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SUSAN MALLERY

La promesse oubliée

Traduction française de PERRINE DEBRAY

© 2006, Susan Macias Redmond. © 2007, Harlequin S.A.

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Résumé

Depuis la tragédie qui a marqué son enfance et dont elle n'a jamais parlé à personne,

Rachel s'est fait la promesse de ne pas s'engager et rompt tout lien amoureux dès qu'ildevient trop fort. Jusqu'au jour où elle fait la connaissance de Carter et vit avec lui unebrève liaison passionnée. Une liaison d'autant plus déstabilisante pour Rachel qu'elle abrisé son serment en tombant amoureuse. Mais il y a plus bouleversant encore : car elleest enceinte de Carter. Et ce dernier n'accepter jamais de renoncer à devenir le père deleur enfant..."

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1.

Rachel Harper aimait dresser toutes sortes de listes. Ainsi fit-elle la liste de ses bonnesrésolutions parmi lesquelles figuraient en bonne place celle d’enrichir sa vie sociale, des’intéresser davantage à l’actualité et de ne plus laisser le linge sale s’entasser autant.Pour l’heure, elle n’était parvenue qu’à regarder le journal télévisé. La lessive et lesrelations humaines attendraient encore un peu.

Ce soir-là, assise dans un bar, elle se rendit compte qu’à vingt-cinq ans, elle ne savaittoujours pas comment se comporter dans un tel endroit. A vrai dire, elle était arrivéedans ce bar pour une raison assez singulière : elle avait accepté d’y accompagner Diane,une nouvelle enseignante de son établissement, qui avait des soucis avec son petit ami etqui comptait sur Rachel pour la soutenir moralement. Rachel n’y avait pas vud’inconvénient, d’autant qu’une des nombreuses résolutions de ses fameuses listesconsistait à sortir plus. Ainsi s’était-elle retrouvée dans un bar dans lequel elle avaitaussitôt remarqué la présence d’un nombre beaucoup plus important d’hommes que defemmes.

Elle saisit son verre à cocktail et en but une grande gorgée.

— Quel lâche ! Tu vas voir qu’il ne va même pas oser venir me parler ce soir ! lançaDiane, qui était assise en face de Rachel, adossée contre le mur. Cela ne m’étonnerait pasde lui, poursuivit-elle, j’ai bien envie de le gifler dès que je le verrai.

Elle s’interrompit un instant, puis sourit.

— As-tu remarqué que je n’arrête pas de dire « je », comme dans l’article dont je t’aiparlé ?

— Oui, en effet, murmura Rachel.

Rachel s’abstint de lui expliquer que l’article en question, qui prodiguait des conseilsd’ordre psychologique, ne préconisait pas d’utiliser la première personne du singulierpour exprimer ce type de propos négatifs.

— Le voilà, dit Diane en se levant, souhaite-moi bonne chance !

Rachel jeta un coup d’œil rapide en direction de l’homme de grande taille aux cheveuxfoncés qui venait de faire son apparition et qui regardait les autres hommes d’un airsupérieur.

— Bon courage ! lui dit-elle.

« Tu en auras besoin », pensa-t-elle tout bas.

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Carter Brockett regarda la jeune fille aux boucles brunes, dans sa tenue si classique.Presque instantanément, il pressentit qu’elle viendrait semer le trouble dans sa vie.D’après lui, les femmes avaient toujours été l’unique source de souffrance de sonexistence. Il s’était toujours mieux porté lorsqu’il les tenait à distance.

Toutefois, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier chez elles leur plastique, leur sens de larépartie et leur vision féminine de la société. De plus, sa mère lui avait appris qu’il étaitde son devoir de protéger les plus faibles que lui.

Ainsi, cette jolie brune qui paraissait un peu perdue dans ce bar ne le laissait pasindifférent. Elle lui semblait fragile, et il doutait fort que derrière cette frêle façade sedissimulait une dominatrice aimant manier le fouet et revêtir des tenues de cuir.

Ce bar était connu pour être le repaire de policiers et de femmes peu farouches. Carter yvenait rarement pour ne pas risquer de se faire repérer. Mais, ce soir, l’un de ses contacts,un policier infiltré, avait insisté pour le rencontrer en ce lieu. Carter avait accepté, enespérant qu’aucune de ses connaissances ne vienne lui parler.

Tout s’était bien déroulé ; il avait réglé ses affaires en toute discrétion avec son contact ets’apprêtait à quitter le bar lorsque la petite brune et son amie y étaient entrées.

A présent, l’amie était absorbée dans une discussion houleuse avec Eddy. Connaissantles manières cavalières d’Eddy envers la gent féminine, Carter se doutait que laconversation allait mal se terminer. Il fit un signe de tête à Jenny, la barmaid, puis luimontra du doigt la jeune femme brune. Pour toute réaction, Jenny haussa les sourcils.

Jenny et lui étaient sortis ensemble et se connaissaient suffisamment bien pour savoir ceque l’autre pensait sans avoir besoin de parler. Jenny comprit qu’après quelques mois decélibat voulu, il était de nouveau prêt à goûter à une relation intime. Même si cela ne luiréussissait jamais et que ces relations tournaient souvent au cauchemar.

Il jeta un coup d’œil autour de lui et s’aperçut qu’il n’était pas le seul à avoir remarqué lajeune femme brune et ses vêtements austères qui détonnaient avec ses courbesvoluptueuses. S’il voulait lui épargner les frasques des autres policiers, il fallait qu’ill’aborde de suite.

Il marcha jusqu’au bar, où Jenny lui tendit une bière et une margarita. Il ne réagit pas ausourire complice qu’elle lui fit et s’avança jusqu’à la table de Rachel.

— Bonsoir, je m’appelle Carter. Tu permets que je m’asseye à tes côtés ? lui dit-il enposant la margarita sur la table et en lui adressant un sourire charmeur.

En matière de séduction, tout passe par le sourire. Depuis l’adolescence, il avait appris àjouer de cet atout, pour qu’il laisse transparaître juste ce qu’il faut d’intérêt, de charme etde retenue. Cela marchait à tous les coups.

La jeune femme haussa la tête, rougit, se leva, puis se rassit brusquement. Elle était si

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maladroite qu’elle renversa au passage son verre — heureusement presque vide — dontle contenu se répandit sur la table et sur sa robe.

— Oh non, s’exclama-t-elle d’une voix douce et mélodieuse, zut, je n’arrive pas à croireque...

Elle pinça les lèvres et le regarda de nouveau.

Il avait déjà essuyé la table avec des serviettes en papier, mais s’était abstenu d’épongerlui-même la robe de la demoiselle.

— Ça va ? demanda-t-il, curieux d’en savoir plus sur une femme qui réussissait à se sortird’une situation embarrassante sans prononcer un seul juron.

— Oui, merci.

Il lui tendit le verre qu’il venait de lui apporter.

Elle regarda d’abord le cocktail, puis posa son regard sur Carter.

— Je ne suis pas venue seule.

Carter la dévisageait toujours.

— Oui, j’ai vu que tu étais arrivée avec une amie.

Elle acquiesça lentement.

— Elle est en train de rompre avec son petit ami. Elle avait besoin que je la soutienne.D’habitude, je ne...

Elle soupira et dit :

— Elle va bientôt revenir à cette table.

— Pas de problème, lui répondit-il tranquillement, je vais te tenir compagnie jusqu’à sonretour.

La lumière du bar était tamisée, mais il pouvait voir que les yeux de Rachel étaient verts.Ses cheveux foncés tombaient en boucles sensuelles jusqu’au niveau de ses épaules.

Carter songea que cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas été en charmantecompagnie pour se laisser fasciner ainsi.

Visiblement mal à l’aise, la jeune femme changeait sans cesse de position. Elle n’avaitpas encore touché à son verre.

— C’est moi ou c’est le bar qui te fait peur ? lui demanda-t-il.

— Pardon ? Euh, les deux je crois.

Aussitôt, elle posa sa main sur sa bouche.

— Désolée, je ne devrais pas dire ça.

— Ne t’excuse pas. Je trouve que la franchise est une grande qualité. A choisir entre le

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bar et moi, qu’est-ce qui t’effraie le plus ?

Elle parcourut la pièce du regard, puis revint poser ses yeux sur lui.

— Toi surtout.

Il sourit.

— Je suis flatté.

— Ah bon ? Ça te plaît de penser qu’on peut avoir peur de toi ?

Il se pencha en avant et lui dit à mi-voix, pour qu’elle s’incline également vers lui :

— Cela me plaît de penser qu’on me trouve dangereux. Tous les hommes rêvent deparaître dangereux, car les femmes adorent ça.

Il fut surpris de la voir rire.

— O.K. Carter. Je vois que tu es un séducteur-né et qu’on ne joue pas dans la mêmedivision. Sache que je ne suis pas de celles qui viennent se faire draguer dans les bars etque cette situation me met particulièrement mal à l’aise.

Elle regarda la table où était assise sa collègue.

— Je n’arrive pas à dire si leur discussion s’envenime ou non. Qu’est-ce que tu en penses? lui demanda-t-elle.

Il regarda Eddy, qui se trouvait face à la femme blonde, dans un coin du bar.

— Eh bien, cela dépend de ce que tu entends par « envenimer ». Je n’ai pas l’impressionqu’ils sont en train de rompre.

— Je ne sais pas. Diane avait la ferme intention de lui dire tout ce qu’elle avait sur lecœur, une fois pour toutes, en insistant bien sur les « je ».

— Les « je » ? répéta-t-il en fronçant les sourcils.

Elle sourit.

— Elle va parler essentiellement à la première personne du singulier ; « je pense que tume manques de respect ; je pense que tu fais exprès d’être toujours en retard », etc. Ellerisque aussi de lui dire : « J’ai envie de te gifler », ce qui ne va pas arranger les choses.Enfin, je ne connais pas Eddy. Qui sait, peut-être aime-t-il être traité de la sorte ?

Carter était en train de tomber sous le charme de la jeune femme.

— Comment t’appelles-tu ? la questionna-t-il.

— Rachel.

— Tu n’utilises aucun gros mot, tu ne traînes pas dans les bars, alors dis-moi, que fais-tudans la vie ?

— Comment sais-tu que je ne jure pas ?

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— Lorsque tu as renversé ton verre, tu n’as dit que « zut».

— Ah, c’est vrai. C’est une habitude que j’ai prise parce que je suis institutrice. Je nepeux pas me permettre de dire des jurons devant les enfants, alors je m’efforce de ne plusles utiliser. C’est pourquoi tu m’entendras dire « zut » ou « flûte », expliqua-t-elle ensouriant. Parfois, les gens me prennent pour une simple d’esprit quand j’utilise ce type demots, mais peu importe. Et toi, qui es-tu ?

« Comment répondre à une telle question ? », se demanda Carter, sachant qu’il nepouvait pas lui parler de son métier, au sujet duquel il se devait d’être le plus discretpossible.

— Je suis un homme comme les autres.

— Tu peux peut-être m’en dire un peu plus ? Que fais-tu dans la vie ?

Elle fixait maintenant le diamant que Carter portait à l’oreille et ses cheveux, quin’avaient apparemment pas vu les ciseaux du coiffeur depuis longtemps.

« Ce que je fais dépend de mes missions », pensa-t-il, mais il se contenta de lui répondre :

— Je travaille dans un magasin de choppers, puis il précisa : ce sont des motos.

Elle se redressa.

— Je sais ce qu’est un chopper quand même ! Je ne suis pas une arriérée.

Son indignation lui donna envie de rire. Elle lui faisait penser à un petit chatonaffrontant un gros chien. Le chaton a beau faire le gros dos, voire cracher, il n’en reste pasmoins un petit animal inoffensif.

— Tu viens peut-être d’un coin perdu du désert où les gens ne connaissent pas grand-chose à la civilisation.

Les lèvres de Rachel remuèrent et se contractèrent, comme si elle se retenait de sourire.

Il poussa la margarita vers elle.

— Tous les glaçons sont en train de fondre, fit-il remarquer.

Elle hésita un instant, puis but une gorgée du cocktail.

— Tu es de la région ? lui demanda-t-elle.

— J’y suis né et j’y ai grandi. Toute ma famille vit ici.

— Toute ta famille ?

Carter hésita un instant. Il n’avait pas pour habitude de parler de lui ou de sa vie. Danssa profession, trop en dire pouvait lui causer des ennuis. Toutefois, il eut rapidement lesentiment que le seul risque qu’il courait en parlant à Rachel était de perdre son statut decélibataire.

— Trois sœurs et une mère qui aiment me rendre fou.

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Il parlait d’elles avec autant d’amour que d’exaspération.

Le regard de Rachel se fit mélancolique.

— C’est bien, commenta-t-elle. Que tu sois proche de ta famille, pas qu’elles te rendentfou.

— Tu n’as pas de bonnes relations avec ta famille ?

— Je n’ai pas de famille.

Il ne sut plus quoi dire. Il avait simplement cherché à se montrer agréable, pas à luirappeler qu’elle était seule au monde !

— Tu es originaire d’ici ? lança-t-il.

— De Riverside ? Non.

Elle secoua la tête. Sa chevelure suivit le mouvement et la lumière y apporta des refletsmagnifiques. Carter était complètement envoûté.

— J’ai emménagé ici après mes études. Je cherchais une banlieue agréable et tranquille.

Elle soupira et conclut :

— Rien de bien passionnant.

— Hé, j’ai vécu ici toute ma vie. Je peux te faire découvrir des endroits très sympas ettrès romantiques.

Elle sourit.

— Dans la ville où j’habitais, nous allions flirter près de la rivière. Enfin, on ne pouvaitpas vraiment appeler ça une rivière, car elle était asséchée une bonne partie de l’année.

— Ah, ah, tu allais flirter ! la taquina-t-il. Tu flirtes beaucoup ?

Elle haussa les épaules et jeta un coup d’œil vers la table de Diane et Eddy.

— Plus beaucoup. Au fait, pourquoi es-tu venu ici ce soir?

Il sourit.

— Pour rencontrer une fille aussi magnifique que toi.

Elle pencha la tête et rougit. Cela faisait bien longtemps que Carter n’avait plus eu lebonheur de voir une femme rougir.

— Merci pour le compliment, dit-elle. Je passe mes journées avec des enfants de cinq ansqui ne pensent qu’à essayer de me mettre de la colle dans les cheveux. J’apprécie dechanger un peu d’environnement ce soir !

— Serais-tu en train de me comparer à un enfant de cinq ans ? dit-il, en faisant mined’être indigné.

— Beaucoup d’hommes sont aussi immatures que des enfants.

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— Ce n’est pas mon cas, je suis parfaitement mature et je suis un homme responsable.

Elle n’en parut pas convaincue.

— Bien sûr.

« Intéressant. » Tel fut le mot qui vint à l’esprit de Rachel pour qualifier Carter. Puis ellese ravisa ; le mot « intéressant » était trop faible. Elle devait admettre qu’il était très beau,sans doute l’un des plus beaux Californiens qu’elle ait vus jusqu’ici. Elle regardait encoreses cheveux en bataille et sa boucle d’oreille, en se demandant qui la lui avait offerte. Ellesongea qu’il lui fallait vraiment sortir plus souvent puisqu’elle s’emballait de la sorte surle premier venu.

Il était grand et large d’épaules. Son sourire la faisait chavirer. Elle se demanda s’ilcachait des tatouages sous son jean ou son T-shirt chambray. Elle imagina un instant êtrede ces femmes fatales, vêtues de cuir et de dentelles, qui savent comment se comporteren compagnie d’un homme comme Carter. Contrairement à ces femmes, elle manquaitd’assurance et elle continuait à rougir et à espérer que Diane revienne à sa table afinqu’elles quittent cet endroit.

Au fond, elle n’avait pas vraiment envie de partir tout de suite. Carter était très différentdes hommes qu’elle fréquentait généralement, mais il lui plaisait d’imaginer avoir unerelation avec lui, même si elle ne croyait pas vraiment une telle relation possible.

Elle but sa margarita et se visualisa vêtue d’une guêpière en dentelle rouge et d’un stringnoir sous un pantalon en cuir et un bustier. Comment cette Rachel-là agirait-elle ?

— Dis-moi un secret, lui murmura-t-elle.

Elle fut elle-même surprise d’avoir ainsi fait preuve d’audace. A en juger parl’expression de son visage, Carter aussi fut étonné. Instinctivement, elle voulut fairemarche arrière et lui dire qu’il n’était pas obligé de lui dire quoi que ce soit, mais elle serésolut à ne pas se démonter.

Il réfléchit un moment, puis haussa les épaules.

— J’essaie inlassablement de renoncer aux femmes. Elles envahissent ma vie et je saisqu’il est mieux pour moi de ne pas me frotter à elles.

Elle ne s’attendait pas à une telle réponse.

— Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, moi aussi je suis une femme ! lança-t-elle sur leton de plaisanterie.

Il sourit.

— J’ai remarqué.

— Et c’est comme ça que tu renonces aux femmes ? En les abordant dans les bars ?

Il prit une gorgée de bière.

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— Je n’ai pas encore complètement réussi à y renoncer, admit-il. Je les évite pendantquelques mois, puis je tombe sur quelqu’un que je ne peux m’empêcher d’accoster. A tontour de me dire un secret.

— Je suis une danseuse, répondit-elle sans prendre le temps de réfléchir.

Elle regretta presque immédiatement d’avoir répondu si vite.

— Enfin, j’étais danseuse. Quand j’étais petite, j’espérais devenir danseuseprofessionnelle, mais je n’ai pas la morphologie qu’il faut pour cela.

Il eut la bienséance de continuer à regarder son visage plutôt que de lorgner ses formes.

— Quel type de danse ? demanda-t-il.

— Un peu de tout : de la danse classique, du modem-jazz. Je prends toujours des cours.C’est un peu bête puisque je n’en ferai jamais mon métier.

— Pas du tout ! C’est important de faire des activités simplement pour le plaisir.

Soudain, on entendit Diane crier :

— Tu n’es qu’un imbécile Eddy. Je me demande bien pourquoi j’ai fait tant d’efforts.

— Chérie, calme-toi voyons !

Eddy voulut saisir la main de Diane, mais elle l’en empêcha.

— Je te déteste. Va te faire voir.

— Pas besoin de me parler sur ce ton !

Diane lui lança un regard glacial.

— C’est la dernière fois que je t’adressais la parole. Ce n’est plus la peine d’essayer dem’appeler. Tout est fini entre nous.

— Très bien. Et ne viens pas ensuite me supplier de te pardonner.

Diane se leva et sortit du bar comme une furie.

— Elle m’avait dit qu’elle voulait rompre, mais je ne pensais pas qu’elle parlaitsérieusement, dit Rachel, qui venait d’observer la scène.

Elle regarda en direction de la porte.

— Il faut que j’aille voir comment elle va.

— Bien sûr.

Rachel se leva et Carter l’imita.

— Merci pour le cocktail et pour la conversation, lui dit-elle, se sentant soudainementgênée. Tu as été très gentil.

— Ce n’est pas vraiment ce qu’un homme aime entendre...

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— Oh, c’est vrai ! Excuse-moi, je voulais dire que tu t’es montré très dangereux ce soir.J’ai été terrifiée, dit-elle en riant.

— Voilà, c’est mieux.

Il fit le tour de la table pour s’approcher d’elle et lui posa un doux baiser furtif sur leslèvres.

— Prends soin de toi Rachel, lui dit-il avant de se diriger vers le comptoir.

Elle le regarda s’éloigner, puis se retourna et sortit du bar. Elle n’aurait jamais imaginérencontrer un homme aussi charmant dans ce genre d’établissement, en particulier ce barà la façade peu engageante. Après une telle rencontre, elle aurait désormais envie à coupsûr de sortir plus souvent.

Elle s’avança vers la voiture de Diane, mais... Sa voiture avait disparu !

Rachel se souvenait parfaitement que Diane s’était garée sous le néon du bar, car elleavait alors remarqué que cette lumière donnait des teintes violettes à sa robe. CommeDiane ne se trouvait pas sur le parking en train de crier comme une hystérique, Rachel endéduisit que la voiture n’avait pas été volée, mais que Diane était partie sans elle.

— C’est malin, comment je vais rentrer chez moi ? s’exclama-t-elle à haute voix.

Elle marcha jusqu’au bord de la route et observa les voitures qui y circulaient. La voiturebleue de Diane n’était pas en vue. Elle soupira. Elle n’arrivait pas à le croire : Diane avaiteu le culot de l’oublier !

— Il y a un problème ?

Elle reconnut la voix de Carter derrière elle.

Elle avait passé un moment délicieux à converser avec lui et ne voulait pas tout gâchermaintenant qu’elle était de mauvaise humeur.

Elle se retourna pour se trouver face à lui et haussa les épaules.

— Ton amie devait vraiment être bouleversée pour t’oublier

sur place, indiqua-t-il, devinant ce qu’il venait de se passer. Ce n’est pas grave, je vais teramener chez toi.

Elle aurait préféré lui dire que ce n’était pas la peine, qu’elle allait appeler une autreamie ou un taxi, mais elle n’avait pas envie de déranger une amie à une heure aussitardive et les taxis étaient plutôt rares dans cette petite ville.

— Tu n’as rien à craindre tu sais, lui confia-t-il.

— Tu m’as pourtant dit que tu étais dangereux.

— Je le suis uniquement dans mes rêves.

Il inclina la tête dans un geste charmant. Elle soupira et accepta sa proposition en

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hochant la tête.

— Merci, lança-t-elle en le suivant.

Il se mit à marcher en direction d’une grosse camionnette noire.

— De rien. Ce sera ma bonne action de la semaine. Ma mère sera ravie d’apprendre quej’ai fait un beau geste !

A l’entendre parler de nouveau de sa mère, Rachel se détendit un peu.

— Tu as une belle camionnette, on domine la route au volant d’un tel engin, commenta-t-elle.

— C’est un véhicule de macho, lui dit-il en souriant.

Elle ne put s’empêcher de rire.

— Oui, évidemment ! Tu pourrais même la surélever davantage en mettant des plus grospneus.

Il mit le contact et lui demanda :

— Où va-t-on ?

Elle boucla sa ceinture de sécurité et lui indiqua la direction à prendre.

Une fois sorti du parking, Carter lui fit la remarque suivante :

— Il faudra que tu aies une discussion sérieuse avec ton amie. Cela ne se fait pasd’abandonner quelqu’un dans un bar comme ça.

— Je suis bien d’accord avec toi. J’ai été sidérée quand j’ai vu que sa voiture n’était pluslà. En fait, je ne connais pas très bien cette fille...

— C’est une collègue ?

— Oui. Depuis la rentrée de cette année. Elle s’occupe des CM1.

— Des grands ! dit-il en plaisantant.

— Plus grands que mes élèves. En CM1, ils ne mangent plus de colle et ne font plus cegenre de bêtises. Mais je ne me plains pas, j’aime m’occuper des petits. Ils sont pleinsd’enthousiasme. Ils découvrent de nouvelles choses chaque jour. Si je fais correctementmon travail, je peux leur inculquer le goût d’apprendre et d’étudier.

Le téléphone portable de Carter sonna. Il le sortit de sa poche et prit l’appel.

— Oui ? Comment l’as-tu su ?

Il rit puis poursuivit la discussion au téléphone :

— Non, c’est bon. Bonne soirée.

Il raccrocha.

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— Ton amie est retournée au bar pour venir te chercher, expliqua-t-il à Rachel.

— Ah bon ? Dans ce cas, je serai plus indulgente avec elle quand je lui parlerai demain.Qui a appelé pour dire ça ?

— Jenny, la barmaid. Elle se charge d’avertir Diane que je te ramène.

Diane allait peut-être penser qu’elle ramenait chez elle un homme qu’elle venait à peinede rencontrer et Rachel n’aimait pas beaucoup cette idée. Elle garda cette pensée pourelle.

— Comment se fait-il que la barmaid ait ton numéro de portable ?

— Ne t’inquiète pas, cela ne signifie pas que je suis un pilier de ce bar. Je connais Jennydepuis très longtemps. Nous sommes amis depuis des années.

« De l’amitié ? Rien de plus ? » se demanda Rachel.

Carter se gara devant l’immeuble de la jeune femme, qui se trouvait dans le plus ancienquartier de la ville. Rachel avait eu un coup de cœur pour le style architectural de ce lieu.Il coupa le moteur et observa l’auvent sous lequel se trouvaient les voitures des résidents.

— Laisse-moi deviner, dit-il, la tienne, c’est la Ford grise.

Elle enleva la ceinture de sécurité et répondit :

— Non, c’est la décapotable rouge.

Il ouvrit de grands yeux.

— Je ne te crois pas !

— C’est pourtant la vérité.

Il posa son regard sur elle.

— Je regrette de ne pas avoir eu une institutrice aussi cool que toi.

— Peut-être qu’elle l’était, mais qu’à l’époque, tu ne l’as pas remarqué.

— Peut-être en effet.

Il sortit de la camionnette. Elle en fit de même et ils se rejoignirent sur le trottoir.

— Inutile de m’accompagner jusqu’à la porte, déclara-t-elle.

— Mais j’en ai envie. Je ne fais pas les choses à moitié.

Elle se sentait nerveuse, mais pas effrayée. Carter lui

plaisait. Elle était persuadée qu’elle ne le reverrait plus jamais après, mais était heureusede constater qu’il se comportait en gentleman.

Ils marchèrent vers son appartement. Il désigna un parterre de fleurs et dit :

— Ce sont les tiennes ?

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— Oui, le jardinage est une autre de mes passions, répondit-elle en sortant ses clés deson sac à main.

— Une institutrice qui aime danser et qui a la main verte... Intéressant.

Il se rapprocha d’elle et effleura sa joue du bout des doigts.

— Je vais t’embrasser Rachel. Je te préviens pour que tu puisses, au choix, courir teréfugier chez toi, me gifler ou accepter mon baiser.

La lumière du porche répandit des reflets dorés sur la chevelure de Carter. Il était beauet sexy, irrésistible. Cela faisait des mois qu’elle n’était plus sortie avec un homme et quepersonne ne l’avait plus embrassée. Elle ne s’était pas rendu compte que la présence d’unhomme lui manquait. Mais, ce soir, elle ressentait ce manque.

— Je ne suis pas du genre à donner des gifles, murmura-t-elle, ses yeux dans les siens.

Il lui sourit doucement et elle frémit.

— C’est bon à savoir, dit-il juste avant de l’embrasser.

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2.

La bouche de Carter était tiède, ferme et tendre à la fois. Rachel s’attendait à un baiser

de macho, d’un homme qui cherche à s’imposer, mais ce ne fut pas le cas. Dans unmouvement de va-et-vient, il lui donna simplement envie d’en vouloir davantage.

L’un d’eux s’approcha plus près de l’autre. Elle ne savait pas vraiment si c’était lui ouelle qui avait provoqué ce rapprochement soudain. Ce dont elle était certaine, c’étaitqu’elle aimait sentir son corps fort et musclé contre le sien. Son odeur était très agréable.Elle lui rappelait les parfums de la nature relevés d’une note de fragrance masculine. Lachaleur qui se dégageait de son corps donnait envie à Rachel de se blottir encore plus prèslui, comme un chat cherchant un recoin bien au chaud.

D’une main, Carter lui effleurait la joue tandis que son autre main était posée sur sahanche. Elle se demanda s’il l’empêchait ainsi de bouger. Elle aurait pu lui expliquer qu’iln’avait nullement besoin de la retenir car elle n’avait aucune intention de s’éloigner delui, mais il aurait fallu pour cela décoller ses lèvres des siennes. Aussi décida-t-elle de nerien dire et continua-t-elle de l’embrasser.

Il passa doucement le bout de sa langue sur la lèvre inférieure de Rachel, dans un petitmouvement excitant et érotique. Elle entrouvrit les lèvres et retint son souffle, désirantqu’il approfondisse son baiser.

Il s’approcha doucement, comme pour la laisser libre de reculer. Rachel resta lovéecontre lui. Elle songea à la dernière fois qu’elle avait embrassé un homme et se renditcompte que cela ne datait pas d’hier. Depuis qu’elle avait rompu ses fiançailles près dedeux ans plus tôt, elle n’avait plus senti cette chaleur masculine contre son corps.

Subitement, alors que leurs langues s’entremêlaient, elle ressentit un besoin aussiinsoutenable qu’inattendu. Elle le désirait, elle avait envie d’amour. Son corps réclamaitardemment les caresses de cet homme qu’elle venait à peine de rencontrer. Sa peau étaittendue et sa poitrine gonflée. Elle laissa tomber son sac à terre, mit ses deux bras autourdu cou de Carter et s’appuya sur lui.

Il émit un gémissement sourd, qui eut pour effet de durcir les mamelons de Rachel. Il laserra contre lui tout en laissant errer ses mains le long du dos de sa partenaire. Elleinclina la tête et il l’embrassa avec toujours plus de fougue, explorant sa bouche etdéclenchant en elle un tumulte de sensations.

Elle fut stupéfaite de la force de cette passion. Jamais auparavant un baiser ne l’avaitmise en pareil état. Qui plus est, cet homme lui était presque totalement inconnu. C’étaitinsensé, exaltant et excitant. Elle n’y était pas habituée.

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Carter recula d’un pas. Il lui posa des baisers sur les joues, puis sur le menton et dans lecou.

— Tu es tellement belle, murmura-t-il, pourquoi t’amuses-tu à séduire les hommescomme ça ?

En émoi, Rachel pouvait à peine respirer et encore moins parler. Elle tenta de se ressaisiret dit :

— Que veux-tu dire ?

— Je parle de tes courbes magnifiques dans cette petite robe très classique, marmonna-t-il en lui léchant le creux de l’oreille. Les filles comme toi devraient être interdites.

Elle ouvrit de grands yeux et scruta l’obscurité de la nuit.

— Vraiment ? glapit-elle. Pourtant j’ai quelques kilos en trop, je suis loin d’être...

— Incroyable ? lui coupa-t-il la parole en continuant à frotter sa bouche contre la sienne.Sexy ? Renversante ?

Il se redressa, sourit et ajouta :

— Si je te connaissais depuis plus longtemps ou si je ne savais pas me tenir, je temontrerais l’état dans lequel tu me mets.

Cette remarque éveilla toute la curiosité de Rachel. L’avait-elle tant excité ?

Il restait parfaitement maître de lui alors qu’elle tremblait de tous ses membres. Elleplongea son regard dans ses yeux foncés et y vit le feu du désir, un désir similaire à celuiqu’elle ressentait de plus en plus fort en elle.

— Je n’ai jamais..., dit-elle en s’éclaircissant la voix, d’habitude, je ne...

— Je sais, dit-il avec une pointe d’amertume, moi non plus, je ne fais pas l’amour lepremier soir.

Il sourit tristement.

— Maintenant que je t’ai rencontrée Rachel, je n’ai plus envie de renoncer aux femmes.

Il l’embrassa de nouveau, puis se baissa pour ramasser son sac. Il le lui tendit ensuite.Elle serra ce sac contre elle à deux mains, comme pour s’interdire de le serrer lui.

Il respira profondément.

— Allez, rentre chez toi et repense à l’agréable soirée que nous avons passée ensemble.

En fronçant les sourcils, il ajouta :

— Et je te conseille de fermer ta porte à clé !

Elle sourit.

— Tu n’es pas du genre à entrer chez les gens par effraction.

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— Je ne sais pas. Avant ce soir, je n’avais jamais été aussi tenté de m’introduire chezquelqu’un.

Elle frissonna. Elle savait qu’il était plus sage de suivre ses conseils et de rentrer seulechez elle, mais il lui était extrêmement difficile de s’y résoudre. Pourtant, c’est ce qu’ellefit. Une fois dans son appartement, elle plaça ses clés et son sac sur la petite table dansl’entrée, puis se retourna pour lui dire au revoir.

Sans savoir comment, ils se retrouvèrent de nouveau dans les bras l’un de l’autre. Unefois encore, elle ne sut dire qui avait pris les devants et elle s’en fichait ; elle se sentaittellement bien dans ses bras. Elle percevait les mouvements de ses mains viriles le long deson dos. Lorsqu’il s’attarda au niveau de ses hanches, elle se cambra vers luiinstinctivement. Son ventre frôla son sexe tendu. Il la désirait vraiment. Le désir deCarter était aussi intense que le sien.

Elle s’était toujours montrée très prudente avec les hommes. Elle avait vécu deuxhistoires d’amour et avait attendu d’être sûre qu’ils soient amoureux et prêts à l’épouseravant de passer à l’acte avec eux. Jamais elle n’avait fait l’amour avec un inconnu. Avantce soir, elle n’avait même jamais embrassé un inconnu. En d’autres circonstances, elleaurait eu honte de son comportement avec Carter, mais ce soir, elle ne s’en souciaitnullement.

Elle posa ses mains sur le torse de Carter et se lança à la découverte de son corps à tâtons.Leurs langues s’entrelaçaient et Rachel prenait plaisir à humer le doux parfum de sapeau. Il mit ses mains sur sa taille et la souleva doucement, la laissant libre une foisencore de faire marche arrière. Spontanément, elle attrapa ses paumes et les fit glisserjusqu’à ses seins.

Elle s’étonnait d’agir de façon aussi libertine, ce qui ne lui ressemblait pas, et ellesavourait sans retenue le plaisir de ses caresses. Elle se préoccuperait du sentiment deculpabilité plus tard. Pour l’heure, elle ne souhaitait que profiter du plaisir de sentir sesmains sur son corps et donner libre cours à sa jouissance.

Le désir de Rachel alla crescendo. Elle se rapprocha encore plus de lui tandis qu’ilcommençait à déboutonner sa robe. Elle tira sur le T-shirt de Carter. Il recula d’un pas etl’ôta. Une seule petite lampe éclairait la pièce, mais Rachel put constater le rythmesaccadé de la respiration de Carter et son désir, qui se manifestait sous la ceinture de sonjean.

Ils s’étreignirent de nouveau à corps perdu. Elle pouvait désormais toucher son dos etson torse, et découvrir la chaleur et la douceur de sa peau. Il finit de déboutonner la robeet de la déshabiller. Rachel l’aida à en retirer les manches et jeta son vêtement à terre.

En temps normal, elle se serait sentie gênée, mais pas cette fois. Carter se pencha et portal’un de ses mamelons à la bouche. Elle s’abandonna à cette chaleur mouillée de ses lèvres

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qui la suçaient. Elle lui toucha la tête, le dos et les bras, et voulut pouvoir le caresserpartout à la fois.

Il la poussa doucement en arrière. Elle se laissa tomber sur le canapé. Il prit délicatementplace sur elle et leurs membres s’enchevêtrèrent spontanément. Il parvint rapidement àexciter la zone sensible entre les cuisses de Rachel en se pressant contre elle.

« Encore », pensait Rachel, qui souhaitait follement aller plus loin. Sentir sa bouche sursa peau nue suffisait déjà presque à la faire jouir. Tout en mordillant son mamelon, ilglissa sa main sur le bas de son ventre et la débarrassa de sa culotte.

Il trouva immédiatement ses zones érogènes. Fallait-il voir là un coup de chance oul’aboutissement d’années d’expérience ? Peu importait à Rachel de le savoir. Il se frottacontre son clitoris gonflé. Elle eut le souffle coupé.

Variant le rythme de ses caresses, il la toucha jusqu’à ce qu’elle atteigne le septième ciel.

Elle s’agrippa à lui et s’abandonna au plaisir. Alors qu’elle atteignait l’orgasme, il retirason jean et la pénétra.

Elle jouit de nouveau lorsqu’il fut à l’intérieur d’elle. Ils s’embrassèrent et se serrèrentéperdument. Il cria son prénom et se raidit en jouissant à son tour, puis ils restèrentimmobiles, enlacés.

Rachel aima sentir le poids de Carter sur elle. Elle avait encore du mal à croire qu’ellevenait de faire l’amour avec un inconnu sur son canapé, au milieu des senteurs de jasminqui flottaient dans la nuit.

Rachel se réveilla quelques minutes avant la sonnerie du réveil. Les rayons du soleilrépandaient une douce lumière dans la pièce. Elle était encore ensommeillée et sespensées embrouillées. D’habitude, elle fermait toujours les volets et tirait les rideauxavant de se coucher, mais ce matin, la fenêtre laissait passer la lumière du jour...

Tout à coup, elle se souvint de ce qui s’était passé la veille au soir. Elle se trouvait dansson lit. Elle se rappela qu’il l’y avait portée, afin que leur deuxième rapport sexuel ait lieudans un endroit plus confortable. Elle s’assit, poussa un cri perçant, puis se réfugia denouveau sous la couette. Elle était complètement nue. En temps normal, elle ne dormaitjamais nue. En temps normal, elle ne ramenait jamais chez elle un homme qu’elle venaità peine de rencontrer pour faire l’amour avec lui de surcroît !

Elle sentit ses joues rougir de gêne. Que lui était-il donc passé par la tête pour agir ainsi ?Elle s’était laissé submerger par l’émoi qu’il avait fait naître en elle.

Elle jugeait son acte inexcusable. En aucun cas elle ne pouvait justifier ce qu’elle avaitfait. « Un moment d’égarement », pensa-t-elle amèrement.

Elle regarda autour d’elle, pour chercher à savoir si Carter se trouvait encore dansl’appartement. Aucun bruit ne s’échappait de la salle de bains et elle ne voyait aucun de

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ses vêtements. Etait-il donc parti ? Etait-ce mieux ainsi ?

Alors qu’elle commençait à se poser beaucoup de questions, elle remarqua une feuille depapier déposée au pied du lit. Elle se pencha doucement, en prenant soin de garder lacouette sur son corps nu, et ramassa le papier.

« Bonjour Rachel. Désolé de partir sans te dire au revoir, mais je dois être au travail trèstôt et comme nous avons peu dormi cette nuit, j’ai préféré ne pas te réveiller ce matin. Tues incroyable et j’espère que l’on se reverra bientôt. Voici mon numéro de portable. »

Il avait ensuite écrit son numéro de téléphone et avait signé.

Rachel relut le message plusieurs fois avant de le poser sur sa table de nuit. Elle étaitsoulagée de le savoir loin d’elle. Elle éviterait ainsi la conversation embarrassante dulendemain de la première nuit. Elle voulait tourner rapidement la page de cette histoired’un soir.

Elle se leva et courut vers l’armoire pour enfiler une robe de chambre. Elle allait toutoublier et ne plus repenser à cet épisode extraordinaire.

Cependant, alors qu’elle marchait vers la cuisine pour aller faire du café, elle s’aperçutque ses hanches et ses cuisses étaient courbaturées et qu’elle se sentait un peu endolorieau niveau de ses parties intimes.

« Pas étonnant », songea-t-elle en souriant. Le premier rapport avait été passionné etardent, tandis que le deuxième s’était déroulé plus langoureusement.

Voilà qu’elle était déjà en train d’y repenser !

— Il ne faut plus que j’y pense, se dit-elle à voix haute. Plus du tout, c’est du passé !

Ce dont elle devait se souvenir, c’était qu’elle avait commis une grosse erreur, qu’elle nedevrait plus jamais refaire. Carter aurait pu être un meurtrier psychopathe. Il aurait pul’assassiner et la découper en morceaux. Elle s’était comportée de façon stupide, et, parchance, en était sortie indemne.

Elle n’avait pas l’intention d’appeler Carter. A quoi bon ? Il devait penser qu’elle n’étaitqu’une fille facile et elle détestait cette idée. Toutefois, elle ne pouvait pas lui en vouloirétant donné son comportement. Elle ignorait comment elle pourrait effacer cette imagefausse qu’elle avait donné d’elle-même. Carter était un bel homme ; ce genre d’aventuresdevait sans doute lui être coutumier. Il ne penserait probablement plus jamais à elle, toutcomme elle allait ne plus jamais penser à lui dès à présent.

Une fois dans la cuisine, elle remarqua que la cafetière était pleine et qu’un délicieuxarôme de café parfumait toute la pièce. « Il a fait du café avant de partir, comme c’estattentionné de sa part », se dit-elle en soupirant.

Le téléphone sonna. Aussitôt, le cœur de Rachel se mit à palpiter. Cependant, elle seressaisit, fermement décidée à ne plus succomber au charme de Carter, ni espérer qu’il

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l’appelle. De toute façon, il savait où elle habitait, mais elle ne lui avait pas donné sonnuméro de, téléphone.

— Allô ?

— Rachel ? C’est Diane. Ça va ?

— Oui.

Diane soupira :

— Je suis vraiment désolée pour hier soir. Je n’arrive pas à croire que je sois partie, en telaissant sur place. J’ai failli en avoir une crise cardiaque quand je suis arrivée chez moi etque je me suis rendu compte que tu étais toujours là-bas. Je suis retournéeimmédiatement au bar, mais la serveuse m’a dit que quelqu’un avait déjà proposé de teraccompagner. Tu es sûre que ça va ?

— Oui, répondit Rachel, qui voulait s’en convaincre en même temps.

— Bon, tant mieux. Tu sais, Eddy me rend folle. Je ne veux plus jamais entendre parlerde lui.

Diane soupira et continua :

— Je t’envie ; toi, tu sais être raisonnable avec les hommes.

Rachel se retint de grimacer.

— Je ne suis pas toujours raisonnable non plus.

Diane rit.

— Ne dis pas de bêtises. Quand as-tu fait quelque chose d’insensé avec un homme pourla dernière fois ?

Rachel n’avait certainement pas envie de répondre à cette question ! Elle l’éluda d’unpetit rire et mit un terme à leur conversation :

— Je dois me préparer, merci d’avoir appelé. On se voit plus tard à l’école, O.K. ?

— D’accord, à plus tard.

Rachel raccrocha le combiné et se versa une tasse de café. Une nouvelle journée débutait.Elle allait repartir sur de bonnes bases et commencer par ne plus passer de folles nuitsavec des inconnus. Elle allait redevenir la femme raisonnable que Diane voyait en elle.C’était mieux ainsi.

Rachel et ses amies se retrouvèrent au cours de tricot. Rachel aimait les petits bruitsrythmés des aiguilles à tricoter, qui lui rappelaient les soirées de son enfance passées danssa famille d’accueil, lorsque sa mère adoptive tricotait et qu’elle buvait du chocolatchaud, assise au coin de la cheminée.

— Elle va me renvoyer du cours si ça continue, dit Crissy à voix basse.

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Noëlle adressa un large sourire à Rachel, puis les deux jeunes femmes se tournèrent versleur amie :

— Mais non, voyons, elle t’aime bien.

— Elle est bien obligée, je lui ai offert un forfait d’un mois dans l’une de mes salles degym. Je sais que ça ne se fait pas de soudoyer les gens de la sorte, mais je ne voyais pasd’autres solutions ! déclara Crissy en tirant sur son tricot pour essayer de l’arranger.

Rachel, sourire aux lèvres, lui dit alors :

— Tu ferais mieux de faire attention à ce que tu fais.

Crissy se mit à rire :

— Tu sais bien que j’assiste à ces cours uniquement parce que je sais que nous sortonsensuite dîner ensemble. Je ne m’en sortais pas si mal aux premiers cours, maismaintenant, cela devient horriblement compliqué.

— Tu pourrais arrêter de venir au cours et nous rejoindre simplement après pour ledîner, non ? suggéra Noëlle.

— Non, ça va, je me débrouille, répondit Crissy en tendant ses aiguilles à Rachel.

Rachel estima le désastre de l’ouvrage et commença à le détricoter.

— Ce n’est pourtant pas difficile de monter des mailles, fit-elle remarquer.

— Je suis une femme d’affaires. Je sais diriger mon entreprise, mais je suis nulle enactivités manuelles. La belle affaire ! lança Crissy.

Noëlle, qui se montrait toujours conciliante, posa sa main sur le bras de Crissy et lui dit :

— Il faut juste que tu t’appliques un peu plus.

— Même en m’appliquant, je n’y arrive pas, objecta Crissy.

Rachel regarda Noëlle.

— C’est un cas désespéré !

— Oui, on dirait bien, dit Noëlle gaiement, mais on l’aime comme elle est.

Noëlle posa ses aiguilles à tricoter et étira ses bras au-dessus de sa tête.

— Mes os craquent de partout. Je n’ai que vingt ans et je suis déjà aussi raide etankylosée qu’une petite vieille !

Crissy serra Noëlle dans ses bras.

— Tu n’es pas une petite vieille, tu es enceinte, ce n’est pas pareil !

Elle mit la main sur le ventre rond de son amie, avant d’ajouter :

— C’est difficile de croire que tu en sois déjà à ton sixième mois de grossesse ; ton ventren’est pas encore très gros.

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— Pourtant j’ai l’impression d’être énorme, dit Noëlle en souriant.

— Comment ça va avec Dev ? demanda Rachel.

Noëlle prit un air rêveur.

— Tout est parfait. Il veut qu’on parte en vacances avant la naissance du bébé. Une sortede voyage de noces tardif en quelque sorte. Mais il préfère que je ne prenne pas l’avion,donc il songe à une croisière. Nous partirons peut-être à la fin du mois de janvier.

Rachel était heureuse pour Noëlle, qui rayonnait de bonheur. Son union avec DevlinHunter n’avait été, à l’origine, rien d’autre qu’un mariage d’intérêt, mais ils étaientensuite tombés sincèrement amoureux l’un de l’autre. Au début de sa grossesse, elle avaitvécu une période difficile, car les médecins avaient évoqué un problème de santé dufœtus, mais les dernières analyses médicales avaient finalement prouvé que le bébé seportait bien.

Noëlle remit ses mèches blondes derrières ses oreilles.

— Et vous deux, quoi de neuf ? demanda-t-elle.

Crissy rit.

— Depuis la semaine dernière ? Ma foi, rien de nouveau ! Et toi Rachel ? Tu as desnouvelles croustillantes à nous raconter ?

— Pas vraiment, murmura Rachel.

Son corps ne s’était pas encore tout à fait remis de sa folle aventure, qui avait eu lieutrois soirs auparavant, mais elle ne voulait pas leur confier cela. Elle savait pourtant queses amies ne se permettraient pas de la juger, mais elle n’était pas prête à en parler.

D’ailleurs, elle était toujours incapable de s’expliquer comment elle avait autant laissédéraper la situation ce soir-là avec Carter. Il est vrai qu’il s’était montré drôle, charmantet sexy, et qu’elle n’avait pas souvent l’occasion de rencontrer ce type d’hommes. Ellecôtoyait plutôt des hommes mariés, les pères de ses élèves. Il est vrai aussi qu’elle n’étaitsortie avec personne depuis longtemps, mais elle estimait que tout cela n’excusait pas sesactes.

Pire encore, elle commençait à regretter d’avoir jeté le petit mot de Carter. Pourtant, celan’avait aucun sens : elle n’allait tout de même pas l’appeler ? Pour lui dire quoi ?L’inviter à sortir avec elle ? Il penserait que seul le sexe l’intéressait. Quelle humiliation !Bien sûr, elle avait apprécié sa nuit d’amour avec lui, mais elle ne voulait pas fonder unerelation uniquement sur cela. Elle était dans un état de confusion et de doute qui neprésageait rien de bon.

Elle avait mieux à faire que de chercher à s’engager dans une relation. S’attacher àquelqu’un impliquait un risque de perdre la personne et elle avait déjà suffisammentsouffert précédemment pour accepter de courir un tel risque.

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— Rachel, ça va ? demanda Noëlle.

— Euh, oui, répondit Rachel en rendant à Crissy son tricot. Pardon, j’avais la têteailleurs.

— Tu faisais une drôle de tête. A quoi pensais-tu ? interrogea Crissy.

Rachel s’efforça de ne pas rougir.

— A rien.

Crissy ne sembla pas convaincue.

— Bon, je ne veux pas me mêler de tes affaires. J’espère simplement que tu n’es pas entrain de tomber amoureuse et que tu ne vas pas te retrouver enceinte toi aussi.

— Je ne sors avec personne en ce moment, dit simplement Rachel.

— Pas besoin de sortir avec quelqu’un depuis des mois pour tomber enceinte ! lançaCrissy en souriant.

Noëlle rit et Rachel se força à sourire. Enceinte ? Non ! C’était impossible. Elle nepouvait pas être enceinte ! Ils n’avaient fait l’amour que deux fois.

Deux fois sans préservatifs.

Dix-sept jours après avoir passé la nuit en compagnie de Carter et quatorze jours aprèsavoir pris conscience qu’elle risquait d’être enceinte, Rachel s’assit sur le bord de sabaignoire, trois tests de grossesse à la main.

Elle avait espéré avoir ses règles à la date prévue, puis avait attendu quelques jours entâchant de ne pas trop s’inquiéter.

Elle regardait maintenant les trois tests, qui indiquaient tous le même résultat : positif !

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3.

Jamais Rachel n’aurait pensé remettre un jour les pieds dans le bar où elle avait

rencontré Carter. Malheureusement, elle s’était débarrassée du morceau de papier surlequel le jeune homme avait laissé son numéro de téléphone et elle devait trouver unmoyen d’entrer en contact avec lui. Elle s’était souvenue qu’une des serveuses, dont elleignorait le nom, avait son numéro et elle avait, par conséquent, décidé d’aller la voir pourobtenir les coordonnées de Carter.

Il était 15 h 30 lorsqu’elle franchit la porte du bar. Elle se sentait nerveuse. La jupequ’elle portait était maculée de taches ; ses petits élèves ne se gênaient pas pour venir secoller à elle avec leurs doigts pleins de peinture ou de colle. Heureusement, les tachesdisparaîtraient au premier lavage. Si seulement son problème de grossesse pouvait sedissiper aussi facilement...

Comme il était encore tôt, l’endroit était presque désert. Sans regarder les quelques raresclients, Rachel se dirigea droit vers le bar et fut soulagée de reconnaître la serveuseprésente dans le bar lors de la fameuse soirée, trois semaines auparavant.

La femme derrière le comptoir sourit.

— Bonjour, puis-je vous aider ?

Elle était belle, avec ses grands yeux verts et sa coupe de cheveux courte et branchée ;elle devait avoir entre vingt-cinq et trente ans.

— Je l’espère, répondit Rachel, qui tremblait. Je cherche Carter.

La serveuse souriait toujours.

— Carter comment ?

— Je ne connais pas son nom de famille, admit Rachel tout en sentant l’humiliationmonter en elle. Je l’ai rencontré complètement par hasard ici il y a trois semaines. J’étaisvenue pour accompagner une amie qui allait rompre et...

Elle reprit sa respiration avant de se remettre à parler :

— Mais peu importe, n’est-ce pas ? Bref, nous nous sommes rencontrés il y a quelquetemps et je dois lui parler. C’est très important. Il s’appelle Carter. Il mesure environ unmètre quatre-vingts, il a les cheveux blonds et il porte une boucle d’oreille.

Dans sa lancée, Rachel laissa échapper la précision suivante :

— Il a une cicatrice en forme d’éclair sur la cuisse droite, au niveau de son...

Alors, la barmaid s’exclama :

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— Ah ! C’est de ce Carter-là que tu parles ! Assieds-toi. Je vais voir si j’arrive à le joindre.

Carter était partagé entre soulagement et agacement. Il n’en revenait pas que Rachel aitattendu trois semaines avant de reprendre contact avec lui. Carter savait qu’attendre etparaître distant permettait à coup sûr d’être désirable aux yeux de l’autre, mais en règlegénérale, c’était lui et non pas ses conquêtes qui jouait à ce petit jeu.

Elle voulait se faire désirer et il ne se laisserait pas prendre à ce piège, pensa-t-il,d’autant plus qu’il n’avait pas particulièrement envie de s’engager dans une relation.

En théorie, il n’y avait donc aucun problème. En pratique, toutefois, son raisonnementtenait moins la route : il n’avait pas cessé de penser à Rachel au cours de ces dernièressemaines. Il savait où elle vivait, mais n’avait pas pris l’initiative d’aller la voir. Aprèstout, il lui avait laissé son numéro de téléphone et elle ne l’avait pas appelé. Selon lui,cela en disait long sur le peu d’intérêt qu’elle lui portait.

Malgré tout, en entrant dans le bar, il était déterminé à la séduire, même s’il n’était pascertain de la désirer. Sa fierté masculine était enjeu. Il fit un signe de la tête à Jenny, quirépondit en montrant du doigt une table dans le fond du bar. Il bomba le torse et avançanonchalamment dans cette direction. En arrivant devant la table, il dut s’arrêter uninstant, tant la beauté de Rachel lui avait coupé le souffle.

Elle se tenait très droite sur la banquette, dans l’expectative. Elle donnait une image trèsprude d’elle-même dans cette tenue et avec les cheveux tirés en arrière pour former unenatte. Carter savait que sous cette apparence se cachait une femme plutôt dévergondée,qui embrassait divinement bien et faisait l’amour en se donnant corps et âme.

L’espace d’une seconde, le fantasme de lui faire l’amour sur la table du bar lui traversal’esprit. Comme il n’était pas de ceux qui aiment se donner en spectacle, il oublia bienvite cette idée. De plus, rien ne lui permettait d’affirmer que Rachel avait toujours enviede lui.

— Rachel, lui dit-il.

Elle se leva à moitié, puis retomba sur la banquette.

— Bonjour Carter.

Il prit place en face d’elle et remarqua une grande enveloppe qu’elle avait déposée sur latable.

— Cela fait un bout de temps depuis l’autre soir, déclara-t-il.

Elle fit oui d’un signe de tête.

— Trois semaines exactement.

Elle passa sa langue sur ses lèvres, ce qui suffit à troubler Carter. Pourquoi lui faisait-elletant d’effet ?

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Elle mit ses mains sur la table, les noua avant de les séparer aussitôt et de les placer surses genoux. Ses gestes trahissaient sa nervosité.

Il avait l’intention de l’écouter simplement, sans trop intervenir, afin d’en apprendreplus sur elle. Mais il ne put s’empêcher de lâcher :

— Tu ne m’as pas appelé.

Il s’en voulut aussitôt.

— Pardon ? dit-elle en cillant.

— Tu ne m’as pas appelé. Pourtant, j’ai été poli. Je devais me lever tôt et je ne voulais paste réveiller, alors je t’ai laissé un petit mot, avec mon numéro de téléphone.

Il se pencha vers elle et lui dit encore :

— Je ne fais pas ça avec n’importe qui tu sais. C’est ce que tu pensais ? Tu pensais que tupouvais profiter de moi un soir et m’oublier le lendemain ?

Il regretta immédiatement de lui avoir dit tout cela. Comment de telles paroles avaient-elles pu s’échapper de sa bouche ? Il venait de s’exprimer comme une femme !

Rachel ouvrit de grands yeux.

— Je n’ai pas profité de toi.

— Si, tu es arrivée à tes fins, puis tu t’es complètement désintéressée de moi.

— Ce sont les hommes qui profitent du sexe faible, et non l’inverse.

— Vraiment ? Seuls les hommes sont capables de mal agir ? Le comportement desfemmes est toujours irréprochable ?

— Non, bien sûr que non.

Elle le dévisagea et lui dit :

— Mais je n’ai pas essayé de profiter de toi.

— Tu aurais pu m’appeler.

— Je ne savais pas quoi te dire.

— Tu aurais pu dire « Merci pour cette soirée formidable. On devrait se revoir àl’occasion », par exemple.

Mais peut-être n’avait-elle pas eu envie de le revoir ? Non, c’était impossible, se rassura-t-il.

Elle prit une grande inspiration.

— Carter, je suis désolée de ne pas avoir appelé, mais il faut maintenant que nousparlions de quelque chose de plus important.

Plus important ? Lorsque les femmes voulaient parler de « choses plus importantes »,

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elles abordaient généralement le sujet de la relation et de l’engagement. Toutefois, ilsongea que Rachel et lui se connaissaient bien trop peu pour commencer une tellediscussion.

— Je t’écoute, dit-il, intrigué.

Elle expira profondément.

— La nuit que nous avons passée ensemble n’a pas été sans conséquences.

Il prit le temps de réfléchir à la phrase qu’elle venait de prononcer. Son sang se glaça.

— Si tu as quelque chose, tu aurais dû me prévenir, grommela-t-il.

En vérité, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il ne s’était pas protégé pendantleurs rapports sexuels. Même s’il n’avait pas eu de préservatifs dans son portefeuille cesoir-là, il aurait dû prendre le temps d’évoquer la question de la protection avec elle etagir en adulte responsable. Avait-il contracté une maladie à cause de son inconscience ?

— Comment ça « si j’ai quelque chose » ? dit-elle d’une voix légèrement agacée. Je nesuis pas malade !

— Moi non plus, je n’ai pas de maladies, je vais bien. Alors si nous sommes tous les deuxen bonne santé, quel est le problème ?

— Tu pourrais le deviner, toi qui t’y connais si bien en femmes : je suis enceinte.

Jenny arriva sur ces entrefaites pour leur demander s’ils voulaient boire quelque chose.

Il regarda Jenny et lui dit :

— Laisse-nous une minute.

— O.K.

Jenny regarda rapidement Rachel, puis retourna au bar.

— Tu ne prends pas la pilule ? demanda-t-il, en songeant qu’il aurait mieux fait de luiposer cette question plus tôt.

— Non, répondit-elle d’une voix basse et gênée.

— Tu m’as laissé te faire l’amour sans aucune protection ni contraceptif ?

Elle ouvrit la bouche puis la referma. Quand elle se décida à parler, elle lui expliqua :

— Je n’avais en aucun cas prévu que nous ferions l’amour ce soir-là et, sur le coup, je n’aipas réfléchi.

Carter pensa qu’elle allait ensuite lui dire que c’était sa faute.

— Je ne fais pas ce genre de choses très souvent, avoua-t-elle, visiblement toujours aussigênée.

— Que veux-tu dire ? lui demanda-t-il.

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Elle regarda autour d’elle et poursuivit en baissant encore le son de sa voix.

— Je n’ai été qu’avec deux hommes et j’étais fiancée dans les deux cas.

— Tu as déjà été mariée ? Deux fois ?

Il semblait quelque peu outré. Elle s’appuya contre la banquette et émit un petitgémissement.

— Non, j’ai été fiancée, mais jamais mariée. Mais peu importe, je ne suis pas ici pour teraconter ma vie, mais pour t’annoncer que je suis enceinte.

— J’ai bien compris.

— Un bébé va naître.

Le mot « bébé » eut l’effet d’un électrochoc pour Carter. Si le terme « enceinte » évoquaitun état dangereux et effrayant, qui permettait de piéger un homme, le mot de « bébé »prenait, lui, une connotation beaucoup plus positive, presque miraculeuse. Il eut lesourire aux lèvres.

— Oui.

— Pas la peine de sourire. Nous n’avons pas désiré cet enfant. Nous ne nous connaissonsmême pas.

Elle lui tendit l’enveloppe et déclara :

— Je me suis rendue chez un avocat. L’enveloppe contient un accord très simple. Je ne tedemande rien et ne te demanderai jamais rien. En contrepartie, tu t’engages à désavouerla paternité de cet enfant.

— Pourquoi ferais-je une chose pareille ?

Elle roula les yeux.

— Parce que c’est la meilleure solution. Nous nous connaissons à peine ; nous nepouvons pas élever un enfant ensemble.

Du coin de l’œil, il vit que Jenny était au téléphone.

Il ne savait pas exactement ce qu’il ressentait. Il avait simplement la certitude que lebébé serait une fille et qu’il était hors de question qu’il renonce à ses droits de père.

— Il faut que nous discutions, dit-il, puis il grimaça en se rendant compte qu’une foisencore, il avait dit exactement ce qu’une femme aurait dit.

— Je t’ai tout dit. Tu n’as plus qu’à lire les documents qui se trouvent dans l’enveloppe.

Il se pencha vers elle.

— Je ne veux pas poursuivre cette conversation dans un bar.

Elle hésita et lui dit :

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— Je ne t’invite plus chez moi. Tu sais ce que ça a donné la dernière fois.

Il voulait lui faire comprendre qu’il n’était pas obnubilé par l’idée d’avoir des relationssexuelles avec elle. Toutefois, il savait que ce serait mentir que de dire le contraire. Iladmirait sa peau claire et les courbes que formaient ses lèvres lorsqu’elle souriait.Malheureusement, elle souriait peu à présent.

— Je ne cherche pas à coucher avec toi. On peut aller chez moi si tu veux. Tu n’as qu’àme suivre avec ta voiture. Je ne veux tout simplement pas poursuivre la discussion ici.

Il ne précisa pas que la serveuse, son ancienne petite amie, continuait régulièrement àprendre des nouvelles de sa mère et qu’à cet instant précis, elle était peut-être même autéléphone avec elle.

Rachel réfléchit un moment, puis acquiesça.

— O.K. On va chez toi. Mais je veux que tu réfléchisses sérieusement à ma proposition.Je n’essaie pas de te piéger.

— Tant mieux !

En temps normal, Rachel aimait conduire sa petite décapotable, mais, ce jour-là, dansson état de fébrilité, elle n’apprécia guère le trajet. La conversation avec Carter ne s’étaitpas déroulée comme elle l’avait imaginé. Tout d’abord, il avait lourdement insisté sur lefait qu’elle ne l’avait pas appelé, comme s’il en avait souffert. Elle n’avait pas pensé uneseule seconde qu’il lui avait laissé son numéro parce qu’il espérait vraiment recevoir unappel de sa part. Elle avait supposé qu’il couchait avec un tas de femmes et qu’elle n’étaitqu’une parmi tant d’autres. Ses suppositions étaient-elles erronées ? Avait-il été vraimentpeiné de ne pas avoir reçu de ses nouvelles ? Elle avait du mal à imaginer qu’elle pouvaitlui plaire.

Ensuite, il avait immédiatement refusé de renoncer à ses droits concernant le bébé.Jamais elle n’aurait pensé qu’il voudrait assumer ce type de responsabilités, car ellecroyait que tous les hommes fuyaient leurs obligations. Elle devait lui faire comprendrequ’ils n’allaient pas vivre cette grossesse comme un couple le ferait. Elle avait déjàsuffisamment de mal à accepter le fait d’être enceinte pour devoir en plus gérer unerelation avec lui.

Elle suivit sa grosse camionnette noire jusque dans un quartier agréable, qui devait êtreessentiellement peuplé de jeunes couples avec enfants. Il se gara dans l’allée d’une joliemaison de plain-pied et elle stationna sa voiture dans la rue.

Elle sortit de la décapotable et jeta un coup d’œil circulaire au voisinage. Elle avaitl’impression de retrouver son enfance ; le quartier ressemblait étrangement à celui danslequel elle avait grandi. Même après toutes ces années, elle se souvenait de sa chambre depetite fille dans les moindres détails : la couleur du papier peint, les étagères de livres surles murs, le désordre de ses jouets et sa maman qui lui demandait de ranger. Elle devenait

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souvent très mélancolique lorsqu’elle repensait à son enfance.

— Rachel ?

Elle leva les yeux et vit que Carter l’attendait sur le pas de la porte. Elle s’avança dansl’allée et entra dans la maison avec lui.

Les murs du salon étaient peints en vert clair et de grands rideaux beiges étaientsuspendus au-dessus des fenêtres. Les meubles paraissaient relativement neufs. Elletrouva la décoration de la pièce assez soignée.

Il l’invita à s’asseoir et lui proposa un verre, qu’elle refusa.

Elle déposa son enveloppe sur la table basse et prit place sur le canapé. Carter marchaitde long en large dans la pièce. Il s’arrêta un instant devant elle, comme s’il était sur lepoint de prendre la parole, mais ne fit que secouer la tête et se remit à arpenter le salon.Elle comprenait qu’il avait besoin de temps. Elle-même ne s’était pas encore faite à l’idée,alors qu’elle avait appris sa grossesse depuis plusieurs jours déjà.

— Je n’avais pas prévu cela, lui lança-t-elle d’une voix douce. Je veux que tu le saches. Cequi s’est passé entre nous était absolument inattendu.

Il la regarda et lui sourit.

— Je sais, j’y étais.

Son regard la troubla. Dans un élan, elle eut envie de se lever et de se blottir dans sesbras. Il la serrerait fort et... Soudain, elle se souvint que c’est ainsi que la situation avaitdérapé la première fois.

Elle s’éclaircit la voix.

— Je ne veux pas que tu t’inquiètes. Je peux parfaitement me débrouiller toute seule.

En réalité, elle était terrifiée à l’idée d’être une mère célibataire, mais elle ne voulait paslui communiquer cette peur.

— Je ne veux mettre aucune pression sur tes épaules. Prends tout le temps que tusouhaites pour lire les documents.

L’expression sur le visage de Carter s’assombrit.

— Que ce soit bien clair entre nous : je ne veux pas abandonner mon enfant.

— Tu veux être père ?

— A vrai dire, je n’avais pas prévu cela cette semaine, mais il s’agit de mon enfant.

Il émit un petit rire étranglé.

— Ce sera ma fille autant que la tienne et tu ne m’en priveras pas.

Il mit ses mains sur ses hanches. Comme elle était assise et lui debout, il paraissait encoreplus puissant et viril. Elle fut intimidée.

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— Tu ne penses pas ce que tu dis, murmura-t-elle, prise au dépourvu à la fois par lecharisme et par les paroles de Carter. Je n’ai pas pensé une minute que tu réagirais ainsi.

— Nous avons fait un enfant et nous devons à présent en assumer la responsabilité.

Il n’avait pas tort, mais elle ne s’attendait pas à l’entendre tenir un tel discours.

La porte d’entrée s’ouvrit alors et trois femmes firent leur apparition dans le salon.L’une d’elles avait une cinquantaine d’années et les deux autres devaient être à peu prèsdu même âge que Carter. Rachel les regarda fixement.

— Maman, ce n’est pas le bon moment, grommela-t-il.

La femme l’écarta de son chemin pour se retrouver devant

Rachel.

— Tais-toi donc Carter, quand on met une femme enceinte sans le vouloir, on n’a pasdroit à la parole.

La mère de Carter avait des cheveux blonds et courts, et les mêmes yeux que son fils.C’était une petite femme qui débordait d’énergie. Les deux autres femmes étaient plusgrandes. Elles étaient belles et un peu intimidantes aussi.

— Comment êtes-vous au courant ? demanda Rachel d’un ton hésitant.

Carter se carra dans l’un des fauteuils en face du canapé.

— Jenny l’a appelée. Rachel, je te présente ma mère, Nina Brockett, et deux de messœurs, Liz et Merry. Maman, voici Rachel.

— Pourquoi la serveuse vous a-t-elle appelée ? demanda encore Rachel, qui cherchait àmieux comprendre la situation.

— Jenny est une amie de la famille, lui répondit Nina.

— Nous restons en contact avec la plupart des anciennes petites amies de Carter. Nousen avons vu défiler beaucoup, mais tu es la première à être tombée enceinte, ajouta l’unedes sœurs.

Rachel fut très surprise d’apprendre que Jenny, la barmaid du bar, était l’ex de Carter.

— Jenny est mariée maintenant, précisa Carter, qui avait lu la stupéfaction dans les yeuxde Rachel.

Nina prit place à côté de Rachel sur le canapé.

— Il va falloir te ménager. Tu vas avoir un bébé, lui dit-elle.

Rachel ne prêta guère attention à cette remarque, mais regarda Carter.

— Tu es sorti avec Jenny ? demanda-t-elle en rougissant. Tout à l’heure, dans le bar,quand je te cherchais, elle a fait mine de ne pas savoir de qui je voulais parler. J’ai dû tedécrire et...

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Elle se rendit compte que les trois femmes l’observaient et n’eut pas envie de continuer àparler de Jenny.

— Peu importe, murmura-t-elle.

— Jenny a beaucoup d’humour ; elle adore faire des blagues, marmonna Carter.

Une des sœurs sourit et dit :

— C’est une fille géniale. Carter a été le témoin à son mariage et elle a été mon témoinau mien.

Rachel jeta un coup d’œil rapide en direction de la porte. Elle n’avait qu’une envie,c’était de fuir en courant. Une discussion au sujet des ex de Carter avec sa mère et sessœurs ? C’était plus qu’elle n’en pouvait supporter !

Nina lui prit la main.

— Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. Tu es un peu inquiète pour le moment, parceque tu ne nous connais pas encore. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi mon fils ne t’avaitpas encore parlé de nous, mais...

— Maman, laisse-la tranquille.

La mère de Carter poursuivit :

— Je ne t’embête pas, n’est-ce pas ? Je veux t’aider. J’aime beaucoup aider les autres. Dis-moi, de quoi étiez-vous en train de parler lorsque nous sommes arrivées ?

Rachel regarda l’enveloppe sur la table. Elle comprenait maintenant un peu mieux queCarter puisse tenir à cet enfant, car la famille occupait manifestement une placeimportante dans sa vie.

— C’était une conversation privée, lança Carter.

— Tu peux nous le dire, dit l’une des sœurs, de toute façon, nous finirons bien par lesavoir.

— Non, répondit Carter assez sèchement.

Il regarda Rachel.

— Si tu veux t’enfuir en courant, vas-y, je ne t’en voudrai pas !

La mère de Carter tenait toujours la main de Rachel, qui tenta de la dégager.

— Carter et moi devons discuter de certains points, dit-elle timidement.

— Bien entendu, dit Nina en lui souriant. Je vois que tu es une fille bien et que tu n’aspas fait exprès de tomber enceinte. Maintenant que tu attends ce bébé, nous allons nouspréparer à l’accueillir.

Nous ? Rachel préférait l’utilisation de la première personne du singulier.

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— En fait, c’est plutôt MOI qui vais me préparer, dit-elle.

— Et MOI, qui suis le père, continua Carter.

— Oui, je ne dis pas le contraire. D’ailleurs, c’est bien la raison pour laquelle je suisvenue te parler de ta paternité, répondit Rachel.

— Je te rappelle quand même que tu ne m’as pas appelé.

Les sœurs se regardèrent, étonnées.

— Tu es sortie avec Carter et tu ne l’as pas rappelé le lendemain ? lança l’une d’elle.

— D’habitude, elles appellent toujours, continua l’autre. Parfois, c’est presque duharcèlement.

— Elles sont toutes folles de mon fils, dit Nina avec fierté.

Rachel haussa les sourcils.

— Ne fais pas attention à ce qu’elles disent, lui conseilla Carter.

— Peut-être que ce qu’elles disent m’intéresse ?

— Non, vraiment, crois-moi, il vaut mieux que tu ne les écoutes pas.

Nina les interrompit.

— Nous devons parler de la cérémonie. Puisque vous allez avoir un bébé ensemble, vousdevez vous marier.

— Quoi ? s’exclamèrent en chœur Rachel et Carter.

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4.

Carter connaissait suffisamment bien sa mère pour ne plus être surpris en l’écoutant.

Pourtant, il devait admettre qu’elle avait poussé le bouchon très loin cette fois. Il lalaissait toujours parler et écoutait ce qu’elle avait à lui dire, mais ne se sentait nullementobligé de suivre ses recommandations.

Il se leva, marcha en direction de la porte et prit la parole :

— Ça suffit. Merci à vous trois d’être passées et à bientôt !

Sa mère se leva également, s’arrêta devant lui et lui lança un regard furieux.

— Carter Brockett, je ne plaisante pas.

— Moi non plus, maman. Cette histoire concerne Rachel et moi. Nous n’avons pasbesoin que tu nous dises ce que nous devons faire.

— Carter, tu vas avoir un bébé. Ce n’est pas rien !

Au fond, Carter savait que sa mère voulait bien faire. Elle l’aimait et était prête à toutpour son fils bien-aimé. Toutefois, cet amour débordant était parfois insupportable.

Il se pencha et l’embrassa.

— Je sais maman. Fais-moi confiance, d’accord ?

Elle haussa les épaules, puis acquiesça. Elle sortit de la maison, suivie de ses deux filles.

— Tu t’es mis dans de beaux draps, lui murmura au passage Merry en souriant.

— Merci pour ton soutien et ta compréhension, sœurette !

— De rien.

Il referma la porte derrière elles.

Rachel se trouvait toujours sur le canapé, l’air assez déboussolé. Carter savait que lapremière impression que donnaient les membres de sa famille pouvait souvent êtredéconcertante. Il alla dans la cuisine et lui rapporta un grand verre d’eau. Elle le regardafixement.

— Ça va ? lui demanda-t-il.

— Non.

— Ne t’inquiète pas au sujet de ma famille. Tu viens de rencontrer ma mère et deux demes sœurs. J’ai aussi une troisième sœur. Je suis le benjamin de la famille, le seul garçon.Mon père est mort avant ma naissance, donc j’ai toujours vécu uniquement entouré defilles.

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Rachel but une gorgée d’eau.

— Quand tu m’as expliqué que les femmes étaient une source d’ennuis pour toi, jepensais que tu faisais référence à tes relations amoureuses, pas à ta famille.

— Tout mon entourage est féminin. Même mon labrador est une chienne.

Elle esquissa un petit sourire.

— Quoi qu’il en soit, ta famille tient visiblement beaucoup à toi et t’aime énormément.

Elle reprit une gorgée d’eau.

— Jenny a vraiment appelé ta mère pour lui raconter ce qu’elle avait entendu ?

— Oui. Jenny est restée très proche de ma mère et de mes sœurs, comme beaucoup demes autres anciennes petites amies d’ailleurs. Elles viennent parfois leur rendre visite et ilm’arrive par conséquent de les croiser.

Il était resté en bons termes avec ses ex. Parfois, il se demandait s’il ne préférerait pasqu’elles soient fâchées et vindicatives. Cela aurait, par exemple, permis d’éviter lesennuis liés au coup de fil de Jenny.

Il n’avait rien contre Jenny. Il l’appréciait beaucoup et elle avait épousé un homme bien.Mais pourquoi avait-elle cru bon de prévenir sa mère de la grossesse de Rachel ?

Rachel se rendit compte de l’embarras de Carter.

— Je n’ai pas fait exprès de tomber enceinte.

— Je le sais bien. Nous n’avions pas prévu cela.

Elle baissa la tête, mais il remarqua son petit sourire.

— A vrai dire, je me suis un peu laissé emporter. Je n’avais jamais vécu une telleaventure, avoua-t-elle.

— Moi non plus.

Elle redressa la tête et roula les yeux.

— Arrête ton cinéma. Je ne te connais peut-être pas bien, mais je commence à avoir uneidée assez précise de ton passé. Ne me fais pas croire que tu n’as pas eu de multiplesconquêtes.

— J’ai eu beaucoup de petites amies, mais j’ai rarement ressenti une passion si forte.

— Tu ne penses pas ce que tu dis.

Carter la trouvait absolument charmante lorsqu’elle doutait de la sorte. Elle l’attiraittoujours autant, mais la situation serait encore plus complexe pour lui s’ils devenaientamants. Il pensait qu’il était plus sage de ne pas tomber sous son charme. Mais commentrésister à son doux parfum ?

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— Si, je pense ce que je dis. Tu es belle, sexy et tu as le sens de l’humour. Tu as un looktrès sage, mais sous tes vêtements se cache un corps plein de grâce. Tu es irrésistible.

— Eh bien, alors tu as de la chance de m’avoir eue !

— Oui, beaucoup de chance, dit-il en souriant, sauf que nous devons maintenant nouspréoccuper des conséquences de notre nuit d’amour. Rachel, je ne vais pas abandonnerma fille.

— Tu ne sais pas si le bébé sera une fille.

— J’en suis sûr ! Il faut qu’on trouve une solution, parce que je refuse de signer lespapiers que tu as apportés.

Rachel avait légitimement pensé qu’il n’aurait pas la volonté d’assumer sa responsabilitéde père, car la plupart des hommes auraient volontiers accepté de s’y soustraire.

Carter ne faisait pas partie de cette catégorie d’hommes lâches. Sa mère lui avaittoujours appris à respecter les valeurs familiales plus que tout.

— O.K., je comprends maintenant que je te connais un peu mieux.

Elle se redressa et mit sa main sur son ventre.

— Quelle solution suggères-tu alors ? Ne le prends pas mal, mais je n’ai pas l’intentionde suivre le conseil de ta mère.

— Tu ne veux pas m’épouser ? demanda-t-il d’un ton taquin.

— Je ne te connais pas.

— Je suis un beau parti.

— En tout cas, on peut dire que tu ne manques pas d’assurance !

Il sourit.

— Mais c’est la vérité, demande à qui tu voudras, on te le confirmera.

— Je peux demander à tes centaines d’ex.

— Je n’en ai pas autant.

Il se leva et continua :

— Ecoute, il nous reste environ huit mois avant la naissance du bébé, n’est-ce pas ?

— Oui, à peu près.

— O.K. Cela nous laisse du temps pour réfléchir à ce que nous voulons faire. Ma mèren’a pas le monopole de la meilleure solution. Nous allons prendre notre temps, réfléchircalmement et trouver la solution qui nous convient.

Il hésita un instant et demanda :

— Tu vas garder le bébé, n’est-ce pas ?

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— Bien sûr ! protesta-t-elle. Je veux cet enfant.

— Moi aussi. Nous allons donc étudier les possibilités qui s’offrent à nous. Nous nevivons pas très loin l’un de l’autre, donc nous pourrions facilement instaurer un systèmede garde partagée. Je suggère que nous continuions à apprendre à mieux nous connaîtredans un premier temps.

Elle se mordit la lèvre inférieure. Il trouva ce geste très sexy et il se troubla. Ils étaient denouveau seuls dans la maison, ils pourraient... « Non, se dit-il, ce n’est pas raisonnabled’avoir de telles pensées maintenant. »

Visiblement inconsciente du trouble dans lequel elle venait de plonger Carter, Rachelpoursuivit la conversation :

— Oui, très bonne idée.

Il saisit un stylo et un morceau de papier et y inscrivit son numéro de téléphone fixe etson numéro de portable.

En lui tendant le papier, il lui dit :

— Tu me promets de ne pas le jeter cette fois ?

— C’est promis.

— Pourquoi tu n’avais pas voulu m’appeler ?

Elle soupira.

— Combien de fois vas-tu me poser cette question ?

— Je te la poserai tant que tu n’y auras pas répondu.

Elle se renfonça dans le canapé.

— Je ne pouvais pas t’appeler Carter, parce que, sincèrement, je ne savais pas quoi tedire. Je n’avais jamais agi comme ça et j’avais peur que tu méjugés mal. Moi-même, je nesavais pas quoi penser de mon comportement.

Il haussa les épaules d’un mouvement exagéré et soupira, en souriant.

— En somme, tu t’es servie de moi pour assouvir ton appétit sexuel.

— Tu es impossible ! Tu sais très bien que ce n’est pas vrai !

Elle se pencha pour attraper le papier et le stylo. Elle se retrouva alors tout contre lui, sapoitrine appuyée contre son bras et l’une de ses mains posée sur son ventre. La réactionde Carter ne se fit pas attendre. Il n’eut qu’une envie, celle de la prendre dans ses bras.

Leurs regards se croisèrent et il fut heureux de lire dans le sien autant de désir.Cependant, elle fit preuve d’une plus grande maîtrise que lui.

— Je vais te donner mon numéro aussi, murmura-t-elle en reprenant sa position initialedans le canapé et en s’empressant d’écrire ses coordonnées.

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— Nous devrions nous revoir pour continuer à discuter. Samedi prochain, ça te va ?demanda-t-il.

— Oui. Tu veux sortir ou... Dans tous les cas, ça va ressembler à un rancard...

— Mais cela n’en sera pas un. J’apporterai le dîner et nous mangerons chez toi, nous yserons plus tranquille. Ma mère ne risquera pas de débarquer cette fois et de nousinterrompre...

— D’interrompre notre conversation, rectifia Rachel.

— Oui, oui, nous ne ferons que parler, consentit-il.

Carter ouvrit la porte de derrière et siffla Goldie. Le labrador beige sortit de sa belleniche, s’étira et s’avança d’un pas nonchalant vers son maître. La chienne lui lécha lamain, puis colla sa tête contre sa cuisse, quémandant ainsi une caresse.

— Tu es toujours en train de réclamer des câlins, mais c’est toujours moi qui les donne,jamais toi. Allez viens, on va aller voir maman.

A ces mots, Goldie dressa les oreilles et se mit à trotter allègrement. Avant de traverserla rue, Goldie attendit que Carter vérifie qu’il n’y avait pas de voitures, puis elle seprécipita jusqu’au petit jardin se trouvant devant la propriété de Nina Brockett. Ellerenifla le grand arbre, puis alla directement à la porte d’entrée et se dressa sur ses deuxpattes arrière pour appuyer ses pattes avant sur la porte.

La mère de Carter ne tarda pas à ouvrir la porte.

— Bonjour Goldie. Viens là ma belle. Un reste de rôti t’attend dans la cuisine.

Elle regarda ensuite son fils.

— Si tu es venu pour me dire d’arrêter de mettre le nez dans tes affaires, tu peux aussibien repartir tout de suite.

— C’est en effet ce que j’ai l’intention de te dire, et je sais très bien que tu n’auras pas lecœur à me renvoyer chez moi sans m’avoir avant donné à manger !

— Tu te crois malin, grommela-t-elle.

Cela dit, au lieu de lui claquer la porte au nez, elle le fit entrer et le dirigea droit vers lacuisine.

Carter avait grandi dans cette maison. Il en avait peint les murs, l’avait carrelée et avaitcassé une fenêtre en jouant au base-bail dans le jardin avec Billy Hinton. Cet endroitregorgeait de souvenirs, agréables pour la plupart.

La cuisine américaine était spacieuse, avec de grands placards peints et une gigantesquegazinière, sur laquelle mijotait un plat quasiment en permanence. D’ailleurs, à cemoment précis, une sauce à la carbonara y mitonnait.

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— Où sont les filles ? questionna-t-il.

— Je leur ai dit de rentrer chez elles. Je voulais te parler seul à seul.

Cette remarque ne présageait rien de bon. Il prit un tabouret du bar et saisit un desbiscuits dans une assiette posée sur la table.

— J’apprécie que tu veuilles m’aider et je t’aime, mais, s’il te plaît, ne te mêle pas decette histoire. C’est à moi et à Rachel de décider de ce que nous devons faire.

— Ce que vous devez faire ? répéta sa mère, en colère.

Elle lui lança un regard furieux. Comme il était assis, leurs yeux étaient au même niveau.

— Carter, voyons, si la femme avec qui tu as des relations sexuelles tombe enceinte, tudois l’épouser ! Je pensais t’avoir transmis certaines valeurs.

Sa mère était une femme d’un charisme incroyable. Il ignorait ce qui lui donnait un telcharisme, mais il en avait toujours été très admiratif. Lorsqu’elle adoptait un certain tonet qu’elle le regardait d’une certaine manière, il avait l’impression d’être encore ungarçonnet de dix ans en face d’elle.

— La société évolue, fit-il remarquer. De nos jours, beaucoup de femmes élèvent desenfants seules. C’est ce que Rachel veut.

Il n’avait pas oublié que la première intention de Rachel avait été de le convaincre derenoncer à cet enfant. Une telle proposition n’émanait manifestement pas d’une femmequi aurait désiré l’épouser.

— L’as-tu demandée en mariage ? Lui as-tu expliqué que tu étais une personneresponsable ?

— Je lui ai dit que je voulais jouer mon rôle de père, que je voulais partager la garde del’enfant.

Sa mère se dirigea vers l’évier, où elle commença à récurer des casseroles.

— Comment ça « partager la garde » ? Tu veux vivre à temps partiel avec ton enfant ? Tun’es pas sérieux Carter. Tu dois épouser cette fille.

— Elle ne veut pas se marier avec moi.

— Comment le sais-tu ? Le lui as-tu demandé ?

Il se garda de lui parler des papiers que Rachel avait voulu lui faire signer. Elle n’auraitsans doute pas compris pour quelle raison une femme chercherait à éloigner un père deson enfant et elle aurait risqué de prendre Rachel en grippe. Nina Brockett était unefemme adorable, mais il fallait admettre qu’elle pouvait se montrer très rancunière.Comme Rachel allait être la mère de son enfant, Nina et Rachel allaient avoir demultiples occasions de se croiser, et il préférait par conséquent que sa mère ait une bonneopinion de Rachel.

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— Je ne le lui ai pas demandé, parce que je connais déjà sa réponse, dit-il simplement.

— Tu te trompes peut-être. La vie est pleine de surprises.

— Maman, arrête.

Elle jeta le torchon et se retourna pour être face à lui.

— Non, je ne vais pas arrêter. Tu es mon fils et il s’agit de ton premier enfant. Il faut quetu sois un père pour ce bébé.

Il reposa le biscuit qu’il tenait dans la main.

— Je vais être son père, dit-il calmement, je vais être présent dans sa vie.

L’expression du visage de sa mère s’adoucit.

— Je sais, Carter, excuse-moi. Tu sais mieux que personne ce que c’est de grandir sanspère.

— Oui, alors fais-moi confiance, déclara-t-il.

— Ce n’est pas facile de te faire confiance. Je ne peux même pas compter sur toi pourmettre des préservatifs.

Son franc-parler le surprendrait décidément toujours ! Carter, qui souhaitait mettre unterme à cette visite, chercha Goldie des yeux. La chienne reniflait l’assiette posée à terre,dont elle venait de lécher les dernières miettes.

— Il faut que j’y aille, lança-t-il en se levant.

Il siffla Goldie.

— Epouse cette fille.

— Je t’aime maman.

— Je t’aime aussi, mais je t’aimerais encore plus si tu épousais Rachel.

— O.K. !

Quand sa mère avait une idée en tête, rien ne pouvait l’en faire démordre. Tant qu’ils neseraient pas mariés, il savait qu’elle ne le laisserait pas en paix.

En théorie, il n’avait rien contre le mariage... des autres. Lui ne voyait pas l’intérêt depasser la vie entière avec une seule et même personne.

Ses sœurs lui répétaient souvent qu’il raisonnait de la sorte parce qu’il n’avait jamais étéamoureux et que le jour où il serait vraiment épris d’une femme, il comprendrait. Il leurdisait qu’il ne tomberait jamais amoureux. Non pas que l’idée d’être amoureux ne luidéplaise, au contraire ; il était désireux de ressentir cette envie de se réveiller tous lesmatins au côté d’une femme qu’il aimerait plus que tout. Seulement, il n’avait jamaisrencontré une telle femme. Il avait fini par se convaincre que l’existence de l’âme sœurn’était qu’un mythe.

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Si Rachel avait tenu à se marier pour que le bébé porte le nom du père, il auraitprobablement accepté, pour autant qu’elle comprenne que cela ne signifiait pas qu’il étaitamoureux d’elle. Mais, apparemment, le mariage était bien la dernière chose à laquelleRachel pensait. Alors ils trouveraient une autre solution, adaptée à leurs besoins et à ceuxde l’enfant. Il ne croyait peut-être pas à l’âme sœur, mais savait l’importance de l’amourentre parents et enfants, et n’allait pas laisser cet amour s’échapper.

— Commandons une bouteille de vin, suggéra Crissy alors que les filles prenaient placedans le restaurant après le cours de tricot. Je ne suis vraiment pas douée en tricot ! ajouta-t-elle.

— Tu n’es pas si mauvaise, dit Noëlle gentiment.

— Mon amie Jan a sursauté lorsqu’elle a vu ce que j’avais tricoté. Si ça continue, vousallez passer dans le cours de niveau supérieur et moi je vais rester chez les débutantes àdémêler mes pelotes de laine.

Rachel rit.

— Tu exagères vraiment !

Crissy s’empara de la carte de menu.

— J’exagère à peine et tu le sais, tu passes ton temps à rectifier les erreurs que je fais avecmes aiguilles. Enfin, je ne devrais pas en faire tout un plat, ce n’est pas important. Mêmesi je suis nulle en tricot, cela ne m’empêche pas d’être une femme exceptionnelle, qui aréussi une belle carrière !

— Et qui a une superbe voiture ! ajouta Noëlle.

— Je dirais même une voiture de luxe ! renchérit Rachel en songeant au magnifiquecabriolet que son amie venait d’acquérir.

— Et j’ai des amies fantastiques, conclut Crissy, donc tout va bien. Je n’ai pas de petitami, mais c’est un choix de ma part, je n’ai pas envie de m’encombrer l’esprit avec deshistoires de cœur. Si mon seul problème est de ne pas savoir tricoter, je suppose que jen’ai pas à me plaindre. Mais je suis quand même envieuse de toutes ces filles capables deréaliser des travaux manuels.

Rachel pensa à la réussite professionnelle de Crissy, qui avait lancé une chaîne de sallesde sport réservées aux femmes. Elle avait ouvert quatre salles en un an et n’était pas prèsde s’arrêter en si bon chemin.

— Toi tu es capable de faire fortune, c’est bien aussi ! Tu veux échanger ton job contre lemien ? Tu pourrais faire des travaux manuels avec mes élèves...

— Non merci, sans façon ! dit Crissy en souriant. Tu fais un métier très utile, mais jepréfère toucher mon salaire que le tien.

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— J’ai toujours voulu être institutrice, je m’épanouis pleinement dans mon travail,commenta Rachel.

En réalité, Rachel avait surtout rêvé d’être danseuse professionnelle avant d’entamer sacarrière d’enseignante.

Crissy avait maintenant le nez dans son menu.

— Que commandons-nous ? Rachel, tu boiras du vin avec moi, n’est-ce pas ? Je ne veuxpas être la seule à en prendre et Noëlle ne peux pas en boire puisqu’elle est enceinte.

Rachel ne sut quoi répondre à son amie. Elle avait évidemment l’intention de leur direqu’elle était enceinte, mais ne pensait pas faire cette annonce aussi précocement.

— Tu vas bien Rachel ? Tu es très calme ce soir, fit remarquer Noëlle.

— Oui, je vais bien, confirma Rachel.

— Alors, quoi de neuf ? Au moins toi tu n’es pas enceinte comme madame ici présente,lança Crissy en regardant Noëlle d’un air complice.

Rachel inspira et dit :

— Eh bien si, moi aussi, je suis enceinte.

Noëlle ouvrit de grands yeux.

— C’est vrai Rachel ? C’est fantastique !

Crissy cligna plusieurs fois des yeux, puis leva un bras.

— Serveur ! Apportez-moi une margarita. Il me faut un remontant !

Elle rebaissa le bras et s’adressa à Rachel :

— Enceinte ? Tu en es sûre ? Tu vas avoir un bébé ?

Rachel fit oui de la tête.

— J’ai fait sept tests de grossesse différents. Il n’y a aucun doute.

— Il y a donc un homme dans ta vie. Je ne savais pas que tu sortais avec quelqu’un, ditCrissy.

Puis elle se tourna vers Noëlle et lui demanda :

— Tu le savais toi ?

— Non. Parle-nous de cet homme ! Qui est le père ?

— C’est une question difficile, admit Rachel.

Le serveur apporta le cocktail de Crissy et elles commandèrent leur repas. Lorsqu’il futparti, Noëlle se pencha vers Rachel, les coudes sur la table et lui dit :

— Allez, raconte-nous tout.

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Rachel avala la gorgée d’eau qu’elle venait de prendre.

— D’accord, mais vous devez me promettre de ne pas mal me juger. Je n’agis jamaiscomme ça d’habitude, j’accepte rarement des rendez-vous galants et je ne couche jamaisavec un homme dès le premier soir.

— Tu veux dire que cette fois-ci tu as couché avec le type à votre premier rendez-vous ?Je suis impressionnée. Je te savais capable de tricoter, de t’occuper de jeunes enfants, maislà, tu me surprends. Donne-nous plus de détails !

Rachel leur expliqua qu’elle avait accompagné Diane dans un bar, que Carter lui avaitpayé un verre et qu’ils avaient commencé à discuter tous les deux. Elle leur conta ensuiteque Diane avait déguerpi en la laissant seule sur place et que Carter lui avait offert de laraccompagner.

— Sur le pas de ma porte, j’avais seulement l’intention de l’embrasser sur la joue. Jen’avais pas du tout prévu de perdre le contrôle de la situation comme je l’ai fait.

— Eh bien ! Il doit vraiment bien embrasser ! commenta Crissy.

Rachel tenta de ne pas rougir.

— On s’est laissé emporter, comme dans les films. Le lendemain, il est parti très tôt parcequ’il devait aller travailler. Avant de partir, il m’a laissé son numéro de téléphone sur unbout de papier.

Noëlle croisa les bras.

— Vous sortez ensemble depuis un moment déjà. Pourquoi ne nous avais-tu pas encoreparlé de lui ?

— Nous ne sortons pas ensemble, rectifia Rachel.

Crissy lâcha la paille de son verre pour prendre la parole.

— Tu as rencontré un homme qui t’a tellement bien embrassée que tu n’as pas put’empêcher de faire l’amour avec lui, mais vous ne sortez pas ensemble ?

— Je ne l’ai pas appelé.

— Pourquoi ? demandèrent les deux filles en même temps.

Rachel tripotait sa fourchette et sa serviette en papier.

— Je ne sais pas. Je ne savais pas quoi lui dire. Il allait penser que j’étais une fille facile,alors que je ne suis pas comme ça normalement.

Crissy grimaça.

— C’est pour ça que tu ne l’as pas appelé ?

Et Noëlle de continuer :

— Rachel, je peux comprendre que tu te sentes un peu gênée, mais tu aurais pu

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demander à le revoir quand même ?

Rachel ne savait honnêtement pas quoi répondre. Elle avait revu Carter et elle devaitadmettre qu’elle l’appréciait toujours, et plus seulement d’un point de vue sexuel.

— C’est compliqué, dit-elle, j’ai pensé que la meilleure solution pour moi serait del’éviter.

— Mais tu es tombée enceinte... L’as-tu prévenu ? demanda Crissy.

— Oui. En fait, je suis d’abord allée chez un avocat.

Elle leur expliqua qu’elle avait voulu faire signer à Carter

une décharge de responsabilité.

— Il a accepté de signer ? Il a accepté de renoncer à son enfant ? balbutia Noëlle.

— Non. Il a refusé. J’ai l’impression qu’il a été vexé que je lui propose cela. Ensuite, samère et deux de ses sœurs sont arrivées chez lui ; elles savaient déjà que j’étais enceinte.

Crissy et Noëlle échangèrent un regard perplexe. Voyant cela, Rachel leur expliqua alorsla discussion au sujet du bébé avec Carter dans le bar, la présence de Jenny, puis la fin dela discussion chez Carter.

— Sa mère pense que nous devrions nous marier.

— Elle a raison, dit Noëlle d’un ton guindé, vous allez avoir un bébé ensemble, il fautvous marier.

— Nous ne sommes plus au xixc siècle, rétorqua Crissy. Les gens ne sont plus obligés dese marier pour avoir des enfants. Rachel, fais ce que tu veux. Si tu préfères être une mèrecélibataire, c’est ton choix.

— Au niveau du travail, cela ne poserait pas de problème, dit doucement Rachel.L’année dernière, une des institutrices a eu un enfant alors qu’elle était célibataire.

Noëlle se pencha vers Rachel.

— Bien sûr que tu as le droit d’être une mère célibataire, mais est-ce vraiment ce que tusouhaites ? Tu sais, Dev et moi ne nous sommes pas mariés par amour, mais finalement,nous nous aimons maintenant passionnément.

— Ton exemple est un cas exceptionnel, fit remarquer Crissy. Rachel, tu n’es pas obligéed’épouser un parfait inconnu.

— Elle le connaît quand même un peu, puisqu’elle l’a vu entièrement nu ! renchéritNoëlle.

— Qu’est-ce que tu veux faire, Rachel ? finit par demander Crissy.

Rachel soupira.

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— Je ne sais pas. Carter et moi avons décidé de nous voir de temps en temps pour mieuxfaire connaissance, avant de décider quoi que ce soit. En plus, le mariage était l’idée de samère, pas la sienne. Lui n’avait pas évoqué cette solution avec moi.

— S’il t’avait proposé de t’épouser, que lui aurais-tu dit ? questionna Noëlle.

— Je ne sais pas non plus, admit la jeune femme.

Elle repensa à la conversation qu’elle avait eue avec Carter.

— Il m’a fait remarquer que je m’habillais presque comme une bonne sœur !

Noëlle fut tellement surprise par cette remarque qu’elle faillit avaler son eau de travers.Rachel ajouta :

— C’est vrai que je m’habille de façon assez simple. C’est mieux lorsqu’on travailleentouré d’enfants. Vous trouvez que mon style est trop classique ?

Crissy regarda son chemisier à manches courtes et sa longue jupe.

— Tu ne suis pas les dernières tendances de la mode, mais tu es bien habillée.

— En fait, il a réussi à tourner cette remarque sur mes vêtements en compliment. Il a ditqu’il me trouvait très attirante, même si je m’habillais comme une bonne sœur, précisaRachel.

— Elle prend sa défense, constata Noëlle, c’est bon signe.

— Je ne prends pas sa défense, je vous donne des explications, protesta Rachel.

— Ecoute Rachel, fais ce qui te semble bon pour toi. C’est ton bébé, alors ne laissepersonne d’autre prendre des décisions à ta place.

— C’est aussi le bébé de Carter, fit remarquer Noëlle, et il semble prendre sa paternité àcœur.

— Oui, il veut être père. Et puis, il y a toute sa famille... Ils ont l’air très gentils.

Cette famille lui rappelait d’ailleurs un peu la sienne. Pourrait-elle s’intégrer dans unenouvelle famille ?

— Carter a dit que nous devrions prendre notre temps. Nous allons nous revoir etdiscuter davantage de la situation.

— C’est bien, pas d’emballement !

— Je ne suis pas du genre à m’emballer, affirma Rachel.

— La preuve ! dit Crissy en fixant des yeux le ventre de Rachel.

— Oui, bon, ce soir-là, j’ai eu un moment de folie. Mais, ce que je voulais dire, c’est queje vis sans famille depuis l’âge de douze ans, donc je sais prendre soin de moi.

— Maintenant, tu ne seras plus seule dans la vie, dit Noëlle.

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— Un bébé, murmura Rachel. Je ne me rends pas encore compte. Je n’ai toujours pasl’impression d’être enceinte.

— Oui, ça a été pareil pour moi au début, mais je ne parlais pas du bébé, je faisaisréférence à Carter.

— Carter ne fait pas partie de ma vie.

— Je crois au contraire qu’il en fait maintenant partie pour toujours, puisque un bébévous unit, lui dit Crissy.

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5.

Vingt minutes avant l’heure à laquelle Carter devait arriver, Rachel commença à se

sentir nerveuse et à faire les cent pas. Elle savait qu’il ne venait que pour parler, mais nepouvait s’empêcher de se rappeler ce qui s’était passé entre eux la dernière fois qu’il avaitmis les pieds chez elle. Ses souvenirs étaient tellement agréables qu’elle n’avait mêmeplus honte d’avoir cédé à la tentation.

Cela dit, la grossesse l’angoissait énormément et si elle avait pu remonter le temps etempêcher la conception, elle l’aurait fait sans l’ombre d’une hésitation. Toutefois, elleressentait encore d’exquis frissons en repensant aux mains de Carter sur son corps. Elledevrait faire bien attention à présent à ce que la scène de l’autre soir ne se reproduise pas.

« Inutile de compliquer la situation encore plus », se dit-elle.

Elle regarda la table de la salle à manger qu’elle venait de dresser de trois manièresdifférentes avant d’opter finalement pour un set de table et des serviettes en papier sansprétention. Après tout, elle ne cherchait pas à le séduire ; il ne devait donc pas avoirl’impression qu’elle s’était donné du mal. Ce repas était censé n’être rien de plus qu’unsimple dîner avec un ami... Un ami un peu spécial toutefois...

Elle se trouvait dans un tel état d’agitation fébrile qu’elle fut soulagée lorsqu’elleentendit enfin des bruits de pas dehors.

— Bonjour, dit-elle en ouvrant la porte avant même qu’il n’ait sonné.

— Bonjour.

Carter sourit, puis entra.

— J’avais oublié qu’il y avait tant de plantes chez toi, dit-il en voyant la multitude depots suspendus et posés à terre.

— Oui, j’ai la main verte.

Il lui tendit un panier.

— Le dîner de madame ! s’exclama-t-il. J’espère que tu aimes les pâtes.

— Bien sûr ! Tout le monde aime les pâtes.

Il était beau. En règle générale, elle était attirée par des hommes aux cheveux courts,vêtus de chemises à col boutonné, et qui portaient des mocassins. Carter, lui, avait sur ledos un T-shirt rouge délavé qu’il n’avait pas pris la peine de rentrer dans son jean. Seschaussures étaient loin d’être neuves et il ne portait pas de chaussettes. Quant à sacoiffure, des mèches blondes lui arrivaient presque au niveau des épaules.

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Pourtant, au lieu de rester indifférente à lui, elle mourait d’envie de faire courir sesmains le long de son torse, sur ce T-shirt qui semblait si doux, puis sur sa peau sisensuelle...

Elle alla se réfugier dans la cuisine pour éviter tout geste qu’elle risquait de regretter.Elle devait être vigilante, ne pas laisser ses pensées divaguer. Elle ouvrit le panier etcontempla les nombreux bocaux qu’il contenait.

— Qu’est-ce que c’est que tout ça ?

Carter s’approcha et regarda par-dessus son épaule.

— Des raviolis, de la sauce, de la salade, de la vinaigrette, du pain et un dessert dontj’ignore tout.

— Tu ne sais pas ce que tu as préparé ?

Il la regarda et lui sourit.

— Je n’ai rien cuisiné. Mes sœurs garnissent régulièrement mon réfrigérateur. A peineavaient-elles appris que nous allions manger ensemble ce soir qu’elles s’affairaient déjàen cuisine à préparer ce repas.

— C’est très gentil de leur part.

Rachel songea qu’il devait être très agréable de trouver un dîner prêt en rentrant d’unelongue journée de travail.

— Oui, je suis ravi. Je ne sais jamais à l’avance ce que je vais manger le soir, mais j’aimeles surprises.

« Même celle d’apprendre que tu vas être père ? » avait-elle envie de lui demander, maiselle se retint de peur de ne pas aimer la réponse qu’il donnerait.

— Elles ont laissé des instructions, précisa-t-il en sortant une feuille de papier du panier.

Il était très près d’elle et son avant-bras effleurait sa taille. Il lui tendit le papier. Pendantquelques secondes, elle fut incapable de le lire tant il la troublait. Il se recula. Elle se ditque c’était mieux ainsi et tenta de se convaincre qu’elle n’était pas déçue qu’il ne l’ait pasprise dans ses bras et embrassée. Elle cligna des yeux, reprit ses esprits et lut la petite note:

— « Raviolis et sauce à réchauffer à feu doux, salade et tiramisu à placer au réfrigérateur.» Tes sœurs ont fait le tiramisu elles-mêmes ?

— Probablement.

— Je n’en ai jamais goûté du fait maison ! Cela doit être délicieux.

— Merry sera ravie d’apprendre que ses plats ont suscité un tel enthousiasme.

Le sourire de Carter la fit frémir. Elle devait se ressaisir. Elle réagissait à son physique

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plus qu’agréable comme une fille écervelée. Elle devait en savoir plus sur lui. Elle devaitsavoir si, au fond, c’était un homme bon, plutôt que de continuer à ne s’intéresser qu’à sabelle plastique.

Elle suivit les consignes des sœurs de Carter, puis demanda à Carter ce qu’il désiraitboire.

— J’ai acheté la même bière que celle que tu buvais au bar l’autre jour, tu en veux ?

— Oui, merci.

Elle refit son apparition dans le salon, la bière de Carter et un verre d’eau dans les mains.Ils s’assirent sur le canapé, à l’endroit même où ils avaient fait l’amour quelques semainesauparavant.

— Je suppose que tes sœurs vivent elles aussi près de chez toi, puisqu’elles t’apportenttes repas, déduisit Rachel.

Il s’enfonça dans le canapé et but un peu de bière.

— Elles vivent même trop près ! Dans un moment d’égarement, j’ai choisi d’acheter unemaison dans la même rue que celle de ma mère et de mes sœurs. J’aime qu’ellesm’apportent à manger, mais ce que j’apprécie moins, c’est qu’elles croient bon de passersans prévenir. Elles n’arrêtent pas de venir chez moi, comme tu l’as constaté. J’aimeraishabiter un peu plus loin, mais je ne trouve pas vraiment le temps de déménager.

— C’est quand même bien d’avoir sa famille tout près.

Il l’observa attentivement.

— Qu’est-il arrivé à ta famille ?

Elle lissa le tissu de son pantalon, comme pour occuper ses mains.

— Mes parents et mon frère sont morts dans un accident de voiture quand j’avais douzeans. Et je n’ai ni oncle, ni tante, ni grands-parents.

— Je suis désolé, dit-il en s’inclinant vers elle. Qu’es-tu devenue après l’accident ? Avecqui as-tu vécu ?

— J’ai été placée dans une famille d’accueil.

Elle haussa les épaules.

— Ça n’a pas été affreux. La famille qui m’a accueillie était plutôt bien. J’ai grandi, j’aifini le lycée, puis je suis allée à l’université.

— Tu en parles comme si ça n’avait pas été une épreuve difficile. Mais j’imagine que tuas dû beaucoup souffrir. En l’espace de quelques secondes, toute ta vie a été chamboulée.

En effet, il lui arrivait encore de faire des cauchemars sur l’accident et sur le fait d’êtreseule au monde et de savoir que plus rien ne serait jamais comme avant. Elle ne voulait

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plus jamais devoir éprouver une peine aussi intense. C’est pour cette raison qu’elle évitaitde créer des liens affectifs trop forts. Elle avait des amis, mais personne sans qui elle nepouvait imaginer de vivre.

— Ça n’a pas été facile, admit-elle. Peut-être que si j’avais eu des grands-parents, ou desoncles et tantes, cela m’aurait aidée de savoir que j’avais encore des membres de lafamille là pour moi.

— Maintenant, c’est toi qui es là pour les enfants d’autres personnes.

Elle sourit.

— Oui, il semble assez logique que j’aie choisi la voie de l’enseignement. Je voulaism’occuper d’enfants.

— Depuis combien de temps es-tu institutrice ?

En général, on l’interrogeait plus sur la disparition des membres de sa famille. Elle eutl’impression que Carter lui aussi voulait en savoir plus, mais apprécia le tact avec lequel ilavait choisi de changer de sujet.

— Cela fait quatre ans. J’adore mon métier. J’ai l’intention de faire un petit potager et unjardin avec mes élèves. Si la directrice est d’accord, nous aménagerons une petite parcellede terre dans le fond de la cour de récréation.

Il regarda les plantes qui se trouvaient devant lui sur la table basse.

— Ne ramène plus de plantes chez toi en tout cas, tu ne sais plus où les mettre. Ellesvont complètement envahir ton intérieur et finiront même par s’en prendre à toi !

Elle rit.

— Mes plantes savent que je les aime. Elles ne me feront jamais aucun mal. A ton tour,parle-moi de ton travail.

— Tu es une femme, je ne pense pas que les discussions relatives aux carburateurs ou auxsystèmes d’allumage t’intéressent.

— Pardon ?

Elle haussa les sourcils.

— Je ne pourrais pas apprécier les motos parce que je suis une fille ?

— Tu t’intéresses à la moto ?

— Non, mais je pourrais.

— Bien sûr. Dis-moi, tu vois quelqu’un en ce moment ?

Cette question posée à brûle-pourpoint la surprit.

— Un homme tu veux dire ?

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— Oui, pas des plantes !

Elle eut envie de bondir, mais n’en fit rien. Elle lui lança un regard furieux.

— Je n’aurais pas couché avec toi si j’étais avec quelqu’un d’autre. Comment peux-tudemander une chose pareille ? Tu vois une autre personne toi ?

— Comme je te l’ai dit, j’avais tiré un trait sur les femmes jusqu’à ce que tu arrives et quetu me tentes. Ma question n’avait rien de déplacé.

— Si, je l’ai trouvée insultante. Je ne suis pas ce genre de femmes.

Elle regretta aussitôt ces paroles. Comment pouvait-elle s’offusquer d’être prise pourune fille susceptible de sortir avec plusieurs hommes à la fois alors qu’elle avait fait pireen ramenant chez elle un inconnu rencontré dans un bar et en ayant des rapports sexuelsavec lui ?

— Je n’avais jamais agi ainsi avant, murmura-t-elle, je n’aurais pas dû...

Carter posa sa main sur le bras de Rachel.

— Ça ne sert à rien de t’en vouloir. Et il n’est jamais bon de regretter ses actes. Il faut enassumer les conséquences.

— Tu dois me trouver minable.

— Non. Tu as été emportée par le désir, tout comme moi. C’est ta faute, tu es tropirrésistible.

Elle émit un son qui ressemblait à la fois à un éclat de rire et à un sanglot. Elle ne voulaitpas se mettre à pleurer. Elle n’était pas à l’aise de se savoir enceinte d’un homme qu’elleconnaissait à peine, mais elle savait qu’il existait des événements bien plus tragiques dansla vie, comme la mort de proches. Tout finirait par s’arranger.

— Ça va ? lui demanda-t-il.

Elle fit oui de la tête. Il lui lâcha le bras. Elle aimait pourtant le sentir près d’elle, maissavait que cela risquait de les pousser à s’embrasser et à s’enlacer davantage.

— C’est bien que nous apprenions à mieux nous connaître avant de décider commentnous allons nous organiser lorsque le bébé sera né, dit-il.

— Oui.

Elle saisit son verre d’eau, regarda Carter et dit brusquement :

— Tu ne m’as pas proposé de t’épouser.

La réaction de Carter fut assez comique. Il se raidit et sembla prêt à s’enfuir.

— Tu voulais que je te demande en mariage ?

Il posa cette question avec calme. Elle s’efforça de ne pas sourire.

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— La tradition veut que les couples qui vont avoir un bébé se marient.

— Tu te moques de moi.

Alors, elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire.

— Peut-être que je te fais un peu marcher.

Il sourit.

— J’aime les femmes qui ont le sens de l’humour.

Bientôt, au fil de la conversation, il découvrit bien d’autres traits de la personnalité deRachel qu’il appréciait. Il la trouvait intelligente et drôle. Elle ne manquait pas derépartie, mais il était tout de même capable de la faire rougir facilement.

— Je pensais que je verrais un tas de trophées de danse sur tes étagères, dit-il endébarrassant la table, une fois le repas terminé. Tu m’avais bien dit que c’était ta passionsecrète, non ?

— Oui. Je projetais vraiment d’être ballerine professionnelle, ou, si je n’y parvenais pas,d’aller faire carrière à Broadway, dans les comédies musicales.

— Comme si ton plan B, lui, avait été gagné d’avance !

Elle rit.

— Oui, tu sais, j’étais jeune et présomptueuse à l’époque.

Plus tard, j’ai compris que je ne deviendrais jamais professionnelle, alors je me suistrouvée une nouvelle vocation.

Il devina que ce changement de voie avait dû être difficile pour elle.

— Mais, tu n’as pas complètement abandonné la danse, n’est-ce pas ?

— Non. Je continue à prendre des cours chaque semaine et je fais des stages pendantl’été. Je ne sais pas exactement pendant combien de temps encore je vais pouvoir assisteraux cours, dit-elle tandis qu’elle se touchait le ventre.

Il regarda son ventre et se demanda quand sa grossesse commencerait à être visible.Toutes ses sœurs avaient eu des enfants, mais il ne s’était intéressé que de loin à leursmaternités. Il avait simplement espéré qu’elles accouchent de garçons, mais ellesn’avaient eu que des filles.

— Tu ressens certains symptômes typiques des femmes enceintes ?

— A part un sentiment de panique, non, rien pour le moment. Je vais prendre rendez-vous chez le médecin pour qu’il me donne des recommandations d’usage. Je sais que jene dois pas boire d’alcool ni prendre de médicaments. Pour le reste, j’ignorepratiquement tout du déroulement d’une grossesse.

— Moi aussi.

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— Tu es un homme, c’est normal. Mais moi ? Ne penses-tu pas que je devrais éprouverun certain instinct maternel maintenant que je suis enceinte ?

— Peut-être que cet instinct ne se révèle qu’après la naissance du bébé.

Elle remit une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

— Je l’espère.

— Ne t’en fais pas.

Il parcourut la pièce du regard et nota les couleurs vives du papier peint et les petitestouches de décoration telles que bougies et pots-pourris.

— Ton appartement est ravissant.

— Merci. J’aime faire de la décoration. Ton intérieur n’est pas mal non plus. Il necorrespond pas à l’image que je me fais des logements d’hommes célibataires.

— Une fois encore, mes sœurs s’en sont mêlées.

— C’est bien aimable à elles.

— Sauf que je ne leur avais rien demandé. Mais je ne vais pas me plaindre, elles m’ontdonné de bonnes idées. Ensuite, j’ai réalisé la plupart des travaux moi-même. J’ai refait lacuisine et peint toute la maison.

— Tu aimes le bricolage ?

Il fit un signe de tête affirmatif.

— Ma mère, qui s’inquiétait de me voir grandir sans aucune présence masculine à lamaison, m’envoyait régulièrement passer les week-ends chez mes amis, où je bricolaisavec leurs pères. Ils m’ont aussi beaucoup appris en mécanique automobile et m’ontdonné goût à la moto. Ma mère, elle, n’a pas beaucoup apprécié que je me mette à fairede la moto.

— Il faut la comprendre, la moto peut être un engin dangereux. En tout cas, elle avisiblement tout fait pour ton épanouissement.

— Oui, c’est une bonne mère.

Il ne jugea pas bon de commencer à lui expliquer à quel point il aimait sa mère. Il préférarevenir sur une question qui lui trottait dans la tête depuis le début de la soirée. Il sepencha vers elle.

— Rachel, voulais-tu que l’on se marie toi et moi ?

Il savait qu’elle avait évoqué le mariage en plaisantant, mais il préférait en avoir le cœurnet.

Elle ouvrit les yeux en grand et secoua la tête.

— Non. Ne t’inquiète pas, tu n’as pas besoin de me demander en mariage.

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Il fut soulagé.

— Alors, comment vois-tu l’avenir proche de notre enfant ?

Elle mordit sa lèvre inférieure, signe qu’elle était troublée. Carter savait pertinemmentque ce geste ne traduisait que de la confusion, mais ses hormones mâles ne purents’empêcher d’y voir une invitation au baiser.

Il la désirait. Savoir qu’elle était enceinte n’y changeait rien. Il voulait la toucher, goûterà son parfum et s’en enivrer. Ils avaient déjà partagé des moments d’intimité, mais ilsavaient encore tant à découvrir l’un de l’autre !

— Il ne faut pas que nous prenions des décisions irréfléchies, dans des momentsd’emballement, dit Rachel.

— Je dois reconnaître qu’il m’arrive de m’emballer.

Elle sourit.

— Tu as déjà été marié ?

— Non, jamais. J’ai du mal à envisager de me marier.

— Pourquoi ? Tu penses que c’est trop difficile de passer toute sa vie avec la mêmefemme ? Tu penses que tu lui serais infidèle ?

— Je n’ai jamais trompé les femmes avec lesquelles j’ai eu des relations. Je n’ai jamais étéavec plusieurs femmes à la fois.

Il était sincère, il n’avait jamais voulu plus d’une femme à la fois dans sa vie !

— Toi non plus, tu n’as pas l’air de vouloir te marier, fit-il remarquer, se souvenantqu’elle s’était fiancée deux fois, mais qu’elle n’avait jamais célébré les noces.

— Jusqu’à présent, je n’étais pas prête pour le mariage.

Comment savoir que l’on est prêt ? La décision d’engagement des couples représentaitun mystère pour lui, qui ne pensait pas être capable d’une telle décision.

— Tu vas rester dans cet appartement ? demanda-t-il, en regardant autour de lui.

— Je n’y ai pas encore réfléchi. Il y a deux chambres, mais je suppose que ce serait mieuxpour l’enfant que je vive dans une maison avec jardin.

— Au début, cela n’aura pas d’importance.

Elle rit.

— Tu as raison. J’ai le temps !

— Si tu as besoin d’argent, je pourrai t’aider.

Elle se redressa.

— La conversation commence à prendre une mauvaise tournure. Evitons de parler

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argent et déménagement pour le moment.

— O.K.

— Carter, je suis vraiment désolée de ce qui arrive. Ce bébé va chambouler ta vie.

— Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas si terrible d’avoir des enfants.

— Tu n’en sais rien.

— Mes sœurs ont des enfants. Et je sais qu’elles s’en sortent très bien.

— Tu es oncle ?

— Oui. Depuis que mes sœurs sont mariées, il y a enfin des hommes dans la famille.

— Avec leurs époux et tes neveux, l’équilibre homme-femme doit être rétabli au sein dela famille.

— Je n’ai que des nièces, aucun neveu.

— Tu plaisantes ?

— Non. Je te préviens, il y a de fortes chances que tu accouches d’une petite fille.

Elle sourit.

— J’aimerais cela.

En temps normal, il aurait profité de cette atmosphère détendue pour s’approcher d’elleet tenter de l’embrasser. Mais il savait qu’il valait mieux cette fois ne rien tenter. Il se levaet s’étira.

— Il se fait tard. Je ferais bien d’y aller. Merci pour le dîner.

— Je n’ai fait que le réchauffer. C’est à moi de te remercier, ou plutôt de remercier tessœurs.

— Je leur dirai que tu t’es resservie, elles en seront flattées.

— Oui. Tout était délicieux. Merci d’être venu.

Elle l’accompagna jusqu’à la porte.

— Finalement, nous n’avons toujours rien décidé concernant l’enfant.

Il lui sourit. Il mourait d’envie de l’embrasser, mais se retint.

— Oui, mais nous commençons à mieux nous connaître. A présent, je sais que tu es folledu tiramisu et que tu as failli être une star dans une comédie musicale à Broadway !

— Bon, tu as sans doute raison pour le bébé, nous avons encore du temps devant nous etje...

Elle baissa la tête avant de poursuivre :

— Je sais que ni toi ni moi n’envisagions cette grossesse, mais je dois t’avouer que tant

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qu’à être enceinte, je suis heureuse que ce soit toi le père.

Elle était devenue rouge écarlate.

— Enfin, ce que je veux dire, c’est que tu es quelqu’un de bien et malgré tes airs un peumacho, je suis persuadée que tu seras un père fantastique... J’espère que tu ne me trouvespas trop sentimentaliste en disant cela.

Il continuait à lui sourire. Il céda à son envie de l’embrasser. Il ne pouvait plus résister àson charme. Il mit une main sur son épaule, se pencha vers elle et effleura sa bouche deses lèvres.

La bouche de Rachel était tiède et douce, comme dans ses souvenirs. Immédiatement,son désir pour elle envahit tout son corps, mais il se maîtrisa et recula.

— Je t’appellerai dans la semaine, d’accord ? Pour que nous organisions de nouveau unesoirée comme celle-ci.

— Oui, avec plaisir. Bonne nuit, Carter.

— Bonne nuit.

Il regagna sa camionnette. Il était à peine 22 heures et il n’avait pas envie de rentrer chezlui. Il se dirigea vers le bar de Jenny. Une fois sur place, il rentra par la porte de servicesituée à l’arrière du bâtiment, afin de ne pas être vu des habitués.

George se tenait à côté de la friteuse.

— Salut Carter, quoi de neuf ?

— Pas grand-chose. Dis-moi, Jenny est là ?

— Oui, je vais la chercher, surveille les frites pendant ce temps. Quand ça sonne, tu lesretires de l’huile.

Bien vite, George réapparut, suivi de Jenny.

— Salut, lui lança-t-elle, comment ça va ?

— Ça va. Tu peux prendre une pause ?

— Oui, j’ai déjà dit à Dan que je m’absentais quelques minutes.

Ils allèrent tous les deux dans une petite pièce vide à l’arrière du bar. Ils s’assirent surdes chaises en plastique autour d’une table ronde.

— Dan avait l’air déçu que tu préfères me parler à moi plutôt qu’à lui, dit Jenny.

— Il ne peut pas m’aider, c’est à une fille que j’ai besoin de parler.

— Tu sais, il aime être à l’écoute des autres.

— C’est pour ça que tu as décidé de l’épouser ?

— Je ne pouvais pas t’attendre éternellement, chéri.

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Carter se balança sur sa chaise.

— Tu ne m’as jamais attendu. Enfin, c’est du passé. Tu as appelé ma mère pour lui direque j’avais mis une femme enceinte.

— Oui.

— Pourquoi ? Tu es censée être mon amie, pas me faire des coups bas.

— Carter, tu vas être papa, c’est sérieux.

— Tu aurais quand même pu attendre avant de l’appeler.

— En fait, c’est à Rachel que je pensais quand j’ai passé le coup de fil.

Il ne lui demanda pas comment elle connaissait le prénom de Rachel. Ses sœurs et elleavaient déjà dû en discuter.

— Rachel va bien, lui annonça-t-il.

— Je voulais en être certaine.

Puis, elle ajouta :

— Tu sais, j’ai été surprise d’apprendre cette grossesse, parce qu’en général, tu veillais àce que cela n’arrive pas.

— Cela t’embête ?

— Non, cela me surprend, parce que tu affirmes à tout va ne pas vouloir t’engager. Jem’aperçois que tu as eu une petite faiblesse ce soir-là. Et tu n’as pas l’air en colère.

— Je ne suis pas en colère, je...

Il était incapable de décrire ce qu’il ressentait. Il avait toujours aimé les enfants et avaitdésiré en avoir un jour. Ce qu’il n’arrivait pas à envisager, c’était l’engagement, l’union,le mariage.

— Tu penses que je serai un bon père ? demanda-t-il doucement, mais très sérieusement.

— J’en suis sûre. Tu seras génial. Tu sais que ta mère pense que tu devrais épouserRachel ?

— Oui, elle m’en a touché un mot. Qu’en penses-tu toi ?

— Je pense qu’un bébé change la donne. Et, personnellement, mon expérience dumariage est très positive.

— Je n’arrive pas à croire que tu sois heureuse avec Dan alors que tu as été avec moiauparavant.

Elle rit.

— Lui il m’aime, contrairement à toi. Et puis, tu n’es pas si terrible que ça !

— Ah bon ?

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— Si, tu es génial ! Mais nous n’étions pas faits l’un pour l’autre.

Il se demanda s’il existait une femme faite pour lui.

Jenny se leva, fit le tour de la table, se pencha et l’embrassa sur la joue.

— Tu vas être papa, Carter. Il est temps que tu grandisses et que tu arrêtes de jouer.

— Je ne suis pas un homme immature !

— Tu n’es pas sérieux. Tu n’as même pas une bonne situation professionnelle.

Il fronça les sourcils.

— Si.

— Tu sais ce que je veux dire.

Elle toucha la boucle d’oreille de Carter.

— Tu t’en sors toujours grâce à ton charisme, ton charme et ton sourire. Il est temps quetu sois un peu moins superficiel.

— Aïe.

— Je dis ça pour ton bien. Allez, il faut que je retourne travailler.

Elle quitta la pièce. Carter ne bougea pas. Jenny avait toujours su trouver les mots justes.Parler d’amour était simple pour elle, pas pour lui. Il savait qu’il aimait sa famille et sesamis, mais il ne connaissait pas le sentiment amoureux.

Il se rassura en se disant que même s’il n’avait jamais été amoureux, cela ne l’empêchaitpas d’être quelqu’un de bien. Toutefois, il aurait aimé comprendre pourquoi son cœurn’avait jamais battu la chamade et savoir si l’amour avec un grand A le transformerait.

Rachel ramassa les petits pots de peinture pour aller les nettoyer dans l’évier. Les enfantsavaient sali toute la classe. Comme ils avaient bien travaillé pendant la semaine, elle lesavaient récompensés en organisant un atelier de peinture avec les doigts. Rachel étaitdans le même état que la salle, couverte de taches bariolées de peinture. Cela nel’inquiétait pas, car elle savait que cette peinture à l’eau partirait facilement au lavage.Les enfants avaient profité pleinement de l’activité et elle en était heureuse. Elle avaitmême confectionné, elle aussi, une magnifique œuvre d’art, qu’elle allait probablementpunaiser dans un coin de la salle.

Elle venait de terminer de nettoyer les tables lorsqu’elle remarqua que trois hommestraversaient la cour de récréation en direction de sa classe. Deux d’entre eux portaient ununiforme de policier et le troisième un uniforme de pompier.

La première pensée qui lui passa par la tête fut qu’ils venaient procéder à sonarrestation. Après quoi, elle se rappela aussitôt qu’elle n’avait commis aucun acte illégal.Elle songea ensuite à un incendie dans son immeuble. C’est alors que les hommes

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franchirent le seuil de la porte.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, inquiète.

Le pompier sourit.

— Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Vous êtes Rachel Harper ?

— Oui, c’est bien moi.

La présence de ces trois hommes à l’école l’intriguait de plus en plus.

— Très bien, nous avons donc trouvé celle que nous cherchons à accueillir au sein denotre famille, déclara l’un des policiers.

Rachel cligna des yeux.

— Pardon ?

L’un des hommes donna un petit coup de coude aux deux autres.

— Nous ne nous sommes même pas présentés. Je m’appelle Frank et je suis le mari deLiz. Voici Adam, il est avec Merry, dit-il en montrant du doigt l’autre policier. Et Gordonest l’époux de Shelly. Cela fait beaucoup de prénoms à retenir, mais tu verras, ça viendra!

Il fallut quelques secondes à Rachel pour saisir où ces hommes voulaient en venir.

— Vous êtes mariés aux sœurs de Carter, lança-t-elle.

Elle s’était fait cette remarque surtout à elle-même.

Gordon, le pompier, dit :

— Nous sommes une famille très soudée. Nos épouses nous ont parlé de toi, alors nousavons eu envie de passer te voir pour nous présenter. Nous avons pensé que tuconnaîtrais ainsi la famille plus vite.

— C’est très gentil à vous, mais, sans vouloir paraître impolie, pourquoi avez-vousdécidé de venir faire ma connaissance ?

— Etant donné que Carter et toi allez vous marier, nous avions envie de connaître notrefuture belle-sœur, répondit Frank.

— Nous marier ?

Rachel fit un pas en arrière.

— Non, Carter et moi n’allons pas nous marier. Nous venons à peine de...

Elle hésita à dire que Carter et elle se connaissaient à peine, car, après tout, elle étaitenceinte de lui. Elle s’éclaircit la gorge et finit simplement sa phrase :

— Nous n’avons pas prévu de nous marier.

Les trois hommes fixèrent du regard le ventre de Rachel.

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— Vous devez vous marier, affirma Gordon, tu portes l’enfant de Carter.

Rachel commença à sentir une angoisse sans nom l’étreindre.

— Quand ton ventre commencera à s’arrondir et que tout le monde remarquera tagrossesse, ajouta Adam, n’auras-tu pas envie d’être une femme mariée ? Je sais que toutcela est un peu précipité, mais Carter est un homme bien, à qui tu peux faire confiance.

Elle fronça les sourcils.

— Il travaille dans un garage de motos, c’est à peu près tout ce que je sais de lui !

— Crois-moi, poursuivit Adam, tu peux compter sur cet homme.

— Merci d’être venus, j’apprécie votre gentillesse et votre soutien, dit-elle doucement,mais Carter et moi...

Elle s’arrêta un instant, intimidée par les trois regards réprobateurs qui la fixaient.

Elle réfléchit. De quel droit ces hommes lui dictaient-ils ce qu’elle devait faire ? C’était savie, pas la leur. Rien ne l’obligeait à suivre leur avis. Carter et elle avaient décidé de nepas parler de mariage et ces hommes n’avaient rien à redire à cela.

Cependant, bien que convaincue d’être dans son bon droit, elle n’arrivait pas à adopterun ton péremptoire face à ces hommes qui se tenaient devant elle. Peut-être parce qu’ilsformaient une famille unie, ce dont elle rêvait depuis qu’elle avait perdu la sienne ?

— Carter et moi sortons ensemble, commença-t-elle, en espérant qu’ils ne s’aperçoiventpas qu’elle mentait. Nous sortons ensemble et nous souhaitons que notre relation dure.

Elle fit un large sourire, priant le ciel qu’ils soient satisfaits de cette réponse.

— Très bien, conclut Frank, nous n’allons pas te déranger plus longtemps. Mais si tu asbesoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à passer un coup de fil. L’un de nous pourratoujours venir t’aider, d’accord ? Tu n’es plus seule à présent, Rachel. Tu fais partie de lafamille.

Elle les observa s’en aller. Elle était partagée entre sa personnalité de fille indépendante,qui n’appréciait pas que l’on sous-entende qu’elle puisse avoir besoin d’aide, et son désird’appartenir à une famille aussi unie.

Elle inspira profondément, puis songea qu’elle devait informer Carter de cette visiteimpromptue. Il devait savoir qu’ils formaient désormais officiellement un couple auxyeux de sa famille. Elle se demandait quelle serait sa réaction.

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6.

Carter se rendit chez Rachel directement en sortant du travail. Elle avait laissé un

message sur son téléphone portable, disant que ses beaux-frères étaient passés la voir etqu’elle avait besoin de lui parler. Elle n’en avait pas dit plus, mais il imaginait aisément lesujet de la discussion qu’ils avaient eue.

Alors qu’il montait les quelques marches de l’immeuble de Rachel, il se demanda si l’undes trois hommes avait révélé à la jeune femme sa véritable profession. Certaines femmesréagissaient mal lorsqu’elles apprenaient la vérité.

Elle ouvrit la porte avant qu’il n’ait eu le temps de frapper.

— Merci d’être venu. Je...

Elle respira profondément.

— Entrons, nous serons mieux à l’intérieur pour discuter, continua-t-elle. Nous sommesadultes, nous sommes capables d’être raisonnables, d’avoir une conversation, de ne paspaniquer et de ne pas nous laisser influencer par les points de vue d’autres personnes, enparticulier ceux de personnes que nous ne connaissons même pas. Je suis sûre que tafamille veut bien faire, mais elle n’a pas le droit de m’imposer quoi que ce soit. En plus,j’ai détesté leur air désapprobateur. Ils se soucient de toi et veulent ce qu’il y a de mieuxpour toi, et c’est bien, mais je leur ai expliqué clairement que tu n’avais pas l’intention dete marier avec moi. D’ailleurs, je n’ai pas non plus envie de t’épouser.

Il ne voulait pas l’interrompre et préférait la laisser débiter tout ce qu’elle avait sur lecœur. Toutefois, il prit l’initiative d’entrer dans l’appartement au bout de quelquesinstants, car Rachel avait manifestement l’intention de rester sur le palier.

Une fois à l’intérieur, il la prit par le bras, la serra contre lui, puis l’embrassa fermementsur la bouche.

A peine avait-il senti sa chaleur et sa douceur qu’il se détacha d’elle. Elle réagitexactement comme il l’avait prévu. Elle s’arrêta de parler et le regarda fixement.

— Tu m’as embrassée.

— Je sais, dit-il en souriant.

— Je ne pensais pas qu’on allait s’embrasser.

— On n’est plus obligés de recommencer si tu n’en as pas envie. Je ne savais pascomment interrompre ton monologue, comment faire pour que tu puisses reprendre tarespiration et te détendre. Nous allons régler le problème concernant ma famille.

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Elle ferma la porte d’entrée, puis secoua la tête.

— Je ne suis pas aussi certaine que toi que nous arriverons à trouver une solution quiconvienne à ta famille.

Il devina qu’elle allait de nouveau se crisper. Il avait là un nouveau prétexte pourl’embrasser encore, mais il décida qu’il était plus raisonnable qu’ils discutent.

— Raconte-moi ce qu’il s’est passé, lui dit-il tout en l’invitant à s’asseoir sur le canapé.Commençons par le début !

Elle s’assit et il prit place à ses côtés.

— Tes beaux-frères sont venus me voir à l’école aujourd’hui.

Il poussa un gémissement.

— Pendant les cours ?

— Non, après. Heureusement ! Si les enfants les avaient vus, ils auraient posé un tas dequestions. Les enfants de cinq ans sont très curieux. J’aurais reçu à coup sûr des appels deparents inquiets par la suite.

— Cela ne se reproduira plus.

Il irait parler à ses sœurs et à leurs époux dès qu’il sortirait de chez Rachel. Il leur étaitreconnaissant de se préoccuper de lui, mais ils devaient arrêter de s’immiscer dans sa vie.

— Je l’espère, dit Rachel. Cela m’a fait plaisir de les rencontrer, même si je n’ai pas eu letemps de retenir leur prénom, et encore moins de mémoriser qui était marié avec qui. Leproblème, Carter, c’est qu’ils pensent que nous allons nous fiancer. Ils ont sous-entenduque le mariage était nécessaire. Je ne sais plus quoi faire. Je sais que je suis enceinte, j’aibien vu les résultats positifs des tests de grossesse, mais je n’arrive pas encore à y croire.Quand je m’oblige à voir la réalité en face, je commence à paniquer, je fais del’hyperventilation.

Il la trouva adorable.

— Calme-toi. Prends une grande inspiration et bloque ta respiration.

Elle suivit ses conseils.

— Maintenant souffle.

Elle expira lentement.

— Tu vois, tu te sens déjà mieux.

Il aurait aimé trouver une excuse afin de pouvoir la couvrir de baisers ou passer sa maindans ses boucles soyeuses. Ses cheveux étaient d’une douceur incomparable. Il sesouvenait les avoir caressés la nuit où ils avaient fait l’amour. Beaucoup d’autressouvenirs agréables de cette nuit passionnée lui revinrent à la mémoire.

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— Je ne veux pas décevoir ta famille, je sais que leurs intentions sont bonnes, mais je neveux pas me sentir étouffée.

— Cette histoire ne regarde que nous deux. Nous ne les laisserons pas nous dicter ce quenous devons faire, lui dit-il pour la rassurer.

Elle inclina la tête.

— En face de ces trois hommes, ce n’était pas évident de faire valoir son point de vue.

— Que leur as-tu dit alors ?

Elle le regarda.

— Je leur ai dit que nous sortons ensemble et que nous souhaitons que notre relationdure.

Elle semblait abattue d’avoir proféré un tel mensonge. Carter, quant à lui, ne parut pasvraiment embarrassé.

— Tu ne leur as pas promis que tu allais m’épouser ?

— Bien sûr que non.

Elle le regarda.

— Ne souris pas. Ce n’est pas drôle.

Il tenta de se composer un visage sans expression.

— Je ne souris pas.

— Si, je t’ai vu sourire. Pourtant la situation n’a rien d’amusant. Nous allons être lesparents d’un bébé. Je me fais du souci. Tout est ta faute.

— Comment ça « ma faute » ? Je te rappelle que nous avons tous les deux participéactivement à la conception de cet enfant.

— Oui, mais si tu ne m’avais pas embrassée comme tu l’as fait, nous n’aurions pas finipar faire l’amour.

Il se tenait sur la défensive, mais il s’apaisa en entendant cette dernière affirmation.

— Tu veux dire que tu trouves que j’embrasse bien ?

Elle s’éloigna un peu de lui.

— En disant cela, mon intention n’était pas de te faire des compliments.

— C’est pourtant faire un compliment que de faire comprendre à quelqu’un qu’ilembrasse bien.

— Ça ne l’est pas lorsqu’il s’agit de deux inconnus qui se retrouvent ensuite dans unesituation embarrassante, marmonna Rachel. Et ne prends pas cet air suffisant, çam’énerve !

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En réalité, Carter ne se sentait nullement content de lui, mais souhaitait uniquementpouvoir l’embrasser et la faire fondre. Il savait pertinemment que cela n’était pasraisonnable, mais son corps brûlait de désir pour Rachel.

Rachel reprit la parole :

— Nous ne nous sommes pas réunis ce soir pour parler de tes baisers, mais de ta famille.Tu sais que tes beaux-frères vont raconter à tes sœurs ce que je leur ai dit. Toute ta familleva penser que nous sortons ensemble.

« Sortir ensemble » ? Carter songea alors que c’était la clé du problème.

— Pourquoi ne sortirions-nous pas ensemble ?

Elle le regarda avec étonnement.

— Tu n’es pas sérieux, pourquoi dis-tu cela ?

— Parce que si nous voulions vraiment bâtir une relation sérieuse, ce serait l’étapelogique à suivre. Sortons ensemble ou faisons croire à ma famille que nous sortonsensemble. Dans quelques mois, nous leur dirons que notre relation est terminée, qu’elle aéchoué. Les ruptures sont le lot de nombreux couples. Ma famille pensera que nous avonssincèrement fait des efforts, en vain, pour préserver notre union et elle nous laisseratranquille. Nous pourrons alors prendre les décisions que nous voudrons.

Elle pencha la tête.

— L’idée n’est pas mauvaise, articula-t-elle doucement, ta famille ne t’en voudra pas etne pensera pas que je suis une femme détestable.

— Ils ne penseront jamais cela de toi.

— Tu ne dirais peut-être pas ça si tu avais vu le regard que m’ont jeté tes beaux-frères,rétorqua-t-elle.

Carter serra les poings. Il avait accueilli ces hommes avec grand plaisir dans la famille,heureux de renforcer la présence masculine qui lui faisait cruellement défaut. Cependant,il ne supportait pas de savoir qu’ils avaient mis Rachel mal à l’aise.

— Très bien, nous allons jouer à faire semblant d’être un couple, lança Rachel. Il faudraqu’on planifie des rendez-vous réguliers. Nous ne devrons pas sortir avec d’autrespersonnes, cela paraîtrait suspect.

— Aucun problème, comme tu le sais, j’ai décidé de renoncer aux femmes, expliquaCarter.

— Je te signale que la dernière fois que tu as « renoncé » aux femmes, l’une d’elles esttombée enceinte, alors laisse-moi douter de ta capacité au renoncement !

— Ce n’était pas ma faute, tu étais trop irrésistible.

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Elle se renversa sur le canapé et éclata de rire.

— Ne dis pas de bêtises !

— Je suis sérieux. Ne te rends-tu donc pas compte de la sensualité que tu dégages ?

Les yeux verts de Rachel illuminaient son visage gracieux.

— Non, mais c’est gentil à toi de le dire. Maintenant, parle-moi de ton travail.

Carter fut surpris par ce changement rapide de sujet de conversation. En outre, il nesavait toujours pas si ses beaux-frères avaient parlé à Rachel de sa véritable profession.

— Tu veux voir mes fiches de paie ? lui demanda-t-il.

— Non, mais lorsque j’ai dit à Frank que je savais que tu travaillais dans un garage demotos, ils ont tous les trois fait une tête bizarre.. .Tu peux m’expliquer pourquoi ?

Il gloussa, puis leva la main droite.

— Je jure de n’avoir jamais été arrêté, condamné et incarcéré, si cela peut te rassurer.

— Très bien, mais cela ne me dit toujours pas pourquoi tes beaux-frères ont réagi decette étrange façon...

— Je...

Il n’avait pas envie de lui mentir. Comme elle finirait sans doute par connaître la vérité,autant qu’elle l’apprenne le plus tôt possible.

Il confiait sa véritable profession à très peu de personnes, mais estimait que la mère deson futur enfant devait faire partie de celles-là. Qui plus est, il faisait confiance à Rachelet comptait sur sa discrétion pour ne pas ébruiter ses secrets.

— A quoi penses-tu ? lui demanda-t-elle. Tu as l’air soucieux.

— Tu dois me promettre de ne parler à personne de ce que je vais te dire.

— Sinon tu seras dans l’obligation de m’éliminer ? plaisanta-t-elle. Que veux-tu dire ? Jen’arrive pas à savoir si tu te moques de moi ou si tu es sérieux.

— Je suis policier. Le travail dans le magasin de motos, c’est une couverture. J’enquêtesur une affaire d’importation de contrefaçons.

Rachel était stupéfaite.

— Tu es...

— Policier.

— Je n’aurais jamais imaginé ça en voyant tes cheveux en bataille.

Il rit et, sans réfléchir, l’attira vers lui.

— On ne s’ennuie jamais avec toi Rachel.

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Comme il était tout contre elle, Rachel eut besoin de quelques instants avant de sedétendre.

— Tu ne me connais pas depuis assez longtemps pour t’ennuyer, murmura-t-elle. Dansquelque temps, tu changeras peut-être d’avis.

— Ça m’étonnerait.

Il ne serra pas Rachel trop près de lui, car il sentit que sa proximité éveillait en lui undésir incontrôlable.

— Un policier peut porter une boucle d’oreille ? s’enquit Rachel.

Il sourit.

— Je ne suis pas censé ressembler à un flic si je ne veux pas être repéré. J’ai un revolveret une carte de police que je peux te montrer si tu ne me crois pas.

— Je te crois. Je comprends maintenant la réaction de tes beaux-frères. Ils étaient surprisde constater que je ne connaissais pas la vérité.

Carter haussa les épaules.

— Sans doute.

— Ta mère doit être constamment inquiète pour toi ; c’est un métier risqué.

— Elle est habituée. Son père et son grand-père étaient policiers, et mon père aussi. Il estmort avant ma naissance.

Elle grimaça.

— Je suis désolée. Il a été tué pendant son service ?

Il fit oui de la tête.

— Il s’est fait renverser par un chauffard ivre alors qu’il était en patrouille.

— Oh, Carter, cela a dû être vraiment horrible pour ta mère et pour tes sœurs. Et pourtoi aussi, qui as grandi sans la présence de ton père.

— Merci de compatir, mais tu sais, je n’en ai pas souffert parce que je n’ai rien connud’autre que cette vie sans père.

Ils se turent un moment, puis Rachel brisa le silence :

— La vie est parfois si compliquée. Pourquoi notre vie est-elle si compliquée ?

— Parce que nous avons fait un bébé ?

A ces mots, elle ouvrit de grands yeux.

— Cela me gêne encore de penser à cette grossesse. Pourrait-on éviter d’en parler ?

— Plus pour très longtemps.

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— La bonne nouvelle, c’est que nous avons un plan à présent. Nous allons feindre desortir ensemble, dit-elle en esquissant un sourire. Tu vas me rapporter des fleurs commele font les vrais amoureux ?

— Si tu veux.

Elle regarda la pièce et lui dit :

— J’ai déjà beaucoup de plantes, donc je pourrai m’en passer.

Il était sur le point de lui demander quels petits cadeaux elle aimerait recevoir, mais ils’abstint de lui poser la question. Après tout, ils n’allaient faire que jouer la comédie ; iln’avait pas besoin de s’investir autant. En réalité, leur relation allait simplement resteramicale.

Il se dit qu’il aimerait faire l’amour avec sa nouvelle petite amie, mais s’interditimmédiatement d’avoir encore ce genre de pensées. Il devait se désintéresser de la gentféminine pour éviter tout ennui.

Toutefois, il suffit à Rachel de sourire pour qu’il ait de nouveau envie d’elle. Peut-êtrepouvait-il se laisser tenter une derrière fois ? De la même manière qu’ils feraientsemblant de sortir ensemble, peut-être pourraient-ils jouer à faire l’amour ?

Rachel remit en place le papier d’aluminium sur le plat qu’elle tenait dans les bras.

— J’espère qu’ils aimeront ce que j’ai apporté. Je ne savais pas quoi préparer. Je necuisine pas beaucoup, mais ce guacamole a généralement beaucoup de succès lors desrepas organisés par les professeurs de l’école. Evidemment, la nourriture qu’on apporte àce genre d’occasions fait rarement l’objet de critiques, donc ce n’est pas une référence.Peut-être aurais-je dû amener autre chose ? Un plat principal ? Ou un dessert ? Tu croisque le bol de guacamole sera suffisant ?

Carter ferma sa porte d’entrée et regarda Rachel fixement.

— Tu es toujours comme ça ? lui demanda-t-il.

Rachel se perdit dans la contemplation des yeux marron

de Carter et des petites pattes-d’oie qui se formaient lorsqu’il souriait. Elle dut secouer latête pour recouvrer ses esprits.

— Pardon, que me demandais-tu ?

Il rit et prit le plat qu’elle avait dans les mains.

— Lorsque tu es nerveuse, tu parles beaucoup et tu t’emballes. C’est charmant. Je saisque la meilleure façon de te calmer, c’est de t’embrasser, mais nous savons l’un commel’autre que cela ne serait pas très sage, alors nous allons devoir trouver une autre solutionpour que tu te détendes.

Elle avait envie que Carter l’embrasse, car elle était très nerveuse et savait qu’elle se

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sentirait bien mieux après. Cependant, elle garda pour elle son envie.

Ils se mirent en route et passèrent devant la camionnette de Carter et la voiture deRachel sans s’arrêter.

— Nous y allons à pied ?

— Oui, c’est vraiment inutile de prendre la voiture, répondit Carter.

Il s’arrêta et pointa son index vers une maison située dans la rue.

— C’est la maison de ma mère. Merry vit dans la maison voisine. Liz et Shelly viventpar-là, trois ou quatre maisons plus loin.

— Vous êtes extrêmement proches les uns des autres ! dit-elle, surprise qu’il ait choisi des’installer si près de sa famille.

Il soupira.

— Oui, je sais, grommela-t-il entre ses dents. J’aurais mieux fait d’y réfléchir à deux foisavant de décider d’habiter ici. Je suis trop près d’eux. Je vais finir par déménager.

— En tout cas, tu peux les voir souvent, c’est bien.

Peut-être que si ses parents et son frère étaient encore en vie, elle aurait aimé vivre dansla même rue qu’eux...

Elle s’obligea à penser à autre chose. Elle était déjà bien assez nerveuse sans en rajouteravec un accès de tristesse.

Pour se changer les idées, elle repensa à la discussion qu’elle avait eue avec Carter à lasuite de la rencontre avec ses beaux-frères. Elle avait grandement apprécié la manièredont il avait réagi ; il avait fait preuve d’intelligence en lui proposant avec tact etmaturité un moyen de ne pas s’attirer les foudres de sa famille. Avant cela, il avaitégalement bien réagi lorsqu’elle lui avait annoncé sa grossesse. Elle voyait en lui unhomme en qui elle pouvait avoir confiance.

Ils arrivèrent devant la porte de la maison de Nina. Carter entra sans frapper et cria : «Nous sommes arrivés. »

Rachel entendit un concert de voix dans le fond de la maison, puis vit Nina Brockettaccourir pour les saluer.

— Tu es en retard, comme d’habitude. Je vais finir par croire que c’est parce que tu n’aspas envie de venir me rendre visite.

— Et toi, comme toujours, tu te fais des idées, lui répondit-il en se baissant pour lui poserun baiser sur la joue.

— Tu te souviens de Rachel ?

Sa mère fit un large sourire à la jeune femme en ouvrant les bras.

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— Bien sûr que je me souviens de Rachel. Bienvenue.

Nina la serra dans ses bras et l’embrassa sur les deux joues.

— Merci de m’avoir invitée, madame Brockett.

— Appelle-moi Nina s’il te plaît.

Elle donna ensuite un petit coup de coude à Carter et s’adressa à lui :

— Elle m’appellera bientôt maman, comme les autres, tu ne crois pas ? Oh, qu’est-ce quec’est ? Rachel, tu as préparé à manger ? Tu vois, Carter, pour une fois, c’est une femmequi sait cuisiner. Allez, venez tous les deux, nous sommes tous dans la cuisine.

— C’est Carter et Rachel, cria encore Nina en entrant dans la cuisine pleine à craquer.Carter, charge-toi des présentations. Rachel ne se souvient certainement plus desprénoms de tout le monde. Qu’est-ce que tu as apporté Rachel ? demanda-t-elle alors.

— J’ai fait du guacamole, dit Rachel, Carter m’avait dit que vous aimiez ça.

— Tu n’avais pas besoin de te donner tant de mal, mais j’apprécie. C’est très gentil.Carter, tu as remarqué comme Rachel était attentionnée ?

Rachel se sentit rougir. Avant qu’elle n’ait le temps d’échanger quelques mots avec lamère de Carter, une foule d’autres personnes se retrouvèrent autour d’elle. Entre lesadultes, les enfants et le chien, on ne pouvait plus circuler dans la cuisine bondée.

Carter montra ses sœurs du doigt et les lui présenta :

— Voici Merry, Liz et Shelly.

Et d’ajouter :

— Et voici leurs époux Adam, Frank et Gordon.

Elle reconnut les trois hommes qui lui avaient rendu visite la semaine précédente, mais,sans leur uniforme, elle n’était plus vraiment capable de reconnaître les policiers dupompier. Quant aux sœurs de Carter, elle les reconnaissait grâce à leurs coiffuresrespectives. Merry avait des cheveux noirs très courts et Shelly de longs cheveux châtains.Pourvu qu’elles ne décident pas prochainement de changer de coupe de cheveux, se dit-elle, sinon je ne saurai plus les reconnaître.

— Et tu te souviens de Jenny, la serveuse du bar ? demanda Carter.

Jenny !

Rachel se retourna et se trouva nez à nez avec la jolie et souriante barmaid.

— Bonjour, dit Jenny. Je suis contente de te revoir.

— Bonjour.

Rachel n’en revenait pas. Elle se demanda ce que Jenny faisait là, à un repas de famille.

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— Je suis une ancienne petite amie de Carter, dit Jenny, qui avait visiblement deviné lespensées confuses de Rachel.

Carter et moi sommes sortis ensemble pendant quelque temps il y a environ cinq ans sima mémoire est bonne.

Carter mit son bras autour de l’épaule de Rachel et dit :

— Jenny et moi ne sommes plus ensemble, mais elle persiste à venir ici.

Jenny lui donna un léger coup de poing dans le bras.

— Hey, ne sois pas désagréable ! dit-elle en continuant de sourire.

Puis, se tournant vers Rachel, elle précisa :

— Carter est un homme sympa, mais parfois un peu collant. Il continue à voir sesanciennes petites amies, même après les avoir quittées.

Rachel ne savait quoi penser. Elle n’avait jamais vécu une telle situation.

— C’est toi qui m’as quitté et non pas l’inverse, fit remarquer Carter à Jenny.

— C’est faux, dit Jenny en souriant. Mais je ne t’en veux pas du tout, je t’en suis mêmereconnaissante.

Elle se retourna vers Rachel.

— Carter m’a brisé le cœur, alors j’ai décidé de sortir avec Dan, un homme qui ne luiressemble pas du tout. Au final,

Dan est l’amour de ma vie. Nous sommes mariés depuis trois ans, dit-elle en remuantson annulaire gauche pour montrer sa bague.

Le diamant de l’alliance scintillait de mille feux.

Soudain, une petite fille arriva en trombe dans la cuisine.

— Tanya a pris le ballon et elle ne veut pas me laisser jouer, cria-t-elle.

Après quoi, la fillette éclata en sanglots.

— Je m’en occupe, dit Merry.

Elle prit la fillette dans ses bras et sortit, Jenny sur les talons.

On offrit une boisson à Rachel et on lui proposa de s’asseoir, ce qu’elle refusa. Quelquesminutes plus tard, lorsqu’il y eut moins de monde autour d’elle et de Carter, elle luidemanda :

— Tu es vraiment sorti avec Jenny ?

Il haussa les épaules.

— Oui, mais il y a très longtemps. C’est du passé.

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— Je ne veux pas paraître impolie ou trop curieuse, mais j’ai quand même envie de tedemander ce qu’elle fait là...

— Parfois, ma mère et mes sœurs apprécient tellement une de mes petites amies qu’ellescontinuent à l’inviter même si je ne sors plus avec elle. Cela peut donner lieu à dessituations cocasses, crois-moi.

— Tu veux dire qu’elles sont parfois plusieurs à venir chez ta mère en même temps ?

— Oui. Ça ne pose pas de problème lorsque leur nouveau petit ami vient aussi, maisquand elles sont célibataires, c’est parfois un peu embarrassant pour elles de serencontrer. D’autres fois, à l’inverse, elles deviennent bonnes amies entre elles. Je suissorti avec une fille qui s’appelle Shawna. Jenny et Shawna se sont rencontrées ici. Elless’entendent à merveille et sont devenues très proches l’une de l’autre.

Rachel se demandait si elle souhaitait vraiment en savoir plus ou si elle avait eu soncompte d’étonnement pour l’instant.

— Je ne suis pas certaine que cette famille soit tout à fait normale, murmura-t-elle.

Il se pencha si près d’elle qu’elle sentit son souffle sur son oreille.

— C’est une famille un peu originale, mais c’est ce qui fait son charme.

Comme le corps de Carter touchait presque le sien, elle ressentit le désir immédiat del’étreindre, de le câliner et de se faire câliner. Ce désir était si fort qu’il l’effraya.

— Tout se passe bien entre vous ?

Rachel sursauta quand Nina apparut devant eux, une quiche à la main.

— Oui, dit Carter.

Il saisit une part de quiche, la déposa sur une serviette en papier et la tendit à Rachel.

— Vous savez, un bébé, ça change tout. Vous ne serez plus seulement responsables devous-mêmes, mais aussi d’une autre vie, déclara Nina.

Rachel s’estima heureuse de ne pas encore avoir pris une bouchée de sa quiche, car ellese serait certainement étranglée en entendant ces mots.

Carter se servit un morceau de quiche et dit :

— Sans blague ! Tu veux dire qu’un bébé est vivant ? Je pensais qu’on allait simplementavoir à le poser sur l’étagère.

Sa mère lui lança un regard furieux.

— Carter, je ne plaisante pas.

— Tu te mêles de ce qui ne te regarde pas.

Nina s’adressa alors à Rachel.

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— Rachel, que pensent tes parents de tout cela ?

Rachel s’éclaircit la voix.

— J’ai perdu mes parents. Ils sont morts dans un accident de voiture quand j’avais douzeans. Mon petit frère était avec eux ; il est mort lui aussi.

Rachel s’aperçut que Carter ne la quittait pas des yeux.

Nina lui prit le bras.

— Tu es toute seule alors, tu n’as pas de famille ?

Rachel réussit à lui sourire.

— Je vais bien, ne vous inquiétez pas.

— Oui, et tu peux compter sur nous à présent. Nous sommes ta nouvelle famille. Nousserons toujours là pour toi. Si tu as un problème, tu ne dois pas hésiter à m’appeler,d’accord ?

La gorge de Rachel se serra.

— Merci.

Nina sourit et retourna à ses fourneaux.

— Elle veut bien faire, dit Carter à Rachel lorsqu’ils se retrouvèrent seuls.

— Je sais. Elle fait de son mieux pour que je me sente à l’aise parmi vous.

— Parfois, elle en fait un peu trop, admit-il. Néanmoins, elle a raison sur un point : tupeux compter sur nous maintenant.

Cette journée était décidément forte en émotions pour Rachel.

Une des sœurs de Carter s’approcha d’eux. Rachel pensa qu’il devait s’agir, si elle ne setrompait pas, de Liz.

— Je suis contente que vous ayez accepté de vous marier, lança-t-elle. Maman est auxanges. Elle commençait à croire que personne ne réussirait à gagner le cœur de Carter.

Rachel grimaça.

— A vrai dire, je n’ai rien gagné.

— Bien sûr que si et je t’en félicite.

Carter soupira.

— Ne t’inquiète pas, dit-il à voix basse, nous allons nous serrer les coudes et suivre notreplan, comme prévu.

Rachel fit un signe de tête affirmatif, mais elle ne pouvait se débarrasser d’un certainsentiment de culpabilité.

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— Tu veux ce bébé ? l’interrogea-t-elle.

— Oui ! répondit-il sans hésiter. Mes relations avec les femmes ont peut-être parfois étéchaotiques, mais j’ai toujours voulu devenir père. Je ne connais rien à l’éducation desenfants, mais je vais apprendre à être un bon père. Je veux être là pour ma fille, je veuxlui donner les meilleures chances pour réussir dans la vie.

Elle sourit.

— Tu es toujours aussi convaincu que nous allons avoir une petite fille on dirait.

Il faisait déjà nuit lorsque Rachel et Carter sortirent de chez Nina et se rendirent chezCarter. Rachel se sentait fatiguée physiquement, mais avait l’impression d’avoir évacuéune bonne partie de sa fatigue mentale, ce dont elle était fort aise. Ils auraient encore àfaire face à certaines situations délicates, et il lui faudrait encore du temps avant deretenir tous les prénoms des membres de la famille, mais elle s’était vraiment sentieaccueillie à bras ouverts.

— J’aime ta famille, dit-elle à Carter au moment où il ouvrait sa porte. Ils sont tousadorables.

Il soupira bruyamment.

— Je m’en doutais. Chaque fois, c’est pareil. L’homme pense qu’il a de la chance parcequ’il a réussi à charmer son amie, il pense qu’elle le trouve séduisant ou intelligent, puis,au final, il découvre que sa petite amie ne s’intéresse qu’à lui parce qu’elle trouve safamille sympathique.

Il plaisantait bien entendu. Toutefois, il avait choisi d’utiliser le terme « sa petite amie »et Rachel en avait frissonné.

— A mon avis, tu n’as jamais dû avoir du mal à séduire une femme, alors ne compte passur moi pour éprouver de la compassion !

— Aïe, quelle sans-cœur tu fais ! Je suis anéanti.

Elle trouva qu’il était beau lorsqu’il se prétendait anéanti. Elle examina les traits de sonsuperbe visage, puis se concentra sur sa bouche, avec laquelle il savait si bien l’embrasser.

— Tu vas t’en remettre, murmura-t-elle.

Elle n’arrivait pas à détourner ses yeux de sa bouche et elle espérait un baiser.

— Rachel.

Il prononça son nom d’une voix si langoureuse qu’elle en eut des frissons.

Elle se força à s’éloigner de lui. « Sois raisonnable Rachel », se dit-elle. Elle chercha sesclés de voiture dans son sac à main.

— Ne compliquons pas la situation encore plus.

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— Ne me regarde pas comme ça, la pria-t-il.

— Comment ?

Au lieu de lui répondre, il se pencha vers elle et l’embrassa. Elle ne l’en empêcha pas etle serra contre lui, car elle le désirait trop.

Ils s’enlacèrent. Elle sentit ses bras musclés dans son dos. Son sac à main glissa à terre,mais elle réussit à ne pas lâcher ses clés de voiture, ce qui, se dit-elle pour se rassurer,signifiait qu’elle n’avait pas encore perdu tout contrôle.

Toutefois, elle ne maîtrisa bientôt plus ses émotions lorsqu’il déplaça suavement seslèvres sur sa bouche. Pourquoi ses baisers avaient-ils tant d’effet sur elle ? Elle étaitincapable de l’expliquer. Elle ne voulait plus le lâcher. Après lui avoir mordillé la lèvre, ilse fraya un passage jusque dans sa bouche. Les cuisses de Rachel se mirent à trembler etelle sentit le feu d’amour qu’il dégageait la brûler.

Il lui caressa lentement le dos. Elle eut envie de guider ses mains vers ses seins. Ellevoulait vivre intensément l’expérience de cette flambée de passion.

Soudain, il recula et lui fit un sourire chargé de regrets.

— Ce n’est pas une bonne idée, expliqua-t-il.

Elle savait que ce n’était pas une bonne idée, mais elle aurait tant aimé qu’il n’y ait pasréfléchi et que cette étreinte se soit prolongée. Le corps de Rachel était maintenant ensouffrance, en manque du contact charnel tant désiré.

Quoi qu’il en soit, elle ne voulut rien laisser transparaître de l’état d’excitation danslequel il l’avait mise.

— Je vais rentrer chez moi, dit-elle, fière d’avoir réussi à parler d’une voix posée.Bonsoir.

— Bonsoir.

Elle prit quelques grandes bouffées d’air pour se remettre les idées en place. Elle allaitdésormais essayer de ne plus perdre de vue que leur plan consistait uniquement à « fairesemblant » de sortir ensemble. Elle était suffisamment intelligente pour réussir à seconformer à ce plan.

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7.

— Tu n’étais pas obligée de venir, dit Carter, qui semblait légèrement inquiet.

Rachel sourit, puis le prit par le bras et lui dit :

— Je sais, mais j’en ai envie. Tu as fait du beau travail dans ta cuisine et je pense qu’il esttemps de donner une touche finale à ta décoration intérieure.

— Je n’avais pas l’impression que mon intérieur avait besoin d’une touche finale,grommela-t-il alors qu’ils parcouraient les rayons d’un grand magasin de bricolage et dedécoration.

— Tu as des murs blancs. Tu peux être plus créatif et y mettre une touche de couleur,non ? En plus, comme tu es propriétaire, tu es libre de transformer ta maison à ta guise.

— Oui, c’est d’ailleurs en toute liberté que j’ai choisi de laisser les murs blancs.

Cette remarque amusa Rachel.

— Ce n’est pas le choix le plus judicieux ; avec tes meubles en érable, l’ensemble est unpeu austère. Je trouve d’ailleurs surprenant que tu aies opté pour ce bois ; la plupart desgens achètent des meubles en chêne en Californie.

Il haussa les épaules.

— J’ai trouvé que ces meubles étaient beaux.

— Ils le sont et ils méritent d’être mieux mis en valeur.

Il marmonna des propos indistincts, mais Rachel n’y prêta pas attention. Elle savait ques’il avait vraiment tenu à conserver ses murs blancs, il ne lui aurait pas proposé del’accompagner dans ce magasin pour acheter des pots de peinture.

Cette invitation entrait peut-être dans le cadre du plan qui consistait à faire semblantd’être en couple. Néanmoins, elle était simplement heureuse de passer un agréablemoment en sa compagnie.

— Tu as de la chance d’être propriétaire, lui dit-elle. Je mets de l’argent de côté, maiscomme les prix de l’immobilier ne cessent d’augmenter, je ne sais pas quand je pourraiacquérir une maison. En attendant, je découpe des articles et des images dans lesmagazines de décoration et je cherche des idées d’aménagement sur Internet. Je sais déjàexactement à quoi ressemblera le dressing de mes rêves. J’y inclurai des espaces derangement spécialement prévus pour les chaussures, les ceintures et les sacs.

Il la regarda d’un air méfiant.

— Nous ne sommes venus ici que pour acheter de la peinture.

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— Je sais. Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas l’intention de réaménager tous tes placards,même si j’adore arranger les intérieurs.

Ils arrivèrent au rayon peinture. Carter sortit d’un sac un petit tiroir de bois. Rachel avaitinsisté pour qu’il emmène le tiroir afin de le confronter aux teintes disponibles.

— Crème peut-être ? Ça va bien avec ce bois, non ? demanda Carter.

— Non. La couleur ne doit pas être trop éclatante, mais pas trop terne non plus.

Elle se dirigea vers les tons jaunes.

Carter avait choisi des appareils électroménagers noirs et une table de cuisine en granitnoir, gris et crème, des couleurs faciles à marier. Comme ses meubles de rangementétaient clairs, il fallait trouver un ton légèrement plus foncé pour que la pièce ne paraissepas terne.

— Une couleur chaude, dit-elle. Il te faut une couleur chaude parce que tu as la chancede profiter des rayons du soleil dans cette pièce le matin.

Elle sortit trois coloris de jaune, puis regarda les tons pêche.

— Mmm... Tu préfères celui qui tire sur le orange ou celui qui est plus saumon ?

Carter fit un pas en arrière.

— Il y a vraiment beaucoup de choix.

— Oui. Nous allons faire une présélection et ne conserver que trois ou quatre couleurs.Ensuite, nous achèterons des échantillons et nous les testerons chez toi.

Elle lui présenta sa sélection de couleurs. Pour toute réaction, il émit un son gutturalétranglé.

— Il doit bien y avoir quelques couleurs que tu aimes dans le lot ? Je ne te demande riende très compliqué.

— J’aime le beige.

Elle élimina encore quelques échantillons jusqu’à ce qu’elle n’ait plus dans la main quequatre couleurs qu’elle aimait et qu’il ne détestait pas. Elle le traîna ensuite jusqu’aurayon des tissus.

— Pourquoi ce rayon ? demanda-t-il.

— J’ai pensé que je pourrais faire des lambrequins pour tes fenêtres. Rien de trèssophistiqué, il s’agirait simplement de les habiller un peu.

Carter regardait autour de lui, comme s’il cherchait une issue pour s’enfuir.

— Les lambrequins sont les petits morceaux de tissus que l’on place en haut des fenêtres?

— Oui. Les stores sont pratiques aussi, mais sont moins esthétiques. J’aime ce ton orangé,

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mais tu ne seras certainement pas d’accord avec moi, puisque tu ne te montres pascoopératif.

Il se raidit.

— Si, je suis coopératif. Je porte tous les échantillons et je vais les tester sur mes murs.

— Oui, mais tu es d’humeur bougonne.

Il parut indigné.

— Non, c’est faux.

— O.K., dit-elle en souriant. Alors regarde, je pensais à un tissu de ce style.

Elle sortit du rayon un rouleau de tissu, le déroula et plaça les échantillons de peinturepar-dessus.

— Tu vois comme c’est bien assorti ?

Il fronça les sourcils.

— C’est incroyable, tu as trouvé du premier coup le tissu adéquat.

— Je suis douée. Alors, ce tissu te plaît ?

Il regarda attentivement le tissu rayé.

— Oui, tant qu’il ne comporte pas de fleurs !

— Très bien, nous éviterons les motifs à fleurs. Achetons ce tissu, puis nous reviendronschoisir un autre tissu pour confectionner des coussins et une nappe assortis quand tuauras fait un choix définitif pour la couleur de la peinture. L’autre tissu ne sera pasforcément rayé.

Il acquiesça.

— J’ai l’impression d’entendre parler mes sœurs. Elles font le même genre de remarques.

— Oui, les filles ont souvent un talent inné en matière de décoration.

Il saisit le tissu et l’examina.

— Je l’aime bien ; c’est mieux que du beige.

— C’est un miracle, tu reconnais qu’il existe autre chose que le beige !

— Carter ? dit une voix féminine derrière eux.

Rachel se retourna et vit une jolie rouquine avec un rouleau de tissu à la main.

— Bonjour Nora, dit Carter. Comment vas-tu ?

— Bien.

— Tant mieux. Rachel, je te présente Nora.

L’autre femme fit un signe de la tête.

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— Enchantée. Tu sors avec Carter ? Lui et moi sommes sortis ensemble.

A en juger par le regard admiratif dont elle couvait Carter, Rachel comprit qu’elleregrettait qu’il n’en soit plus ainsi.

— Tu... as bonne mine, dit la femme rousse à Carter.

— Toi aussi, répondit-il tout en prenant doucement appui sur l’épaule de Rachel.

Rachel se sentit gênée. Devait-elle les laisser seuls un instant pour qu’ils puissentdiscuter en privé ? Elle aurait pu leur proposer de les laisser entre eux, mais elle ne réussitpas à suggérer cela spontanément.

Nora s’éclaircit la voix.

— Carter, nous pourrions peut-être aller prendre un café un de ces jours, qu’en dis-tu ?

— C’est gentil de proposer, mais je ne suis pas très disponible en ce moment. Prends soinde toi Nora. Au revoir.

— O.K. Salut.

Elle partit en traînant les pieds. Carter la regarda s’éloigner, puis se tourna vers Rachel.

— Désolé.

— Pas de problème. On dirait que votre rupture ne s’est pas bien passée.

— En général, je reste ami avec mes ex, mais Nora n’a pas accepté cela. Avec elle, c’étaitle mariage ou rien du tout.

— Tu n’as jamais envisagé de l’épouser ?

— Je n’ai jamais envisagé d’épouser qui que ce soit. Je me suis toujours dit que j’allaisrencontrer quelqu’un, tomber amoureux et me marier. Jusqu’à présent, cela ne s’estjamais passé ainsi. J’aime les femmes, toutes les femmes et je ne les trompe jamais. Maispasser le restant de ma vie avec la même personne et vieillir avec elle ne me tente pas.

Il venait de perdre le sourire, ce que Rachel remarqua.

— Quoi ? demanda-t-elle. Tu penses que je vais me fâcher parce que tu dis ça ?

Il haussa les épaules.

— Je suis habitué aux critiques. La plupart des femmes n’apprécient pas mon franc-parler.

— Moi si, déclara-t-elle en toute honnêteté. A quoi bon épouser une personne que l’onn’aime pas vraiment ? J’ai failli me marier deux fois. A deux reprises, j’ai cru que j’aimaismon fiancé, mais, au fil du temps, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas, carj’avais commencé à me sentir prisonnière de notre relation.

Carter sembla se détendre un peu.

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— Que penses-tu du mariage à présent ?

Elle pensa à ses parents.

— Je pense que cela peut être l’un des plus grands bonheurs de la vie si l’on trouve labonne personne. Je ne veux pas me marier à tout prix. Je me marierai uniquement si jen’ai aucun doute sur mon amour et si le mariage apparaît comme une évidence.

— Moi, je n’aurai jamais envie de me marier, lui confia-t-il.

Elle sourit.

— D’accord Carter. De toute façon, je n’ai pas l’intention d’être l’une de tes admiratrices.

— Je n’ai pas d’admiratrices.

— Bien sûr que si, mais peu importe. Je comprends et je respecte totalement que tu neveuilles pas t’engager dans une relation avec une fille dont tu n’es pas amoureux. Parcontre, je ne comprends pas que tu ne puisses pas tomber en pâmoison devant ces teintesde peinture magnifiques, dit-elle en plaisantant.

Il lui fit un large sourire.

— Tu as gagné. Je vais prendre ces fichus échantillons et les tester sur mon mur.

— Super. Et moi je vais te fabriquer des lambrequins splendides.

— Non, tu ne peux pas faire ça.

— Si, je me débrouille assez bien avec ma vieille machine à coudre. J’ai appris à m’enservir lorsque j’étais danseuse. Les costumes de scène étaient hors de prix. Ma familleadoptive n’avait pas les moyens de me les offrir, alors j’ai appris à les fabriquer moi-même.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que si tu fais ça pour moi, j’aurai unedette envers toi.

— Et alors ?

— Alors, je ne sais pas ce que je pourrai faire pour toi en échange.

Immédiatement, la vision de leurs deux corps nus et enlacés lui vint à l’esprit. Il pourraitfaire beaucoup de choses pour elle, à commencer par l’embrasser langoureusement, puisen poussant plus loin les jeux amoureux. Elle repensa au plaisir qu’elle avait ressentilorsque ses mains étaient venues caresser son corps. Son toucher à la fois passionné etdoux l’avait tellement exaltée...

— Rachel, à quoi penses-tu ?

— Pardon ? Que disais-tu ?

— Je disais que je veux faire quelque chose pour toi en contrepartie. Que pourrais-je faire? T’aider à déplacer des meubles lourds ? Planter un arbre en ton honneur ?

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Elle rit.

— Maintenant que j’y pense... La date de la fête de l’école approche et chaque classe doitconstruire un stand. Tu sais bien bricoler, donc tu pourrais nous aider à assembler lastructure de bois du stand.

— C’est d’accord.

— Tu es sûr ? Tu seras entouré d’une dizaine d’enfants de cinq ans et de leurs parentsmaladroits.

— J’aime les enfants et les parents m’apprécient souvent.

— Surtout les mamans.

Il lui sourit.

— Oui, surtout elles.

Carter se coiffa d’une casquette et remit en place le col de sa veste. Le restaurant routierse trouvait à plusieurs kilomètres du centre-ville. C’était la halte privilégiée despersonnes en route vers Las Vegas. Le restaurant était toujours plein à craquer. Au milieude ce monde, il pourrait s’entretenir en toute discrétion avec son chef.

Il repéra le véhicule de Don Killian, son supérieur hiérarchique, sur le parking durestaurant. Il se dirigea vers la porte d’entrée et chercha la table du rendez-vous.

Don Killian avait la réputation d’être très protecteur vis-à-vis de ses hommes et Carterdevina immédiatement qu’il avait choisi la table la moins en vue du restaurant. Ilconstata qu’il était caché derrière un énorme pilier. Carter se glissa sur la banquette, faceà Don.

— Tu as choisi une table bien à l’abri des regards, fit-il remarquer à son chef en souriant.

Don Killian haussa les épaules.

— Oui, j’ai attendu qu’un couple de personnes âgées daigne libérer cette table parce queje trouvais que c’était l’endroit le plus propice du restaurant. Comment ça va, Carter ?

— Bien.

La serveuse arriva. Les deux hommes commandèrent des hamburgers et des sodas.Lorsqu’elle fut hors de vue, Carter se pencha vers son chef.

— Une grosse cargaison va arriver la semaine prochaine. J’ai récupéré un exemplaire dela liste du chargement. La livraison aura lieu à Chicago, puis les pièces seront distribuéesdans tout le pays.

Carter faisait partie d’une équipe qui enquêtait sur l’importation illégale de piècesdétachées automobiles. Il donna les détails de l’opération à son chef, qui prit soin denoter les informations clés.

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— Nous pouvons les intercepter, dit Don Killian. Je vais en parler avec les agents du FBIsur le coup. Nous pourrions faire croire à un accident de circulation pour ne pas éveillerles soupçons des contrebandiers. Je pense que l’affaire sera bouclée dans quatre à cinqsemaines.

La serveuse apporta les boissons. Carter attendit qu’elle soit repartie avant de prendre laparole.

— O.K. Pas de problème. Personne ne se doute de rien jusqu’à présent.

— Certains finiront par soupçonner que quelque chose se trame si tu continues à traînerautant au bar de Jenny.

Carter grimaça.

— Je ne voulais pas rencontrer mon contact là-bas, mais il a insisté. Il savait que le barétait essentiellement fréquenté par des policiers et il a sans doute voulu m’impressionnerainsi. S’il avait su que moi aussi je suis flic !

— Et comme tu avais prévenu Jenny, elle s’était arrangée pour faire salle comble ce soir-là, ajouta Don Killian. C’est une fille en or, dommage que tu l’aies laissée épouser unautre.

— Elle n’était pas faite pour moi.

Il avait vécu une belle relation avec Jenny, mais n’avait pas essayé de faire durer leurhistoire et l’avait laissée partir, comme toutes ses autres petites amies. La plupart dutemps, il était satisfait de ne pas s’attacher aux femmes avec lesquelles il sortait.Toutefois, il lui arrivait parfois de se demander pourquoi il était incapable de bâtir unerelation sérieuse et stable, comme tout le monde.

— Pour le moment, c’est bien que tu sois célibataire. Tu es sous pression à cause de cettemission. Si, en plus, tu devais gérer des problèmes de couple en rentrant du boulot, lasituation serait difficile. Mais quand ce travail touchera à sa fin, qu’en sera-t-il ?

— Que veux-tu dire ? J’enchaînerai sur une autre mission, voilà tout.

— Tu veux continuer à travailler comme policier infiltré ? Tu n’es pas sérieux Carter. Tuas réussi les examens, tu pourrais être inspecteur de police, alors pourquoi n’acceptes-tupas un poste à un grade supérieur ? Pourquoi déclines-tu systématiquement les offres quel’on te propose ?

— Je n’en ai refusé qu’une.

— La plupart de tes collègues auraient sauté sans hésiter sur une telle opportunité d’êtrepromu au rang d’inspecteur.

Carter haussa les épaules.

— Pourquoi as-tu passé le concours d’inspecteur si ce poste ne t’intéresse pas ?

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— Si, il m’intéresse.

S’il avait eu quelqu’un d’autre que son chef en face de lui, il n’aurait pas hésité à lui direde lui ficher la paix.

— Alors, accepte le poste. Il est temps que tu prennes une sage décision et que tuoccupes plus de responsabilités.

— J’ai déjà des grosses responsabilités.

— Tu sais aussi bien que moi que tu ferais un excellent inspecteur. Pourquoi tant deréticences ?

Ce samedi matin commença de manière chaotique. Des dizaines d’enfants qui couraientdans la classe, des parents qui discutaient et ne faisaient rien pour calmer leurprogéniture, et Rachel qui s’activait pour rassembler tous les outils nécessaires à laconstruction du stand.

L’amatrice qu’elle était en matière de bricolage ne savait pas dire si elle avait réuni toutce qu’il fallait. Elle avait séparé les planches de bois, les entretoises et les outils, etconsidérait l’ensemble ainsi disposé sur le sol.

— Tu as besoin d’un coup de main ? demanda Carter, qui venait d’entrer dans la cour.

— Oui ! cria-t-elle.

Elle lui tendit une liste qu’elle avait dans la main.

— Est-ce que tous les éléments inscrits sur cette liste se trouvent ici sur le sol ? Je détestele bricolage. Heureusement que tu es là ! Je compte aussi sur les parents d’élèves pourt’aider. Certains des parents trieront et finiront les cartes avec moi. Cela ne devrait pasprendre longtemps.

Elle avait conscience qu’une fois encore elle s’était mise à parler à toute vitesse sousforme de monologue. Cela lui arrivait souvent lorsqu’elle se retrouvait en présence deCarter. Elle avait envie de lui expliquer qu’elle n’y pouvait rien, que le seul fait de le voirprovoquait immanquablement ce flot de paroles chez elle. C’était comme si son cerveaune pouvait plus fonctionner normalement à sa vue, trop occupé qu’il était à se remémorerles caresses et les baisers, et à imaginer de nouvelles scènes d’amour avec lui.

Carter s’approcha de Rachel et lui sourit.

— Tu as fini ce que tu avais à dire ?

Si elle lui répondait par la négative, l’embrasserait-il pour la faire taire ?

— Oui, presque. Avant, on ne construisait pas de stands pour les maternelles et celam’arrangeait bien. Mais cette année, quelqu’un a décrété que nous devions aussi avoir unstand, comme les autres classes. Je n’y connais rien en bricolage. Peux-tu t’en charger etcoordonner le travail de construction ? En théorie, cela ne devrait pas prendre plus de

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deux heures.

— J’ai déjà assemblé des meubles bien plus élaborés. Je devrais m’en sortir !

Il jeta un coup d’œil rapide aux instructions de montage.

— Est-ce que les enfants peuvent aider aussi ? demanda-t-il.

— S’ils veulent. Mais certains devront venir avec moi pour terminer les cartes.

— Quelles cartes ?

— Ce sont des cartes de vœux que nous allons vendre à la fête. Certaines sont impriméeset d’autres sont décorées par les enfants.

— Je refuse de me coller à l’atelier décoration de cartes !

Rachel rit.

— D’accord, je ne t’obligerai pas à venir créer de jolies cartes. Tu pourras rester dehors etjouer au macho avec tes planches et tes clous.

— Parfait.

Il lui adressa un magnifique sourire qui la troubla. Elle respira profondément et résista àson envie d’aller se blottir dans ses bras. Au lieu de cela, elle regagna sa classe.

Elle réunit les parents et les enfants, leur expliqua le déroulement des deux projets et leslaissa choisir l’atelier auquel ils préféraient se consacrer. Un petit garçon vint tirer sur lebas de son T-shirt.

— Bonjour Christian, lui dit-elle. Tu es content de pouvoir faire du bricolage ?

Christian fit oui de la tête.

— C’est votre amoureux ? demanda-t-il à sa maîtresse en montrant Carter du doigt.

Rachel ne sut que répondre. Elle aurait pourtant dû s’attendre à ce que quelqu’un posecette question.

— Eh bien, pour tout te dire...

— Oui, acheva simplement Carter.

Christian se mit à rire.

— Vous allez l’embrasser alors ?

— Tout à l’heure, peut-être. Si elle est gentille avec moi.

Deux mères échangèrent un regard qui semblait dire : « Moi aussi, j’aimerais bien qu’ilme donne un baiser. »

— Très bien, dit Rachel, rouge comme une pivoine. Mettons-nous au travail.

Carter emmena l’équipe chargée du bricolage et Rachel prépara le matériel destiné à la

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décoration des cartes.

Bientôt, tout le monde s’attela à la tâche. Elle fit le tour de la classe pour vérifier que toutse passait bien, puis elle s’installa à son bureau et sortit sa liste de parents d’élèves. Ellesouhaitait profiter de cette occasion pour parler à quelques-uns d’entre eux.

— Helen, puis-je vous voir une seconde ? demanda Rachel à une belle femme à la longuechevelure noire, qui était occupée à classer les cartes.

— Bien sûr Rachel.

Elles se rendirent dans la classe voisine afin de pouvoir discuter tranquillement. Elless’assirent sur les deux seules chaises d’adulte se trouvant dans la salle.

— Je suis un peu inquiète au sujet d’Anastasia. Elle est très agréable, très gentille et elleaime travailler. Mais j’ai l’impression qu’elle est épuisée. Elle s’endort en classe presquetous les jours.

Helen se raidit.

— Ah bon ? Pourtant, elle va se coucher à 21 heures. Elle devrait avoir suffisamment desommeil.

— Elle n’a que cinq ans. Peut-être devrait-elle se coucher un peu plus tôt. Est-ce qu’ellerechigne à aller au lit ? Certains enfants ont du mal à s’endormir.

Rachel pensait que le problème était tout autre, mais elle savait qu’il valait mieuxaborder les choses en douceur, plutôt qu’accuser les parents et risquer de les offenser.

— Anastasia se couche sans difficulté. Parfois, elle tombe même endormie dans lavoiture lorsque nous rentrons après 19 heures.

— Je suggère que vous la couchiez un quart d’heure plus tôt tous les quatre à cinq jours,jusqu’à ce qu’elle ne soit plus fatiguée pendant la journée. Je crois que lorsqu’elle ira aulit vers 19 h 30, elle sera plus en forme.

Helen ouvrit de grands yeux.

— Mais c’est impossible ; elle a ses cours le soir.

— Mmm. Oui, c’est vrai, j’ai cru comprendre qu’elle pratiquait beaucoup d’activitésextrascolaires : de la danse, des cours d’espagnol et des arts martiaux, c’est cela ?

Helen fit un signe de tête affirmatif.

— Et la gymnastique, le piano et le football. Certaines activités ont lieu l’après-midi,mais d’autres se déroulent le soir, donc elle ne peut pas aller se coucher plus tôt.

Rachel réfléchit à la manière la plus habile de lui exposer son point de vue.

— Je trouve que c’est merveilleux que vous vous occupiez aussi bien del’épanouissement de votre fille. Si tous les parents pouvaient en faire autant ! Mais les

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emplois du temps des enfants sont parfois un peu trop surchargés. Anastasia doit aussipouvoir avoir du temps libre pour s’amuser et vivre simplement sa vie de petite fille.

Helen s’apprêta à répondre, mais s’interrompit un instant.

— Nous lui en demandons trop, n’est-ce pas ? Je me suis déjà posé cette question. Nousvoulons ce qu’il y a de mieux pour elle. Nous souhaitons qu’elle s’intéresse à diversesactivités et qu’elle ne devienne pas fainéante.

— Il ne faut pas trop la pousser, dit doucement Rachel. Anastasia est une enfantexceptionnelle en soi, peu importe ce qu’elle fait. Elle va grandir très vite et je nevoudrais pas que d’ici quelques années, vous regrettiez de ne pas avoir passésuffisamment de temps avec elle parce qu’elle était toujours partie à droite à gauche poursuivre des cours.

— Vous avez raison. Je vais en parler à Martin. Peut-être que nous pourrions réduire lenombre de ses activités.

— Oui, voyez avec elle celles qu’elle préfère. Elle peut aussi changer d’activités à la find’un semestre pour en essayer d’autres, puis choisir celles qui lui plaisent le plus.

— Merci Rachel.

— De rien. Anastasia est formidable. Je suis très heureuse de l’avoir dans ma classe.

Helen sourit.

— Et moi je suis heureuse que vous soyez son institutrice.

Sur ces mots, elle sortit de la classe. Rachel prit quelques notes dans un dossier, puis levales yeux et vit que Carter venait d’entrer.

— Impressionnant, déclara-t-il. Je venais te dire que la construction du stand était enbonne voie. Je n’ai pas voulu interrompre la discussion que tu as menée, permets-moi dete le dire, de main de maître.

Cet éloge lui alla droit au cœur.

— Merci. Je passe plusieurs heures par jour avec les enfants et je porte sur eux un regardplus objectif que celui de leurs parents. Je vois ce qui va et ce qui ne va pas. Les parentspeinent parfois à se rendre compte d’un problème éventuel.

— Helen a compris le message.

Rachel ferma son dossier et se leva.

— Je l’espère. Je n’aime pas voir des enfants surmenés. On dirait que leurs parents lesimaginent déjà à la tête des Nations unies. Il ne faut pas trop en faire, mais il est parfoisdifficile pour eux de trouver un juste milieu entre l’ennui à la maison et la surcharged’activités.

Carter prit une boucle de cheveux de Rachel et la glissa derrière son oreille.

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— Ma mère a fait du bon boulot pour nous élever, moi et mes sœurs. Elle a réussi à fairecroire à chacun d’entre nous que nous étions son enfant préféré. Elle nous a donnéconfiance en nous.

— C’était pareil avec mes parents, dit Rachel en se souvenant de son enfance. Je voulaisêtre à la fois ballerine et astronaute, et ils ne m’ont jamais dit que c’était une idéesaugrenue. Evidemment, je n’étais qu’une enfant et ils devaient forcément se douter quej’allais par la suite changer d’avis. Une fois, ils...

Des larmes vinrent soudainement embuer ses yeux. Elle en fut elle-même surprise, sibien qu’elle ne réussit pas à terminer sa phrase.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Carter.

— Je ne sais pas.

Elle cligna des yeux plusieurs fois, mais les larmes ne disparaissaient pas.

— J’allais raconter une anecdote au sujet de mes parents. Mais, si je continue à parler, jevais éclater en sanglots.

— Je te consolerai !

Elle renifla tout en souriant.

— Merci pour ton soutien. Je ne comprends pas. Je ne pleure pas souvent d’habitude, pasmême lorsque je parle de ma famille. Cela fait longtemps qu’ils sont décédés. Je suis tristede les avoir perdus, mais j’ai fini de faire mon deuil.

Il l’attira contre lui et l’entoura de ses bras. Elle ne s’opposa pas à ce geste, car, sansqu’elle sache pourquoi, elle avait besoin de réconfort.

— C’est fou, murmura-t-elle contre l’épaule de Carter alors que des larmes perlaient surses joues. Voilà que je pleure sans raison. Cela ne me ressemble pas.

— Tu vas avoir un bébé, lui rappela-t-il.

Elle se redressa et le fixa du regard.

— Ce n’est pas une raison pour me mettre dans un état pareil. C’est une situationstressante, c’est vrai, mais vu que je n’arrive pas encore à prendre réellement consciencede ma grossesse, cela m’étonne de réagir ainsi à ce stress.

Elle essuya son visage et tenta de focaliser ses pensées sur des événements joyeux. Et sielle adoptait un chaton ? Un petit chat blanc qui jouerait avec une bobine de fil. Rien àfaire. Elle continuait à pleurer en dépit de cette image mentale réjouissante.

— Je ne dis pas que c’est parce que tu es stressée. C’est à cause de tes hormones. Crois-moi, j’ai trois sœurs qui ont été enceintes au moins deux fois chacune, alors je sais de quoije parle. Même si tu n’as pas vraiment conscience d’être enceinte, ton corps, lui, est déjà

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en train de produire toutes sortes de molécules et c’est en réaction à ces changementshormonaux que tu réagis étrangement.

— Tu veux dire que je vais me mettre dans de drôles d’états tout au long des septprochains mois ?

— C’est possible.

— C’est horrible !

— Mais non, ne t’inquiète pas. Et moi, je serai là, tu pourras venir pleurer sur monépaule autant que tu voudras.

Elle rit et ses sanglots s’estompèrent. Il prit son visage dans ses mains et sécha ses larmesavec ses pouces.

— Tu te sens mieux ? lui demanda-t-il.

Elle fit oui de la tête, sans quitter des yeux la bouche de Carter.

— Moi aussi j’ai envie de t’embrasser, lui dit-il.

— Dépêche-toi, il va l’embrasser, cria une petite voix dehors.

Rachel se retourna et vit Christian et son ami qui regardaient par la fenêtre.

— Tiens, des spectateurs !

— Je n’embrasse jamais en public, alors nous allons devoir remettre ce baiser à plus tard !dit Carter en riant.

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8.

Crissy déposa le pichet de thé glacé sur la table, puis déclara, les mains posées sur les

hanches :

— Vous m’énervez toutes les deux à ne plus boire de vin !

Noëlle sourit.

— De toute façon, je n’en buvais pas même avant d’être enceinte.

— Ce n’est pas une excuse valable. Et toi, Rachel, qu’as-tu à nous dire ?

— Je suis enceinte, je ne peux pas boire de vin.

— Oui, mais qu’as-tu à nous raconter sur la manière dont cette grossesse est arrivée ?

Rachel hésita un instant. Elle n’eut pas le temps de répondre, car le téléphone sonna.

Noëlle fit un sourire encore plus rayonnant.

— C’est sans doute Dev, murmura-t-elle. Je vais prendre l’appel dans l’autre pièce.

Crissy la regarda fixement.

— Cela fait moins de deux heures que nous sommes ici et c’est la troisième fois qu’ill’appelle. Je me demande comment il peut réussir à être productif dans son travail.

— Il ne l’est probablement pas, dit Rachel, enviant Noëlle d’avoir un mari aussiamoureux.

Elle aussi avait désiré connaître une telle relation d’amour et avait essayé par deux foisde construire une belle histoire. Pourquoi cela s’était-il conclu par des échecs dans lesdeux cas ? Etait-elle tombée sur les mauvaises personnes ou était-elle purement incapablede maintenir de bonnes relations amoureuses ?

— Elle doit beaucoup lui manquer, dit Crissy en versant du thé glacé dans le verre deRachel. C’est dingue comme ils sont amoureux l’un de l’autre. Ils en ont de la chance !

Crissy semblait à la fois heureuse pour son amie et un peu mélancolique.

— Elle est radieuse, dit Rachel. Maintenant qu’ils savent que le bébé est en bonne santé,ils n’ont plus de souci à se faire.

— Et toi Rachel, comment vas-tu ? s’enquit Crissy. Tu ne nous as pas beaucoup parlé deta propre grossesse.

« Si je n’en parle pas, c’est que je n’ai pas envie d’en parler », pensa Rachel.

— Je vais bien. Je ne ressens aucun changement physique pour le moment. Enfin, si,l’autre jour, j’ai eu une crise de larmes sans raison particulière. Je suppose que c’est à

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cause de mes hormones de femme enceinte. Tu sais, je n’arrive toujours pas à me faire àl’idée que je vais être maman. Dès que j’essaie d’y penser pour m’organiser, je panique.C’est tellement plus simple de faire comme si de rien n’était. Mais même si je continue àfaire semblant que rien ne va changer dans ma vie, le bébé sera là dans quelques mois.

— Tu as encore du temps. Il te reste sept mois pour te faire à cette idée. Quand tucommenceras à le sentir bouger, tu comprendras mieux ce qu’il t’arrive.

Rachel sourit.

— Je vais avoir l’impression d’avoir un petit alien dans le ventre.

— Oui, ça te fera un peu le même effet !

— Qu’est-ce que tu en sais toi ? dit Rachel d’un ton taquin.

Crissy haussa les épaules.

— J’ai lu des articles là-dessus et Noëlle n’arrête pas d’en parler. Bientôt, tu en ferasautant. Vraiment, vous faites la paire toutes les deux.

— Nous avons de la chance, dit Noëlle, qui revenait s’asseoir à table. Dev vous salue etpromet de ne plus appeler pendant notre repas.

— Je n’ai pas la fibre romantique, mais je deviendrais presque sentimentale à te voirtellement heureuse. Ta joie met du baume au cœur.

— Merci. Je me sens si bien. Maintenant, il ne me reste plus qu’à vous trouver des épouxà vous aussi.

— J’aime être célibataire. Je vis avec un chat adorable et j’ai horreur de me faire draguer,déclara Crissy.

— Cela ne va pas être une mince affaire de te trouver un mari ! Commençons par Rachelalors.

Elle se tourna vers Rachel.

— Comment va Carter ?

Rachel rit.

— Il va bien, mais tu perds ton temps à essayer de me caser avec lui. Je n’ai pasl’intention de l’épouser.

— Pourquoi pas ? demanda Noëlle en passant le grand saladier. Tu avais l’air de dire quec’était un homme très bien.

— Oui. Il est drôle, charmant et je crois qu’il est sorti avec pratiquement toutes lesfemmes de mon âge de l’Etat de Californie !

— Ah d’accord ! C’est pour cette raison que tu ne vois pas en lui l’époux idéal.

Rachel réfléchit un instant.

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— En fait, je pense qu’il ferait un bon mari. Il accorde de l’importance aux valeursfamiliales et il aime beaucoup sa famille. Moi aussi d’ailleurs, ce sont des gensformidables. Carter est un homme responsable et plein d’attentions. Il m’a aidée àconstruire le stand pour la fête de l’école le week-end dernier, c’était très gentil de sapart.

— Tu dresses là le portrait de l’homme parfait, ma vieille, déclara Crissy en attrapant unmorceau de pain. Personnellement, j’aurais instinctivement tendance à me dire qu’unhomme si parfait cache quelque chose de louche et j’aurais du mal à lui faire confiance.Mais je suis trop paranoïaque. Toi, tu ne l’es pas Rachel, alors, qu’est-ce qui te retient ?

— Il m’a clairement fait comprendre qu’il ne cherchait pas à s’engager dans une relationà long terme. Carter n’est pas du genre romantique.

— Tout simplement parce qu’il n’a pas encore trouvé la femme faite pour lui. Cettefemme, c’est peut-être toi. N’aimerais-tu pas qu’il envisage de se marier pour le bien devotre enfant ?

— Pas vraiment, admit Rachel. Je pense que je peux élever un enfant sans être mariée. Jesais que Carter remplira son rôle de père et je me sens suffisamment rassurée ainsi.

Crissy et Noëlle échangèrent un regard complice et Rachel comprit qu’elles avaient dûparler d’elle en son absence.

— Tu as toujours dit que tu voulais fonder une famille, commenta Crissy. Qu’est-cequ’une famille pour toi, si ce n’est un mari et des enfants ?

— Je veux fonder une famille, mais pas avec Carter.

Noëlle reprit de la salade.

— Ma question va peut-être te sembler bête, mais je te la pose quand même : pourquoipas avec Carter ? S’il est comme tu le dis, comment fais-tu pour ne pas tomber amoureusede lui ?

— Je n’en sais rien, mais j’y arrive.

Rachel avait été amoureuse deux fois dans sa vie, du moins, elle avait pensé l’être. Elleavait accepté la demande en mariage de deux hommes sensationnels, avant de revenirsur sa décision quelques semaines plus tard dans les deux cas. Elle s’en était terriblementvoulu de les avoir blessés en mettant ainsi terme à leur relation, mais elle n’avait pu serésoudre à les épouser, car ses sentiments d’amour s’étaient dissipés.

A cette époque, sa mère lui avait beaucoup manqué. Elle avait regretté de ne pas pouvoirparler avec elle de ses sentiments et lui poser des questions. Sa mère aurait pu luiexpliquer comment elle et son père avaient eu la certitude qu’ils étaient faits l’un pourl’autre. Elle l’aurait rassurée en lui disant que lorsqu’elle rencontrerait l’homme de sa vie,elle saurait tout simplement que c’était lui qu’elle attendait.

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Carter n’était probablement pas cet homme. C’était un homme merveilleux, elleappréciait sa compagnie et le souvenir de leur nuit d’amour la rendait toujours fébrile,mais cela suffisait-il pour réussir un mariage ? Elle espérait que la décision de se marierpuisse lui apparaître comme une évidence...

— Je vais finir par rencontrer celui qu’il me faut, conclut-elle simplement. Il doit existerquelque part, je n’ai plus qu’à le trouver.

— Oui, il est là quelque part à t’attendre, répliqua Crissy en souriant. Il se meurtd’amour pour toi, il désespère de te rencontrer.

Rachel roula les yeux.

— Arrête, tu riras moins quand toi aussi tu te retrouveras enceinte.

— Cela n’arrivera pas ! dit Crissy du tac au tac.

Il faisait un temps magnifique en ce jour de la fête de l’école. Rachel arriva dansl’établissement à 8 heures pour tout superviser. Le stand aux couleurs éclatantes construitpar Carter était imposant ; on allait pouvoir y disposer les nombreuses cartesconfectionnées par les enfants. Elle fit l’inventaire des cartes. Elle les recompterait en finde journée pour savoir combien ils en avaient vendues.

— Voulez-vous un café ? demanda la mère de Brady, un plateau de gobelets en plastiquefumants entre les mains.

— Oui, merci, répondit Rachel.

Elle saisit un gobelet et le posa sur le stand. En réalité, elle préférait limiter saconsommation de caféine depuis qu’elle était enceinte, mais elle jugea plus simpled’accepter la boisson plutôt que d’expliquer à cette maman pourquoi elle n’en voulaitpas.

La mère de Brady entama la conversation.

— C’est la première année que je participe aux activités de la fête, car Brady est notre filsaîné. Je suis ravie. J’ai hâte que cela commence.

Rachel savait que Brady avait deux petits frères.

— Merci pour votre enthousiasme, mais gardez-en un peu en réserve pour quand lesdeux plus petits seront à leur tour scolarisés !

— Ne vous inquiétez pas. Je n’en manque pas !

— Bonjour mesdames.

Rachel n’eut pas besoin de se retourner pour reconnaître cette voix masculine.

— Bonjour Carter, tu es bien matinal.

— C’est la fête de l’école, un événement à ne pas manquer !

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Elle le regarda attentivement. Son jean délavé et son T-shirt noir lui allaient à merveille.Pourquoi les hommes pouvaient-ils se permettre de sortir de la douche, d’enfiler lepremier vieux vêtement en vue et paraître aussi séduisants alors que les femmes devaientelles passer des heures dans la salle de bains à se maquiller, à se pomponner et à changertrois fois de tenue avant de se sentir un tantinet jolies ?

— Tu as ressenti une envie soudaine de venir acheter des cartes de vœux ? plaisanta-t-elle.

Il n’eut pas le temps de répondre, car une femme venait d’accourir vers eux en criant sonnom et s’était agrippée à lui.

— Carter, oh mon Dieu, c’est bien toi ! Je n’en crois pas mes yeux. Que fais-tu ici ?

Rachel cligna les paupières.

— Eden?

La femme regarda Rachel et sourit.

— Salut, Rachel.

Eden Baker, visiblement une ancienne petite amie de Carter, était aussi institutrice danscette école.

Carter prit soin d’ôter le bras d’Eden du sien.

— Cela fait plaisir de te voir Eden. Comment va John ?

— Très bien.

Eden sourit ensuite à Rachel et fit un pas en arrière.

— Excusez-moi, je ne voulais pas interrompre votre conversation, mais j’ai été tellementsurprise de voir Carter ici. Lorsque nous sortions ensemble, il refusait toujours d’assisteraux fêtes de l’école. Cela fait combien de temps maintenant ? Cinq ans ?

— Oui, environ, répondit Carter.

— Nous avons passé des bons moments ensemble, mais à présent je suis une femmemariée et très heureuse en ménage !

Puis, s’adressant à Rachel en aparté, elle ajouta :

— Amuse-toi bien avec lui !

Eden regagna ensuite son stand et Rachel se tourna vers Carter.

— Tu pourrais peut-être me donner une liste de toutes tes ex pour que je ne sois plussurprise chaque fois qu’une femme se jette sur toi dans la rue !

Carter mit ses mains dans ses poches.

— Elles ne sont pas si nombreuses que ça.

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— Vraiment ? J’ai l’impression qu’on en rencontre une nouvelle chaque fois que noussommes ensemble dans un lieu public.

— Tu es fâchée ? lui demanda-t-il.

— Non, je ne suis pas fâchée. Simplement, je ne suis pas habituée à cela. C’est lapremière fois que je sors avec un homme dans ton genre.

— Tu regrettes de m’avoir rencontré ?

Il ne plaisantait pas en posant cette question. Rachel trouva cela attendrissant. Il auraitpu se pavaner et se vanter de ses multiples conquêtes, mais, au lieu de cela, il faisait profilbas.

— Tu devrais donner des conseils de drague aux hommes qui ont du mal à plaire auxfemmes, dit-elle en riant. Tu pourrais en faire une activité professionnelle, qui, j’en suissûre, serait très lucrative !

— Tu exagères, je...

— Carter ? Carter Brockett ? C’est toi mon chou ?

Une de plus ! Rachel lui donna une tape amicale dans le dos et dit :

— Je vais m’occuper du stand. Je te laisse t’occuper de tes fans.

Dans l’après-midi, la fête battit son plein. Rachel constata avec joie que près de quatre-vingts pour cent des cartes avaient été vendues. Les parents étaient venus tenir les standscomme prévu, les enfants couraient partout et s’amusaient, et l’école récoltait des fondspour les activités de l’année.

Carter s’était éclipsé peu avant midi, mais avait promis de repasser plus tard dans lajournée. Rachel guettait son retour, impatiente d’être de nouveau à ses côtés. Pourtant,elle ne devait pas perdre de vue qu’ils ne faisaient que feindre de sortir ensemble.

Quoi qu’il en soit, elle sourit lorsqu’elle repéra un visage familier qui se dirigeait verselle.

— C’est gentil à vous d’être passée, Nina, dit-elle à la mère de Carter, qui venait de laprendre dans ses bras.

— Je viens tous les ans à la fête. J’ai des petits-enfants, tu sais.

— Oui, je sais. Je les ai presque tous rencontrés et pratiquement toute la famille estvenue me saluer cet après-midi.

Rachel avait été agréablement surprise de voir la famille de Carter à la fête. De touteévidence, les Brockett l’avaient d’ores et déjà adoptée au sein de leur famille. Seulement,leur gentillesse lui faisait regretter d’avoir mis en œuvre une supercherie avec Carter.

— Voyons. Que vends-tu dans ton stand ? Oh, des cartes. C’est très bien, commenta

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Nina.

— Je vous conseille d’acheter autre chose parce que vos trois filles ont déjà pris descartes. Vous risqueriez de vous envoyer les mêmes cartes de vœux à Noël prochain!

— Ce n’est pas grave, je vais t’en acheter quelques-unes quand même, pour aider taclasse. J’aime mes enfants de tout mon cœur. En plus, ils m’ont donné des petits-enfantsqui me comblent de joie. Tu verras, quand tu auras mon âge, tu comprendras ce que jeveux dire. As-tu vu Carter ?

— Il est venu ce matin pour m’aider à installer le stand.

— Bien. Il nous a dit à quel point cette fête était importante à tes yeux. Il nous ademandé de venir y faire un tour, car c’est grâce à cet événement que l’école peutfinancer les divers projets qu’elle organise.

Rachel fut agréablement surprise d’entendre cela.

— Carter est un homme bien, dit encore Nina. Il se préoccupe toujours des personnesqu’il aime. On peut compter sur lui.

Rachel n’était pas dupe quant au petit jeu de marieuse auquel Nina se prêtait.

— Nina, vous n’avez pas besoin d’essayer de me convaincre des qualités de votre fils.

Nina sourit.

— J’aimerais tant que vous soyez amoureux l’un de l’autre et que vous vous mariiez. Jene dis pas cela uniquement en pensant au bébé, même si je pense qu’il serait mieux pourlui d’avoir des parents unis, mais aussi en pensant à toi Rachel. Il n’y a rien de plus beauqu’une relation conjugale réussie.

J’en sais quelque chose ; j’ai passé dix années inoubliables avec le père de Carter.

Pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, Rachel décida de ne pas relever l’allusion faiteaux « parents unis ».

— Vous êtes veuve depuis longtemps. N’avez-vous jamais songé à vous remarier ?

— Si, j’y ai pensé. Pour le bien des enfants surtout. Et puis, j’ai décidé que je n’avais pasenvie d’épouser un autre homme à moins d’être véritablement amoureuse de lui. Commetoi en somme.

Rachel cligna des yeux.

— Que voulez-vous dire ?

— Carter m’a raconté que tu avais été fiancée deux fois et que tu avais rompu tesfiançailles dans les deux cas. D’après moi, cela prouve que tu es à la fois raisonnable etromantique, ce qui fait de toi une personne équilibrée.

Elle apprécia le compliment, même si elle n’était pas certaine de le mériter.

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— J’ai fait fausse route avec chacun de mes deux fiancés. J’ai accepté leur demande enmariage parce que je pensais les aimer. Ce n’est que par la suite que j’ai compris que jeme trompais, expliqua Rachel.

— Oui, tu es suffisamment romantique pour croire en l’amour avec un grand A, maisaussi suffisamment intelligente pour avoir compris que tes histoires avec ces hommesétaient vouées à l’échec. Quant à Carter, je ne suis peut-être pas très objective puisqu’ils’agit de mon fils, mais penses-tu vraiment que tu trouveras mieux que lui ?

Rachel répéta cette question à voix basse. Pourrait-elle rencontrer un homme mieux queCarter ? Elle voyait en lui tout ce qu’elle avait toujours souhaité chez un homme.

Alors pourquoi gardait-elle ses distances et n’essayait-elle pas d’engager une véritablerelation avec lui ?

Elle avait parfois du mal à comprendre ses réactions et cela la dérangeait. Lorsqu’elle selivrait à l’introspection, elle ressentait une angoisse au plus profond d’elle-même. Elle nepouvait s’empêcher d’associer l’amour à la douleur. Elle avait connu cette détresse quandses parents et son frère étaient morts, et qu’elle s’était retrouvée seule au monde. Aprèscela, elle avait réussi à s’attacher de nouveau à d’autres personnes, comme ses amies etses élèves. Toutefois, elle était tellement terrifiée à l’idée de perdre un être cher qu’elle nes’autorisait pas à aimer un homme.

Carter ne réclamait pas plus d’affection qu’elle n’était capable de lui en donner.

— Je dois avouer que j’ai oublié qu’il faudrait ensuite démonter le stand, dit Rachel àCarter, qui était occupé à extirper des clous.

— Tu pensais que les stands disparaîtraient dans la nature comme par enchantementune fois la fête terminée ?

— Oui, tu as tout à fait deviné, dit-elle en rigolant.

La journée avait été longue et éreintante. Beaucoup de parents avaient aidé Rachel, maisc’était à elle qu’avait incombé la lourde tâche de tout superviser. Elle ne s’était pas assisede la journée, hormis durant une courte pause déjeuner.

— J’ai besoin d’un bon bain, déclara-t-elle en s’étirant.

Elle écarta les jambes, se pencha en avant, saisit sa cheville droite, puis répéta lemouvement de l’autre côté. Lorsqu’elle se redressa, elle s’aperçut que Carter la fixait desyeux.

— Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda-t-elle, intriguée.

— Tu es très souple.

Elle sourit.

— Oui. Je n’ai plus vraiment le temps d’aller aux cours de danse, mais je continue à faire

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quelques exercices d’assouplissement.

Il marmonna quelques mots qu’elle n’entendit pas et il retourna travailler.

Elle avait cru percevoir du désir dans son regard et elle en était flattée. Ressentaient-ils lamême attirance physique ? Elle se ressaisit. Carter et elle avaient un plan. Mieux valait s’ytenir plutôt que de compliquer la situation en ayant de nouveau des rapports intimesavec lui. Elle était encore vaguement troublée par la discussion qu’elle avait eue quelquesheures plus tôt avec la mère de Carter, qui avait cherché à la convaincre que Carter étaitl’homme parfait, ou du moins, l’homme qui lui fallait.

— Ta famille est passée cet après-midi, lui raconta-t-elle pour couper court à sesrêvasseries. Ta mère m’a dit que tu lui avais parlé de la fête. Du coup, ils sont tous venuspour apporter une petite contribution.

Il ne restait plus désormais du stand que trois pièces de bois détachées.

— Je savais que le but de la fête était de récolter des fonds pour l’école, alors je me suisdit qu’ils pourraient venir acheter quelques bricoles, expliqua Carter.

— Merci beaucoup. C’était très gentil de ta part de venir t’occuper du stand et de parlerde l’événement à ta famille.

— Ma famille t’aime bien.

Il commença à charger les pièces de bois dans son coffre.

— Je les aime aussi. Tu as de la chance d’avoir une famille comme ça Carter.

— Je sais.

Il se redressa et ils se retrouvèrent subitement très près l’un de l’autre. Elle fut commehypnotisée par le regard ténébreux de Carter et s’approcha encore plus de lui, sans mêmes’en rendre compte.

Elle posa ses mains sur les épaules carrées de Carter. Il était puissant et torride. Aprésent, elle ne parvenait plus à détourner son regard de sa bouche.

Presque tout le monde était déjà parti. On n’entendait plus que le chant des oiseaux dansla cour de récréation. Rachel avait l’impression qu’il n’y avait plus rien d’autre qu’elle etlui sur cette terre.

Il posa sa main sur sa taille féminine.

— Il faut qu’on cesse de s’enlacer sans arrêt, lui dit-il.

— Pourquoi ?

— Je n’en sais rien !

Puis, il l’embrassa. Il se pencha et prit possession de sa bouche avec avidité. Elle entourason cou de ses bras et se serra contre lui. Elle n’avait plus aucun contrôle sur son corps,

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qui lui dictait sa passion. Les cuisses de Carter vinrent s’appuyer contre les siennes, sontorse se pressa contre ses seins. Elle souhaita que ce moment puisse durer toujours.

Les lèvres de Rachel s’ouvrirent contre les siennes. Il enfonça sa langue dans unmouvement lent et érotique.

Rachel en eut le souffle coupé et son désir s’intensifia. Son appétit était trop grand àprésent. Elle le voulait immédiatement. ..

Des rires d’enfants s’élevèrent au loin. Elle voulait continuer à embrasser Carter, maisces rires le gênèrent et il se recula.

— Dommage, dit-il.

La passion brûlait dans ses yeux. Elle sut qu’il avait vraiment envie de lui faire l’amour.Cependant, elle aurait aimé être certaine que c’était elle en particulier qu’il désiraitQu’elle était différente de toutes celles qui étaient passées dans son lit avant elle.Malheureusement, elle craignait de ne pas être différente des autres à ses yeux.

— Ça va ? lui demanda-t-il.

— Oui. C’est ce baiser. J’en suis encore un peu étourdie. Tu embrasses si bien.

— Tu ne te débrouilles pas mal non plus.

— En comparaison de toutes les autres filles ?

Il grimaça.

— Aïe !

Elle lui sourit.

— Il n’y a que la vérité qui blesse. C’est vrai, tu es sorti avec un nombre hallucinant defilles.

— Pas si hallucinant que ça.

— Si, par rapport à moi en tout cas qui n’ai eu que deux petits amis.

— Rassure-moi, tu ne t’es pas fiancée aux deux en même temps ?

Elle adorait sa capacité à rire de tout et son sens de l’humour.

— Non, pas en même temps. Ce que je voulais dire, c’est que je ne suis pas sortie avecautant de monde que toi.

— En tout cas, nous avons passé une nuit torride, toi et moi.

Elle porta sa main sur son ventre.

— N’en parlons plus et respectons notre plan : continuons à faire semblant de sortirensemble.

« Faire semblant » signifiait qu’ils devraient arrêter de s’embrasser pour de vrai.

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— D’accord, dit Carter.

— D’accord, répéta-t-elle.

Ils se dévisagèrent et luttèrent contre l’envie de s’étreindre de nouveau. « Juste une seulenuit d’amour de plus », pensa Rachel. Elle imaginait ses mains sur son corps, sa languedans sa bouche et son...

— Rachel ? dit-il d’une voix étranglée.

— Oui ? répondit-elle dans un soupir.

— Pourquoi ne rentres-tu pas te reposer ? Je vais finir de ranger tout seul.

Elle aurait préféré lui proposer d’aller assouvir avec elle leur passion dévorante. Maispourrait-elle de nouveau faire l’amour avec Carter sans s’attacher à lui ? Que se passerait-il si elle tombait amoureuse de lui ? S’il la quittait ensuite, elle serait anéantie.

Elle opta donc pour la décision la plus sage, se dirigea vers le parking et s’engouffraseule dans sa petite voiture. Elle rentra directement chez elle, en tentant tant bien quemal de ne plus penser à lui.

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9.

Rachel remit ses clés de voiture à un employé avant d’aller s’installer dans la salle

d’attente du garage. C’était peut-être la dernière fois qu’elle viendrait pour la vidange desa décapotable, car sa petite voiture, une trois portes, ne serait pas très pratique pour unemère célibataire et son nouveau-né. Elle devrait sans doute acquérir une berline. Peut-être que Carter pourrait l’aider à en trouver une...

Elle s’effondra sur une chaise en plastique et se retint de gémir. Non, pas Carter. Elle nel’avait pas vu ni ne lui avait parlé depuis la fête de l’école la semaine précédente, et elleestimait que c’était mieux ainsi. Elle devait éviter de le fréquenter afin qu’il ne soit pastrop présent dans ses pensées. Elle devait bien penser à lui près de trois cents fois par jour! Lorsqu’elle réussirait à songer à lui moins de cent fois par jour, sa petite obsession seraiten bonne voie de guérison !

Toutefois, il fallait qu’elle se rende à l’évidence : Carter lui manquait. Sa compagnie étaittellement agréable. Non seulement il était doté d’un physique extrêmement avantageux,mais il savait en plus la faire rire, et se montrer charmant et plein d’attentions.

En repensant une nouvelle fois à toutes ses qualités, elle se demanda pourquoi elles’obstinait à éviter toute relation intime et complice avec lui.

Elle songeait parfois à lui proposer d’arrêter ce simulacre de relation pour commencerune histoire bien réelle, mais elle finissait toujours par flancher et ne rien lui avouer deses sentiments.

Elle ouvrit un magazine de décoration, mais n’arriva à se concentrer sur aucun desarticles qu’il contenait. Elle le reposa et prit un magazine de tourisme, qui ne l’intéressapas davantage. Elle était seule dans la salle d’attente et devinait qu’elle ne devrait pasattendre longtemps avant de pouvoir repartir. C’était une bonne chose, car elles’impatientait déjà. Elle sortit de la salle pour aller se dégourdir les jambes le long dutrottoir.

A côté du garage se trouvait un atelier de réparation et de vente de motos. Rachel scrutala boutique. C’est là que Carter travaillait ou plutôt faisait semblant de travailler dans lecadre de sa mission.

Une jolie blonde sortit du bureau de l’atelier, suivie de trois hommes qui semblaient trèsabsorbés par leur conversation. Un quatrième homme vint se joindre au groupe. Rachelretint une exclamation lorsqu’elle s’aperçut qu’il s’agissait de Carter.

Elle regarda autour d’elle. Que faire ? Il était en mission. Elle n’était pas censée leconnaître.

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Elle s’empressa de retourner dans la salle d’attente du garage. Elle se cacha le visagederrière un magazine, tout en continuant à observer discrètement par la baie vitrée lascène qui se passait dehors. Les hommes se serrèrent la main puis Carter mit sa mainautour de la taille de la jeune femme blonde et déposa un long baiser sur ses lèvres.

Rachel lâcha son magazine, qui tomba à terre. Elle se leva avant de se rasseoir aussitôt.Elle n’en croyait pas ses yeux. Carter venait d’embrasser une autre femme qu’elle !

Elle ressentit une douleur au niveau de la poitrine et eut du mal à retrouver sarespiration. Elle retenait ses larmes. Cette fois, ses pleurs n’auraient rien à voir avec seshormones de grossesse. Ce serait le sentiment de colère et de trahison qui lesdéclencherait. Comment pouvait-il lui faire ça ? Comment pouvait-il se permettred’embrasser une autre femme, alors qu’ils étaient...

Elle réfléchit un instant. Après tout, elle et lui ne formaient pas un vrai couple. Ils nefaisaient semblant d’en être un que dans le but d’apaiser sa famille. C’était même elle quis’était évertuée à lui faire comprendre qu’aucun lien ne devait se nouer entre eux. Alors,pourquoi le fait de le voir embrasser une autre la faisait autant souffrir ?

— Rachel, votre voiture est prête. Nous avons fait la vidange et le contrôle technique.

Elle regarda le mécanicien.

— Merci Evan. Combien je vous dois ?

Lorsqu’elle quitta le garage, elle n’eut pas envie de rentrer

directement chez elle. Elle roula sans but précis dans la ville, puis finit par se rendre aubar où travaillait Jenny.

Elle entra et vit Jenny, qui essuyait des verres derrière le zinc. Curieusement, c’était àJenny qu’elle avait eu envie de se confier. Peut-être parce que Rachel savait que la jeuneserveuse connaissait bien Carter. En outre, Jenny ne se présentait pas comme une rivale,puisqu’elle était mariée et qu’elle ne cherchait plus à séduire Carter. Enfin, la famille deCarter avait dit tant de bien sur elle qu’elle lui inspirait confiance.

Rachel s’avança vers le comptoir et prit place sur un tabouret. Jenny posa son torchon enla voyant.

— Bonjour Rachel. En voilà une surprise. Tu cherches Carter encore une fois ?

— Non, j’ai son numéro de portable maintenant.

Jenny sourit.

— Alors, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu veux quelque chose à boire ?

Elle jeta un œil sur le ventre de Rachel avant d’ajouter :

— Sans alcool bien entendu.

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— Oui, un verre d’eau, s’il te plaît.

Rachel regarda autour d’elle. Le bar était bien plus calme que la première fois qu’elle yétait venue avec Diane.

— Tu travailles ici depuis longtemps ? demanda-t-elle à la serveuse.

— J’y ai bossé pratiquement toute ma vie ! Le bar appartient à mon père. En fait, je suisen train de le lui racheter. Dan aimerait déjà en acheter d’autres, alors que moi je penseque nous avons déjà suffisamment de boulot avec celui-là.

Elle lui tendit un grand verre d’eau avec des glaçons et une rondelle de citron.

— Merci, dit Rachel après avoir avalé une gorgée d’eau. Je... Je ne sais pas vraimentpourquoi je suis venue te voir... J’avais besoin de parler à quelqu’un et comme tu connaisbien Carter et que tu as l’air sympa...

— Qu’est-ce qui se passe, il y a un problème ?

— Je reviens du garage automobile qui se trouve en face du magasin où travaille Carter.Pendant que le garagiste faisait la vidange de ma voiture, j’ai vu Carter de l’autre côté dela rue en compagnie d’autres hommes et d’une grande femme blonde, très belle. Je l’ai vuembrasser cette femme. Et quand je dis « embrasser », je ne te parle pas d’un baiser sur lajoue. J’essaie de me convaincre que ce baiser a simplement un rapport avec sa mission,mais...

Jenny prit un tabouret et s’assit à côté de Rachel.

— Carter est loin d’être parfait. Il a des défauts, mais l’infidélité n’en fait pas partie.C’est un homme honnête, crois-moi. S’il sort avec toi et qu’il a donné un baiser à cettefemme, alors tu peux être sûre que c’est parce qu’il était obligé de l’embrasser pour êtrecrédible vis-à-vis de ses contacts. Je le connais depuis très longtemps et je peux t’assurerqu’il n’a jamais été avec plusieurs femmes à la fois.

Jenny se pencha vers Rachel et changea de sujet.

— Au fait, je suis désolée pour l’autre jour. Tu sais, quand j’ai prévenu sa mère que tuétais enceinte. Je n’aurais pas dû m’en mêler.

Rachel lui sourit.

— Ce n’est pas grave. J’aime beaucoup sa famille, même s’ils sont parfois envahissants.

Jenny se remit à parler de Carter.

— Carter sera toujours entouré de femmes, que ce soit celles de sa famille, ses anciennesamies, moi y comprise. Il adore les femmes et c’est réciproque !

— J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer quelques-unes de ses ex. Certaines ont toujoursl’air d’être attachées à lui.

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— Elles ont parfois du mal à accepter que leur relation soit terminée.

— Et vous deux, pourquoi avez-vous rompu ?

— J’espérais qu’il tombe fou amoureux de moi et cela ne s’est jamais produit. Je crois queCarter n’a jamais été amoureux de sa vie. Mais j’ai bon espoir qu’il connaisse ce bonheurun jour. Peut-être que tu seras celle dont il tombera éperdument amoureux.

Rachel en doutait fort.

— Il a l’embarras du choix parmi toutes ses conquêtes.

— Si tu veux être avec lui, il va falloir que tu acceptes sa vie d’avant. Que tu le veuillesou non, ses ex existent.

— Ce sont celles qui semblent toujours attachées à lui qui me dérangent. Toi, tu as sutourner la page de ton histoire avec lui, c’est bien.

— Au début, ça n’a pas été facile. Mais maintenant, j’ai Dan, que j’aime de tout moncœur. Si j’étais restée avec Carter, je n’aurais pas rencontré l’amour de ma vie.

— C’est quand même un peu étrange que tu sois toujours aussi présente dans la vie deCarter, non ?

— Peut-être. Après notre rupture, je n’ai plus pris de ses nouvelles pendant un moment.Au bout de quelques mois, je me suis aperçue que sa famille me manquait plus qu’il neme manquait lui. Liz et moi sommes devenues des amies très proches, donc j’ainaturellement trouvé ma place dans leur famille. Cela ne gêne pas Carter et moi, qui suisfille unique, cela me plaît de passer du temps au sein d’une grande famille. Pour enrevenir à ce qui te préoccupe, je te conseille de demander à Carter une explication ausujet de ce baiser.

— Oui, c’est ce qu’une personne logique et mature ferait. Bizarrement, quelque choseme retient d’aller lui parler, expliqua Rachel.

— A toi de juger ce qu’il est bon que tu fasses. D’après moi, il vaut mieux avoir desréponses à ses questions que de se perdre en conjectures.

— De toute façon, il n’y a rien de vraiment sérieux entre Carter et moi, dit encoreRachel.

— Vraiment ? Pourtant le baiser qu’il a donné à cette femme semble beaucoup teperturber.

Carter arriva chez Rachel à l’improviste, vers 19 heures. Il était d’abord passé prendre unplat de lasagnes et de la salade chez sa mère.

— J’espère que tu n’as pas encore dîné, lui dit-il en refermant la porte derrière lui.

Elle était coiffée d’une queue-de-cheval et n’était pas maquillée. Il aimait cette Rachelsans artifice, avec ses taches de rousseur sur le nez et sa petite cicatrice au coin du sourcil

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droit. Elle était vêtue d’un simple T-shirt et d’un vieux jean, un style beaucoup plusdécontracté que celui qu’elle adoptait lorsqu’elle se rendait au travail.

— Non, je n’ai pas mangé, j’étais sur le point de me préparer une salade. Pourquoi es-tulà ? Nous n’avions pas prévu de manger ensemble ce soir.

Il alla déposer le repas sur la table de la cuisine.

— Plusieurs personnes m’ont appelé ces dernières heures pour m’avertir que je feraismieux d’avoir une petite explication avec toi. Les nouvelles vont vite, tu sais.

Rachel gémit.

— Jenny a appelé l’une de tes sœurs je suppose ?

— Deux de mes sœurs, rectifia-t-il, qui se sont ensuite chargées d’appeler ma troisièmesœur et ma mère.

Il lui prit la main et la massa.

— La femme blonde que tu as vue s’appelle Ellie. Je travaille en binôme avec elle surcette enquête. Elle joue le rôle de ma petite amie pour ne pas éveiller les soupçons despersonnes que nous rencontrons. Jamais je ne te tromperai.

Dans un mouvement hésitant, elle tenta de dégager sa main de la sienne. Il la retint etelle soupira.

— D’accord, je comprends. En plus, ce n’est pas comme si nous étions vraimentensemble, toi et moi.

Il n’était pas certain de comprendre où elle voulait en venir.

— J’imagine que cela n’a pas dû être plaisant pour toi d’assister à cette scène, fit-ilremarquer.

Elle haussa les épaules.

— Sur le coup, ça m’a choquée. Après, je me suis dit que je n’avais pas à t’en vouloir.

Il la regarda dans les yeux.

— Je suis désolé. Crois-moi, ce baiser était uniquement professionnel.

Rachel fit la moue.

— Quelle profession difficile tu exerces! Devoir embrasser une fille aussi belle qu’elle !

— Je ne vois en elle qu’une collègue. Je ne ressens rien quand je l’embrasse. Et tu sais,elle est mariée à un gros costaud, qui n’hésiterait pas à me casser la figure si je devenaistrop entreprenant avec elle.

Elle sourit.

— Bon, ça va. Tu ne m’en veux pas d’avoir été en parler à Jenny ? demanda-t-elle.

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— Tu es libre de parler à qui tu veux.

— Je n’essayais pas de me renseigner sur toi en douce, mais j’avais besoin de parler àquelqu’un parce que cela me tracassait.

— La discussion avec elle t’a-t-elle aidée ?

— Un peu. Nous avons parlé de ton passé.

« Quelle mauvaise idée de parler de mon passé », songea-t-il.

— Tu ne peux pas me faire des reproches sur ce qui appartient au passé.

— Je ne t’en fais pas. Eh, j’ai une bonne idée : toutes tes ex pourraient créer uneassociation, un peu comme les alcooliques anonymes, elles se réuniraient et parleraientde toi.

Il lui lâcha la main.

— C’est bien ce que je pensais : tu es fâchée.

— Pas du tout. Je constate simplement que tu es très différent des autres hommes quej’ai connus.

Apparemment, elle n’appréciait guère le fait qu’il soit sorti avec autant de femmes.Toutefois, il n’avait pas l’intention de s’excuser ; il n’avait rien fait de mal. Cela étant, ilsouffrait de voir Rachel peinée.

— Quand je sors avec une femme, je ne m’intéresse qu’à elle et à elle seule, la rassura-t-il.

— Je le sais. Tu es loyal et honnête. En fait, j’ai du mal à te trouver des défauts.

— C’est parce que je n’en ai aucun, lança-t-il en plaisantant.

Elle sourit.

— Si, tu as des défauts, mais ce ne sont pas des défauts très communs.

— Lesquels par exemple ?

— Tu es trop passionné par le sport et tu n’arrives jamais à l’heure.

— Si, je suis ponctuel.

— Bref ! De quoi parlions-nous avant d’évoquer tes défauts ?

— Je te disais que je suis désolé au sujet de la scène du baiser. J’aurais dû te parler d’Ellie.

— C’est bon, je vais m’en remettre.

Ses yeux verts pétillaient de malice.

— Ouf ! lui répondit-il avec le même grain de malice.

— Je trouve que tu as un brin de folie, fit remarquer Rachel.

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— Encore une qualité de plus ! Je suis ponctuel, charmant, un peu fou et j’adore lapersonne avec qui je suis.

Rachel avait-elle bien entendu ? Elle lui jeta un regard inquisiteur. Il hésita un instant,puis lui avoua :

— Je t’adore.

Ses yeux s’ouvrirent en grand, mais elle ne détourna pas le regard.

— Tu n’as pas à essayer de me convaincre que tu m’adores, puisque ce n’est qu’à tafamille que nous essayons de faire croire que nous sommes heureux en ménage.

Il s’approcha d’elle.

— Rien de plus alors ? Ce ne serait qu’une perte de temps et d’énergie de chercher àfaire plus que convaincre ma famille ? demanda-t-il en lui caressant la joue.

— Absolument.

— Cela ne me dérange pas de dépenser ainsi mon énergie, conclut-il.

Après quoi, il l’embrassa. Rachel avait deviné qu’il allait l’embrasser. Son corps toutentier ressentit la volupté de son baiser. Elle l’enlaça et s’appuya contre son corps fermeet musclé. Malgré la vague de chaleur qui montait en elle, elle frissonna. Elle voulait luiarracher ses vêtements. Elle ne pouvait se contenter uniquement d’un baiser.

La langue de Carter pénétra dans sa bouche. Dans un mouvement de va-et-vient, ilssavourèrent ces douces prémices d’amour.

Lui aussi semblait désirer plus qu’un simple baiser, car il attrapa ses hanches et la serraplus fort contre lui. Son cœur se mit à battre plus vite et elle devina son excitation. Elle sesouvint de leur première relation sexuelle et en frissonna.

Il laissa ses mains sur les hanches de Rachel et commença à se frotter contre elle. Ellevoulut l’encercler de ses jambes afin qu’il puisse mieux toucher son bas-ventre.

Il la couvrit de baisers de la bouche à la poitrine.

— Le dîner va refroidir, murmura-t-il.

Il lui mordilla ensuite les lèvres avant de préciser

— Des lasagnes.

— J’aime les lasagnes, dit-elle en gémissant.

— Tu veux qu’on arrête et qu’on aille manger ?

« Arrêter ? » Avait-il perdu la tête ? Elle glissa ses mains sous son T-shirt et posa sespaumes sur son torse.

Il la regarda et dit en souriant :

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— Je crois que les pâtes peuvent attendre.

— Je le crois aussi.

Pensant qu’il allait l’étreindre de nouveau, elle fut surprise lorsqu’il lui prit la main etl’emmena vers la chambre.

II s’assit sur le lit, retira ses bottes et les laissa tomber à terre. Ensuite, il tira Racheljusqu’à lui et déboutonna le jean qu’elle portait.

— C’est la première fois que je te vois en pantalon, fit-il remarquer.

— Oui, je préfère les jupes et les robes quand je travaille.

Elle allait lui décrire plus en détail le contenu de sa garde-robe, quand il embrassa sonventre. Elle perdit le fil de ses pensées dans la seconde même.

— Je n’ai rien contre les jupes et les robes. Les jeans te vont bien aussi. J’aime voir sedessiner les formes de tes hanches et de tes fesses. J’aime imaginer que je caresse cesformes.

— Tu viens à peine d’arriver et tu as déjà remarqué mes formes ? peina-t-elle à dire tantsa respiration était devenue saccadée.

Il baissa le jean et la petite culotte de Rachel jusqu’au niveau de ses genoux.

— Je les ai remarquées dès que je suis entré chez toi.

Etait-il sincère ? Tout à coup, elle ne se sentit plus libre de ses mouvements. Elle était àmoitié nue, les pieds piégés dans son jean. Elle avait imaginé cette scène autrement.

— Carter, je...

— Fais-moi confiance.

Il se pencha sur elle et introduisit ses doigts dans son intimité. Elle faillit perdrel’équilibre et dut s’agripper à ses épaules pour ne pas tomber à la renverse. Elle eut dansl’idée de lui dire qu’elle n’était pas très bien installée... Avant qu’elle n’ait le temps deparler, il la lécha. Elle se mit à haleter en sentant les caresses mouillées de la langue deCarter.

Il déplaça ensuite ses mains pour l’attraper par la taille et lui permettre de s’allonger surle dos. Son jean et sa culotte volèrent et il se positionna entre ses jambes. Elle savaitqu’elle atteindrait très vite le nirvana.

Il l’embrassait sur cette partie intime aussi bien que sur le reste de son corps, en douceur,langoureusement et généreusement. Il l’explora pour découvrir tous les recoins humidesde son corps et l’entendre le supplier et panteler. Lorsqu’il trouva la zone qui luiprocurait le plus de plaisir, il adopta un rythme de caresses qui décupla sa jouissance.

Il accéléra progressivement le rythme et elle le suivit en coordonnant le mouvement de

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ses hanches au sien. Sous l’effet du plaisir, elle secouait la tête d’un côté puis de l’autre.Elle atteignit l’orgasme lorsqu’il glissa deux doigts à l’intérieur d’elle dans un gesteinattendu. Elle se déhancha et cria, le suppliant de ne pas s’arrêter.

Lorsque ses frémissements s’espacèrent, elle parvint à reprendre son souffle et ouvrit lesyeux.

Il s’était appuyé sur un coude et embrassait doucement son ventre. Lorsqu’il la regarda,elle lut tout son désir brûlant dans ses yeux.

— Je suis à toi, lui dit-elle pour l’autoriser à continuer. Sans plus attendre, il retira saceinture, son jean et son caleçon.

— Un jour, on finira par faire l’amour comme un couple normal, dit-il en se positionnantentre les cuisses encore tremblantes de Rachel. On se déshabillera d’abord, on aura uneconversation et on passera à l’acte ensuite.

Elle glissa ses mains au niveau de leurs sexes et le guida. Elle frissonna longuement sitôtqu’il fut en elle.

— On peut très bien se passer de la conversation, dit-elle à bout de souffle.

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10.

Lorsque Rachel se réveilla, elle constata que les rayons du soleil baignaient la chambre et

qu’un bras lourd reposait sur son ventre. Elle ressentit un mélange délicieux decontentement et d’épuisement. En dépit de la grasse matinée qu’elle venait de s’accorder,elle n’avait pas dû dormir plus de quatre heures cette nuit. Elle allait sans doute accuserle coup tout au long de la journée, mais ne se plaindrait certainement pas de la cause desa fatigue !

Elle roula sur le côté et vit que Carter était lui aussi réveillé, et qu’il la regardait.

— Bonjour, murmura-t-il.

— Bonjour.

Elle passa ses doigts le long de la barbe naissante de son partenaire, jusqu’à sa boucled’oreille.

— Vilain garçon, lui dit-elle.

— Souris quand tu dis ça, s’il te plaît.

Elle rit.

— Je suis pratiquement sûre que je vais avoir le sourire aux lèvres toute la journée. Tusais y faire avec les femmes. Ça devrait être interdit d’avoir autant de pouvoir sexuel.

Il lui posa un baiser dans la main, puis s’allongea sur le dos.

— Quel est le programme pour aujourd’hui ? Tu as beaucoup de choses de prévues ?Moi, j’ai du temps libre. Nous pourrions faire quelque chose ensemble.

Elle frémit.

— Oui, bonne idée, dit-elle calmement, en veillant à ne pas paraître trop enthousiaste.

Ils allaient simplement passer un peu de temps ensemble, comme deux amis. Cela nesignifiait rien de plus, hormis qu’il y avait une chance qu’ils se retrouvent de nouveau aulit ensemble.

— Allons faire les magasins, proposa-t-il, les femmes adorent le shopping.

— Pourquoi ne pas aller au cinéma ?

— Pourquoi pas ? Je raffole du pop-corn.

Il tendit le bras pour l’inciter à venir se coller contre lui.

— Nous pouvons aussi décider de rester au lit et de paresser.

C’est alors que quelqu’un frappa à la porte d’entrée. Rachel regarda l’heure : il n’était

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que 9 h 30. Elle n’attendait aucune visite et, d’ordinaire ses amies l’appelaient avant depasser la voir.

Elle s’assit, attrapa sa robe de chambre, l’enfila et noua la ceinture.

— Je me demande bien qui ça peut être, dit-elle en se rendant dans le salon.

— Moi, j’ai une petite idée, grommela Carter.

Rachel ouvrit la porte et eut la surprise de voir débarquer Nina Brockett dans sonappartement. Elle portait un panier dans les bras.

— Je sais, je sais, je dérange ! Carter me répète sans arrêt que je dois appeler au lieud’arriver à l’improviste chez les gens. Mais, c’est tellement plus agréable de vous voir enpersonne. Je me suis d’abord rendue chez Carter et, comme je ne l’y ai pas trouvé, j’aiimmédiatement deviné qu’il était chez toi.

Rachel ouvrit la bouche, mais la referma sans parler. Elle sentit la chaleur envahir sesjoues et sut qu’elle était en train de rougir.

— Je, euh... Bonjour, finit-elle par lui dire.

— Bonjour ma chérie.

Nina tapota le panier.

— Voici une brioche encore chaude. Carter en est très friand. Ne la laissez pas refroidir.

Carter sortit de la chambre. Il avait enfilé son jean et son T-shirt.

— Maman, il faut que tu arrêtes de faire ça.

— Faire quoi ? Une mère n’a plus le droit de venir parler à son fils ? Je ne suis pas entréepar effraction, j’ai frappé quand même.

Il s’appuya contre le mur et soupira bruyamment.

— Bon. Qu’as-tu donc de si urgent à me dire qui ne puisse pas attendre que je sois rentréchez moi ?

— Mon chauffe-eau est cassé. Tout d’un coup, il a cessé de fonctionner sans raisonparticulière. Gordon est parti m’en acheter un nouveau, mais il aura besoin de ton aidepour l’installer.

— Tu aurais pu appeler pour me demander ça, insista-t-il.

— Tu n’étais pas chez toi et je n’ai pas le numéro de téléphone de Rachel.

— Et appeler mon numéro de portable, maman, ça ne t’est pas venu à l’esprit ?

— Non, dit Nina en souriant. En plus, ça m’a fait prendre l’air et ça fait plaisir à unevieille dame comme moi de vous voir tous les deux et de constater que tout va pour lemieux entre vous.

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— Tu es loin d’être une vieille dame, tu nous enterreras tous ! dit Carter.

— Ne dis pas ça. Aucune mère ne souhaite devoir assister à l’enterrement de ses enfants.Allez, mangez la brioche pendant qu’elle est encore chaude. Et Carter, n’oublie pasd’appeler Gordon pour savoir quand il aura besoin de toi.

Sur ce, elle les salua de la main et s’en alla.

Rachel referma la porte derrière elle, puis alla s’asseoir dans le canapé. Elle prit sonvisage dans ses mains.

— J’ai tellement honte, murmura-t-elle. Ta mère a dû deviner ce que nous avons faitcette nuit.

— Oui, sans doute, dit-il en la rejoignant et en posant le panier sur la table basse. Mais,Rachel, ce n’est pas grave.

— Si, c’est grave, c’est ta mère tout de même.

Elle le regarda et vit qu’il se retenait de sourire ou de rire.

— Tu trouves ça drôle ? demanda-t-elle, indignée.

— Ecoute, elle sait que tu es enceinte de moi, alors elle doit bien se douter que nousavons des relations sexuelles, non ?

— Ça n’empêche que je me suis sentie très mal à l’aise.

— Tu es chez toi Rachel. Tu n’as pas à te sentir mal à l’aise. C’est elle qui devrait êtregênée de se manifester de la sorte sans être invitée.

Il grimaça. Il venait d’avoir une pensée fâcheuse.

— Maintenant qu’elle a constaté que nous étions si bien ensemble, cela va être difficilede la convaincre que nous ne nous entendons plus et que nous avons l’intention de nousséparer.

Elle s’apercevait avec effroi qu’elle avait complètement chassé de son esprit le planinitial, celui qui consistait à ne former un couple que dans le but de nourrir les espérancesde sa famille, puis à annoncer qu’en dépit de tous leurs efforts, ils avaient dû reconnaîtrequ’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre.

— Il nous faudra des témoins et des alibis pour être plus convaincants, dit-elle.

— Et un scénario en béton, poursuivit-il.

Il plaisantait. Toutefois, elle n’avait plus envie de rire. Après leur séparation, la mère deCarter allait risquer d’avoir une mauvaise opinion d’elle. Cette séparation prévue ladésolait d’avance. Désirait-elle donc construire une véritable relation avec Carter ?Voulait-elle s’engager avec lui ?

« Certainement pas », pensa-t-elle. Comment pouvait-elle envisager une relation avec un

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homme qui était sorti avec tant d’autres femmes avant elle ? De plus, il lui avait faitclairement comprendre qu’il ne souhaitait pas s’engager. Alors, à quoi bon se projeterainsi dans une hypothétique relation ?

Toujours était-il qu’au fond d’elle-même, il lui semblait judicieux et logique de chercherà fonder une famille avec le père de son enfant.

Le mardi suivant, Rachel se rendit chez son médecin après le travail. Le trajet en voiturelui parut interminable tant elle se sentait nerveuse et appréhendait la consultation.Depuis qu’elle l’avait appelé pour prendre rendez-vous, elle avait dû lutter contre desenvies quasi incontrôlables de pleurer. Ce n’était pas le bébé qui l’inquiétait, car elle ne sesentait pas encore mère. C’était le fait de se rendre seule à ce rendez-vous qui l’angoissait.

Ses parents lui manquaient toujours, même si cela faisait déjà quatorze ans qu’ils étaientdécédés. A certaines occasions, le manque se faisait plus cruellement sentir et c’était lecas ce jour-là. Elle aurait aimé pouvoir compter sur le réconfort de sa mère, qui lui auraitraconté ses propres grossesses et l’aurait entourée de toute son affection.

Peut-être aurait-elle dû demander à Noëlle ou à Crissy de l’accompagner ? Elles auraientsans doute accepté avec joie.

— Je regrette bien de ne pas leur avoir demandé de venir avec moi, maugréa-t-elle endescendant de la voiture.

La prochaine fois, elle n’hésiterait plus ; elle chercherait à obtenir leur soutien coûte quecoûte. Elle tenta de se calmer et se répéta qu’il ne s’agissait que d’une visite de routine etque tout allait bien se passer.

Elle pénétra dans l’immeuble et s’avança en direction des ascenseurs avant de s’arrêterbrusquement. Elle venait d’apercevoir Nina, Merry et Liz devant le bureau d’accueil.

Elle alla à la rencontre de la mère et des sœurs de Carter et leur demanda :

— Que faites-vous ici ?

— Quand je suis passée chez toi samedi dernier, j’ai remarqué le pense-bête que tu avaislaissé sur ton réfrigérateur au sujet de ton rendez-vous chez le médecin. On va encorem’accuser de trop m’immiscer dans vos vies... J’ai essayé de m’abstenir de venir, maisfinalement, je n’ai pas réussi à m’y résoudre. Je sais que tu n’as aucune famille et qu’ils’agit de ton premier enfant. Je ne pouvais pas supporter l’idée de te laisser assister seuleà ta première consultation.

— Nous tenions aussi à être présentes à tes côtés, dit

Merry en serrant Rachel dans ses bras. Shelly est désolée de ne pouvoir être là. Elle estrestée à la maison pour garder tous les enfants, car notre baby-sitter est malade.

Rachel en avait la gorge serrée. Elle était très émue et des larmes se mirent à couler surses joues.

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— Vous n’étiez pas obligées de venir, réussit-elle à dire, mais je dois admettre que je suistrès heureuse de vous voir.

Nina poussa un soupir de soulagement.

— Ouf ! Je m’étais préparée à m’entendre dire une fois de plus de me mêler de mesaffaires. Je suis contente que tu réagisses ainsi.

Elle glissa son bras autour de Rachel avant de reprendre la parole :

— Très bien. Allons voir ce médecin. Liz, Merry et moi sommes déjà mères etconnaissons les questions qu’il faudra lui poser. Tu vas voir, tout va bien se passer. Lesgrossesses se déroulent parfois sans encombre. D’autres fois, elles sont plus délicates,mais au bout du compte, tu as un enfant et c’est bien là l’essentiel.

— Quand tu te sentiras prête, nous te raconterons comment se sont déroulés nosaccouchements. Tu verras que ce n’est pas si terrible que ça en a l’air, dit Liz.

— A condition d’accepter la péridurale, précisa Merry.

Elles continuèrent à lui narrer leurs expériences de femmes enceintes jusqu’à leurarrivée dans la salle d’attente. Rachel s’assit à côté de Nina et lui tint la main. Du coup, sapropre mère lui manqua moins.

— Je suis très touchée que vous soyez venue. Je tiens à ce que vous le sachiez, murmuraRachel à Nina.

— Cela me fait plaisir d’être là avec toi, répondit-elle en lui tapotant la main. Tu sais,nous ne sommes pas venues en pensant à Carter, mais en pensant à toi. Tu fais partie dela famille à présent.

Rachel passa la main sur son ventre. Finalement, cette grossesse accidentelle, qu’elleavait considérée comme cauchemardesque dans un premier temps, se révélerait peut-êtrela meilleure des choses qui lui soient arrivées.

— Le docteur Richards va vous recevoir maintenant, fit savoir une infirmière à Rachel.

Les quatre femmes se levèrent en même temps et se dirigèrent vers le cabinet dumédecin.

Le médecin, une belle femme d’une quarantaine d’années, fit un large sourire en lesvoyant toutes entrer.

— Bonjour mesdames, j’aime voir des familles réunies autour d’un bébé, dit-elle.

Rachel se mordit la lèvre inférieure.

— Nous sommes peut-être un peu trop nombreuses, s’excusa-t-elle.

— Non, au contraire. Vous avez de la chance d’être bien entourée. Les femmes qui ontdéjà eu des enfants sont toujours de très bon conseil pour celles qui vivent leur première

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grossesse. Alors, commençons par déterminer ensemble la date de votre accouchement.

Rachel, gênée, déclara :

— Je, euh... peux vous donner le jour de la conception.

— J’ai entendu dire que ça s’était passé la nuit, lui dit Liz à voix basse en lui donnant unpetit coup de coude.

— Et moi que la nuit avait été chaude, ajouta Merry en faisant un clin d’œil à Rachel.

— Les filles, voyons, un peu de tenue, réprimanda Nina. Vous allez mettre Rachel dansl’embarras.

Mais Rachel n’y vit pas offense. Au contraire, ces plaisanteries l’aidèrent à se détendre.

— Très bien, reprit le médecin. Dans ce cas, le terme de la grossesse va être facile àcalculer.

— Cela ne signifie pas que le bébé arrivera forcément à cette date précise, souligna Nina.

— C’est vrai, dit le docteur Richards. Cela nous donne simplement une indication.Rachel, je vais maintenant vous examiner et vous faire une prise de sang. Vous êtes enbonne santé donc, a priori, il n’y a aucune préoccupation à avoir. J’aimerais aussi vousfaire quelques recommandations alimentaires.

— Elle va te parler des compléments vitaminés, murmura Liz. Ces suppléments meconstipaient quand j’étais enceinte, alors je te conseille de boire beaucoup d’eau.

— Oui, bois beaucoup, surtout au début, tant que le bébé n’a pas encore décidé des’installer en plein sur ta vessie.

La conversation se poursuivit, chacune allant de sa petite anecdote. Rachel écouta d’uneoreille distraite. Lorsqu’elle se poserait des questions bien précises, elle les contacterait.Pour l’heure, elle appréciait simplement le lien qui s’était établi entre elles. Elles ne luiavaient pas dit qu’elle faisait partie de la famille par politesse ; elles le pensaientvraiment. Pour Rachel, le sentiment d’appartenir à cette famille était extrêmementprécieux.

Carter passa voir sa mère en rentrant du travail.

— Tu m’as appelé ? demanda-t-il une fois dans la cuisine, où Nina remuait une cuillèrede bois dans une préparation sur le feu.

Elle l’embrassa, le regarda, puis lui dit :

— Je voulais te parler.

— Le chauffe-eau fonctionne, n’est-ce pas ?

Il prit un biscuit à même la plaque de cuisson à peine sortie du four et tira une chaise desous la table ronde située près de la baie vitrée.

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— Oui, merci Carter. Tu es toujours prêt à m’aider quand j’ai besoin de toi.

Il connaissait suffisamment bien sa mère pour savoir qu’elle ne lui avait pas demandé depasser uniquement pour qu’elle puisse lui faire des compliments.

— C’est tout ce que tu avais à me dire ? demanda-t-il, sûr de la réponse négative deNina.

Sa mère enchaîna alors.

— Rachel est allée chez le médecin aujourd’hui.

Il laissa tomber le biscuit sur la table et se leva.

— Quoi ? Elle va bien ? Que s’est-il passé ?

Sa mère lui fit signe de se rasseoir.

— Tout va bien. C’était juste une visite de routine.

— Elle ne m’a pas parlé de ce rendez-vous, dit-il en s’adressant plus à lui-même qu’à samère.

Il avait passé une bonne partie du week-end en compagnie de Rachel. Pourquoi ne luiavait-elle rien dit à ce sujet ? Pensait-elle que cela ne l’intéressait pas ou cherchait-elle à letenir à l’écart du déroulement de sa grossesse ?

Carter voulait s’impliquer autant qu’il le pouvait. En tant que père du bébé, il était endroit de se sentir concerné !

— Elle n’en a parlé à personne. J’ai vu une note à ce sujet lorsque je suis passée dans sonappartement samedi dernier et Merry, Liz et moi avons pris l’initiative de nous rendre aurendez-vous. J’avais peur qu’elle soit fâchée de me voir là-bas, mais ça n’a pas été le cas.Tu sais pourquoi ?

— Parce que tu l’as intimidée et qu’elle n’a pas voulu se montrer grossière ?

— Tu te crois drôle. Non, elle était contente de me voir parce qu’elle se sentait seule,Carter. Elle est enceinte et n’a pas de famille sur qui s’appuyer.

Sa mère avait le chic pour provoquer un sentiment de culpabilité.

— Je l’aurais accompagnée si elle m’en avait parlé. Je ne pouvais pas le deviner.

— Tu aurais dû te renseigner. Tes sœurs ont déjà été enceintes, tu sais très bien commentça se passe. Tu dois t’impliquer Carter. Un bébé va naître et après, que va-t-il se passer ?

Il n’en savait rien. En revanche, il voyait où sa mère voulait à présent en venir. Il sepréparait à entendre sa rengaine habituelle sur le mariage. Mais au lieu de réfléchir à desarguments pour assurer sa défense, il se dit cette fois que l’idée fixe de sa mère n’étaitpeut-être pas si mauvaise que ça. Il fut abasourdi d’avoir de telles pensées.

— Tu devrais l’épouser, dit Nina. Le bébé va avoir besoin d’un père. Pas la peine de me

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dire que tu seras père même si toi et Rachel ne vivez pas ensemble. Les pères à tempspartiel, Carter, ça n’existe pas. Tu dois être présent à tout moment. Ce bébé doit porterton nom. J’espère que tu prendras la bonne décision et j’espère que tu ne l’épouseras paspar obligation, mais par choix.

Le mariage... Son opinion sur cette institution était-elle en train d’évoluer ? Réussirait-ilà envisager cette option ? Comment pourrait-il imaginer de passer le restant de sa vieavec la même femme, alors qu’il ne croyait même pas être capable de connaître lesentiment amoureux ?

Etrangement, lorsqu’il pensait à Rachel, il parvenait à se projeter avec elle dans le futur.Les imaginer en train de se chamailler, puis de se réconcilier faisait naître un sourire surses lèvres. De même lorsqu’il les imaginait tous les deux en train de changer les couchesdu bébé ou de décorer le sapin de Noël. Il se demandait si elle aimait les chiens et si unfidèle compagnon pourrait venir s’ajouter dans ce tableau de la vie future qu’il venaitd’imaginer.

Pouvait-il réellement envisager de passer toute sa vie en compagnie de Rachel ou seberçait-il d’illusions à s’en croire capable ? La fidélité n’avait jamais été un problème pourlui, car il s’était toujours senti libre de rompre une relation dès qu’il avait eu envie d’encommencer une autre. S’il se mariait, les règles du jeu changeraient. Pour lui, le mariageétait une union sacrée, que l’on ne devait en aucun cas briser. Il n’y aurait plus aucuneautre femme dans sa vie après elle. Etait-il vraiment prêt à cela ?

La réponse à cette interrogation lui apparut évidente. Oui, il pouvait n’aimer qu’elle. Ilpouvait vieillir à ses côtés. Etait-il possible qu’il soit amoureux d’elle ?

Une autre interrogation lui vint alors à l’esprit. Qu’en était-il de ses sentiments à elle ?Elle avait parfaitement bien accepté l’idée de ne pas se marier. Elle était l’une des raresfemmes qu’il ait connue à ne pas parler de mariage. Se pouvait-il que l’élue de son cœurne veuille pas de lui ? Quelle ironie du sort !

— Carter, tu m’écoutes ?

Sa mère venait de le sortir brutalement de ses pensées.

— J’avais la tête ailleurs.

— Ecoute, il est temps que tu grandisses.

Il allait avoir droit à une leçon de morale similaire à celle que son chef lui avaitrécemment donnée. Il se leva et s’approcha de sa mère.

— Maman, je t’aime, mais ne me dis pas ce que je dois faire. Je suis prêt à tout pour toi.La seule chose que je n’accepte pas, c’est de vivre ma vie selon tes règles. Laisse-moitranquille.

— Tu me tiens tête ?

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— Comme toujours.

Elle lui sourit.

— Tu es plus convaincant que d’habitude. Je t’aime Carter et je suis fière de toi.

Il l’embrassa et sortit de la maison. En traversant la route pour retourner chez lui, ilsongea que les femmes occupaient vraiment trop d’espace dans sa vie. Pouvait-ilenvisager sérieusement de laisser une femme de plus faire partie de son monde ?

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11.

Rachel remplissait son caddie au supermarché. Carter lui avait suggéré une soirée

barbecue. Il avait proposé de tout amener lui-même, mais elle avait insisté pour que cesoit elle qui fasse les courses, car c’était déjà lui — ou plutôt sa famille — qui avait régalélors des derniers repas qu’ils avaient faits ensemble.

Connaissant les goûts de Carter, elle opta pour des steaks plutôt que du poulet, puis allachoisir des ingrédients pour préparer une salade composée. Elle saisit aussi quelques potsde yaourt pour elle, qui devait consommer davantage de calcium.

Cela lui faisait une impression étrange de faire les courses pour deux personnes. Cen’était pas désagréable. Elle avait vécu seule pendant longtemps et elle trouvait plaisantde partager son temps libre avec Carter. Plus que plaisant même ! Elle voyait en luinombre des qualités qu’elle recherchait chez un homme. Etait-elle allée trop vite enbesogne à conclure qu’une relation avec lui était inenvisageable ? Encore fallait-il queCarter voie en elle une petite amie potentielle... Pourrait-il envisager une relationsérieuse avec elle ?

— Bonjour. Excusez-moi, êtes-vous Rachel ?

Une blonde au physique renversant, qui portait un T-shirt très moulant, souriait àRachel. Elle incarnait la beauté à l’état pur, avec sa chevelure brillante et ses grands yeuxbleus.

— Pardon ? dit Rachel, étonnée.

La jeune femme sourit de plus belle. Son sourire, comme tout le reste, était parfait.

— Je m’appelle Pam. Je suis une amie de Liz. Elle m’a dit que tu voyais Carter. Mes deuxenfants sont dans ton école, c’est pour ça que je t’ai reconnue. Comment va Carter ?

Carter était-il donc sorti aussi avec cette beauté ?

— Euh... Il va bien.

Rachel se sentit bien terne comparée à cette femme. Elle se trouva soudaininintéressante, mal habillée et mal maquillée.

Pam prit la parole :

— Je suis sortie avec Carter quand j’avais dix-sept ans. Nous étions jeunes et frivoles. Lizest ravie de savoir qu’il a enfin trouvé le grand amour. Ma vie me donne pleinementsatisfaction, mais je dois avouer avoir ressenti une certaine jalousie quand j’ai appris qu’ilavait finalement décidé de se caser. Carter est un chic type. Je vous souhaite beaucoup debonheur à tous les deux.

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Les vœux de cette femme eurent pour Rachel un goût amer, étant donné que Carter etelle ne faisaient toujours que semblant de former un couple.

— Merci, murmura-t-elle.

Plus tard, lorsque Rachel fut rentrée chez elle et eut rangé ses commissions, elle repensaà cette femme blonde. Carter avait des amies partout. Avec combien de femmes était-ilsorti ? Une centaine ? Plus ? Elle supposa qu’après tant de conquêtes, il devait maintenantsavoir très précisément ce qu’il aimait et n’aimait pas chez une femme. S’il décidait des’installer avec elle, serait-elle capable de lui donner tout son amour en sachant qued’autres femmes viendraient sans arrêt tourner autour de lui ?

Une heure plus tard, elle s’était changée et avait revêtu une petite jupe et un débardeur.Cherchait-elle inconsciemment à rivaliser avec la splendide Pam ? Elle se rassura en sedisant que Carter ne se souvenait probablement plus de cette fille, avec qui il était sortialors qu’il n’était encore qu’adolescent.

Quand Carter arriva, elle l’informa qu’elle avait croisé Pam au supermarché.

— Ça fait longtemps que je n’ai pas vu Pam, comment va-t-elle ?

Elle aurait préféré l’entendre dire « Qui est Pam ? ».

— Bien. Splendide. Elle a dit qu’elle était amie avec Liz.

Il confirma d’un signe de tête.

— Pam est un peu plus jeune que Liz, mais elles étaient dans la même classe a l’école,parce qu’elle a sauté quelques années.

« Belle ET brillante, décidément, elle a tout pour plaire », pensa Rachel.

— Elle a l’air très gentille.

— Elle l’est. Toi aussi tu l’es. Tu as passé une bonne journée ?

— Oui, se contenta-t-elle de répondre.

« A part la rencontre avec cette femme parfaite », songea-t-elle tout bas.

— Je ne t’ai pas vue ces derniers jours. Comment s’est passé ton rendez-vous chez lemédecin ?

Elle ne s’attendait pas à un changement aussi abrupt de sujet de conversation.

— Très bien. J’étais très nerveuse avant d’y aller. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant le DrRichards est mon médecin traitant depuis longtemps et je l’aime beaucoup. Elle saitmettre ses patients à l’aise et être à leur écoute. Mais comme c’est la première fois que jesuis enceinte, je ne savais pas à quoi m’attendre. Ta mère et tes sœurs sont venues. Enfin,je suppose que ta mère t’a déjà tenu au courant.

— As-tu été fâchée de les voir là-bas ?

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— Pas le moins du monde. Leur soutien m’a beaucoup touchée. C’est bizarre, pendant letrajet jusqu’au cabinet médical, j’ai pensé à ma mère et elle me manquait. Cela faitlongtemps qu’elle n’est plus parmi nous, mais j’ai parfois encore l’impression que je neréussirai pas à surmonter une épreuve sans elle à mes côtés. Une fois sur place, quand j’aivu ta famille, je me suis sentie bien mieux.

Elle s’interrompit et attendit un commentaire de sa part. Il paraissait perdu dans sespensées et l’expression de son visage semblait presque indiquer de la colère.

— Carter, c’est le fait qu’elles soient venues qui te dérange ?

Son regard s’assombrit.

— Non. Ce que tu sembles oublier, c’est qu’il s’agit aussi de mon bébé. Tu ne m’avaisrien dit au sujet de ce rendez-vous. Tu sais pourtant que je veux m’impliquer dans tagrossesse. Je trouve cela important Rachel. Je ne veux pas que tu me tiennes à l’écart.

Elle en resta coite un instant. Son estomac se noua. Elle ressentait une certaineculpabilité.

— Je suis désolée, je pensais...

Ce n’était pas des paroles en l’air. Elle se sentait vraiment désolée.

— Je ne pensais pas que tu voudrais venir.

Elle n’avait jamais considéré que Carter pouvait être capable d’émotions et desentiments comme tout être humain et qu’il pouvait aussi être blessé, comme tout lemonde. Elle n’avait de lui que l’image d’un homme fort et charmant et non celle d’unêtre sensible. Elle voulut lui prendre la main, mais n’osa pas.

— J’ai eu tort, reconnut-elle en le regardant dans les yeux. J’aurais dû te parler de cerendez-vous. Je n’essayais pas de t’écarter délibérément. Cela ne se reproduira plus. Je tetiendrai au courant de tout ce qui touche à ma grossesse, je te le promets.

Il était encore froissé, mais Rachel s’était excusée et avait promis de changer decomportement, alors il devait décolérer. Curieusement, cette histoire l’avait vraimentcontrarié.

— Je suis vraiment désolée, répéta Rachel.

— Je sais, pas la peine de me le redire dix fois.

— Je le répète parce que je vois bien que tu fais encore la tête.

— Les hommes ne font jamais la tête.

— Alors disons que tu es grincheux ou ronchon, dit-elle, avec un petit sourire en coin.

Il émit un grognement sourd, qui fit rire Rachel. Elle posa sa main sur l’avant-bras deCarter.

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— Crois-moi, la prochaine fois, je te tiendrai au courant.

— O.K., n’en parlons plus.

Elle l’invita à s’asseoir sur le canapé.

— Comment a été ta journée ?

— Bonne. Nous sommes presque prêts pour le coup de filet.

— Ce sera dangereux ?

— Pas spécialement.

— Pourquoi je ne te crois pas quand tu me dis ça ? lui demanda-t-elle.

— Je n’en ai pas la moindre idée.

En vérité, les descentes de police n’étaient jamais complètement sans danger, mais lerisque n’était pas démesuré et il ne voulait pas l’inquiéter.

— Qu’est-ce qu’il se passera une fois cette mission terminée ? Tu seras chargé d’un autretravail du même type ?

— Peut-être.

Il n’avait pas encore décidé ce qu’il ferait ensuite.

— Tu as faim ? Je vais allumer le barbecue, dit-il pour changer de sujet.

— Bonne idée. J’ai fait de la place sur le balcon pour éviter d’embraser mes plantes.

Il s’affaira devant le barbecue et rapporta bientôt les steaks à table, tandis que Rachelpréparait la salade et des pommes de terre au four.

La grâce avec laquelle elle se mouvait lui rappelait d’autres mouvements qu’elle avaiteffectués avec la même grâce dans le lit. Il réprima son envie d’elle pour se concentrer surleur conversation.

— Parle-moi des deux hommes que tu as failli épouser, lui demanda-t-il de but en blanc.

Elle était toujours surprise par la manière dont il introduisait ainsi, sans transition, unnouveau sujet de conversation.

— Pardon ?

Il aurait peut-être pu amener le sujet avec plus d’habilité. Il était curieux de savoirpourquoi ses histoires de cœur s’étaient ma! terminées et avait librement cherché àsatisfaire sa curiosité.

— Si ces hommes avaient été vraiment stupides, tu n’aurais pas accepté leur demande enmariage, donc je me demande ce qui a cloché.

Elle lui passa la vinaigrette et fit un sourire timide.

— Ils n’étaient pas stupides. Simplement, je me suis rendu compte que je n’étais pas

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amoureuse d’eux.

— Pourquoi tes sentiments à leur égard ont-ils changé ? C’est toi qui a changé ou c’esteux ? demanda-t-il de but en blanc.

— Je ne sais pas bien. Avec Brett, nous étions trop jeunes. Je l’ai rencontré quand j’étaisen première année de fac. Ni lui ni moi n’avions eu beaucoup d’autres amants avant.Entre nous, ça a d’abord été une histoire d’amitié, puis notre relation a progressivementévolué.

— Jusqu’à ce qu’il finisse par te demander en mariage ?

Elle hocha lentement la tête.

— Sa demande en mariage m’a surprise. J’ai été flattée. Il était gentil et doux, et jepensais... Je pensais que je l’aimais, expliqua-t-elle dans un haussement d’épaules.

L’évocation des autres hommes qui l’avaient précédé ne plaisait guère à Carter, mais ilvoulait en savoir plus pour mieux cerner toute la personnalité de Rachel.

— Comment es-tu arrivée à la conclusion qu’en réalité tu ne l’aimais pas ?

— Je l’appréciais, mais j’ai compris que ce que je ressentais ressemblait plus à de l’amitiéqu’à de l’amour. Je me suis fait des illusions, transportée par l’attrait d’une relationsérieuse, sans voir que Brett n’était pas celui qu’il me fallait.

Ses propos étaient sensés. Carter réussissait presque à comprendre sa logique.

— Et le deuxième fiancé ?

— Nous pourrions peut-être trouver un autre sujet de discussion, qu’en dis-tu ?

— Ce sujet ne me dérange pas.

Il comprit qu’elle souhaitait parler d’autre chose, mais qu’elle ne parvenait pas àdétourner la conversation.

— J’ai rencontré Ray quand j’étais en dernière année d’université. Je travaillais déjà àtemps partiel dans une école. Il enseignait dans le même établissement que moi. Nousavions beaucoup de choses en commun. Il adorait les enfants. Il était drôle et trèsintelligent. Il ambitionnait de devenir directeur d’école.

Cela faisait beaucoup de qualités. Carter ne voyait pas cela d’un bon œil.

— Et?

Rachel soupira.

— Comme pour Brett. Nous avons commencé à sortir ensemble et notre relation aévolué assez rapidement. Je me sentais bien avec lui, alors quand il m’a demandé si jevoulais l’épouser, j’ai dit oui sans réfléchir et nous nous sommes lancés dans lespréparatifs du mariage.

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Les muscles de Carter se raidirent.

— Et?

— Et plus les préparatifs avançaient, plus j’avais du mal à m’imaginer vivre avec lui. Leproblème ne venait pas de lui, mais de moi. J’ai rompu les fiançailles et lui ai rendu sabague.

Elle regarda Carter avant de conclure :

— Rien d’extraordinaire dans ces histoires. Elles sont sans intérêt à raconter.

Il lui avait forcé la main pour qu’elle se livre. Visiblement, elle ne lui aurait pas contétout cela de son propre chef.

— Tu ne t’ouvres pas aux autres, constata Carter.

— Tu crois pouvoir me juger à partir de ces deux histoires ?

— Je ne te juge pas, je fais une constatation. Tu cherches toujours à rester distante.

Elle posa sa serviette sur la table et fixa Carter droit dans les yeux.

— Moi, au moins, je n’ai pas besoin de prendre une calculatrice pour compter le nombrede personnes avec qui je suis sortie. Regarde-toi dans un miroir avant de critiquer lesautres.

— En ce qui me concerne, ce n’est pas que je n’arrivais pas à m’engager, mais je necroyais pas à l’engagement, rectifia-t-il. Ce qui me paraît étrange, c’est que toi,contrairement à moi, tu voulais te marier, avoir des enfants et fonder une famille.D’ailleurs, tu as presque fait le pas dans cette direction, avant de faire marche arrièrelorsque l’engagement devenait trop concret.

Elle se leva.

— Tu vas m’expliquer ce qui ne va pas chez moi, c’est ça ? Génial ! Je devrais sûrementt’écouter attentivement, c’est vrai que tu t’y connais en femmes !

Il l’avait involontairement blessée. Il se leva lui aussi.

— Arrête Rachel. Je ne cherchais pas à te contrarier. Tu es une femme exceptionnelle. Tues douce, attentionnée et tes élèves t’adorent. Simplement, je ne comprends pas pourquoiune femme comme toi n’est pas mariée.

— Je n’en sais rien. Tu peux peut-être me le dire ? dit-elle d’un ton ferme.

Comment la conversation avait-elle pu si mal tourner ?

— Tu restes trop distante vis-à-vis de tout le monde : de tes amies, de ma famille etmême de moi.

— Tu dis n’importe quoi. Peut-être que je reste distante de toi intentionnellement, parceque selon toute évidence tu ne fais pas partie des candidats au mariage. En plus, notre

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relation n’est qu’une mise en scène, tu te souviens ? Nous jouons la comédie pour que tafamille accepte ensuite plus facilement notre séparation. Si nous n’avions pas mis aupoint ce stratagème, tu n’aurais même pas eu envie d’apprendre à mieux connaître lafemme qui porte ton enfant.

— Si, j’aurais eu envie, objecta-t-il. Mais tu as commencé par me proposer de renoncer àcet enfant et tu m’as fait comprendre que tu t’intéressais à moi uniquement parce quej’étais le père du bébé.

— Essaies-tu de me faire croire que si je n’étais pas arrivée avec les papiers de l’avocat àla main, tu aurais cherché à construire une relation sérieuse avec moi ?

— Oui.

— Je ne te crois pas. De toute ta vie, tu n’as jamais essayé de bâtir une relation sérieuse etjustement, cette fois, tu l’aurais fait ?

— Qu’est-ce qui te fait dire que je n’ai jamais essayé de m’engager ? Parce que je n’aijamais été fiancé ? Cela ne signifie rien de se fiancer, puisque l’on peut ensuite serétracter comme tu l’as fait. Si tu veux, on peut se fiancer. Comme ça, tu auras l’occasionde rompre des fiançailles une troisième fois.

Il sut immédiatement qu’il était allé trop loin.

Elle blêmit et lui montra la porte.

— Va-t’en, dit-elle d’une voix blanche.

Il commença à marcher, puis se retourna.

— Tu ne m’as jamais laissé une chance. Pourquoi ? On s’entend pourtant bien tous lesdeux. Le feeling passe bien entre nous. Est-ce à cause de mon métier ? De mon passé ? Ouest-ce à cause de toi ? Rachel, nous allons avoir un bébé. Ne crois-tu pas que cela vaille lapeine d’essayer ?

— J’essaie, clama-t-elle. Qu’attends-tu de moi ? Nous nous étions mis d’accord. Notreplan ne te convient plus ? On peut très bien élever un enfant sans être mariés. Etre unemère célibataire ne me dérangé pas. Désolée si cela te pose un problème.

Il fronça les sourcils.

— Il me semblait pourtant t’avoir entendue dire que tu voulais fonder une famille. Unmari, des enfants et tout le toutim. Ai-je rêvé ?

— Non, j’ai toujours pensé que... Merde, Carter, tu m’énerves. Tais-toi.

C’était la première fois qu’il l’entendait dire un gros mot.

— Tu dis que tu veux certaines choses, mais lorsqu’elles s’offrent à toi, tu les rejettes. Jecontinue à penser que tu restes trop distante vis-à-vis des autres. Tu ne t’ouvres passuffisamment aux autres. Tu ferais peut-être bien de te demander pourquoi.

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Rachel n’avait pas bien dormi. Elle avait attendu avec impatience une soirée encompagnie de Carter, qui s’annonçait très agréable. Malheureusement, il avait gâché ledîner avec ses insinuations stupides.

De quel droit se permettait-il ce type de remarques désobligeantes ? Il ne la connaissaitpas suffisamment pour la critiquer ou critiquer ses choix. En plus, ce n’était pas comme si,de son côté, il avait toujours fait preuve d’un comportement irréprochable... Pourquois’en était-il ainsi pris à elle ? Son ego en avait-il pris un coup parce qu’elle résistait à soncharme ? Ne supportait-il pas l’idée qu’une femme ne veuille pas être avec lui ?

Elle était en train de lui faire porter toute la responsabilité de la dispute, mais ne sesentait pas mieux pour autant. Elle ne cessait de repenser à ce qu’il lui avait lancé. Non,elle n’était pas trop distante. Il se trompait. Pourquoi avait-il une mauvaise opinion d’elle? Et pourquoi cela la chagrinait-elle ?

Elle se gara devant l’immense salle de gym. Crissy en détenait trois autres dans la région.Ce centre était le plus grand. Le deuxième étage du bâtiment renfermait les bureauxadministratifs de la société de son amie.

— Bonjour, est-ce que Crissy est là ? demanda Rachel à l’hôtesse d’accueil.

L’hôtesse passa un coup de téléphone et Crissy apparut quelques minutes plus tard dansle hall du complexe sportif.

— Salut Rachel, qu’est-ce qui t’amène ?

— J’aimerais te parler si tu as un peu de temps à me consacrer.

— Oui, bien sûr.

Elles se rendirent dans le bureau spacieux et clair de Crissy.

— Tu sais que tu peux tout me dire, la rassura-t-elle d’une voix chaleureuse.

Rachel ne savait pas par où commencer.

— Carter et moi nous sommes disputés. Je l’ai trouvé injuste. Je ne sais pas exactementquelle était son intention, mais il m’a vraiment tapé sur les nerfs.

— Que veux-tu, c’est un homme. Parfois, ils ne peuvent pas s’empêcher de nous énerver.

— Il voulait que je lui parle de mes anciens petits amis. J’ai trouvé ça bizarre, mais je luiai brièvement résumé mes précédentes relations amoureuses. Ensuite, il a conclu que si çan’avait pas marché avec ces hommes, c’est parce que je suis inaccessible sur le planaffectif. Tu te rends compte ? Moi ? Comme si j’étais une insociable finie !

Crissy lui tapota le bras.

— Je ne sais pas pourquoi il a dit ça. Peut-être qu’il s’est senti menacé lorsque tu as parléde tes ex et que c’est pour cela qu’il a réagi étrangement.

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— Non, cela ne tient pas la route. Lui, il est sorti avec un nombre incalculable defemmes. Je ne suis qu’une parmi tant d’autres.

— Alors, quelque chose d’autre le tracasse. Tout le monde a ses propres barrièresaffectives. Tu avais dit que sa famille était très envahissante, n’est-ce pas ? Sa mèrecontinue peut-être à trop le couver. Et ses sœurs doivent le surprotéger aussi. Si tu veuxmon avis, le problème vient de lui, pas de toi.

Rachel laissa échapper un profond soupir. Elle était venue chercher le soutien de sonamie, mais avait du mal à l’entendre critiquer Carter.

— Carter est un homme vraiment bien. Il est très responsable. C’est vrai qu’il est trèsattaché à sa famille, mais il n’y a rien de mal à cela. C’est un homme bon. II est honnête,digne de confiance et...

Elle remarqua que Crissy esquissait un large sourire.

— Une chose est sûre : il te plaît ! commenta Crissy.

— Oui, mais il est insupportable. J’ai parfois l’impression qu’il s’attend à ce que je soisraide dingue de lui.

— Une question me taraude. S’il est aussi bien que tu le dis, pourquoi n’as-tu jamaisenvisagé une relation sérieuse avec lui, voire un mariage ? Vous allez avoir un enfantensemble tout de même.

— Il m’a fait comprendre qu’il ne souhaitait pas m’épouser, alors à quoi bon insister ?

— S’il ne veut pas t’épouser et qu’une union avec lui ne t’intéresse pas non plus,explique-moi pourquoi tu te préoccupes autant de ce qu’il pense de toi. Cela ne devraitpas avoir d’importance pour toi.

Rachel resta muette un instant.

— Ce n’est pas faux, dit-elle lentement. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je nesupporte pas qu’il ait une mauvaise opinion de moi. Son commentaire sur le fait qu’il metrouve trop distante m’a particulièrement contrariée.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il a tort. Je ne suis pas une fille distante.

Rachel s’installa plus confortablement sur son siège, ferma les yeux, puis reprit la parole.

— En vérité, il n’a peut-être pas entièrement tort. C’est vrai que j’essaie parfois de ne pastrop m’attacher à certaines personnes pour me protéger. Tu sais ?... de peur de souffrir sijamais ces personnes venaient à disparaître. Je réagis ainsi sans doute parce que j’ai tropsouffert quand j’ai perdu mes parents et mon frère.

Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle vit le visage de Crissy, qui l’observait.

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— Est-ce parce qu’il a vu juste que tu es contrariée ou parce qu’il a mis le doigt surquelque chose dont tu n’es pas fière ?

— Les deux je suppose. C’est vrai que je me suis blindée pour ne plus souffrir aprèsl’accident. A l’époque, j’aurais préféré mourir moi aussi pour ne pas endurer cetteimmense douleur.

Des émotions latentes, enfouies au plus profond d’elle-même, étaient sur le point deresurgir. Elle fit en sorte de ne pas faire remonter à son esprit les souvenirs douloureux del’accident. Elle ne voulait plus jamais repenser à cette période de sa vie.

— Tu te blindes pour te protéger. Je comprends mieux. Tu as du mal à aimer, car l’amourimplique un risque de souffrance au cas où l’être aimé disparaît. C’est pourquoi tu te sensun peu perdue.

Cette description peu valorisante ne plaisait guère à Rachel.

— Je ne suis pas une fille perdue.

— Je ne veux pas t’offenser ou te juger en disant cela. Mais tu ne dois pas laisser le passégâcher ton avenir. Tu dois prendre ta vie en main et apprendre qu’il vaut mieux réagirque subir. Esquives-tu toute possibilité de relation avec Carter parce qu’il n’est pas celuiqu’il te faut ou parce que tu as peur ?

— Je ne suis pas amoureuse de lui, s’entêta Rachel. Ce n’est pas parce que je lui trouvedes qualités que je vois en lui l’homme idéal.

— A quoi ressemble l’homme idéal ?

Rachel ne sut pas répondre à cette question. Elle n’était pas certaine de ses sentimentsvis-à-vis de Carter.

— C’est tellement compliqué.

— La vie est ainsi faite.

— Pas pour toi. Tout semble facile pour toi. Tu es la personne la plus équilibrée que jeconnaisse, commenta Rachel.

Le visage de Crissy devint alors sérieux.

— C’est parce que je ne parle pas de mes problèmes. J’ai bientôt trente ans et je n’aijamais été mariée. Pourtant, j’ai rencontré des hommes bien. Alors pourquoi n’ai-jejamais voulu vivre avec l’un d’eux ?

Rachel ne s’était jamais vraiment posé de questions au sujet de la vie personnelle deCrissy.

— Oui, pourquoi ? demanda-t-elle.

— Parce que je ne peux pas. Je suis condamnée à ne jamais tomber amoureuse, à ne

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jamais être heureuse en amour et à ne jamais avoir d’enfants.

— Pourquoi dis-tu cela ? C’est insensé ! Pourquoi devrais-tu t’infliger une telle peine ?

Crissy inspira profondément.

— Quand j’étais au lycée, je suis tombée enceinte. C’était un accident. Je ne voulais pasépouser le père, qui ne voulait pas de cet enfant. Moi non plus d’ailleurs, je n’en voulaispas. Alors, j’ai choisi la solution de facilité : j’ai abandonné mon bébé.

Elle se leva et s’approcha de la fenêtre. Elle croisa les bras.

— J’aurais pu le garder. Mes parents me soutenaient et m’avaient proposé de m’aider.Mais je savais qu’un enfant allait changer ma vie, me priver de ma jeunesse. Alors je l’aiabandonné. Et depuis, je n’ai cessé de penser à lui.

Rachel se leva et alla serrer Crissy dans ses bras. Crissy poursuivit son histoire.

— J’y pense de plus en plus souvent. Sans doute parce que j’approche de la trentaine etque mon horloge biologique se manifeste. Peut-être que je me sens de plus en pluscoupable de l’avoir abandonné. Il a douze ans à présent. Sa famille adoptive ne vit pastrès loin d’ici. Elle m’envoie régulièrement des photos de lui. Il va bien et il est heureuxavec eux. Cette famille s’est bien occupée de lui.

Rachel ne savait pas quoi dire à son amie. Elle n’arrivait pas à croire que Crissy ait gardépour elle ce lourd secret pendant si longtemps.

— Tu veux le rencontrer ?

— Je ne sais pas, répondit Crissy. Je pourrais aller le voir, mais qu’est-ce que je lui dirais ?Salut, c’est moi la femme qui t’a abandonné pour ne pas que tu sois un fardeau pour elle?

— Ne sois pas aussi dure envers toi-même. Tu n’avais que dix-sept ans, ce n’est pasévident à cet âge d’assumer la responsabilité de mère.

— Je ne voulais pas d’une charge. Je n’ai peut-être pas pris la bonne décision, mais je nepeux plus revenir en arrière. Si je vais le voir maintenant, je ne serai pas sa mère. Je seraiuniquement la femme qui l’a mis au monde.

Elle se tourna vers Rachel.

— C’est pour cela que je pense que ton passé a un impact sur ta vie actuelle. Tu doisréfléchir sérieusement à ce que Carter représente pour toi. Tu as toujours voulu fonderune famille. D’accord, Carter n’est pas le seul homme sur cette planète, mais s’il possèdeles qualités que tu recherches, tu devrais peut-être tenter ta chance avec lui.

— Oui, tu as raison. Il faut que je comprenne pourquoi je cherche à le tenir à distance.

Elles se serrèrent dans les bras.

— Si tu veux de nouveau me parler de ton fils, tu sais que je serai à ton écoute. Cela faitparfois du bien de se confier. Et si tu décides d’aller le voir, je peux t’accompagner si tu le

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souhaites.

— Merci. Mais je crois que je vais attendre encore.

Rachel se força à sourire.

— Oui, moi aussi je crois qu’il faut que j’attende encore.

Crissy mit ses mains sur le ventre de Rachel.

— Mais toi, tu vas bientôt avoir un bébé. Tu verras, ça change tout.

Rachel prenait conscience que le bébé allait changer sa vie. Ce changement s’opérerait-ilavec ou sans Carter ? Que souhaitait-il ? Et que souhaitait-elle ?

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12.

Rachel piétinait dans son appartement. En général, elle appréciait les jours fériés. Elle en

profitait pour faire la grasse matinée et prendre son temps. Mais aujourd’hui, elle ne sesentait pas dans son assiette et ne savait pas comment occuper sa journée. Même laperspective de faire un peu de jardinage ne la réjouissait pas vraiment.

Cela faisait presque une semaine qu’elle n’avait pas parlé à Carter. Elle avait décroché lecombiné du téléphone une bonne cinquantaine de fois, mais n’avait pu se résoudre àcomposer son numéro. D’une part, parce qu’elle espérait que ce soit lui qui fasse un pasvers elle et, d’autre part, parce qu’elle ne savait pas quoi lui dire.

Il lui était très difficile d’admettre que l’analyse qu’il avait faite d’elle n’était pascomplètement inexacte.

Genoux à terre sur le balcon, elle se mit à arracher les feuilles mortes de ses plantes. «Comme si je ne savais pas aimer... », ressassait-elle.

Elle croyait en l’amour et aspirait plus que tout à aimer. Elle désirait la sérénité d’une viede couple, d’un bonheur de tous les instants partagé. Elle souhaitait vivre en harmonie,en toute simplicité, sans avoir à se poser de questions.

Toutefois, la simple idée d’aimer et d’être aimée la terrifiait, car elle ne pouvaitsupporter l’éventualité de perdre un amour. Laissait-elle la peur diriger sa vie ?

« Non, tenta-t-elle de se convaincre, je suis juste raisonnable et prudente, pas commeCarter. »

Il avait une personnalité débridée. Elle adorait sa façon fougueuse de s’exprimer au lit,mais qu’en était-il dans la vie quotidienne ? Pourrait-elle être heureuse en compagnied’un homme aussi impulsif ?

Elle retourna à l’intérieur de l’appartement et jeta un œil à sa liste de tâches à effectuer.Aucune des corvées ne l’enthousiasmait beaucoup. Elle débarrassa la table basse, puisalluma la télévision pour la regarder d’un œil tout en faisant le repassage. La premièrechaîne retransmettait des images d’une rue filmée d’un hélicoptère. Une rue qui semblafamilière à Rachel.

« Nous nous trouvons sur les lieux de l’affrontement, à Riverside. Le porte-parole de la policevient d’annoncer que des suspects avaient ouvert le feu à la suite d’une opération de police dansun atelier de réparation de motos. Deux personnes ont été touchées, mais elles sont encoreenfermées dans l’atelier. Elles ne pourront pas recevoir de soins médicaux tant que les malfaiteursne les auront pas libérées. »

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Le journaliste poursuivit ses commentaires, mais Rachel ne l’écoutait plus. Elle avaitreconnu l’atelier de Carter. Il devait sans doute se trouver piégé à l’intérieur. Les malfratsavaient-ils découvert que Carter était flic ?

La panique s’empara d’elle. Elle saisit son téléphone et commença à composer le numérode portable de Carter, mais raccrocha avant d’obtenir une tonalité. Elle ne pouvait pasl’appeler ! Elle ne savait pas ce qui se passait dans le bâtiment. Si le téléphone de Cartersonnait, cela le mettrait peut-être dans une situation encore plus dangereuse et sesravisseurs pourraient même aller jusqu’à le tuer.

Alors que faire ? Elle ressentit une douleur dans la poitrine et eut du mal à respirer.Mille pensées lui traversaient l’esprit. Que faire ?

Elle attrapa son sac à main, ses clés de voiture et descendit les marches de son immeublequatre à quatre. Quinze minutes plus tard, elle se trouvait devant le domicile de la mèrede Carter. Elle se demanda quel accueil on lui réserverait, étant donné que Carter et elleétaient en froid. C’est Shelly qui vint lui ouvrir.

— J’étais inquiète, dit Rachel pour toute explication.

— Oui, nous le sommes tous.

— Puis-je entrer ?

— Bien entendu, Rachel, tu fais partie de la famille, dit Shelly en lui souriant.

Rachel se sentit soulagée de voir que la famille ne lui en voulait pas. Peut-être Carter neleur avait-il rien dit au sujet de leur brouille ?

Mais s’il avait provoqué cette dispute dans le but de donner un aspect encore plusréaliste à leur faux couple, pourquoi se serait-il gardé d’en parler aux personnes qu’ilcherchait justement à convaincre de l’existence de ce couple ?

Shelly la conduisit dans le salon. Nina, Liz et Merry étaient toutes les trois assises dans lecanapé, en train de regarder les informations à la télévision. Quand Nina vit Rachel, ellese leva et alla l’embrasser.

— Nous avons pensé à t’appeler, lui dit Nina, mais je croyais que tu étais au travail.J’avais oublié que c’est un jour férié aujourd’hui.

— Quand j’ai vu les événements à la télévision, je ne savais pas quoi faire, alors j’aidécidé de venir ici. J’espère que cela ne vous dérange pas.

— Bien sûr que non, dit Merry, en se poussant pour lui laisser une place sur le canapé.Nous sommes toutes inquiètes. Carter va s’en sortir, mais pour le moment, nous n’avonsaucune nouvelle...

Sa voix trahissait une angoisse que Rachel ressentait aussi. Elles seraient toutestourmentées tant qu’il n’aurait pas appelé pour les prévenir qu’il allait bien.

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— Je vais aller faire du café, dit Liz en se levant.

— Rachel, tu préfères peut-être boire une tisane ? lui suggéra Nina.

— Oui, merci.

Rachel n’avait pas spécialement envie d’une boisson chaude, mais accepta par politesse.

— Je vais t’aider, dit Shelly à Liz.

Elles se rendirent toutes deux dans la cuisine.

Merry prit la main de sa mère.

— Cette situation est insupportable, murmura-t-elle.

— Soyons optimistes, déclara Nina avec fermeté. Carter est intelligent et il connaît sonmétier. En plus, il est fort. Je suis sûre qu’il ne fait pas partie des blessés. Il va sortir de là.Un bébé l’attend dehors.

Nina tendit son autre main et Rachel la saisit. Rachel était rongée par la culpabilité de nepas avoir été capable d’exprimer plus d’amour à Carter.

Carter avait un caractère fort. Il ne se laisserait pas démoraliser facilement. Il se battraitjusqu’au bout pour s’en sortir vivant. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter.

Les femmes restèrent devant le poste de télévision durant plusieurs heures. Sans appétit,Rachel se força à grignoter un sandwich parce qu’il n’était pas conseillé aux femmesenceintes de sauter des repas. Nina se montra forte. Seules ses mains tremblantestrahissaient sa peur. Merry, Liz et Shelly tentaient de se rassurer mutuellement.

Peu après 13 heures, du gaz lacrymogène fut répandu à l’intérieur de l’atelier de motos.Plusieurs policiers se précipitèrent dans le bâtiment et on entendit des coups de feu.Rachel ne supportait pas de regarder cette scène, mais rester dans l’ignorance était encorepire. Elle pria le ciel que Carter soit en vie.

Vingt minutes plus tard, l’affrontement semblait terminé. Des ambulances arrivèrent surles lieux et trois hommes furent extraits de l’immeuble sur des brancards. Les femmess’approchèrent toutes de l’écran de télévision pour tenter de voir si Carter étaient l’un deces hommes. Soudain, le téléphone sonna.

Nina courut le décrocher.

— Dans tous les cas, nous devions recevoir un appel, murmura Merry. Si Carter va bien,il appellera. S’il lui est arrivé quelque chose, c’est son chef qui nous préviendra.

Rachel attendit nerveusement d’entendre la conversation de Nina.

— Carter, c’est toi ? demanda Nina.

Elle s’effondra ensuite dans un fauteuil et se mit à pleurer. En même temps, elle regardales filles et leur fit un signe rassurant.

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— Il va bien, dit-elle du bout des lèvres.

Rachel et Merry s’étreignirent, ainsi que Shelly et Liz. Rachel sentait enfin que la tensionqu’elle éprouvait commençait à s’atténuer.

— Frank aussi risque sa vie tous les jours. C’est tellement difficile à supporter, mais nousn’avons pas le choix. Heureusement que nous sommes unies pour affronter ensemble cesmoments difficiles, déclara Liz, en essuyant une larme qui venait de couler le long de sajoue.

Rachel avait fondu en larmes elle aussi. Elles avaient craqué une fois la pression relâchée.Rachel admirait la force et le courage dont ces femmes avaient fait preuve et la façondont elles se serraient les coudes.

Nina raccrocha le téléphone.

— Il va bien. Il doit maintenant aller rédiger un rapport.

— Oui, ils ont toujours des tonnes de paperasse à remplir à la suite d’un événementcomme celui-là. On finit par s’habituer à leurs obligations professionnelles Rachel, tuverras, assura Merry.

Nina sourit à Rachel.

— Oui, tu t’y habitueras. Tu sais, j’aurais bien sûr préféré que le père de Carter exerceune autre profession, une activité plus tranquille. Mais je ne voulais rien lui imposer ; il achoisi de faire ce qui lui plaisait et ce qui correspondait à sa personnalité. De mon côté,j’ai fait de mon mieux pour vivre sans trop m’alarmer.

Rachel hocha la tête. Décidément, elle avait eu son compte d’émotions depuis que Carterétait entré dans son existence.

— Je vais rentrer chez moi. Je suis vraiment soulagée de savoir qu’il va bien, leurannonça-t-elle.

Maintenant qu’elle le savait sain et sauf, elle allait de nouveau se mettre à réfléchir surleurs sentiments respectifs, sur ce que chacun d’eux désirait et sur leur relationincertaine.

Carter finit de rédiger son rapport vers 20 heures. Il était épuisé. Cette journée avaitmarqué le dénouement de l’enquête et il s’estimait heureux de s’en être aussi bien sorti.Les malfaiteurs se trouvaient désormais derrière les barreaux ou à l’hôpital et lesmembres de son équipe n’avaient pas été blessés. Il se sentait fier du travail accompli.

Une fois arrivé dans sa rue, il se gara et alla directement chez sa mère. Elle avait insistépour le voir, lui jurant qu’elle n’arriverait pas à fermer l’œil tant qu’elle n’avait pasvérifié de ses propres yeux qu’il se portait bien.

Elle lui ouvrit et, sans mot dire, le serra dans ses bras.

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— Je vais bien, lui murmura-t-il.

— Oui. Dieu soit loué. Mais tu sais que je ne peux pas m’empêcher de me faire du souci.

— Oui. Je sais. Les filles étaient avec toi aujourd’hui ?

Il connaissait déjà la réponse à cette question. Ses trois sœurs avaient assurément dûaccourir dès qu’elles avaient eu vent de la nouvelle.

— Oui, tes sœurs et Rachel étaient là avec moi, confirma sa mère. Rachel a vu unreportage sur cette affaire au journal télévisé et nous a rejointes. Elle a très bien fait. IIfallait qu’elle soit entourée de sa famille pendant une telle épreuve.

Rachel s’était rendue chez sa mère ! Ces derniers jours, il avait beaucoup pensé à elle. Ilsne s’étaient pas parlé depuis longtemps et il supposait qu’elle lui en voulait toujours ausujet de leur récente dispute.

— Elle était inquiète, indiqua sa mère. Dans son état, il vaudrait mieux qu’elle évite toutstress si tu vois ce que je veux dire...

— Oui. Elle est encore ici ?

— Non, elle est partie après que tu as prévenu que tout allait bien. Tu ne l’as pas appeléedans l’après-midi ?

Il secoua la tête. Sa mère le poussa.

— Va l’appeler ou va la voir Carter. Elle était folle d’inquiétude. Il faut que tu la rassures.

— D’accord. A plus tard maman, je t’aime.

Elle lui sourit.

— Moi aussi je t’aime mon fils et je suis très fière de toi.

Il rentra chez lui.

Rachel avait donc passé la journée avec sa mère. Que cela signifiait-il ? Son inquiétudeavait-elle pris le dessus sur sa colère ? Valait-il mieux qu’il l’appelle ou qu’il passe la voir?

Il détestait rester dans l’expectative. La relation avec Rachel était différente de seshistoires précédentes. Pour la première fois, il se posait des questions.

Il pénétra dans le corridor, alluma la lumière et s’arrêta net en voyant Rachelrecroquevillée sur son canapé. Goldie dormait à ses côtés, le museau posé sur la cuisse dela jeune femme.

Rachel ouvrit les yeux et sourit à Carter.

— Salut. Liz m’a donné le double de tes clés, alors je me suis permis d’entrer. J’ai donnéà manger à Goldie et j’ai décidé d’attendre ton retour. Je voulais m’assurer que tu allaisbien.

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— Je vais bien.

Elle se redressa.

— Je pensais que tu allais m’appeler, lui déclara-t-elle.

— Je ne savais pas si tu tenais à avoir de mes nouvelles.

Les grands yeux verts de Rachel brillaient d’émotion.

— Si et je voulais te parler.

— Alors parlons.

Il s’assit dans le fauteuil en face du canapé. Goldie remua la queue, mais ne bougea pasde sa place confortable.

— Tu as eu peur ? interrogea Rachel.

Tous les deux avaient certainement envie d’aborder un autre sujet de conversation, maisil se contenta de répondre à cette question. De toute manière, ils finiraient par en arriverau thème qui les intéressait : leur relation.

— Pas vraiment. Aucun des malfrats ne se doutait que j’étais flic, donc ils n’avaient riencontre moi. Au pire, j’aurais pu me prendre une balle perdue, mais c’était assez peuprobable. Le plus difficile a été de s’armer de patience.

— Ta mère, tes sœurs et moi étions terrifiées. Les journalistes avaient parlé de blessés,sans préciser le nom des victimes.

— Comme tu vois, je me porte bien !

Rachel caressa Goldie.

— Tu n’as pas parlé de notre dispute à ta famille.

Comme il l’avait pressenti, le sujet de conversation allait changer. Elle le regarda avantde poursuivre :

— Tu avais là un prétexte pour leur annoncer que nous avions décidé de rompre à lasuite de cette dispute. Pourquoi n’as-tu pas profité de cette occasion ?

— Je n’y ai pas pensé, lui répondit-il en toute honnêteté.

Il avait été fâché et troublé, mais il ne lui était pas venu à l’esprit d’en parler à sa famille.

— Soit. Ecoute Carter. Je ne comprends pas. Nous avions élaboré un plan. Je n’ai fait queme conformer aux règles du jeu que nous avions définies et apparemment cela te pose unproblème.

— Si tu n’étais pas venue me voir avec les documents d’un avocat, nous n’en serionscertainement pas arrivés à un plan aussi tarabiscoté.

— Je ne savais rien de toi, protesta-t-elle. Je ne pensais pas que tu voudrais de cet enfant.

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— Tu aurais peut-être dû attendre de me connaître un peu mieux avant de me prendrepour un vaurien.

Elle fit la moue.

— Tu as raison. Quand je me suis rendu compte de ma grossesse, j’ai paniqué. A cemoment-là, j’ai pensé qu’il serait plus facile pour moi que je fasse complètementabstraction du père de l’enfant.

— Tu préfères assumer toutes les responsabilités toute seule ?

— Pas vraiment. Mais j’étais tellement renversée en apprenant que j’étais enceinte quej’ai réagi de façon irrationnelle.

— Et avec du recul ? s’enquit-il.

— Maintenant je sais que tu souhaites sincèrement jouer ton rôle de père. Et je ne t’enempêcherai pas.

Il inspira profondément.

— Tu sais Rachel, le plan que je t’ai proposé a été pensé à la hâte. A un moment donné,j’ai simplement eu cette idée de faire semblant de sortir avec toi. Et cette proposition defausse relation ne t’a pas paru mauvaise.

— Tu ne voulais rien d’autre qu’une pseudo-relation pour le bien de ta famille, n’est-cepas ?

— Je ne sais pas très bien Rachel. Une chose est sûre, nous allons avoir un bébé. Je penseque notre fille mérite que nous essayions sérieusement de faire en sorte de bien nousconnaître.

— Je te rappelle que nous ne savons pas encore si le bébé est une fille.

— Tu verras, j’en suis certain.

— J’espère que ce sera un garçon juste pour voir la tête que tu feras lorsque tes certitudesse seront effondrées.

Il sourit.

— On verra.

Elle se pencha vers lui.

— Que proposes-tu ?

A ce moment précis, il lui aurait bien proposé de la porter jusque dans son lit, de ladéshabiller et de lui faire l’amour. Il voulait la toucher et savourer sa douceur. Puis ilvoulait s’endormir paisiblement à ses côtés.

Cependant, la question de Rachel ne portait pas sur le futur immédiat, mais sur leursprojets à plus long terme. Soudain, il prit conscience que ses envies à long terme étaient

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du même ordre. Il voulait que Rachel soit présente dans sa vie. Il voulait se réveillerchaque matin à ses côtés.

Jamais auparavant il n’avait songé à un avenir partagé avec une femme. Pourquoi elle ?Etait-ce parce qu’elle portait son enfant ? Non. Il était convaincu qu’il aurait eu le mêmedésir si elle n’avait pas été enceinte.

— Carter ? Il t’en faut du temps pour répondre !

Carter, en pleine réflexion, se redressa tout à coup.

— Je veux que l’on essaie, dit-il. Je veux qu’on envisage de commencer une vraie vie decouple.

Il n’en dit pas plus, de peur d’effrayer Rachel, qui avait du mal à s’ouvrir et à accepterl’amour.

Elle se mordit la lèvre inférieure.

— Un vrai couple ?

— Oui, qu’en dis-tu ?

Elle respira profondément.

— Je suis partante, dit-elle en souriant. Un peu nerveuse, mais partante !

Il s’approcha d’elle et lui prit, la main.

— Ah bon, je te rends nerveuse ?

— Tu es très dangereux, tu le sais bien, plaisanta-t-elle.

— Oui, je suis très dangereux et je fais très bien l’amour.

— Oui, pas mal, dit-elle simplement.

Il sourit.

— Seulement « pas mal » ?

— Certaines de tes techniques peuvent encore être améliorées, commenta-t-elle.

Il vit que ses yeux pétillaient et qu’elle cherchait uniquement à le taquiner.

— Tu peux peut-être m’en dire plus, ou mieux encore, me montrer.

Samedi matin, lorsque Carter sortit de la douche, il trouva Rachel devant lui, uneserviette de bain à la main. Depuis le coup de filet de la semaine précédente, elle avaitpassé plus de temps chez lui que chez elle. Il avait toujours vécu seul auparavant etdécouvrait avec joie qu’il aimait la vie à deux.

Ils ressemblaient maintenant à n’importe quel couple de jeunes amoureux passionnés.Ce matin-là, ils avaient fait l’amour dans la cuisine, laissant leurs gaufres brûler.

— Ta mère vient d’appeler, dit Rachel. Elle veut que tu lui apportes des glaçons pour

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l’apéritif parce que son freezer a rendu l’âme.

— Cela ne m’étonne pas, dit-il. Il datait du siècle dernier ! Mes sœurs et moi avons voulului payer un nouveau réfrigérateur à Noël, mais elle a jugé que c’était un cadeau bientrop onéreux. En fait, en divisant le prix par quatre, ce n’était pas si cher que ça, mais ellen’a rien voulu savoir. Quoi ?

Rachel affichait un sourire radieux.

— J’aime t’entendre évoquer ta famille parce que tu en parles toujours avec beaucoup dechaleur dans la voix. Cela me rend heureuse.

Il était encore trempé, mais il la prit quand même dans ses bras, mouillant sa petite robe.Ils s’embrassèrent. Dès qu’elle posa ses lèvres contre lui, son membre viril se redressa.Rachel baissa la main et le caressa.

— Je vois que tu ne fais pas semblant de m’aimer. Malheureusement, nous devons êtrechez ta mère dans quelques minutes, alors nous allons devoir remettre ce câlin à plustard, dit Rachel.

— Ce soir, promit-il tout bonnement.

— Oh oui, j’y compte bien !

Elle se détacha de lui et regarda ses cuisses.

— Le premier soir, j’avais déjà remarqué cette cicatrice au niveau de ton quadricepsdroit. Que t’est-il arrivé ?

Il finit de se sécher et enroula la serviette autour de sa taille.

— Je devais avoir six ans. Je faisais l’idiot à escalader le canapé. Maman n’arrêtait pas deme crier que j’allais me faire mal et elle avait raison. Le canapé s’est renversé, je suis passépar la fenêtre et je me suis ouvert la cuisse. Je me souviens qu’elle m’a ensuite dit qu’àquelques centimètres près, ma virilité avait risqué d’en prendre un sacré coup !

— Oui, cela aurait été fort dommage ! Allez grand casse-cou, habille-toi.

Il la regarda sortir de la salle de bains. Il avait remarqué quelques modifications auniveau de sa silhouette. Ses seins étaient plus gros et plus sensibles à ses caresses. Sonventre était maintenant légèrement rebondi et sa taille s’était un peu épaissie. Elle setransformait en une magnifique femme. Il trouvait que la grossesse révélait encore plussa beauté.

Dans ses précédentes relations de couple, Carter s’était souvent senti piégé et insatisfait.Avec Rachel, il découvrait le plaisir d’une relation harmonieuse. Elle le complétait. Il nepouvait plus concevoir qu’elle ne soit plus près de lui. Il voulait être là pour elle, pour lasoutenir et la convaincre qu’elle ne devait pas avoir peur de l’aimer.

Il voulait l’aimer ! Lui qui pensait ne jamais trouver l’amour...

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Une grande bataille d’eau éclata dans le jardin entre petits et grands. Rachel se chargeaensuite d’essuyer les deux fillettes de Liz à l’aide d’une grande serviette de bain. Puis,elles s’allongèrent toutes les trois dans l’herbe et contemplèrent le ciel et les nuages.C’était un après-midi parfait pour Rachel.

— Celui-là ressemble à Goldie, dit Erin, la benjamine, en montrant du doigt un grosnuage.

— Ah oui, je le vois, approuva Rachel.

Toute la famille était réunie dans le jardin. Les hommes s’étaient mis à parler football,tandis que les femmes discutaient de leurs enfants et jouaient avec eux. Carter s’étaitabsenté à la fin du repas et Rachel attendait son retour avec impatience.

— Tatie Rachel, quand j’irai à l’école l’année prochaine, je pourrai être dans ta classe ?demanda Erin.

Rachel passa sa main sur la petite tête blonde de la fillette.

— Je crois que tu seras avec Mme Reed.

— Mais je veux être avec toi ! répondit Erin en faisant la moue.

Rachel ne savait pas bien comment expliquer à la petite fille qu’elle n’allait plustravailler pendant quelque temps parce qu’elle allait accoucher du bébé de son oncle.

— Moi, je te connais déjà et je t’aime beaucoup, et je pense que Mme Reed serait trèsheureuse de te connaître à son tour. En plus, je suis sûre que tu vas beaucoup l’aimer. Elleest très gentille. Tous les enfants veulent être dans sa classe.

Elles virent alors une ombre au-dessus d’elles.

— Tonton Carter ! Tu es revenu ! s’exclama Erin en s’asseyant et en souriant.

— Oui ma puce. Avec ton autorisation, je vais te voler Rachel quelques minutes.

Sur ce, il aida Rachel à se lever.

— Où es-tu allé ? Tu ne m’as même pas prévenue que tu partais, dit-elle.

Il l’entraîna vers l’avant de la maison, puis ils traversèrent la route pour se rendre chezlui. Une fois à l’intérieur, il se mit face à elle.

Rachel fut une nouvelle fois frappée par la beauté de ses traits. Lorsqu’elle se retrouvaitseule avec lui, elle avait immanquablement envie de lui. Avant qu’elle n’ait le temps del’embrasser, il lui prit les mains et dit d’un ton sérieux :

— J’ai quelque chose à te dire.

— A quel sujet ?

— Je sais que notre rencontre a été peu conventionnelle, que tu es tombée enceinte etque, par conséquent, dès le départ, rien n’a été simple. Au début, je dois avouer que

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j’étais chiffonné à l’idée que je n’étais plus tout à fait maître de ma vie.

Elle se demandait où il voulait en venir.

— Je n’ai jamais recherché l’amour. Je ne comprenais pas les personnes qui accordaienttant d’importance aux relations conjugales. Je respectais ceux qui voulaient se marier,mais je ne m’incluais pas dans cette catégorie de la population.

Rachel commença à ressentir des sensations curieuses. Elle entendait un légerbourdonnement dans ses oreilles et sa tête tournait. Elle voulait s’en aller.

— Carter...

— Laisse-moi finir.

Il en avait déjà suffisamment dit.

— Je veux faire les choses bien, non pas parce que nous sommes obligés, mais parce quec’est ce que nous voulons tous les deux. Je t’aime Rachel. Je ne peux pas expliquercomment je suis tombé amoureux, mais je ressens un réel amour pour toi. Tu es la femmeavec qui je veux passer le reste de ma vie. Avec qui je veux partager mes peines et mesjoies. Je veux faire des projets avec toi, avoir d’autres enfants avec toi et vivre avec toi.Avec personne d’autre, rien qu’avec toi.

Il lui lâcha les mains et sortit une petite boîte de sa poche de jean, qu’il ouvrit devantelle. Elle put y découvrir un solitaire magnifique.

— Il y a encore peu de temps, je pensais que jamais je ne vivrais cet instant. Aujourd’hui,je sais avec certitude que cette décision me comblera. Je t’aime Rachel. Veux-tum’épouser ?

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13.

Rachel fixa la bague des yeux, puis dévisagea Carter. Elle fut prise de panique et n’eut

qu’une envie, celle de s’enfuir. Non ! Elle ne voulait pas se marier. Non, ce n’était paspossible. Il ne pouvait pas lui demander une chose pareille.

— Tout va trop vite, parvint-elle finalement à dire.

Elle avait du mal à contrôler sa respiration saccadée. Elle fixait désormais la porte. Ellepensa un instant le quitter sans plus d’explications. Non. Elle devait se calmer et luidévoiler le fond de ses pensées.

— Rachel, nous allons avoir un bébé.

— Je le sais, mais cela ne nous oblige pas à nous marier.

Il referma l’écrin de la bague. Ses yeux ne brillaient plus.

— Tu ne veux pas m’épouser, dit-il d’une voix éteinte.

— Carter, écoute. Tu es un homme formidable. Je pourrais même presque dire que tu esparfait. Je suis vraiment heureuse que tu sois le père de mon enfant. Mais pourquoichanger le cours des choses ? Nous aimons notre relation actuelle. Ne risquons pas detout gâcher. Rien ne nous oblige à nous marier.

Tout en parlant, elle se déplaçait discrètement vers la porte. Elle avait besoin d’allerinspirer un grand bol d’air frais.

Carter demeurait pantois. Après être sorti avec tant de femmes qui mouraient d’envie del’épouser, il était finalement tombé amoureux de LA femme qui refusait de convoler enjustes noces avec lui. Il était là, devant elle, une bague à la main. Il venait de lui ouvrirson cœur et elle semblait n’avoir pour seul désir que de partir au plus vite. Fallait-il y voirun châtiment divin au nom de toutes les autres femmes qui auraient voulu être sonépouse ? Il ne méritait pas une telle peine, car il avait toujours été honnête avec ses amiesprécédentes et ne leur avait jamais fait croire qu’elles pouvaient espérer une union aveclui.

Il s’était décidé à la demander en mariage, persuadé qu’elle aurait été prête à l’aimer, carelle n’aurait plus eu de doutes sur la réciprocité de leur amour. Il pensait qu’elle lui auraità son tour exprimé tout son amour, qu’elle se serait livrée sans retenue. Comme il s’étaittrompé !

Elle lui toucha le bras.

— Je suis très touchée par ta demande. Il s’agit d’une démarche réfléchie, qui a dûremuer en toi beaucoup de choses. En plus, je dois avouer que tu n’avais pas

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complètement tort l’autre jour quand tu disais que je restais trop distante. Je ne pense pasqu’il soit bon pour toi de t’attacher à quelqu’un comme moi, incapable d’assumer sessentiments.

— N’essaie pas de me convaincre que ton refus est une bonne chose pour moi, déclara-t-il.

Il sentait la colère monter en lui. Cette colère ne faisait que masquer son insupportabledouleur.

— Ce n’est pas un argument valable. Ton refus est uniquement motivé par le fait que tun’oses pas nous laisser une chance.

Elle recula d’un pas.

— J’ai bien le droit de refuser quand même. Ce n’est pas parce que tu es prêt à t’engagerque je dois aussitôt tomber à tes pieds. Une demande en mariage se formule toujourscomme une question, pas comme une obligation.

Il savait qu’elle avait raison, mais il ne décolérait pas pour autant.

— Tu ne réfléchis même pas à la possibilité de m’épouser. Tu fuis pour te protéger d’unedouleur qui date de plus de quatorze ans. Tu ne parviendras jamais à faire le deuil decette douleur si tu ne t’autorises pas à aimer de nouveau. Tu dois arrêter de te croireinvulnérable.

— Il ne te vient même pas à l’esprit que si je refuse de t’épouser, c’est peut-être parceque je pense que tu n’es pas l’homme qu’il me faut. Ton estime de toi est si haute que tudéduis qu’une personne qui ne souhaite pas être avec toi doit forcément avoir unproblème !

— Ce n’est pas ce que j’ai dit.

— Tu l’as insinué. Je ne veux pas t’épouser Carter. Point final. Tu peux penser ce que tuveux, je n’ai pas à me justifier.

Ainsi se termina leur conversation. Elle sortit et claqua la porte derrière elle.

Quinze minutes plus tard, Carter poussait la porte du bar de Jenny. A peine entré, unhomme le héla, puis la quasi-totalité des clients se leva et l’applaudit.

— Beau travail, cria un policier. Félicitations de ne pas t’être fait tuer pendant le coup defilet.

Carter salua de la tête et fit un signe de la main. Il appréciait leur soutien et leurscompliments. Pour l’heure, cependant, ses pensées ne concernaient pas son travail.

— C’est la maison qui régale aujourd’hui, déclara Jenny alors qu’il s’asseyait aucomptoir. Qu’est-ce que je te sers?

— Une bière.

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Elle remplit un verre de bière à la pression et le lui tendit.

— Tu en fais une tête ? Que se passe-t-il ?

Au lieu de lui répondre, il sortit l’écrin de sa poche et le lui donna. Elle l’ouvrit etcontempla la bague.

— Waouh, très jolie ! Je suis impressionnée.

— Rachel ne l’a pas été, elle. Elle a refusé ma demande en mariage.

— Aïe, dit la serveuse en refermant la petite boîte. Je suis désolée.

— Tu devrais plutôt jubiler et aller le crier à mes autres ex : « Ça y est, Carter, lebourreau des cœurs, sait enfin ce que ça fait de souffrir en amour ! » suggéra Carter.

Jenny dénoua son tablier et prévint l’autre serveur qu’elle allait faire une pause. Ellepassa ensuite de l’autre côté du zinc et prit Carter par le bras. Puis, ils se rendirent dans lapetite pièce située à l’arrière du bar.

— Enfin Carter, tu penses vraiment que je me réjouis de te voir souffrir ?

— Non.

Il s’écroula sur une chaise en plastique avant de reprendre la parole.

— Pourquoi n’ai-je pas anticipé un refus de sa part ? Comment ai-je pu croire sansl’ombre d’un doute qu’elle me dirait oui ? Je ne croyais pas aux relations sérieuses et voilàque celle qui me fait changer de point de vue sur la question refuse de s’engager dans unerelation à long terme avec moi.

Il semblait très affecté par le refus de Rachel. Il ressentait une douleur morale qu’iln’avait encore jamais éprouvée auparavant. Il regarda Jenny.

— Au moment de notre rupture, t’es-tu sentie aussi mal que moi aujourd’hui ? T’ai-jefait autant souffrir ?

Elle s’accroupit devant lui.

— Je t’aimais énormément, mais je m’en suis remise. Je sais que tu as mal, mais tu verrasque le temps cicatrise les plaies. En plus, peut-être que tout n’est pas perdu avec Rachel.Peut-être que sous le coup de l’émotion et de la surprise, elle s’est affolée. Peut-êtrequ’elle va revenir sur ce qu’elle t’a dit une fois qu’elle y aura réfléchi.

Il en doutait. Il regretta d’avoir laissé sa bière sur le comptoir. L’ivresse l’aiderait peut-être à chasser ses idées noires.

— Je ne pense pas qu’elle changera d’avis. Elle a trop peur d’aimer.

Il lui expliqua ensuite qu’elle avait perdu toute sa famille.

— Alors c’est simplement la peur qui a provoqué une telle réaction de sa part. Cela nesignifie pas qu’elle ne t’aime pas, conclut Jenny.

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— J’aurais aimé que son amour pour moi soit plus fort que sa peur.

Il ressentait un grand vide à l’intérieur de lui. Il avait perdu Rachel, à qui il tenait tant.

— Tu ne vas pas baisser les bras quand même ? demanda Jenny.

— Qu’est-ce que je peux faire de plus ? Je ne peux pas la forcer à m’épouser.

— De toute évidence, Rachel t’aime beaucoup. Depuis quelque temps, vous êtesinséparables. Je pense que la soudaineté de ta demande l’a simplement déstabilisée et quetu dois lui laisser le temps de pouvoir se retourner.

— Et si elle ne change toujours pas d’avis d’ici quelque temps ?

— Tu pourras te dire qu’au moins, tu as tout essayé. Tu n’auras pas de regrets à avoir.

— Soit elle m’aime, soit elle ne m’aime pas. J’aurai beau vouloir qu’elle m’aime, je nepourrai rien faire pour l’influencer.

— Si les fantômes de son passé dramatique la hantent encore, elle n’est peut-être pascapable de savoir si elle t’aime ou non. Ne la brusque pas. Attends de voir si tu luimanques avant d’abandonner tout espoir.

Il haussa les épaules.

— O.K.

Il pouvait lui accorder un temps de réflexion. De toute manière, il n’avait envie d’êtreavec aucune autre femme qu’elle. Il serait trop occupé à penser à elle pour s’intéresser àd’autres filles.

Les jours qui suivirent furent difficiles à vivre pour Rachel. Carter lui manquaitbeaucoup. Elle avait envie de le voir. Toutefois, elle n’avait pas encore suffisammentdigéré l’épisode de la bague pour être en mesure de lui reparler. Si seulement elle n’avaitpas été si prise au dépourvu. Comment avait-il pu imaginer passer aussi rapidementd’une relation feinte à une proposition de mariage ? Dans cette précipitation, elle s’étaitsentie sous pression et n’avait pu réagir autrement que par la fuite.

Elle avait conscience de l’avoir blessé. Elle tentait de se rassurer en se disant qu’aprèstout, Carter n’avait pas dû souffrir, car il n’était pas capable de sentiments forts. Mais ellese leurrait et elle le savait. Elle n’oubliait pas l’émotion avec laquelle il lui avait fait partde ses sentiments.

Pourquoi ne réussissait-elle pas à envisager de se marier ? Etait-ce à cause de son passé ?

En tout état de cause, la balle était à présent dans son camp. Quelle que soit l’évolutionde leur couple, ils ne devaient pas perdre de vue qu’ils allaient bientôt être les parentsd’un nouveau-né.

Elle voulut l’appeler, mais n’en fit rien, faute de savoir quoi lui dire. Elle y réfléchissaitquand le téléphone sonna.

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— Allô ?

— Rachel ? C’est Nina. Je prévois un repas de famille vendredi soir. Je compte sur toipour être là...

Se retrouver face à Carter n’allait pas être évident, mais il s’agissait là d’une bonneoccasion de pouvoir lui reparler.

— Oui, j’y serai. Merci pour l’invitation.

Nina, ses filles et leurs époux se trouvaient déjà dans le salon lorsqu’elle arriva.L’atmosphère était chaleureuse et détendue, comme d’habitude.

— Tu es magnifique Rachel, complimenta Merry. La grossesse te rend encore plusradieuse. Que puis-je t’offrir à boire ?

Rachel remarqua que Carter n’était pas encore arrivé. Elle était impatiente de le voir,même si elle refusait de l’admettre. Elle cherchait à se convaincre qu’il ne lui manquaitpas beaucoup et qu’elle voulait simplement rétablir des rapports cordiaux entre eux pourle bien de leur enfant.

— Comment te sens-tu, Rachel ? demanda Nina. Tu dors bien ? Tu n’as pas de nausées ?Il faut que tu manges bien tu sais et que tu choisisses de bons aliments pour toi et le bébé.

— Je vais bien, répondit doucement Rachel.

Elle pensait que Carter aurait parlé à sa famille de sa demande en mariage et qu’elleaurait à se justifier, en donnant sa version des faits. Visiblement, il ne leur avait rienraconté.

Les femmes discutaient à présent dans la cuisine. Les maris des trois sœurs étaientoccupés à regarder la fin d’un match à la télévision. Elles les rejoignirent dans le salon etc’est précisément à ce moment que Carter fit aussi son entrée dans la pièce.

Il était toujours aussi beau et paraissait serein. Il regarda Rachel et lui fit un signe de latête.

— Salut Rachel, comment ça va ?

Elle regarda autour d’elle dans la pièce. Aucun membre de la famille ne semblait avoirremarqué le trouble qui existait entre elle et Carter.

Ils passèrent à table. Elle fut assise juste en face de lui. Elle croisa son regard et il luisourit, mais ce sourire n’était plus empreint de sentiments ou de complicité. Ilressemblait plutôt à un sourire de politesse.

Le dîner fut agréable. Nina avait préparé plusieurs plats, tous meilleurs les uns que lesautres. Rachel parvenait peu à peu à se détendre jusqu’à ce que Carter déclare :

— J’ai une nouvelle à vous annoncer.

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Rachel pensa immédiatement qu’il allait les informer de son refus de l’épouser et seprépara psychologiquement à endurer un moment d’humiliation publique.

— Comme vous le savez, j’ai réussi le concours d’inspecteur de police il y a quelquetemps déjà, mais je n’ai jamais accepté le poste parce que j’aimais celui que j’occupais. J’aidécidé qu’il était temps pour moi de passer à autre chose. Un nouveau poste d’inspecteurvient de se libérer. On me l’a proposé et j’ai décidé de l’accepter.

Nina, rayonnante, applaudit.

— Oh, Carter, je suis tellement heureuse ! Les inspecteurs ne mettent pas leur vie endanger constamment comme les policiers infiltrés.

Les autres membres de la famille le félicitèrent à leur tour. Rachel les imita. Elle ignoraitqu’il envisageait un changement de carrière.

— Ce n’est pas tout, poursuivit Carter.

Rachel sentit toutes les paires d’yeux se diriger droit sur elle. Ils devaient certainementtous penser que Carter allait annoncer leurs fiançailles.

— Je crois qu’il est temps pour moi d’avoir une maison à moi, expliqua-t-il.

— Tu en as déjà une, fit remarquer Shelly.

— Je vais mettre en vente cette maison pour en acheter une autre, dans le quartiervoisin. Suffisamment près de vous pour passer vous voir régulièrement, maissuffisamment éloignée pour mener ma vie sans être dérangé.

Nina en eut les larmes aux yeux.

— Je comprends. Rachel et toi avez besoin d’intimité. Allez, trinquons. A Carter et àRachel !

Rachel constata, pour la première fois de la soirée, que Carter la regardait. S’attendait-ilà ce qu’elle fasse un commentaire ? Elle tenta de lire dans ses pensées, mais n’y parvintpas.

Rachel se sentait hypocrite de laisser sa famille croire que tout allait pour le mieux entreelle et lui, quand la réalité était tout autre. Une fois le repas terminé, elle aida àdébarrasser la table. Alors qu’elle entrait dans la cuisine, elle surprit une conversationentre Carter et sa mère, dans le couloir.

— Vous faisiez un si joli couple, disait Nina.

— Ecoute, notre couple n’a pas tenu le coup. C’est la vie. Je ne veux pas que tu t’enprennes à Rachel. Elle n’a rien fait de mal. Notre relation n’a pas marché, c’est tout.

— Mais je vois bien, à la façon dont tu la regardes, que tu as toujours envie d’être avecelle. Est-ce que je me trompe ?

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Rachel retint sa respiration.

— Je l’aime, mais parfois, cela ne suffit pas. En tout cas, nous allons rester amis et élevernotre enfant ensemble.

— Je pensais que tu avais décidé de changer de métier et de déménager pour Rachel...

— J’ai pris ces décisions parce qu’il est temps pour moi de passer à autre chose.

Rachel alla déposer les assiettes. Qu’allait-elle faire à présent ?

Lorsque Carter dit au revoir à tout le monde, Rachel choisit de partir juste après lui.Dans la rue, elle l’appela.

— Est-ce qu’on peut se parler ? lui demanda-t-elle tout en s’approchant de lui.

— Bien sûr.

Il la fit entrer chez lui et lui fit signe de s’asseoir sur le canapé, tandis qu’il se laissaittomber dans le fauteuil.

— Quoi de neuf ?

Il lui adressait maintenant la parole comme s’il parlait à un vieil ami, ce qui semblaitlogique, puisqu’elle avait refusé son amour. Il devait donc avoir tourné la page et fait unecroix sur leurs sentiments amoureux.

Que lui dire ? Qu’elle avait beaucoup d’affection pour lui ? Pourquoi ne pouvait-elle paslui dire qu’elle l’aimait ? Tout était embrouillé dans la tête de Rachel.

Il avait attendu très longtemps de trouver la femme de sa vie. Maintenant qu’il l’avaittrouvée, il avait naturellement espéré un amour réciproque.

Une fois encore, elle évita les sujets de discussion délicats.

— Je ne savais pas que tu avais l’intention de changer de travail, déclara-t-elle.

— Cela fait un moment que j’y pensais, admit-il. On me propose un bon poste. Ce seraitbête de le refuser. Le travail sera intéressant, j’aurai des responsabilités et je courraimoins de risques qu’actuellement.

Il ne la quittait pas des yeux, mais ne lui souriait pas.

— Tu es fâché contre moi, constata-t-elle.

— Pas encore. Pour l’instant, j’en suis encore à l’étape où je suis abattu. Reviens me voirdans quelques semaines et je serai peut-être passé à l’étape de la colère.

— Je suis désolée.

— Pourquoi ? Au moins, cette fois tu as refusé immédiatement au lieu d’accepter lesfiançailles et de les annuler peu avant le mariage.

— Tu es un peu dur avec moi.

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— Peut-être. Je ne suis pas apte à en juger. Je suis tombé amoureux pour la première foisde ma vie et je me suis fait plaquer. Ça me fait encore mal d’y penser Rachel. Qu’attends-tu de moi maintenant ?

Si seulement elle savait ce qu’elle attendait de lui...

— Je suis désolée. Je n’ai jamais voulu te blesser, murmura-t-elle.

— C’est bon à savoir, mais le résultat est le même, dit-il en se levant. Bon, j’ai des chosesà faire ; c’est tout ce que tu avais à me dire ?

Elle s’en voulait tant de lui avoir fait de la peine. Elle se leva à son tour et s’approcha delui.

— Je suis vraiment désolée, répéta-t-elle en lui touchant le bras. Crois-moi.

— Je te crois, mais je ne me sens pas mieux pour autant.

Elle lisait la souffrance dans ses yeux et savoir qu’elle en était seule responsable lui étaitinsupportable. Elle se mit sur la pointe des pieds et posa sa bouche contre la sienne.Aussitôt, elle désira retrouver ce corps si chaud, si sensuel et si tentant qu’elle n’avaitplus touché depuis si longtemps. Sa passion pour lui avait instantanément refait surface.Elle entrouvrit les lèvres. Malheureusement, au lieu de l’embrasser, il recula.

— Non merci, dit-il.

— Quoi ?

— Tu m’as clairement fait comprendre ta position en ce qui concerne notre relation. Tuveux que nous ne soyons que des amis. Très bien. Je ne couche pas avec mes amis. Tu asl’air surprise ? Je ne suis plus ton jules. Nous n’avons même plus à faire semblant deformer un couple, car j’ai prévenu ma mère que nous n’étions plus ensemble. Nousn’allons plus flirter Rachel. De deux choses l’une : soit tu souhaites devenir ma femme,soit il n’y a rien de plus que de l’amitié entre nous.

Même si elle comprenait qu’il réagisse ainsi, elle souffrait à l’idée de ne plus pouvoirtoucher ce corps qui la faisait brûler de désir.

— Bien, dit-elle en essayant d’occulter le tremblement de sa voix. Nous serons amis. Etparents.

— Ouais.

Elle trouva qu’il lui avait répondu sur un drôle de ton.

— Quoi ? Tu penses- que je ne serai pas une bonne mère ?

— J’ai des doutes. Parce que tu as peur d’aimer, ce qui est compréhensible en raison deton passé. Mais cet enfant ne comprendra pas que sa mère ne lui témoigne pas toutl’amour dont il a besoin.

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Elle resta bouche bée. Puis, elle voulut le gifler.

— Comment oses-tu dire une chose pareille ? Tu ne me connais pas suffisamment pourte permettre de me juger.

— Je te connais bien maintenant. Je sais que tu laisses la peur te gâcher la vie. Je sais quetu as renoncé à une relation qui aurait pu te combler parce que tu as préféré ne pas oserplutôt que de risquer de te faire mal.

Il haussa les épaules.

— Tu as pris ta décision Rachel. Maintenant, il faut l’assumer.

Elle tremblait de rage et de déception. Cette fois, tout était vraiment fini entre eux. Ilsn’avaient plus rien à se dire. Elle partit sur-le-champ.

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14.

— Ce n’est pas juste, dit Rachel en arpentant le salon de la coquette maison de Noëlle.

Parce que monsieur vient de comprendre ce que cela faisait d’être amoureux, je devraismaintenant me plier à ses moindres désirs.

Crissy se mit à l’aise sur le canapé moelleux et but une petite gorgée de vin.

— Les hommes sont souvent égocentriques. Ils se soucient d’eux-mêmes avant tout.Carter a découvert qu’il t’aimait. Tant mieux pour lui. Mais tu ne lui as rien demandé. Tune lui as pas fait croire que cela avait de l’importance.

Rachel s’arrêta à côté de la baie vitrée et regarda son amie.

— Ça a quand même une certaine importance parce qu’il est le père de mon bébé.

Noëlle apporta des biscuits apéritifs, puis alla s’enfoncer dans un grand fauteuil, à côtédu canapé.

— Vous allez devoir m’aider à préparer le repas. Je suis tellement énorme maintenantque je suis vite fatiguée.

— Bien sûr que nous allons te donner un coup de main ! dit Crissy avec enthousiasme.

L’espace d’un instant, Rachel se demanda ce que ressentait Crissy à l’idée que ses deuxmeilleures amies étaient enceintes. Cela faisait-il resurgir en elle des sentiments deculpabilité et des regrets au sujet de l’enfant qu’elle avait abandonné ?

— De quoi parliez-vous pendant que j’étais dans la cuisine ? s’enquit Noëlle.

— Rachel en veut à Carter d’avoir réagi comme un abruti.

Rachel prit un biscuit salé.

— Ce n’est pas un abruti. Ce qui me dérange, c’est sa façon de tirer des conclusionshâtives : « Si tu refuses de m’épouser, c’est que tu dois avoir un problème. »

Noëlle soupira.

— C’est un homme blessé. Il t’aime. Quand je suis tombée amoureuse de Dev et que jene savais pas encore s’il ressentait des sentiments aussi forts envers moi, j’ai cru mourir.C’était horrible pour moi de penser qu’il ne partageait peut-être pas mes sentiments. Soisindulgente envers Carter. Cette situation est loin d’être facile pour lui. En plus, vous allezavoir un bébé ensemble et donc, être amenés à vous côtoyer tout au long de votre vie.

— Moi je ne lui trouve pas d’excuses, objecta Crissy. Ce n’est pas parce qu’il aime Rachelqu’il doit se croire permis de lui mener la vie dure parce qu’elle a refusé sa demande enmariage.

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— C’est tellement dommage que vos sentiments ne soient pas réciproques. Vous auriezpu fonder une famille ensemble, commenta Noëlle.

Rachel savait que ses amies cherchaient à lui apporter un soutien, mais elle n’appréciaitguère cette conversation.

— N’en parlons plus, je ne peux pas me forcer à l’aimer, un point c’est tout, conclut lajeune femme.

— Oui. Ne t’inquiète pas, il finira par en trouver une autre, dit doucement Noëlle.

Rachel se redressa.

— Quoi ?

— Une autre femme, répéta son amie. Maintenant qu’il a découvert qu’il était capabled’être amoureux, il va vouloir expérimenter de nouveau ce sentiment. J’espère que cettefois, il trouvera une femme qui sera aussi amoureuse de lui.

Rachel allait faire partie du club des ex de Carter. Elle serait invitée à quelques repas defamille avec d’autres ex. Elle rencontrerait sa nouvelle femme, avec qui il finirait paravoir d’autres enfants. Il se désintéresserait peut-être de son premier enfant pours’occuper de sa nouvelle famille.

— A quoi penses-tu Rachel ?

Elle ne répondit pas. Elle ne voulait pas être avec Carter, mais elle ne supportait pasl’idée qu’il soit avec une autre. Comme elle se sentait égoïste d’avoir de telles pensées !

— Pardon. Je ne me sens pas bien. Je vais partir, dit-elle en se levant.

— Tu es sûre que ça va aller ? s’inquiéta Noëlle.

— Oui, mentit Rachel. J’ai juste besoin d’être un peu seule pour réfléchir.

Une fois dans sa voiture, elle décida de ne pas rentrer chez elle. Elle erra sans but dansles rues de la ville et finit par se rendre au centre commercial. L’endroit était plein demonde, en particulier d’adolescents, en ce vendredi soir. Rachel flâna dans plusieursmagasins, sans vraiment réussir à s’intéresser aux produits ou aux vêtements en vente.Elle regardait plutôt les passants. Un jeune couple de lycéens qui s’embrassait attira sonattention. Si seulement sa jeunesse avait été aussi insouciante... Peut-être aurait-elle dûconsulter un psychologue à la suite du décès des membres de sa famille ?

Elle continua à marcher, sans même jeter un œil aux vitrines. Elle repensa à Brett, sonpremier petit ami. Il n’avait pas été surpris lorsqu’elle lui avait annoncé son intention dele quitter. Au contraire, il lui avait expliqué qu’il s’y attendait. Elle pensait ne pas avoireu d’autre choix que de rompre avec lui, mais elle prenait maintenant conscience qu’ilétait peut-être temps qu’elle cesse de fuir toutes les difficultés de la vie. Cette peur ancréeau plus profond d’elle-même allait-elle continuer encore longtemps à détruire sa vie et

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ses projets ?

Lorsque Rachel arriva chez elle, elle vit que Crissy l’attendait devant la porte.

— Je te préviens tout de suite, je suis ici pour me mêler de ce qui ne me regarde pas !lança Crissy.

Elles entrèrent dans l’appartement.

— Ecoute Rachel. Je sais que c’est ta vie et que tu es libre de prendre les décisions que tuveux.

— Mais ? questionna Rachel, soulagée d’avoir à présent quelqu’un à qui parler.

— J’ai le sentiment que tu es en train de faire une grosse erreur.

Crissy s’approcha de Rachel, mit ses mains sur ses épaules et la secoua légèrement.

— Bon sang, qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?

Rachel éclata alors en sanglots.

— Je ne sais pas. J’ai trop peur.

Crissy l’encouragea à aller s’asseoir sur le canapé et prit place à côté d’elle.

— Je suis désolée, je ne voulais pas te faire pleurer.

— Ce n’est pas ta faute. C’est moi. Je ne suis pas normale. Je suis incapable d’aimer.

Crissy lui frictionna le dos affectueusement.

— Ne dis pas de bêtises. Bien sûr que tu es normale ! Comme tout le monde, tu as desqualités et des défauts.

Rachel essuya ses larmes.

— Il est génial tu sais. C’est un homme attentionné, honnête, gentil et sexy. Il a unefamille formidable, qu’il aime de tout son cœur, réussit-elle à dire, avant de refaire coulerquelques larmes.

— Bon. Dans ce cas, j’ai presque envie d’essayer à mon tour de sortir avec cet hommeextraordinaire !

Rachel produisit un petit rire étranglé.

— Non, si tu sors avec, je risque de te détester et d’être jalouse de toi !

— Plus sérieusement, quel est le problème ? S’il est si bien que tu le dis, alors qu’est-cequi cloche ?

Rachel se redressa et réfléchit pour lui répondre en toute sincérité.

— Je n’arrive pas à l’aimer. Je n’arrive pas à lui témoigner tout l’amour qu’il aimeraitrecevoir.

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— Qu’il aimerait recevoir ou que tu aimerais lui donner ?

— Que j’aimerais lui donner, murmura Rachel.

— O.K. Et pourquoi n’y arrives-tu pas ?

Elle se raidit.

— Parce que j’ai peur de ce qui se passera après. Et s’il venait à mourir ?

Crissy cligna des yeux.

— Tu sais, nous allons tous mourir un jour. Personne n’échappe à la mort.

— Oui, mais s’il venait à mourir jeune... J’ai déjà perdu ceux que j’aimais une fois. Je nepeux plus revivre une telle épreuve.

— Je comprends. Et s’il n’allait pas mourir prochainement ?

— Que veux-tu dire ?

— Réfléchis. Il est possible qu’il vive jusqu’à cent ans. Quel âge a-t-il aujourd’hui ?Trente ans ? Dans ce cas de figure, tu auras gâché soixante-dix ans d’une vie agréable àses côtés parce que tu as eu peur qu’il ne casse sa pipe à trente-cinq ans.

— Soixante-dix ans avec lui, répéta Rachel, rêveuse.

— Et tu vois, même s’il meurt à soixante ans, ça vous laisse quand même trente ans devie commune... Combien d’années d’espérance de vie te faut-il pour que tu changesd’avis ?

Rachel s’efforça de ne plus pleurer et Crissy poursuivit son raisonnement.

— Qu’en est-il de ton bébé ? Pourras-tu réussir à l’aimer, lui, en sachant que le risque dele perdre existera également ?

Rachel toucha son ventre.

— Ecoute Rachel, je te dis tout cela pour te secouer. Je m’étais interdit de tomberamoureuse parce que je voulais me punir d’avoir abandonné mon enfant. Je me suisremise en question ces derniers jours, parce que je n’ai plus envie de m’empêcher d’êtreheureuse. Pour toi, c’est pareil : j’ai l’impression que tu pourrais être très heureuse avecCarter, et je trouve dommage que tu te prives de ce bonheur. Tu as perdu toute ta familleet c’est horrible. Mais ce qui serait encore plus horrible, c’est de continuer à vivre dans lacrainte. Ne crois-tu pas que tes parents voudraient te voir avancer dans la vie sansappréhension ? Pour le moment, tu n’es pas pleinement épanouie. Je dis cela pour tonbien, parce que je tiens à toi. Je n’ai pas envie que tu deviennes une de ces mères quiprotègent trop leurs enfants et leur interdisent tout de peur qu’ils ne se blessent.

Rachel écoutait son amie attentivement, en continuant à pleurer.

— En plus, tu n’as plus douze ans, tu es adulte maintenant. Et si un malheur venait à

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arriver, tu ne serais pas seule. Nous serions là pour te soutenir. Fais-nous confiance et aieconfiance dans ta force de caractère.

Plus tard, lorsque Crissy fut repartie, Rachel sortit une boîte de bois de son armoire. Ellen’avait pas ouvert cette boîte, qui contenait notamment des photos de ses parents et deson petit frère, depuis très longtemps. Elle y trouva aussi les alliances de ses parents, lesclés de leur maison, les boucles d’oreilles que sa mère portait le soir de l’accident, ainsique leurs passeports et la petite voiture de son frère.

Elle passa en revue les photos, qui lui rappelèrent de bons souvenirs. Que penseraientses parents d’elle aujourd’hui ? Seraient-ils fiers de leur fille ? Ils lui avaient appris quel’important n’était pas d’être le meilleur, mais de faire de son mieux.

Elle allait dès à présent faire de son mieux pour vaincre ses peurs. Elle allait cesser decraindre la mort de ses proches et d’avoir peur de ne pas être suffisamment forte pouraffronter un deuil.

Après tout, elle était forte, puisqu’elle avait déjà réussi à survivre au drame de l’accident.Elle aimait sa vie et, avec ce bébé, elle portait la vie.

Elle prit alors dans les mains une photo de ses parents.

Ils se regardaient, les yeux remplis d’amour. Elle sourit en se rappelant leur bonheur. Ilss’aimaient. Tout comme Carter l’aimait et elle se sentait bien avec lui.

Carter l’aimait. C’était l’homme le plus merveilleux qu’elle connaissait et il l’aimait !Jamais une telle chance ne se représenterait de nouveau. Jamais elle ne rencontrerait unhomme mieux que lui. Crissy avait raison. Elle commettait une grosse erreur en refusantd’être avec lui parce qu’un jour la mort les séparerait.

Elle regarda sa montre. Minuit. Trop tard pour l’appeler, pensa-t-elle. Trop tard pour...

Non. Il n’était pas trop tard ! Elle saisit son sac à main et ses clés de voiture et courutdehors. Elle n’avait plus une minute à perdre. Elle fit le trajet jusque chez lui en un tempsrecord et tambourina à sa porte.

A moitié endormi, il finit par ouvrir.

— Rachel ? Ça va ?

— Non, répondit-elle en le poussant pour passer. Cela fait trop longtemps que ça ne vapas.

Elle ne voulait pas croire que c’était trop tard. S’il l’aimait, elle réussirait à le convaincrede lui donner une nouvelle chance. Et s’il refusait... Non, elle n’envisagea même pas cettepossibilité.

— Qu’est-ce qui ne va pas ?

— J’ai laissé la peur me ronger. J’aurais sans doute dû suivre une thérapie avec un

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psychologue à la suite de l’accident de mes parents. Cela m’aurait probablement aidée.Peut-être qu’il n’est pas trop tard pour que j’entame une telle thérapie. Je ne sais pas. Entout cas, la mort de mes parents m’a vraiment beaucoup affectée. Après, j’ai toujours eupeur de m’attacher. Je me disais que si je restais indifférente aux personnes de monentourage, je ne souffrirais pas si ces personnes disparaissaient. Tu avais raison, j’étaisdistante. Crissy avait raison aussi. En fait, il n’y avait que moi qui ne me rendais pascompte que j’avais un problème.

— Rachel, ça va aller.

Elle voulait s’approcher de lui, le toucher et le serrer contre elle, mais elle se souvintqu’il s’était reculé la dernière fois qu’elle avait voulu l’embrasser. Elle devait d’abord leconvaincre qu’elle était maintenant prête à s’engager dans une relation avec lui.

— Je ne veux plus avoir de regrets. Je regrette d’avoir abandonné la danse, par exemple.J’aurais dû persévérer, même si mes professeurs m’en dissuadaient. Peut-être que j’auraispu être danseuse professionnelle. J’aime être institutrice, mais je regrette de ne pas avoirfait de mon mieux pour être danseuse.

Elle s’arrêta de parler pour reprendre sa respiration. En regardant les yeux de Carter, ellene parvint pas à savoir ce qu’il pensait. En tout cas, il l’écoutait patiemment.

— Je voulais un chien, mais une fois encore, je n’ai jamais eu le cran d’en adopter un. Jen’ai jamais osé acheter une maison non plus. J’ai toujours fait beaucoup trop attention.J’ai toujours cherché à éviter les ennuis. A vouloir tellement me protéger, je suis passée àcôté des belles choses imprévisibles, trépidantes et excitantes de la vie. J’ai même failli telaisser sortir de mon existence !

Elle s’avança d’un pas vers lui et mit une main sur son torse.

— Tu es l’homme le plus merveilleux au monde. Tu incarnes tout ce dont je peux rêver.Je me suis très mal comportée avec toi et j’en suis sincèrement navrée. Je sais que je nemérite pas une deuxième chance, mais j’espère que tu me la donneras quand même. Jesuis prête à tout pour te prouver mon amour. S’il te plaît, accepte mes excuses et donne-moi une nouvelle chance.

Elle prit une grande inspiration et lui dit enfin les quelques mots qu’elle s’étaitempêchée de prononcer depuis bien trop longtemps.

— Je t’aime Carter. Je t’adore. Je veux être avec toi, je veux avoir des enfants avec toi etvieillir à tes côtés.

Elle attendit ensuite une réaction de sa part. Il esquissa un sourire du coin des lèvres etlui ouvrit ses bras. Elle s’empressa d’aller se blottir contre lui et de le serrer aussi fort quepossible.

— Je t’aime, lui répéta-t-elle.

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— Je t’aime aussi.

— Je suis désolée d’avoir paniqué autant l’autre jour.

— Il te fallait du temps pour régler les problèmes liés à ton passé.

— Oui. Ces problèmes ne sont peut-être pas encore tout à fait résolus, mais tu pourrasm’aider maintenant.

Elle leva la tête et le regarda.

— Je veux que tu sois fier de moi. Je veux que tu puisses me faire confiance. Je veux terendre heureux.

— Tu me rends déjà heureux.

Ils s’embrassèrent et elle ressentit la force immense de leur amour.

— J’ai quelque chose qui t’appartient, lui murmura-t-il.

— Quoi ?

Il tourna la tête sur la gauche. Elle suivit son regard et vit le petit écrin violet posé sur latable basse.

— Rachel, veux-tu m’épouser ?

— Oui ! Oui ! Oui ! Quand ? Aujourd’hui ? Demain ?

Nous ne sommes pas obligés de faire un grand mariage avec un tas de préparatifs.

— Si, nous allons faire une grande fête en notre honneur.

Elle sourit.

— Tu es l’homme de ma vie.