Mouvements de mentalisation-démentalisation, présence de l'analyste et processus de somatisation

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MOUVEMENTS DE MENTALISATION-DÉMENTALISATION, PRÉSENCE DE L'ANALYSTE ET PROCESSUS DE SOMATISATION Jacques Press P.U.F. | Revue française de psychosomatique 2001/1 - no 19 pages 39 à 55 ISSN 1164-4796 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychosomatique-2001-1-page-39.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Press Jacques, « Mouvements de mentalisation-démentalisation, présence de l'analyste et processus de somatisation », Revue française de psychosomatique, 2001/1 no 19, p. 39-55. DOI : 10.3917/rfps.019.0039 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 129.8.242.67 - 16/04/2013 13h15. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 129.8.242.67 - 16/04/2013 13h15. © P.U.F.

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MOUVEMENTS DE MENTALISATION-DÉMENTALISATION,PRÉSENCE DE L'ANALYSTE ET PROCESSUS DE SOMATISATION Jacques Press P.U.F. | Revue française de psychosomatique 2001/1 - no 19pages 39 à 55

ISSN 1164-4796

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Press Jacques, « Mouvements de mentalisation-démentalisation, présence de l'analyste et processus de

somatisation »,

Revue française de psychosomatique, 2001/1 no 19, p. 39-55. DOI : 10.3917/rfps.019.0039

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JACQUES PRESS

Mouvements de mentalisation-démentalisation, présence de l’analyste et processus de somatisation

Cet article se divise en deux parties, apparemment très différentesl’une de l’autre, mais en fait étroitement liées. La première aborderaquelques éléments concernant les rapports entre mouvements de menta-lisation et de démentalisation en les envisageant du point de vue du jeutransfert-contre-transfert. Dans la seconde, j’émettrai quelques hypo-thèses sur les rapports entre force et sens en psychosomatique. Tout aulong de ma réflexion, je ferai appel aux apports de deux auteurs dont lestravaux permettent d’enrichir la réflexion théorique et clinique en psy-chosomatique : S. Ferenczi et D. W. Winnicott.

Une première question se fait immédiatement jour. Ces situations nesont-elles pas précisément caractérisées par un défaut de transfert au sensclassique du terme? Mais peut-être vaut-il la peine de considérer que cenon-transfert et ses variations sont justement ce qui fait sens. Elles nousinterrogent sur ce que masque en nous notre défaut de mobilisation contre-transférentielle, parfois notre ennui, presque toujours notre perplexité, denous trouver face à un individu apparemment aussi imperméable et peuintéressé à ce que nous, analystes, privilégions de manière aussi intensepour de bonnes et de moins bonnes raisons : le fonctionnement mental.

De ce point de vue, plusieurs questions se posent.D’abord, cette non-communication, cette « relation blanche », n’a-

t-elle pas une « valeur » pour la personne qui l’utilise avec tant deconstance ? Je mets le mot « valeur » entre guillemets, tant elle paraît peuéprouvée comme telle par le sujet qui y recourt. Il serait sans doute plusexact d’écrire qu’elle renvoie à une non-communication dans l’histoiredu sujet, qu’elle constitue un mode d’adaptation à celle-ci, érigé ensuiteen mode relationnel.

Par ailleurs, comment comprendre la sidération du fonctionnementde l’analyste, sidération sans doute à l’origine de l’extraordinaire travail

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de pensée d’auteurs tels que Pierre Marty et Michel Fain ? Le mouve-ment théorisant face à une telle extinction ne comporte-t-il pas nécessai-rement chez l’analyste un élément d’affirmation de ce que cetteextinction nie et ébranle dans notre fondement identitaire, à savoir,comme je viens de le dire, notre passion pour le fonctionnement mental ?

Enfin, chacun aura remarqué dans son expérience personnelle quel’appauvrissement du fonctionnement mental, qui connote la démentali-sation, varie au cours du temps de la psychothérapie et à l’intérieurd’une même séance. Comment comprendre ces variations ? Peut-on lesenvisager aussi comme reliées à des variations dans le fonctionnement del’analyste en séance ? Correspondraient-elles à des mouvements de men-talisation et de démentalisation a minima chez celui-ci et ne serait-il alorspas justifié de les considérer comme faisant partie intégrante du jeutransfert-contre-transfert dans ces cas ?

On est ainsi amené à envisager la démentalisation sous deux aspectsplus complémentaires que contradictoires.

Le premier est celui d’un effacement des défenses mentales.Cette approche a fait la preuve de sa valeur heuristique tant sur le

plan clinique que sur le plan théorique. Sur le plan clinique, elle a per-mis de mettre en place une véritable nosologie psychosomatique. Sur leplan théorique, elle a entraîné une pléiade de travaux importants centrésautour de la question du fonctionnement mental, de la naissance et desaléas du fonctionnement représentatif et de pensée. Elle va également depair avec un approfondissement des notions de traumatisme et dedésexualisation telles que Freud les a développées, en particulier dans« Au-delà du principe de plaisir », ainsi qu’avec une reprise de laréflexion sur les névroses actuelles et sur la question de l’analysabilité.

Par ailleurs, la notion de démentalisation concerne des patients nepouvant entrer pour différentes raisons dans le cadre analytique clas-sique. Les formulations théoriques rendant compte de la possibilité d’ins-taller un cadre analytique viennent de plusieurs côtés. On pense enparticulier aux travaux fondamentaux de Michel Fain, ainsi qu’à ceuxd’André Green sur le négatif.

Quoi qu’il en soit, on a ainsi été amené à définir la démentalisation enfonction du cadre analytique et de la négativité qu’il implique. Lespatients somatisants, on le sait, éprouvent de grandes difficultés à s’in-tégrer dans un tel cadre. C’est en conséquence de ce que révèle cette dif-ficulté qui parfois confine à l’impossibilité que Pierre Marty est amené àles considérer comme relevant d’un défaut structurel fondamental de

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leur organisation psychosomatique, défaut touchant leur narcissismeprimaire (Smadja, 1998). C’est cette difficulté qui les définit par la néga-tive : ils n’entrent pas dans le cadre analytique, il leur manque quelquechose qui leur permette de s’y intégrer.

MENTALISATION, COUPLE TRAUMA-CLIVAGE ET QUALITÉ

DE LA PRÉSENCE DE L’ANALYSTE

On peut toutefois poser la question différemment, sans pour autantmettre en cause un en-deçà des défenses psychiques, et s’interroger nonseulement sur les carences que présentent certains patients, mais toutautant sur la nature des mécanismes mis en jeu dans la situation face àface opposée à la situation analytique classique.

Dans des travaux récents, René Roussillon met l’accent sur le fait quele dispositif en face-à-face active d’autres éléments que le dispositif divan-fauteuil, liés à des carences précoces et dont il s’agit de rendre comptesur le plan métapsychologique. Se fondant sur les travaux de Winnicott,il postule que « l’hallucination est produite en réponse à la montée detension et non en réponse au constat de l’absence de l’objet, elle est indé-pendante de la réalité de l’objet » 1. Dans cette perspective, c’est la qua-lité de la réponse de l’objet qui déterminera l’issue de la mise en place dufonctionnement hallucinatoire. Cette qualité, pour être « suffisammentbonne », doit permettre la conjonction du « trouvé » et du « créé ». Maiscela ne suffit pas : il faut aussi que l’objet se laisse détruire et survive àla destruction. La séquence « trouvé – créé – détruit – résistant à la des-truction » revêt dès lors une importance fondamentale. C’est une positionintéressante parce qu’elle conduit à une mise en question du cadre et deses déterminants – on devrait plutôt écrire des cadres et de leurs déter-minants.

Procès du cadre, alors ? Oui si l’on envisage ce terme au sens de l’exa-men critique des processus en jeu dans un cadre donné. Les auteurs quise sont intéressés explicitement ou implicitement à ce problème –Ferenczi, Winnicott et plus près de nous Roussillon – ont aussi beaucoupapporté à la compréhension des patients non névrotiques, ce qui, à l’évi-

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1. Roussillon R. (1997), « La fonction symbolisante de l’objet », in Revue française de psycha-nalyse, n° 51, Paris, PUF, p. 405.

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dence, ne relève pas du hasard. La liste que je viens d’évoquer seraitbien sûr incomplète si elle n’incluait pas Pierre Marty, qui a institué trèstôt une variation spécifique du cadre pour le traitement des patientssomatisants gravement touchés dans leur fonctionnement mental. Martyl’envisage dans la perspective évoquée plus haut : celle d’un déficit.

La question est cependant latente dans son œuvre et peut parfois êtrelue entre les lignes, par exemple lorsqu’il parle de la fonction mater-nelle. « La mère participe à un nombre considérable des fonctions dunourrisson qu’elle investit. Cet investissement (du sommeil, de la respi-ration par exemple) déborde largement le cadre des fonctions en rap-port avec les zones orificielles ou avec certaines zones sensorio-motrices…La fonction maternelle, en ce qu’elle exprime ainsi directement, sansintermédiaire mental, l’appréciation affective inconsciente des désirs etdes besoins du nourrisson, s’apparente aux sublimations. » 1 Se posealors la question des modalités actives dans ces tout premiers temps,modalités peu ou prou réactivées dans le contact avec ce type depatients, lorsque sont mises en jeu des défaillances touchant aux fonde-ments du narcissisme et de l’investissement de l’individu dans sa globa-lité psychosomatique.

Ferenczi, quant à lui, pose dans son Journal clinique2 les bases d’unenouvelle métapsychologie du clivage qui, perçue d’un point de vue psy-chosomatique, apporte un éclairage intéressant à notre réflexion.

Il envisage premièrement l’importance du « processus d’identificationcomme étape préalable à la relation d’objet… il s’agit pourtant peut-êtrede la force opératoire d’un principe de réaction d’une tout autre sorte,auquel la désignation de réaction ne convient peut-être plus du tout ;donc un état dans lequel tout acte d’autoprotection et de défense estexclu, et où toute l’influence extérieure reste à l’état d’impression, sanscontre-investissement de l’intérieur » 3. Ajoutons que pour Ferenczi, à cestade précoce, la différenciation moi-non-moi est loin d’être assurée 4. Ceserait la qualité de l’impression, de l’imprégnation, par l’objet – donc laqualité de sa présence réelle – qui serait garante de l’intégrité psychique– et j’ajouterais psychosomatique – de l’enfant.

42 Jacques Press

1. Marty P. (1980), L’ordre psychosomatique, Paris, Payot, p. 36-37.2. Ferenczi S. (1932), Journal clinique, trad. Le Coq Héron, Paris, Payot.3. Ibid., p. 209-210.4. Pour Ferenczi, comme plus tard pour Winnicott, l’enfant n’est au départ pas distinct de l’en-

vironnement. Pour expliquer la manière dont s’opère la distinction entre le moi naissant à l’envi-ronnement, Ferenczi recourt à une théorie originale de la projection. Dans sa théorisation, le moi sedégage de l’environnement par un mouvement projectif excluant le monde extérieur et délimitant unintérieur (voir p. ex. Ferenczi, 1909).

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Ferenczi développe par ailleurs une théorie originale du trauma1 :« Qu’est-ce que le trauma ? “Commotion”, réaction à une excitation exté-rieure ou intérieure sur un mode autoplastique (qui modifie le soi) plu-tôt qu’alloplastique (qui modifie l’excitation). Cette néoformation du soiest impossible sans une destruction préalable partielle ou totale, ou sansdissolution du soi précédent. Un nouveau moi ne peut être formé direc-tement à partir du moi précédent, mais à partir de fragments, produitsplus ou moins élémentaires de la décomposition de celui-ci (éclatement,atomisation). La force relative de l’excitation “ insupportable” décide dudegré et de la profondeur de la décomposition du moi. »2

Un point sur lequel Ferenczi revient à plusieurs reprises est l’impos-sibilité de recourir, dans ces états précoces, à quelque mécanisme decontre-investissement que ce soit. Sous cet angle, c’est une situation quise rapproche de ce que Freud décrit dans « Au-delà du principe de plai-sir ». Souvenons-nous que Freud distingue trois situations : l’effroi(Schreck), faisant suite à une effraction étendue du pare-excitations etassocié à la survenue d’une névrose traumatique ; l’angoisse (Angst)annonçant un danger de nature inconnue et représentant la « dernièreligne de défense du pare-excitations » ; et finalement la peur (Furcht), quiest la crainte de voir survenir un danger connu (Freud, 1920, chap. IV).La différence est évidemment qu’au stade décrit par Ferenczi, il ne peutse produire de névrose traumatique constituée vu les conditions d’im-maturité de l’appareil perceptif et psychique. Il s’agirait donc ici d’un« en-deçà » de la névrose traumatique et c’est cette exposition totalementpassive, cette impossibilité radicale de contre-investissement, quientraîne le clivage.

Ferenczi en décrit plusieurs formes cliniques. Le clivage coïncide géné-ralement avec une expulsion d’une partie du moi, le vide étant comblé parune identification à l’agresseur. La part expulsée peut prendre l’aspect dunourrisson savant, regardant le monde de façon « omnisciente » ; elle peutaussi être occupée par des rêveries à caractère généralement grandiose.Elle peut enfin revêtir un aspect désaffectivé, dépourvu de toute capacitéassociative, qui évoque pour nous le fonctionnement opératoire et anti-cipe la notion de développement prématuré du moi3.

Le trauma ferenczien, survenant dans ces stades précoces, entraînedonc une fragmentation du moi et diffère en cela des modalités de clivage

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1. Bokanowski T. (1995), « Le couple trauma-clivage dans le Journal clinique de Ferenczi », inSandor Ferenczi, Monographie de la Revue française de psychanalyse, 1933, 144, Paris, PUF.

2. Ferenczi S. (1932), ibid., p. 249.3. Ibid., p. 145.

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décrites ultérieurement par Freud. Qu’advient-il de l’excitation engen-drée par le clivage ? Une ébauche de réponse à cette question apparaîtdans certains passages du Journal. Ainsi : « En vérité, des doses gigan-tesques de quantités d’excitation sensibles, dépourvues de représenta-tions, coupées de la décharge motrice et de la pensée, sont accumuléeschez le névrosé et le psychotique. » 1

De telles formulations, appliquées au champ psychosomatique, revê-tent une grande pertinence clinique et théorique. Elles permettent derendre compte du tableau de morcellement psychique et psychosoma-tique que nous rencontrons souvent dans notre pratique, libérant uneexcitation non représentée qu’on peut postuler être la source de proces-sus de somatisation. Elles évoquent le moi en archipel (de M’Uzan), en enenrichissant la description. On voit bien que les fragments résultant d’untel processus peuvent présenter toutes sortes de modalités de fonction-nement, allant du trait de caractère aux éléments pervers en passant parle narcissisme grandiose, ces « îlots » étant en quelque sorte séparés pardes zones de fonctionnement opératoire.

La description de Ferenczi suggère toutefois que cette fragmentationne s’est pas faite au hasard et qu’il serait possible d’en reconstruire lagenèse et les conditions d’apparition à travers la cure de ces patients. Ilfaudrait ajouter qu’on pourrait avoir affaire à des modalités de clivagepsychosomatique touchant une part du psyché-soma de l’individu.

Elles entraînent aussi des conséquences sur l’attitude thérapeutique :« le narcissisme ne peut s’acquérir que si l’intérêt positif du monde envi-ronnant – disons sa libido – cautionne en quelque sorte par une pressionexterne la consistance de cette forme de personnalité. Sans une telle pres-sion en retour, disons d’amour en retour, l’individu tend à exploser, à sedissoudre dans l’univers, peut-être à mourir » 2. Et encore : « les senti-ments positifs du transfert fournissent, en quelque sorte après coup, lecontre-investissement qui n’a pu se constituer au moment du trauma »3.C’est à nouveau dans cette théorie la présence active du thérapeute quiva permettre une réduction des modalités de clivage et l’émergence d’uneactivité de pensée. Ferenczi apparaît à nouveau comme un précurseur,développant toute une série d’intuitions fondamentales, quitte à se lais-ser entraîner dans des impasses.

La question qu’il soulève nous ramène à celle de l’activité du théra-peute, de la qualité de sa présence réelle et des raisons qui la motivent.

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1. Ibid., p. 224.2. Ibid., p. 189.3. Ibid., p. 121.

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Ferenczi souligne combien l’attitude silencieuse et sur-interprétative del’analyste est ici inadéquate, associant un excès de séduction – tant nar-cissique que sexuelle – et pouvant revêtir vis-à-vis de ses patients unaspect de « délire érotomaniaque » 1. Si cette formulation n’était pas ana-chronique, on pourrait dire qu’il opère, par l’accent mis sur la respon-sabilité de l’analyste dans la perversion, les ratés ou le défaut apparentdu jeu transfert-contre-transfert, un renversement par rapport au pointde vue psychosomatique classique : anticipant la position winnicottienne,il se place, pour ainsi dire, du point de vue du patient.

Ce n’est donc pas « par défaut » qu’il se veut actif : c’est bien aucontraire qu’il considère, dans les limites théoriques qui sont celles deson époque, que c’est seulement par cette activité que l’analyste pourraavoir accès aux conditions ayant présidé au clivage originel et, dans sonoptique, y remédier. Cela implique en particulier que l’analyste par-vienne avec son patient à retrouver un état qui soit l’écho de ce stade« préalable à la relation d’objet », dans lequel s’est produit le trauma-tisme initial. Cet écho doit toutefois être crédible, présenter une relationd’homologie suffisamment forte avec la situation de carence premièrepour que, dans le meilleur des cas, quelque chose se mobilise quiimplique les fondements de l’activité non pas tant d’abord de pensée2

que d’autoperception de soi-même et du corps propre comme une totalitépsychosomatique. Ces éléments seraient sous la dépendance de ces moda-lités précoces d’imprégnation par un objet dont, paradoxalement, l’en-fant n’est pas encore différencié.

Winnicott reprendra certains de ces points de vue. Il soulignera l’im-portance que revêt la qualité de la présence réelle de l’analyste dans unethéorisation qui n’est pas, comme c’était le cas de Ferenczi, troublée parle degré de l’implication contre-transférentielle. Son article « Les aspectsmétapsychologiques et cliniques de la régression au sein de la situationanalytique » est ici fondamental3.

Winnicott y développe la notion d’une régression à la dépendance,qu’il importe de distinguer de la régression à des stades instinctuels.

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1. Ibid., p. 151.2. Si le fonctionnement de pensée ultérieur dépend étroitement de ces modalités premières, celles-

ci ne me paraissent pas relever à proprement parler d’une activité de pensée.3. Winnicott D. W. (1954), « Les aspects métapsychologiques et cliniques de la régression au sein

de la situation analytique », in De la pédiatrie à la psychanalyse, trad. J. Kalmanovitch, Paris,Payot, 1969, p. 223-230. Je laisse délibérément de côté la discussion d’un autre article essentiel deWinnicott, « La crainte de l’effondrement ». J’en ai abordé ailleurs certains aspects d’un point de vuepsychosomatique (Press, 2000).

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« Nous avons affaire non seulement à la régression jusqu’à des bons etdes mauvais stades dans les expériences instinctuelles de l’individu, maisaussi jusqu’à des bons et des mauvais stades dans l’adaptation de l’en-vironnement aux besoins du moi et aux besoins du ça dans l’histoire del’individu (…) Dans le narcissisme primaire, l’environnement maintientl’individu et en même temps l’individu ignore l’environnement et ne faitqu’un avec lui. » Et encore : « L’organisation qui donne son utilité à larégression possède une qualité distincte des autres organisations défen-sives : on y trouve l’espoir d’une occasion de dégel de la situationgelée. »1

On le sait, pour Winnicott, ce sera le rôle de l’analyste de donnercorps à cet espoir, même si ce sera nécessairement à travers et pour sescarences que le patient l’utilisera. Là encore il s’agira, écrit-il en sub-stance, de prendre en compte les besoins du patient, il ne s’agit pas dedésirs : « avec la patient régressé, le terme de désir n’est pas exact ; il faututiliser celui de besoin. Si un patient a besoin de quiétude, on ne peutrien faire hormis la lui donner » 2. Là encore, c’est la présence réelle del’analyste et sa qualité qui compteront. Cette qualité se marquera enparticulier dans sa capacité à transformer une situation de repli (voirinfra) en situation de régression – entendue comme régression à ladépendance.

Il vaut la peine de relever que si la constellation décrite par Winnicottet que je viens d’esquisser très rapidement s’applique aux patients-limites, elle ne peut souvent être transposée telle quelle aux patients quenous rencontrons dans le domaine psychosomatique. En quoi résident lesdifférences essentielles ? L’intensité du mouvement progrédient et celle del’extinction pulsionnelle chez les patients somatisants en contraste avec lasituation des patients limites constituent sans doute les traits distinctifsles plus frappants. À cela s’ajoute, même si c’est une généralisation unpeu hâtive, alors que la sexualisation est souvent massivement manifestechez les patients limites, l’aspect de faille narcissique domine fréquem-ment chez les somatisants. Il est toutefois bon de rappeler que, dans uncas comme dans l’autre, c’est régulièrement l’irruption du sexuel quidésorganise le fonctionnement mental.

C’est encore une remarque de Winnicott dans le même article qui vanous ouvrir une voie de réflexion. « Il faut beaucoup de courage pouravoir un effondrement, mais il se peut que l’autre terme de l’alternative

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1. Ibid., p. 256-257.2. Ibid., p. 261.

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soit la fuite dans la santé, condition qui est comparable à la défensemaniaque devant la dépression. » 1 Cette remarque est extrêmement pro-fonde. Mouvement progrédient, fuite dans la santé, ce que j’ai appelédans un autre article « manie essentielle » 2 recouvrent le même état dechoses et renvoient à des tableaux bien connus des psychosomaticiens.Comment pouvons-nous les comprendre dans la perspective qui est ici lanôtre ? La différence entre les patients-limites et les patients somatisantsréside peut-être à deux niveaux.

Le premier est celui de l’espoir. Comme l’écrit Winnicott et même sisa vision est quelque peu optimiste : si le patient gèle la situation decarence, c’est qu’il espère pouvoir la dégeler. C’est au fond une logiquedu désespoir. Chez les patients où domine le mouvement progrédient, iln’y a plus d’espoir : c’est une logique du non-espoir. En d’autres termes,pour désespérer, il faut d’abord avoir pu espérer, ce qui ne me paraîtpas être le cas dans cette deuxième catégorie.

Le second tient à l’alternative repli-régression. On sait que Winnicottdistingue ces deux états. Le retrait est un état où le patient est seul. « Sil’analyste se montre capable de maintenir (hold) le patient dès que cetétat (le repli) apparaît, il y a régression3, là où autrement il n’y aurait euque le repli. Une régression a l’avantage d’offrir l’occasion de corrigerune adaptation aux besoins qui a été inadéquate dans le passé… Parcontre, l’état de repli n’est pas profitable, et lorsque le malade sort del’état de repli, il n’est pas changé. » 4 J’ai souvent eu le sentiment que lespatients somatisants les plus fortement pris dans un mouvement progré-dient n’avaient même pas pu constituer de zone de repli, ce qui rend leuraccès d’autant plus difficile.

D’autres fois, ces zones existent bien, mais la logique du non-espoirest tellement dominante que la situation n’est guère plus facile à gérer. Anouveau, c’est la qualité de la présence de l’analyste qui m’a paru déter-minante dans ces cas et qui permet éventuellement d’ouvrir un espace depensée. Qualité qui implique en l’occurrence de la part de l’analystequ’il soit à même de construire quelque chose du défaut de holding et dehandling tel que l’a vécu le patient et d’en fournir une représentationverbalisée dans le transfert – fût-ce à certains moments clés une verba-lisation de ses propres défaillances.

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1. Ibid., p. 261.2. Press J. (1997), « Note sur la manie essentielle », in Revue française de psychosomatique,

n° 12, Paris, PUF.3. Entendue comme régression à la dépendance.4. Winnicott D. W. (1954b), « Repli et régression », in De la pédiatrie à la psychanalyse, trad.

J. Kalmanovitch, Paris, Payot, 1969, p. 230.

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On a fréquemment le sentiment que la maladie somatique vient obli-térer un effondrement, qu’elle surgit en quelque sorte à la place de ceteffondrement qui ne peut prendre place. Il s’agit donc à chaque foisd’évaluer « la force des bataillons en présence », pour reprendre la méta-phore guerrière de Freud dans « Analyse sans fin et analyse avec fin »,cette évaluation déterminant l’attitude thérapeutique. Celle-ci résultera,soulignons-le à nouveau, d’une part de la nature et de la qualité de larencontre entre un patient et son analyste à un moment donné de leurévolution respective, de l’autre de l’attention portée aux modalités par-ticulières du jeu transfert-contre-transfert dans ces cas.

Elle dépendra aussi de la capacité de celui-ci à tolérer et à intégrerdans son fonctionnement analytique une certaine souplesse du cadre,celle-ci ne pouvant être porteuse de sens que dans la mesure où elle estau service de, et où elle est sous-tendue par, la visée analytique élargieque représente la visée psychosomatique. La souplesse du cadre n’estainsi pas simple facilité empathique qui ouvrirait la porte à toutes lesdérives. Bien au contraire, elle implique que l’analyste ait un cadreinterne particulièrement solide qui seul lui permettra d’être actif dans laréalité de sa présence. À partir de là, certaines variations sont possibles,tant au cours des séances que dans le projet thérapeutique, celui-ci pou-vant aller de la surveillance psychothérapeutique de durée indéterminéeau passage, dans le même temps ou dans un temps ultérieur, à une cureanalytique dans un dispositif divan-fauteuil.

C’est aussi à partir de là que j’aborde brièvement quelques réflexionsconcernant les relations entre sens et force en psychosomatique,réflexions dont le contenu s’articule avec les points de vue évoqués ci-dessus.

SENS ET FORCE EN PSYCHOSOMATIQUE

Dans son livre Biologie de la conscience, G. Edelmann souligne queles découvertes récentes de la neurobiologie amènent à postuler un chan-gement de niveau qui se réalise à partir de ce qui apparaît d’abordcomme un bruit de fond et qui permet la mise en place des sauts quali-tatifs dans l’évolution. Une certaine intensité des frayages d’excitationsomatiques peut entraîner des phénomènes de connexion de qualitécroissante qui, selon Edelmann, forment la base de la conscience. C’estun point qui a des implications immédiates tant sur le plan théorique que

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sur celui de la clinique que celui de la pratique quotidienne. La notiond’un bruit de fond nécessaire à ce qu’adviennent des processus d’unniveau supérieur paraît fondamentale, on en retrouve d’ailleurs la pré-monition dans plusieurs passages de l’œuvre freudienne, comme Edel-mann le relève très justement.

Cette notion évoque par exemple la notion d’ombilic du rêve dans lathéorie freudienne, ce fond de pensées latentes qui jamais n’apparaissentdans le contenu même du rêve et pourtant sont indispensables à saconstitution. Dans un autre ordre d’idées, elle renvoie à la remarque deFreud concernant le ça, « chaos pulsionnel », et aux phénomènes qui s’ydéroulent « sous une forme inconnue de nous» et «deviendront conscientssous forme de plaisir-déplaisir » (Freud, 1939). De façon apparemmentcontradictoire, Freud écrit dans le même essai que « le ça est sous ladomination despotique du principe de plaisir-déplaisir ». La contradic-tion n’est évidemment qu’apparente. Une chose est en effet le principequi gouverne le ça, une autre est la façon dont les effets de ce principe sefont sentir au niveau de l’instance concernée. Il s’agit de deux niveaux deraisonnement différents, l’un concernant les principes fondamentaux defonctionnement, l’autre les modalités de leur réalisation.

Ce thème nous ramène aussi à Ferenczi. Son essai métabiologiqueThalassa1, sous-titré Psychanalyse des origines de la vie sexuelle, sefonde sur une réflexion psychanalytique de la fonction sexuelle. Cet essaia, on le sait, grandement intéressé Freud par l’audace de sa pensée et laprofondeur de ses réflexions. Je ne veux pas ici me livrer à une analysecritique de cette œuvre, ni me prononcer sur ses hypothèses de base2. Jevoudrais seulement souligner qu’elle contient un certain nombre d’hy-pothèses intéressantes touchant au sujet qui nous occupe ici. J’en men-tionnerai deux :– Le point de départ de la réflexion de Ferenczi est la notion d’amphi-

mixie, qu’il a élaborée à partir du traitement de patients souffrant de

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1. Ferenczi S. (1924), Thalassa, essai sur la théorie de la génitalité, in S. Ferenczi, Psychana-lyse III, trad. Le Coq Héron, Paris, Payot, 1974.

2. Ce serait un travail passionnant que de confronter le point de vue ferenczien dans Thalassaavec les développements théoriques de Pierre Marty. Comme Marty, Ferenczi procède à une extensiondes concepts psychanalytiques (refoulement, censure, traumatisme) à l’évolution des espèces et à labiologie. Un aspect critiquable de l’essai de Ferenczi est d’appliquer la notion de désir à tous lesniveaux de l’évolution, ce que Marty évite soigneusement (voir sa méfiance à l’égard de la notion delibido en psychosomatique), peut-être cependant au prix d’une certaine coupure théorique entre l’ex-citation, dépourvue de sens à ses yeux, et la libido, qui en serait, elle, chargée. Le travail de Ferenczicontient en même temps des notions qui nous permettent de dépasser cette aporie et anticipent lesdéveloppements récents de la physique et de la neurobiologie.

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troubles de l’éjaculation. Ces observations lui suggèrent que l’érotismegénital résulte de la fusion entre érotisme anal et érotisme urétral :« appelons donc amphimixie la fusion de deux ou plusieurs érotismes enune unité supérieure ». Et plus loin : « il convient même de se demandersi l’hypothèse, certes séduisante par sa simplicité, d’une seule espèced’énergie et d’une multiplicité de mécanismes ne devrait pas être rem-placée par celle d’une multiplicité des formes d’énergie »1. En d’autrestermes, s’il n’y a qu’un Eros, il pourrait revêtir des formes d’énergiedifférentes au cours de l’évolution phylogénétique et individuelle, etsurtout la fusion de deux éléments énergétiques d’un niveau inférieurcrée une nouvelle unité caractérisée par un changement, un saut sur leplan qualitatif. On voit la modernité d’une telle approche et le profitque nous pouvons en tirer tant sur le plan théorique que dans notre cli-nique.

– La notion de catastrophes successives comme moteur de l’évolution.Certes, cette notion est empruntée à Freud, mais Ferenczi lui donneune extension et une radicalité nouvelles. Elle anticipe d’ailleurs cellede changement catastrophique dans l’œuvre de Bion. Chacun de ceschangements dans le cours de l’évolution va de pair, dans la pensée deFerenczi, avec une relative désintrication pulsionnelle, nécessaire àson sens pour qu’elle puisse être secondairement utilisée par Éros dansle sens du progrès évolutif. Dans le même ordre d’idées, Ferenczi sou-tient dans un autre texte un peu plus tardif2 que la trace mnésique elle-même survient au lieu d’un traumatisme. Toute trace, que ce soit dansl’histoire de l’espèce ou dans celle de l’individu, serait ainsi biface, soninscription comprendrait à chaque fois un élément traumatiqueentraînant un certain degré de déliaison pulsionnelle et ce serait lacapacité d’Éros de tirer parti de cette déliaison qui en ferait la valeurpositive pour l’individu. De plus, tout mouvement d’adaptation à unstimulus exogène comporterait un aspect d’identification (il y aurait làune généralisation de la notion d’identification à l’agresseur) ainsiqu’un aspect d’introjection, mécanisme par lequel Ferenczi explicite lanotion freudienne selon laquelle les pulsions sont, dans l’histoire del’espèce, issues de perceptions.

Ces points de vue ont des implications importantes sur notre manièrede traiter le matériel clinique.

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1. Ferenczi S. (1924), ibid., p. 259.2. Ferenczi S. (1926), « Le problème de l’affirmation du déplaisir », in S. Ferenczi, Psychanalyse

III, op. cit.

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Prenons une maladie à caractère critique, une crise d’asthme parexemple. Celle-ci n’a pas besoin d’avoir une valeur symbolique et ceserait une erreur de l’interpréter à la manière d’un symptôme hystériqueayant valeur de compromis. En revanche, il est parfaitement justifié detraiter cette même crise comme résultant de la dégradation de la qualitéde l’excitation pulsionnelle lorsque le sujet se trouve confronté à unequantité d’excitations qui le débordent à ce moment. Le terme de dégra-dation ne fait toutefois pas pleinement justice à l’ensemble du processusdans la mesure où il ne met en évidence que le côté négatif d’une tellesituation. Le côté positif en est le rétablissement de fonctionnement à unniveau pulsionnel inférieur, ce qui nous fait retrouver dans ce cas lanotion de régression-fixation somatique de Pierre Marty, avec deux élé-ments complémentaires.

Le premier réside dans la compréhension que nous pouvons retirerdes effets du travail psychanalytique dans ce type de situations. Le pointimportant est le suivant : il ne s’agit pas bien évidemment de procéder àune reconstruction hystérique secondaire simplificatrice et sans douteinefficace autour dudit symptôme, mais il ne s’agit pas non plus simple-ment d’une relance du fonctionnement mental qui permettra au patientde revenir à son meilleur niveau antérieur possible. Ce qui est en jeu,c’est bien plus notre capacité à permettre que se déploie une motion pul-sionnelle ou un pan du fonctionnement mental précédemment bloqués àcause de la surcondensation et de la dégradation de la motion pulsion-nelle impliquée.

Pour le dire autrement : la manifestation somatique – ici à caractèrecritique – ne symbolise pas le conflit. Elle le manifeste (plutôt qu’ellel’exprime), dans une forme dégradée de la pulsion où prédomine le ver-sant somatique. La construction fantasmatique qui se fait jour permetalors réellement et pour la première fois que se déploie le conflit sous-jacent qui, jusqu’alors, n’avait pu trouver d’expression fantasmatique.

Cette façon d’envisager certaines manifestations somatiques a desconséquences sur la théorie et la clinique de la formation de la pensée. Lesymptôme physique ainsi considéré contient l’entièreté de la motion pul-sionnelle en devenir – et à venir –, mais en quelque sorte non déployée.Il n’a pas de valeur symbolique en tant que telle, mais contient poten-tiellement toutes les significations que nous pourrons ensuite faire adve-nir. La construction fantasmatique à laquelle nous aboutirons dans lemeilleur des cas constituera un déploiement et une mise en forme et ensens d’un conflit sous-jacent, non exprimé et non pensable au moment oùle patient vient nous consulter.

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Par ailleurs, la clinique montre que les modalités de fonctionnementimpliquées dans de telles constellations diffèrent des modalités névro-tiques sur plusieurs points essentiels, que je ne ferai que mentionner :leur caractère brut de motion pulsionnelle ; leur visée narcissique ; desmodes de pensée qui sont plus proches de la psychose ou qui, en tout cas,impliquent un suspens du principe de réalité – ou plus exactement unenon-décision quant à sa place, ce qui renvoie aux modalités de clivageque je rappelais plus haut ; et finalement la prédominance d’une inten-sité économique dans laquelle acte et pensée ne sont pas différenciés.L’ensemble du tableau a pour effet que la seule issue paraît résider alorsdans le rétablissement du calme, la satisfaction étant barrée pour cesmêmes raisons économiques1.

Qu’en est-il maintenant des maladies graves ? Selon le point de vuemartyien, la désorganisation psychique, puis somatique, s’installe parsuite d’une fragilité du fonctionnement préconscient réactivée à l’occa-sion d’événements traumatiques, le symptôme somatique lui-mêmeétant « bête », pour reprendre l’expression bien connue de M. deM’Uzan.

C’est ici sans doute que l’attention portée à l’aspect biface de la tracemnésique prend toute son importance. Si toute nouvelle inscription com-porte une part d’effraction, c’est la façon dont l’individu gère celle-ci quiva être déterminante pour son avenir psychosomatique. Alors que dansla maladie critique le degré de pulsionnalisation serait suffisant pour for-mer les bases d’une reprise somatique d’abord, psychique ensuite, dansles cas de maladie grave, cette base pulsionnelle, sans être nécessaire-ment absente, serait sapée par les effets négatifs des conditions dans les-quelles la trace (entendue au sens le plus large2) s’est inscrite.

C’est alors selon les cas un pan plus ou moins étendu du fonctionne-ment psychosomatique de l’individu qui est mis hors jeu, clivé du restede celui-ci au sens que j’ai développé plus haut, avec la précision sup-plémentaire qu’il s’agit véritablement ici d’un clivage somatopsychique,allant de la source de l’excitation corporelle à ce que met en jeu sa repré-sentation – ou sa négativation – nécessaire à un bon fonctionnement psy-chosomatique.

52 Jacques Press

1. Ces quelques caractéristiques ne sont mentionnées que pour mémoire. Les modalités de fonc-tionnement impliquées mériteraient un développement pour elles-mêmes et ont été abordées par plu-sieurs auteurs sous des angles différents.

2. Pour la clarté de l’exposé, je laisse ici délibérément de côté la question des différentes moda-lités d’inscription au cours de l’histoire et de la préhistoire de l’individu.

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Qu’en est-il maintenant du sens de la manifestation somatique dansune telle constellation ? On voit bien de ce qui précède que ce qui faitsens – du point de vue de l’observateur en tout cas – ce sont les condi-tions dans lesquelles quelque chose ne s’est pas produit dans l’histoire del’individu au moment où cela aurait dû être le cas. C’est le trou dans lasignification qui est significatif, et significatif de quelque chose d’exté-rieur au sujet et hors de ses possibilités d’appréhension subjective. Onpourrait aller plus loin et soutenir que ce trou est non seulement signifi-catif, mais qu’il est aussi, dans sa négativité, signifiant.

C’est alors une signification en creux, de ce qui n’a pas été là, de cequi ne s’est pas passé entre le sujet et ses premiers objets à certainsmoments de son développement, et ce sont les modalités de ce creux quivont se réactiver dans l’interaction transféro-contre-transférentielle.Celle-ci n’obéira du coup plus du tout aux mêmes règles que celles régis-sant la rencontre avec un patient plus névrotique. Il serait cependantinexact de dire que ces modalités sont dépourvues de sens : elles doiventbien plutôt être lues selon une autre grille. Il faudrait aussi tenir compted’un autre élément : ce que nous considérons comme négativité doit êtreentendu sur le plan psychique, mais les corrélats somatiques de cettenégativité nous sont largement inconnus et l’expression somatique àlaquelle elle donne lieu n’est ni neutre ni indifférente.

On ne peut cependant plus à ce niveau parler de sens potentiel. Ceserait bien plutôt les voies de dégradation de sens qui seraient elles-mêmes dotées de signification dans la mesure où seraient significativesdes modalités précoces de constitution de la pulsion et d’interaction pré-coce de l’enfant avec ses tout premiers objets et de leur ratage éventuel.La difficulté est ici que les mots sont trompeurs puisque ces interactionsrenvoient pour une part à une période où c’est l’unité mère-enfant qu’ilfaudrait considérer dans son ensemble. Sans doute aussi les modalités destructuration et de déstructuration somatopsychiques n’obéissent-ellespas non plus au hasard et suivent-elles des voies définies à la fois par desdonnées biologiques et constitutionnelles et par l’histoire et les modalitésde rencontre du sujet avec ses premiers objets.

On serait tenté de postuler qu’à l’intérieur de cette unité se mettenten place des modalités précoces de marquage corporel venant s’ajouteraux marquages génétiques et constitutionnels. Dans la perspectiveferenczienne que je développais tout à l’heure, on pourrait considérerque ces premières traces seraient elles aussi bifaces : formant d’un côtéles traces premières sur lesquelles se structurera ultérieurement l’orga-nisation psychosomatique de l’individu ; mais aussi traumatiques au sens

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économique, portant par les conditions économiques dans lesquelles ellesse sont inscrites les germes d’une fragilisation ultérieure1.

Avec ces dernières remarques, la boucle est bouclée qui nous ramèneaux développements de la première partie de cet article : en effet, dansces situations seront à nouveau déterminantes les modalités et la qualitéde l’interaction transféro-contre-transférentielle : ce seront elles quidétermineront l’attitude thérapeutique, elles qui permettront de passeréventuellement d’une logique du non-espoir à une vectorisation allantvers le sens, qui permettront aussi que s’instaure, peut-être, un lieu psy-chique d’où l’individu pourra se penser.

JACQUES PRESS62, quai Gustave-Ador

1207 Genève

Bibliographie

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— (1954b), « Repli et régression », in De la pédiatrie à la psychanalyse, trad. J. Kalmanovitch,Paris, Payot, 1969, p. 223-230.

54 Jacques Press

1. De ce point de vue et dans la foulée des dernières formulations freudiennes, ce serait le ça, plusque l’inconscient, qui devrait être considéré comme pleinement psychosomatique.

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RÉSUMÉ — L’auteur envisage certains aspects des théories de Ferenczi et Winnicott dansla compréhension des processus de démentalisation. Il centre son attention sur les moda-lités particulières du jeu transféro-contre-transférentiel face à ces patients et émetquelques hypothèses sur la question du sens en psychosomatique.

MOTS CLÉS — Démentalisation. Régression à la dépendance. Processus de somatisation.Contre-transfert.

SUMMARY — The author considers certain aspects of the theories of Ferenczi and Winni-cott in the understanding of the processes of dementalisation. He centers his attention onthe particular modes of the transference-counter-transferential interplay when faced withthese patients, and puts forward some hypotheses on the question of meaning in psycho-somatics.

KEY-WORDS — Dementalisation. Regression to dependance. Process of somatisation.Counter-transference.

ZUSAMMENFASSUNG — Der Autor erwägt einige Aspekte der Theorien von Ferenczi undWinnicott für das Verständnis des Entmentalisierungsprozesses. Er zentriert seine Auf-merksamkeit auf die spezifischen Modalitäten des Übertragungs- und Gegenübertra-gungsspiels bezüglich dieser Patientin und wirft einige Hypothesen zur Sinnfrage in derPsychosomatik auf.

STICHWÖRTER — Entmentalisierung. Regression zur Abhängigkeit. Somatisierungspro-zess. Gegenübertragung.

RESUMEN — El autor considera ciertos aspectos de la teoría de Ferenczi y de Winnicott enla comprensión de los procesos de desmentalización. Centra su atención en las modalidadesparticulares del juego transfero-contratransferencial cara a los pacientes y propone algu-nas hipótesis sobre la cuestión del sentido en psicosomática.

PALABRAS CLAVES — Desmentalización. Regresión a la dependencia. Procesus de somati-zación. Contratransferencia.

Mouvements de mentalisation-démentalisation… 55

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