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N°21 NOVEMBRE 2013 ECONOTE Société Générale Département des études économiques HAUSSE DE LA DETTE PUBLIQUE AU JAPON : JUSQUÀ QUAND ? Avec une dette publique brute supérieure à 100 % du PIB depuis la fin des années 1990, qui a atteint 220 % du PIB en 2012, le Japon est le pays développé le plus endetté au monde, devant les pays périphériques de la zone euro aux prises avec une crise de la dette souveraine. Or, la dette publique japonaise a atteint ce niveau record sans tension sur les marchés financiers. Les taux d’intérêt de la dette nippone sont parmi les plus bas du monde, fruits, largement, d’une épargne intérieure abondante et d’une détention de la dette presque exclusivement concentrée chez les résidents, notamment le secteur financier. Cette situation, cependant, ne pourra pas durer indéfiniment. Se pose en effet, à moyen-long terme, la question de la « soutenabilité » de la dette publique, compte tenu de la progression continue de celle-ci, de la faiblesse structurelle de la croissance et de la baisse tendancielle de l’épargne nationale liée au vieillissement de la population. En outre, l’appétit des investisseurs japonais pour la dette publique nationale pourrait diminuer, poussant à la hausse les taux d’intérêt à long terme. Placer le ratio de dette publique sur une trajectoire soutenable requerra, à la fois, des mesures d’envergure de consolidation budgétaire et une hausse du potentiel de croissance du pays via des réformes structurelles. C’est tout le défi de la politique du Premier ministre, Shinzo Abe, appelée « Abenomics ». Audrey GASTEUIL-ROUGIER +33 1 57 29 52 26 [email protected]

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N°21 NOVEMBRE 2013

ECONOTE Société Générale

Département des études économiques

HAUSSE DE LA DETTE PUBLIQUE AU JAPON : JUSQU’À

QUAND ?

Avec une dette publique brute supérieure à 100 % du PIB depuis la

fin des années 1990, qui a atteint 220 % du PIB en 2012, le Japon est le

pays développé le plus endetté au monde, devant les pays périphériques de

la zone euro aux prises avec une crise de la dette souveraine.

Or, la dette publique japonaise a atteint ce niveau record sans

tension sur les marchés financiers. Les taux d’intérêt de la dette nippone

sont parmi les plus bas du monde, fruits, largement, d’une épargne

intérieure abondante et d’une détention de la dette presque exclusivement

concentrée chez les résidents, notamment le secteur financier.

Cette situation, cependant, ne pourra pas durer indéfiniment. Se

pose en effet, à moyen-long terme, la question de la « soutenabilité » de la

dette publique, compte tenu de la progression continue de celle-ci, de la

faiblesse structurelle de la croissance et de la baisse tendancielle de

l’épargne nationale liée au vieillissement de la population. En outre, l’appétit

des investisseurs japonais pour la dette publique nationale pourrait

diminuer, poussant à la hausse les taux d’intérêt à long terme.

Placer le ratio de dette publique sur une trajectoire soutenable

requerra, à la fois, des mesures d’envergure de consolidation budgétaire et

une hausse du potentiel de croissance du pays via des réformes

structurelles. C’est tout le défi de la politique du Premier ministre, Shinzo

Abe, appelée « Abenomics ».

Audrey GASTEUIL-ROUGIER +33 1 57 29 52 26 [email protected]

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EN DÉPIT D’UNE DETTE PUBLIQUE

COLOSSALE ET CROISSANTE…

DE LARGES DÉFICITS PUBLICS DEPUIS 1993

Au cours des deux décennies passées, le Japon a

enregistré une détérioration prononcée de ses

équilibres budgétaires. Ceci résulte à la fois de

l’érosion des recettes fiscales liée à la faiblesse de

l’activité économique, d’une part, et des multiples

plans de relance mis en œuvre pour tenter de stabiliser

l’économie face aux différents chocs, d’autre part.

Douze plans de relance massifs ont été engagés entre

1991 et 2001 (la « décennie perdue ») pour faire face à

la crise née de l’éclatement de la bulle financière et

immobilière en 1989-90. Depuis le krach, le Japon a

alterné cycles de croissance faible et récession, tandis

que la déflation a découragé l’investissement des

entreprises et la consommation des ménages. Au

lendemain de l’éclatement de la crise financière

mondiale de 2007, de nouveaux plans de relance ont

été successivement mis en œuvre. Puis, des plans de

reconstruction ont été engagés dans la foulée du

séisme et du désastre nucléaire de Fukushima de mars

2011. Aussi le déficit des administrations publiques

a-t-il affiché une très forte progression de 3 % en 1993

à 10 % du PIB en 2012 (source OCDE). Cette

détérioration des finances publiques s’explique pour

l’essentiel par la hausse du déficit structurel (dans un

contexte de baisse de la croissance potentielle),

l’impact de la conjoncture sur le solde public et la

charge intérêt étant faibles (graphique 1). Une

amélioration du déficit public a néanmoins été

enregistrée de 2005 à 2007, grâce au rebond de la

croissance avant la crise financière mondiale.

Comme le montre le graphique 2, la détérioration des

finances publiques depuis le début des années 1990

reflète, à la fois, une contraction des recettes et la

poursuite de la hausse des dépenses. Si le rythme de

croissance des dépenses publiques a connu une

décélération substantielle à partir de 2000, les

dépenses de sécurité sociale ont néanmoins continué

d’augmenter sur un rythme soutenu du fait du

vieillissement de la population. La sécurité sociale est

ainsi devenue en 2010 le premier poste de dépenses

publiques. Les recettes, quant à elles, se sont

contractées depuis 1992 en raison de l’atonie de la

croissance, mais aussi à cause des mesures

d’allègement de la fiscalité sur les revenus des

particuliers et des sociétés engagées à partir des

années 1980.

En conséquence, le Japon enregistre des recettes

publiques relativement faibles comparé aux autres

pays développés : en 2012, le ratio recettes/PIB s’y

élevait à 33 %, contre une moyenne de 37 % pour les

pays OCDE. Ceci confère au pays une marge de

manœuvre budgétaire substantielle s’il devait faire face

à des difficultés de financement.

UNE DETTE PUBLIQUE SUR UNE TRAJECTOIRE

INSOUTENABLE

Les déficits cumulés des administrations publiques ont

entraîné une hausse rapide de l’endettement public.

Depuis 1994, la dette publique brute a augmenté à un

rythme annuel de 6 %, dépassant de loin la très faible

croissance du PIB en valeur (+0,4 % par an en

moyenne jusqu’en 2007). Et la déflation, que connaît le

pays depuis plus d’une décennie accroît le poids réel

de cet endettement.

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BelgiqueFranceAllemagne

Grèce

IrlandeItalie

Japon

Portugal

Espagne

Royaume-UniÉtats-Unis

Zone euro

Pays-Bas

0

50

100

150

200

250

-12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2

Gr3. FINANCES PUBLIQUES EN 2012

Dette publique brute (en % du PIB)

Solde public (en % du PIB)Source : OCDE

Le ratio dette publique brute/PIB a atteint 220 % fin

2012 selon l’OCDE, soit le ratio le plus élevé des pays

développés (graphiques 3 et 4). La dette publique nette

est toutefois nettement moins élevée (136 % du PIB fin

2012), étant donné le stock important d’actifs

financiers détenus par les administrations publiques

(fonds de retraite notamment). Pour autant, le ratio

d’endettement net du Japon est lui aussi le plus élevé

au sein des pays OCDE, seules l’Italie (113 % du PIB)

et la Grèce (103 % du PIB) ayant des dettes publiques

nettes excédant 100 % du PIB.

L’instabilité politique récente, avec la succession de

divers gouvernements (sept premiers ministres entre

2007 et 2013) et les conflits persistants avec

l’opposition au sein du Parlement, a affaibli la capacité

du pays à mettre en œuvre les nécessaires mesures de

consolidation budgétaire.

… L’ÉTAT JAPONAIS CONTINUE DE SE

FINANCER À DES TAUX EXTRÊMEMENT

BAS

Pour autant, contrairement aux pays de l’Europe

périphérique, le Japon n’a pas subi d’attaques

spéculatives contre sa dette et n’a pas connu de

problèmes de financement. En outre, sa note

souveraine, même si elle ne bénéficie plus du AAA

depuis février 2001 et a fait l’objet de plusieurs

dégradations depuis lors, reste dans la catégorie des

titres de bonne qualité (tableau 1).

Tableau 1. NOTATIONS SOUVERAINES DES AGENCES

Notation Perspective

Date de la dernière

dégradation de notation

S&P AA- Négative 27/01/2011

Moody's AA3 Stable 24/08/2011

Fitch A+ Négative 21/05/2012

Une nouvelle dégradation des notations de la part des

agences de rating n’est cependant pas à exclure, en

cas d’absence de mesures budgétaires

complémentaires crédibles, d’une croissance

économique plus faible que prévu, d’une hausse

importante de la dette publique qui commencerait à

éroder la position extérieure du pays, ou d’un

désengagement significatif des résidents du

financement de la dette.

EXCÉDENT D’ÉPARGNE NATIONALE SUR

L’INVESTISSEMENT

L’excédent d’épargne nationale (relativement à

l’investissement) contribue largement au bon

financement de la dette publique japonaise

(graphique 5). Ce surplus d’épargne résulte à la fois

d’un flux important d’épargne nationale issue du

secteur privé (ménages et entreprises) et d’un niveau

peu élevé d’investissement fixe (résidentiel et non

résidentiel). Au cours des 15 dernières années, le taux

d’épargne nationale a certes diminué mais le taux

d’investissement a lui aussi reculé.

Longtemps, le Japon a affiché le taux d’épargne le plus

élevé de tous les pays industrialisés. Au début des

années 1980, le taux d’épargne des ménages japonais

atteignait près de 20 % du revenu disponible. Il a

continûment baissé au cours des 20 dernières années

sous l’effet, principalement, du vieillissement de la

population, les retraités ayant un taux d’épargne moins

élevé que les actifs (graphique 6). Le taux d’épargne

nette des ménages, qui a atteint un point bas à 1 % en

2012 (contre 7,3 % en 2000, source OCDE), devrait

continuer de se réduire quelque peu.

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À l’inverse, face à la faiblesse des perspectives de

croissance interne, les profits non distribués des

entreprises nippones ont excédé depuis la fin des

années 1990 leurs investissements, ce qui leur a

permis de dégager une capacité de financement

importante et durable (taux d’autofinancement de près

de 160 % aujourd’hui) (graphique 7). Les entreprises

ont utilisé ce surplus d’épargne pour se désendetter

mais aussi, et surtout, pour accumuler des actifs

financiers.

L’épargne nationale ayant toujours été supérieure à

l’investissement, le pays est un exportateur net de

capitaux1. Le Japon dispose ainsi d’une position

extérieure nette exceptionnellement élevée (près de

300 000 milliards de yens fin 2012, soit 62 % du PIB) et

en augmentation continue (graphique 8), via

l’accumulation d’excédents courants.

1Solde de la balance courante = épargne nationale-

investissement national.

À noter, toutefois, la réduction substantielle récente de

l’excédent courant – autour de 4 % du PIB durant la

2ème moitié des années 2000 à 1 % du PIB en 2012 –

(graphique 9), en raison de l’apparition d’un déficit

commercial (le 1er depuis 1980). Ce dernier s’explique

notamment par l’impact négatif sur les exportations

des catastrophes naturelles connues par le Japon et la

Thaïlande, l’érosion des parts de marché liées à la

force du yen et la hausse des importations d’énergie

(fermeture des centrales nucléaires et hausse du prix

du pétrole).

L’excédent d’épargne nationale sur l’investissement a

deux conséquences : il permet de financer la dette

publique par l’épargne nationale, sans faire appel à

l’épargne des non-résidents, et il contribue à maintenir

des taux d’intérêt à long terme très bas. Malgré

l’accumulation des déficits publics et la hausse rapide

de la dette publique, les taux nominaux des obligations

d’État à 10 ans sont en effet restés inférieurs à 2 %

depuis 2000 (et même en-dessous de 1 % sur la

période la plus récente) (graphique 10). L’excès

d’épargne nationale, qui a dû trouver un support de

placement conséquent, a été massivement canalisé

vers les obligations d’État, dont les taux d’intérêt

restent attractifs en terme réels (du fait de la déflation).

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FORT APPÉTIT DES ÉPARGNANTS NIPPONS POUR

LES ACTIFS DOMESTIQUES

La persistance de taux d’intérêt nominaux des JGBs

(Japanese Government Bonds) très bas est largement

imputable à la forte préférence des investisseurs

nippons pour les actifs domestiques (« home bias »).

Les ménages japonais, dont l’aversion pour le risque

est forte, sont particulièrement friands des titres

publics, qu’ils détiennent pour l’essentiel indirectement

via les banques (les dépôts représentent plus de la

moitié des actifs financiers des ménages), les fonds de

pension et les compagnies d’assurance-vie.

Un autre secteur non financier a, au cours des

10 dernières années, indirectement soutenu le marché

obligataire d’État : les entreprises non-financières.

Enregistrant des capacités de financement

substantielles, celles-ci ont elles aussi accumulé des

dépôts bancaires importants. Bénéficiant ainsi d’une

liquidité surabondante et face à une demande de crédit

durablement déprimée, les banques japonaises ont

ainsi été de grosses acheteuses de JGBs au cours des

années récentes.

Enfin, la Banque Centrale du Japon (BoJ) acquiert

régulièrement des JGBs dans le cadre de sa politique

monétaire non-conventionnelle (« Quantitative

Easing »). Avec sa nouvelle stratégie annoncée en avril

dernier, elle prévoit même de multiplier par deux d’ici à

fin 2014 l’encours de JGBs qu’elle détient, en

allongeant aussi de 3 à 7 ans la maturité moyenne de

son portefeuille. Cette politique vise notamment à

inciter les investisseurs japonais à se reporter sur des

classes d’actifs plus risquées (y compris à l’étranger),

mais ce phénomène reste pour l’instant encore peu

manifeste.

Fin juin 2013, la dette publique japonaise était détenue

à hauteur de 92 % par les résidents, soit un taux de

très loin plus élevé que celui observé dans les autres

économies avancées2. Les principaux détenteurs sont

2 Voir Econote n°16 « Pays développés : qui détient la dette

publique ?, Audrey Gasteuil-Rougier », avril 2013.

composés d’une base stable d’investisseurs

institutionnels : les banques (40 % de l’encours, y

compris la banque postale), les assurances (20 %) et

les fonds de pension (près de 10 % dont 7 % pour le

fonds de pension public). Les ménages japonais

détiennent directement 2,5 % de l’encours de dette

publique et la Banque du Japon (BoJ) 15 %

(graphique 11). En juin 2013, les obligations d’État

représentaient 40 % des actifs financiers totaux des

assurances et fonds de pension et près de 20 % de

ceux des banques japonaises.

8%

20%

40%

15%

10%

6%

Gr11. DÉTENTION DES JGBs PAR TYPE D'INVESTISSEURS À JUIN 2013

(en % du stock total)

Non-résidents Assurances

Banques Banque du Japon

Fonds de pension Autres

Source : BoJ

Note : JGBs incluant les obligations du Programme Budgétaire de Prêts et d'Investissements (PBPI) et les bons du Trésor.

FAIBLE VULNÉRABILITÉ À DES CHOCS SPÉCULATIFS

Le rôle prédominant joué dans le financement de la

dette par les institutions publiques, les banques et les

compagnies d’assurance et fonds de pension

domestiques – dont les investissements sont

typiquement à long terme – constitue un gage de

stabilité pour le marché des JGBs. Et avec 8 %

seulement de l'encours de la dette détenu par des non-

résidents, les taux des obligations d’État nippones

sont, pour l’essentiel, déterminés par des facteurs

internes. C’est ainsi que les CDS souverains japonais,

majoritairement détenus par les non-résidents,

atteignent un niveau relativement faible comparé à

celui des autres pays (graphique 12). Aussi les attaques

spéculatives ne peuvent-elles avoir qu’un impact très

limité. En octobre 2013, les spreads des CDS à 5 ans

du Japon s’établissaient à 60 bps, soit un niveau

supérieur à ceux des pays comme l’Allemagne, la

France ou les États-Unis, mais bien inférieurs à ceux de

l’Italie et de l’Espagne.

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Au total, la détention de la dette publique japonaise,

presque exclusivement concentrée chez les résidents,

assure, à la fois, la stabilité de son financement et son

faible coût. La charge nette d’intérêts rapportée au PIB

du Japon reste ainsi en-dessous de celle des autres

pays développés et ce, en dépit d’un ratio

d’endettement nettement plus élevé : en 2012, elle

s’établissait à 0,9 %, contre une moyenne de 1,8 %

des pays OCDE. Ceci a évité que l’augmentation du

ratio d’endettement public ne soit encore plus rapide,

compte tenu des déficits publics primaires (c’est-à-dire

hors intérêts) restés durablement élevés.

STABILISER LA DETTE DANS UN

CONTEXTE DE VIEILLISSEMENT

ACCÉLÉRÉ EST UN DÉFI REDOUTABLE

La situation actuelle pourrait se maintenir quelque

temps, mais la trajectoire de la dette publique ne

saurait être viable à moyen et long terme.

L’évolution du ratio d’endettement public dépend de

quatre variables :

- le niveau initial du ratio dette publique/PIB,

- la croissance du PIB nominal,

- le taux d’intérêt moyen sur la dette émise,

- le solde public hors charges d’intérêt (ou solde

public primaire).

RECUL DE LA CROISSANCE TENDANCIELLE

La stabilisation, puis la réduction du ratio dette/PIB,

requièrent une croissance forte et durable (graphique

13). Or, la croissance potentielle du Japon –

aujourd’hui estimée par l’OCDE à 0,8 % par an en

volume – fléchit tendanciellement sous l’effet

principalement du vieillissement démographique (le

plus avancé au monde) (cf. encadré 1 page 8). La

population en âge de travailler a commencé à se

contracter au Japon au milieu des années 1990,

entrainant une baisse de la part de la population active

dans la population totale. Cette baisse est un facteur

important de réduction du taux de croissance du PIB

réel potentiel, car elle se traduit par moins de main-

d’œuvre pour produire. Seule la hausse du taux

d’activité des femmes – actuellement relativement bas

(60 % en 2012) – et de l’immigration (mais qui continue

de susciter de fortes résistances) pourrait atténuer

quelque peu la contraction marquée de la population

japonaise en âge de travailler. Par ailleurs, il apparaît

peu probable que la contraction des ressources en

main-d’œuvre puisse être compensée par une

augmentation suffisante de la productivité apparente

du travail (accroissement du capital par tête,

augmentation de la productivité globale des facteurs).

À court terme, la croissance Japonaise devrait s’établir

autour de +1 ½ % en 2013 et 2014, soutenue par les

trois « flèches » de la politique économique engagée

par le Premier ministre Shinzo Abe (« Abenomics »),

c’est-à-dire l’expansion monétaire, la relance

budgétaire et les réformes structurelles.

1. L’expansion monétaire. La Banque du Japon a

annoncé, en avril 2012, un objectif de

doublement de la base monétaire d’ici fin 2014

via notamment des achats massifs

d'obligations d'État, afin d’atteindre l’objectif

d’inflation de 2 % (hors effet de hausse de

taxe sur la consommation). Cela constitue

l’expansion monétaire la plus importante

jamais annoncée dans les grands pays

développés.

2. La relance budgétaire. Elle atteint près de 2 %

du PIB sur 2013-2014, composée à près de

40 % de travaux publics.

3. Les réformes structurelles. L’objectif affiché de

ces réformes est d’augmenter le PIB par tête

de 40 % en dix ans, ce qui correspondrait à

une croissance annuelle de plus de 3 %

(contre moins de 1 % en moyenne depuis le

début des années 1990). Ce troisième volet

(cf. encadré 2 page 8) comprend trois

parties : la revitalisation industrielle, la création

de nouveaux marchés stratégiques et le

développement international. Les détails sur

les mesures concrètes restent toutefois encore

à préciser.

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Les réformes structurelles, proposées par le premier

ministre Shinzo Abe, et le programme de consolidation

budgétaire à long terme sont les conditions de la

réussite de la stratégie du gouvernement. Ces réformes

devraient, si elles étaient effectivement mises en

œuvre, aboutir à une hausse du potentiel de croissance

qui limiterait la progression du ratio d’endettement. En

outre, l’organisation des Jeux Olympiques en 2020

viendra soutenir la croissance, via la hausse de

l’investissement public, des investissements des

entreprises et de la consommation des ménages.

Néanmoins, un retour à une croissance durable

nécessiterait l’enclenchement d’un cercle vertueux où

la hausse des profits conduirait à des revalorisations

des salaires fixes, puis à une augmentation des

dépenses des ménages et des entreprises, poussant à

la hausse les prix à la consommation.

RISQUE, À TERME, DE HAUSSE DU TAUX APPARENT

SUR LA DETTE TOTALE

En dépit d’un niveau colossal et croissant

d’endettement public, les taux à long terme des

obligations de l’État japonais sont restés stables, à des

niveaux bas. À la différence des situations prévalant

dans les pays périphériques de la zone euro, le coût de

la dette publique japonaise n’a donc pas été renchéri

par une hausse de la prime de risque liée aux risques

de monétisation ou de défaut de l’État. Ceci,

cependant, pourrait être remis en cause en cas,

notamment, de désengagement des résidents du

financement de la dette publique.

Depuis 2006, en dépit d’une quasi-stabilité des taux

d’intérêt, les paiements d’intérêts sur les JGBs ont

augmenté – passant de 7 000 milliards de yens en

2006 à 8 400 milliards en 2012 –, du fait de

l’accroissement de leur encours. Ils devraient s’élever à

près de 10 000 milliards de yens en année fiscale (AF)

2013, selon le budget (graphique 14), représentant

ainsi 10 % des dépenses de l’État.

0

2

4

6

8

10

12

14

16

0

100

200

300

400

500

600

700

800

1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011Stock de JGBs (G) Intérêts payés sur JGBs (D)

Source : MoF

1 000 milliards de yens

Données en années fiscales (AF); AF1990-2011 : réalisés, AF2012 : estimation, AF2013 : budget

1 000 milliards de yens

Gr14. STOCK DE JGBs ET PAIEMENTS D'INTÉRÊTS

Ce qui importe, toutefois, pour la dynamique de la

dette, c’est la différence entre le taux d’intérêt payé sur

la dette et le taux de croissance du PIB nominal.

Depuis 1990, le coût moyen apparent de la dette

publique japonaise n’a dépassé que faiblement le taux

de croissance du PIB nominal (graphique 15). En 2012,

les deux variables étaient même à peu près égales (au

voisinage de 1 %). Si le taux apparent sur la dette

devait, à l’avenir, dépasser plus largement et

durablement le taux de croissance nominale de

l’économie, alors le taux d’endettement (ratio dette

publique/PIB) augmenterait et ce, même si le pays

dégageait un solde primaire équilibré (ce qui est loin

d’être le cas puisque le Japon affiche en 2012 un

déficit primaire de 9 % du PIB). C’est l’effet « boule de

neige » : le taux d’endettement augmente avant même

tout nouveau déficit3.

La sortie de la déflation et le retour sur un rythme

d’inflation de 2 % (soit l’objectif de la nouvelle stratégie

de la banque centrale) seraient-ils les moyens

d’échapper à une telle dynamique explosive de la dette

publique, en érodant le poids de cette dernière ? Ceci

ne sera le cas que si le surcroît de croissance du PIB

nominal excède significativement et durablement la

hausse corrélative du coût de la dette. Une telle

situation nécessiterait plusieurs conditions :

- une certaine myopie ou inertie des

anticipations d’inflation, qui entrainerait une

baisse des taux d’intérêt réels ;

- une nette accélération du PIB réel japonais,

qui ne pousserait pas la Banque du Japon à

relever rapidement ses taux d’intérêt pour

éviter un sur-ajustement de l’inflation (ce qui

exigerait que le surcroît de croissance vienne

d’abord et avant tout de réformes structurelles

augmentant son potentiel).

Tout l’enjeu de l’Abenomics sera donc de réussir à

accroître davantage le PIB nominal que les taux

d’intérêt obligataires. Ceci dépendra largement du

succès ou non de sa troisième « flèche » (réformes

structurelles). À défaut, le risque serait que la politique

japonaise relance conjointement les anticipations

d’inflation et les taux d’intérêt à long terme sans

vraiment augmenter la croissance réelle.

3 La variation du ratio d’endettement d’un pays dont le solde

budgétaire primaire est équilibré, est proportionnelle au niveau

initial de ce ratio et à l’écart entre taux d’intérêt apparent de la

dette et le taux de croissance du PIB nominal.

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ENCADRÉ 1 – LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION AU JAPON

Le vieillissement de la population japonaise est le plus avancé au monde. En 2012, la population âgée

de plus de 65 ans a atteint un record de 30,8 millions, soit près de 24 % de la population totale, bien au-

dessus des autres pays (graphique 16). Cette tendance s’explique par un effet de ciseaux : un taux de

fécondité faible (1,4 enfant par femme), bien inférieur au taux de remplacement des générations (2,1) depuis

le début des années 1970, et une espérance de vie la plus longue au monde (87 ans pour les femmes et

80 ans pour les hommes). Ainsi, la population en âge de travailler se réduit depuis la fin des années 1990,

d’autant que les flux migratoires demeurent négligeables.

Selon les dernières projections de l’ONU (2012), la population en âge de travailler (15-64 ans)

passerait de 81,2 millions de personnes en 2010 à 55,2 millions en 2050, tandis que le nombre de

personnes de plus de 65 ans augmenterait, de 29,2 à 39,5 millions (graphique 17). Les plus de 65 ans

représenteraient ainsi 37 % de la population totale en 2050. En 2025, le Japon comptera seulement deux

actifs pour un retraité ; en 2050, ce ratio sera même de un pour un.

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1950 1965 1980 1995 2010 2025 2040 2055 2070 2085 2100Japon Chine France

Italie Suède États-Unis

Corée Inde Source : ONU

En % de la population  totale

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Gr16. POPULATION DE PLUS DE 65 ANS PAR PAYS

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1950 1965 1980 1995 2010 2025 2040 2055 2070 2085 2100

Milliers

0-14 ans 15-64 ans 65 ans et +

Source :  ONU

(P)

Gr17. POPULATION JAPONAISE PAR TRANCHE D'ÂGE

ENCADRÉ 2 – LES RÉFORMES STRUCTURELLES

Les principaux axes des réformes structurelles, proposées par le premier ministre Shinzo Abe, sont les

suivants :

- Accroître la flexibilité du marché du travail et encourager les femmes à travailler ;

- Déréguler les secteurs de l’agriculture et des services avec un objectif de doubler le revenu des

agriculteurs en 10 ans ;

- Dérèglementer la vente des médicaments sur internet ;

- Libéraliser le secteur de l’électricité ;

- Dérèglementer les fonds de retraite pour les autoriser à investir davantage dans les actions et les

investissements à l’étranger ;

- Inciter les entreprises à investir via une baisse de l’impôt sur sociétés ;

- Promouvoir l’innovation ;

- Encourager le commerce, le tourisme et les investissements directs étrangers ; notamment participer aux

négociations du partenariat « trans-pacifique » (accord régional commercial qui inclurait les pays

suivants : l’Australie, Brunei, Canada, Chili, Malaisie, Mexique, Nouvelle Zélande, Pérou, Singapour, les

États-Unis et le Vietnam).

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ECONOTE | N°21 – NOVEMBRE 2013

9

LA HAUSSE PRÉVUE DE LA TAXE SUR LA

CONSOMMATION NE SUFFIRA PAS POUR DÉGAGER

UN EXCÉDENT PRIMAIRE EN 2020

En 2012, le déficit public primaire japonais atteignait

9 % du PIB. Or, le vieillissement de la population va se

traduire par une augmentation sensible des dépenses

de retraite et de santé/dépendance alors que les

jeunes, qui devront financer la protection sociale,

seront moins nombreux. Les dépenses sociales ont

augmenté de 11 % du PIB en 1990 à 23 % en 2012, la

santé et les retraites expliquant 9 points de

pourcentage de cette hausse. Selon les dernières

projections du ministère de la santé, les dépenses de

sécurité sociale en valeur continueront de croître pour

passer à 24 % du PIB en 2025 (dont environ la moitié

au titre des retraites).

En vue de réduire le ratio d’endettement à partir de

2020, le gouvernement a annoncé un plan de

consolidation budgétaire qui prévoit de réduire de

moitié le déficit public primaire entre 2010 (égal à

6,6 % du PIB) et 2015, et de dégager un excédent

primaire à la fin de 2020. La mesure phare de ce plan

est de relever graduellement le taux de la taxe sur la

consommation (de 5 % actuellement à 8 % en avril

2014, puis à 10 % en octobre 2015), qui contribue aux

recettes à hauteur d’une part relativement faible

comparé aux autres pays développés (graphique 18).

Cette loi a été votée au Parlement durant l’été 2012 et

la 1ère hausse a été entérinée en octobre 2013 par le

premier ministre Shinzo Abe (arrivé au pouvoir en

décembre dernier).

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Japon OCDE - moyenne

Gr18. RECETTE FISCALES PAR CATÉGORIE, EN 2010

Autres taxes

Taxe sur la consommation

Patrimoine

Salaires

Sécurité sociale

Revenu et bénéfices

Source : OCDE

En % du total des recettes fiscales

D'après les projections officielles, ce doublement de la

taxe sur la consommation permettrait d’augmenter les

recettes de 2,5 points de PIB4. Cette hausse

permettrait notamment de financer la hausse des

dépenses sociales. Mais elle apparaît insuffisante pour

stabiliser le ratio de dette publique (qui atteindrait près

de 230 % du PIB en 2013). Le Cabinet Office a lui-

même estimé, en août 2013, que l’objectif de retour à

un excédent primaire en 2020 ne serait pas atteint,

4 Le gouvernement a fait l’hypothèse d’une croissance réelle de

2 % et d’une croissance du PIB nominal de 3 % par an en

moyenne sur 2011-2020.

même si le PIB nominal devait croître de 3 % par an (le

déficit primaire atteindrait, selon leurs estimations,

3,3 % du PIB en 2015 et 2 % en 2020).

D’après le FMI5, un ajustement supplémentaire de

5 ½ points de PIB serait nécessaire pour atteindre

l’objectif d’excédent primaire et de baisse du ratio

d’endettement d’ici 2020. Pour ce faire, le FMI

préconise un ajustement budgétaire total de 11 points

du PIB sur la prochaine décennie (soit 4 fois plus que

l’ajustement décidé par le gouvernement), via le

triplement de la taxe de la consommation (de 5 % à

15 %) et la mise en place de mesures

complémentaires, y compris une baisse des dépenses

publiques. En plus de stabiliser le ratio d’endettement,

ces mesures complémentaires permettraient de

maintenir la confiance dans la situation budgétaire du

Japon et d’éviter ainsi une hausse des taux d’intérêt

longs qui ferait exploser le coût de la dette.

BAISSE DE LA CAPACITÉ DU MARCHÉ

DOMESTIQUE À ABSORBER TOUJOURS

PLUS DE DETTE D’ÉTAT

La demande privée intérieure (ménages plus

entreprises) pour la dette publique devrait afficher, à

moyen et long terme, une diminution tendancielle, en

raison, à la fois, d’une contraction de l’épargne

nationale due au vieillissement de la population, et d’un

désengagement du secteur privé des obligations

d’État.

DÉSÉPARGNE DES MÉNAGES

D’après la théorie du cycle de vie, la poursuite du

vieillissement de la population va impliquer une

nouvelle baisse du taux d’épargne des ménages, dans

la mesure où le vieillissement rapide de la population

s'accompagne d'une hausse de la propension à

consommer. Les ménages qui arrivent à la retraite

mobilisent leur épargne pour améliorer leur retraite ou

régler leurs dépenses de santé. D’ici 5 à 10 ans, le

5 Article IV, FMI, juillet 2013.

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stock de dette publique brute, qui était d’environ

1 100 000 milliards de yens fin 2012 (220 % du PIB),

devrait dépasser celui des actifs financiers des

ménages japonais, qui a atteint près de

1 500 000 milliards (315 % du PIB) (graphique 20).

Jusqu’ici, le secteur des ménages a financé plus de la

moitié des JGBs, directement ou indirectement à

travers les banques et autres intermédiaires. Il existe

donc un risque réel que la demande des fonds de

pension, notamment celle de l’un des plus importants

fonds publics au monde, le GPIF (Government Pension

Investment Fund) japonais, pour les JGBs s’affaiblisse

davantage, en raison notamment de la progression des

paiements de pensions aux nouveaux retraités.

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Gr20. ACTIFS FINANCIERS

Ménages Entreprises non financières

Source : BoJ

1 000 milliards de yens, fin d'année fiscale

RISQUE DE BAISSE DE LA CAPACITÉ DE

FINANCEMENT DES ENTREPRISES

La capacité de financement du secteur des entreprises

non financières, qui atteignait 6 % du PIB en fin

d’année fiscale 2011 (graphique 19), devrait également

diminuer sur le long terme (à l’horizon 2020) et ce, pour

plusieurs raisons, à la fois conjoncturelles et

structurelles :

- la mise en œuvre des plans d’investissement

engagés par les industriels pour la

reconstruction du pays ;

- l’alourdissement des coûts de production des

entreprises, du fait de la hausse de la

dépendance énergétique du pays depuis le

drame de Fukushima (fermeture temporaire de

toutes les centrales nucléaires) ;

- enfin et surtout, le niveau anormalement élevé

de la capacité de financement des entreprises

reflète largement la situation de déflation dans

laquelle se trouve le Japon. Si la nouvelle

politique économique réussit durablement à

sortir de cette situation, alors cette capacité de

financement devrait mécaniquement se

résorber sous l’effet d’une accélération des

salaires et d’une hausse du taux

d’investissement.

Aussi la capacité de financement du secteur privé (des

ménages et des entreprises) devrait-il baisser

tendanciellement, ce qui pèserait sur le compte

courant du pays, faisant planer, à terme, le risque

d’une élimination de l’excédent.

RISQUE DE DÉSENGAGEMENT DES AGENTS PRIVÉS

RÉSIDENTS VIS-À-VIS DE LA DETTE PUBLIQUE

En outre, les agents privés résidents pourraient tôt ou

tard se désengager de la dette publique. D’ores et

déjà, depuis fin 2008, on peut constater un

désengagement direct des ménages et des entreprises

non financières nationales des obligations publiques.

La part de détention directe des ménages dans les

JGBs est passée de 4,5 % fin 2008 à 2,5 % au

2ème trimestre 2013 et celle des entreprises non

financières a baissé de 20 % à 13 %. La part de

détention indirecte (via les intermédiaires financiers) du

secteur privé dans les JGBs a également diminué

(graphique 21). En particulier, les fonds de pension et

les banques ont récemment moins acheté des titres de

dette. Il convient d’ailleurs de noter que la BoJ a plus

que compensé la baisse des achats de JGBs par les

banques.

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Q1 2007 Q1 2010 Q1 2013

Gr21. DÉTENTION DES JGBs PAR TYPE D'INVESTISSEURS

Non-résidents Assurances

Banques Banque du Japon

Fonds de pension Autres Source : BoJ

En % du stock total

Les facteurs susceptibles de réduire le « home bias » et de pousser les résidents à diversifier davantage leur allocation d’actifs vers d’autres actifs plus risqués pourraient être les suivants :

- un retour d’un plus grand appétit au risque

dans un contexte économique plus porteur et

moins déflationniste ;

- des craintes accrues sur la soutenabilité de la

dette publique japonaise à mesure que celle-ci

augmente, incitant alors les institutions

financières résidentes à réduire leur

exposition ;

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- la recherche de rendements plus élevés par les

fonds de pension dans des économies où la

démographie est plus favorable.

APPEL À L’ÉPARGNE ÉTRANGÈRE ?

Sauf programme de consolidation budgétaire

d’envergure, la baisse de la capacité du marché

domestique à absorber toujours plus d’obligations

d’État devrait, à terme, contraindre le gouvernement à

faire appel à l’épargne extérieure. Ceci, toutefois, ne

pourrait pas se faire au niveau actuel de taux d’intérêt.

Le placement de plus en plus important d’obligations

japonaises auprès d’investisseurs étrangers devra en

effet s’accompagner de taux d’intérêt plus élevés

(incorporant une prime de risque) pour compenser le

risque de dépréciation de la dette (via une baisse du

taux de change du yen) ou de défaut de paiement de

l’État. D’autres facteurs6 pourraient également

influencer le niveau et la volatilité des taux d’intérêt.

6 Une volatilité plus élevée des marchés et les spillovers d’un choc

économique et/ou financier mondial impacteraient fortement les

taux des JGBs. Voir: “Assesing the risks to the Japanese

government bond (JGB) market”, FMI WP, décembre 2011.

Compte tenu du niveau colossal de l’endettement

public, une hausse du taux d’intérêt pourrait

rapidement plonger le Japon dans une spirale

explosive de la dette7. La hausse insoutenable de

l’endettement public déboucherait, in fine, sur une crise

de solvabilité. Ce risque n’est bien sûr pas immédiat et

se situe plutôt à un horizon de moyen-long terme. Pour

autant, il pourrait affecter les anticipations des

investisseurs avant même d’atteindre le point critique

où l’épargne nationale deviendra insuffisante pour

financer la dette publique. C’est là tout l’enjeu de la

nouvelle stratégie économique mise en place par les

autorités japonaises.

7 Même une hausse modérée des taux des JGBs laisserait la

situation budgétaire extrêmement vulnérable : si les rendements

augmentaient de 100 bp dans les 5 ans, le ratio d’endettement

net public resterait élevé, selon le FMI, même après un ajustement

du solde structurel public de 10 points du PIB. “Assesing the risks

to the Japanese government bond (JGB) market”, FMI WP,

décembre 2011.

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NUMÉROS PRÉCÉDENTS ECONOTE

N°1 Le dollar : la monnaie des américains, leur problème ?

Benoît HEITZ (Mars 2011)

N°2 Vers un décollage africain ?

Clément GILLET (Mai 2011)

N°3 États-Unis : États fédérés et collectivités locales, un frein à la reprise économique

Clémentine GALLES, Kim MARCH (Juin 2011)

N°4 Chine : l'internationalisation sans convertibilité du renminbi

Sopanha SA, Meno MIYAKE (Décembre 2011)

N°5 L’ajustement letton est-il un bon exemple pour les pays de la périphérie de la zone euro ?

Anna SIENKIEWICZ, Ariel EMIRIAN (Janvier 2012)

N°6 Royaume-Uni : Retour du spectre de l’inflation ?

Marc-Antoine COLLARD (Février 2012)

N°7 Chine : Investissements directs à l’étranger : beaucoup de bruit pour rien

Sopanha SA, Meno MIYAKE (Mai 2012)

N°8 Turquie : Une politique monétaire atypique mais dépendante

Régis GALLAND (Juillet 2012)

N°9 Le «Quantitative Easing» britannique : plus d’inflation mais pas plus d’activité ?

Benoît HEITZ (Juillet 2012)

N°10 Marché immobilier et politiques macro-prudentielles : le Canada est-il synonyme de réussite ?

Marc-Antoine COLLARD (Août 2012)

N°11 Zone euro : une crise unique

Marie-Hélène DUPRAT (Septembre 2012)

N°12 La performance à l’exportation de l’Allemagne : analyse comparative avec ses pairs européens

Marc FRISO (Décembre 2012)

N°13 Le financement de la dette des États : vecteur de (dés-)intégration de la zone euro ?

Léa DAUPHAS, Clémentine GALLÈS (Février 2013)

N°14 Chine : Prix immobiliers : l’arbre ne doit pas cacher la forêt

Sopanha SA (Avril 2013)

N°15 Chine : Débat sur la croissance

Olivier DE BOYSSON, Sopanha SA (Avril 2013)

N°16 Pays développés : Qui détient la dette publique ?

Audrey GASTEUIL-ROUGIER (Avril 2013)

N°17 Indépendance énergétique des États-Unis

Marc-Antoine COLLARD (Mai 2013)

N°18 France : Pourquoi le solde des paiements courants se dégrade-t-il depuis plus de 10 ans ?

Benoît HEITZ (Juin 2013)

N°19 États-Unis : Un exportateur de gaz naturel liquéfié

Marc-Antoine COLLARD (Juin 2013)

N°20 Pays-Bas : à la périphérie du cœur

Benoît HEITZ (Septembre 2013)

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ÉTUDES ÉCONOMIQUES CONTACTS

Olivier GARNIER Chef économiste du Groupe +33 1 42 14 88 16 [email protected] Olivier de BOYSSON Chef économiste Pays Émergents +33 1 42 14 41 46 [email protected] Marie-Hélène DUPRAT Conseiller auprès du chef économiste +33 1 42 14 16 04 [email protected] Ariel EMIRIAN Macroéconomie et analyse pays / Pays CEI +33 1 42 13 08 49 [email protected] Benoît HEITZ Macroéconomie et analyse pays / Zone euro et Europe +33 1 58 98 74 26 [email protected] Clémentine GALLÈS Analyse macrosectorielle / États-Unis +33 1 57 29 57 75 [email protected] Françoise BLAREZ Analyse macrosectorielle +33 1 58 98 82 18 franç[email protected]

Constance BOUBLIL Europe centrale et du sud-est +33 1 42 13 08 29 [email protected] Marc-Antoine COLLARD Pays du Golfe, Amérique Latine, Matières Premières +33 1 57 29 62 28 [email protected] Marc FRISO Zone euro, Europe du nord et Afrique Subsaharienne +33 1 42 14 74 49 [email protected] Régis GALLAND Bassin Méditerranéen et Asie Centrale +33 1 58 98 72 37 [email protected] Audrey GASTEUIL-ROUGIER OCDE hors zone euro et Études macro-financières +33 1 57 29 52 26 [email protected] Emmanuel PERRAY Analyse macrosectorielle +33 1 42 14 09 95 [email protected] Sofia RAGHAI Analyse macrosectorielle +33 1 42 14 30 54 [email protected] Sopanha SA Asie +33 1 58 98 76 31 [email protected]

Isabelle AIT EL HOCINE Assistante +33 1 42 14 55 56 [email protected] Valérie TOSCAS Assistante +33 1 42 13 18 88 [email protected] Sigrid MILLEREUX-BEZIAUD Documentaliste +33 1 42 14 46 45 [email protected] Tiphaine CAPPE de BAILLON Études statistiques et édition +33 1 42 14 00 25 [email protected]

Société Générale | Études Économiques | 75886 PARIS CEDEX 18 www.societegenerale.com/nos-metiers/etudes-economiques Tél : +33 1 42 14 55 56 — Tél : +33 1 42 13 18 88 – Fax : +33 1 42 14 83 29 Ce document reflète l’opinion du seul département des études économiques de la Société Générale à la date de sa publication. Il ne reflète pas nécessairement les analyses des autres départements ou la position officielle de la Société Générale ou de l’une de ses entités juridiques, filiales ou succursales (ensemble, ci-après dénommé « Société Générale »). Il ne constitue pas une sollicitation commerciale et a pour seul objectif d’aider les investisseurs professionnels et institutionnels et eux seuls, mais ne dispense pas ceux-ci d’exercer leur propre jugement. La Société Générale ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. La Société Générale ne saurait donc engager sa responsabilité, au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans ce document qui est, par ailleurs, susceptible d’être modifié à tout moment et sans notification. La Société Générale est susceptible d’agir comme teneur de marché, d’agent ou encore à titre principal d’intervenir pour acheter ou vendre des titres émis par les émetteurs mentionnés dans ce document, ou des dérivés y afférents. La Société Générale, ses dirigeants ou employés, peuvent avoir exercé des fonctions d’employé ou dirigeant auprès de tout émetteur mentionné dans ce document ou ont pu intervenir en qualité de conseil auprès de ce(s) émetteur(s). A l’intention des lecteurs en dehors de France : ce document, et les valeurs mobilières qui y sont discutées, peuvent ne pas être distribués ou vendus dans tous les pays ou à certaines catégories d’investisseurs.