N° 62 - Janvier 2011

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> ENERGIE Quoi de neuf en micropiles à combustible ? EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES > ENVIRONNEMENT Les vasières littorales charentaises > LABO EN DIRECT La symbiose : de la molécule à l’écosystème MICROSCOOP LE JOURNAL DU NUMÉRO 62 JANVIER 2011 CNRS > HISTOIRE HANSI ou la construction d’une identité alsacienne francophile

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> ENERGIEQuoi de neuf en micropilesà combustible ?

EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES

> ENVIRONNEMENTLes vasières littorales charentaises

> LABO EN DIRECTLa symbiose :

de la molécule àl’écosystème

MICROSCOOPLE JOURNAL DU

NUMÉRO62

JANVIER2011

CNRS

> HISTOIREHANSI ou la constructiond’une identité alsaciennefrancophile

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Ce premier numéro de Microscoopde 2011 vous invite à découvrirquelques-unes des multiples acti-vités de recherche menées par leslaboratoires de la délégationCentre Poitou-Charentes.

Des vasières littorales charentaisesà Hansi en passant par les maté-

riaux et l’énergie, les thèmes développés sont variés etillustrent le caractère pluridisciplinaire de la recherchedans nos régions du Centre et de Poitou-Charentes.

Je voudrais cependant m’arrêter sur la Chimie. Commevous le savez, après la Biodiversité en 2010, l’UNESCOa décidé de consacrer 2011 année internationale de lachimie. Présente dans notre quotidien pratiquementpartout, cette science de la transformation de la matièreest incontournable pour relever les défis de demain.

Au CNRS, 183 laboratoires relèvent directement del’Institut de Chimie. Dans la circonscription, huit labora-toires dont deux unités propres CNRS et six en partena-riat avec les universités consacrent leurs recherches auxdifférentes facettes de cette discipline.

De nombreuses actions seront entreprises dans le cadrede cette année internationale qui amèneront les cher-cheurs à dialoguer et à vous présenter ces recherchesprimordiales pour notre cadre de vie de demain, tant pourl’énergie, l’environnement, la ressource en eau ou la santé.

Je vous invite sans plus attendre à consulter le site webde la délégation Centre Poitou-Charentes pour retrouverl’agenda de ces différentes manifestations.En attendant, je vous souhaite une très bonne lecture.

Patrice SOULLIEDélégué régional

2/ ÉDITORIAL

édito

agenda

MicroscoopNuméro 62

janvier 2011

CNRS DélégationCentre Poitou-Charentes

3E, Avenuede la Recherche scientifique

45071 ORLÉANS CEDEX 2Tél. : 02 38 25 52 01Fax : 02 38 69 70 31www.centre-poitou-

charentes.cnrs.frE-mail :

[email protected]

Directeur de la publicationPatrice Soullie

Rédacteur de la publicationEric Darrouzet

Secrétaire de la publicationFlorence Royer

Ont participé à ce numéroNicolas Alonso-Vante,

Alexandre Barnett,Patrick Bois,

Edina Bozoky,Sandrine Brochard,

Betty Charles,Armelle Combaud,

Christine Dupuy,Julien Durinck,

Aldo Gago-Rodriguez,Julien Godet,

Régis Guegan,Johann Lavaud,

Laurent Pizzagalli,Nathalie Pothier,

Catherine Souty Grosset,Vincent Thellière,Solange Vernois.

Création graphiquewww.enola-creation.fr

ImprimeurImprimerie Nouvelle

ISSN 1247-844X

expositionAARRGGIILLEESS,, HHIISSTTOOIIRREE DD’’AAVVEENNIIRRDepuis des millénaires, les argiles ont accompagnéle quotidien dans l’habitat, l’outillage, l’art, lasanté, l’hygiène…. Les études scientifiques etl’innovation technologique ont permis detransformer les usages traditionnels en produits deplus en plus techniques, présents dans nospapiers, peintures, nos tableaux de bord devoiture, remplissant des fonctions de plus en plusexigeantes…. Cette manifestation est réalisée parl’Espace Mendès-France avec les partenariatsscientifiques du laboratoire HydrASA(CNRS/Université de Poitiers), le Centre devalorisation des collections de l’université dePoitiers et l’ONISEP de Poitou-Charentes.Du 12 janvier au 25 septembre à Poitiers

Pour en savoir plus : www.maison-des-sciences.org

manifestationLLAA SSEEMMAAIINNEE DDUU CCEERRVVEEAAUU Elle est organisée chaque année, simultanément,dans tous les pays d’Europe. Une série demanifestations est mise en place pour présenter àtous les publics les dernières avancées de larecherche sur le cerveauDu 14 au 20 mars 2011

Pour en savoir plus : www.semaineducerveau.fr/2011

à noterPPOORRTTEESS OOUUVVEERRTTEESS DDEESS UUNNIIVVEERRSSIITTÉÉSS

12 février, Université François-Rabelais de Tours,Université d’Orléans, IUT de Tours et d’Orléans12 mars, Centres universitaires de Bourges, de Chartres et de l’Indre12 mars, Université de La Rochelle19 mars, Université et IUT de Poitiers

Photo de couvertureLes œufs de cloportes se développent dans unepoche marsupiale sous le ventre de la mère. Sur cesjeunes embryons en début de développement, ledébut de segmentation est visible (les animauxadultes possèdent 7 paires de pattes).

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SOMMAIRE /3MicroscoopNuméro 62 – janvier 2011

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Labo en directLa symbiose : de la molécule à l’écosystème

BiologieDu rythme cardiaque à la thérapie cellulaire

EnvironnementLes Organo-clays : l’avenir du stockage de déchets ?

Les vasières littorales charentaises : du photosystèmeà l’écosystème

EnergieQuoi de neuf en micropiles à combustible ?

MatériauxLa déformation plastique des matériaux en mode virtuel

HistoireHANSI ou la construction d’une identité alsacienne francophile

Le miracle au Moyen Âge

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Associé au CNRS depuis les années1970, le laboratoire est reconnumondialement pour ses travaux sur l’as-sociation entre les bactéries et lescloportes, crustacé terrestre modèle faci-lement manipulable par rapport auxcrustacés aquatiques. Historiquement,les thématiques du laboratoire ontévolué au cours du temps : les cher-cheurs, plutôt des systématiciens dansles années 50, se sont vite intéressés àdes problèmes de reproduction et d’éco-physiologie de la reproduction. Unequestion génétique s’est vite posée enparticulier par l’existence d’un rapportdes sexes biaisé en faveur des femellesdans la descendance des cloportes.Celui-ci ne correspondait pas à l’équi-libre attendu, c’est-à-dire à un déter-

minisme du sexe via des chromosomessexuels. L’arrivée de la microscopieélectronique a ensuite permis d’endécouvrir la cause: une alpha protéo-bactérie ! Celle-ci présente dans lescellules des cloportes modifiait leur sexeet engendrait un plus grand nombre defemelles dans les populations. Avecl’avènement de la biologie moléculairedans les années 90, cette bactérie apu être assimilée au genre Wolbachia,une bactérie symbiotique probablementla plus répandue sur terre : 30 % desinsectes actuels pourraient hébergercette bactérie. Chez les crustacés, 60 %des espèces seraient infectées.Les activités actuelles du laboratoireconcernent « les interactions durables »,avec comme modèle principal Wolba-

chia / Crustacés terrestres. Le thèmefédérateur étant la symbiose entre cesdeux organismes vivants. Dans ce cadre,les chercheurs ont une approche inté-grée, de la molécule à l’écosystème; lesuns ayant une approche « écosysté-mique » alors que d’autres travaillentsur les molécules ou les interactionscellulaires.Les travaux sur la symbiose ont bénéfi-cié ces dernières années de la fantas-tique évolution des technologies deséquençage en génomique. Si durantles années 90, les études suggéraientque le symbiote (Wolbachia) pilotait ledéterminisme du sexe de l’hôte(cloporte) (résultat démontré avec desétudes de génétique traditionnelle, c’est-à-dire par des croisements) actuel-

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> Labo en direct

Armadillidium vulgare dansson milieu de vie. Les mâlessont généralement plusfoncés que les femelles.

LLaa ssyymmbbiioossee ::de la molécule à l’écosystèmeA Poitiers, les associations hôtes-parasites sont au cœur des activités de recherche du Laboratoire Ecologie,Evolution, Symbiose (LEES UMR CNRS/Université de Poitiers 6556). Les chercheurs s’intéressent aux interactionssymbiotiques entre des crustacés terrestres et des bactéries du genre Wolbachia qui ont la capacité de transformerleur hôte mâle en femelle.

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lement, les chercheurs travaillent avecdes techniques de génétique molécu-laire, comme du séquençage haut débitdu génome pour étudier plus finementles interactions entre les deux orga-nismes.

Une grande équipeLe LEES n’est pas constitué de groupesau sens habituel d’équipes. Le person-nel se répartit selon deux grands axes:

le premier concerne les interactionssymbiotiques. Les chercheurs s’inté-ressent aux mécanismes moléculaireset cellulaires. Ils travaillent sur l’aspectfonctionnel de la symbiose.le second comprend des chercheursqui travaillent plutôt au niveau despopulations et des écosystèmes.

Un lien étroit relie les deux groupes descientifiques, car toute modification dela symbiose entraîne forcément desrépercussions au niveau populationnel.Le fait que les cloportes produisent plusde femelles a aussi des conséquencessur la structuration des écosystèmes. Eneffet, les cloportes sont des animaux dela faune du sol qui jouent un rôle clédans le recyclage des matières orga-niques. Dès lors que ces populations dedétritivores sont modifiées, le fonction-nement de l’écosystème l’est aussi.Le laboratoire comprend 14 chercheursCNRS et enseignants chercheurs et huittechniciens (ITA CNRS et IATOSS). Lestechniciens travaillent sur un plateau

technique au service des chercheurs :ils ne travaillent pas spécifiquementavec tel ou tel scientifique mais plutôtsur des projets de recherche. Des réu-nions techniques régulières permettentaux membres du laboratoire d’échan-ger, d’aborder les difficultés diverseset variées rencontrées (planning detravail, appareils en panne…) et auxchercheurs de présenter leurs demandesde soutien technique. Ces réunionspermettent ainsi de hiérarchiser les prio-rités et de planifier les missions destechniciens sur certaines périodes pourrépondre aux demandes de chacun. Ily a également mutualisation de certainstravaux: par exemple les méthodes debase comme les analyses d’ADN.

Plus de 150 espèces de cloportesen élevageUn outil important propre à un grandnombre de laboratoires de biologie estl’élevage du modèle animal. Les clo-portes, modèle historique du laboratoire,sont de bons modèles pour les étudesdes relations symbiotiques. Certainesespèces de cloportes ne se reproduisentqu’une fois par an. Ce rythme de repro-duction est un frein aux études de géné-tique. Il est crucial pour le laboratoired’avoir un élevage fonctionnel et durabledans le temps pour ses études. Certai-nes lignées au LEES datent d’ailleursdes débuts de la structure et ont permisde démontrer le pilotage du sexe del’hôte par le symbiote. Elles sont doncnon seulement très anciennes maissurtout extrêmement précieuses. Leurdisparition entraînerait la perte de 40ans de croisements. Dans les lignéesconservées au LEES, on peut trouverdifférentes espèces, différentes popu-lations issues du monde entier, maisaussi des lignées génétiquement contrô-lées dont le pedigree est connu etmaîtrisé. Certaines vivent en symbioseavec Wolbachia alors que d’autres non.D’autres ont été manipulées, par intro-duction artificielle d’un symbiote. Desfemelles sont ainsi produites grâce à laprésence du symbiote, tout en possé-dant un matériel génétique mâle.Le laboratoire a ainsi plus de 150 es-

pèces en élevage : des espèces euro-péennes, d’Amérique du Nord, du Sud,d’Asie et d’Afrique du Nord. Le mondeentier est représenté, chaque espècecomprenant en outre plusieurs popula-tions. Ce fond documentaire d’animauxest enrichi en permanence. Par conven-tion ou collaboration, chaque missionà l’étranger est l’opportunité pour leschercheurs du laboratoire de collecterde nouveaux échantillons qui alimen-teront l’élevage.Les élevages sont répartis dans unequinzaine de salles.sur un étage completdu bâtiment.

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Le modèle biologique est facilement manipulable : onpeut ainsi injecter des Wolbachia directement dans lacavité générale des cloportes pour créer une nouvelleassociation.

Tylos Europeus

Salle d’élevage contrôlé.Chaque boite contient ladescendance d’unefemelle croisée avec unmâle. Les individus sontidentifiés par unmatricule permettantainsi de suivre desgénéalogies, dontcertaines datent deplusieurs dizainesd’années.

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Différentes études sur la symbioseActuellement, les études du LEES sefont, entre autres, grâce à des pro-grammes de recherche financés parl’Agence Nationale de la Recherche etl’European Research Council. L’un deces programmes consiste à analyser lasymbiose dans différents modèles (crus-tacés terrestres, insectes, bactéries).Certains modèles symbiotiques sontmutualistes (chaque partenaire en retireun profit), d’autres sont plutôt « conflic-tuels » (l’hôte développe une réactionimmunitaire) et d’autres sont vecteursde pathogènes pour l’homme (dengue,etc.). Le but de ce projet est de compa-rer différents systèmes symbiotiqueset d’essayer de mettre en évidence desmécanismes communs. Les chercheurss’intéressent particulièrement aux méca-nismes de l’immunité. L’objectif finalest de pouvoir proposer, via l’associa-tion symbiotique, des moyens de lutterespectueux de l’environnement contreles espèces ravageuses ou vectrices demaladies.Un deuxième projet se concentre sur unaspect plus évolutif. Les chercheurs sepenchent tout particulièrement sur l’évo-lution des interactions entre hôtes etsymbiotes. Par exemple, via des trans-ferts horizontaux artificiels de Wolba-

chia d’un hôte naturel vers un hôte dif-férent, les scientifiques analysent lesconséquences phénotypiques (la répar-tition et l’effet de Wolbachia dans lespopulations d’hôtes), les pressions desélection sur les symbiotes à la suitede ces passages et les effets de leurprésence sur l’hôte. Chez les hôtes, l’ex-pression des gènes liés à l’immunité sontétudiés suite à des infections. L’étudedes relations symbiotiques ou des rela-tions hôtes / pathogènes apportent desdonnées nouvelles sur le rapport trans-mission / virulence.Un autre aspect concerne la génomiqueévolutive. L’étude consiste à éluciderl’influence de la symbiose sur le déter-minisme du sexe chez l’hôte. Les cher-cheurs ont par exemple montré queWolbachia pouvait transférer tout ou unepartie de son génome dans le cloporte.Ce matériel génétique y perdure ensuite,même si les symbiotes ne sont pasconservés. Grâce à des techniques deséquençage haut débit, les chercheursvont rechercher ces inserts provenantdes symbiotes dans le génome descloportes. Ils supposent que de part leurlocalisation sur les chromosomes del’hôte, ils peuvent induire un chan-gement de sexe. Beaucoup d’études en

biologie évolutive concernent l’origineet le rôle du sexe au cours de l’évolu-tion. Le modèle d’association entre unebactérie et un cloporte est d’actualitécar les résultats des études au LEESpermettraient d’apporter des élémentssur l’origine symbiotique du sexe.D’autres études se font à un autreniveau, celui des écosystèmes. Des cher-cheurs du laboratoire s’intéressent àl’impact des changements globaux surla biodiversité. Généralement les ca-rabes sont utilisés comme bio-indica-teurs des agro-systèmes; grâce à l’ex-pertise du laboratoire sur les cloportesces modèles animaux révèlent doréna-vant leur intérêt. Des collaborations sonten cours avec une association d’agri-culteurs sur un programme de dévelop-pement de grandes cultures de céréaleset protéagineux économes en ressourcesnaturelles. Les premiers résultats ontmontré un important impact sur la biodi-versité des arthropodes du sol (en parti-culier des cloportes) avec des change-ments de pratiques culturales (plusécologiques avec moins d’intrants).Des crustacés aquatiques sont aussisous la lorgnette des chercheurs : lesécrevisses sont utilisées comme bio-indi-cateurs dans les écosystèmes aqua-

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> Labo en direct

Armadillidium vulgare femelle(à gauche) et mâle (à droite).

Les œufs de cloportes se développent dans une poche marsupiale sous le ventre de la mère. Sur ces jeunesembryons en début de développement, le début de segmentation est visible (les animaux adultes possèdent7 paires de pattes).

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tiques. Les changements de pratiquesculturales qui modifient le paysage, lescompositions des sols et également lesrejets dans les cours d’eau sont ainsiétudiés à l’aide de ces deux types debio-indicateurs terrestres et aquatiques.

Des échanges européensLe laboratoire fait partie d’un COST(programme européen de dévelop-pement et de collaboration) regroupantenviron 70 équipes de recherches répar-ties sur 17 pays. Son objectif est d’ap-porter une expertise dans le domaine dela lutte contre les ravageurs et lesvecteurs à l’aide des associationssymbiotiques. Les modèles Wolbachiaet insectes sont majoritaires dans lessujets de recherches des équipes. Ceprogramme ne subventionne pas derecherches, mais finance des réunionsthématiques annuelles, la mobilitéd’étudiants et des écoles thématiques.En plus des échanges d’idées et derésultats, ce programme COST a donnélieu à de nombreuses collaborationsentre laboratoires.

Un master européenLe LEES est coordinateur d’un masterErasmus Mundus européen (European

Master in Applied Ecology) en collabo-ration avec 8 universités: Kiel en Alle-magne, Coimbra au Portugal, Norwichen Angleterre, Athens aux États-Unis,Porto Alegre au Brésil, Adelaide enAustralie, Otago en Nouvelle-Zélande etQuito en Équateur. La plupart des ensei-gnants chercheurs ayant créé cetteformation ont au préalable développédes collaborations scientifiques. Ilstravaillent sur la faune d’arthropodes dusol et sur la symbiose. Cette formations’est donc faite en partant de la re-cherche et y revient puisque un certainnombre d’étudiants des masters 2 réa-lisent leur stage de recherche dans leslaboratoires travaillant sur la symbiose.Cette formation accueille annuellement27 étudiants, soit environ 10 % descandidats. Le premier trimestre de lapremière année se passe à Poitiers. Lorsdu second semestre, les étudiants seséparent en groupes et vont suivre descours dispensés dans les 4 universitésfondatrices (Poitiers, Kiel, Coimbra etNorwich). Leur mobilité est prise encharge par le programme Erasmus. Laformation à Poitiers est plus axée sur ladynamique des populations et desmilieux terrestres ; l’Université deNorwich est plutôt spécialisée sur les

changements globaux ; la formation àKiel s’intéresse en particulier aux envi-ronnements côtiers (donc les zoneshumides); et enfin celle de Coimbra estplus axée sur l’éco-toxicologie. Lesétudiants choisissent ensuite l’une des9 universités partenaires pour faire leurseconde année de master.

Eric DARROUZETCatherine SOUTY-GROSSET

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Détection de Wolbachia en Hybridation in situ Fluorescente (FISH) chez Armadillidiumvulgare (Wolbachia : rouge (FISH) ; noyaux : bleu (coloration au DAPI) ; actine : vert(colloration à la phalloïdine FITC)).Dans les animaux infectés, les Wolbachia colonisent les ovocytes afin d’assurer leurtransmission à la descendance (images a et b), ainsi que plus d’un tiers deshémocytes (image c), cellules qui sont pourtant responsables de la réponseimmunitaire. Elles infectent jusqu’aux organes hématopoïetiques (image d) quiproduisent les hémocytes.

Le changement de pratique agricole (prairie versus culture de maïs) est suivi pour en mesurer les impactssur la diversité de la macrofaune du sol.

a

b

c d

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> Biologie

La genèse du rythme cardiaque« Donc le cœur est mû par quelquecause inconnue, qui ne dépend ni ducerveau, ni des artères et qui est cachéedans la fabrique même du cœur ». Ceconcept établi par Von Haller en 1766a été un facteur décisif à la découvertede la propriété d’autorythmicitécardiaque. Ce n’est que bien plus tard,en 1907, que Keith et Flack ont montré

que le centre générateur d’impulsionsse situait dans les tissus du nœud sino-atrial (NSA) cardiaque. Cette région estlocalisée, dans l’oreillette droite, à lajonction du crista terminalis auriculaireet du tissu veineux. Le développementdes techniques de dissociation de cellu-les cardiaques viables couplées auxtechniques d’électrophysiologie cellu-laire a permis de montrer que l’activité

rythmique des cellules « pacemaker »est la conséquence d’un effet coopéra-tif de plusieurs canaux ioniques, dontle courant entrant activé en hyperpola-risation Ih, originellement nommé If (f= « funny », pour son allure tout à faitoriginale lors de sa première descrip-tion). Ce canal, notamment caractériséà l’IPBC, joue un rôle prépondérant dansl’autorythmicité cardiaque; il est consi-déré comme étant à l’origine de lagenèse et de la régulation de l’activitéélectrique spontanée des cellules duNSA. Ce courant ionique associé à desprotéines transmembranaires spéci-fiques est donc un élément déterminantde notre pacemaker interne.

Le courant de « pacemaker »Le courant f des cellules nodales estun courant entrant transporté par lesions sodium. Le canal responsable ducourant f appartient à la famille descanaux activés par l’hyperpolarisationet sensibles aux nucléotides cycliquesintracellulaires. Ces canaux sont codéspar les gènes HCN (pour « Hyperpola-rization-activated Cyclic Nucleotide-gated channels ») dont quatre isoformes(HCN1 à 4) ont été clonées. Dans le

DDuu rryytthhmmee ccaarrddiiaaqquueeà la thérapie cellulaire Après avoir contribué à la caractérisation de la cible moléculaire responsablede l’autorythmicité cardiaque, l’Institut de Physiologie et Biologie Cellulairesde Poitiers (UMR 6187 CNRS/Université de Poitiers) a expertisé une nouvellemolécule capable de réduire significativement la fréquence cardiaque, tout enayant des effets bénéfiques dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Cemédicament est le fruit de 15 années de recherche appliquée à partir deconnaissances fondamentales acquises dans le cadre de la rechercheacadémique.

Représentation schématique de la zone musculaire du nœud sino-auriculaire. A gauche, configuration des potentiels d’actionenregistrés de la périphérie au centre du sinus où sont initiés les premiers influx (étoile). Au centre, illustration du type cellulaire leplus fréquemment observé dans chacun des sites. AD, auricule droit ; CT, crista terminalis ; SIA, septum inter-auriculaire ; VCI, veinecave inférieure ; VCS, veine cave supérieure. A droite : exemples de cellules de pacemakers primaires et secondaires. (Echelle: 10 μm)

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cœur, l’isoforme HCN4 est la formeprépondérante. Dans les conditionsphysiologiques, le courant de pacema-ker des cellules du NSA est la cible privi-légiée des neurotransmetteurs dusystème nerveux autonome, la noradré-naline et l’acétylcholine. Par l’activationrespective de récepteurs (ß1- et ß2-adré-nergiques et M2-muscariniques), cesmédiateurs modifient le taux d’unnucléotide cyclique intracellulaire(AMPc), en l’augmentant et le dimi-nuant, respectivement. L’AMPc moduledirectement et instantanément l’acti-vité des canaux-f. Ainsi le rythmecardiaque est soumis à un contrôle extrê-mement précis dont l’élément centralest le courant f. On comprend par consé-quent que le contrôle pharmacologiquede ce courant ait généré un engouementconsidérable.

Les canaux–f cibles d’un nouveaumédicamentDepuis une quinzaine d’années, l’IPBC,en relation avec un laboratoire phar-maceutique, a identifié les effets d’unenouvelle molécule, l’ivabradine, ayantpour cible le canal de pacemaker. Cettemolécule, maintenant devenue un médi-cament, bloque le courant f et ainsiralentit le rythme cardiaque sans induired’action sur la contraction cardiaqueni sur la vitesse de conduction intra-cardiaque. Cet effet présente un inté-rêt thérapeutique majeur puisque,comme l’a montrée très récemment uneétude clinique, ce médicament réduitde 24 % le risque de décès et d’hospi-

talisation pour les patients souffrantd’insuffisance cardiaque chronique.

Le pacemaker biologique : une application de la thérapiecellulaireLa caractérisation du courant f a permisnon seulement de mettre sur le marchéune nouvelle molécule et de voir naîtreune nouvelle famille d’agents anti-aryth-miques, mais aussi de développer denouveaux concepts plus fondamentaux.La parfaite connaissance des acteurscellulaires et moléculaires impliquésdans l’activité automatique des cellulesexcitables permet en effet d’envisagerleur utilisation thérapeutique dans descas de troubles du rythme d’origine sinu-sal. L’objectif poursuivi est de pallier lesinsuffisances d’un nœud sinusal (pace-maker naturel) malade par un pacema-ker biologique. Les pacemakers biolo-giques pourraient apporter de nombreuxavantages par rapport aux pacemakersde synthèse, et notamment une aptitudefondamentale à adapter le rythmecardiaque aux besoins de l’organisme,c’est-à-dire conservant une modulationpar le système nerveux autonome. Lesavancées dans ce domaine sont fondéessur des techniques de transfert de gèneset des techniques d’injection de cellulesspontanément automatiques ou généti-quement modifiées. Par exemple l’uti-lisation de cellules humaines mésen-chymateuses génétiquement modifiéesexprimant des canaux HCN a permisd’obtenir un courant dépolarisant dias-tolique après formation d’un syncytium(*)

fonctionnel de ces cellules avec lescellules natives dans le tissu cardiaque.Néanmoins, les problèmes encore inhé-rents à la thérapie cellulaire (réponseimmunitaire, néoplasie, migration cellu-laire…) restent à résoudre avant depouvoir appliquer en toute sécurité cettetechnologie à des fins cliniques.

Le courant de pacemaker, codé par lesgènes de la famille HCN, est considérécomme une cible privilégiée non seu-lement pour moduler le rythme lorsd’une insuffisance cardiaque mais aussipour l’élaboration d’un pacemaker biolo-gique. Compte tenu de la distributionubiquitaire des canaux de pacemaker,il est concevable d’appliquer ce conceptde « pacemaker biologique » sur toutesles préparations douées d’autorythmi-cité. Des études dans ce sens sont envi-sagées sur l’intestin et sur certaineszones cérébrales à activités électriquesoscillatoires. Les perspectives en termesd’applications sont considérables etconduisent l’IPBC à persévérer dans larecherche des mécanismes intimes defonctionnement et de contrôle descanaux de pacemaker.

Contact :Patrick [email protected]

(*) réseau de cellules

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Représentation schématique de l’organisation dans la membrane de deux sous unités d’un canal depacemaker (type f). Le site de fixation de l’AMPc (CNBD : « cyclic nucleotide binding domain ») est situédans la partie carboxy-terminale.

Propriétés pharmacologiquesde l’ivabradine. En haut :l’ivabradine diminue lafréquence de l’activitéspontanée enregistrée sur unecellule isolée à partir du NSA.La molécule chargée bloque lecourant ionique via les canauxpacemaker du côtéintracellulaire.

Ivabradine

IVABRADINE

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> Environnement

La récente mise en place du tri sélectifet du traitement associé des déchetsdans l’agglomération orléanaise cons-titue une certaine avancée sur le deve-nir des ordures ménagères. Ainsi, denombreux matériaux sont recyclés etvalorisés une nouvelle fois dans lasociété de consommation. Cependant,les efforts entrepris pour recycler n’éclip-sent pas la forte proportion des déchets,de l’ordre de 40 %, vouée, suivant leurtoxicité, au stockage et à l’enfouis-sement dans des sites prévus à cet effet.La structure de ces sites d’enfouis-sement technique, dont les premièresinstallations datent des années 50, doitrépondre à des normes de sécurité trèsstrictes afin d’éviter toute dispersion despolluants contenus dans les orduresménagères. Le stockage de déchets dedifférentes nature et origine pendantplusieurs années provoque diverses réac-tions physico-chimiques dont lesproduits chimiques résultant sonttoxiques. Des analyses sur certains sitesmontrent des teneurs en forte propor-tion en éléments traces métalliques et

en polluants de différentes natureschimiques.La pérennité du système de confinementpendant plusieurs dizaines d’années estassurée par une double barrière de sécu-rité. Une active, incluant des matériauxgéosynthétiques en vue d’obtenir uncomplexe étanche-drainant. La seconde,passive, constitue la garantie sur le longterme de l’installation de stockage, etest composée traditionnellement par unmatériau fortement présent sous unegrande variété de forme, les minérauxargileux et plus spécifiquement lesmontmorillonites.

Les propriétés remarquables de l’argile et ses limitesL’argile est un minéral qui provientessentiellement de la décomposition dufeldspath, élément majeur de la croûteterrestre, par divers processus d’altéra-tion chimique (eau de pluie) et mécano-

physique (action du vent et conditionsmétéorologiques extrêmes). Les argilessont définies et distinguées des autreséléments du sol par la taille des parti-cules inférieures à 0,2 μm. Les miné-raux argileux du fait de leurs propriétés,de leur faible coefficient de perméabi-lité et de leur faible coût constituent lematériau le plus communément utilisécomme barrière passive dans lescentres d’enfouissement technique desdéchets ménagers. En effet, les miné-raux argileux comme la montmorilloniteprésentent des capacités d’échangecationique (composés possédant unecharge positive), des propriétés degonflement et d’hydratation, ainsiqu’une grande surface spécifique quileur confèrent de fortes propriétés d’ad-sorption.La structure d’une argile de type mont-morillonite est caractérisée par l’empi-lement de feuillets constitués de deux

LLeess OOrrggaannoo--ccllaayyss ::l’avenir du stockage de déchets ?Dans les sites de stockage des déchets, des argiles modifiées chimiquement peuvent interagir et capturer descomposés organiques non-ioniques difficilement retenus par les barrières argileuses usuelles utilisées. Elles sont d’ungrand intérêt environnemental et industriel.

Structure d’un site d’enfouissement technique. Les déchetsreposent sur deux couches géochimiques, dont l’une est del’argile compactée.

Vue d’un site d’enfouissement technique des déchets.

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couches de silice (sous forme de Si4O10)bordant une couche d’aluminium(Al4(OH)12) ou de magnésium(Mg6(OH)12). La différence de chargeentre l’aluminium et le magnésiumimplique un déficit de charge quiconduit à une surface des feuillets char-gée négativement. Ce déficit de chargeest contrebalancé par l’intercalation decations compensateurs (Na+, Ca2

+, K+…)qui sont aisément substituables, permet-tant ainsi des échanges cationiques. Cesargiles sont a fortiori un très bon maté-riau pour la sorption d’éléments tracesmétalliques. De plus, la surface desfeuillets, due à la présence de groupe-ments silanols, est principalementhydrophile (affinité avec l’eau) et permetl’adsorption de nombreux polluants orga-niques (polaires et ioniques) contenusdans les déchets d’ordures ménagères;mais elle s’avère inapte pour l’adsorp-tion de composés organiques non-ioniques tels que le benzène, leméthane… Cette incapacité d’adsorp-tion de contaminants organiques non-ioniques peut mener à des problèmesécologiques dans les centres d’enfouis-sement technique des déchets ména-gers, où les barrières passives argileu-ses sont totalement perméables à cespolluants.

Les complexes organo-argileux ou « organo-clays »Plusieurs solutions ont été proposéespour remédier et améliorer la rétentionde ces polluants organiques non-

ioniques dans les barrières géochi-miques. Une solution est de modifierla nature chimique de la surface desargiles en la rendant hydrophobe. Descations organiques (ammoniums quater-naires) sont intercalés dans l’espaceinterfoliaire par échange ionique demanière irréversible, rendant ainsi l’ar-gile hydrophobe (affinité avec lesgraisses). Cependant, l’irréversibilité dela synthèse empêche toute substitutionionique ultérieure, les rendant per-méables aux éléments traces métal-liques dans ce cas. Une issue possibleest d’alterner des couches d’argiles trai-tées et brutes pour constituer des barriè-res géochimiques répondant aux diverspolluants métalliques et organiques.

Double capacité de rétention des organo-claysL’Institut des Sciences de la Terre d’Or-léans (ISTO, UMR 6613 CNRS/Univer-sité d’Orléans) contribue à développerde nouveaux matériaux lamellaires et àmieux comprendre les interactions entreles argiles et divers polluants. La récentesynthèse d’un organo-clay via l’intro-duction dans sa structure d’un surfac-tant non-ionique permet d’entrevoir uneautre alternative concernant la problé-matique des barrières géochimiques.L’étude de cet organo-clay par un jeu detechniques complémentaires (diffusiondes rayons X aux petits angles sur rayon-nement synchrotron SOLEIL, spectros-copie infrarouge, isothermes d’adsorp-tion, résonance magnétique nucléaire –fruit d’une collaboration avec le labo-ratoire Conditions Extrêmes et Maté-riaux: Haute Température et Irradiation- CEMHTI - UPR CNRS à Orléans) apermis de montrer aussi bien sa stabi-lité thermique que chimique, le chan-gement de la nature chimique de l’ar-gile d’hydrophile à hydrophobe et lapréservation des charges permettantl’échange ultérieur de cations.L’organo-clay synthétisé peut retenir despolluants organiques neutres, commele benzène qui n’interagit aucunementavec l’argile. Les composés ioniques

sont de même adsorbés par échangecationique mais en moindre proportion(50 % de moins) qu’une montmorillo-nite conventionnelle. Ainsi, l’organo-claymontre une double capacité de réten-tion et d’échange avec des composésioniques ou neutres, ce qui est de grandeimportance pour la fabrication denouveaux composites ou la réalisationde nouvelles barrières géochimiquespour la rétention à la fois d’élémentstraces métalliques et de polluants nonpolaires hydrophobes, présents en quan-tité non négligeable dans les sites d’en-fouissement technique des déchets.

ContactRégis [email protected]

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Organo-clays synthétisés via l’intercalation desurfactants cationiques.

Organo-clay synthétisé par un surfactant en phase lamellaire dontl’épaisseur de la bicouche vaut 28 Å et d’une montmorillonite échangéepar des ions Na+. L’organo-clay obtenu conserve ses cationscompensateurs dans l’espace interfoliaire et montre le confinement d’unebicouche de surfactant rendant l’argile hydrophobe, nature chimiqueadéquate pour l’adsorption de composés organiques neutres.

Structure lamellaire d’une argile comme celle utiliséedans les barrières géochimiques passives.

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> Environnement

Les propriétés biologiques etéconomiques des vasières charentaisesLe littoral est caractérisé par la sérietypique d’écosystèmes – marais /estuaire / vasière intertidale(1) / baie semi-fermée / plateau continental – chacund’entre eux constituant un patchworkd’habitats. Bien qu’elles ne représententqu’une faible fraction de la surface desocéans (8,5 %), les régions côtières sontd’une importance capitale pour troisraisons principales:

une très forte biodiversité allant desbactéries et microalgues unicellulairesaux macroconsommateurs secondairescomplexes (poissons, oiseaux,mammifères marins, hommes),une forte productivité biologique quiest parmi l’une des plus fortes sur laplanète; jusqu’à 30 % du total annuel,ce qui correspond à la productivité desforêts tropicales,un rôle majeur dans les cycles biogéo-chimiques de plusieurs composantsessentiels à la vie (comme le carbone,l’azote et le phosphore) car ils serventde « nutriments » aux organismes.

Au cours des deux dernières décennies,il a été établi que les vasières littoralesintertidales jouent un rôle essentiel dansla productivité des zones côtières. Lesraisons en sont leur situation centraledans le continuum littoral et leur capa-cité à enrichir les écosystèmes adja-cents. Les ressources biologiquesuniques des vasières sont largementexploitées par les activités humaines.Les Pertuis Charentais, qu’étudie à

La Rochelle le Laboratoire LIttoral,Environnement et SociétéS, (LIENSs -UMR 6250 CNRS/Université deLa Rochelle), sont le premier site deproduction de moules en France (Baiede l’Aiguillon), un des premiers sitesde production d’huîtres en Europe (Baiede Marennes-Oléron). Ils constituent unsite majeur pour la reproduction pisci-cole qui soutient les pêcheries localeset celles du Golfe de Gascogne. Ces acti-

LLeess vvaassiièèrreess lliittttoorraalleess cchhaarreennttaaiisseess :: du photosystème à l’écosystèmeLa zone littorale est un méta-écosystème « physico-chimico-biologique » complexe où les influences terrestres etmarines convergent en une mosaïque d’écosystèmes qui sont fortement structurés et interconnectés au traversd’échanges d’énergie et de matières organique et minérale.

Ensemble géographique des PertuisCharentais illustrant la série typiqueMarais / Estuaire / Baie / Plateaucontinental. L’accent est mis sur laplace des vasières intertidales dans cecontinuum et sur la localisation desBaies de l’Aiguillon et de Marennes-Oléron, écosystèmes modèles pourLIENSs-La Rochelle. (’est.’ : estuaire).

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vités sont essentielles au maintien dutourisme régional, la région deLa Rochelle étant un des pôles d’at-traction du littoral atlantique.

La production primaire des vasièreslittorales intertidalesLe compartiment microbien des vasièresassure l’entrée dans la chaîne alimen-taire littorale des énergies chimique(nutriments) et physique (lumière) etleur conversion en énergie biologiquesous forme de matière organique carbo-née consommable. La forte productivitédes vasières est due à l’assemblage demicroalgues (ou microphytobenthos(2))et de procaryotes(3) (bactéries et archées)qui possèdent des propriétés biologiquesuniques. Pendant l’émersion, le micro-phytobenthos forme un biofilm denseà la surface de la vase dont l’activitéphotosynthétique(4) peut localementépuiser le pool de nutriments. Les proca-ryotes sont capables de rétablir ce poolen recyclant les nutriments par miné-ralisation de la matière organique morte(déchets, cadavres, etc.). De cettemanière, les procaryotes soutiennentla production photosynthétique, dite« primaire » car à la base de la chaînealimentaire, du microphytobenthos. Enéchange ce dernier excrète des facteursde croissance bactérienne (comme l’ino-sitol) et des substances sucrées ouexopolysaccharides (EPS) sur lesquelsse nourrissent les procaryotes. Cetteproduction primaire est ingérée sur placepar les consommateurs des vasières soit

lors de l’émersion, comme par exem-ple par les hydrobies (mollusques), soitlors de l’immersion comme par exem-ple par les mulets (poissons).Elle est aussi exportée vers les écosys-tèmes adjacents par des voiestrophiques(5) (consommateurs mobilescomme les poissons et les oiseaux,transport aquatique des organismes,etc.) et hydrodynamiques (courants demarée, vagues, etc.). Une de ces voiesprincipales est la remise en suspensiondu biofilm microbien dans la colonned’eau lors de la marée montante. Ainsi,le biofilm microbien joue un rôle centraldans le fonctionnement du réseautrophique littoral dans son ensemble:vasières intertidales et écosystèmesterrestres et marins voisins. Mieuxcomprendre la régulation de la produc-tivité biologique du biofilm microbiendes vasières est un des enjeux centraux

du LIENSs. Ce travail permettra à termede proposer une gestion rationnelle etdurable des zones côtières.Bien que la productivité primaire desvasières est de mieux en mieux quanti-fiée, le fonctionnement du biofilmmicrobien, et en particulier du micro-phytobenthos, reste en grande partieune « boîte noire ». En effet, le biofilmest souvent considéré comme une entitésimple plutôt qu’un mélange complexede différentes communautés/popula-tions possédant des fonctionnalitésbiologiques variées qui répondent spéci-fiquement aux contraintes environne-mentales. De plus, et parce que lesvasières sont localisées entre influencesterrestres et marines, l’activité du micro-phytobenthos est contrôlée par desforçages physiques et chimiques trèsvariables. En particulier, il n’existe pasde description claire de la régulation fine

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Vasière de la Baie de l’Aiguillon au printemps (prise de vue à 180°)

De la vasière à la cellule de diatomée en passant par le biofilm : A- Vasière de la Baie de l’Aiguillon auprintemps, B- Le biofilm microbien, les tâches brunes correspondent au microphytobenthos, C- Lemicrophytobenthos vue par microscopie, chaque cellule correspond à une diatomée, D- Une cellule dediatomée (Navicula gregaria), les deux tâches brunes correspondent aux organelles pigmentées, leschloroplastes, où a lieu la photosynthèse, la couleur brune provient de pigments caroténoïdes.

© J. Serodio

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de la productivité du microphytobenthoset de ses dynamiques en fonction desinfluences abiotiques (lumière, nutri-ments, température, etc.) et biotiques(activité bactérienne, broutage desconsommateurs, etc.).

L’étude de la productivitéphotosynthétique du microphytobenthosSous nos latitudes, le microphytoben-thos est largement dominé par les diato-mées, un groupe de microalgues brunes.Dans les sédiments vaseux des PertuisCharentais, le microphytobenthos estquasi-exclusivement constitué de diato-mées mobiles (« épipéliques »), uneparticularité biologique unique parmiles végétaux. Habituellement, l’abon-dance des diatomées épipéliques estsaisonnière et bien que leur diversitésoit importante, il est courant que seu-lement deux à trois espèces dominent,ces espèces pouvant changer d’unesaison à l’autre. Les diatomées épipé-liques migrent verticalement dans lavase en fonction du cycle tidal : ellesmigrent en surface lors de l’émersionpour profiter de la lumière et migrent enprofondeur lors de l’immersion et ainside suite au gré des marées. Ainsi, les

diatomées doivent gérer des fluctuationspermanentes de la lumière, avec deschangements sévères lumière/obscurité(qui correspondent aux événementsémersion / immersion et jour / nuit)auxquels s’ajoutent les fluctuationssaisonnières et journalières (mouve-ments des nuages, etc.). L’activité photo-synthétique des diatomées est doncfortement contrainte par un tel climatlumineux. Les diatomées ont développédes stratégies d’adaptation à la lumière.Elles sont de deux sortes:

comportementale: les cellules migrent

au sein du sédiment pour réguler leurenvironnement lumineux, par , ellesfuient les intensités trop fortes à lasurface de la vase l’été,physiologique : des processus intra-cellulaires rapides dits « photopro-tecteurs » permettent à l’appareilphotosynthétique de réguler rapi-dement la collecte et l’utilisation del’énergie lumineuse.

Ces mécanismes impliquent entre autresdes pigments (caroténoïdes), égalementprésent dans la rétine humaine parexemple. Chez les diatomées épipé-

Prélèvements dans une vasière

Démarche scientifique de l’étude de la production primaire des vasières littorales charentaises. Cettefigure illustre la complémentarité des approches aux différents niveaux d’intégration : « du photosystèmeà l’écosystème ».

© LIENSS

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> Environnement

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liques, la photoacclimatation est rendueunique par l’équilibre entre migrationet mécanismes de photoprotection.L’étude de ces processus requiert desapproches complémentaires, allant dela physiologie microalgale à l’écologielittorale, à différents niveaux d’intégra-tion: de l’appareil photosynthétique àla vasière, autrement dit « du photo-système à l’écosystème ». Cette ap-proche unique a récemment permisplusieurs avancées significatives grâceà des collaborations avec des labora-toires européens (allemands, portugais,anglais et italiens):

un travail couplant la génétique et laphysiologie fine qui a permis pour lapremière fois la production de mutantsphotosynthétiques de diatomées; uneavancée majeure pour mieuxcomprendre la régulation de la photo-synthèse de ces importants produc-teurs primaires;un travail centré sur l’écophysiologiedu microphytobenthos avec pour lapremière fois l’utilisation d’inhibiteursspécifiques de la migration et de laphotoprotection sur du biofilm prélevéin situ; une autre avancée importantepour mieux comprendre la relation

entre ces deux aspects de la régula-tion de la productivité photosynthé-tique du microphytobenthos;un travail sur le rôle et l’importancede la photoprotection physiologiquedans l’écophysiologie et l’écologie desmicroalgues et plus particulièrementdes diatomées;un travail ciblant les dernières avan-cées technologiques et méthodolo-giques pour la mesure et l’évaluationde la production primaire et de sarégulation in situ.

Contacts :Johann [email protected] [email protected] [email protected]

GLOSSAIRE

(1) Intertidal : soumis au balancement desmarées, ou cycle tidal, qui est unenchaînement de périodes d’émersion etd’immersion d’environ 6 heures chacune.

(2) Microphytobenthos : organismesmicroscopiques (’micro’) végétaux (’phyto’)communément appelés ’microalgues’ quivivent sur ou dans un substrat (’benthos’),des sédiments sablo-vaseux dans le cas desvasières.

(3) Procaryotes : organismes unicellulairescommunément appelé ’microbes’ ou’bactéries’ présentant une organisationcellulaire simple dépourvue d’organelles(pas de ’vrai’ noyau par exemple), aucontraire des eucaryotes (comme les planteset les animaux).

(4) Photosynthèse : processus biologique quipermet de transformer l’énergie lumineuseen énergie chimique utilisée pour fixer lecarbone de l’air (CO2) et/ou de l’eau(carbonates, HCO3

-) et former de la matièreorganique consommable.

(5) Trophique : se dit des voies (ou réseaux) parlesquelles circulent l’énergie et la matièreau sein d’un écosystème ; communémentappelées ’chaînes alimentaires’. Un réseautrophique est l’ensemble des voiestrophiques interconnectées au sein d’unécosystème ou entre plusieurs écosystèmes.

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Mise en échantillons sur le terrain

© LIENSS

L’aéroglisseur est le seul moyen de déplacement sur les vasières.

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© LIENSS

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> Energie

La société actuelle a des besoins grandissant en énergies pour toutes les nouvelles technologies mobiles utilisées auquotidien. Les ordinateurs, les téléphones portables consomment de plus en plus d’énergie afin de s’adapter au mieuxaux besoins. Pour améliorer les performances, les échanges d’informations, les sources d’énergie doivent pouvoirs’adapter. Est-ce que les batteries Lithium-ion pourront relever ce défi ou est-ce qu’il existe une autre solution ?

La réponse est oui. La solution est lamicropile à combustible à méthanoldirect ou μDMFC (direct-methanolmicro-fuel cell). La DMFC est une sous-catégorie de piles à combustible àmembrane échangeuse de protons danslaquelle le combustible, le méthanol(CH3OH) est fourni directement sansnécessité d’être reformé. Le méthanolest oxydé à l’anode de la pile afin deformer du dioxyde de carbone. En mêmetemps le dioxygène est réduit à lacathode afin de former de l’eau. Cesréactions électrochimiques ont lieu àla surface des matériaux catalytiquesnanostructurés: platine/ruthénium (Pt-Ru) à l’anode et platine (Pt) à la cathode.Ils sont déposés sur du carbone et surchaque côté d’une membrane polymé-rique qui sert d’électrolyte. Les réac-tions électrochimiques produisent un

courant électrique qui peut être utilisépour alimenter des appareils portables.Néanmoins pour cette application parti-culière il faut utiliser des technologiesde la micro-électronique pour fabriquertoutes les pièces qui interviennent dansune μDMFC.Outre différentes entreprises indus-trielles privées, plusieurs équipes derecherche s’intéressent aussi à cetteproblématique, notamment le Labora-toire de Catalyse en Chimie Organique(LACCO – CNRS/Université de Poitiers),lequel développe de nouveaux cataly-seurs pour la cathode des μDMFCs. Enutilisant des techniques peu sophisti-quées, les chercheurs y synthétisent desnanomatériaux catalytiques pour lesélectrodes de ces piles.Toutefois, des problèmes persistent dansles μDMFCs. L’entrecroisement decombustible de l’anode à la cathode,le management d’eau produite à la

cathode et les faibles performances, sontloin d’être totalement résolus. Alors unealternative prometteuse aux batteriesLithium-ion serait la pile à combustiblemicrofluidique.

L’essor des piles à combustiblemicrofluidiquesLa pile à combustible microfluidique ouà écoulement laminaire (LFFC, laminar-flow fuel cell) est une sorte de pile àcombustible récente. Elle a été déve-loppée en 2004 aux États-Unis.Le fonctionnement de la pile microflui-dique repose sur le principe physiquede la microfluidique des écoulementslaminaires. Des écoulements laminairessont des fluides dont les composants sedéplacent parallèlement les uns parrapport aux autres. Ainsi les composantsne se mélangent pas. La nature del’écoulement dépend du nombre deReynolds, qui caractérise le rapportentre les forces d’inertie et les forces deviscosité. Un nombre de Reynolds demoins de 2000 entraîne un écoulementlaminaire où les lignes de courant sontbien dessinées. Ainsi, les fluides s’écou-lant à travers des canaux de dimensionsmicrométriques se comportent diffé-remment des fluides macrométriques,comme ceux dans les systèmes de plom-berie ou les ouragans. En bref, au niveaumicrométrique, il n’existe pas de turbu-lences. Le comportement laminaire desfluides peut être utilisé pour remplacerla membrane physique des μDMFCs.Les composants ou réactifs sont lecombustible et le comburant et ils sontrassemblés sous forme de liquide dansle flux d’un microcanal. Les protons sediffusent à travers l’interface liquide.Le comburant (dioxygène) est dissous

QQuuooii ddee nneeuuff eenn mmiiccrrooppiilleess àà ccoommbbuussttiibbllee ??

Des piles à combustible microfluidiques avec de l’oxygène dissous dansl’électrolyte (photo à gauche) ou utilisant l’oxygène de l’air (schéma à droite).L’entrecroisement du combustible est montré en couleur jaune.

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dans un électrolyte. Le combustible etle comburant passent à travers un micro-canal en forme de Y, dont les catalyseursà base de Pt-Ru et Pt sont déposés surgraphite de chaque côté du canal pourélaborer l’anode et la cathode. Il estégalement possible de se servir de l’oxy-gène de l’air en utilisant une cathode“auto-transpirante”. D’une manièresimilaire, le Pt-Ru oxyde le méthanolet le Pt réduit le comburant. Cependant,les LFFC utilisent la propriété micro-fluidique des réactifs pour éviter unebarrière physique (la membrane poly-mérique) entre les deux électrodes.Alors, on obtient une pile à combustiblesans membrane.Ce type de pile offre plusieurs avantagessur la base de piles à combustible àmembrane polymérique comme lesystème DMFC. Cela signifie égalementque les piles à combustible sansmembrane sont compatibles avec qua-siment tous les combustibles liquides.Hormis le méthanol d’autres combus-

tibles peuvent être utilisés, commel’acide formique, le borohydrure desodium ou le glucose. Mais dans cescas-là, il faudra remplacer le catalyseurà base de Pt-Ru par le plus appropriépour l’oxydation du combustible (parexemple, du palladium pour oxyderl’acide formique)Bien qu’on n’ait pas de membranecomme barrière physique entre l’anodeet la cathode, il existe encore leproblème de l’entrecroisement decombustible pour ce type de piles.

Des catalyseurs plus sélectifs : LFFC vs. MRFCEn augmentant la longueur du canal eten réduisant sa largeur, les effets de l’en-trecroisement de combustible empirent.C’est un effet négatif, de sorte qu’unemembrane séparatrice est nécessaire.La diminution de performance de la pileen dépend d’autant plus quand laconcentration augmente.Par exemple, avec une concentration de

10 M d’acide formique, la performanceest réduite de 23 % par rapport à 5 Md’acide. Ceci est dû au manque de sélec-tivité du catalyseur. Le cas le plusextrême a lieu dans un système MRFC(mixed-reactant fuel cell) lorsque 100 %d’entrecroisement de combustible estatteint, la performance baisse quasi-ment de 80 %! Pour ce système il fautun catalyseur plus sélectif que le platine.Un exemple est le « cluster » RuxSey

(sélénium)Une étude comparative de sélectivitéentre des nanoparticules de platine (Pt)et Sélénure de ruthénium (RuxSey) dansun système LFFC et MRFC contenantde l’acide formique (5M) a été réaliséeau LACCO qui a observé une chute de35 % dans la performance de la pileen mode MRFC, avec le platine alorsqu’avec le sélénium la performance restequasi identique.Cette sélectivité du catalyseur peutaugmenter en jouant avec la nature dusubstrat de nanoparticules. En effet, laphoto-déposition de nanoparticules deplatine sur des nanoparticules d’oxydede titane (TiO2) rend ce dernier plus actifet sélectif. Le laboratoire a aussi réussià déposer des nanoparticules de sélé-nium sur de l’oxyde de titane et actuel-lement ses propriétés électrocatalytiquessont en cours d’étude.

Contacts :Aldo [email protected] [email protected]

Nanoparticules supportées sur un oxyde : sélénure de ruthénium (RuxSey) nanostructuré supporté surnanoparticules de dioxyde de titane. Ces derniers sont supportés sur carbone Vulcan XC-72. Des espècesorganiques s’adsorbent sur la surface des catalyseurs.

Les catalyseurstolérants et sélectifs :Dans une pile MRFC leRuxSey montre uneperformancecomparable au platine,une conséquencedirecte de la hautetolérancedu chalcogenure.

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> Matériaux

Un matériau soumis à une contraintemécanique se déforme généralement defaçon élastique jusqu’à un certain point.Au-delà, la déformation devient plas-tique; le matériau ne revient pas dansson état initial si on relâche la contrainte.La détermination de ce seuil ainsi quedes changements irréversibles induitsdans le stade plastique est primordialepour la compréhension et l’améliorationde la tenue mécanique des matériauxde structure. Pour un matériau cristal-lin massif, le stade plastique débutegénéralement avec l’activation des dislo-cations, des défauts singuliers très effi-caces pour relaxer les contraintes subies.On peut observer divers mécanismes,tels que la formation et la mise enmouvement des dislocations, puis leurinteraction entre elles et avec la micros-tructure du matériau. La déformationplastique est par essence multi-échelle,car le comportement macroscopique dumatériau va fortement dépendre despropriétés collectives des dislocations àl’échelle mésoscopique*, mais égale-ment de leurs caractéristiques indivi-duelles à l’échelle nanométrique. Pour

mieux comprendre la déformation plas-tique des matériaux, il est donc néces-saire de déterminer les mécanismesélémentaires gouvernant la formation etla mobilité d’une dislocation unique.Cependant obtenir ces informations àpartir d’expériences est une tâche trèsdifficile et le fait que les dislocationsapparaissent rarement isolées constitueun obstacle supplémentaire.

Principe et domaine d’utilisation dessimulations atomistiquesIl est possible de remédier partiellementà ce problème par l’utilisation de simu-lations atomistiques. Ce type de calculsnumériques connaît un formidable essordepuis une quinzaine d’années environ,grâce à l’augmentation régulière de lapuissance de calcul et au dévelop-pement de codes libres. Le principe enest relativement simple : on simule lecomportement de la matière en fonc-tion de conditions thermodynamiquesdonnées (température, pression, etc.)en calculant les déplacements dechaque atome au cours du temps. Cecisuppose la description des interactions

inter-atomiques, laquelle est généra-lement effectuée de deux façons: soità partir d’un potentiel analytique ounumérique ajusté pour reproduire cer-taines propriétés du matériau choisi, soità partir de la structure électroniquecalculée. La première approche permetactuellement de simuler des systèmescomprenant jusqu’à plusieurs millionsd’atomes, ce qui équivaut environ à uncube de matière de quelques dizainesde nanomètres de côté. La précisionobtenue n’est toutefois pas toujourssatisfaisante. La seconde approchedonne de meilleurs résultats, maisrequiert une puissance de calcul biensupérieure qui limite les simulations àdes systèmes de l’ordre de quelquescentaines d’atomes. Malgré les limita-tions, ces deux approches complémen-taires permettent d’étudier des confi-gurations de plus en plus réalistes.

De nombreuses applications possiblesDes simulations atomistiques sont réali-sées au sein du Département dePhysique et de Mécanique des Maté-riaux de l’Institut P’ (UPR CNRS) afinde déterminer le comportement souscontraintes de systèmes de taille nano-métrique et les propriétés de disloca-tions individuelles. Par exemple, destravaux sont actuellement menés afind’analyser la réponse sous contrainte defilms minces supportés, qui sont large-ment utilisés dans des domaines variéstels que la micro-électronique. À causede contraintes accumulées au cours del’élaboration, des structures de cloquesissues d’une décohésion et du flambagedu film peuvent apparaître. Des simu-lations en dynamique moléculaire ontpermis de montrer que des événementsplastiques pouvaient survenir dans unfilm flambé d’aluminium et que, dans

Les simulations atomistiques complètent aujourd’hui les études expérimentales des mécanismes de déformation desmatériaux.

LLaa ddééffoorrmmaattiioonn ppllaassttiiqquueedes matériaux en mode virtuel

Image d’une cloque issue de la simulation par potentiels interatomiques de la déformation encompression suivant la direction y d’un film mince d’aluminium. Au cours du flambage, desconcentrations de contrainte de compression naissent sur la face inférieure du sommet de lacloque et sont à l’origine de la nucléation de dislocations dont l’émergence en surface produit desmarches (atomes en bleu).

* Échelle intermédiaire entreles échelles microscopique etmacroscopique.

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ce cas, les modèles élastiques desmilieux continus souvent utilisés étaientalors insuffisants pour décrire correc-tement ce phénomène à l’échelle nano-métrique.L’analyse fine de l’apparition des événe-ments plastiques montre que cesderniers sont en fait associés à la nucléa-tion et à la propagation de dislocationsà partir des surfaces. De tels processusdeviennent prépondérants pour dessystèmes de taille nanométrique, où lerapport surface/volume n’est plus négli-geable. La caractérisation complète dumécanisme de nucléation est doncsouhaitable. Grâce à des simulationsatomistiques, il a été possible de suivreau cours du temps les différents stadesde la formation d’une boucle de dislo-cation à partir d’une surface dans le casd’un matériau métallique souscontrainte. D’un point de vue prédictif,la possibilité de faire varier facilementla température, la contrainte et lagéométrie de la surface dans les simu-lations nous permet de déterminer dansquelles conditions la formation d’unedislocation devient favorable.En plus de la capacité à reproduire defaçon réaliste la dynamique d’unsystème, les simulations atomistiquessont également utiles pour déterminerdes quantités intrinsèques d’un maté-riau qui sont quasiment inaccessiblespar l’expérience. On peut citer commeexemples les résistances maximales aucisaillement ou en traction d’un maté-riau parfait, c’est-à-dire ne contenantaucune impuretés ni défauts de struc-ture. De telles quantités peuvent êtreobtenues avec une grande précision parla réalisation de simulations atomis-tiques où les forces entre atomes sontcalculées à partir de la structure électro-nique. Dans le cas d’un matériau co-valent comme le silicium, où la cohé-sion est assurée par des liaisonsatomiques fortes et directionnelles, nousavons ainsi pu déterminer que le ci-saillement maximum avant rupture étaitde l’ordre de 24 %, soit une résistancemaximale au cisaillement de 8 GPa.Les simulations atomistiques sont doncun complément intéressant à l’expé-

rience pour l’étude de la déformationplastique des matériaux. L’augmenta-tion des performances des moyens decalculs devrait permettre de simulerdans le futur des configurations de plusen plus réalistes, plus proches des sys-tèmes expérimentaux.

Contacts :Laurent [email protected]

Sandrine [email protected] [email protected] [email protected]

Variation de la densité électronique (du plus faible au plus intense, du bleu au jaune) au cours du cisaillement du silicium (sphèresrouges et liaisons entre atomes en bleu foncé), déterminée par un calcul de structure électronique réalisé avec la théorie de lafonctionnelle de la densité. Pour les forts cisaillements, on observe un affaiblissement de certaines liaisons entre atomes.

Formation d’une boucle de dislocation (sphères de couleur bleue) à partir d’une surface d’aluminium, obtenue à partir de calculsde dynamique moléculaire. Seuls les atomes dans un environnement différent du système massif sont représentés.

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> Histoire

Microscoop / Numéro 62 – janvier 2011

Né en 1873 à Colmar, Jean JacquesWaltz dit Hansi (diminutif allemand deson nom allemand Hans Jacob) est uncaricaturiste et artiste alsacien renommédu 20ème siècle. Né dans une Alsace-Lorraine alors Reichsland allemand, lejeune Jean Jacques suit une scolaritéau collège allemand de Colmar dont il

conserve de très mauvais souvenirs enraison d’un conflit avec son proviseur,Gustav Gneisse. Caricaturé, celui-cideviendra le Professor Knatschké. L’ar-tiste réutilise alors son histoire person-nelle pour militer en faveur d’une Alsacefrancophile et érige l’humour en armede destruction.Le sujet “Hansi et la caricature” se situeparfaitement dans le cadre des étudesinterdisciplinaires à la MSHS de Poitiers(CNRS / Université de Poitiers). Unedouble lecture peut être faite : toutd’abord historique, avec la mise enscène des conflits entre la France et l’Al-lemagne avant 1914 et la question del’identité alsacienne; artistique ensuite,avec en filigrane, la question des modesd’expression de la culture populaire véhi-culés par la presse et les albums illus-trés.

Le Professor Knatschkéou l’Allemand systématiséEn les représentant sous des traitsmalingres, recroquevillés, malsains,Hansi définit une « germanitémoyenne ». Leurs lunettes, monoclesou pince-nez leur donnent un regardborné, affolé et égaré tandis que leschignons des femmes symbolisent l’aus-térité, la niaiserie et le mauvais goûtprussien. Raide et manquant de fantai-sie, l’Allemand est ainsi différencié del’Alsacien. Mis en scène, il devientl’étranger en terre alsacienne, saprésence une offense à l’Alsace. LeProfessor Knatschké devient ainsi lesymbole de cette Allemagne et de sescercles pangermanistes. Le professeur,

à l’instar du militaire, du gendarme oude l’agent administratif est ridiculisé.Le but, combattre la doctrine panger-maniste qui souhaite faire de l’Allema-gne une puissance mondiale.

Les falsifications historiques d’HansiPour disqualifier l’Allemand, Hansidénonce également la présence germa-nique en Alsace en réécrivant l’Histoire.Pour le dessinateur, le prédateur n’a paschangé depuis l’Antiquité. Les barbaressont les ancêtres des Prussiens de1870. Besicles, casque à pointe et pilo-sité rousse permettent déjà d’identifieret de démystifier l’Allemand.

L’Alsace francophile, une image d’ÉpinalEn transparence, Hansi cherche doncà dépeindre une Alsace tricolore et

HHAANNSSIIou la construction d’une identité alsaciennefrancophileConnaissez-vous l’Alsace ? Ses cigognes accrochées aux toits des maisons, ses enfants aux traits poupons revêtant latraditionnelle coiffe alsacienne, ses villages pittoresques, toutes ces images font partie de notre imaginaire, de notreidentité nationale. A l’origine de cette représentation, un artiste : Jean Jacques Waltz.

© Hansi, L’Alsace heureuse, éd. 1912.

© Hansi, Professor Knatschké, éd. 1912.

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idéale. Les Allemands deviennent ainsiles faire-valoir de ce message que le cari-caturiste véhicule. Aux couleurs grisâtresdes vêtements allemands répondent descouleurs vives. Aux visages émaciésrépondent des faciès réjouis, joyeux etpoupons. Hansi dresse le portrait d’uneAlsace différente de l’Allemagne, uneAlsace qu’il souhaite française.Fils de son temps, Hansi réutilise sonhistoire personnelle pour combattre l’Al-lemagne et son pangermanisme. Sa cari-cature dresse le portrait d’une Alsacefrancophile où l’Allemand est l’étranger.En mettant en scène l’Autre, Hansiconstruit une identité alsacienne idéaleet tricolore.

Hansi au regard de l’Histoire1939, la guerre recommence. PourHansi, le nazisme procède du panger-manisme. Son travail de polémiste et derésistant à l’Allemand, mis entre paren-thèses durant l’entre-deux-guerres, estréactualisé. Poursuivi par les nazis quibrûlent ses livres, il se réfugie en Suisseoù il peut désormais attaquer le Troi-sième Reich. La guerre terminée, sonœuvre connaît de nouveau le succès etinstitue l’image d’une Alsace éternelle,intemporelle et figée. Toutefois, dans lecontexte de la réconciliation et de laconstruction européenne, l’œuvred’Hansi est critiquée.

La fin de la guerreÀ l’issue de la Seconde Guerre Mondiale,les œuvres d’Hansi sont décriées pourleur parti pris germanophobe. À l’heurede la construction européenne, certainsdénoncent l’antigermanisme de JeanJacques Waltz, trop « antiallemand » àun moment où se construit l’Europe. Cescaricatures développant une certainemythologie patriotique apparaissentdésormais en décalage avec le proces-sus de réconciliation franco-allemand.Pour avoir souhaité une Alsace franco-phile libérée du joug allemand, Hansise voit également accusé d’avoir voulupurifier l’Alsace et d’avoir été prochedes cercles nationalistes. Hansi est alors,à l’occasion, dépeint comme le maîtredu dessin raciste, le précurseur d’uneidéologie nazie qu’il a pourtant combat-tue.A ces attaques, l’historien se doit dereplacer l’œuvre de l’artiste dans soncontexte historique pour mieux expli-quer la portée de l’œuvre publiée. Néan-moins, il apparaît qu’Hansi, à traversces caricatures, a offert un visage partialet idyllique de l’Alsace.

Considéré pour beaucoup comme lefaussaire de l’identité alsacienne, Hansia contribué à former un imaginaireauprès des Français de ce qu’était l’Al-sace, les Alsaciens ayant du mal à sedébarrasser de cette image. Hansi cesse

d’être un témoin de son époque maiscomme le complice d’une entreprise debrouillage de l’identité alsacienne.Aussi, la caricature de l’artiste sera-t-elle vivement attaquée au lendemaind’une Seconde Guerre Mondiale où lesnazis ont chèrement fait payer à Hansison œuvre.Comme le résumera Pierre-Marie Tyldans son ouvrage « Le grand livre del’oncle Hansi », celui-ci « est accusé parles historiens d’avoir présenté uneAlsace mythique adaptée à l’idéologiede la Revanche et d’être à l’origine dumalentendu qui a surgi après la victoirede 1918 entre le gouvernement fran-çais soucieux d’effacer près d’un demi-siècle d’occupation allemande et lesAlsaciens jaloux de leur spécificité régio-nale ».

Contacts :Solange [email protected] [email protected]

Les illustrations de cet article sont reproduites avecl’aimable autorisation du Musée Hansi deRiquewihr.

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

© Hansi, L’Alsace heureuse, éd. 1919.

© Hansi, L’Alsace heureuse, éd. 1919.

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> Histoire

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En France, une impulsion pour lesétudes sur le merveilleux et le miracu-leux eut lieu dès les années 1970. S’en-suivirent des études fondamentales oudes travaux collectifs, dans un espritcomparatiste. D’autres ouvrages etcolloques sur le thème plus large de lasainteté ont jeté un éclairage nouveausur les aspects sociétaux des miracleset de leur mise par écritSelon sa définition médiévale, le miracleest un fait qui n’obéit pas à la nature– ou qui suspend l’ordre de la nature –,que l’on attribue à la toute-puissancedivine (Gervais de Tilbury, Divertisse-ments pour un empereur, 1214-1215).Il s’agit d’un fait rare, exceptionnel, quisuscite l’admiration, et qui seraitl’œuvre de Dieu. Pour les chrétiens, cesont les miracles du Christ puis ceuxdes apôtres qui en constituent les exem-ples les plus éclatants ; mais dès leIVe siècle est attestée la croyance au

pouvoir thaumaturgique des saintsvivants, puis de leurs reliques, avant toutde celles des martyrs.Le premier recueil de miracles fut insérédans la Cité de Dieu (vers 420) de saintAugustin, évêque d’Hippone. Il aressenti le besoin de faire connaître auplus grand nombre les miracles qui sesont opérés dans l’Église de Carthage.À peu près à la même époque (vers 425)fut rédigé un important recueil de mi-racles de saint Étienne à Uzalis (Tunisieactuelle), où les reliques du premiermartyr sont arrivées à la suite de leurinvention en 415, près de Jérusalem.Désormais on assista à l’essor du genredu recueil de miracles.

Un instrument de propagandeÀ l’époque paléochrétienne, les miraclesservaient à convertir les païens, par ladémonstration du pouvoir thaumatur-gique des saints chrétiens, supérieur à

celui des divinités païennes. C’est ainsique saint Pierre aurait ressuscité unhareng mis à sécher à Rome. Il le pritet dit au peuple: « Si vous voyez main-tenant celui-ci nager comme un pois-son, pourrez-vous croire en celui que jeprêche? » Jeté dans le bassin, le pois-son se mit à nager. Cet événement futsuivi de la conversion du peuple (Actesapocryphes de Pierre, fin IIe-début IIIe

s.). Un épisode des Actes apocryphesde Philippe (2e moitié du IVe-1ère moitiédu Ve s.) est encore plus explicite. L’apô-tre fut défié devant un garçon mort. Lafoule s’écria : « Si un dieu est en lui,assurément il ressuscitera le mort, etnous-mêmes croirons en lui et brûleronsles temples et les idoles que voici. »Progressivement, les miracles opéréspar les reliques l’emportaient quantita-tivement et qualitativement sur les mi-racles des saints vivants. On imaginaitque, par l’action divine, l’âme excep-

Parfois même les animauxsauvages reconnaissent lasainteté des hommes. Sur unepeinture de la crypte del’église Saint-Savin, les lions( ?) lèchent les pieds de Savinet de Cyprien qui leur sontjetés en pâture.

LLee mmiirraaccllee au Moyen ÂgeLes miracles sont un objet d’étude historique depuis plusieurs décennies. Au-delà de leur sens pour la foi des fidèles,les historiens explorent leur fonction sociale, voire politique et même économique.

© CNRS/CESCM Poitiers

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tionnelle des saints empreignait leurcorps d’une force (virtus), qui mêmeaprès leur mort y restait vivante et capa-ble d’opérer des guérisons et d’autresmiracles. De cette façon, la possessiondes reliques constituait une sorte deréservoir de puissance surnaturelle, enattirant les pèlerins auprès des tombeauxdes saints et d’autres châsses. Bienévidemment, la renommée des miraclesdevenait un excellent instrument de« propagande » pour les monastères etles églises. De même, pour les rois,empereurs et d’autres princes laïcs,rassembler des reliques de grande valeurdans un centre de pouvoir (Constanti-nople, Paris) était considéré à la foiscomme un gage de protection céleste etun moyen de rehausser le prestige deleur propre pouvoir. C’est pour cetteraison que, dès le Ve siècle et jusqu’àla fin du Moyen Âge, les princes laïcsont été souvent à l’initiative des acqui-sitions de reliques. L’exemple le plusconnu est l’obtention (rachat) par le roiLouis IX des reliques de la Passion duChrist, que l’empereur latin de Cons-tantinople a mises en gage auprès desVénitiens.Si la grande majorité de miracles par lesreliques concerne les guérisons et dessauvetages, ou encore la protection,

voire la victoire militaire, d’autres n’ontpour fonction que la révélation de la sain-teté par des phénomènes exceptionnels.Ce sont les miracles de glorification: lalumière qui apparaît au-dessus desreliques oubliées ou cachées d’un saint;l’odeur suave qui émane d’un saintcorps, ou encore son aspect vivant, noncorrompu, signe qui préfigure le corpsglorieux des justes au Paradis après leJugement dernier. Les miracles de châ-timent – particulièrement nombreuxavant le XIIe siècle – mettaient en scènedes punitions (maladies, mort) qui frap-paient ceux qui ne s’y conformaient pas,et ceux qui ne croyaient pas aux mi-racles. Ils devaient inspirer le respectde l’Église, de ses desservants et deses biens.

Un reflet de la vie quotidiennePour l’historien, les recueils de miraclesreprésentent une mine de renseigne-ments sur des aspects très divers de lavie au Moyen Âge. Ils abondent endétails sur la vie quotidienne, lesmaladies, les pratiques religieuses, lesrelations sociales et familiales. Il estessentiel de les étudier dans leurcontexte de production: l’écriture desrécits de miracles reflète des stratégies« politiques » d’un monastère, d’une

église, pour relancer un culte quis’étiole, pour rivaliser avec un monas-tère concurrent, pour légitimer la sain-teté d’une personne, voire pour authen-tifier une « invention » (découverte) dereliques. En tant que genre littéraire,le récit de miracle véhicule des clichés,des scénarios stéréotypés dont l’étuderend possible d’identifier la transmis-sion des traditions, voire les échangesculturels entre établissement religieux.Pour le concept de sacré, le miraclereprésente également un terrain d’ob-servation exceptionnel. On croyait quele pouvoir surnaturel des reliques semanifestait avec plus d’intensité àcertains moments, en particulier lors deleurs translations (transports d’un lieuà l’autre, ou tout simplement chan-gement de leur réceptacle, châsse), etaussi lors de leurs ostensions (exposi-tions à la vue des fidèles, souvent selonun cycle septennal à la fin du MoyenÂge).L’attente du miracle ne se cristallisaitpas uniquement autour du culte dessaints et des reliques. Pour la protec-tion d’eux-mêmes et de leurs biens ainsique pour la guérison de certains maux,les hommes et femmes médiévauxrecouraient aussi à des formules verba-les (« charmes ») ou à des objets-amulet-tes, dont l’usage est resté en vigueurparfois jusqu’à nos jours.

Contact :Edina [email protected] d’Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale - Poitiers

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Ce bas-relief représente l’invention miraculeuse du tombeau oublié dumartyr Aventin (+ vers 800), grâce à un taureau qui cessa de paître etgratta autour de la pierre tombale. Eglise Saint-Aventin (Haute-Garonne),mur extérieur de la nef.

Selon une légende tardive, saint Eloi aurait coupé le pied d’un cheval rétif pour le ferrer, puis l’a remis enplace. Eglise de Plaincourault (Mérigny), peinture murale.

© Brouard CNRS/CESCM Poitiers

© Courbières-Durand CNRS/CESCM Poitiers

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