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www.institut-upsa-douleur.org JANVIER 2013 14 la douleur DES RECOMMANDATIONS À LA PRATIQUE DOSSIER P. 1-6 Les douleurs ORL Les infections naso-sinusiennes Les douleurs pharyngées Les otalgies FOCUS P. 7 Douleurs et sclérose en plaques BRÈVES P. 8 DANS CE NUMÉRO La douleur d’une sinusite est bien connue, que la sinusite soit aiguë ou chronique, limitée à un sinus ou diffusant dans toute la face, liée à une affection virale ou bactérienne. Une exploration clinique, endoscopique, bactériologique et l’imagerie (scan- ner le plus souvent) vont conduire au diagnostic et guider l’attitude thérapeutique. Les douleurs vont varier en fonction du sinus atteint. Elles sont le plus souvent pulsatiles, accentuées par la position tête penchée en avant, et la pression au niveau de la paroi antérieure du sinus. L’algie de la sinusite frontale est de topographie supra- orbitaire unilatérale ou de l’angle interne de l’œil 2 . Elle est parfois accompagnée de larmoiement, de photophobie. L’imagerie recherche une complication méningo-encéphalique ou orbitaire. Dans la sinusite « bloquée » hyperalgique, la rhinite est inaugurale, sans écoulement nasal. Le traitement est local décon- gestionnant, la nécessité d’une trépano-ponction est exceptionnelle. La récidive lors d’un barotraumatisme doit faire rechercher une malformation anatomique, une pathologie d’environnement (tabac, poussière, professionnelle…) ou de terrain (allergie, diabète, défi- cit immunitaire…) 2,3 . L’algie de la sinusite maxillaire intéresse la région infra-orbitaire, unilatérale, irradiant dans les dents sous-jacentes et l’orbite ; elle est cal- mée par le mouchage, accentuée la nuit 3 . Elle peut être confondue avec les lésions dentaires qui peuvent être causales. La sinusite chronique est en règle géné- rale indolore, sauf lors des poussées. Les douleurs ORL Les douleurs ORL M. Navez, A. David, A. Timochenko, C. Berger, J-M. Prades Centre de la douleur, CHU Saint-Étienne Service ORL, CHU Saint-Étienne Service Pédiatrie, CHU Saint-Étienne La pathologie ORL est fréquente en soins primaires et s’accompagne souvent de douleur. Elle affecte aussi bien l’enfant que l’adulte. Elle est en lien avec des infections virales, voire bactériennes, et va poser le problème de la prescription ou non d’antibiotiques. Cependant, ces douleurs ORL peuvent être d’autres origines, en particulier liées à des atteintes et projections des organes voisins (pharyngo-larynx ou articulation temporo- mandibulaire sur l’oreille), des lésions carcinologiques (cancer pharyngo-laryngé) ou d’origine névralgique (nerf glossopharyngien). Nous nous limiterons aux pathologies les plus fréquentes rencontrées en soins primaires, à savoir les affections rhino- sinusiennes, pharyngo-laryngées, et l’otite moyenne de l’enfant. Les infections naso-sinusiennes La sinusite est souvent le premier diagnostic évoqué par les patients et leurs médecins devant une douleur faciale 1 . Ces douleurs de « sinusite » peuvent être d’étiologie différente, directe- ment en lien avec une infection naso-sinusienne, ou sans cause infectieuse avérée et plutôt liée à « un déséquilibre trigéminé-sympathique » impliquant les structures avoisinantes.

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JANVIER 2013

14n° la douleurDES RECOMMANDATIONS À LA PRATIQUE

Dossier P. 1-6Les douleurs orL

• Les infections naso-sinusiennes

• Les douleurs pharyngées

• Les otalgies

FoCUs P. 7• Douleurs et sclérose

en plaques

BrÈVes P. 8

DANs CeNUMÉro

La douleur d’une sinusite est bien connue, que la sinusite soit aiguë ou chronique, limitée à un sinus ou diffusant dans toute la face, liée à une affection virale ou bactérienne. Une exploration clinique, endoscopique, bactériologique et l’imagerie (scan-ner le plus souvent) vont conduire au diagnostic et guider l’attitude thérapeutique.Les douleurs vont varier en fonction du sinus atteint. Elles sont le plus souvent pulsatiles, accentuées par la position tête penchée en avant, et la pression au niveau de la paroi antérieure du sinus. L’algie de la sinusite frontale est de topographie supra-orbitaire unilatérale ou de l’angle interne de l’œil 2. Elle est parfois accompagnée de larmoiement, de photophobie. L’imagerie recherche une complication

méningo-encéphalique ou orbitaire. Dans la sinusite « bloquée » hyperalgique, la rhinite est inaugurale, sans écoulement nasal. Le traitement est local décon-gestionnant, la nécessité d’une trépano-ponction est exceptionnelle. La récidive lors d’un barotraumatisme doit faire rechercher une malformation anatomique, une pathologie d’environnement (tabac, poussière, professionnelle…) ou de terrain (allergie, diabète, défi -cit immunitaire…) 2,3. L’algie de la sinusite maxillaire intéresse la région infra-orbitaire, unilatérale, irradiant dans les dents sous-jacentes et l’orbite ; elle est cal-mée par le mouchage, accentuée la nuit 3. Elle peut être confondue avec les lésions dentaires qui peuvent être causales. La sinusite chronique est en règle géné-rale indolore, sauf lors des poussées.

Les douleurs ORLLes douleurs ORLLes douleurs ORLM. Navez, A. David, A. Timochenko, C. Berger, J-M. PradesCentre de la douleur, CHU Saint-ÉtienneService ORL, CHU Saint-ÉtienneService Pédiatrie, CHU Saint-Étienne

La pathologie ORL est fréquente en soins primaires et s’accompagne souvent de douleur. Elle affecte aussi bien l’enfant que l’adulte. Elle est en lien avec des infections virales, voire bactériennes, et va poser le problème de la prescription ou non d’antibiotiques. Cependant, ces douleurs ORL peuvent être d’autres origines, en particulier liées à des atteintes et projections des organes voisins (pharyngo-larynx ou articulation temporo-mandibulaire sur l’oreille), des lésions carcinologiques (cancer pharyngo-laryngé) ou d’origine névralgique (nerf glossopharyngien). Nous nous limiterons aux pathologies les plus fréquentes rencontrées en soins primaires, à savoir les affections rhino-sinusiennes, pharyngo-laryngées, et l’otite moyenne de l’enfant.

Les infections naso-sinusiennesLa sinusite est souvent le premier diagnostic évoqué par les patients et leurs médecins devant une douleur faciale 1. Ces douleurs de « sinusite » peuvent être d’étiologie différente, directe-ment en lien avec une infection naso-sinusienne, ou sans cause infectieuse avérée et plutôt liée à « un déséquilibre trigéminé-sympathique » impliquant les structures avoisinantes.

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La douLeur, des recommandations à La pratique • n°14 • JanVier 2013Dossier

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L’algie de la sinusite sphénoïdale se caracté-rise par des douleurs profondes, postérieures de topographie rétro-orbitaire (2/3 des cas) nucale ou frontale (1/3 des cas). Souvent violente et paroxystique, elle peut s’accom-pagner de troubles vasomoteurs (rhinorrhée, congestion nasale, larmoiements, rougeur de l’hémiface). Les troubles ophtalmologiques comme la baisse de l’acuité visuelle, l’ampu-tation d’un champ visuel, l’œdème au fond d’œil font redouter une complication intra-crânienne 4. L’algie de la sinusite ethmoïdale est très fré-quente chez l’enfant, fronto-orbitaire, vive et paroxystique, accentuée par la pression de l’angle interne de l’œil (signe de Grunwald), associée à un œdème palpébral, des signes généraux (fi èvre à 40°, prostration…) et d’une rhinorrhée purulente. La douleur accrue par la pression du globe ou lors de mouve-ment oculaire doit faire évoquer d’emblée une complication orbitaire sous-jacente et appelle un traitement en urgence.

■ Les traitements

Le traitement de ces algies naso-sinusiennes aiguës (le plus souvent virales, voire bacté-riennes) comporte les traitements étiologiques de la sinusite (antibiotiques, décongestion-nants des muqueuses nasales et sinusiennes, corticoïdes par voie locale ou générale, muco-lytiques, lavages de nez voire des gestes chirurgicaux à type de ponction) et les traite-ments symptomatiques, dont les antalgiques et les anti-infl ammatoires. Lors des sinusites virales accompagnant les rhinites liées au froid (coryza), l’antibiothérapie est inutile 5 et comporte un risque d’induire des effets indésirables (allergie, diarrhée, résistance), elle n’est pas recommandée de manière systématique en soins primaires chez les patients dont l’immunité est considérée comme normale.Les médicaments à visée anti-inflammatoire diminuent le syndrome d’obstruction nasale et réduisent ainsi la douleur comme la cor-ticothérapie per os, associée aux antibio-tiques, avec des effets indésirables modérés. Elle n’a jamais été évaluée en administration isolée sans antibiotiques 6. Les résultats rap-portés par voie nasale sont modestes sur les symptômes sinusiens, mais cette voie peut toutefois être proposée. La mometasone furoate (Nasonex) 400 mg versus 200 µg est plus efficace 7. L’usage des décongestion-nants et des antihistaminiques chez l’enfant ne semblent pas apporter de bénéfice 8. Les lavages de nez avec des solutions salines,

réalisés plusieurs fois par jour, améliorent les symptômes naso-sinusiens, quel que soit le produit choisi 9. La vitamine C (0,2 g ou plus) peut avoir un effet très modéré sur la durée des symptômes, mais insuffisant pour recommander son utilisation prophylactique en routine lors des coryzas 10. Les médica-ments à base de zinc n’ont pas démontré leur efficacité contre placebo 11.

Dans la sinusite chronique, bien que l’infection fongique soit incriminée, l’impact d’un traite-ment fongique systématique ou préventif n’est pas démontré 12. Les corticoïdes locaux par voie nasale réduisent les symptômes naso-sinu-siens des sinusites chroniques sans polypes 13.

■ Le cas des algies faciales sans sinusite

Les algies faciales sans sinusite sont des douleurs évoquant un déséquilibre trigéminé-vasculaire. Elles se distinguent des céphalées neurologiques comme la migraine ou l’algie vasculaire de la face associant douleur périor-bitaire intense, larmes, rhinorrhée et syn-drome de Claude Bernard Horner survenant de manière périodique, le plus souvent chez l’homme. Les céphalées récurrentes, altérant la vie quotidienne et celles spontanément résolutives associées à des symptômes rhi-nologiques sont probablement des migraines. Si les symptômes rhinologiques sont pré-pondérants et associés à des maux de tête, leur expertise sur le plan rhinologique élimine une pathologie ORL sous-jacente (endoscopie nasale, importance du TDM). Les céphalées avec fi èvre et écoulement nasal purulent sont probablement d’origine rhinologique 14.En dehors d’un contexte infectieux, les dou-leurs décrites après chirurgie naso-sinusienne (quelques fois violentes après ethmoïdectomie et faisant parfois craindre une brèche dur-mérienne) sont liées à des lésions nerveuses périphériques du sinus maxillaire opéré. Elles sont de type « neuro-vasculaire », secondaires

Critères de diagnosticCritères de diagnostic d’une affection naso-sinusienne selon l’American Academy of Otolaryngology Head and Neck Surgery

Critères rhinosinusite International Headache Society

Critères majeurs Critères mineurs

Pus dans les fosses nasales

Céphalées posturalesA : Céphalée frontale et une ou plus localisation faciale, oreilles, dents + critères C ou D

Douleur faciale à la pression, plénitude, congestion nasale

Halitoses, cacosmieB : Examen clinique, endoscopique, imagerie ou biologique en faveur d’une infection aiguë ou chronique rhinosinusienne

Obstruction nasale, Rhinorrhée purulente

Fatigue, asthénieC : Céphalée et douleur faciale apparues en même temps que le début de la sinusite aiguë

Fièvre si sinusite aiguë seulement

Douleur dentaire/Otalgie

D : Céphalée et/ou douleur faciale améliorée en moins de 7 jours après traitement effi cace sur la sinusite aiguë ou chronique

Hyposmie, anosmie TouxE : Signes cliniques évidents : pus dans la cavité nasale, obstruction nasale, hyposmie, anosmie et/ou fi èvre.

Au total, lors d’une sinusite aiguë les traitements propo-sés pour traiter les symptômes naso-sinusiens et réduire la douleur sont les soins locaux (lavage de nez eau salée, corticoïdes locaux), les antalgiques (paracétamol, anti-inflammatoires stéroïdiens). L’antibiothérapie n’est proposée que devant une surinfection.

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Dossier

à la lésion du nerf infra-orbitaire ou de ses branches et associent des troubles vasomo-teurs et sécrétoires : rhinorrhée, larmoiement, rougeur et œdème cutané… Le traitement associe antidépresseurs, anti-épileptiques, voire des blocs anesthésiques locaux 3. Les céphalées du « vacum sinus » de Sluder sont liées à l’obstruction mécanique aseptique du canal naso-frontal, responsable d’une dépression

douloureuse du sinus frontal avec un œdème secondaire de la muqueuse. Ces douleurs orbito-frontales sont exacerbées lors de l’accommoda-tion visuelle rapprochée. L’imagerie doit éliminer une sinusite chronique éthmoïdo-frontale 3.Les céphalées « nasales » sont des douleurs rap-portées à un contact muqueux entre les cornets et le septum, une déviation septale ou un éperon endonasal, une concha bullosa, sans sinusite

systématisée. Ces anomalies déclencheraient la sécrétion locale de neuropeptides algogènes – d’où les céphalées 14 – mais ont pu être rappor-tées en dehors de tout contexte algique1. L’appli-cation sous contrôle endoscopique d’un mélange anesthésique local ou de capsaicine sur la zone de confl it muqueux doit réduire les douleurs avant de proposer une chirurgie correctrice 15. Ce concept de céphalées nasales est controversé 16.

Le traitement proposé va comporter des anti-biotiques dans 70 à 80 % des cas alors qu’ils ne sont indiqués que dans les infections à streptocoques. Une plus large utilisation du test de diagnostic rapide antigénique devrait permettre d’identifi er les patients susceptibles d’en bénéfi cier 18.Les plaintes au cours des infections pharyn-gées sont la douleur, les troubles de déglutition, et l’odynophagie. L’origine amygdalienne est fréquente mais non exclusive 19.

■ origine amygdalienne

La douleur est fréquente dans les atteintes de l’amygdale, d’origine infectieuse ou tumorale. Elle est aggravée par la déglutition et s’asso-cie à une otalgie homolatérale d’irradiation. La dysphagie accompagne très souvent la douleur. Elle est à distinguer du « globus pharyngeus » ressenti comme une sensation de blocage pha-ryngé vis-à-vis de la salive, moins souvent pour les aliments et en rapport avec un spasme du muscle crico-pharyngien secondaire à un refl ux gastro-œsophagien, un diverticule, ou surtout le stress 20.L’odynophagie est une diffi culté de déglutition en rapport avec la douleur, elle est fréquente au cours de l’amygdalite, et particulièrement intense en cas de carcinomes. D’autres signes peuvent alors s’associer comme le trismus, une déviation à la protraction linguale, une dyspnée laryngée trachéale, une paralysie des nerfs crâ-niens (X, XII, IX), des adénopathies cervicales traduisant l’évolution carcinomateuse.Les atteintes infectieuses aiguës de l’amyg-dale, appelées aussi pharyngite aiguë ou angine sont des infl ammations de l’amygdale palatine (tonsille). Les angines non spécifi ques

sont d’origine virale dans les deux tiers des cas (adénovirus, rhinovirus, virus infl uenza, para-infl uenza, virus respiratoire syncytial, herpès…). Les étiologies bactériennes ne représentent qu’un tiers des cas et sont dues le plus souvent aux streptocoques du groupe A (20 à 30 % des angines en milieu scolaire), mais aussi haemophilus infl uenzae ou myco-plasma pneumoniae. Certains tableaux sont plus sévères mais plus rares comme l’angine de Vincent (agents anaérobies) ou au décours d’une scarlatine, tularémie ou diphtérie 3 ou lors de pathologie maligne (lymphome non hodgki-nien) ou par infection VIH. Les angines peuvent se compliquer d’abcès péri-tonsillaires ou parapharyngés, suppuration unilatérale développée autour de la capsule amygdalienne œdématiée et refoulée avec un voile bombé et de nombreuses adénopathies. Elle est accompagnée de fi èvre, de douleur intense, de trismus, de déglutition diffi cile. Le streptocoque bêta hémolytique du groupe A est souvent en cause. Chez l’enfant, l’abcès rétro-pharyngé est secondaire à une infection du tractus respiratoire supérieur. Le drainage chirurgical des collections péri-pharyngées confi rme le diagnostic, permet les prélève-ments bactériologiques et par sa fonction éva-cuatrice soulage rapidement les symptômes. Elle est associée à l’antibiothérapie et aux antalgiques, les anti-infl ammatoires pouvant favoriser la survenue d’abcès péripharingés. Les pharyngites chroniques ou amygdalites chroniques sont d’étiologies diverses et pas toujours caractérisées. Elles peuvent être associées à des altérations de la muqueuse pharyngée comme l’hyperplasie amygda-lienne (rétention cryptique de débris épithéliaux surinfectés : caséum…), à des mycoses, une

pharyngite sèche du syndrome de Gougerot ou secondaire aux traitements psychotropes, voire un carcinome muqueux. Les algies pharyngées isolées sans altération muqueuse peuvent être en rapport avec un « globus pharyngeus », c’est un diagnostic d’élimination de toutes les autres pathologies, en particulier carcinologique.Les traitements proposés au cours des pharyn-gites aiguës ont fait l’objet de plusieurs études et analyses dans la littérature.

■ Les traitementsUne méta-analyse récente à propos de la dou-leur pharyngée montre que l’ibuprofène et le paracétamol sont plus effi caces que le pla-cebo. Sur trois essais randomisés chez l’adulte (N = 346) et deux en pédiatrie (N = 347) 400 mg ibuprofène 3 fois/jour (10 mg/kg chez l’enfant) sont plus effi caces que le paracétamol (dose 1 g 3 fois/jour ou 15 mg/kg chez l’enfant) 21. Les antibiotiques sont effi caces sur la douleur de pharyngite à 3 jours/placebo mais avec des résultats plus modestes à 7 jours et surtout dans le groupe pharyngite à streptocoques 22. En population pédiatrique, le scoring clinique avec test antigénique est plus bénéfi que (rap-port coût/effi cacité) que le traitement antibio-tique d’emblée 23.

Les douleurs pharyngées

À partir de différentes méta-analyses pour le traitement de la pharyngite aiguë en soins primaires, il est recommandé : l’ibuprofène et/ou le paracé-tamol en première intention, les médicaments à usage local (gargarismes avec eau salée, pastilles à sucer contenant des anesthésiques locaux), l’alimen-tation et les boissons douces, tièdes voire froides ou même glacées. Les antibiotiques pour les pharyngites streptococ-ciques sont prescrits si l’infec-tion est confi rmée par un test antigène streptococcique 28.

Les douleurs pharyngées aiguës sont un motif de consultation fréquent en soins primaires. Elles sont le plus souvent d’origine virale mais les infections bactériennes liées aux streptocoques B-hémolytiques représentent 15 à 30 % des cas chez l’enfant et 5 à 15 % des cas chez l’adulte 17.

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L’effi cacité de la corticothérapie est plus miti-gée dans les populations adulte et enfant où ils ont toujours été administrés conjointement avec les antibiotiques 24. Ils diminuent préco-cement la douleur avec un résultat modeste à 24 heures (diminution de seulement 0,9 point sur l’EVA) et une meilleure réponse dans le groupe pharyngite à streptocoques, et avec des effets indésirables identiques 25. Leur utilisation systématique en soins primaires est discutée et pourrait être réservée aux angines graves (trismus, phlegmon) 26.

Les pastilles à sucer ayant des propriétés anal-gésiques (amylmetacresol, dichlorobenzyl alco-hol) sont effi caces sur la douleur pharyngée, et les diffi cultés de déglutition 27 de même que les pastilles avec lidocaine 28. En revanche, l’usage des plantes médicinales chinoises et la supplé-mentation en zinc n’apportent aucun bénéfi ce sur la douleur pharyngée 29.Le traitement de choix de l’amygdalite chronique reste l’amygdalectomie chirurgicale en réduisant les risques de pharyngite chronique diffuse.

Les otalgies

■ Priorité à la prise en charge de la douleur

Le traitement de la douleur doit être une priorité dans la prise en charge de l’otite de l’enfant. Les dernières recommandations de l’Association Américaine de Pédiatrie 30 sont claires : après avoir fait le diagnostic d’otite moyenne aiguë (OMA), et avant de discuter une antibiothérapie éventuelle, il faut en premier lieu soulager l’en-fant : « Recommandation 2 : la prise en charge de l’OMA doit comprendre une évaluation de la douleur. Si la douleur est présente, le praticien doit prescrire un traitement antalgique ». C’est la seule recommandation, de ce consensus, classée comme « strong » (avec un niveau de preuve important).Le diagnostic d’otite moyenne aiguë repose indispensablement sur un examen otosco-pique. Les signes otoscopiques sont l’infl am-mation (congestion ou hypervascularisation tympanique) associée à un épanchement rétro-tympanique, extériorisé (otorrhée) ou non exté-riorisé (opacité, effacement des reliefs normaux ou bombement) 31.

La prise en charge de la douleur et son évalua-tion sont indispensables. La douleur est mieux prise en charge quand elle est évaluée initiale-ment et quand le traitement est régulièrement réévalué 32. Les outils d’évaluation sont adap-tés à l’âge de l’enfant. Simples d’utilisation, ils peuvent être remis aux parents afi n de leur permettre de réévaluer eux-mêmes la douleur et d’adapter le traitement antalgique.

■ Les traitements

Le traitement de la douleur de l’otite moyenne aiguë est essentiel, surtout dans les premières 24 heures, avant de discuter le traitement antibiotique 30.En première intention, on propose un antalgique de palier 1 de type paracétamol à dose effi cace et sous une forme adaptée à l’enfant : paracétamol : 15 mg/kg toutes les 6 heures . La forme orale est à privilégier si elle est possible. Les différentes formes disponibles sont : paracétamol sirop (1 dose par kilogramme toutes les 6 heures), les suppositoires ou comprimés (pour l’enfant plus grand). En deuxième intention, si la douleur persiste malgré le paracétamol, il est possible d’associer un antalgique de palier 2 à base de codéine très effi cace sur les otalgies de type Codenfan ®. La posologie du Codenfan est de 0,5 mg/kg toutes les six heures. Il est alors plutôt conseillé d’alterner les prises de paracétamol et de codéine, ce qui permet une meilleure couver-ture de la douleur sur la journée avec la pos-sibilité d’administrer ainsi un antalgique toutes les trois heures.

Les recommandations de l’ANAES32 préconisent :- pour une EVA < 5/10 : la prescription d’un antalgique de palier 1 pendant 48 heures et, si échec, la codéine ;- pour une EVA > 5/10 : les antalgiques de palier 1 associés d’emblée à la codéine.L’utilisation d’anti-infl ammatoires non stéroïdiens est à éviter autant que possible et n’est pas ano-dine. Elle n’est pas recommandée par l’AFSSAPS : « Dans cette pathologie, l’utilité des anti infl am-matoires non stéroïdiens à doses anti-infl amma-toires et des corticoïdes n’est pas démontrée » 31. « Dans le traitement symptomatique des OMA, une des rares études évaluant l’effi cacité de l’ibuprofène versus le paracétamol concluait à une équivalence entre les deux traitements 34. Les effets indésirables de l’ibuprofène chez l’enfant sont plus fréquents que ceux du paracétamol » 35.

Les indications d’antibiothérapie varient avec l’âge. Chez l’enfant de moins de deux ans, l’antibiothérapie est recommandée d’emblée. Après deux ans, l’antibiothérapie n’est pas systématiquement recommandée, sauf en cas de symptomatologie bruyante (fi èvre élevée, otalgie intense). Le choix de l’abstention doit s’accompagner d’une réévaluation de l’enfant à 48-72 heures sous traitement symptoma-tique 31. Le traitement antipyrétique est assuré par le paracétamol.

Le recours à la paracentèse peut être recommandé dans certains cas après, bien entendu, l’avis d’un spécialiste ORL. L’effi ca-cité des anesthésiques locaux n’est pas démontrée dans l’OMA et ils n’ont qu’un effet de courte durée. Aucune étude n’a démontré l’effi cacité des traitements homéopathiques.

Il a été montré que la plupart des enfants souffrant d’une otite ont une douleur intense, le plus souvent sous-estimée et insuf-fi samment traitée ; l’utilisation d’échelles d’évaluation est pos-sible à domicile pour adapter le traitement par les parents.33

Il faut également prendre en compte la suppression des foyers infectieux dentaires et sinusiens, le traitement d’un refl ux gastro-œsophagien docu-menté, d’un dysmétabolisme, d’un terrain anxio-dépressif et cancérophobe. La crénothé-rapie (cures thermales) face à une pharyngite chronique atro-phique ou congestive rebelle peut également être proposée.

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Les otalgies sont d’origines diverses en lien direct avec une pathologie d’oreille (externe, moyenne ou interne) ou projetées à l’oreille. Les otalgies sont réper-toriées sur le schéma (page 5). Celles en lien avec l’otite moyenne aiguë sont particulièrement fréquentes chez l’enfant et seront seules détaillées. Les otal-gies en lien avec le cancer ont fait l’objet de plusieurs publications.

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Dossier

OREILLE MOYENNE • Otalgies +++• Otite moyenne aiguë

TYMPAN• Myringite bulleuse/Perforation

• Otite barométrique : Otalgie ++ Surdité

• Tumeur oreille

OREILLE EXTERNE• Otite externe• Furoncle • Nécrosante • Mycose

PAVILLON DE L’OREILLE• Othématome • Zona du ganglion

géniculé • Carcinome

spinocellulaire

OTALGIE PROJETÉE À PARTIR DU PHARYNGO-LARYNX• Infection (angine, pharyngite, phlegmon) • Tumeur pharyngo-larynx• Otalgie projetée à partir d’un désordre temporo-mandibulaire

OTALGIE D’ORIGINE NÉVRALGIQUE• Nerf glossopharyngien (névralgie essentielle, cancer ORL +++)• Nerf intermédiaire de Wrisberg (zona du ganglion géniculé)

OREILLEEXTERNE

PAVILLON

OREILLEMOYENNETYMPAN

OREILLEINTERNE

Otalgies

En conclusionLes douleurs ORL sont fréquentes, diverses, et peuvent répondre aux antalgiques de niveau 1 et 2, voire à des stratégies antibiotiques et anti-infl ammatoires bien codifi ées. Elles sont à distinguer des douleurs faciales neurologiques comme la migraine, également très fréquente, qui répond à des traitements spécifi ques. Elles nécessitent un examen adapté pour éliminer toutes les complications possibles (méningées) et, surtout, l’étiologie carcinologique. L’essentiel est de bien comprendre que le traitement de la douleur ne doit s’envisager que dans le cadre d’un diagnostic étiologique.

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La douLeur, des recommandations à La pratique • n°14 • JanVier 2013Dossier

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du temps bilatérales et souvent douloureuses. Elles sont généralement évoquées en courbant la tête en avant. D’autres douleurs paroxystiques sont aussi rencontrées dans la SEP, telles que des crises toniques consistant en des spasmes mus-culaires intervenant dans les segments spinaux mis en jeu par les lésions de démyélinisation. Ils sont évoqués par des touchers légers ou des mouvements, et interviennent au cours de l’exa-cerbation des symptômes spinaux médullaires.Toutes les douleurs de la SEP ne sont pas neuro-pathiques centrales. Des patients présentant des paresthésies, de la spasticité et des mouvements désordonnés vont souvent développer des douleurs nociceptives musculo-squelettiques (14 à 20 % des patients)1.

■ Une base clinique pour une prise en charge optimale de la douleur

Il est important d’analyser avec soin toutes les caractéristiques des différentes douleurs res-senties dans la SEP pour permettre d’élaborer une base clinique pour une prise en charge optimale de la douleur. Parfois, la douleur dans la SEP augmente avec l’âge. De nombreux cli-niciens ont remarqué que les patients atteints de SEP présentant des douleurs centrales non paroxystiques ont également une sensibilité somatique perturbée. Les anomalies rapportées portent surtout sur la sensibilité et la douleur au chaud (très peu de patients ont une sensibilité au chaud et à la douleur au chaud) alors que plus d’un tiers présentent un seuil normal au toucher. En fonction du type de douleurs chroniques rap-portées, les signes cliniques de la SEP sont traités différemment. Le baclofène par voie intrathécale est utilisé pour réduire la spasticité, mais son effet possible sur la douleur centrale n’est pas avéré. Les antidépresseurs (amitriptyline et imipramine) sont aussi utilisés avec un certain succès pour le traitement de la douleur chronique de la SEP, de même que les analgésiques opiacés, le tramadol et les Inhibiteurs de Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline (IRSN). Les anti-épileptiques constituent le traitement de choix des névralgies trigéminales et des autres douleurs paroxystiques de la SEP : le carbamazépine est utilisé comme traitement en première ligne, mais d’autres anti-

Bernard Calvino - Professeur de Physiologie - ESPCI

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique démyélinisante du sys-tème nerveux central qui, chez de nombreux patients, est à l’origine de handicaps importants et de douleurs sévères. L’origine de la maladie est de nature neuro-infl ammatoire et se traduit par une destruction de la gaine de myéline et, parfois, des axones et des corps cellulaires de neurones du système nerveux central.

• La lésion caractéristique de la maladie est la présence de plaques qui sont des zones de démyélinisation. De telles plaques peuvent apparaître n’importe où dans le système ner-veux central et dans les nerfs optiques, mais sont plus fréquemment rencontrées dans la moelle épinière, particulièrement dans les colonnes dorsales, le tronc cérébral et dans le cerveau antérieur autour du ventricule. Les deux formes cliniques majeures sont, d’une part, la progression lente et continue et, d’autre part, les formes faisant alterner rémissions-rechutes. Les douleurs associées aux plaques de démyélinisa-tion dans la moelle épinière peuvent prendre la forme de syndromes radiculaires analogues aux douleurs de compression des racines, objecti-vées par une analyse en Imagerie par Réson-nance Magnétique (IRM) qui est un examen très sensible pour la détection des plaques de démyélinisation dans la moelle épinière.• Parmi les signes cliniques les plus fréquents affectant la plupart des patients atteints de SEP, 42 à 65 % d’entre eux décrivent une douleur chronique. Parmi les types de douleurs chroniques rapportées, on décrit des douleurs neuropathiques centrales causées par la maladie elle-même : ce sont les plus communes dans la SEP, chez 17 à 52 % des patients, parmi lesquelles des douleurs non paroxystiques des extrémités couramment appelées paresthésies*, beaucoup plus fréquentes dans les membres inférieurs (87 %) que dans les membresupérieurs (31 %), ou le tronc (33 %), la plupart du temps bilatérales (76 %) plutôt qu’unilatérales (24 %) ; on rencontre également des douleurs du dos, des spasmes musculaires et des migraines1. Des douleurs paroxystiques sont également fréquentes (4 à 6 % des patients)1. Des névralgies trigéminales (1,6 à 4,9 % des patients)1 sont généralement rappor-tées comme provenant de lésions périphériques, mais dans la SEP ce type de douleurs trouve son origine dans une démyélinisation du tronc cérébral et, de ce fait, elles sont classées comme douleur centrale dans ce contexte clinique.Le signe de Lhermitte est un symptôme clas-sique de la SEP : il consiste en des paresthésies se propageant rapidement, parfois sous forme de décharges électriques, dans le bas du dos et irradiant dans les extrémités. Elles sont la plupart

épileptiques (la gabapentine) sont aussi effi caces.Des modèles animaux (rats, souris, cobayes, singes) ont été développés pour étudier la physio-pathologie de la SEP, y compris dans le domaine de l’étude de la douleur. Le principe utilisé est de favo-riser le développement d’une Encéphalite Expéri-mentale Auto-immune (EEA) par une immunisation directe contre des antigènes sélectifs par injection sous-cutanée, en particulier de la Protéine Basique de la Myéline (MBP). Mais ces modèles ne mettent en évidence qu’un seul épisode pathologique de dysfonctionnement neurologique avec une rémis-sion presque totale. Des modèles plus performants (rats, souris, cobayes) utilisent en plus de la MBP des injections sous-cutanées de Cyclosporine A, ce qui génère un syndrome chronique à plusieurs épisodes alternant rémission et rechute de l’EEA (beaucoup plus proches de la clinique et donc plus pertinents) mais qui fi nissent également par une rémission, contrairement à la SEP. La grande simili-tude entre les symptômes douloureux décrits dans ces modèles animaux (EEA) et les signes cliniques de la SEP permet toutefois de les considérer avec une grande valeur prédictive2. Dans ces modèles, des signes cliniques de douleurs neuropathiques ont été décrits survenant avant tout signe clinique neurologique ; c’est une observation rencontrée dans la SEP, où la douleur est souvent le premier signe clinique de la maladie, ou est un signe cli-nique majeur lors de la survenue de la maladie. La principale différence porte sur le fait que dans la SEP les plaques de démyélinisation conduisant à l’apparition de douleurs neuropathiques centrales sont exclusivement localisées dans le système nerveux central, alors que dans les modèles ani-maux EEA, des lésions dues à une combinaison de mécanismes centraux et périphériques ont été observées dans des nerfs périphériques.

* Paresthésies : augmentation de la sensibilité avec engourdissements, picotements, fourmil-lements, brûlures.

Douleurs et sclérose en plaques

Focus

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liog

rap

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• Le prix Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur/Ins-titut UPSA de la Douleur pour 2012 a été remis à Madame Émilie olie pour son projet de recherche inti-tulé « Bases neurales de la douleur sociale et mécanismes de régula-tion : étude au sein d’une cohorte de patientes borderline ».

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