Mise au point : Titine et titinopathies · N° 21 - juin 2020 Mise au point : Titine et...

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21 - juin 2020 Mise au point : Titine et titinopathies Les cahiers de myologi numéro 21 juin 2020 e

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  • N° 21 - juin 2020

    Mise au point :

    Titine et titinopathies

    Les cahiers de myologi numéro 21 juin 2020 e

  • Les cahiers demyologieNo 21 JUIN 2020

    Rédaction

    Directrices de la publicationEmmanuelle Salort-CampanaLaurence Tiennot-Herment

    Directeurs de la rédactionMichel FardeauJ. Andoni Urtizberea

    Directeurs adjoints de la rédactionValérie AllamandGuillaume BassezGisèle BonneJean-Claude Kaplan

    Rédactrice en chefTuy Nga Brignol

    Correspondance

    [email protected]

    AFM-TéléthonBP 59 - 91002 Évry [email protected]

    Siège socialInstitut de Myologie75651 Paris cedex 13

    RéalisationEDP Sciences17, avenue du HoggarPA de Courtabœuf91944 Les Ulis, Francewww.edpsciences.org

    Mise en pageCorlet Imprimeur S.A.ZI route de Vire14110 Condé-en-Normandie, France

    Parution2 numéros/anISSN électronique 2496-1558

    Réseau des correspondantsAlgérie : Meriem TazirAllemagne : Werner StenzelArgentine : Alberto L. RosaBelgique : Peter Van den BerghBénin : Jules AlaoBrésil : Edmar ZanoteliChili : Jorge A. BevilacquaChypre : Kyproula ChristodoulouCroatie : Nina Canki-KleinEspagne : Carmen NavarroÉtats-Unis : Kevin FlaniganFinlande : Bjarne UddItalie : Corrado AngeliniJapon : Keiko IshigakiLiban : André MégarbanéMaroc : Ilham SlassiMexique : Rosa-Elena EscobarPérou : Ricardo FujitaRoyaume-Uni : Kate BushbyRussie : Sergei KurbatovSuède : Anders OldforsSuisse : Thierry KuntzerTunisie : Fayçal HentatiUruguay : Graciela Barros

    COMITÉÉDITORIAL

    Jean-Christophe AntoineSerge BraunGillian Butler-BrowneFrançoise ChaponBernard ClairJean-Marie CuissetIsabelle DesguerreClaude DesnuelleChristian DevauxDenis DubocBruno EymardLéonard FéassonLuis GarciaMarcela GargiuloRomain GherardiFrédéric GottrandEmmanuelle GuiraudJean-Yves HogrelNathalie KoulmannMartin KrahnLeïla LazaroFrance LeturcqEdoardo MalfattiIsabelle MartyJudith MelkiNadine PellegriniYann PéréonJean PougetPascale RichardFrançois RivierHélène RivièreNorma RomeroSandrine Segovia-KuenyEmmanuelle Uro-CosteJean-Thomas VilquinLouis ViolletKarim Wahbi

    © Aurélien Perrin, Laboratoire de génétique moléculaire, EA7402, CHU de Montpellier, Université deMontpellier, France.

    Les Cahiers de Myologie et les recommandations aux auteurs sont consultables sur le sitewww.cahiers-myologie.org

    2 No 21 JUIN 2020 Les cahiers de myologie

  • ÉDITORIAL

    Tous ensemble contre la COVID-19

    C hacun d’entre nous se souviendra du 16 mars2020, de ce qu’il a fait de cette journée pour sepréparer au mieux à la période qui allait suivre etdont nous ne soupçonnions ni la durée, ni le contenu, niles difficultés engendrées.Ainsi, à dater de ce jour, la quasi-totalité des collaborateursde l’AFM-Téléthon est passée en télétravail complet. Uneexception majeure toutefois pour les équipes du pôleYolaine de Kepper, un ensemble de structures et servicesmédico-sociaux situé à Angers et à sa périphérie. Il a falluen effet poursuivre l’activité de la Maison d’Accueil Spécia-lisé (MAS) et de l’Habitat service Gâte-Argent tout en mul-tipliant les précautions pour ne pas laisser la COVID-19pénétrer auprès des résidents et des locataires de ces struc-tures. Depuis le début mars et jusqu’à ce jour, la résidenceYolaine de Kepper est ainsi devenue une forteresse impre-nable. Grâce à des mesures drastiques d’isolement et deprévention, la population des malades accueillis a, jusqu’àce jour, échappé à la contamination. Nous avons vu desphotos qui démontrent que la vie avec ses petits plaisirs apu continuer malgré les contraintes du moment.Pour les autres collaborateurs de l’AFM-Téléthon, soientenviron 440 personnes, nous entamons, à l’heure de l’écri-ture de ces lignes, le 48e jour de confinement à domicile etdonc de télétravail.L’adaptation s’est faite en 48 heures. Certes, le télétravailétait déjà une pratique en place depuis quelques mois àl’AFM-Téléthon mais de façon périodique. Pour autant, ila fallu un engagement sans faille de la direction des servicesinformatiques (DSI) pour équiper en matériel portable ceuxqui ne l’étaient pas, déployer des logiciels de travail à dis-tance, et accompagner ce virage numérique accéléré.Les équipes de la mission Aider (actions familles, actionsmédicales, affaires publiques), et celles de la direction de lacommunication ont été, et sont toujours, en première lignepour apporter aux malades et aux familles tous les conseils,recommandations, fiches techniques et tutoriels nécessairespour bien se protéger et vivre au mieux le confinement.Avant même que le confinement ne devienne une obliga-tion gouvernementale, la première de nos recommanda-tions aux familles a été de rester au domicile, et si possiblede limiter toute interaction avec l’extérieur en réduisant,voire en supprimant, le recours à des auxiliaires de vie pro-fessionnel(le)s ainsi qu’aux intervenants médicaux oumédico-sociaux. Ce n’était pas toujours possible du fait du

    degré de dépendance de la personne malade et des capa-cités d’action, parfois limitées, de son entourage familial ;néanmoins, la grande majorité l’a fait, avec pour retombéepositive un très faible nombre de malades neuromusculairestouchés par la COVID-19, mais aussi, comme effet colla-téral, une pression accrue sur les aidants familiaux.Il ne fallait pas laisser pour autant les familles dans des situa-tions d’isolement social. Le lien a pu être maintenu enmobilisant les ressources liées aux technologies de lacommunication et surtout un très fort engagement desréseaux professionnels et bénévoles de l’association :décryptage et traduction, à l’adresse des malades et desfamilles, des mesures gouvernementales par l’équipe desaffaires publiques, rédaction de fiches pratiques et defiches-conseils, élaboration de tutoriels, par exemple pourmaintenir à domicile un peu d’entretien orthopédique. Lelien social a pu ainsi être maintenu : par téléphone(17 000 appels), mais aussi au travers des courriels, et desmessages sur les réseaux sociaux, les sites internet et lesblogs des groupes d’intérêt et des délégations... Les ser-vices régionaux de l’association, qui avaient suspendu trèstôt les visites à domicile, ont poursuivi leur mission d’accom-pagnement des malades et des familles à distance, via letéléphone et les solutions de visio-conférence. C’est ainsique de nouvelles familles ont pu faire l’objet d’une premièrevisite « à domicile » en visio-conférence avec un retourd’expérience très positif.Au total, sur le terrain, ce sont près de 120 Référents Par-cours de Santé (RPS) déployés sur toute la France à partirde 18 Services régionaux, ainsi que les équipes bénévolesdes délégations et groupes d’intérêt, qui sont mobiliséschaque jour pour apporter leur aide et leur soutien auxfamilles concernées.Une cellule d’aide psychologique a pu être mise en placepour faire face à l’angoisse de certains malades ou de leurentourage familial et a mobilisé une dizaine de psycholo-gues de l’Institut de Myologie, de l’hôpital Raymond Poin-caré de Garches, du pôle Yolaine de Kepper et del’AFM-Téléthon. Un dispositif venu en complément de laligne Accueil Familles, elle-même déjà en place avant lapandémie et dont les effectifs ont été doublés en cettepériode. Cette assistance est joignable à tout moment dela journée, 7J/7, pour répondre à tous les appels desmalades et faire le lien avec l’astreinte médicale et psycho-logique.

    Cah. Myol. 2020 ; 21 : 3-6© C. Cottet, publié par EDP Sciences, 2020

    https://doi.org/10.1051/myolog/202021001Les cahiers de myologie No 21 JUIN 2020 3

    Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr/,permettant une ré-utilisation du contenu sans restriction à condition de mentionner clairement la source.

  • Cette période a permis de renforcer les liens etla collaboration entre le réseau associatif et lescliniciens au sein de la filière FILNEMUSLes cliniciens et personnels des centres de référence et decompétences ont souvent été mobilisés pour renforcer leséquipes dans les unités hospitalières dédiées à laCOVID-19. Il a fallu revoir l’organisation hospitalière enisolant les unités neuromusculaires des unités dédiées à laCOVID-19, et réorganiser les pratiques habituelles de priseen charge des malades neuromusculaires en soins courants.Les rendez-vous de consultations ou en hôpital de jour ontle plus souvent été reportés pour limiter les risques decontamination ; les examens et interventions non urgentesont été différés. Il a fallu faire un tri des soins, examens etinterventions en identifiant parmi eux, ceux qui ne pou-vaient être différés sans mettre en danger le patient neuro-musculaire. En parallèle, des solutions de téléconsultationsont pu être mises en place avec les patients et les famillesdans beaucoup de centres de références ou de compétencequi ont pu ainsi maintenir le lien médical indispensable etatténuer l’impact de la crise épidémique, notamment dansles situations les plus à risque.La concertation entre les cliniciens et les directions del’AFM-Téléthon (actions médicales, actions auprès desfamilles, affaires publiques) a été exemplaire, constante,quasi quotidienne, l’idée étant de partager toutes les infor-mations pour que les réseaux associatifs puissent s’en fairele porte-parole auprès des familles mais aussi pour leurapporter les réponses aux très nombreuses questionsd’ordre médical posées dans le cadre de la prise en chargede leur maladie au vu du contexte épidémique.. Cetteconcertation a permis d’harmoniser les positions en adap-tant une vision strictement médicale aux interrogations, aviset attentes des malades dont l’association est le porte-parole.Il s’est agi également de partager toutes les informationsconcernant les cas de patients neuromusculaires touchéspar la COVID-19 (heureusement peu nombreux) et l’évo-lution de leur prise en charge et de leur maladie. Le recen-sement et la caractérisation de ces cas ont été réalisés dansle cadre de plusieurs enquêtes diligentées au niveau national(à l’initiative de FILNEMUS) et européen (grâce au réseaude référence Euro-NMD).Une problématique cruciale a été la question de l’admissiondans les unités de réanimation des malades neuromuscu-laires touchés par la COVID-19. Avoir une maladie neuro-musculaire n’expose pas la personne à un risque majoré decontamination, avec un bémol toutefois pour les maladessous traitement immunosuppresseur. Les conséquences del’infection pour les personnes à risque (notamment dans lecas d’une atteinte cardio-respiratoire pré-existante) restenttoutefois à déterminer et sont fonction de la pathologie

    sous-jacente, de l’âge et du stade évolutif de la maladie.L’AFM-Téléthon en lien avec FILNEMUS a rédigé et dif-fusé une fiche technique pour les Centres 15 : « Recom-mandations médicales COVID-19 et maladies neuromus-culaires ». Dans celle-ci, nous avons affirmé que toutepersonne atteinte d’une maladie neuromusculaire était éli-gible à une prise en charge par le SAMU-Centre 15, et ensoins de réanimation en unité hospitalière si nécessaire.Avoir une maladie neuromusculaire ne saurait constituer unmotif a priori de refus de soins, a fortiori dans le contextede la COVID-19. FILNEMUS a publié dans la Revue Neu-rologique un article complet sur l’adaptation des pratiquesmédicales dans le contexte de l’épidémie [1]. La questionde l’admission des patients neuromusculaires en réanima-tion y est abordée en listant les facteurs de bon pronosticen soins de réanimation en fonction des pathologies et dessituations. Ce même article a permis de faire le pointconcernant les modalités d’administration et le maintienéventuel de traitements propres aux malades neuromuscu-laires, y compris les thérapies innovantes, ainsi que laconduite à tenir concernant les essais cliniques en cours.Afin d’aider concrètement les familles, l’AFM-Téléthon amené de nombreuses actions pour doter de masques lesfamilles et leurs aidants. L’accès aux masques et leurs moda-lités de distribution par les pouvoirs publics ont beaucoupévolué depuis le début de la crise sanitaire. L’AFM a menéune action forte de lobbying pour favoriser l’accès aux mas-ques pour les malades et leurs aidants. Aujourd’hui, cetaccès est possible pour les Services d’Accompagnement àDomicile via les Groupements Hospitaliers Territoriaux, etpour les aidants salariés en emploi direct via les pharma-cies, même si cela ne fonctionne pas partout. Pour lesmalades et les aidants familiaux, l’AFM-Téléthon a donceffectué des demandes de masques région par région,auprès des Agences Régionales de Santé et parfois desConseils Régionaux. À ce jour, les 14 régions ont répondufavorablement avec des stocks allant de 10 000 à100 000 masques.Depuis la mi-avril, l’AFM-Téléthon distribue les masquesobtenus via ses Services régionaux avec l’appui des réseauxbénévoles, ses partenaires/prestataires intervenant auprèsdes familles, mais aussi le soutien des équipes de la Croix-Rouge Française Ile-de-France, sans oublier de nombreuxpartenaires logistiques avec un seul objectif : les remettreaux familles à risque qui en seraient dépourvues. Ces pre-miers lots de masques restent malheureusement insuffisantset des critères ont été définis pour en prioriser la distribu-tion. Ces critères tiennent compte du risque de complica-tions importantes pour les personnes malades avec atteinterespiratoire et la difficulté de leur prise en charge en cas decontamination par le coronavirus. La population prioritaireest donc celle des personnes trachéotomisées ou ventilées

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  • ayant recours à de l’aide humaine en emploi direct, par unservice prestataire et de leurs aidants familiaux non équipésde masques ou risquant d’être à court de masques et lesmalades ayant un proche contaminé par le coronavirus (sus-pecté ou confirmé).

    Et après le 11 mai...Le court-moyen terme, c’est la période qui commence au11 mai avec le début de la sortie du confinement. Pourl’AFM-Téléthon, cette étape doit être prudente et très pro-gressive afin de n’exposer ni les malades ni ses collabora-teurs, bénévoles et salariés, à une recrudescence des ris-ques de contamination. C’est pourquoi, dans un esprit deresponsabilité individuelle et collective, nous maintiendronsle télétravail pour nos collaborateurs, partout où c’est pos-sible, sans nuire à la dynamique des équipes et à l’efficacitédes actions.Compte tenu du retour d’expérience de ces dernièressemaines, il nous parait essentiel de maintenir ce lien ren-forcé entre l’association et les cliniciens de FILNEMUS.Pour les malades et les familles, la question n’est pas seu-lement de dire qui peut sortir du confinement sans trop derisque et qui ne le peut pas. Ce serait une approche arbi-traire et simpliste d’une distinction entre deux catégoriesde citoyens, les « confinés » et les « déconfinés ». Or dansun contexte où une telle situation pourrait durer plusieursmois voire davantage, cette vision doit être obligatoirementinterrogée :- La population des malades neuromusculaires n’est pashomogène et les facteurs de risque la concernant ne sontpas encore suffisamment définis sur des critères scientifi-quement solides. Elle comporte aussi bien des personnes àtrès haut risque que des personnes à faible risque, selon lagravité de la pathologie neuromusculaire et son évolutivité,bien qu’ils soient globalement supérieurs à ceux de la popu-lation française. Il n’y a rien de comparable entre un maladeatteint d’une myopathie de Duchenne évoluée, trachéo-ventilé, et par exemple certaines neuropathies périphéri-ques qui présentent, statistiquement parlant, un risquecardio-respiratoire beaucoup plus réduit. S’agissant demaladies évolutives, comme le sont beaucoup de maladiesneuromusculaires, la question de l’âge est, peut-être davan-tage encore que dans la population générale, un facteurdramatique d’aggravation du pronostic, les risques cardio-respiratoires s’amplifiant avec l’évolution de la maladie neu-romusculaire jusqu’à parfois une issue fatale. En consé-quence, la sortie de confinement d’une personne atteinted’une maladie neuromusculaire ou de son entourage fami-lial représente une vraie mise en danger avec un risque decontracter la COVID-19.- Ces deux catégories (« confiné » et « non-confiné ») nepeuvent être physiquement totalement séparées. Les

    personnes dépendantes fragiles ont besoin de contacts rap-prochés avec des personnes « déconfinées » (auxiliaires devie, autres membres de la famille, soignants...). Plus letemps passera, plus ces contacts nécessaires vont devoir semultiplier (épuisement des aidants, accès aux soins jusqu’icirepoussés, nécessité psychologique de sortir d’un espacerestreint, etc.).- Les réalités de résidence sont très différentes selon queles personnes se trouvent en établissement ou à domicile.Et parmi ces dernières certaines vivent seules, d’autres encouple ou en famille, et les conditions d’exiguïté de l’habi-tation et de revenus sont très diverses.- La capacité de résistance des personnes et des familles,bien qu’élevée, a forcément des limites. La perspectived’une poursuite du confinement dans les mêmes conditionsqu’actuellement sera de plus en plus difficile à supporter, ycompris dans les familles où se trouvent des personnes àtrès haut risque.L’approche qu’il faut retenir dans le cadre de la sortie deconfinement doit plutôt être de savoir comment, dans ladurée, protéger aux mieux les personnes en fonction desrisques qu’elles encourent, soit directement à cause de laCOVID-19, soit indirectement en raison des conséquencesde renoncement aux soins et aux indispensables interac-tions sociales.Cette protection, pour être acceptée et efficace, peutpasser par des mesures de confinement prolongé mais sesmodalités doivent pouvoir être modulées en fonction dessituations.Un travail de pédagogie, d’information, de transparencemais aussi d’anticipation est prioritaire. Afin de pouvoirprendre leurs décisions, les personnes concernées doiventavoir une visibilité sur les conditions et la durée prévisibledes différentes mesures. Pour être acceptables, elles doi-vent être comprises comme des mesures de protection. Ilfaut donner les moyens aux personnes de pouvoir faire deschoix éclairés pour eux et pour l’ensemble de la collectivité.Et comme il ne saurait y avoir de mesure légalement obli-gatoire restreignant les libertés individuelles d’une catégoriede citoyens, c’est sous la forme de recommandations etd’un appel à la responsabilité individuelle de chacun quedes mesures de ce type pourront être envisagées. Pour sapart, l’AFM-Téléthon fera des recommandations auxfamilles neuromusculaires faisant appel à leur responsabi-lité à l’aune des risques qu’elles encourent. La recomman-dation d’un prolongement du confinement et du respectdes mesures barrières, sous une forme volontaire et adaptéeà chacun, nous semble à ce jour une nécessité.En pratique, il faut dès à présent garantir un accès priori-taire et gratuit aux équipements de protection individuelle(EPI) pour toutes les personnes à risque et leurs aidants,qu’ils soient familiaux ou salariés. La nature de ces

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  • matériels peut être modulée en fonction des risques maiselle doit être une priorité absolue. Malgré les mesures gou-vernementales à ce sujet, la situation observée actuellementn’est pas du tout satisfaisante. En particulier, les aidantssalariés en emploi direct n’ont qu’un accès très partiel auxmasques, avec une grande hétérogénéité de pratiques selonles régions. Par ailleurs, les aidants familiaux qui se sontsubstitués aux aidants professionnels par mesure de pré-vention pour la personne fragile n’ont, eux, aucun accèsaux EPI. En termes d’accès à ces moyens de protection ettout particulièrement aux masques, les personnes fragiles,leurs aidants et leurs enfants ou leur fratrie, ne peuvent,dans la durée être considérés comme le reste de la popu-lation française et doivent être alimentés, a minima en mas-ques chirurgicaux pour le plus grand nombre, et en masqueFFP2 pour les aidants accompagnant un malade trachéo-ventilé ou sous ventilation non invasive.En parallèle, il faut également garantir un accès prioritaireet gratuit aux tests PCR et immunologiques pour les per-sonnes à risques et leurs aidants familiaux et salariés afinqu’elles puissent adapter les mesures de protection en fonc-tion de leur statut vis-à-vis de la COVID-19.Au niveau médical, la poursuite ou la reprise de soins dépro-grammés doit être une priorité. Pour les personnes à risque,des organisations spécifiques doivent être mises en placeafin que les prises en charge à l’hôpital, notamment enconsultation et en hôpital de jour, puissent se faire en toutesécurité. La suppression des temps d’attente et des déro-gations pour l’utilisation de transports sanitaires sont néces-saires. En particulier :- Les suivis en centre d’expertise, centre de référence oude compétences, doivent reprendre avec pour chaquemalade l’établissement d’un bilan des conséquences de lapériode de confinement et des mesures de compensationà mettre en place le cas échéant.- Les activités de diagnostic, notamment au niveau molé-culaire, doivent reprendre. La lutte contre l’errance dia-gnostique reste un enjeu majeur dans le monde des mala-dies rares et il ne faudrait pas qu’elle soit sacrifiée au motifde la mobilisation des ressources pour faire face à la mul-tiplication intensive des tests COVID-19.

    - Les interventions chirurgicales qui ont été différées doi-vent être rapidement reprogrammées.- Les thérapies innovantes administrées dans le cadre hos-pitalier, comme par exemple les injections de nusinersenpour l’amyotrophie spinale, doivent être, lorsqu’elles ontété différées, réactivées en urgence. Un bilan fonctionnelet respiratoire doit être établi à la reprise des injections.- enfin, pour certaines pathologies neuromusculaires àimpact cognitif (myopathie de Duchenne, Steinert) une éva-luation des conséquences de l’isolement social doit être réa-lisée avec à la clé d’éventuelles mesures de soutien psycho-logique adaptées.La période qui s’ouvre n’est pas la fin de la crise épidé-mique mais une nouvelle période où nous allons vraisem-blablement continuer de cohabiter avec ce virus avec lerisque accru majeur qu’il représente pour la population desmalades neuromusculaires. Notre challenge collectif sera àla fois de reprendre une pratique de médecine d’excellencepour ces malades, un accompagnement soutenu au quoti-dien, tout en maintenant un arsenal de mesures de préven-tion drastiques pour cette population, jusqu’à, si nécessaire,une recommandation de poursuite du confinement dans lessituations les plus à risque. En veillant aussi à ce que leseffets délétères d’un confinement prolongé ne soient passupérieurs aux risques que représenterait une infection parla COVID-19. Un défi immense que l’action collective etpartenariale entre tous les acteurs, scientifiques, médecinset associations de malades doit nous permettre de relever.

    All united against COVID-19

    Christian Cottet Directeur Général, AFM-Téléthon, Évry, [email protected]

    LIENS D’INTÉRÊTL’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les donnéespubliées dans cet article.

    RÉFÉRENCE1. Solé G, Salort-Campana E, Pereon Y, Stojkovic T, Wahbi K, Cintas P,Adams D, Laforêt P, Tiffreau V, Desguerre I, Pisella LI, Molon A, Attarian S ;FILNEMUS COVID-19 study group. Guidance for the care of neuromuscularpatients during the covid 19 pandemic outbreak. Rev Neurol (Paris) 2020 Apr20. pii : S0035-3787(20)30523-3. doi : 10.1016/j.neurol.2020.04.004.

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  • SOMMAIRE No 21 - juin 2020

    ÉDITORIAL /EDITORIAL3 Tous ensemble contre la COVID-19

    All united against COVID-19Christian Cottet

    MISE AU POINT /FOCUS9 Une approche clinico-biologique intégrée

    pour interpréter la pathogénicité des variantsdu gène de la titineAn integrated clinical-biological approachfor interpreting the pathogenicity of titin genevariantsAurélien Perrin, Raul Juntas-Morales, Mireille Cossée

    16 Corrélations phénotype-génotypedans les titinopathiesPhenotype-genotype correlations in titinopathiesRaul Juntas-Morales, Aurélien Perrin, Mireille Cossée

    LU POUR VOUS /LITERATURE REVIEW21 PrécliniquePreclinical studies

    Évidence préclinique de l’effet thérapeutiquede l’efgartigimod dans un modèlede myasthénie anti-MuSKPreclinical evidence of the therapeutic benefitof Efgartigimod in a model of myasthenia gravismediated by anti- MuSK antibodiesAlexandra Clarissa Bayer Wildberger, Jean-Thomas Vilquin

    23 Mécanisme de la circulation perturbéedu calcium et son traitementdans une cardiomyopathie dilatée (CMD)associée ou non à une déficienceen dystrophine (DMD)Mechanism of disturbed calcium circulationand its treatment in the general case of dilatedcardiomyopathy (CMD) and associatedwith dystrophin deficiency (DMD patient)Dominique Mornet

    24 Génétique/GeneticsDystrophie musculaire de Becker due à un sautd’exon induit par des mutations du gène DMDdécalant le cadre de lectureBecker muscular dystrophy due to exon skippinginduced by mutations in the DMD gene delayingthe reading frameValérie Allamand

    25 Clinique/Clinical researchL’interprétation des biopsies de myositesinflammatoires reste difficileInterpreting inflammatory myositis biopsies remainsdifficultFrançoise Chapon

    CONTENTS Number 21 - June 2020

    26 La chloroquine peut être toxiquepour le muscle, il ne faut pas l’oublier !Chloroquine can be toxic to the muscle, let’s notforget it!J. Andoni Urtizberea

    28 La reconnaissance des émotionsvia l’expression faciale et les posturescorporelles dans les dystrophies myotoniquesde type 1 et 2 (DM1 et DM2)Recognition of emotions through facial expressionand body postures in type 1 and 2 myotonicdystrophies (DM1 and DM2)Claire-Cécile Michon, Christian Réveillère

    30 Impact de la ventilation mécaniqueet des méthodes de ventilationsur la perception de vie et de santé de maladesatteints de dystrophie musculaire de DuchenneImpact of mechanical ventilation methods on lifeperception for patients with Duchenne de BoulogneGhilas Boussaid, Christian Réveillère

    32 La LGMD R21 liée au gène POGLUT1 :une myopathie ultra-rare aisémentreconnaissable grâce à la biopsieet à l’imagerie musculairesPOGLUT1-linked LGMD, a megarare myopathyeasily recognizable on muscle biopsy and imagingEdoardo Malfatti

    34 Maladies neuromusculaires et COVID-19Neuromuscular disorders and COVID-19Ghilas Boussaid, Christian Devaux, Sandrine Segovia-Kueny

    MYOLOGIE DANS LE MONDE /MYOLOGY AROUND THE WORLD

    36 Chroniques russes...Russian chronicles...J. Andoni Urtizberea

    PARTENARIATS /PARTNERSHIPS42 Actes de la Journée Filnemus « Troubles

    cognitifs et maladies neuromusculaires »Proceedings of the Filnemus Meeting Ćognitiveissues and neuromuscular disorders’Yann Péréon, Géraldine Merret

    63 AGENDA /FORTHCOMING MEETINGS

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  • Aurélien Perrin,Mireille CosséeLaboratoire de GénétiqueMoléculaire, EA7402,Centre HospitalierUniversitaire deMontpellier, Université deMontpellier, FranceRaul Juntas MoralesLaboratoire de GénétiqueMoléculaire, EA7402,Centre HospitalierUniversitaire deMontpellier, Université deMontpellier, FranceService de Neurologie.Centre de référence desMaladiesNeuromusculaires AOC(Atlantique-Occitanie-Caraïbe) CentreHospitalier Universitairede Montpellier, France

    [email protected]

    MISE AU POINT

    Une approche clinico-biologique intégréepour interpréter la pathogénicitédes variants du gène de la titineAurélien Perrin1, Raul Juntas-Morales1, 2, Mireille Cossée1

    La titine est la plus grande protéine présente dansnotre organisme. L’isoforme la plus longue a unpoids moléculaire de 4 200 kilodaltons. Deux fila-ments de titine à polarité opposée recouvrentchaque moitié du sarcomère entre le disque Z et laligne (ou bande) M. La titine joue un rôle crucial dansle maintien de l’intégrité de la structure du sarco-mère par l’intermédiaire d’interactions avec de nom-breuses protéines dont la myosine, l’actine, l’alpha-actinine, les calpaïnes 1 et 3, l’obscurine, latéléthonine et bien d’autres [1].Les titinopathies sont des pathologies en relationavec des altérations de la titine codée par le gèneTTN. Le développement des techniques de séquen-çage à haut débit a permis l’identification d’unnombre important de variants du gène de la titine.Précédemment au séquençage à haut débit, presqueuniquement la partie C-terminale était séquencée,ce qui explique que la majorité des phénotypes ini-tialement décrits concerne cette seule partie du gèneTTN. En raison de l’hétérogénéité clinique, du moded’hérédité (qui peut être autosomique dominant [AD]ou récessif AR]), de la fréquence des variants TTN(1,5-3 % au sein de la population générale) et del’absence d’outils bioinformatiques fiables pourl’interprétation de leur impact fonctionnel, il est sou-vent difficile de statuer quant au caractère patho-gène des variants identifiés chez les patients. Lesmécanismes qui sous-tendent la variabilité phénoty-pique et du mode d’hérédité des titinopathies sontencore mal connus. Ils impliquent les fonctionsstructurelles de la titine sur la formation et la stabilitédu sarcomère, ainsi que ses interactions avecd’autres protéines.

    En raison de la taille gigantesque de la protéine, peud’équipes au sein de la communauté internationale,et aucune équipe française en particulier, ne propo-sait jusqu’ici l’analyse en western-blot (WB) de latitine à des fins diagnostiques. Les laboratoires degénétique moléculaire identifient par séquençageà haut débit, chez des patients atteints de myopa-thie, avec ou sans cardiomyopathie, un nombreimportant de variants TTN potentiellement patho-gènes. Une analyse clinico-biologique intégrée est

    importante afin d’évaluer la pathogénicité desvariants identifiés. L’approche diagnostique consisteà évaluer, chez des patients suspects de titinopathie,les conséquences des variants TTN sur les transcrits,la protéine et ses interactions protéiques, puis de lescorréler aux données familiales et phénotypiques.Une part de ces variants pourrait en effet affecterdes domaines d’interaction à des protéines parte-naires de la titine. Nous aborderons dans cet articlela méthodologie et les différents aspects de ladémarche diagnostique de patients suspectés de titi-nopathie, basée sur une approche intégrée phéno-type-hérédité-génotype-transcrits-protéine regrou-pant :1) les données familiales ;2) le recueil complet des données cliniques et para-cliniques ;3) l’analyse exhaustive des données génotypiques ;4) l’analyse des transcrits (ARNm) ;5) l’analyse de la protéine titine en western-blot etéventuellement ses partenaires protéiquesCette approche intégrée (Figure 1) permet d’amé-liorer la démarche diagnostique en clinique etd’approfondir les connaissances des mécanismesmoléculaires qui sous-tendent la variabilité de l’héré-dité et du phénotype.Les Cahiers de Myologie ont déjà abordé le sujeten 2017 (hors-série no 1) dans un article intitulé« Pathologies musculaires liées à la titine, undomaine en émergence » par Ana Ferreiro. et J.Andoni Urtizberea [8]. Cet article résumait de façonclaire et détaillée l’historique des titinopathies, leursmodes de transmission, les connaissances en 2017de l’épidémiologie et des caractéristiques phénoty-piques de ces pathologies. Nous aborderons dans leprésent article l’apport de chaque élément dansnotre démarche intégrée visant à étudier la patho-génicité des variants TTN et à améliorer ainsi le dia-gnostic des titinopathies (Figure 1).

    Données familialesLes données familiales et le(s) mode(s) de transmis-sion probable(s), autosomique dominant (AD) ourécessif (AR), sont recueillis par le médecin lors dela consultation.

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    Cah. Myol. 2020 ; 21 : 9-15© A. Perrin et al., publié par EDP Sciences, 2020

    https://doi.org/10.1051/myolog/202021002Les cahiers de myologie No 21 JUIN 2020 9

    Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr, permettant une ré-utilisation du contenu sans restriction à condition de mentionner clairement la source.

  • Figure 1Stratégie d’analyse intégrée des patients suspects de titinopathie.

    Données phénotypiquesLes données phénotypiques (cliniques, histologiqueset d’imagerie) des patients sont recueillies par lemédecin lors de la consultation (Figure 2). Une ana-lyse phénotypique détaillée est nécessaire étantdonné la grande hétérogénéité des phénotypesdécrits (voir article « Corrélations phénotype-géno-type des titinopathies » par Raul Juntas-Moraleset al., de ce même numéro des Cahiers de Myologie)en rapport avec des variants TTN pathogènes. Laprésence d’anomalies histologiques ou radiologiquesévocatrices de titinopathie constitue un élément fon-damental lors de l’interprétation des variants.

    CliniqueL’article de ce même numéro des Cahiers de Myo-logie écrit par le Dr Raul Juntas Morales montrel’étendue des phénotypes décrits et leurs modes detransmission. La description des atteintes peutorienter vers un type de titinopathie pouvant êtredéjà décrit. Cependant l’émergence de nouveauxpatients porteurs de variants potentiellement patho-gènes du gène TTN associés à des signes cliniquesjusqu’alors non documentés montre que de nou-veaux phénotypes sont possibles. Les connaissancesactuelles à leur sujet sont encore parcellaires maisen pleine expansion.

    HistologieL’apport de la biopsie musculaire est un élémentimportant dans l’interprétation des variants généti-ques du gène TTN. En rapport avec la grande hété-rogénéité clinique des patients atteints de titinopa-thie, de nombreuses lésions histologiques sur lesbiopsies musculaires ont déjà été décrites. Prisesindividuellement, la plupart sont peu spécifiquesmais le profil histologique d’une combinaison de ceslésions permet souvent d’étayer le diagnostic. Leprofil évocateur de titinopathie comprend, enmicroscopie optique, les anomalies suivantes : uneinternalisation excessive des noyaux (plus de 10 %et souvent plus de 40-50 %), une prédominance desfibres de type 1, une irrégularité de la taille desfibres, et/ou une présence de minicores. En dehorsde ces anomalies communes à la plupart despatients, d’autres plus spécifiques peuvent être pré-sentes dans certaines formes de titinopathies. C’estle cas des corps cytoplasmiques retrouvés chez laplupart des patients atteints de la forme HMERF(« Hereditary Myopathy with Early Respiratory Fai-lure »). Dans les formes congénitales décrites parl’équipe d’Ana Ferreiro, la myopathie précoce aveccardiomyopathie létale (EOMFC) [2] et la myopathieà minicores avec cardiomyopathie, des dépôts baso-philes en forme d’étoiles peuvent être visualisés et

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  • Figure 2Analyse des données familiales et phénotypiques.

    pourraient servir de marqueur histologique de cesformes particulièrement sévères de titinopathie. Deslésions dystrophiques modérées avec nécrose, régé-nération et fibrose endomysiale accompagnées devacuoles bordées sont souvent présentes dans lesformes dites TMD (« Tibial Muscular Dystrophy »)et LGMD2J (« Limb Girdle Muscular Dystrophy 2J /récemment renommée LGMDR10). Des structuresde type « casquette » (cap en anglais) ont aussi étédécrites dans quelques cas donnant lieu à un tableaude myopathie congénitale. Une désorganisationmyofibrillaire et des agrégats de desmine et myoti-line peuvent également être présents et visibles enimmunohistochimie (Dr. Marcorelles, résultats d’uneétude multicentrique dans le cadre de la commission« Outils Diagnostiques » de la filière nationale mala-dies rares neuromusculaires, Filnemus). En micros-copie électronique, il existe surtout des lésions avecdésorganisations focales d’une largeur variable et qui

    concernent habituellement toute la longueur d’unsarcomère.

    Imagerie par résonance magnétique (IRM)Compte tenu de l’hétérogénéité phénotypique destitinopathies, il n’existe pas un pattern d’imagerieunique chez les patients concernés. Néanmoins, cer-tains muscles sont plus régulièrement atteints danscertaines formes de titinopathie que dans d’autres.L’exemple le plus frappant est l’involution adipeuse,très évocatrice, du muscle semitendineux au niveaude la loge postérieure de la cuisse, y compris chez despatients ayant des formes distales comme les TMD etHMERF. À un niveau plus distal, les anomalies tou-chent principalement les muscles releveurs des pieds.

    GénotypeLa présence de variant(s) déjà rapporté(s) commepathogène(s) dans la littérature ou de deux variants

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  • tronquants en trans chez un patient avec un phé-notype clinique compatible permet de poser le dia-gnostic de titinopathie. En revanche, il est plus dif-ficile de confirmer le rôle pathogène d’un seulvariant tronquant devant la présence d’un phéno-type évocateur d’une forme rapportée comme AR.Comme le souligne Savarese et al. [3] un deuxièmevariant peut être localisé dans une région mal cou-verte par le NGS (mutation située dans une régionintronique profonde ou dans une des trois régionsrépétées du gène TTN). Il est recommandé, danscette situation, de réaliser une étude de la protéinepar WB. Toutefois la mise en place de cette analysese heurte à des difficultés concernant principalementla taille énorme de la protéine (3,8MDa) (cf. ci-des-sous).Les variants non tronquants (principalement faux-sens) sont encore plus difficiles à interpréter. Étantdonné l’existence d’une grande hétérogénéité cli-nique avec une expressivité variable aussi bien surle plan cardiaque que sur le plan musculaire sque-lettique, les études de ségrégation familiale duvariant avec la pathologie peuvent ne pas être infor-matives. Par ailleurs, les outils de prédictions bioin-formatiques sont actuellement peu développés pourl’analyse des variants faux-sens du gène TTN. Poury remédier, une application en ligne spécifique a étédéveloppée récemment, appelé TITINdb [4](http://fraternalilab.kcl.ac.uk/TITINdb/). Elleintègre les informations de séquence et de structurede la protéine, ainsi que les variants déjà répertoriéscomme pathogènes. L’outil permet de visualiser laprédiction des conséquences d’un variant sur lastructure de la titine et sur ses interactions avecd’autres protéines, tout en tenant compte des diffé-rentes isoformes. Il est également possible d’obtenirdes scores de prédictions génétiques comme le scoreMPA (« MoBiDiC prioritization algorithm ») déve-loppé dans notre laboratoire et accessible en ligne(https://mobidetails.iurc.montp.inserm.fr/MD/). Ilest recommandé de vérifier les prédictions del’impact des variants TTN sur l’épissage et de lesconfirmer, si possible, par des études complémen-taires au niveau de l’ARN (cf. ci-dessous), ceci appor-tant un argument supplémentaire de pathogénicité.Un autre aspect à prendre en compte dans l’analysedu génotype est le profil d’épissage des exons dugène TTN. Au cours du développement, les trans-crits du gène TTN subissent physiologiquement unépissage alternatif. La forme fœtale des transcritstitine reste encore très peu décrite notamment enraison de la difficulté d’accès au matériel biologique

    fœtal. Dans le but de connaitre le degré d’épissagedes différents exons au niveau du muscle squelet-tique, Savarese et al. ont analysé en 2018 les iso-formes de la titine par séquençage à haut débitd’ARN (RNAseq) sur des biopsies issues de 42 sujets[5]. Les auteurs ont constaté que certains exonsétaient épissés de manière systématique dans lesmuscles squelettiques après la naissance, tandis qued’autres l’étaient à des degrés variables [5].Cette cartographie des exons exprimés dans laforme squelettique adulte contribue à la prédictionde l’impact d’un variant TTN.

    Analyse des transcritsL’analyse des transcrits est essentielle pour évaluersi les ARNm porteurs d’un variant tronquant sontdégradés par le mécanisme de NMD (NonsensMediated Decay), système de dégradation desARNm porteurs d’un codon Stop prématuré), etpour évaluer l’impact des variants d’épissage et desvariants faux-sens sur l’épissage (Figure 4). Ces don-nées permettent ainsi de prédire les conséquencesau niveau de la protéine, constituant de la sorte deséléments importants pour le diagnostic.Une des principales difficultés de cette analyse résidedans l’existence d’un épissage alternatif trèscomplexe. Raison pour laquelle il est important debien connaitre les différentes isoformes de la pro-téine et leur expression dans les différents tissus afinde pouvoir réaliser une interprétation correcte de lapathogénicité d’un variant [5, 6].Certains variants rapportés dans la littérature sontlocalisés dans les exons présents uniquement dansle métatranscrit et absents dans l’isoforme muscu-laire, N2A. Fernandes-Marmiesse et al. ont rap-porté le cas d’un nouveau-né atteint d’un tableaud’arthrogrypose multiple avec hypotonie sévèresecondaire à un variant décalant le cadre de lecture(frameshift) homozygote dans l’exon 197(p.(Lys12887Asnfs*6)). Cet exon n’est pas exprimédans les différentes isoformes connues en post-natal. Pour les auteurs, les défauts de la protéine enpériode fœtale sont responsables du tableau cliniquesévère à la naissance mais la stabilité de la maladieaprès la naissance serait due à la présence d’uneprotéine normale exprimée par l’isoforme N2A [7].Dans le même ordre d’idées, sur les trente patientsatteints de titinopathie congénitale de la série récem-ment publiée par Oates et al. dix avaient desvariants pathogènes localisés dans un exon présentuniquement dans le métatranscrit et absents dansl’isoforme N2A [9].

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  • Figure 3Analyse du génotype.

    Figure 4Exemple hypothétique d’une étude de transcrit(s) du gène TTN.

    Analyse de la protéineUn variant décalant le cadre de lecture (variant non-sens, ou frameshift en anglais) aura pour consé-quence la synthèse d’une protéine tronquée dont il

    faudra évaluer si elle est présente ou non dans lemuscle du patient. Une variation affectant l’épissagepeut aboutir au décalage du cadre de lecture ou à laperte d’un domaine protéique si le cadre de lecture

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  • est conservé. Les conséquences protéiques desvariations de type faux-sens sont actuellement lesplus difficiles à évaluer. En effet, le changement d’unacide aminé peut affecter la fonction du domainedans lequel il est inclus. La titine est composée denombreux domaines fonctionnels impliqués dans lasignalisation musculaire, l’élasticité du muscle, lesinteractions avec les autres protéines du cytosque-lette, l’ancrage à la bande M ou la bande Z. Il a étémis en évidence à plusieurs reprises une réductionsecondaire de la calpaïne-3 dans des muscles depatients porteurs de variants pathogènes dansl’extrémité 3’ du gène TTN, ce qui pourrait contri-buer à la physiopathologie de la maladie.L’analyse de la titine est difficile du fait qu’il s’agitd’une protéine géante. Les isoformes de la titine ontun poids moléculaire compris entre 1 000 et3 800 kDa alors que pour la majorité des protéinesd’une cellule, le poids moléculaire est habituellementde 5 à 300 KDa. Les méthodes conventionnelles dewestern-blot ne sont pas adaptées à l’étude de cetype de protéine géante. Pour analyser la protéine,nous avons mis au point une technique de WB fai-sant appel à une migration des protéines sur geld’agarose. Cette technique assez particulière et ori-ginale permet ainsi de visualiser et discriminer lesdifférentes isoformes de titine squelettique N2A(3,8 MDa), Novex 3 (1 MDa) ou cardiaque N2B

    (3 MDa), N2BA (3,3 MDa) (Figure 5). L’objectif decette technique est d’évaluer les conséquences desvariants TTN sur la taille et la quantité de protéine,et de les comparer aux prédictions génomiques etaux résultats de l’analyse des transcrits. Les limites duWB concernent surtout les variants faux-sens dontles conséquences seront principalement structuralessans modification de taille ou de quantité de titine.Des stratégies d’études fonctionnelles sont à l’étudedans plusieurs laboratoires de recherche. Ellesconcernent des approches in vitro, par des testsd’interaction de la titine avec ses partenaires ouencore des approches plus globales à partir demodèles de laboratoires (souris, rat, poisson...). Ledéveloppement de tests fonctionnels est un enjeuessentiel pour l’évaluation des conséquences desvariants TTN et le diagnostic des titinopathies enclinique.

    En conclusionL’interprétation des variants du gène TTN nécessiteune approche globale et intégrée, allant de l’analysephénotype jusqu’à l’étude de la protéine. Cetteapproche, associée à la documentation active descas de titinopathies, contribue à l’amélioration dudiagnostic des patients suspectés de titinopathies.Elle comporte toutefois des limites. L’accès au maté-riel musculaire n’est pas toujours possible, notam-

    Figure 5Analyse de la protéine par western blot adapté à l’étude des protéines géantes.

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  • ment chez les enfants en raison du caractère invasifdu prélèvement. Les connaissances scientifiques surl’expression du gène et les fonctions des différentsdomaines protéiques ne sont pas encore suffisam-ment étoffées pour interpréter les conséquencesfonctionnelles de la plupart des variants TTN déjàrapportés. L’analyse de l’ensemble des transcritstitine par séquençage à haut débit constitue certai-nement une technique de choix pour évaluer lesconséquences des variants sur les transcrits, du faitde la complexité du pattern d’expression du gène.Cette technique est toutefois coûteuse et fait appelà un traitement bioinformatique des données néces-sitant une grande expertise. L’analyse fonctionnellede la titine est probablement à ce jour le facteur leplus limitant à l’interprétation de la pathogénicitédes variants de ce gène. Disposer d’outils d’analysesfonctionnelles comme des modèles animaux seraitd’une grande aide, aussi bien pour parfaire l’inter-prétation des variants que dans un but thérapeutiqueplus lointain.

    An integrated clinical-biological approach forinterpreting the pathogenicity of titin genevariants

    LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernantles données publiées dans cet article.

    RÉFÉRENCES1. Kontrogianni-Konstantopoulos A, Ackermann MA, BowmanAL, Yap S V., Bloch RJ. Muscle giants: molecular scaffolds in sar-comerogenesis. Physiol Rev 2009 ; 89 : 1217-67.2. Carmignac V, Salih MAM, Quijano-Roy S, et al. C-terminaltitin deletions cause a novel early-onset myopathy with fatal car-diomyopathy. Ann Neurol 2007 ; 61 : 340-51.3. Savarese M, Maggi L, Vihola A, et al. Interpreting geneticvariants in titin in patients with muscle disorders. JAMA Neurol2018 ; 75 : 557-65.4. Laddach A, Gautel M, Fraternali F. TITINdb-a computationaltool to assess titin’s role as a disease gene. Bioinformatics 2017 ;33 : 3482-5.5. Savarese M, Jonson PH, Huovinen S, Paulin L, Auvinen P,Udd B, Hackman P. The complexity of titin splicing pattern inhuman adult skeletal muscles. Skelet Muscle 2018 ; 8 : 11.6. Savarese M, Sarparanta J, Vihola A, Udd B, Hackman P.Increasing role of titin mutations in neuromuscular disorders. JNeuromuscul Dis 2016 ; 3 : 293-308.7. Fernández-Marmiesse A, Carrascosa-Romero MC, AlfaroPonce B, et al. Homozygous truncating mutation in prenatallyexpressed skeletal isoform of TTN gene results in arthrogryposismultiplex congenita and myopathy without cardiac involvement.Neuromuscul Disord 2017 ; 27 : 188-92.8. Ferreiro A, Urtizberea JA. Pathologies musculaires liées à latitine : un domaine en émergence. Med Sci (Paris) 2017 ; 33 (horssérie 1 - Les Cahiers de Myologie) : 16-26.9. Oates EC, Jones KJ, Donkervoort S, et al. Congenital titino-pathy: comprehensive characterization and pathogenic insights.Ann Neurol 2018 ; 83 : 1105-24.

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  • Raul Juntas MoralesLaboratoire de GénétiqueMoléculaire, EA7402,Centre HospitalierUniversitaire deMontpellier, Université deMontpellier, FranceService de Neurologie.Centre de référence desMaladiesNeuromusculaires AOC(Atlantique-Occitanie-Caraïbe) CentreHospitalier Universitairede Montpellier, FranceAurélien Perrin,Mireille CosséeLaboratoire de GénétiqueMoléculaire, EA7402,Centre HospitalierUniversitaire deMontpellier, Université deMontpellier, France

    [email protected]

    MISE AU POINT

    Corrélations phénotype-génotypedans les titinopathiesRaul Juntas-Morales1, 2, Aurélien Perrin1, Mireille Cossée1

    Les pathologies dues à des variants pathogènes dugène TTN codant la titine ou titinopathies représen-tent un groupe important et très hétérogène demaladies du muscle squelettique. Ce même gèneTTN est par ailleurs considéré aujourd’hui commele principal gène impliqué dans les cardiomyopa-thies dilatées avec une prévalence de 17 % [1].Les deux premiers phénotypes de titinopathies àavoir été décrits étaient de transmission autoso-mique dominante : la dystrophie musculaire tibiale(TMD) et la myopathie héréditaire avec atteinte res-piratoire précoce (HMERF). Étant donné que seulela région 3’ du gène était initialement étudiée avecles techniques classiques de séquençage, tous lesvariants pathogènes responsables de ces premiersphénotypes étaient jusqu’ici localisés dans cetterégion.Grâce à l’émergence du séquençage à haut débit(NGS) et à une analyse exhaustive des 364 exons dugène, il a été possible d’identifier de nouveaux phé-notypes et de confirmer l’existence de variantspathogènes répartis dans d’autres régions du gène.

    Premières descriptions

    Dystrophie musculaire tibiale (TMD)La TMD est une myopathie distale dominanted’apparition tardive rapportée initialement demanière exclusive en Finlande du fait d’un effet fon-dateur. Dans ce pays, elle représente la forme laplus fréquente de myopathie chez les adultes [2]. Ledéficit moteur reste très localisé au niveau des mus-cles releveurs des pieds et l’évolution de la patho-logie est très lente. La biopsie musculaire, généra-lement peu altérée, montre habituellement de lafibrose et des vacuoles bordées [2]. En 2002, unedélétion/insertion de 11 pb dans le dernier exon dugène (exon 364), a été identifiée chez tous lespatients finlandais diagnostiqués (mutation FINmaj).La conséquence au niveau de la protéine est unesubstitution de quatre acides aminés [3]. Depuis,d’autres variants pathogènes, majoritairement dansl’exon 364 (mais aussi dans le 363), ont été identi-fiés par la suite chez des familles originaires d’autres

    pays européens présentant le même phénotype[4-6].Plus récemment, des formes de dystrophie muscu-laire tibiale de transmission autosomique récessive(AR), d’apparition plus précoce et d’évolution plusrapide, ont été décrites chez des patients hétérozy-gotes composés portant le variant FINmaj associé àun deuxième variant [9]. Par ailleurs, en 2017, uneétude a rapporté une série de 14 patients d’origineserbe avec un phénotype de myopathie distale por-teurs du même variant non-sens (c.107635C>T ;p.Gln35879*) dans l’exon 363 du gène TTN (avecun effet fondateur probable dans cette population).Trois patients étaient homozygotes et les autresétaient hétérozygotes composés avec un deuxièmevariant localisé, dans la plupart des cas, dans larégion codant la bande M [10].Par ailleurs, un phénotype sévère de myopathie desceintures a été décrit (LGMD de type R10 ou ancien-nement 2), chez des patients finlandais porteurs dela mutation FINmaj à l’état homozygote. Hors deFinlande, des phénotypes similaires ont été décrits.Cependant le variant FINmaj à l’état hétérozygoteétait associé à un second variant tronquant (unefamille française et une autre chinoise) [11-13].

    Myopathie héréditaire avec atteinte respiratoireprécoce (HMERF)La myopathie HMERF débute habituellement dansla première ou deuxième décennie de vie par undéficit distal des membres inférieurs s’étendant par lasuite aux muscles proximaux. Un syndrome restrictifrespiratoire grave se développe systématiquementde manière précoce dans l’évolution de cette patho-logie. La biopsie montre typiquement la présence decorps cytoplasmiques. Initialement, la plupart despatients partageaient le même variant faux-sensdans l’exon 344 (c.95134T>C ; p.Cys31712Arg)[7]. Le phénotype clinique a été élargi ces dernièresannées avec un début plus tardif des symptômes (cin-quième ou sixième décennie) et une atteinte car-diaque qui peut survenir pendant l’évolution. Sur leplan génétique, d’autres variants faux-sens ont étérapportés, également dans l’exon 344 [8].

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    Cah. Myol. 2020 ; 21 : 16-20© R. Juntas Morales et al., publié par EDP Sciences, 2020

    https://doi.org/10.1051/myolog/20202100316 No 21 JUIN 2020 Les cahiers de myologie

    Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr/,permettant une ré-utilisation du contenu sans restriction à condition de mentionner clairement la source.

  • Élargissement du spectre cliniquedes titinopathies

    Titinopathie de type « Emery-Dreifuss-like »Cette titinopathie a été décrite chez des patients pré-sentant un phénotype de myopathie rétractiled’apparition précoce. Les rétractions étaient dif-fuses mais prédominaient au niveau des biceps bra-chiaux. Une atteinte respiratoire était associée cheztous les patients. Tous les variants étaient localisésdans la région du gène codant la bande M [14].

    Par ailleurs, plusieurs phénotypes différents de myo-pathie congénitale ont été rapportés : la myopathieprécoce avec cardiomyopathie dilatée fatale et lamyopathie à multiminicores avec atteinte cardiaqueont été décrites notamment par l’équipe d’Ana Fer-reiro à Paris, et plus récemment, des phénotypes detype arthrogrypose multiplex congenita et myopa-thie de type centronucléaire ont été rapportés[15-18] Tableau I).

    Myopathie précoce avec cardiomyopathiedilatée fataleLa myopathie précoce avec cardiomyopathie dilatéefatale a été décrite chez 5 patients issus de deuxfamilles consanguines qui présentaient un déficitmusculaire modéré accompagné d’une pseudo-hypertrophie des mollets, d’un ptosis bilatéral etd’une parésie faciale. La cardiomyopathie, d’appa-rition précoce, a conduit au décès des patients avantl’âge de 20 ans. Deux variants homozygotes et déca-lant le cadre de lecture (frameshift) ont été identifiésdans les exons 359 et 361. Ces variants provoquentla perte de la partie C-terminale de la protéine etnotamment du site de liaison à la calpaïne 3, dansl’exon 363, ce qui explique l’absence de cette der-nière dans les études par western-blot (WB) réaliséessur les biopsies musculaires de tous les patients étu-diés [15].

    Myopathie congénitale à multiminicoresavec cardiomyopathieLa myopathie à multiminicores avec atteinte car-diaque a été initialement rapportée chez cinqpatients appartenant à quatre familles différentes.Le phénotype clinique et histologique était celuid’une myopathie à multiminicores avec la présencede rétractions au niveau du rachis (rigid spine). Laparticularité était la présence d’une cardiomyopa-thie, qui n’est habituellement pas présente dans lesformes classiques de myopathie à multiminicoressecondaires à des variants des gènes SEPN1 etRYR1. Sur le plan génétique, deux familles por-taient un variant tronquant homozygote situé dans

    la région codant la bande M (exons 359 et 360) etles deux autres avaient un variant tronquant et unfaux-sens en trans. Le variant faux-sensc.102439T>C ; p.Trp34072Arg d’une des famillesétait localisé dans le domaine kinase affectant unrésidu très conservé et le variant faux-sensc.66920T>A ; p.Val22232Glu de la deuxièmefamille était situé dans l’exon 316, à la fin de labande I, domaine de type fibronectine (Fn3) [16].Ces variations faux-sens pourraient altérer la stabi-lité des domaines protéiques impactés mais égale-ment l’interaction avec d’autres protéines muscu-laires.

    Myopathie de type centronucléaireCinq patients avec un phénotype différent et desanomalies histologiques évocatrices d’une myopa-thie de type « centronucléaire » avaient été rapportésen 2013 [17]. Cliniquement, ils présentaient undéficit moteur modéré à prédominance axiale et unsyndrome restrictif respiratoire. Aucun patientn’avait développé de cardiomyopathie. Sur le planhistologique, un noyau central était visible dans 65à 85 % des fibres musculaires, raison pour laquellele diagnostic initialement suspecté était celui d’unemyopathie centronucléaire. Tous les patients por-taient deux variants TTN prédits pour décaler lecadre de lecture. Cependant, à la différence desautres formes de titinopathie congénitale, lesvariants étaient situés sur différentes régions du gèneet aucun n’était localisé dans la bande M [17].Dans le but de mieux caractériser l’histoire naturelleet le phénotype clinique et histologique des myopa-thies congénitales liées à des variants TTN, unecohorte internationale de 30 patients impliquantplusieurs centres experts dans le domaine a été ana-lysée et publiée en 2018 [20]. Seuls les patients por-teurs de deux variants tronquants avec décalage ducadre de lecture avaient été inclus dans la cohorte.Du point de vue clinique, il existait une atteinte axialeet des membres de sévérité légère à modérée dansla plupart des cas, accompagnée de rétractions mus-culaires des membres et paravertébrales. Un ptosisuni ou bilatéral, une discrète parésie faciale et unpalais ogival étaient souvent présents. Un syndromerestrictif respiratoire était retrouvé dans environ 2/3des cas. L’atteinte cardiaque était également fré-quente. Sur le plan histologique, les biopsies mon-traient principalement une combinaison de troistypes d’anomalies : internalisations nucléaires, ano-malies de la taille des fibres, et minicores. Dansenviron un tiers des cas, le diagnostic anatomopa-thologique retenu initialement était celui d’une myo-pathie centronucléaire. Sur le plan génétique, les dif-férents variants étaient distribués tout le long du

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  • Tableau IPhénotypes cliniques,histologiques et variantsgénétiques identifiées dansles différentes formes detitinopathies.

    NOM TRANSMISSIONÂGE DEDÉBUT

    PHÉNOTYPEBIOPSIE

    MUSCULAIREVARIANTS GÉNÉTIQUES

    Dystrophie musculairetibiale (TMD)

    ADPopulation finlandaise

    > 35 ans Déficit localisé desreleveurs des pieds

    Peu altéréeFibroseVacuoles bordées

    • Effet fondateur en Finlande :11 bp indel dans le dernier exon dugène : 364 (Mutation FINMaj) [2]• En dehors de la Finlandemutations des exons 363 et 364[4][5][6].

    Dystrophie musculairetibiale à début précoce

    ARFinlandeItalie, EspagneSerbie

    20 ans Déficit localisé desreleveurs des pieds

    Aspect dystrophique • Variant FInMaj associé à un autrevariant [9]• Variant c.107635C>T ;p.(Gln35879*) dans l’exon 363dans la population serbe associé àun autre variant.

    Myopathie desceinturesLGMDR10/LGMD2J

    ARFinlandeRares cas ailleurs

    < 20 ans Déficit proximalceintures pelvienne etscapulaireTrès évolutive

    Vacuoles bordées • Patients finlandais avec le variantFINmaj homozygote [21] ouhétérozygote composite avec unautre variant tronquant [9]• Une famille française avec unvariant non-sens homozygote dansl’exon 364 [12]. Une famillechinoise avec un variant faux-senshomozygote dans l’exon 364 [13].

    Myopathie héréditaireavec atteinterespiratoire précoce(HMERF)

    ADRares cas AR

    > 20 Atteinte distale puisproximo-distaleTrès évolutiveAtteinte respiratoireprécoce

    Corps cytoplasmiquesVacuoles bordées

    • Variant majoritaire :c.95134T>C ; p.(Cys31712Arg)dans l’exon 344 [7]• Plus rares, d’autres variantsfaux-sens dans l’exon 344 [8]

    Myopathie EmeryDreifuss-like

    AR < 10 ans Déficit des ceinturesRétractions d’apparitionprécoce« rigid Spine »Atteinte respiratoire

    Corps cytoplasmiquesVacuoles bordéesAbsence de minicores

    • Variants décalant le cadre delecture dans les 3 derniers exons dugène [14]

    Myopathie précoceavec cardiopathielétale (EOMFC)

    AR Néonatale Déficit moteur modéréPtosis, parésie facialePseudo-hypertrophiedes molletsCardiomyopathiedilatée sévère et précoceÉvolution rapide. Décès< 20 ans

    Aspect dystrophiqueMinicoresDépôts basophiles enforme d’étoile.

    • Deux familles consanguinesportant un variant frameshifthomozygote dans les exons 358 et360 [15]

    Myopathiecongénitale àmultiminicores aveccardiomyopathie

    AR < 20 ans Déficit à prédominanceaxialeRétractions diffuses avec« rigid spine »

    MinicoresDépôts basophiles enforme d’étoile

    • Deux familles avec 2 variantsdans les exons 359 et 360entrainant un décalage du cadre delecture [16]• Deux familles avec un varianttronquant dans l’exon 359 associéavec un autre variant faux-sensdans une autre région (exons 28 et316) [16]

    Myopathie« centronucléaire »

    AR < 20 ans Déficit axial et proximalmodéréParésie facialeSyndrome restrictifAbsence decardiomyopathie

    Noyaux centraux dans laplupart des fibresmusculairesMinicores

    • Variants frameshift, non-sens oud’épissage [17]• Distribution hétérogène surdifférentes régions du gène [17]

    Dystrophie musculaireproximale

    AR Adulte Déficit proximal moinssévère que LGMD2J

    Aspect dystrophique • Une famille italienne et une autrefinlandaise portant le variantFINmaj avec un autre variantfaux-sens dans les exons 305 et340 respectivement [22] [9]• Une famille roumaine avec deuxvariants faux-sens [23]

    LGMD aveccardiomyopathie

    AD Adulte Cardiomyopathie sévèreet LGMD modéré

    Minicores • Variant génétique bande A, troisfamilles françaises

    Myopathie distale desmembres inférieurs àprédominancepostérieure

    AD Adulte Déficit distal avecévolution proximaleAtteinte des mollets

    Noyaux centrauxMinicores

    • Deux familles françaisesporteuses d’une délétion desexons 11 à 18 [24] (manuscrit encours de préparation)

    18 No 21 JUIN 2020 Les cahiers de myologie

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  • Figure 1Synthèse des phénotypes identifiés à apparition précoce.

    Figure 2Synthèse des phénotypes identifiés à apparition plus tardive.

    gène sans qu’une relation génotype-phénotypeclaire n’ait été identifiée. Concernant le type devariant, 1/3 étaient de type frameshift, 1/3 des non-sens et 1/3 des variants d’épissage [20].

    Phénotypes récemment identifiés

    Myopathie distale des membres inférieursà prédominance postérieureDeux familles avec un phénotype de myopathie dis-tale à prédominance postérieure ont récemment étéidentifiées (manuscrit en cours de préparation). Audébut de la maladie, ce nouveau phénotype distalimplique principalement les muscles des mollets. Aucours de l’évolution de la maladie, le déficit s’étendau niveau des jambiers antérieurs et de la partie pos-térieure des cuisses. La biopsie musculaire montreune inégalité de la taille des fibres, de nombreusescentralisations nucléaires et des aspects de

    minicores confirmés à la microscopie électronique.Le taux de CPK est normal. Les données de séquen-çage ont révélé une délétion hétérozygote desexons 11 à 18 induisant un décalage du cadre delecture et l’apparition d’un codon stop prématuré.Une particularité de ce phénotype est son mode detransmission autosomique dominant. Il est intéres-sant de noter qu’il n’y a pas d’atteinte cardiaque chezces patients, à l’inverse de ce que l’on observe dansles principaux phénotypes de titinopathies domi-nantes associées a des variants tronquants.

    Myopathie à transmission autosomiquedominante à atteinte cardiaque et squelettique(LGMD avec cardiomyopathie)Un phénotype non décrit dans la littératurecommence à émerger à partir des données remon-tant des centres de référence neuromusculaire. Cespatients présentent une atteinte cardiaque de type

    Les cahiers de myologie No 21 JUIN 2020 19

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  • cardiomyopathie dilatée associée à un déficit mus-culaire squelettique modéré et un phénotype de typemyopathie des ceintures (LGMD pour limb girdlemuscular dystrophy). Les titinopathies du musclesquelettique sont majoritairement de transmissionAR, en dehors de tableaux de TMD et HMERF. Àla différence d’autres phénotypes avec atteinte mus-culaire cardiaque et squelettique, celui-ci est associéeà un mode de transmission autosomique dominant.Les mutations identifiées chez ces patients sont loca-lisées dans la bande A. Contrairement aux donnéesactuelles de la littérature où les variants tronquantshétérozygotes dans la bande A du gène TTN sontimpliqués dans des tableaux de cardiomyopathiedilatée isolée, l’existence de ces familles démontrela possibilité d’une atteinte associée du muscle sque-lettique. Une évaluation exhaustive et systématiquedu muscle squelettique dans ces cas précis serait sou-haitable.

    Depuis l’article des Cahiers de Myologie de 2017documenté par Ana Ferreiro [26], de nouveaux phé-notypes continuent d’apparaître dans la littérature.Néanmoins, la physiopathologie de ces myopathiesreste encore un mystère pour la majorité d’entreelles. C’est pourquoi il est important de documenterde façon exhaustive les titinopathies dans le butd’améliorer leur diagnostic et permettre une meil-leure interprétation clinico-biologique des variantsdu gène TTN chez des patients suspectés de titino-pathie (voir l’article de A. Perrin et al. dans cenuméro des Cahiers de Myologie (page 9), « Uneapproche clinico-biologique intégrée pour inter-préter la pathogénicité des variants du gène de latitine »).

    Phenotype-genotype correlations in titinopa-thies

    LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernantles données publiées dans cet article.

    RÉFÉRENCES1. Fang HJ, Liu BP. Prevalence of TTN mutations in patients withdilated cardiomyopathy. Herz 2019 June 17. doi :10.1007/s00059-019-4825-4.2. Udd B, Hakamies L, Partanen J, Laulumaa V, et al. Tibial mus-cular dystrophy: late adult-onset distal myopathy In 66 Finnishpatients. Arch Neurol 1993 ; 50 : 604-8.3. Hackman P, Vihola A, Haravuori H, et al. Tibial muscular dys-trophy is a titinopathy caused by mutations in TTN, the gene enco-ding the giant skeletal-muscle protein titin. Am J Hum Genet2002 ; 71 : 492-500.4. Pollazzon M, Suominen T, Penttilä S, et al. The first Italianfamily with tibial muscular dystrophy caused by a novel titin muta-tion. J Neurol 2010 ; 257 : 575-9.5. Van den Bergh PYK, Bouquiaux O, Verellen C, Marchand S,Richard I, Hackman P, Udd B. Tibial muscular dystrophy in a Bel-gian family. Ann Neurol 2003 ; 54 : 248-51.

    6. Hackman P, Marchand S, Sarparanta J, et al. Truncating muta-tions in C-terminal titin may cause more severe tibial muscular dys-trophy (TMD). Neuromuscul Disord 2008 ; 18 : 922-8.7. Pfeffer G, Barresi R, Wilson IJ, et al. A. P.15.7 A foundermutation in the titin gene is a common cause of myofibrillar myo-pathy with early respiratory failure. Neuromuscul Disord 2013 ;23 : 280.8. Palmio J, Leonard-Louis S, Sacconi S, et al. Expanding theimportance of HMERF titinopathy: new mutations and clinicalaspects. J Neurol 2019 ; 266 : 680-90.9. Evilä A, Vihola A, Sarparanta J, et al. Atypical phenotypes intitinopathies explained by second titin mutations. Ann Neurol2014 ; 75 : 230-40.10. Perić S, Glumac JN, Töpf A, et al. A novel recessive TTNfounder variant is a common cause of distal myopathy in the Ser-bian population. Eur J Hum Genet 2017 ; 25 : 572-81.11. Udd B, Rapola J, Nokelainen P, Arikawa E, Somer H. Non-vacuolar myopathy in a large family with both late adult onset distalmyopathy and severe proximal muscular dystrophy. J Neurol Sci1992 ; 113 : 214-21.12. Pénisson-Besnier I, Hackman P, Suominen T, Sarparanta J,Huovinen S, Richard-Crémieux I, Udd B. Myopathies caused byhomozygous titin mutations: Limb-girdle muscular dystrophy 2Jand variations of phenotype. J Neurol Neurosurg Psychiatry2010 ; 81 : 1200-2.13. Zheng W, Chen H, Deng X, Yuan L, Yang Y, Song Z, YangZ, Wu Y, Deng H. Identification of a novel mutation in the titingene in a Chinese family with limb-girdle muscular dystrophy 2J.Mol Neurobiol 2016 ; 53 : 5097-102.14. De Cid R, Ben Yaou R, Roudaut C, et al. A new titinopathy:Childhood-juvenile onset Emery-Dreifuss-like phenotype withoutcardiomyopathy. Neurology 2015 ; 85 : 2126-35.15. Carmignac V, Salih MAM, Quijano-Roy S, et al. C-terminaltitin deletions cause a novel early-onset myopathy with fatal car-diomyopathy. Ann Neurol 2007 ; 61 : 340-51.16. Chauveau C, Bonnemann CG, Julien C, et al. Recessive TTNtruncating mutations define novel forms of core myopathy withheart disease. Hum Mol Genet 2014 ;23 : 980-91.17. Ceyhan-Birsoy O, Agrawal PB, Hidalgo C, et al. Recessivetruncating titin gene, TTN, mutations presenting as centronuclearmyopathy. Neurology 2013 ; 81 : 1205-14.18. Fernández-Marmiesse A, Carrascosa-Romero MC, AlfaroPonce B, et al. Homozygous truncating mutation in prenatallyexpressed skeletal isoform of TTN gene results in arthrogryposismultiplex congenita and myopathy without cardiac involvement.Neuromuscul Disord 2017 ; 27 : 188-92.19. Savarese M, Sarparanta J, Vihola A, Udd B, Hackman P.Increasing role of titin mutations in neuromuscular disorders. JNeuromuscul Dis 2016 ; 3 : 293-308.20. Oates EC, Jones KJ, Donkervoort S, et al. Congenital Titi-nopathy: Comprehensive characterization and pathogenic insights.Ann Neurol 2018 ; 83 : 1105–24.21. Udd B, Vihola A, Sarparanta J, Richard I, Hackman P. Titi-nopathies and extension of the M-line mutation phenotype beyonddistal myopathy and LGMD2J. Neurology 2005 ; 64 : 636-42.22. Evila A, Udd B, Hackman P. A targeted next-generationsequencing panel for diagnostic use in primary myopathies. Neu-romuscul Disord 2014 ; 24 : 800.23. Dabby R, Sadeh M, Hilton-Jones D, Plotz P, Hackman P,Vihola A, Udd B, Leshinsky-Silver E. Adult onset limb-girdle mus-cular dystrophy. A recessive titinopathy masquerading as myositis.J Neurol Sci 2015 ; 351 : 120-3.24. Zenagui R, Lacourt D, Pegeot H, et al. A reliable targetednext-generation sequencing strategy for diagnosis of myopathiesand muscular dystrophies, especially for the giant titin and nebulingenes. J Mol Diagn 2018 ; 20 : 533-49.25. Savarese M, Maggi L, Vihola A, et al. Interpreting geneticvariants in titin in patients with muscle disorders. JAMA Neurol2018 ; 75 : 557-65.26. Ferreiro A, Urtizberea JA. Pathologies musculaires liées à latitine : un domaine en émergence. Med Sci (Paris) 2017 ; 33 (horssérie 1 - Les Cahiers de Myologie) : 16-26.

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  • Alexandra ClarissaBayer Wildberger,Jean-Thomas VilquinSU - INSERM UMRS 974,Centre de Recherche enMyologie, AIM, GroupeHospitalierPitié-Sapêtrière, Paris

    [email protected]@institut-myologie.org

    LU POUR VOUSPréclinique

    Évidence préclinique de l’effet thérapeutiquede l’efgartigimod dans unmodèle demyasthénieanti-MuSKAlexandra Clarissa Bayer Wildberger, Jean-Thomas Vilquin

    RésuméL’injection d'efgartigimod dans un modèle murinexpérimental de myasthénie (anti-MuSK) permetune réduction importante du taux d’autoanticorpscirculants avec comme corollaire une améliorationdes signes cliniques et une augmentation des per-formances physiques chez les souris traitées par rap-port aux souris non-traitées [1].La Myasthenia Gravis (myasthénie, MG) est unemaladie neuromusculaire auto-immune liée à uneréaction immunitaire aberrante dirigée contre desconstituants de la jonction neuromusculaire. Cetteattaque est médiée par des auto-anticorps (Ac) ciblantdes récepteurs post-synaptiques : le récepteur de l’acé-tylcholine (AchR) en premier lieu, le récepteur tyro-sine-kinase spécifique du muscle (MuSK), la lipopro-tein-related protein 4 (LRP4), ou l’agrine. Ceprocessusdiminue l’efficacitéde ladépolarisationmus-culaire, ce qui se traduit par une faiblesse musculairefluctuante et une fatigabilité. Les patients atteints deMG avec Ac anti-MuSK (appelée aussi MuSK-MG, soitenviron 5 % des cas de MG) présentent souvent dessignes respiratoires. La sévérité de la maladie est d’ail-leurs liée au taux d’Ac circulants. Un modèle animal deMuSK-MG a pu être obtenu par transfert passif des Acde patients à des souris immunodéficientes, uneMG sedéveloppant chez elles en quelques jours.La diminution du titre des Ac circulants pathogènesest l’une des stratégies thérapeutiques mises aupoint dans la MG. Les séances de plasmaphérèselors d’une poussée de la maladie (crise myasthé-nique) permettent de l’obtenir. Une autre approcheinnovante, cette fois-ci sous la forme d’une immu-nothérapie vise à augmenter le catabolisme naturelde ces Ac. Ainsi, le récepteur néonatal Fc (FcRn)régule le catabolisme des immunoglobulines de typeG (IgG) en diminuant leur dégradation lysosomale.L’utilisation d’antagonistes de ce FcRn empêche lerecyclage des IgGs et favorise leur dégradation.Dans le contexte de la MG, ceci favoriserait la clai-rance des IgG pathogènes et réduirait leur effet délé-tère au niveau clinique. L’efgartigimod (ou ARGX-113) est le fragment Fc d’un anticorps monoclonalde type IgG1 humain amputé du domaine variable(Fab). Ce fragment Fc a été modifié pour assurerune liaison de forte affinité aux FcRn, en particulierdans un environnement lysosomal acide.

    Dans cette étude, les souris ont reçu des Ac depatients Musk-MG d’abord quotidiennement, puisune combinaison d’Ac et d’efgartigimod versus pla-cebo, pendant les onze jours suivants. Alors que lessouris non traitées ou traitées par placebo ont vuleur état clinique se dégrader, les souris traitées parefgartigimod ont montré des signes d’amélioration.Sur le plan humoral, une réduction d’environ 80 %du taux d’Ac humain anti-MuSK circulants a étéobservée. Sur le plan général, l’efgartigimodempêche la perte progressive de poids habituelle-ment observée chez les souris malades. Au niveaufonctionnel, l’efgartigimod évite la perte de forcedétectée aux tests d’agrippement. Il réduit aussi laperte de force musculaire et la fatigabilité. En élec-trophysiologie, on observe un décrément moindrelors de la stimulation nerveuse répétitive. Enrevanche, aucune différence n’a été notée entre lesdeux groupes concernant les aspects ultrastructu-raux de la jonction neuromusculaire. Ces résultatssoulignent le potentiel thérapeutique intéressant decette nouvelle molécule dans cette forme spécifiquede MG.

    CommentaireCette étude est extrêmement prometteuse, mais ades limites. Le nombre d’animaux (n=16) est réduit,le bénéfice et la toxicité nécessitent d’être étudiés àplus long terme, et les Ac anti-MuSK de plusieurspatients devraient pouvoir être comparés.L’utilisation de l’efgartigimod pourrait s’apparenterà une « plasmaphérèse pharmacologique », visant àréduire le taux d’Ac pathogènes, particulièrementen situation d’aggravation aiguë. Cette molécule atraversé avec succès les étapes de validation précli-nique chez le singe. Une étude de phase 1 a montrésa tolérance, défini les doses et les protocolesd’administration optimaux. Un essai de phase 2 ran-domisé contre placebo a été mené chez 24 patientsatteints de la forme de MG associée aux Ac anti-AChR. Cet essai, bien qu’encore limité par lenombre de patients, a montré la bonne tolérance,et l’efficacité clinique de l’efgartigimod [2]. L’utilisa-tion de l’efgartigimod dans les MG MuSK pourraitêtre encore plus intéressante puisque dans ce cas,la gravité de la maladie est liée à la quantité d’Ac,ce qui n’est pas vrai dans la forme avec Ac

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    Cah. Myol. 2020 ; 21 : 21-22© A.C. Bayer Wildberger et J.T. Vilquin, publié par EDP Sciences, 2020

    https://doi.org/10.1051/myolog/202021004Les cahiers de myologie No 21 JUIN 2020 21

    Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr/,permettant une ré-utilisation du contenu sans restriction à condition de mentionner clairement la source.

  • anti-AChR. Cependant, l’approche n’est pas spéci-fique des Ac pathogènes et entraîne la déplétion del’ensemble des IgG, ce qui peut prédisposer certainspatients aux infections. Le traitement ne cible pasles acteurs cellulaires de la réponse immunitaire(plasmocytes, cellules T et B auto-réactives) et sadurée d’action concerne le moyen terme (quelquessemaines). Traitement d’attaque, traitement defond, en relais ou substitution des immunoglobulinespolyvalentes ou de la plasmaphérèse, la place del’efgartigimod dans l’arsenal thérapeutique reste

    encore à définir. Dans tous les cas, cette moléculereprésente une nouvelle classe thérapeutique nonseulement dans la MG mais aussi pour les maladiesauto-immunes médiées par des IgGs en général.

    Preclinical evidence of the therapeutic benefit ofEfgartigimod in a model of myasthenia gravismediated by anti- MuSK antibodies

    LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernantles données publiées dans cet article.

    RÉFÉRENCES1. Huijbers MG, Plomp JJ, van Es IE, et al. Efgartigimod improves muscle weakness in a mouse model for muscle-specific kinasemyasthenia gravis. Exp Neurol 2019 ; 317 : 133-43.2. Howard JF Jr, Bril V, Burns TM, et al. ; Efgartigimod MG Study Group. Randomized phase 2 study of FcRn antagonist efgartigimodin generalized myasthenia gravis. Neurology 2019 ; 92 : e2661-73.

    22 No 21 JUIN 2020 Les cahiers de myologie

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  • Dominique MornetAncien DR2 CNRS,PhyMedExp, Université deMontpellier, Inserm,CNRS, Montpellier34295 Cedex 5, France

    [email protected]

    LU POUR VOUSPréclinique

    Mécanisme de la circulation perturbée du calciumet son traitement dans une cardiomyopathie dilatée (CMD)associée ou non à une déficience en dystrophine (DMD)Dominique Mornet

    RésuméCe travail présente en détail le cas général d’unecardiomyopathie dilatée (CMD) avec un récapitulatifcomplet du cycle du calcium au niveau d’un musclecardiaque dans un état normal [1], avec un cataloguedes principales altérations protéiques possibles. Cesdernières résident dans le sarcomère et l’on y trouvel’actine, la tropomyosine, les troponines-C, I et T, lachaîne lourde de la myosine de type bêta et la titine,et, au niveau cytosquelettique, la desmine, la vincu-line, la protéine ZASP et les sarcoglycanes. Cepen-dant, une altération acquise soit par une infection detype viral, soit par une inflammation de type myocar-dite, peut également conduire à une cardiomyopa-thie. Dans le cadre particulier de la déficience endystrophine (myopathie de Duchenne ou DMD), ilest souvent observé une cardiomyopathie associée,et le présent article compare ces deux pathologies[1]. Indépendamment de l’origine, il est alors observéune dérégulation des flux calciques et les consé-quences en sont analysées en détail. Cette revue faitle bilan exhaustif sur le double rôle de la dystro-phine : protéine requise pour la stabilisation de l’inté-grité membranaire, mais aussi impliquée dans l’orga-nisation et le contrôle de la bonne distribution dedivers partenaires en rapport avec le calcium etl’homéostasie oxydative de la cellule musculaire. Ondispose ainsi d’un bilan sur les systèmes modèles per-mettant d’étudier comparativement les différencesentre cardiomyopathie dilatée isolée et cardiomyo-pathie associée dans la myopathie de Duchenne, ledénominateur commun étant la dilatation myocar-dique, la fibrose et la mort de la cellule musculaire.

    CommentaireCette analyse traite de ce qui est connu sur la basemécanique de la perturbation des flux calciques

    observés au cours de la CMD isolée, ceci en compa-raison avec la cardiomyopathie observée chez lepatient DMD. L’article passe en revue les stratégiesthérapeutiques expérimentales ciblant les défautsdes courants calciques observés au cours d’une CMDcomme dans le cas de la cardiomyopathie associéeà la DMD. Un répertoire est présenté sur les théra-pies déjà couramment initiées pour traiter ces deuxtypes de pathologies cardiaques. On y trouve les cor-ticostéroïdes et leurs effets cardioprotecteurs, lesdivers inhibiteurs concernant l’angiotensine, lesmolécules dites bêta-bloquantes du cœur, ou lesantagonistes des récepteurs des minéralocorti-coïdes. L’accent est mis sur le flux calcique avec lephospholamban (PLN), un régulateur du cycle cal-cique au niveau du cœur. Dans le même ordred’idée, une stimulation de l’expression de la pro-téine SERCA2a [2] ou de la mucolipine [3] semblentdes stratégies thérapeutiques prometteuses. Par ail-leurs, la parvalbumine, un capteur bien connu ducalcium, permet d’envisager des interventions met-tant en jeu d’autres capteurs du calcium comme lesprotéines S100 [4]. Les recherches visent à mieuxcomprendre le mécanisme initiateur d’une cardio-myopathie chez le patient DMD, et cela spécifique-ment pour ceux liés à la perturbation des flux ducalcium, pour permettre une approche ciblée versdes cibles thérapeutiques novatrices pour traiter detels patients.

    Mechanism of disturbed calcium circulation andits treatment in the general case of dilated car-diomyopathy (CMD) and associated with dystro-phin deficiency (DMD patient)

    LIENS D’INTÉRÊTL’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant lesdonnées publiées dans cet article.

    RÉFÉRENCES1. Law ML, Cohen H, Martin AA, Angulski ABB, Metzger JM. Dysregulation of calcium handling in Duchenne muscular dystrophy-associated dilated cardiomyopathy: mechanisms and experimental therapeutic strategies. J Clin Med 2020 (sous presse).2. Wasala NB, Yue Y, Lostal W, Wasala LP, Niranjan N, Hajjar RJ, Babu GJ, Duan D. Single SERCA2a therapy ameliorated dilatedcardiomyopathy for 18 months in a mouse model of Duchenne muscular dystrophy. Mol Ther 2020 ; 283 : 845-54.3. Yu L, Zhang X, Yang Y, Li D, Tang K, Zhao Z, He W, Wang C, Sahoo N, Converso-Baran K, Davis CS, Brooks S, Bigot A,Calvo R, Martinez NJ, Southall N, Hu X, Marugan J, Ferrer M, Xu H. Small-molecule activation of lysosomal TRP channels amelioratesDuchenne muscular dystrophy in mouse models. Sci Adv 2020 (sous presse).4. Heizmann CW. Ca2+-binding proteins of the EF-hand superfamily: diagnostic and prognostic biomarkers and novel therapeutictargets. Methods Mol Biol 2019 ; 1929 : 157-86.

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    Cah. Myol. 2020 ; 21 : 23© D. Mornet, publié par EDP Sciences, 2020

    https://doi.org/10.1051/myolog/202021005Les cahiers de myologie No 21 JUIN 2020 23

    Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr/,permettant une ré-utilisation du contenu sans restriction à condition de mentionner clairement la source.

  • Valérie AllamandSorbonne Université,Inserm-UMR5974,Groupe HospitalierPitié-Salpêtrière, Paris,France

    [email protected]

    LU POUR VOUSGénétique

    Dystrophiemusculaire de Becker due à un saut d’exoninduit par desmutations du gène DMDdécalant le cadrede lectureValérie Allamand

    Résumé

    La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) estcausée par des mutations non-sens ou décalant lecadre de lecture du gène DMD, tandis que la formemoins sévère, la dystrophie de Becker (BMD) esthabituellement due à des délétions/duplications enphase ou des mutations faux-sens. Certains patientsportant une mutation non-sens présentent toutefoisun phénotype BMD, le plus souvent attribué au sautde l’exon muté, ce qui entraîne une délétion enphase. La présente étude avait pour objectif d’iden-tifier des cas BMD porteurs de mutations non-sens/décalant le cadre de lecture dans le gène DMD etd’étudier le taux de saut de l’exon muté. Les auteursse sont appuyés sur le registre japonais des dystro-phies musculaires [1]. Pour chaque mutation identi-fiée, ils ont utilisé une approche de mini-gène baséesur un plasmide contenant l’exon d’intérêt avec ousans mutation, ainsi que ses séquences introniquesflanquantes. En introduisant ces plasmides dans descellules HeLa, ils ont quantifié le taux de saut del’exon du mini-gène par RT-qPCR. 363 cas portantles mutations recherchées ont ainsi été identifiésparmi les 1 497 cas du registre. Parmi ceux-ci, 14présentaient un phénotype BMD. Les taux de sautd’exon corrélaient avec la présence ou l’absenced’expression de la dystrophine, suggérant qu’untaux de 5 % de saut d’exon serait critique pour laprésence de la dystrophine au sarcolemme, le toutconduisant à un phénotype moins sévère [1]. Laquantification précise du taux de saut d’exon estimportante pour mieux comprendre les fonctionsexactes des mutations non-sens/décalant le cadrede lecture dans DMD et pour l’interprétation del’expression clinique des patients.

    Commentaire

    Les mutations non-sens ou décalant le cadre de lec-ture conduisent généralement à une terminaison

    prématurée de la traduction. Cela se traduit soit parla synthèse d’une protéine tronquée pouvantexercer un effet délétère, soit par l’absence de syn-thèse protéique si l’ARN messager muté est dégradépar le « nonsense-mediated decay » (NMD) [2]. Cemécanisme de dégradation spécifique des messa-gers porteurs de codons stop prématurés conduitgénéralement à une déficience de la protéined’intérêt. Dans le cas de la dystrophine, ceci se tra-duit donc par une forme sévère de DMD. La naturefait cependant parfois bien les choses en contrecar-rant l’effet délétère de certaines mutations. Ceci estillustré dans l’article rapporté ici puisque l’exon mutéest épissé, permettant ainsi un taux résiduel de syn-thèse protéique et donc un déficit partiel en dystro-phine.Une requête rapide da