module 3 - Université TÉLUQ€¦ · de la mer puisque, selon le principe d’Archimède, un corps...
Transcript of module 3 - Université TÉLUQ€¦ · de la mer puisque, selon le principe d’Archimède, un corps...
L’AUGMENTATION DU NIVEAU DE LA MER
par Sebastian Weissenberger
module 3
2 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
SOMMAIRE
1. Les causes de l’augmentation du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1 L’expansionthermique
1.2 Lafontedesglaciers
1.3 Lescalottesglaciaires
2. Les mesures du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
3. Les prévisions du niveau de la mer en fonction des changements climatiques . . . . . . 13
4. L’impact de l’augmentation du niveau de la mer sur les côtes et les sociétés
humaines et les stratégies d’adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
4.1 Tuvalu–unpetitÉtatinsulaire
4.1.1 Lasituation
4.1.2 Lastratégied’adaptation
4.2 LeBangladesh–144millionsdepersonnesaurasdesflots
4.2.1 Lasituation
4.2.2 Lastratégied’adaptation
4.3 LesPays-Bas–affluenceetvulnérabilité
4.3.1 Lasituation
4.3.2 Lastratégied’adaptation
4.4 Autresexemplesd’adaptation
4.5 Lesdéterminantsduchoixdesstratégiesd’adaptation
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES3
1. LESCAUSESDEL’AUGMENTATIONDUNIVEAUDELAMER
Deuxfacteurscontribuentàl’augmentationduniveaudelamer :l’expansionthermique
etlafontedeseauxcontinentales.Cesdeuxfacteurscontribuentactuellementàpeu
prèsenpartségalesàlamontéeobservéeduniveaudelamer,commeilestillustréà
lafigure 1.
Figure1Augmentation du niveau de la mer à long terme.
L’augmentationduniveaud’eauàlongueéchéancecauséeparundoublementduCO2atmosphériqueàlasuited’uneaugmentationduCO2atmosphériquede1 %sur70anssedécomposeendeuxvariantes,l’expansionthermiqueet la fontedesglaciers,qui varientdans leur évolutiontemporelle.LasimulationnetientpascomptedelafontedescalottesduGroenlandetdel’Antarctique.Source : D’aprèsHadleyCentre,1999.
Entre1961et2003,lacontributiondel’expansionthermiqueaétéestiméeà0,4 ± 0,1 mm.
an-1.Entre1993et2003,périodepourlaquelledesobservationsplusprécisestransmi-
ses par satellite sont disponibles, l’expansion thermique aurait été responsable de
1,6 ± 0,5 mm.an-1del’augmentationtotalemesuréede2,8 ± 0,7 mm.an-1,leresteétant
attribuableàlafontedeglaciersetdecalottesglaciaires.
1,5
1,0
0,5
0,0200 400 600 800
Aug
men
tatio
n du
niv
eau
de la
mer
(m)
Années
total
expansion thermique
fonte de glaciers
4 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
1.1 L’expansion thermique
L’expansion thermique provient du fait que, comme toute substance, l’eau prend de
l’expansionenseréchauffant.Lecoefficientd’expansionthermiquedel’eauestmoins
élevéqueceluidecertainsmétaux,maissuffisantpourprovoqueruneélévationpouvant
à long terme atteindre en moyenne jusqu’à plusieurs mètres sur une colonne d’eau
océaniquede4000 mètres.Leréchauffementdel’océannes’opèreniinstantanément
niuniformément.Lescouchessupérieuresdel’océanseréchauffentenpremier.Les
couchesintermédiairesetprofondesseréchauffentaugrédumélangedeseauxdes
différentescouches.Letransportverticaldiffusifdechaleuresttrèslong.
Lemélangedeseauxdedifférentesprofondeursestessentiellementrégléparlacircu-
lationthermohaline.Commeletempsdemélangedel’océanenvertudecettecirculation
estd’environ800à1000 ans, le réchauffementde l’océanet l’augmentationdeson
niveauseprolongerontpendantcettepériode,mêmeencasd’unestabilisationdela
température de la surface de laTerre. Cette expansion thermostérique a été de
0,40 ± 0,09 mm.an-1,entre1955et1995(Antonovet al.,2005),de1,6 ± 0,5 mm.an-1,
entre1993et2003(IPCC,2007).
1.2 La fonte des glaciers
Lafontedesglaciers,quantàelle,estobservablesurtouslescontinentsetconstitue
undessignesvisiblesduchangementclimatiquedesplusspectaculaires(voirlediapo-
rama).LesstatistiquesmontrentquelesglacierssontenretraitenEurope(saufpour
quelquesglaciersenNorvège),enAmérique,autantduNordqueduSud,etparticuliè-
rement enAlaska, enAsie ou en Nouvelle-Zélande. Les neiges « éternelles » du
Kilimandjaro(figure2),ayantinspirédesécrivainscommeHemingway,ontdiminuéde
75 %depuisledébutduXlXe siècleetpourraientdisparaîtreentièrementd’icià2015.
D’autresglaciersafricainssontaussidanslamêmesituation.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES5
Figure2Glacier du Kilimandjaro en Tanzanie.
Lesneiges« éternelles »duKilimandjaroontdiminuéde75 %entre1912et2000etpourraientdisparaîtred’icià2015.Source : Encarta,[Enligne].fr.encarta.msn.com(Consultéle7septem-bre2007)
L’eaudefontedesglaciersruisselleàtraverslescontinentsetfinitparsedéverserdans
l’océanoùellecontribueàl’élévationduniveaudelamer.Cettecontributionestestimée
à0,50 ±0,18 mm.an-1,entre1961et2003,età0,77 ±0,22 mm.an-1,entre1993et2003
(IPCC, 2007). La fonte des glaciers s’est accélérée dans les deux hémisphères
(Bindschadler,2006).Voiciquelquesobservations.
• Lesglaciersdel’Alaskapourraientavoirsubiunepertede52 ± 15 km3.an-1,équivalant
à0,14 ± 0,04 mm.an-1d’augmentationduniveaudelamerentre1950et1990.Ce
résultataétéobtenuenextrapolantàl’ensembledesglacierslesobservationsfaites
paraltimétrielasersur67 glaciersenAlaska(MeieretDyurgerov2002;Arendtet al.,
6 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
2002).Letauxdediminutionquiaétémesurésur28 glaciers,entre1990et2000,
équivautà96 ± 35 km3.an-1del’ensembledesglaciersdel’Alaska,soit27 ± 0,10 mm.
an-1d’augmentationduniveaudelamer(Arendtet al.,2002).
• LasituationdesglaciersdePatagonieenAmériqueduSudestsemblable,puisque
des relevés topographiques effectués par satellite ont estimé que la fonte des
63 principauxglaciersestresponsablede0,042 ± 0,002mm.an-1d’augmentation
duniveaudelamer,durantlapériodede1968à2000(Rignottet al.,2003).Cette
fontes’estaccéléréerécemmentpuisquelacontributionàl’augmentationduniveau
delameraétéestiméeà0,105 ±0,011 mm.an-1aucoursdelapériodede1995à
2000,cequiestplusdudoubledelamoyennede1968à2000.
• Lesimagessatellitesmontrentquel’étenduedesglaciersdumassifdeRwenzorienAfrique de l’Est a diminué de 2,01 ± 0,56 km2 entre 1906 et 1987 et de0,96 ±0,34km2entre1906et2003.Ceciestclairementdûàl’augmentationdestempératuresdel’airde0,5°Cpardécenniepuisquelesprécipitationssontrestéesconstantes(Tayloret al.,2006).
• Pourtouslesglaciersaumonde,excluantceuxduGroenlandetdel’Antarctique,
lesbilansdemasseétablissuggèrentqu’ilyauraiteuunepertedeglaceéquivalente
àuneaugmentationduniveaudelamerde0,33 ± 0,17 mm.an-1entre1961et1990.
Cettepertes’estaccéléréeplusrécemment.Elleauraitatteint0,77 ± 0,15 mm.an-1
durantlapériodede2001à2004(Kaseret al.,2006).
La fontedesglaciersn’estpasseulementunproblèmequiadesconséquencessur
l’augmentationduniveaudelamer,maisc’estaussiunproblèmequiaffectel’alimenta-
tioneneaudespopulationsvivantenmargedesglaciersdemontagne,surtoutaupied
del’HimalayaoudanslesAndes.
1.3 Les calottes glaciaires
LesgrandescalottesglaciairesduGroenlandetdel’Antarctique,dontlafonteauraitdes
répercussionsdramatiquessurleniveaudelamer,représententuncasparticulier.Ilfaut
bienfaireattentionànepasconfondrelescalottesglaciaires–ancréessurlecontinent
–etlesbanquises–laglaceflottante.Lafontedesbanquisesn’affecteenrienleniveau
delamerpuisque,selonleprinciped’Archimède,uncorpsdéplaceunvolumed’eau
correspondantàsamasse(figure3).Ils’agitdumêmeprincipequistipulequelafonte
d’unglaçondansunverred’eauneferapasdébordercelui-ci.Ainsi,ladiminutiondela
banquisearctiquen’aaucuneffetsurleniveaudelamer.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES7
Figure3Impact sur le niveau de la mer de la fonte de banquises et de glaciers.
Enhaut :lafonted’unicebergoud’unebanquisen’affectepasleniveaudelamer.Enbas :lafonted’unglacieroud’unecalotteglaciairefaitaugmenterleniveaudelamer.
LescalottesglaciairesduGroenlandetdel’Antarctiquemesurentplusieurskilomètres
d’épaisseuretcontiennentl’équivalentde6 mètresd’augmentationduniveaudelamer
pourleGroenlandetde23 mètrespourl’Antarctique(dont7 mètrespourlaplusinstable
calottedel’AntarctiqueOuest).Levolumedecescalottesestfonctiondel’équilibredyna-
miqueentrel’accroissementparprécipitationd’eauatmosphériquesousformedeneige
oudecondensationdirecteet la fontedesglacierssur lesbordsdescontinents.Le
réchauffementclimatiqueprovoqueàlafoisuneaugmentationdelafontedesglaciers,
maisaussiuneaugmentationdesprécipitations,quifontaugmenterlevolumedesgla-
ciersetdescalottesglaciairesparaccrétion.
8 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Lesmodèlesclimatiquesprévoientquelesdeuxcalottesresterontrelativementstablesau
débutduréchauffementclimatique,mêmesilesobservationsrécentessemblentindiquer
uneprépondérancedelafonteparrapportà l’accrétion.Ladynamiquedescalottesn’est
pasaiséeàprévoir.Enplusdel’incertitudesurlebilanhydriquedescalottess’ajoutentles
phénomènescomplexesinfluençantleurvitessedefonte.Habituellement,cesontlesbords
desglaciersetdescalottesquifondent.Cependant,danscertainscas,lorsd’unréchauf-
fement rapide, la formationde lacsetdescrevassesà l’intérieurdesglaciersontété
observées.Parailleurs,lavitessedefonted’unglacierdépendnonseulementdelatem-
pérature,maisaussidesavitessed’écoulement.Uneaccélérationdel’écoulementdu
glacieraugmentelachaleurdégagéeparlafriction,cequiprovoqueunefonted’eauaccé-
léréeàlabaseduglacier.Cecimèneàunelubrificationdelabaseduglacier,provoquant
àsontouruneaugmentationdelavitessed’écoulement.Lavitessed’écoulementdépend
enoutredelapente,dumatérielminéraletdelamorphologiedesglaciers.
Durantladernièrepériodeinterglaciaire,unefonted’unepartiedesglaciersduGroenland
acontribuéàl’augmentationobservéede6 mètresduniveaudelamer(SchøttHvidberg,
2000;CuffeyetMarshall,2000).Dessimulationsnumériquesconfirmentcesobservations
etrévèlentquelafontedelacalotteduGroenlandauraitpuêtreresponsablede2,2à
3,4 mètresd’augmentationduniveaudelamer(Otto-Bliesneret al.,2006).Danstous
lescas,unefontedecesdeuxcalottess’échelonneraitsurdesmillénaires,commeil
peutêtreobservédanslessimulationsduHadleyCenter,présentéesdanslafigure4.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES9
Figure4Simulation de l’évolution de la calotte glaciaire du Groenland dans un scénario de 4×CO2.
LafontedelacalotteduGroenlandajouterait7 mètresauniveau de la mer et s’échelonnerait sur 3000 ans si laconcentrationatmosphériquedeCO2atteignaitquatrefoislaconcentrationpréindustrielle.Source :HadleyCenter,1999.
Le rapportduGIEC (IPCC,2001)prévoit que la calotteduGroenlandcontribueraà
l’augmentationduniveaudelamerde-0,02 à+0,09 mentre1990et2100.Plusieurs
étudespubliéesaucoursdesdernièresannéesindiquentcependantquelafontede
cettecalotteestplusrapidequeprévu,particulièrementdanslapartiesudetdansles
régions côtières (Velicogna etWahr, 2006a; Murray, 2006). Des mesures du champ
gravitationnel terrestre, transmises par satellite, indiquent une perte de masse de
248 ± 36 km3.an-1,équivalantà0,5 ± 0,1 mm.an-1d’élévationduniveaudelamer,entre
2002et2006.Lerythmedelapertedeglaceaplusquedoubléentrelespériodes2002
à2004et2004à2006.Cerythmeestconsidérablementplusélevéqueles0,13 mm.
an-1estimésprécédemmentàpartirderelevésaltimétriqueslaserpourlapériode1994
à1999(Krabillet al., 2000).LafontedesglaciersauGroenland,enplusdes’accélérer,
s’estégalementdéplacéeplusloinaunord,suggérantquelacontributiondesglaciers
0 600 1200 1800 2400 3000
Années
100% 61% 35% 17% 7% 3%
Volume
Antarctique Est
Pôle Sud
Antarctique Ouest
Barrièrede Filchner
Barrièrede Ronne
Barrièrede Ross
Mer de Ross
Mo
nta
gnes transantarctiq
ue
s
10 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
duGroenlandàl’augmentationduniveaudelamercontinueraàaugmenter(Rignotet
Kanagaratnam,2006).L’accélérationdelafontedesglacierss’exprimeaussiparune
vitessed’écoulementaccruedesglaciers(Joughin,2006).Cesmouvementsprovoquent
dessecoussessismiquesmesurables,dontlafréquenceadoubléentre2000et2005
(Ekströmet al.,2006).
Lacalottedel’AntarctiqueOuest(figure5)perdégalementplusdeglacequ’anticipé.Desétudesaltimétriqueslaserdusecteurd’Amundsendémontrentquecelui-ciperd60%plusdeglacequ’ilenaccumule,pertequiéquivautàuneaugmentationde0,2mm duniveaudelamerparan.Lestauxd’amincissementdesglaciersprochesdescôtesétaientplusélevésen2002et2003quedanslesannées1990(Thomaset al.,2004).Encontrepartie,selondesmesuresaltimétriquesradar,l’intérieurdelacalotteantarctiqueaaugmentésamassede45±7km3paran,entre1992et2003,équivalantà0,12±0,02mm.an-1deréductionduniveaudelamer(Daviset al.,2005).Larésultanteseraitcependantunepertedeglacedel’ordrede152±80km3.an-1,équivalantà0,4± 0,2mm.an-1d’augmen-tationduniveaudelamer,entre2002et2005(VelicognaetWahr,2006b).
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES11
Figure5Carte de l’Antarctique.
L’Antarctiquecontientunvolumed’eausuffisantpourfaireaugmenterleniveaudelamerde23mètres.Lafontedelacalottedel’AntarctiqueOuest,plausibledansunscé-nariodechangementsclimatiques,mèneraitàuneaug-mentationduniveaudelamerde7 mètres.
0 600 1200 1800 2400 3000
Années
100% 61% 35% 17% 7% 3%
Volume
Antarctique Est
Pôle Sud
Antarctique Ouest
Barrièrede Filchner
Barrièrede Ronne
Barrièrede Ross
Mer de Ross
Mo
nta
gnes transantarctiq
ue
s
12 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
2. LESMESURESDUNIVEAUDELAMER
Ilestdifficiled’effectuerunemesurepréciseduniveaudelamerpourplusieursraisons.
D’abord,leniveaudelamern’eststrictementconstantnidansletempsnidansl’espace.
Lescirculationsocéaniques, lesventset lesphénomènescomme l’ENSOmodifient
localementetparfoistemporairementleniveaudelamer.Danslesgrandsgyresocéa-
niques,causésparlescourantsmarinssoumisàlaforcedeCoriolis,lapartiecentrale
estsurélevéed’environ20 cm.PendantunphénomèneElNiño,lesfortsventsest-ouest
provoquentunrefoulementdesmassesd’eauversl’Australieetungradientd’élévation
duniveaudelamerdeplusde20 cm.
Ensuite,leniveaudescontinentsn’estpasnécessairementstable.Certainesîlesvolca-
niquess’enfoncentcontinuellementdanslamertandisqued’autresémergent duplancher
océanique.Lescontinentsaffectésparlaglaciationsubissentdesremplacementsde
plaquesàlasuitedeladisparitiondesénormeschargesqueconstituaientlescalottes
glaciairesdel’âgeglaciaire.Cephénomènesenommelerebondisostatique.AuCanada,
lesenvironsdelabaied’Hudsonsontencoreentraindesesoulever,10 000 ansaprès
ladéglaciation.Enrevanche,d’autresrégions,commelapartiesuddugolfeduSaint-
Laurent,s’enfoncent,contribuantainsiàl’augmentationperçueduniveaudelamer.Ces
mouvementssontd’environ0,1 mm.an-1.
Enfin,ilfauttenircomptedesmouvementstectoniquesetvolcaniques,quiinfluencent
égalementleniveaudelamer.L’éruptionduKrakatoaen1883etleséruptionsimpor-
tantesrécentesauraientainsiréduitlahausseduniveaudelamerauXXIe siècle,car
lerefroidissementdelasurfacedelamerseraittransportéparconvectionversleszones
plusprofondesetperdureraitpendantdesdécennies(Gleckeret al.,2006).Faitintéres-
sant,laretenued’eaudanslesbarragesacauséunebaisseduniveaudelamerde0,5
à0,7 mm.an-1aucoursdesdernièresdécennies(IPCC,2001).
Ilestànoterquedepuisquelquesdécennieslesméthodesdetélédétectionàpartirde
satellitesontpugrandementaméliorerlaprécisiondesmesuresduniveaudelamer.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES13
3. LESPRÉVISIONSDUNIVEAUDELAMERENFONCTIONDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES
Aprèsenvirondeuxmillénairesdestabilité,leniveaudelameracommencéàmonter
durantleXIXesiècle.Letauxmoyend’augmentationduniveaudelamerentre1961et
2003étaitde1,8 ± 0,5 mm.an-1(IPCC,2007).Entre1993et2003,cetauxétaitplus
élevé,soit3,1 ± 0,7 mm.an-1.Commedestauxélevésontprobablementétéatteintsau
coursdecertainesdécenniesdepuis1950,ilestimpossibledediresicetteaugmentation
faitpartiedesvariationsobservéesoud’uneaccélérationdel’augmentationduniveau
delamer.
Lesprévisionsdu rapportduGIECde2001 (IPCC,2001)établissaient la fourchette
plausibledelamontéeduniveaudelamerentre9et88 cmaucoursduXXIe siècle.Le
rapportde2007adopte,quantàlui,unefourchettepluspetitede18 cmà59cm,dont
10à41 cmsontattribuablesàl’expansionthermique,7à17 cmàlafontedeglaciers
continentauxet1à12cmàlafontedelacalotteduGroenland.Lacalottedel’Antarctique,
quantàelle,ens’épaississant,hausseraitleniveauocéaniquede1à3 cm(IPCC,2007).
LerapportduGIECde2007mentionnecependantqueceschiffrespourraientêtresous-
évalués,carl’augmentationobservéeduniveaudelamerdépassede0,7 ± 0,7 mm.
an-1lasommedetouslesfacteursconnusetquantifiésycontribuant.
Certainesétudesrécentesn’étaientpasdisponibleslorsdelarédactiondurapportdu
GIECde2007,carseuleladocumentationpubliéejusqu’en2005aétéretenuepoursa
rédaction.Or,certainesdecesétudesfontétatd’uneaccélérationdelafontedenom-
breuxglacierscontinentauxetdescalottesduGroenlandetdel’Antarctique.Actuellement,
lacalotteduGroenlandcontribueraitenviron de0,5 mm.an-1(RignotetKanagaratnam,
2006)etcelledel’Antarctiquede0,2à0,6 mm.an-1(VelicognaetWahr,2006)àlamontée
actuelleduniveaudelamer.Cestauxsontplusimportantsqueceuxcitésdanslerap-
port du GIEC de 2007, où la contribution de la calotte du Groenland est estimée à
0,05 ± 0,12 mm.an-1,entre1961et2003,età0,21 ± 0,07 mm.an-1,entre1993et2003,
et celle de l’Antarctique à 0,14 ± 0,41 mm.an-1, entre 1961 et 2003, et à 0,21
± 0,35mm.an-1,entre1993et2003.
14 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
4. L’IMPACTDEL’AUGMENTATIONDUNIVEAUDELAMERSURLESCÔTESETLESSOCIÉTÉSHUMAINESETLESSTRATÉGIESD’ADAPTATION
Cetteaugmentationduniveaudelamermenaceraitentre13et94 millionsdepersonnes
parandeplusqu’enl’absencedechangementsclimatiques.Vingtmillionsdepersonnes
seraientvictimesd’inondationsfréquentes;60 %d’entreellesenAsieduSud(Pakistan,
Inde,SriLanka,BangladeshetBirmanie)et20 %dansleSud-Estasiatique(Thaïlande,
Vietnam,IndonésieetPhilippines)(HadleyCentre,1999).
Laremontéeduniveaudelamermenaceraitégalementleszoneshumidescôtières –
maraissalants,mangrovesetzonesintertidales(HadleyCentre,1999).
Leszonescôtièresseraientencoreplusfragiliséesparl’augmentationconcomitantedes
températuresdel’eau,quipourraavoiruneffetsurlecorailetlesécosystèmes,affectant
dessecteurscléscommeletourismeetlapêche.
L’impactdel’augmentationduniveaudelamersurlescôtesestd’autantplusgrandque
l’importance des événements météorologiques extrêmes, comme les tempêtes, les
ouragans,etc.augmente(voirletexte« Lesimpactsdeschangementsclimatiquesà
l’échellemondiale »).Parexemple,legolfeduSaint-Laurentaconnuunecertaineaug-
mentationde l’amplitudedesondesde tempêteaucoursdesannées 2000 (Daigle,
2006).EnmerduNord,lahauteurmaximaledesondesdetempêteaaugmentéde15
et16 mà17et18 m(rp-online,2007).Cetteaugmentationdesévénementsmétéorolo-
giquesextrêmesaccentue les risquesd’inondationset l’érosionquisontcauséspar
l’augmentationduniveaudelamer.
Faceàcetteréalitéincontournable,lessociétéshumainesdoiventtrouveruneréponse
etétablirdesplansd’action.Lesstratégiesderéponsevis-à-visdelamontéeduniveau
delamerseclassifientselonlestroiscatégoriessuivantes :laprotection,l’adaptation,
etlaretraite.
• Laprotection. Résisteràlamontéeduniveaudelamerpardesouvragesprotecteurs
est lameilleuresolution lorsquedes intérêtséconomiques, fonciersouculturels
importantssontmisenpéril,dontlavaleurdépasselecoûtdesouvragesdedéfense
àériger.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES15
• L’adaptation.L’adaptationpermetdecontinuerd’utiliserleszonescôtières,maisen
prenantencompte le facteurde lamontéeduniveaude lamerdans lesplans
d’aménagementetd’utilisationdecesrégionsetenprévoyantà long terme les
ajustementsàapporterauxdifférentstypesd’usage.
• Laretraite.Finalement,laretraites’avèreinévitablelorsquelescoûtsd’adaptation
oudedéfensedeviennentdémesurésparrapportauxdommagesévités.
Letypedestratégiequiestchoisidépenddenombreuxfacteurs,dontl’importancede
lamontéelocaleduniveaudelamer,l’expositionauxtempêtes,auxcruesetauxévé-
nementsmétéorologiquesextrêmes,leniveaudedéveloppement,lemoded’aménage-
mentetd’utilisationdelaterre,ladensitédelapopulation,lalongueurdelacôteainsi
queletyped’écosystèmesconstituantlamosaïquecôtière.
L’adaptationàlamontéeduniveaudelamerainsiqu’auxévénementsmétéorologiques
extrêmesdoitinclureplusieursprincipeset,enparticulier,encequiconcernelespaysen
voiededéveloppement,lerenforcementdecertainscapitauxdelasociété,quisont:
• La connaissance. En encourageant le transfert de technologie et l’échange de
connaissances,lespaysserontmieuxenmesuredeprévoirl’évolutionduclimatet
dediffuserlesinformations.
• Le capital humain.L’investissementdanslasantéetl’éducationaugmentel’effica-
citédel’informationdescommunautésetl’élaborationdeplansdedéveloppement
prenantencompteleschangementsclimatiques.
• Le capital physique.Lesgouvernementspeuventrendrelesinfrastructuresplus
résistantesauclimatenadaptantlesrèglementsetlesnormesdeconstruction,en
révisantlezonagedesterresetlagestiondeseauxdesurface.Lesinfrastructures
publiquescommelesroutesdevrontêtrerenforcéesoudéplacées.Desstructures
deprotectionserontégalementnécessaires.
• Le capital social.Laprésencedestructuressocialesfortes,baséessurdesinsti-
tutions ou des traditions, permet d’augmenter l’efficacité de la préparation aux
événementsclimatiquesetauxchangementsà long termeetpermetdemieux
répartirl’effortderécupérationetdereconstructionàlasuitedesévénements.
• Le capital naturel.Laprésencedesystèmesdeprotectionnaturels,telsqueles
mangroves,lecorailoulesbancsdesableetlavégétationcôtière,réduitsensible-
mentlavulnérabilitéphysiquedesmilieuxcôtiers.L’entretienoul’aménagementde
telssystèmesestuneméthoded’atténuationpréventiveefficace.
16 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Voicimaintenanttroisexemplesdepaysdifférentsquiillustrentcommentlesdifférentes
contraintesauxquellessontsoumiseslessociétéspeuventdéterminerletypedestra-
tégieadaptativeàadopter.
4.1 Tuvalu – un petit État insulaire
4.1.1 Lasituation
Tuvaluestsouventconsidérécommelepaysemblématiquedesdangersqueconstituent
leschangementsclimatiquespourlespayscôtiers.Eneffet,Tuvalurisquededevenirle
premierpaysrayédelacarteàlasuitedeschangementsclimatiques.Deuxièmeplus
petitpaysaumonde,Tuvaluestconstituédeneufatollscoralliensquisonthabitéspar
11 000 Tuvaliens.Ils’agitd’unpaysextrêmementplatpuisquesonplushautpointculmine
à5 metquelamoyenned’élévationestde1,5 mètre.Leschangementsclimatiquess’y
fontdéjàsentirsousformed’inondationsplusfréquentesetd’intrusiond’eausaléedans
leseauxsouterraines.Cedernierfacteurmenacedirectementlavégétation,l’agriculture
quis’ypratiqueàpetiteéchelleainsiquel’approvisionnementeneaupotable.L’ensem-
bledecesfacteursfaitqu’encasdepoursuitedel’augmentationduniveaudelamer,
cepaysdeviendraitinhabitable.
4.1.2 Lastratégied’adaptation
Danscecas,laseulesolutionenvisageableàlongtermesembleunerelocalisationdela
population.Unprogrammed’émigrationlimitéeverslaNouvelle-Zélandeestdéjàenplace.
Cependant,undéplacementdelapopulationversdescentresurbainsenNouvelle-Zélande
ousurdesîlesinhabitéesdelagrandebarrièrecorallienned’Australie,commecertains
ontproposé,rendraitunmaintiendutissusocialetdel’identiténationaledifficile.
4.2 Le Bangladesh – 144 millions de personnes au ras des flots
4.2.1 Lasituation
LeBangladeshfigureparmilespayslesplusmenacésparleschangementsclimatiques,
àlafoisàcausedesasituationgéographiqueetdesastructuresociodémographique
(figure6).Eneffet,laprincipalepartieduBangladeshestuneplainealluvialeparcourue
parlestroisgrandsfleuvesdel’AsieduSud :leGange,leBrahmapoutre(Jamounaen
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES17
bengali),etleMeghna.LeBangladeshcompte144 millionsd’habitantset580 kmde
lignedecôte.LePIBn’estquede2200 dollarsaméricainsparpersonneparan.Dans
toutelapartiesuddupays,lereliefestquasiinexistant,lerendantvulnérableauxinon-
dations.Cesinondationssurviennentprincipalementetdemanièrespectaculairelors
delapériodedesmoussonsetdescyclones.Lescyclonesprovoquentdesondesde
tempêtepouvantatteindreplusieursmètresdehaut.
Figure6Carte du Bangladesh.Source : Wikipédia, [En ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bangladesh(Consultéle7septembre2007)
Enmêmetemps,lespluiesabondantesprovoquentdesdébordementscatastrophiques
destroisfleuves.Cesinondationssesontsouventavéréesmeurtrières.En1970,elles
ontcausé500 000victimeset,en1991,143 000victimes.En2004,alorsquelesdeux
tiers du pays étaient inondés et que 10 millions d’habitants étaient sans abri, seuls
18 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
400 mortsétaientàdéplorer,peut-êtreunrésultatdesmesuresdeprotectionadoptées.
En2007,lecycloneSidrafait3200 mortset40 000blessés(Radio-Canada,2008;Le
Monde,2007).Entout,entre1970et1998,170 catastrophesnaturellesdegrandeampleur
(inondationsetcyclones)ontfrappéleBangladesh(Stern,2006).Commelemontrela
figure 7,uneaugmentationduniveaudelameraffecteraituneproportionimportantedu
territoireetdelapopulation.
Figure7Simulations de l’impact d’une augmentation du niveau de la mer sur le Bangladesh.Source :UNEP,1989,[Enligne].http://www.grida.no/climate/vital/33.htm(Consultéle7 septembre2007)
4.2.2 Lesstratégiesd’adaptation
Lesstratégiesd’adaptationsontpartiellementbaséessurlaconstructiondedigues,mais
surtout surdesstratégiesd’adaptationà l’échelle localequinenécessitentpasdes
moyensfinanciersimportants,maisplutôtunecollaborationetunecohésionsociale.Un
exempleenestdesmaisonsenmatériauxdurablesetrésistantsàl’eau(parexemple
lebéton),construitessurpilotis,quipeuventabriterleshabitantsencasd’inondation
(figure8).Desvillagessontaussireliéspardespetitesdiguesenterre,permettantaux
Aujourd'huiPopulat ion totale : 112 mi l l ionsSuperf ic ie totale : 134 000 km2
Impact de 1,5 mPopulat ion menacée : 17 mi l l ions (15 %)Superf ic ie menacée : 22 000 km2 (16 %)
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES19
habitantsdesvillagesvoisinsdeseréfugierdanslesabrisencasdebesoin.Lesmoyens
modestesnécessitéspourcesconstructionsproviennentsouventd’organisationsnon
gouvernementales(ONG)étrangères.Cetyped’adaptationbasésurdesactionscom-
munautaires locales, souvent à l’échelle du village, est approprié dans un contexte
d’infrastructuresetdemoyensdecommunicationlimités.Ainsi,leBangladeshnecompte
que10 millionsdetéléphonescellulairesoufixespourses164 millionsd’habitantset
seulement300 000 utilisateursd’Internet,soit0,2 %delapopulation.L’organisationd’un
systèmelocald’alerteetderéponseadoncunimpactconsidérable.
Figure8Édifice en béton sur pilotis au Bangladesh comme protection contre les inondations et cyclones.Source : GermanWatchProduction, [Enligne]. www.Germanwatch.de(Consultéle7 septembre2007)
20 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Cependant,lasurviedeshabitantsnepeuteffacertouslesproblèmescausésparl’avan-
céedelameretlesinondationsrécurrentes.L’agriculturesouffredelasalificationrépétée
desterresquin’ontplusletempsdeserégénéreretdontlaproductivitédiminue.Lebétail
nepeutpassurvivreàdesinondationstropimportantes.L’intrusiond’eausaléedansles
puitsetlesaquifèresmenacel’approvisionnementeneaupotableeteneaud’irrigation.
Cesproblèmessontd’autantplusgravesquelamajoritédelapopulationdanslesrégions
menacées,lapartielapluspauvredelapopulationduBangladesh,dépenddel’agricul-
ture(63 %pourl’ensembleduBangladesh).Lesmilieuxnaturelsetlabiodiversitésont
égalementenpéril.Undesmilieuxnaturelsuniquessontlessunderband,grandesforêts
demangrovessurlacôteouestduBangladesh,quiabritentdenombreusesespèces,
dontl’emblématiquetigreduBengale,etquisont,commelaplupartdesforêtsdeman-
grovesaumonde,menacéesparl’augmentationduniveaudelamer.
UneadaptationtechnologiqueàgrandeéchellecommeauxPays-Bas(voirlasection
suivante)estdifficilementimaginableetseraitassociéeàuncoûtd’opportunitéconsi-
dérable.Parexemple, le coûtdes75 projetsd’endiguementprévusactuellementau
Bangladeshàl’aidedefinancementsinternationauxpourseprémunircontredenouvel-
lesinondationsestde10milliardsdedollarsaméricains,cequiéquivautà16 années
d’éducationprimaireetsecondairedanslepaysentier(Milmillan,1997).
Aulieudecela,l’adaptationviseessentiellementàréduirelavulnérabilitédelapopula-
tion,plutôtqued’essayerd’endiguerlescatastrophes.Celasetraduitpardesajustements
structurelsdansledomainedel’agriculture,favorisantdesespècesmoinsàrisque,une
intégrationdesmarchésintérieurs,l’augmentationdesimportationsdenourritureetla
transitiondeladépendanceàl’agriculturepardesdenréesexportablesàplushaute
valeurtellesquelesvêtements(Stern,2006).L’attributiondecréditsetsurtoutdemicro-
créditsestnécessairepourrendrecedéveloppementpossible(ODI,2005).
LasituationduBangladeshn’estpasunique.D’autrespayscommelaChineoul’Inde
seraientégalementmenacés.Lepaysleplustouchéquantàsasuperficieseraitl’Indo-
nésie,dont40 %duterritoireseraitmenacéparuneélévationduniveaudelamerde
1 malorsqu’enmoyennemondiale,3 %duterritoireet30 %desterresparmilesplus
fertilesseraientmenacés(AyresetWalter,1991).
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES21
4.3 Les Pays-Bas – affluence et vulnérabilité
4.3.1 Lasituation
La situation géographique des Pays-Bas est d’une précarité comparable à celle du
Bangladeshpuisqu’uneimportantepartiedecepayssetrouveendessousduniveaude
lamer.Laraisonenestquedesterritoiresentiers–appeléspolders–ontétégagnéssur
lamergrâceàunprogrammedeconstructiondediguesetd’assèchementdu terrain
(figure 9).Lepoint leplusbasdesPays-Bas, leZuidplaspolder,sesitue7 mètresau-
dessousduniveaudelamer.Lepayscompte16 millionsd’habitantsetsalignedecôteest
de450 kilomètres.LePIBdesPays-Basétait,en2006,de31 7000 dollarsaméricains.
Figure9Carte des Pays-Bas montrant les territoires gagnés sur la mer depuis les années 1930.Source :USGS.
22 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
4.3.2 Lesstratégiesd’adaptation
AucontraireduBangladesh,lastratégiedesPays-Basvis-à-visdel’augmentationdu
niveaudelamerreposepresqueentièrementsurlaconstructiondediguesetdebarra-
ges.Selonlavulnérabilitédeszonesàprotéger,lesbarragessontconstruitspourrésis-
teràdescruesde10 000 ans(cruesseproduisantstatistiquementunefoistousles
10 000 ans)danslesrégionsàhautrisquetellesquecellesabritantlesgrandesvilles
AmsterdametRotterdamavecl’aéroportdeSchiphol,undesplusgrandsenEurope,et
leportdeRotterdam,undesplusimportantsenEurope.Dansdeszonesmoinspeuplées
etd’uneimportanceéconomiquemoindre,unrisqued’inondationplusélevéest jugé
acceptable.Certainsbarragescomportentdesportesrelevablespourpermettrelacir-
culationd’eauentrel’océanetleseauxintérieures.
Laconstructiondebarragesà cetteéchelle soulèvecependantplusieursproblèmes
environnementauxetsociaux.Lesdiguesetlesbarragesontunprofondimpactsurle
paysageetcontribuentàartificialisercelui-ci.Lesplagessituéesenavaldesdiguessont
soumisesàuneérosionaccrue,cequilimiteleurusagepourlesactivitéshumaines,et
ontaussiunimpactsurlesécosystèmesmarins,puisquelesplagesreprésententdes
lieuxdereproductionetd’alimentationpourplusieursespèces.Leseauxintérieures,si
ellessontisoléestropsouventdel’océan,nepeuventpassepurifiersuffisamment.Ce
problèmeestaggravéparlesfortesconcentrationsenpolluantsetenfertilisants,char-
riéespar lescoursd’eaudepays industrialisés.Ainsi, ceseaux risquentdedevenir
eutrophiéesetpolluées.Cesmesuressontcoûteuses.LesPays-Basdépensentchaque
année400 millionsd’eurospourlaprotectiondeleurcôte.Cependant,lesdommages
évitéssontestimésà1,7 milliardd’euros.
4.4 Autres exemples d’adaptation en Europe
D’autrespayseuropéensadoptentdesstratégiessimilairesauxPays-Basaveclesmêmes
interrogationsenvironnementalesetsociales.EnAngleterre,degrandsbarragesmobiles
ontétéconstruitssurlaTamisepouréviterdesinondationscommecellede1953,ayant
causé307 décès,30 000 évacuationsetdesdommagesde5 milliardsdelivressterling
ainsiqueprèsde2000 victimesauxPays-Bas.Actuellement,cesbarrièresoffrentune
protectionsuffisante.Selonlesprévisions,ellesrésisterontàuneinondationde1000 ans
(inondationseproduisantstatistiquementune fois tous les1000 ans) jusqu’en2030.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES23
Mais,d’iciàlafinduXXIe siècle,elless’avérerontinsuffisantespouruneinondationde
50 ans,siellesnesontpasrenforcées.L’augmentationduniveaudelamerpourraitfaire
augmenterlescoûtsdemaintiendesbarrièresde3,8à6,8 milliardsdelivressterling
surunsiècle.
L’Italieaentreprisungigantesqueprojetdeconstructiondebarrageshydrauliquesdans
lestroisentréesdelalagune(figure10),afindeprotégerlavilledeVenise,bâtieautour
decanaux,patrimoinehistoriquedel’UNESCO.
Figure10Lagune de Venise. Source :IFREMER.
Ceprojet,appeléleprojetMoïse,aétéextrêmementcontesté.Venise,bâtieauniveau
delamer,oùlescanauxagissentàtitrederues,estd’autantplusmenacéeparl’aug-
mentationduniveaudelamerquelavilleconstruitesurdesmilliersdepieuxenbois
s’enfonce lentementdans lesolmeuble.Ainsi, les inondationsqui touchent laplace
Saint-Marc ont augmenté d’une fréquence de moins de 10 fois par an au début du
XIXe siècleàpresque100 foisen1996(Stern,2006).LeprojetMoïsepermettradeblo-
querl’accèsauxondesdetempêtesetdemarée,quandcelaseranécessaire,àl’aide
debarrageshydrauliques(figure11).Sicessituationsseproduisenttropfréquemment,
Passe du LidoVenise
Passe du Malamocco
Passe de Chioggia
entrée d'air comprimée
merlagon
eau évacuée
24 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
lalagunedeVenisesetrouverapresqueconstammentisoléedelameretl’eaunepour
pluss’yrenouveler,causantdesproblèmesd’eutrophisationetd’accumulationdepol-
luants.Deplus,lesbarrageshydrauliquessontconçuspouruneélévationduniveaude
lamerde20 cm,quirisqued’êtredépasséebienavantlafindusiècle.
Figure11Barrages hydrauliques à l’entrée de la lagune de Venise.Source : IFREMER.
4.5 Les déterminants du choix des stratégies d’adaptation
Danslechoixdesstratégiesd’adaptationetladéterminationdelavulnérabilité,larichesse
d’unpaysestunfacteurimportant.Lesdommagesdanslespaysindustrialisésatteignent
souventdesmontantsimportantsquijustifientlaconstructiondestructuresdeprotection
onéreuses.CommedanslecasdesPays-Bas,lesmesuresdeprotectionévitentdes
dommagesévaluésàun milliardd’eurosparan. Il aétéestiméque l’inondationde
Londrescauseraitdesdommagesde50 milliardsdelivressterling,surunevaleurtotale
assuréede125 milliardsdelivressterling.Autotal,lescoûtsannuelsdusauxinondations
enEuropepourraientaugmenterde10 milliards dedollarsaméricainsparan,dansles
années2000à2010,de120à150 milliards dedollarsaméricainsparan,d’iciàlafin
duXXIesiècle,oude20 milliardsdedollarsaméricainsparan,silesinfrastructuresde
protectionsontrenforcées.
Lesdommages,quandilssontexprimésentermesfinanciers,apparaissentmoinsélevés
danslespaysmoinsrichesquedanslespaysriches,àcausedel’absenced’infrastruc-
turesimportantesetdelavaleurmoinsélevéedesterrainsetdesbiens.Cependant,
Passe du LidoVenise
Passe du Malamocco
Passe de Chioggia
entrée d'air comprimée
merlagon
eau évacuée
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES25
puisque lePNBdecespaysestmodesteetque leuréconomiedépendsouventen
grandepartiedesressourcesnaturelles,l’impactdel’augmentationduniveaudelamer
pourlespopulationsestplusimportant,commel’illustreletableau 1.
Tableau1Pourcentage du PNB perdu à la suite d’une augmentation
de 38 à 55 cm du niveau de la mer
Pays Perte de PNB
États-Unis 0,02 %
Pays-Bas 0,03 %
Grande-Bretagne 0,1à0,3 %
Maldives 34 %
Tuvalu 14,4 %Source :ChiffresdeIPCC-CZMS,1990,dansFAO1998.
Il fautaussiconsidérerque l’impact financierneprendpasencomptebeaucoupde
facteursessentielsdanslespaysenvoiededéveloppement,commel’autarciealimen-
taire,leseffetssurlasanté,l’absenced’assurancesfinancièresetd’aideétatique.
RÉFÉRENCES
Antonov,J.I.,Levitus,S.,Boyer,T.P.2005.Thermostericsealevelrise,1955-2003.Geophysical Re-search Letters,32,L12602,doi : 10.1029/2005GL023112.
Arendt,A.A.,Echelmeyer,K.A.,Harrison,W.D.,Lingle,C.S.,Valentine,V.B.2002.RapidwastageofAlaskaglaciersandtheircontributiontorisingsealevel.Science,297,382-386.
Ayres,R.U.,Walter,J.1991.Thegreenhouseeffect :Damages,costsandabatement.Environmental Research Economics, 1,237-270.
Bindschadler,R.2006.Hittingtheicesheetswhereithurts.Science,311,1720-721.
Cuffey,K.M.,Marshall,S.J.2000.Substantialcontributiontosea-levelriseduringthelastinterglacialfromtheGreenlandicesheet.Nature, 404,591-594.
Daigle,R.2006.Impacts de l’élévation du niveau de la mer sur la côte sud-est du Nouveau-Brunswick.Rapportduprojetrecherchepiloted’EnvironnementCanada.
26 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Davis,C.H.,Li,Y.,McConnell, J.R.,Frey,M.M.,Hanna,E.2005.Snowfall-drivengrowth inEastAntarcticicesheetmitigatesrecentsea-levelrise.Science,308,1898-1901.
Ekström,G.,Nettles,M.,Tsai,V.C.2006.SeasonalityandincreasingfrequencyofGreenlandglacialearthquakes.Science,311,1756-1758.
Gleckler,P.J.,AchutaRao,K.,Gregory,J.M.,Santer,B.D.,Taylor,K.E.,Wigley,T.M.L.2006.Kraka-toalives :Theeffectofvolcaniceruptionsonoceanheatcontentandthermalexpansion.Geophy-sical Research Letters, 33,L17702,doi :10.1029/2006GL026771.
HadleyCentre.1999.Climatechangeanditsimpacts:StabilisationofCO2intheatmosphere,[Enligne]. http://www.metoffice.gov.uk/research/hadleycentre/(Consultéle7septembre2007)
IPCC.2001.Climatechange2001:Thephysicalscientificbasis.IPCC,[Enligne]. http://www.ipcc.ch(Consultéle7septembre2007)
Joughin,I.2006.Greenlandrumbleslouderasglaciersaccelerate.Science,311,1719-1720.
Kaser,G.,Cogley,J.G.,Dyurgerov,M.B.,Meier,M.F.,Ohmura,A.2006.Massbalanceofglaciersandice caps : Consensus estimates for 1961-2004. Geophysical Research Letters, 33, L19501,doi : 10.1029/2006GL027511.
Krabill,W.,Abdalati,W.,Frederick,E.,Manizade,S.,Martin,C.,Sonntag,J.,Swift,R.,Thomas,R.,Wright,W.,Yungel,J.2000.Greenlandicesheet :High-elevationbalanceandperipheralthinning.Science,289,428-430.
LeMonde.2007.AuBangladesh,ledernierbilanducycloneSidrfaitétatde3 500 morts,Le Monde,20 novembre.
Meier,M.F.,Dyurgerov,M.B.2002.HowAlaskaaffectstheworld.Science,297,350-351.
Milmillan,J.D.1997.Blesseddamsordamneddams?Nature,365,325.
Murray,T.2006.Greenland’siceonthescales.Nature, 443,277-278.
Otto-Bliesner,B.L.,Marshall,S.J.,Overpeck,J.T.,Miller,G.H.,Hu,A.2006.Simulatingarcticclimatewarmthandicefieldretreatinthelastinterglaciation.Science,311,1751-1753.
OverseasDevelopmentInstitute(ODI).2005.Aftershocks :Naturaldisasterriskandeconomicdevelop-mentpolicy.ODI Briefing Paper, novembre.
Radio-Canada.2008.Les10principalescriseshumainesen2007.Macadam Tribus,12janvier.
Rignot, E., Kanagaratnam, P. 2006.Changes in the velocity structure of the Greenland ice sheet.Science,311,986-990.
Rignot,E.,Rivera,A.,Casassa,G.2003.ContributionofthePatagoniaicefieldsofSouthAmericatosealevelrise.Science,302,434-437.
MODULE 3|LESIMPACTSDESCHANGEMENTSCLIMATIQUES27
rp-online.2007.Orkan« Britta »hatneueMa�st�begesetzt :18MeterhoheExtremwelleninderNord-2007.Orkan« Britta »hatneueMa�st�begesetzt :18MeterhoheExtremwelleninderNord-see.Rheinische Post Online,20avril.
SchøttHvidberg,C.2000.WhenGreenlandicemelts.Nature, 404,551.
Stern,N.2006.Sternreviewontheeconomicsofclimatechange.Independent report to H. M. Treasury of the United Kingdom,[Enligne].
http://www.hm-treasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/stern_review_report.cfm(Consultéle7septembre2007)
Taylor,R.G.,Mileham,L.,Tindimugaya,C.,Majugu,A.,Muwanga,A.,Nakileza,B.2006.Recentglacialrecession in theRwenzorimountainsofEastAfricadue torisingair temperature.Geophysical Research Letters, 33,L10402,doi :10.1029/2006GL025962.
Thomas,R.,Rignot,E.,Casassa,G.,Kanagaratnam,P.,Acuña,C.,Akins,T.,Brecher,H.,Frederick,E.,GogineniP.,Krabill,W.,Manizade,S.,Ramamoorthy,H.,Rivera,A.,Russell,R.,Sonntag,J.,Swift,R.,Yungel,J.,Zwally,J.2004.Acceleratedsea-levelrisefromWestAntarctica.Science,306,255-258.
Velicogna,I.,Wahr,J.2006a.AccelerationofGreenlandicemasslossinspring2004.Nature,443,329-331.
Velicogna, I.,Wahr,J.2006b.Measurementsof time-variablegravityshowmass loss inAntarctica.Science,311,1754-1756.