'est la consommationélectrique, en 2008, en France, du secteur destélécoms.Hors augmentation des usages, cette consommationaurait diminué sur les trois ans précédents de 30%.

2,4%, telle est la baisse moyenne annuelledes prix des services de télécommunications entre 2004 et 2009 entermes réels (hors inflation).

L'ARCEP réédite le guide pratique destiné àl'information des copropriétaires et des syndicsCe document peut être téléchargé surwww.arcep.fr

la

24% des français vivent en "zonerurale" (telle que définie par l'INSEE). Cela corres-pond à 30.646 communes, soit 84% des communesmétropolitaines et représente 8 millions de prises defibre optique (FTTH) potentielles (sur les 32 millions quepourrait compter la France) pour 5,5 millions deménages (au sens de résidence fiscale). La densitémoyenne y est de 32 habitants ou 12 ménages au km2.

fibreoptique

dans les immeubles

DÉPLOYER

25,6 millions clientsmobiles français ont utilisé au moinsune fois au cours des trois derniersmois, en émission ou en réception,un service multimédia(e-mail, MMS, Wap, i-Mode, etc.) sur leur téléphone mobile. Cenombre est en constante augmenta-tion (4,7 millions de personnessupplémentaires en un an) et repré-sente 43,6% du parc actif total.

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x49

103 000 abonne-ments FTTH à la fin dutroisième trimestre 2010. Lenombre d’abonnés a augmentéde 73 % en un an.

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naugurant la 8e réunion plénière du FRATEL,Hamadoun Touré, le secrétaire général del’Union internationale des télécommunications(UIT) nouvellement réélu à la tête de l’organisa-tion internationale lors de la conférence des

plénipotentiaires de Guadalajara du mois de novembre, s’estfélicité que, sur cinq élus, trois d’entre eux (François Rancy,directeur du Bureau des radiocommunications, IbrahimaSanou – lui-même burkinabé – directeur du Bureau du déve-loppement, et lui–même), soient des francophones, « ce quiest exceptionnel ». L’élection de cette « dream team» a étéactivement soutenue par le groupe francophone, et par legroupe des pays africains. La preuve que ce réseau FRATEL,à la création duquel Hamadoun Touré a participé en 2002, abrillamment contribué à renforcer le rôle des pays d’expres-sion francophone dans le monde des TIC.

Le haut débit pour tous les êtres humainsComme priorité de son deuxième mandat, le patron de l’UIT

a lancé le défi de favoriser l’accès à internet haut débit aux 5milliards d’êtres humains n’y sont pas encore connectés : « la

solution passe par le développement des infrastructures, desservices, mais aussi par la formation ». Il faut pour cela mettreen place un environnement réglementaire « adapté et effi-cace» en faveur du large bande. Rendez vous a été donnépour la fin 2011, pour un grand sommet mondial en faveur dudéveloppement du large bande, qui se tiendra à Genève aumoment du cinquantenaire de ITU-Telecom.

Garantir la transparence aux consommateursLes pratiques de gestion du trafic internet, le moyen de

garantir transparence et non discrimination sur les réseauxsans fil, et l’accès de tous aux services d’informations ont étéau cœur des différentes tables rondes.

Pour Dié Roger Sanou, de l’Onatel du Burkina Faso, dansun contexte de multiplication des flux IP, la congestion entraînela détérioration des réseaux et de leur qualité. Il est doncnécessaire de définir des indicateurs qui permettent de mettreen place une régulation « équitable et efficace » pour le main-tien de la qualité de service. Ibrahima Abdoulaye Kone, duCRT du Mali, a témoigné de l’expérience malienne en expli-quant les difficultés à donner un accès à tous aux services

z Vous êtes le pays hôte du FRATEL : qu’est-ceque cette coopération entre Etats d’expressionfrancophone apporte à un pays comme levôtre ?Le Burkina n’est pas très avancé dans le domaine destélécommunications et nous bénéficions énormémentde la coopération, particulièrement du réseau FRATEL.C’est en effet l’un des réseaux qui fonctionne le mieuxdans le paysage de la régulation. Si ce réseau n’existaitpas, il aurait fallu l’inventer.

z Vous avez accueilli la formation « BADGE »pendant de nombreuses années, vousrecommencez cette année, vous êtes trèsvolontaire ! Quand on a démarré, nous avons pensé qu’il fallaitmettre un accent particulier sur la formation dupersonnel. A l’époque, nous venions de recruter unedizaine de personnes, venant de différentes écoles etfacultés, qui n’avaient jamais entendu parler derégulation. Il fallait absolument qu’on leur donne les

éléments pour mettre en place d’une manière vraimentefficace la régulation. C’est en échangeant avec un consultant, Laurent Gille,qu’est venue cette idée de créer une formationspécifique aux métiers de la régulation. Nous avonstout de suite proposé de l’accueillir. Les premièresannées du BADGE nous ont conforté dans notreconviction car nous nous sommes aperçus que lesautres régulateurs avaient les mêmes problèmes quenous, et que nous n’étions pas les seuls à avoir besoinde former du personnel. Je vais vous raconter une anecdote. Lors du premierséminaire que nous avons organisé sur l’interconnexionen 2002, je pensais que l’on aurait une trentaine depersonnes : on s’est retrouvé avec 82 participants ! Ducoup, on a dû refaire ce séminaire trois fois !

z Quels problèmes connaît le Burkina Faso dansles télécoms ?A l’heure actuelle, le réseau fixe ne se développe pas.Nous nous posons des questions à ce propos : est-ce

parce que l’opérateurn’investit pas ? Ouexiste-t-il d’autresquestions que nousn’arrivons pas àrésoudre ?Par contre, les réseauxmobiles se développent bien, et nous aimerions que lesopérateurs passent à la 3G parce que tout le mondeveut avoir accès à internet. En effet, le mobile estaujourd’hui l’un des meilleurs moyens pour accéder àl’internet, mais les débits ne sont pas très satisfaisants.

z Les projets de backbones en fibre qui sont entrain de se monter vont peut-être vous y aider ?Pour accroitre notre connectivité internationale, leministère est en train de travailler sur un backbonenational en fibre optique d’un montant de 150millions de $. Mais encore faut-il trouver les finance-ments. Pour notre part, nous avons préparé le cahierdes charges des opérateurs potentiels. w

FRATEL

La 8e réunion annuelle du FRATEL – le club des régulateurs des télécommunications liés par l’usage communintègres » - les 7 et 8 décembre. Gestion du trafic internet, transparence et non discrimination, accès à

Les régulateurs francophones sedans la capitale du « pays des

50x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

I

Si FRATEL n’existait pas, il aurait fallu l’inventer

Interview de Mathurin Bako, président de l’ARCE du Burkina FasoBurkina- Population : 15 730 000

Mali

Ghana

Côte d’Ivoire

Burkina Faso

Ouagadougou

Page 51: n°4 novembre – décembre 2010 Développer les usages ......commence à devenir un argu-ment commercial. Mais au-delà des terminaux fixes, qui ne représentent in fineque la partie

de télécommunications, qui subissent des actes de malveillance (vol decâbles de cuivre) allant jusqu’à la coupure du réseau.

Mohamed Abdoulaye Touré, de l’ARPT de Guinée, a quant à lui, soulignéle fort engouement que suscitent les réseaux sans fil dans son pays. Il aindiqué que le régulateur était en train de mettre en place des garantieslégales pour rendre transparentes les offres mobiles, pour assurer le suivides opérateurs, notamment pour ce qui concerne les questions de nondiscrimination. Ahmed Khaouja, de l’ANRT du Maroc, a souligné qu’enAfrique le développement des réseaux sans fil est crucial, la pénétration duhaut débit passant plutôt par le satellite, la 3G et le Wimax.

Pour Vyara Micheta, secrétaire générale de la CRC de Bulgarie, pays quiexercera la présidence du Fratel en 2011, la couverture numérique estessentielle au bon développement de l’activité économique. L’objectif durégulateur – et des pouvoirs publics – est de « réduire les fractures qui exis-

tent sur le territoire pour offrir à tous un accès à internet ». JosephPalanga, de l’ARPTC de la République centrafricaine, a présenté lescontraintes géographiques, énergétiques, mais aussi institutionnelles quirendent difficiles le bon déploiement des réseaux de télécommunications,avant de revenir sur la lourde fiscalité qui pèse sur les opérateurs, et quise répercutent sur les prix pour le consommateur.

Les rendez vous 2011Rendez vous a été pris pour le prochain séminaire de Fratel, qui se

tiendra en Bulgarie. Il sera consacré au « rôle central du consommateurdans la définition des actions du régulateur », et pour la réunion annuelle àConakry (Guinée) où il sera discuté de « la régulation à l’écoute des signauxdu marché». w

www.fratel.org

FRATEL

de la langue française – s’est tenue à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso – « le pays des hommestous aux services d’information y ont été discutés sous forme de partage d’expériences. Reportage.

retrouvent hommes intègres »

Utilisant une métaphore astrophy-sique, Nicolas Curien a expliqué dansson exposé introductif que la régula-tion devait passer « de Newton àEinstein ». Selon le représentant del’ARCEP, la régulation ne peut plus eneffet aujourd’hui être organisée selonun modèle newtonien, où lesplanètes, autrement dit les acteurs dumarché – opérateurs, FAI, PSI,consommateurs – tourneraientautour d’un régulateur-soleil. « Larégulation ne ressemble plus désor-mais à la force de gravitation de lamécanique classique : à la manière dela gravitation relativiste, elle résulted’une déformation géométrique del’espace des communications électro-

niques, déformation qu’engendrentpar leur mouvement les astres dumarché, avant d’être mus en retourpar le champ de forces qu’ils ont créé.Ainsi la régulation est-elle tout autanttransformée par le marché qu’elle nel’influence, les deux entretenant unerelation de dualité relativiste, dansune dynamique couplée quicontribue elle-même à forger lesmoteurs d’incitation qui l’animent.Dans ce modèle, le régulateur n’estplus le centre d’un système orbitalrégulation/marché, il devient plutôtun médiateur, un facilitateur, un cata-lyseur, un retransmetteur d’impulsiondans une chaîne bouclée d’action-réaction. » w

«Passer d’une régulation newtonienneà la régulation einsteinienne»

Faso Les chiffres clé des télécoms (au 30 septembre 2010)

Le Burkina ne coompm te qu’un sseuul opérateueur fixe autorrisi é, l’Onatel..

155 500 abonnés ((++ 1,95% en ccroisi sance annnuelle).

428 localités couvertrtes.

503 cabines publiquess.

14 400 télécentres privéés (télécentrees eet cabiness à pièces ou à cartes).

pTéllééppphhoonniiee fffixxee

habitants

Le Burkina comptp e trois opérrateeurs mobilles GSM : Tellmom b, Celtel eet Telecel. LLe marché est trrès dynamiqque,en croissance de pplus de 35%% paar an. Le ppays compte au total 5,2 mmillions d’’abba onnés, essenntit ellement eencartes prépayées (mmoins de 10.0000 0 forfaits auu total), et prèès de 10.000 ppubliphonees.s

Celtel Burkina Fasaso (la sociétéé a été rachetét par le grouupep Zain qui a,a, à son tour,r éété rachetée ppar legroupe de télécommmunications iinddn iei n Barti) ccompte 1.9500.000 abonnéss (croissancce annuelle + 266%), etcouvre 335 localités.

Telecel Faso (filiale du ggroupe Planoor AAfrique) compm te 1.140.0000 abonnés (++ 61%) et coouvvre 216 localitésé .

Telmob (filiale de l’opéraateur historiquque)e) compte 22.120.000 abononnés (croissaance annueellee + 35%) et couvre 465 localités.

Téléphonie mobile

.Niger

Togo

Bénin

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x51

••• Suite page 52

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52x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

Les réformes économiques engagées par le Burkina Faso depuis1990 ont conduit à une libéralisation de l’économie nationale,notamment par le biais de la privatisation, qu’il s’agisse de la priva-

tisation d’entreprises publiques ou de celle de domaines économiquesjusque-là fermés à l’initiative privée. Il s’en est suivi un développement dela concurrence pour le plus grand bonheur du consommateur. Ledomaine de la téléphonie mobile est sans conteste celui qui illustre lemieux cette situation. Les trois opérateurs qui y opèrent en ce momentdéveloppent des initiatives et des produits nouveaux pour la plus grandesatisfaction des usagers. Il suffit d’écouter ces derniers pour se

convaincre que leur choix en faveur de tel ou tel opérateur est fonctionde la qualité, réelle ou supposée, des services qu’il leur propose. Mieuxencore, les abonnements aux services de plusieurs opérateurs à la foisne s’expliquent pas autrement que par le désir de combiner et maxi-miser les avantages offerts par chacun d’eux. Mais les choses nepassent pas toujours sans anicroche. C’est ainsi que la politique desbonus, censée fidéliser le consommateur, crée parfois des frustrations,soit par l’encombrement, soit par l’interruption intempestive descommunications. Mais fondamentalement, cela ne remet pas en causeles bienfaits de la concurrence pour le consommateur. w

FRATEL

z Vous travaillez à un projet debackbone fibre à l’intérieur del’Afrique. Où en êtes-vous ?Le projet part du principe que l’Afriqueva croître très fortement dans les 20 à30 prochaines années. Ce sera la«Chine du 21e siècle», tout au moinsde la deuxième partie. La croissanceimportante des réseaux mobiles enAfrique - les taux de pénétration ontdéjà dépassé les 50% - va entrainerun besoin important de bandepassante. Le marché est là et nousestimons qu’il y a un sens à connecteren fibre optique les pays d’Afrique de

l’Ouest – beaucoup sont enclavés - oùil n’y a pour l’instant pas grand-choseen termes d’infrastructures : Maroc,Mauritanie, Sénégal, Mali, BurkinaFaso, Niger, Nigéria.Notre business plan s’appuie sur cettecroissance du marché, une équipe estconstituée et un tour de table est en-cours de montage. Il devrait êtrefinalisé à la fin du premier trimestre2011. Elément important de notremodèle : il faut savoir que la bandepassante satellite en Afrique coûte4.000 € le mégabit. Celle vendue parles opérateurs historiques à partir

d’une liaison terrestre entre 1.000 et2.000 €. A Paris, c’est 4€ le mégabit !

z Est-ce un projet sur fonds publics,type «Banque mondiale » ? Non, mais il a été présenté à uncertain nombre d’institutionspubliques pour qu’elles puissentintervenir sur des partiescomplémentaires du backbone. À cestade, elles se sont montréesintéressées.

z Il est intéressant de constaterque des capitaux privés sont prêtsà investir en Afrique sur un projet

d’infrastructures detélécommunicationsRegardez ce qui s’est passé en Europeil y a quinze ans : internet venait justede démarrer et l’on ne croyait pasvraiment à sa croissance. Pourtant uncertain nombre de personnes - enFrance ou dans d’autres payseuropéens - ont investi dans desbackbones optiques. Ce qui s’est passéhier en France va se passer demain àl’échelle du continent africain. C’est en Afrique qu’il faut maintenantcontinuer l’aventure. w

www.polyconseil.fr

L’Afrique sera la Chine de la deuxième partie du 21e siècle

A u Burkina-Faso, comme dans beaucoup d’autres pays africains,faute d’un système bancaire performant, les populations sontsous-bancarisées et n’ont pas la possibilité de réaliser des opéra-

tions financières. Fort de ce constat, Inova, une entreprise burkinabécréée en 2007, a mis au point une plate-forme offrant des servicesde monétique classique utilisant, de surcroit, le téléphone mobilecomme terminal sécurisé pour effectuer des opérations bancaires,y compris pour compte de tiers. L’idée est de permettre des trans-ferts directs, et de remplacer ainsi les distributeurs automatiqueset terminaux de paiement qui sont très peu nombreux dans le pays.Ainsi, l'utilisateur peut ouvrir un portefeuille à distance (avec unmaximum de 100.000 F CFA, soit 152€) pour effectuer en tempsréel des retraits de liquide ou payer ses factures (d’eau, d’électri-cité), mais aussi faire ses courses chez les 250 commerçants(pharmacies, restaurants…) qui acceptent déjà ce système.

Ce service permet ainsi, grâce à son téléphone mobile, deretirer de l’argent dans les villages éloignés où il n’y a même pas

d’électricité ! Le service démarre en flèche : 55.000 opérations ont été effectuées en 2010, et300.000 clients sont attendus pour la fin 2011. Le modèle économique est basé sur le partagede la commission entre le commerçant, les opérateurs téléphoniques et l’entreprise. w

Le paiement par mobile, un remède à la sous-bancarisation

Mahamoudou OuédraogoDirecteur général d'Inova, avecses proches collaborateurs

Pour effectuer un transfertd’argent de compte à cash auBurkina, le client doitcomposer sur le clavier de sonmobile le *329*3*2*226suivi du numéro téléphoniquede destination *montant*code pin#www.i-novagroup.com

Exemple

Des télécoms pour les entreprises

Start up lancée en 2003, depuis rachetée par MonacoTélécom (filiale de Cable & Wireless), Connecteo estimplantée dans six pays d’Afrique de l’Ouest.Elle exerce deux métiers en direction desentreprises : de la location d’interconnexiondata et voix via un réseau VSAT pour uneclientèle ayant besoin de sécurité et de confi-dentialité (le secteur bancaire notamment).Depuis 2009, la société a par ailleurs investitrois millions d’€ pourproposer aux PME l’in-ternet haut débit (avecun débit maximum de2 Mbit/s) sur la ville deOuagadougou en utili-sant la technologieWimax. Une réflexionest en-cours pour lacouverture de laseconde ville du pays, Bobo-Dioulasso. www.connecteo.com

« Les choses ne passent pas toujours sans anicroche, mais cela ne remet pasfondamentalement en cause les bienfaits de la concurrence pour le consommateur »

Consommateurs : le point de vuede Jean Yado Toé, ancien Président de la Commission nationale de la concurrence et de la consommation du Burkina Faso

Sylvain Géron, co-fondateur de Polyconseil

Les télécoms au Burkina

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z Qui sontles acteursde l’industriesatellitairedans lemonde ?L’industrie dusatellite, c’est

de l’artisanat, voire de la hautecouture ! Parce que les satellitessont construits sur mesure et queles volumes ne sont pas trèsimportants ; une bonne année, lesmaîtres d’oeuvre reçoivent del’ordre de 20 commandes mais,certaines années, c’est à peineune douzaine de satellites. Il n’y aque cinq fabricants de satellites detélécommunications dans lemonde, dont trois sontaméricains : Loral, Boeing etLockheed-Martin. Les deux autressont européens, EADS-Astrium etThales Alenia Space ; chacund’eux a environ 20% du marchémondial et une capacité deproduction d’environ quatre satel-lites par an.

z Eutelsat fait-il construire sessatellites chez des fournisseurseuropéens ?Nous sommes une entrepriseprivée, cotée en Bourse, et nouspensons qu’il est important debénéficier de la concurrence. Nosactionnaires ne comprendraientpas que, sous prétexte d'acheteren Europe, nous payions nossatellites 10% plus cher, ou quenous achetions une technologiequi ne soit pas au meilleur niveaumondial. Nous faisons donc desappels d’offres internationaux. Ilssont le plus souvent remportéspar des industriels européens,mais au prix du marché mondial !L’un des grands mérites d’Eutelsatest d’avoir, depuis une vingtained’années, réussi à entrainer dansson sillage l’industrie européenne

du satellite, en étant son plusimportant client commercial. Unclient très compétent mais aussitrès exigeant. Notre grande force,ce sont en effet nos équipes d’in-génierie. Cette compétencepermet de bien spécifier nosbesoins, de bien négocier lecontrat mais aussi de surveillerensuite toutes les phases de lafabrication du satellite.

z Comment cet écosystèmes’est-il créé ?Il est né de la création, il y a unequarantaine d'années, del'Agence Spatiale Européenne(ESA), à un moment où l'Europeavait l’ambition de se doter elle-aussi d'une industrie spatiale.C'est de l'ESA que sont nés troisgrands opérateurs satellitaireseuropéens : Inmarsat enAngleterre (services mobiles parsatellite), Eutelsat en France(services de télévision et de télé-communications par satellite) etEumetsat en Allemagne (servicesmétéo). C'est aussi en partie l'œuvre d'unhomme, Giuliano Berretta, l’actuelprésident d’Eutelsat, qui a connule cycle complet du développe-ment de cette industrie. Jeuneingénieur à l’ESA dans les années70, il a par la suite oeuvrépendant 20 ans pour mettre enplace les programmes de R&Dnécessaires pour faire émergernotre industrie et pour quel'Europe se dote d'une certaineautonomie par rapport aux Etats-Unis. Nous lui devons beaucoup.

z Par contre, les lanceursforment un goulotd’étranglement ?Trouver un créneau sur un lanceurfiable aujourd’hui, c’est un peucomme trouver une place dansune crèche à Paris : il faut presque

s’en occuper avant de concevoir lebébé ! Le marché est très tenduparce qu'il y a peu d'acteurs dansle monde qui savent faire cemétier, par ailleurs relativementrisqué : un lancement spatial surdix se solde par un échec. Or, dèsqu'un lanceur connait un acci-dent, une explosion, non seule-ment le satellite à bord est détruit,mais surtout, pendant un tempsindéterminé - qui va dépendrede la gravité de l’accident - celanceur sera inopérationnel. Leretour en vol peut prendrede 6 mois à deuxans, en cas deproblème de designsur les moteurs ou lastructure du lanceur lui-même. Le marché est donc fragile : ilsuffit d’un accident chez l'un desgrands mondiaux, qu’il soit russe,américain ou européen, et c'esttoute l'industrie des satellites quidevra faire la queue au sol pourfaire lancer ses satellites. Pourparer à ce genre d’échec, il fautpouvoir répartir ses risques sur aumoins trois lanceurs distincts. Or,aujourd’hui, les lanceurs améri-cains sont exclusivement dévolusaux missions gouvernementalesou militaires. Quant au lanceurchinois, par ailleurs de très bonnequalité, il est difficilement acces-sible à cause de règles très strictessur le contrôle des exportationstechnologiques.

z Quel fournisseur utilisez-vous ?Nous avons une politique dediversification des risques.Historiquement nous avons lancéles deux tiers de nos satellites avecArianespace. C'est un choix defidélité à l'Europe, mais à la condi-tion que les prix soient alignés surceux du marché international.Pour le dernier tiers, nous avons

utilisé des lanceurs américains,quand ils étaient disponibles, puisles lanceurs russes, de manièrerécurrente. L’un de nos satellitessera également mis en orbite en2011 par un lanceur chinois, cequi sera une première pour unopérateur occidental.

z Combien coûte un satellite ?Un programme de satellite, chezEutelsat, c'est de 250 à 300millions d'€. Nous utilisons eneffet de gros satellites, entre 4 et6 tonnes, ce qui constitue plutôtle haut de gamme - un kilo desatellite, cela vaut à peu près sonpoids en or ! Il faut compter danscette classe-là entre 130 et 150M€ pour le satellite lui-même, 80à100 M€ pour le lancement, sansoublier une prime d'assurance de25 à 30M€ (environ 10 % ducoût du programme) car il n’estpas question, pour nos clients oupour nos actionnaires, de fairepartir dans l'espace 250 millionsde matériel sans être assuré !Nous passons commande de deuxsatellites chaque année, parfoistrois. Notre flotte compteaujourd’hui 26 satellites, et il nousen reste encore quatre à lancerd’ici fin 2012. w

www.eutelsat.com

A l’occasion du lancement réussi, le 26 décembre, de Ka-Sat, le satellite d’Eutelsat dédié à l’internethaut débit, Yves Blanc nous embarque pour un tour « orbital » du marché des satellites de télécoms.

Le marché du satellite : un artisanat à hauts risquesInterview de Yves Blanc, directeur des affaires institutionnelles et internationales d’Eutelsat

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x53

L’industrie du satellite

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e premier janvier, la distribution des lettres de moins de 50grammes sera ouverte à la concurrence.

La concurrence existe de longuedate sur une partie du marchéLe consommateur reçoit déjà ses colis viades distributeurs concurrents de La Poste(Adrexo par exemple) ou des systèmes depoints relais comme Kiala. Il reçoit sonjournal soit par voie postale, soit par des

réseaux de portage matinal qui traitent aujourd’hui près d’un milliard d’en-vois par an (La Poste transporte quant à elle 1,6 milliard d’envois depresse). Il envoie des plis ou colis « express » par des entreprisescomme DHL, Fedex ou Chronopost, qui ont la capacité des les ache-miner dans des délais très brefs, surtout à l’international.

En revanche, les lettres relèvent dans leur immense majorité dumonopole postal qui vient à échéance aujourd’hui.

Depuis les premières directives postales, même lecourrier proprement dit, c'est-à-dire les lettres, acommencé de s’ouvrir

Pour leurs envois vers l’étranger, les entreprises procèdent déjà à desappels d’offre mettant La Poste en concurrence avec des filiales d’autrespostes implantées sur notre territoire; il y a également dans notre paysune entreprise indépendante, IMX, qui s’est créée sur ce segment parti-culier. La concurrence est réelle, mais le courrier international ne repré-sente qu’une petite partie des volumes postaux.

Pour les envois domestiques, depuis 2006, l’ARCEP autorise d’autresentreprises à se lancer sur le courrier de plus de 50 g puisque celui-ciéchappe au monopole. Mais ce courrier de plus de 50 g ne représentequ’une petite partie des volumes postaux (moins de 16%) et aucunconcurrent d’envergure n’a pu émerger à ce jour dans notre pays.

Dans les pays européens qui ont devancé leséchéances de la directive, des opérateurs alternatifsont investi le segment du courrier industriel

Ce sont des entreprises qui distribuent de très grandes campagnesde courrier publicitaire, ou des envois de factures ou relevés bancaires.Il est en effet possible de bâtir un modèle économique spécifique diffé-rent de celui du courrier des particuliers. Mais naturellement, les prix ensont sensiblement plus bas.

En Allemagne et en Espagne, ces concurrents n’offrent qu’un servicelent – trois à quatre jours au mieux – et ne couvrent pas la totalité du terri-toire ; ils ne distribuent que dans les zones densément peuplées ; c’estle cas par contre aux Pays-Bas.

D’une manière générale, ce sont les posteshistoriques qui continuent de traiter le courrierdes particuliers

Le courrier émis par les particuliers ne représente qu’environ15% du volume des envois postaux ; par contre, il émane tous lespoints du territoire ; pour capter ce courrier, il faut donc mettre enplace un appareil de collecte omniprésent – les 140 000 « boitesjaunes » par exemple – dont seules les postes disposent.

Malgré ses prix plus élevés, ce marché des envois des particu-liers demeure hors d’atteinte des concurrents ; il constitue donc un« monopole de fait », sous le contrôle des pouvoirs publics. Aprèsla libéralisation, les particuliers reçoivent donc du courrier ache-miné par différents opérateurs ; mais eux-mêmes continuent géné-ralement d’utiliser exclusivement La Poste pour expédier leursenvois.

Le financement duservice public estassuré par les tarifspostaux

Si la concurrencedevait se développer aupoint de capter des partsde marché significatives,on pourrait, comme leprévoit la loi, mettre lesconcurrents à contributionpour le financement du«service universel postal »que La Poste est tenue demettre en œuvre, commec’est le cas dans les télé-communications.

Mais d’une manière générale, c’est sur l’évolution des besoinsdes consommateurs que les opérateurs postaux s’interrogentaujourd’hui. On observe actuellement :• une augmentation des flux de colis, liée à l’essor du commerce

électronique ; cette augmentation profite à La Poste et à sesconcurrents ;

• une baisse du courrier traditionnel : la lettre à J+1 ;• un transfert progressif de la presse de la vente en kiosque vers

la distribution postale, et surtout le portage matinal ; mais cesecteur a également été touché par la récession économique ;

• de fortes variations du courrier publicitaire, très sensible à laconjoncture économique. w

Postal

1er janvier 2011 :libéralisation complète du marché du courrier

L

C'est le nombre de colis envoyés en 2009 enFrance, pour un montant global de 3,8 milliards d'euros.Parmi eux, environ 330 millions sont livrésen un délai "express" d'un jour maximum.Le colis "express" représente 57 % desrevenus de ce marché.

LE CHIFFRE

700millions

54x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

De gauche à droite : Sten Selander (Suède), JoëlleToledano (France) et Tim Brown (Royaume-Uni).

BR

ÈV

ES

Joëlle Toledano élue présidente du GRE postal

La première réunionplénière du Groupe des

régulateurs européens dans ledomaine des services postaux(GREP) s’est tenue à Bruxelles le1er décembre dernier. Ce groupe,institué par une décision de laCommission européenne du 10

août 2010, a vocation àconstruire des outils partagés,aux côtés de la Commission, surles enjeux communs de régula-tion auxquels font face les régu-lateurs européens dans la mise enœuvre de la directive postale de2008.

Cette réunion, qui a permis demettre en place le Groupe, aégalement vu l'élection de JoëlleToledano à sa présidence pour2011, aux côtés de Tim Brown(Postcomm – Royaume-Uni) et deGöran Marby (PTS – Suède) qui enassureront la vice-présidence. w

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Actualités

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 x55

w OlivierCorolleurIngénieur desmines, diplôméde l’école Poly-technique et deTélécom ParisTech, Olivier Corolleur est affecté en2003 au ministère de l’industrie où ilest d’abord chargé du secrétariat duréseau national de recherche en té-lécommunication, puis chargé demission pour la mise en place despôles de compétitivité. Il rejoint en2007 les services du Premier minis-tre en tant que chef du bureau destechnologies et des réseaux de com-munication de la direction du déve-loppement des médias devenue, enjanvier 2010, la direction généraledes médias et des industries cultu-relles du ministère de la culture et dela communication. Il a rejoint l’Au-torité le 1er décembre en qualitéde chef de l’unité « Règlementa-tion et gestion du spectre » etd’adjoint au directeur de la di-rection du spectre et des rela-tions avec les équipementiers.

w MichaëlCohenDiplômé de l'INTmanagement en2005 et de l’ESCPEurope en 2006,Michaël Cohenparticipe en 2007 au développementd’une filiale nouvellement créée par BNPParibas Asset Management, en Malaisie.Il travaille ensuite au département mar-keting de la banque privée NeuflizeOBC, avec pour mission de consoliderl’offre de produits et services etconstruire de nouveaux outils de pros-pection jusqu’en 2010. Il a rejoint l’Au-torité en octobre dernier au sein del’unité « Opérateurs mobiles » à ladirection du spectre et des relationsavec les équipementiers.

w TonyGuilbotTitulaire d’un di-plôme universitaireen télécommunica-tions spatiales etmobiles en 2001,

Tony Guilbot débute sa carrière chez Me-tracom en tant que technicien des sys-tèmes de transmission par satellite. En2006, il rejoint l’opérateur de télécommu-nication satellitaire toulousain Vizada et secharge des systèmes Inmarsat. Il a rejointl’Autorité en novembre en tant quecoordinateur technique dans l’unité« Régulation et gestion du spectre ».

w RachaSahlyDiplômée del’université Saint-Joseph de Bey-routh en écono mieindustrielle en 2005et de Sciences-Po Paris en 2008, en« Droit des marchés et de la régula-tion », Racha Sahly acquiert sa premièreexpérience au centre de recherche de lafaculté des sciences économiques deBeyrouth. Elle a notamment travaillé entant que chargée de mission pour TRA,l’autorité de régulation des télécommu-nications au Liban, avant de rejoindre,en octobre dernier, l’unité « Econo-mie des réseaux, prospective et ser-vice universel » de l’ARCEP.

Depuis sa création, l’Autorité s’est engagée dansune politique active de préservation de l’environ-nement. Initiée en 1999 avec la collecte des

cartouches d’imprimantes et de photocopieurs, cettedémarche éco-responsable a été peu à peu étendue auxdomaines de l’impression, du recyclage des déchets, des

solutions informatiques, des services généraux, etmême du fonctionnement technique des locauxloués par l’Autorité. Claire Bernard, directrice dedes ressources humaines, de l’administration et desfinances de l’Autorité, fait le point sur quelques unsde ces engagements.

Maîtriserla consommation d’énergie Depuis 2005, l’Autorité a opté pour une solu-tion de virtualisation des serveurs de fichiersVMWare, qui permet de restreindre lenombre de serveurs physiques et donc laconsommation d‘énergie, tout en permettantune optimisation de l’utilisation desressources de stockage et réseau.Par ailleurs, nous installons actuellement surles postes de travail un système de gestion del’énergie permettant de diagnostiquer les consommationsélectriques réelles de notre parc informatique ; la restitutiondu temps réel d’utilisation par jours/semaines/mois/annéesde l’ensemble des équipements du parc connecté permet desimuler et de déployer automatiquement les stratégiesd’économie possibles (mise en veille, allumage/extinction).De manière plus visible, l’Autorité a récemment recalibré à labaisse son parc automobile, en veillant à se conformer auxrecommandations environnementales en matière de rejet deCO². Enfin, les collaborateurs peuvent limiter leurs déplace-ments en utilisant des solutions d’audio et de visioconfé-rences en salles de réunions et dans certains bureaux.

Aller vers un bâtiment « intelligent »Des travaux importants ont été engagés en 2009/2010 sur la climatisation et l’éclairage : l’im-meuble est à présent équipé d’un système de gestion technique centralisé qui permet deséconomies d’énergie tout en garantissant le confort quotidien des agents : des détecteurs deprésence activent ou non la climatisation et l’éclairage, en fonction de l’occupation desbureaux. Ce dispositif d’optimisation, associé à l’utilisation de lampes économiques en coursde généralisation, permet une diminution des charges locatives et de l’électricité. En 2011,cette démarche environnementale se poursuivra par l’installation d’une nouvelle technologied’ascenseurs permettant une réduction drastique (75%) de la consommation d'énergie descabines.

Réduire le papier grâce aux tablettes tactilesDepuis 2002, l’Autorité s’est dotée d’un parc de photocopieurs numé-riques dont l’encombrement, le bruit et la consommation électriqueont été réduits. Dans le nouveau marché qui sera conclu pour 2011,le parc est réajusté à la baisse ; les travaux de reproduction ont baisséde moitié en 10 ans et l’usage de tablettes tactiles, actuellement encours d’expérimentation, devrait définitivement accentuer cettetendance. Depuis 2004, le volume de papier a déjà pratiquement étédivisé par deux, passant de 19 à 9 tonnes. Par ailleurs, la qualité depapier sélectionnée récemment par l’ARCEP répond aux exigences del’écolabel européen.

Le développement durable et nous, l’ARCEP !

Claire Bernard

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Les cahiers de l’ARCEP écologiques eux-aussi : la publication de l’Autorité est en effet imprimée sur un papier composé à 60 % de fibres recyclées.

Page 56: n°4 novembre – décembre 2010 Développer les usages ......commence à devenir un argu-ment commercial. Mais au-delà des terminaux fixes, qui ne représentent in fineque la partie

ace à la multiplicitédes organismes etdes administrations,des entreprises derationalisation de

l’organisation administrative sont régu-lièrement menées dans différentssecteurs. Réduire les délais de traite-ment des demandes, simplifier leparcours de l’administré, diminuer lenombre d’interlocuteurs et dedémarches à effectuer, passe par ladématérialisation des procédures, pardes serveurs vocaux, des guichetsvirtuels … Les objectifs de ces opéra-tions sont simples et clairs : faciliter lesrapports des citoyens avec leurs admi-nistrations et accroître l’efficacité desprocessus pour le bénéfice de tous.

Les limites de la toute puissance informatique

Or, je m’étonne souvent de l’ab-sence de vision d’ensemble dont faitpreuve l’administration lorsqu’il s’agitde traiter des cas particuliers. La moder-nisation technologique a permiscertaines avancées. Mais elle conduit àune simplification des situations qui netient pas compte des cas particuliers, etentraîne parfois des aberrations. Danscertains cas, la machine ne peutremplacer l’être humain !

N’oublions pas que les systèmesinformatiques sont conçus pour les trai-tements de masse. Les outils de décla-ration en ligne et les renseignementsaccessibles par les serveurs vocaux sontadaptés à la prise en compte initiale desituations simples et à des demandes

de renseignement basiques. Ces tech-nologies créent paradoxalement desfreins importants pour le traitement desdossiers hors norme. Lorsque lesdonnées concernant un dossier parti-culier ne peuvent être «entrées» eninformatique parce que non prévues àl’origine, une intervention externe estbien souvent nécessaire, soit par unservice de conciliation, soit par unservice clientèle, ou alors par l’un demes délégués ou mes services pourdébloquer le traitement de ce dossier.

On constate que la toute puissanceinformatique paralyse la prise en chargedes dossiers particuliers.

L’e-administration ne doit pas exclure le citoyen

Quant au citoyen, faute dedisposer de toute l’information néces-saire à son orientation dans le nouveaudispositif et de comprendre l’ensembledes règles qui lui sont applicables, il sesent victime de la rationalisation plutôtque bénéficiaire. A travers les réclama-tions que je reçois, je m’aperçois quebien souvent ces technologies sontfacteurs d’exclusion. Pour le citoyen,n’avoir que les touches proposées parun serveur vocal lorsqu’il est dans unesituation complexe est vécu comme un abandon de l’administration.Lorsqu’un dossier nécessite un suivipersonnalisé, le service public doit êtrecapable de proposer un accompagne-ment humain, lorsqu’une situation esttrop complexe pour être traitée infor-matiquement, un agent doit prendrele relais.

C’est le défi qui est proposéaujourd’hui à l’administration : allier latechnologie à l’écoute et à l’accompa-gnement. N’oublions pas que ce quenous gagnons en compétitivité, nous leperdons peut être en humanité.

Parfois, l’informatique sert – aussi –d’excuse pour gagner du temps ou nepas se lier par une décision, les agentss’abritant derrière les « contraintes »

technologiques pour ne pas répondreou ne pas agir.

C’est oublier que l’informatiquen’est qu’un outil qui ne dispenseaucunement ses utilisateurs de seposer des questions et de rechercherdes solutions, quitte à contourner,lorsque le service au public le justifie,les rigidités du système. Les agentschargés d’accueillir et d’informer lepublic sont-ils formés à cette missionessentielle, ou simplement à l’utilisa-tion de l’ordinateur ?

Repenser l’utilisation des nouvelles technologiesdans l’administration

De manière générale, j’invite àrepenser l’utilisation des nouvellestechnologies au sein de nos adminis-trations pour que la dématérialisationn’aille pas de pair avec une déshuma-nisation du service public. Certes, l’in-troduction de l’informatique dans lesrouages de l’appareil d’État a permisdes avancées non négligeables au

service de cette ambition. Certainsaspects techniques peuvent indénia-blement être traités par une adminis-tration électronique. L’informatisationdes greffes de certains tribunaux, parexemple, permet incontestablement degagner en qualité et en rapidité. Croireque l’on peut passer au 100 % numé-rique reste toutefois une chimère.Comme il est illusoire de croire que letraitement de masse rende obsolètetout traitement au cas par cas !

Les technologies sont des facilita-teurs au service de l’humain ; elles nedoivent pas être une barrière supplé-mentaire entre l’usager et le fonction-naire. Autrement, derrière un vernistechnologique et un discours moder-niste louant la proximité, nous neverrons nul progrès, mais au contrairela réintroduction de ce réflexe pavlo-vien d’autoprotection qui veut quel’administration préfère le confort dusystème au confort d’un citoyenqu’elle continuera de maintenir àdistance respectable. w

Consommateurs

56x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010

F

Depuis sa création en 1973, l’institution du Médiateur de la République s’emploie àaméliorer les relations entre l’administration française et le citoyen. Nommé pour 6 ans et irrévocable, le Médiateur de la République examine au caspar cas l’inadaptation de certains textes ou procédures, les excès de certainscomportements. Il propose des solutions sur mesure et des réformes de fond.• Pour le saisir : www.mediateur-republique.fr• Pour rencontrer un délégué du Médiateur de la République présent dans chaque

département : http://www.mediateur-republique.fr/fr-citoyen-03-02-10 • Pour participer aux réflexions et aux propositions de réformes du Médiateur de la

République : www.lemediateuretrvous.frA mi chemin entre un forum et un réseau social, cette plateforme lancée en février2010 rassemble de façon inédite internautes et experts autour de la défense desdroits. Véritable espace de travail collaboratif, elle favorise l’initiative citoyenne enpromouvant un « comité de réflexion et d’idées » composé de citoyens et d’expertsqui alimentent les propositions de réforme, que le Médiateur de la République porteensuite devant le décideur politique.

QU’EST-CE QUE

le Médiateurde la République ?

« N’oublions pas que ce que nous gagnons en compétitivité, nous le perdons peut-être en humanité »

Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République