Mouvement et sport

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magazine scientifique PAUL SABATIER www.ups-tlse3.fr Délégation Midi-Pyrénées Avec la participation de Délégation régionale Midi-Pyrénées, Limousin ww www w.up DOSSIER Mouvement et sport 28 JANVIER 2013

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Magazine scientifique de l'Université Paul Sabatier Numéro 1976 - Janvier 2013

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m a g a z i n e s c i e n t i f i q u ePAUL SABATIER

www.ups-tlse3.fr

Délégation Midi-Pyrénées

Avec laparticipation de

Délégation régionaleMidi-Pyrénées, Limousin

wwwwww.up

DOSSIERMouvement

et sport

N ° 2 8JAN

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Paul SabatierN° 28 • Janvier 2013

Illustration de couverture :Etude des forces développées lors

du pédalage : l’ergocycle est équipé de capteurs et le mouvement du

cycliste est reconstruit par un système optoélectronique

(voir dossier pages 4-9)

Directeur de la publication :

Bertrand MonthubertRédacteur en chef :

Daniel GuedaliaComité de rédaction :

Jean-François ArnalPatrick Calvas

Daniel GuedaliaGuy Lavigne

Fréderic MompiouAude Olivier

Martine PouxCarine DesaultyValeria Medina

(délégation Midi-Pyrénées du CNRS)

Christine Ferran (délégation régionale Midi-Pyrénées,

Limousin de l’Inserm)

Conseillère de rédaction :Anne Debroise

Diffusion :Joëlle Dulon

Coordination du dossier

Mouvement et sport : Pier-Giorgio Zanone

Conception graphique et impression : Ogham-Delort

05 62 71 35 35 n° 1829

dépôt légal : janvier 2013

N° ISSN : 1779-5478Tirage : 2 000 ex.

Université Paul Sabatier118, route de Narbonne

31 062 Toulouse cedex 9

Vos encouragements,

vos critiques, vos suggestions,

une seule adresse :

[email protected] pouvez consulter et télécharger ce magazine et les numéros antérieurs sur le site www.univ-tlse3.fr (rubrique « diffusion des savoirs/le magazine scientifique »)

DossierMouvement et sport

p. 4

Vie des Laboratoires

p. 10

a d’infos

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En ce début d’année, au moment des vœux traditionnels, je souhaite que cette nouvelle année apporte à notre université, à nos partenaires et à l’ensemble de leurs personnels les succès collectifs et les réussites individuelles.

L’année 2013 sera décisive pour ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche. En effet, faisant suite aux Assisses Nationales de l’enseignement supérieur et la recherche qui ont eu lieu au dernier trimestre 2012, une nouvelle loi doit voir le jour dans les mois à venir.

Quelques points méritent d’être soulignés dans les perspectives qui fondent la nouvelle politique. En premier lieu, la réussite étudiante. Notre université est très engagée dans cet objectif, et a reçu 6 créations d’emplois qui y sont dédiés. La réussite de cette action dépendra d’une part de la mise en place d’une meilleure orientation initiale, d’autre part de l’accompagnement pédagogique et de la simplification de l’offre de formation.

Le deuxième point concerne la gouvernance des universités. La nouvelle loi replace la collégialité et la démocratie comme fondements de la gouvernance des universités, des valeurs auxquelles nous sommes fortement attachés.

Enfin, le troisième point est celui des politiques de site. L’UPS est fortement engagée dans la coopération avec ses partenaires, que ce soient des universités ou des écoles, et bien entendu les organismes de recherche. Tout le travail de réorientation du projet IDEX, qui a vu la naissance du concept d’université fédérale, se trouve légitimé par la loi qui développe le concept de communauté d’université prenant racine dans notre schéma de gouvernance de site.

Sur ce dernier point, l’existence du magazine scientifique Paul Sabatier est un exemple de politique de site. Ce magazine est élaboré grâce à un partenariat exemplaire entre notre université et les délégations régionales du CNRS et de l’Inserm. Mais ce magazine, dont l’objectif est de diffuser auprès d’un large public les avancées scientifiques de nos équipes, accueille aussi dans ses pages des équipes du site, extérieures à notre université, mais travaillant dans le même périmètre scientifique : les sciences et technologies et la santé. C’est le cas des équipes de l’INP, de l’INSA, de l’INRA, de Météo-France… La politique de site est une réalité quotidienne dans le monde de la recherche.

Le dossier, les recherches autour de « mouvement et sport » présenté dans ce numéro est original à plusieurs titres. Tout d’abord parce que c’est un domaine essentiellement pluridisciplinaire. Le dossier présenté comprend des études sur de thématiques proches des neurosciences, de la biomécanique, des sciences sociales et humaines. C’est aussi un domaine qui est moins bien connu que les disciplines académiques. Les équipes de notre université ont réussi à développer des recherches aboutissant à des résultats importants, souvent en collaboration étroite avec d’autres unités du site toulousain.

Je souhaite à tous nos fidèles lecteurs une excellente année 2013 et une agréable lecture.

Édito2013, année de transformation

Bertrand Monthubert

Président de l’université Paul Sabatier© A. Labat/UPS

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DOSSIER

Mouvement et sport

Les sciences du sport et du mouvement humain

Les premiers travaux témoignant d’une re-cherche rationnelle sur le mouvement hu-main datent du milieu du 19e siècle et sont

diffusés à des fi ns de développement physique de la population. Proposant une « science des mouvements » basée sur une analyse bioméca-nique des gestes et gouvernée par les principes de la physiologie, ils participent d’une réfl exion générale sur le rendement corporel qui accom-pagne l’évolution de la société industrielle et l’impératif de développer un « capital humain ». C’est un objectif similaire qui est poursuivi dès le milieu du 20e siècle quand l’effort de guerre visant à améliorer les performances de « l’opé-rateur humain » conduit à un développement rapide et constant des recherches issues de la psychologie, de la psycho (neuro) physiologie et de la biologie, mais aussi de l’ingénierie et des mathématiques, avec les modèles de la cybernétique et des théories de l’information. Cet ensemble de disciplines, regroupées dans les

pays anglo-saxons dans le champ de la kinésio-logie, s’enrichit ensuite des apports des sciences sociales qui s’intéressent à l’activité physique et sportive en tant que signe du développement d’un nouveau fait social, le phénomène sportif.

« Sportivisation »Les sciences du sport et du mouvement humain répondent ainsi depuis leur origine à une forte demande de connaissances scientifi ques pluri-disciplinaires. Elles sont historiquement en rela-tion avec les problématiques de santé publique. Cette importance attribuée aux effets de l’acti-vité physique sur la santé conforte également des domaines d’intérêt comme la réhabilitation physique, l’accompagnement du handicap, ou encore les troubles liés aux effets du vieillisse-ment. Par ailleurs, l’ampleur du phénomène sportif, voire la « sportivisation » de la société en général (comme en témoigne par exemple la mobilisation des valeurs associées au sport

dans le monde de l’entreprise), incite à une analyse approfondie des conditions sociales et historiques de développement de cette sphère d’activités. C’est ainsi qu’étudier les activités physiques et sportives et le mouvement humain permet de mieux comprendre le fonctionnement de la « machinerie » humaine comme celui des sociétés développées.

Organisation du mouvementA l’Université Paul Sabatier, le laboratoire PRISSMH (Programme de recherche en sciences du sport et du mouvement humain), regroupe les deux équipes historiques dans ce domaine: l’équipe LAPMA (Laboratoire adaptation per-ceptivo-motrice et Apprentissage) qui est versée dans les sciences comportementales, les neu-rosciences et la biomécanique et l’équipe SOI (Sports, organisations, identités) qui est spé-cialisée en sciences sociales. La première équipe étudie l’organisation du mouvement selon

En France, Etienne-Jules Marey (1830-1904) a été le précurseur de l’analyse biomécanique des gestes : il a mis à profit son invention du chronophotographe pour réaliser des clichés rendant visible et mesurable le décours du mouvement jusqu’alors rendu de manière déformée par l’observation directe.

Pier Giorgio Zanone et Christine Mennesson, Professeurs UPS, directeurs

du Laboratoire Programme de recherche en sciences du sport et du mouvement humain

(PRISSMH, équipe d’accueil de l’UPS).

Les recherches en sciences du sport et du mouvement humain s’inscrivent dans une longue tradition historique.

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divers paradigmes scientifi ques. La psychologie expérimentale vise à dégager des lois globales qui décrivent les mécanismes et les conditions de l’émergence d’un comportement particulier ; les neurosciences étudient les liens entre le com-portement et les structures cérébrales actives précisant leurs structurations et leurs rôles dans l’organisation du mouvement ; la neuro-biomé-canique étudie le lien entre l’activité nerveuse au niveau du cerveau et celle au niveau du muscle, testant la cohérence de l’activité électrique cap-tée aux différents étages du système moteur ; la biomécanique applique les lois de la physique à l’étude du vivant pour expliquer comment le sujet joue avec la physique pour réaliser une performance ou optimiser ses mouvements face à un contexte ou une tâche à réaliser. Dans des situations de laboratoire et de terrain sont étu-diés, entre autres, la locomotion, humaine et ani-male, l’interception de mobiles, l’apprentissage et les troubles de la coordination motrice, ou des activités sportives comme le pédalage sur cycle, la nage, le ski de fond ou le tennis.

Rapport au corpsLa seconde équipe s’intéresse aux enjeux so-ciaux, économiques et politiques du phénomène sportif. Elle étudie notamment les modes de construction des rapports au corps, aux sports, et à la santé des individus, et leurs variations selon l’appartenance sociale, le sexe et l’âge. Elle analyse également les modes d’organisation et les effets de la pratique sportive sur les conduites de santé, mais également sur le développe-ment de liens sociaux et d’identités collectives. Ces recherches s’organisent selon deux axes, les processus de socialisation, d’une part, et la construction de l’action publique, d’autre part. La problématique de la socialisation s’intéresse aux relations entre corps, sport et genre, aux processus de structuration des formations et des professions dans le monde du sport, mais égale-ment à la construction des « modes de vie actifs ». Les recherches visent par exemple une meilleure compréhension de l’incidence des dispositifs médicaux sur la création et le maintien des « habitus » corporels nécessaires à l’améliora-tion de l’état de santé. Les recherches menées dans le deuxième axe portent sur l’action pu-blique envisagée du point de vue des sciences sociales, comme une construction collective d’acteurs en interaction. Dans une perspective politique, sociologique et historique, le sport et les activités physiques sont appréhendés comme des moyens privilégiés de construction territo-

riale, de gouvernement des corps et des popu-lations ou d’affi rmation des identités nationales et locales. L’histoire des sports d’hiver, ou encore celle des professionnels de la montagne, rend ainsi compte des enjeux politiques, économiques et sociaux de l’évolution des usages sportifs des espaces naturels.Chacune de ces deux équipes aux thématiques et méthodologies différentes, est intégrée dans une structure fédérative du site (Institut des sciences du cerveau de Toulouse pour le LAPMA et Institut fédératif d’études et de recherches in-terdisciplinaires santé-société pour le SOI). Des projets structurants sont également engagés. On peut citer celui piloté par la LAPMA, qui vise à fédérer l’ensemble des acteurs du site toulou-sain (LAAS, IRIT, IMFT, CRCA, CREPS) impliqués dans l’analyse du mouvement, pas seulement humain, autour d’une plateforme commune. Un deuxième, porté par le SOI, se concrétise par l’intégration récente de l’équipe au Labex « Structurations des mondes sociaux ». ■

[email protected] [email protected]

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Salle d’analyse du mouvement de l’équipe LAPMA du PRISSMH, combinant des équipements de capture et de reconstruction du mouvement et de la posture, avec des appareils d’enregistrement de l’activité électrique musculaire et cérébrale et de stimulation.

Les fi lières d’enseignementLes formations, initialement orientées vers la

préparation du professorat d’éducation physique

et sportive, se sont diversifi ées pour s’étendre aux

activités physiques adaptées, à l’entraînement

sportif et au management du sport, répondant

aux attentes d’une société réclamant des

professionnels compétents dans ces différents

domaines. Au-delà de l’insertion professionnelle,

la licence Staps offre la possibilité de poursuivre

les études par un master (7 mentions à Toulouse)

et un doctorat en sciences du mouvement. Il est à

souligner que toutes les formations donnent accès

à une carte professionnelle qui favorise l’insertion

rapide dans le monde du travail.

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DOSSIER

Mouvement et sport

L’étude du mouvementRien de plus naturel que le mouvement. Encore faut-il qu’il soit adapté à l’objectif que l’on s’est fi xé et prenne en compte les circonstances dans lesquelles il se déroule...

Le mouvement permet à l’homme, mais aussi à l’animal et au robot, d’agir dans et sur son environnement afi n de réaliser un

objectif (saisir un objet et le lancer, se déplacer vers un lieu précis, écrire, etc.). Le problème cen-tral est de comprendre comment l’individu par-vient à effectuer un mouvement qui soit adapté à son objectif et aux circonstances variées dans lesquelles il se déroule. Ce problème est atta-qué à plusieurs niveaux et selon différentes mé-thodes par les chercheurs de l’équipe LAPMA.

Marcher ou courirDans une approche écologique du mouvement, l’individu parvient à s’adapter à son environ-nement et à ses contraintes en vertu d’une auto-optimisation, qui assure la préservation de son intégrité et de ses ressources. Sur le plan moteur, l’individu dispose d’un ensemble d’arti-culations, segments et muscles permettant de réaliser une coordination adaptée pour une activité motrice donnée, qui est à sélectionner parmi une infi nité de combinaisons possibles entre ces éléments. Ainsi, suivant les priorités et les contraintes, une organisation motrice différente émerge. Par exemple, selon la vitesse de déplacement requise, un humain choisira de marcher ou de courir. Dans l’ensemble du règne animal, la transition de la marche à la course correspond à une optimisation du coût énergé-tique, des contraintes articulaires, mais aussi à une minimisation des mouvements de la tête qui perturbent l’équilibre et la prise d’informations visuelles. Nos travaux, en collaboration avec des équipes du LAAS, de l’IMFT, du CRCA et de l’IRIT (1), ont montré que le même type de tran-sitions apparaît spontanément dans le pédalage chez un cycliste correspondant au passage de

Etude neuro-comportementale de mouvements bimanuels chez enfants atteints de Troubles de l’Acquisition de la Coordination (TAC).

Les membres de l’équipe LAPMA du Laboratoire Programme de recherche en sciences du sport et du mouvement humain (PRISSMH, équipe d’accueil de l’UPS. Debout : Anne Ille, maître de conférences UPS, Pierre Moretto, professeur UPS, David Villeger, doctorant, Pier-Giorgio Zanone et Bernard Thon, professeurs UPS, Viviane Kostrubiec, maître de conférences UPS. Assis : Khaled Fezzani, Bruno Watier, Jessica Tallet, Jean-Michel Albaret et Robin Baures, maîtres de conférences UPS.

« biofeedback » pour renseigner le sujet sur l’action en cours et lui permettre de moduler son mouvement ou sa performance lors d’activités sportives ou de rééducation.

Écriture manuscriteL’idée qu’un comportement complexe comme le mouvement résulte de principes et de méca-nismes simples n’est nulle part plus évidente que dans le cas de l’écriture manuscrite.Tracez quelques mots. Vous remarquerez que la pointe du stylo est mise en action par l’oscil-

la position assise à la position « en danseuse ». Dans ce cas, l’optimisation des forces muscu-laires aux articulations de la jambe semble être un critère de déclenchement de cette transition. De plus, chacune de ces coordinations motrices dans la marche comme dans le pédalage mani-feste des similitudes entre les sujets, révélées par des paramètres qui restent invariants indépen-damment des caractéristiques morphologiques de l’individu. Ces paramètres constituent des « biomarqueurs » d’un comportement moteur sain versus pathologique. Ils sont utilisés comme

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Mouvement et sport

lation du poignet et de la pince (les trois doigts agrippant le stylo). L’oscillation générée par chacun de ces effecteurs peut être décrite, à chaque demi-cycle, par trois paramètres seule-ment : l’amplitude, la fréquence et la phase. La complexité apparente des coordinations néces-saires à l’écriture peut être résumée par trois paramètres de base. La trace complexe résulte de l’oscillation coordonnée de deux effecteurs simples : ainsi le complexe, la trace écrite, naît-il du simple, le mouvement oscillatoire.Nous avons montré, en collaboration avec des chercheurs de l’IRIT, que pour le scripteur, la sim-plicité apporte son lot d’avantages et d’incon-vénients. L’action concertée des doigts et de la pince est assurée par leur couplage, essentielle-ment neuronal, qui permet de stabiliser certaines formes privilégiées : des traits, des cercles et des guirlandes. En vertu de ce couplage, l’enfant sait, spontanément et sans apprentissage intention-nel, tracer des traits et des cercles. Malheureuse-ment, c’est également en raison de ce couplage que l’écriture rapetisse et devient « pointue » chez l’adulte et qu’elle se dégrade fortement avec la vitesse. De ce point de vue, le passage inévitable de « m » à « w » qui survient avec une augmentation importante de la vitesse d’écri-ture rejoint les phénomènes de transitions cités précédemment.Ainsi pour pouvoir réaliser l’écriture, le cerveau humain a su exploiter les propriétés des effec-teurs moteurs, le poignet et les doigts. De même dans l’activité sportive, la production d’un geste participe de principes généraux de coordination déterminante comment le cerveau, siège de l’activité oscillatoire des neurones, interagit avec l’oscillation des bras, jambes ou des doigts.

Troubles du mouvementC’est probablement dans des défi cits de cette activité oscillatoire concertée qu’il faut trouver l’origine – et la solution – des troubles du mou-vement.C’est bien ce que nous avons observé dans un travail effectué au CHU de Purpan dans les troubles psychomoteurs au cours du développe-ment. L’enfant porteur d’un Trouble de l’Acquisi-tion de la Coordination (TAC) se caractérise par de la maladresse et de la lenteur dans les mou-vements de la vie quotidienne. Les travaux que nous avons entrepris en imagerie cérébrale ont mis à jour des dysfonctionnements en termes de synchronisation neuronale qui sont probable-ment à l’origine des troubles ainsi que les méca-nismes de plasticité cérébrale qui accompagnent la compensation ou l’amélioration des défi cits moteurs notés au niveau comportemental. La

[email protected], [email protected]

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Etude de la cohérence entre l’activité corticale et musculaire lors de contractions volontaires des muscles de la jambe.

meilleure compréhension des origines du trouble nous a permis d’utiliser différentes modalités sensorielles (vision, audition) pour améliorer les performances motrices des enfants.

Contraction musculaireL’optimisation du mouvement et l’émergence d’une habileté peuvent être abordées au niveau de l’activité électrique des neurones et des muscles dans le système moteur. L’anatomie fonctionnelle distingue des structures supé-rieures, centrales et périphériques organisant la transmission d’un ordre nerveux émanant du cerveau en direction des muscles. L’identifi -cation et la compréhension des mécanismes de contrôle qui sont à l’origine de la contraction musculaire, et donc du mouvement, font appel à différentes techniques expérimentales au croise-ment des neurosciences et de la biomécanique. Notre approche utilise une combinaison de la modélisation musculo-squelettique, de l’analyse des signaux électroencéphalographiques (EEG) et électromyographiques (EMG), réalisée en collaboration avec l’Institut de mathématiques de Toulouse (IMT), ainsi que des techniques de stimulation magnétique transcrânienne et de stimulation électrique percutanée pour identifi er les différents processus de modulation de l’acti-vité nerveuse qui ont lieu dans le système moteur au niveau musculaire, au niveau de la moelle épi-nière et au niveau cortical. La cohérence de cette modulation du message transmis aux muscles

au cours de la réalisation d’un mouvement ren-seigne sur le « codage » de la commande effec-tué aux différents niveaux du système moteur. A travers l’étude de contractions musculaires variées, nos travaux ont révélé l’activité spé-cifi que des structures nerveuses corticales et spinales lorsque le muscle se contracte en s’éti-rant et l’implication directe du cortex moteur primaire dans la régulation de la contraction si-multanée des muscles. En particulier, l’inhibition des mouvements involontaires lors de l’activité volontaire (syncinésies) s’accompagne de chan-gements de communication entre les régions motrices de chaque hémisphère cérébral.L’ensemble de ces travaux trouve de nombreuses applications tant dans le domaine du sport à travers la compréhension des mécanismes sous-jacents au mouvement et à la performance spor-tive, que dans ceux de la clinique, de l’ergonomie ou de la robotique. ■

(1) : LAAS (Laboratoire d’analyse et d’architecture de systèmes, unité propre CNRS, associée à l’UPS).IMFT (Institut de mécanique des fl uides, unité mixte UPS/CNRS/INP).CRCA (centre de recherches sur la cognition animale, unité mixte UPS/CNRS)IRIT (Institut de recherche d’informatique de Tou-louse, unité mixte UPS/CNRS/INP/UT1/UT2)

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DOSSIER

Mouvement et sport

Corps, sport, genre : la fabrication des fi lles et des garçons Si l’investissement des femmes dans le monde sportif de haut niveau fait l’objet de nombreuses enquêtes, la question de la construction du genre pendant l’enfance et du rôle des usages du corps dans ce processus reste peu connue.

La question de la construction sociale du genre apparaît aujourd’hui comme l’un des thèmes majeurs des recherches en sciences

sociales. Les enseignants-chercheurs de l’équipe SOI contribuent depuis une dizaine d’années au développement de cette thématique de recherche, en se centrant notamment sur le rôle du corps et du rapport au sport et à l’activité

physique dans la bipartition et la hiérarchisation des catégories de sexe. Ce thème fait l’objet de travaux récents et en cours au sein de l’équipe, soutenus en particulier par l’ANR. L’analyse d’une centaine d’entretiens réalisés avec des parents et des enfants de 9 à 11 ans permet de mieux saisir les processus de « fabrication » des fi lles et des garçons. L’apprentissage de pra-tiques corporelles différentes selon les sexes, des modalités de l’engagement physique dans des activités ludiques et sportives à des formes dif-férenciées de travail de l’apparence corporelle, joue un rôle central dans ce processus. Appris précocement par le corps, ces comportements de genre s’avèrent relativement durables et diffi ciles à modifi er. Ils orientent ainsi le rapport au corps à l’âge adulte, mais aussi plus générale-ment le rapport au monde des individus. La dis-tance des fi lles à l’engagement compétitif n’est par exemple pas sans lien avec des choix d’orien-tation qui les éloignent souvent des fi lières les plus valorisées. L’affi nité des garçons avec la technique, la technologie, voire les approches scientifi ques, résulte également de préférences ludiques et d’expériences spécifi ques les condui-sant à bricoler, manipuler des matériaux…

Lutte contre les inégalitésCette différenciation des usages du corps enfan-tin s’exprime par ailleurs de manière différente selon les groupes sociaux. Si l’analyse des entre-tiens met en évidence l’importance de ce proces-sus dans les milieux populaires, la socialisation différentielle des corps des fi lles et des garçons caractérise également fortement l’expérience des enfants dans certaines fractions des milieux favorisés. Prendre en compte conjointement les rapports sociaux de sexe et de classe, et leurs conséquences sur le rapport au corps des

enfants, ouvre de nouvelles perspectives dans la compréhension et dans la lutte contre les inégalités devant la santé. Ainsi, la sédentarité fréquente des fi lles dans les milieux populaires fragilisés s’explique par le souci des parents de « protéger » leur corps, quand leurs frères sont en revanche encouragés à développer leurs ca-pacités physiques et à prendre des risques.

Enfi n, les données recueillies permettent égale-ment de repérer des différences au sein même du groupe des fi lles ou des garçons. Les usages du corps enfantins présentent en effet une certaine hétérogénéité pour chaque classe de sexe. Les comportements de genre minoritaires sont particulièrement intéressants à étudier car ils révèlent des modes de socialisation sexuée atypiques, et mettent en évidence les confi gu-rations familiales et les conditions sociales sus-ceptibles de favoriser une certaine distance aux stéréotypes sexués.Ces travaux sont menés en collaboration avec des chercheurs du LISST-CA (Laboratoire inter-disciplinaire solidarités, sociétés, territoires, à Toulouse 2), du Lassp (Laboratoire des sciences sociales du politique, IEP Toulouse 1), et du centre Max Weber (Lyon 2). ■

[email protected] ; [email protected] ; [email protected]

Christine Mennesson, professeur UPS, Gérard Neyrand, professeur UPS et Julien Bertrand, maître de conférences UPS, chercheurs dans l’équipe SOI (sports, organisation, identités) du Laboratoire Programme de recherche en sciences du sport et du mouvement humain (PRISSMH, équipe d’accueil de l’UPS)

Effets de genre ?

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9Janvier 2013 PAUL SABATIER

Mouvement et sport

Sport et santé : quelle action publique ? L’alimentation et l’activité physique sont au cœur des politiques préventives de santé publique. La recherche en sciences sociales permet de concevoir, de mettre en œuvre et d’évaluer ces politiques. C’est précisément ce qui fait l’équipe SOI

Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) s’est déployé dans les régions Aqui-taine, Midi-Pyrénées et Nord Pas de Calais.

Au niveau national ce programme a fait l’objet de débats et de controverses entre « mondes sociaux », secteurs d’intervention mais aussi disciplines scientifi ques, chacun faisant valoir sa « bonne » conception du programme (pro-fessionnels de santé, du sport ou des activités physiques adaptées, mais aussi de ministères, d’associations de patients, de consommateurs, entreprises…). Les modes de gouvernement mis en œuvre par l’Etat et, en région, par les Agences régionales de santé se sont « durcis » au fur et à mesure que se déployait le programme entre 2001 et 2012. In fi ne, c’est la fi gure d’un « Etat fort » et (re) centralisateur qui domine, fi xe les règles du jeu et le cadre d’action permettant une forme de gouvernement sanitaire « à distance » et à moindre frais.

Ressource et légitimationAu niveau régional, les mises en œuvre du pro-gramme déléguées aux ex Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (2001) puis aux Agences régionales de santé (2010) diffèrent fortement. L’analyse comparée de 25 monogra-phies communales montre que la signature de la charte « Ville active » du PNNS constitue le plus souvent une ressource de légitimation politique pour les élus locaux mais aussi d’expertise pro-fessionnelle pour les techniciens, les profession-nels et les associations impliqués dans les mises en œuvre du programme. Facteur de reconnais-sance et de justifi cation a posteriori d’actions déjà existantes et levier d’action permettant à la collectivité publique de rendre visible son enga-gement en faveur de la santé de sa population, le PNNS est traduit en fonction des priorités

politiques locales. Cette traduction donne lieu à des programmes d’actions d’une très grande diversité et d’une ambition très variable allant de quelques animations ponctuelles autour de recommandations sur l’alimentation et/ou l’activité physique à des programmes d’actions pérennes mais intégrés dans des plans munici-paux de santé.

Mise à l’épreuveSi la santé publique recouvre de nombreuses ac-ceptions et sert parfois la promotion du territoire via du marketing territorial et politique, elle n’est cependant pas un secteur d’intervention « tout à fait comme les autres » pour les élus locaux. Par la valeur dont elle se réclame, par la place qu’elle occupe dans nos sociétés, par la nécessité de réduire des inégalités sociales de santé, elle constitue non seulement un secteur d’interven-tion à forte ressource de légitimation pour les élus locaux, mais aussi une mise à l’épreuve de leur capacité politique à agir sur des détermi-nants de santé dépendant directement de leurs prérogatives : aménagement urbain, transports, éducation, équipements, sport, action sociale, sécurité, qualité environnementale, etc. ■

Travaux réalisés en collaboration avec le Labo-ratoires LACES (Laboratoire cultures, éducation, sociétés, de Bordeaux Segalen), ER3S (équipe de re-cherche septentrionale Sport et société, de Lille II), LISST (Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires, Toulouse II) et Iferiss (Institut fédératif d’études et de recherches interdiscipli-naires santé société, Toulouse).

[email protected]

De gauche à droite : Line Malric, Philippe Terral, Nadine Haschar-Noé et Jean-Charles Basson, maîtres de conférences UPS, chercheurs de l’équipe SOI du Laboratoire Programme de recherche en sciences du sport et du mouvement humain (PRISSMH, équipe d’accueil de l’UPS).

Affiche du Plan National Nutrition-Santé

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VIE DES LABOS

Anthropologie

PAUL SABATIER Janvier 2013

De quoi se nourrissaient nos ancêtres très lointains ?Les australopithèques, les paranthropes et les premiers humains ayant vécu autour de deux millions d’années avant notre ère enAfrique du Sud, adoptaient des régimes alimentaires très divers y compris au cours de leur vie. C’est ce que viennent d’établir des chercheurs du laboratoire AMIS, dont les résultats ont été publiés récemment dans Nature.

Pourquoi s’intéresser à nos ancêtres en Afrique du Sud ?Depuis la fi n des années 1930, des fossiles de nos ancêtres sont régulièrement découverts en Afrique du Sud. Les australopithèques (Australopithecus) y ont prospéré avant les paranthropes (Paranthropus) et les premiers humains (Homo). Les australopithèques ont vécu entre environ 4 et 2 millions d’années avant notre ère. Ils sont bien connus en Afrique du Sud avec les espèces Australopithecus africanus et A. sediba. Les paranthropes, genre également éteint, ont vécu en Afrique entre environ 2,5 et 1,2 millions d’années. Homo est le genre qui réu-nit l’Homme dit « anatomiquement moderne » et les espèces apparentées. Le genre est apparu il y a environ 2,3 à 2,4 millions d’années. Toutes les espèces du genre Homo sont aujourd’hui éteintes sauf Homo sapiens. Avec notre équipe de géochimistes et de biologistes, nous avons réussi à reconstituer les tendances alimentaires

d’espèces issues de ces trois genres, toutes origi-naires d’Afrique du Sud.

Comment peut-on déterminer ce que ces individus mangeaient ?Cette étude s’est basée sur le dosage du stron-tium et du baryum contenus dans l’émail dentaire des fossiles de plusieurs des individus retrouvés sur place. On remarque que plus la po-sition d’un mammifère est élevée dans la chaîne alimentaire, plus les teneurs en ces deux élé-ments diminuent dans ses tissus biologiques, y compris dans cette partie des dents. Mais l’origi-nalité de l’étude tient à la façon dont nous avons utilisé la technique d’ablation laser qui a servi à établir ces mesures. Celle-ci a été mise en œuvre en orientant le faisceau laser le long des prismes de croissance de l’émail dentaire, ce qui a permis de reconstituer les changements d’alimentation de chaque individu au cours d’une période de sa vie. Le résultat montre que les australopithèques

avaient une alimentation beaucoup plus variée que les deux autres genres, plus spécialisés. Les paranthropes étaient résolument herbivores, comme le laissait déjà penser l’étude de leur anatomie faciale et dentaire, et les humains anciens, nos ancêtres directs, plutôt carnivores.

Quelle conclusion peut-on tirer de ces résultats ?En mesurant la composition isotopique du strontium contenu dans ces échantillons, nous avons déterminé un paramètre caractéristique du substrat géologique sur lequel vivent les ani-maux. La conclusion est alors sans appel : tous les individus étudiés ont vécu dans la même région, non loin des grottes dans lesquelles on les retrouve aujourd’hui fossilisés. Des pièces du puzzle écologique se sont donc mises en place : Il y a environ 2 millions d’années, les australopi-thèques, aux comportements « opportunistes » laissent place aux paranthropes et aux premiers humains, chacun étant plus « spécialiste » que leur ancêtre commun. En effet, les paranthropes consommaient uniquement des végétaux tandis que les humains, probablement aidés par leurs outils en pierre, se nourrissaient principalement de la chasse. Ces deux espèces cohabitent pen-dant presque un million d’années avant que les premiers ne disparaissent pour une raison encore inconnue. ■

Note : Cette étude a reçu un soutien du Ministère des affaires étrangères.

Propos recueillis par Valeria Medina-Ambiado

3ème molaire supérieure droite d’un Paranthropus robustus. ©José Braga et Didier Descouens.

[email protected]

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• Evidence for dietary changes but not landscape use in South African early hominins - Vincent Balter et al., Nature 489, 558-560 - 2012

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José Braga, profes-seur UPS, responsable

de l’équipe Imagerie et Anthropobiologie au

Laboratoire d’Anthropo-logie moléculaire et ima-gerie de synthèse (AMIS, unité mixte UPS/CNRS/

Université de Strasbourg). ©José Braga

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Sciences de la vie

Janvier 2013 PAUL SABATIER

Le tissu adipeux : une mœlle sans os ?

Comme la mœlle osseuse, le tissu adipeux des mammifères est capable de produire l’ensemble des cellules du sang. Publiée dans la revue Blood, cette découverte est le fruit du travail conduit par Béatrice Cousin de l’équipe « Plasticité des tissus adipeux » au STROMALab.

Qu’est-ce que le tissu adipeux ?Après avoir été caractérisé et étudié pour ses fonctions métaboliques, le tissu adipeux a été défi ni comme un tissu endocrine secrétant de nombreuses molécules de type cytokines, appelées adipokines et qui peuvent avoir des fonctions hormonales. Depuis quelques années, le tissu adipeux est considéré comme un acteur majeur de certaines situations infl ammatoires et plus récemment encore, comme un réservoir de cellules immatures et thérapeutiques. Mais notre dernier travail démontre que le tissu adi-peux extra-médullaire peut-être considéré, chez l’adulte, comme un tissu hématopoïétique : à l’instar de la moelle osseuse, il est capable de produire l’ensemble des cellules du sang.

Comment défi nit-on un tissu hématopoïétique ?Un tissu hématopoïétique se caractérise à la fois par son environnement, qui soutient le proces-sus hématopoïétique c’est-à-dire la production continue et contrôlée de l’ensemble des cellules du sang, et par la présence de cellules-souches hématopoïétiques à l’origine des cellules immu-nitaires. Précédemment, nous avions déjà mis en évidence que le tissu adipeux contient des cel-lules-souches stromales soutenant le processus hématopoïétique et produit une variété parti-culière de cellules immunitaires, les mastocytes.

Dans notre dernier travail, nous démontrons, chez la souris, que le tissu adipeux contient des cellules qui s’apparentent aux cellules-souches hématopoïétiques, et sont capables de générer l’ensemble des lignages des cellules sanguines, avec une prédilection pour les cellules de l’immu-nité innée.

Jusqu’à quel point l’activité hématopoïétique du tissu adipeux s’apparente-t-elle à celle de la moelle osseuse ?Il semblerait que l’activité hématopoïétique des tissus adipeux ne soit pas identique à celle de la moelle, dans la mesure où les cellules sanguines issues de ces deux types de tissus présenteraient des mécanismes de « homing » (retour dans les tissus) différents. Il existerait donc deux pro-cessus hématopoïétiques complémentaires. De nouvelles études sont en cours afi n de déter-miner le rôle physiologique de l’activité héma-topoïétique du tissu adipeux. En effet, compte tenu de l’abondance du tissu adipeux dans l’organisme (de 20 à 50 % du poids corporel chez l’adulte) et de l’abondance de ces cellules en son sein, son activité hématopoïétique pour-rait jouer un rôle crucial dans le contrôle des réponses immunitaires innées au sein du tissu adipeux, mais également dans les autres tissus de l’organisme. Nous testons actuellement cette

hypothèse, qui pourrait avoir de nombreuses conséquences physiopathologiques, notam-ment dans les maladies métaboliques.

Dans le monde animal, y a-t-il des exemples de tissus « hybrides » entre le tissu adipeux et le tissu hématopoïétique ?Ces résultats, obtenus avec la collaboration du la-boratoire Cellules-souches et radiations (Inserm/Université Paris Diderot), dévoilent une propriété surprenante du tissu adipeux chez les mammi-fères, ce qui ne peut que rappeler les insectes, dont le tissu de stockage appelé « corps gras » assure aussi bien les fonctions métaboliques que la production de cellules de l’immunité. ■

Propos recueillis par Jean-François Arnal

Colonies de macrophages (CFU_M, à gauche) et de mastocytes (CFU_Mast, à droite) obtenues à partir d’une culture de cellules souches hématopoïétiques du tissu adipeux. © STROMALab, Béatrice Cousin

Béatrice Coussin, directrice de recherche CNRS et Louis Casteilla, professeur UPS, directeur du laboratoire cellules stromatales (STROMALab, unité mixte CNRS/Inserm/EFS/UPS).

• In situ production of innate immune cells in murine white adipose tissue, Sandrine Poglio et al., Blood (2012), doi:10.1182/blood-2012-01-406959.

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VIE DES LABOS

Sciences de la planète

PAUL SABATIER Janvier 2013

Fukushima : estimation des rejets radioactifs dans le Pacifi queLe 11 mars 2011, à la suite d’un tremblement de terre et d’un tsunami, la centrale nucléaire de Fukushima (Japon) a été gravement endommagée. Des éléments radioactifs ont été relâchés directement dans l’Océan Pacifique, au niveau de la centrale. Des chercheurs du Laboratoire d’Aérologie et du LEGOS ont réussi à déterminer la dispersion de ces rejets par simulation numérique. Entretien avec Claude Estournel, responsable de cette étude.

Quel type de modèle numérique avez-vous utilisé ?Nous avons utilisé un modèle hydrodynamique tridimensionnel qui calcule les courants marins ainsi que la température et la salinité à partir d’un état initial et des forçages astronomiques (la marée) et météorologiques. Les éléments radioactifs sont ensuite introduits comme des traceurs au point du maillage correspondant à la centrale, ceci pour les émissions directes de la centrale dans le milieu marin, et sur une sur-face beaucoup plus importante pour les dépôts atmosphériques.

De quelles données faut-il disposer pour pouvoir faire cette simulation numérique ?En ce qui concerne le Cesium-137 que nous modélisons, nous avons utilisé des mesures de concentration devant la centrale. Nous avons en-suite évalué quotidiennement par une méthode inverse le fl ux émis par la centrale qui permettait de retrouver les concentrations mesurées. Les

mesures de concentration à plus grande distance ont été utilisées pour valider ce fl ux ainsi que la dispersion. Par ailleurs, nous avons utilisé les valeurs de dépôt atmosphérique provenant d’un modèle de dispersion atmosphérique.

Comment la radioactivité s’est-elle dispersée ?Nous avons tout d’abord estimé le terme « source » c’est-à-dire la quantité totale de Césium-137 rejeté par la centrale en mer. Cette évaluation est importante pour dresser les in-ventaires de Césium présents sur la planète. Les apports de Fukushima viennent s’ajouter aux apports plus anciens par exemple liés aux essais nucléaires, aux rejets des usines de retraitement, à Tchernobyl… Concernant la dispersion en mer, nous avons mis en évidence les zones les plus contaminées proches de la côte ainsi que la du-rée de la forte contamination. Nous avons éga-lement mis en évidence le potentiel important de dispersion des courants marins, en particulier dans la région de Fukushima, qui se situent très

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près du bord du Kuroshio, un équivalent du Gulf Stream pour le Pacifi que.

Cette radioactivité provient uniquement des rejets en mer ?La contribution des apports atmosphériques est faible près de la centrale mais elle prend beau-coup plus d’importance lorsqu’on s’éloigne de la centrale.

Au bout de combien de temps peut-on considérer que le niveau de radioactivité est devenu proche de la normale dans l’océan ?Il n’est pas redevenu normal. Il a fortement décru après 2 mois environ. On observe actuellement un niveau faible mais qui ne décroît plus. Plusieurs raisons sont invoquées sans qu’on puisse avoir de certitudes : le relargage d’éléments depuis le sédiment marin (celui-ci a en effet accumulé des concentrations importantes), les apports des rivières et surtout l’existence de « fuites » persis-tantes d’eau très contaminée sous la centrale. Le passage dans la nappe souterraine pourrait expliquer des résurgences en mer.

Avez-vous réussi à valider ces résultats avec des observations ?Oui, des observations quotidiennes qui ont été réalisées en différents points le long de la côte mais également plus au large permettent de valider nos résultats. Ils ont également permis d’estimer les incertitudes de nos calculs du terme source. ■

Propos recueillis par Daniel Guedalia

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Claude Estournel, directeur de recherche

CNRS au laboratoire d’Aérologie (LA, unité

mixte UPS/CNRS)

Simulation de la concentration en césium-137 (exprimée en becquerel par litre) dans l’eau de mer de surface pour le 18 avril 2011 soit un peu plus d’un mois après l’accident. La concentration est encore importante à proximité de la centrale (environ 1 000 Bq/l), mais a fortement décru : elle avait atteint 68000 Bq/l le 7avril. Le panache de césium s’étend vers le sud en raison des vents du nord qui dominent à cette période.

• Estournel C. et al., 2012 : Assessment of the amount of Cesium-137 released into the Pacific Ocean after the Fukushima accident and analysis of its dispersion in Japanese coastal waters. Journal of Geophysical Research, doi:10.1029/2012JC007933

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Sciences de la planète

Janvier 2013 PAUL SABATIER

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Que sait-on des variations du niveau de l’Amazone au fi l des ans ?Nous nous intéressons justement à la dyna-mique spatiale et temporelle des eaux de surface du bassin amazonien. La signature d’événe-ments extrêmes, comme la sécheresse de 2005, était jusqu’ici étudiée soit indirectement par des mesures satellitaires de pluie, soit directe-ment au moyen des relevés hydrologiques de pluie, niveaux d’eau et débits, mais il n’y avait pas encore de suivi spatio-temporel continu du réservoir d’eau de surface, permettant d’avoir une vision d’ensemble d’un tel phénomène, qui, rappelons-le, a affecté une superfi cie de 2,5 mil-lions de km2 pour une superfi cie totale du bassin amazonien de 6 millions de km2.Nous avons réalisé pour la première fois des cartes de niveaux des eaux et des superfi cies inondées dans les plaines fl uviales de l’Amazo-nie à partir de données multisatellitaires sur la période de janvier 2003 à décembre 2007.

Quel type de mesure satellite avez-vous utilisé ?Nous avons en premier lieu utilisé l’altimétrie radar. Le principe de l’altimétrie satellitaire est le suivant : un radar sur le satellite émet une onde électromagnétique au nadir (verticalement vers le bas), et le temps d’aller-retour de cette onde donne la distance entre le satellite et la surface. La connaissance de l’orbite du satellite permet d’en déduire l’élévation de la surface par rap-port à une surface de référence. De nos jours, les orbites du satellite sont connues avec une précision de quelques centimètres, et la mesure de la distance sol-satellite varie de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres suivant la nature de la surface réfl échissante sur-volée. Nous utilisons également l’imagerie satel-litaire pour déterminer avec précision l’étendue des zones inondées, même masquées par la fo-rêt, à partir des températures de brillance mesu-rées dans le domaine des micro-ondes passives en corrigeant des effets atmosphériques et liés à la présence de végétation au moyen de mesures des radars diffusiométriques et d’images multis-pectrales.

Avez-vous pu évaluer les variations du niveau de l’Amazone ?Nous avons pu établir les premières cartes men-suelles des variations et des transferts de masse d’eau de surface sur l’ensemble des plaines d’inondation du bassin de l’Amazone et de dé-terminer les variations des volumes d’eau de sur-face pour l’Amazone et ses principaux affl uents. Nous avons pu quantifi er les défi cits en eau de surface dans les régions les plus touchées, qui se trouvent à l’ouest et au centre du bassin amazo-nien. Par exemple, alors que l’année 2005 avait débuté par des pluies relativement abondantes en hiver, un fort défi cit de pluie survenu au cours

de l’été a causé une forte sécheresse ayant culminé au moins d’octobre. Nous avons évalué le défi cit en eau durant la sécheresse survenue dans la deuxième partie de l’année à 130 km3 par rapport au volume moyen des étiages entre 2003 et 2007, ce qui représente un volume 70 % moins important qu’à l’accoutumée.

A quoi vont servir ces données ? Une telle étude permet de mieux comprendre le cycle de l’eau dans le bassin amazonien. Pour les scientifi ques qui font de la modélisation hydro-logique, c’est une source de données indépen-dantes pour valider leurs modèles. De plus, elle constitue le premier exemple des paramètres hy-drologiques que fourniront les futures missions satellitaires d’observation de la Terre comme la mission franco-américaine SWOT (Surface Wa-ter and Ocean Topography), dont le lancement est prévu en 2020, dans le cadre d’une collabo-ration entre le Cnes et la Nasa. ■

Propos recueillis par Guy Lavigne

Le suivi de la sécheresse exceptionnelle de 2005 en AmazonieLes grandes plaines inondables de l’Amazone jouent un rôle majeur sur le cycle global de l’eau. Les périodes de sécheresse extrême comme celles qui ont touché l’Amazonie en 2005 et en 2010 ont un impact important sur les écosystèmes et les activités humaines. Comment évaluer l’impact de tels phénomènes sur une grande échelle ? C’est ce que nous explique Frédéric Frappart, chercheur au GET-OMP, l’un des auteurs d’une étude parue dans « Environmental Research Letters » (1).

(1) Travail réalisé en collaboration avec des cher-cheurs de l’Université d’Etat d’Amazonie, du LERMA-Observatoire de Paris, et de l’unité ESPACE-DEV de Montpellier.

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Frédéric Frappart, physicien-adjoint au

Laboratoire Géosciences environnement Toulouse

(GET/OMP, unité mixte UPS/CNRS/IRD)

• Frédéric Frappart et al., “Surface freshwater storage and dynamics in the Amazon basin during the 2005 exceptional drought”. Environ. Res. Lett. 7 (2012) 044010

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Différences, exprimées en mètres, entre le minimum de hauteur d’eau de surface en 2005 et le minimum moyen de cette hauteur sur la période 2003-2007

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VIE DES LABOS

Sciences de la matière

PAUL SABATIER Janvier 2013

Un interféromètre atomique de haute précision

Quel est le principe général de fonctionnement d’un interféromètre ?Dans un interféromètre optique dit à bras séparés, on divise une onde lumineuse généra-lement en deux ondes et on les oblige ensuite à parcourir deux chemins de longueur très légèrement différente avant de les recombiner. Ceci a pour conséquence de déphaser les deux ondes et de produire alors une image avec des franges. Lorsqu’on modifie la vitesse de l’onde le long d’un chemin, par exemple en faisant passer une des ondes dans un milieu d’indice optique différent, un déphasage supplémen-taire apparaît. La mesure de ce déphasage permet des mesures physiques de très grande précision.

En quoi un interféromètre atomique est-il différent ? Dans un interféromètre atomique, on remplace le faisceau de lumière par un jet d’atomes, dans notre cas des atomes de lithium de vitesse voisine de 1000m/s. Depuis 1924 et les résultats de Louis de Broglie, on sait que la matière peut être décrite comme une onde.

Dans notre expérience, la longueur d’onde est environ 10 000 fois plus petite qu’une onde optique visible. On divise l’onde atomique en deux à l’aide d’une onde laser stationnaire sur laquelle les atomes sont diffractés dans des directions précises. En utilisant trois ondes sta-tionnaires successives, on obtient un interféro-mètre complet avec deux chemins distincts et séparés de 100 μm.

Qu’avez-vous mesuré à l’aide de ce nouvel interféromètre ?Notre objectif était de pouvoir mettre en appli-cation une expérience imaginée en 1995 par une équipe chinoise pour mettre en évidence la phase topologique prédite théoriquement par He et McKellar et par Wilkens. Contraire-ment aux phases classiques qui résultent d’un changement de vitesse de l’onde, une phase topologique, qui est une curiosité de la méca-nique quantique, ne dépend pas de la vitesse. L’utilisation d’un interféromètre à bras sépa-rés dans lequel on peut appliquer des champs électriques différents sur chacun des deux bras nous a permis de mettre en évidence pour la première fois cette phase.

Quelles perspectives ouvrent cette découverte ?Une des principales difficultés en interféro-métrie atomique réside dans la dispersion des vitesses des atomes dans le jet, ce qui conduit à un « bruit de phase ». Utiliser des phases topologiques permet de s’affranchir de cet ef-fet. On espère ainsi pouvoir faire des mesures de très haute précision, en particulier de la polarisabilité du lithium. Un autre projet est de tester l’existence éventuelle d’une asymétrie entre la charge de l’électron et celle du proton avec une précision inégalée. De nombreux défis techniques, comme l’amélioration de la stabilité aux vibrations, restent à surmonter, mais l’interférométrie atomique est une disci-pline encore jeune ! ■

Propos recueillis par Frédéric Mompiou

Pour mesurer des propriétés physiques à l’échelle atomique avec une très grande précision, une équipe du LCAR a mis au point un interféromètre atomique dit à bras séparés. Des détails avec Jacques Vigué, principal responsable de ce travail.

L’interféromètre atomique du LCAR

• S. Lepoutre et al., Phys. Rev. Lett., 109, 120404 (2012)

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De gauche à droite Steven Lepoutre, doctorant ; Jacques Vigué, directeur de recherches CNRS ; Mathias Büchner, chargé de recherche CNRS ; Gérard Trénec, ingénieur de recherches CNRS et Haikel Jelassi, post-doc, au Laboratoire de collisions, agrégats et réactivité (LCAR, unité mixte UPS/CNRS).agrégats et réactivité (LCAR, unité mixte UPS/CNRS).

Alexandre Gauguet, maître de confé-rences UPS et Jonathan Gillot, doctorant, au LCAR.

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Sciences de la matière

Janvier 2013 PAUL SABATIER

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Une transition de phase masquée par la supraconductivitéOn connaît bien les matériaux supraconducteurs à basse température, mais beaucoup moins les supraconducteurs à haute température. A l’origine de leurs propriétés, il pourrait y avoir une transition de phase à basse température. C’est ce que vient de découvrir une équipe internationale emmenée par des chercheurs du laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI), dont fait partie Cyril Proust.

Qu’est-ce qu’un matériau supra-conducteur à haute température ?Il s’agit d’un matériau qui, à une température d’une centaine de Kelvins, conduit l’électricité sans perte. Sa résistance électrique devient nulle. Ce phénomène se caractérise également par une expulsion du champ magnétique, conduisant à un phénomène de lévitation stable. Les maté-riaux supraconducteurs à haute température présentent une température critique largement plus élevée que leurs équivalents classiques et pour lesquels la physique est bien comprise. Depuis la découverte des supraconducteurs à haute température en 1986, les chercheurs se heurtent à des questions fondamentales

telles que l’origine de cette supraconductivité à l’échelle microscopique ou encore comment les électrons se comportent-ils dans ces matériaux.

Quelle piste suit-on aujourd’hui ?En 2007, nous avons montré qu’il existait des « oscillations quantiques » dans le cuprate YBa-CuO soumis à un champ magnétique intense pour détruire l’état supraconducteur. Ces oscil-lations sont caractéristiques de la surface de Fermi, véritable carte d’identité d’un métal. Les résultats semblaient indiquer qu’il existait une transition de phase, mais la véritable signature thermodynamique d’une telle transition restait à démontrer.

• Thermodynamic phase diagram of static charge order in underdoped YBa2Cu3Oy, D LeBoeuf et al., , Nature Physics, DOI: 10.1038/NPHYS2502

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Qu’avez-vous mis en évidence ?Nous avons réussi à établir le diagramme de phase température-champ magnétique du cuprate YBaCuO en mesurant la vitesse du son dans le matériau sous champ magnétique intense. Pour cela, nous avons généré une onde acoustique dans l’échantillon grâce à un trans-ducteur piézoélectrique. Nous avons détecté une anomalie dans la vitesse du son, qui est une grandeur thermodynamique. En comparant nos résultats avec des mesures microscopiques de résonance magnétique nucléaire effectuées par nos collègues au LNCMI-Grenoble, nous avons démontré l’existence de la transition de phase.

Quelles sont les perspectives ouvertes par ce travail ?Cette instabilité où la densité de charge est modulée au sein de l’échantillon est en compé-tition avec la supraconductivité. Toute la ques-tion est maintenant de savoir si cette nouvelle phase est nuisible à la supraconductivité ou au contraire si c’est un ingrédient essentiel pour voir la supraconductivité apparaître. Comprendre le mécanisme de la supraconductivité à haute tem-pérature permettra de concevoir des matériaux plus performants, dont la température critique se rapproche de la température ambiante. ■

Propos recueillis par Frédéric Mompiou

Cyril Proust, directeur de recherche CNRS au

Laboratoire national des champs magnétiques

intense (LNCMI, unité propre CNRS, associée à l’UPS, l’INSA et l’uni-

versité Joseph Fourier de Grenoble)

Diagramme de phase champ magnétique - température obtenu à partir de mesures thermodynamiques de la vitesse du son dans le supraconducteur à haute température critique YBa2Cu3O6.5 (Tc=61 K). Lorsque la phase supraconductrice (en noire) est déstabilisée par un champ magnétique, un nouvel état caractérisé par une onde de densité de charge (en rouge) émerge.

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VIE DES LABOS

Sciences de la vie

PAUL SABATIER Janvier 2013

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Les gènes d’un lémurien racontent la déforestation à Madagascar

Pouvez-vous nous résumer votre projet ?J’étudie la façon dont les données génétiques obtenues à partir de populations actuelles d’une espèce animale donnée nous informent sur son histoire (expansion, contraction, mélange/hybridation). L’un des domaines d’application de nos travaux est la biologie de la conservation d’espèces menacées. Avec Brigitte Crouau-Roy, nous avons lancé un pro-jet sur un lémurien du nord de Madagascar, le propithèque à couronne dorée (Propithe-cus tattersalli) pour comprendre comment la perte ou la dispersion spatiale de son habitat forestier pouvait avoir influencé son évolution récente et sa diversité génétique. C’était le tra-vail de thèse d’Erwan Quéméré.

Y a-t-il un problème particulier de déforestation à Madagascar ?Il faut savoir que 90 % des espèces animales de cette île vivent en zone forestière, et donc, que les conséquences de la déforestation sur la biodiversité peuvent être désastreuses. Par

exemple, on estime que 9 % des espèces mal-gaches ont disparu entre 1950 et 2000. L’idée que la déforestation est en partie liée aux acti-vités humaines, dès la colonisation de l’île ou plus récemment, (la population est passée de 2 à plus de 20 millions d’habitants entre 1900 et 2000) est très répandue, et il ne faut pas la négliger. Cependant, une autre hypothèse serait que la déforestation dans certaines régions de l’île pourrait aussi avoir résulté de périodes de sécheresse importantes survenues à l’ère quaternaire, et ayant donc précédé l’ar-rivée des êtres humains, il y a probablement entre 2 500 et 4 000 ans.

En quoi a consisté votre étude, et quelle est l’originalité de votre approche?Il est apparu que la comparaison des hypo-thèses de travail formulées précédemment nécessitait une approche multidisciplinaire combinant des données génétiques, paléo-cli-matiques, des photos aériennes et l’imagerie satellitaire. Nous savons en effet que de nom-breuses zones de Madagascar ont perdu entre 20 et 60 % du couvert forestier au cours des 50 dernières années. Mais nous souhaitions voir si cela était le cas dans notre région de travail. Les données géographiques recueillies avec Xavier Amelot et Julie Pierson ont permis de déceler des zones de déforestation minimes sur l’ensemble de la région (de l’ordre de 2 %) avec des variations : déforestation à l’ouest, compensée par l’existence de zones, à l’est, où la forêt a progressé. Cela suggérait donc que les populations malgaches, loin d’être les destructeurs de forêts qu’on présente parfois, respectent leur environnement naturel et favorisent aussi sa croissance. Par ailleurs, de nombreuses données sur les pollens montrent que les écosystèmes malgaches ont beaucoup

changé au cours des derniers millénaires, avec des périodes de sécheresse, des transforma-tions de forêts en savane, et des périodes de feux de brousse naturels, bien avant l’arrivée des êtres humains à Madagascar et au-delà, à l’échelle de l’Océan Indien.

Quel est l’apport des données génétiques des lémuriens ?En analysant les données génétiques recueil-lies à partir de fèces de notre espèce de lému-rien, nous montrons également que l’espèce semble avoir connu une forte réduction de sa population il y a quelques millénaires. Ce « goulet d’étranglement » peut être dû à une fragmentation des forêts. La période identifiée correspond à une période de sécheresse im-portante qu’on retrouve dans l’Océan Indien (mortalité massive de nombreux vertébrés à l’île Maurice par exemple), et qui semble pour une large part à l’origine de la déforestation. Cette étude montre qu’il est important d’inté-grer les facteurs naturels environnementaux au cours des derniers millénaires pour com-prendre la distribution des environnements actuels. ■

Propos recueillis par Guy Lavigne

(1) Recherches réalisées en collaboration avec l’ENSAPB (Bordeaux), et l’Institut Gulbenkian des Sciences (Lisbonne).

L’homme n’est pas toujours à l’origine de la déforestation. C’est ce que suggère un article publié par le PNAS (1), qui utilise les données génétiques d’un lémurien pour expliquer et dater approximativement la fragmentation de son habitat naturel, la forêt. Lounès Chikhi, du Laboratoire EDB, principal responsable de cette étude, répond à nos questions.

Propithèque à couronne dorée (Propithecus tattersalli).

• Erwan Quéméré et al.,“Genetic data suggest a natural prehuman origin of open habitats in northern Madagascar and question the deforestation narrative in this region”. PNAS Early edition DOI/ 10.1073/pnas.1200153109.

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Lounès Chikhi, directeur de recherche

CNRS au laboratoire Evolution et diversité

biologique (EDB, unité mixte UPS/CNRS).

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Santé

Janvier 2013 PAUL SABATIER

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Une nouvelle bactérie contre l’infl ammation intestinaleUne bactérie génétiquement modifi ée pour produire un anti-infl ammatoire naturel : le résultat du travail d’une équipe du Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan, en collaboration principalement avec des chercheurs de l’Institut Micalis de l’INRA et de l’Institut Pasteur, ouvre de nouvelles perspectives dans la lutte contre l’infl ammation intestinale. Entretien avec Nathalie Vergnolle du CPTP.

Combien de personnes sont touchées par ces maladies infl ammatoires ?En France, près de 200 000 personnes souffrent de maladies infl ammatoires chroniques de l’intestin, dites MICI (en particulier la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques) et l’incidence ne fait que s’accroître (8 000 nou-veaux cas sont diagnostiqués chaque année). Lors des poussées infl ammatoires, les MICI se caractérisent le plus souvent par des douleurs abdominales, des diarrhées fréquentes parfois sanglantes ou encore une atteinte de la région anale (fi ssure, abcès). Différentes pistes sont explorées pour expliquer l’origine des MICI par-mi lesquelles le rôle des facteurs génétiques ou environnementaux. La fl ore intestinale semble jouer un rôle important mais mal connu dans l’apparition de l’infl ammation. La recherche d’un traitement effi cace est au cœur des inves-tigations.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’Elafi ne, une protéine humaine ?Cette protéine est connue pour ses propriétés anti-infl ammatoires. Alors qu’elle est présente naturellement dans l’intestin pour le protéger des agressions, elle disparaît chez les patients souffrant de MICI. On a pensé qu’en délivrant l’Élafi ne humaine directement dans l’intestin, on pourrait le protéger des agressions infl amma-toires et restaurer l’équilibre et les fonctions de l’intestin.

Comment avez-vous testé cette hypothèse ?Nous avons conçu, à partir de bactéries non pathogènes naturellement présentes dans l’in-testin et dans la nourriture, des bactéries modi-fi ées pour produire l’Élafi ne. Pour cela, le gène de l’Élafi ne humaine, isolé grâce à une collabo-ration avec une équipe de l’Institut Pasteur, a été

introduit chez Lactococcus lactis et Lactobacil-lus casei, deux bactéries alimentaires présentes dans les produits laitiers.

Quels ont été les résultats obtenus chez la souris et chez l’homme ?Lorsque ces bactéries recombinées sont admi-nistrées par voie orale à des souris, elles se retrouvent quelques heures plus tard à la surface de l’intestin où elles délivrent la protéine anti-infl ammatoire. Dans différents modèles murins d’infl ammation intestinale chronique ou aiguë, le traitement oral par ces bactéries produisant l’Élafi ne a considérablement protégé l’intestin et diminué les symptômes infl ammatoires. L’Éla-fi ne exprimée par ces bactéries protège aussi des lignées cellulaires intestinales humaines en culture des agressions infl ammatoires similaires à celles observées dans les maladies infl amma-toires chroniques de l’intestin. L’Élafi ne ainsi produite restaure l’équilibre et les fonctions de la muqueuse intestinale en diminuant l’infl amma-tion et en accélérant la guérison des cellules.

• Motta J.P. et al. : «Food-grade bacteria expressing Elafin protect against in-flammation and restore colon homeos-tasis». Science Translational Medicine du 31/10/ 2012.

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Quelles applications cliniques potentielles pourraient découler de ces résultats ?L’Élafi ne pourrait être délivrée aux patients at-teints de MICI grâce à des bactéries bénéfi ques (ou probiotiques), déjà couramment présentes dans l’alimentation (yaourts, fromages), ce qui protégerait ces personnes des symptômes infl ammatoires. Un tel traitement sécurisé pour-rait être utilisé, même à long terme, pour le trai-tement des maladies infl ammatoires. ■

Propos recueillis par Christine Ferran

Note : Ces travaux ont fait l’objet d’une protection par un brevet et d’une cession de licence exclusive à un partenaire industriel, gérée par Inserm Transfert.

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Nathalie Vergnolle, directrice de recherche

Inserm au Centre de physiopathologie de

Toulouse Purpan (CPTP, unité mixte UPS/CNRS/

Inserm)

Élafine (en vert) libérée par la bactérie recombinante à la surface du côlon d’une souris traitée. En rouge, les cellules épithéliales. En bleu, les noyaux cellulaires. JP Motta, C. Deraison, N. Vergnolle, Inserm

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VIE DES LABOS

Neurosciences

PAUL SABATIER Janvier 2013

Circulation sanguine dans le cerveau : une confi guration inattendue

Que connaissait-on du réseau vasculaire du cortex cérébral jusque-là ?Avant on ne connaissait pas grand-chose de l’in-térieur du cortex. L’histopathologie a ses limites. Elle peut nous renseigner sur les gros vaisseaux superfi ciels et ceux qui se trouvent juste en des-sous. Or, c’est à l’entrée des vaisseaux de taille moyenne, vaisseaux appelés « bottle neck » qu’une occlusion peut se former, car ils forment un goulot d’étranglement qui empêche le sang de circuler.

Quel est l’apport de vos collègues de l’IMFT ?A partir de données de prélèvements réalisés sur des primates nains, les marmousets, les physi-ciens de l’IMFT ont pu réaliser une simulation numérique de l’ensemble du réseau vasculaire du cortex cérébral, qui comprend des milliers de segments différents. Plus précisément, ils ont simulé le fl ux sanguin sur 16 000 segments et sur toute l’épaisseur du cortex cérébral. On doit signaler que des expériences sur des rongeurs avaient été réalisées dans un laboratoire amé-ricain, mais n’avaient pu explorer que le cortex supérieur.

Le système vasculaire du cortex cérébral est organisé de manière à palier des éventuelles occlusions. La découverte, publiée dans Neuroimage, est issu d’un travail impliquant à la fois des biologistes du CerCo et des physiciens de l’IMFT. Entretien avec Caroline Fonta, biologiste au CerCo.

Territoires vasculaires dans le cortex cérébral. Pour chaque vaisseau est représenté en niveau de couleur, du rouge (1) au bleu (32) le nombre d’artérioles pénétrantes qui le perfusent. Plus un segment va vers le bleu, plus il est robuste au dysfonctionnement possible d’une artériole. © CerCo, IMFT, Romain Guibert.

• Romain Guibert et al., Coupling and robustness of intra-cortical vascular territories, Neuroimage (2012), 62(1) : 408-417

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Quels enseignements vous ont apporté cette simulation ?Nous avons réussi à suivre le trajet du sang dans un cortex cérébral « sain », non obstrué. Nous avons observé que certains segments reçoivent du sang de plusieurs artérioles, et ces segments représentent 50 % du volume vasculaire. Un segment peut recevoir le sang de 10 artérioles différentes. Ainsi, si un vaisseau se bouche, neuf autres peuvent encore l’alimenter. Cette archi-tecture constitue une résistance aux occlusions et elle augmente avec la profondeur corticale.

Quelles applications cliniques peuvent découler de ces nouvelles données d’anatomie fonctionnelle ?En simulant des occlusions caractéristiques de certaines pathologies comme les AVC, les isché-mies ou la maladie d’Alzheimer, nous pourrions observer ce qui se passe et mieux adapter les stratégies thérapeutiques.

Et quelle sera la prochaine étape ?Ces modules artérioveineux sont associés à une organisation neuronale sous-jacente. On aime-rait par conséquent explorer maintenant les neurones en les marquant avec de l’or pour pou-voir les visualiser aux rayons X, avec une résolu-tion qui ne se mesure plus en micromètres mais en nanomètres ! Ce travail, qui a déjà débuté, fait l’objet d’une collaboration avec l’INRIA. ■

Propos recueillis par Christine Ferran.

Franck Plouraboué, directeur de recherche CNRS à l’Institut de mécanique de fluides de Toulouse (IMFT, unité mixte INP/UPS/CNRS), Caroline Fonta, directrice de recherche CNRS, au Centre de recherche cerveau et cognition (unité mixte UPS/CNRS) et Laurent Risser, ingénieur de recherche CNRS à l’Institut de mathématiques de Toulouse (unité mixte UPS/CNRS).

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Sciences de la vie

Janvier 2013 PAUL SABATIER

[email protected]

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• Human intron-encoded Alu RNAs are processed and packaged into Wdr79-associated nucleoplasmic box H/ACA RNPs. B. E. Jády, A. Ketele, T. Kiss. Genes & Development. 2012; 26:1897-1910.

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Dans les mystères des séquences Alu contenues dans les introns des gènes des primatesCe sont d’étranges petites séquences, dispersées à plus d’un million d’exemplaires dans le génome des primates. Ces séquences Alu ont commencé à livrer leurs premiers secrets, sous l’éclairage d’une équipe spécialisée dans l’étude des petits ARN nucléaires régulateurs au Laboratoire de biologie moléculaire des eucaryotes auquel appartient Beáta Jády.

Que sont les séquences Alu et qu’avez-vous découvert à leur sujet ?Les séquences Alu sont présentes à plus d’un mil-lion d’exemplaires dans le génome des primates. Ces éléments mobiles se sont dispersés par rétro transposition au cours de l’évolution préféren-tiellement dans les régions riches en gènes. Ces séquences, qui dérivent d’un ARN ancestral, pos-sèdent deux parties répétées gauche et droite. La partie droite possède une insertion de 31 nucléotides supplémentaires par rapport à son homologue gauche. Nous avons montré que cette partie droite des séquences Alu qui sont situées dans les introns génère les petits ARN nucléaires appelés « AluACA ». Nous avons ainsi découvert 348 nouveaux ARNs issus de la transcription de séquences Alu. Ces nouveaux ARNs possèdent une structure commune appelée la boîte H/ACA. Les ARN portant cette structure participent à des fonctions comme la maturation des autres ARN et la synthèse des télomères.

Quels sont les éléments nouveaux apportés par cette étude ?Bien que les séquences Alu représentent plus de 10 % du génome humain, leur expression est remarquablement faible. Le plus souvent ces séquences sont transcrites par la polymérase III. Nous avons démontré que les séquences Alu imbri-quées dans les introns des gènes codant des pro-téines sont transcrites par la polymérase II. Et après l’excision des introns, la partie gauche des ARN Alu est libérée et forme des complexes stables avec des protéines reconnaissant la boîte H/ACA.

Pensez-vous que d’autres ARN de cette famille existent ?Oui, nous avons déjà identifi é 200 candidats potentiels. De plus, selon la nature du tissu étudié

et du stade de développement embryonnaire plu-sieurs ARN additionnels peuvent être exprimés. Nous pensons que dans les cellules humaines il existe plusieurs centaines ou milliers d’ARN AluACA.

Comment envisagez-vous de pour-suivre vos travaux ?Bien que les fonctions de ces ARN soient incon-nues, il est probable que ces séquences contribuent à la complexité biologique des primates. Nous allons donc tenter de déterminer le rôle de cette nouvelle famille d’ARN. Ils pourraient par exemple réguler la transcription ou la maturation des autres ARNs. ■

Propos recueillis par Patrick Calvas

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Amandine Ketele, technicienne CNRS ; Beata Jady, chargée de recherche CNRS et Tamas Kiss, directeur de recherche Inserm, au Laboratoire de biologie moléculaire des eucaryotes (LBME, unité mixte UPS/CNRS).

Structure secondaire de l’ARN ALU ACA7. Les motifs H/ACA sont indiqués en rouge

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Localisation nucléaire de l’ARN Alu ACA7. L’ARN est visualisé par hybridation in situ en utilisant un oligonucléotide fluorescent spécifique, l’ADN nucléaire est visualisé par DAPI. Echelle 10μm

AluACA7

dapi

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VIE DES LABOS

Sciences de la planète

PAUL SABATIER Janvier 2013

Françoise Guichard, chercheur CNRS au Centre

national de recherches atmosphériques (Unité

associée Météo-France et CNRS). Le CNRM est asso-

cié à l’Observatoire Midi-Pyrénées de l’UPS.

[email protected]

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• Taylor, de Jeu, Guichard, Harris et Dorigo, 2012 : Afternoon rain more likely over drier soils. Nature. 489(7416):423-6. doi: 10.1038/nature11377

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En journée, les orages se développent au-dessus des sols plus secsOn pensait que les orages se développaient de préférence au-dessus des sols humides. Une équipe européenne (1), incluant des chercheurs du CNRM de Toulouse, a montré que dans certains cas les orages se développent au-dessus de sols plus secs. Ce résultat qui peut paraître étonnant au premier abord, a été publié récemment dans la revue Nature. Explications de Françoise Guichard du CNRM, qui a participé activement à ce travail.

Quel type de données avez-vous utilisé pour ce travail ?Nous avons utilisé des données satellitaires. Plus concrètement, des estimations journalières de l’humidité du sol et des estimations tri horaires de précipitations à haute résolution spatiale (quelques dizaines de kilomètres). Les humidités du sol ont été obtenues à partir du radiomètre micro-ondes AMSR-E et du diffusiomètre radar ASCAT. Les précipitations correspondent aux produits TRMM, CMORPH et PERSIANN. Ces estimations par satellite sont disponibles sur la majeure partie du globe et couvrent une période d’une dizaine d’années.

Comment avez-vous établi l’in-fl uence locale du sol ?Nous avons identifi é les événements convec-tifs orageux qui se développent au cours de la journée au-dessus des continents en excluant les zones montagneuses et les forêts tropicales humides. Pour chaque événement, nous avons considéré l’humidité du sol juste avant la pluie, et plus précisément l’écart entre les zones les plus et les moins arrosées dans de pavés de 150 km de côté. Des dizaines de milliers d’événements précipitants ont été ainsi analysées via une ap-proche statistique consistant à comparer les dis-tributions d’écarts d’humidité du sol avec leurs distributions climatologiques. Ce même calcul a été réalisé avec les différents jeux de données

satellitaires afi n de s’assurer de la robustesse des résultats.

Et quel a été le résultat obtenu ? Nous avons observé qu’au cours de l’après-midi, la pluie tombe préférentiellement sur des sur-faces plus sèches que celles qui sont autour et ce sur l’ensemble des six continents étudiés. Cette préférence est plus marquée sur les zones semi-arides telles le Sahel ou l’Australie. On n’observe donc pas de boucle de rétroaction positive entre humidité du sol et précipitations aux échelles considérées de temps et d’espace. Ce résultat ne signifi e pas que des rétroactions positives n’existent pas, cependant il indique qu’elles ne se manifestent pas à cette échelle.

Peut-on retrouver ce résultat à partir des simulations numériques climatiques ?Non, c’est ce que nous avons constaté en réa-lisant les mêmes calculs avec des simulations

climatiques utilisées par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le résultat est à l’opposé de nos obser-vations : il décrit la prédominance d’une rétroac-tion positive, favorisant le développement de la convection sur les zones déjà humides, et amplifi ant les contrastes entre surfaces sèches et humides. Ce défaut de fonctionnement des simulations climatiques met en jeu le mauvais phasage diurne de la convection simulée avec les paramétrisations actuelles.

Quelles sont les perspectives ouvertes par ce travail ?Ce travail montre l’importance des mécanismes de couplage opérant à fi ne échelle spatio-tem-porelle entre processus de surface et convection atmosphérique. Ces mécanismes sont sous-estimés et mal évalués. Il s’agit maintenant de renouveler nos connaissances sur ces questions, via la simulation à fi ne échelle notamment, de développer des paramétrisations plus adaptées sur les continents dans les modèles de grande échelle, et d’explorer à l’aide d’observations l’importance de ces processus dans les régions semi-arides ou lors des épisodes de sécheresse. ■

Propos recueillis par Daniel Guedalia

(1) Equipes impliquées, hors CNRM : Centre for Eco-logy and Hydrology (Royaume-Uni), Vienna Univer-sity of Technology (Autriche), Vrije Universiteit Ams-terdam (Pays-Bas).

Arrivée d’un gros orage près d’Hombori (Mali), dans le Sahel, pendant la période de mousson. © Françoise Guichard et Laurent Kergoat, CNRS.

Développement d’un orage individuel près d’Hombori (Mali), dans le Sahel, pendant la période de mousson. © Françoise Guichard et Laurent Kergoat, CNRS.

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Écologie animale

Janvier 2013 PAUL SABATIER

[email protected] [email protected]

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• Deciphering Interactions in Moving Animal Groups. Jacques Gautrais et al., PloS Computational Biology (2012), 8 (9), e1002678

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Comme un poisson dans un bancLe déplacement collectif d’espèces animales en grands groupes fascine depuis longtemps les chercheurs mais reste diffi cile à décrire particulièrement lorsqu’il s’agit d’une organisation coordonnée sans leader. Une nouvelle méthodologie élaborée par des chercheurs des laboratoires LAPLACE et CRCA, en collaboration avec l’IRD et le CEA vient d’être proposée récemment pour décrire les mécanismes comportementaux et les interactions entre individus. Entrevue avec Richard Fournier un des responsables de cette étude.

Sur quelles bases expérimentales s’appuie votre modèle ?Nous avons enregistré en vidéo les trajectoires de poissons (espèce Khulia mugil) introduits dans un bassin circulaire de 4 m de diamètre, pour un nombre variable d’individus allant de 1 à 30. A cette échelle, les effets de bord sont importants et doivent être inclus dans le modèle du comportement spontané d’un poisson isolé. Les informations recueillies indiquent la cour-bure de la trajectoire pour chaque individu, en fonction de la position par rapport à la distance à la paroi et puis la distance et la polarisation (degré d’alignement) avec les autres individus lorsqu’il s’agit de caractériser les interactions entre individus.

Quelle méthodologie est utilisée pour exploiter ces données ?Il s’agit d’une méthodologie « bottom-up » qui a été choisie pour construire le modèle à partir de ces données récoltées à l’échelle individuelle en groupes de différentes tailles. Les données expérimentales sont utilisées pour formuler de manière incrémentale un modèle contenant les éléments clés de la fonction stimulus/réponse des individus. C’est sur ce point que la complé-mentarité entre les deux laboratoires toulou-sains est signifi cative : la démarche qui vise à défi nir les expériences et puis à établir les équa-tions différentielles stochastiques utilisées pour le modèle est similaire à celle mise en place pour la modélisation du comportement statistique de

particules et de leur interaction, un des cœurs de métier du laboratoire LAPLACE.

Quel a été votre résultat le plus signifi catif ?Les simulations du modèle ont bien reproduit les caractéristiques des dynamiques de nage obser-vées pour des groupes jusqu’à dix individus. Ces résultats montrent en particulier que la vitesse de nage des poissons contrôle la transition entre les différents modes de déplacement collectif. Mais au-delà, l’augmentation de la densité de poissons dans le bassin a engendré des modifi ca-tions de la réactivité individuelle, induisant une diminution de la tendance des poissons à intera-gir entre eux lorsqu’ils sont déjà très nombreux au même endroit. Des essais complémentaires avec des bassins de tailles différentes sont pro-grammés.

Peut-on dans un futur utiliser cette méthode en pleine mer ?C’est notre projet. Cette méthodologie de modé-lisation va être appliquée, dans le cadre d’un pro-jet avec l’IRD, pour une meilleure compréhension du comportement de banc de poissons à grande échelle dont les mesures auront été réalisées par un sonar en pleine mer. Là, notre objectif premier sera la connaissance du modèle comportemen-tal de chaque espèce suivie afi n de faciliter leur identifi cation depuis la surface sur la seule base des données sonar. ■

Propos recueillis par Martine Poux

Jacques Gautrais, chargé de recherche CNRS au Centre de recherche sur la cognition animale (CRCA, unité mixte UPS/CNRS) et Richard Fournier, professeur UPS au Laboratoire plasma et conversion d’énergie (LAPLACE, unité mixte UPS/CNRS/INP).

Dispositif expérimental utilisé pour suivre la synchronisation des déplacements chez le poisson Khulia mugil. Un bassin de 4 m de diamètre est rempli avec une hauteur d’eau limitée pour contraindre la nage en 2D. Des groupes de poissons sont introduits et suivis par caméra. Ici, un groupe de N=5 poissons montre une structure groupée et alignée. Un logiciel de tracking permet de récupérer la position de la tête de chaque poisson tous les 1/12ème de seconde (points blancs). Les points noirs marqués sur le fond du bassin permettent de calibrer la correction de la perspective et de l’aberration angulaire de la prise de vue.

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VIE DES LABOS

Sciences pour l’ingénieur

PAUL SABATIER Janvier 2013

[email protected]

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• A.K. Diallo et al. : « Development of pH-based ElecFET biosensors for lactate ion detection » Biosensors and Bioelectronics, 2013, 40, 291-296 / DOI:10.1016/j.Bios.2012.07.063.

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Des nouveaux micro-capteurs pour détecter des biomoléculesEn associant une électrode, un capteur et une enzyme spécifi que il est possible de détecter des biomolécules ciblées. La preuve en a été faite par une équipe du LAAS. Pierre Temple-Boyer, responsable de ce travail, répond à nos questions (1).

Quel est le principe de base de cette découverte ?L’idée est d’adapter les techniques de pH-mé-trie aux enzymes de la famille des oxydases capables de capter et dégrader certaines biomo-lécules. Comme la réaction enzymatique asso-ciée s’accompagne de la production de peroxyde d’hydrogène H2O2, il suffi t d’oxyder ce dernier sur une électrode en appliquant une polarisation appropriée qui va libérer des ions hydronium H3O+ dont on détecte alors la présence par une simple mesure potentiométrique de l’abaisse-ment local du pH de la solution. Au fi nal, il est alors possible de remonter à la concentration de la biomolécule d’intérêt.

Comment avez-vous réalisé l’intégration technologique d’un tel dispositif ?Nous avons mis au point un transistor électro-chimique à effet de champ, appelé « ElecFET » (Electrochemical fi eld effect transistor). La mi-croélectrode d’oxydation et le microcapteur pH sont intégrés de manière fonctionnelle sur une puce de silicium. L’enzyme est dissoute dans de

l’alcool polyvinylique photosensible (PVA-SbQ) et la solution enzymatique est ensuite déposée à la microgoutte sur la puce puis réticulée sous rayonnement ultraviolet. On obtient ainsi une couche de 1 μ m d’épaisseur qui incorpore l’en-zyme. L’intérêt est que la détection va alors se faire dans un volume inférieur au microlitre.

Quels enzymes utilisez-vous, et à quelles biomolécules s’applique votre procédé ?Nous avons travaillé avec la glucose oxydase, la lactate oxydase et la glutamate oxydase et nous avons ainsi effectué la détection du glu-cose ainsi que des ions lactate et le glutamate, biomolécules dont le dosage a un intérêt dans le domaine de la santé et de l’agroalimentaire. Par exemple, le glutamate de sodium est un exhaus-teur de goût très utilisé, mais sa consommation à forte dose peut avoir des inconvénients sur la santé en raison du rôle du glutamate en tant que neurotransmetteur. De même, l’acide lactique est un marqueur de la fatigue musculaire ou de l’état de stress physiologique et joue en parallèle un rôle important dans de nombreux procédés

Fabrication collective de microdispositifs ElecFET en technologies «Silicium».

Pierre Temple-Boyer, directeur de

recherche CNRS au Laboratoire d’analyse

et d’architecture de systèmes (LAAS,

unité propre du CNRS, associée à l’UPS)

de fermentation. Pour ces différents cas, il est important de pouvoir mesurer la concentration de ces métabolites, ce que permet effectivement notre procédé.

Quelle est la durée de vie d’un tel système ?Dans le cadre du développement de capteurs enzymatiques, les propriétés des enzymes en termes d’activité, de stabilité et de coût restent un verrou majeur. Par exemple, il faut savoir qu’on perd 50 % de l’activité enzymatique lors de la réticulation sous ultraviolet de la couche enzymatique. De même, la durée de vie du capteur va être conditionnée par la stabilité de l’enzyme utilisée. Pour la glucose oxydase, la durée de vie du capteur conditionné est poten-tiellement d’un mois, et d’une semaine lorsqu’il est en fonctionnement. En revanche, pour la glu-tamate oxydase, cette durée de vie est limitée à quelques jours. Dans le cas de notre procédé, le problème est moindre, car, d’une part, nous pou-vons compenser une faible activité de l’enzyme en augmentant le potentiel de polarisation de la microélectrode, et d’autre part, nous profi tons des potentialités de fabrication collective des mi-cro-technologies « Silicium » pour concevoir des micro-capteurs jetables à bas coût (de l’ordre de 1 Euro). ■

Propos recueillis par Guy Lavigne

(1) : travail réalisé en collaboration avec la société HEMODIA.

Page 23: Mouvement et sport

Le potentiel de recherche de l’Université Paul Sabatier se répartit sur 66 laboratoires, la plupart unités mixtes avec le CNRS, l’INSERM, l’IRD, l’INRA, le CNES… 1500 enseignants-chercheurs, 950 chercheurs, 1200 personnels techniques et administratifs travaillent dans ces laboratoires.

Les quatre grands pôles de recherche sont :

> MST2I (Mathématiques et Sciences et Technologies de l’Information et

de l’Ingénierie) : 5 laboratoires mixtes, 1 laboratoire CNRS, 3 EA, 5 fédérations

> UPEE (Univers, Planète, Espace, Environnement) : 7 laboratoires mixtes,

1 Observatoire

> SM (Sciences de la matière) : 9 laboratoires mixtes, 3 laboratoires CNRS,

2 Fédérations

> SV (Sciences du vivant) : 21 laboratoires mixtes, 1 laboratoire INRA,

11 EA, 7 Fédérations

À ces quatre pôles, il faut ajouter un axe : CIGEDIL (Communication, Information,

Gestion et Didactique des Langues) : 1 EA et 2 unités universitaires

EA : équipe d’accueil

1700 doctorants sont inscrits à l’UPS, répartis dans 11 Écoles Doctorales, dont 6 pilotées par l’UPS.

La Recherche à l’UPS

www.univ-tlse3.fr rubrique “recherche”

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Page 24: Mouvement et sport

L’Observatoire Hommes-MilieuxExtraction d’une carotte de tourbe dont on va analyser le contenu en pollens, spores de champignons et autres restes végétaux, des marqueurs de bouleversements environnementaux. Ce carottage est réalisé dans la haute vallée du Vicdessos, au cœur des Pyrénées ariégeoises, devenue offi ciellement l’Observatoire Hommes-Milieux (OHM) Pyrénées Haut-Vicdessos en mars 2009. Cette vallée s’étend sur 350 km2, regroupe 7 communes et a été très marquée par l’agriculture, l’élevage, l’exploitation minière et métallurgique. Dans le cadre de cet OHM, 80 scientifi ques, issus de disciplines variées, étudient les interactions entre environnement et société dans cette zone soumise à des perturbations importantes et tentent d’anticiper les évolutions futures de ce territoire.

La science en images

Laboratoire : Géographie de l’environnement

(GEODE, unité mixte CNRS/UTM)Copyright : © CNRS Photothèque/

Albane BURENSRéférence : 2011N00623