Mon pays,rien de luxe

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Collection mots-en-berne

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Recueil de poèmes de Dovilas Anderson

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©copyright, mai 2012

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Anderson DOVILAS

mon pays, rien de luxe

poèmes, Préfacés par Denise Bernhardt

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Mon pays,rien de luxe. Poèmes,Anderson DOVILAS.

Collection, mots-en-berne, poesie.Dépôt légal, Mai 2012ISBN: 978-1-67592-475-4MCN: CJMRJ-7QY1N-LH8QU

© copyright, trouvailles éditions Illustration de couverture,Michelle Klode Garoute Michel©2011

TROUVAILLES

1038, Lindley St, Bpt,Ct 06606www.trouvailleseditions.comeditionstrouvailles@[email protected]

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À l’Atelier création Marcel Gilbert de la Bibliothèque Justin Lherisson de Carrefour.

À la Rue Champs de Mars, mon premier Amour.À Tiga le dernier Joyau de ma Mère.

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PRÉFACE

Anderson Dovilas n’en est pas à son premier essai, il est l’auteur de:« Les îles en accent aigu » publié en France chez le Chasseur Abstrait Editeur et de « Pwèl nan Zo » publié au Canada par les Editions Lagomatik. Jeune poète de 26 ans, déjà prolifique il nous pro-pose sa vision de son pays, son ressenti de la vie, de l’amour, de la mort, puisque ce triptyque est indissociable de toute expression artistique.Parfois il le fait en termes un peu obscurs, teintés de l’incohérence que génère cette île baignée d’eaux bleues et de sang:

« Des images closesL’épithète des tressages funestes,Ma terre hybride de sinus…»

Cela pour signifier que la vraie vie est ailleurs. Elle est dans le passé, avant la catastrophe du 12 Janvier 2010. Une des pires que la planète ait subie.

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« Port-au-Prince, je n’ai pas oubliéTes nuits obèses de baises »

Rime intérieure, sensuelle, musique heureuse à l’oreille, pour les quartiers dépravés, les visions « bordéliques » qui s’imposent, mais ville où la vie se recompose chaque nuit au rythme débridé de la danse et des tambours. À travers le chaos, les mots sont d’une exquise tendresse :

« Mon amour…Il fait un temps de brise à modelerSur les toits d’une chanson en terre cuite »

Et les images s’exhalent, dans les volutes du sou-venir. Anderson DOVILAS qui louvoie avec aisance entre amertumes et bonheurs nous livre avec originalité une des définitions de la Poésie:

« On juxtapose des pausesSur les phalanges d’une feuille blanche »

Toujours avec la musicalité des rimes intérieures. Il se dédouble, à la fois acteur et spectateur:

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«…les hommes parlent….ils sont des étrangersDe leurs propres mots »

Il évoque un pays secret, où tout reste à décou-vrir, à décoder, car les mots ici ne sont que des carapaces masquant le bouillonnement pourpre des émotions. Cependant le thème féminin, tisse des traits de lumière dans l’underground des angoisses, redonnant vie au Poète :

« Mais toiTu es venue simplementVêtue de toutes les formes de l’infini »

La douleur n’est jamais loin, le séisme ne doit pas enfouir sous les décombres la mémoire d’un peuple symbolisée par son drapeau « Cousu avec le bleu et le feu du sang » Après l’anéantissement, vient le temps des doutes, où les questions s’entrechoquent com-me des barques dans une mer démontée :

«Comment respirer sa fin ….Comment prolonger ses jours ….On fait des gestes pour les fantômes de l’aube »

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La souffrance s’épanche dans un immense et multiple poème, un chant qui résonnera à jamais dans les cathédrales du désespoir. Anderson DOVILAS nous prouve s’il en était besoin que la jeunesse présage les plus belles mois-sons. Sous sa plume naissent de superbes méta-phores:

« Je suis venu au mondeUn matin aquatiqueSans mèche pour allumer le contre-jour »

Mais l’amour transfigure la vie, l’illumine et lui donne son sens:

« Parce que femmeTu rongeais mes sens jusqu’à mon cœur »

Le titre du recueil : « Mon pays, rien de luxe », laisse deviner que le véritable luxe est de pouvoir aimer. L’auteur, nourrit sa poésie de tout ce qui peut se présenter à lui : un fouillis d’objets hétéroclites, parfois des plus banals où sommeillent les mots qui attendent d’être lavés de leur gangue. « Je frotte les pages avec les lignes de mes mains Pour sécher des cris dans mes vers » dit Anderson DOVILAS.

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Le sens est voisin, car en poésie on peut interpréter de mille manières. Pour l’un et l’autre il s’agit d’établir une distance, une aire de protection entre l’émotion et sa trans-cription.

« Et je leur raconteQue le soleil a fait sa demeure En moi pour éclairer la chanson des hommes »

Le soleil symbolise le don que reçoit l’artiste et qui fera de lui le miroir où viendront se baigner les âmes. Auteur des « littératures du Sud » héritier de l’Afrique et de son histoire tourmentée, le poète évoque la terre ensanglantée par la cupidité des hommes, qui laisse un vide dans son cœur.

« Il me manque un peu d’Afrique ……. Ce fouet qui balaie le sang.….et les échos de nos corps….portaient la cicatrice de deux siècles.»

Car le temps n’a pas de prise sur l’histoire des peuples, à travers les générations la souf-france est vivante à fleur de peau, à fleur de

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de cœur. Comme au fil d’un reportage, le poète décrit l’épidémie de choléra qui débuta en Octobre 2010 et fut causée par la pollution de la rivière Artibonite qui pourtant:

« Était si sageSans aucune trace de deuil »

De malheurs en tragédies en catastrophes dites « humaines ou naturelles » Haïti survit, malgré le mensonge et le non-dit.Nous en trouvons l’illustration dans le poème « Les mains sales » avec un clin d’œil à Jean Paul Sartre:

« Ils ont lavé les mainsEn oubliant la paume,Ils ont lavé la boucheSans laver les mots »

Anderson Dovilas, comme tout poète digne de ce nom, s’inscrit comme témoin de son temps, avec les auteurs de sa génération. Même quand il parle d’amour il le fait avec originalité, c’est une orgie d’images pudiques !

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« Manuscrit d’ovules…Nos corps s’entremêlent en liasse de mots »«… nos sexes Orgasme d’une corruption sémantique »

En effet les mots structurent l’amour, et sa gestuelle, comme les électrons palpitant au cœur de l’atome, se diffracte dans un feu d’artifice de métaphores. De l’amour à la réalité du quotidien, courte est la distance, à l’occasion d’une fête, le poète fait une allusion discrète aux manques et aux privations coutumières:

« C’était NoëlLe chant de Minuit ….Noël est en retard d’un plat chaud »

Et plus loin:

« On ne peut tout avoir dans la vie»

Tristesse, résignation passagère. Dans un élan morbide propre à la jeunesse il interpelle la mort:« Je mourrai otage de mes âges

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Plein de pays dans la tête »

Il évoque le 12 Janvier 2010, désormais, fête des morts en Haïti, fêtes de la Toussaint jumelles:

« Comment trépasserHors de son sang ?Comment vivre loin de son corps »

Son désespoir rejoint celui de tous les autres, qui ne sauront jamais pourquoi, la vie leur fut laissée. Mais il faut retenir du recueil d’Anderson DOVILAS, ces simples mots qui résument tout, ces mots qui indiquent la voie dans la certitude de l’avenir:

« Cassons les margesPour redéfinir l’espoirParce qu ’HAITI est dans nos veinesUne circulation parfaite. »

Nous avons accompagné le poète, dans son chemin aux émotions démultipliées, comme un prisme, par les rayons du soleil. Il nous a donné, son talent, sa sincérité, ornés

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des parcelles de son cœurPour une rencontre d’âmes. En cela notre gratitude.

Denise Bernhardt,Sociétaire des Poètes Français. Déléguée pour HaïtiMontmorency, Francele 26 Janvier 2011

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Assonance Pour Ernst ExhilhomeSi la nuit vous arrive Comme un poème étouffé de rhum Et que l’horizon devient fragile À l’image d’un paradoxe de la formeN’oubliez surtout pas que la plumeSert à balancer l’équation du sang

Et si la pluie jumelait les larmes Pour une terre de semence inépuisableAvec la faim, la soif Préoccupation d’une péripétie romanesque On saurait écrire demain en pied de page Comme une couronne de fleur sur les paragraphes

Je vous écris depuis un séisme polyglotte L’avalanche des consonnes rouilléesDans la gesticulation du temps Il est sans doute un mauvais métier L’amour des césures

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Quand les regards autocollants Un moment à sécher D’une issue de vertige Plane au-dessus des phrasesEt si par l’audace de l’esthétiqueLes jours vous arrivent De printemps chauves Faites-vous une note de chanson À mettre au nid Pour vous grossir la mémoire

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Poème de l’existence

J’ai trouvé un poèmeQui peut parler de moi Sans point de recul Immaculé d’une cause à faucher Dans les ruminements du temps Des ruelles en graffitis de besoin Un suspens à version contraire Dans l’immobilité de la nuit Ma vie s’articule entre chaud et froid.Une condition de terre

Un matin de chemin illisible Comme une fanfare d’automne J’étais l’homme inédit Des rouages à parier Un visage périmé De tous les côtés Un récit de combat Des voyelles en bleu D’une illustration de virgule Voyageait dans ma tête en rêve nominatif

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J’ai perdu le ton des fenêtres Qui fixaient des secrets Au regard fauve de mon ombre Après que j’eu par miracle Mon premier dessin de larme Blessée de mauvaise rumeur

Et comme une pratique de la vie Qui s’annule au lyrisme des proverbes J’écris lisiblement l’intimité Des querelles de mes sens Et depuis ces coups les plus fidèles Ma vie s’applique aux larges D’un va et vient pluriel

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Là une

Cé une ruePour combler le mondeCé des gestesPour Casser la formeAgrammaticale la vieQuand le quotidien Peint mon Pain

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Demi-pause Moi, Poète de l’errance Je partage mon vécu Avec quelques strophes de l’au-delà Pour imprimer l’instinct du quadrilatère Qui cagoule le verbe Sur mon passage Je me présente sans titre Sous-titrage d’une virgule à craindre Quand mes mots ressemblent À des ustensiles sales

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Terre à taire

Souffle d’écume Je traverse l’intemporel Des images closes Sur l’épithète des tressages funestes Ma terre hybride de sinus Chevauche les formules Des siècles en arc de cercle Quand on doit renouveler La signature des ustensiles Sur les crachats de ce monde Sans portefeuille Ici la vie est ailleurs Ici l’amertume est référent Thérapeutique des soupirs creux Ici on a des factures Pour bailler au bout des autres Et si se taire est bleu Ma vie est un blason De rouille sans squelette Qui grimpe les formes De l’atmosphère sans dépouille

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Rectiligne

J’éclabousse mon nom Sans tiroir Avec une carapace lexicale Qui tranche l’opacité De mes voyelles sèches Et comme le temps qui se lève sans signature Je cherche le don chuté Des échos de sang Pour être obscur à tire-bouchon J’aime la vie Quand elle s’applique au verso D’un trou d’ombre salé

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Port-au-Prince sur la grande rue

Port-au-Prince je n'ai pas oublié Tes nuits obèses de baises Sur la grand rueAprès un Champ de Mars Vêtu de tout âge

Port-au-Prince je n'ai pas oublié Cette leçon bordélienne Où l'on venait envoûter la bière Parce qu'il faut laver un discours Avant de mettre une jupe en bouteille

Port-au-Prince je n'ai pas oublié Tes samedis soirs Pleins de portefeuille Où l'on trinquait à nos cavalières Comme pour rendre les vers jaloux

Port-au-Prince te voilà à maigrir

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Sans titre

Trêve de nuit sur mes paupièresJ’apprivoise le syllabus des saisonsQuand je lance mes regardsSur ton portrait

Avec un peu d’amourJ’apprends les règles de la grammairePour des raisons combustibles

Avec un peu de vinJ’étrangle sans tirage au sortL'ombre de la bouteille Qui me dénombreEn décombre sous les pendules

Et pour soignerCes rues où les annéesTraversent à compte-à-reboursJ’ai mis mon sang au pied du murComme le vent qui samba le paysage

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À JazzÀ BluesÀ PetroÀ IboÀ tempo évaporéSur les ruines d’un baiser difficile

Mon amour

Il fait le temps de reprendreTon nom sous mes drapsParce qu’il fait un temps de brise à modelerSur les toits d’une chansonEn terre cuite

Il fait le temps d’un absence à sculpterSur les silences palpablesQue rejettent mes soupirs

Il fait le temps de faire un tourPour oublier le temps qu’il faut

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Averse

Poème à version secrètePour égorger l’instantLes mots font la queueÀ compte d’expression fantômeOn n’écrit pas un poème sur un autreDisait un auteurMais on juxtapose des pausesSur les phalanges d’une feuille blancheJusqu'à ce qu’elles soient testamentairesÀ bout portantEt le poète vit avec la scissiparitéDe l’ombre au verso de son front

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Mes maux

Avec des vers penchés sur ma têteJe m’appelle par opposition à la lettre qui flamboie.Ma bouche témoignage d’aucune projectionA fait le tour des maisons qui tremblent derrière ma voixParce qu’il y a tant de visages fermés sur leur contenu.Sans confondre les pas et la marcheJe relis mes proses sur des formules magnétiquesPour oublier la tiédeur des murmures dans ma coucheEt ce n’était pas l’unique battement de mes yeux sur ma villeMais l’ouverture d’une ode sans fauneOù l’on semait des tresses de discours sans retrouvailles. Aujourd’hui encore les hommes parlent Avec des phrases nomadesEt chaque ponctuation est aussi fragile

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Imprimé aux États-unisISBN: 978-1-67592-475-4

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