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DOSSIER JEUNE PUBLIC LE MERCREDI 4 ET LE JEUDI 5 AVRIL 2012 AU GRAND T MISSION Saison 2011 / 2012 © Koen Broos

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DOSSIER JEUNE PUBLIC

LE MERCREDI 4 ET LE JEUDI 5 AVRIL 2012 AU GRAND T

MISSION

Saison 2011 / 2012

© K

oen Broos

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SOMMAIRE

PRÉSENTATION ......................................................................................... 3

LE PROPOS ............................................................................................... 4

À PROPOS DE MISSION ............................................................................... 5

RAVEN RUËLL , METTEUR EN SCÈNE ........................................................... 10

DAVID VAN REYBROUCK, AUTEUR ............................................................. 11

MISSION : EXTRAITS ................................................................................. 12

AUTOUR DE MISSION : EXTRAITS VIDÉO ..................................................... 15

LES ÉCHOS DE LA PRESSE ........................................................................ 16

Dossier réalisé à partir de documents divers

dont ceux fournis par KVS.

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MISSION

TEXTE DAVID VAN REYBROUCK

MISE EN SCÈNE RAVEN RUËLL

Scénographie Leo de Nijs Lumière Johan Vonk

Création son Donald Berlanger Dramaturgie Ivo Kuyl

Vidéo Bart Visser Assistante à la mise en scène Monique Wil sens

Réalisation décor KVS-atelier

AVEC

Bruno Vanden Broecke

PRODUCTION Koninklijke Vlaamse Schouwburg (KVS)

Mission est publié aux éditions Actes-Sud Papiers

LE MERCREDI 4 ET LE JEUDI 5 AVRIL 2012 À 20H

AU GRAND T

DURÉE : 1h50 PUBLIC : à partir de la 2nde

TARIF : 9€ ou un pass-culture

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LE PROPOS

« Si le théâtre, c’est avant tout un texte, un acte ur et un public, alors Mission est du grand théâtre. Il n’y a ni décor, ni suspense, ni scènes de groupe, ni nouvelles technologies dans ce spectacle […]. Pendant deux he ures, il n’y a qu'un acteur (mais quel acteur : Bruno Van den Broecke, impressionnant de vérité), racontant à une tribune d’orateur de paroisse devant le rideau noir fermé s a vie de missionnaire. Rien d’autre qu’une conférence, mais quelle conférence ! On reste « scotché » à ce récit, écrit par David Van Reybrouck. »

La Libre Belgique , 2007 Ce monologue théâtral est constitué essentiellement de témoignages recueillis récemment au Congo et en Belgique par David Van Reybrouck. En s’appropriant ces paroles multiples, le personnage principal restitue l’histoire de ces oubliés, ces héros dont personne ne parle. Il raconte comment au Congo, dans la brousse, le métie r de missionnaire est exaltant mais aussi complexe et dérisoire face à l’immense t âche. Il parle aussi de sa vocation, de ses doutes sur la foi, des souffrances des Afric ains et de l’arrogance des occidentaux. De la guerre aussi et de son cortège d ’horreurs quand les humanitaires ont fui. Et puis, quand le récit aborde le retour au pays - qu’il avait quitté pauvre et catholique et retrouve riche et matérialiste - le ton de la confidence laisse place au coup de gueule ou à l’ironie, pour mieux ridiculiser « nos gadgets inutiles ». Pour David Van Reybrouck, il s’agit du troisième monologue sur les blancs âgés en Afrique. Après le scientifique dans Die Siel van die Mier (L’Âme des termites, présenté au Maillon en décembre 2006) et l’encyclopédiste dans N, c’est maintenant le tour du missionnaire, un rôle interprété par Bruno Vanden Broecke totalement habité par le personnage.

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À PROPOS DE MISSION

ENTRETIEN AVEC DAVID VAN REYBROUCK Décidément, l’auteur David Van Reybrouck est attiré par l’Afrique. Il a créé avec Josse de Pauw Die Siel van die Mier (L’Âme des termites), un monologue dont la majeure partie se déroule en Afrique. Récemment, il s’est impliqué de diverses manières dans le Trajet-Congo du KVS. Le journal De Morgen a publié les reportages de ses voyages au Congo, dans le cadre du KVS ou non. David va rédiger un livre sur l’histoire du Congo et se prépare à écrire Missie, une pièce de théâtre sur les missionnaires. Notre entretien a lieu à son retour d’un périple bouleversant de six semaines en Afrique, pendant lequel il a interviewé des missionnaires pour collecter du matériel. Les missionnaires. Un sujet chargé. Quand les gens entendent ce mot, ils pensent souvent à « gagner des âmes ». Ils voient dans les missions passées et présentes un avant-poste de l’impérialisme occidental, aujourd’h ui encore, à l’heure où la plupart des pays européens ont perdu leurs anciennes coloni es. « Depuis les quinze dernières années, nous avons pris l’habitude de remettre en question toutes sortes d’implication et d’engagement – d’amour du prochain dans le cas des missionnaires – et de supposer qu’il y a toujours un autre plan, un agenda caché. C’est une espèce de méfiance systématique à l’égard des convictions, certainement de nobles convictions. L’amour du prochain devient alors un prétexte pour imposer des valeurs occidentales, catholiques ou pour coloniser les esprits et les corps ou même compenser en quelque sorte une vie sexuelle frustrée. Avec comme grand désavantage qu’on jette le bébé avec l’eau du bain. Bien sûr, il est crucial de rester critique, mais nous devons aussi nous garder d’ériger cette critique en finalité. La plupart des missionnaires avec lesquels j’ai parlé ont complètement intégré cette critique postcoloniale. Ce serait donc parfaitement erroné de juger l’œuvre des missionnaires en l’an 2007 sur la base d’une documentation qui concerne le mode des missions entre 1900 et 1950. Et c’est exactement ce qui se passe constamment, do nc la plupart des critiques sont anachroniques. Et faciles. J’ai écouté ces gens et j’ai été impressionné par l eur quête et aussi par leur sérénité, malgré le fait qu’ils sont confrontés, da ns une très large mesure, à la souffrance et au chagrin. Les missionnaires avec qu i j’ai parlé ont une humilité et une patience à laquelle nous pouvons à peine prétendre avec notre mode de pensée axé sur le résultat. Certains missionnaires disaient : nous n’y sommes pas encore, mais peut-être y serons-nous dans cinq cents ans. Avoir une foi qui permet de concevoir un délai de cinq cents ans doit procurer un calme énorme en cas de revers. Quand les dix-quinze dernières années de votre vie semblent sans valeur, il n’y a pas vraiment de raison de désespérer.

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Dans quels lieux as-tu été et quelles personnes as- tu rencontrées ? J’ai parlé avec une quinzaine de personnes de divers ordres catholiques : des Jésuites, des Pères Blancs, des Pères de Scheut, des Oblats, des Capucins, des Franciscains, des Salésiens, etc. Partout au Congo : à Kinshasa, Kikwit, Bukavu, Goma, Kalima, Kamina, Lubumbashi et Likasi. Mais les entretiens cruciaux pour moi se sont passés dans l’est – ce n’est pas un hasard – à Bukavu et à Goma, le territoire entre le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, qui a souffert le plus pendant la toute dernière guerre et qui baigne toujours dans une atmosphère de guerre. Pour moi, ce contexte était crucial : je ne voulais pas obtenir le monologue d’un missionnaire qui vit ici dans une ma ison de repos, mais de quelqu’un sur place qui a vécu la guerre et se débat avec la souffrance de cette guerre. Toutefois, ce n’est ni cette guerre ni le contexte historique du Congo pendant les 15 dernières années qui m’intéressent avant tout. Mais cela m’aide pour mener ma réflexion sur l’engagement du missionnaire. Comment peut-on encore réfléchir sur son Dieu quand on a vu quelqu’un passer avec un seau rempli d’yeux d’êtres humains ; comment peut-on encore croire en la bonté de l’être humain, quand on a été soi-mê me plusieurs fois plaqué au sol de son poste de mission et qu’on a crié: « Mais tirez donc ! » « Engagement » est donc un mot-clé pour toi. Avec cette pièce, je veux sonder les conditions qui permettent l’engagement aujourd’hui. Pas seulement religieux, mais aussi ar tistique. Et pour moi, le missionnaire est une sorte d’aune : quelqu’un qui a choisi de vivre selon ses convictions et qui est parfois prêt à assumer les conséquences écrasantes de ce choix. Aujourd’hui, ce n’est plus si simple de prendre la foi catholique au sérieux ou de comprendre comment cette foi peut être un terreau s i éminemment fertile pour son engagement. C’est comme ça, tout simplement et de ce point de vue, l’écriture de cette pièce est une lutte. Une lutte avec l’héritage de la foi catholique. Après une rencontre approfondie avec le catholicisme, je suis devenu athée, en conscience, assez jeune. Ce projet est pour moi une sorte de nouvelle rencontre avec le catholicisme et en même temps aussi un adieu définitif. Certains points de départ de la foi catholique sont devenus inacceptables à mes yeux. Il s’agit des axiomes très essentiels, comme l’existence de Dieu, de l’au-delà et du sens de la souffrance. En même temps, j’ai été très impressionné par plusieurs de ces missionnaires et je sais que mon admiration pour ces personnes, pour le travail qu’elles font, n’est pas détachée de leur foi. Camus a dit : « Il faut être un saint sans Dieu ». La question est de savoir s’il est possible « d’être missionnaire sans Dieu ». Même pour un artiste, c’est sacrément difficile de développer un engagement s’il n’est lié à aucune foi. Même si ce n’est que la foi en une sorte de dignité humaine.

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Es-tu d’avis que l’artiste d’aujourd’hui doit retou rner à la littérature engagée ou à l’art engagé comme on l’a connu dans les années 60 et 70 ? Je ne pense pas que l’art doive nécessairement être le véhicule d’une prise de position idéologique. Cette attitude conduit trop souvent à un art trop superficiel, de l’art qui veut faire passer un message qui peut être transmis en dehors de cette expression artistique. L’art a la force de dire ce qui ne peut se formuler d’aucune autre manière. Il faut toujours garder cette ambition formelle. C’est pour cela, je pense, que dans une pièce de théâtre par exemple, on peut aller beaucoup plus loin et être beaucoup plus nuancé qu’une certaine prise de position sociale. Je suis toujours impliqué. C’est la manière qui diffère. Je répartis les différentes tentatives de mon écriture selon les genres. Une chronique dans un journal ou un livre de non fiction visent une action politique beaucoup plus directe. Et je viens de publier récemment avec Geert Buelens et Jan Goossens un livre sur les développements politiques et des scénarios d’avenir potentiels pour la Belgique à partir de mon mécontentement causé par les tendances séparatistes en Flandre. Un poème, un roman ou une pièce de théâtre ont toujours un degré d’introspection et de psychologie beaucoup plus élevé. Non, Missie ne sera pas une pièce de théâtre politique. Par contre , je suis bel et bien à la recherche d’une écriture qui est très consciente de son conte xte historique et politique, mais qui ne se contente pas juste d’y adhérer. Pour moi, ce sont toujours les gens qui passent avant, comment ils fonctionnent dans un tel context e. Quel était le profil des missionnaires que tu as re ncontrés ? Tous les missionnaires sont très différents. Il n’existe pas de « prototype ». Cependant, j’ai remarqué que beaucoup d’entre eux avaient fait partie d’un mouvement de jeunesse, comme les KSA (Action estudiantine catholique), où ils ont acquis la débrouillardise nécessaire. J’ai d’abord interviewé les missionnaires très âgés, ce sont – certainement lorsqu’il s’agit de Jésuites – die hards, le Al Qaida du catholicisme en un certain sens. D’un point de vue dramaturgique, ils ne m’intéressent pas tellement, parce que leur système de foi reste intact, quoi qu’il arrive. « Que s’est-il passé lorsque sept sœurs de votre congrégation ont succombé au virus ébola ou ont été violées et ensuite assassinées ? » « Ah, c’est la Providence divine. » Aucune trace de révolte, de rébellion ou de lutte. Les conversations les plus intéressantes étaient celles avec des missionnaires un peu plus jeunes (toujours plus âgés que 65 ans) qui ont été confrontés d’une façon ou d’une autre avec le choix qu’ils ont fait il y a trente ou quarante ans. Et entre-temps, leur foi a été mise à l’épreuve par la souffrance, mais ils ont continué dans cette voie. Que font les missionnaires que tu as rencontrés ? Ils sont souvent actifs dans des écoles, ou aumônie rs dans les prisons, il y a ceux qui occupent les postes de brousse – les fameux « brous sards » – … Très souvent aussi, ils travaillent dans le secteur paramédical. Près de Kikwit par exemple, ils s’occupent des victimes de sicklémie, une maladie héréditaire effroyable qui se caractérise par des anomalies des globules rouges et peut provoquer des douleurs intenses. Ce qui frappe, c’est la créativité incroyable dont ils font preuve : ils apprennent à faire eux-mêmes des prothèses,

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à bricoler des chaises roulantes. Et ils se démènent inlassablement pour trouver des fonds, notamment pour construire une clinique pour les yeux. Être missionnaire, en fait, c’est improviser pendan t 90% du temps. Ils arrivent quelque part un mardi soir et le mercredi matin, ils donnent les premiers cours au petit séminaire de Bongolo, par exemple. L’un d’eux m’a raconté qu’il devait enseigner toutes les matières – français, économie, histoire, théologie,… – mais pas le néerlandais, parce qu’il venait de la Flandre occidentale et qu’il avait un accent. Mais il pouvait donner le cours de grec. Un autre missionnaire m’a dit : « Il y a trois choses à ne j amais oublier : votre moustiquaire, votre coffret de messe et une pince pour arracher l es dents. » Les conditions dans lesquelles les missionnaires do ivent travailler sont sans aucun doute hallucinantes ? Pour donner une idée : à Lubumbashi, j’ai rencontré Baudouin Waterkeyn, le frère de l’architecte de l’Atomium. Il est parti au Congo en 1958, juste au moment de gloire de son frère. C’était la veille de la célébration de sa cinquantième année de prêtrise. Il m’a montré tout l’hôpital de Lubumbashi, où il est aumônier. C’est là qu’on voit le désespoir total d’un pays comme le Congo. Il n’y a pas eu une goutte d’eau dans cet hôpital depuis 4 ans. Pour aller aux toilettes, il faut se frayer un passage d ans 6 cm d’urine et d’excréments. Dans un accès de générosité, le nouveau gouverneur de Katanga leur a offert un corbillard et deux réfrigérateurs pour cadavres, ma is de l’eau, non. Un beau garçon est entré dans la chapelle, en chaise roulante. Pas de mains, ni de pieds, juste des moignons. Il avait volé des fils électriques et il s’était fait prendre. Au Congo, la justice officielle est quasi nulle. Ils ont versé de l’essence sur ses mains et ses pieds et y ont mis le feu. Il lui restait un pouce. J’ai entendu tellement d’histoires impressionnantes. J’ai aussi rencontré une sœur suisse qui a accueilli pendant trois ans des femmes qui ont été violées près de Bukavu, des milliers et des milliers de femmes. Il y a aussi quelqu’un comme Jo Deneckere qui est à Lubumbashi, mais qui a vécu la guerre dans le territoire Ituri entre les Hema et les Lendu. Ils ont déchargé des kalachnikovs sur lui pour le chasser, tout contre sa tête, ce qui lui a infligé des problèmes d’audition. Malgré cela, il est resté à son poste, dans des conditions extrêmement difficiles. Il allait là ou la MONUC ou l’ONU n’allaient plus. Il m’a raconté l’histoire d’une zone où régnait de nouveau un peu de paix, mais où les patrouilles étaient encore régulières. De sa voiture, il a vu une silhouette tituber sur la route, c’était un citoyen ordinaire. Cet homme avait 9 balles dans le corps et était en train de mourir. Jo s’est arrêté et l’a emmené à l’hôpital pour le soigner. Tu m’as dit que les évêques congolais ont écrit une lettre dans laquelle on lit que le déclin moral est le plus grave problème dans leur p ays. Partages-tu cette conception ? Je suis d’accord avec les évêques, cette crise congolaise a en effet commencé comme une crise économique, politique et comme une crise de la démocratie. Mais à l’heure actuelle, c’est aussi une véritable crise morale. Le déclin du pays s’est incrusté dans les fibres de quasi tous les Congolais. L’idée qu’il existerait encore partout en Afrique un sentiment de collectivité évident, une solidarité évidente, est fausse. Le Congo n’est pas un pays

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boitant à la traîne dans l’ordre mondial néolibéral , c’est l’exemple le plus extrême de la façon dont le néolibéralisme brise un pays, avec tr ès souvent pour conséquence affligeante un égoïsme poussé et une pulsion indivi dualiste extrême. Les associations se multiplient, tout le monde veut être directeur. Dans l’armée, il y a plus d’officiers que de simples soldats. Il y a très peu de sens civique. Au Congo, on ne vit plus ensemble, on survit collectivement. Heureusement, on y croise aussi de temps à autre des types très bien qui sont une source d’espoir. Beaucoup de missionnaires essayent, à partir de leur foi, d’émanciper les gens, de leur donner un sens civique, de guérir les blessures du passé. Comment vas-tu classer ce matériau, as-tu déjà une idée ? Un ou deux entretiens détermineront la structure globale, mais ils seront enrichis par les récits que plusieurs personnes m’ont racontés. Un grand nombre de ces récits sont très bouleversants. J’exprimerai cela dans l’écriture du texte. D’une part, j’ai du mal à le formuler maintenant dans une discussion, d’autre part, je me sens en quelque sorte incapable. Pudeur, émotions, peur du mauvais goût, du sensationnel. Cela semble peut-être étonnant après tout ce que je viens de dire, mais l’humour sera bien présent dans la pièce. J’ai aussi beaucoup ri avec les missionnaires. »

Entretien mené par Ivo Kuyl, KVS, novembre/décembre 2007

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RAVEN RUËLL , METTEUR EN SCÈNE

Raven Ruëll termine ses études au RITS en 2001, son projet de fin d’études s’intitule alors In de eenzaamheid van de katoenvelden (Dans la solitude des champs de coton). Sa première mise en scène fait mouche. En octobre 2001, il met en scène une pièce d’un auteur de sa génération : Parasieten de Marius Von Mayenburg, au KVS. Il crée Litanie avec Guy Dermul de Dito’Dito’, spectacle inspiré d’un texte maison. Dans le cadre de Stuk, Limelight et Nieuwpoort, il crée une performance sur l’étonnement à la folie. En mars 2002, c’est la première de Jan, mijn vriend chez Bronks, ses débuts dans le théâtre jeune public. La mise en scène et le texte sont de lui et de Bruno Vanden Broeck. Cette production vaut à Raven Ruëll une nomination au Prix 1000 Watts 2002. Fin de l’année 2002, il met en scène pour le KVS Het Leven en de Werken van Leopold II (La vie et les travaux de Léopold II) d’Hugo Claus et, dans la foulée, se retrouve nominé pour le Theaterfestival 2003. Pour Theater Antigone, il met en scène Antigone de Sophocle en 2003. En février-mars 2004 : le projet de quartier Overleie en collaboration avec le CPAS de Courtrai : Voor mijn mama (Pour ma maman, chants d’enfants), une soirée de chants théâtralisés de manière toute personnelle. En avril 2004, il écrit et met en scène Stoksielalleen pour Bronks : avec l’acteur Joris Hessels dans le rôle du garçon qui poignarde un élève de sa classe. Il signe également la mise en scène de Roberto Zucco de Koltès. La même année, il met en scène Martino, une pièce jouée notamment à Kinshasa. En 2005, Raven s’attaque à Caligula d’Albert Camus pour Theater Antigone et joue dans Geliefd Monster. En 2006, il met en scène pour le KVS De Kersentuin (La Cerisaie) qui s‘avère un succès et joue dans Litanie (texte de Raven Ruëll et Guy Dermul). En 2006, c’est aussi la première de son Platonov. On a pu voir Raven avec le Theater Artemis dans Pakman (spectacle sélectionné pour le theaterfestival’07). Il est membre de la compagnie artistique du KVS, il enseigne au Conservatoire de Liège et au RITS (Bruxelles).

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DAVID VAN REYBROUCK , AUTEUR

David Van Reybrouck est un écrivain flamand, archéologue et philosophe de formation. Il a étudié à Leuven et à Cambridge. Il se consacre à son activité d’auteur à part entière depuis octobre 2005. Cette même année, l’hebdomadaire Knack proclame Van Reybrouck une des voix littéraires les plus influentes de sa génération et le « porte-étendard du genre de non-fiction ». La nouvelle mouture muséale de la AMVC Letterenhuis s’intéresse de près à son œuvre. Fin 2006, il est le premier auteur en résidence à Amsterdam. Le continent africain – et plus particulièrement le Congo – qu’il connaît bien pour l’avoir sillonné de nombreuses fois, est présent dans toute son œuvre, depuis son premier livre , Le Fléau (Actes Sud, 2001),

qui a pour cadre l’Afrique du Sud post-apartheid. Sa première pièce, L’Âme des termites (écrite en 2004 et qui a déjà reçu deux prix néerlandais), raconte l’histoire d’un entomologiste ruminant les événements des années passées au Katanga, juste après l’indépendance. Mission (écrite en 2007), inspirée d’entretiens avec de vieux missionnaires du Congo de l’Est, est le monologue d'un homme qui a assisté à tous les massacres des guerres récentes et qui, un soir, fait le point sur sa vie, son engagement, ses découragements. En sa qualité de journaliste indépendant pour De Morgen, il fournit régulièrement des essais, des reportages et des interviews, comme la série Drama in Congo en mars et en septembre 2005, sur le paysage théâtral à Kinshasa aujourd’hui (couronnée par le Vlaamse Noord-Zuidpersprijs). Son roman de non-fiction De plaag et la pièce de théâtre die Siel van die Mier ont déjà été joués respectivement en Afrique du Sud et au Congo. Début 2005, dans le cadre de Literair rendez-vous, il participe à Cinema Congo, une soirée à thème sur les films coloniaux et la littérature contemporaine au Bozar. En mai 2010, David Van Reybrouck a publié en Belgiq ue Congo . Een geschiedenis (Une histoire du Congo ). En octobre dernier, il a reçu pour ce livre le p rix Libris Histoire, un important prix littéraire néerlandais puis le prix AKO, le goncourt néerlandophone. Co-éditorialiste pour le quotidien flamand De Morgen, Van Reybrouck publie aussi des essais et, fasciné par les arts visuels, collabore à des projets de livres avec de grands photographes. En tant que poète, il contribue régulièrement à la revue littéraire Het Liegend Konijn et a fondé un collectif bruxellois de poètes. Il a par ailleurs reçu le prix de l'Arche de la Libre parole, le plus prestigieux prix flaman d accordé chaque année à une personnalité, intellectuel, artiste ou écrivain ou à une organisation publique.

David Van Reybrouck habite et travaille à Bruxelles.

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MISSION : EXTRAITS

PROLOGUE PÈRE GRÉGOIRE. Quand je vais en vacances pour souffler un peu… À la maison, les premiers jours, les premières semaines, impossible de lire un journal. Rien. Ça ne va pas. On est fatigué, vidé, épuisé. Et je loge chez mon frère aîné qui est prêtre, lui aussi. Il était professeur au séminaire, mais il ne l’est plus, depuis longtemps, il est doyen chez nous, au diocèse, maintenant. Je m’y sens comme chez moi. Vous savez, je me sens aussi chez moi chez mes sœurs et frères cadets, mais ils ont une famille, des enfants, ce n’est pas la même chose. On ne peut pas fouiller dans les tiroirs. Tandis que chez mon frère aîné… On peut parler pastoralement, prier ensemble. Bavarder pastoralement. Ce n’est pas évident, en Belgique. Mais pas de journaux, non. On voit surtout des gens, hein. Ma sœur, en maison de repos, évidemment. Mes cadets, mes frères et sœurs, leur famille. La dernière fois, le plus jeune de mes frères était en train de divorcer. J’ai beaucoup parlé avec lui, alors… C’est… oui. C’est quelque chose, hein. Ou encore une nièce qui vient d’avoir un enfant. J’ai fait plus de cent vingt visites, la dernière fois. C’est beaucoup trop, à vrai dire. Et puis on va sur la tombe des parents. Et on fait un prêche ici ou là, dans la paroisse, on peut encore prêcher. Sept minutes. Pas plus. En Europe, on ne peut pas prêcher plus longtemps. Moi je dis alors : “Sept minutes ? Je ne le fais pas.” “Bon, alors, dix minutes, parce que c’est toi, parce que t’es missionnaire.” Trois minutes de plus, parce que j’ai passé quarante-huit ans au Congo. Je le remarque souvent, les gens disent : “Vous êtes missionnaire ? Racontez-nous un peu…” Et puis ils écoutent un moment, mais après cinq minutes, ils se mettent déjà à parler d’eux-mêmes. De l’école de leurs enfants, de

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la route qui y mène, et qui est si dangereuse. Si vous saviez, je me dis. Toutes ces voitures, qu’ils disent… non, mais c’est pas croyable. Et alors ils l’amènent en voiture aussi, leur petit… Des routes dangereuses… Estimez-vous heureux d’en avoir, des routes ! Au Congo, il n’y en a plus. J’ai tout vu changer. Quand je suis arrivé, on pouvait rouler d’un côté du Congo à l’autre. De Boma, qui est à la mer, à Moba sur le lac Tanganyika. L’équivalent de toute l’Europe de l’Ouest. Ou d’Elisabethville à Léopoldville, sans problème. Mais maintenant, c’est fini. Il faut prendre un petit avion, dont les sièges sont remplacés par des chaises de jardin, on est coincé entre les “mamans” qui ont des tas de feuilles de manioc en guise de bagages à main, des gerbes comme ça… enfin, avec elles, c’est plutôt des bagages à tête ! Et on peut remercier le ciel de tomber sur une piste d’atterrissage qui n’est pas pleine de trous. Mieux vaut atterrir sur du sable que sur du bitume, c’est moi qui vous le dis. Le sable, ils peuvent encore l’aplanir, mais le bitume, ils n’essaient même plus. Même à Kinshasa, à l’aéroport de N’Djili. Vous l’avez remarqué quand vous avez atterri, non ? Un champ de patates sur lequel on valdingue. Il paraît qu’Air France et Sabena, enfin SN… ou non, ils ont encore changé de nom, il paraît que les types, ils doivent changer les pneus des avions qui volent sur Kinshasa trois fois plus vite qu’ailleurs. Parce que le tarmac – là – oui, avec les trous – bon. Des nids de poule, qu’on appelle ça, ces trous dans le revêtement. Et les malheureuses routes restantes, les routes qu’on trouve encore, vous n’avez pas idée… Trous, poches, érosions, et quoi encore… De Goma à Walikale, ou même jusqu’à Masisi, faut même pas aller très loin, juste Masisi, eh ben toute la journée y passe, et encore, si on ne s’y bat pas. Toute une journée. Au moins ! Avec un 4 x 4, hein ! Tout ça pour même pas cinquante kilomètres. On s’enlise dans la boue. Garanti. On peut s’estimer heureux d’être près d’un village. Parce qu’alors il y a des gens pour vous sortir de là. Après, ces gens, on leur donne quelques centaines de francs congolais. Jusqu’à ce qu’on remarque que les gros trous sont toujours à proximité d’un village. Et qu’ils sont drôlement vite là, pour vous désembourber, avec leurs pelles. Qui sont peut-être celles avec lesquelles ils ont creusé eux-mêmes les trous, une semaine plus tôt ! Ben oui, quoi, on en ferait autant ? Avouez ! Quand on n’a pas d’argent ! Quelques centaines de francs congolais de pourboire : il y a des familles qui en vivent. Le père Bontinck disait toujours : “Les Congolais n’ont pas peur de prêter main-forte !” (Il fait le geste de tendre la main pour l’aumône.)

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[…] « Mon père était marchand de charbon. Ma mère venait d'une famille de cafetiers. Très chrétiens, tous les deux. Ils avaient espéré que je devienne ingénieur ou vétérinaire, aider les gens, quoi, les gens de chez nous, pas de l'autre côté du monde... Mais moi j'étais né pour être parmi les noirs, Ben oui, un marchand de charbon ! » « Les tinga tinga, des puces ! Et des puces de sable qui se glissent sous vos ongles de pieds. Et des moustiques et des punaises qui vous sucent le sang des pieds à la tête. Je ne veux pas porter de critique sur la Création de notre Seigneur, mais il aurait pu en inventer moins des bestioles. La bonté divine, dites ! »

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AUTOUR DE MISSION : EXTRAITS VIDÉO

DAILYMOTION

BRUNO VANDEN BROECKE / ITV Geneviève Chapdeville Philbert

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Mission - Festival de Liège 2009 9’29

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Page 16: MISSION - Le Grand Tarchives.legrandt.fr/saisons/archives/2011-12/dossier_mission.pdf · Pour David Van Reybrouck, il s’agit du troisième monologue sur les blancs âgés en Afrique.

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LES ÉCHOS DE LA PRESSE

Théâtre à la Villette, le monologue Mission de David Van Reybrouck témoigne d'une réalité implacable.

Confessions au temps du Congo belge Un homme seul, sur scène, dans un costume noir à rayures, se perd dans ses notes, tripote ses lunettes, tapote sur le micro... Grande performance d'acteur : Bruno Vanden Broecke, 35 ans, restitue l'immensité et la complexité de l'ancien Congo belge, devenu République démocratique, en se glissant avec naturel dans la peau d'un vieux père blanc, missionnaire à Goma, dans une région ravagée par la guerre depuis 1994. Dans cette forêt de mots, on oscille entre critique de l'Europe et de ses «bains à bubuïles», passion pour l'Afrique noire avec ses pluies d'orage qui tombent, soudainement, et doutes profonds d'un homme d'église. « Ah, vous êtes missionnaire, racontez un peu », dit-on au père André, 51 ans de Congo, lors de ses visites en Belgique. « Au bout de cinq minutes, ils me parlent d'eux-mêmes, de la circulation devenue impossible, des enfants qu'il faut maintenant conduire à l'école. Au Congo, il n'y a pas de routes... Même l'aéroport de Kinshasa, Njili, ressemble à un champ de patates sur lequel on valdingue. » Si le texte sonne si juste, c'est qu'il n'a rien d'une fiction. David Van Reybrouck, auteur belge de 38 ans, a tiré sa pièce, Mission, des témoignages qu'il a lui-même recueilli auprès des derniers missionnaires belges qui se trouvent encore dans l'ancienne colonie. Il y a puisé sa matière, émouvante, pour écrire un long monologue qui va crescendo, rythmé par des allers et retours entre Belgique et Congo. Le père André se montre d'abord tout amour, prêt à sortir un magnéto pour faire entendre le bruit de l'eau, à bord d'un bateau, sur ce si grand lac... Il raconte son Congo, celui d'avant, lançant d'abord quelques piques à l’encontre de Patrice Lumumba, nationaliste africain traité de « salaud », pour avoir « monté les Noirs contre les Blancs »... Viennent le Zaïre de Mobutu et sa volonté d'authenticité africaine - « Il avait décrété qu'il y aurait des instituteurs noirs partout, sauf dans sa région, et ses enfants ont reçu une bonne éducation. » Au tour de Kabila père, «un homme de bars plutôt que de brousse», décrit comme le valet des Tutsis rwandais, l'armée de Kagamé ayant envahi le Congo en 1996, pour prendre Kinshasa un an plus tard. L'esprit critique du père André n'épargne pas l'Église - « des préservatifs, j'en distribue, par cartons entiers » - ni les ONG, qui lui reprochent de « ne pas vraiment faire de l'humanitaire », ni les journalistes qui « viennent quinze jours et croient avoir tout compris », alors que « chaque jour, je comprends de moins en moins : les viols, les ténèbres, l'angoisse ». Mais quand le missionnaire se fâche, c'est pour décrire la puissance des « superstitions » locales, la sorcellerie « de carnaval », puis le déferlement de barbarie dans les vertes collines d'Afrique. La pièce de Van Reybrouck n'offre pas seulement un grand moment de théâtre : elle livre un regard vrai, plein d'interrogations, sur un pays insondable.

Sabine Cessou, Libération, 17 juin 2010

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Le Soir, 18 décembre 2007

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La Libre, 17 décembre 2007

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Mission La critique de la rédaction

Mission est la claque théâtrale du mois de juin et pourtant qui l’eut cru ? Un monologue théâtral belge sous titré « Chronique d’un missionnaire au Congo », a priori, ça ne soulève pas un enthousiasme délirant. Et pourtant c’est l’état dans lequel on sort de ce spectacle porté par un comédien phénoménal de naturel et de justesse, Bruno Vanden Broecke. Non seulement cet acteur maîtrise à la perfection toutes les nuances des émotions auxquelles il nous donne accès, mais en plus, sa partition en forme de conférence le place sur le terrain périlleux de l’adresse au public où il excelle. Dès les premiers mots, il nous attire à lui, avec une puissance de communication impressionnante. On ne se rend compte de rien qu’on est déjà avec lui, totalement capté par le récit de sa vie de prêtre blanc, missionnaire au Congo. Car ce qu’il nous raconte est à la fois de l’ordre de l’Histoire (la grande, l’horrible, celles des guerres civiles à répétition) et de l’ordre de l’intime (l’engagement d’un homme dans la foi et la mission). Le texte (de David Van Reybrouck), construit à partir de nombreux témoignages recueillis au Congo et en Belgique, relève du documentaire et de l’écriture littéraire à la fois. Il sidère par la minutie de ses détails, par la reproduction d’une oralité, par l’intelligence et l’humanité qui s’en dégage, par la sagesse du vécu qui irradie. Si les anecdotes sont toutes plus bouleversantes les unes que les autres, c’est aussi le ton qui nous happe, ce mélange de proximité et d’humour, d’émotion à vif et de vie coûte que coûte, cette impression d’improvisation comme si la parole naissait en temps réel, sortait pour la première fois de la bouche de cet homme à la vie extraordinaire. On est au théâtre et on l’a oublié. On est au théâtre et on s’est laissé prendre par la charge de réel et de vrai qui émane de ce spectacle admirable.

Marie Plantin, Première.fr

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Mission de la compagnie KVS

Les larmes de Dieu Texte de David Van Reybrouck, mise en scène de Raven Ruëll, avec Bruno Vanden Broecke. L'acteur belge Bruno Vanden Broecke incarne un prêtre tourmenté après cinquante ans de

mission au Congo.

Il est des spectacles qu'on n'attendait pas, qui vous tombent dessus sans crier gare, lors d'une fin de saison en pente douce. Mission vous transperce comme une pluie d'Afrique, vous réveille à la vie et au monde, au bout de deux heures d'un grand voyage horrifique et tendre. Seul sur la scène de la Grande Halle de la Villette, un vieux père blanc, missionnaire depuis cinquante ans au Congo, en « permission » dans son pays natal, la Belgique, donne un genre de conférence. On l'écoute avec attention - on n'est pas comme ses proches, qui lui demandent distraitement comment ça se passe là-bas et finissent par ne parler que d'eux… Défile alors le quotidien dans la brousse : les lacs infinis, les routes impraticables, les moustiques, les blessés, la violence, la misère… Le père André parle de sa vocation à dix-sept ans, de ses années de doute et puis de l'appel de l'Afrique, de son voyage en avion, de ses premiers pas sur le continent noir. Religieux, il l'est, bien sûr. Mais pas bigot pour un sou. Il est même bon vivant. Ne dédaigne pas un petit verre de temps en temps. Les femmes ? Il les regarde, même s'il ne peut pas y toucher. Son célibat est un choix. La chasteté imposée par le Vatican l'irrite… Il parle des messes dites sous un simple toit de tôle, de la pluie qui soudain s'abat et forme les murs de son église… Tour à tour drôle, lyrique, attendri. L'horreur n'apparaît d'abord que par flashs, au détour d'une anecdote. Puis elle grandit et déborde… Maux terribles Le missionnaire s'en prend aux superstitions mortifères, à la corruption des dirigeants, au machisme tribal, à la folie des guerres - jusqu'au génocide qui a touché son territoire, entre Nord-Kivu et Sud-Kivu. Les mini-drames de sa famille en Belgique, le stress, la vie trop « speed », compulsive, des Européens apparaissent dérisoires face aux maux terribles d'un peuple dont l'espérance de vie ne dépasse guère quarante ans. Enfants massacrés, femmes violées… Le père André pense d'abord à soigner les corps avant de guérir les âmes. Il

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doute. Forcément. Et il bout à l'intérieur. Ce n'est qu'à la toute fin qu'il explose. L'homme saint, l'homme juste, demande des comptes au Ciel. Puisse Dieu verser des larmes au moins… On n'en dira pas plus sur la scène sublime qui clôt la pièce - un des plus beaux effets de théâtre vus depuis longtemps. Ce spectacle de la compagnie belge KVS est un triple miracle. Miracle d'un auteur, David Van Reybrouck, qui, à partir de témoignages de missionnaires, a su bâtir une tragédie moderne. Sans manichéisme, mêlant humour et drame, prosaïsme et lyrisme, il pose les questions essentielles de la foi, de l'injustice et de la criante absence de Dieu sur le continent noir. Miracle d'un comédien, Bruno Vanden Broecke, acteur de trente-six ans qui, dans la grande tradition belge flamande, développe un jeu unique, à la fois physique et intérieur, d'un naturel confondant - ponctué de silences, de phrases en suspens, d'hésitations et de bégaiements. Souverain tout au long de son monologue, il arrache rires, larmes et effroi à un public hypnotisé. Miracle d'un jeune metteur en scène de trente et un ans, enfin, Raven Ruëll, qui sait s'effacer avec humilité devant un texte fort, pour mieux le faire entendre avant de déclencher l'apocalypse finale. Rien ne semble fabriqué dans cette Mission. Tout paraît dicté par une force supérieure - non pas divine, mais humaine ; la force de créateurs qui se sont emparés du théâtre pour bousculer le monde, en appeler à l'amour et à la colère - pourvu que les sanglots de Dieu tombent enfin sur la terre.

Philippe Chevilley, Les Échos, 14 juin 2010

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