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ESH – ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2015-2016 1 Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique Partie 1 : Les déséquilibres macroéconomiques et financiers Chapitre 3 : Les crises financières Orientation générale : Ce module est centré sur les déséquilibres économiques, sur leurs conséquences économiques et sociales, et sur l’intervention des pouvoirs publics. On identifiera et analysera ces grands déséquilibres. Cette approche sera complétée par une étude des crises financières et de leur régulation. Commentaires : On étudiera les crises financières dans leur déroulement et leurs conséquences, et on s'intéressera aux mécanismes de régulation mis en oeuvre et en débat. 1. Le fonctionnement du système financier : rappels 1.1 Finance intermédiée et finance directe à partir de la définition de Gurley et Shaw Document 1 : les relations entre prêteurs et emprunteurs « ultimes » Si le passage à un financement par les marchés est souvent présenté comme un passage à la finance directe, ce n’est pas le sens que l’ouvrage fondateur de Gurley & Shaw (1960) donne à ce terme. Ces auteurs définissent la finance directe comme le système financier où les agents dont le bilan est excédentaire et présente une capacité de financement (les prêteurs « ultimes ») financent les agents ayant un besoin de financement (les emprunteurs « ultimes ») par l’achat des titres émis par ces derniers. Plus concrètement, les ménages financent les entreprises en achetant les actions et les obligations qu’elles émettent. Ceci n’est pas le système financier qui s’est établi en France après l’économie d’endettement. Les entreprises émettent certes des titres dont une partie est acquise par les ménages ou les entreprises, mais les préférences des agents à excédent vont vers les titres émis par les intermédiaires financiers, qu’il s’agisse de banques ou d’autres sociétés financières. Les intermédiaires financiers achètent les titres émis par les entreprises et les font entrer dans la composition de portefeuilles (…). Certains de ces titres combinent le rendement certain des obligations avec celui plus conjoncturel des actions. Fonds Communs de Placement (FCP) ou SICAV (Société d’investissement à capital variable) constituent pour les ménages le support de cette finance de marché intermédiée. Leur épargne est ainsi placée en titres de la finance indirecte selon la terminologie adoptée depuis Gurley & Shaw. Il ne s’agit donc pas d’un passage à la finance directe mais d’un passage à la finance de marché intermédiée. Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 60 Document 2 : les différentes modalités de financement de l’économie Crédit bancaire Finance de marché intermédiée Finance directe Rôle intermédiaire financier ? O/N Nom donné à l’intermédiation Intermédiation de bilan Intermédiation de marché L’intermédiaire financier se place entre les AE à besoin et à capacité de financement ; les AE prêteurs et emprunteurs nets ne se rencontrent pas sur le marché ; Echange sur le marché entre AE à besoin et à capacité de financement 1.2 Les différentes formes et les différents acteurs de l’intermédiation Document 3 : L’intermédiation de marché (ou de représentation) Une institution financière (IF) émet des titres (par exemple des obligations) ; elle capte des ressources qu’elle peut ensuite employer à l’octroi de crédits ou à l’achat de titres (actions ou obligations) ; lorsqu’elle achète des obligations ou émet des crédits elle acquiert alors un titre de créances sur l’agent bénéficiant de ce financement

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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique Partie 1 : Les déséquilibres macroéconomiques et financiers

Chapitre 3 : Les crises financières

Orientation générale : Ce module est centré sur les déséquilibres économiques, sur leurs conséquences économiques et sociales, et sur l’intervention des pouvoirs publics. On identifiera et analysera ces grands déséquilibres. Cette approche sera complétée par une étude des crises financières et de leur régulation. Commentaires : On étudiera les crises financières dans leur déroulement et leurs conséquences, et on s'intéressera aux mécanismes de régulation mis en oeuvre et en débat.

1. Le fonctionnement du système financier : rappels

1.1 Finance intermédiée et finance directe à partir de la définition de Gurley et Shaw

Document 1 : les relations entre prêteurs et emprunteurs « ultimes » Si le passage à un financement par les marchés est souvent présenté comme un passage à la finance directe, ce n’est pas le sens que l’ouvrage fondateur de Gurley & Shaw (1960) donne à ce terme. Ces auteurs définissent la finance directe comme le système financier où les agents dont le bilan est excédentaire et présente une capacité de financement (les prêteurs « ultimes ») financent les agents ayant un besoin de financement (les emprunteurs « ultimes ») par l’achat des titres émis par ces derniers. Plus concrètement, les ménages financent les entreprises en achetant les actions et les obligations qu’elles émettent. Ceci n’est pas le système financier qui s’est établi en France après l’économie d’endettement. Les entreprises émettent certes des titres dont une partie est acquise par les ménages ou les entreprises, mais les préférences des agents à excédent vont vers les titres émis par les intermédiaires financiers, qu’il s’agisse de banques ou d’autres sociétés financières. Les intermédiaires financiers achètent les titres émis par les entreprises et les font entrer dans la composition de portefeuilles (…). Certains de ces titres combinent le rendement certain des obligations avec celui plus conjoncturel des actions. Fonds Communs de Placement (FCP) ou SICAV (Société d’investissement à capital variable) constituent pour les ménages le support de cette finance de marché intermédiée. Leur épargne est ainsi placée en titres de la finance indirecte selon la terminologie adoptée depuis Gurley & Shaw. Il ne s’agit donc pas d’un passage à la finance directe mais d’un passage à la finance de marché intermédiée.

Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 60

Document 2 : les différentes modalités de financement de l’économie

Crédit bancaire Finance de marché intermédiée Finance directe Rôle intermédiaire financier ? O/N

Nom donné à l’intermédiation

Intermédiation de bilan Intermédiation de marché

L’intermédiaire financier se place entre les AE à besoin et à capacité de financement ; les AE prêteurs et emprunteurs

nets ne se rencontrent pas sur le marché ;

Echange sur le marché entre AE à besoin et à

capacité de financement

1.2 Les différentes formes et les différents acteurs de l’intermédiation

Document 3 : L’intermédiation de marché (ou de représentation) Une institution financière (IF) émet des titres (par exemple des obligations) ; elle capte des ressources qu’elle peut ensuite employer à l’octroi de crédits ou à l’achat de titres (actions ou obligations) ; lorsqu’elle achète des obligations ou émet des crédits elle acquiert alors un titre de créances sur l’agent bénéficiant de ce financement

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(l’emprunteur à une dette vis-à-vis de la banque). En ce sens on peut dire que l’émission d’un crédit revient à émettre un titre. Dans ce cas, la causalité va des ressources (sommes versées par les agents à capacité de financement en paiements des titres émis par l’IF) vers l’emplois (sommes versées par l’IF en contrepartie des titres émis par les agents à besoin de financement que ce soit des actions, des obligations ou des crédits). On parle ici d’intermédiation de marché*. L’IF ne fait que s’interposer entre un acheteur de titres et un vendeurs de titres.

* dans sa présentation d’origine, Dehove parle d’intermédiation de représentation, car d’une certaine manière, l’IF représente les AE à capacité de financement auprès des AE à besoin de financement.

Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001

Document 4 : L’intermédiation de transformation Un IF capte des fonds représentant les dépôts de la clientèle. Ces derniers permettent l’octroi de crédits. On parle alors d’une intermédiation de transformation. Là encore, la « causalité » va de la collecte de ressources au crédit. (…)

Source : à partir de Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001

Document 5 : La création monétaire : crédits/dépôts

Un agent non financier demande un crédit à son IF. (…) Cette fois la causalité est en sens inverse : c’est en développant son actif que l’intermédiaire financier développe son passif. Ici, les crédits font les dépôts. Ainsi, lorsque l’IF accorde un crédit de 100 à l’agent A, ce dernier peut effectivement dépenses ces 100 comme s’ils les avait réellement déposés au préalable. Il y a une création de monnaie. Cette création monétaire peut néanmoins ensuite conduire l’IF à collecter des dépôts car on sait qu’il existe des fuites hors circuit (c’est-à-dire que la monnaie créée sort du bilan de la banque) qui implique un refinancement en monnaie centrale.

Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001

Document 6 : les différentes formes de finance intermédiée et les différents acteurs qui y participent

Intermédiation de marché de transformation de création monétaire Banques Caisse d’épargne Autres IF

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1.3 Pourquoi le financement ne se fait-il pas directement par le marché ? l’intermédiation financière, une réponse aux limites du financement direct

Document 7 : les intermédiaires financiers et les coûts de transaction

La firme (qu’elle soit bancaire ou non bancaire) naît des imperfections des marchés dont elle permet de réduire les coûts de transaction (théorie des coûts de transaction ; R.Coase). « Par coûts de transaction, on entend les coûts de fonctionnement du système d’échange et, plus précisément dans le cadre d’une économie de marché, ce qu’il en coûte de recourir au marché pour procéder à l’allocation des ressources et transférer des droits de propriété ». Ces coûts de transaction comprennent les coûts de recherche du cocontractant et du compromis, les coûts de standardisation, de certification et de contrôle de la bonne exécution des échanges. Ainsi, grâce aux intermédiaires financiers, un prêteur n’a plus à rechercher un emprunteur aux préférences absolument symétriques des siennes, ce qui serait en général une opération coûteuse, voire impossible. Ces différences de préférences peuvent notamment porter sur les montants ou sur les durées. (…) L’intermédiaire peut par exemple corriger l’incompatibilité apparaissant entre deux agents dont l’un souhaiterait prêter à un an, alors que le second désirerait emprunter à dix ans ; l’intermédiaire surmonte cette seconde incompatibilité en acceptant des ressources (souvent à court terme) pour financer des prêts à long terme. (…) L’activité d’intermédiaire financier produit de la crédibilité. La notoriété d’un agent économique peut ne pas être suffisante pour lui permettre de lever des fonds directement auprès des prêteurs. La banque, dont c’est le métier et la spécialité, peut suppléer le manque de notoriété par un travail spécifique d’analyse de solvabilité. Elle peut même aller au devant de l’emprunteur et découvrir des opportunités de prêts que l’auto-analyse fondée sur la seule notoriété – en quelque sorte latente et passive – aurait été impuissante à révéler.

Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001

Document 8 : le problème des asymétries d’information De toute évidence quand un emprunteur sollicite un financement, il connaît mieux que le prêteur auquel il fait appel la qualité de son projet d’investissement et ses chances de succès. Il s’agit d’un problème d’asymétrie d’information comme celui mis en évidence par G.Akerlof et J.Stiglitz dans les années 1970. L’emprunteur devra parvenir à convaincre le prêteur et ce dernier rassembler suffisamment d’informations concordantes pour se forger sa conviction que le projet vaut d’être financé. Le repérage par le prêteur ou le signalement par l’emprunteur des projets d’investissement de qualité est nécessairement coûteux (en temps et en argent). Et si le coût l’emporte sur la rentabilité attendue, alors le financement n’aura pas lieu. Le problème d’information relatif à la qualité n’est donc pas traitable qu’en engageant un coût qui, s’il est trop élevé, empêchera la mise en relation du prêteur et de l’emprunteur. La duplication des coûts peut toutefois être évitée si l’un des prêteurs se spécialise dans la production d’information nécessaire à la sélection des projets. En centralisant la production d’information, on en réduit le coût et on rend à nouveau possible des financements qui sans cela n’auraient pas vu le jour. Qu’est-ce que ce prêteur spécialisé dans la production d’information ? Une banque ! c’est ainsi que le présentent Hayne Leland et David Pyle dans leur article fondateur de 1976. Bien sûr, la banque n’est pas le seul acteur du système financier à produire une information utile pour éclairer les choix des investisseurs : c’est aussi le rôle des agences de notation, la banque produit cette information pour éclairer ses propres choix d’investissement et se positionne donc en intermédiaire entre un large ensemble de prêteurs et un large ensemble d’emprunteurs dont elle effectue la sélection. L’asymétrie d’information dont pâtit le prêteur ne se limite pas à la qualité des projets d’investissement. Une fois passée la première étape, celle qui, pour le prêteur, consiste à donner son accord et octroyer le financement, il restera à vérifier que l’emprunteur fait un usage des fonds prêtés conforme à son engagement. Vérifier que c’est bien le cas est coûteux là encore. (…) De ce point de vue qu’est-ce qu’une banque ? un contrôleur délégué par l’ensemble des prêteurs (les déposants) capable de mettre en place un contrat incitatif, en vertu duquel l’emprunteur se conformera à ses engagements et remboursera son emprunt à l’échéance, à moins que sont projet n’ait réellement échoué, ce que le contrôleur délégué pourra vérifier et ce dont il sera prémuni grâce à l’exigence de garanties ou collatéraux. Mais en définitive, qu’est-ce qui assure aux prêteurs qu’ils ne seront pas eux-mêmes exposé au défaut du contrôleur délégué (la banque) ? Le fait que ce dernier diversifie suffisamment ses investissements. Dans ce cas, le risque de ses actifs sera géré au mieux et il pourra s’engager à ce que les prêteurs récupèrent sans perte l’argent confié. Toutefois, le contrôleur délégué sera-t-il à cet égard moins opportuniste vis-à-vis de ses déposants que n’importe quel autre emprunteur ? rien ne le garantit, ce qui signifie qu’il faut aussi « contrôler le contrôleur » !

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154

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Document 9 : l’intermédiation fait baisser les coûts de transaction (compléter avec avoir confiance, se rencontrer, s’entendre)

Les coûts de transaction Coûts de recherche et d’information

Coûts de concordance des désirs

Asymétrie d’information

Illustrez Les AE aux besoins opposés doivent __________________

Les AE aux besoins opposés doivent _________________

Les AE à capacité de financement peuvent ne pas ________________ dans la qualité des AE à besoin de financement

Les coûts de transaction des AE à capacité et à besoin de financement sont plus faibles en passant par un intermédiaire financier plutôt qu’en pratiquant une

finance directe

Document 10 : l’intermédiaires financiers fait baisser les risques des AE à capacité de financement L’activité d’intermédiaire financier produit de la sécurité par la mutualisation des risques (argument développé par Gurley et Shaw). D’une part, il est moins risqué pour un épargnant d’être créancier d’un intermédiaire financier possédant une multitude de débiteurs (et pouvant compenser ainsi l’insolvabilité de quelques-uns d’entre eux par la solvabilité de tous) que d’être directement créancier d’un nombre forcément restreint de débiteurs. D’autre part, en regroupant des actifs financiers à risques indépendants, l’intermédiaire peut réduire le risque par unité d’actif financier. Cette atténuation du risque peut aussi s’expliquer par le professionnalisme de l’intermédiaire qui peut beaucoup mieux qu’un particulier apprécier les risques d’un contrat financier. Ainsi l’intermédiation financière présente l’avantage majeur d’être une activité produisant sécurité et liquidité. En ce sens, et pour reprendre une des thèses de J. GURLEY et E. SHAW, les intermédiaires financiers contribuent à accroître le volume d’épargne dans l’économie.

Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001

Document 11: intermédiation et mutualisation du risque (barrer mauvaise réponse) Davantage de sécurité (Gurley et

Shaw) Mutualisation des risques

Concernant le nombre de débiteurs Concernant la nature des titres qu’il détient

L’IF a plus de débiteurs que l’AE : le risque de défaillance est donc dilué/important

L’IF peut davantage diversifier la nature de ses créances et ainsi limiter/augmenter le risque global

Document 12 : les banques et la gestion des instruments de paiements

La gestion des moyens de paiements (…) constitue évidemment un aspect important de l’activité bancaire. La banque collecte des dépôts dont elle permet la circulation à l’aide d’instruments de paiement (…). Ce service est essentiel au bon déroulement des échanges économiques. Il implique toutefois un bon fonctionnement des règlements interbancaires. (…) L’importance du service de gestion des moyens de paiement justifie l’attention des pouvoirs publics vis-à-vis du secteur bancaire.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154

Document 13 : le rôle des banques

Rôle dans le financement intermédié

Rôle dans la gestion des moyens de paiements

Intermédiation de marché

Intermédiation de bilan

Création monétaire

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1.4 Les risques encourus par les intermédiaires financiers

Document 14 : la structure du bilan des IF leur fait courir le risque d’illiquidité L’horizon préféré d’un prêteur demeure le court terme. (…) Face à lui l’emprunteur a besoin de mobiliser des fonds pour entreprendre son projet d’investissement sur un horizon de temps plus long. De ce point de vue, on comprend la raison d’être d’une banque (d’un IF en général) auprès de laquelle les déposants peuvent effectuer des dépôts qu’ils pourront à tout moment utiliser pour régler leurs transactions. En réunissant tous ces dépôts, la banque devient quant à elle en mesure de financer des projets d’investissement de plus grande taille que ce qu’aurait pu faire un prêteur individuel. (…) Tout cela fonctionne dès lors que les déposants n’ont pas d’inquiétude sur la capacité des banques à leur restituer leur dépôt. Si en revanche, le doute s’installe alors la banque s’expose à une panique de ses déposants. (…) Même si il s’agit d’un simple problème d’illiquidité (car l’actif de la banque demeure supérieur ou égal à son passif mais n’est pas mobilisable au moment ou la banque en a besoin), cette panique peut conduire la banque à déposer le bilan. La panique peut même se transmettre à d’autres banques qui, aussi « saines » soient-elles, pourront elles aussi succomber si leur actif n’est pas disponible à court terme. C’est alors tout le secteur bancaire qui peut se trouver emporter comme dans un jeu de dominos. (…) En bref, le risque d’illiquidité va de pair avec la transformation d’échéance opérée par la banque. Or cette transformation est précisément ce qui permet à la banque d’associer deux services à priori difficilement conciliables : un service de liquidité auprès de ses clients déposants et un service de financement auprès de ses clients emprunteurs. Autrement dit, cette transformation est ce qui confère à la banque son utilité économique, mais également ce qui la rend fragile. Il convient donc d’autoriser cette transformation mais de l’encadrer, en rendant obligatoire pour chaque banque l’adhésion à un dispositif public de garantie des dépôts.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154

Document 15 : les risques des IF (en particulier les banques qui ont des dépôts à vue) Impact sur le bilan de la Banque Conséquence sur le

fonctionnement des banques et des IF

Si les AE à capacité de financement retirent leurs dépôts

problème d’illiquidité : avoir la confiance des déposants = crédibilité

Si les AE à besoin de financement ne remboursent pas leurs emprunts (défaillance)

Risque de défaut : s’assurer de la qualité des emprunteurs = gestion du risque de défaut

Document 16 : face à un problème de liquidité, que peuvent faire les IF ?

Limiter les retraits ! Chercher de la liquidité Constituer des réserves

Rôle de la régulation Sur le marché interbancaire

Auprès de la BC : opérations d’open market (BCE : taux Repo pour les prêts à CT ou facilités marginales pour les prêts à très CT )

Sur les contrats d’assurance vie, … il y a des pénalités pour retrait anticipé

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1.5 Pourquoi l’intermédiation de marché s’est-elle développée ?

Document 17 : l’essor des marchés de capitaux et ses conséquences sur l’intermédiation

Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations,

crises et régulation » , 2013, p.77

Document 18 : l’intermédiation de marché modifie la nature des risques pris par les banques La désintermédiation financière a entraîné un changement dans la nature du risque encouru par le système financier. Lorsque le crédit était prépondérant, le risque des banques était lié à l’activité productive. Il pouvait se manifester, soit de manière conjoncturelle, soit en raison de progrès technologiques modifiant la demande. Le risque bancaire est désormais un risque de marché financier, il dépend des anticipations d’opérateurs à la recherche de marges sur des opérations souvent à court terme. L’actif des banques comporte une part importante de titres émis par des intermédiaires (…) et les nouveaux intermédiaires financiers sont soumis à une réglementation moins contraignantes que les banques.

Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 65

Document 19 : l’intermédiation de marché élargit les risques encourus par les intermédiaires financiers Impact sur le bilan de la

Banque (et des IF) Conséquence sur le fonctionnement des banques et des IF

Si les AE à capacité de financement retirent leurs dépôts

problème d’illiquidité : avoir la confiance des déposants = crédibilité

Si les AE à besoin de financement ne remboursent pas leurs emprunts (défaillance)

Risque de défaut : s’assurer de la qualité des emprunteurs = gestion du risque de défaut

Si les actifs achetés sur les marchés perdent leur valeur

Risque de marché : Diversifier les portefeuilles détenus et décorréler les risques = gestion du risque de marché

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Document 20 : le lien banques – autres intermédiaires financiers Il apparaît clairement que les intermédiaires financiers continuent de jouer un rôle prépondérant dans la collecte d’épargne. Les ménages sont plus enclins à détenir des produits de placement intermédiés dont le niveau de risque est moindre ou leur est donné à choisir. Même aux Etats-Unis, la part des intermédiaires financiers dans la collecte de l’épargne des ménages atteint plus de 65%. En Europe, la même estimation dépasse 80%. Le choix en faveur de l’épargne intermédiée reste majoritaire. On observe cependant de fortes disparités, en Europe, quand au choix de ces intermédiaires. La part des banques varie du simple au triple selon les pays, celle prise par les OPCVM, les assureurs et les fonds de pension varie davantage encore. (…) On constate néanmoins une progression des intermédiaires non bancaires observée dans tous les pays. (…) Cette progression ne doit toutefois pas faire oublier que les banques demeurent les principaux distributeurs de parts d’OPCVM et de contrats d’assurance vie. La domination des banques apparaît clairement dans l’activité de gestion d’OPCVM : la part de marché des OPCVM contrôlés par les groupes bancaires atteint plus de 70% en Allemagne et en France et dépasse même 90% en Italie ou en Espagne (…). De la même manière, les groupes bancaires réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’assurance vie en France, et plus des deux tiers en Espagne et en Italie ; seule l’Allemagne fait exception (…). En ce sens, le lien que les banques ont établi avec les autres intermédiaires financiers pour s’accommoder de leur essor est non pas un lien de complémentarité comme celui qu’elles ont renforcé avec les marchés de titres, mais un lien plus hiérarchique de subordination.

Source : Banque de France, D.Plihon, J.Couppey-Soubeyran & D.Saidane « Les banques, acteurs de la globalisation financière », La documentation française, 2006, p.40

2. Les crises financières : définition et approche historique

2.1 Les différents types de crises financières : crise bancaire, frictions financières et crise de change

Document 21 : qu’est-ce qu’une crise financière ?

Les crises financières se produisent lorsqu’il y a une rupture dans le système financier (…) et lorsque les marchés sont incapables d’organiser les transferts de fonds efficacement des emprunteurs vers les agents à qui s’offrent des occasions d’investissement productif. Les résultats de cette incapacité des marchés financiers à fonctionner efficacement est une forte contraction de l’activité économique réelle. L’analyse des crises financières est importante parce qu’elles ont provoqué dans le passé de sévères contractions économiques et parce qu’elles peuvent à nouveau reproduire ces conséquences dans le futur.

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson Education, 2007, p. 233-234

Document 22 : ces crises peuvent s’imbriquer les unes dans les autres Plusieurs types de crise pouvant se produire simultanément, ce qui amplifie leurs effets :

- les crises et paniques bancaires : elles ont pour origine la réalisation d’un des risques encourus par les banques : un risque d’illiquidité (suite à un bank run par exemple), un risque de défaut (provoqué par une hausse des défaillances des emprunteurs) ou un risque de marché (suite à une chute de la valeur des titres détenus par la banque). Une fois ce risque apparu, les banques peuvent se trouver dans l’incapacité d’accéder à un financement qui leur permettrait d’équilibrer leur bilan. Cette difficulté à se refinancer est aggravée par en situation de doute sur la capacité des banques à rembourser ultérieurement la liquidité qu’elles demandes. La crise bancaire se répercute alors sur les créanciers des établissements touchés.

- Les frictions financières : elles concernent le crédit ou les marchés financiers. Ces frictions se manifestent par un mismatch entre l’offre et la demande.

- les frictions de crédit : elles apparaissent sur le marché du crédit lorsque les asymétries d’information sont fortes. Dans ce cas, les offreurs de crédit peuvent soit monter les taux d’intérêt (mais cela fait fuir les « bons » emprunteurs et ne restent sur le marché que les « mauvais » qui vont très vite faire défaut – ce qui peut provoquer une crise bancaire), soit réduire leurs offres de crédit (ce qui provoque un credit crunch et un assèchement du financement par l’emprunt);

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- la paralysie des marchés : elles apparaissent lorsque les acheteurs fuient un marché, la demande de titre s’effondre et le marché devient illiquide. Ce phénomène de chute des prix des actifs est auto-entretenu; - les crises de change : (…) les spéculateurs attaquent une devise car ils anticipent que d’autres

spéculateurs se joindront à eux, ce qui peut amener la banque centrale à abandonner la fixité du taux de change (la crise a ainsi un caractère auto-réalisateur). La dévaluation se répercute sur les agents domestiques qui ont emprunter en monnaie étrangère (par exemple des banques asiatiques ou mexicaines qui ont empruntées en dollar) provoquant des crises bancaires. Les crises asiatiques de la fin des années 1990 ont conduit au développement de modèles combinant crise de change, crise bancaire et frictions financières.

Source : à partir d’O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister, « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.56

Document 23 : les différentes formes des crises financières Les crises

financières Crises bancaires Frictions financières Crises de change

Provoquées par

Frictions de crédit

Paralysie des marchés

Document 24 : les banques peuvent alimenter une dynamique qui articule entre elles toutes les formes de

crises financières

2.2 Les crises financières : une histoire ancienne

Document 25 : depuis la tulipomania jusqu’aux subprimes L’histoire des systèmes financiers et jalonnée de crises. L’épisode historique le plus emblématique restera sans doute la « tulipomania » qui donna la fièvre aux hollandais pas moins de trois années durant, de 1643 à 1637. Les bulbes de tulipes fraîchement importés du Levant s’y échangeaient à des prix totalement délirants (« l’équivalent d’un carrosse neuf, de ses deux chevaux et de leur harnais » écrivait J.K.Galbraith), jusqu’à ce que la bulle éclate et plonge le pays dans une dépression durable. Charles Kindleberger recense ensuite trente et une années de crises financières au cours de la période 1720-1987, touchant l’Europe dans un premier temps (en particulier l’Angleterre, la France et les Pays-Bas), les Etats-Unis à partir de 1819. Au cours de cette période, c’est bien sur la crise de 1929 qui fut la plus sévère et la plus lourde de conséquence au niveau de l’économie réelle, plongeant le monde entier dans la profonde

Paralysie marché

Chute prix des actifs

Bilan Banque : Chute actif Hausse passif

Crédit crunch

Hausse taux d’intérêt

Hausse défaillance emprunteur

Crise de change : dévaluation

Hausse dette en monnaie étrangère

Besoin de refinancement

Défiance augmente : bank run Crise de refinancement

banques : crise bancaire

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dépression des années 1930 et provoquant une véritable fermeture des économies au niveau des échanges, tant commerciaux que financiers. Les années 1950 et 1960 ont à leur tour été des années de vives tensions sur le marché des changes qui atteindront leur paroxysme au début des années 1970 avec l’éclatement du système de change fixe de Bretton Woods. Les chocs pétroliers successifs de 1973 et 1979 accoucheront également de vives tensions financières en raison de l’inflation et de la stagnation qu’ils vont alimenter. C’est dans ce contexte de vives tensions que les marchés des capitaux vont reprendre leur envol, à la fin des années 1970 aux Etats-Unis et au début des années 1980 en Europe et au Japon. Les agents ont besoin de nouveaux instruments financiers pour parer à cette instabilité économique. Le développement des nouvelles technologies va constituer un formidable accélérateur. Quelques années plus tard cependant, ce sera le krach financier de 1987 suivi dans les années 1990-2000 par une succession de crises bancaires et de crises de change, jusqu’à la fameuse crise des subprimes de 2007, débouchant sur la crise financière et économique jugée la plus sévère depuis celle de 1929.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 266-267

Document 26: A quoi reconnaît-on une crise financière ? Pour les crises bancaires, le repérage utilise les données financières bancaires (taux d’actifs non performants notamment), les indices de paniques (fermeture des banques, …) ou l’existence de plan de sauvetage organisé par les pouvoirs publics. Pour les crises boursières, deux solutions sont aussi habituellement retenues. La première, notamment, s’apparente à la première méthode de repérage des crises de change, consiste à considérer qu’un marché boursier est en crise lorsqu’au cours d’une période donnée la variation de l’indice du cours a dépassé un certain seuil dont la valeur choisie est de 20% en référence aux krachs de 1929 et 1987. Pour le marché des changes deux solutions sont habituellement retenues. La première consiste à considérer qu’une monnaie subit une crise de change lorsque sa valeur (…) subit une dépréciation au cours d’une année supérieure (…) à 25%. La seconde consiste à construire un indicateur de pression spéculative (représentant l’intensité de la défense de la parité par les autorités monétaires). (…)

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 13-18 * cette présentation du rapport du CAE ne fait pas référence aux crises liées aux frictions de crédit (notamment aux situations de credit crunch)

Document 27 : l’évolution de l’occurrence des crises financières Il importe de se poser une première question : les crises financières sont-elles devenues plus fréquentes dans la période récente ? (…) En longue période, la fréquence des crises financières s’est accrue après 1971, c’est-à-dire depuis l’abandon du système de Bretton Woods. (…) On est ainsi frappé par la réapparition des crises bancaires à partie des années 1970, par la fréquence des crises de change, et par le retour des crises doubles, quasiment absentes de la période 1945-1971. (…) L’analyse des crises boursières confirme cette même évolution dans le temps. La fréquence des périodes de crises tend à diminuer au cours des deux premières décennies du 20ième siècle, avant de culminer à des niveaux sans précédent dans les années 1930. Le fait remarquable est sans doute la rareté de ces crises dans les années 1950-1960. (…) Ce diagnostic tiré de la longue période doit être corrigé par l’observation des années les plus récentes. En effet, lorsque l’on considère l’ensemble de la période 1977-1999, on ne trouve pas de conformation de l’hypothèse d’une nette accélération des crises financières au cours des années 1990. Graphique p. 17 + 18 Revenons maintenant sur le « cycle long » qui semble dicter la dynamique des crises bancaires dans la longue durée : peu fréquente sur la période 1880-1913, elles se sont multipliées pendant l’entre deux guerres et après une éclipse totale pendant la période de Bretton Woods, elles ont réapparu au début des années 1970 et, depuis, leur fréquence n’a cessé de s’élever. Dans le décompte quasi exhaustif le plus récent des crises bancaires (attention, le rapport date de 2004), depuis 1970, Caprio et Klingebiel montrent en 2003 l’ampleur du phénomène de crise bancaire et son universalité. Ils recensent 117 crises bancaires à caractère systémique (ie nécessitant une recapitalisation générale des banques). Ces crises ont frappé 93 pays.

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 13-18

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Document 28 : crise « systémique », crise « isolée » La période actuelle est bien marquée par le retour de crises financières majeures, à cause de leur ampleur, de leurs retentissements internationaux. Elles appartiennent à cette catégorie de crises que Kindleberger nomme systémiques et qu’il oppose aux crises isolées, facilement maîtrisables, et sans effet sur l’ensemble du système économique. (…) La contagion est un des traits marquants des crises financières des années 1990, (…) le plus dangereux pour la croissance et la stabilité des relations internationales. La crise du SME (1992-1993) est une des premières grandes manifestations de la grande dangerosité des crises récentes : partie de la Finlande , elle s’est étendue aux autres pays européens avec le caractère massif (…) d’une épidémie. La crise mexicaine de 1994 et son effet tequila confirme l’importance de la contagion dans les crises récentes. (…) il y a eu une concomitance frappante entre la déstabilisation des monnaies mexicaine, argentine, brésilienne, philippine. La contagion est encore plus frappante dans le cas de la crise asiatique (1997) qui affecte simultanément les Philippines, la Thailande, l’Indonésie et la Corée du sud. Lors de la crise russe de 1998, le décrochement du rouble a été suivie d’une brutale chute de 50% de la bourse brésilienne. Enfin, au-delà du marché de changes et des systèmes bancaires, les crashs simultanés des marchés boursiers de 1987 des pays développés, des pays latino-américains à partir de 1994, et des marchés asiatiques en 1997-1998 montrent que le phénomène de contagion n’épargne ni le marché des actions, ni le marché des obligations.

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 36

Document 29 : derrière chaque crise, des régularités L’histoire économique révèle huit régularités, identifiées par la littérature empirique :

- les crises financières sont caractéristiques des économies de marché (Kindleberger, 1978). Il y a eu 147 crises bancaires dans les pays développés et émergents au cours de la période 1970-2011 ;

- toutefois, les économies de marché connaissent de longues périodes de stabilité financière, ainsi dans les pays développés des années 1940 au début des années 1970 pour des raisons qui ne sont pas complètement élucidées (…) par l’existence d’un contrôle des mouvements de capitaux et de réglementations financières internes très strictes. Pour autant, une réglementation stricte, facteur de risque moral, gênant l’innovation et limitant la concurrence, comporte un coût en croissance et ne garantit pas la stabilité financière ;

- généralement, les crises financières sont soudaines et commencent par une crise de liquidité affectant le système bancaire, le marché monétaire dans le cas de la dernière crise (2007) ;

- une crise de la dette souveraine succède fréquemment à la crise bancaire (Rogoff, 2009) ; - elles sont précédées par un boom du crédit (Rogoff, 2009) souvent en liaison avec une hausse des prix

des actifs, de l’immobilier en particulier, et une appréciation du taux de change réel ; une hausse du levier d’endettement et une dégradation de la compétitivité semblent ainsi préfigurer l’éclatement d’une crise ;

- les crises se produisent au voisinage du sommet du cycle de l’activité après le boom du crédit, au moment où la croissance commence à ralentir ; ainsi, Mishkin (1991) relève que la plupart des crises financières intervenues aux Etats-Unis de 1857 à 1930 ont commencé par une hausse des taux d’intérêt, une baisse importante des prix des actifs, un élargissement du spread entre les taux d’intérêt accordés aux emprunteurs de mauvaise et de bonne qualité, l’amorce d’une récession qui accroît l’incertitude, parfois la faillite d’une entreprise importante, financière ou non, puis seulement par une panique bancaire (Kindleberger, 1978) ;

- la reprise consécutive à une crise est généralement lente ; - de fait, les crises financières sont coûteuses en termes de croissance, particulièrement les crises

bancaires car l’affaiblissement des banques entrave la reprise de la distribution du crédit, même si les entreprises de taille relativement importante peuvent compenser pour partie la contraction de l’offre de crédit par un recours accru au marché. (…)

Il existe un continuum d’évènements dont l’impact défavorable sur la stabilité du système financier et l’économie réelle est croissant, allant de la défaillance d’une petite banque (qui n’est pas qualifiée ici de crise financière) à la faillite individuelle d’une grande banque, qui conduira à une crise financière, puisque de nombreux déposants sont concernés, et à la crise systémique, impliquant la défaillance de plus d’une banque.

Source : O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister, « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.56

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Document 30 : les caractéristiques des crises financières (quelques régularités – faits stylisés)

3. Pourquoi les crises financières ?

3.1 Le système financier est intrinsèquement instable : l’existence d’un cycle financier

Document 31: crise financière et risque systémique La fin du 20ième siècle et le début du 21ième siècle ont été marqués par un grand nombre de crises financières de diverses natures : krach de 1987, crise du système monétaire européen de 1992-1993, crise asiatique de 1997 suivie en 1998 par la crise brésilienne, la crise russe, la crise argentine, le krach des nouvelles valeurs technologiques en 2001, et bien sûr, la fameuse crise des subprimes qui s’est muée en une crise bancaire et financière mondiale, aux conséquences sévères sur la croissance économique mondiale. La recrudescence des crises coïncide avec le vaste mouvement d’expansion des marchés des marchés de capitaux au cours de cette période. Aussi est-il tentant d’attribuer cette instabilité à la mutation financière amorcée depuis la fin des années 1970. La mutation financière présente, il est vrai, une certaine ambivalence. D’un côté, avec l’extension des marchés des capitaux, l’éventail des financements et des placements à la disposition de tous les agents économiques (entreprises, ménages, Etat) s’est incontestablement élargi. Mais de l’autre, des marchés plus complets (c’est-à-dire dotés d’une plus large gamme d’actifs) ne sont pas nécessairement plus efficaces, et ils peuvent surtout se révéler instables. Cela étant, à bien observer l’histoire des systèmes financiers, il apparaît que les crises ne dates pas d’hier et que, quelle que soit leur singularité, elles surviennent à chaque fois dans des périodes de forte croissance. Les systèmes financiers sont intrinsèquement exposés à un risque d’instabilité globale appelé « risque systémique » qui ne se réduit pas à une simple addition des risques individuels supportés par chaque acteur. Aussi, les crises se répètent sans jamais se ressembler vraiment, car les facteurs qui en sont à l’origine ont beau être souvent les mêmes (endettement, spéculation) leur conjonction se révèle toujours inédite.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 266

3.1.1 Dans un univers d’incertitude : la nécessité d’une représentation commune de l’avenir

Document 32

L’économie capitaliste est d’une (…) nature particulière. Elle fait face à un futur radicalement incertain, conforme à la vision qu’en avait Keynes. Aussi, le rôle du marché financier n’est-il pas, comme le croit la théorie orthodoxe, de coter des événements préalablement définis, mais, tout au contraire, de construire un scénario de référence capable d’éclairer les choix d’investissement. Tel est le contenu de la convention financière. (…)

Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265

Document 33 : les marchés financiers, des « marchés de promesses » Une caractéristique essentielle des instruments financiers est d’appartenir à une catégorie tout à fait particulière de biens (Spencer, 2000). Ce ne sont d’abord pas des biens dont on connaît la qualité de sorte qu’ils suffirait de rechercher le prix le plus bas. Ce ne sont pas non plus des biens dont on découvre la qualité après l’achat tel une voiture d’occasion. En effet, même une fois le résultat de l’usage observé, il n’est toujours pas possible d’établir avec certitude quelle a été la qualité de la prestation. Lorsqu’un gestionnaire de fonds a obtenu de bons

- un phénomène ancien : la tulipomania (17ième siècle) - par vagues avec un retour - une accélération à partir années 1970 : + de 150 crises financières - touchent PDEM et émergents - diffusion internationale

- Les crises financières sont corrélées avec les cycles d’activité : existence de cycle financier (période boom suivi d’un krach) - Les krachs sont soudains et marquent un moment de crise de liquidité des banques (provoque un credit crunch)

- Conséquence sur activité (croissance et emploi) conséquence sur dette publique / suivie par dettes souveraines

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résultats, il est difficile de faire la part de la chance, du talent, ou simplement de la conjoncture générale. Lorsqu’un individu place son épargne sur un instrument financier, conseillé par un expert ou sa banque, il fait face aux mêmes problèmes que le patient face au chirurgien ou le plaignant face à son avocat. Conséquence les marchés financiers sont des marchés de promesses frappés d’incertitudes majeures si ce n’est radicale. Et l’internationalisation accroît l’incertitude. (…) Les marchés financiers sont le lieu d’un commerce de promesses pour reprendre l’expression de Pierre-Noel Giraud (2001). La valeur d’un actif financier dépendant de l’évaluation par un agent d’un flux de revenus futurs est exposée à de nombreux biais par rapport à l’idée la que serait la formation du prix d’équilibre d’un bien standard. (…) L’incertitude intrinsèque aux vues de l’avenir est susceptible d’engendrer une grande variabilité de l’évaluation financière et par conséquent des ajustements brutaux. (…) Ainsi face à l’incertitude, les agents doivent se donner des procédures, des règles ou encore observer l’émergence d’une convention pour évaluer la croissance anticipée, l’évolution des résultats des firmes, les primes de risque, l’évaluation des taux d’intérêt à long terme. Ils ont à leur disposition au moins deux méthodes : soit procéder à leur propre analyse de la valeur qu’ils attribuent à un projet, soit observer l’évaluation des autres intervenants sur le marché pour en déduire leur propre jugement. On aura reconnu une opposition chère à Keynes. (…) Lorsqu’il s’agit d’évaluer une entreprise opérant dans un secteur mûr, les opérateurs ont accumulé dans le passé suffisamment d’informations pour calculer la valeur fondamentale à laquelle ils sont prêts à acheter un titre. Cependant, face à des projets qui se présentent comme radicalement nouveaux, ces méthodes apparaissent inadéquates. (…) Une fois cette convention établie, pour ne pas encourir des coûts d’évaluation, les agents ont intérêt à se fier au prix du marché quel qu’il soit.

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 51-52 Document 34 : les décisions des agents dans l’incertain et le besoin d’un scénario représentant le future

Les agents économiques à besoin de financement :

L’investissement d’une entreprise engage l’avenir (pari sur l’avenir) Les emprunts d’un ménage (ou d’un Etat) doivent être remboursés Conséquence : apparition d’uune contrainte inter-temporelle

Tout financement pose la question : de quoi est fait l’avenir ?

L’économie est une économie monétaire de production :

Le financement précède l’activité

Le financement est assuré par des agents économiques à capacité de financement et les intermédiaires financiers

Conséquence : les croyances collectives dans l’avenir jouent sur les décisions des agents

Les actifs achetés voient leur valeur évoluée au cours du temps : les marchés financiers sont donc des marchés de « promesses » (P.N.Giraud)

D’où viennent les représentations collectives de l’avenir ?

Marchés financiers : 3 caractéristiques

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3.1.2 Comment se construit ce scénario de l’avenir (la convention) ?

Document 35 : la métaphore du concours de beauté (J.M.Keynes) La citation suivante est le fait d’un cambiste interrogé en septembre 2000 par Libération à un moment où l’euro, déjà considéré à cette époque comme sous-évalué par la majorité des spécialistes, connaît un nouveau mouvement de ventes conduisant à une sous-évaluation encore plus marquée. Le cambiste considéré pour se défendre de l’accusation d’irrationalité y développe l’argumentaire suivant : « L’opérateur que je suis a beau croire à une appréciation de l’euro, il ne fait pas le poids lorsqu’il constate qu’un peu partout les positions des autres intervenants sur le marché des changes sont à la vente de l’euro. Du même coup, même si j’estime que l’euro mérite d’être plus cher par rapport au dollar, j’hésite toujours à acheter la devise européenne. En effet, si je suis le seul acheteur d’euros face à cinquante intervenants vendeurs, je suis sûr d’y laisser des plumes... Je ne fais pas forcément ce que je crois intimement, mais plutôt ce que je crois que fera globalement le marché qui in fine l’emportera. Le travail de l’opérateur est de tenter d’évaluer au plus juste le sentiment du marché des devises ».(…) Malgré sa conviction fondamentaliste d’une sous-évaluation de l’euro, ce cambiste joue à la baisse et c’est là un comportement parfaitement rationnel. On retrouve ici, très exactement, le cas hypothétique considéré par Keynes dans la Théorie générale : un investisseur haussier au regard de son évaluation fondamentaliste devient baissier en raison de sa perception de l’opinion majoritaire du marché. Il n’y a aucune irrationalité dans cette transformation. (…)

Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265

Document 36 : sur quoi se construit l’opinion majoritaire ? La rationalité financière oblige l’investisseur à agir en fonction de l’opinion majoritaire. Tel est ce qui importe pour lui. (…) La complexité de cette configuration apparaît pleinement lorsqu’on se demande : de quoi cette opinion majoritaire est-elle l’opinion ? Ou encore : sur quelle grandeur porte-t-elle ? Á cette question, l’approche autoréférentielle apporte une réponse très différente des approches alternatives : l’opinion majoritaire a pour objet l’opinion majoritaire elle-même. (…) Chacun porte donc ses anticipations vers ce que les autres anticipent quand les autres font de même. On est ici en plein concours de beauté keynésien. (…)

Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265

Document 37 : comportement mimétique et mécanisme auto-référentiel Pour comprendre pourquoi les agents agissent ainsi, tel un troupeau, il faut se représenter la finance comme un système de réseau. A l’intérieur de ce système, les acteurs sont étroitement liés les uns aux autres. Le résultat de la décision prise par l’un des acteurs de ce réseau dépend de celles prises par tous les autres. C’est pourquoi, lorsqu’ils prennent leurs décisions, ces acteurs ne le font pas en fonction d’eux-mêmes mais en fonction de l’idée qu’ils se font de l’opinion de tous les autres. Cette « spécularité » dans la formation des anticipations est inhérente au fonctionnement des marchés financiers. J.M.Keynes dans la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936) l’avait expliqué en prenant l’exemple d’un concours de beauté. Celui qui cherche à réaliser le bon pronostic, c’est-à-dire à prévoir quelle candidate sera l’élue du concours, n’y parviendra pas en votant en fonction de ses propres critères de beauté, mais en fonction de la représentation qu’il se fait de ceux des autres. L’élue sera celle, en effet, qui aura plu au plus grand nombre. C’est ce consensus qu’il s’agit d’anticiper. Il en va de même quand il s’agit d’anticiper le prix de marché d’un titre. Cette spécularité permet de comprendre pourquoi les marchés des capitaux sont sujets aux « prophéties auto-réalisatrices ». Si chaque investisseur achète un titre parce qu’il pense que tous les autres pensent que ce titre va monter, le cours du titre va effectivement augmenter, presque indépendamment du réel état de santé économique et financier de l’entreprise émettrice.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270

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Document 38 : mimétisme et prophétie auto-réalisatrice

Chaque acteur sait que le résultat de sa décision dépend des décisions prises par les autres

Chaque acteur cherche donc à anticiper le choix collectif

Exemple : l’AE pense que les autres agents vont être acheteur (il s’attend à une hausse des prix)

Cas 1 : l’évolution du marché confirme le choix de l’AE

Il s’adapte alors au scénario « gagnant » : on ne peut pas « battre » le marché

Conclusion : importance des scénarii dominants – un convention : une croyance partagée par tous sur l’évolution future

Cas 2 : l’évolution du marché ne confirme pas le choix de l’AE

Ce qui renforce l’évolution observée dans le cas 1

Mécanisme auto-référentiel (prophétie autoréalisatrice) : lorsque tout le monde prend la même décision, le résultat obtenu est celui qui était anticipé

Plus les anticipations sont communes plus le scénario est jugé crédible quelles que soient les informations que les AE peuvent avoir sur l’état des entreprises

(chiffre d’affaires, …) (auto-renforcement de la croyance dans la qualité du jugement sur le futur)

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3.1.3 La volatilité des marchés financiers expliquée par des changements de convention : l’exemple du marché des changes

Document 39 : l’exemple du marché des changes Expliquer l’instabilité et la volatilité des taux de change

Lecture en terme de balance des paiements

Lecture en terme de bulle et krach

La théorie de la surréaction

Les théories des bulles rationnelles L’approche autoréférentielle et le rôle des conventions

Dornbusch (1976) Stiglitz (1980) Blanchard (1984) A.Orléan (2004) Evolution du taux de change à court terme car : mvt de capitaux Evolution du taux de change à long terme car : variation de la Balance commerciale

Les agents forment leurs anticipations en copiant les prix car l’information est payante et l’accès au prix gratuit ;

Les anticipations des agents sont confirmées par l’évolution du taux de change ; Mécanisme de prophétie auto-réalisatrice

Les anticipations ne contiennent aucune données « objectives » mais sont des représentations (des croyances, des scénarios) sur les évolutions futures

Le taux de change varie dans un sens puis dans l’autre

Il existe une valeur « fondamentale » du taux de change, mais le taux de change s’en écarte. Explication : l’information est imparfaite et il est moins coûteux de « copier » les autres que de chercher à trouver soi-même la valeur fondamentale d’un titre ; Conséquence : quand tout le monde copie tout le monde, le mécanisme devient auto-réalisateur (c’est pour cela qu’il y a des emballements) et la valeur d’un titre sur un marché s’écarte de sa valeur « fondamentale » ; Une bulle spéculative :

- un écart (à la hausse puis à la baisse) par rapport à la valeur fondamentale ;

- produit par des AE rationnels ; - les marchés fonctionnent mal, mais cela vient

des comportements rationnels des AE qui doivent choisir en information imparfaite ;

Il n’existe pas de valeur fondamentale des titres ; Explication : les agents économiques qui agissent en incertitude établissent des scénarios collectifs sur l’avenir ; ces scénarios se construisent par mimétisme et sont auto-réalisateur ; Une bulle spéculative :

- succession de conventions sur la valeur d’un titre ;

- les AE qui adhèrent aux conventions sont rationnels

- cette volatilité n’est pas le signe d’un mauvais fonctionnement des marchés ;

Ici, la volatilité du taux de change n’a pas de lien avec une éventuelle « bulle » sur une devise

Débat théorique : certains auteurs présentent les bulles comme des écarts à une valeur « fondamentale » (Stiglitz, Blanchard), d’autres (Orléan) considèrent plutôt

qu’il n’y a pas de valeur fondamentale et que les bulles reflètent la nature même des marchés financiers ;

Point commun entre ces deux approcjes : la volatilité sur les marchés n’est pas la conséquence de comportements irrationnels des AE

Document 40 : une bulle spéculative et convention

Ce phénomène peut s’auto-entretenir un certain temps et produire une augmentation continue et cumulative du prix d’un actif. C’est ce que l’on appelle une « bulle spéculative ». La plupart des bulles se forment sur le marché des actions, mais tout marché sur lequel ont est amené à anticiper un prix futur en vue de réaliser un profit (marché dit spéculatif) s’y prête : marché immobilier, marché pétrolier, marché des changes, …

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En pleine période de bulle, les cours grimpent de plus en plus, et il est dans l’intérêt pécuniaire des opérateurs de continuer d’acheter, ce qui ne fait qu’alimenter la bulle. Les opérateurs se comportent certes comme des moutons, mais, paradoxalement, cela n’a rien d’irrationnel si l’on en juge par la capacité que leur confère ce genre de comportement à réaliser des gains. Evidemment, les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel, il arrive un moment où la bulle éclate, moment qu’on a toujours beaucoup de mal à prévoir. On entre alors dans une phase de krach où tous les opérateurs se mettent à vendre, parce qu’ils prévoient que la baisse enclenchée va se poursuivre. Ils vendent parce qu’ils craignent la baisse des cours et en vendant, ils font eux-mêmes baisser les cours. Les craintes des opérateurs s’auto-valident. Là encore, on a affaire à une prophétie auto-réalisatrice. A la rigueur, peu importe que les craintes soient fondées ou pas, la seule crainte de la crise peut suffire à l’engendrer. Au plus fort de la crise boursière de l’automne 2008, on a assisté à des baisses auto-entretenues : la panique et les craintes des opérateurs ont provoqué l’effondrement des cours boursiers avant même de connaître l’ampleur des dégâts.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270

Document 41 : en information imparfaite, le mimétisme est rationnel (Grossman et Stiglitz, 1980) Chaque opérateur (sur le marché des changes) forme ses anticipations, non pas à partir d’une grandeur exogène, par exemple, la « valeur économique » du taux de change, mais en fonction de ce que sera l’opinion moyenne du marché. Cette analyse n’est pas nouvelle ; elle a été formulée par Keynes qui a précisément défini la spéculation comme « l’activité qui consiste à prévoir la psychologie du marché ». En situation d’incertitude totale, dans lequel se plaçait Keynes, le mimétisme est un comportement rationnel car il permet de profiter de l’information des opérateurs informés. L’analyse contemporaine des bulles spéculatives reprend cette idée keynésienne. (…) Les bulles spéculatives peuvent être expliquées à partir de processus de contagion mimétique des anticipations. Lorsque les agents ont le choix, pour former leurs anticipations, entre acquérir une information en la payant, ou obtenir gratuitement celle-ci en se basant sur le prix de marché, c’est généralement la seconde solution qui sera retenue (modèle de Grossman et Stiglitz, 1980). Si on se trouve dans une situation d’imitation généralisée, dans laquelle chacun copie l’autre en croyant qu’il détient l’information, alors qu’aucun agent n’est informé, le prix qui se forme ne reflète que la « psychologie du marché » et ne contient aucune information. On est en présence d’un processus d’anticipations « autoréalisatrices » dans lequel le prix va s’auto-confirmer, même s’il s’éloigne de plus en plus de son niveau d’équilibre fondamental. Ainsi se développent les bulles de change, entretenues par les comportements mimétiques.

Source : D.Plihon « Les taux de change », La découverte, 2010, p. 66

Document 42 : le mimétisme conduit à s’éloigner de la valeur fondamentale des titres L’argument de Grossman et Stiglitz est bien connu : si le prix est efficient et si l’information est coûteuse, alors il est rationnel de ne pas s’informer directement pour simplement observer les prix. Mais s’il en est ainsi, plus personne n’étant incité à s’informer, le prix ne saurait être efficient. En résumé, ces deux théoriciens démontrent que le prix efficient ne saurait être un prix d’équilibre si l’information est coûteuse, ce qui est le cas en général. Il en est ainsi parce qu’il peut être rationnel pour les investisseurs de ne plus s’informer directement pour prendre appui sur la seule observation du prix.(…) Il peut être également rationnel pour l’investisseur en quête du profit (…) maximal de s’intéresser à l’évolution des prix en tant que telle, y compris lorsque cette évolution est déconnectée des fondamentaux.

Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265

Document 43 : le mimétisme est auto-référentiel (Blanchard et Watson, 1984) La surrévaluation du dollar au milieu des années 1980 ainsi que le krach boursier de 1987 ont contribué à susciter une nouvelle approche théorique de l’instabilité (Blanchard et Watson en 1984). L’idée de départ est qu’il peut exister des écarts durables entre le taux de change (ou le prix des actifs financiers) qui se forme sur le marché et sa valeur d’équilibre correspondant aux déterminants économiques « fondamentaux » (inflation, balance des paiements, taux d’intérêt …). Cet écart est appelé « bulle spéculative » car il tend à se gonfler pour se résorber ensuite brutalement. (…) Le processus de la bulle spéculative est le suivant : la plupart des opérateurs anticipent l’appréciation d’une monnaie sans prendre en compte les « fondamentaux » ; il en résulte une demande excédentaire en faveur de cette monnaie dont le taux de change s’apprécie et s’éloigne de sa valeur « fondamentale ». Les anticipations s’auto-réalisent et le marché est efficient au sens où il anticipe correctement les évolutions du change. Mais (…) les anticipations vont se retourner et la bulle va finir par s’éclater.

Source : D.Plihon « Les taux de change », La découverte, 2010, p. 64

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3.1.4 La dynamique du cycle financier : la finance est pro-cyclique

Document 44 : le paradoxe de la tranquillité Sans forcément se ressembler, les crises se sont donc succédées à un rythme assez soutenu. Il est toutefois un trait commun entre toutes, souligné par C.Kindleberger : les crises financières surviennent dans les phases hautes des cycles économiques. A l’origine de chaque crise financière, il y a toujours un « boom », un sorte de déplacement de l’économie favorisé par telle invention, telle découverte : le décollage économique des Etats-Unis dans les années 1920, favorisé par l’application des méthodes d’organisation scientifique du travail (notamment dans l’industrie automobile naissante), précède la crise de 1929, l’éléctronisation des opérations boursières précède le krach de 1987, internet précède le krach de 2000, ... Ce boom euphorise les agents et favorise les anticipations de profit, donc les demandes de financement. Paradoxalement c’est quand tout va bien et que la période est à l’euphorie que l’instabilité prend racine. C’est ce que notait dans les années 1980, Hyman Minsky, un théoricien de l’instabilité financière inspiré par les travaux d’Irving Fisher, en évoquant le « paradoxe de la tranquillité ». Dans ce contexte, en effet, les agents s’endettent massivement soutenus dans leur démarche par les banques qui, elles aussi, veulent saisir les opportunités de profit. Tous les acteurs sont dans de telles périodes inciter à profiter de l’euphorie et ce faisant ils y participent et amplifient le cycle haussier. Ne pas le faire serait se priver d’un profit. Mais tous auront aussi intérêt à se retirer lorsque le cycle se retournera. On dit de la finance à cet égard qu’elle est pro-cyclique : elle accompagne, voire amplifie le cycle de l’économie réelle. Les banques et tous les autres apporteurs de fonds ouvrent grand les robinets du crédit en phase haute du cycle, alimentant par la même la croissance voire la surchauffe, et symétriquement, les referment brutalement quand le retournement du cycle s’amorce, aggravant le ralentissement voire la récession. Cette pro-cyclicité est une source majeure d’instabilité.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270

Document 45 : asymétrie d’information, crédit bancaire et cycles financiers Joseph Stiglitz et Andrew Weiss expliquent le cycle des affaires par les asymétries d’information qui pèsent sur les banques. En effet, les banques prêtent sans avoir une parfaite connaissance de l’état des firmes et du risque de faillites de leurs clients (asymétrie d’information). En période de croissance, il suffit que les banques anticipent une augmentation des risques de faillites pour qu’un phénomène cyclique apparaisse, car elles vont limiter leur offre de crédit en augmentant leur taux d’intérêt par exemple : les firmes les plus solides vont alors privilégier d’autres financements que le crédit, et seules les firmes les plus fragiles vont rester sur le marché du crédit, selon le phénomène de sélection adverse. De fait, le nombre de faillites va augmenter, ce qui accentue le rationnement du crédit par les banques (c’est-à-dire un volume offert inférieur à la demande) jusqu’à ce qu’on assiste à un retournement des anticipations des banques, et à l’amorce d’une nouvelle phase d’expansion.

Source : Aide mémoire d’économie, Sirey, 2010, p. 485

Document 46 : une prise de risque pro-cyclique à l’origine de la plupart des crises Au voisinage de l’équilibre haut, la perception d’un risque faible est validée par les cours alors qu’au voisinage de l’équilibre bas, l’estimation implicite du risque est élevée. Ainsi, dans les phases d’expansion, les opérateurs n’hésitent pas à prendre des risques car ils les estiment faibles, alors que dans les périodes de marasme, les risques tendent à être surévalué. Cette prise de risque pro-cyclique explique l’alternance des phases d’euphorie et de stress qui est au cœur des crises financières : sur tous les marchés (marché du crédit, des actifs financiers, de l’immobilier et par ricochet du capital productif) on enregistre le même profil cyclique qui associe une prise de risque croissant au fur et à mesure que l’expansion généralise l’optimisme des points de vue sur l’avenir. Ces risques accumulés se manifestent dans une phase de retournement qui a pour origine une mauvaise nouvelle concernant le rendement d’entreprises phares, l’impossibilité de poursuite de la croissance du crédit au rythme requis pour soutenir la spéculation des actifs ou encore le renversement de la politique de la banque centrale qui de permissive devient restrictive.

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 60-69

Document 47: le rôle du cycle de crédit dans le cycle financier La dynamique du crédit bancaire joue un rôle souvent déterminant dans l’émergence et le développement d’un emballement spéculatif sur ces divers marchés. Lorsque le mécanisme de l’accélérateur financier induit un renversement du processus, apparaissent des fragilités, spécialement marquées pour le système bancaire. (…) Les banques sont exposées à deux types de crise : une crise par le passif. Elle se présente souvent comme une

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panique bancaire qui dérive du caractère aléatoire des retraits des déposants : la crainte de certains déposants qui retirent leur fonds peut susciter un mouvement en chaîne de demande de retraits, alors même que la banque est en bonne santé (elle est solvable). Une crise par l’actif. Elle tient à l’irréversibilité de la relation de prêt : si un choc négatif affecte la rentabilité ou la chronique des remboursements pour les prêts déjà consentis, alors la banque fait face à un risque de solvabilité qui peut déclencher une course à la liquidité. (…) Le propre de l’une ou l’autre de ces crises est de précipiter la faillite d’une banque. Celle-ci par contagion peut se transmettre au système bancaire dans sa totalité. (…) Les banques sont vulnérables aux mouvements de panique qui résultent de l’anticipation par certains déposants de l’illiquidité de leur banque, ce qui, par ricochet, peut provoquer la convergence de l’économie vers un équilibre défavorable marqué par une défiance générale à l’égard des banques, un arrêt du crédit et en conséquence un faible niveau d’activité. (…) Comme la plupart des autres actifs financiers font intervenir des effets de levier plus ou moins importants, les erreurs d’anticipation en matière de bourse, d’immobilier ou de rendement des obligations se répercutent dans les bilans des banques. (…) L’observation de la succession des crises fait effectivement ressortir la centralité de la relation de crédit dans la propagation et l’amplification des crises financières. De même que l’optimisme de l’octroi du crédit lance la phase d’euphorie financière, le retournement du rendement des actifs se répercute sur la capacité de remboursement des prêts. La perte de valeur des collatéraux renforce la contraction du crédit et ce, faisant, peut s’amorcer une récession, voire une dépression, marquée par la tentative de remboursement des prêts passés grâce à la vente d’actifs, mais à des prix de détresse, ce qui aggrave encore la charge du remboursement (I.Fisher, 1933).

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 83-93

Document 48 : les deux temps du cycle financier

3.1.5 Causes et conséquences du retournement

Document 49 : les facteurs déclencheurs d’une crise financière, le rôle des asymétries d’information Cinq types de facteurs peuvent déclencher des crises financières : une hausse des taux d’intérêt, une augmentation de l’incertitude, un effet du prix des actifs financiers sur les bilans, des difficultés du secteur bancaire et des déséquilibres du budget des Etats. (…) Les individus et les entreprises porteurs des projets d’investissement les plus risqués sont ceux qui acceptent de payer les taux d’intérêt les plus élevés. Si les taux d’intérêt d’un marché sont poussés suffisamment haut en raison d’une demande accrue de crédit ou à cause d’une baisse de l’offre de monnaie, il est probable que les bons risques de crédit cesseront de chercher un financement alors que les mauvais risques voudront encore emprunter. L’anti-sélection s’intensifiant, les prêteurs seront moins enclins à consentir des prêts. Il en résulte une baisse des prêts qui conduit à une chute importante de l’investissement et de l’activité économique globale. Une forte hausse de l’incertitude sur un marché financier provoquée par exemple par la défaillance d’une importante institution financière ou non financière, une récession ou un krach boursier (…) conduit à une baisse du crédit, de l’investissement et détériore l’activité économique globale. (…)

Présentez les caractéristiques de la phase d’optimisme

Soudain choc : éléments déclencheurs La convention se retourne : phase de pessimisme – présentez les caractéristiques de cette phase

La crise bancaire, la paralysie du crédit et la paralysie des marchés se diffusent à l’économie « réelle » : baisse PIB, déflation, chômage

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Une chute du marché boursier implique que l’actif net des sociétés diminue puisque le prix des actions détermine la valorisation de l’actif net des sociétés. La baisse de l’actif net résultant de la chute des cours boursiers incite les prêteurs à restreindre l’offre de crédit parce que l’actif net d’une entreprise joue un rôle comparable à celui d’un collatéral (…) ce qui provoque à son tour une baisse de l’investissement et de la production globale. (…) Une hausse des taux d’intérêt joue aussi un rôle dans le déclenchement d’une crise financière à travers son effet sur les bilans des entreprises et des ménages. Une hausse des taux d’intérêt accroît les charges de remboursement d’intérêt des ménages et des entreprises, et par conséquent, diminue les marges des entreprises. la baisse de la marge provoque une détérioration du bilan (…) ce qui entraîne une diminution des prêts et de l’activité économique. Il y a donc là une raison supplémentaire qui explique pourquoi les fortes hausses des taux d’intérêt constituent un facteur important conduisant à des crises financières. (…) La condition des bilans des banques a beaucoup d’importance pour l’offre de prêts. Si les banques souffrent d’une détérioration de leurs bilans et subissent par conséquent une contraction importante de leur capital, il y aura moins de ressources à prêter et les crédits bancaires diminueront. La contraction du crédit provoque alors une baisse de la dépense d’investissement, ce qui ralentit l’activité économique. (…) La contagion peut s’étendre d’une banque à une autre jusqu’au point où même des banque saines et solides connaissent des difficultés. L’enchaînement des défaillances bancaires qui en résulte est connu sous le nom de panique bancaire (…) qui est de nature à provoquer une baisse accentuée des prêts destinés à financer des investissements productifs, ce qui provoque une contraction encore plus grave de l’activité économique. (…) L’Etat peut rencontrer des difficultés à placer les titres de sa dette, ce qui peut le conduire à obliger les banques à en acheter. Si le cours des titres publics vient à diminuer, il peut s’ensuivre une banqueroute de l’Etat, ce qui provoque un affaiblissement des bilans et une contraction des prêts (…). La crainte d’une défaillance de l’Etat peut aussi constituer l’étincelle qui déclenche une crise de change au cours de laquelle la valeur de la monnaie nationale s’effondre parce que les investisseurs retirent leurs fonds du pays. La baisse de la valeur de la monnaie nationale provoque alors une détérioration du bilan des entreprises qui ont contracté des emprunts en monnaies étrangères. Ces problèmes de bilan conduisent à une anti-sélection et un risque moral intensifiés, une baisse des prêts et une contraction de l’activité économique.

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson Education, 2007, p. 235-236

Document 50 : la déflation par la dette Dans la phase expansive du cycle financier, les choix sont emportés par l’euphorie où chacun chercher à profiter de la hausse des prix des actifs (par exemple l’immobilier) et renforce la conviction des autres dans le même sens. Parce que la hausse attendue des prix des actifs élève le rendement espéré de leur acquisition, chacun a intérêt à s’endetter pour acheter. Les prêteurs font les mêmes calculs parce que les actifs achetés par leurs emprunteurs sont aussi les collatéraux qui garantissent les prêts. Cette logique auto-renforçante s’appelle le momentum. Elle provoque les bulles spéculatives, c’est-à-dire des hausses dans les valeurs qui sont imaginaires en ce sens qu’elles ne peuvent pas livrer les revenus futurs qu’elles promettent. C’est pourquoi toute bulle spéculative finit par éclater, à un moment qu’il est impossible de prévoir. Lorsque cela se produit, la crise financière se déclenche. Le momentum s’inverse et entraîne une baisse catastrophique des prix des actifs qui avaient été emportés par la bulle. Les pertes de valeur des actifs se répercutent en pertes sur les crédits que les emprunteurs ne peuvent pas rembourser ; ce qui se transmet aux prêteurs. Mais ceux-ci forment un réseau de contreparties, de sorte que les défauts des uns font les pertes des autres. La course à l’endettement de la phase euphorique se mue en course au désendettement dans la phase du stress et de la peur. Mais pour se désendetter de manière ordonnée, c’est-à-dire en absorbant les pertes sans que son activité soit remise en cause, il faut pouvoir affecter assez de revenu à la provision sur pertes. Cela est impossible lorsque beaucoup de monde veut se désendetter, et donc dépense moins. La transmission de la contrainte financière à l’économie déprime la demande du secteur privé, de sorte que le désendettement est contrarié. Il s’ensuit une baisse prolongée de la croissance. Dans la zone euro, ce processus appelé déflation de bilan parce que ce sont les sinistres survenus dans les bilans qui sont la cause principale du défaut de demande dans l’économie réelle, a été aggravé par les politiques d’austérité budgétaire survenues au pire moment. Ensuite, le cercle vicieux de l’insuffisance de la demande prolongée contamine l’offre.

Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 54-57

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Document 51 : le besoin de liquidité des AE conduit à des ventes d’actifs et à la déflation Se met alors en place une spirale déflationniste de baisse généralisée du prix des actifs. Comme le cours des actions et de la plupart des autres actifs (immobilier notamment) baisse, la valeur des garanties (appelées aussi collatéraux) que les entreprises doivent apporter pour obtenir des liquidités (par exemple un prêt auprès des banques) baisse aussi. Les banques restreignent alors leurs octrois de crédit. A court de liquidité, les entreprises vendent des actifs qu’elles possèdent. Ces ventes accentuent la baisse des cours, donc la valeur des collatéraux, donc la possibilité d’obtenir des prêts. Les entreprises essuient des pertes et confortent les banques dans leur décision de restreindre le crédit. La spiral s’auto-alimente. Irving Fisher, soucieux de comprendre les ressorts de la crise de 1929 qui l’avait ruiné, avait mis en évidence dès 1933 ce type de schéma d’instabilité. Un schéma qui tourne en boucle et ne s’interrompt que si les banques centrales interviennent comme prêteur en dernier ressort pour restaurer la liquidité du marché ou au moyen de la politique monétaire, en abaissant le loyer de l’argent.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270

Document 52 : la crise comme élimination du mistigri La finance collecte la monnaie épargnée par certains pour la mettre à la disposition des entrepreneurs.il existe un autre moyen de fournir de la monnaie aux entrepreneurs, c’est la création monétaire ex nihilo par les banques. Elle est indispensable : on peut montrer que si l’investissement était strictement limité à l’épargne, sans le « préfinancement » de la richesse future que constitue la création monétaire, la croissance économique serait plus faible. On conçoit aisément que pour que la croissance soit maximum, il faille que tous les projets rentables soient financés. Or, on ne sait pas au départ, parmi tous les projets qui se proposent, ceux qui seront finalement rentables. On peut en avoir une bonne estimation, mais il est assuré qu’un certain pourcentage des projets qui apparaissent rentables ne le seront pas. En conséquence, les promesses de revenus des titres adossés à ces investissements ne pourront être tenues. (…) Ces promesses de revenus futurs impossibles à tenir, c’est ce que j’ai appelé le « mistigri ». (…) Le fait est que depuis l’après-guerre, dans tous les pays, une politique monétaire toujours favorable à la croissance engendre une dissymétrie dans la création monétaire. On baisse les taux d’intérêt dans les récessions pou relancer l’économie. Mais on conserve des taux modérés dans la phase de croissance pour ne pas casser celle-ci. Les entreprises accroissent leurs investissements et les ménages leur consommation en les finançant par une dette bon marché. Le crédit facile permet aussi aux acteurs financiers de jouer à fond le jeu de « l’effet de levier de l’endettement » pour accroître leur profit : ils empruntent à relativement bon marché sur les marchés monétaires pour acheter des titres qui dans la phase de croissance s’apprécient à un taux bien supérieur. La valeur des actifs en est accrue et par conséquent la taille du mistigri. Dès lors, la purge du mistigri est nécessaire et ceci, quelque soit le système financier. (…) Dans le système internationalement cloisonné et principalement intermédié (avant la libéralisation financière des années 1980), la forme principale d’élimination du mistigri était progressive et apparemment indolore. C’était l’accélération de l’inflation, qui a réalisé le programme de Keynes : l’euthanasie des rentiers au profit de ceux qui consomment et de ceux qui investissent. (…) Rendant l’avenir plus incertain, un dérapage de l’inflation décourage l’investissement et la croissance. Dans le système de finance globale actuelle, la forme principale de purge du mistigri est le krach, sur un marché ou sur un autre.

Source : Pierre-Noel Giraud « La mondialisation. Emergences et Fragmentations », Editions SH, 2012, p.124-125

Document 53 : facteurs déclenchants et aggravant du cycle financier Eléments à l’origine : d’un recul du crédit et du

financement d’une crise de change

Eléments explicatifs de

la : Baisse des prix (déflation) Baisse de la demande Baisse de l’offre (et de la

croissance potentielle)

Document 54 : en résumé (manias, panics and crashes) C’est le grand mérite de l’histoire financière que d’avoir détecté la répétition d’une même séquence d’emballement spéculatif. Ces travaux sont aujourd’hui nombreux (Kindleberger « Manias, panics and crashes », titre français « Histoire de la spéculation financière » 1978 ; Eichengreen, 2003). (…) Une telle mise en perspective permet d’éclairer la situation contemporaine : ce n’est pas la première fois qu’une innovation technique est considérée comme radicale et susceptible de relever durablement les profits. (…) il est remarquable que, dans tous ces épisodes, s’enchaînent les mêmes séquences :

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- à l’origine se trouve une impulsion qui a trait à une innovation qui peut être technique (une nouvelle méthode pour produire les tulipes, l’invention de la production de masse …), un nouvel instrument financier (les actions d’une compagnie de navigation), la fin d’un épisode guerrier (l’essor des chemins de fer après la guerre de sécession), l’émergence d’une clientèle pour de nouveaux services (passer ses vacances en Floride grâce à la location ou l’achat d’appartement), ou encore la possibilité ouvertes par une conjoncture financière nouvelle (l’afflux de liquidité sur le marché boursier qui permet la multiplication des OPA) ;

- les agents économiques informés adoptent une stratégie sélective à travers laquelle ils s’assurent de la réalité des rendements promis par l’innovation. Ils procèdent à des achats, profitant de leur expertise technique ou de l’information privilégiée dont ils disposent, ce qui est très généralement le cas concernant les innovations financières. Leur comportement est pleinement rationnel et, à lui seul, ne conduit pas à un emballement spéculatif ;

- en effet, la stratégie des agents informés se traduit par la montée du prix des produits, et par répercussion, des actifs financiers des entreprises qui participent à leur production. C’est en réaction à ces signaux de prix qu’entrent sur le marché des agents qui n’ont que peu ou pas du tout de connaissance de la nature de l’innovation, mais qui se fient à une extrapolation de l’envol des prix. Un individu qui n’a jamais acheté d’actions de sa vie et qui connaît à peine le fonctionnement va transférer une partie significative de son patrimoine vers cet instrument financier. dans cette troisième étape, les agents suiveurs et le crédit jouent un rôle déterminant dans l’envolée spéculative ;

- l’emballement a d’autant plus de vigueur qu’une autorité authentifie la réalité des promesses faites aux petites épargnants, et plus généralement, aux agents suiveurs. (…) Dans les années 1920 aux Etats-Unis, un économiste aussi renommé qu’Irwin Fisher déclare que l’envolée boursière et la prospérité sont faites pour durer, diagnostic qu’il maintient jusqu’à la veille de l’éclatement de la crise. Dans la période contemporaine, le tournant de la bulle internet intervient lorsqu’Alan Greenspan, qui auparavant dénoncé l’exubérance irrationnelle, se range à l’opinion des marchés, déclarant que les agents privés connaissent mieux que la banquier central quel doit être les cours des actions ;

- lorsque ce mouvement atteint son maximum, on est proche du retournement brutal par lequel se manifeste le fait que les rendements obtenus s’avèrent bien inférieurs aux rendements attendus. Soit à cause de l’érosion endogène des rendements du fait de la suraccumulation, soit en réponse à une mauvaise nouvelle, qui déclenche un réajustement des vues sur l’avenir ;

- dernière séquence, les autorités politiques, face à la gravité des conséquences sociales et politiques du krach, sont contraintes d’intervenir tant pour recherche les responsables que pour introduite de nouvelles règles et des réformes afin d’éviter la répétition de tels épisodes et rétablir la confiance sans laquelle les marchés ne peuvent fonctionner.

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p.200

3.2 Les transformations/évolutions récentes des marchés financiers ont rendu le système financier à la fois plus efficient et plus fragile

3.2.1 Certaines innovations financières renforcent les situations d’aléa moral

Document 55 : le cas de la VaR

Les spécialistes de la finance, tel Robert Shiller (Prix Nobel 2013), insistent sur le fait que l’innovation est au cœur du fonctionnement des systèmes financiers. Certaines innovations sont marginales et/ou locales, (…) mais il en est d’autres qui sont susceptibles de déstabiliser l’ensemble du système financier. A cet égard, la chronologie élaborée par Philip Davis (1995) est particulièrement éclairante. Elle montre que chaque innovation majeure, en stimulant de nouvelles stratégies, a débouché sur une fragilité financière, appelant en retour une forme ou une autre de réglementation. Ainsi, l’invention puis le développement de l’euro-dollar ne sont pas sans lien avec la remise en cause du système de change fixe et du mode de surveillance bancaire. (…) La faillite de LTCM en 1998 montre que l’utilisation des modèles Value at Risk (VaR) les plus sophistiqués permet une meilleure appréciation du risque et améliore la situation des participants au marché mais simultanément incite ceux-ci à prendre plus de risque, ce qui conduit à l’apparition d’un risque systémique. (…) L’émergence puis l’éclatement de la bulle internet livrent un autre enseignement, à savoir la possible synchronisation entre des innovations technologiques réputées radicales et l’invention de nouveaux outils

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permettant aux start-up de développer ces innovations. Dès lors, la conjonction de l’essor des TIC, du capital risque et de la liquidité offerte par le NASDAQ est au cœur de la crise de la nouvelle économie. (…)

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004

Document 56 : le cas des dérivés de crédit (CDS), rapport du CAE de 2004 L’analyse devrait se tourner aujourd’hui vers les dérivés de crédit : n’ont-ils pas permis aux banques américaines de résister à l’éclatement de la bulle internet, mais ce faisant n’ont-elle pas diffusé des risques à des agents qui n’ont pas les moyens de les évaluer exactement ? D’où une possible concentration des risques dans un compartiment du marché mal ou pas du tout couvert par les réglementations qui encadrent la prise de risque pour les banques. Le développement rapide et incontrôlé des dérivés de crédit n’est pas sans poser de problèmes. (…) Les dérivés de crédit sont, en principe, un facteur d’amélioration de l’efficience des marchés et de la gestion des risques. On leur attribue deux avantages principaux. D’abord, ils permettent le transfert et la dispersion des risques parmi un nombre accru d’acteurs financiers. Ensuite, ils facilitent la diversification des portefeuilles en étant aisément négociables. (…) Au début des années 2000, le système financier international a subi une série de chocs, (…) et les systèmes bancaires et financiers ont fait preuve d’une grande résilience (…). Pour autant, cette vision optimiste mérite d’être nuancée. En premier lieu, l’introduction des marchés de dérivés de crédit pourrait accentuer les problèmes d’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs. (…) En second lieu, on constate une concentration des acteurs sur les marchés de dérivés de crédit. (…) Troisièmement, l’apparition d’instruments de dérivés de crédit de plus en plus complexes sur ces marchés de gré à gré rend plus difficile l’évaluation du niveau de risque global et de sa répartition dans le système financier. Enfin, le risque systémique ne serait pas totalement supprimé par la dispersion du risque parmi une population importante d’investisseurs. En cas de défaillances en chaîne, ces derniers pourraient être en difficulté et menacer la stabilité du système financier dans son ensemble. (…) Au total, les dérivés de crédit, comme d’autres innovations majeures telle que la titrisation des créances, sont de puissants instrument de gestion et de diffusion des risques.

Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004

Document 57 : la titrisation et le modèle « originate to distribute » Le développement de nouveaux instruments financiers comme les dérivés de crédit ainsi que les nouvelles méthodes de financement comme le modèle « originate and distribute » basé sur la titrisation, sont en eux-mêmes susceptibles d’engendrer une plus grande prise de risque de la part des banques, surtout dans un contexte de forte concurrence. L’innovation financière a ainsi directement contribué à une augmentation des problèmes de selection adverse et d’aléa moral, comme le montre l’exemple des instruments de transferts de risque de crédit. Ainsi, une banque, acheteuse de protection contre le risque de défaut d’un emprunteur (CDS), n’a plus la même incitation à bien sélectionner des crédits qu’elle octroie du moment qu’elle est assurée. (…) Conjuguée au renforcement de la concurrence au sein de la sphère financière et à l’abondance de liquidités sur les marchés, la diminution de l’aversion au risque explique les phénomènes de « myopie face au désastre », au sens où les banques vont être incitées à sous-estimer la probabilité de défaut des emprunteurs. L’histoire a montré que de telles tendances s’accompagnent généralement d’un boom du crédit qui est facteur avant-coureur des crises. Cette prise de risque est fortement liée à l’essor de la titrisation, les banques peuvent « marchéiser » leurs créances et en transférer le risque aux investisseurs. Les banques américaines ont ainsi assoupli leurs conditions de crédits hypothécaires en misant d’abord sur l’augmentation des prix de l’immobilier avec l’idée que les emprunteurs pourraient quoi qu’il arrive rembourser leurs prêts en vendant leur bien immobilier. (…)

Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 2013, p. 21-22

Document 58 : les transformations de la gestion des risques par les banques, du modèle « originate to

hold » au modèle « originate to distribute » La sélection et le suivi des emprunteurs apparaissent au cœur des raisons d’être de la banque. La banque existe parce qu’elle est capable de produire à moindre coût une information et un contrôle rendant possibles des transactions financières qui ne seraient pas conclues sur les marchés des titres. Cela fait de la banque un expert en sélection et en gestion des risques. Mais à cet égard, les années 1990-2000 ont été des années de profond changement : en externalisant la gestion de leurs risques via la titrisation et les dérivés de crédits, les banques se sont détournés du « monitoring ». Le monitoring était au cœur du modèle « originate to hold », au sein duquel les banques faisaient naître (« originaient ») la créance puis la portaient jusqu’à son terme. Il a, tout au

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long des années 1990-2000, dramatiquement régressé à mesure que s’est imposé le modèle « originate to distribute », dans lequel les banques « originent » les risques puis les transfèrent sur d’autres entités. Ni les banques, ni les autorités de contrôle n’ont perçu à temps les dangers que pouvaient représenter la titrisation et l’ensemble des instruments permettant de transférer les risques. Au contraire, l’utilisation de ces instruments était même encouragée avec l’idée qu’ils permettaient un meilleur partage des risques au sein du système financier. Or, le système financier a-t-il gagné à ce que le risque soit disséminé entre un plus grand nombre d’acteurs ? Non, précisément parce que l’incitation à évaluer et à contrôler le risque n’est évidemment pas la même selon qu’une banque porte tout entier le risque qu’elle a engagé, ou bien selon que plusieurs banques ou autres entités financières, voire non financières, portent une petite part seulement d’un risque titrisé. La titrisation n’a pas seulement dilué le risque, elle a aussi dilué le contrôle du risque. En outre, le risque s’est trouvé in fine reporté pour une large part sur les épargnants, clients de fonds détenteurs de créances issues de la titrisation, qui, s’ils confient leurs fonds à des intermédiaires financiers, le font précisément parce qu’ils n’ont pas l’information et la compétence suffisantes pour les gérer eux-mêmes. la crise financière a montré que la maîtrise du risque de crédit ne pouvait se faire en abandonnant le monitoring.

Source : Jézabel Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf Licence, 2010, 150-175

3.2.2 Certaines innovations fragilisent le bilan des banques

Document 59 : la nécessité pour les banques de couvrir les pertes des véhicules de titrisation Ces crédits hypothécaires, accordés à des ménages peu solvables, ont ensuite été cédés à des véhicules de titrisation non régulés, les SIV, qui ont permis la prolifération des risques subprimes dans le système financier mondial compliquant ainsi leur traçabilité. (…) Le retournement du marché immobilier s’est traduit au cours de l’année 2006 par une dégradation de la qualité des crédits, entraînant par la suite une dégradation des notations des dérivés de crédits (…) et une aversion généralisée au risque qui a paralysé le marché de la titrisation. Les banques américaines ont été affectées à deux niveaux : d’une part, les SIV, qui étaient dans l’incapacité de se financer, ont dû avoir recours aux banques, qui ont réintégrées les actifs transférés à leurs bilans ; d’autres part, les banques qui détenaient elles-mêmes des dérivées de crédits dont la valeur a diminué, ont cherché à s’en débarrasser en les bradant (ventes en détresse), ce qui n’a fait qu’accroître la défiance générale et étendre la crise devenue ainsi une crise systémique mondiale.

Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 2013, p. 21-22

Document 60 : les conséquences des règles comptables de « gestion active des bilans »

Une fois la crise enclenchée, la gestion active des bilans bancaires a constitué un redoutable facteur de propagation des difficultés. En effet, les banques ne restent pas passives face aux variations des prix des actifs financiers qu’elles possèdent à leur bilan. Quand la Bourse baisse, la valeur des titres que les banques détiennent à leur actif baisse. Comme cela réduit aussi la valeur de leurs fonds propres de l’autre côté de leur bilan, leur ratio de solvabilité (rapports entre fonds propres et actifs) se dégrade. Seule façon d’y remédier si elles ne peuvent pas émettre davantage d’actions pour augmenter leurs fonds propres (ce qui est difficile quand leurs propres cours de Bourse baissent aussi) : diminuer leur actif et donc vendre des titres, ce qui amplifie la baisse sur les marchés boursiers et crée un cercle vicieux quant à la paralysie du marché interbancaire, c’est tout le circuit du crédit qu’elle a bloqué. Lorsque les banques n’ont plus les moyens d’assurer leur refinancement quotidien à l’aide de prêts interbancaires, il ne leur est plus possible de participer au financement de leurs clients ; elles rationnent le crédit. C’est, dès lors, l’économie réelle qui se trouve emportée dans une vague récessive. Il est ensuite difficile de savoir qui, de la crise économique ou de la crise financière, entraîne l’autre, les deux se renforçant mutuellement.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 272-275

3.2.3 Certaines innovations accentuent la volatilité des marchés et le risque de krach

Document 61 : le THF Le « trading haute fréquence » en est une bonne illustration. Il s’agit d’algorithmes conçus pour déclencher automatiquement des ordres d’achat ou de vente lorsque certains seuils de prix, d’indices … sont franchis. Cette technique s’est diffusée (…). La part des transactions issues du trading haute fréquence n’a cessé de s’accroître : sur les marchés d’actions, cette part était estimée à 40% en 2011, contre moins de 10% en 2007. Cette technique s’est révélée dangereuse puisqu’il est possible de s’en servir pour lancer de très gros volumes

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d’opérations capables d’influencer la formation des prix de marché puis d’annuler au dernier moment en profitant de la tendance à la hausse ou la baisse induite par l’opération initiale.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 62 : le trading haute fréquence augmente la volatilité des marchés financiers Trading à haute fréquence : comment le capitalisme financier et les marchés sont devenus trop compliqués pour être encore compris par les cerveaux humains ? Christian de Boissieu : Quand l'homme s'efface derrière les prouesses technologiques au lieu de les maîtriser, c'est la porte ouverte à de grands désordres, à des crises systémiques et à une instabilité accrue. Le HFT (High Frequency Trading pour Trading à haute fréquence) est une réalité impossible à évacuer. Son impact sur la liquidité et la volatilité des marchés financiers est encore en débat, car les études empiriques sont loin d'être convergentes. Mais nous devons, si possible au niveau européen et pourquoi pas au plan mondial, nous mettre d'accord sur un certain nombre de mesures visant à plafonner le HFT: élargissement des pas de cotation, temps de latence accru, mesures réglementaires et fiscales pour faire baisser le rapport aujourd'hui anormalement élevé entre les ordres passés puis annulés et les échanges effectifs. Les excès et les déséquilibres de la complexité financière ne datent pas du HFT, mais ils ont tendance à les accentuer. Cela remonte aux dérives des instruments dérivés, à une titrisation débridée et mal notée (avant 2007), aux excès de l'innovation financière. "Back to simplicity", c'est l'une des leçons de la crise mondiale et, avec l'exigence de transparence et la réduction des conflits d'intérêts, c'est l'une des revendications fortes et légitimes des clients des banques et autres opérateurs financiers. Je crains aujourd'hui que l'innovation financière redémarre trop vite et trop fort, et que le "back to simplicity" soit juste une phase courte avec un retour rapide vers les délices de la complexité. La réglementation bancaire et financière peut freiner ce retour vers la complexité, elle aura du mal à l'empêcher (d'autant plus que certaines innovations financières sont introduites pour contourner en partie la réglementation..).

Source : entretien avec C.de Boissieu sur le site http://www.atlantico.fr, 2014

Document 63 : des innovations qui fragilisent le système financier Des innovations qui

augmentent aléa moral Fragilité bilan des

banques Volatilité et risque de

krach des marchés

3.2.4 La globalisation financière : acteurs systémiques et chocs systémiques

Document 64 : des marchés plus intégrés rendent les économies interdépendantes La globalisation financière accroît (…) la dépendance d’une économie vis-à-vis de toutes les autres (Brender & Pisani, 2006). (…) L’interdépendance entre économies est également de nature financière puisque l’intégration toujours plus grande des marchés financiers du fait de la globalisation financière implique une plus forte corrélation entre les marchés et les pays en termes de prix des actifs et de volatilité. Il s’agit d’une conséquence directe de l’intégration financière transfrontalière : les chocs de prix et de liquidité (hausse brutale du prix de certains actifs ou baisse brutale de la liquidité d’un marché), même très localisés au départ, ont une plus forte probabilité de se transmettre à d’autres régions, si bien que des évènements très éloignés peuvent avoir des répercussions très fortes sur des institutions ou investisseurs étrangers (l’exemple des banques européennes, allemandes en particulier, fortement exposées à la crise des subprimes est révélateur). L’interdépendance entre intervenants sur un même marché s’est également accrue. En effet, chaque acteur dépend de plus en plus de la volonté et de la capacité des autres acteurs à lui fournir de la liquidité en cas de besoin. Ce nouvel environnement, dans lequel chacun dépend des actions des autres, peut favoriser l’apparition de défauts de coordination entre acteurs, potentiellement porteurs d’enjeux systémiques.

Source : J.Charbonneau et N.Couderc « Globalisation et (in)stabilité financière » Revue Regards croisé sur l’économie n°3, 2008, p. 238-239

Document 65 : des institutions financières systémiques

L’augmentation de la concurrence, induite par la déréglementation et l’ouverture des marchés en interne et à l’international, a contraint les acteurs financiers à rechercher des économies d’échelle et de gamme pour rester compétitifs. Les institutions financières se sont donc engagées dans un processus de concentration, notamment par le biais d’opérations de fusions et d’acquisitions.

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La conséquence en est que le système financier mondial se caractérise aujourd’hui par la présence d’une trentaine de conglomérats financiers dont le défaut causerait celui de beaucoup d’autres établissements et provoquerait ainsi une crise systémique. De plus, ces structures qui opèrent sur plusieurs marchés et sur plusieurs métiers à travers leurs filiales sont également susceptibles d’amplifier un choc initial dans une branche d’activité et de diffuser le risque à tout le conglomérat. (…) Le spectre de la crise systémique a pesé lourd sur les autorités publiques durant la crise de 2007-2008. La banque Northern Rock, 5ième banque anglaise, a par exemple été nationalisée en février 2008, étant jugée systémique par les autorités. Le caractère systémique ne se limite pas qu’aux banques. D’autres intermédiaires financiers contribuent au risque systémique. Les sociétés d’assurance ou les hedge funds. (…) L’assureur AIG fut finalement mis sous tutelle publique en septembre 2008 et refinancé par la Fed à hauteur de 85 milliards, ceci afin d’éviter un effet domino dans le secteur financier américain. (…) Du fait de leur taille et de leur place dans le système financier, les institutions systémiques posent le problème du « too big to fail », dans le sens où les autorités sont obligées de leur venir en aide en cas de difficultés. Cette configuration pose un problème d’aléa moral : se sachant sauvées en cas de problèmes, ces institutions systémiques peuvent être incitées à prendre plus de risques.

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.20

Document 66 : la globalisation financière qui fragilise le système financier

Conséquence de la globalisation sur :

La diffusion des crises La taille des acteurs financiers

3.2.5 Le développement de nouveaux acteurs moins régulés que les banques : le « shadow banking »

Document 67 : des preneurs de risques moins régulés, le « shadow banking »

Les innovations financières ont permis aux intermédiaires financiers d’externaliser les risques de leurs bilans et de reporter ces risques sur des agents disposés à les assumer. L’expérience a montré toutefois la dangerosité de ces pratiques parce qu’elles transfèrent le risque d’intermédiaires financiers régulés vers d’autres intermédiaires peu ou non régulés. Rien ne garantit que le porteur final du risque soit suffisamment solide pour prendre en charge ces risques. (…) C’est ainsi, par exemple que le groupe d’assurance américain AIG, après avoir subi des pertes sur le marché des crédits hypothécaires subprimes a été mise sous tutelle publique et refinancé par la Fed en 2008 pour tenir ses engagements vis-à-vis des banques américaines et européennes. (…) L’externalisation des risques de crédit fait peser ceux-ci sur des entités peu ou pas régulées, qui forment ce qu’on appelle aujourd’hui le Shadow banking. (…) Les fonds d’investissement (et en particulier les hedge funds) constitue la majeure partie (32%) de la sphère non régulée. (…) Le risque des Hedge funds résulte de leurs effets de levier important, conjugué à une forte exposition aux institutions financières via des prêts bancaires. C’est le cas du fonds Long Term Capital Management (LTCM) dont la quasi-faillite en 1998 a failli porter un coup dur au système bancaire mondial, ce fonds s’étant endetté pour environ 300 milliards de dollars auprès de 13 banques. Les véhicules de titrisation représentent 9% du shadow banking, posent un risque au système financier car (…) il s’est avéré que les banques demeurent in fine vulnérables : une banque qui cède des créances à un SIV fournit habituellement à ce dernier un ligne de liquidité pour le bon déroulement de son activité de titrisation. Pendant la crise des subprimes, les banques ont été contraintes, pour des questions de réputation et de risque de contrepartie, de racheter les créances cédées aux SIV et donc de reprendre à leur compte le risque inhérent à ces créances.

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.15

Document 68 : le shadow banking qui fragilise le système financier Les intermédiaires financiers du

shadow banking Ils occupent une place croissante

dans les marchés des capitaux Ils interviennent comme preneurs de risque, risque dont veulent se

débarrasser les banques (les acteurs les plus régulés)

Source de fragilité ?

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3.2.6 Les flux internationaux de capitaux et le fonctionnement du SFI

Document 69 : l’hétérogénéité des systèmes financiers pousse l’épargne des PVD vers les PDEM La structure des systèmes financiers est loin d’être partout la même. Les mécanismes d’information et de décisions qui règlent la distribution de crédits, comme ceux qui permettent d’en redistribuer les risque ou d’en assurer le financement, dotent chaque économie de « canaux de financement » qui lui sont propres. Ils reposent sur des routines et des pratiques souvent différentes d’un pays à l’autre : ici, les banques accorderont des prêts à taux variables, là, à taux fixes ; ici, les entreprises emprunteront sur les marchés, là, auprès des banques … (…) Dans une économie globalisée, des conséquences inattendues peuvent en résulter. Si, comme cela a été le cas au début des années 2000, les régions qui tendent à dégager une épargne importante lorsque leur revenu croît rapidement ont des canaux de financement frustres ou des agents averses à l’endettement, elles devront, pour mobiliser pleinement leur potentiel de croissance, exporter une partie de leur épargne vers celles, dont les canaux de financement ont un débit plus puissant ou dont les agents sont plus enclins à d’endetter. Si, en outre, les placements qui s’accumulent dans les régions « épargnantes » se font sous des formes peu risquées, ces transferts d’épargne ne pourront avoir lieu sans qu’une part au moins des risques qui leur sont liés soient pris par des preneurs de risques du reste du monde.

Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.97-98

Document 70 : le développement d’une division internationale de la prise de risques financiers

Le cas américain est plus éclairant encore dans la mesure où il illustre le rôle joué par les différents « segments » des canaux de financement dont chaque économie est dotée. Laissés à eux-mêmes, les mécanismes de distribution de crédits et ceux qui assurent la circulation des risques impliquées par ces crédits ont interagi de façon perverse à partir du milieu des années 2000 pour alimenter une montée continue de l’endettement des ménages américains. Si ces derniers ont un comportement d’endettement sensible au taux d’intérêt, leur capacité à s’endetter n’est en effet pas infinie pour autant : la progression de leur endettement jusqu’en 2007 a pu être continue parce que, au fur et à mesure que les besoins d’emprunt des ménages solvables étaient saturés, des prêts à des ménages insolvables ont pris le relais. Ils ont pu le faire dans la mesure où, une fois accordé, ces prêts subprimes étaient titrisés : leurs risques ont été portés, euphorie financière aidant, par des opérateurs ne disposant d’aucun moyen d’information pour les apprécier. Les conséquences de ce laisser-aller ont été d’autant plus catastrophique qu’une part des prêts ainsi titrisés ont été acquis pour boucler la chaîne permettant à une épargne dégagée en Chine ou en Allemagne de financer des prêts faits aux Etats-Unis ou en Espagne. Dans les pays « peu dépensiers », l’épargne a en effet tendance à se placer sous des formes peu risquées, en l’occurrence des dépôts bancaires, à différents termes : des placements de ce type ont pu y être accumulés, pour des montants toujours plus importants, parce que, ailleurs, des banques d’investissement, des hedge funds ou d’autres opérateurs de marché prenaient les risques que les épargnants ne souhaitaient pas porter. Pour acheter les titres émis, ces preneurs de risques empruntaient à court terme (…). Une succession d’opérations de ce type, continuellement renouvelées, ont ainsi pendant plusieurs années permis de faire que des dépôts d’épargne s’accumulent dans les pays « fourmis » en contrepartie des prêts accordés ailleurs. La multiplication d’opérations nécessaires pour que l’ensemble des risques impliqués par ces transferts internationaux d’épargne soit pris explique aussi, pour une part au moins, l’intensification des flux internationaux de capitaux observée en termes bruts : elle s’inscrit dans le cadre d’une « division internationale de la prise de risques financiers » qui n’a cessé de se développée depuis le début des années 1990.

Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.101-102

Document 71 : globalisation financière, déséquilibres financiers internationaux et crise

Dix ans seulement séparent la crise qui, à la fin des années 1990, a ébranlé les économies asiatiques de celle qui, à la fin des années 2000, plonge le monde dans une récession profonde. Et, entre ces deux crises, une bulle boursière comparable à celle de 1929 a éclaté ! (…) La finance entretient avec l’économie réelle un rapport moins distant qu’on ne le pense parfois. Dans un monde où l’épargne est abondante, son rôle est même crucial : l’usage fait de cette épargne (la croissance de demain) comme le niveau d’activité (la croissance d’aujourd’hui) en dépendent. Les mécanismes par lesquels la finance globalisée a permis à l’épargne dégagée en un endroit de la planète d’être utilisée en un autre expliquent, pour une part au moins, la vigueur de la croissance observée pendant une grande partie des années 2000. Ces mécanismes ne résultent pas de la seule libéralisation des

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mouvements de capitaux engagée depuis plusieurs décennies. Ils sont aussi le produit d’une vague d’innovations, permises par la déréglementation des métiers de la finance, qui a transformé partout la manière dont les capitaux, comme les risques liés à leu investissement, circulent et sont portés. La globalisation financière a ainsi doté l’économie mondiale de dispositifs d’une puissance étonnante (si l’on en juge par la masse d’épargne qu’ils ont mise en mouvement) mais aussi d’une grande vulnérabilité (si l’on en juge par la masse de risques qui s’y sont concentrés). C’est le fonctionnement de ces nouveaux dispositifs et les enchaînements qui ont conduit à la première crise de la finance globalisée. (…) Jusqu’aux années 2000, malgré la libéralisation des mouvements d’épargne, les transferts internationaux d’épargne étaient restés modestes. Depuis le début des années 2000, leur intensité a crû de façon continue, en même temps que la croissance des économies émergentes accélérait fortement. En luttant contre la surévaluation de leurs monnaies, beaucoup d’économies, en Asie, notamment, sont parvenues à « exporter » une épargne qui sinon aurait asphyxié leur croissance. Elles l’ont fait en s’appuyant sur les infrastructures de la finance globalisée. Pour l’essentiel, ces pays ont en effet placé leurs excédents sous des formes peu risquées. (…) Pendant les années 2000, les pays développés, les Etats-Unis en particulier, n’ont pas seulement importé de l’épargne, ils ont aussi pris en charge les risques des prêts que cette épargne a permis de financer. Cette charge a largement pesé sur les chaînes de prises de risque du système bancaire alternatif. Le levier des preneurs de risque (le rapport entre les risques qu’ils prennent et les capitaux dont ils disposent pour les prendre) s’est sensiblement accru, affaiblissant la solidité des chaînes dont ils sont les maillons. A partir du milieu des années 2000, seule une attitude face au risque toujours plus complaisante pouvait expliquer leur comportement. Le « choc des subprimes » a brutalement remis cette attitude en cause. (…) Ne voir dans cette crise qu’une nouvelle illustration des excès de la finance serait manquer l’essentiel. Cette crise révèle la faillite d’une idéologie qui a poussé les autorités à délaisser leur fonction de régulation et de surveillance. Elle montre aussi les dangers d’une globalisation qui ne s’accompagne pas des coopérations internationales qu’elle appelle.

Source : A.Brender et F.Pisani « La crise de la finance globalisée », La découverte, 2009, p.4

Document 72 : excès mondial de liquidité et nouveau cycle financier

Division de la prise de risque financier entre pays dotés de SF développés et les autres

Les excédents d’épargne des pays exportateurs vont vers les SF capables de produire du crédit et dans lesquels la demande globale > revenu

En augmenter ses réserves en dollars US (Mo internationale), certains pays comme la Chine cherchent à stimuler leurs exportations (Bretton Woods II)

La liquidité mondiale se dirige vers les Etats-Unis Division de la prise de risque financier au sein du système financier US : séparation des tâches entre agents qui cherchent à se couvrir et preneurs de risques

Contexte : Innovations financières + nouveaux acteurs financiers Stimule le financement de l’économie : enclenche un

nouveau cycle financier

Mais dans un contexte où augmente l’aléa moral (et la fragilité du système)

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Document 73 : développement de la finance, croissance et crise Impact sur La croissance Les crises

Transfert de richesse dans le temps

Favorise l’investissement en enlevant la permettant de dépenser plus que les revenus

Apparition de mistigri : les projets financés mais voués à l’échec ; contrainte intertemporelle trop lourde

Gestion des risques Intermédiation = permet des investissements qui ne peuvent être réalisés par la finance directe

Certaines techniques financières = plus d’aléa moral La présence d’établissement de grande taille renforce le too big to fail

Accumulation du capital Efficience allocative Bulles spéculatives et krach Finance pro-cyclique Flux financiers internationaux : surabondance de liquidité

Création information Produit un scénario/convention sur l’avenir ; socialise les vues sur l’avenir

Le scénario/convention peut basculer et se retourner

Organisation des paiements Un système bancaire efficient stimule l’activité

Les crises bancaires et la déflation se traduisent par une préférence pour la liquidité plutôt que les dépôts

Source : à partir de Rapport CAE « Les crises financières » (2004) et Rajan et Zingales (2003)

4. La crise des subprimes

4.1 Les causes de la crise des subprimes

Document 74 : les étapes La crise financière de 2008 a d’ores et déjà sa place dans l’histoire. Les bourses mondiales ont perdu près de 40% de leur valeur en moins d’un an. La crise du crédit hypothécaire aux Etats-Unis s’est en quelques mois muée en une gigantesque crise bancaire étendue à l’Europe, au point de totalement paralyser le marché des prêts interbancaires. Des institutions financières de renom comme la banque d’investissement américaine Lehman Brothers ont disparu, pour ainsi dire, du jour au lendemain. Certaines ont été littéralement bradées (la banque d’affaire américaine Bear Stearns), d’autres mises sous tutelle (comme les établissements américains de refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac), ou recapitalisées par l’Etat (le groupe belgo-néerlandais Fortis, la banque allemande spécialisée dans le crédit immobilier Hypo Real Estate …) ou carrément nationalisées (les banques anglaises Bradford & Bingley et Northern Rock) dans un pays, le Royaume-Uni, om un tel mode de sauvetage était inimaginable il y a peu. En 2009, la crise s’est poursuivie en provoquant, rien qu’aux Etats-Unis, pas moins de 115 faillites d’établissements bancaires. A l’origine de cette crise, on trouve des prêts hypothécaires à haut risque (les subprimes) que des banques et des sociétés financières américaines ont accordés à des ménages pauvres, souvent exclus jusqu’alors du crédit bancaire. Ces prêts accordés à des taux plus élevés que les prêts traditionnels (en raison du risque de défaut plus élevé des emprunteurs concernés) et révisables (prêts à taux variable), étaient gagés sur la valeur du bien immobilier acquis par l’emprunteur. Le dynamisme des prix sur le marché immobilier confortait les banques dans l’idée qu’en cas de défaut de l’emprunteur, elles ne perdraient rien à revendre le logement gagé. A la veille de la crise (été 2007), environ 1000 milliards de dollars de crédits subprimes avaient été accordés. C’est beaucoup dans l’absolu, mais très peu comparé aux 20 000 milliards de dollars de capitalisation boursière américaine (valeur totale des actions émises aux Etats-Unis) avant crise, ou aux 60 000 milliards de dollars d’actifs financiers détenus par les ménages américains. Ce ne sont donc pas ces 1000 milliards de dollars de crédits subprimes, ni a fortiori les 200 milliards de dollars de crédits subprimes non remboursés par des emprunteurs défaillants (d’autant que, même dévaluées en raison de l’éclatement de la bulle immobilière, les

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collatéraux comme les immeubles hypothéqués permettaient aux banquiers d’amortir leurs pertes), qui à eux seuls peuvent expliquer l’ampleur de cette crise. Il n’est pas non plus nécessaire d’invoquer la folie des financiers d’aujourd’hui pour comprendre ce qui s’est passé. Cette folie ne dépasse pas celle des spéculateurs hollandais en 1637, quand une bulbe de tulipe s’échangeait à un prix qui dépassait celui d’un Rembrandt ! La crise financière amorcée en 2007 se prête mal à la désignation de boucs émissaires, tant les facteurs qui en sont à l’origine sont nombreux. On peut toutefois mettre en avant l’environnement macroéconomique qui a facilité la gestion de la crise ainsi qu’un certain nombre de dysfonctionnements microéconomiques.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 272-275

Document 75 : en résumé, une fragilisation accrue du système financier La crise des subprimes s’explique par la conjonction de nombreux phénomènes : des déséquilibres macroéconomiques, des dysfonctionnements microéconomiques doublés de pratiques financières à haut risque. Sur le plan macroéconomique, le modèle de base est celui de la théorie du surendettement inspiré des travaux d’Irving Fisher en 1933. Traditionnellement, tout part d’un choc de productivité qui a une incidence positive sur la croissance, qui elle-même nourrit les anticipations de profits et se traduit par une augmentation des investissements et donc du crédit. cette dynamique porte toutefois en elle plusieurs mécanismes de stabilisation. En effet, l’expansion du crédit est, normalement, limitée par la hausse de l’inflation qui a pour conséquence le durcissement de la politique monétaire et une remontée des taux d’intérêt. En outre, les banques se voient contraintes dans leur offre de crédit par leurs besoins en fonds propres. sauf que sur la période récente, ces stabilisateurs n’ont pas joué comme à l’accoutumée. La croissance soutenue dans les pays émergents se traduit à la fois par des excédents commerciaux et par un fort taux d’épargne (Chine). Il s’en suit une forte hausse des liquidités au niveau mondial (1). Pour autant, l’inflation n’augmente pas, en partie en raison du renforcement de la crédibilité des banques centrales (2). Cela conduit à une baisse des primes de risques (3) et des taux d’intérêt de long terme (4) qui alimentent le crédit (5). Celle-ci nourrit la hausse du prix des actifs (notamment immobiliers) (6) qui valident, de fait, l’expansion du crédit (7) et se traduit par une hausse de la consommation (8) et un renforcement de la croissance (9). Par ailleurs, au niveau microéconomique, tous les ingrédients de la crise sont réunis. L’exigence de rentabilité (1) conjuguée à la baisse des primes de risques, attise la concurrence entre les intermédiaires financiers (2). De leur côté, les banques réagissent en relâchant les critères d’attribution des prêts (3). Par ailleurs, de nouveaux instruments révolutionnent les pratiques bancaires (4). En même temps, les nouvelles normes prudentielles (5) créent une hausse des besoins en fonds propres qui poussent, là encore, les banques à innover (6). Au final, on se trouve avec des cohortes de crédits faits à des populations de plus en plus fragiles et des structurations de plus en plus complexes de ces crédits (à partir du triplet origination-structuration-distribution) qui permettent de financer la progression du collatéral (bulle sur les actifs) et masquent les risques et leur répartition.

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Source : rapport du CAE « De la crise des subprimes à la crise mondiale », p. 38-40

Document 76 : la dimension microéconomique de la crise est primordiale

La crise financière de l’été 2007 a rapidement été comparée à celle de 1929. Avec un peu de recul, on s’aperçoit que les origines des deux crises sont fort différentes. La dernière crise ne peut se comprendre sans une lecture microéconomique approfondie, complémentaire de l’analyse macroéconomique. Car cette crise est avant tout le produit, d’une part, de la défaillance de la régulation, d’autre part, de la multiplication des situations d’aléa moral sur les marchés financiers. L’aléa moral, traduction littérale et un peu obscure du terme moral hazard, désigne, dans l’environnement de l’assurance, l’éventualité qu’un agent assuré prenne des risques qu’il n’encourrait pas s’il n’était pas couvert, accroissant de ce fait la probabilité d’occurrence du sinistre. J’utiliserai dans ce chapitre une acception plus large de ce terme empruntée à Adam Smith, qui définit l’aléa moral comme le risque résultant de décisions de maximisation de l’utilité individuelle prises par des agents n’en supportant pas pleinement les conséquences négatives collectives. (…) Un prêt subprime est un crédit hypothécaire octroyé à un ménage américain dont la capacité de remboursement est faible. (…) Entre le second semestre 2007 et le premier semestre 2008, arrivent à échéance de la période de taux d’intérêt fixe environ 900 milliards de prêts subprimes, et le passage, pour les bénéficiaires, d’un taux d’intérêt fixe de 1% à un taux d’intérêt variable d’environ … 10%. Sous une perspective macroéconomique, le risque de perte associé au défaut des emprunteurs reste donc limité. L’encours des prêts hypothécaires américains en 2007 est de 10 000 milliards de dollars, le segment subprimes ne représentant que 1 200 milliards. Si le taux de défaut est de 20% et que la valeur de recouvrement est de 50%, la perte réelle directe supportée par les banques n’est que de 120 milliards de dollars. (…) Les prets subprimes étaient en réalité pour la plupart titrisés, c’est-à-dire cédés instantanément à une structure vierge, appelée véhicule (SPV) et dont le financement était assuré par émission de titres obligataires (…) achetés par des investisseurs. Les banques qui octroyaient les prêts subprimes ne supportaient donc pas le risque qui leur était associé, le transférant à des investisseurs disposant d’une information et expertise probablement inférieures à celle des banques émettrices des prêts. La titrisation est l’expression de la déconnexion entre la décision et le risque associé à cette décision,

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et à ce titre l’un des supports privilégiés des comportements d’aléa moral. (…) Certains investisseurs achetaient ces créances titrisées pour à leur tour les céder à une autre structure vierge et émettrice de titres achetés par d’autres investisseurs, la mécanique pouvant se reproduire selon les mêmes modalités. Les différents étages de la titrisation avaient pour conséquence de diluer de manière opaque le risque dans des portefeuilles de banques, de fonds, d’assurance, cette opacité ayant joué un rôle important dans le développement de la crise financière. (…) Et l’opacité implique une dégradation de la confiance vis-à-vis de toutes les contreparties, banques, assureurs, fonds … dont on imagine qu’elles puissent détenir des actifs titrisés. Là est la vraie raison de la crise de confiance qui s’est emparée des marchés au cours de l’été 2007. On peut penser que si les crédits hypothécaires étaient restés dans le bilan des institutions émettrices, d’une part, l’exposition globale eût été plus faible (la possibilité de transférer le risque incitant à l’octroi des prêts), d’autre part, les établissement touchés eussent été identifiés et la crise de liquidité sur le marché monétaire d’une ampleur moins grande. (…) Y a-t-il une opération financière illustrant mieux l’aléa moral que la titrisation ? La titrisation organise en effet le transfert du risque, des banques vers les investisseurs, et soustrait les premières de la responsabilité des conséquences de leur décision individuelle. c’est sans doute la raison pour laquelle A.Smith affirmait que l’aléa moral était l’un des plus grands dangers du capitalisme, en ce sens qu’il rompait le lien entre décision et responsabilité. (…) La crise financière est le produit de la défaillance de la régulation et de la multiplication de situations d’aléa moral sur les marchés financiers. Ses origines sont avant tout d’ordre microéconomique. (…) Le déficit de la balance des paiements courants américain, en dégageant un excès d’épargne disponible en Asie à la recherche de placements diversifiés, a certes constitué un cadre favorable au développement de la crise en rendant possible la diffusion internationale des créances titrisés, tout comme la politique monétaire de bas taux d’intérêt conduite par A.Greenspan a permis l’accélération de l’octroi des prêts immobiliers. Mais ces données macroéconomiques n’ont dessiné qu’une environnement favorable au développement de la crise, dont l’origine reste la défaillance des règles du marché, du contrôle de leur application et du comportement des acteurs.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p.190-193

Document 77 : inégalités et crise de surproduction (une explication marxiste de la crise) A propos de la crise de 2007-2008, un large accord existe désormais (travaux du FMI ou de l’OCDE ou bien même de Piketty et Saez) sur le lien avec le creusement des inégalités. Les données montrent en effet qu’aux Etats-Unis, l’essentiel de l’augmentation du revenu global au cours des années 1990-2000 a bénéficié aux 1% des titulaires des plus hauts revenus. De ce fait, les revenus des catégories modestes et moyennes ont faiblement (ou pas du tout) augmenté. La demande a donc été soutenue par le crédit ce qui a constitué l’amorce du gonflement de la bulle de crédit et de la bulle immobilière. Patrick Artus a proposé pour sa part une lecture marxiste de la crise de 2007-2009. Le mécanisme centrale réside dans la tendance à la baisse du taux de profit qui résulte d’une suraccumulation du capital liée à la fois à l’euphorie des entreprises et à un rythme très rapide d’accroissement du stock de capital des pays émergents. En réaction à cette baisse des taux de profit, les entreprises exercent une pression à la baisse sur les salaires ce qui freine la consommation (donc les débouchés). Les difficultés des entreprises comme celles des ménages poussent à la hausse de l’endettement qui alimente l’euphorie dans un premier temps, mais débouche en fin de compte sur l’éclatement de la bulle de crédit et sur la crise financière.

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Source : A.Beitone « Economie, sociologie et histoire du monde contemporain », A.Colin, 2013, p. 564

Document 78 : déséquilibres macroéconomiques et dysfonctionnements microéconomiques

Déséquilibres macroéconomique Dysfonctionnements microéconomiques

Dans un contexte d’inégalités croissantes des revenus = le seul moyen pour maintenir le niveau de demande (donc éviter la récession) est de facilité l’accès aux crédits des ménages dont les revenus augmentent peu ; d’un côté, les taux sont bas ; de l’autre, les prêteurs prêtent d’autant plus facilement qu’ils ne gardent pas les risques ;

4.2 Les conséquences de la crise des subprimes : sa diffusion à la sphère « réelle »

Document 79 : la diffusion à la sphère réelle La crise qui début en 2007 est globale en ce sens qu’elle affecte tous les pays. Mais aussi parce qu’elle touche à tous les segments de la finance et de l’économie. depuis les premiers soubresauts en 2007, la crise n’a, en effet, cessé de muter : elle a successivement pris la forme d’une crise immobilière, d’une crise de la finance structurée, d’une crise de liquidité, d’une crise bancaire, d’une crise boursière, d’une crise de confiance et stade ultime, d’une crise économique. Le resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis a enclenché à la hausse des taux de défaut des ménages américains (1), conduisant à des ventes en détresse (2), et à une baisse des prix de l’immobilier (3). Rapidement la crise a dépassé la sphère de l’immobilier pour atteindre celle de la finance structurée ; les banques d’affaires, comme le banques commerciales, ont commencé à accumuler les pertes (4). L’assèchement des liquidités qui a suivi (5) a dégénéré en crise de confiance (6), crise autoentretenue par la faillite ou quasi faillite de nombreuses institutions financières (7). La contagion aux marchés boursiers ne se fait pas attendre. Après les banques, ce sont toutes les valeurs de la cote qui ont vu leurs cours s’effondrer, dans les pays développés comme dans les pays émergents. Les banques ont alors été forcées de réduire leurs engagements provoquant une contraction du crédit (8) D’autant que la crise boursière venait diminuer la valeur des collatéraux (9). Un an après le début de la crise, le monde entrait dans une grave récession (10).

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Source : rapport du CAE « De la crise des subprimes à la crise mondiale », p. 38-40

5. Stabilisation et régulation du système financier

5.1 Stabiliser le système financier en situation de crise

5.1.1 La banque centrale fournit de la liquidité lorsque le marché interbancaire est paralysé : le rôle de prêteur en dernier ressort (PDR)

Document 80 : fonctionnement du marché monétaire, rappel

Le marché monétaire peut être subdivisé en trois segments : le marché monétaire interbancaire, sur lequel les prêts et emprunts s’effectuent exclusivement entre banques, le marché des bons du Trésor, sur lequel s’émettent et s’échangent des titres de dette émis par le Trésor pour financer le déficit budgétaire, et enfin le marché des billets de trésorerie sur lequel s’émettent et s’échangent des titres de dette à court terme émis par les entreprises. Le marché monétaire interbancaire peut lui-même être divisé en deux compartiments, celui strictement réservé aux échanges interbancaires, et celui réservé aux échanges avec la banque centrale (appelé open market). (…) Habituellement, l’horizon des transactions sur le marché interbancaire est très court, 25% des prêts étant négociés sur 24h, les autres horizons principalement traités étant 48h, 1 semaine, 1 mois, 3 mois, rarement au-delà.

Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011 Document 81: la banque centrale fournit la liquidité indispensable aux banques sur le marché monétaire La crise des subprimes naît en juin 2007, lorsque la banque Bear Stearns annonce la fermeture de deux fonds investis en produits structurés de crédits adossés à des prêts hypothécaires de mauvaise qualité. L’annonce est retentissante sur les marchés des capitaux (…). S’ensuit alors une grave crise de confiance, les banques n’osant plus se prêter entre elles des liquidités, y compris à 24h, dans la crainte de ne pas être remboursées. Cette crise de confiance conduit, début août, à une interruption presque totale des transactions sur le marché monétaire,

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(…) qui fournit l’oxygène indispensable à l’activité d’octroi de crédit bien sûr, mais également aux échanges quotidiens de masse monétaire entre agents économiques, dont le support est le chèque ou le virement électronique. Sans marché monétaire interbancaire, les banques, qui prêtent sans disposer de ressources préexistantes, tomberaient en faillite. L’assèchement du marché monétaire interbancaire début août 2007 impose l’intervention des Banques centrales, obligées d’exercer leur rôle de « prêteur en dernier ressort » en apportant quotidiennement la monnaie centrale nécessaire à la couverture du solde du marché monétaire interbancaire. (…) La BCE était dans l’obligation d’apporter quotidiennement le solde du marché monétaire interbancaire de la zone euro, soit environ 200 milliards d’euros pour éviter la faillite des banques. Ces concours se faisaient sous la forme d’opérations exceptionnelles de refinancement sur un horizon très court, la plupart du temps 24h. La Fed apportait de son côté un refinancement quotidien d’environ 300 milliards de dollars. (…) Il a fallu attendre 2009 pour que le marché monétaire retrouve, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, son visage habituel.

Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011

Document 82: la banque centrale, l’action en tant que PDR

Document 83 : le sauvetage du système financier mondial à l’automne 2008, les mesures d’urgence Au plus fort de la crise financière, le marché interbancaire, sur lequel les banques se font traditionnellement des prêts entre elles au jour le jour, s’est aussi trouvé complètement paralysé. Les banques ne voulaient plus se prêter les unes aux autres, et ne se refinançaient plus qu’auprès de la banque centrale. Or, cette dernière a beau avoir élargi la palette d’actifs acceptés comme garanties et allongé la durée de ses prêts, il était nécessaire pour rétablir le fonctionnement du marché interbancaire de garantir les prêts interbancaires et de créer une sorte de fonds bénéficiant de la garantie de l’Etat, pour accorder aux banques des prêts à un peu plus long terme que ne le fait la banque centrale.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 274

5.1.2 Le rôle de PDR est aussi endossé par l’Etat

Document 84 : l’Etat intervient pour prêter aux banques Les banques centrales se sont substituées au marché monétaire dès le début de la crise, mais les membres de l’Eurogroupe ont considéré qu’il était du devoir des Etats de participer au refinancement et d’éventuellement relayer la BCE. Ainsi a été créée en France (première proposition du plan Lagarde), en novembre 2008, la Société de financement de l’économie française (SFEF) dont le capital de 50 millions d’euros est partagé entre les banques et l’Etat. Pour se financer cette société émet sur le marché des obligations garanties par l’Etat (plafond de 320 millions d’euros). les fonds ainsi collectés servent à répondre aux demande de prêt des banques. (…) Le contribuable n’est donc pas sollicité, (…) cependant en cas de défaut de l’une des banques emprunteurs, l’Etat en tant qu’assureurs devra rembourser les créanciers obligatoires (…), cette action pouvant contribuer à l’accroissement du déficit.

Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011, p. 212

Refinancement des banques en monnaies

centrales

Marché monétaire interbancaire Echanges interbancaires : marché paralysé / crise de confiance

Echanges avec la banque centrale La fourniture de liquidité qui ne peut s’opérer entre banques est réalisée par la

banque centrale : rôle de PDR

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Document 85 : l’Etat intervient pour recapitaliser les banques La seconde proposition du plan Lagarde est la recapitalisation des banques, dont le ratio d’exigence réglementaire a été négativement affecté. (…) Le plan prévoit une recapitalisation des banques française à hauteur de 40 milliards d’euros. Les titres émis par les banques sont souscrits par la Société de prise de participation de l’Etat (SPPE). (…) Le 20 octobre 2008, le gouvernement français annonce avoir organisé une première souscription à hauteur de 10,5 milliards d’euros (SG, BNP, CA, CM, Natixis notamment). (…) Cette opération est acceptée après une difficile négociation avec la Commission européenne, qui y voit un risque de distorsion de concurrence entre établissements aidés et ceux qui ne le sont pas. (…) La dette émise par la SPPE, organisme d’Etat, est assimilée à la dette publique et en conséquence inscrite dans les indicateurs « maastrichiens » de dette publique.

Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011, p. 217

Document 86 : le coût de la recapitalisation bancaire après la crise des subprimes Après la faillite de Lehmann Brothers et les menaces d’écroulement de l’ensemble du système bancaire mondial, les banques ont connu une première et massive recapitalisation notamment par des apports de capitaux publics. Associée à des politiques plus prudentes de gestion du capital, cela a permis une amélioration significative des ratios de solvabilité. Selon la Banque de France, du troisième trimestre 2007 au troisième trimestre 2009, les levées de capitaux effectuées aux États-Unis ont représenté plus de 500 milliards de dollars. Durant la même période, 232 milliards de dollars ont été levés dans la zone euro, 157 milliards au Royaume-Uni, 51 milliards en Suisse et 67 milliards au Japon.

Source : lafinancepourtous.com

Document 87 : le coût de la recapitalisation boursière après la crise des dettes souveraines en Europe L’aggravation de la crise des dettes publiques en Europe et en premier lieu de la crise de la dette grecque à l’été 2011 et le nouveau ralentissement économique de l’Europe ont relancé les inquiétudes et le manque de confiance à l’égard de la solidité des banques européennes. Cela s’est traduit par une nouvelle crise de liquidités des banques trouvant plus difficilement à se refinancer sur le marché interbancaire risquant de dégénérer en une nouvelle crise bancaire. Les inquiétudes proviennent notamment des pertes que les banques devront enregistrer sur la dette grecque et de celles qu’elles pourraient avoir à enregistrer en cas de situation semblable du Portugal, de l’Italie ou de l’Espagne. Les banques européennes ont, en effet, acquis notamment ces dernières années une part significative des dettes publiques émises par leurs Etats et par les autres Etats européens. Face à ces menaces, la Commission européenne s’est prononcée le 12 octobre 2011 en faveur d’une recapitalisation « coordonnée et ciblée » des banques européennes comme le préconisait l’Agence Bancaire Européenne (Autorité européenne de contrôle des banques). Il s’agira pour chacune des banques européennes d’avoir, dès juillet 2012, un niveau de fonds propres correspondant à un ratio de solvabilité de 9 % de fonds durs (appelé ratio core tier 1). C’est au-dessus des règles adoptées par la BRI (Banque de Règlements Internationaux) après la crise des subprimes. Cette exigence a été retenue par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union lors de la réunion du Conseil européen, le 26 octobre. L’Autorité européenne de contrôle des banques (EBA - European Banking Authority) a établi fin octobre que, pour l'ensemble des pays européens, la recapitalisation nécessaire était de 106,4 milliards d'euros en tenant compte notamment de l’impact différencié de la nouvelle restructuration de la dette grecque. Les banques de ce pays auront besoin de 30 milliards d'euros, les banques espagnoles de 26,1 milliards, les italiennes de 14,77 milliards, les banques allemandes de 5,2 milliards. S’agissant des banques françaises, elles devront augmenter leurs fonds propres de 8,8 milliards d’euros.

Source : lafinancepourtous.com

Document 88 : Banques centrales et Etats comme PDR

Etats Prêt aux banques pour obtenir de la liquidité

Recapitalisation des banques = augmenter leurs fonds propres car leurs réserves sont insuffisantes

Banques centrales

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5.1.3 La pratique du prêteur en dernier ressort : quelles difficultés et contraintes ?

Document 89 : la banque centrale, prêteur en dernier ressort La théorie du prêteur en dernier ressort est ancienne. Les premiers principes ont été énoncés par Henry Thornton en 1802 puis par Walter Bagehot en 1873 dans un ouvrage intitulé Lombard Street (du nom de l’avenue londonnienne où étaient concentrées les activités bancaires et financières de la ville à cette époque). En cas de crise de liquidité, la banque centrale doit augmenter ses prêts aux banques dans des délais très brefs, sans discrimination, ni limites de montant. Ces prêts doivent être consentis à un taux de pénalité pour ne pas encourager les banques à prendre des risques excessifs (problème d’aléa moral), et uniquement en cas de problème d’illiquidité, et non pas d’insolvabilité. Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 287-288

Document 90: la pratique du PDR selon W.Bagehot (1873)

Document 91: la faillite de Lehman Brothers, un exemple de non intervention au non d’une mauvaise gestion

Les autorités monétaires américaines n’ont pas sauvé Lehman Brothers de la faillite alors qu’elles ont aidé à renflouer Bear Stearn, Fannie Mae et Freddy Mac. Pourquoi ? Essentiellement parce qu’il fallait, à un moment donné, signifier au marché que les banques d’investissement devaient assumer leurs pertes et éviter de nourrir l’impression délétère selon laquelle « pile, ces institutions financières gagnent, et face, c’est l’Etat et donc le contribuable qui perdent ».

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 274

Document 92 : le cas des établissements de dépôts Le problème se pose toutefois différemment quand une grande banque de détail, qui gère les dépôts des petits épargnants, menace de faire faillite. Dans ce cas, il faut assurer la protection des déposants et éviter que la faillite de cette banque ne mette en péril d’autres grandes banques de détail. L’Etat ne peut donc laisser tomber une institution de ce type-là et doit impérativement organiser son sauvetage.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 274

Une banque doit se refinancer sinon elle ne peut pas de continuer son activité

Distinguer deux cas La banque est en situation de crise de liquidité/solvabilité liée à son activité de

transformation (elle ne peut mobiliser rapidement son actif, mais elle possède un actif)

La banque est en situation de crise de liquidité/ solvabilité parce qu’une partie de son actif a « disparu » (défaillances des emprunteurs)

Il faut aider/ne pas aider ce type de banque car le risque de liquidité est consubstantiel à l’activité

bancaire

Il ne faut pas aider/ne pas aider ce type de banque car le risque de solvabilité signifie une mauvaise gestion

L’aide a un coût élevé pour inciter les banques à ne pas connaître de crise de liquidité

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Document 93 : distinguer banque d’investissement et banque de détail Conséquence d’une faillite D’une banque d’investissement D’une banque de détails

sur la gestion des instruments de paiements et les règlements interbancaires entre AE

Sur les dépôts des épargnants

Document 94 : les banques « systémiques » « Pile les banques gagnent, face la collectivité perd ! » Cette expression résume bien le problème de l’aléa moral qui affecte le système financier. Les banques engrangent en effet beaucoup de profit lorsque tout va bien et font supporter à la collectivité le coût de leurs difficultés quand la situation se dégrade. En effet, lorsque les banques sont en difficulté, les superviseurs et les Etats sont obligés d’organiser leur sauvetage. Ne pas le faire expose à une crise systémique. Les faillites bancaires sont hautement contagieuses et ce, pour plusieurs raisons : les banques sont liées les unes aux autres sur le marché interbancaire ; les déposants peuvent paniquer et perdre confiance à l’annonce d’une difficulté touchant une banque comparable à la leur ; la perte de confiance dans l’état de santé d’un établissement amène immédiatement à suspecter des problèmes dans d’autres …. C’est pour cette raison qu’on ne laisse généralement pas tomber un établissement bancaire. C’est d’autant plus vrai qu’il est « systémique ». Le caractère systémique d’un établissement se rapport à sa taille (too big to fail) mais pas seulement. La densité des liens financiers qu’il entretient avec d’autres établissements ou la nature même de son activité (le fait de gérer des dépôts par exemple ou d’opérer toute autre activité jugée essentielle) peuvent le rendre systémique.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 335

Document 95 : qu’est-ce qu’une banque « systémique » too big to fail ?

Document 96: le poids des banques en % du pib domestique

Une banque « systémique » : une faillite peut se propager et avoir un effet domino

Banque de dépôt : gestion compte des ménages

Banque de taille importante : créances croisées avec d’autres banques

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Document 97 : les difficultés et contraintes qui entourent l’application du PDR

5.2 Stabiliser le système financier lorsque la crise dure

5.2.1 Des politiques monétaires conventionnelles aux politiques monétaires non conventionnelles

Document 98 : le financement de l’économie « en panne »

Pour augmenter la masse monétaire en circulation, la banque centrale dispose d'un outil conventionnel : le taux directeur. En période de crise, une banque centrale baisse son taux directeur, ce qui fait baisser les taux sur le marché interbancaire et fait donc ensuite diminuer le taux auquel les entreprises peuvent emprunter. Lorsque le taux baisse, les entreprises investissent davantage, ce qui permet de relancer la croissance.

Source : captaineconomics.fr

Document 99 : stimuler le canal du taux d’intérêt Dans le registre traditionnel, les banquiers centraux ont très vite dégainé l’arme des taux d’intérêt, afin de limite les effets de la crise financière sur la croissance. La Fed a amorcé, dès le début de la crise, une longue phase de décélération de son principal taux directeur, passé de 5,25% au début de l’été 2007 à une fourchette de 0% à 0,25% depuis le 16 décembre 2008, soit une baisse de 500 points de base en 18 mois. Quant à la BCE, qui avait augmenté régulièrement le sien jusqu’à l’été 2007, elle a tenu le palier des 4% jusqu’à la mi-2008, avec même une dernière augmentation à 4,25% le 3 juillet 2008, avant d’amorcer à son tour une série de baisses après que la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 ait menacé d’emporter l’ensemble du système bancaire. Le 7 mai 2009, le principal taux directeur de la BCE s’élève à 1%. La Banque d’Angleterre et la Banque du Japon ont bien entendu emprunté le même chemin.

Il ne faut aider que les banques en crise de solvabilité, mais

Objectif : réduire l’aléa moral découlant du sauvetage

difficultés Il faut être en mesure de distinguer une crise de solvabilité d’une crise de liquidité : est-ce que les actifs ont perdu leur valeur car ils sont intrinsèquement mauvais ou en raison de la chute des marchés ?

Certains établissements sont considérés comme « systémiques » TBTF

Le risque d’aléa moral ne peut pas disparaître contraintes Un taux d’intérêt

trop élevé pénalise la banque

Certains IF non bancaires sont aussi TBTF

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Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson,

2010, p.17

Document 100 : malgré des taux proche de 0%, l’économie ne repart pas aux Etats-Unis début 2009

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Document 101 : le passage de la politique conventionnelle à la politique non conventionnelle

Malgré des taux directeurs proches de 0%, l’économie ne repart pas

Diagnostic : la baisse des taux d’intérêt ne stimule pas la demande Explication : la faiblesse de la demande se traduit par une

déflation qui fait augmenter les taux d’intérêt réels, pousse au désendettement et produit une spirale déflationniste

Le canal du taux d’intérêt de la politique monétaire devient inefficace

Innovation = la politique monétaire « non conventionnelle »

Stimulation des anticipations d’inflation (forward guidance) en maintenant durablement très

bas les taux directeurs

Augmentation de la taille du bilan de la banque centrale (QE)

en achetant des titres plutôt qu’en faisant des prêts de CT

Transformation du bilan de la banque centrale avec des titres qui ne sont habituellement pas

acceptés par la BC

Conséquence pour les banques et les autres IF : - Faire baisser le coût du refinancement des banques

- Faciliter le refinancement en élargissant la nature des titres acceptés en contrepartie du financement - Fournir définitivement de la liquidité aux banques en achetant des titres

- La demande de la BC sur les actifs fait augmenter leur valeur : effet de richesse sur les établissements financiers qui les détiennent

Objectif : le rétablissement des bilans des banques = plus de crédits / faire repartir la consommation et les

investissements

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Document 102: la mise en œuvre d’une politique non conventionnelle, les trois premiers QE menés aux Etats-Unis, quels résultats sur l’activité aux Etats-Unis ?

http://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/74-sortie-du-qe-vers-une-evolution-de-la-politique-

monetaire-aux-etats-unis.html

5.2.2 L’énorme quantité de liquidité injectée dans le système financier est utile mais ne « ressort » pas dans l’économie

Document 103 : où est passée la liquidité ?

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Source : Natixis Flash Eco, 22 décembre 2015, n°1014

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Document 104 : les politiques monétaires après la crise de 2007

5.2.3 Les politiques monétaires (ultra) accommodantes posent des difficultés lorsqu’elles s’installent dans la durée

Document 105 : les conséquences néfastes à terme du maintien durable de taux d’intérêt très bas

Le maintien dans la durée de taux très bas et de mesures non conventionnelles ne va cependant pas sans conséquences. Taux bas et abondance de liquidité rendent le retour à une politique normale plus difficile, les agents économiques qui en ont bénéficié risquent d’être confrontés à des pertes en capital avec la remontée des taux. (…) Des taux bas favorisent le maintien d’entités non viables au détriment de nouveaux entrants porteurs d’innovations et, plus généralement, affectent la qualité de l’allocation des ressources en favorisant l’investissement et la création des capacités excédentaires dans certains secteurs (construction, automobile, acier, panneaux solaires, éolien, infrastructures à rentabilité problématique), rien de très favorable à la croissance potentielle. (…) Enfin, la réputation et l’indépendance des autorités monétaires peuvent être fragilisées. Une longue période de taux bas, voire d’achat de titres d’Etat, peut masquer le caractère insoutenable de l’endettement public et conduire les Etats à faire pression pour que soit maintenant la politique accommodante.

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 110

Document 106 : stabilisation du système financier vs stabilisation de l’inflation L’ampleur de la crise financière amorcée en 2007 a fait peser un risque systémique tel, au niveau mondial, que toutes les banques centrales ont dû revêtir l’habit de prêteur en dernier ressort. Aussi nécessaire fut cette intervention, n’a-t-elle pas engendrée un problème d’aléa moral au sein du secteur bancaire ? Ne remet-elle pas en question la stabilité des prix à moyen terme ? Plus généralement, comment concilier les missions de stabilité financière et de stabilité des prix au sein d’une banque centrale ?

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 286

Document 107 : politique de stabilité monétaire et politique de stabilité financière Ces mesures radicales prises pour restaurer la liquidité ne vont pas sans poser des problèmes. Comme le soulignent Christian Bordes et Laurent Clerc (2009), à propos de l’enchaînement des mesures non conventionnelles prises par la BCE « au plan macroéconomique, les agents en tirent la conclusion que la BCE renonce à son objectif prioritaire qui consiste à assurer la stabilité des prix à moyen terme en faveur d’un objectif de stabilité financière à très court terme. Cette situation est de nature à renforcer les phénomènes de risque moral et les comportements de prise de risque excessive. Au niveau microéconomique, les banques délèguent la gestion de leur liquidité à la banque centrale et deviennent moins impliquées dans la prévision de leurs besoins futurs en liquidité centrale. Il y a dès lors peu d’incitations à gérer de façon prudente la liquidité. » De manière plus générale, et c’est le point de vue défendu par ces auteurs dans leur article, cette politique monétaire non conventionnelle de crise a fait volé en éclat le principe de séparation qui était censé la guider. On peut voir là un problème d’incohérence temporelle : le principe de séparation qui est censé guider l’action de la Banque centrale en « temps normal » n’est pas tenable en période de crise, ce qui la condamne à y

Faible inflation Des politiques monétaires ultra- accommodante : quel résultat ?

Faible croissance Hausse prix de certains actifs Nouvelles bulles : Nouvelles crises financières ?

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renoncer dans ces périodes. Le bien-fondé du principe de séparation entre stabilité monétaire et stabilité financière, pourtant très présent dans la littérature monétaire, se trouve donc largement remis en question. Mis en œuvre pour favoriser la crédibilité de la banque centrale et faciliter l’obtention de son objectif de stabilité des prix, il s’est révélé en période de crise non seulement intenable (…). Se pose en effet la question de savoir si les autorités monétaires n’auraient pas pu éviter la crise financière, sinon en amoindrir les effets, en se préoccupant davantage de la stabilité financière.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 287-288

Document 108: les risques associés aux politiques non conventionnelles Sur la qualité des investissements Sur la crédibilité des banques

centrales lorsque les taux vont remonter : quelle conséquence ?

Document 109: le dilemme de sortie des politiques monétaires ultra-accommodantes Sortie rapide

Sortie lente

Avantages Limiter l’aléa moral et la perte de crédibilité de la BC

augmenter l’aléa moral et la perte de crédibilité

Inconvénients Risquer de casser la reprise Produire des entreprises zombies et réduire la croissance potentielle

5.3 La stabilité financière : un nouvel objectif pour la politique monétaire ?

Document 110 : nous sommes entrés dans un nouveau régime monétaire, l’augmentation de la base

monétaire ne produit pas d’inflation, mais alimente des cycles financiers Le monde a changé. Nous sommes désormais confrontés à une situation où l’on observe à la fois une absence durable d’inflation assortie d’une succession de crises financières, conséquences des hausses excessives de l’endettement et des prix d’actifs. Or, on sait que le crédit comme les prix d’actifs répondent à des dynamiques spontanément instables caractérisées par des emballements à la hausse (la formation des bulles) comme à la baisse (leur explosion). Les politiques de ciblage d’inflation n’évitent ni les bulles, ni les crises financières, elles sont inadaptées à un monde où l’inflation, au moins pour quelques années est structurellement faible. Le moment est donc probablement venu de réfléchir à l’évolution de la mission des banques centrales, en se souvenant d’ailleurs qu’au moment de leur création, celle-ci consistait avant tout à améliorer le fonctionnement de l’économie et à réagir avec promptitude aux crises bancaires lorsque ces dernières se déclenchaient. Il est donc indispensable que les banques centrales revisitent les moyens de mettre en œuvre une politique qui réponde à quelques questions simples : quelle est la bonne quantité de liquidité ? où sont les risques ? comment éviter les crises ? Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson,

2010, p.55

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Document 111 : la politique monétaire depuis les années 1990

Document 112 : agir sur les conditions du refinancement de tous les intermédiaires financiers (solution 1) La crise financière a inévitablement fait ressurgir la question de la conciliation entre stabilité monétaire et stabilité financière. Si la crise semble plaider en faveur d’une articulation plus forte entre ces deux objectifs, cela signifie-t-il pour autant que les deux soient du ressort de la politique monétaire ? Autrement dit, comment concilier stabilité monétaire et stabilité financière ? Cette nécessaire conciliation oblige-t-elle à renoncer au principe de séparation ? Trois formes de conciliation sont envisageables entre stabilité monétaire et stabilité financière. La première ne remet pas en question le principe de séparation dans l’action de la Banque centrale. La politique monétaire au sens strict (intervention sur le taux directeur des principales opérations de refinancement) conserve l’objectif de stabilité des prix et la banque centrale se dote de nouveaux instruments pour assurer non plus seulement le bon fonctionnement du marché monétaire mais également celui du marché financier. Cela pourrait passer par la mise en place de procédures nouvelles de refinancement à moyen et long terme, auxquels seraient éligibles non plus seulement les banques mais également d’autres types d’intermédiaires financiers (assurances, fonds d’investissement, fonds de pension …) influençant grandement la liquidité du marché. (…) Cette solution est ambitieuse puisqu’elle contraindrait tous les intermédiaires financiers a ouvrir un compte auprès de la Banque centrale sur lequel ils pourraient même être tenus d’effectuer un minimum de réserves pour avoir accès aux refinancements. Mais ce serait une façon de piloter la liquidité d’ensemble des marchés monétaires et financier, qui permettrait peut-être aux banques centrales de contrer la formation des bulles sur les marchés des actifs. En outre, dans le cas de la zone euro, cette solution se fondrait sans trop de difficulté dans le cadre institutionnel de la BCE, puisqu’elle ne remettrait pas en question l’objectif de stabilité des prix de la politique monétaire. La question pourrait toutefois se poser différemment auprès des banques centrales telles que la Fed, moins attachées au principe de séparation, et plus enclines de ce fait à se tourner vers les deux autres modes de conciliation. Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 290-292

Document 113 : la banque centrale et le ciblage de prix des actifs (solution 2)

Le deuxième mode de conciliation possible est celui, très débattu dans la littérature financière, qui consisterait à introduire un ciblage des prix d’actifs dans la fonction de réaction de la banque centrale. Cette solution qui, sur le fond, consiste à assigner à la politique monétaire un objectif de stabilité financière en plus de l’objectif de stabilité monétaire est une complète remise en question du principe de séparation. (…) Seul un contexte très particulier rendrait cette solution opérationnelle : l’absence de tensions inflationnistes qui laisserait le champ libre pour l’objectif de stabilité financière. (…) Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 290-292

Le prix des actifs suit le cycle financier Lorsque le cycle financier se retourne : politique monétaire accommodante (conventionnelle ou non conventionnelle)

Evolution du niveau général des prix : « sous contrôle »

Accès facile à la liquidité / crédit

La politique monétaire est peu restrictive

Cycle financier

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Document 114 : pour éviter les crises financières, la politique monétaire doit contrer le cycle financier

(qui naturellement est pro-cyclique) - contrôler le crédit et le prix des actifs Nous proposons en particulier que les banques centrales se donnent des objectifs de suivi des prix des actifs et puissent contribuer d’une manière ou d’une autre à faire jouer une force de rappel. Contrairement à ce qui s’est passé au cours des derniers épisodes de bulle, puisque dans les phases de hausse des prix d’actifs et de croissance rapide du crédit, on n’a observé aucune réaction des banques centrales, comme l’a montré le niveau très bas des taux directeurs à la fin des années 1990 ou sur la période 2002-2007. Si les marchés financiers se révèlent incapables de maîtriser une dynamique stable des prix d’actifs, il faut que ceci soit assuré par une politique monétaire très contracyclique du point de vue du prix des actifs et du crédit. La politique monétaire peut agir soit indirectement, via les taux d’intérêt, soit directement par des achats/ventes contracycliques d’actifs. même si on ait bien que la capacité d’intervention des autorités monétaires est très asymétriques, puisque si les banques centrales peuvent jouer un rôle à l’achat, pour éviter les crises associées à un effondrement violent des prix, en revanche, elles sont impuissantes à contrecarrer un mouvement de baisse excessive des prix des actifs, car elles ne disposent pas des portefeuilles suffisant pour vendre massivement des titres en cas de besoin. D’où la nécessité de revoir plus fondamentalement la politique des banques centrales et en particulier de réfléchir aux moyens de mieux contrôler en amont les évolutions de prix des actifs. Ceci conduit à méditer sur les objectifs que se sont traditionnellement donnés les banques centrales et aux moyens de les faire évoluer. Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson,

2010, p.55

Document 115 : introduire un objectif de croissance du crédit et d’évolution du prix des actifs Nous pensons que la solution consiste d’abord à introduire un objectif de croissance du crédit comme il existe un objectif d’inflation. (…) Un objectif de croissance du crédit n’est pas forcément plus difficile à formaliser qu’un objectif d’inflation. Et contrôler le crédit conduit implicitement au contrôle des prix des actifs, compte tenu des liens qui existent entre endettement et prix d’actifs. Pour augmenter l’efficacité de la politique monétaire, on peut aussi imaginer accroître le nombre d’instruments en utilisant non seulement les taux d’intérêt à court terme, mais aussi les taux de réserves obligatoires ou les ratios de capital sur les différents types de crédit. Ceci permet notamment de réagir à une situation où l’on constate la croissance excessive d’une forme de crédit par rapport à aux autres … En complément, la politique budgétaire peut également être mise à contribution, par exemple, en jouant sur la déductibilité ders intérêts d’emprunt immobilier ou en taxant davantage les plus-values en capital dans les pays où il y a une bulle immobilière … En définitive, la dynamique naturellement instable du crédit et des prix des actifs nous semble imposer aux banques centrales de passer à un objectif final de contrôle du crédit et des prix des actifs. Ceci peut se faire par la définition d’un objectif forfaitaire de croissance du crédit, par la multiplication des instruments de politique monétaire (taux d’intérêt, réserves obligatoires et ratio de capital spécifiques), sans oublier le cas échéant l’arme de la politique fiscale. Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson,

2010, p.110

Document 116 : la banque centrale, superviseur microprudentiel (solution 3) Enfin, le dernier mode de conciliation envisageable consiste à impliquer davantage la banque centrale dans la supervision prudentielle des établissements financiers. C’est la solution qui a été choisie aux Etats-Unis en réponse à la crise. En juin 2009, la Fed (déjà assez impliquée en la matière) s’est en effet vue confiée la mission de contrôler les grands groupes financiers. Même s’il s’agit d’élargir les missions de la banque centrale, ce mode de conciliation ne remet pas en question le principe de séparation puisque l’objectif de stabilité des prix demeure celui de la politique monétaire et l’objectif de stabilité financière celui de la politique prudentielle. Le fait d’arbitrer ces deux missions au sein de la banque centrale oblige cependant cette dernière à adapter son organisation et à diversifier ses instruments. La banque centrale n’est toutefois pas la seule institution à pouvoir prendre en charge la stabilité financière. Dans beaucoup de pays, la supervision prudentielle incombe d’ailleurs à une ou plusieurs autorités plus ou moins indépendantes de la banque centrale.

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Document 117 : Comment compléter la fonction de lutte contre l’inflation pour assurer la stabilité du système financier ?

La banque centrale élargit l’accès au refinancement en Mo centrale

La banque centrale contrôle le prix des actifs et l’évolution du crédit

La banque centrale devient un superviseur microprudentiel

5.4 Superviser (réguler) le système financier

5.4.1 Le cadre microprudentiel de la supervision (régulation)

5.4.1.1 Objectif et instruments de la supervision microprudentielle

Document 118 : les trois axes de la supervision microprudentielle

Les années 1980 ont été des années de libéralisation financière (suppression de l’encadrement du crédit, libéralisation des taux créditeurs et débiteurs, …) et d’accélération des innovations financières visant pour beaucoup à contourner les réglementations existantes. Mais cette période de « déréglementation » a rapidement été suivie par une période de re-réglementation avec, à la fin des années 1980, la mise en place du ratio Cooke émanant d’une recommandation du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, puis la prise en compte des risques de marché et enfin la réforme de Bâle 2 dont l’entrée en application avait démarré en 2007 (2008 en Europe), au moment même où la crise a éclaté et obligé à renforcer les exigences prudentielles. Les accords de Bâle 3 entreront en application à partir de 2013. La re-réglementation, amorcée à la fin des années 1980, s’était articulée autour de trois axes majeurs :

- des exigences de fonds propres ; - un adossement de la supervision sur le contrôle interne ; - des exigences de transparence et de communication d’informations ;

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 119 : l’exigence de fonds propres Les fonds propres sont devenus le pilier majeur de la supervision. Les accords internationaux se sont en effet concentrés sur la solvabilité des établissements bancaires ainsi que sur celle des assurances, en les soumettant à des exigences de fonds propres de plus en plus finement calibrées en fonction de leurs risques. Dès la fin des années 1980, les banques ont dû respecter un ratio de solvabilité : celui-ci impose aux banques une unité de fonds propres pour huit unités d’actifs pondérés. (…) Dans le cadre des accords de Bâle 2 (ratio Mc Donough), la mesure du risque s’appuie sur des notations externes des actifs considérés ou bien sur des modèles internes validés par le superviseur.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324 Questions :

1) quel est l’objectif de détention d’un minimum de fonds propres ? 2) qu’appelle-t-on « l’évaluation interne » ? 3) quel acteur est souvent sollicité pour évaluer les éléments de l’actif des intermédiaires financiers ?

Pourquoi faire appelle à un évaluateur externe ?

Document 120 : les différents accords de Bâle La crise a révélé l’insuffisance de ces dispositifs dit prudentiels. A peine Bâle 2 entrait en application que les ministères des Finances en appelaient à renforcer la régulation financière lors d’une première réunion d’urgence du G20 organisée à Washington en novembre 2008. (…) Le G20 s’engageait à ce que de nouvelles règles rentrent en vigueur à partir de début 2013. Cette fois le Comité de Bâle a du faire vite. En septembre 2010, il communiquait le contenu des accords de Bâle 3. (…) Il était recommandé que les banques respectent une contrainte de fonds propres renforcée en quantité et en qualité. Alors que les banques pouvaient auparavant respecter la contrainte de 8% minimum de fonds propres avec seulement 2% de vrais fonds propres (actions et réserves), Bâle 3 recommande d’élever cette contrainte à 4,5 à partir de 2013 et à 7% à partir de 2019. (…) Bâle 3 s’attaque aussi au risque de liquidité en introduisant deux ratios : l’un oblige les banques à détenir suffisamment d’actifs liquides pour faire face, sur une période de 30 jours, à leurs sorties nettes de trésorerie ;

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l’autre, plus structurel, oblige les banques à mieux proportionner leurs ressources stables à leur passif aux besoins de financements stables à leur actif. Ces deux ratios de liquidités, qui contraindront la capacité de transformation des banques, effraient beaucoup ces dernières qui, avant la crise, avaient repoussé très loin les limites de la transformation (de moins en moins de ressources stables, de moins en moins d’actifs liquides), à tel point d’ailleurs que celle-ci n’avait plus grand-chose à voir avec la transformation (de dépôts en crédits) censée faire la raison d’être des banques dans les théories de la banque.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 121 : transparence de l’information Concernant les exigences de transparence et de communication d’informations, il s’agissait cette fois de renforcer l’articulation de la réglementation et de la discipline de marché que l’on peut définir comme la pression que les acteurs du marché sont capables d’exercer sur la gestion des établissements bancaires. Les exigences de transparence et de communication d’informations sont destinées à favoriser la confiance des investisseurs et des épargnants et à éclairer leurs prises de décision. (…) C’est aussi pour satisfaire cette exigence de transparence que les normes comptables ont été réformées en 2006 : depuis cette réforme, les produits financiers (obligations, produits dérivés, etc…) doivent être comptabilisés à la valeur du marché (market value).

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 122 : les instruments de la supervision micro Contraintes de fonds

propres Evaluation des

risques Transparence de

l’information Pourquoi ?

Objectif de la supervision

Améliorer la solidité des banques (éviter les situations de faillites ; les prises de risque excessives et la contrainte de liquidité trop forte)

Document 123 : l’articulation des instruments de la supervision micro

5.4.1.2 Les limites de la supervision microprudentielle

Document 124 : la déficience du contrôle « interne » Les fonds propres sont devenus le pilier majeur de la supervision. (…) Mais plusieurs « affaires », en France (Société générale, Caisse d’Epargne), comme à l’étranger (escroquerie Madoff), ont toutefois jeté le trouble sur l’efficacité du contrôle interne.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 125 : le rôle débattu des agences de notation Les agences de notation étaient censées jouer un rôle clé sur les marchés financiers en réduisant les asymétries d’information entre les émetteurs et les investisseurs. Leur rôle s’est étendu avec la mondialisation financière et a pris encore plus d’importance avec les accords de Bâle II, qui intègre les notes données par les agences de notation aux règles d’évaluation du risque de crédit. Le rôle des agences de notation n’en a pas moins fait l’objet de sérieuses critiques, en raison des notes généreuses qu’elles avaient données aux instruments financiers complexes adossés aux prêts hypothécaires subprimes. Les évaluations du risque effectuées par les agences de notation ont été très procycliques ; elles ont souvent réagi à la concrétisation du problème plus qu’à la montée des périls, et cela tant pour le risque souverain que pour le risque d’entreprise. Puisque les agences de

Des contraintes de fonds propres pour faire face à des chocs de solvabilité (Bâle 1 et 2) et de liquidité (à partir de Bâle 3)

Une évaluation des risques en interne et en externe (agences de notations ; à partir de Bâle 2)

Une communication des informations auprès des AE à capacité de financement : discipline de marché (bonne gestion des établissements sinon les AE les fuient)

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notation sont payées par ceux qu’on leur demande d’évaluer, elles sont sujettes à un conflit d’intérêts évident qui a miné la confiance. De plus, elles rendent des services de conseil à leurs clients, ce qui crée un autre conflit d’intérêts. (…) Ce n’est pas le premier exemple d’échec massif des agences de notations. Leurs défaillances ont été amplement soulignées dans la crise financière de 1997-1998. (…) Comme il est compliqué de résoudre les problèmes que posent les agences de notation, il est important que les régulateurs et tous ceux qui ont pour mission de gérer le risque se fient moins aux notes extérieures. Les agences se sont révélées aussi pro-cyclique que les prix de marché, et l’usage de leurs évaluations par les régulateurs a accentué la procyclicité du crédit bancaire.

Source : Le rapport Stiglitz « Pour une vraie réforme du système monétaire et financier international », Les liens qui libèrent, 2010

Document 126 : l’effet pervers de l’application de la « valeur de marché » en période de crise

Certains économistes avaient attirés l’attention sur les difficultés que pourrait occasionner le respect de la market value au sein des établissements bancaires et en particulier sur l’excès de volatilité qui pourrait en résulter. En pleine crise, l’application de cette norme a effectivement gêné les établissements. Certains se sont retrouvés dans l’incapacité de valoriser à leur actif certains produits qui ne valaient plus rien, parce qu’ils ne s’échangeaient plus du tout sur le marché. en conséquence de quoi, le Comité européen de réglementation comptable a dû se prononcer en faveur d’un assouplissement des règles relatives. (…)

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 127 : l’effet pervers de l’application des normes prudentielles en période de crise Chaque crise est l’occasion de souligner à quel point la finance est pro-cyclique. La finance s’accompagne et entretient les cycles haussiers, de même qu’elle précipite et amplifie les retournements de cycles. C’est un problème fondamental qui, jusqu’à la crise n’avait pas été pris en compte par le régulateur. Au contraire, on a même vivement débattu à propos de la question de savoir si les normes prudentielles et comptables en vigueur n’ont pas elles-mêmes contribué à accroître cette pro-cyclicité. L’effet est simple : en période de boom, les banques satisfont sans difficulté aux exigences réglementaires de fonds propres, car le poids du risque de leurs actifs est faible et la valeur de leurs fonds propres en appréciation. Le peu d’impact de la contrainte réglementaire en haut de cycle participe à l’emballement du crédit. En période de ralentissement, il en va tout autrement. Le poids du risque des actifs s’accroît et la valeur des fonds propres se dégrade : la contrainte réglementaire « mord », ce qui signifie qu’elle devient effectivement contraignante et difficile à satisfaire. Les banques réagissent en resserrant les robinets du crédit plus fort qu’elles ne l’auraient fait sans la contrainte réglementaire de fonds propres. Cela amplifie le ralentissement économique.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 328-329

Document 128 : la « dialectique » de la supervision, les banques cherchent à contourner les contraintes qui leur sont imposées

En mettant en relation un superviseur et un supervisé, la supervision ressemble un peu au jeu du chat et de la souris. Les superviseurs dépensent autant d’énergie à mettre en place des instruments que les banques à gérer habilement ces derniers pour les contourner. Aussi, les réglementations mises en place finissent-elles toujours par devenir inopérantes et par nécessiter une refonte : c’est un processus dialectique (réglementation – déréglementation – re-réglementation). En outre, le régulateur peut devenir aveugle à ce que se passe en dehors de son champ d’action. Par exemple, à trop se focaliser sur la solvabilité des établissements, on en a oublié que le danger pouvait aussi venir d’une liquidité insuffisante. (…) Le niveau des fonds propres des établissements bancaires s’est en effet considérablement amélioré depuis la fin des années 1980, alors que la part des actifs liquides n’a cessé de diminuer sans qu’on s’en inquiète. (…) Ce sont bien des problèmes de liquidités qui ont fait chavirer Lehman Brothers ou Northern Rock. On peut également considérer que les superviseurs dépensent une énergie folle à raffiner les normes existantes, sans veiller à élargir leur périmètre d’intervention et l’adapter à l’essor de nouveaux acteurs. L’exemple le plus frappant est justement celui des banques d’investissement beaucoup moins contrôlées que les banques commerciales. Certains acteurs ont ainsi pu développer leur activité en dehors de tout contrôle prudentiel. C’est notamment le cas des hedge funds, dont le nombre a été multiplié par trois et les actifs par dix entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000, et qui sont devenus les principaux acheteurs de risques sur les marchés des dérivés de crédits et les principaux investisseurs en produits structurés (les produits issus de la titrisation) et adossés à des créances bancaires. (…) En outre, même les acteurs les plus contrôlés (les banques

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en l’occurrence) ont réussi à développer une sorte de secteur parallèle fantôme en échappant au contrôle (ce que l’on appelle le shadow banking) en créant des entités financières ad hoc (les véhicules) pour y loger une partie de leurs actifs risqués, ainsi transformés en actifs négociables (c’est le principe de la titrisation), destinés à être cédés à divers investisseurs, tout particulièrement des banques d’investissement et des hedge funds. Une fois sortis du bilan, ces paquets de créances échappaient à l’exigence réglementaire de fonds propres et permettaient aux banques de continuer d’accroître leur octroi de crédits sans en payer le prix en fonds propres. (…) La dialectique réglementaire est assez inévitable. (…) Inévitablement, ces contournements passent par de nouveaux produits et de nouvelles techniques financières. (…) L’innovation financière est généralement perçue positivement comme la marque d’un secteur bancaire et financier dynamique et compétitif face aux autres places financières. Ce faisant, on se s’interroge guère sur l’utilité sociale de ces innovations, ni sur les risques d’instabilité financière qu’elles peuvent faire peser. Le « trading haute fréquence » en est une bonne illustration. Il s’agit d’algorithmes conçus pour déclencher automatiquement des ordres d’achat ou de vente lorsque certains seuils de prix, d’indices … sont franchis. Cette technique s’est diffusée (…). La part des transactions issues du trading haute fréquence n’a cessé de s’accroître : sur les marchés d’actions, cette part était estimée à 40% en 2011, contre moins de 10% en 2007. Cette technique s’est révélée dangereuse puisqu’il est possible de s’en servir pour lancer de très gros volumes d’opérations capables d’influencer la formation des prix de marché puis d’annuler au dernier moment en profitant de la tendance à la hausse ou la baisse induite par l’opération initiale.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324

Document 129 : limites de la supervision micro Le contrôle et la

mesure du risque Le mesure des

actifs à la valeur de marché

L’exigence de fonds propres

Problèmes posés par

Défaillance des agences de notation et du contrôle interne

Effet pro-cyclique Effet pro-cyclique Technique pour se soustraire à la contrainte

5.4.2 La nécessité d’une supervision (ou régulation) macroprudentielle

5.4.2.1 Objectifs de la régulation macroprudentielle

Document 131 : définition En sus des normes de gestion, qui sont imposées aux établissements dans une optique individuelle, en prenant leur environnement économique comme donné, la crise récente a mis en avant la nécessité d’une approche macroprudentielle, qui prend en compte les interactions des établissements avec le système financier dans son ensemble et leur impact sur l’économie réelle, notamment dans des situations où il existe un risque systémique. (…)

Source : O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.223-224

Document 132 : distinguer supervision micro et supervision macro-prudentielle

Supervision Micro : surveiller chaque établissement pour éviter les défaillances individuelles et les effets domino ; chaque établissement porte ses propres risques et doit s’en prémunir

Macro : surveiller les interactions entre les établissements (les risques pris par chaque établissement sont interdépendants = systémiques) ; surveiller l’impact du fonctionnement du système financier sur l’économie « réelle »

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Document 132 : comprendre la distinction entre approche microprudentielle et approche macroprudentielle

Approche microprudentielle Approche macroprudentielle Objectif Champ de surveillance

Compréhension des risques

Approche opérationnelle La robustesse des institutions au niveau individuel est censée garantir celle du système financier.

La stabilité financière est appréciée au niveau global (y compris le système bancaire parallèle).

Source : à partir d’O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.224

Document 133 : différence entre risque individuel et risque systémique

5.4.2.2 Les instruments de supervision macroprudentielle

Document 134: les stress tests, indicateurs de fragilité systémique Les stress tests forment un type d’indicateurs utile pour le déclenchement de mesures macroprudentielles. Ils visent à mettre en évidence des vulnérabilités en mesurant la réaction du système financier, et plus spécifiquement des institutions financières (banques et assurances), à des chocs de grande ampleur mais réalistes. La crise actuelle a conduit à des changements importants visant à renforcer leur rôle. Publiés annuellement aux Etats-Unis depuis le Dodd-Franck Act, ils sont réalisés de façon fréquente par les superviseurs. (…) Il existe un grand nombre d’objectifs intermédiaires des politiques macroprudentielles. (…) On peut distinguer

Source : O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.240

Document 135 : des instruments pour limiter la pro-cyclicité du crédit (le coussin contra-cyclique) C’est sans doute l’objectif majeur de toutes les réformes proposées. Toutes ambitionnent de lutter contre les risques systémiques et de rendre le système bancaire et financier plus résistant à l’occurrence d’une crise systémique. Une bonne gestion des risques individuels auxquels sont exposées les banques (risque de crédit, risque de marché, risque opérationnel) est une condition nécessaire. C’est pourquoi Bâle 3 renforce les exigences de fonds propres pour couvrir ces risques et s’attaque également au risque d’illiquidité qui avait été laissé auparavant de côté. Les banques vont devoir détenir une proportion plus importante de « vrais » fonds propres (capital et réserves) et disposeront ainsi d’une éponge en quelque sorte plus absorbante en cas de pertes. Elles seront plus capitalisées qu’auparavant (…).

Intermédiaire financier A : La valeur d’un actif X chute

Intermédiaire financier B : La valeur d’un actif X chute

Le bilan de A est impacté Le bilan de B est impacté Le bilan de l’ensemble des IF est impacté Perte de confiance généralisée : chute des marchés, paralysie des marchés

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Cela étant, comme le risque systémique ne se réduit pas à une simple somme de risques individuels, bien gérer les risques individuels ne suffit pas à prévenir le risque systémique. La prévention du risque systémique nécessite une approche plus globale du risque, dite macroprudentielle. (…) Sa nécessité est désormais dans tous les discours des superviseurs et des banquiers centraux. Mais qu’en est-il de sa place dans les réformes ? Bâle 3 demeure un dispositif essentiellement microprudentiel axé sur la prévention des risques individuels des établissements bancaires. La dimension macroprudentielle de Bâle 3 est malheureusement très limitée. Celle-ci repose tout d’abord sur la mise en place d’un coussin contra-cyclique de 0 à 2,5% de fonds propres supplémentaire en fonction du cycle. (…) Bâle 3 envisage également de soumettre les banques systémiques à des surcharges en capital et en liquidité (…). La partie macroprudentielle ressort donc dans Bâle 3 comme la moins aboutie du dispositif. C’est dommage car c’est véritablement là que se joue la prévention du risque systémique.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 327-328

Document 136 : réduire la procyclicité de la finance (le provisionnement dynamique) Chaque crise est l’occasion de souligner à quel point la finance est pro-cyclique. (…) Rares ont été les pays qui, avant la crise, avaient cherché à remédier au problème. A cet égard, l’Espagne figure parmi les exceptions. Les banques espagnoles ont en effet été contraintes par les autorités de réglementation bancaire d’effectuer un provisionnement dynamique, (…) C’est-à-dire un approvisionnement quand tout va bien. La provisionnement dynamique a vraisemblablement accru la résistance du système financier espagnol dans un contexte macroéconomique extrêmement dégradé (taux de chômage à 22% en 2011) sans pour autant suffire : au printemps 2012, plusieurs grandes banques espagnoles étaient en grande difficulté, sous le poids de créances immobilières irrécouvrables. Quoi qu’il en soit, le provisionnement dynamique pourrait utilement compléter le coussin contracyclique prévu dans Bâle 3. (…) En Europe, la mise en place d’un provisionnement dynamique se heurte pour l’instant à des problèmes d’harmonisation fiscale entre pays européens (provisions déductibles fiscalement dans certains pays, pas dans d’autres). En attendant, la dose de « contracyclicité » introduite dans le dispositif de supervision sera sans doute insuffisante pour contrer la procyclicité naturelle du secteur bancaire et financier, qui constitue pourtant le principal moteur de l’instabilité financière.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 328-329

Document 137 : l’organisation des marchés dérivés Les marchés dérivés sont à la fois des lieux de couverture et de spéculation. Interdire la spéculation reviendrait à interdire par la même occasion une bonne part des opérations de couverture. Et discriminer entre la « bonne » et la « mauvaise » spéculation est tout simplement impossible. En outre, la spéculation participe aussi à la découverte du juste prix des actifs, dés lors, bien entendu, que les paris des opérateurs sont fondés sur une recherche d’informations et non sur la seule observation des prix de marché. La solution ne réside pas dans l’interdiction mais dans la supervision. La supervision signifie ici « l’organisation » de ces marchés, avec la mise en place sur le plus grand nombre possible d’entre eux d’une chambre de compensation et de systèmes d’appel de marges. Les transactions sur produits dérivés s’opèrent aujourd’hui pour plus des trois quarts d’entre elles sur des marchés de gré à gré, qui certes permettent de conclure des contrats sur mesure, mais où la bonne fin des opérations n’est garantie par rien de plus que le cadre légal standard des contrats de droits privés et la bonne volonté des intervenants. Ces marchés dérivés de gré à gré sont donc potentiellement dangereux pour la stabilité d’ensemble des systèmes financiers. La perturbation engendrée par les marchés dérivés peut aussi venir de l’influence qu’ils ont sur le prix des sous-jacents. Par exemple, la spéculation effrénée sur le prix futur du baril de pétrole passe par l’achat ou la vente de contrat à terme. De ces transactions à terme résulte le prix à terme du baril de pétrole. Or ce prix à terme fournit une information à l’ensemble des acteurs du marché, en fonction de laquelle ils vont effecteur leurs opérations au comptant. Cela signifie que le prix au comptant du pétrole est influencé par son prix à terme qui dépend lui-même de l’intensité de la spéculation sur les marchés à terme de produits pétroliers. Le prix au comptant du pétrole peut, ce faisant, se trouver fortement déconnecté de l’état des fondamentaux du marché pétrolier. On peut mener un raisonnement similaire sur tout un ensemble de marchés à termes sensibles : celui des céréales, des métaux ferreux, de l’électricité, de la dette souveraine … du fait de cette influence, les marchés à terme ne peuvent pas être livrés à la seule bonne volonté des intervenants. Leur organisation, dès lors qu’elle fait intervenir une chambre de compensation suffisamment exigeante en termes de dépôts de garantie et d’appels de marge, est indispensable à la maîtrise de l’instabilité qu’ils font courir tout en préservant leur bien fondé économique. Si les propositions les plus consensuelles portent sur l’extension de l’organisation des marchés de

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produits dérivés, des propositions plus radicales vont jusqu’à préconiser que les contrats à terme obligent les co-contractants à détenir et livrer le sous-jacent. Si elles étaient mises en œuvre, de telles propositions réduiraient sensiblement l’activité de ces marchés. Le gain en termes de stabilité aura nécessairement pour contrepartie une perte d’efficacité des opérations économiques, dont les risques sont couverts par des contrats à terme.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 336-337

Document 138 : la régulation du shadow banking Qu’est-ce que le shadow banking ? Littéralement, il s’agit d’un secteur « bancaire » parallèle, fantôme. La commission d’enquête sur la crise financière aux Etats-Unis (mai 2010) y associait l’ensemble des activités de type bancaire conduites en dehors du secteur traditionnel des banques commerciales. Il s’ensuit une définition très large englobant les banques d’investissement, les fonds d’investissement, tout particulièrement les hedge funds, les fonds monétaires, ainsi que les fonds communs de créance et autres véhicules de titrisation. Dit autrement, le shadow banking englobe toutes les entités financières qui ont participé à l’extension et à la distension de la chaîne d’intermédiation qui au départ reliait directement les banques à leurs clients. Les régulateurs se sont donnés pour objectif de « mieux réguler le shadow banking ». Cela revient à s’interroger sur le périmètre de la réglementation et de la supervision. En effet, la réglementation ne contraint pas tous les intermédiaires financiers de la même manière. Certaines institutions financières telles que les hedge funds et certains autres sociétés financières de courtage notamment sont peu contraintes. Pour ce qui est des hedge funds sans doute perçus comme les institutions financières les plus emblématiques de ce shadow banking, ils doivent bien entendu respecter les règles des marchés sur lesquels ils interviennent mais ils ne font pas l’objet d’une réglementation au même titre que les banques. Toute la question est de savoir s’il faut les contrôler directement ou le faire indirectement en réglementant plus étroitement les investissements que les banques et autres institutions financières réglementées réalisent auprès d’eux. La crise a déplacé le consensus en la matière. Avant la crise, la plupart des observateurs étaient favorables à un encadrement indirect, au motif que les hedge funds ne gèrent pas l’argent de petits épargnants mais celui d’autres investisseurs institutionnels ou de riches particuliers. Un autre argument mis en avant était aussi qu’en cas de réglementation directe, les hedge funds iraient se domicilier dans les centres off shore comme la moitié d’entre eux le sont déjà (là où le régulateur ne peut les atteindre). Après la crise, la plupart des observateurs se sont, au contraire, convertis à l’idée d’une réglementation directe, avec au minimum une obligation d’enregistrement et une divulgation d’information. Même si les hedge funds ne sont pas directement responsables de la dernière crise financière, ils ont clairement favorisé l’intensité des activités de transfert de risque. Sur les marchés des dérivés de crédits notamment, ils ont été de gros « acheteurs de risque ». Ils ont également favorisé l’essor des produits structurés dans lesquels ils ont massivement investi. Ils ont toutefois payé le prix de la crise : 30% d’entre eux ont disparu en l’espace de deux ans, sans qu’aucun ne bénéficie d’une aide publique. La directive « hedge funds » approuvée par l’UE (novembre 2010) va dans le sens d’un encadrement direct mais offre malheureusement de nombreuses échappatoires : elle s’adresse principalement aux fonds alternatifs et non pas à l’ensemble des fonds, et ne s’applique qu’aux grands d’entre eux, gérant plus de 250 millions d’euros … en outre, ces règles resteront à étendre à l’échelle mondiale. Au fond, si l’on part du principe que le shadow banking est avant tout la conséquence de la mise en place par les banques d’un modèle « origination-distribution » consistant à se défaire des risques pris auprès d’autres entités financières, le plus efficace pour lutter contre le développement du shadow banking serait de favoriser le retour d’un modèle « origination-conservation ». S’il ne s’agit pas d’interdire totalement la titrisation et les autres opérations de transferts des risques bancaires, il faudra veiller à ce que les banques assument une plus large part des risques qu’elles prennent en les obligeant à en conserver une part significative à leur bilan. La limitation de ces techniques de transfert de risque n’a peut être pas encore mobilisé toute l’attention qu’elle mérite.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 330-331

ESH – ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2015-2016

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Document 139 : réguler le shadow banking ?

Document 140 : la « régulation » des paradis fiscaux La question des paradis fiscaux est étroitement liée à celle des hedge funds. A quoi bon vouloir réglementer directement les hedge funds si des centre off shore, où ces institutions pourront établir leur siège et exercer leurs activités sans aucune contrainte, continuent d’exister ? La lutte contre les paradis réglementaires et fiscaux est également devenue un cheval de bataille politique, dont on peut comprendre la logique en pleine gestion de crise. Pour l’ensemble des gouvernements aux prises avec la crise, il n’aurait pas été tenable de faire admettre aux citoyens la nécessité de mobiliser des fonds publics pour sauver le secteur bancaire et financier sans afficher, dans le même temps, la volonté de lutter contre l’évasion des centaines de milliards de dollars, qui chaque année échappent à l’impôt et aux réglementations en s’investissant dans des paradis fiscaux. La lutte contre les paradis fiscaux se justifie par le fait qu’ils privent les Etats des ressources fiscales qu’ils font évader, réduisent l’efficacité de la réglementation bancaire et financière, et de ce fait alimentent l’instabilité financière, sans même évoquer le blanchiment d’argent sale qu’ils permettent. Mais les listes qui constituent le préalable indispensable à cette lutte, se vident aussi vite qu’elles se remplissent. Quelques années avaient suffi au début des années 2000 pour voir disparaître des listes établies par l’OCDE ou l’ancien Forum de Stabilité financière bon nombre d’îles de la zone Amérique-Caraibes et d’îles anglaises d’Asie, sans que la situation ait changé. En avril 2009, la liste noire publiée par l’OCDE s’est-elle aussi fort rapidement « éclaircie » : la plupart des pays « black-listés » ont semble-t-il rapidement acceptée de coopérer. De nombreux accords d’échanges d’informations avec les autorités réglementaires et fiscales ont, il est vrai, été signés en assez peu de temps, entre 2008 et 2009. Mais cela suffira-t-il ? La lutte contre les paradis fiscaux n’a de sens que si elle est menée dans le cadre d’une coopération internationale totale. Des conventions ont été signées avec la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, ainsi qu’avec l’Autriche – pays qui ont subi une forte pression de la part de l’Allemagne et de la France – ainsi qu’avec la plupart des îles britanniques (ïle de Man, Geurnesey, Jersey, Iles vierges) ou Barhein, d’autres sont en négociation (Caimans, Bermudes, Liechenstein, Gibraltar, Baléares, Liban et Maurice). Mais si la Chine et l’Inde ne prennent pas part à cette lutte, alors de nouveaux centres off shore émergeront aussi vite à proximité du continent asiatique, là où les pressions sont moindres.

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 330-331

Pourquoi ? Limites ? Solution ?

ESH – ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2015-2016

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Document 141 : les instruments de supervision macroprudentielle Objectifs Instruments Comment ?

Indicateur de la solidité du système

Stress tests Mesurer l’état des interdépendances entre bilans des IF

Réduire la volatilité sur les marchés

La réglementation, Encadrement des pratiques financières : THF, vente à nues …

La fiscalité Taxe Tobin

Action de la Banque centrale

Intervention pour limiter les « bulles » (cycle) sur certains actifs (stabilité financière comme objectif de la politique monétaire)

Réduire la pro-cyclicité

intrinsèque du SF Coussin contra-cyclique

et refinancement dynamique

Lisser davantage l’activité de crédit (en corrélant la demande de fonds propres au cycle) Limiter la dimension pro-cyclique des exigences de fonds propres (facile à obtenir en phase haute ; difficile à obtenur en phase basse)

Renforcer la régulation

des marchés et des acteurs

La réglementation

Développer les marchés dérivés avec chambre de compensation

Contrôler les acteurs du shadow banking ou réduire les activités bancaire type Originate to distribute

Supprimer les paradis fiscaux

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