Mu'Tazilisme Et Optimum (Al-Aslah) (1)ddddddddddddddddddddddddddddddddddd

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    Maisonneuve & Larose

    Mu 'tazilisme et Optimum (al-ala)Author(s): Robert BrunschvigReviewed work(s):Source: Studia Islamica, No. 39 (1974), pp. 5-23Published by: Maisonneuve & LaroseStable URL: http://www.jstor.org/stable/1595269.Accessed: 01/03/2012 02:45

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    MU'TAZTTTSMET OPTIMUM(al-aslah)

    L'un des problemes majeurs de la pensee mu'tazilite est latheodicee, au sens leibnizien. Dans l'Islam sunnite, la subor-dination originelle et absolue des valeurs ethiques a la toutepuissance et a la volonte souveraine de Dieu minimise ousupprime, dans l'esprit des Croyants, le bien-fonde d'uneinterrogation sur la justice divine dans ses rapports avec l'universcree. La theologie mu'tazilite, par contre, en vertu meme de satendance rationalisante vers une ethique de base a priori,fait nattre et alimente le besoin d'eclaircissements ou de discus-sions sur ce point; de ce nombre est l'affirmation controverseede la nature optimale du monde cree. A cote de multiplesdeveloppements sur le mal et sur les souffrances des creatures (1),qu'il s'agit necessairement dans cette perspective de biencomprendre pour les justifier, l'idee de la nature optimaledu monde cree est avancee de bonne heure au sein de l'ecole;mais des nuances sont vite apparues, et des controverses plusgraves ont surgi, quant aux implications, voire a l'extension dece concept. Que nous enseignent a ce sujet les informationsque nous pouvons juger les plus valables sur le mu'tazilismeancien et classique (du Ixe au XIe siecle) ?On peut correctement partir, en tant que doctrine mu'tazilite

    (1) Voir notamment G. Vajda, dans Oriens 1962, pp. 76-85, et dans Revue deseItudes juives 1972, pp. 288-305; et 'A. Badawi, Histoire de la philosophie en Islam,Paris, 1972, t. I, Les Philosophes theologiens, passim.

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    ROBERT BRUNSCHVIGelaboree, des positions prises par les deux grands maitresAbiu 1-Hudail al-'Allaf et Ibrdhim an-Nazzam, natifs de Basra,puis habitants de Bagdad, morts tous deux ages (le premierquasi-centenaire) vers 840 et 845. L'epoque de leur plenitudeest celle ofu la philosophie grecque commence a etre connue enIslam et a y exercer son influence, celle aussi oh le mu'tazilismebeneficie momentanement de la faveur des califes 'abbasides.Des le debut de cette mise en forme methodique, et en depit del'adhesion commune a quelques grands principes fondamentaux,des divergences apparaissent et s'affirment, par ecrit aussi bienque verbalement, entre docteurs apparentes. C'est ainsi quedans le secteur qui nous occupe Abfu 1-Hudail et an-Nazzamsont assez proches l'un de l'autre, mais leurs solutions ne seconfondent pas. A travers principalement les Maqdalt al-IsldmiyyTn d'al-As'ari (m. en 935), qui demeurent une sourceparticulierement pertinente et suire,nous mesureronsce que leurenseignement a d'identique ou de discordant.Abu l-Hudail professait que ula faveur (lu f) dont Dieu apouvoir (yaqdiru 'alaih) comporte une limite, un tout, unetotalite (gdya wa-kull wa-jam') ; il n'est rien de meilleur(aslah) que ce que Dieu a fait (1). Luff peut se rendre par, faveur, bonte, grace >, a condition de ne pas donner a cedernier vocable son sens chretien. Aslah est le terme techniqueexprimant le plus communement la notion autour de laquellenous allons voir s'instituer et s'etoffer le debat : la traductioncommode (le) meilleur)> peche par manque de precision;le salah est le bon etat, la qualite de ce qui est juste et bienapproprie, et le sdlih - elatif aslah - est ce qui en est pourvu.II faut done entendre par la formule qui precede que Dieua fait ce qu'il y a de plus juste, de plus approprie et qu'II nepeut agir (envers Ses creatures) plus favorablement qu'llne fait. Insistance est mise d'ailleurs sur cet optimum qui doitqualifier l'action divine : Dieu a cree le monde par un actedesinteresse, par (hikma); II ne veut que le biendes creatures et I1 n'est point , parcimonieux> (bahrl). II estdone impensable qu'I1 delaisse l'aslah pour ce qui lui serait

    (1) AS'ari, Maqaldt, 6d. Istanbul, 1929-30, p. 576.

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    MUtTAZILISME ET OPTIMUMinferieur. Mais est-ce a dire qu'Il ne le puisse pas et qu'Il nepourrait pas non plus lui preferer quelque chose d'(mill) a ce qu'Il realise effectivement ? Nullement, car ce seraitLe taxer d', impuissance > ('ujz). I1 est bien evident qu'Abu1-Hudail, par cette distinction entre le reel et le possible, veutsauvegarder la toute-puissance divine, dogme fondamental.C'est dans le meme esprit qu'il reconnalt a Dieu le pouvoir decommettre l'Finjustice> (zulm, jaur) tout en proclamantimpensable (muhdl) qu'Il en use, a cause de Sa sagesse et deSa bonte (rahma), et parce que cela denoterait en Lui uneimperfection (naqs) (1). Et cependant, n'avons-nous pas relevedans la direction opposee, non plus celle qui va vers le bas,mais celle qui irait vers le haut, une limitation a ce pouvoirceleste, au niveau meme de cet aslah voulu et realise par Dieu ?Nous touchons ici a un point tres sensible, qui merite d'etreexamine de plus pres.De tres bonne heure, dans le sein de l'ecole, malgre l'adhesionde certains confreres (2), des critiques n'ont pas manque desurgir a l'encontre de cette sorte de contradiction et surtoutde cette atteinte apparente a la toute-puissance de Dieu.Car Abu 1-Hudail aggravait son cas en professant, plus large-ment encore, que loutes choses que Dieu sait (ma'liimdl) ouque Dieu peut (maqdurad)constituent ( un tout, un ensemble ,(kull wa-jam'), et comportent un #terme , (gaya) impossiblea depasser (3). L'ex- et anti-mu'tazilite Ibn ar-Rawandi (findu Ixe siecle) lui en a tout naturellement, apres d'autres, faitgrief; et, pour ne citer que deux autres anti-mu'tazilites fameux,les heresiographes 'Abdalqahir al-Bagdadi (m. en 1038) et IbnHazm (m. en 1064) se sont plu a leur tour a d6noncer pareilledoctrine comme aberrante et scandaleuse : ce dernier notamments'indigne de ce que Dieu y soit considere comme ayant en theorieplus de pouvoir pour le pire que pour le meilleur (4). Maisla defense d'Ab l1-Hudailqu'al-Hayyat presente (au debut du

    (1) A,'ari, Maqaldt, pp. 200, 249, 555-6, 576-7.(2) A3'ari, Maqaldt, p. 576, emploie le pluriel.(3) Ag'ari, Maqaldt, pp. 163, 249, 485.(4) Bagdadi, Farq, 6d. Caire 1948, pp. 73-74; Ibn Ijazm, Figal, 6d. Caire 1317-21 h., IV, 193.

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    ROBERT BRUNSCHVIGxe siecle) dans sa refutation d'Ibn ar-Rawandi nous aiguillevers une plus exacte comprehension de la these attaquee.(Abi l-Hudail, proteste-t-il, n'a jamais dit que Dieu soitlimite en science et en puissance; car il disait que la science deDieu esl Dieu; or, Dieu, d'apres lui, n'a ni fin ni limite (Ogya,nihdya) >(1) ; et encore : 2). Cette identification desattributs divins, tels que science, puissance et vie, avec l'Ptredivin lui-meme est en effet rapportee de notre docteur dans lesMaqaldt, a plusieurs reprises, de la maniere la plus expresse,non sans soulever comme objection que la science et la puissancede Dieu se confondraient alors, puisque l'une et l'autre seraientidentiques a Dieu. Et al-As'ari (serait-ce une glose posterieure ?l'hypothese ne s'impose pas) note au passage qu'est emprunteea Aristote l'idee d'apres laquelle l'Etre supreme ne ferait qu'unavec tous et chacun de ses attributs (3). Mais attention Abul-Hudail, precise al-Hayyat, n'entendait pas dire que Dieuest science et puissance, pas plus qu'il ne serait permis de direqu'Il est visage sous pretexte que le visage de Dieu, dans lelangage coranique, signifie Dieu: c'est seulement la sciencede Dieu ), qui s'identifient a Lui, etnon (science ) ou ( puissance > tout court (4). Ou se situe donc,dans ce contexte, la finitude ci-dessus evoquee ?Elle est au niveau, non point de Dieu eternel ni de Ses attri-buts, donnes comme synonymes de Son ltre, mais des chosescontingentes et creees (muhdaldt). Ce sont elles qui, formeesde parties denombrables contrairement a l'lRtreeternel, consti-

    (1) Kitab al-lntisar, 6d. trad. Nader, Beyrouth 1957, ? 70.(2) Ibid., ? 80.(3) AM'ari,Maqalat, pp. 484-485; cf. aussi pp. 165, 177, 188. Pour ce qui estd'Aristote, voir notamment sa Mdtaphysique, A, 7, 1072 b; et une traductionarabe ancienne (Ixe siecle) apud 'A. Badawi, Aristu 'ind al-'Arab, Beyrouth 1947,p. 6.(4) Intisdr, ? 48. Cf., [de 1'6cole de] 'Abdaljabbar, Sarh al-usul al-hamsa, ed.Caire 1965, pp. 182-183.

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    MU TAZILISME ET OPTIMUMtuent par la-meme necessairement ( un tout, un ensemble,)(kull wa-jam ') et comportent un ( terme ) (gaya) oi se limitentla ( science ) ('ilm) et la ( puissance ) (qudra) a leur egard (1):c'est dans ce sens qu'il faut comprendre la finitude, non point aproprement parler de ni de

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    ROBERT BRUNSCHVIGAn-Nazzam, suivi par d'autres mu'tazilites eminents tels queses disciples directs 'Ali al-Uswari et al-Jahiz, professait luiaussi que Dieu fait toujours ( le meilleur ) (al-aslah) pour Sescreatures. Mais, sur le plan du possible, sa fagon de voir s'ecarteen une certaine mesure de celle d'Abui 1-Hudail. II refuse ainsi

    de laisser dire que Dieu est qualifie de pouvoir pratiquer l'injus-tice ou le mensonge ou faire moins bien qu'Il ne fait : ce seraitdeja en Lui une ( imperfection ) (naqs), tandis qu'Abu 1-Hudailne situe cette imperfection que dans l'eventualite irreelle ouen fail pareil acte se produirait. Pour an-Nazzam, injusticeet mensonge ne sauraient etre commis, dans le principe meme,que par un etre ( deficient ) (duadfa), interesse ou ignorant,defauts qui sont la marque des creatures et dont il est inadmissi-ble d'affecter Dieu. Ibn Hazm, plus tard, ironisera sur cettesorte de reduction de la puissance divine : les hommes, quipeuvent commettre l'injustice et faire le mal, auraient-ils doncplus de pouvoir que Dieu ? (1). An-Nazzam, d'autre part,repousse l'idee ch6re a Abu 1-Hudail que la faveur (lulf) dontDieu dispose comporterait un (terme ) (gaya) et constitueraitun ( tout ) (kull); pas de finitude de ce genre. C'est dans unecomplete liberte, sans limitation aucune, que Dieu , choisit )(muhtdr) ses actes justes entre une infinite possible d'

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    MU TAZILISME ET OPTIMUMun ensemble fini, ils s'ecartent de sa doctrine, comme de celled'an-Nazzam, sur le pouvoir de Dieu de faire

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    ROBERT BRUNSCHVIGci-dessus, etait accompagnee d'ordinaire d'interpr6tations varia-bles dont certaines risquaient de parattre porter atteinte aupouvoir divin.N'est pas tout a fait claire a nos yeux la position demu'tazilites anciens tels que Bisr b. al-Mu'tamir (m. vers 835),dont on affirme qu'il s'est rallie aux (lutf) telle qu'Il pourraitfaire que soit croyant librement (tau'an) celui dont II saitqu'il n'aura pas la foi; et, dans cette hypothese, la recompensemeritee serait la meme que sans une pareille intervention;mais Dieu n'y est pas oblige. Etant donne Son pouvoir infinide salah, il est inconcevable qu'I1 soit tenu de faire en tout pourSes creatures l'optimum (aslah al-asyd') ; il suffit qu'Il leurassure les conditions favorables (salah ; autre texte : aslah) pourl'exercice de leurs devoirs religieux. Bisr aurait, par la suite,renonce a sa doctrine sur la potentialite illimitee de la gracedivine, et adhere a celle de l'aslah reel en toutes choses, qued'autres membres de l'ecole professaient (1). - Une palinodiedu meme ordre nous est rapportee d'un autre mu'tazilite dumeme temps, Ja'far b. Harb (m. en 850), qui aurait egalementprofesse d'abord que par Sa grace Dieu a virtuellement pouvoirde faire que croie librement (ihliydran) celui dont I1 sait qu'iln'aura pas la foi; mais le merite du croyant en serait, contrel'avis de Bisr, amoindri. Ja'far devait lui aussi reviser sa concep-tion du luff et sans doute, en consequence, son idee de l'aslah (2).

    De toute fagon, al-As'ari nous assure que la plupart desmu'tazilites ont borne a la vie ethico-religieuse des creaturesl'aslah divin. Selon eux, Dieu peut a l'infini les

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    MU TAZILISME ET OPTIMUM

    plan: Abu 'Ali al-Jubba'i (m. en 915), son fils Abui Hasim(m. en 933), et un peu plus tard, dans leur sillage, le cadi'Abdaljabbar (m. age en 1025). Abu 'All, nous dit encoreal-As'ari, tout en reprenant a son compte l'aslah en matiereethico-religieuse et l'elimination du lulf divin s'agissant del'homme dont Dieu sait qu'il ne croira pas, admet que Dieupourrait agir dans certains cas envers les creatures de tellemaniere qu'augmenteraient leur obeissance et leur recompense,mais II n'y est aucunement oblige (1). C'est bien, au demeurant,autour de cette notion d'( obligation # (wujuib) que s'enroulel'essentiel des discussions theologiques longues, subtiles etserrees, que nous presente sur l'aslah, en evoquant tres souventles noms d'Abu 'All et d'Abu Hasim, le MugnT de 'Abdal-jabbar (2). La polemique y est, venant d'eux, en faveur dela limitation aux exigences ethico-religieuses, contre l'extensionde l'aslah divin a toutes choses. 'Abdaljabbar specifie a plusieursreprises qu'il s'agit avant tout de s'entendre sur le sens desmots, et il attribue expressement le desaccord ici etudie a desdivergences portant sur le concept d'obligation (3). Quellesignification exacte ont donc pour lui les termes wajib-wujiubet aslah, que nous traduisons par ( obligatoire-obligation )et par (optimum ) ?Les developpements pousses qu'il consacre au wajib, sur leplan ethico-theologique, viennent a l'appui de la definition(hadd) qu'il en donne et des consequences qu'il veut en deduirelogiquement : L'acte (moralement) obligatoire est celui dont lanon-execution ( meriterait le blame (yastahiqqu d-damm) entant qu'( (zulm). C'est le contraire de l'acte ( mauvais(qabth), dont l'execution merite le blame; mais ce n'est pointtout a fait synonyme de l'acte ( bon> (hasan), lequel ne meritepas necessairement le blame si on ne le fait pas (4). A partir

    (1) As'ari, Maqdalt, pp. 247-8, 575 (bas).(2) T. XIV, principalement pp. 7 a 149; d'ou quelques notations chez'Abdalkarim 'Utman, Na;ariyyat at-taklif, Beyrouth 1971, pp. 404-406. - Lestomes imprim6s du Mugni ont ate 6dit6s au Caire a partir de 1960.(3) Voir notamment Mugni, XIV, 23.(4) Notamment Mugnv, VI (1), 8, 43, XIV, 7-8, 12. L'obligatoire ne se d6flnitpas non plus exactement par ce qui merite recompense (tawdb); p. ex. Mugni,XIV, 30-33. - Sur l'obligation dans la doctrine de 'Abdaljabbar, on peut lire debonnes pages chez G. F. Hourani, Islamic Rationalism, Oxford 1971, ? 35-37.

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    ROBERT BRUNSCHVIGde la, l'interpretation est tres stricte, soit pour exclure ce quiparait deborder cette definition, soit pour y inclure tout cequ'elle englobe formellement. Tel est en effet le double caractered'une definition parfaite - ce qui correspondrait au jdmi'mani' des logiciens -. II faut s'y tenir si l'on s'attache au

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    MU TAZILISME ET OPTIMUMde meme les actes par les wujuh >; et les deux termes sontdeclares synonymes expressement (1). Ces ( aspects > de l'obli-gatoire, toujours susceptibles d'etre < ntelliges > (ma'qula), ontune fonction primordiale sur le plan epistemologique : la condi-tion necessaire et suffisante, pour affirmer l'obligation, tantchez Dieu que chez l'homme, est que soit bien pose et connuson wajh, l'aspect qui justifie rationnellement l'obligation.Mais le wajh n'est point necessairement le ( motif reel determi-nant > ('illa), pas plus, du reste, que l'obligation n'a pour causeveritable 1'.Salah et naf' sont pour lui parfaitement synonymes:( deux termes, dit-il pour un meme sens ); et il definit naf'comme ce qui aboutit, directement ou indirectement, a procurerplaisir et joie. II ecarte, a l'aide d'exemples, l'equivalence desalah avec sawab ou hasan ou hikma, lesquels connotent ce quiest ( convenable, bon, sage >; et il ne repousse pas l'hypothesed'un salah - evidemment non-obligatoire pour qui que ce soit(nous avons vu la definition de l'obligation), et en outre inadmis-sible venant de Dieu - qui comporterait une part de ( mauvais #(qablh) (3). L'aslah est done bien ce qui doit le plus tournera l'avantage, mener le mieux a un agrement terminal; mais,comme acte de Dieu, a l'avantage de qui ? Comment et dansquelle mesure Dieu en a-t-il l'obligation ?Tous les actes de Dieu ont la qualite d'etre

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    ROBERT BRUNSCHVIGpouvant s'appliquer par metaphore (majaz) a ce qui Lui estobligation (1). C'est, de toute fagon, uniquement par rapportaux creatures que se situe le caractere benefique des actesdivins. Mais, pour 'Abdaljabbar comme pour ses predecesseursdans la meme ligne, Dieu n'est pas tenu, bien qu'I1 en ait lapossibilite infinie, de faire tout ce qui serait naf' ou salah, nipar consequent ce qui serait aslah en toutes choses : (pouvoir )n'est pas . Un argument remontant a Abu 'Ali etAbi Hasim, est mis au service de cette these : semblable obli-gation n'incombant pas toujours aux hommes, alors memequ'ils ont la faculte de le faire, il serait incorrect de l'attribuera Dieu (2) : argument etrange, au premier abord, en Islam,qu'une analogie de l'Etre divin a Ses creatures Mais rappelons-nous que la definition de l'obligation rapportee ci-dessus assignea celle-ci une nature identique quel que soit l'agent, homme ouDieu; la notion de blame merite en cas de non-execution enest le critere, et ce critere, qui vaut pour l'homme, vaut pourDieu.II faut done se demander, afin de cerner l'aslah qui s'impose aDieu, ce a propos de quoi I1 serait blamable de ne point fairel'optimum. Dans le langage de 'Abdaljabbar, dont il reconnaitla (istildh) sur ce point, le terme seveut lie aux actes de Dieu les plus propices a la realisation deSes commandements. L'enumeration qu'il en donne, et qu'il luiarrive de declarer exhaustive, comprend : le fait de (lamkTn)ou de ( faciliter par la grace ) (ilalf) l'accom-plissement des devoirs qu'Il impose (taklTf),le fait aussi d'accor-der une recompense (lawdb) a qui la merite et de justes compen-sations (awdad)pour les souffrancessubies [sans motif prealable].De ces actes, les uns sont obligatoires e6troitement (mudayyaqfih) : telles la plupart des graces qui aident l'individu responsablea satisfaire a un devoir precis; les autres sont obligatoires

    (1) MugnT, VI (1), 3 et suiv., 34, XI, 61 et suiv., XIV, 15, 53-54, of toutefoisune nuance intervient entre le simple husn et le lafaddul. Cf. aussi, redig6 par sondisciple Ibn Mattawaith, Kitdb al-majmi' fi-I muht bi-t-taklif, 6d. Beyrouth 1965,pp. 262-264. Avant eux, concernant l'ensemble des mu'tazilites, A?'ari, Maqdlat,p. 251, et Intisdr, ? 13 et 76.(2) Mugnc, XIV, 15, 61, 67, 72, 78-9, 95, 103.

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    MU TAZILISME ET OPTIMUM (muhayyar fih) : telle la recompense due,qui peut prendre des formes variees. L'obligation ainsi comprise,notons-le, n'est pas initiale : de meme qu'elle n'existe qu'apresle merite ou la souffrance du beneficiaire, elle n'intervient dememe, notre auteur y insiste, que consequemment, t non ante-rieurement ou concomitamment au taklf (1). En derniereanalyse, qu'est-ce qui la fait connaitre, la pose, la justifie ?Ce n'est point, nous assure-t-on, comme le voudrait une opinioncontraire, la consideration de ce que les actes divins ainsiobligatoires comportent de coloration benefique ou de conse-quence heureuse (plusieurs sont enoncees), mais simplement,comme pour les imperatifs moraux de l'homme, la saisie deleurs (wujah ma'qula) : il n'enva pas autrement pour eux que pour l'obligation, sur le planhumain, de rendre le dep6t, de payer sa dette, de marquer sareconnaissance pour un bienfait. Si Dieu ne recompensait pasles Prophetes et les Croyants, II serait blamable comme l'un denous qui ne restituerait pas le depot a lui confie (2). L'exigenceethique est ainsi fondamentalement du meme ordre, en depitd'objets et de modes d'application evidemment tres distincts,pour Dieu que pour Ses creatures : cette conviction jouera unrole dans l'argumentation polemique qu'il nous reste a examiner.Au nombre et presque en tete des objections de base que'Abdaljabbar met dans la bouche des ashab al-aslah, adversairesmu'tazilites de sa propre doctrine, figure l'accusation de presen-ter Dieu comme (parcimonieux , (bahll), et done blamable,s'I1 ne fait 1'(optimum > (aslah) dans tous les domaines. A quoiil est repondu : Comme Dieu peut plus que cet aslah en vertude Son pouvoir infini -, Il serait toujours necessairementbahll de ne pas faire davantage D'ou la replique: Ce queDieu peut [sans le faire] n'est pas aslah. Elle est repousseecomme petition de principe par 'Abdaljabbar; et il s'efforceensuite longuement de demontrer les limites correctes d'emploidu concept de bahll (3). Dans la meme direction, il refutel'argument du Abu l-Qasim al-Balhi, qui avait

    (1) Mugni, VI (1), 46, XIV, 13-14, 18, 37, 53-54, 100.(2) Mugnl, XIV, 13, 22-23, 54.(3) Mugnl, XIV, 47-53.

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    ROBERT BRUNSCHVIGpretendu prouver l'obligation de l'aslah divin en tous domainespar l'obligation morale du riche d'etre genereux envers sonvoisin depourvu (1); les docteurs , basriens repliquent quele terme

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    MU TAZILISME ET OPTIMUM

    toujours ou

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    ROBERT BRUNSCHVIGrestreinte - de l'aslah a necessite la justification, par subor-dination indispensable a l'optimum supreme, de ce qui faitfigure, dans la realite, de lui etre etranger ou contraire. Unrapprochement n'est pas interdit avec les stoiciens antiques,lesquels estimaient deja, d'ailleurs, - prefiguration ou modelede nos mu'tazilites ? - que les evenements exterieurs sont lesplus conformes qu'ils puissent etre aux interets de l'homme.Chrysippe, l'un d'entre eux, declarait que le mal n'est pas inutilepour l'ensemble; car sans lui il n'y aurait pas de bien; noussommes comme nous sommes suivant l'economie du tout (1).L'optimisme d'un saint Augustin s'est exprime dans le memesens: tout ce qui est, est bon ; la justice divine a fait que nonseulement toutes choses soient, mais qu'elles ne puissent etremeilleures; Dieu a juge plus grand et meilleur de se servir desmechants pour le bien que de ne tolerer aucun mal; les chosessuperieures valent mieux que les inferieures, mais le tout vautmieux que les choses superieures seules (2).L'Islam majoritaire classique, comme il est bien connu, arefuse d'enteriner toute doctrine de l'aslah. Meme l'independantIbn Hazm de Cordoue (m. en 1064) consacre a le combattred'assez nombreuses pages de son Kitab al-Fisal. II denonce enpassant le recours de mu'tazilites ( bagdadiens >)a leur adageque

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    MU TAZILISME ET OPTIMUMIbn Hazm s'elevera contre l'idee que Dieu fait les choses dans1'F nteret , (masalih) des hommes (1).

    L'as'arisme, quant a lui, des le depart vers l'an 900, en lapersonne de son fondateur eponyme, s'etait tres nettementoppose l'obligation de l'aslah, en la stigmatisant comme uneatteinte grave a la toute puissance et a la liberte totale de Dieu.L'un de ses principaux representants au siecle de son pleinepanouissement, al-Juwaini Imam al-Haramain (m. en 1085),maltre de l'illustre 6azali, a compose tout un chapitre de sonIrsdd pour critiquer systematiquement les mu'tazilites,

  • 7/22/2019 Mu'Tazilisme Et Optimum (Al-Aslah) (1)ddddddddddddddddddddddddddddddddddd

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    ROBERT BRUNSCHVIGpas reussi a convaincre le plus grand nombre des docteursde l'Islam, du moins sa methodologie polemique et discursiveetait-elle devenue familiere aux principaux d'entre eux.Par-dela les siecles, dans l'Occident chretien des tempsmodernes, la these de l'optimum, avec ses nuances inevitables,resurgira. Malebranche, constatant que le desordre existe dansdes parties de l'univers, mais soutenant que Dieu a voulu fairel'ouvrage le meilleur possible, en conclura que le monde le plusparfait possible implique du desordre (1). Mais c'est surtout,evidemment, Leibniz, partisan acharne du

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    MU TAZILISME ET OPTIMUM 23Les ashdb al-aslah n'auraient point sans doute desavouetelle ou telle de ces assertions. Sans vouloir forcer les similitudes,sans suggerer, a plus forte raison, que les definitions ou lesconcepts se recouvrent exactement, il convient, dirons-nous,d'accorder aux mu'tazilites une juste place parmi ceux qui,au cours de l'histoire, ont cru pouvoir, a des titres ou a desdegres divers, et dans des contextes assez differents, attribuera notre monde le qualificatif d'optimum.

    Robert BRUNSCHVIG(Paris)