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L es études et les recherches produites au cours des années 2002-2003 dans le cadre du Comité de la recherche et de la prospective de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique ont été consacrées, pour la plupart, à l’évolution de la gestion des agents publics. Ce choix s’explique par le grand nombre de facteurs qui ont bousculé une gestion statutaire bien établie depuis un demi-siècle et, sans doute, quelque peu dépassée. Synthèse des études et recherches commandées dans le cadre du CRP en 2002-2003 sur les mutations de l’emploi public MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LARÉFORME DE L’ÉTAT Les idées et propositions contenues dans les pages de ce document n’engagent que leurs différents auteurs Points Forts QUELLE GRH POUR LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ÉTAT?

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L es études et les recherches produites au cours des années 2002-2003dans le cadre du Comité de la recherche et de la prospective de laDirection générale de l’administration et de la fonction publique ont

été consacrées, pour la plupart, à l’évolution de la gestion des agentspublics. Ce choix s’explique par le grand nombre de facteurs qui ontbousculé une gestion statutaire bien établie depuis un demi-siècle et,sans doute, quelque peu dépassée.

Synthèse des étudeset recherches commandées

dans le cadre du CRPen 2002-2003 sur les mutations

de l’emploi public

MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUEET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Les idées et propositionscontenues dans les pagesde ce document n’engagentque leurs différents auteurs

Points FortsQUELLE GRH POURLA FONCTION PUBLIQUEDE L’ÉTAT?

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A l’heure où la fonction publique se prépare à affronter un renouvellementconsidérable de ses agents et un vieillissement généralisé lié au changementdes règles ouvrant droit à pension, dans un contexte financier peu favorable,la DGAFP a commandé une série d’études et de recherches sur les différentsaspects de ces problèmes et sur les moyens d’y faire face, dont les principauxrésultats ont été regroupés en quatre rubriques :

I la nécessité accrue d’une GRH publique

II l’évolution des modes d’action publique et ses effets sur les agents

III décentralisation et évolution des effectifs publics

IV quelle GRH publique mettre en place ?

I - LA NÉCESSITÉ ACCRUED’UNE GRH PUBLIQUE

Létude de l’ANACT a été conduite auprès d’une trentaine d’agentsde catégorie attaché ou cadres B, âgés de plus de 35 ans, du ministèrede l’équipement, de celui de l’éducation nationale, de la région Rhône-

Alpes, de la ville de Lyon et du centre de gestion Rhône-Alpes. L’objectif enétait de repérer les actions possibles permettant de maintenir l’intérêt autravail en fin de carrière.

La notion de 2ème carrière évoque, auprès des agents interviewés, dessituations connotées négativement car elle désignerait à leurs yeux trois casde figure : (1) les métiers "usants" (professeurs certifiés, assistantes sociales,policiers…) ou dans lesquels il vaut mieux ne pas rester trop longtemps(terrain), (2) les filières offrant peu de perspectives d’évolution (filière socialedans la FPT), (3) les opérations de "reclassement" (Poste, France-Télécom,FPE dans les cas de transferts de compétences vers la FPT). En revanche, ladeuxième carrière, présentée comme "carrière qui soit motivante jusqu’aubout, dans un contexte d’allongement de la vie professionnelle" est trèsbien reçue.(2)

L’étude détaille les différents parcours des interviewés, qui montrent despossibilités d’évolution sans passage inéluctable par des ruptures telles queconcours, mobilités interrégionales ou mutations. Les structures offrant leschances les plus nombreuses d’évoluer professionnellement sont la FPT, pourpeu que l’agent accepte de changer de collectivité territoriale, etl’éducation nationale. Dans les deux cas, le nombre d’établissements au seind’un département ou d’une région explique l’ouverture de la palettedes choix.

L’intérêt du travail et le besoin de se renouveler sont les principaux facteursqui incitent les agents à changer de poste, d’activité, de métier, etc, sanspromotion au sens strict.

Les facteurs limitant l’impulsion à évoluer sont de plusieurs ordres.Le "confort" personnel et familial, le souhait de rester dans la région,la durée de trajet, le souhait de conserver un temps partiel, des horaires detravail spécifiques peuvent freiner l’envie de changer de poste de travail.Les choix de gestion des structures (recrutements extérieurs pour les postes lesplus élevés, obligation de mobilité géographique, différentielsde rémunération d’une structure à l’autre pour le même type de travail)

I - 1. Levieillissement et les

moyensde maintenir

l’intérêt au travail (1)

1 - ANACT : Etude sur lesconditions de réussite d’une2ème carrière dans la fonction

publique, dans laperspective

d’un allongement de la vieprofessionnelle.Novembre 2003

2 - FPE : fonction publiquede l’Etat.

FPT : fonction publiqueterritoriale

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I - 2. Laperception

qu’ont lesagents des

transformationsde leur travailau quotidien3

et les règles statutaires ou les procédures (quotas d’avancement, faible placedu mérite dans les promotions, lourdeur des procédures de détachement…),peuvent aussi jouer un rôle dissuasif. Enfin, la faible visibilité des possibles (ausein de la structure et vers les autres structures d’accueil…)n’incite pas à tenter sa chance ailleurs.

Sans surprise, l’étude confirme que peu d’agents de l’Etat s’oriententvers la FPT (ils attendent de voir les opportunités offertes par la secondevague de décentralisation) et aucun de la FPT vers la FPE (l’imagedu travail dans la FPE est assez négative : trop administratif, pas structuré, pasorganisé…). Les mouvements relèvent généralement de l’initiative de l’agent,faute d’une gestion organisée de l’évolution de l’activité des agents.

Les attentes exprimées portent sur une plus grande lisibilité des parcourspossibles et des postes accessibles (internes ou externes), sur unaccompagnement dans le parcours professionnel, sur une prise en comptedes contraintes personnelles, sur la reconnaissance et la valorisation defonctions plus exigeantes que la moyenne et sur la reconnaissance de laqualité du travail effectué et des possibilités accrues de promotion interne.

Le cap des 50 ans offre trois cas de figure : premier cas, l’agent sedésengage progressivement du fait du choix des structures de ne pluspromouvoir après 50 ans ; deuxième cas, l’agent souhaite une dernièreexpérience professionnelle enrichissante et s’investit soit vers une promotion,soit vers un travail intéressant ; troisième cas, récemment promu, l’agentretrouve le goût de s’investir et de prouver ses capacités.

Létude du cabinet Plein Sens sur les mutations de l’emploi public visaità repérer les principaux types de réactions possibles de la part desfonctionnaires de catégorie B et C face aux mutations de l’emploi public.

Les entretiens ont porté sur l’ensemble de la carrière : entrée, promotions,mobilités, intérêt du travail, perspectives de fin de carrière.

L’état d’esprit de ces agents par rapport à leur vie professionnelle illustre leseffets d’une GRH déficiente : les agents de petite catégorie, les plusnombreux et les plus fréquemment en contact avec les usagers, ont construitun équilibre assez peu propice au changement. Ils se résignent à ne pas êtregérés - les efforts significatifs n’étant pas plus sanctionnés que l’absence dezèle et l’ancienneté restant le principal ressort de la promotion - en échangedu respect de leurs convenances personnelles en matière de mutations et degestion de leurs horaires.

La tonalité générale des entretiens révèle une sorte “d’infantilisation”entretenue par une hiérarchie intermédiaire qui n’explique pasles changements intervenant dans la vie professionnelle et se défausse desdécisions impopulaires sur Paris. Ces décisions semblent lointaines,incompréhensibles, mais on fait le dos rond car la vie n’est pas trop pénible.

La perspective des départs massifs en retraite est perçue différemmentsuivant les contextes de travail. Pour certains, ces départs représententune occasion de moderniser l'organisation ; pour d’autres, un risque dedégradation du service. Une "guerre des générations" semble déjà se livrerentre les plus de 45 ans et les moins de 35 ans. Les anciens reprochent auxjeunes leur manque de conscience professionnelle et syndicale(le passage à 40 annuités semble aux jeunes un problème très lointain),les jeunes reprochent aux anciens leur routine, leur résignation, leur

3 "Mutations de l’emploipublic : le point de vue

des fonctionnaires",étude réalisée par

le cabinet Plein Sens,décembre 2002

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inadaptation aux TIC… Les techniciens craignent qu’une diminution deseffectifs ne dégrade la qualité du service, les administratifs sont plusfatalistes.

Le respect de la "clause morale" et de la dignité de la fonction est essentiel :les changements à venir ne doivent pas contrevenir à la règle implicite durespect des convenances personnelles qui a motivé l'entrée dans la fonctionpublique et le fait qu'on y soit resté, et qui contrebalance la non prise encompte des mérites dans la carrière.Le discours anti-fonctionnaire, qui a cours depuis vingt ans, est très mal reçupar les agents qui se sentent injustement stigmatisés et réagiraient vivementcontre tout discours insinuant qu’ils bénéficient d’avantages indus. Les règlesdu jeu de la carrière et de sa durée pourraient changer par nécessité maisnon pour rétablir une prétendue "injustice" entre secteurs public et privé,car les différences de traitement sont anciennes et reposaient sur desarguments solides.

Allonger la durée de cotisation peut se faire à la condition d'ouvrir des choixet d’expliquer la situation : sur trente agents de plus de cinquante ansinterrogés, dix souhaiteraient pouvoir travailler au-delà de 65 ans, souscertaines conditions, même s’ils ont atteint leur plafond (cette proportionmériterait d’être vérifiée par une approche quantitative).

L’obligation de s’arrêter à soixante-cinq ans est ressentie par certainscomme une brimade. Dans le cas où la possibilité de travailler au-delà seraitouverte, elle devrait représenter un privilège dont seuls les agents zéléspourraient bénéficier. A l’inverse, certains agents anciens perçus commepeu efficaces devraient partir le plus vite possible.

Un changement des règles de promotion et de déroulement de carrièrepour mieux tenir compte des contributions individuelles est souhaité.Les agents se plaignent des règles qui font la part belle à l’ancienneté et nereconnaissent pas le mérite. Des opportunités d’avancement et/ou demobilité pourraient, peut-être, compenser le sacrifice d’années de cotisationsupplémentaires, sous réserve que des mobilités géographiques importantesne perturbent pas des vies familiales déjà construites, annulant ainsi les gainsmatériels liés à une promotion. Les mobilités vers d’autres fonctions publiquessemblent redoutées, la fonction publique territoriale ayant auprès de cesagents la réputation de ressembler, dans son fonctionnement, au secteurprivé. Il est à noter que la question de la rémunération n’a jamais étéabordée spontanément par les interviewés.

L’ensemble des entretiens montre un système social peu informé, peu géré,qui plaide pour le développement d’une véritable gestiondes ressources humaines.

Létude de Jean-Michel Eymeri procède à un bilan du dispositifdes 3e concours ENA et IRA, récemment élargi à un grand nombrede corps. Elle fait apparaître les ambiguïtés et l’incompréhension dont

souffre actuellement ce dispositif dont on ne sait s’il vise à :- valider des acquis professionnels dans une logique de "seconde chance"permettant une mobilité sociale ascensionnelle, OU attirer vers l’Etatdes cadres du privé et des membres de professions libérales encore jeuneset à fort potentiel ;

I - 3. Lerenouvellement

et Iadiversification

des recrutements 4

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- faire entrer dans l’administration des cadres supérieurs et des professionslibérales pour qu’ils y insufflent leur expérience professionnelle dumanagement d’entreprise, OU permettre à des hommes politiques locauxen situation professionnelle inconfortable d’assurer leurs arrières, voirede se reconvertir ;

- insérer des cadres atypiques de façon cohérente comme une piècemajeure dans une stratégie globale et collective de réforme de l’Etat,OU offrir l’opportunité à quelques individus hors norme de réaliser unereconversion sur le mode de l’aventure personnelle.

Ce bilan permet d’anticiper les difficultés d’intégration que pourraitsusciter un recours accru aux recrutements par troisième concours et de prévoir la mise en place de dispositifs d’intégrationadaptés à l’âge des candidats et à la diversité de leurs parcours.(ancienneté à reprendre, conditions à remplir pour accéder à des postes de responsabilité, prise en compte des compétencesacquises…).

Les 3e concours observés dans l’étude attirent vers l’administration desindividus hétérogènes dont les caractéristiques sociographiques révèlentque les trois quarts (énarques) et deux tiers (IRA) des intéressés n’avaientjamais cherché à devenir fonctionnaires auparavant. Ce dispositif neconstitue donc pas une "seconde chance" pour les concours externes.Il n’y a pas de profil-type du lauréat des 3e concours, ni en termesd’appartenance socioprofessionnelle ou d’origine sociale, ni en termesde motivations. S’orienter vers les 3e concours relève actuellementd’une démarche individuelle qui produit une collection d’individusatypiques. Ce dispositif vient percuter le système de recrutement et de formation initiale ENA-IRA, caractérisé par un égalitarisme formel quitraite de façon semblable des externes, des internes et des 3e concoursaux situations très dissemblables. Un tel système se révèle, selon l’auteur,triplement inadapté aux lauréats du 3e concours, en raison d’abord de"l’infantilisation des élèves" à laquelle se livre l’institution, sans considérationde leur âge et de leur statut familial et professionnel, ensuite de la non reconnaissance de l’expérience préalable des 3e concourset du caractère de pseudo "école d’application" d’une formation ENAtrop peu professionnelle et du caractère "trop scolaire" des IRA.

Quant aux carrières, la logique de l’honneur social, du titre, et du rangcristallisée dans les corps administratifs se révèle, selon l’auteur,incompatible avec la logique d’une gestion moderne des ressourceshumaines. Le système du classement de sortie des écoles administrativesne permet pas, en l’état existant au moment de l’étude, une adéquationentre le profil des candidats et le contenu des postes, base pourtant detoute GRH, et la situation ne s’améliore guère ensuite dans la carrière.C’est avant tout l’Etat employeur qui se trouve pénalisé par cette allocationdéfectueuse des ressources humaines rares.

4 - Jean-Michel EymerI"Les administrateurs

issus du 3e concours de l’ENAet des IRA :

fonctionnairesdu troisième type" ou

cadres nouveauxde l’administration

de demain ?" novembre 2003

4 -

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II - L’ÉVOLUTION DES MODESD’ACTION PUBLIQUE ET SES EFFETSSUR LES AGENTS

Cette recherche, conduite sous la forme d’un séminaire dirigé parChristian-Albert Garbar et Jean-Marc Weller, est fondée sur le parid’associer, pour déchiffrer les transformations du travail administratif,

deux disciplines : le droit et la sociologie du travail. Elle s’appuie sur deuxintuitions. En premier lieu, la conscience professionnelle constituerait la trameordinaire de tout travail ; en second lieu, si les épreuves morales au travail nesont pas propres à la fonction publique, elles s’y inscrivent dans un cadrejuridique spécifique qui produit des cohérences et des contradictions qui luisont propres.

La réflexion s’est organisée en six séances consacrées à la présentationet à la discussion de travaux de sociologie embrassant un large champ del’action publique : hôpitaux, prisons, secteur de l’emploi, prestations sociales,transports publics, gendarmerie…

Elle a cheminé en trois temps avec, tout d’abord, une réflexion sur le cadrejuridique, ensuite une interrogation sur ce que signifie le fait d’appliquer unerègle de droit et sur l’importance du travail de qualification d’une situationpar les agents et, enfin, des questions sur la désobéissance et l’obligationd’obéissance. En d’autres termes, il s’agissait d’identifier des dilemmesspécifiques aux agents publics et de repérer les effets de la règled’obéissance hiérarchique sur la conscience professionnelle des agents, surleur façon de dire le travail et de lui donner un sens.

L’analyse de ces différents travaux a montré que la conscienceprofessionnelle se construit pas à pas, qu’elle est, suivant les cas riche,complexe, dense, bien "attachée", mais aussi, pauvre, éparse et mal"attachée". On trouve généralement dans ce deuxième cas des institutionsdirectement en prise avec la détresse sociale de leurs usagers.

Une typologie des formes de conscience professionnelle spécifiques auxagents publics a pu être construite en croisant une dimension pratique, (lesépreuves morales) et une théorie partagée par les agents, allant parfoisjusqu’à une doctrine et des normes juridiques. A partir de cette typologiequatre cas de figure ont pu émerger :

- lorsque l’agent ne sait pas faire face et n’a pas de théorie pourcomprendre, il se trouve en errance morale.- lorsque l’agent sait faire face, sait ce qu’il doit faire mais ne le fait pas dufait d’une incapacité liée soit aux moyens, soit aux à-coups, et qu’il a unethéorie pour comprendre, il a alors un sentiment d’impuissance, de bâclage.- lorsque l’agent gère les épreuves pratiques mais n’a pas de théorie pour ledire, il développe une détresse sociale, de l’aveuglement, une éclipse desconvictions morales caractérisés par le refoulement et l’oubli.- lorsque l’agent fait face et a une vision partagée sur ce qu’il convient defaire (travail protégé ou dispositifs inédits pour gérer les difficultés et partagerla connaissance, une sorte de "jurisprudence professionnelle"), il est en situation de recomposition de son système de valeurs.

II - 1. Des métiersen danger

de perte de sens 5

5 - La conscienceprofessionnelle

de l’agent face à l’usager-citoyen – client.

Christian Garbaret Jean-Marc Weller

LATTS-ENPCdécembre 2003

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Le regard du juriste sur les différents travaux présentés conduit à considérer lanotion de conscience professionnelle comme une construction juridique encours, adaptée au développement par le droit européen de notions tellesque les "bonnes pratiques". La jurisprudence de la Cour européenne desdroits de l’homme et les codes de déontologie des fonctionnaires répondentau besoin de reconstruire une cohérence de l’action publique en mettantl’accent sur la dignité du travailleur et sur les impératifs de modernisation etd’efficacité. Déontologie, efficacité, telles seraient les nouvelles valeursqui viendraient soutenir la conscience professionnelle des agents publics.

On observe un mouvement dialectique entre deux tendancescontradictoires :

- La "morale professionnelle", liée à la notion de service publicet de statut. Elle aurait existé de tout temps dans l’esprit du statut et seraitdéstabilisée par le droit communautaire et l’idéologie managériale,(c’est la théorie de l’amont, la règle) et par un discours gestionnairedénonçant le statut comme dénaturant la conscience professionnelle(théorie de l’aval), qui viendrait déstabiliser la cohérenceet le cadre de référence de l’action publique.

- Le contexte d’"européanisation" de l’action publique, oùla notion de service public n’existe pas, ce que confirme le projet deconstitution européenne. Dans ce contexte, s’interroger sur la "conscienceprofessionnelle" de l’agent permet de saisir les indices du changement desmissions de l’Etat. L’évolution observée dans les pratiques et les dilemmesauxquels sont confrontés les agents publics confirme la nécessité,pour la fonction publique française, de revoir sa conception de l’actionpublique.

Dans ce contexte, la référence à la conscience professionnellepeut offrir une alternative à l’inquiétude des agents en leur permettant dereconstruire une théorie de l’action publique.Ainsi, par exemple, la contractualisation permet-elle de rappeler lesobligations professionnelles, les conditions de leur exécution et lesengagements réciproques entre l’Etat et ses employés.

III -DÉCENTRALISATION ET EVOLUTIONDES EFFECTIFS PUBLICS

Cette recherche, pilotée par le Groupe de recherche sur l’éducationet l’emploi de l’Université de Nancy analyse les évolutions de l’emploidans les fonctions publiques de quatre pays européens : l’Allemagne,

l’Angleterre, la France et l’Italie.

Elle porte sur l’emploi public dans les collectivités locales, révélateurintéressant de l’évolution de l’action publique en raison de la placeprivilégiée qu’elles occupent dans la mise en œuvre des politiquespubliques. Les institutions locales voient en effet leurs prérogatives et leurschamps de compétence s'élargir et jouer désormais, en raison des politiquesde décentralisation communes aux quatre pays observés, un rôle primordialdans la gestion publique.

6 -

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III - 1. Lesoptions

prisesà l’étranger

pour réduireles effectifs 6

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L’organisation des structures institutionnelles infra nationale est présentéepays par pays, pour discerner le partage de compétences en œuvre danschaque système administratif national et saisir l'importance prise parl'échelon local dans les modes de gestion des activités publiques.

Dans un second temps, la recherche expose les transformations de l'emploipublic au sein même des communes de chacun des quatre pays étudiés.L'autonomie et le champ de compétence de chaque collectivitépermettent de comprendre les modes de recours et d'usagedes personnels publics et les transformations de la gestion des activitéspubliques au niveau local.

Les mutations des statuts d'emplois et l'évolution des pratiques de délégationoffrent un surcroît de souplesse permettant des ajustements numériques etorganisationnels. Ainsi, les fonctions publiques territoriales présentent-elles,depuis la fin des années 1980, des pratiques orientées versle renforcement d'une double flexibilité, des emplois d’une part et des modes de gestion d’autre part.

Le développement du temps partiel, le recours croissant à des personnelsnon titulaires et l'introduction de formes de gestion privée des services et desemplois ont engendré de nouvelles pratiques contractuelles.Ces tendances structurelles permettent de répondre à des besoinsd’ajustement de la main-d’œuvre et de réduction des coûts. La flexibilitéreprésente un moyen supplémentaire pour les Etats et leurs collectivitésde mettre en œuvre une gestion plus souple et plus réactive des ressourceshumaines et des services. Pour autant, cette flexibilité se décline selondes formes contrastées en fonction des “cultures” nationales.

Au regard des situations nationales et des transformations de la gestion del'emploi public à l'échelon local, on observe des différences notables dansl'organisation institutionnelle infra nationale, leurs degrés d'autonomie et leschamps de compétences qui leurs sont conférés.En outre, les expériences de mobilisation de la main-d'œuvre et l'usage desdivers statuts d'emplois de fonctionnaires et de contractuels, simples ouaidés, ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Les référents politiques,économiques voire idéologiques varient selon les pays et répondent à desdéterminismes nationaux fondés sur des histoires, des cultures et descontextes propres à chaque Etat. Enfin, les méthodes de comptage deseffectifs publics diffèrent d'un Etat à l'autre. La France se fonde, par exemple, sur la nature de l'employeur, alors que l'Allemagne compte sesagents selon une base statutaire. Ces différences ont conduit, pour lesbesoins de l’étude, à produire une définition commune de l’emploi public,permettant ensuite de construire des tableaux d’effectifs publics pourchacun des pays très différents des données habituellement communiquéespar l’OCDE.

Le poids des administrations locales est différent selon les pays.Il représente près de 53 % de l'emploi public en Angleterre, contre 31,8 % enAllemagne, 27,5 % en France et 19,3 % en Italie. Les évolutions en termesd'effectifs réels locaux sont aussi très diverses. On assiste en France, à uneaugmentation ininterrompue des effectifs depuis la création de la fonctionpublique territoriale, à l’inverse des trois autres pays où s’observe une baisseconstante. De même, des différences sont à noter en termes de mobilisationet d'utilisation des divers statuts d'emplois. Celles-ci sont liées, pour partie, àdes déterminismes nationaux :

6 - Les mutations de l’emploipublic dans quatre pays européens :

rapport de recherche réalisépour le compte du Ministère

de la Fonction publique,de la Réforme de l'Etat

et de l'Aménagement du Territoire.J.P. Fons, (Université de Toulon et du Var)

J.L. Meyer, Ch. Nosbonne (GREE/CNRS,Université de Nancy 2) en collaboration

avec C. Thiery (Université de Nancy 2),R. Barbu et H.L. Kraemer

(Université de Saarbrücken).Mars 2003

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- en Allemagne, la baisse du nombre de fonctionnaires au niveau local,au profit de salariés de droit privé correspond à une volonté politiquede recentrage des personnes publiques garantes du service public, versdes activités générales fédérales. On ne peut pas non plusdéconnecter l’analyse de l’évolution de l’emploi local de l’ondede choc qui a suivi la réunification de ce pays.

- En Angleterre et, désormais, en Italie, la gestion d'activitéspubliques par des personnels privés est depuis longtemps devenueune réalité. En Italie, le processus de contractualisation des emplois publics, àl'exception de ceux de la haute fonction publique, avait comme premierobjectif une baisse des coûts de fonctionnement des administrations et nonun souci d'amélioration de la qualité des services publics.

- En France, le postulat qui voulait qu'un service public soit assurépar une personne publique et du personnel public s'atténue fortement du fait de la coexistence croissante de statuts privés et publicsau sein ces collectivités locales.

Le recours croissant à des personnels contractuels, simples ou aidés, constatéen France depuis une dizaine d'années, l'augmentation du nombred'employés sous statut de droit privé - majoritairement à durée indéterminée- dans les trois autres pays, l'augmentation du recours au travail à tempspartiel, les politiques de réforme et/ou de modernisation des administrationspubliques engagées dans chaque Etat pour accroître l'efficience de l'actionpublique et les rapprochements entre sphères publique et privée sous formede partenariats mixtes ou de délégations, participent des évolutions et destransformations constatées précédemment.

Ainsi les orientations prises, à des degrés divers,par les quatre systèmes administratifs étudiés tendent-elles vers undéveloppement de l'efficacité de l'action publique par le biais d’uneréduction des coûts et de l'introduction d'outils de flexibilité en termesd’emplois comme de modes de gestion des activités. D'une manièregénérale, la frontière entre gestion privée et publique d'une activité d'intérêtgénéral, qui faisait la spécificité des fonctions publiques en France, enAllemagne ou en Italie, tend à s’estomper.

Les caractéristiques de l’emploi typique et de l’emploi atypique et les diverses formesde recours à la flexibilité

Une des avancées de ce travail de recherche consiste à avoir misen lumière les conditions de recours à la flexibilité de l’emploi public.De ce point de vue, il importe de souligner que chaque pays,

compte tenu des conditions particulières de construction de son emploipublic, mobilise des formes de flexibilité distinctes.

La France, dotée d’un cadre d’emploi particulier (hégémonie du statut defonctionnaire), organise la flexibilité de l’emploi différemment de l’Allemagne, qui hybride ses statuts d’emploi et fait appel à un volantimportant de salariés à temps partiel. La recherche a aussi permis de mettreen lumière un vecteur de flexibilisation de l’emploi public britanniquejusqu’alors négligé, le recours très général et très fréquent à une main-d’œuvre extérieure (flexibilité externe).

8 -

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Si des éléments d’une flexibilité quantitative externe semblent fortementdominer la gestion des employés des collectivités et des établissementsscolaires anglais, le discours sur l’employabilité du New Labour(couplé au paramètre qualitatif d’une gestion de la main-d’œuvre interne)conduit néanmoins à nuancer la première affirmation. Dans lesétablissements scolaires, par exemple, une pratique quasi-généraliséeconsiste à répartir les charges de travail résultant de l’absence d’unenseignant entre les enseignants présents (l’internal cover) afin de réduire lescoûts de fonctionnement de l’établissement, pratique commune aussi enAllemagne. S’ajoute à cette flexibilité interne le recours au travail à duréedéterminée, au travail intérimaire, à la sous-traitance. Ces pratiques, réellesmais moins marquées en Allemagne et en Italie, ne s’observent pas enFrance. Toutefois, dans le cas français, il convient de distinguer le cas lafonction publique d’Etat de celui des collectivités locales. Si le systèmeéducatif a recours, pour répondre à ses besoins de flexibilité, à de la flexibilité interne (volant de remplaçants titulaires), il utilise aussi les contratstemporaires propres au droit public pour ses besoins en enseignants et lesemplois aidés pour tous les autres suppléments de main-d’œuvre.Dans les collectivités locales, l’accroissement des effectifs sur les dix dernièresannées est imputable au recours à des emplois "temporaires", qu’ils soientde droit public ou de droit privé.

En conclusion, chacun des quatre pays, selon l’architecture de son systèmeinstitutionnel ou les configurations de ses statuts d’emploi dans les fonctionspubliques, fait appel sous une forme ou sous une autre à des forces de travail externes. Cette flexibilité externe, si elle s’exerce selon des modalitésdistinctes (CDD, emplois aidés, intérim…) n’est pas mesurée de la mêmefaçon en termes d’emploi public. D’où un vif plaidoyer pour aborder avecprudence les comparaisons d’effectifs entre les pays concernés.

Pour autant, il est impossible à l'heure actuelle de parler de"réelle convergence", et ce pour une raison majeure : les indicateurs mobilisés dans l'observation des mutations des logiques publiques sont certessemblables, mais s'appliquent à des situations diverses s'inscrivantdans des contextes institutionnels très différents.

Le rapport de Nicole de Montricher et de Patrick Le Lidec procède à uneanalyse rétrospective des évolutions de l’emploi public local depuis trenteans et à l’examen des perspectives ouvertes sur les années à venir,

compte tenu du choc démographique de 2015, du deuxième acte de ladécentralisation et de la nécessité de maîtriser la dépense publique.Il analyse également les disparités de dotation de personnel au sein descollectivités locales (CL) entre le Nord et l’Est d’un côté, le Sud et lesterritoires insulaires de l’autre. Un de ses principaux résultats consiste àmontrer que certains phénomènes comme l’urbanisation ou les modes degestion choisis par les collectivités ont eu un impact beaucoup plusimportant sur l’emploi public local que l’acte 1 de la décentralisation.

L’emploi public au sein des CL s’apprécie en fonction de nombreusesvariables dont la pondération correspond à des logiques complexes : offrede services plus ou moins étendue, choix des modes de gestion (directs oudélégués), recrutement considéré comme une variable d’ajustement socialsur un territoire… Une dynamique associative beaucoup plus forte dans leNord et l’Est pourrait, entre autres, expliquer les disparités d’effectifs entre leSud et le Nord, Nord-Est.

III - 2. L’actionpublique

territoriale et les logiques

de l’emploipublic 7

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Dans une première partie,la recherche s’attache à retracer l’histoire de l’évolution des effectifsde la FPT.

L’urbanisation (augmentation de la population urbaine de 17 % entre 1957 et 1976) explique la croissance des effectifs et des activités descommunes urbaines au cours de cette période, comme le démontre unecorrélation statistique forte entre urbanisation, offre de services etaugmentation des effectifs communaux.

Les choix de gestion constituent une autre variable d’explication.Des équipes municipales nombreuses sont plus faciles à mobiliser en cas de crise(tempête de 1999) que les entreprises, et la possibilité de compenser desemplois détruits par les entreprises en créant de l’emploi public local sont lesarguments les plus souvent avancés en faveur de la régie directe.Une corrélation nette apparaît en effet entre le taux de chômage sur unterritoire et le taux d’agents publics territoriaux sur le même territoire :si le premier est élevé, le second l’est aussi.

En faveur de la gestion déléguée, dont le développement depuis 1980 est trèssignificatif (SPIC ou SPA), sont avancées des raisons de coût de personnel(main-d’œuvre plus flexible, moins bien rémunérée et non protégée par lestatut) et de médiation entre l’élu et ses administrés qui se plaignent del’entreprise délégataire et non de l’élu. Le nombre des SEM a ainsi doublé entre1982 et 1992 (66 400 agents au 1er janvier 2003).

Enfin la gestion de services par des associations est en plein développement :1 500 000 emplois aujourd’hui. Ce chiffre comprend tous les emplois enassociation, la part des associations qui dépendent des collectivités localesn’est pas connue.

La gestion déléguée augmente partout, en France et à l’étranger, et les départs massifs en retraite permettront de lever un certain nombre d’obstaclesà son développement qui permet de réduire simultanément les coûts et leseffectifs et d’offrir davantage de services à coût constant.

L a seconde partie de l’études’attache à mesurer l’impact des transferts de compétences sur leseffectifs de la FPT.

Dans le cas de l’intercommunalité à fiscalité propre, on observe uneaugmentation des effectifs des EPCI, conséquence de transferts massifsd’agents de catégorie C des communes vers les EPCI et non de recrutements.Une exigence de services accrue de la part de tous les habitants d’une mêmeintercommunalité pousse à l’harmonisation de la qualitéet de la quantité des services produits.

En revanche, les cadres A et B, que les maires conservent dans leurs services,font l’objet de nombreux recrutements. Ces doublons, qui se multiplientactuellement, pourraient n’être que provisoires pour trois raisons :

1 - les départs en retraite des agents des communes ne seront pas remplacés,ce qui devrait conduire, à terme, à une réduction des effectifs ;

2 - les équipes intercommunales s’autonomisent par rapport aux élus et fontpeser plus fortement la préoccupation gestionnaire ;

10 -

11

7 - Nicolede Montricher,

CERSA, CNRSPatrick Le Lidec,

chercheur associéau CRPS,

décembre 2003

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3 - la tendance à l’empilement des structures pourrait se voir contenue parla révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui permet de créer de nouvellescollectivités en lieu et place des collectivités préexistantes.

Les transferts liés à l’acte 1 de la décentralisation :23 000 agents ont été transférés de l’Etat vers les collectivités locales aucours de la première décentralisation, les services de l’Etat ayant souventopté pour la mise à disposition de leur personnel auprès d’elles plutôt queleur transfert.

La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales (CL)montre une grande variété de situations sur le territoire, depuis un maintiende la toute puissance de l’Etat dans certaines régions, jusqu’à des retraitsdu même Etat avant même que les collectivités locales n’aient pus’organiser pour prendre le relais.

Les politiques de RH dans les CL ont convergé à partir de 1995 vers un gel dela pression fiscale qui a entraîné des politiques de réduction d’effectifs :

- non remplacement d’agents partis (congés, fin de contrats, retraites…) ;

- diminution des services rendus (horaires d’ouverture des services) ;

- exigences accrues vis-à-vis du personnel, y compris de catégorie C.

Les effets prévisibles de l’acte 2 de la décentralisation :130 000 agents de l’Etat devraient migrer vers les collectivités locales,entraînant un effet mécanique d’augmentation des effectifs.Il est prévisible que les élus, comme en 1982, voudront effectuerun "rattrapage" de la qualité des services qui leur seront dévolus ;il semblerait que le retard d’entretien des routes nationales soit le premierchantier qu’ils ouvriront.

Le transfert des TOSS sans leur encadrement, qui devrait rester au seinde l’éducation nationale, pourrait induire des recrutements importantsde personnels d’encadrement A ou B. A terme, au moment du départ enretraite de ces agents peu qualifiés, les tâches d’entretien et de nettoyagedes bâtiments scolaire seraient alors déléguées. On peut également penserque, mieux encadrés, ces agents pourraient devenir plus productifs, ce quiferait diminuer leur nombre.

Commentaire : deux événements concomitants, le développement del’intercommunalité et le transfert des TOSS vers les collectivités locales, ontdes conséquences identiques : le recrutement de nombreux cadres A pourorganiser le travail des catégories C. Cela pourrait, dans une période de fortrenouvellement démographique, créer une tension sur ce segment depopulation déjà très convoité par les banques et les compagniesd’assurance.

La recherche, conduite sous la direction de Laurent Derboulles, portesur la règle de comparabilité des recrutements dansla fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale au

moment où les impératifs de renouvellement des personnels et la nécessitébudgétaire de moderniser la gestion publique risquent de poser problème.L’affirmation d’une "République décentralisée", qui légitime les atouts d’une

III - 3. La compa-rabilité entre fonction

publique de l’État et fonction publique

territoriale 8

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administration locale, pose aussi une double interrogation pour ces fonctionspubliques. Pour la fonction publique de l’Etat, il s’agit de déterminer la naturedes relations à entretenir avec une fonction publique, juridiquementcomparable depuis 1984, mais qui a vocation à voir ses effectifs devenir,à terme, supérieurs à ceux de l’Etat. Pour la fonction publique territoriale,la question qui se pose est de définir un cadre statutaire susceptible derenforcer encore l'autonomie des gestionnaires locaux, au nom du principe despécificité.

Au regard de ces enjeux démographiques, budgétaires et institutionnelsmajeurs, quel sens et quelle portée convient-il de reconnaître à la compara-bilité entre fonctions publiques ?

Les auteurs de la recherche considèrent que pousser le curseur de laspécificité au plus loin – jusqu’à l’application de règles similaires au secteurprivé, par exemple en matière de recrutement – reviendrait à faire droit auxdemandes de nombreux gestionnaires locaux. Mais si une telle réforme leurpermettrait de se positionner de manière plus pertinente sur le marché del’emploi pour y faire valoir les facteurs de leur propre attractivité (proximité,diversité des missions,...), le libre recrutement - entendu comme un recrutement totalement libéré des exigences du cadre statutaire - appliqué àla fonction publique territoriale interdirait toute comparabilité avec les autresfonctions publiques.Plus encore, l'alignement de toutes les fonctions publiques sur le modèle de lagestion privée, avec pour conséquence la généralisation du rapportcontractuel, porterait également une atteinte intolérable à la comparabilitéentre fonctions publiques, dès lors qu'il ne pourrait plus y avoir de fonctionspubliques au sens où on l'entend dans notre pays.

Une telle voie maximaliste ne leur paraît pas réaliste. Selon la conceptiondéveloppée par le Conseil constitutionnel, le libre recrutement, compris comme l'application du principe de libre administration aux règles derecrutement, ne peut être assimilé à un recrutement libre, qui s'affranchirait descontraintes statutaires (décision des 19-20 janvier 1984).Cependant, pour que la libre administration des collectivités locales puisse êtreeffective, il faut que celles-ci soient en mesure de faire face à leurs besoins enmatière de personnels (réflexion parallèle à celle portant sur l'autonomiefinancière en sa composante juridique mais surtout matérielle). Il convient donc que, face aux enjeux qui s'imposent aux fonctions publiques, lesmodalités de recrutement qui leurs sont offertes, permettent d'atteindre un telobjectif. Le maintien du recrutement contractuel au rang d'exception (mêmelargement entendue) et la modernisation des modalités de concours vontdans ce sens.

Des possibilités d’assouplissements préservant la logique propre desrecrutements dans les fonctions publiques (égale admissibilité, conceptionstatutaire...) et permettant de faire face aux enjeux majeurs auxquels sontconfrontées les deux fonctions publiques dans le respect d’une conceptionrenouvelée de la comparabilité permettraient de tracer une voie de réformepraticable.

La période actuelle se caractérise par une forte réactivation du discours sur lacomparabilité et une modernisation de sa mise en œuvre. A la comparabilitéentre corps ou entre corps et cadres d'emplois, s'ajoute unecomparabilité"modernisée" entre fonctions publiques.

12 -

13

8 - Le principe decomparabilité entre la

fonction publique del'Etat et la fonction

publique territoriale etses conséquences sur le

libre recrutement despersonnels. Projet de

recherche co-financépar la Direction

générale del’administration et de la

fonction publique(D.G.A.F.P.) et le

Groupement derecherche sur

l’administration localeen Europe

(G.R.A.L.E. – G.I.S.C.N.R.S.),

mars 2003

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Il convient d’apprécier cette notion à partir d'une réflexion, d’une part, surla modernisation de l'État qui suppose une redéfinition des rapports entrel'État et les collectivités territoriales, d’autre part sur la gestion des carrières,les modes de recrutement, la mobilité... En ce qui concernespécifiquement l'État, il convient également que les modalités derecrutement dont il dispose lui permettent de faire face à ses besoins enmatière de personnels et à la flexibilité nécessaire dans la gestionde ses besoins. Il semble bien qu'un des enjeux de la comparabilité soitjustement de redéfinir les relations entre les deux fonctions publiques avec,à terme, la nécessité de lever le tabou sur l'unicité de la fonction publique.

IV- QUELLE GRH PUBLIQUEMETTRE EN PLACE ?

Une étude commandée au cabinet IDRH analyse les problématiquesGRH rencontrées par les grandes entreprises du secteur concurrentielet par la fonction publique pour conclure qu’elles sont, à bien des

égards, comparables :

- Les fonctions publiques vont connaître dans les années qui viennent detrès profonds bouleversements : décentralisation et déconcentration,constitution européenne et libre circulation des travailleurs,(10)

développement de l’administration électronique, modification radicaledes méthodes budgétaires et comptables (LOLF …), qui doit faire passerl’administration d’une logique de moyens à une logique de résultat,émergence de nouveaux concepts (efficacité, efficience, performance),renouvellement démographique, redéploiements d’effectifs liés à despolitiques publiques s’appliquant de façon différenciée suivant lesministères (deuxièmes carrières pour les enseignants souhaitant changerde métiers, intégration dans les fonctions publiques d’agents de France-Télécom ou du ministère de la défense, réorganisation des servicesdéconcentrés autour d’un pôle régional…).

La GRH des grandes entreprises du secteur concurrentiel rencontre desquestions semblables : quel équilibre, garant d’une cohérence et d’uneidentité, définir entre logique de Groupe, logique "métier", liée aux activités spécifiques des directions, des établissements, et logiquesterritoriales, liées aux implantations du groupe ou des servicesdéconcentrés ? Comment mesurer la valeur ajoutée de la fonction RHselon deux critères : la maîtrise des coûts de la fonction et la contributionde cette fonction à la production de la valeur ajoutée à chaque niveaude son exercice ? Comment fidéliser les employés par une GRHrépondant mieux à leurs aspirations, plus variées et plus individualisées ?Quels SIRH (systèmes d’information sur les ressources humaines) portant surles différents aspects de la gestion du personnel et intégrés aux autressystèmes d’information de l’entreprise mettre en place ?

Les politiques RH des entreprises convergent sur de nombreux points, quela mise en place de la LOLF inscrira à l’agenda de la fonction publique.Elles sont de plus en plus souvent articulées à la stratégie de l’entreprise et

La nécessitéde gérer autrement

les ressourceshumaines

publiques 9

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placées, de ce fait, sous l’autorité et le contrôle d’une "DRH siège" ou"DRH corporate". Le recrutement est une fonction partagée entre les acteurs RHet les managers et la tendance à raccourcir les délais de recrutement et àdiversifier les profils se généralise. L’intégration des nouveaux représente un enjeufort : elle est favorisée par la mise en œuvre de parcours personnalisés oùpeuvent intervenir les structures formation du groupe. La formation et la gestiondes carrières s’individualisent. Certaines entreprises mettent en place une gestiondes hauts potentiels, généralement prise en charge par la DRH Groupe ;la mobilité est recherchée, mais ses modalités optimales restent à inventer ;la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) se recentre surcertaines populations ou certains processus et s’accompagne de plans d’actionopérationnels ; une mutualisation, voire une externalisation, de la paye et del’administration du personnel progresse au sein des entreprises.

Pour jouer pleinement son rôle, la gestion des ressources humaines en entreprisetend à s’orienter vers une organisation en trois niveaux : un niveau DRH groupe(corporate) peu étoffé, à forte valeur ajoutée et chargé de la gestion des cadres dirigeants, un niveau DRH métiers, qui correspondrait au niveau des DRHde ministères, un niveau DRH sites, qui correspondrait aux services déconcentrés.

Des entretiens avec quelques directeurs de personnel de ministères ont mis enévidence des attitudes partiellement divergentes sur l’évolution souhaitable dela GRH publique.

Les points de convergence touchent à la nécessité d’une déconcentration,d’une simplification des procédures et d’une individualisation accrue de lagestion des carrières, ainsi qu’au besoin de répartir autrement les rôles de lafonction entre les différents niveaux de RH, (qui ne sont pas remis en cause),en renforçant le niveau régional et de répartir autrement les rôles RH desadministrations centrales et des services déconcentrés : aux premières, lepilotage et la prospective, aux seconds la gestion courante administrative etdécisionnaire.

D’autres questions suscitent des points de vue éclatés : les avis sur l’incidence dela LOLF, la mutualisation et le rôle à donner à la gestion interministérielle, sontvariés, parfois opposés ; les ministères se sentent inégalement concernés parla décentralisation, la concurrence du secteur privé, la questionde la réduction des coûts de la RH.

Enfin, on observe des points de vue partiellement convergents sur l’évolution dela fonction RH de l’Etat : entre une DGAFP centrée sur l’expertise a posteriori etune autre, jouant un rôle central d’impulsion et de gestion des politiques RH del’Etat, la palette des points de vue est très large. En revanche, tous pensent quela DGAFP devrait être redimensionnée. La question d’une gestion interminis-térielle et de sa faisabilité fait débat : certains souhaitent un renforcement desacteurs RH par ministère, d’autres penchent vers une GRH de l’Etat plus globaleet plus unifiée s’appuyant sur des convergences à construire entre ministères.

Une fois dressé le tableau des grandes tendances de la RH dans les entrepriseset au sein de la fonction publique, et celui des réactions qu’elles suscitent auprèsde quelques directeurs de personnel, les scenarii d’évolution possible de la GRHsont les suivants :

1 - Une DGAFP coordinatrice, gestionnaire de la masse salariale en liaison forteavec le budget, animatrice du réseau des DRH de ministères, autonomes sur leurGRH. Ce scénario représente un compromis entre l’autonomie de gestion desministères et la recherche d’une cohérence d’ensemble ;

14 -

15

9 - Analyse comparéedes processus et del’organisation de la

fonction RH desentreprises et de l’état.

Quelles pistes pourl’organisation de la

fonction RH de l’état ?IDRH, septembre 2003

10 - affaire BURBAUDjugée

le 9 septembre 2003à la cour européenne

de justice

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2 - Une GRH centrée sur les ministères et leurs activités, que caractérise ladiversité : autant de GRH que de ministères. La coordination transverseportée par la DGAFP serait faible et consisterait à animer un réseau deDRH. La cohérence n’étant pas recherchée l’interministérialité seraitfaible ;

3 - Une GRH interministérielle active, portée par une DGAFP forte, et desDRH de ministères centrées sur les métiers. La DGAFP interviendrait enparticulier de façon déterminée sur la gestion de l’encadrementsupérieur des ministères ; elle serait chargée d’assurer la cohérence del’Etat employeur et jouerait de ce fait un rôle actif de DRH Groupe ;

4 - Des DRH métiers (ou des grandes directions fortes), centrées sur leursactivités, une gestion interministérielle centrée sur les bassins d’emploi.Un axe de coordination faible porté par la DGAFP. Ce serait un scénariode territorialisation de l’action de l’Etat.

www.fonction-publique.gouv.fr

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Avril 2004

LA COMPOSITION DU COMITÉ "RECHERCHE ET PROSPECTIVE" DE LA DGAFPPrésident

Bernard CIEUTAT, président de Chambre, Cour des Comptes

Membres de la Direction générale de l’administration et de la fonction publiqueJacky RICHARD, directeur général de l’administration

et de la fonction publique

ResponsableIsabelle ORGOGOZO, responsable du Comité de la recherche

et de la prospective

Et, par ordre alphabétiqueFrançoise DUSSERT, chef du bureau des études et de la statistique

François HADA, chef du bureau de l’emploi publicCatherine ZAIDMAN, secrétaire de l’Observatoire de l’emploi public

Membres extérieursJean-Marie AURAND, directeur général de l’administration,

ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation,de la Pêche et des Affaires rurales

Marie-Caroline BONNET-GALZY, chef du service de l’inspection générale des affaires sociales ministère des Affaires sociales,du Travail et de la Solidarité

Jacques CHEVALLIER, professeur à l’université de Paris 2,directeur du CERSA

Benoît CHEVAUCHEZ, directeur général de l’IGPED, ministère del’Economie, des Finances et de l’Industrie

Jean-Pierre DUPORT, président du conseil d’administration,Réseau Ferré de France

Jean-Michel EYMERI, professeur des universités en sciences politiques,IEP de Toulouse

Annie FOUQUET, directrice de l’animation de la recherche, desétudes et des statistiques, ministère des Affairessociales, du Travail et de la Solidarité

Béatrice GILLE, inspectrice générale de l’administrationde l’éducation nationale

Alain d’IRIBARNE, directeur de recherche, laboratoire d’économieet de sociologie du travail, Aix-en-Provence

Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, professeur à l’Université de Paris 2,directeur de l’IPAG- CEPAG

Etienne MARIE, directeur de l’administration générale, du personnel et du budget, ministère des Affaires sociales,du Travail et de la Solidarité

François PERDRIZET, directeur de la recherche et des affaires scientifiques et techniques, ministère del’Equipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer

Marcel POCHARD, conseiller d’Etat