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MASTER II CONTRATS PUBLICS & PARTENARIATS – 2012/2013 UNIVERSITE MONTPELLIER 1 - FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE LES AVANCES DANS LE CODE DES MARCHES PUBLICS Un exemple de contradiction de la règle du service fait Kelly REFALLO BNDPA 2013, MEM. 6 MÉMOIRE SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR LE PROFESSEUR ETIENNE DOUAT

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MASTER II CONTRATS PUBLICS & PARTENARIATS – 2012/2013

UNIVERSITE MONTPELLIER 1 - FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

LES AVANCES DANS LE CODE DES

MARCHES PUBLICS

Un exemple de contradiction de la règle du service fait

Kelly REFALLO

BNDPA 2013, MEM. 6

MÉMOIRE

SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR LE PROFESSEUR ETIENNE DOUAT

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Liste des abreviations et sigles

BGCP : Décret relatif à la gestion budgétaire et à la comptabilité publique

CCAG : Cahier des clauses administratives générales

CCTP : Cahier des clauses techniques particulières

CE : Conseil d’Etat

CDBF : Cour de discipline budgétaire et financière

CJA : Code de justice administrative

DAJ : direction des affaires juridiques

HT : Hors taxe

OPR : Opérations préalables à la réception

PME : Petite ou moyenne entreprise

RAPO : Recours administratif préalable obligatoire

RGCP : Décret portant règlement général de la comptabilité publique

RPP : Responsabilité personnelle et pécuniaire

SBA : Small Business Act

TTC : Toutes taxes comprises

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Sommaire

Remerciements .................................................................... Erreur ! Signet non défini.

Liste des abréviations et sigles ....................................................................................... 1

Sommaire ....................................................................................................................... 2

Introduction ............................................................................................................. 4

A. Les acomptes ............................................................................................................ 8

1. Historique des acomptes .............................................................................................. 8

2. Les conditions .............................................................................................................. 9

B. Les avances ............................................................................................................ 11

1. Historique des avances .............................................................................................. 11

2. Problématique causée par le système du paiement par avances ................................ 13

Titre I, Une contradiction strico sensu. .................................................... 15

Chapitre 1. La règle du service fait : entre significations et implications ............... 15

Section 1. La règle du service fait : une obligation .............................................................. 16

A. Les conditions d’existence d’une dette publique : la signature et l’exécution du

contrat ............................................................................................................................... 16

B. L’obligation de paiement d’une dette publique : résultat de l’existence d’une dette

publique ............................................................................................................................. 21

Section 2. La règle du service fait : une interdiction ............................................................ 26

A. La responsabilité pécuniaire et personnelle du comptable public.......................... 26

B. La mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public

30

Chapitre 2. La conception restrictive de la règle du service fait et son

impact économique .............................................................................................................. 33

Section 1. Une interprétation stricte du service fait au nom du bon usage des deniers publics

.............................................................................................................................................. 33

A. Le service fait stricto sensu .................................................................................... 33

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B. Une nécessité apparente pour assurer une bonne utilisation des deniers publics .. 38

Section 2. Un impact économique négatif : la mise à l’écart des PME ................................ 41

A. Une protection du bon usage des deniers publics au détriment du principe de libre

accès à la commande publique .......................................................................................... 41

B. Une censure dans l’interprétation de la règle du service fait néfaste au bon usage

des deniers publics ............................................................................................................ 44

Titre II, Une compatibilité effective entre la règle du paiement

après service fait et les avances. ................................................................... 46

Chapitre 1. Le paiement de l’avance justifié par un service fait .............................. 46

Section 1. L’existence d’une contreprestation… .................................................................. 48

A. La soumission des avances à la TVA…................................................................. 48

B. … Révélatrice de l’existence d’un service fait ...................................................... 50

Section 2. … Conditionné par un assouplissement de la notion de service fait ................... 54

Chapitre 2. Un assouplissement compensé par des garanties .................................... 55

Section 1. Les conditions d’octroi des avances .................................................................... 55

A. Les garanties relatives au contrat ........................................................................... 56

B. Les garanties financières protectrices des deniers publics ..................................... 61

Section 2. Le maintien des garanties même en période exceptionnelle ............................... 63

A. Un nouvel assouplissement indispensable aux PME ............................................. 63

B. A nouvel assouplissement, nouvelle garantie ........................................................ 67

Conclusion .............................................................................................................. 70

Annexes .................................................................................................................... 78

Acte d’engagement ........................................................................................................... 78

Dossier de chantier ............................................................................................................ 84

Cahier des clauses administratives particulières ............................................................... 90

Bordereau de prix unitaires ............................................................................................. 108

Tableau prévisionnel ....................................................................................................... 112

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Introduction

L’article 1235 Code civil dispose que « tout payement suppose une dette : ce qui a été

payé sans être dû, est sujet à répétition. »

Cette disposition du Code civil, promulguée le 17 février 1804, est restée figée dans sa

rédaction issue du Code Napoléon. Cette règle, de droit privé, a largement inspiré le droit

public, notamment le droit de la comptabilité publique qui l’a transformé en une règle du

paiement après service fait selon laquelle une personne publique1, ne peut procéder à un

paiement qu’après que le service pour lequel elle paie ait été réalisé ou exécuté.

Sous l’impulsion de Joseph de Villèle (1773-1854) et l’aide technique de Charles-

Louis-Gaston, marquis d’Audiffret (1787-1878), est approuvée l’ordonnance royale du 14

septembre 1822, « pierre angulaire de la comptabilité publique »2 qui énonce, pour la

première fois, cette règle du paiement après service fait. L’article 10 de l’ordonnance impose,

en effet, aux comptables publics la fourniture de pièces justificatives de sorte que les mandats

de paiement doivent être accompagnés, pour les dépenses de matériel, de décomptes de

livraison, de règlement et de liquidation énonçant le service fait et la somme due pour à

compte ou pour solde.

Adoptée par la force des négociations et de luttes entre les anciens et les réformateurs,

cette ordonnance fut actualisée quelques années après. Ainsi, dans une période politique plus

favorable à l’exécution des principes budgétaires et comptables, ladite disposition a été

maintenue dans l’ordonnance de 18383 présentée au roi par son très humble, très obéissant et

très fidèle serviteur ministre secrétaire d’Etat des finances, Jean-Pierre Joseph Lacave

Laplagne4.

1 Cette personne publique peut être l’Etat ou ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales et

leurs établissements publics ou les groupements de collectivités (communauté d’agglomération, communauté de

communes, etc.) depuis la loi de décentralisation du 2 mars 1982. 2 Michel Bottin, « Villèle et le contrôle des dépenses publiques : l'ordonnance du 14 septembre 1822 », IGPDE,

2010 3 Article 65 de l’ordonnance du 31 mai 1838 portant règlement général sur la comptabilité publique

4 Rapport au roi sur l’ordonnance du 31 mai 1838

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En 1862, la règle du service fait est explicitement énoncée en ces termes : « Aucun

paiement ne peut être effectué qu’au véritable créancier justifiant de ses droits et pour

l’acquittement d’un service fait ».5

Un siècle plus tard, le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement

général sur la comptabilité publique vient confirmer cette règle ancestrale dans plusieurs de

ses dispositions, notamment dans son article 33 selon lequel « sous réserve des exceptions

prévues par les lois et règlements, le paiement ne peut intervenir avant l’échéance de la

dette, l’exécution du service… », le paiement étant « l'acte par lequel une personne morale se

libère de sa dette ». Ces dispositions ont par ailleurs été reprises, mot pour mot, en 20126.

En droit de la comptabilité publique, l’existence et la perpétuelle réitération de cette

règle peut s’expliquer, notamment, par deux considérations.

La première considération tient à la protection des deniers publics. Comme le

rappelle fort justement Marcel Merle7, les dépenses sont réalisées au moyen des recettes et

celles-ci sont « en majeure partie prélevées sur le patrimoine des particuliers par le

mécanisme de l’impôt. Elles doivent donc correspondre à des dépenses réalisées dans l’intérêt

général et non dans un intérêt particulier »8 et en conséquence exister avant tout paiement.

La seconde considération tient en la possibilité pour la personne publique de

détenir un moyen de pression à l’encontre de son cocontractant.

« L’exécution préalable du service permet de constituer entre les mains de

l’Administration un gage qui la prémunit contre un tel risque. »9 Le fait de ne procéder au

paiement qu’après exécution de la prestation contractuelle constitue en effet un moyen de

5 Article 10 du décret du 31 mai 1862 portant nouveau règlement général sur la comptabilité publique, Recueil

Duvergier, p.310 6 Article 33 du décret n°2012-1246 relatif à la gestion budgétaire et la comptabilité publique du 7 nov. 2012

7 Marcel-Louis Merle (1923-2003). Devenu docteur en droit en 1948 avec une thèse sur « le procès de

Nuremberg et le châtiment des grands criminels de guerre », il fut également diplômé de l’Ecole libre des

sciences politiques. Agrégé de droit public en 1950, il enseigna notamment à l’IEP de Paris et à l’ENA. Il fut

également expert auprès des Nations Unies, vice président de l’Association internationale de science politique et

auteur de nombreux ouvrages et articles. 8 Marcel Merle, « La règle du paiement après service fait », Revue de science et de législation financière, 1950,

p. 431 9 Marcel Merle, art. préc. p.433

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pression particulièrement efficace pour la personne publique à l’encontre de son partenaire

(entrepreneur, fournisseur, agent public). La personne publique doit donc exiger que la

prestation contractuelle soit exécutée a priori et, qui plus est, dans le respect des dispositions

contractuelles.

Paradoxalement, bien que consacrée, confirmée et brandie par les décrets successifs

depuis près de deux cents ans, la règle du paiement après service fait ne jouit pas d’une

définition claire et définitive. C’est pourquoi Paul Amselek en parle comme d’une « fausse

notion claire » ou comme d’une « institution financière en clair-obscur »10

.

Bien que « clair-obscur », Paul Amselek a su définir cette règle. Selon lui, il s’agit

d’une règle de la comptabilité publique qui « interdit les paiements de dépenses

publiques avant que les bénéficiaires aient exécuté les prestations qui en sont les

contreparties. »11

Cela signifie que la créance du partenaire doit être non seulement née mais

également échue et exigible.

Cette règle permet ainsi de censurer ou d’encadrer des pratiques qui pourraient mettre

en péril la bonne utilisation des deniers publics ; ces pratiques pouvant notamment consister

dans le fait d’accorder des acomptes ou des avances au partenaire de l’Administration.

Les acomptes et les avances sont des techniques de financement par l’Administration

qui sont notamment prévues par le Code des marchés publics. Nous allons, en effet, nous

limiter aux dépenses engagées par l’Administration dans le cadre des marchés publics et ne

pas envisager la question de la règle du paiement après service fait dans le cadre d’autres

contrats de la commande publique ou dans le cadre des dépenses de personnel c’est-à-dire

dans le cadre de la fonction publique.12

10

Paul Amselek, Etudes de droit public, Editions Panthéon Assas, 2009, p.483 11

Paul Amselek, op. cit., p.485 12

En droit de la fonction publique, cette règle du paiement après service fait est appelée « règle du traitement

après service fait ». La règle est issue du décret du 31 ai 1862 et appliquée avec constance par le Conseil d’Etat

depuis 1933 (CE, Ass., 7 avril 1933, Deberles c/ Commune d’Haillicourt). Le service fait implique d’une que le

fonctionnaire doit effectuer ses obligations de service et d’autre part, que le service doit être correctement fait

(loi n°77-826 du 22 juillet 1977, JO du 23 juillet 1977 page 3892). Cette règle du traitement après service fait

admet des dérogations en ce que le fonctionnaire peut continuer à percevoir son traitement durant ses congés et

même lorsqu’il fait l’objet d’une mesure de suspension.

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Ce financement par l’Administration s’explique par le fait que rares sont, en pratique,

les titulaires de marchés13

qui ont les fonds propres (argent apporté par les actionnaires à la

société) ou les quasi fonds propres (titres et créances s’apparentant aux capitaux propres d’une

entreprise c’est-à-dire émis ou créés par l’entreprise) nécessaires pour prendre en charge les

dépenses découlant de l’exécution du marché (dépenses de personnel, dépenses de matériel,

assurances, impôts et taxes directs dus pour la réalisation des ouvrages, etc.). Ces entreprises

doivent donc en passer par l’endettement.

La dette cédée Dailly (ou cession de créances Dailly) est la source de financement la

plus répandue car le risque supporté par le débiteur est faible. Créée par la « loi Dailly »14

, il

s’agit d’une technique qui consiste pour le titulaire à céder la créance qu’il détient sur un

pouvoir adjudicateur à un établissement de crédit ou à un fournisseur pour obtenir des

liquidités (un prêt) ou des fournitures. Les conditions de sa mise en œuvre sont prévues par les

articles L.313-23 et suivants du Code monétaire et financier complétés par l’article 106 du

Code des marchés publics15

.

Pour les marchés publics locaux, le crédit d’équipement des petites et moyennes

entreprises (CEPME)16

octroie des crédits à des taux préférentiels aux PME. L’article 111 du

Code des marchés publics dispose que « lorsqu'OSEO BDPME envisage d'accorder des

avances de trésorerie au bénéfice des titulaires des marchés soumis aux dispositions du

présent code ou au bénéfice de leurs sous-traitants ayant droit au paiement direct, il peut

obtenir du pouvoir adjudicateur toute pièce justificative validant l'existence de la créance

financée. » OSEO BDPME participe donc au financement des marchés publics et par

extension, au financement de la commande publique.

13

Le titulaire est l’opérateur économique qui conclut le marché avec le représentant du pouvoir adjudicateur. En

cas de groupement des opérateurs économiques, le « titulaire » désigne le groupement, représenté par son

mandataire. 14

Loi n°81-1 du 2 janvier 1981 dite « loi Dailly » en référence au sénateur initiateur de la loi modifiée par la loi

n°84-4 du 24 janvier 1984 15

Direction des affaires juridiques, « La cession de créances issues d’un marché public », Le moniteur, 23

novembre 2012, p.29 16

Le crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises a été créé par le décret n°80-1077 du 23 décembre

1980 approuvant les statuts de la société dite Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, modifié

par le décret no 84-494 du 12 juin 1984. Son ancêtre est la caisse nationale des marchés de l’Etat qui avait été

créée par le Front populaire en 1936.

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Cependant, l’inconvénient principal du recours au crédit pour le titulaire du marché est

qu’il a un coût (les intérêts à rembourser au créancier). Il est donc plus intéressant pour le

titulaire de demander ou d’exiger, sous certaines conditions, au pouvoir adjudicateur de lui

octroyer un acompte (A) et / ou une avance (B).

A. Les acomptes

Les acomptes sont un mécanisme par lequel le titulaire du marché public peut exiger

du pouvoir adjudicateur le paiement d’un acompte dès lors qu’il a exécuté une partie des

prestations contractuellement prévues.

1. L’historique des acomptes

Le paiement par acompte a été instauré par l’ordonnance du 31 mai 1862 qui prévoit

que : « Aucun marché, aucune convention pour travaux et fournitures ne doit stipuler

d’acomptes que pour un service fait. Les acomptes ne doivent pas excéder les cinq sixièmes

des droits constatés par pièces régulières présentant le décompte du service fait, à moins que

des règlements spéciaux n’aient exceptionnellement déterminé une autre limite. »17

.

Tel qu’il découle des dispositions de l’ordonnance du 31 mai 1862, l’acompte est

facultatif. Il ne s’agit, à cette époque, que d’une faveur à laquelle le pouvoir adjudicateur peut

se prêter par le biais du contrat le liant au titulaire du marché. En conséquence, les clauses

contractuelles relatives auxdits acomptes étaient interprétées strictement par le juge

administratif (CE, 3 février 1911, Ville de Marseille, Rec. p.158).

Puis, dans un domaine bien particulier, les acomptes sont devenus obligatoires ; il

s’agit des marchés relatifs à la défense nationale18

. Cette obligation est une conséquence

logique des circonstances. En effet, en période de guerre, l’Etat a du rendre les acomptes

obligatoires en raison des conditions économiques difficiles auxquelles faisaient face les

entreprises, en particulier les entreprises d’armement qui n’avaient pas les ressources

financières suffisantes pour procéder à la construction des équipements nécessaires.

17

Article 13 du décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique 18

Décret du 21 janvier 1916

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Enfin, les acomptes ont été étendus à l’ensemble des marchés, qu’ils soient conclus

par l’Etat19

ou par les collectivités territoriales20

. Cette généralisation, découlant des

circonstances tenant à la seconde guerre mondiale, fait du paiement par acompte un droit

pour le cocontractant et n’est donc plus une simple faveur consentie par le pouvoir

adjudicateur.

2. Les conditions

L’instruction ministérielle du 14 octobre 1939 exigeait un transfert de propriété c’est-

à-dire qu’on ne considérait qu’il y avait service fait qu’à la condition que les prestations

effectuées puissent être transférées au pouvoir adjudicateur. « Cela se concevait aisément pour

les matériaux, outillages dont l’approvisionnement ouvrait droit à versement d’acomptes. Dès

lors que la nature de la prestation ne se prêtait pas à ce transfert de propriété, il ne pouvait être

consenti que des avances au bénéficiaire d’un contrat. »21

Puis cette clause de transfert a été abandonnée en 195322

, rendant le régime de

l’acompte plus favorable au titulaire du contrat. Le catalogue des prestations ouvrant droit à

versement d’acomptes s’est alors considérablement enrichi.

Dans le Code des marchés publics, dans sa version en vigueur, le versement de

l’acompte est un droit pour le cocontractant de l’Administration dès lors que sont respectées

les conditions fixées par l’article 91. Mais à charge pour le titulaire du marché d’établir et de

transmettre sa demande d’acompte chiffrée (accompagnée des pièces justificatives permettant

d’établir son droit au versement et son montant) qui sera acceptée par la personne responsable

du marché.

La première condition est un début de prestation. Cette condition est constante

depuis l’instauration des acomptes, en 1862. L’article 91 du Code des marchés publics

dispose : « Les prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution du marché

ouvrent droit à des acomptes. »

19

Article 3 du décret-loi du 2 mai 1938 relatif au budget 20

Décret-loi du 12 novembre 1938 21

Gérard Lupi, art. préc., p.699 22

Décret n°53-405 du 11 mai 1953, JO, 12 mai 1953, p.4316 et s.

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Pour Mathieu Loriou, les acomptes étant soumis à un début d’exécution, il s’agit du

paiement de l’entreprise en vertu de la règle du service fait.23

Dans le même esprit, un demi-

siècle plus tôt, Marcel Merle affirmait que le système du paiement par acomptes ne

méconnaissait pas la règle du service fait et n’en constituait qu’un simple assouplissement.24

Le Professeur Gérard Lupi est plus ferme sur la question. Selon lui, le paiement par

acomptes constitue un « abandon partiel du principe » du paiement après service fait25

.

Cependant, il semble que le système des acomptes est en adéquation avec la règle du

service fait. En effet, la condition sine qua non pour que le pouvoir adjudicateur procède au

paiement de l’acompte est l’exécution préalable d’une partie des prestations contractuelles ce

qui correspond à la définition du service fait. De plus, le montant de l’acompte versé au

cocontractant ne peut être supérieur au montant des prestations réalisées sous peine que ce

dernier soit condamné par le juge administratif (CE, 4 janvier 1928, Société Fournier, Rec.,

p.23 ; CE, 8 novembre 1985, Entreprise Ozilou, Rec. CE 1985, p.317 ) à la répétition de

l’indu. Cette proportionnalité entre le montant de l’acompte et la valeur des prestations

exécutées est significative du respect de la règle du service fait.

La deuxième condition est la durée d’exécution du contrat. L’article 91 du Code

des marchés publics prévoit qu’en principe, la périodicité du versement des acomptes est de

trois mois. Une exception est prévue pour les marchés publics de travaux dont le titulaire est

une petite ou moyenne entreprise (PME), une société coopérative ouvrière de production, un

groupement de producteurs agricoles, un artisan, une société coopérative d’artisans, une

société coopérative d’artistes ou une entreprise adaptée ; dans ce cas, la périodicité du contrat

est automatiquement ramenée à un mois. Pour les marchés publics de fournitures et de

services, la périodicité peut être ramenée à un mois après demande du titulaire du marché. Le

fait de réduire la périodicité pour ces marchés s’explique par la politique économique

nationale d’accès par les PME à la commande publique.

Malgré les assouplissements successifs du régime des acomptes, il n’en reste pas

moins que le titulaire du marché doit avoir des capacités financières minimales pour pouvoir

23

Mathieu Loriou, « L’exécution des marchés publics », Dalloz, 2012 24

Marcel Merle, art. préc., p.438 25

Gérard Lupi, art. préc., p.701

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exécuter une fraction des prestations contractuellement prévues puisque le paiement de

l’acompte est strictement soumis à l’existence d’un service fait. Cela peut donc constituer un

frein pour les entreprises qui sont plus sensibles au système du paiement par avances qui n’est

pas conditionné par un début d’exécution.

B. Les avances

L’avance est le versement d’une provision par le pouvoir adjudicateur à son partenaire

avant tout début d’exécution du contrat.

L’avance tend à rembourser immédiatement au titulaire des dépenses qu’il doit

engager pour assurer la préparation du marché.

1. L’historique des avances

Au vu de la problématique des acomptes (accomplissement par le titulaire du marché

d’une fraction des prestations contractuelles), il était nécessaire « de faciliter aux

entrepreneurs la réunion et la mise en œuvre des moyens de travail indispensables »26

, d’où

l’instauration d’un système de règlement par avances.

Le système de règlement par avances a été instauré durant la première guerre

mondiale27

. Crées par le même décret que les acomptes, elles lui doivent également leur

caractère temporaire. En effet, les entreprises d’armement ne pouvaient pas supporter les

dépenses et avaient besoin de ressources extérieures pour commencer à exécuter les contrats.

Cette limitation du système dans le temps s’explique certes par les circonstances mais

également par le fait qu’il n’apparaissait plus concevable après la guerre que l’Etat se

comporte comme une personne privée en accordant des avances (ou des acomptes) à l’instar

des établissements financiers mais sans la contrepartie dont bénéficient ces établissements (les

intérêts). D’autant que les avances constituent une dépense publique financée par les recettes

de l’Etat et ces recettes sont constituées par le biais de l’impôt c’est-à-dire par le contribuable.

26

Marcel Merle, art. préc., p.439 27

Loi du 27 septembre 1915 et décret du 21 janvier 1916

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Puis le cahier des clauses et conditions générales du 21 novembre 193228

(article 69),

ancêtre du cahier des clauses administratives générales (CCAG), se voit insérer une

disposition autorisant l’octroi d’avances.

Mais c’est véritablement avec le décret du 19 mars 1939 que sont généralisées les

avances. Elles sont alors explicitement subordonnées à l’exécution d’un service fait, ledit

service fait étant entendu plus souplement que le service fait exigé dans le cadre du paiement

par acomptes.

Le décret du 11 mai 1953 précise que le pouvoir adjudicateur peut payer une avance

pour toute dépense engagée par le fournisseur ou l’entrepreneur.29

Le décret du 15 mars 1992 (décret n°92-1310, JO 18 décembre 1992) est venu

introduire dans le Code des marchés publics une distinction entre les avances forfaitaires et

les avances facultatives. L’avance forfaitaire est un versement effectué au titulaire du

marché avant le début d’exécution des marchés lorsque le montant du marché est supérieur à

90 000 € HT. L’avance facultative tend à rembourser au titulaire les dépenses qu’il a dû

engager pour assurer la préparation du marché. L’octroi d’une telle avance est une simple

possibilité pour le pouvoir adjudicateur. Le droit au versement d’une avance facultative est

simplement subordonné à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande30

.

Reprise en 200431

, cette distinction est finalement abandonnée en 2006 dans le

nouveau Code32

. Mais elle demeure de façon implicite et avec une portée différente33

.

28

Article 69 du cahier des clauses et des conditions générales du 21 novembre 1932 29

Article 4, 3° du décret du 11 mai 1953 30

Instruction pour l’application du Code des marchés publics, annexée au décret n°2001-210 du 7 mars 2001 31

Décret n°2004-15 du 7 janvier 2004, JO 8 janvier 2004 32

Décret n°2006-975 du 1er

août 2006, JO 4 août 2006 33

Pour plus de développement sur la question, cf. Titre 2, chapitre 2, section 1

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2. Problématique causée par le système du paiement par

avances

Depuis l’origine, une avance peut être octroyée sans qu’il soit imposé au titulaire du

marché d’avoir exécuté une part des prestations contractuellement prévues, contrairement au

paiement par acompte.

La règle du paiement après service fait semble alors mise à mal et provoque un débat

quant à l’existence ou non d’un service fait préalable au paiement de l’avance. Ainsi, si

certains auteurs considèrent que l’avance n’est pas justifiée par un service fait, pour d’autres,

il y a une contreprestation et donc un service fait.

Ainsi, Gérard Lupi, suivant la pensée de Gaston Jèze, considère qu’il n’y a pas de

service fait. Pour lui, si l’acompte est un abandon partiel de la règle du paiement après

service, l’avance est la preuve de son « abandon total »34

. Pour Paul Amselek, il n’y a service

fait que quand il y a eu réception définitive car la réception est la formalité essentielle par

laquelle l’Administration reconnaît que son cocontractant a accompli complètement et

correctement ses obligations contractuelles35

donc aucun service fait ne viendrait justifier le

paiement de l’avance.

Dans la même perspective, l’instruction annexée au Code des marchés publics de 2001

énonçait que l’avance forfaitaire étant un versement effectué aux titulaires avant le début de

l’exécution du marché, elle constitue en conséquence une dérogation au principe du service

fait. Pareillement, la direction des affaires juridiques (DAJ) a affirmé que le paiement par

avances constitue une dérogation à la règle du service fait36

car il déroge aux articles 20 et 33

du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (2012).

Cependant, cette opinion n’est pas partagée par le Professeur Marcel Merle ni par

Mathieu Loriou, attaché territorial et chargé d’enseignement à l’université de droit de La

Rochelle. Selon eux, le paiement par avances ne constitue pas une contradiction ou une

dérogation à la règle du paiement après service fait puisqu’il y a une contreprestation effective

34

Gérard Lupi, art. préc., p.701 35

Paul Amselek, op. cit., p.503 36

Direction des affaires juridiques, « Les avances », Le moniteur, 21 décembre 2012, P.12

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à un tel paiement. De plus, dans son décret de 1939, le pouvoir exécutif n’autorisait le

paiement par la voie de l’avance que parce que celle-ci était justifiée par un service fait, le

service fait n’étant pas entendu stricto sensu comme l’exécution du marché.

Le cas des avances est donc plus complexe que celui des acomptes. C’est pour cette

raison que nous allons nous interroger sur les conditions d’octroi de l’avance et sur le fait que

l’avance constitue ou non une dérogation à la règle du paiement après service fait.

Pour répondre à cette question, il conviendra de s’interroger sur la substance de la

règle du paiement après service fait, sur ses implications et ses applications. Il sera possible

d’observer que si l’on interprète strictement la règle du paiement après service fait, elle

semble interdire l’octroi d’avance (Titre 1). Cependant, les avances ne sont pas délivrées aux

titulaires des marchés publics « avant tout service fait » comme l’affirme la DAJ car il existe

une contrepartie effective et c’est ce que nous nous évertuerons à démontrer (Titre 2).

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Titre I.

Une contradiction strico sensu

Chapitre 1. La règle du service fait : entre significations et implications ......................... 15

Section 1. La règle du service fait : une obligation .............................................................. 16

Section 2. La règle du service fait : une interdiction ............................................................ 26

Chapitre 2. La conception restrictive de la règle du service fait et son impact

économique 33

Section 1. Une interprétation stricte du service fait au nom du bon usage des deniers publics

.............................................................................................................................................. 33

Section 2. Un impact économique négatif : la mise à l’écart des PME ................................ 41

Chapitre 1. La règle du service fait : entre

significations et implications

Dans sa définition de la règle du paiement après service fait, le Professeur Paul

Amselek utilise une formulation négative. En effet, il la définit comme une interdiction pour

la personne publique de payer ses dépenses publiques avant que les bénéficiaires aient exécuté

leurs prestations37

. Tel est également le cas du Centre national de la recherche scientifique

(CNRS) selon lequel cette règle constitue un dispositif protecteur des deniers publics

puisqu’elle interdit de procéder au paiement d’une dépense publique avant que les prestations

qu’elle rémunère n’aient été effectivement exécutées par le partenaire de l’organisme public38

.

Cependant, aussi forte est l’interdiction de payer à défaut de service fait (Section 2), aussi

forte est l’obligation pour la personne publique de procéder au paiement de ses dettes une fois

que le service a été exécuté (Section 1).

37

P. Amselek, op. cit., p.485 38

CNRS, La règle du paiement après service fait, fiche technique règlementaire, septembre 2006

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Section 1. La règle du service fait : une obligation

Lorsque la règle du paiement après service fait s’entend comme une obligation de

faire, il s’agit, pour le comptable public, d’une obligation de procéder au paiement de la dette

publique. Pour qu’existe une telle obligation, il ne suffit pas que le marché ait été signé par

l’Administration et son cocontractant ; il est, en effet, indispensable que le marché ait été

correctement exécuté, la réception étant l’acte final confirmant cette parfaite exécution (A).

Une fois ces conditions remplies, le titulaire du marché est en mesure d’exiger de

l’Administration le paiement de sa dette et le comptable se retrouve face à une obligation de

faire, une obligation de payer (B).

A. Les conditions d’existence d’une dette publique : la signature et

l’exécution du contrat

Une dette naît dans le patrimoine de la personne publique du seul fait qu’elle a signé

un contrat dans lequel elle s’engage à faire ou ne pas faire quelque chose en contrepartie de la

prestation du titulaire du marché.

Cependant, bien qu’existante, cette dette ne peut être payée en raison de la seule

signature du contrat. Il faut, en effet, que les prestations contractuelles aient été exécutées

pour que le comptable public puisse légalement procéder au paiement en vertu de la règle du

paiement après service fait. Il n’y a donc « de dette publique proprement dite, à la charge

d’une personne publique, qu’après service fait, après accomplissement de la contreprestation

de l’autre partie. »39

Selon Lino di Qual40

, il serait erroné de situer la naissance des dettes publiques au

moment de l’engagement des dépenses publiques. Il considère ainsi que l’Etat41

n’est pas

39

P. Amselek, op. cit., p.489 40

Lino di Qual, Droit de la comptabilité publique, Paris, A. Colin, 1971, p.18 et s. 41

L’Etat ou une collectivité territoriale puisqu’après la publication de son ouvrage, ont été adoptées la loi n°82-

213 du 2 mars 1982 dite « loi Deferre » (JO du 3 mars 1982, p.730) et la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28

mars 2003 (JO n°75 du 29 mars 2003, p.5568, texte n°1) qui organisent la décentralisation et la libre

administration des collectivités.

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

rendu débiteur par le seul fait de la conclusion d’un marché de fournitures ; il ne le devient

que par la livraison des fournitures prévues dans le marché faite par son cocontractant.

Ce point de vue est, par ailleurs, partagé et développé par le Professeur Gabriel

Montagier42

ou encore par le conseiller Jacques Magnet43

.

Il nous semble que ce raisonnement est parfaitement justifié, respectant la logique de

la règle du paiement après service fait. En effet, même si la personne publique a procédé à la

passation d’un marché public, de quoi peut-elle être redevable si le titulaire du marché est

défaillant ?

Dans une telle situation, elle aurait le pouvoir de contraindre son partenaire à exécuter

ses obligations en le menaçant de pénalités prévues au contrat ou d’une résiliation pour faute.

Il est donc indispensable que le service soit exécuté pour que le comptable public

puisse payer. Et pour considérer qu’il y a un service fait, il faut contrôler que les ouvrages, les

fournitures ou les services correspondent quantitativement et qualitativement aux stipulations

prévues par le marché. Le comptable public ne payant que pour un service correctement fait.

Pour démontrer l’exécution parfaite du marché, à la fin des travaux, a lieu la réception

et après la livraison des fournitures ou l’exécution du service, a lieu l’admission.

Pour les marchés publics de travaux, tels que définis par l’article 1er

du Code des

marchés publics44

, l’étape final est la réception. La réception est l'acte par lequel le pouvoir

adjudicateur, en sa qualité de maître de l'ouvrage45

, déclare accepter le bien (l’ouvrage,

les fournitures ou le service) avec ou sans réserves.46

Par la réception, qu’elle soit expresse,

42

G. Montagnier, « Principes de comptabilité publique », Paris, Dalloz, 1981, p.130 43

J. Magnet, « Comptabilité publique », Paris, PUF, 1978, p. 173 et s. : « Dans les marchés de travaux ou de

fournitures, l’engagement est constitué par ma passation des marchés, mais les dettes correspondantes

n’existeront qu’au fur et à mesure de l’exécution des travaux ou de la livraison des fournitures. » 44

Article 1er

, III du Code des marchés publics : « Les marchés publics de travaux sont les marchés conclus avec

des entrepreneurs, qui ont pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution d'un

ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir

adjudicateur qui en exerce la maîtrise d'ouvrage. » 45

Le maître de l'ouvrage est le pouvoir adjudicateur pour le compte duquel les travaux sont exécutés. 46

Définition donné par l’article 1792-6 du Code civil issu de la loi n°78-12 du 4 janvier 1978 (article 2 JO du 5

janvier 1978), reprise dans l’article 2 de l’arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

tacite ou judiciaire – si la personne publique refuse de procéder à ladite réception au-delà

d’une certaine date –, le pouvoir adjudicateur prend possession du bien. Ainsi, la garde du

bien est transférée du constructeur, titulaire du marché au pouvoir adjudicateur, maître de

l’ouvrage qui devient responsable des dommages causés aux tiers.

La réception emportant prise de possession du bien, transfert des risques et exigibilité

du paiement de sa créance par le titulaire du marché, elle doit être réalisée dans le respect de

certaines formalités. C’est pourquoi les différents cahiers des clauses administratives

générales (CCAG) sont venus indiquer la marche à suivre.

Pour les marchés publics de travaux, le CCAG-travaux énonce la procédure à suivre

aux articles 41 et suivants.

Cette procédure commence lorsque les travaux sont en passe d'être achevés. A ce

moment, le constructeur avise le maître de l'ouvrage et le maître d'œuvre47

de la date

d'achèvement par le biais d’un avis. Le maître d'œuvre procède aux opérations préalables à la

réception des ouvrages (OPR) en présence du représentant du pouvoir adjudicateur puis en

dresse un procès-verbal. Ces OPR comportent la reconnaissance des ouvrages exécutés, la

constatation éventuelle de l’inexécution des prestations prévues, la vérification de la

conformité des conditions de pose des équipements aux spécifications des fournisseurs

conditionnant leur garantie, la constatation éventuelle d'imperfections ou de malfaçons, la

constatation du repliement des installations de chantier et de la remise en état des terrains et

des lieux ainsi que les constatations relatives à l'achèvement des travaux.

Après avoir dressé le procès-verbal, le maître d'œuvre fait savoir au titulaire du marché

s'il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des

ouvrages et, dans l'affirmative, les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la

réception.

administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (JO n°0227 du 1

er octobre 2009, p.15907,

texte n°16) 47

Le maître d'œuvre est la personne physique ou morale, publique ou privée, qui, en raison de sa compétence

technique, est chargée par le maître de l'ouvrage ou son mandataire, afin d'assurer la conformité architecturale,

technique et économique de la réalisation du projet objet du marché, de diriger l'exécution des marchés de

travaux, de lui proposer leur règlement et de l'assister lors des opérations de réception ainsi que pendant la

période de garantie de parfait achèvement.

Page 21: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Sur la base du procès-verbal et des propositions du maître d'œuvre, le maître

d’ouvrage décide si la réception est ou non prononcée et si oui, si elle est prononcée avec ou

sans réserves. Une fois la décision prise, elle est notifiée au constructeur dans les trente jours

suivant la date du procès-verbal.

Lorsque la réception est assortie de réserves, le constructeur doit remédier aux défauts

de conformité correspondants dans un certain délai (fixé par le représentant du pouvoir

adjudicateur ou à défaut dans un délai de trois mois avant l'expiration du délai de garantie). Si

les travaux n’étaient pas exécutés dans ledit délai, le maître d'ouvrage pourrait alors les faire

exécuter aux frais et risques du titulaire, après une mise en demeure demeurée infructueuse.

Temps que les travaux de reprise n’ont pas été réceptionnés, les relations contractuelles entre

le maître de l'ouvrage et le constructeur se poursuivent mais uniquement au titre des travaux

ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves (CE, 16 janvier 2012, Commune du

Château d'Oléron, req. no 352122, AJDA 2012.72).

48

Pour les travaux de reprise, le délai de garantie commencera à courir lorsque

l'exécution complète des travaux aura été constatée par le maître de l'ouvrage. Dès lors, la

réception est définitive (CE, 21 février 1986, Société peinture et reconstruction, Rec. 44) la

levée des réserves constituant réception des travaux repris ou complétés.49

Pour les marchés publics de fournitures et de services tels que définis à l’article 1er

du Code des marchés publics50

, le CCAG-FCS parle d’admission et non de réception.

L’admission est définie comme la décision, prise après vérifications (qualitative et

quantitative), par laquelle le pouvoir adjudicateur reconnaît la conformité, sans

48

M. Loriou, op. cit. 49

F. Linditch, « Responsabilité décennale », Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz,

2008 50

Article 1er

, III, alinéas 2 et 3 du Code des marchés publics : « Les marchés publics de fournitures sont les

marchés conclus avec des fournisseurs qui ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la

location-vente de produits ou matériels.

Les marchés publics de services sont les marchés conclus avec des prestataires de services qui ont pour objet la

réalisation de prestations de services. »

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

réserves, des prestations aux stipulations du marché.51

Si le pouvoir adjudicateur

considère que la livraison de fournitures ou l’exécution des services ne correspond pas à ce

qui est prévu dans le contrat, le CCAG-FCS52

prévoit qu’il peut ajourner l’admission des

prestations, procéder à une réfaction du prix si les prestations sont partiellement conformes ou

prononcer le rejet partiel ou total s’il estime que les prestations ne peuvent être admises en

l’état. Comme pour les marchés publics de travaux, une fois l’admission définitive, la

propriété des biens ou des services est transférée à la personne publique.

La réception est donc un acte fondamental qui offre une double garantie. Tout

d’abord, c’est un droit acquis pour le constructeur qu’il y ait réception dès lors que les travaux

sont achevés et en l’état d’être reçus par le maître d’ouvrage53

. Il peut ainsi être rémunéré et

ne supporte plus sur ses épaules le poids d’avoir la garde de la chose. En deuxième lieu, cela

permet à la personne publique d’être certaine d’avoir un ouvrage conforme à ses attentes

telles qu’elles sont explicitées dans le marché et le CCTP.

Dès lors, le comptable public est dans l’obligation de payer la dette publique au

titulaire du marché.

51

Article 2 de l’arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des

marchés publics de fournitures courantes et de services (JO n°0066 du 19 mars 2009, p.4953, texte n°6) 52

Article 25 du CCAG-FCS 53

Formulaire EXE4, Procès verbal des opérations préalables à la réception, notice explicative

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B. L’obligation de paiement d’une dette publique : résultat de

l’existence d’une dette publique

Le marché public est un contrat synallagmatique au sens de l’article 1102 du Code

civil54

. Puisque la première partie, le titulaire du marché, a respecté son obligation en

construisant l’ouvrage, en faisant des travaux, en livrant les fournitures ou en exécutant le

service, à charge pour le pouvoir adjudicateur, en sa qualité de maître de l’ouvrage, de

respecter son obligation, en payant la dette publique, puisque le contrat tient lieu de loi entre

les parties55

.

Sous l’influence du droit de l’Union européenne, le décret n°2013-269 du 29 mars

2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande

publique56

a réduit les délais de paiement de la personne publique à trente jours pour

l’Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et

commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements locaux, cinquante jours

pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées et

soixante jours pour les autres entreprises publiques.57

Dans ce délai de paiement, sont incluses

les phases de réception de la commande et de certification du service fait par les services

gestionnaires demandeurs, de visa de la dépense et de règlement par le comptable public. Ce

délai de paiement court à compter de la réception de la facture qui vaut demande de paiement

ou bien à la date d’exécution des prestations ou de la réception quand celle-ci est postérieure à

la réception de la facture.

Si l’acheteur public tarde à s’acquitter de ses dettes, le titulaire du marché, pour

obtenir le paiement de la créance qu’il détient sur la personne publique, doit respecter une

54

Article 1102 du Code civil : « Le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s'obligent

réciproquement les uns envers les autres. » 55

Article 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont

faites. » 56

G. Clamour, Lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique (volet législatif),

Contrats et marchés publics, n°3, mars 2013, comm.57 et G. Clamour, Lutte contre les retards de paiement dans

les contrats de la commande publique (volet règlementaire), Contrats et marchés publics, n°5, mai 2013,

comm.127 57

Article 1er

du décret d’application de l’article 37, alinéa 1 de la loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 (JO n°0024

du 29 janvier 2013 page 1721, texte n° 3)

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

procédure précise pour obtenir le paiement de sa créance (si aucune clause du contrat ne

déroge au CCAG).

Les CCAG privilégient une procédure amiable de règlement des litiges en imposant un

recours administratif préalable obligatoire (RAPO) ; tout recours au fond étant irrecevable s’il

n’en est pas précédé (CE Sect., 26 juillet 1985, Société Degrémont, Rec. 247 ; RFDA

1986.27, concl. Dandelot). Ainsi, en cas de litige, le titulaire du marché doit rédiger un

mémoire en réclamation dans lequel il expose les motifs du différend et le montant de ses

réclamations et il y joint les justificatifs nécessaires. Il adresse ensuite ce mémoire au pouvoir

adjudicateur ou à son représentant58

. Il en fait parvenir une copie au maître d’œuvre dans le

cas d’un marché public de travaux.

Après avis de la maîtrise d’œuvre (requis uniquement dans le cas des marchés publics

de travaux), le pouvoir adjudicateur ou son représentant notifie sa décision motivée dans un

délai de quarante-cinq jours pour les marchés de travaux59

et de deux mois pour tous les

autres marchés60

. Le silence gardé par la personne publique durant ces délais équivaut à une

décision implicite de rejet. L’on notera que le délai de quarante-cinq jours pour les marchés

de travaux est une nouveauté du CCAG-travaux de 2009. En effet, le CCAG-travaux de 1976

avait prévu que le silence de la personne publique pendant un délai de trois mois faisait naître

une décision implicite de rejet. Cette diminution du délai s’inscrit dans la même logique que

la réduction des délais de paiement qui est un enjeu économique important, particulièrement

pour les PME et les artisans.

L’on peut d’ailleurs noter que cet enjeu est une constante puisque déjà en 1956, le

Professeur Gérard Lupi soulevait, dans un article, que « la procédure de paiement rencontrait

dans les exigences des règles de comptabilité publique des obstacles qui, sinon excusaient sa

lenteur, tout au moins l’expliquaient ». Et cette situation n’était clairement pas arrangée par

le fait que les titulaires d’une créance ne pouvait pas procéder à l’exécution forcée d’où des

retards de paiement de plus en considérables61

.

58

Réclamation préalable obligatoire prévue par l’article 50 du CCAG travaux, 37 du CCAG-FCS, 47 du CCAG-

TIC, 34 du CCAG-PI et 42 du CCAG-MPI. 59

Articles 50.1.2 et 50.1.3 du CCAG-travaux 60

Articles 37.3 du CCAG-FCS, 47.3 du CCAG-TIC, 34 alinéa 3 du CCAG-PI et 42.3 du CCAG-MPI 61

Gérard Lupi, op. cit., p.696

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

En tout les cas, que la décision de rejet soit implicite ou expresse, le titulaire du

marché peut alors porter le litige devant le juge administratif62

, dans la limite des motifs

énoncés dans son mémoire en réclamation, soit dans le cadre d’un recours de plein

contentieux, soit dans le cadre d’un référé provision.

La voie du recours au fond étant longue, il est conseillé au titulaire du marché d’opter

pour la voie du référé provision63

dès lors que sa créance est certaine c’est-à-dire non

sérieusement contestable. La créance n’est pas sérieusement contestable, notamment quand le

décompte général est devenu définitif (CE, 21 février 2003, Département de la Seine

Maritime, Rec. T. 909). L’avantage de ce référé est qu’il n’est pas subordonné à une requête

au fond de sorte que le créancier peut obtenir rapidement sa provision.

En cas de condamnation au paiement de la provision, l’Administration peut former un

recours contre l’ordonnance de référé dans un délai de deux mois après sa notification devant

le juge du fond ou interjeter appel devant la cour administrative d’appel compétente dans un

délai de 15 jours après notification.

Si le titulaire du marché n’était pas sensible au délai plus rapide de jugement du référé

provision, il peut saisir le juge du fond qui est le juge du contrat.

D’une part, cette saisine a pour objet la condamnation de l’Administration débitrice au

paiement de sa dette à laquelle s’ajoutent automatiquement les intérêts moratoires et

l’indemnité forfaitaire des frais de recouvrement.

L’article 8 du décret du 29 mars 2013 prévoit, en effet, qu’en cas de retard de

paiement, le pouvoir adjudicateur devra payer des intérêts moratoires64

. Ces intérêts sont

calculés en fonction du nombre de jours de retard à compter du jour suivant l’expiration du

délai de paiement. Pour les contrats conclus à partir du 16 mars 2013, le taux des intérêts

62

La compétence de l’ordre juridictionnel administratif est légalement prévue par l’article 1er

de la loi n°2001-

1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier dite loi

MURCEF (JO n°288 du 12 décembre 2001, p.19703 texte n°1) : « Les marchés passés en application du code

des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. » 63

Articles R.541-1 à R.541-6 du Code de justice administrative 64

Les intérêts moratoires sont une majoration automatique, exprimée en pourcentage, des sommes à verser au

titulaire d’un marché par l’acheteur public, lorsque celui-ci ne respecte pas le délai contractuel ou règlementaire

de paiement.

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

moratoires était de 8,75% et depuis le 8 mai 2013, ce taux est de 8,50%65

. Ensuite, l’article 9

prévoit qu’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est due dès le 1er

jour de

retard dans le paiement dont le montant est de 40 euros.

D’autre part, il peut demander la condamnation de cette dernière à des dommages-

intérêts en cas de mauvaise foi. « Pour tous les titulaires de contrats publics, s'applique le

dernier alinéa de l'article 1153, selon lequel « le créancier auquel son débiteur en retard a

causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des

dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ». La personne publique

peut donc être de mauvaise foi, la jurisprudence administrative employant plutôt les termes

« mauvais vouloir » (CE, 22 décembre 1976, Société Établissements Jean Bernard, Rec.

T.1001 ; CE, 27 mai 1983, Commune de La Queue-en-Brie, Rec. T.783)66

et être

sanctionnée du fait d’un tel comportement.

Si l’Administration devait persister dans son refus de payer, le titulaire du marché

devra saisir le préfet pour lui demander de recourir à la procédure de mandatement d’office

pour les collectivités (article L.911-9 du CJA qui transpose l’article 1er

II de la loi n°80-539

du 16 juillet 1980) ou au paiement sans mandatement pour l’Etat (article 1er

I de la loi

précitée). Cependant, si la personne publique est dépourvue de comptable public (cas

exceptionnel), le titulaire du marché devra retourner devant le juge administratif pour qu’il

ordonne des mesures d’exécution et condamne la personne publique à payer sous astreinte.

Précisions que le créancier, qu’il soit une personne publique ou privée, morale ou

physique, doit exiger de la personne publique le paiement de sa dette, quelle que soit sa

nature (contractuelle ou extracontractuelle) dans les quatre années à partir du premier

jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis sous peine de perdre

sa créance par l’effet de la prescription67

.

65

Ce taux correspond au taux directeur de la BCE augmenté de 8 points. 66

P. Terneyre, Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, 2012 67

Article 1er

de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les

départements, les communes et les établissements publics (JO du 3 janvier 1969 p.76)

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Ce délai est logiquement interrompu par toute de paiement ou réclamation écrite, toute

recours juridictionnel, toute communication écrite de l’Administration ou toute émission de

moyen de règlement. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de

l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Si l'interruption résulte d'un

recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle

au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée.68

L’obligation de payer de la personne publique s’entend donc comme une obligation

dès lors que le titulaire du marché a correctement exécuté ses obligations contractuelles. En

opposition, en l’absence de tout service fait ou de service correctement fait, le comptable

public a une obligation de ne pas procéder au paiement (Section 2).

68

Article 2 de la loi du 31 décembre 1968 préc.

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Section 2. La règle du service fait : une interdiction

Lorsque la règle du paiement après service fait s’entend comme une obligation de ne

pas faire, il s’agit, pour le comptable public, d’une interdiction de procéder au paiement exigé

par le titulaire du marché. Le comptable se trouve dans une telle situation quand les

conditions prévues par le décret relatif à la gestion budgétaire et la comptabilité publique ne

sont pas remplies. Ainsi, si le comptable procède au paiement d’une dépense qui n’est pas

justifiée notamment parce que le service n’est pas fait ou pas correctement fait, il est alors

possible de mettre en jeu sa responsabilité (B), une responsabilité particulièrement sévère

puisqu’elle est personnelle et pécuniaire (A).

A. La responsabilité pécuniaire et personnelle du comptable

public

En droit de la comptabilité publique, l’un des principes originels, dont la finalité est

d’assurer la bonne utilisation des deniers publics, est la séparation des fonctions

d’ordonnateur et de comptables public69

70

.

L’ordonnateur est, en général, le représentant légal de la collectivité. Selon les cas, il

est élu ou nommé : ministre ou préfet pour l’Etat, maire pour une commune ou bien président

pour le département ou la région. Il dispose de pouvoirs de gestion administrative et

financière, comme celui d’engager des dépenses ou des recettes, par exemple en concluant des

marchés.

Une fois prise la décision d’engager une dépense ou une recette, l’ordonnateur ne peut

payer les dépenses ou recouvrer la recette car cette fonction appartient à un fonctionnaire

particulier : le comptable public. Pour que ce dernier procède au paiement, il lui envoie

l’ordre de payer assortis des pièces justificatives ainsi que les certifications71

.

69

Article 9 du décret du 7 novembre 2012 : « Les fonctions d’ordonnateur et de comptable public sont

incompatibles. » 70

Rapport public annuel de la Cour des comptes, 2012, p.23 71

Fonctions de l’ordonnateur énumérées par l’article 10 du décret du 7 novembre 2012

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Les comptables sont chargés de procéder au paiement des dépenses, au maniement des

fonds, à l’encaissement des recettes, au recouvrement des ordres de payer et de contrôler la

régularité des ordres de recouvrer et de payer72

.

Pour les dépenses, les différentes opérations consistent en l’engagement, la liquidation

et le paiement. Le paiement est l’acte par lequel la personne publique se libère de sa dette,

ledit paiement ne pouvant intervenir avant l’échéance de dette ou l’exécution du service.

Si le titulaire du marché n’a pas respecté ses obligations et que le service n’est pas

(correctement) fait, le comptable public, bien que l’exception d’inexécution n’existe pas en

droit administratif, doit respecter l’obligation légale de ne pas procéder au paiement.

Cette interdiction est énoncée plus largement dans un arrêt rendu quelques années plus

tard par le Conseil d’Etat. Dans cet arrêt du 19 mars 1971, « Sieur Mergui », la Haute

juridiction administrative énonce la règle selon laquelle l’Administration ne peut consentir des

libéralités en payant des sommes qu’elle ne doit pas. Cette règle, justifiée par un souci de

protection des deniers publics, est si centrale qu’elle est qualifiée d’ordre public.73

Cela

signifie que le juge doit spontanément faire application du principe ou que les parties peuvent

soulever le moyen à n’importe quel moment de la procédure contentieuse.

Cette interdiction globale pour l’Administration de consentir à des libéralités et

l’interdiction plus spécifique pour le comptable public de payer à défaut de service

(correctement) fait est un principe structurant du droit de la comptabilité publique.

Ainsi, si le comptable public vient à ne pas respecter cette obligation de ne pas faire,

sa responsabilité pécuniaire et personnelle pourra être recherchée74

(C. comptes, 25 juin

1970, Renu : Rec. C. comptes p.81 ; C. comptes, 22 novembre 1990, Sieur T., comptable

de la Commune de P. : Revue Trésor 1991, p.305). L’article 60 de la loi de finances de 1963

dispose :

72

Fonctions du comptable public énumérées par les articles 18, 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012. 73

CE, Sect., 19 mars 1971, Sieur Mergui (Rec. 1971, p.235, concl. Rougevin-Baville ; AJDA 1971.274, chron.

D. Labetoulle et P. Cabanon ; RDP 1971.234, note M. Waline) : « Considérant que les personnes morales de

droit public ne peuvent jamais être condamnées a payer une somme qu'elles ne doivent pas ; que cette

interdiction est d'ordre public. » 74

Article 60, I alinéas 1 et 2 de la loi de finances n°63-156 du 23 février 1963 (JO du 24 février 1963, p.1818)

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

« La responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'un déficit

ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été

recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du

comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre

organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les

comptes. »

Le souci de protection des deniers publics est poussé au point que la responsabilité du

comptable public s’étend à toutes les opérations du poste comptable qu'il dirige depuis la date

de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions et aux opérations des personnes

placées sous son autorité (subordonnés, régisseurs, mandataires).

Cette responsabilité est particulièrement sévère puisque, par exception aux principes

généraux applicables aux fonctionnaires, le comptable public est responsable personnellement

et pécuniairement, c’est-à-dire qu’il est responsable sur ses propres deniers. Afin de pouvoir

payer les sommes qu’il n’a pas recouvrées ou qu’il n’aurait pas dû payer, le comptable public

est tenu, avant d’entrer en fonction, de constituer des garanties sous la forme d’un

cautionnement bancaire ou de l’affiliation à l’Association française de cautionnement mutuel,

et d’une hypothèque sur ses immeubles ainsi que ceux de son conjoint.

Cela s’explique par le fait que « le comptable ne peut se contenter de jouer le rôle

d’une chambre d’enregistrement des décisions de l’ordonnateur et des pièces fournies

par lui. »75

Dans ses conclusions sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 février 2012, « Ministre du

budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat », M. Xavier de Lesquen fait une

synthèse de la jurisprudence antérieure et nous rappelle que :

- D’une part, la fonction première du comptable est d’exiger de l’ordonnateur

qu’il produise les pièces justificatives, complètes et précises sans se faire juge

75

Olivier Fouquet et Pierre Collin, « Etendue et limites des pouvoirs de contrôle des comptables publics »,

Revue administrative nº 322

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

de leur légalité (CE, Sect., 5 février 1971, Ministre de l’économie et des finances

c. Balme : Rec. Lebon p.105, concl. Mme Grévisse ; AJDA 1971 p173)

- D’autre part, il doit porter une appréciation juridique sur les pièces fournies et

contrôler leur cohérence au regard de la nature et de l’objet de la dépense

(CE, 8 novembre 2000, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/

Mme Kammerer : Rec. Lebon p.597)

Dans le cadre de sa première fonction, le comptable doit vérifier la régularité des

pièces justificatives qui doivent être claires et précises. A défaut, il peut demander à

l’ordonnateur de produire un certificat administratif qui apporte les précisions nécessaires. Si

l’ordonnateur ne produit pas ce certificat, le comptable peut refuser de payer (C. comptes,

20 septembre 1973, SDPI de Meurthe-et-Moselle). S’il procède au paiement alors que la

destination exacte de la dépense n’est pas expliquée, sa responsabilité peut être engagée

(C. comptes, 3 octobre 1996, Territoire de la Polynésie française : Revue Trésor 1998, p.262).

Dans le cadre de sa seconde fonction, si les pièces fournies sont contradictoires, il est

dans l’obligation de suspendre le paiement (C. comptes, 18 décembre 1997, Commune de

Corps : Revue Trésor 1998, p.250)76

.

Le comptable doit donc effectuer un contrôle des dépenses engagées par les différents

pouvoirs exécutifs. S’il ne le fait pas ou pas correctement ce qui entraîne un paiement

injustifié, sa responsabilité peut alors être engagée.

76

Michel Lascombe, Xavier Vanderdriessche, Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, 2009

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

B. La mise en jeu de la responsabilité personnelle et

pécuniaire du comptable public

La responsabilité du comptable public peut être engagée jusqu’au 31 décembre de la

cinquième année suivant celle où il a failli à ses fonctions (article 60, V de la loi de finances

du 23 février 1963). Il y a donc une prescription quinquennale qui vient protéger le comptable

public puisque quand cinq années se seront écoulées après l’opération qui pourrait mettre en

cause sa responsabilité, l’action sera prescrite.

Les comptables doivent transmettre le compte de leurs opérations au greffe de la Cour

ou de la chambre régionale ou territoriale des comptes sous peine d’amende.

En cas de non respect des obligations prévues par l’article 60 de la loi de finances de

1963 et par les articles 18, 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012, le juge des comptes met en

jeu la responsabilité du comptable en prenant un arrêt (pour la Cour des comptes) ou un

jugement (pour les cours régionales et territoriales) de débet. Le ministre du budget peut

également prononcer des débets.

Le juge des comptes n’est pas le juge de la légalité des actes administratifs et ne peut

donc condamner le comptable du fait qu’il a procédé au paiement sur la base d’une pièce

justificative illégale. Ne pouvant se prononcer que sur les éléments matériels transmis par le

comptable, le juge des comptes ne peut donc pas non plus le condamner du fait de son

comportement.

En atténuation à la rigidité et à la sévérité de la responsabilité pécuniaire et personnelle

du comptable public, notamment due aux sommes (dépenses et recettes) traitées par ce dernier

et conséquemment aux sommes auxquelles ils peuvent être condamnés au paiement sur leurs

propres deniers, fut instaurée un pouvoir de remise gracieuse. Ce pouvoir appartient

exclusivement au ministre chargé des comptes publics. Ce dernier peut ainsi dispenser,

partiellement ou totalement, le comptable du règlement des sommes dont il est déclaré

débiteur. Dans ce cas, les sommes sont mises à la charge de l’organisme public ou de l’Etat77

.

Le ministre du budget, dans le cadre d’une réponse parlementaire a rappelé à ce propos, et fort

77

Article 60 de la loi de finances de 1963 et article 11 du décret n°2008-228 du 5 mars 2008 (JO n°0057 du 7

mars 2008 p.4265, texte n°45)

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

justement d’ailleurs, que « en cas de faute de l’ordonnateur, il est normal que les

conséquences de cette faute restent à la charge de cette collectivité »78

.

Mais ce pouvoir de remise gracieuse a du faire face à nombre de critiques, notamment

de la Cour des comptes. En effet, un tel pouvoir était assimilé à une « justice retenue »

puisque le pouvoir exécutif pouvait remettre en cause des décisions qui avaient l’autorité de

chose jugée. Les critiques étaient d’autant plus intempestives que ce pouvoir n’étant pas

limité, au milieu des années 2000, le taux de remise représentait 99,7% du montant des débets

et 99,9% du montant des intérêts. Face à ces remises intégrales, si l’aspect répressif avait

totalement disparu, tel était également le cas de l’aspect dissuasif de la responsabilité

pécuniaire et personnelle du pécuniaire qui était alors totalement vidée de tout son sens.

D’où les raisons de l’adoption de la loi du 28 octobre 2008 qui a supprimé les remises

en matière d’amende. De plus, depuis 2009, la Cour des comptes doit se prononcer, par la

voie d’un avis, sur tout projet de remise gracieuse dont le montant est supérieur à 10 000

euros. Cet avis n’est pas liant mais le ministre, pour s’en écarter doit néanmoins motiver sa

décision. Ce qui a eu pour effet que le ministre s’est majoritairement rangé à l’avis de la Cour

et partant, l’on a pu constater une nouvelle rigueur face au « laissé à charge » moyen. Il est en

effet passé de 353 euros en moyenne entre 2006 à 2009 à 1 600 euros pour la période de 2009

à 2012.

Cette évolution du droit a été confirmée en 201179

puisque le législateur a modifié

l’article 60 de loi de finances de 1963 en prévoyant que :

- Lorsque le manquement du comptable à ses obligations n’aura causé aucun

préjudice à l’organisme public, le juge des comptes pourra le condamner au

versement d’une somme dont le ministre ne pourra plus faire remise.

- En cas de préjudice financier causé, le comptable a l'obligation de verser

immédiatement de ses deniers personnels.

78

Question-Réponse parlementaire n°92792 du Ministre du budget, des comptes et de la réforme de l’Etat (JO

du 25 janvier 2011, p.706) 79

Article 90 de la loi n°2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

La responsabilité du comptable public peut également être dégagée en cas de force

majeure80

mais cette hypothèse est rare puisqu’on ne parle de force majeure que pour un

évènement extérieur, imprévisible et irrésistible, ces trois caractères étant cumulatifs. Dans

une telle hypothèse, les déficits seraient supportés par le budget de l’organisme intéressé ou

par le budget de l’Etat.

Le comptable public est donc un fonctionnaire à part, au vu de la responsabilité qui lui

est infligé. Il doit respecter une formalité particulière dans l’exécution de ses tâches : que ce

soit le paiement lorsque le service est fait ou que ce soit le refus du paiement lorsque les

pièces justificatives ne démontrent pas, notamment, l’existence d’un service (correctement)

fait.

Sur cette notion de service fait, le débat demeure toujours quant à son interprétation. Il

nous paraît donc opportun de nous attarder désormais sur une conception portée par certains

auteurs concernant la définition du service fait. Nous constaterons alors que cette conception,

qui limite considérablement la portée de la règle du service fait, doit impérativement être

écartée du fait des conséquences néfastes qu’elle emporterait si elle devait s’appliquer

(Chapitre 2).

80

L’article 60, V alinéa 1er

de la loi de finances de 1963 dispose : « V. - Lorsque le ministre dont relève le

comptable public, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes constate l'existence de circonstances

constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable

public.

Les déficits résultant de circonstances de force majeure sont supportés par le budget de l'organisme intéressé.

Toutefois, ils font l'objet d'une prise en charge par le budget de l'Etat dans les cas et conditions fixés par l'un des

décrets prévus au XII. L'Etat est subrogé dans tous les droits des organismes publics à concurrence des sommes

qu'il a prises en charge. »

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Chapitre 2. La conception restrictive de la règle du

service fait et son impact économique

Après avoir vu les obligations tenant à l’existence du service fait et qui consistent soit

dans l’obligation soit dans l’interdiction pour le comptable public de procéder au paiement de

la dette due par le pouvoir adjudicateur, il faut désormais revenir sur la notion même de

service fait. Nous verrons alors que certains auteurs sont de fervents partisans d’une

conception restrictive de la règle du service fait, laquelle conception étant ardemment

défendue dans la mesure où elle se veut protectrice de la bonne utilisation des derniers publics

(Section 1) bien qu’elle soit fort plus critiquable dans la mesure où elle nous semble affaiblir

le principe de libre accès à la commande publique (Section 2).

Section 1. Une interprétation stricte du service fait au nom

du bon usage des deniers publics

L’on peut ainsi soulever que lorsque la doctrine se positionne en faveur d’une

conception restrictive (A), la seule et unique justification tient en ce que cela permet d’assurer

le respect d’un bon usage des deniers publics (B).

A. Le service fait stricto sensu

Le service fait est une règle quasi ancestrale qui garde, à l’heure actuelle, toute son

importance. Cette règle est si structurante qu’elle fait l’objet d’un triple contrôle. Tout

d’abord, un contrôle interne de l’ordonnateur. L’ordonnateur doit, en effet, constater les

obligations dont il résulte une dépense c'est-à-dire engager la dépense puis vérifier

l’exactitude du montant de la facture du titulaire du marché ce qui consiste à liquider la

dépense et enfin, il émet l’ordre de payer la dépense, ordonnançant ainsi celle-ci81

. Pour

vérifier l’exactitude de la dépense, l’ordonnateur doit vérifier en premier lieu l’existence d’un

service fait. Tout comme dans le cadre du contrôle interne du comptable public. En effet,

avant de libérer le pouvoir adjudicateur de sa dette en procéder au paiement, il doit vérifier

81

Articles 10 et 11 et 29 à 33 du décret du 7 novembre 2012.

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

l’existence du service fait82

. L’article 20 du décret de 2012 prévoit qu’il doit s’agir du premier

contrôle à réaliser par le comptable public ce qui est significatif de l’importance, de l’aspect

central de cette règle du service fait.

Enfin, ce périple se termine par un contrôle juridictionnel de la chambre régionale

des comptes et éventuellement de la Cour des comptes (en tant que juge d’appel). Le juge

des comptes est en effet chargé de « juger la régularité des comptes établis par les comptables

publics dans les différents services de l’Etat » 83

. Dans le cadre de cette fonction, le juge des

comptes vérifie que les comptables publics ont correctement appliqué les règles qui

s’imposent à eux et à ce titre, il examine le respect de la règle selon laquelle le comptable

vérifie la validité de la justification du service fait. Ce contrôle est prévu par l’article L.252-6

du Code des juridictions financières :

« Pour assurer le jugement effectif des comptes du comptable des communes et de

leurs établissements publics, la chambre territoriale des comptes vérifie sur pièces et

sur place la régularité des recettes et dépenses décrites dans leurs comptabilités

respectives. Elle s'assure de l'emploi régulier des crédits, fonds et valeurs. »

Au vu de la pérennité de la règle et de son caractère structurant, afin de s’assurer de

son plein effet, certains auteurs sont donc les partisans d’une conception stricte. Tel est le cas

de Paul Amselek. Selon ses propres termes, « il y a service fait lorsque l’intéressé a fourni sa

contreprestation, qui constitue la contrepartie de la dépense et de la dette publiques. »84

Cette

contreprestation devant être effective et adéquate.

Une contreprestation effective.

Pour les partisans de cette conception, il n’y a contreprestation effective et donc

service fait qu’à la condition que le titulaire du marché exécute la totalité des prestations qui

sont prévues par le marché et les documents contractuels.

82

Article 20 du décret du 7 novembre 2012 83

Site : http://www.vie-publique.fr: Quel est le rôle de la Cour des comptes ? 84

Paul Amselek, op. cit., p. 498

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Il n’y a pas de contreprestation effective « lorsqu’il y a absence pure et simple de

prestation de la part du partenaire de la personne publique »85

ou quand ledit partenaire

n’exécute que partiellement ses obligations.

Puisqu’à leur sens, la contreprestation n’est pas effective si le prestataire n’accomplit

pas la totalité des travaux ou ne livre pas l’ensemble des fournitures ou des services et puisque

l’avance a pour objet de permettre aux entreprises de procéder aux premières dépenses (achat

de matières premières et de fournitures, dépenses de personnel, etc.) afin de préparer la

réalisation du chantier ou la livraison des fournitures, l’avance n’est pas justifiée par un

service fait.

Une contreprestation adéquate.

La contreprestation ne peut être adéquate que si une fois livrés, les fournitures ou les

travaux répondent parfaitement aux exigences de l’ensemble des documents contractuels.

« Le titulaire d’un marché de fournitures ou de travaux publics n’a droit au paiement

du prix qu’après exécution intégralement conforme, en qualité et en quantité, à ce qui a été

stipulé dans le marché. »86

Afin de s’assurer que le paiement du comptable public n’intervienne qu’après

contreprestation effective et adéquate, les cahiers des clauses administratives générales

(CAAG) sont venus mettre en place un contrôle après accomplissement du contrat :

l’admission pour les marchés publics de fournitures courantes et de services et la réception

pour les marchés publics de travaux. Si cette étape permet de conclure sur le fait que le

constructeur a procédé à une exécution d’une part totale et d’autre part conforme aux

stipulations contractuelles, alors le comptable public peut procéder au paiement87

.

85

Paul Amselek, op. cit., p.498 86

Paul Amselek, op. cit., p.503 87

Cf. Chapitre précédent, section 1 sur la question de la réception.

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Clairement, avec cette conception étroite, voire étriquée de la règle du paiement après

service fait, l’avance ne peut remplir la condition tenant à l’existence d’une contreprestation

effective et adéquate.88

Paul Amselek va ainsi explicitement qualifier l’avance de dérogation à la règle du

service fait. En effet, il considère que son paiement ne peut être admis que par l’existence

d’une dérogation législative ou règlementaire89

.

Et telle est également l’opinion d’auteurs tels que Gaston Jèze ou Gérard Lupi. On

peut, à ce titre, rappeler que Gérard Lupi voit dans la possibilité de payer par acompte et par

avance un abandon partiel90

puis total91

de la règle du paiement après service fait.

Pour Paul Amselek, l’objectif de cette interprétation limitative, « brutale » - pour

reprendre le terme employé par le Professeur Lupi lui-même – est l’interdiction, en

comptabilité publique, de tout paiement anticipé (acompte / avance). Laquelle interdiction

« implique parallèlement et simultanément – à titre corollaire – au plan des relations entre les

personnes publiques débitrices et leurs créanciers que les dettes publiques ne peuvent être

réglées (et non pas qu’elles ne peuvent pas naître) avant que le créancier n’ait acquis un droit

à ce règlement et, en ce qui concerne les dettes publiques avec contrepartie, avant qu’il n’ait

effectué sa contreprestation. »92

Il tire deux séries de conséquences supplémentaires à

l’interdiction du paiement anticipé : d’une part, le fait que les personnes publiques ne sont pas

tenues de régler une dette pour laquelle il n’y a pas de service fait et d’autre part,

l’interdiction pour elles de procéder à un tel paiement même si elles le souhaitaient.

88

A ce propos, on peut constater que le raisonnement qu’ils appliquent au paiement par avance est également

valable pour le paiement par acompte car dans le second cas il y a contreprestation, mais elle n’est pas totale,

l’acompte étant accordé en cas d’exécution partielle du contrat. 89

L’on peut soulever, par ailleurs, le fait que le Professeur Paul Amselek est l’un des rares auteurs qui s’est

interrogé sur la compatibilité entre la règle du paiement après service fait et le paiement par avance. Cependant,

nous notons à regret qu’il reste peu loquace sur les avances accordées dans le cadre des marchés publics puisque

ce sujet ne se voit accorder qu’une parenthèse dans son développement sur la contreprestation adéquate et plus

généralement dans l’ensemble de son article. 90

Gérard Lupi, op. cit., p.697 91

Gérard Lupi, op. cit., p.701 92

Paul Amselek, op.cit, pp. 490 et 491

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Donc au titre de la règle du service fait, l’idée serait d’aller jusqu’à interdire aux

pouvoirs adjudicateurs de délivrer toute avance ou tout acompte alors même qu’il y avoir une

politique locale d’aide à l’accès aux marchés dans la collectivité.

Et puisque le titulaire du marché ne pourrait ni exiger un paiement avant exécution ou

durant l’exécution du marché et que le pouvoir adjudicateur ne pourrait pas, même

discrétionnairement ordonner le paiement au comptable, seule une dérogation législative ou

règlementaire permettrait un paiement « en dehors de tout service fait »93

.

Et bien que nous ne défendions pas ce point de vue, nous comprenons, dans une

certaine mesure, leur justification (B).

93

Direction des affaires juridiques, « Les avances », Le moniteur, 21 décembre 2012, P.12

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B. Une nécessité apparente pour assurer une bonne utilisation des

deniers publics

Pour le Professeur Paul Amselek, « la raison d’être de ce principe de comptabilité

publique est évidente : il s’agit d’une mesure de protection particulière des deniers

publics. Des paiements anticipés, des paiement d’avance avant même que le bénéficiaire n’ait

acquis un droit au paiement (avant l’échéance et, a fortiori, avant la naissance de sa créance)

ou avant qu’il n’ait fourni la contrepartie du paiement, risquent d’être dangereux pour les

personnes publiques : il est contraire à une gestion saine et économe des deniers publics

qu’une personne publique règle ses dettes avant d’y être juridiquement tenue et procure ainsi

un avantage à ses créanciers à son propre détriment. »94

Selon Paul Amselek, la délivrance d’une avance constitue un avantage entre les mains

de l’entreprise bénéficiaire. Cependant, nous nous opposons à une telle interprétation car

l’avance a justement pour objet de gommer le désavantage subi par les PME et ainsi assurer

un égal accès à la commande publique par ces dernières95

.

Paul Amselek énonce trois arguments contre le paiement par avance.

La personne publique « s’exposerait, par là, à payer des sommes indues au cas où

l’intéressé n’acquerrait finalement aucun droit ou n’exécuterait pas – ou pas complément – ses

propres obligations. La personne publique pourrait certes, dans ces cas, demander à être

remboursée des sommes versées, mais ce remboursement lui-même risquerait d’être aléatoire

en cas d’insolvabilité ou, tout simplement, de mauvaise foi de l’intéressé. »96

94

Paul Amselek, op cit., p.486 95

« L’octroi des avances a pour objet de faciliter l’exécution des marchés et d’assurer l’égalité d’accès aux

marchés entre les entreprises disposant d’une trésorerie suffisante pour démarrer l’exécution des prestations et

celles qui n’en disposent pas. » (Circulaire du 29 décembre 2009 relative au Guide de bonne pratiques en matière

de marchés publics) 96

Paul Amselek reprend ici la pensée de Gaston Jèze qui avait notamment été reprise par Marcel Merle en 1950 :

« Payer d’avance serait s’exposer en cas de trop payé, à ne pas obtenir le remboursement à raison de

l’insolvabilité ou de la mauvaise volonté des parties prenantes » (Gaston Jèze, Cours de science des finances,

1912, p.425 et Marcel Merle, Revue de science et de législation financières, 1950, p.433).

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Certes, nous reconnaissons que payer par avance, c’est payer sans avoir la certitude

que le titulaire du marché accomplira ses obligations. Cependant, il existe des garanties

concernant le remboursement de l’avance en cas de non exécution ou de mauvaise exécution.

Le professeur Amselek énonce en premier lieu l’hypothèse de l’insolvabilité du

titulaire du marché. Mais à cela, nous opposons le fait que le Code des marchés publics divise

la mise en concurrence en deux phases : une phase « candidatures » et une phase « offres ».

Durant la première phase, le pouvoir adjudicateur doit vérifier les capacités professionnelles,

techniques et financières des candidats en vertu des critères de candidature indiqués dans

l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC). La liste de ces critères est établie par l’arrêté

du 28 août 200697

et concernant les capacités financières, le pouvoir adjudicateur peut

demander aux candidats de fournir la déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le

chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au

cours des trois derniers exercices disponibles et / ou leurs bilans ou extraits de bilans

concernant les trois dernières années. Sur la base des documents transmis par les candidats, le

pouvoir adjudicateur est en mesure de vérifier qu’il confie l’exécution du marché à une

entreprise solvable. De plus, lorsque s’achève la mise en concurrence, l’acheteur public doit

demander au candidat qu’il considère comme ayant présenter l’offre économiquement la plus

avantageuse de fournir les attestations fiscales et sociales nécessaires. Si le candidat ne les

fournit pas, le pouvoir adjudicateur ne peut procéder à la passation du contrat avec celui-ci et

doit se tourner vers celui classé deuxième dans le classement des offres.

Concernant en second lieu l’hypothèse où le titulaire du marché est de mauvaise foi,

nous écarterons cet argument en évoquant les garanties financières qui sont exigées par la

personne publique auprès du candidat. Ce dernier doit en effet fournir une garantie à première

demande ou, le cas échéant, une caution personnelle et solidaire.98

Le second argument du Professeur Amselek tient en ce que « le partenaire de la

personne publique payé avant d’avoir exécuté ses propres prestations pourrait être incité à ne

pas apporter tout le soin souhaitable à la réalisation de ces dernières. »

97

Arrêté du 28 août 206 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux

candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs (JO n°199 du 29 août 2006 page 12766 texte n°10). 98

Cf., Partie II, chapitre 2, section 1, B

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Ce raisonnement se justifie mais c’est justement pour éviter toute dérive au paiement

par avance qu’a été instaurée la réception ou l’admission. Il s’agit en effet d’une étape

obligatoire – la dernière – dans l’exécution du contrat dont l’objet est de vérifier la bonne

exécution des prestations en termes qualitatif et quantitatif.

De plus, nous rappellerons qu’il existe des garanties post-contractuelles. Tout d’abord,

la garantie de parfait achèvement, d’une durée d’un an, permet à la personne publique de

demander au constructeur de réparer tout désordre ou défaut de conformité (article 1792-6,

alinéa 2 du Code civil). Il y a également la garantie de bon fonctionnement dite garantie

biennale qui permet à l’acheteur de faire intervenir le constructeur en cas de mauvais

fonctionnement des équipements (article 1792-3 du Code civil). Et enfin, la garantie

décennale peut être déclenchée pour tous les défauts qui pourraient mettre en péril la solidité

de l’ouvrage ou le rendre impropre à sa destination (article 1792 du Code civil).

« Enfin, un paiement anticipé priverait le contrôle des comptables publics d’une

partie de son efficacité : une fois le paiement effectué, le comptable se trouverait dessaisi et ne

pourrait donc plus s’assurer que la dépense ainsi payée correspond à des prestations réelles et

non pas fictives. »99

L’on concède effectivement que le comptable ne peut pas contrôler qu’au paiement

correspond une contreprestation effective et adéquate. Cependant, il lui incombera de vérifier,

qu’à partir d’un certain seuil (en principe, 65% du montant des prestations), le titulaire ait

commencé à rembourser l’avance et qu’avant un autre seuil, il ait terminé le

remboursement100

.

En raison de ces arguments, il défend donc cette conception stricte de la règle du

service fait. D’autant que refuser de procéder au paiement avant l’exécution du service

constitue pour les personnes publiques un avantage indéniable à l’encontre de leur partenaire

privé.

99

Paul Amselek, op cit., p.486 100

Article 89 du Code des marchés publics

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Le Professeur Gérard Lupi parle de cette règle comme d’une « arme efficace mise à la

disposition de l’Administration »101

et le Professeur Marcel Merle la qualifie de « moyen de

pression très efficace » car la subordination du paiement à l’exécution du contrat permet « à

l’Administration de tenir en haleine ses créanciers. »102

Cependant, là où il voit un procédé permettant de garantir la meilleure utilisation

possible des deniers publics, nous y voyons plutôt un double risque tenant à la discrimination

des PME et son impact économique (Section 2).

Section 2. Un impact économique négatif : la mise à l’écart

des PME

Dans cette partie, nous verrons que si l’on appliquait la règle du paiement après

service fait strictement tel que le justifie le principe tenant à la protection du bon usage des

deniers publics, cela pourrait avoir une répercussion des plus négative sur les petites et

moyennes entreprises (A) et même une répercussion économique potentielle pour les deniers

publics des pouvoirs adjudicateurs (B).

A. Une protection du bon usage des deniers publics au

détriment du principe de libre accès à la commande publique

Lorsque les auteurs dont on a parlé précédemment (G. Jèze, G. Lupi et P. Amselek),

interprètent la règle du service fait stricto sensu, c’est dans l’idée d’interdire tout paiement

avant service fait et notamment le paiement par avance. Le tout étant motivé par le souci

d’une bonne utilisation des deniers qui sont prélevés par le biais de l’impôt sur les

contribuables.

Cependant, on peut voir, comme corollaire à la condition tenant au paiement a

posteriori de tout service fait, une dérogation au principe de liberté (et plus spécifiquement au

principe de libre accès à la commande publique) en défaveur des entreprises qui ne

bénéficient pas d’une trésorerie suffisante.

101

Gérard Lupi, op. cit., p.683 102

Marcel Merle, op. cit., p.433

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Et les entreprises les plus touchées seraient inévitablement les petites et moyennes

entreprises. Juridiquement, les PME sont entendues comme des entreprises dont l’effectif ne

dépasse pas 250 employés et dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas chaque année

50 000 000 d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros 103

.

Cette définition des PME a, par ailleurs, été récemment confirmée spécifiquement dans le

secteur de la commande publique104

.

Cette mise à l’écart des PME aurait pour effet de limiter la portée du principe de libre

accès à la commande publique alors que son objectif est de susciter la plus large

concurrence possible.

Expliquons ce raisonnement. Si ces entreprises n’ont pas de trésorerie ou ont une

faible trésorerie, alors, pour tous les appels d’offres concernant des marchés dépassant un

certain montant, elles ne candidateront pas, sachant qu’elles ne pourront exécuter le marché

sans bénéficier d’une avance. Car l’avance a pour objet de permettre l’achat des fournitures,

le paiement des salariés qui mettent en place le chantier, etc.

Alors certes, pour assurer ce principe de libre accès à la commande publique, l’article

53 du Code des marchés publics permet aux entreprises de se constituer en groupements, leur

permettant par là même de réunir plusieurs compétences et leurs trésoreries respectives.

Cependant, ce procédé n’est pas réservé aux seules PME ; il est utilisable par toutes les

entreprises. Et donc les entreprises les grandes entreprises, c’est-à-dire les entreprises

d’envergure nationale et internationale peuvent se grouper également.

En conséquence, pour les marchés publics d’une certaine importance, elles se verraient

évincer d’office à défaut de trésorerie. Pour les « petits » marchés, les PME se verraient mises

en concurrence avec les grandes entreprises et les secondes risquant d’être plus compétitives

que les premières, il semble que le principe de libre accès à la commande publique se verrait

mis à mal au nom du service fait et de la protection des deniers publics.

103

Article 2 de la recommandation de la Commission européenne n°2003/361/CE du 6 mai 2003 concernant la

définition des micro, petites et moyennes entreprises (JOUE du 20 mai 2003). 104

Article 1er

du décret n°2009-245 du 2 mars 2009 relatif à la définition des PME dans la règlementation

publique (JO du 4 mars 2009) : « Constituent des petites et moyennes entreprises au sens du code des marchés

publics… les entreprises définies comme petites et moyennes par la recommandation de la Commission n°

2003/361/CE du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises. »

Page 45: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Pourtant, le principe de libre accès à la commande publique a été plusieurs fois

consacré. Pour la première fois, il a été qualifié de principe général du droit communautaire

par le juge communautaire dans l’arrêt Telaustria105

, puis le juge administratif l’a consacré en

principe général du droit106

et enfin, le juge constitutionnel lui a reconnu une valeur

constitutionnelle107

.

Alors si au nom de la règle du paiement après service fait il était interdit de délivrer

une avance, et que cela avait de telles répercussions sur les PME, il s’agirait d’une barrière à

l’entrée et plus particulièrement d’une barrière structurelle et non stratégique (c’est-à-dire

créée ou renforcée par une entreprise qui se trouve déjà sur le marché).

Et cela pourrait avoir des répercussions économiques sur le budget des collectivités

territoriales.

105

CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH 106

CE, avis, 29 juillet 2002, Société M.A.J. Blanchisseries de Pantin, req. n°246921 : « Ces marchés demeurent

du reste soumis aux principes généraux posés aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article 1er du code,

selon lesquels les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité

de traitement des candidats et de transparence des procédures… ». 107

Décision n°2003-473 DC du 26 juin 2003 : « Qu'en particulier, les dispositions relatives à la commande

publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont

rappelés par l'article 1er du nouveau code des marchés publics, aux termes duquel : "Les marchés publics

respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de

transparence des procédures. »

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

B. Une censure dans l’interprétation de la règle du service fait

néfaste au bon usage des deniers publics

Si l’on poursuit notre raisonnement, les PME seraient donc, en l’absence d’un

paiement par avance, victimes d’une barrière à l’entrée de certains marchés publics. Cela

implique que seules les entreprises d’envergure nationale et internationale, qui ont les moyens

technique, humain et financier – elles sont munies d’une trésorerie –, peuvent remporter les

appels d’offres.

Alors que les principes fondamentaux de la commande publique ont pour objet de

susciter la plus large concurrence et de mettre ainsi un maximum d’entreprises en

compétition, l’existence d’une barrière à l’entrée engendre une concurrence réduite.

Et lorsqu’il y a une large concurrence, les offres des entreprises n’en sont que

meilleure puisqu’elles proposent des prestations de meilleure qualité, innovantes et en terme

de coûts, les offres sont revues à la baisse. Car pour être les plus compétitives, les entreprises

vont agir sur leur prix pour présenter l’offre qui sera économiquement la plus avantageuse.

Mais si la concurrence est réduite, les entreprises nuanceront plus leurs offres sur le

critère de la qualité des prestations que sur le critère du prix pour être certaine d’une part de

ne pas perdre d’argent et d’autre part, pour être certaine d’en gagner. Elles joueront

nécessairement moins le jeu de la mise en concurrence.

Cette concurrence par les prix jouerai d’autant moins en cas de recours par les

entreprises au groupement. Puisque le groupement, c’est finalement une entente rendue licite

par la loi. Une entente étant une concertation qui a un effet anticoncurrentiel.

Si le pouvoir règlementaire et / ou législatif adoptait une telle définition et interdisait

conséquemment l’avance, on pourrait même y voir une faute de l’Etat qui met les entreprises

en situation d’abuser de leur position dominante ou de former des ententes

anticoncurrentielles108

.

108

Dans ce cas là, la jurisprudence parle depuis plusieurs années d’entente automatique.

Page 47: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Et même si la mise en concurrence ne permet pas de susciter des offres

concurrentielles, le pouvoir adjudicateur devra choisir l’une d’entre elles à moins que les prix

n’aient été manifestement surestimés par les candidats et que l’acheteur public puisse recourir

au marché négocié109

.

En conséquence, au lieu que l’interprétation stricte de la règle du service fait et

l’interdiction, corollaire, du paiement par avance ne viennent assurer un bon usage des deniers

publics, la conséquence pourrait bien être inverse.

109

Article 35, I du Code des marchés publics

Page 48: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Titre II.

Une compatibilite effective entre la

regle du paiement apres service fait

et les avances

Chapitre 1. Le paiement de l’avance justifié par un service fait ....................................... 46

Section 1. L’existence d’une contreprestation… .................................................................. 48

Section 2. … Conditionné par un assouplissement de la notion de service fait ................... 54

Chapitre 2. Un assouplissement compensé par des garanties ............................................ 55

Section 1. Les conditions d’octroi des avances .................................................................... 55

Section 2. Le maintien des garanties même en période exceptionnelle ............................... 63

Chapitre 1. Le paiement de l’avance justifié par un

service fait

Après avoir vu que l’interprétation stricte de la règle du paiement après service fait est

non seulement injustifiée mais qui plus est, néfaste, nous nous évertuerons à démontrer dans

ce chapitre que cette conception doit totalement à écarter car il existe un véritable service fait,

contreprestation au paiement de l’avance. Il ne s’agit pas de la contreprestation effective et

adéquate que définit le Professeur Paul Amselek ; c’est une prestation d’une autre nature,

motivée par un autre intérêt (Section 1) mais elle ne peut néanmoins être qualifiée de service

fait que dans la mesure où l’on conçoit la règle du service de façon plus souple (Section 2).

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Section 1. L’existence d’une contreprestation…

Alors que certains auteurs ne voyaient dans l’avance qu’une dérogation néfaste au bon

emploi des deniers publics, nous développerons ici une conception totalement opposée selon

laquelle le paiement par avance répond à un service fait. Nous nous appuierons pour cela sur

deux arguments. Le premier consiste dans le fait que les avances sont soumises à la taxe sur la

valeur ajoutée (TVA) (A) et le second repose sur les dispositions d’un décret ancien qui même

si elles ne sont plus reprises depuis demeurent implicitement valables (B).

A. La soumission des avances à la TVA…

Le principe énoncé par l’article 256 du Code général des impôts est que les livraisons

de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en

tant que tel sont soumises à la TVA.

L’assujettissement à la TVA est donc conditionné au fait qu’il existe une activité

onéreuse. C’est une contrepartie.

Le paiement par acompte étant soumis à une exécution partielle, il a lieu après

prestation de services ou livraison de biens – selon la nature du marché – et il apparaît logique

que l’acompte soit soumis à la TVA. Cependant, cela semblait moins logique pour le

paiement par avance puisque pour certains, l’avance serait délivrée avant tout service fait et il

n’y aurait donc aucune activité qui justifierait que l’on assujettisse l’avance à la TVA.

Cependant, l’on constate que l’article 87 II du Code des marchés publics prévoit que le

montant de l’avance est fixé à :

« 1° A 5 % du montant initial, toutes taxes comprises, du marché ou de la tranche

affermie si leur durée est inférieure ou égale à douze mois ; si cette durée est

supérieure à douze mois, l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à douze fois le

montant mentionné ci-dessus divisé par cette durée exprimée en mois ;

Page 51: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Le Code des marchés publics prévoit donc que le montant de l’avance correspond à

5% soit du montant du marché (1°) soit 5% de la valeur de référence (2° et 3°), montant qui

est calculé toutes taxes comprises. Puisque toutes les taxes sont comprises, cela inclut la TVA.

En conséquence, l'avance étant TTC, elle comprend nécessairement la TVA.

Cette interprétation a été confirmée à la suite de plusieurs questions parlementaires par

une réponse de l’Administration fiscale du 31 août 2010 qui précise que « l’avance comprend

nécessairement la TVA et doit être regardée comme versée TTC » que l’avance soit

facultative ou non.110

Donc quand le titulaire du marché reçoit l’avance TTC et donc avec la TVA comprise,

l’assujettissement étant subordonné à la livraison d’un bien ou à une prestation de services,

cela signifie, ipso facto, que l’avance est versée en contrepartie d’une activité de l’entité

économique. Donc ce paiement est justifiée par une contreprestation et donc par l’existence

d’un service fait.

Il convient dès lors d’étudier en quoi peut consister la contreprestation (B).

110

L. LEVOYER, « Un an de fiscalité des contrats publics », Contrats et marchés publics, n°3, mars 2011,

chron. 2

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

B. … Révélatrice de l’existence d’un service fait

Au début de la seconde guerre mondiale, le décret du 19 mars 1939 (article 8) est venu

énumérer un certain nombre de prestations qui permettraient de conclure à l’existence d’un

service fait et conséquemment le paiement de l’avance. Sont alors considérés comme service

« accompli » l’approvisionnement des matériaux nécessaires à l’exécution du marché, le

transport de ces matériaux au lieu du chantier, l’achat de l’outillage technique à la réalisation

du travail et même le paiement des salaires et des charges sociales pour le compte du

personnel de l’entreprise.

Cependant les décrets successifs qui sont venus confirmer la possibilité puis

l’obligation de payer par avance n’ont pas repris ces dispositions. La Direction des affaires

juridique de Bercy interprète alors l’avance comme un paiement en l’absence de tout service

fait. A tort.

Le Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics vient préciser que

« l’octroi des avances a pour objet de faciliter l’exécution des marchés et d’assurer l’égalité

d’accès aux marchés entre les entreprises, disposant d’une trésorerie suffisante pour démarrer

l’exécution des prestations et celles qui n’en disposent pas. Tel est le cas notamment des

petites et moyennes entreprises et de la majorité des associations qui œuvrent dans des

secteurs économiques. »

Ce service fait, malgré le silence des textes, demeure. Quand la circulaire parle de

faciliter l’exécution du marché, il peut s’agir de plusieurs choses, notamment les prestations

prévues par le décret de 1939 : prendre en charge les dépenses du personnel qui participe à la

préparation du chantier, les dépenses de matériel pour l’achat de l’ensemble des fournitures

nécessaires à l’exécution, les taxes et redevances, etc. Ces prestations consistent globalement

en la préparation du chantier car avant l’exécution du marché, l’entreprise doit faire face à des

dépenses qui peuvent même être relativement importantes. C’est d’ailleurs la raison pour

laquelle le pouvoir adjudicateur peut être exceptionnellement autorisé à délivrer une avance

égale à 60% du montant du marché si les travaux préparatoires sont d’une certaine ampleur,

d’un certain coût…

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Plutôt qu’un long discours, illustrons plutôt par un exemple concret.

Une entreprise de travaux publics 111

dont l’effectif moyen est de 7 000 salariés a

candidaté et remporté un appel d’offres dans le cadre du décret n°2005-1742 du 30 décembre

2005 lancé par une Collectivité territoriale. L’objet de ce marché publics est la réalisation et la

rénovation des voieries et espaces publics dans le cadre du réaménagement d’espaces publics.

Sa durée sera de 14 mois et son montant de 1 680 310,50 € HT et de 2 009 651,36 € TTC.

Cette entreprise a sous-traité une partie du marché pour la réalisation du réseau de chaleur et

de climatisation pour un montant de 70 269,00 € HT et 84 041,72 € TTC.

L’exécution du marché est donc supérieure à deux mois et son montant est supérieur à

50 000 €. L’entreprise titulaire du marché et son sous-traitant ont donc un droit acquis au

paiement de l’avance. Nous allons désormais calculer le montant de l’avance pour avoir une

idée concrète de l’impact et de l’aide que peut constituer l’avance.

Tout d’abord, puisque le montant de l’avance comprend la TVA, nous allons utiliser

les prix TTC : 2 009 651,36 € TTC et 84 041,72 € TTC. Ensuite, l’avance est calculée sur la

base du prix initial auquel on soustrait la part sous-traitée. Donc pour l’entreprise titulaire du

marché, le prix initial de référence est :

Ensuite, on applique le taux de 5% prévu par l’article 87 du Code des marchés

publics :

111

L’entreprise a accepté de nous transmettre différents documents contractuels que nous avons mis en annexes

cependant, pour des raisons tenant au secret des affaires, nous avons du rayer les noms des différentes parties au

contrat.

Page 54: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

La Collectivité devra donc verser une avance dont le montant est de près de 100 000 €

TTC.

Pour le sous-traitant, le prix de référence est 84 041, 72 €. Puis on lui applique le

même seuil de 5%.

Ces avances vont permettre à chacune des entreprises de procéder au paiement des

dépenses de personnel et de matériel.

Les dispositions de l’article 10.2 du CCAP prévoient que la préparation du chantier

dure un mois. Pour ce faire, il convient de mobiliser durant toute cette période un conducteur

de travaux afin qu’il organise le planning du chantier, achète les fournitures…

Ensuite, il y a les dépenses de matériel.

- Location de camions et d’engins

- Achats des petits matériels

- Achat d’agrégats qui sont les matériaux nécessaires pour procéder au remblai et à

l’enrobage des canalisations

- Achats des fournitures nécessaires à l’exécution du marché : canalisation en béton

armée (de 78 à 190€ / m. linéaire selon diamètre de la canalisation), regards à grille

(1050€ / unité), regard avaloir (1 550€ / unité), regard de branchement (850€ /

unité) caniveau à grille (900 € / unité), dalle de protection sur réseau (130€ / unité),

canalisation fonte (120€ / unité), conduite en fonte (78€ / m. linéaire), vanne de

sectionnement (450€ / unité), etc.

Au total, la préparation générale du chantier coûte donc 45 000 € HT.

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Donc l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation du chantier est d’un

montant de près de 55 000 €. Il reste donc encore un montant de 40 000 € non utilisé. Mais

cette somme permettra à l’entreprise de pouvoir supporter les dépenses de personnel et de

matériel qui seront engagées après le début d’exécution du chantier.

L’avance est donc dûment justifiée par une contreprestation du titulaire du marché. De

plus, procéder à la réalisation du chantier permet d’assurer le commencement d’exécution à la

date fixée contractuellement et d’assurer la continuité du service public selon l’objet du

contrat.

Le paiement de l’avance permet en plus de susciter la plus large concurrence possible

en ouvrant l’accès des marchés aux PME ce qui permet un plus grand nombre de candidatures

et une plus grande compétitivité.

Le titulaire du marché intervient donc en amont et cette intervention est une prestation

qui garantit la bonne exécution du marché pour la suite. Donc si on interprète largement la

notion de SF, on peut considérer que ça relève du service fait. « Il y a service fait dès que

l’entrepreneur ou le fournisseur peuvent justifier de l’exécution d’une prestation quelconque

afférente à l’exécution du marché. »112

Et malgré tout, le Professeur Lupi considère qu’« est ténu le fil reliant le service fait et

le droit aux avances ».113

Cependant nous sommes de l’avis du Professeur Merle, qui bien

qu’ayant un demi siècle reste d’actualité, selon lequel l’avance « pas le principe fondamental

de la priorité de l’exécution du service sur le paiement puisque le règlement des avances

demeure toujours subordonné à la justification d’un service fait » et que la règle « pas de

paiement avant service fait » demeure applicable aux dépenses de matériel. »114

Cependant, pour admettre que l’avance est justifiée par une contreprestation effective,

il faut également entendre la notion du service fait plus souplement (Section 2).

112

Marcel Merle, op. cit., p.440 113

Gérard Lupi, op. cit., p.703 114

Marcel Merle, op. cit., p.441

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Section 2. … Conditionné par un assouplissement de la

notion de service fait

On peut donc légitimement admettre qu’il y a un service fait puisqu’il y a une vraie

prestation même si elle ne correspond pas à la réalisation du chantier ou à la livraison de

fournitures.

Mais pour admettre l’existence d’un service fait, il est indispensable d’interpréter la

notion de service fait plus largement, plus souplement que ne le font, par exemple, les

Professeurs Paul Amselek, Jèze et Gérard Lupi. Tel est le point de vue défendu par le

Professeur Marcel Merle. Il voit dans le paiement par avances (et par acomptes a fortiori) un

assouplissement à la règle du service fait et non une dérogation ou un « abandon total » du

principe du paiement après service fait.

Il est donc nécessaire de procéder à une interprétation in extenso de la notion de

service fait en admettant que les activités préalables à l’exécution des obligations

contractuelles en elle-même font partie intégrante de l’exécution du contrat.

Cette interprétation se justifie d’autant plus que cela par le fait qu’il s’agit d’un

assouplissement que l’on pourrait qualifier de vertueux puisque la délivrance d’avances a

pour effet de permettre le respect des principes fondamentaux de la commande publique et

notamment le principe de libre accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics.

Dès lors que l’on peut qualifier les activités préalables à l’exécution du marché de

service fait et considérer que le paiement de l’avance est un paiement après service fait, il

nous appartient désormais d’approfondir le procédé de l’avance en étudiant le régime

juridique des avances tel que prévu par les dispositions des articles 87 à 90 du Code des

marchés publics (Chapitre 2).

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Chapitre 2. Un assouplissement compensé par des

garanties

La règle du service fait est une règle « pilier » en droit de la comptabilité publique

mais elle est également centrale en droit public général puisque c’est cette règle, notamment,

qui permet d’assurer la bonne utilisation des deniers publics. Elle interdit en conséquence à

l’Administration d’accorder des libéralités ou de procéder au paiement d’une dépense

publique avant d’en être réellement débitrice.

Cependant, il a fallu assouplir cette règle de façon ponctuelle en périodes de guerre115

,

puis au fil de l’eau, cet assouplissement a été développé et s’est pérennisé. Mais en parallèle,

s’accentue la raréfaction des derniers publics. C’est pourquoi en contrepartie de

l’assouplissement de la règle du service fait et de l’impératif lié à la protection des deniers

publics qui sont en fait les recettes de l’Etat et des collectivités territoriales prélevées par le

biais de l’impôt auprès du contribuable, il a fallu conditionner strictement le paiement par

avance. Ce cadre juridique, prévu par les articles 87 à 90 du Code des marchés publics

(Section 1), vaut également quand la possibilité de payer par avance est assouplie en raison de

conditions économiques exceptionnelles (Section 2).

Section 1. Les conditions d’octroi des avances

Pour ne pas vider la règle du paiement après service fait de son sens, il est apparu

indispensable d’entourer le procédé de l’avance d’un certain nombre de garanties. C’est ainsi

que les avances sont conditionnées d’une part, par une durée minimale d’exécution et un

montant minimum du contrat (A) et d’autre part, par des garanties financières que doit

présenter le titulaire du marché (B).

115

Cf, Introduction sur l’origine des acomptes et des avances

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A. Les garanties relatives au contrat

Le paiement de l’avance par le pouvoir adjudicateur constitue un droit pour le

titulaire du marché qui peut cependant y renoncer dans l’acte d’engagement.

Un droit certes, mais un droit conditionné. En effet, le versement de l’avance n’est

obligatoire que dans le cas des marchés publics (travaux, fournitures ou services) dont le

montant est supérieur à 50 000 euros hors taxe (HT) et dont le délai d’exécution est

supérieur à deux mois116

. Lorsque le pouvoir adjudicateur est une collectivité territoriale117

,

il peut, discrétionnairement, exiger le respect d’une troisième condition : la constitution par le

titulaire du marché d’une garantie à première demande.

Le montant minimal de l’avance est obligatoirement de 5% du montant initial du

marché (ou du bon de commande, ou de la tranche ferme). L’instauration d’une avance

pour un montant supérieur à 5% ne constitue qu’une possibilité. Il s’agit, en effet, d’une

décision discrétionnaire ou plutôt d’une politique économique locale que le pouvoir

adjudicateur a décidé d’adopter ou non. Il est cependant confronter à une limite règlementaire

qui est, en principe, de 30% du prix du marché. Mais dans des cas exceptionnels où le

montant des opérations préparatoires sont lourdes, le pouvoir adjudicateur peut aller jusqu’à

accorder une avance égale jusqu’à 60% du prix du marché.

Si le montant de l’avance est supérieur au pourcentage minimal, ce doit être prévu par

les documents de la mise en concurrence (AAPC, règlement de la consultation) car procéder à

son paiement sans publicité préalable reviendrait à déroger aux principes fondamentaux de la

commande publique118

.

116

Article 87, I, alinéa 1er

du Code des marchés publics : « Une avance est accordée au titulaire d'un marché

lorsque le montant initial du marché ou de la tranche affermie est supérieur à 50 000 euros HT et dans la

mesure où le délai d'exécution est supérieur à deux mois. » 117

Le Code des marchés publics prévoit expressément cette possibilité pour les seules collectivités territoriales,

excluant implicitement l’Etat et ses établissements publics. 118

CRC, 19 juillet 1995, Lettre d’observation de gestion au Président du syndicat des transports en commun de

l’agglomération lyonnaise

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Ces 5% sont calculés sur la base du prix initial du marché tel qu’il résulte de l’acte

d’engagement éventuellement augmenté par les avenants conclus avant le paiement de

l’avance. L’avance due au titulaire du marché est donc calculée sur la part du marché non

sous-traitée119

. Ainsi, le titulaire du marché qui a reçu une avance calculée sur la base du prix

de l’ensemble du marché et qui décide de sous-traiter après la passation du marché doit

rembourser au pouvoir adjudicateur l’avance pour la part qu’il sous-traite.

Le ou les sous-traitants peuvent, à cet égard, bénéficier d’une avance de la même

façon qu’ils jouissent du paiement direct. L’avance du sous-traitant est calculée sur la base du

montant des prestations qu’il exécute et non sur la base du prix total du marché.

Ce paiement de l’avance directement au sous-traitant fait partie des mesures dont

l’objectif est de permettre l’accès des PME à la commande publique (article 115, alinéa 4 du

Code des marchés publics). C’est notamment la raison pour laquelle, si le titulaire du marché

renonce au bénéfice de l’avance, il n’y renonce que pour lui-même et n’engage pas son sous-

traitant ce qui rend ce dernier relativement indépendant vis-à-vis du titulaire du marché, au

moins financièrement.

Si le juge administratif admettait auparavant que l’avance pouvait faire l’objet d’une

clause de révision ou d’actualisation120

, cela a été expressément exclu par le décret du 15

décembre 1992 qui est, en l’état actuel du droit, codifié à l’article 87, II, 3° du Code des

marchés publics.

Comme pour le paiement après service fait, l’avance doit être payée sans formalité

dans le délai global de paiement (30 jours pour l’Etat, les collectivités territoriales et les

établissements publics) à compter de la date d’effet de l’acte emportant commencement

d’exécution du marché, lequel sera le plus souvent l’ordre de service de commencer ou, à

défaut, la date de notification du marché.

119

Article 87, 1, alinéa 1er

: « Cette avance est calculée sur la base du montant du marché diminué du montant

des prestations confiées à des sous-traitants et donnant lieu à paiement direct. » 120

CE, 7 mars 1990, Société Campenon Bernard : RDP 1991, p.295 ; Le Moniteur TP, 13 avril 1990, p.66

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

En cas de retard dans le paiement de l’avance, le pouvoir adjudicateur peut être

condamné à réparer le préjudice de l’entreprise titulaire du contrat. La réparation dudit

préjudice peut aller au-delà du paiement des intérêts moratoires notamment si l’entreprise a

subi un préjudice financier en ne pouvant pas rembourser un prêt qu’il aurait contracté pour

l’exécution du marché en question (CE, 17 novembre 1982, Commune de Font-Romeu :

Rec. CE 1982, Tables p.670).

Le remboursement s’impute par précompte sur les sommes dues au titulaire et doit être

terminé lorsque le montant atteint 80% toutes taxes comprises (TTC) des prestations. Sauf

indications contraires, le remboursement démarre lorsque le montant des prestations exécutées

atteint 65% du montant initial ce qui permet au titulaire du marché de constituer une trésorerie

avant le remboursement.

A l’instar d’un prêt bancaire, et à moins que les dispositions contractuelles n’en

disposent autrement, le titulaire du marché doit donc rembourser l’avance. Les modalités

prévues par le Code des marchés publics est que le bénéficiaire de l’avance commence à

rembourser après avoir exécuté les deux tiers du marché (ce qui lui permet d’avoir constitué

une trésorerie) et avant d’en avoir exécuté les quatre cinquièmes.

Page 61: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Comment se calcule l’avance ?121

Montant du marché = m

m est le montant du marché avec déduite la part éventuellement sous-traitée.

Durée du marché = D

Montant de l’avance = M

Hypothèse 1 : Quand D < 12 mois :

Hypothèse 2 : Quand D > 12 mois :

Tableau récapitulatif sur l’octroi des avances

Avance

obligatoire

Conditions

obligatoires

1. Quand le montant du marché est supérieur à 50 000

€ HT

2. Quand le délai d’exécution du marché est supérieur

à 2 mois

Condition

facultative

Les collectivités peuvent demander une garantie à

première demande (art. 89 du Code des marchés

publics).

Mise en œuvre

de l’avance

Le montant de l’avance doit être au minimum 5% du

montant du marché initial.

Le pouvoir adjudicateur peut délivrer une avance dont

le montant est au maximum 30% du prix du marché ou

par exception, 60%.

Avance

facultative

Quand le montant du marché public est inférieur à 50 000 € et / ou que le

délai d’exécution du marché est inférieur à 2 mois.

Quand le pouvoir adjudicateur décide de délivrer une avance dont le

montant est compris entre 30% et 60% du montant initial du marché.

- Dans ce cas, le bénéficiaire de l’avance doit constituer une garantie

121

Pour des exemples chiffrés de calcul de l’avance en fonction du type de marché : cf. Direction des affaires

juridiques, « Les avances », Le moniteur, 21 décembre 2012, p.14 et 15

Page 62: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

à première demande (art. 90 du Code des marchés publics).

Page 63: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

B. Les garanties financières protectrices des deniers publics

Selon le montant de l’avance, le pouvoir adjudicateur a soit la faculté (avance <

30% du prix du marché), soit l’obligation (avance > 30% du prix du marché) de demander

au titulaire du marché ou au sous-traitant qui bénéficie de l’avance de constituer une

garantie à première demande et le cas échéant une caution personnelle et solidaire.

Il est en effet indispensable que les personnes publiques protègent les deniers publics.

Ainsi, « lorsqu’il [le pouvoir adjudicateur] réclame une prise de fonds dans les caisses à titre

d’avance pour un service à faire, ces paiements anormaux doivent être exceptionnels et

accompagnés de garanties toute particulière. »122

Le principe est que le titulaire du marché doit constituer une garantie à première

demande. Il s’agit d’une garantie qui, souscrite par un donneur d’ordre - le titulaire du

marché - au profit d’un bénéficiaire - l’Administration - doit être exécutée par le garant –

l’établissement bancaire123

-, dès lors que le bénéficiaire décide de l’appeler124

.

Le garant peut, en principe, être soit une personne physique soit une personne morale.

En pratique, il s’agit d’un établissement de crédit. En application de l’article 100, l’organisme

apportant sa garantie « doit être choisi parmi les tiers agréés par le ministre chargé de

l'économie ou par le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement

mentionné à l'article L 612-1 du code monétaire et financier ». Toutefois, les administrations

contractantes conservent leur liberté d’acceptation ou de non-acceptation des organismes

apportant leur garantie.

Par ailleurs, toujours à la différence de la caution, il ne peut opposer aucune exception

tirée du contrat de base pour s’exonérer de son obligation de paiement, sauf cas de fraude ou

d’abus manifeste.

122

Henri de Montcloux, De la comptabilité publique en France, Paris, Bossange, 1840 123

Il s’agit nécessairement d’un établissement financier agréé par le ministère des finances. 124

Instruction pour l’application du Code des marchés publics, annexe au décret n°2001-210 du 7 mars 2001

pourtant Code des marchés publics

Page 64: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

La caution est une garantie de substitution à laquelle il n’est possible de recourir

qu’avec l’accord de l’Administration. Les parties décident ensemble d’opter pour une caution

personnelle et solidaire ; ce n’est pas automatique. La caution est une personne qui s’engage

envers le créancier, à titre de garantie, à remplir l’obligation du débiteur principal, pour le cas

où celui-ci n’y aurait pas lui-même satisfait. L’agrément de l’organisme apportant sa caution

s’effectue dans les mêmes conditions que celles prévues pour la garantie à première demande.

La caution personnelle et solidaire accordée par une banque en remplacement de la

retenue de garantie couvre, comme cette retenue, la bonne exécution du marché et le

recouvrement de toutes les sommes dont le cocontractant de l’administration est reconnu

débiteur, à quel titre que ce soit, en exécution de son marché.

Page 65: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Section 2. Le maintien des garanties même en période

exceptionnelle

Quand la crise économique, dite crise des subprimes est arrivée, afin de pallier au

ralentissement de l’économie (pour ne pas parler de récession) et de ne pas laisser les petites

et moyennes entreprises s’enliser dans leur souci de trésorerie et permettre par la même aux

grandes entreprises de récupérer des parts de marché, le Gouvernement est intervenu en

révisant le cadre juridique du paiement par avance dans le Code des marchés publics. La

mesure adoptée va évidemment dans le sens d’un assouplissement des conditions de paiement

de l’avance (A) mais les garanties, notamment financières, demeurent au titre de la protection

des deniers publics (B).

A. Un nouvel assouplissement indispensable aux PME

Ce nouvel assouplissement a pour conséquence d’obliger le pouvoir adjudicateur à

délivrer une avance dans de plus nombreuses hypothèses. Ce droit à l’avance, pour le

titulaire du marché, est donc plus répandu, conséquence du décret du 19 décembre 2008125

et

de la circulaire du même jour126

qui instaurent le nouveau cadre juridique au paiement de

l’avance dans les marchés publics.

Ce nouveau régime mis en place diffère selon les pouvoirs adjudicateurs.

Ainsi, le versement de l’avance devient obligatoire (si l’entreprise n’y renonce pas

dans l’acte d’engagement) pour les marchés de l’Etat et de ses établissements publics dont le

montant est compris entre 20 000 euros HT127

et 5 150 000 euros. Au-dessus de ce seuil, la

circulaire laisse libres les signataires des marchés de moduler le montant de l’avance en

fonction de la taille et la situation de l’entreprise. Pour les marchés publics locaux, le seuil est

125

Décret n°2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de relance dans les marchés publics (JO

n°0296 du 20 décembre 2008 p.19544, texte n°12)

126 Circulaire du 19 décembre 2008 relative au plan de relance de l’économie française – augmentation des

avances sur les marchés publics de l’Etat en 2009 (JO n°0296 du 20 décembre 2008, p.19542, texte n°3)

127 Article 43 du décret du 19 décembre 2008 : « Par dérogation de l’article 8 du code des marchés publics, une

avance peut être accordée lorsque le montant de l’avance est supérieur à 20 000 euros HT. »

Page 66: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

également fixé à 20 000 euros. De plus, pour les marchés publics nationaux, disparaît la

contrainte relative à la durée minimale d’exécution.

Le montant minimal de l’avance reste de 5% du prix initial du marché pour les

marchés conclus par les collectivités territoriales mais ce seuil passe à 20% pour les

marchés de l’Etat et des établissements publics nationaux. L’instauration d’une avance

pour un montant supérieur à ce seuil reste une possibilité pour le pouvoir adjudicateur dans la

limite de 30% en principe, et 60% dans des cas exceptionnels.

Pour les marchés à venir, l’Etat et les établissements publics nationaux ont l’obligation

de prévoir dans les documents de la mise en concurrence que le montant de l’avance est, a

minima, 20% du prix initial du marché. Lorsqu’il s’agit de marchés en cours d’exécution128

, le

titulaire du marché qui a reçu une avance calculée sur la base du taux de 5% peut demander à

l’Administration un complément d’avance qu’elle sera dans l’obligation de lui payer après

conclusion d’un avenant qui modifie les conditions de versement de l’avenant129

.

Dans le cadre des marchés publics (en cours et à venir) des collectivités territoriales,

de leurs groupements et des établissements publics locaux, si le titulaire du marché demande

un complément ou le paiement d’une avance égale à 20% du prix du marché, le pouvoir

adjudicateur n’est pas dans l’obligation d’y répondre favorablement, ce n’est que facultatif.

Quant aux sous-traitants, ils jouissent de cet assouplissement au même titre que les

titulaires des marchés publics.

Les modalités tenant au délai de paiement par le pouvoir adjudicateur130

et au

remboursement de l’avance par son bénéficiaire restent identiques.

128

Un marché en cours d’exécution est un marché notifié puisqu’un marché public ne prend effet qu’à la date de

sa notification (article 81 du Code des marchés publics). 129

Avant le plan de relance de l’économie, l’article 87 du Code des marchés publics interdisait expressément, et

ce depuis le décret du 15 décembre 1992, toute modification par avenant de l’avance. Mais cette modification

n’est qu’une conséquence logique au fait que le plan de relance s’applique aux marchés en cours. 130

Dans la même période, le décret n°2008-407du 28 avril 2008 est venu uniformiser, par étape, les délais de

paiement en fonction des pouvoirs adjudicateurs de sorte que le délai de paiement soit, à partir de 2010, 30 jours

pour l’Etat et ses établissements publics et les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements

publics (sauf EPH). Cf. Conclusion : tableau sur l’évolution des délais de paiement.

Page 67: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Cette réforme – on pourrait d’ailleurs plus justement parler de refonte – du cadre

juridique de l’avance a donc considérablement réduit (de plus de la moitié) le montant

minimal du marché, et supprimé, pour les marchés nationaux, la garantie tenant à la durée

minimale du contrat. Cela a pour conséquence de faire entrer un maximum de contrats dans

l’obligation du paiement de l’avance. Ce à quoi s’ajoute l’augmentation du seuil de 5 à 20%

de l’assiette de calcul de l’avance.

Dès lors, l’objectif de cette réforme est très clair : Il s’agit, selon les termes du Premier

ministre retranscrits dans la circulaire, « d’améliorer la trésorerie des entreprises ». En réalité,

il s’agit plutôt, « dans un contexte de crise économique, de préserver au mieux la trésorerie

des entreprises titulaires de marchés publics »131

tout particulièrement, celle des petites et

moyennes entreprises ainsi que celle des entreprises spécialisées dans un secteur d’activité. Et

cette préservation passe par la simplification et l’accélération des flux financiers liés aux

achats publics132

.

Cet objectif nous apparaît d’autant plus évident que, par un décret du même jour, le

pouvoir exécutif a relevé le seuil des marchés qui peuvent être conclus sans publicité

préalable ni mise en concurrence de 4 000 euros HT à 20 000 euros HT133

; l’objectif

clairement affiché est de permettre aux élus locaux de pouvoir favoriser, légalement, les

entreprises se trouvant sur son territoire pour la passation de marchés publics de petite

envergure.134

Pour en revenir au mécanisme de l’avance, l’on constatera qu’il constitue « un des

leviers majeurs d’intervention de l’Etat »135

en période de crise économique. Rozen

Noguellou, professeure, parle, elle, de la relance par l’achat public136

. Mathieu Heintz,

131

Stéphane Braconnier, « Réforme du droit des marchés publics : Clarification et libéralisation », Revue de

droit immobilier, Dalloz, 2009 132

Rozen Noguellou, « La crise et l’exécution financière des marchés publics et des partenariats public-privé »,

Revue de droit immobilier 2009, p.278 : « Il s’agit, en toute hypothèse, de simplifier et d’accélérer les flux

financiers liés aux achats publics ». 133

Décret n°2008-1356 du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils. 134

Cf. Conclusion sur les différentes mesures du Gouvernement pour favoriser l’accès des PME à la commande

publique. 135

Stéphane Braconnier, op. cit. 136

Rozen Noguellou, op. cit.

Page 68: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

avocat au barreau, va jusqu’à intituler l’un de ses articles « la commande publique, outil

d’interventionnisme public ».137

Rappelant dans un premier temps que le droit de la commande publique est un droit

procédural dont l’objet est d’assurer la bonne utilisation des deniers publics, c’est-à-dire un

instrument juridique permettant au pouvoir adjudicateur « la réalisation du meilleur achat au

meilleur coût »138

, il poursuit sur le fait que le Gouvernement en a fait un outil dans le cadre

du plan de relance.

Puisque le Gouvernement se sert de la commande publique pour relancer l’économie,

Me Heintz y voit un « glissement du droit procédural de la commande publique vers un

instrument de politique publique ». Et bien que l’efficacité de ces mesures soit relativement

contrecarrée d’une part, par la capacité et d’autre part, par la volonté des pouvoirs

adjudicateurs de s’y adapter, il conclut sur le point que ce plan de relance aura clairement

révélé que le droit de la commande publique est un outil de l’interventionnisme public. Cela

est d’autant plus caractéristique que le droit communautaire a, depuis plusieurs années,

recours aux marchés publics pour répondre à des objectifs environnementaux, énergétiques,

sociaux.

Et de façon naturelle, il conclut sur le fait que l’usage que fait cette réforme du droit de

la commande publique constitue un risque potentiel puisque ce droit est initialement un

instrument neutre qui doit garantir une bonne utilisation des deniers publics.

La question qui se pose dès lors est la suivante : Si le droit de la commande publique

est en passe de devenir, voire est devenu, un instrument de politique publique dont le nouvel

objectif est, la crise perdurant, la relance de l’économie, laquelle passe par la préservation au

pire et l’amélioration au mieux de la trésorerie des PME, que devient l’objectif originel et si

louable tenant à la bonne utilisation des deniers publics ?

137

Mathieu Heintz, « La commande publique, outil d’interventionnisme public », RDA 2010, p.760 138

Conclusions du Commissaire au Gouvernement Denis Piveteau sur l’arrêt CE, 25 juillet2001, Commune de

Gravelines (Rec. P.391) , AJDA 2002, p.46

Page 69: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

B. A nouvel assouplissement, nouvelle garantie

Cet objectif originel demeure et c’est pourquoi, en contrepartie de cet assouplissement

du droit de la commande publique en général, et du régime des avances en particulier, ont été

instaurées des garanties.

Si pour garantir la pertinence du mécanisme des avances, le seuil des avances a été

baissé de 50 000 à 20 000 euros HT ce qui permet d’avoir un véritable intérêt financier pour

les PME, l’on notera que le fait de ne pas généraliser l’avance à des marchés dont le

montant serait inférieur à ce seuil plancher de 20 000 euros permet de préserver la trésorerie

des collectivités territoriales et les établissements publics locaux qui sont elles aussi frappées

par la crise économique.

Concernant le plafond fixé à 5 000 000 euros au-delà duquel le montant de l’avance

n’a pas à être a minima 20% du prix initial du marché est également une mesure visant à

préserver la trésorerie des personnes publiques. Leur imposer le versement d’une avance égale

à 20% pour les marchés en cours et à venir représenterait un budget colossal impossible à

trouver d’ailleurs pour les « petites » collectivités.

En effet, si le plan de relance de l’économie vise, entre autres, à préserver la

trésorerie des PME, cet objectif est également valable pour les personnes publiques en

mal de deniers publics.

Si cela limite la portée de la réforme, plus encore, la véritable garantie tient au fait que

la mesure n’a qu’un caractère exceptionnel, temporaire. En effet, le décret ne s’applique

qu’aux marchés publics139

en cours ou notifiés avant la date du 31 décembre 2009140

.

Ce caractère temporaire a été confirmé par une réponse ministérielle du ministre de

l’économie, de l’industrie et de l’emploi en 2010. Répondant à la question du député André

Chassaigne, il rappelle que pour faire face à la crise économique, le décret et la circulaire du

139

Cette première condition a déjà pour effet d’écarter tous les autres contrats de la commande publique (DSP,

contrat de partenariat, etc…). 140

Article 43 du décret du 19 décembre 2008 : « Ces dispositions s’appliquent aux marchés en cours d’exécution

à la date d’entrée en vigueur du présent décret ou notifiés au plus tard le 31 décembre 2009. »

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

19 décembre 2008 ont instauré « un dispositif dérogatoire reposant sur un assouplissement

temporaire des conditions posées par l’article 87 du Code »141

. Plus tard dans la réponse, il

rappelle à nouveau qu’il ne s’agissait qu’un dispositif temporaire et qu’il ne sera pas réitéré

puisqu’il a produit les effets escomptés. « Au cœur de la crise, il a permis d’injecter des

liquidités dans l’économie et a pleinement accompli son objectif de soutien à la trésorerie

des petites et moyennes entreprises. » Le montant des avances versées par l’Etat au cours de

la seule année 2009 a été multiplié par près de trois ce qui représente un coût moyen d’un

milliard et demi d’euros142

. Il n’est dès lors pas envisageable de faire supporter aux

collectivités territoriales et à leurs établissements publics un tel surcoût au-delà de la durée

pour laquelle a été prévu ce dispositif, c’est-à-dire une année.

Cependant, le ministre rappelle qu’il est loisible, pour les collectivités qui ont une

trésorerie suffisante, de délivrer des avances au dessus du seuil minimal de 5% du prix du

marché initial.

Cette garantie tenant au caractère temporaire de la réforme est donc significative quant

au maintien de l’objectif originel du droit de la commande publique qui est la protection des

deniers publics. En cette période de crise, le Gouvernement tente donc de concilier

préservation de la trésorerie des PME et bonne utilisation des deniers publics, voire

préservation des deniers publics puisque la crise ne distingue pas entre les personnes

physiques et les personne morales.

Cependant, si le plan de relance a été efficace pour la plupart des marchés, l’objectif

relatif à la préservation de la trésorerie des PME n’a pas été – totalement – efficace Outre-

mer, leur fragilité financière étant notoire. Ainsi, en 2010, le dispositif a été reconduit par le

ministre de l’économie143

. Le Premier ministre justifie la reconduction par le fait que

« beaucoup d’entre elles [les PME] sont en effet dans l’incapacité de répondre à des appels

d’offres publics dont les prestations supposent une mobilisation de moyens humains et

financiers importants et dont le paiement est conditionné à leur complète exécution. »

141

Question parlementaire du député André Chassaine n°83222 (JO du 8 juillet 2010, p.7500) et Réponse du

ministre de l’économie, de l’industrie et de d’emploi du 21 septembre 2010 (JO du 21 septembre 2010, p.10343) 142

Patrick Devedjian, Rapport au Parlement sur la mise en œuvre du plan de relance de l’économie, mai 2010 143

Circulaire du 19 octobre 2010 visant à augmenter le montant des avances pour les marchés publics passés par

les établissements publics et les services déconcentrés de l’Etat dans les départements d’outre-mer, à Mayotte, à

Saint-Barthélemy, à Saint Martin et à Saint-Pierre et Miquelon

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

La circulaire prévoit ainsi que jusqu’au 31 décembre 2014, pour les marchés (ou les

tranches fermes ou les tranches conditionnelles affermies ou les bons de commande) des

établissements et des services déconcentrés de l’Etat une avance d’au moins 20% du prix du

marché devra être accordée pour les marchés compris entre 20 000 euros HT et 5 millions

d’euros HT.

Cependant, les mêmes garanties demeurent. Ainsi, les seuls pouvoirs adjudicateurs

concernés par la mesure sont l’Etat et les services déconcentrés de l’Etat. Au-dessus du seuil

de 5 millions d’euros, le montant de l’avance n’est pas obligatoirement de 20% du prix du

marché, on reste sur le seuil de droit commun de 5%. Il est cependant toujours possible de

délivrer une avance plus importante si le budget du pouvoir adjudicateur le permet.

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

Conclusion

Que reste-t-il de la règle du service fait ?

Cette règle du paiement après service fait demeure, puisqu’elle a encore été réaffirmée

dans le décret du 7 novembre 2012 qui actualise le décret de 1962 portant règlement général

sur la comptabilité publique.

La règle est donc en principe que le comptable public ne paie que quand les prestations

ont été totalement et correctement exécutées. Cependant, cette règle a du s’adapter à

l’évolution économique, sociale et juridique et le pouvoir exécutif en a pris note en 2012

lorsqu’il a actualisé le décret de 2012. Ainsi, son article 33 dispose :

« Le paiement est l’acte par lequel une personne morale se libère de sa dette.

… Le paiement ne peut intervenir avant l’échéance de la dette, l’exécution du service,

la décision individuelle d’attribution d’allocations ou la décision individuelle de

subvention. Toutefois, des avances et acomptes peuvent être consentis aux

personnels, aux entrepreneurs et fournisseurs ainsi qu’aux bénéficiaires de

subventions. »

La règle demeure mais sa conception est aujourd’hui plus extensive afin d’être

compatible avec les assouplissements prévus par les lois et les règlements, notamment les

assouplissements instauré par les articles 87 à 91 du Code des marchés publics. Ainsi, un

service est fait même si seulement une part des prestations a été réalisée (dans le cas du

paiement par acomptes) et même si l’exécution des prestations contractuelles n’a pas débuté

(dans le cas du paiement par avances) de sorte que le comptable public peut procéder au

paiement.

En fait, pour admettre la compatibilité entre la règle du service fait et le paiement par

avance, il a fallu entendre le service fait plus largement et soumettre le paiement par avances à

des restrictions (montant et durée du contrat ; garantie financière). C’est donc un jeu de

concessions réciproques pour permettre le respect de la règle du paiement après service

Page 73: MÉMOIRE - Centre Juridique Franco-Allemand

K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

fait, la protection des deniers publics et l’aide aux petites et moyennes entreprises

(PME).

Concernant le troisième point, il est vrai que le procédé du paiement par avance est un

mode de financement nécessaire pour les entreprises et indispensable pour les PME qui

peuvent ainsi accéder à la commande publique mise en difficulté par le statut des entreprises

d’envergure nationale ou internationale.

Aux Etats-Unis, le Congrès a voté le 30 juillet 1953 le Small business act (SBA)144

. Il

s’agit d’une loi, fondatrice dans la politique économique américaine, qui vise à favoriser

l’accès au marché des petites et moyennes entreprises. Les pouvoirs publics considéraient en

effet que les petites entreprises constituaient l’élément le plus dynamique de l’économie d’où

les raisons de l’adoption de cette loi. Sont ainsi réservés aux PME les marchés publics dont le

montant est compris entre 2 500 et 100 000 $, ceux au-dessus de 100 000 $ quand au moins

deux entreprises ont des chances de formuler une offre intéressante et dans le cas des marchés

au montant élevé (plus de 500 000 $), elles se voient attribuer une part des prestations du

marché.

En France, il n’est pas envisageable d’adopter un texte qui réserverait des parts de

marchés aux PME car même s’il s’agit de discrimination positive, il n’en demeure pas moins

qu’il s’agit de discrimination et que cela est interdit par le principe communautaire de non-

discrimination. Cependant, plusieurs mesures ont été prises par les Gouvernements successifs

avec l’idée de favoriser et d’encourager les PME à candidater aux appels d’offres.

Ainsi, lors de la création des contrats de partenariat, l’ordonnance145

a prévu que

l’entreprise titulaire du contrat de partenariat aurait l’obligation de sous-traiter une part des

prestations prévues par le contrat à une PME. Cette mesure est inspirée du Small Business Act

puisque quand les marchés ne peuvent être réservés aux PME du fait de leur importance

(financière notamment), la loi a souhaité développer la sous-traitance. Ainsi, l’agence fédérale

en charge des PME, la Small Business Administration, veille à ce que les grandes entreprises

offrent aux PME, par la voie de la sous-traitance, une participation au bénéfice de la

144

Rapport d’information du Sénat, n°374, Aider les PME : l’exemple américain 145

Article de l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariats ; JO n°141 du 19 juin

2004, p.10994, texte n°2

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K. Refallo – Les avances dans le Code des marches publics - BNPA 2013, MEM. 6

commande publique. Cette obligation du recours à la sous-traitance pour la réalisation d’une

part des prestations pour les PME permet de compenser la création du contrat global qu’est le

contrat de partenariat. Le contrat de partenariat est global en ce sens qu’il réunit plusieurs

tâches (conception, réalisation, exploitation) et que cela est nécessairement défavorable aux

PME qui ne sont spécialisées que dans un secteur d’activités.

D’autres mesures ont également été prises par le pouvoir exécutif dans ce souci d’aide

aux PME. Ainsi, plus récemment, le seuil de 4 000 euros, seuil en dessous duquel il n’est pas

obligatoire pour le pouvoir adjudicateur de procéder à une publicité et à une mise en

concurrence préalable en application de l’article 28 du Code des marchés publics, a été relevé

à 15 0000 euros 146

. Le relèvement de ce seuil permet aux pouvoirs adjudicateurs de conclure

des « petits » marchés sans publicité ni mise en concurrence ce qui leur permet de se tourner

vers leurs entreprises locales sans être censurer par le droit de la concurrence qui ne permet

pas la discrimination positive147

. Cependant, ce n’est pas contourner le droit de la concurrence

puisque selon les bonnes pratiques, le pouvoir adjudicateur devra respecter la règle des trois

devis et il pourra demander des devis aux différentes entreprises locales.

146

Le décret n°2008-1356 du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils du Code des marchés

publics (JO n°0296 du 20 décembre 2008, p.19548) avait relevé le seuil de 4000 € à 20 000 €. Cependant, le

Conseil d’Etat dans son arrêt Perez (CE, 10 février 2010, Perez, requête n°329100 ; BJCP 2010, n° 70, p. 189

; RJEP 2010, comm. 23, concl.N. Boulouis ; Dr. adm. 2010, comm. 54, note F. Melleray ; JCP A 2010, 2068,

note F. Linditch) est venu censurer ce décret qui « en relevant de 4 000 à 20 000 euros, de manière générale, le

montant en deçà duquel tous les marchés entrant dans le champ de l’article 28 du code des marchés publics sont

dispensés de toute publicité et mise en concurrence… a méconnu les principes d’égalité d’accès à la commande

publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. » Puis le décret n°2011-1853

du 9 décembre 2011 (JO du 11 décembre 2011) remonte finalement le seuil de 4 000 à 15 000 euros. 147

Le juge administratif a ainsi refusé d’admettre le bien fondé de mesures administratives ayant pour objet de

favoriser l’accès des PME à la commande publique bien que l’intérêt général motivait de telles mesures (CE, 13

mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation : Rec. CE, p.171 ; E. Delacour, « Reprise du personnel du

délégataire : entre droit à l’emploi et liberté de concurrence », Contrats et Marchés publics n°7, 2003,

comm.125). Le principe général du droit qu’est la libre concurrence (CE, 1er

avril 1998, Fédération

intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée : RFD adm. 1998, p.970) prime donc sur l’objectif –

bien que d’intérêt général – d’aide à l’accès à la commande publique par les PME.

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Dans la même logique, les délais de paiement ont été progressivement réduits :

Délais de paiement en fonction du pouvoir adjudicateur

Etat et ses

EP (autres

que les

EPIC)

CT et EP locaux

Autres

entreprises

publiques

EP de santé et

établissements du

service de santé des

armées

2002148

45 jours 60 jours

50 jours à compter du 1er

janvier 2003

60 jours

60 jours pour les MP dont

la procédure est engagée.

50 jours

2008149

30 jours

45 jours

40 jours à compter du 1er

janvier 2009

35 jours à compter du 1er

janvier 2010

30 jours à compter du 1er

juillet 2010

50 jours

2013

Délai de paiement : 30 jours

Sanction du non-respect dudit délai :

Application automatique d’intérêts moratoires

Montant forfaitaire pour frais de recouvrement.

Sous l’impulsion du droit communautaire150

, depuis le début des années 2000, les

délais ont été progressivement réduits. Ils ont notamment été ramenés à un mois pour les

marchés de l’Etat et des collectivités ce qui constitue un délai plus raisonnable pour les

PME151

qui ont de trop faible trésorerie pour supporter des délais de paiement trop longs.

Dans la même logique, le Code des marchés publics réduit automatiquement la

périodicité pour le paiement par acomptes quand il s’agit d’un marché public de travaux dont

le titulaire est une PME152

. Une PME titulaire d’un marché public de fournitures ou de service

peut également demander la réduction de la périodicité de trois à un mois.

148

Décret d’application n°2002-231 du 21 février 2002 de la loi n°2001-401 du 15 mai 2001 relative aux

nouvelles régulations économiques (articles 54 et 55) qui transpose la directive communautaire 2000/351/CE du

29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement. 149

Décret n°2008-407du 28 avril 2008 (JO du 29 avril 2008) 150

Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le

retard de paiement dans les transactions commerciales 151

http://www.economie.gouv.fr/cedef/dossier-documentaire-reduction-des-delais-paiement 152

Cf. « Introduction » pour développement sur le régime juridique des acomptes

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Parmi les mécanismes tendant à favoriser l’accès des PME à la commande publique,

se trouve l’allotissement prévu par l’article 10 du Code des marchés publics. En vertu de ce

mécanisme, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas mettre des entreprises en concurrence

dans le cadre d’un marché unique ; ils doivent diviser en plusieurs lots la réalisation d’une

prestation globale (sauf si l’allotissement est de nature à restreindre la concurrence).

L’ensemble de ces procédés permet non seulement aux PME d’accéder moins

difficilement (et non plus facilement) à la commande publique mais également aux

pouvoirs adjudicateurs d’obtenir des offres de meilleure qualité, comportant

éventuellement des services innovants, pour un prix compétitif ce qui permet la

protection des deniers publics.

Le fait de favoriser l’accès des PME et d’assurer la protection des deniers publics

n’entrent cependant pas en contradiction avec la règle du service fait dès lors que le service

fait est entendu comme la réalisation de l’ensemble des prestations prévues par les

dispositions contractuelles et les prestations permettant la bonne exécution ou livraison future

des travaux, services ou fourniture qui permettent d’assurer la continuité du service public.

La règle du paiement après service fait n’est donc pas vidé de son sens comme le

pensait Gérard Lupi, elle a simplement une signification plus large, plus souple qui a su

s’adapter à l’état de l’économie, de la société et du droit.

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Bibliographie

OUVRAGES

Paul AMSELEK, Etudes de droit public, Editions Panthéon Assas, 2009

Gaston JEZE, Principes généraux du droit administratif, Dalloz, 1936

ARTICLES

S. BRACONNIER, « Droit des marchés publics : l’âge de maturité », Contrats et marchés

publics n°2, Février 2009, étude 2

G. CLAMOUR, « Procédure adaptée : le seuil est porté à 15 000 euros HT », Contrats et

Marchés publics n° 1, 2012, comm. 1

G. CLAMOUR, « Lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande

publique (volet législatif) », Contrats et marchés publics, n°3, mars 2013, comm.57

G. CLAMOUR, « Lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande

publique (volet règlementaire) », Contrats et marchés publics, n°5, mai 2013, comm.127

Direction des affaires juridiques, « La cession de créances issues d’un marché public », Le

moniteur, 23 novembre 2012, p.29

Direction des affaires juridiques, « Les avances », Le moniteur, 21 décembre 2012, P.12

A. DOYELLE et N.PEHAU, Revue française de finances publiques, 1er

septembre 2012,

n°119, p.237

G. ECKERT, « La réforme des dispositions financières du Code des marchés publics »,

Contrats et Marchés publics n° 10, Octobre 2011, dossier 6

B. FLEURY, « Ordonnateurs et comptables : l’heure des derniers jugements », JCPA n°35,

septembre 2012

M. HEINTZ, « La commande publique, outil d’interventionnisme public », RFDA 2010,

p.670

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L. LEVOYER, « Un an de fiscalité des contrats publics », Contrats et marchés publics, n°3,

mars 2011, chron. 2

M. LORIOU, « L’exécution des marchés publics », Encyclopédie des collectivités

territoriales, Dalloz, 2012

G. LUPI, « La règle du service fait et ses interprétations récentes », Revue de législation

financière 1956, p.682 et s.

M. MERLE, « La règle du paiement après service fait », Revue de science et de législation

financières 1950, p.431 et s.

R. NOGUELLOU, « La crise et l’exécution financière des marchés publics et des partenariats

public-privé », Revue de droit immobilier 2009, p.278

B. ROMAN-SEQUENCE, « Quelles sont les conditions de versement des acomptes en

marchés publics ? », Contrats et Marchés publics n° 1, 2007, comm. 31

TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES

Articles 10, 87, 88, 89, 90 et 97 du Code des marchés publics

Décret du 19 décembre 2008 n°2008-1355 de mise en œuvre du plan de relance économique

dans les marchés publics

Circulaire du 19 décembre 2008 relative au plan de relance de l’économie française

Circulaire du 29 décembre 2009 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés

Décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique

abrogeant le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la

comptabilité publique

RAPPORTS

Commission des affaires économiques, F. GRIGNON, « Aider les PME, l’exemple

américain », Rapport d’information n°374, 1996-1997

Rapport public annuel de la Cour des comptes, février 2012, tome 3, pp.23-33

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SITES INTERNET

https://www.boamp.fr

http://www.cae.gouv.fr/

http://www.economie.gouv.fr

http://www.institut.bercy.gouv.fr/

http://www.ladocumentationfrancaise.fr

http://www.senat.fr/

http://www.service-public.fr/

http://www.vie-publique.fr/

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Annexes

Acte d’engagement

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Dossier de chantier

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Cahier des clauses administratives particulières

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Bordereau de prix unitaires

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Tableau prévisionnel