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Mondialisation et RH - 7 Partie I. L'internationalisation des entreprises a eu pour effet d'élargir le domaine de compétences et d'action du Directeur des Ressources Humaines. Il ne peut plus se contenter de raisonner localement, il doit aussi prendre en compte toutes les unités d'implantation des filiales. Il en va ainsi en ce qui concerne le recrutement des collaborateurs, leur expatriation dans les filiales étrangères ou encore la politique de formation, qu'il faut adapter au contexte international. CHAPITRE I : CONSEQUENCES DE LA MONDIALISATION SUR LE RECRUTEMENT L’internationalisation du recrutement est notamment l’une des principales préoccupations du DRH d’une multinationale. I - Recrutement interne ou externe ? La problématique du recrutement à l’international est d’autant plus complexe que les pratiques sont variées. 1) Définition La plupart des DRH interrogés définissent le recrutement à l’international comme "le fait de recruter une personne en France pour l’envoyer travailler dans une filiale étrangère ", ce qui s'apparente à l’expatriation... Cela revient à dire que le DRH opère un arbitrage entre le recrutement interne et le recrutement externe. Nous pouvons définir le recrutement interne comme consistant à recruter un cadre de l’entreprise que l’on va expatrier. Le recrutement externe peut quant à lui recouvrir deux significations : il s’agit soit de recruter une personne du pays du siège spécialement pour être expatrié, soit de recruter une personne dans le pays d’implantation. Dans les deux premiers cas, il s’agit de personnes expatriées, c’est-à-dire des

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Mondialisation et RH - 7

Partie I.

L'internationalisation des entreprises a eu pour effet d'élargir le domaine de

compétences et d'action du Directeur des Ressources Humaines. Il ne peut plus se contenter

de raisonner localement, il doit aussi prendre en compte toutes les unités d'implantation des

filiales. Il en va ainsi en ce qui concerne le recrutement des collaborateurs, leur expatriation

dans les filiales étrangères ou encore la politique de formation, qu'il faut adapter au contexte

international.

CHAPITRE I : CONSEQUENCES DE LA MONDIALISATION SUR

LE RECRUTEMENT

L’internationalisation du recrutement est notamment l’une des principales

préoccupations du DRH d’une multinationale.

I - Recrutement interne ou externe ?

La problématique du recrutement à l’international est d’autant plus complexe que les

pratiques sont variées.

1) Définition

La plupart des DRH interrogés définissent le recrutement à l’international comme "le fait de

recruter une personne en France pour l’envoyer travailler dans une filiale étrangère ", ce qui

s'apparente à l’expatriation... Cela revient à dire que le DRH opère un arbitrage entre le

recrutement interne et le recrutement externe. Nous pouvons définir le recrutement interne

comme consistant à recruter un cadre de l’entreprise que l’on va expatrier. Le recrutement

externe peut quant à lui recouvrir deux significations : il s’agit soit de recruter une personne

du pays du siège spécialement pour être expatrié, soit de recruter une personne dans le pays

d’implantation. Dans les deux premiers cas, il s’agit de personnes expatriées, c’est-à-dire des

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personnes qui quittent temporairement l’entreprise de son pays d’origine pour une affectation

dans un pays étranger avec une forte perspective de retour.1

2) Méthodes

Le recrutement à l’international possède des spécificités qu’une entreprise se doit de

connaître. L’entreprise doit définir clairement ce qu’elle veut réaliser dans le pays

d’implantation et avec quels moyens, avant même de lancer le processus de recrutement.

Pour un recrutement interne, les qualités du candidat devront être ceux, classiques,

d’adaptabilité, de capacité d’intégration, d’autonomie, d’esprit d’équipe et d’initiative, de

disponibilité, de rigueur, d’ouverture d’esprit…Mais surtout la maîtrise de la langue du pays

ou au minimum de l’anglais, et sur des préoccupations comme la nourriture ou le mode de

vie. L’avantage du cadre maison est qu’il a la connaissance de la culture de la société et une

crédibilité auprès de sa hiérarchie.

Quand la société ne possède pas de solution en interne, elle doit se tourner vers

l’extérieur en faisant appel à des cabinets de recrutement ou à des chasseurs de tête, de

préférence spécialisés dans les dossiers internationaux.

Pour évaluer les qualités des candidats à l'international, le groupe Accor fait appel à

un outil qu'il connaît bien : l'assessment center. L'entreprise l'utilise en effet pour sélectionner

ses différents directeurs d'hôtels en France. Les candidats passent ainsi par les mains du

cabinet Optim'hom où, pendant une journée, ils deviennent des directeurs d'agences d'intérim

et sont soumis à divers exercices de simulation.2

Si le candidat au poste à l'étranger n'est toujours pas trouvé, reste sinon l’ANPE

internationale et l’Office des Migrations Internationales (OMI).

Les conseillers de l'ANPE Internationale définissent avec les entreprises les modalités

de recrutement et recherchent les futurs collaborateurs correspondant aux profils exigés, par

1 CERDIN Jean-Luc " L'adaptabilité des cadres français expatriés ", Gestion 2000, sept-oct 19982 Entreprise & Carrières supplément n°439,16-22 juin 1998

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les moyens les plus adaptés. Ils effectuent la présélection des candidatures puis transmettent

les CV retenus, assurent le suivi de ces mises en relation jusqu'au choix des candidats.

L'ANPE Internationale de Paris met ses locaux à la disposition des employeurs pour les

entretiens préalables de recrutement. Parallèlement, la diffusion des offres d'emploi se fait par

le biais des médias (radio, presse, télévision), par le journal "ANPE International" distribué

chaque semaine dans les 800 points de l'ANPE, par le serveur Minitel et le réseau

informatique3

Un article paru dans "gestion 2000" en septembre octobre 1998, s’appuyant sur une

partie des résultats de la recherche doctorale de Jean-Luc CERDIN4 conclut que dans le

domaine du recrutement des expatriés et de toute personne concernée par la mobilité

internationale, les entreprises accordent trop d’importance aux critères de sélection des

expatriés basés sur les connaissances techniques et les performances passées.

Lorsqu’on recrute directement à l’étranger, il faudrait que les candidats retenus

viennent au minimum deux mois au siège pour s’imprégner de la culture d’entreprise, et

éventuellement faire profiter le département international de leur expérience5

Ainsi, nous pouvons faire un tableau des avantages et inconvénients des deux formules :

Avantages Inconvénients

Recrutement

interne

¬ connaissance de l’entreprise(culture,produits,techniques)

¬ connaissance du candidatappartenance à l’entreprise

¬ nouvelle voie pour la bourse del’emploi interne

¬ choix de candidats plus restreinten interne, lorsqu’il existe

¬ analyse des critères spécifiquesà l’international, en particuliercelle de l’environnementfamilial

Recrutement

externe

¬ pour les entreprises n’ayant pasde vivier interne de candidatsexpatriables

¬ mise en concurrence de

¬ Connaissance moins immédiatede la société par le candidat,temps d’adaptation

¬ Compétences, savoir-faire et

3 http : // www.reservoir-job / anpe4 CERDIN professeur adjoint à l’ESSEC opus cit.5 .BAZERQUE Henri, " Paroles d’expatriés " Editions p276

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candidats internes et externesqui assure un choix plus grandet plus diversifié, permet unesélection plus fine

¬ regard neuf et dynamiquenouvelle apportés par uncandidat externe

loyauté du candidat méconnuspar l’entreprise

Source : DEGHAYE Capucine " Recrutement international à la Lyonnaise des Eaux " mémoire DESS GRH

Bordeaux IV, octobre 1997

Dans le cas d'un recrutement externe d’une personne résidant dans le pays de la

maison mère, on parle du "recrutement d’un expatrié". Cette formule nous est apparue comme

la plus difficile d’utilisation puisqu’elle cumule les inconvénients des deux sortes de

recrutement interne ou externe. En effet, non seulement les mêmes questions d’adaptabilité,

de capacité d’intégration, d’autonomie…vont se poser, mais aussi le candidat n’aura pas la

connaissance de l’entreprise. Pourtant, c’est une solution de plus en plus utilisée par les

entreprises, notamment pour faire débuter les jeunes embauchés comme nous le verrons par la

suite.

Ainsi la notion de recrutement international est beaucoup plus large que la simple

dichotomie "recrutement interne ou externe" et la mondialisation modifie la donne. Si au

début des années 80 la mode était surtout à l’expatriation, l’internationalisation des

entreprises a permis de multiplier les pratiques de recrutement, chaque entreprise essayant de

trouver la meilleure solution à ses caractéristiques propres.

II - Les pratiques du recrutement international

Le recrutement international obéit désormais à de nouvelles règles du jeu : ainsi, les

grands groupes n’hésitent plus à recruter à l’échelle d’un continent pour dénicher les

meilleurs candidats, la mobilité n’est plus réservée qu’aux cadres expérimentés mais

intéressent de plus en plus les jeunes plus en début de carrière...

C’est aussi l’occasion de comparer les différentes pratiques de recrutement, selon les

pays.

1) Pratiques comparées de recrutement selon les pays

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Dans les années 70, on ne recrutait pas de la même façon en Europe, dans les

pays anglo-saxons ou en Asie.6

Aujourd'hui de nombreux témoignages attestent que ces différences ont été gommées.

La prédominance américaine dans la littérature de la Gestion des Ressources Humaines et la

montée en puissance des chasseurs de têtes internationaux seraient des facteurs explicatifs de

cette harmonisation des pratiques, sur le modèle américain. Toutefois, il paraît excessif de

dire que les pratiques ont été unifiées. En effet, il subsiste des nombreuses spécificités

nationales en matière de procédés de recrutement, spécificités qui tiennent non seulement aux

particularismes culturels, mais aussi au contexte économique.

Ainsi, on distingue les différences de pratiques d'une part sur les méthodes utilisées et

d'autre part sur la durée du recrutement.

a) La durée du recrutement

Concernant la durée du recrutement, on s'aperçoit qu'elle est fortement liée au

contexte économique et à la législation sociale de chaque pays.

Ainsi, aux Etats-Unis, comme en Grande-Bretagne, les sociétés ne s'engageant pas sur

le long terme avec leurs salariés, compte tenu d'un droit social relativement laxiste concernant

les procédures de licenciement, les embauches sont généralement finalisées au bout de trois

mois.

A l'inverse, en France, avec un droit social protecteur du salarié, les entreprises

s'engagent sur le long terme. En effet, après la période d'essai durant laquelle employeur

comme salarié peuvent rompre le contrat, les procédures de licenciement sont strictes et

peuvent coûter très cher à l'employeur.

En Allemagne, les entreprises consacrent une part importante de la masse salariale à la

formation continue et au développement de carrière des cadres. Il est de ce fait difficile de

faire changer d'entreprise à un collaborateur allemand. Le contexte influe sur les pratiques de

recrutement, le processus de recrutement est donc relativement long, facilement cinq mois.

6 GUERIN Jean Yves Mensuel liaisons sociales septembre 1996, p30-32

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De même, au Japon, qui cultive le modèle de l'emploi à vie, les entreprises recrutent

peu en cours de carrière. Quand elles cherchent à pourvoir un poste de middle ou top

management, elles éprouvent de grosses difficultés à dénicher les candidats, compte tenu du

fait que ces derniers sont très méfiants quand il s'agit de quitter l'entreprise qui les a recruté à

la sortie de l'université. Les processus de recrutement sont donc très longs et peuvent

demander jusqu'à six à douze mois pour pourvoir un poste 7

Toutefois, les méthodes de recrutement étant en quelque sorte contingentes au contexte

économique, on peut se demander si les pratiques japonaises ne se sont pas modifiées depuis

la crise boursière asiatique de l'été 1997.

b) Les canaux de recrutement

En ce qui concerne les canaux de recrutement, on note une certaine similitude dans les

méthodes des pays, où l'on retrouve souvent les petites annonces et les chasseurs de têtes.

Aux USA notamment pour les postes d'encadrement supérieur, les recrutements sont

toujours confiés à des chasseurs de têtes (ce qui n'est pas le cas en France), tandis que pour

l'encadrement intermédiaire, on recourt davantage aux petites annonces (comme en France).

En GB, on note, comme aux Etats-Unis, un fort recours aux cabinets de chasseurs de tête.

En Allemagne, jusqu'au début des années 90, les chasseurs de têtes n'avaient pas le droit

de constituer des fichiers de candidats. Du coup, les entreprises ont pris l'habitude de faire

moins appel à eux que dans les pays anglo-saxons. En Allemagne, la préférence pour récolter

des candidatures va aux salons et réunions organisés par les syndicats professionnels.

Parallèlement, les petites annonces sont utilisées quelque soit le poste.

Certains pays ont des pratiques un peu plus en marge. Ainsi, au Japon, les entreprises

qui recrutent ont intérêt a se faire connaître auprès des professeurs, dont le rôle est crucial

dans l'orientation des étudiants. En Italie, on ne vérifie jamais les références d'un candidat

alors que cette pratique est devenue la norme dans quasiment tous les pays occidentaux pour

les fonctions d'encadrement supérieur. Enfin, en Espagne, la cooptation reste le moyen le plus

utilisé pour pourvoir un poste8.

7 GUERIN Jean Yves Mensuel liaisons sociales opus cit.8 GUERIN Jean Yves Mensuel liaisons sociales opus cit.

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c) Les méthodes d'entretien

Quant aux méthodes d'entretien, on remarque qu'elles sont fortement liées à la culture

du pays.

Aux Etats-Unis, quel que soit le mode de sélection, les critères ne laissent pas la place

à la subjectivité : on se base essentiellement sur les compétences (tandis qu'en France, on

laisse une plus grande place à la relation humaine, le candidat retenu sera celui qui, à

compétences similaires, a le plus d'affinités avec le recruteur).

Ce souci d'objectivité conduit également les recruteurs à ne pas utiliser la graphologie et les

tests qui n'ont pas de valeur scientifique outre-Atlantique (paradoxe quand on sait qu'une

grande partie de ces tests viennent des Etats-Unis !)

Les droits des candidats américains se sont renforcés depuis quelques années. Notamment,

lors d'un entretien, le recruteur ne peut pas demander à un candidat son âge, s'il est marié, et à

une femme si elle compte avoir des enfants…afin d'éviter toute discrimination. Ainsi, dans la

présentation des CV, un candidat américain ne mettra pas sa photo afin de ne pas influencer

un comportement discriminant de la part du recruteur.

En Grande-Bretagne, la procédure de recrutement ne contient pas les tests et la

graphologie, considérés comme des méthodes non scientifiques, mais c'est le culte des

références : avant d'embaucher quelqu'un on vérifie obligatoirement ses références auprès des

anciens employeurs.

Comme aux Etats-Unis, le diplôme d'origine a peu d'importance, notamment comparé aux

compétences réelles. Seule différence significative : on peut encore interroger les candidats

sur leur vie privée sans risquer de se retrouver en procès pour atteinte à la vie privée ou

discrimination !

Au Japon, jusqu'à une période récente, le culte de l'emploi à vie avait pour effet de

modifier le rapport de force lors de l'entretien : on passait beaucoup de temps à vendre le

poste, les candidats posant davantage de question sur leur employeur potentiel (bilans de

l'entreprise, visite guidée). Il arrive même que les recruteurs rencontrent la femme du candidat

pour la convaincre de la solidité de la société.

Les recruteurs prennent aussi beaucoup de précautions. Ainsi fréquemment, ils font faire des

enquêtes sociales sur le candidat auprès des voisins, des amis…En outre, les recruteurs

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invitent souvent un candidat à dîner pour voir comment il se comporte dans un cadre moins

formel. En revanche, on n'utilise jamais la graphologie et les tests pour choisir un candidat.

A Singapour une partie de l'entretien porte sur la famille du candidat car il est d'usage

qu'un cadre démissionne pour soigner ses parents s'ils tombent malades.

En Allemagne comme les candidats aux postes de haut niveau sont une denrée rare

(attachement à l'entreprise qui les embauche), on leur réserve un traitement meilleur qu'en

France : par exemple, les déplacements pour un entretien sont systématiquement pris en

charge par l'entreprise9

Malgré une homogénéisation des pratiques de recrutement, chaque pays conserve ses

spécificités. On peut noter qu'en la matière la France se distingue largement, tant sur le plan

de la durée du recrutement (il faut diminuer le risque compte tenu du droit protecteur des

salariés) que sur le plan des méthodes, notamment les tests et la graphologie, numérologie et

astrologie, dont les recruteurs français sont très friands.

2) Pratiques de recrutement selon les entreprises

Selon Maurice Rozet, PDG de CPM Search-Alexander Hugues International,

spécialisé dans la chasse de têtes, les grandes entreprises se sont déjà réorganisées en filières

de compétences ou de métiers plutôt qu’en zones géographiques. Déjà parmi leurs clients,

certains ne posent plus la question de la nationalité dans les missions de recrutement qu’ils

leur confient.10

C’est pourquoi se multiplient les "foires à l’emploi" et "salons de recrutement "

destinés à mettre en contact des jeunes diplômés désireux de faire une carrière internationale,

et les grands groupes qui recherchent la "perle rare", souvent " jeune à haut potentiel (et

moins cher que le cadre expérimenté), mobile, ayant déjà une ouverture aux cultures

étrangères grâce aux études... "11

a) Les salons de recrutement

Témoin de cette tendance le succès du saloon Euromanagers-Eurengineers organisé

par le cabinet EMDS les 15 et 16 décembre 1998 à Paris, où plus de 1 200 jeunes diplômés et 9 GUERIN Jean Yves Mensuel liaisons sociales opus cit.10 FRANCHET, LE NAGARD, CHOL Entreprise & Carrières n°464, 12 janvier 1999

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jeunes cadres ou ingénieurs avaient rendez-vous dans les chambres du complexe hôtelier de

Marne La Vallée. Les candidats avaient été présélectionnés par EMDS notamment en

fonction de leur capacité à travailler dans un environnement international et selon un cahier

des charges transmis par les entreprises participantes.12

Dans le même esprit s'est tenue, les 26 et 27 mars 1999, la troisième édition du forum

européen de l’emploi à Tokyo (European Job Fair).

Ce forum, lancé en 1997 par la Chambre de Commerce et de l'Industrie française au

Japon en partenariat avec les CCI d'Europe, a pour but d’aider les entreprises européennes à

recruter au Japon les jeunes qui seront diplômés en avril de l'année suivante. Le recrutement

international consiste ici, à recruter du personnel local pour la filiale, sur un marché où les

différences culturelles sont bien connues pour être difficile à concilier.

Les firmes européennes, en comparaison avec les firmes américaines notamment, ont des

difficultés à se faire connaître sur le marché asiatique, il y a un très grand décalage entre

l’offre et la demande. Le Forum offre donc la possibilité aux entreprises participantes, deux

jours durant, de se présenter aux étudiants et de prendre un premier contact avec celles et

ceux intéressés par une perspective de carrière en milieu étranger. Plus de 30 entreprises de

l’Union européenne, avec 100 à 150 postes à pourvoir chaque année sont présentes à la Foire

pour essayer de convaincre près de 3 200 étudiants qui se déplacent pour l'occasion.13 14

Cette année, l'édition 1999 du Forum a battu des records.

Pour les sociétés européennes déjà implantées sur le sol asiatique telles Michelin, L’Oréal,

Alcatel ou Ericsson, la Foire est l’occasion de recruter les ingénieurs qui leur font

cruellement défaut.

Si les jeunes nippons sont de plus en plus intéressés par les entreprises européennes,

c'est notamment parce que les méthodes de management sont plus souples que celles des

entreprises japonaises traditionnelles, favorisant l'épanouissement de la personnalité. En

outre, les récents bouleversements sur le marché de l'emploi asiatique, avec des taux de

chômage en hausse, est favorable pour les entreprises étrangères qui souhaitent embaucher

des candidats japonais d'un bon niveau.15

11 FRANCHET, LE NAGARD, CHOL opus cit.12 FRANCHET, LE NAGARD, CHOL opus cit.13 PEDROLETTI Brice, le Monde 19 mars 1998, p1914 TEMMAN Michel, Entreprise & Carrières n°474 mars 99, p1015 TEMMAN Michel opus cit.

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b) Exemples de méthodes pratiquées par les entreprises

Dans les entreprises visitées pour l’enquête, on retrouve l’idée selon laquelle la

politique RH, et notamment la politique de recrutement, sont contingentes au contexte

économique de l’entreprise.

En effet, en matière de recrutement, on ne peut pas faire une distinction des pratiques selon la

culture d’origine de l’entreprise : il s’agit davantage du secteur d’activité.

Ainsi, par exemple, Lectra Systèmes est un des deux leaders mondiaux des "solutions

de conception et de fabrication assistées par ordinateur (CFAO) pour les industries de

transformation des textiles et du cuir". Crée en 1973, elle compte aujourd’hui 1 500

personnes dans le monde (518 maison mère et 728 filiales), réalise 87 % de son CA à

l’étranger et compte 7 500 clients dans 80 pays. Il y a une représentation unique de la DRH au

siège de Cestas (cela évolue dans le sens d’une délocalisation possible dans les années à

venir) et jusqu’à présent il n’y avait aucune délocalisation de la GRH stratégique, les filiales

ne jouant qu’un rôle administratif en la matière.

Chez Lectra, la politique de recrutement dépend entièrement du siège qui a le

"monopole" du recrutement des directeurs de filiales. Ces derniers recrutent eux-mêmes leurs

collaborateurs, mais la maison mère garde le droit de regard sur ces recrutements. Il y a

toujours contrôle du siège : son accord pour l’arrivée mais aussi pour le départ d’un

collaborateur, ceci notamment pour éviter des dérapages, comme un taux élevé de turn-over.

Cette omniprésence de la maison mère dans le recrutement des collaborateurs

s’explique en partie par la nature de l’activité : située dans le secteur de la haute technologie,

avec des métiers très spécifiques (le DRH parle de "métier LECTRA"), le temps de formation

est élevé et l’entreprise ne peut pas se permettre un fort taux de turn-over.

D’autre part, Sanofi santé nutrition animale est une filiale du groupe Elf Aquitaine.

Née de la fusion de plusieurs laboratoires pharmaceutiques vétérinaires, elle s’est hissée au

10ème rang des laboratoires pharmaceutiques européens. Sanofi santé nutrition animale a

une activité export importante sur le marché européen, en Europe de l’Est, en Afrique et au

Moyen-Orient.

Mondialisation et RH - 17

A l’inverse de Lectra, chez Sanofi, la politique RH est décidée au siège, mais selon la

taille de la filiale étrangère, elle est ou non décentralisée. Notamment le service RH de la

filiale hongroise est dirigé par des responsables locaux, avec lesquels la DRH du siège

éprouve des difficultés de communication (rétention et mauvaise circulation des

informations). En dehors de ce problème spécifique à la filiale hongroise, le recrutement pour

les postes à responsabilités dans les filiales, est effectué par la direction de la maison mère qui

se rend sur place. Par soucis d’intégration et de cohérence, les directeurs des filiales sont en

général des locaux.

Ceci s’explique par le fait que la constitution des filiales s’est opérée par rachats

d’unités déjà implantées dans les pays, ce qui crée la réticence du personnel local à accepter et

à suivre la politique générale de la société acquéreuse.

Comme on a pu le constater avec les exemples de Lectra Systèmes et Sanofi, la

difficulté est aujourd’hui d’arbitrer entre décentralisation du recrutement au niveau des

filiales ou centralisation au niveau du siège.

Selon Pierre MEYNARD, directeur de la gestion des cadres de Pechiney16

"Pour laisser les filiales recruter, il faut pouvoir développer par la suite des parcours de

training qui mélangent les effectifs", c’est-à-dire constituer des équipes dites

"multiculturelles".

Marks & SPENCER a choisi une autre formule qui consiste à standardiser les

procédures de recrutement auxquelles sont associées un parcours de formation en Grande-

Bretagne. Depuis 1993, Marks & Spencer a multiplié par deux le nombre de ses magasins

en Europe continentale ( 41 actuellement répartis en France, Espagne, Belgique, Pays-Bas et

Allemagne) et souhaite encore augmenter sa surface de vente d’ici à l’an 2000.

Depuis 1996, ce groupe a mis en place le programme « M & S European Management

Scheme» qui vise le recrutement des futurs cadre et directeurs des magasins européens. Le

programme consiste en l’harmonisation de la procédure de recrutement au sein des six pays

d’Europe où le groupe est présent. Cela lui permet d’élargir son champ de recherche des

candidats adéquats à toute l’Europe plutôt que dans le seul pays d’implantation d’un nouveau

magasin par exemple.

16 FRANCHET, LE NAGARD, CHOL, Entreprise & Carrières n°464, 12 janvier 98

Mondialisation et RH - 18

"Chaque responsable national de recrutement a ainsi pour rôle de développer des

contacts avec les universités et business schools de son pays afin de cibler des candidats.

Ceux-ci doivent avoir un niveau d’études équivalent à bac +4/5, mais l’entreprise n’exige pas

de diplôme spécifique : comme dans de nombreuses entreprises anglo-saxonnes, les jeunes

recrutés suivent une année de formation aux méthodes et aux métiers de l’entreprise. Les

étudiants intéressés par un poste European Manager reçoivent une brochure en anglais,

décrivant l’entreprise, les profils recherchés, les trois types de postes proposés, ainsi que les

différentes étapes de la sélection."

Bien sûr, les candidats doivent parler couramment anglais et être mobiles sur

l’Europe. Pour ceux qui seront retenus à l’issue de la sélection, la formation durera douze

mois alternant expériences pratiques en magasins et séminaires en salle et dont une partie se

déroule en Grande-Bretagne.

Au terme de ce training, ils sont nommés au poste d’assistant manager dans les

fonctions personnel, administrative ou commerciale. Pendant trois ans, ils occuperont divers

postes dans leur pays d’origine avant de pouvoir atteindre le rang de directeur, et de prendre

éventuellement des responsabilités à l’international.17

D'autres entreprises ont développé des programmes de recrutement international, sur

le même principe que Marks et Spencer.

Nom del'entreprise

Nom du programmeDate decréation

Durée prévue Principales étapes

Marks &Spencer

European StoreManagement Trainee

Program

1996 1 an 6 mois de formation commercialede base

6 mois de formation spécifique àson métier dont période de 3 à 6

mois en Grande BretagneBMW Drive 1998 12 à 18 mois Au cas par cas selon la formation

initialeAcquisition de compétences dansun métier et la culture d'un pays

GroupeDANONE

Jeunes diplôméseuropéens

1997 2 à 4 ans Séminaire d'intégration au groupeEtape de formation au métier

Premier poste à l'étrangerLeroy Merlin Pépinière

Internationale

1998 Entre 9 mois et

3 ans

Première expérience d'un an en

France en magasin

2 ans de disponibilité à l'étranger

17 FRANCHET, LE NAGARD, CHOL opus cit.

Mondialisation et RH - 19

LVMH International New

Graduate

1994 Au cas par cas Programme de formation et de

développement interne au groupe

Source : L'Expansion n°594 avril 1999

Pour les entreprises high-tech la question du recrutement international se pose en d’autres

termes, et elles ont pu intégrer depuis longtemps l’exigence d’internationalisation car, pour

ces entreprises habituées à utiliser des technologies de l’information comme Internet, la

localisation du personnel compte de moins en moins.

Autodesk est un éditeur de logiciels américain. Crée en 1982 à San Rafael en

Californie, l’entreprise compte aujourd’hui environ 2 700 collaborateurs. L’originalité de sa

politique de recrutement international, qui lui permet une organisation souple, c’est

l’utilisation des technologies comme INTERNET ou la vidéoconférence aux lieux et place

des traditionnels bureaux. Ainsi, peu importe où se trouve le nouveau collaborateur, il peut

choisir le site où il travaillera. Autodesk n’a pas de réel siège européen, hormis une petite

équipe en Suisse.

"Pour nous, il est plus facile de trouver un bon candidat à l’échelle

européenne, surtout pour un marché de niches. Notre force, c’est de pouvoir ensuite lui

proposer d’être localisé là où il le souhaite" explique Antoine Mingalon, DRH pour l’Europe

du sud et responsable du recrutement pour l’Europe.18

Cette façon de travailler, qui casse le schéma traditionnel, permet d’une part à

l’entreprise d’élargir son champ de recrutement et donc de multiplier ses chances d’avoir de

bons candidats, et d’autre part, en termes humains, améliore les conditions de vie des

collaborateurs qui n’auraient pas eu envie de travailler dans un autre pays que le leur (raisons

familiales, par exemple).

L’utilisation des nouvelles technologies de l’information dans le domaine du

recrutement témoigne de l’évolution engendrée par la mondialisation. Si le secteur high-tech

a une longueur d’avance sur leur utilisation, les autres entreprises se lancent dans l’aventure.

D’autres outils, informatiques eux aussi, sont mis en place au service des entreprises pour le

recrutement international.

18 FRANCHET, LE NAGARD, CHOL, opus cit.

Mondialisation et RH - 20

III - Les outils du recrutement international

1) Internet

Le Web draine une part croissante des offres d’emplois. L’avantage de cet outil est

qu’il ne connaît pas de frontière, autre que celle de la langue, et que, aussi bien du côté des

entreprises que des candidats, la recherche en est d’autant plus large.

Par exemple, les cabinets de conseil en recrutement jusqu’ici habitués à utiliser les

supports de presse écrite, l’approche directe ou le Minitel, sont de plus en plus nombreux à

s’être dotés d’un site Internet pour rechercher des candidats, essentiellement les cadres

moyens. Créé en 1996, le site Internet du cabinet de recrutement Michael Page gère

aujourd’hui 7 000 offres d’emplois chaque année. "Nous atteignons les 15 000 connexions

par mois dont 3 000 dépôts de CV avec des internautes aux profils variés" déclare Christine

De Libouton, responsable du marketing et de la communication.19

Parallèlement à ce nouveau service proposé par les cabinets, les entreprises créent leur

propre site Internet, en y intégrant un site de recrutement (et offres de stages et d’emplois,

possibilité de déposer des CV) : Bouygues, Microsoft, Cegetel, PSA, Aérospatiale,...

Leurs relations s'accélèrent aussi via les forums virtuels. Par exemple, le salon virtuel

"reservoir-job" offre à chaque entreprise un stand. Pour l'instant, elles sont une vingtaine,

surtout des grands comptes, qui proposent actuellement entre 1 000 et 1 500 offres de stages

et d'emplois, tous profils confondus.

L’utilisation d’Internet permet notamment aux entreprises françaises, de contourner la

règle de droit social français qui leur interdit de faire paraître une offre d’emploi dans la

presse rédigée en langue étrangère. ( L'Internet étant un réseau d'informations non

contrôlables, l'ANPE ne peut pas exercer son contrôle sur les offres comme l'exige la loi

française.)

Mais le problème reste ensuite la difficulté de gérer les CV, car le défaut d’Internet et

de ne pas pouvoir faire un "filtre à l’entrée". Quoiqu'il en soit, le "cyber-recrutement" n'est

pas encore prêt pour supplanter le recrutement traditionnel.

19 PIOT Olivier, "Internet en passe de bouleverser la donne", Le Monde des initiatives emploi, 16 septembre

1998, p 2

Mondialisation et RH - 21

"Rien ne remplace le contact humain", explique un responsable de recrutement d'une société

informatique. Que le web permette de faire un premier tri des candidatures, pourquoi pas,

mais ce premier échange ne remplacera pas les autres."20

Quant aux groupes de presse, ils ont mis en place deux serveurs nommés "Cadres on

line" et "Cadremploi". Les annonces y sont soit payantes, soit, dans le cas de Cadre on line,

gratuites lorsqu’elles ont déjà fait l’objet d’une parution dans la presse.

On recense également des serveurs Internet pourvoyeurs d'offres d'emplois, même si

tous ne sont pas fiable. Dans le cas de job le site sésame21 se révèle intéressant pour les

étudiants. Le site dispose d'un contact en amont qui visualise l'offre et décide ou non de la

diffuser.

Une offre d’espaces pour l’emploi, proposée exclusivement sur le Web, devrait

prochainement apparaître sur le marché français (site monster.fr). Le groupe de

communication TMP Worlwide gère aux Etats-Unis le premier serveur américain d’offres

d’emplois : Monster Board. Deux sites existent déjà : un aux Etats-Unis (www.monster.com),

l’autre au Canada (www.monster.ca). Au total, ce réseau électronique attire chaque mois

quelque 800 000 chercheurs d’emploi, pour un volume de 1.5 million d’annonces qui

changent tous les deux mois.22

L’association pour l’emploi des cadres (APEC) a, à son tour, créé un site d’offres

d’emplois en janvier 1998, sur lequel se connectent environ 4 500 personnes par jour. Cela

présente l’avantage pour les demandeurs d’emplois de pouvoir se connecter quand et d’où ils

veulent.

Dans le domaine du recrutement international, les agences pour l’emploi ont

également eu recours à un autre outil informatique.

2) Système informatique EURES

Les principales agences pour l’emploi en Europe sont reliées par le système

informatique EURES. Il s'agit d'un réseau européen de services de l'emploi dont le but est de

faciliter la mobilité des travailleurs dans l'Espace économique européen (EEE).

20 DE MONICAULT, Le Figaro étudiant, 14 octobre 1998, p1721 (www.job-sesame.com)22 PIOT Olivier opus cit.

Mondialisation et RH - 22

Il associe plus de 450 Euroconseillers, spécialistes des questions de l'emploi, dans toute

l'Europe.

Il permet de cumuler deux bases de données : une sur les conditions de vie, de travail,

et sur les conditions de départ dans les pays de la communauté, en Norvège, et en Islande,

l’autre sur l’échanges d’offres d’emplois.

Le système a pour objectifs d'informer, de conseiller et d'assister les travailleurs

candidats à la mobilité et de les guider dans la recherche d'un emploi et sur les possibilités qui

existent de trouver un emploi dans un autre pays. Les Euroconseillers reçoivent les

demandeurs d’ "emploi européen" sur rendez-vous à l’ANPE, à l’APEC et dans les bureaux

de l’OMI. Pour les employeurs qui souhaitent embaucher à l'international, EURES offre un

service de recrutement et d'information.

Mais ce système encore peu connu, est peu utilisé par les entreprises.23

Le directeur des ressources humaines voit ici son domaine de compétences modifié :

non seulement il doit raisonner au niveau global pour la recherche de nouveaux candidats,

mais il doit en outre prendre en compte les différences de pratiques selon les pays. Sans doute

l'un des défis pour le directeur des ressources humaines à l'international est de parvenir à

harmoniser les procédures de recrutement, afin que les frontières, physiques ou culturelles,

disparaissent véritablement et que la culture d'entreprise soit reconnue quelque soit le pays

d'implantation. Pour que cela se réalise, on peut largement compter sur les technologies de

l'information qui, correctement utilisées permettent de faciliter la communication et de

rapprocher concrètement les différents pays.

23 http : // www.reservoir-job / anpe