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UNIVERSITE DE PARIS XII – VAL DE MARNE U.F.R. DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION MICROCREDIT ET FINANCEMENT DE LA MICROENTREPRISE AU MAGHREB THESE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS XII Discipline : Sciences Economiques Présentée et soutenue publiquement par Yousra HAMED Le 8 décembre 2004 _______ Directeur de thèse : Monsieur Philippe ADAIR ______ JURY M. Bernd Balkenhol, Chef du programme "Finance et Solidarité" à l’OIT M. Jacques Charmes, Professeur à l’Université de Versailles – Rapporteur M. Gérard Duchêne, Professeur à l’Université de Paris XII M. Fouzi Mourji, Professeur à l’Université Hassan II, Casablanca – Rapporteur M. Philippe Adair, Maître de conférence à l’Université de Paris XII 1

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UNIVERSITE DE PARIS XII – VAL DE MARNE U.F.R. DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

MICROCREDIT ET FINANCEMENT DE LA MICROENTREPRISE

AU MAGHREB

THESE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS XII

Discipline : Sciences Economiques

Présentée et soutenue publiquement par

Yousra HAMED

Le 8 décembre 2004

_______

Directeur de thèse : Monsieur Philippe ADAIR ______

JURY

M. Bernd Balkenhol, Chef du programme "Finance et Solidarité" à l’OIT M. Jacques Charmes, Professeur à l’Université de Versailles – Rapporteur

M. Gérard Duchêne, Professeur à l’Université de Paris XII

M. Fouzi Mourji, Professeur à l’Université Hassan II, Casablanca – Rapporteur

M. Philippe Adair, Maître de conférence à l’Université de Paris XII

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L'Université de Paris XII – Val de Marne n’entend donner aucune approbation ni

réprobation aux opinions émises dans les thèses : ces opinions doivent être considérées comme

propres à leurs auteurs.

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A mamati

A papati

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REMERCIEMENTS

Je voudrais remercier tout d’abord Philippe Adair pour la qualité scientifique et humaine de l’encadrement dont il m’a fait bénéficier. Dire qu’il m’a beaucoup apporté serait une litote ; travailler sous sa direction a été une vraie chance pour moi. Son oeil critique et son attention exigeante m'ont été très précieux pour structurer ce travail et pour en améliorer la qualité. Je lui suis également reconnaissante de m’avoir donné l’opportunité d’expérimenter les joies et déboires du traitement de données primaires. Merci pour votre disponibilité et surtout pour votre patience ! Je remercie Jacques Charmes et Fouzi Mourji de l’attention qu’ils ont porté à mes travaux, en acceptant d’être rapporteurs de cette thèse. Je suis également reconnaissante à Bernd Balkenhol et Gérard Duchêne de m’avoir fait l’honneur de siéger à ce jury. Tout au long de cette recherche, j’ai pu bénéficier de soutien et d’appui conséquents : Pierre Blanchard et Belaid Ghermani m’ont apporté un secours précieux pour trouver mon chemin dans les dédales des traitements économétriques et d’analyse de données. Je leur exprime ici toute ma gratitude. Je tiens à remercier Fouzi Mourji et Alice Nègre pour m’avoir permis l’accès à un bien rare : les données empiriques. Les discussions avec des professionnels du microcrédit au Maroc et en Tunisie ont été intéressantes. Je remercie les responsables d’Al Amana et Zakoura de m’avoir reçu et répondu à mes questions. Je tiens tout particulièrement à remercier Michael Cracknel (Enda) de m’avoir donné l’occasion de passer une semaine sur le terrain avec les agents de crédits, pour les discussions qu’on a eu en direct et par mail ainsi que pour sa lecture et ses remarques pertinentes sur la première partie du chapitre 6. Boris Najman a relu (sous la menace) la partie économétrique. Ces remarques appropriées ont participé à l’amélioration de la qualité de cette partie. Laurence (merci pour l’inestimable soutien), Olivier, Karima, Thomas, Walid, Céline et Rachid ont lu des parties de ce travail à un moment ou à un autre de sa maturation. Ma reconnaissance va, également tout naturellement, à Isabelle Wirth pour le temps qu’elle a passé à relire ce travail de bout en bout et pour ses attentions lors de la dernière étape de la rédaction. Je tiens à exprimer ma gratitude à Mongi Bédoui pour m’avoir fait découvrir qu’on pouvait faire de la finance autrement ainsi que pour ses encouragements constants. Merci à mes amis d’ici et d’ailleurs. Ceux de Tunis : Imen, Hajer et Tarek, Héla la Tunisienne d’ici et Karima, celle de Genève. Ceux de PlaNet : Laurence, Asm’, Naj’, Carole et Prisci. Les ‘graticiens’ et les ‘eruditiens’. Les amis du 5ème étage : José (…). Ceux de l’AIESEC et enfin à Aymen, ma découverte. A Afef, pour son soutien de toujours et pour sa présence tous les jours de 12h30 à 14h. Ces moments ont été d’une grande importance pour moi. Merci à mes parents pour leurs encouragements incessants. Sans l’entrain, l’amour et la volonté de Mamati, cette thèse n’aurait pas pu voir le jour. Son soutien infaillible, résistant à toute épreuve, a beaucoup compté. Sans elle je ne serais pas ce que je suis. La fierté de mon papa me rend encore plus forte. J’espère que je pourrais toujours compter sur leur soutien et présence lors de tous les moments importants de ma vie. Et bien sûr un grand merci à celui qui a supporté, porté et souffert tout cela avec moi, malgré la distance, avec une forte dose de bonne humeur, d’énergie et de patience. Les attentions avec lesquelles il m’a entouré tout au long de la finalisation de ce travail ont beaucoup compté : merci à toi Olivier.

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PLAN

INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................... 16

CHAPITRE PREMIER

CADRE SOCIAL, MACROECONOMIQUE ET INSTITUTIONNEL DES

MICROENTREPRISES MAGHREBINES ........................................................................ 26

1.1 Quelles différences fait-on entre les trois pays ? 28

1.1.1 Les caractéristiques macroéconomiques et sociales du Maghreb ............... 28

1.1.1.1 Les caractéristiques sociales ....................................................................................... 28 1.1.1.2 La croissance et les exportations ............................................................................... 32

1.1.2 Cadre institutionnel et régime économique administré : contraintes et

assouplissements ......................................................................................... 35 1.1.2.1 Secteur public versus secteur privé : la place de l’Etat ............................................. 35 1.1.2.2 Du protectionnisme à la libéralisation de l’économie ............................................ 36 1.1.2.3 Une timide libéralisation du secteur bancaire .......................................................... 37

1.1.3 Un marché du travail spécifique : les facteurs de l’évolution de l’emploi

informel........................................................................................................ 40 1.1.3.1 L’emploi informel : secteurs, acteurs et portée......................................................... 41 1.1.3.2 La réglementation socio-fiscale................................................................................... 43 1.1.3.3 Les facteurs conjoncturels et structurels de l’évolution de l’emploi informel

urbain ............................................................................................................................. 47 1.2 Le dualisme économique : une approche en terme de marchés 51

1.2.1 Le marché du travail : les théories dualistes ................................................ 52 1.2.2 Le marché des biens...................................................................................... 53 1.2.3 Le dualisme sur le marché du crédit............................................................ 53

1.2.3.1 Les causes du dualisme financier............................................................................... 55 1.2.3.2 Les effets du dualisme financier ................................................................................ 58 1.2.3.3 Réduction du dualisme financier ............................................................................... 59

1.2.3.3.1 Le cadre réglementaire : cas du Maroc et de la Tunisie ................................................ 60 1.2.3.3.2 Relation IMC – banque...................................................................................................... 62

1.3 Conclusion du chapitre premier 64

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CHAPITRE DEUXIEME

LES MICROENTREPRISES SONT-ELLES TOUTES INFORMELLES ?............................. 67

2.1. Qu’est ce qu’une microentreprise ? 68

2.1.1 Le problème de sources : microentreprise versus microentrepreneur ......... 69 2.1.2 Les différentes caractéristiques..................................................................... 70 2.1.3 Le classification selon les types de Liedholm & Mead ................................ 73 2.1.4 Le découpage selon les types de Marniesse ................................................. 74

2.2 Qu’est ce qu’une unité économique informelle ? 77

2.2.1 L’unité économique informelle comme composante du secteur informel .. 77 2.2.2 Les difficultés de mesure et les critiques ...................................................... 79

2.3 Quelle congruence entre microentreprises et unités informelles ? 81

2.3.1 "Petite entreprise de ce côté du Sahara, unité informelle au-delà" ............ 82 2.3.2 Microentreprise et informalité : une analyse multidimensionnelle à partir du

cas algérien .................................................................................................. 85 2.3.2.1 L'enquête....................................................................................................................... 85 2.3.2.2 Caractéristiques de l’échantillon ................................................................................ 86 2.3.2.3 Choix et concaténation des critères de caractérisation de l’activité...................... 90 2.3.2.4 Classification des microentrepreneurs selon la nature de l’activité ...................... 98 2.3.2.5 Le problème de taille des entreprises de l’échantillon de 423 individus............103 2.3.2.6 Les moyens de financement de l’activité des microentrepreneurs informels ...107 2.3.2.7 Activité courante : la dimension des coûts.............................................................113 2.3.2.8 Activité courante : la dimension des recettes.........................................................117

2.4 Conclusion du chapitre deuxième 122

ANNEXES CHAPITRE DEUXIEME .............................................................................124

CHAPITRE TROISIEME

RATIONALITE ECONOMIQUE DES MICROENTREPRISES : ADAPTATION ET

MINIMISATION DES COUTS ......................................................................................145

3.1 La demande des consommateurs sur le marché des biens 147 3.2 La demande des microentreprises sur les marchés des biens et du travail153

3.2.1 La demande sur le marché des biens..........................................................154 3.2.2 La demande sur le marché du travail..........................................................157

3.3 La minimisation des coûts 159

3.3.1 La transformation des coûts fixes (CF) en coûts variables (CV) : flexibilité

.....................................................................................................................160

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3.3.2 Garder le niveau des coûts au plus bas : la compression............................ 161

3.3.2.1 Diminution des coûts en baissant la masse salariale.............................................161 3.3.2.2 Diminution des coûts par la baisse des charges sociales......................................164 3.3.2.3 Une stratégie appliquée .............................................................................................166

3.3.3 Flexibilité et compression ............................................................................167

3.3.3.1 Un moyen de réduction des risques........................................................................167 3.3.3.2 Adoption de stratégies extrêmes .............................................................................168

3.3.3.2.1 Baisser les coûts fixes : maximiser la flexibilité ? ......................................................... 168 3.3.3.2.2 Adopter la même structure d'emploi que les entreprises : accroître la rentabilité ? 169

ANNEXES CHAPITRE TROISIEME.............................................................................170

CHAPITRE QUATRIEME............................................................................................176

LE FINANCEMENT DES MICROENTREPRISES : INADEQUATION DU SYSTEME

BANCAIRE ET PREDOMINANCE DES RESSOURCES INTERNES..................................176

4.1 Les besoins de financement des microentreprises 178

4.1.1 Le besoin de financement à court et moyen-long terme .....................................178 4.1.1.1 Le besoin de financement de démarrage ........................................................................ 178 4.1.1.2 Le besoin de financement de croissance......................................................................... 179

4.1.2 Le besoin de financement du cycle d’exploitation (BFR) .....................................179 4.2 La demande de financement satisfaite 181

4.2.1 Comparaison entre les trois pays sur la même période ..............................184 4.2.1.1 Années 1990 ...............................................................................................................184 4.2.1.2 Fin des années 1990 ..................................................................................................186 4.2.1.3 Début des années 2000 .............................................................................................188

4.2.2 Comparaison pour un même pays sur différentes périodes ........................189 4.3 Les déterminants de la structure de financement des microentreprises 192

4.3.1 Les raisons de la faiblesse du financement bancaire formel : une approche

par l’offre.....................................................................................................192 4.3.1.1 Autosélection..............................................................................................................193 4.3.1.2 Les causes du rationnement de la demande des microentreprises par la banque

.......................................................................................................................................195 4.3.1.2.1 L’asymétrie de l’information et le rationnement du crédit ......................................... 196 4.3.1.2.2 La garantie .......................................................................................................................... 199 4.3.1.2.3 Les coûts de transaction................................................................................................... 201 4.3.1.2.4 Inadéquation du système bancaire ................................................................................. 203

4.3.2 L’inefficacité des interventions étatiques ...................................................204

4.3.2.1 Les programmes d'amélioration des conditions de vie ........................................204 4.3.2.2 Les initiatives étatiques de financement de la microentreprise ...........................205 4.3.2.3 Les effets des interventions......................................................................................208

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4.3.3 La faiblesse du financement informel.........................................................210 4.3.4 La prédominance des ressources propres...................................................212

4.4 Conclusion du chapitre quatrième 215

ANNEXES CHAPITRE QUATRIEME ...........................................................................217

CHAPITRE CINQUIEME

LE MICROCREDIT UNE SOLUTION AU FINANCEMENT........................................... 229

5.1 Définition et historique 231

5.1.1 Du prêteur informel vers l’IMC : émergence du microcrédit ......................232

5.1.1.1 Capital et croissance ..................................................................................................233 5.1.1.2 Orientation vers les groupes cibles .........................................................................233 5.1.1.3 Développement des systèmes financiers................................................................235 5.1.1.4 Institutions et systèmes d’incitation........................................................................236

5.1.2 IMC – coopératives : que peut-on apprendre du passé ? ...........................237

5.2 Les réponses du microcrédit aux problèmes soulevés par les banques 240

5.2.1 Théories des contrats à caution solidaire et remèdes aux asymétries de

l’information ...............................................................................................241 5.2.1.1 La théorie des contrats à caution solidaire ..............................................................242

5.2.1.1.1 Sélection adverse et peer selection (sélection par les pairs)............................................ 244 5.2.1.1.2 Aléa moral et peer monitoring (contrôle par les pairs)..................................................... 246 5.2.1.1.3 Audit, contrôle des déclarations et peer pressure (pression des pairs).......................... 247 5.2.1.1.4 Mise en œuvre du remboursement................................................................................. 248

5.2.1.2 Autres moyens de réduction des asymétries ..........................................................249

5.2.1.2.1 Dynamic incentives (les incitations dynamiques)............................................................... 250 5.2.1.2.2 Echéance de remboursement rapprochée et régulière ................................................ 251 5.2.1.2.3 Capital social ...................................................................................................................... 252

5.2.2 Les coûts de transaction..............................................................................253

CHAPITRE SIXIEME

MESURER L’EFFICACITE DU MICROCREDIT ........................................................... 257

6.1 Viabilité des institutions de microcrédit 260

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6.1.1 Quelles conditions doit satisfaire une IMC pour être viable ? ....................262 6.1.1.1 L’approche en terme de cycle de vie.......................................................................262 6.1.1.2 L’accession à l’autonomie financière.......................................................................263

6.1.2 Atteindre la viabilité : autosuffisance financière versus subvention et

innovations..................................................................................................265 6.1.2.1 Les deux écoles : différences et similarités.............................................................265 6.1.2.2 Nécessité de recourir aux subventions ...................................................................267

6.1.3 Etude financière de cinq IMC maghrébines ..............................................270

6.1.3.1 Les déterminants de la viabilité des IMC ...............................................................278 6.1.3.1.1 La rentabilité ..................................................................................................................... 279 6.1.3.1.2 Comment accroître la rentabilité ? ................................................................................ 286 6.1.3.1.3 Le recours aux subventions............................................................................................ 296

6.1.4 Conclusion...................................................................................................304

6.2 Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise307

6.2.1 La mesure d’impact dans le débat théorique en microfinance ...................308 6.2.2 Les différentes méthodes de mesure d’impact ...........................................312 6.2.3 Les résultats des principales études empiriques de mesure d’impact ........314

6.2.3.1 La microfinance réduit incontestablement la vulnérabilité des bénéficiaires .....314 6.2.3.2 La microfinance réduit la pauvreté monétaire sous certaines conditions...........315 6.2.3.3 Faits saillants concernant l’impact des IMC ..........................................................318

6.2.4 Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise :

utilisation de données marocaines .............................................................320 6.2.4.1 Présentation de l’échantillon et de l’étude d’impact ............................................320

Un impact positif sur le revenu de la microentreprise déjà mis en évidence................................ 321 6.2.4.2 Le choix des variables ...............................................................................................322

6.2.4.2.1 Choix de la variable expliquée : revenu de la microentrepreneuse versus celui de la microentreprise................................................................................................................ 322

6.2.4.2.2 Choix des variables explicatives..................................................................................... 324 6.2.4.3 Analyse microéconométrique de l'accroissement du revenu..............................325

6.2.4.3.1 Les biais................................................................................................................................ 325 6.2.4.3.2 Estimation des déterminants de l’augmentation du revenu......................................... 327 6.2.4.3.3 Les résultats de la régression logistique .......................................................................... 330 6.2.4.3.4 Robustesse du modèle ....................................................................................................... 335

6.2.4.4 Conclusion..................................................................................................................335

ANNEXES CHAPITRE SIXIEME................................................................................. 337

CONCLUSION GENERALE ....................................................................................... 345

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................... 353

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau I-1 La population au Maghreb................................................................................................ 29 Tableau I-2 Alphabétisation et éducation au Maghreb ...................................................................... 30 Tableau I-3 Population active et chômage au Maghreb..................................................................... 31 Tableau I-4 Indicateurs de la pauvreté dans les trois pays du Maghreb 1980-1990 ...................... 32 Tableau I-5 Indicateurs économiques du Maghreb ............................................................................ 34 Tableau I-6 Protectionnisme au Maghreb............................................................................................ 36 Tableau I-7 Indicateurs financiers du Maghreb .................................................................................. 39 Tableau I-8 Tendances de la population active, du chômage et de l’emploi informel .................. 43 Tableau I-9 L’essor de l’auto-emploi .................................................................................................... 50 Tableau II-1 Les microentreprises selon leur taille ............................................................................. 70 Tableau II-2 Répartition de l’emploi dans les microentreprises par branche d’activité ................ 71 Tableau II-3 Répartition de l’emploi féminin dans la microentreprise par statut dans l’emploi -

Maroc et Tunisie.................................................................................................................. Tableau II-4 Répartition de l’emploi total par statut dans la profession et genre.......................... 73 Tableau II-5 Distribution des actifs par taille d’établissements ........................................................ 87 Tableau II-6 Répartition par sexe.......................................................................................................... 88 Tableau II-7 Répartition par classe d’âge ............................................................................................. 88 Tableau II-8 Niveau d’instruction ......................................................................................................... 89 Tableau II-9 Nature du logement.......................................................................................................... 89 Tableau II-10 Le statut d’occupation du logement.............................................................................89 Tableau II-11 Tri croisé : enregistrement de l'activité........................................................................ 92

- moyens de paiement utilisés avec les clients................................................................. Tableau II-12 Tri croisé : enregistrement de l'activité........................................................................ 92

- moyens de paiement des fournisseurs ........................................................................... Tableau II-13 Tri croisé enregistrement de l'activité - statut légal.................................................... 93 Tableau II-14 Tri croisé : enregistrement de l'activité créée par AFC et par programmation ..... 95 Tableau II-15 Tri croisé : mode de paiement des impôts .................................................................. 96

- raisons de non paiement des impôts.......................................................................... 96 Tableau II-16 Déperdition d’information et filtrage ..........................................................................99 Tableau II-17 Tri croisé sexe par rapport aux 4 classes selon la nature de l’activité ...................102 Tableau II-18 Distribution des établissements par rapport au nombre d’actifs employés .........103 Tableau II-19 Enregistrement de l’activité par rapport à la taille des unités.................................104 Tableau II-20 Tenue de la comptabilité par rapport à la taille des unités .....................................105 Tableau II-21 Distribution des unités selon leur taille dans les différentes classes d’activités ...106 Tableau II-22 Les unités de plus de 10 actifs dans les différentes classes d’activité....................107 Tableau II-23 Financement du fond de roulement selon la nature de l’activité...........................108 Tableau II-24 Financement de l’investissement initial selon la nature de l’activité .....................110 Tableau II-25 Nature du financement ......................................................................................................

des microentrepreneurs informels selon la destination ...........................................112 Tableau II-26 Approvisionnement......................................................................................................114 Tableau II-27 Individus ayant un compte bancaire/ utilisant des chèques.........................................

pour leurs transactions .................................................................................................115 Tableau II-28 Individus ayant un compte / utilisant des chèques .......................................................

(transactions avec les fournisseurs) ............................................................................116 Tableau II-29 Echantillon des microentrepreneurs informels selon leurs coûts..........................117 Tableau II-30 Modalités de vente par rapport au lieu d'exercice de l’activité...............................118

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Tableau II-31 Caractéristiques du lieu de vente des microentrepreneurs informels....................119 Tableau II-32 Echantillon des microentrepreneurs informels selon leurs recettes......................120 Tableau II-33 taille et caractéristique de l’activité .............................................................................123 Tableau III-1 Conditions de vente des microentrepreneurs – Algérie (2001)..............................149 Tableau III-2 Echantillon des microentrepreneurs informels et formels selon leurs recettes ...151 Tableau III-3 Conditions d’approvisionnement des microentrepreneurs - Algérie (2001) .......156 Tableau III-4 Echantillon des microentrepreneurs informels selon leurs coûts ..........................157 Tableau III-5 Répartition de l’emploi total des microentreprises.........................................................

selon le statut d’emploi – fin des années 1990..........................................................163 Tableau III-6 Evolution des effectifs (milliers) et des taux de non cotisants (%) ............................

par situation dans la profession - Algérie ..................................................................165 Tableau III- 7 Subdivision des charges – microentrepreneurs tunisiens – 1997..........................166 Tableau IV-1 Recensement des enquêtes utilisées............................................................................183 Tableau IV-2 Sources de financement des microentreprises du Maghreb..........................................

(début des années 1990) ...............................................................................................185 Tableau IV-3 Sources de financement de l’activité des microentreprises .........................................

Tunisie – Maroc (1997) ................................................................................................186 Tableau IV-4 Hiérarchisation des problèmes rencontrés par les unités informelles ...................187 Tableau IV-5 Sources de financement de démarrage des microentreprises – ..............................188

Algérie, Maroc (début des années 2000)....................................................................188 Tableau VI-1 Caractéristiques des institutions étudiées...................................................................275 Tableau VI-2 Mesures de la performance financière........................................................................280 Tableau VI-3 Structure des coûts et détermination du taux d’intérêt critique..............................283 Tableau VI-4 Les Subsidy Dependance Index (SDI) des IMC de l’échantillon .................................299 Tableau VI-5 Indicateurs d'efficacité des cinq IMC.........................................................................303 Tableau VI-6 Caractéristiques des IMC viables ................................................................................304 Tableau VI-7 L'évolution du revenu des microentrepreneuses ......................................................323 Tableau VI-8 Les déterminants de l’évolution du revenu (résultat du Logit)...............................331

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LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique I-1 Part de l’emploi informel dans l’emploi total dans les 3 pays – années 1980....... 42 Graphique I-2 Répartition sectorielle de l’emploi informel dans les 3 pays – années 1980 ......... 42 Graphique I-3 Les dispositions légales spécifiques au microcrédit.................................................. 61 Graphique II-1 Emploi et secteur informel......................................................................................... 77 Graphique II-2 Microentreprises et secteur informel ........................................................................ 84 Graphique II-3 Filtrages successifs et détermination de la nature d’activité ................................101 Graphique III-1 Coûts selon les différents marchés ........................................................................153 Graphique IV-1 Besoin et source de financement des microentreprises ......................................177 Graphique IV-2 Information, autosélection et demande de crédit ................................................194 Graphique IV-3 Catégorisation des solutions de financement .......................................................211 Graphique VI-0 Efficacité du microcrédit : les deux courants .......................................................264 Graphique VI-1 La pérennité des programmes : subvention et autosuffisance financière ........264 Graphique VI-2 Clients des IMC et niveau de pauvreté..................................................................268 Graphique VI-3 Les stratégies adoptées par une IMC viable .........................................................278 Graphique VI-4 Evolution du taux d’intérêt de rentabilité et du prêt moyen accordé...............285 Graphique VI-5 Evolution des coûts par rapport à la taille des prêts ...........................................292 Graphique VI-6 Evolution des subventions sur la période pour les cinq IMC ...........................297 Graphique VI-7 Structures de financement de 5 IMC– 2002.........................................................300 Graphique VI-8 Le ratio des charges d’exploitation ........................................................................301 Graphique VI-9 L'autonomie opérationnelle ....................................................................................301 Graphique VI-10 Autonomie opérationnelle et part des subventions dans le passif total pour les

cinq IMC - 2001.......................................................................................................303 Graphique VI-11 La chaîne de transmission de l’impact.................................................................310

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LISTE DES ENCADRES

Encadré I-1 Quelques définitions de la pauvreté................................................................................ 32 Encadré I-2 IMF ou IMC....................................................................................................................... 55 Encadré II-1 Indépendant, à compte propre et non-salarié.............................................................. 70 Encadré II-2 Hypothèses pour la création de la variable FINANCEMENT de l’investissement

initial................................................................................................................................107 Encadré II-3 Explication des modalités de la variable FINANCEMENT de l’investissement

initial................................................................................................................................108 Encadré II-4 Création de la variable Approvisionnement...............................................................113 Encadré II-5 Modalités de la variable VENTE ................................................................................118 Encadré II-6 Lieu de vente de la production en 4 modalités..........................................................119 Encadré II-7 Le dileme de la flexibilité de l’ ......................................................................................160 Encadré IV-1 Précis méthodologique ................................................................................................183 Encadré V-1 Capital social, "encastrement social" et Social Embededness .......................................243 Encadré V-2 Coûts de transaction des IMC et des prêteurs informels .........................................255 Encadré VI-1 La Banque Tunisienne de Solidarité, est-elle une banque de microcrédit ? .........272 Encadré VI-2 Formules de calcul........................................................................................................280 Encadré VI-3 Calcul du SDI................................................................................................................298

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Money, says the proverb, makes money.

When we have got a little, it is often easy to get more.

The great difficulty is to get that little.

Adam Smith [Wealth of Nations, 1776]

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Introduction Générale

INTRODUCTION GENERALE

Les théories développementalistes de l’après-guerre concevaient les économies des pays en

développement ou plutôt anciennement colonisés, comme des économies à structure duale

héritée du colonialisme : d'un côté, des grandes firmes modernes créées par les gouvernements

colonisateurs et, de l'autre, de petites unités artisanales indigènes utilisant des techniques

traditionnelles de production. Longtemps les économistes et les responsables politiques ont

préconisé un processus d’industrialisation sensé assurer le développement des pays à travers la

création de grandes entreprises "modernes" vouées à devenir les moteurs de développement ; un

exemple en est la politique de "l’industrie industrialisante" mise en œuvre en Algérie durant les

années 1970. On ne peut que constater, quelques dizaines d’années plus tard, que cette politique

n’a pas apporté les fruits escomptés.

La fin des années 1970 a vu la fragilisation des économies maghrébines (Algérie, Maroc et

Tunisie). Ces économies, étant principalement exportatrices de produits primaires et à forte

composante agricoles, ont subi de plein fouet le retournement des cours des matières premières

et la volatilité inhérentes aux aléas climatiques. Leur développement a été lourdement grevé par

une politique budgétaire expansive, financée par endettement extérieur au moment où la

conjoncture internationale enregistre l’appréciation des taux d’intérêt, qui engendre la croissance

du service de la dette et le renforcement des déficits.

Les Plans d’ajustement Structurel (PAS), initiés dans les années 1980, ont été préconisés pour

rétablir les grands déséquilibres macroéconomiques. Cependant, cette expérience a exacerbé les

problèmes des économies maghrébines : non seulement les grandes entreprises publiques qui

étaient les principaux entrepreneurs et employeurs sur lesquels les pouvoirs publics ont misé pour

assurer la croissance et le développement, n’absorbent pas la totalité de la main d’œuvre et

n’assurent pas le plein emploi mais en plus elles en détruisent sous l’impulsion des mesures

d’assainissement budgétaire1. Les PAS visaient une plus grande stabilité macroéconomique, une

réduction du rôle de l’Etat, un recours accru aux mécanismes du marché et une ouverture rapide

1 Les coupes budgétaires, visant à rééquilibrer la balance des paiements, ont amputé les dépenses d’investissement conduisant à une mise au chômage d’une population de petits entrepreneurs et d’ouvriers peu qualifiés.

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Introduction Générale à la concurrence internationale. En supposant leur bienfait à long terme, on ne peut que noter les

coûts en terme de croissance, engendrés par l’application des mesures préconisées pour les trois

pays à court terme. Ces mesures ont surtout exacerbé l’exode rural, paupérisé une population déjà

vulnérable et accentué un chômage déjà gonflé par la croissance démographique.

Avec l’ouverture commerciale sur l’extérieur en général et dans le cadre du processus euro-

méditerranéen en particulier, les restructurations des administrations publiques ainsi que les

privatisations ont abouti à une réduction des sureffectifs dont la réallocation dans le secteur privé

s’est avérée insuffisante. L’investissement privé, national ou étranger, sensé prendre le relais, tarde

à se réaliser (en Algérie) ou n’arrive pas à absorber la totalité de l’excès de main d’œuvre (au

Maroc et en Tunisie). En plus de l’accroissement du chômage, la mise en œuvre du PAS a induit

une stagnation des salaires réels au Maroc et en Tunisie et leur baisse en Algérie ; ce changement

s’est répercuté par une baisse de la demande solvable sur le marché des biens entraînant une

nécessaire recomposition des activités.

Dans ce contexte, la dimension socio-économique de l’économie informelle prend toute son

importance. En son sein, les laissés pour compte du secteur formel privé trouvent des réponses à

leurs besoins sur le marché des biens et sur le marché du travail. Le marché des biens leur assure

une offre de biens et services à coûts réduits qui se substitue partiellement à l’offre de biens

officiels. Sur le marché du travail, l’offre croissante de travail déclaré et non déclaré est

confrontée à une demande décroissante de travail déclaré (de la part du secteur officiel) et se

tourne vers le marché du travail informel qui absorbe une partie importante de l’excédent de

main d’œuvre.

La microentreprise constitue alors un outil privilégié pour encourager l’initiative privée et l’esprit

entrepreunarial et pour concrétiser les objectifs nationaux en matière de développement, de

création d’emplois et de génération de revenus. Elle devient un outil prisé par les Etats des pays

en développement pour faire face aux chocs d’offre (croissance de la population active) et de

demande (stagnation des revenus) et aide, de ce fait, à la résorption d’une partie de l’excès de

main d’œuvre et à la génération de revenus.

Une priorité des instances dirigeantes aujourd’hui est d’aider à créer des emplois et seul le secteur

informel semble être capable d’y répondre d’une manière satisfaisante. La crise et les PAS ont

induit une nouvelle perception de ce secteur et ont canalisé un effort d’analyse et d’étude dans un

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Introduction Générale but d’instaurer des mécanismes d’aide et de promotion. Les réponses aux besoins des

microentrepreneurs maghrébins sont diversifiées mais les besoins sont les mêmes dans les trois

pays : le financement apparaît souvent parmi les problèmes les plus cités.

Si les microentreprises concentrent un ensemble d’avantages qui en font une solution privilégiée

pour réduire le chômage et la pauvreté, et si le financement constitue un de leurs principaux

problèmes, une meilleure connaissance de la structure de capital de ces unités semble un préalable

logique à toute formulation de politiques qui visent à les aider et à les promouvoir. Nous nous

proposons d’analyser cette structure de capital, en amont et en aval, et d’étudier la pertinence du

microcrédit comme solution pour le financement des microentreprises. Nous exploitons

plusieurs types de données primaires (enquêtes directes) et secondaires : un échantillon de

microentrepreneurs d’une enquête originale sur l’économie informelle en Algérie, une enquête sur

un échantillon de clientes d’institution de microcrédit (IMC) marocaine, ainsi que les états

financiers sur trois ans des cinq IMC maghrébines les plus importantes.

La microentreprise est une constante du contexte économique des pays en développement et

même développés. Pour la caractériser et la différencier des autres agents plusieurs définitions,

caractéristiques ou typologies (…) ont été adoptées. Nous abordons ces unités économiques sous

l’angle de la spécificité de leur structure de capital. En effet, nous considérons que la distinction

entre une microentreprise et une PME (par exemple) réside dans la structure du capital qui est

appréhendée en amont ainsi qu’en aval de l’activité des microentreprises. En amont, la

question qui se pose est : comment et où se procurer ce capital ? En aval, la question qui se pose

est : comment rationaliser la gestion de ce capital ? Ces deux aspects doivent être traités et sont

fortement dépendants de l’environnement institutionnel dans lequel évolue la microentreprise.

Le chapitre 1 est consacré à identifier les spécificités de ces cadres institutionnels dont l’influence

sur le développement de la microentreprise ressort d’une analyse comparative des données

agrégées macroéconomiques, socio-démographiques et réglementaires.

A première vue, les trois pays maghrébins paraissent semblables de part les caractéristiques

géographiques, culturelles ou historiques communes ; or l’ensemble peut se différencier en deux

groupes selon qu’on considère les conditions socio-économiques, la structure de l’économie ou le

degré de libéralisation institutionnelle. C’est ce qui nous a incité à entamer ce travail de

comparaison.

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Introduction Générale S’agissant des conditions socio-économiques, le Maroc et l’Algérie se distinguent par un niveau

important de pauvreté qui s’est aggravé entre les années 1980 et 1990, assorti par des taux de

chômage frôlant 25% au Maroc et atteignant 30% en Algérie en 2000, alors que la Tunisie est

affectée d’un taux de chômage et de pauvreté moindre.

S’agissant de la structure de l’économie , nous distinguons d’un côté le Maghreb touristique,

exportateur de produits transformés (principalement du textile) et de services constitué par le

Maroc et la Tunisie et, de l’autre, le Maghreb exportateur de produits primaires (hydrocarbures)

composé par l’Algérie. La spécialisation du Maroc et de la Tunisie dans les produits manufacturés

et les services explique la croissance des microentreprises qui, contrairement aux microentreprises

algériennes, s’adossent à une activité existante ou à une demande induite. En effet, les secteurs du

tourisme et du textile engendrent une demande de produits intermédiaires qui relève de la sous-

traitance et participe à la création de microentreprises plus prospères. Ce n’est pas le cas du

secteur des hydrocarbures, peu créateur d’emplois, demandeur de compétences élevées et

spécifiques, et ne recourant pas à la sous-traitance.

S’agissant du degré de libéralisation institutionnelle, les deux groupes se subdivisent autrement :

d’une part, la Tunisie avec une option interventionniste – dirigiste et l’Algérie qui garde une

certaine rigidité institutionnelle depuis la période de l’économie dirigée et, de l’autre, le Maroc

avec une option beaucoup plus libérale. Ces options se reflètent, entre autres, dans le degré de

libéralisation du système financier et bancaire où le Maroc possède le système financier le plus

diversifié et dynamique ainsi que dans la législation du travail et surtout son degré d’application

positivement corrélé au niveau de contrôle ; sur cet aspect également, le Maroc se distingue par

une plus grande flexibilité alors que la Tunisie se distingue par un système de contrôle rigoureux,

mais s’exerçant dans un cadre institutionnel adapté aux microentreprises.

Malgré la prévalence des mêmes opportunités économiques pour les microentreprises dans les

deux pays, nous constatons que l’emploi informel est plus important au Maroc qu’en Tunisie. Il

n’y aucune raison de penser que les microentreprises soient différentes entre les pays ou que les

microentrepreneurs marocains soient plus rationnels que leurs pairs tunisiens. Nous imputons

cette différence au caractère flexible et accommodant du cadre institutionnel marocain. Un cadre

flexible donne une plus grande marge de manœuvre aux microentreprises pour s’adapter aux

chocs ou aux fluctuations en choisissant de se conformer totalement, partiellement ou pas du

tout aux règles selon leurs conditions, leurs opportunités et leurs contraintes du moment.

L’adaptation aux conditions réglementaires fait partie des stratégies de réduction des coûts des

microentreprises et constitue un de leurs principaux avantages comparatifs. Cette adaptation est

facilitée par la segmentation de l’économie qui semble favorable à la microentreprise sur le

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Introduction Générale marché du travail (baisse des coûts du fait de la prédominance du travail non-salarié et non

protégé) et sur le marché des biens et services (opportunités de sous-traitance) mais s’avère

défavorable sur le marché du crédit (absence de financement bancaire en faveur des

microentreprises).

La revue de littérature montre qu’il y a un nombre limité de travaux empiriques traitant de

l’économie informelle au Maghreb et que la synthèse de ces travaux, déjà anciens, est limitée à

deux ouvrages : Bernard, [1991] et Morrisson [1994] qui ont opté pour une approche réelle qui ne

prend pas en compte (ou très peu pour le cas de Morrisson [1994]) le financement dont l’enjeu

nous semble fondamental. De plus, ces travaux ne sont pas récents : les données de Bernard

[1991] datent de la fin des années 1980 et celles de Morrisson [1994] du début des années 1990.

Pour notre part, nous nous appuyions sur le cadre institutionnel qu’ils ont étudié ainsi que sur

leurs données pour mesurer l’évolution des indicateurs en y comparant les données que nous

avons utilisées qui datent de la fin des années 1990 et du début des années 2000.

En se situant dans le cadre de la théorie microéconomique, et comme toute entreprise, la

microentreprise cherche à maximiser son profit. En admettant que le profit est dépendant de

facteurs externes à la microentreprise, son opération de maximisation revient à minimiser ses

coûts. Deux questions se posent et s’articulent à ce stade de la recherche : quelles sont les

spécificités et les caractéristiques de la microentreprise ? Et comment se comporte t-elle dans un

environnement caractérisé par une double segmentation sur le marché du travail et sur le marché

du crédit ? Le deuxième chapitre définit l’unité d’analyse et le troisième chapitre aborde les coûts

et les méthodes appliquées pour les minimiser.

Le chapitre 2 est consacré aux spécificités de l’unité, cadre de réalisation de l’opération de

minimisation des coûts. En étudiant des enquêtes nationales maghrébines depuis les années 1980,

nous remarquons que les termes microentreprise et unité informelle sont présentés comme

interchangeable. Ceci nous a incité à examiner la définition de chacun de ces deux concepts et la

littérature qui y est consacrée pour déterminer quelle unité de mesure adopter pour l’analyse des

coûts. Pour la définition de la microentreprise, des critères d’appartenance au secteur informel

sont utilisés ; on observe cependant que le critère de taille est souvent corrélé avec des

caractéristiques propres aux unités informelles. Pour la définition de l’unité informelle, il y a une

multitude de critères (pris seuls ou combinés) qui tendent à être harmonisés par la définition du

Bureau International du Travail de 1993 et pour lesquels un critère de taille est souvent utilisé.

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Introduction Générale Ces définitions qui s’entremêlent font que les deux concepts se recoupent mais ne se recouvrent

pas totalement.

Nous avons testé la congruence entre des unités de petite taille et des unités informelles à travers

l’analyse multidimensionnelle de données individuelles d’un échantillon de ménages, employeurs

et travailleurs à compte propre qui ont été enquêtés en 2000-2001 en Algérie.

On pouvait s’attendre à ce que la distinction entre formels et informels soit claire et que les

caractéristiques et les comportements soient nettement différentiables : d’un côté, les

microentreprises (moins de 10 actifs) informelles ayant un comportement informel sur le marché

des biens et services et recourant à un financement informel et, de l’autre, des entreprises (plus de

10 actifs) formelles dans leur comportement et leur mode de financement. Nos résultats récusent

une vision étroite du dualisme. D’une part, l’analyse discriminante montre que les informels,

autant que les formels, (au chapitre suivant) ont un comportement mixte : formel et informel ; on

ne peut pas les dissocier en nous basant sur leur comportement. D’autre part, la dissociation ne

peut pas non plus reposer sur un critère de taille mais sur la conjonction de plusieurs critères

(tenue de la comptabilité, respect des règles socio-fiscales, structure de la main d’œuvre…).

Dans la mesure où les microentreprises pâtissent du dualisme financier prépondérant, sont

évincées par les banques et disposent de ressources financières limitées, elles se doivent de

rationaliser la gestion de leurs charges par des stratégies de réduction des coûts qui font l’objet du

chapitre 3.

Dans cet environnement (étudié au chapitre 1), l’objectif rationnel de toute unité économique est

de maximiser son profit et de réduire ses coûts. Nous nous intéressons à la structure des coûts

des microentreprises et aux stratégies de minimisation.

Au regard de l’environnement fluctuant et du contexte instable, les microentreprises doivent

avoir les moyens de réajuster leurs charges en cas de chute de la demande. Il est donc vital pour

elles d’avoir des coûts flexibles à la baisse. La stratégie adoptée consiste d’une part à minimiser la

part des coûts fixes dans le coût total et d’autre part à baisser les coûts totaux au maximum. Les

coûts fixes sont essentiellement constitués des coûts de la main d’œuvre et des coûts d’achat,

d’entretien ou de location des immobilisations (locaux et équipements). Les coûts relatifs à la

main d’œuvre étant les plus facilement compressibles, l’employeur doit pouvoir y procéder soit

par la réduction de la rémunération du travail ou du temps de travail. En adoptant une stratégie

d’embauche favorisant les non-salariés et offrant des emplois précaires, sans contrat et faiblement

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Introduction Générale rémunérés et en profitant des opportunités assurées par la segmentation du marché du travail et

le cadre institutionnel - leur capacité à se soustraire au paiement des impôts et des charges

sociales -, les microentreprises maghrébines réduisent le risque inhérent à une fluctuation

soudaine et importante de la demande qui pourrait induire une disparition.

Ces coûts (ainsi identifiés et minimisés) correspondent à un besoin financier spécifique qui

dépend du type de l’activité, du secteur et du cycle de vie de l’entreprise. Le chapitre 4 porte, du

point de vue de la demande exprimée, sur la structure de financement des microentreprises à

travers une analyse comparative en coupe instantanée entre les trois pays, au début et à la fin des

années 1990. La comparaison soulève des problèmes d’ordre méthodologique sur le degré de

comparabilité. Compte tenu des précautions nécessaires à tout exercice de comparaison dont

l’unité d’analyse de référence (microentreprise versus microentrepreneur) n’est pas uniforme, nous

observons sue cette structure présente une certaine permanence fortement caractérisée par une

faible part de financement d’origine bancaire (asymétrie informationnelle et absence de garantie),

étatique (inefficacité et ciblage sectorisé des aides) ou informel (non adapté au financement

productif) et par la prépondérance des apports en fonds propres (épargne personnelle et prêts de

la famille) à tous les stades de leur cycle de vie.

La quasi-absence des financements bancaires soulève une interrogation sur les raisons pratiques

et théoriques d’une part, du non recours des microentrepreneurs aux banques, et d’autre part, de

la non satisfaction par ces dernières des besoins en crédit et en services financiers des

microentrepreneurs dans le cas où ceux-là font appel à elles. Les banques justifient leurs

réticences à octroyer des prêts aux microentreprises en invoquant la non rentabilité des prêts de

faibles montants au regard des coûts de transaction élevés, le risque important induit par

l’asymétrie de l’information et non couvert en l’absence de cautionnement.

Le financement du besoin de fonds de roulement, qui est un besoin permanent, figure parmi les

premières difficultés rencontrées par les microentrepreneurs.

Le chapitre 5 analyse l’offre de financement des institutions de microcrédit (IMC).

Face à des possibilités de financement qui se réduisent à l’épargne personnelle ou à l’aide de la

famille, il devient vraisemblablement difficile pour les microentrepreneurs de développer leurs

unités. Cependant, en Asie, en Afrique et en Amérique Latine (mais initialement au Bangladesh)

et depuis la fin des années 1970, des dispositifs de microfinance ont expérimenté et développé

des mécanismes innovants pour fournir l’accès au crédit à une population fondamentalement

pauvre et exclue du système bancaire. Ces dispositifs qui se positionnent à un niveau semi-formel

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Introduction Générale (partiellement institutionnalisé) se basent sur des innovations inspirées du marché du crédit

informel pour résoudre les contraintes qu’ont rencontrés les programmes étatiques et que n’ont

pas voulu affronter les banques.

Par delà les aspirations non satisfaites d’une large frange de la population, l’avènement du

microcrédit a été motivé par les échecs des expériences passées des banques étatiques de

développement et un renouvellement des approches en économie du développement.

Considérant l’enjeu du crédit pour le développement, les approches sur le financement ont évolué

d’une vision purement macroéconomique à la nécessité d’assurer les bases microéconomiques de

l’offre de crédit.

Un survey théorique examine les réponses du microcrédit aux réserves énoncées (et explicitées

dans le chapitre précédent) par les banques : l’asymétrie de l’information et les coûts de

transaction. En utilisant l’information privée détenue par les clients, les IMC tentent de maîtriser

le hasard moral et la sélection adverse afin de limiter le risque de non remboursement.

Le microcrédit peut-il être un moyen efficace de financement de la production ? De plus en plus,

se pose la question de l’évaluation de l’action des IMC et des changements qu’elles induisent sur

les bénéficiaires. Dans le chapitre 6, et en premier lieu, nous étudions les approches de

l’efficacité du microcrédit en terme d’analyse et d’évaluation selon les deux principaux courants

de réflexion dans le domaine du microcrédit, institutionists et welfarists, que nous illustrons en

deuxième lieu par deux applications empiriques.

Les institutionists considèrent qu’une IMC efficace est une IMC viable. Ils préconisent la mesure de

l’autosuffisance financière comme principal indicateur de la performance des IMC ; mesurer son

efficacité conduit à mesurer sa viabilité déterminée par son autonomie vis-à-vis des subventions.

Le principal argument est que les IMC doivent être viables pour continuer à servir les clients qui

n’ont pas d’autres possibilités d’emprunts par ailleurs. Ils approximent l’impact d’une IMC par sa

rentabilité (qui conduit à sa pérennité) et prônent l’autosuffisance financière des institutions en

rejetant le recours aux subventions.

La première application empirique conduit à nuancer le point de vue des institutionists et de

montrer que la viabilité ne dépend pas, tout d’abord, de la rentabilité ni de l’affranchissement à

l’égard des subventions. A travers l’étude des états financiers de cinq jeunes IMC maghrébines (au

début des années 2000 et sur une période de 3 ans) et l’établissement de différents ratios de

rentabilité, de dépendance à l’égard des subventions et d’efficience, nous constatons que la

pérennité relève bien plus de l’efficience dans la gestion des ressources (y compris les

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Introduction Générale subventions), qui est une mesure plus conforme au caractère social et solidaire du microcrédit,

que de la recherche de la rentabilité et du non recours aux subventions.

Les welfarists considèrent qu’une IMC efficace est une IMC qui produit un changement positif sur

les conditions de vie des bénéficiaires. Mesurer l’efficacité et justifier l’utilité d’une IMC consiste

donc à mesurer l’efficacité de son action sur les bénéficiaires. Une synthèse des études empiriques

d’évaluation d’impact nous permet d’émettre des hypothèses qui sont testées

économétriquement.

Nous utilisons un modèle Logit sur des données individuelles d’un échantillon de clientes et non-

clientes d’une grande IMC marocaine. Au delà de l’appartenance à l’IMC, il apparaît que la

croissance du revenu des microentreprises des clientes enquêtées dépend aussi du niveau initial

de pauvreté (approximé par la nature du logement et le nombre moyen de personnes à la charge

d’un actif) ainsi que des connaissances managériales (approximées par la tenue d’un registre des

dépenses, le fait que la microentrepreneuse se paye un salaire) et un certain dynamisme

entrepreneurial. (approximé par le nombre d’innovations et d’investissements réalisés, l’exercice

d’une deuxième activité…). Paradoxalement, le niveau d’éducation ou d’alphabétisation

n’apparaît pas comme déterminant dans le renforcement de la probabilité d’occurrence d’un

impact positif.

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CHAPITRE PREMIER

Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

Rationalité économique des microentreprises, adaptation et minimisation des coûts

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines CHAPITRE PREMIER

CADRE SOCIAL, MACROECONOMIQUE ET

INSTITUTIONNEL DES MICROENTREPRISES

MAGHREBINES

Alors que le cadre quasi universel des microentreprises est reconnu (les microentreprises sont une

constante du contexte économique en développement et même développé), et qu’il n’y a aucune

raison de douter de la rationalité d’un microentrepreneur d’Algérie, du Maroc ou de la Tunisie,

qu’est-ce qui pourrait influencer le développement de ces unités ?

Le cadre institutionnel s’avère être un élément d’explication fort.

Malgré les similitudes culturelles, historiques et géographiques, les trois pays apparaissent, au

moins à l’état actuel, divergents sur plusieurs plans. La Tunisie avec un territoire restreint et

moins de 10 millions d’habitants se distingue par son rythme de croissance et de développement

économique et social qui font qu’il est le seul pays à relever clairement de la catégorie des Pays à

Revenu Intermédiaire [Charasse, 2000]. Le Maroc, avec un territoire beaucoup plus étendu -450

000 km²- et 30 millions d’habitants, est plus proche d’un pays de la catégorie des Pays les Moins

Avancés [Porter et Mourji, 1997 ; World Bank, 2001] : sa population rurale figure parmi les plus

pauvres du monde, sa faible et fluctuante croissance économique est assortie de fortes inégalités

de répartition entre les différentes régions, mais aussi à l’intérieur des régions entre le milieu rural

et le milieu urbain [Porter et Mourji, 1997]. Le cinquième de la population vit en dessous du seuil

de la pauvreté. Entre le début et la fin des années 1990, la pauvreté s’est aggravée ; elle est

expliquée, à 84%, par la faible croissance économique et par la croissance des inégalités pour les

16% restants [World Bank, 2001].

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines L’Algérie, qui est cinq fois plus étendue que le Maroc pour le même nombre d’habitants, est

particulière. La forte insécurité et les problèmes de guerre civile auxquels elle a fait face ont freiné

tout effort de développement durant les années 1990. C’est le pays le plus riche en terme de PIB

– l’essentiel de ses revenus est basé sur la seule rente pétrolière – mais qui compte le plus de

pauvres et de chômeurs. Avec des taux de chômage et de pauvreté supérieurs à ceux des deux

pays voisins, une politique sociale inefficace et des problèmes structurels qui entravent la

croissance du pays, l’Etat algérien se trouve devant une entreprise difficile.

La comparaison des trois pays du point de vue, d’une part, de leur cheminement économique et

de l’évolution de leur cadre institutionnel (1.1) et d’autre part, des spécificités des marchés de

l’emploi, des biens et du crédit ainsi que de la place de l’emploi informel (1.2), va éclairer notre

hypothèse à savoir que l’évolution ou la prospérité du secteur informel tient principalement au

cadre institutionnel dans lequel il évolue. Selon qu’il soit restrictif ou permissif, il va permettre à la

microentreprise de comprimer ses coûts en utilisant les avantages comparatifs que la nature

segmentée des marchés lui assure.

Les marchés maghrébins sont segmentés. La théorie dualiste postule l'existence d'une séparation

entre le secteur formel et le secteur informel. Ainsi, l'emploi serait précaire au sein du secteur

informel et serait protégé au sein du secteur formel qui requiert un capital humain plus élevé ; par

conséquent, les revenus du secteur formel seraient supérieurs à ceux du secteur informel. Dans sa

version forte, le dualisme admet peu la possibilité de transfert de flux - réels et monétaires - d'un

secteur à l'autre ; dans sa version faible, la segmentation des marchés n'est pas rigoureusement

étanche.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

1.1 Quelles différences fait-on entre les trois pays ?

Par delà les caractères communs (géographiques, culturels et parfois historiques), les trois pays du

Maghreb ont eu des parcours économiques différents qui transparaissent actuellement sur leurs

situations et politiques économiques respectives ainsi que sur le marché du travail. La Tunisie et

l’Algérie semblent avoir une politique interventionniste alors que le Maroc adopte une option

beaucoup plus libérale ; c’est peut-être la raison d’un développement plus important des

microentreprises au Maroc.

Les conditions de départ des trois pays sont différentes ; nous détaillons en premier les

conditions sociales des populations ainsi que la situation de l’économie ; en plus de la croissance

économique l’étude de la structure des exportations nous renseigne sur les secteurs porteurs qui

sont les principaux pourvoyeurs d’emploi direct ou indirect. Ensuite, nous abordons

l’environnement institutionnel et le degré d’interventionnisme de l’Etat, en supposant qu’un

secteur privé prospère est plus propice au développement des microentreprises par l’instauration

d’un climat favorable ainsi que par les opportunités de sous-traitance. Finalement, nous exposons

les implications des conditions socio-économiques et du cadre institutionnel sur le marché du

travail informel.

1.1.1 Les caractéristiques macroéconomiques et sociales du Maghreb

1.1.1.1 Les caractéristiques sociales

Malgré une population comparable, l’Algérie et le Maroc présentent quelques différences. C’est

aussi parfois le cas de la Tunisie, considérée comme un petit pays de part sa population et sa

superficie comparée à ses deux voisins.

Durant les années 1970, le taux de fécondité est élevé dans les trois pays : en moyenne, une

femme maghrébine avait 6,8 enfants [PNUD, 2001]. Les résultats de cette natalité sont apparus

dès le début des années 1980 et persistent jusqu’à nos jours. D’une part, le Maghreb a une

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines population très jeune ; en effet, la part des moins de 15 ans dépasse 30% dans les trois pays

[PNUD, 2001] et celle des moins de 20 ans approche 50% [Charasse, 2000]. D’autre part, le taux

de population urbaine est en hausse. Il s'agit d'une véritable explosion urbaine causée par un fort

exode rural : 1 personne sur 5 habitait en ville en 1950; en l'an 2015, selon toutes les prévisions, 3

habitants sur 4 résideront en zone urbaine [PNUD, 2001] (Tableau I-1).

Tableau I-1 La population au Maghreb

Pays

Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

Population

Population en millions (1999) 29,8 29,3 9,4 Population en dessous de 15 ans (1999) (2002)

35,5% 33,5%

35,1% 31,8%

30,5% 28,5%

Taux de croissance de la population (1990-99) (1975-2002)

2,2% 2,5%

1,8% 2%

1,6% 2%

Population en millions (2002) 31,3 29,6 9,8 Population urbaine (1975) 40,3% 37,7% 49,8% Population urbaine (1999) 59,5% 55,3% 64,8% Population urbaine (2002) 58,3% 56,8% 63,4% Population urbaine (prévision 2015) 68,5% 65,6% 73,5%

Source : composé par nos soins d’après PNUD [2001, 2004], Banque Mondiale [2000-2001]

L’analphabétisme tend à décroître au cours du temps pour les trois pays. La Tunisie présente le

niveau le plus bas qui est égal à la moitié du taux marocain en 2002 (Tableau I-2). Ce classement

entre les trois pays se retrouve également pour le taux de scolarisation où 75% de la classe d’âge

considérée est scolarisée (primaire, secondaire et supérieur confondus) en Tunisie, 70% en

Algérie et 57% au Maroc (Tableau I-2). On pourrait en déduire qu’il existe un niveau de capital

humain moins important au Maroc par rapport aux deux autres pays.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

Tableau I-2 Alphabétisation et éducation au Maghreb

Pays

Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

Alphabétisation et éducation

Taux d’analphabétisme des adultes (1992) 42,6% 59,4% 37,2% Taux d’analphabétisme des adultes (1999) 33,4% 52% 30,1% Taux d’analphabétisme des adultes (2002) 31,8% 49,3% 26,8% Taux net de scolarisation dans le primaire (1990-91) (2000-01)

93% 95%

57% 88%

94% 97%

Taux net de scolarisation dans le secondaire (1990-91) (2000-01)

54% 62%

- 31%

- 68%

Taux de scolarisation (primaire à supérieur) (2002) 70% 57% 75% Dépenses publiques d’éducation en % du PIB (1990) 5,3% 5,3% 6% Dépenses publiques d’éducation en % du PIB (1999-2001) - 5,1% 6,8% Dépenses publiques de santé en % du PIB (1990-98) 3,3% 1,3% 3%

Source : composé par nos soins d’après PNUD [2001, 2004], Banque Mondiale [2000-2001]

Sur le marché du travail, l’offre s’est donc accrue en raison de l’essor démographique et de

l’urbanisation accélérée par l’exode rural, celui-ci étant moins rapide parce que plus ancien en

Algérie [Benachenhou, 1979 in Adair & Hamed, 2003] qu’au Maroc et en Tunisie. Le rythme

d’accroissement de la population active urbaine surpasse celui de la population pour cause de

baisse de la fertilité ainsi que celui de l’emploi ; il en résulte une augmentation du chômage en

Algérie [Dahmani, 1999 in Adair & Hamed, 2003] comme au Maroc [Lane & alii, 1999 in Adair &

Hamed, 2003], ainsi qu’en Tunisie mais dans des proportions plus faibles.

L’emploi précaire peu qualifié dans les activités manufacturières semble avoir résorbé une partie

du chômage et favorisé, en mettant en œuvre une politique de revenus de transfert, la réduction

de la pauvreté.

Les chômeurs urbains sont de plus en plus jeunes et éduqués dans les trois pays : à titre

d’exemple, en Tunisie, le nombre de primo-demandeurs jeunes et ayant suivi une éducation

secondaire ou supérieure s’élève à 58,5% en 1997 contre 46% en 1994 [ERF, 2002].

La tendance générale du salariat permanent des trois pays est à la baisse. En Algérie, le salariat

permanent décroît au cours des deux dernières décennies (78% des actifs occupés en 1980,

68,8% en 1987, 56% en 1992, 51% en 1998), tandis que le salariat précaire s’accroît cependant

moins rapidement que le travail indépendant [Prenant, 2002 in Adair & Hamed, 2003]. En

Tunisie, le salariat régresse parmi les actifs occupés non agricoles au cours des années 1990 après

avoir progressé depuis la fin des années 1970 (58,6% en 1977 ; 64,4% en 1984 ; 71,5% en 1994 ;

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines 68,7% en 1999) tandis que les indépendants (en particulier les aides-familiaux) augmentent en

proportion (28,5% en 1994 ; 31,3% en 1999) [Sboui in Adair & Hamed, 2003]. Au Maroc, a

contrario, le salariat ne semble pas avoir régressé significativement parmi les actifs occupés non

agricoles au cours des années 1990 : 65% en 1985 ; 61,1% en 2000 ; les indépendants, les aides-

familiaux et les apprentis, les employeurs représentent respectivement 24,3% ; 8,1% ; 3,5%. Le

chômage a cependant augmenté de 15,9% en 1990 à 21,4% en 2000 ; l’exode rural (200 000

migrants par an) est une explication à cet accroissement : les populations migrantes représentent

40% de l’accroissement de la population urbaine [Agénor & El Aynaouni, 2003].

Tableau I-3 Population active et chômage au Maghreb

Pays Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

Population active en millions (1999) 10 11 4 Taux de croissance de la population active (1990-1999) 4% 2,7% 2,8% Taux de chômage urbain 30% (2000) 24% (1999) 15% (2001)

Source composé par nos soins d’après PNUD [2001, 2004], Banque Mondiale [2000-2001]

La pauvreté s’est réduite entre 1985 et 1990 au Maroc comme en Tunisie où elle diminue

respectivement de 21% à 13% et de 11,2% à 7,4% [Eeghen, 1998]. Cependant, au Maroc la

pauvreté s’est à nouveau aggravée et affecte 19% de la population en 1999 (soit 5,3 millions de

personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté) [World Bank, 2001]. La pauvreté au Maroc

est principalement rurale (72%) ; la population rurale figure parmi les plus pauvres au monde et la

population urbaine fait face à un grave problème de chômage. La pauvreté touche les paysans

possédant moins d'un demi hectare de terre, les salariés ruraux ainsi que les auto-employés

urbains actifs dans le commerce, la construction, la réparation et les services aux personnes

[Eeghen 1995 ; Jaidi, 1997]. Le Maroc, classé 115ème, est le dernier des trois pays du Maghreb au

regard de l’IDH [PNUD, 2004] et s’avère proche de la catégorie des Pays les Moins Avancés

[World Bank, 2001].

L’Algérie est le pays le plus riche du Maghreb en terme de PIB mais compte le plus de pauvres et

de chômeurs. La pauvreté est croissante elle affecte 12,2% de la population en 1990 et 22,6% en

1995 [World Bank, 2001] ; le taux de chômage s’élève à 30% [ONS, 2002].

La Tunisie est le seul à relever de la catégorie des Pays à Revenu Intermédiaire [World Bank,

2001].

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

Tableau I-4 Indicateurs de la pauvreté dans les trois pays du Maghreb 1980-1990

Pays

Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

Population en dessous du seuil de pauvreté (années 1980) 12,2% (1988)

13,1% (1991)

19,9% (1985)

Population en dessous du seuil de pauvreté (années 1990) 22,6% (1995)

19% (1999)

14,1% (1990)

Classement IDH (1999) 100ème 112ème 89ème Classement IDH (2002) 108ème 115ème 92ème Population ayant moins de 1$ par jour en PPA (1990) 1,16% 2,49% 2,89% Population ayant moins de 1$ par jour en PPA (1995) 3,6%

(1995)1,3%

(1990-91) 2,9%

(1990)

Population vivant dans la pauvreté humaine 23,5% 39% 20% Nombre de pauvres selon le Head Count ratio (1990) 3 738 000 600 000

Source : composé par nos soins d’après PNUD [2001, 2004], Banque Mondiale [, 2000-2001]

Encadré I-1 Quelques définitions de la pauvreté

Pauvreté monétaire : manque du revenu adéquat le plus faible ou de la capacité d’engager les dépenses correspondantes. C’est donc une mesure de la pauvreté se basant sur le revenu et la consommation. Elle est déterminée par un seuil qui reflète le pouvoir d’achat de biens domestiques. Il est défini par une norme fixe ; le seuil international de la pauvreté est fixé à un dollar par jour [PNUD, 1998] et celui pour les pays à revenus intermédiaires de la tranche inférieure desquels font partie les trois pays maghrébins est à 2 dollars par jour [Banque mondiale, 2001a]. Pauvreté extrême : indigence ou misère, par quoi l’on entend généralement l’incapacité de satisfaire les besoins alimentaires minimaux. Elle correspond généralement à la zone de la seconde moitié en dessous du seuil de pauvreté national. La première moitié est celle relative à la pauvreté modérée. Selon que l'on détermine le seuil de pauvreté internationalement ou nationalement, on parle de pauvreté absolue ou relative. La Banque Mondiale définissait comme pauvres les ménages qui disposent de moins de 1 ou de 2 dollars par jour [Banque Mondiale, 2001a], mais les méthodes de calcul se basant sur les besoins énergétiques journaliers individuels de 2200 calories sont plus adaptées à la réalité de chaque pays. A titre d'exemple, selon cette méthode, le seuil de pauvreté alimentaire pour le Maroc en milieu urbain en 1998-1999 est de 1962 dirhams par an et par personne ; le seuil de pauvreté (qui inclut dans le panier de référence des biens non alimentaires) est de 3922 dirhams [Ajbilou, 2002]. Le taux de pauvreté relative atteint donc 19,1% alors que le taux de pauvreté absolu (en retenant le critère international) ne dépasse pas 2% [PNUD, 2001] Vulnérabilité ou précarité : risque qu’un ménage ou un individu soit victime d’un épisode de pauvreté en terme de revenu ou de santé.

1.1.1.2 La croissance et les exportations

Après la forte croissance du PIB au cours des années 1970, la décennie 1980 accuse une baisse de

ce taux qui s’accentue au cours de la décennie 1990 [Konate, 2002] et reprend un mouvement

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

ascendant avec le début du XXIème siècle. Il est à remarquer la forte croissance économique en

Tunisie qui atteint trois fois et plus les taux de croissance des deux autres pays (Tableau I-5).

Négatif ou très faible depuis le début des années 1990, le taux de croissance en Algérie est devenu

positif depuis 1995. De l’ordre de -2,2% et -0,9% en 1993 et 1994 respectivement, le taux de

croissance a grimpé à +3,9% en 1995 puis à 4% en 1996 grâce à la bonne tenue des prix des

hydrocarbures ainsi qu’à l’appréciation du dollar américain. La structure des échanges est

dominée par l’exportation de produits primaires ; ils constituent la quasi-totalité des exportations

avec une tendance à la hausse entre 1990 et 2002. A contrario, les produits primaires ne sont pas

majoritaires dans les exportations du Maroc et de la Tunisie ; au Maroc ils couvrent la moitié des

exportations de marchandises en 1990 avec une tendance décroissante qui est encore plus

marquée pour la Tunisie qui, avec le Maroc, s’est plutôt spécialisée dans l’exportation des

produits manufacturés ; la proportion a d’ailleurs atteint, en 2002, 82% du total des exportations

tunisiennes de marchandises.

Pour le Maroc, et en comparaison avec les années 1980, le secteur manufacturier est moins

dynamique ; ce ralentissement a également contribué à l’augmentation du chômage et de la

pauvreté en milieu urbain. Le taux de croissance moyen dans ce secteur est passé de 4,5% par an

à la fin des années 1980 à 2,6% dans les années 1990, moins de la moitié de celui d’autres

économies émergentes. Le secteur a également subi une perte de compétitivité dont témoigne

une croissance plus lente des exportations2 : de 14% du PIB (1980) elle est passée à 4% du PIB

(1990) [Banque Mondiale, 2001b]. Ce secteur a repris sa croissance au début des années 2000

(Tableau I-5).

La tendance à l’accroissement des exportations de produits manufacturés au Maroc et en Tunisie

(mais non en Algérie) se concentre dans les branches textile-habillement, tourisme, chimie

(phosphates) et mécanique ; les exportations de produits agro-alimentaires déclinent [Riordan &

alii, 1998]. L’industrie textile et le tourisme représentent respectivement 8% (1990) et 24% (2000)

des exportations du Maroc, 35,3% (1990) et 41% (2000) des exportations de la Tunisie [Konate,

2002]. Le tourisme participe à la hauteur de 7,5% dans le PIB tunisien et de 4,8% dans le PIB

marocain en 1998 ; il est cependant complètement absent de l’économie algérienne. L’artisanat,

en relation étroite avec le tourisme, est présent à l’exportation pour la Tunisie et le Maroc ; en

1994, il a participé à hauteur de 6% du total des exportations en Tunisie et de 1,4% au Maroc

[EUROMEDA, 2004].

2 Egalement due à des pertes de parts de marché au niveau mondial.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines Au cours des décennies 1970 et 1980, les transferts des travailleurs migrants s’élèvent de 2 à 4%

du PNB et atteignent 5,6% du PIB au Maroc en 1998 tandis que les investissements directs

étrangers (IDE) diminuent de 1 à 0,6% du PIB durant ces deux décennies et s’élèvent à nouveau

dans les trois pays au début des années 2000. La libéralisation économique et la modernisation

des cadres institutionnels, la croissance, la disponibilité et le faible coût de la main-d'oeuvre ont

largement favorisé le développement des IDE au Maghreb ces dernières années3. Au Maroc et en

Tunisie, ils concernent les banques, la cimenterie, le textile, les composants électroniques, la

distribution, les centres d'appels… Ils sont cependant polarisés en Algérie sur le secteur des

hydrocarbures, pauvres en créations d’emplois et assurant une croissance volatile [Abdi, 2003].

Tableau I-5 Indicateurs économiques du Maghreb

Pays Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

PIB par habitant (2002) 1785$ 1218$ 2149$ PIB en milliards de $ (1999) (2002)

47,9 55,9

35 36,1

20,9 21

Taux de croissance du PIB (1990-1999) 1,6% 2,3% 4,6% Taux de croissance du PIB par tête (1975-2002) (1990-1999) (1990-2002)

-0,2% -0,5% 0,3%

1,3% 0,4% 0,8%

2,1% 2,9% 3,1%

Structure des échanges Exportations de produits primaires (1990) (en % des exportations de marchandises) (2002)

97% 98%

48% 35%

31% 19%

Exportations de produits manufacturés (1990) (en % des exportations de marchandises) (fin 1990) (2002)

3% 2,8% (1999) 2%

52% 49% (1997) 66%

69% 78% (1998)82%

Exportations de produits de hautes technologies (1990) (en % des exportations de marchandises (2002)

4%

- 11%

2% 4%

Recettes touristiques en % du PIB (1998) 0 (1997) 4,8 7,5% Transferts des travailleurs à l'étranger % du PIB (1998) 2,3 (1996) 5,6 4% Investissements directs étrangers nets (% PIB) (1990) (2002)

- 1,9%

0,6% 1,2%

0,6% 3,8%

Source : FEMISE [2002], PNUD [2004]

3 C’est justement le parachèvement des dispositions législatives, réglementaires et institutionnelles qui conditionne les IDE en Algérie [Al Watan, 2004].

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

1.1.2 Cadre institutionnel et régime économique administré : contraintes et assouplissements

Les pays du Maghreb sont passés d’un modèle économique dirigiste à un système plus libéral ;

mais chacun des trois a adopté son propre rythme en fonction de ses spécificités et de ses

contraintes.

Au lendemain des indépendances4, et du fait du legs colonial, les économies ont été centrées sur

l’exploitation des ressources naturelles (ressources minières au Maroc et en Tunisie et

hydrocarbures en Algérie) ; le fort taux d’analphabétisme des populations et le manque de

personnel qualifié dans le secteur industriel ont consolidé ces orientations.

Les choix économiques qui se sont opérés dans les trois pays à la veille de l’indépendance les ont

conduits sur différents chemins. Ainsi, très schématiquement, la Tunisie a résolument choisi une

politique de libéralisme mesuré après s'être essayée à une politique socialiste-dirigiste et au

collectivisme (de 1961 à 1970) alors que l'Algérie s'est orientée vers une économie administrée,

« une forme populiste de socialisme révolutionnaire » [Konate, 2002] ; le Maroc a voulu entrer dans la

modernité tout en adoptant un modèle autocentré.

1.1.2.1 Secteur public versus secteur privé : la place de l’Etat

L’Etat occupait une place centrale dans l’économie de ces pays durant les années 1960 et 1970 ;

l’administration et les entreprises publiques ont été l’employeur en dernier ressort.

Pendant les années 1970 et 1980, la part des dépenses publiques et des prêts gouvernementaux

dans le PIB s’est élevée en moyenne à 35% du PIB contre une moyenne de 22% pour les pays en

développement [Eken & alii, 1997]. La part des entreprises publiques dans la valeur ajoutée, au

cours de la période 1986-1991, s’élève respectivement à moins de 20% au Maroc, moins de 30%

en Tunisie et plus de 30% en Algérie avec une surreprésentation de l’industrie des hydrocarbures

[Anderson & Martinez, 1998]. Entre 1966-1972 et 1994-2000, le rapport entre les crédits

bancaires au secteur privé et le PIB a plus que doublé en Afrique du Nord dénotant une

croissance financière plus précoce et plus importante que d’autres pays asiatiques et subsahariens

ainsi qu’un certain développement du secteur privé [Guillaumont Jeannenay & Kpodar, 2004].

Malgré les investissements massifs dont elle a bénéficié au cours des années 1970, l’industrie

publique algérienne (hors hydrocarbures) ne représente, ces dernières années, qu’une proportion

4 1956 pour la Tunisie et le Maroc ; 1962 pour l’Algérie.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines très faible du PIB (11 à 13% selon les années). Quant à l’industrie privée, sa contribution est

encore marginale (de l’ordre de 1,4%). Depuis 1990, voire même depuis 1986, l’activité

industrielle enregistre une baisse régulière du niveau de sa production [PNUD, 1999].

En Tunisie, le secteur privé est beaucoup plus développé : durant les années 1990, les entreprises

privées canalisent 60% des investissements (par des entreprises non financières) ; en 1999,

l’investissement privé représente 51% de l’investissement total et 14% du PIB [ERF, 2002].

Au Maroc, l’Etat a entamé une série de réformes (code des investissements, douanes et taxes…),

a réduit le contrôle des prix et a vendu plusieurs de ses entreprises au profit d’investisseurs privés.

Ces encouragements ont augmenté la contribution du secteur privé dans le PIB de 64% (1985) à

73% (1997) ; sa participation dans les exportations a évolué de 60% (1985) à 75% (1995) [ERF,

2002].

1.1.2.2 Du protectionnisme à la libéralisation de l’économie

Les stratégies de développement étaient principalement axées sur l’industrialisation par

substitution des importations conduisant à surprotéger les entreprises publiques par des contrôles

de prix, des politiques de bas taux d’intérêt conduisant à des taux d’intérêt réels négatifs et à des

mesures de restrictions des importations.

Le marché intérieur est protégé par des politiques de nature tarifaire (1960 et 1970) et non

tarifaire (1980) qui réduisent les importations (à travers la hausse des prix résultant des droits de

douane et du rationnement des quantités). Ceci entraîne une réduction des incitations à la baisse

des prix et à l’innovation technologique pour les ménages comme pour les entreprises [Page,

1998].

Tableau I-6 Protectionnisme au Maghreb

Pays Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

Taxations des importations (% des importations) (1998) 10,8% (1999) 13,5% 7,2% Taxes sur les échanges extérieurs (1998) 21,6% (1999) 3,7% 3,3% Recettes fiscales du gouvernement central (1998) 25,9% (1999) 21,2% 25,9% Taux d’intérêt réel (1998) -2,9% (1999) 6,3% 2,9%

Source : FEMISE [2002]

36

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines A partir des années 1980, les économies maghrébines entrent dans un cycle nouveau. L’échec du

modèle algérien basé sur le développement des industries lourdes frappe le pays de plein fouet,

tandis que la Tunisie et le Maroc se trouvent confrontés à une contraction de leurs ressources

rentières qui montre les limites de leur mode d’accumulation et de leur choix de politique

économique.

La crise économique des années 1980 (baisse des prix du pétrole et du phosphate jumelée à une

baisse de la demande des pays européens notamment pour le textile et les produits agricoles) a

donc poussé les pays du Maghreb sur les chemins de la libéralisation. La mise en œuvre des

Programmes d’Ajustement Structurels (PAS) au cours des années 1980 (1983 au Maroc, 1986 en

Tunisie) et l’amorce d’une transition inachevée de l'économie administrée à l'économie de marché

en Algérie (le PAS n’intervient qu’en 1994) se traduisent par un assouplissement du

protectionnisme, la libéralisation des prix, une compression des effectifs des entreprises publiques

et l’amorce d’une privatisation d’une partie de leurs actifs. Les accords de libre-échange de la

Tunisie et du Maroc avec l’Union Européenne, intervenus au milieu des années 1990, ont

accentué l’émergence d’une logique de marché, la privatisation d’une partie des entreprises

publiques et le développement du secteur privé. La privatisation partielle du capital des

entreprises publiques, au cours de la période 1988-1993, représente respectivement plus de 25%

en Tunisie et plus de 10% au Maroc [Anderson & Martinez, 1998].

Le désengagement des Etats maghrébins et l’encouragement du secteur privé est également

visible à travers des réformes touchant aux douanes (baisse des tarifs douaniers au Maroc et en

Tunisie, simplification des procédures), à l’amélioration des infrastructures, à l’instauration de

programmes étatiques pour la restructuration des entreprises et au renforcement de leur

compétitivité (à l’image du programme de mise à niveau tunisien qui a permis l’accroissement des

exportations de ces entreprises de 45% et l’emploi de 21% [ERF, 2002]).

1.1.2.3 Une timide libéralisation du secteur bancaire

A l’image de plusieurs pays en développement, le marché financier maghrébin est dominé par le

secteur bancaire ; les institutions non bancaires malgré leur diversification, surtout au Maroc, sont

37

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

peu nombreuses et les bourses de valeurs mobilières peu actives (à l’exception du secteur boursier

marocain5).

Les banques algériennes et marocaines sont sur liquides : les premières ne distribuent que 45% de

leur dépôt contre 65 à 70% pour la Tunisie et le Maroc [Ben Abdallah, 2003] ; au Maroc, les

ressources disponibles dans le secteur financier organisé sont nettement supérieures à la demande

satisfaite de crédit bancaire6 : ce déséquilibre s’explique par la faiblesse de la demande mais aussi

par les conditions de l’offre de financement (coût élevé du crédit, maturité, garanties exigées...)

[DE, 1999].

Le poids de l’Etat reste déterminant, même si au Maroc et en Tunisie, il a commencé à se

désengager au profit d’investisseurs privés, nationaux et étrangers. Le financement de l’activité est

caractérisé par la prépondérance de l’emprunt public à l’exception de la Tunisie, où la présence de

l’Etat se manifeste à travers la détention du capital ; à la fin des années 1990, l’Etat tunisien

détient plus de la moitié du capital du secteur bancaire. Malgré la libéralisation du secteur et

l’ouverture du capital des banques, le système bancaire reste très contrôlé par l’Etat.

En Algérie, l’Etat est encore plus présent sur le marché financier : le système bancaire est

essentiellement dominé par quatre banques publiques (BNA, BEA, BADR, CPA) qui ont

commencé l’assainissement de leurs portefeuilles depuis 10 ans7 dans la perspective d’une

libéralisation du secteur qui n’a pas encore eu effectivement lieu. En 1999, l’Etat détient 100%

des actifs bancaires [ERF, 2002]. Les banques privées, plus efficaces, ont des périmètres d’action

étroites et de ce fait occupent une part très marginale sur le marché bancaire ; la faillite de Khalifa

Bank a renforcé l’aversion des intervenants par rapport aux banques privées.

Le crédit au secteur privé est presque insignifiant (Tableau I-7) du fait de la planification centrale

et de l’encadrement administratif qui ont fortement imprégné le fonctionnement et les activités

des banques, quasiment limitées aux encaissements – décaissements [Ben Malek, 1999].

5 En 1998, la capitalisation boursière était de 42,5% du PIB, un taux comparable au 42,7% de la méditerranée européenne (Espagne, France, Italie) [FEMISE, 2002]. 6 L’économie marocaine est relativement sous endettée, les crédits à l’économie représentant 33% du PIB contre 80% en France [Tritah et Maman, 1998]. 7 Cette dynamisation a été amorcée par la loi de 1990, relative à la monnaie et au crédit.

38

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines Incontestablement, le marché financier marocain est le plus diversifié, libéralisé et dynamique du

Maghreb8. Au Maroc, la politique monétaire était répressive avec des taux d’intérêt fixés à un

niveau artificiellement bas ainsi qu’un encadrement sélectif du crédit [Porter & Mourji, 1997] ;

Suite à la loi de 1993 et la libéralisation partielle puis totale des taux d’intérêt, l’organisation et le

fonctionnement du système bancaire sont modernisés.

La présence de l’Etat dans le secteur bancaire s’est drastiquement réduite avec les privatisations

totale de la BMCE et partielle de plusieurs autres banques ; à la fin de 1998, l’Etat ne détient plus

que 27% du capital du secteur. Presque toutes les formes d’intervention directe de l’Etat ont été

progressivement éliminées et le cadre réglementaire a été modernisé.

Le crédit au secteur public est en diminution (Tableau I-7) en faveur du crédit privé qui a

augmenté significativement de 25% du PIB en 1993 à 48% en 1998 [Banque Mondiale, 2000-

2001]. Cependant, l’Etat continue à être le principal bénéficiaire des prêts à moyen et long terme

au détriment du secteur privé.

Tableau I-7 Indicateurs financiers du Maghreb

Pays Indicateurs

Algérie Maroc Tunisie

Part des dettes publiques dans le total des dettes domestiques (1980-1985)

30% 60% 15%

Part des dettes publiques dans le total des dettes domestiques (1990-1993)

>50% >50% >10%

Crédit domestique fourni par le secteur bancaire (PIB) (1998) 42,9% (1997)

83,8 67,8% (85% en 1990)

Part des crédits à court terme dans les crédits bancaires totaux(1991-1992)

85% 80% 60%

Crédit au secteur privé (1998) 5,2% (1999)

50,1% 65,4%

Capitalisation boursière (1998) 0 42,5% 12,2% (1997)

Taux d’intérêt réel (1998) -2,9% (1999)

6,3% 2,9%

Inflation (1999) 2,6% 0,6% 2,7% Part des actifs publics dans le total des actifs bancaires (1999) 100% 30% 55%

Source : Anderson & Martinez [1998], FEMISE [2002], PNUD [2004], ERF [2002]

Le dynamisme du secteur bancaire et financier marocain a profité à des innovations financières

comme le microcrédit. L’engouement pour ces initiatives au Maroc apparaît non seulement du

8 Ce dynamisme a ouvert la porte à l’institutionnalisation (loi de 1999) du microcrédit et à son intégration dans le système financier.

39

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

côté des pouvoirs publics dans le contexte de la création d’un cadre réglementaire qui encadre et

aide mais aussi à travers l’adhésion des populations : le nombre de clients actifs a été multiplié par

10 entre 1997 et 1999 [Brandsma & Hart, 1999 ; Duval, 2001]. C’est pour cette raison que nous

avons axé notre étude des effets du microcrédit sur le cas marocain9.

1.1.3 Un marché du travail spécifique : les facteurs de l’évolution de l’emploi informel

Les spécificités sociales, macroéconomiques et institutionnelles détaillées plus haut laissent

présager d’un environnement plus propice au développement des microentreprises au Maroc et

en Tunisie qu’en Algérie. Le niveau de pauvreté et de chômage, la croissance économique,

l’ouverture, le développement des industries manufacturières sont autant de facteurs qui

participent à l’essor de l’emploi informel. Le Maroc, en plus de ces caractéristiques partagées avec

la Tunisie, détient un niveau de pauvreté et un degré de libéralisation importants. Nous avançons

que l’ensemble de ces caractéristiques fait que, parmi les trois pays, c’est au Maroc que l’emploi

informel est le plus développé. Dans cette section nous illustrons cette hypothèse et en même

temps, nous étudions la causalité entre cadre institutionnel et développement de l’emploi

informel. Nous nous attachons en premier lieu à identifier les secteurs et les acteurs de l’emploi

informel dans les trois pays ainsi que l’importance de la place de l’emploi informel dans l’emploi

total. Ensuite, nous étudions la réglementation socio-fiscale ainsi que son degré d’application par

les microentrepreneurs. A ce stade de l’analyse, nous remarquons que le pays où l’emploi

informel est le plus développé (le Maroc) est bien le pays où les réglementations socio-fiscales

sont les moins appliquées. Le cadre institutionnel n’étant pas le seul facteur influençant

l’expansion de l’emploi informel ; nous abordons, en dernier les facteurs conjoncturels et

structurels de son évolution.

9 Cf. Chapitre sixième.

40

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines 1.1.3.1 L’emploi informel : secteurs, acteurs et portée

Depuis la fin des années 1970, la plupart des études font ressortir que pour l’emploi informel

urbain, sont principalement concernées, d'une part, les branches d'activité employant une main

d’œuvre salariée nombreuse et peu protégée (bâtiment, textile-confection-cuir, transport) dont

l'activité peut être de caractère saisonnier ou régulier, d'autre part, les branches d'activité

employant une main d’œuvre non-salariée (services, dont réparation et commerce de détail).

Trois catégories d'actifs non agricoles sont impliquées : les indépendants et associés (employeurs

et à compte propre), les salariés (réguliers et occasionnels) et enfin les aides familiaux (non

rémunérés) et les apprentis.

En Algérie, la part du secteur informel dans la population active occupée non agricole s’élève à

25,4% (ou 25,6%) en 1985 et se répartit entre la production - industrie et bâtiment - (25,8%), le

commerce et les services (74,2%) [Charmes, 1990a; 1990b, p 28 & 30, in Adair & Hamed, 2003].

Au Maroc, la part de la population active non agricole non-salariée s’élève en 1982 à 32,8% de

l’emploi total (non agricole). La part de l’emploi informel dans l’emploi total (non agricole)

représente 56,9% et se répartit entre la production (51,7%), le commerce (23,3%) et les services

(23,7%) [Charmes, 1990a, pp 21-22 & 29, in Adair & Hamed, 2003].

En Tunisie, l’emploi informel représente 36,1% de l’emploi total (non agricole) en 1980 et se

répartit entre la production (54,7%), le commerce (23,8%) et les services (21,5%) [Charmes,

1990a, pp 21-22 & 29, in Adair & Hamed, 2003].

41

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines Graphique I-1 Part de l’emploi informel dans l’emploi total dans les 3 pays – années 1980

25,40%

56,90%

36,10%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Algérie (1985)*Maroc (1982)Tunisie (1980)

Composé par nos soins d’après Charmes [1990a et 1990b]

Graphique I-2 Répartition sectorielle de l’emploi informel dans les 3 pays – années 1980

74,20%

23,70%21,50%

Services Tunisie (1980)Maroc (1982)Algérie (1985)*

23,30%23,80%

Commerce

25,80%51,70%

57,40%Production

Composé par nos soins d’après Charmes [1990a et 1990b] * Pour l’Algérie, les secteurs du commerce et des services sont confondus.

La comparaison des trois pays dans les années 1980, selon des sources entreprises, fait ressortir

des différences et des traits communs. La différence tient à l’ampleur respective de l’emploi

informel qui est plus importante au Maroc (56,9%) qu’en Tunisie (36,1%) et beaucoup plus faible

en Algérie (25,4%).

42

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

el) dans le

condaire à l’emploi total soit sensiblement le même dans les trois pays : 40% au Maroc et en

Algérie, 44,3% en Tunisie ; la part de l’emploi informel dans l’emploi total du secondaire est

va s

ac aroca ecte du bâ i eux

sont informels.

a part l’ l d to e

rc vices) e rieure à 50% une faible productivité du travail, 57,4% des

an mmerce services en sont informels, 63,8% en Algérie, 79% au

dû à l’in ce de barrière trée : faible investissement initial, absence de

machine, possibilité de vente ambulante… [Adair & Hamed, 2003].

mage et de l’emploi informel

Pays Taux de croissance annuel Taux de chômage

national Taux d’emploi dans le secteur informel

(actifs occupés non agricoles)

D’un point de vue sectoriel, bien que le rapport de la part de l’emploi (formel et inform

se

riable : 70,5% au Maroc, 42,2% en Tunisie, 15% en Algérie. A titre d’illustration : 40% de

tifs m ins sont employés dans le s ur de l’industrie et ti mment et 70,5% par

L prépondérante que représente emploi informe ans l’emploi tal du tertiair

(comme e et ser st supé : malgré

actifs d s le co et les Tunisie

Maroc. Ceci est existen s à l’en

Le tableau suivant compare ces caractéristiques au cours des deux dernières décennies.

Tableau I-8 Tendances de la population active, du chô

par tête Population active AnnéesPNB1980-1993 1980-1995 1990 Années 1980 Années 1990

Algérie -0,8% 3,8% 20,5% 21,4% 25 ,4% Maroc 1,2% 2,6% 12,0% 56,9% -

Tunisie 1,2% 2,8% 16,8% 36,0% 39,3%

Source : Charmes [2002]

L’évolution du taux d’emploi dans le secteur informel entre les années 1980 et 1990 va dans le

sens de la hausse, avec une croissance plus soutenue en Algérie (18,5%) qu’en Tunisie (9,1%).

A la fin des années 1990, le secteur informel occupait 21,6% du total des actifs occupés non

agricoles en Tunisie et 39% au Maroc [INS, 1997 ; DS, 2003].

1.1.3.2 La réglementation socio-fiscale

La fiscalité est souvent la réglementation que l’Etat fait appliquer le plus sérieusement et c’est

celle qui est la plus coûteuse pour l’entreprise. Elle induit une caractéristique majeure du secteur

informel, facteur explicatif de sa pérennité, et qui tient au contournement des normes légales et

43

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

scales [Maldonado, 1995]. Les microentrepreneurs émettent plusieurs raisons au non respect des

de sa perception négative de la réglementation ; en dernier lieu,

de traitement, salaire, rente, pension, avantage en nature

nissad, 1993 ; Ministère

rvices et à 900 000 dinars dans la production. Dans une

fi

normes socio-fiscales : en premier lieu, ils évoquent la faiblesse du revenu qui ne leur permet pas

de s'acquitter des obligations sociales et fiscales ; en second lieu, l'activité informelle procéderait

de l'ignorance de l'entrepreneur et

le respect ou le non-respect des normes par l'entrepreneur résulteraient d'un comportement

rationnel fondé sur le calcul de son coût d'opportunité.

L'analyse des deux enquêtes entreprises en Algérie et en Tunisie au début des années 1990

[Benissad, 1993 ; Ben Zakour & Kria, 1992] montre que la rémunération du travail est inférieure

au salaire minimum et que la durée du travail est supérieure à la durée légale; la réduction du coût

horaire du travail apparaît comme un avantage comparatif caractéristique du secteur informel

[Adair, 2002a].

C’est en Algérie que la pression fiscale est la plus lourde : 90% des microentrepreneurs payent au

moins un impôt et beaucoup en payent deux ou trois ; les charges fiscales grèvent lourdement

leurs revenus [Morrisson, 1995].

Le système fiscal est le même quelle que soit la taille ou le statut juridique de l’entreprise et

impose le paiement de quatre impôts différents : l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) a un

taux de 25% à 45% du total des bénéfices selon la forme juridique de l’entreprise ; son taux

général a été ramené à 38% par la loi des finances de 1994 ; le versement forfaitaire sur les salaires

(VF) de 6% des sommes payées au titre

(…) ; la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) au taux de 2,55% du chiffre d’affaires et la taxe

foncière qui se chiffre à 40% de la valeur locative du bien immobilier [Be

des Finances, 2004]. Il y a cependant des dispenses allant de 3 à 10 ans exonérant les entreprises

exportatrices, les entreprises implantées dans des zones déshéritées, touchant des activités

prioritaires ou les investissements du secteur du tourisme. Le contribuable a, néanmoins, le choix

entre le régime de l'évaluation administrative, du forfait et le régime du réel lorsque son chiffre

d'affaires annuel est inférieur à un certain seuil, comme c'est le cas pour les microentreprises. Ce

seuil est fixé à 600 000 dinars dans les se

interview, l’actuel ministre de la PME et de l’artisanat (Mr Mustapha Benbada) a annoncé une

prochaine adaptation du système fiscal à la PME et notamment à la microentreprise. Il a

également annoncé que la loi de finances de 2004 devrait comporter des allègements du VF à 2%

et de la TAP à 2% [Eco Mitidja, 2004].

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

s travailleurs.

n Algérie, les contrôles sont fréquents et les sanctions en cas de fraude, lourdes. S’il est vrai que

e libéralisation, ce pays

au régime de la

curité sociale (CNSS) est obligatoire ; elle concerne tous les microentrepreneurs, indépendants

Les cotisations sociales, obligatoires, s’élèvent à 29% de la masse salariale dont 24% sont à la

charge des employeurs, le reliquat étant pris sur le salaire de

E

la sanction se limite à 10% du montant des impôts dus en cas de retard de paiement, elle s'élève

en revanche à 25% sur le défaut de déclaration suffisant de l'assiette imposable ; ce taux atteint,

exceptionnellement, 100% dans les cas de manoeuvre frauduleuse, toujours difficiles à établir. En

cas de non règlement des impôts dus et des pénalités qui lui sont rattachées, l'administration

fiscale peut saisir le fonds de commerce.

Les employeurs déclarent respecter le salaire minimum (53,8%) mais non la durée légale du travail

(54,4%), être affiliés aux organismes sociaux (quasi-totalité) mais ne déclarent pas ou pas la

totalité de leurs employés (54%) [Benissad, 1993]. Le poids des impôts est souvent jugé excessif

par les microentrepreneurs algériens qui la payent en majorité. Morrisson [1995] juge ce système

conforme à l’étatisme de l’Algérie : malgré les efforts d’ouverture et d

garde des rigidités de l’époque de l’économie administrée.

En Tunisie, et jusqu’en 1981, la microentreprise était soumise à la même réglementation que les

grandes entreprises. Depuis, des exonérations, des dérogations ou des amendements ont été

ajoutés en faveur de la petite entreprise. La pression fiscale en Tunisie parait la plus légère du

Maghreb car les microentrepreneurs payent une taxe forfaitaire sur le chiffre d’affaire (CA), la

patente, déterminée en fonction de la nature de l’activité et de l’importance du CA annuel qui se

situe entre 15 000 et 30 000 DT, à payer quand l’activité est bien lancée (exonération de 5 ans)

[Morrisson, 1995]. La patente est requise pour toute opération avec l’Etat (inscription à la CNSS,

transaction avec une entreprise étatique ou partiellement étatique…) ce qui la rend indispensable

pour la bonne marche de l’activité. A la patente s’ajoute une taxe municipale ayant le même

caractère obligatoire et égale à 25% du montant dû au titre de la patente.

Le marché du travail en Tunisie est bien réglementé : existence d’un salaire minimum, durée

légale du travail, négociations salariales collectives, lois pour organiser le licenciement10 et

l’embauche (…) ; cependant le marché est plus flexible qu’il ne le parait ; ces réglementations ne

sont totalement appliquées que dans le secteur formel. Néanmoins, l'affiliation

et même ambulants. Ils doivent s'y inscrire et inscrire leurs salariés dans un délai d'un mois à

partir du début d'exercice de l’activité. A défaut, tout contrevenant s'expose à des poursuites

10 Sur un échantillon de 12 pays en développement (Asie, MENA & Amérique Latine), et en ce qui concerne la rigidité de la réglementation des licenciements, les législations marocaine et tunisienne sont parmi les plus rigides [World Bank, 2003].

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

sommes exigées sont élevées est absent.

torielles qui justifient le non-paiement de la

atente. La microentreprise est soumise en plus de la patente aux impôts professionnels : l’impôt

civiles. Pour tout retard de paiement, l'affilié risque une amende calculée en pourcentage des

cotisations, et multipliée par le nombre de jours de retard. Le taux de cotisation est fixé à 23,75%

dont 16% à la charge du patron et 7,75% à la charge du salarié [CNSS, 2004]. Les charges sociales

sont assez lourdes et sont équivalentes à la masse salariale d’où la prévalence de la déclaration

partielle de la part des microentrepreneurs : uniquement 15% des microentrepreneurs enquêtés

respectent strictement la CNSS, la majorité (61%) la respecte partiellement ; la durée légale du

travail n’est respectée que dans 60% des cas [Ben Zakour & Kria, 1992]. Les charges fiscales (la

patente) sont respectées par la quasi-totalité des microentrepreneurs ; pour les rares

contrevenants, le motif selon lequel les

Les autorités sont plus souples à l’égard des microentreprises au regard de l’application des

obligations socio-fiscales mais les contrôles ne sont pas exclus [Ben Zakour & Kria, 1992] ;

l’application de la réglementation s’est d’ailleurs accentuée depuis le début des années 1990

[Marniesse & Morrisson, 2000]. Le retard dans le versement des impôts, le versement de sommes

insuffisantes (sous déclaration, double comptabilité) entraîne pour les contrevenants, à partir de la

date limite légale de versements des impôts, une pénalité de 1,25% par mois ou fraction de mois

de retard. Ces sanctions sont plus sévères et progressives en cas de récidive ; elles sont

généralement perçues par les microentrepreneurs comme sévères. La fréquence dépend du

secteur d’activité ; par exemple, pour le secteur de la restauration les contrôles pour le respect de

l’hygiène peuvent être hebdomadaires et incitent les microentrepreneurs au respect de toutes les

obligations, quelle que soit leur nature.

Au Maroc, toutes les activités industrielles, commerciales, de services ou professions libérales

sont soumises à la patente dont le montant est calculé sur la base de la valeur locative des

établissements. Ce montant est variable ; il comporte une taxe de 5 à 30% (établie selon la valeur

locative des locaux) et une taxe variable déterminée par les éléments caractéristiques de chaque

profession. La législation marocaine nourrit une tolérance vis-à-vis des microentreprises soit par

l’absence de contrôle ou l’adoption d’exonérations sec

p

sur les sociétés (IS) et l’impôt général sur le revenu (IGR). Les obligations fiscales sont respectées

par le quart des microentrepreneurs marocains, avec une disparité entre les entreprises localisées,

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

s ambulants et les activités à domicile11 [DS, 2003]. Ceux qui ne payent pas d’impôts invoquent

'affiliation à la CNSS est obligatoire pour les entreprises et leurs salariés dans les secteurs de

levé de l'affiliation.

te le mieux aux réalités des microentreprises.

epuis la décennie 1980 par la conjonction, en plus du laxisme

qui a conduit, entre autres, à la fermeture de 1 040 entreprises publiques et au licenciement de

330 000 travailleurs [MEF, 2000 in Adair, 2002a] - qui intervient une décennie plus tard qu’au

le

principalement l’absence d’information et de contrôle.

L

l'industrie, du commerce et des professions libérales du secteur privé. Elle est encore moins

respectée que le paiement de la patente ou l’enregistrement au registre du commerce ; seulement

5,9% du total des unités assujetties est affilié. Les chefs des unités informelles assujetties

évoquent trois principaux arguments : le caractère non obligatoire de l'affiliation, l'ignorance de

l’existence de la CNSS et le coût é

Le Maroc présente le taux d’affiliation à la CNSS et le taux de paiement des impôts, de loin, les

plus faibles. Le Maroc est vraisemblablement le pays où le contrôle s’exerce le moins, alors qu’en

Tunisie le cadre socio-fiscal est celui qui s’adap

1.1.3.3 Les facteurs conjoncturels et structurels de l’évolution de l’emploi informel urbain

Nous avons montré précédemment qu’un cadre institutionnel permissif encourageait le

développement de l’emploi informel ; cependant, l’économie informelle s'est vraisemblablement

développée (en amont) d

institutionnel, de plusieurs effets qui ont affecté différemment l’évolution et la structure du

marché du travail selon les pays.

L’Algérie est très instable économiquement et socialement, l’économie algérienne reposant de

façon quasi-exclusive sur la rente pétrolière (les secteurs hors hydrocarbures stagnent et le

chômage prolifère) [Le monde, 17/12/2002].

En Algérie, la transition inachevée de l'économie administrée à l'économie de marché a été

tardivement initiée à la fin des années 1980 et contrecarrée par l'interruption du processus

démocratique en 1992 ; elle s’est principalement traduite par la mise en œuvre du PAS en 1994 -

11 Mourji [1998] trouve que presque 70% d’un échantillon de 650 microentreprises de Casablanca payent la patente et 54% l’impôt sur le revenu.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

à 20% en 1990 et atteint 30% en 200013 - dans un

ontexte marqué par la récession de 1986 et la mise en œuvre du PAS en 1994 [Adair, 2002b] ; il

est élevé

population urbaine active augmentait plus vite (1 point de plus par an), le nombre

Maroc et en Tunisie12. La croissance, élevée au cours de la décennie 1980, ralentit fortement au

cours de la décennie 1990.

Entre 1977 et 1985, l’emploi informel semble avoir varié positivement à la fois en raison directe

de l’accroissement de l’emploi total et en raison inverse du chômage, attestant ainsi de sa capacité

d’absorption de l’offre de travail. A partir de 1984 la création nette d’emploi diminue tandis que

l’accroissement du chômage, qui s’avère plus rapide que celui de la population active à partir de

1987, s’accélère - le taux de chômage s’élève

c

a entamé une baisse à 27,3% en 2001 pour atteindre 23,7% en 2003. Au regard de la capacité

limitée d'offre d'emploi du secteur privé formel et de la baisse des emplois publics offerts, le

secteur informel aurait dû croître significativement et absorber en partie l’excédent de main

d’œuvre (y compris des chômeurs). Tel n’est cependant pas le cas, l’emploi informel s’

faiblement voire s’est stabilisé dans les années 1990 [Adair & Hamed, 2003].

Bien que le salariat permanent ait décrû au cours des deux dernières décennies (78% des actifs

occupés en 1980, 68,8% en 1987, 56% en 1992, 51% en 1998), le salariat au sein de la population

active occupée a affirmé sa croissance [Prenant 2002 in Adair et Hamed, 2003]. Ceci peut

s’expliquer par l’extension du salariat précaire, qui cependant, s’accroît moins rapidement que le

travail indépendant [Adair & Hamed, 2003].

Au Maroc, la signature du premier PAS intervient en 1980 et le programme de stabilisation est

mis en œuvre en septembre 1983. Après la forte croissance du PIB qui caractérise la décennie

1970, celle de 1980 accuse une baisse du taux de croissance (4,4% en moyenne 1980-1989) qui

s’accentue au cours de la décennie 1990 (2,7% en moyenne 1990-1999) [Konate, 2002].

Entre 1982 et 1986, l’emploi en milieu urbain a continué à augmenter au rythme de 3,8% par an,

mais comme la

de chômeurs a progressé de plus de la moitié et le taux de chômage est passé de 12 à 16%

[Morrisson, 1991]. La même tendance s’est poursuivie pendant les périodes suivantes : la

population active occupée augmente de 3,75% par an entre 1989 et 1996, tandis que le chômage

s’accroît deux fois plus vite (soit environ 7,5% par an) entre 1990 et 1996 [ILO, 2000, in Adair &

Hamed, 2003]. Si le taux de chômage national n’augmente pas sensiblement au cours de la

12 L’Algérie est le pays qui a subit en dernier les effets du PAS. La lecture qu’on peut faire de l’économie algérienne peut alors être plus récente et expérimentale. C’est ce qui justifie l’intérêt spécifique porté du cas algérien à travers l’exploitation d’une partie de l’enquête "Economie informelle en Algérie" au chapitre deuxième et troisième. 13 Le taux de chômage était, plus précisément de 29, 77%. Il est de 30,49% en milieu urbain et de 28,71% en milieu rural.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

roc tient moins à une

ants sont des actifs informels occupés dans le bâtiment, le

excédent de main d’œuvre, y compris les chômeurs. Cette déduction

ent. Au

re 1989 et 1994 [ILO, 2000] ; le

ux de chômage urbain augmente de 13,1% en 1984 à 15,6% en 1994 et se stabilise à 15,8% en

pendants

n particulier les aides familiaux) augmentent en proportion (28,5% en 1994, 31,3% en 1999)

[Adair & Hamed, 2003].

L’em mel r tivement 3 tion acti rs

nn ; il représente une part croissante de

décennie 1990 et s’élève à 12% [Charmes, 2002, in Adair & Hamed, 2003], le taux de chômage

urbain atteint 22% (tableaux I-8 et I-9). Le problème d’emploi au Ma

croissance insuffisante de la demande qu’à une croissance excessive de l’offre engendrée surtout

par une forte natalité : la part de la population urbaine éduquée (qui cherche un emploi) croît

rapidement, tandis que les effets de l’éducation sur la maîtrise de la natalité ne sont pas encore

bien sensibles.

L’emploi offert a diminué dans le secteur public industriel et faiblement augmenté dans

l'administration, tandis que la population active a augmenté sous l’effet de l’accroissement

démographique et de l'urbanisation amplifiée par l'exode rural qui se traduit par une

"bidonvilisation" dont les habit

commerce et les services [Aït Hammou, 2001, in Adair & Hamed, 2003]. Les enquêtes directes

auprès des établissements montrent que l’emploi informel occupe une part prépondérante de

l’emploi non agricole, notamment dans le commerce et les services ; la prolifération du commerce

ambulant, moins récente qu’en Algérie, est aussi plus manifeste. Le secteur informel semble avoir

absorbé une partie de l’

s’avère toutefois fragile, en l’absence de données disponibles pour les années 1990 permettant

d’établir des comparaisons sur l’emploi informel [Adair & Hamed, 2003].

En Tunisie, la mise en œuvre du PAS intervient en 1986. Elle se traduit par la compression de

l’emploi public, la régression de l’activité manufacturière, l’essor du commerce et du bâtim

cours de la période 1983-1991, le salaire réel moyen diminue de 19% [Sboui, 2002 in Adair &

Hamed, 2003]. La population active occupée s’accroît environ de 2,8% par an, tandis que le

chômage progresse un peu plus vite environ de 3,25% par an ent

ta

1999. Le taux de chômage national est de l’ordre de 16,8% au cours des années 1990 [Charmes,

2002 in Adair & Hamed, 2003].

La structure de la population active demeure caractérisée par la prépondérance du salariat qui

représente environ 2/3 des actifs occupés non agricoles ; cependant, le salariat régresse au cours

des années 1990 après avoir progressé depuis la fin des années 197014 tandis que les indé

(e

ploi infor eprésente respec 6% de la popula ve non agricole au cou

de la décennie 1980 et 39,3% au cours de la déce ie 1990

14 58,6% en 1977, 64,4% en 1984, 71,5% en 1994, 68,7% en 1999

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

ffectif occupé au cours de la dernière décennie :

46% en 1994, 48,7% en 1995, 49,9% en 1997 [Charmes, 2002, in Adair & Hame

’accroissement de la population active, du chômage ainsi que de l’emploi informel sont moins

; plus élevé en Tunisie, il s’élève de 50% ; très

’augmente que de 10% (tableau II-34) [Adair & Hamed, 2003].

Tableau I-9 L’essor de l’auto-emploi

Années Pays

Décennie 1980 Décennie 1990 Variation 1990/1980

l’emploi non agricole qui atteint la moitié de l’e

d, 2003].

L

prononcés et mieux proportionnés en Tunisie. Le secteur informel semble donc pouvoir mieux

absorber l’excédent de main d’œuvre qu’en Algérie et au Maroc.

Au sein des trois pays du Maghreb, la caractéristique majeure de l’emploi est l’accroissement de

l’auto-emploi (indépendants à compte propre, employeurs et aides-familiaux) dont l’élasticité

varie de manière inversement proportionnelle à la part qu’il occupe dans l’emploi non agricole :

faible en Algérie, il est multiplié par un facteur 2

important au Maroc, il n

Algérie 13% 28% X 2 Maroc 36% 40% X 0,1 Tunisie 21% 30% X 0,5

Source : ILO [2002]

Les caractéristiques ainsi que les politiques économiques adoptées par les trois pays influencent

inégalement la croissance des microentreprises et du secteur informel à travers, entre autres, les

différents marchés ; en réponse à des stimulis conjoncturel ou structurel ces marchés réagissent et

s’adaptent. La spécificité du marché du travail tient à sa segmentation qui offre des avantages

comparatifs à la microentreprise : pas ou peu de relations salariales dans le sens classique du

terme sur un marché concurrentiel avec un contrat de travail ferme, possibilité d’éviter de se

conformer aux obligations socio-fiscales (…)

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

1.2 Le dualisme économique : une approche en terme de marchés

A partir des années 1970, on découvre au Maghreb les limites des modèles de développement

autocentrés basés sur la substitution des importations. En même temps et durant cette décennie,

émerge le concept de secteur informel suite à des observations recueillies au Kenya. Hart [1972] a

remarqué que malgré l’absence de création d’emplois dans le secteur moderne, le taux de

chômage n’enregistrait pas les augmentations attendues. Elle a expliqué ce décalage par

l’absorption de l’excès d’offre de travail par des unités caractérisées par référence aux trois

marchés qu’elles sollicitent pour les besoins de leurs activités, dont principalement le marché du

travail et dans une moindre mesure, le marché du crédit. Ce secteur a été baptisé par le BIT

secteur informel [ILO, 1972].

Les travaux qui ont succédé à cette "découverte" ont approfondi cette analyse par marché et ont

expliqué que la segmentation repose sur les caractéristiques spécifiques des trois marchés. Les

théories dualistes récusent, implicitement ou explicitement, le cadre de l’analyse néo-classique des

marchés concurrentiels fondée sur l’ajustement par les prix, pour adopter une analyse en termes

d’ajustement par les quantités fondée sur les caractéristiques institutionnelles et non

concurrentielles des marchés.

Dans cette partie nous traitons du dualisme (et de son corollaire, le secteur informel15) en utilisant

un découpage en terme de marché. Nous évoquons les théories dualistes originelles qui se sont

développées dans le cadre de l’étude du marché du travail. Puis, nous abordons le dualisme sur le

marché des biens et enfin sur celui du crédit.

15 Nous reviendrons plus amplement sur la définition dans le chapitre deuxième.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines 1.2.1 Le marché du travail : les théories dualistes

Les premiers travaux sur le dualisme remontent aux contributions de Lewis [1954] et Kuznets

[1955] qui s’inscrivent dans le cadre d’une approche macroéconomique de la production et de

l’emploi issue du paradigme classique (ricardien) qui se base sur un modèle bi-sectoriel : secteur

traditionnel-agricole /secteur moderne-industriel [Adair, 2004].

Le modèle bi-sectoriel (secteur rural/secteur urbain) de Todaro [1969], Harris et Todaro [1970],

s’inscrit dans le cadre d’une approche microéconomique de la mobilité (migration ou rotation),

entre les deux secteurs de la main-d’œuvre qui fait face à une segmentation du marché du travail.

Fields [1975, 1990] propose une extension du modèle de Harris & Todaro qui incorpore le

secteur informel urbain. Son modèle comprend deux secteurs (formel et informel) et le

comportement individuel relève de deux options (emploi ou chômage) ; l’emploi pouvant être

occupé au sein du secteur formel ou du secteur informel.

La probabilité pour trouver un emploi au sein du secteur formel est plus faible pour un travailleur

informel que pour un chômeur en recherche d’emploi (job search). La rémunération moyenne au

sein du secteur formel est plus élevée qu’au sein du secteur informel. Le secteur formel est

caractérisé par l’existence d’un salaire minimum, la présence de syndicats et le recours à des

incitations (salaire d’efficience) ; ces caractéristiques font défaut au secteur informel. Cependant,

toutes les rémunérations au sein du secteur informel ne sont pas nécessairement inférieures à

celles du secteur formel (notamment les revenus non salariaux).

La mobilité professionnelle se manifeste tant du formel vers l'informel que dans le sens inverse ;

la mobilité - voire l'ascension sociale - est toutefois plus marquée pour les salariés qui passent du

secteur formel vers le secteur informel et deviennent indépendants ou microentrepreneurs.

Il y a donc segmentation du marché du travail mais non dualisme.

De plus, le secteur informel lui-même est hétérogène. Il comprend deux segments : un segment

facile d’accès, l’emploi y est peu qualifié et la rémunération est faible ; un segment comportant

des barrières à l’entrée dont la rémunération est plus élevée.

Le premier segment est caractérisé par une faible rotation de la main d’œuvre et, lorsque le

transfert de main d’œuvre a lieu, il se dirige vers le secteur formel. Le second segment est

caractérisé par un transfert de main d’œuvre inverse en provenance du salariat formel vers les

microentreprises informelles et relève d’un choix volontaire.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines Les comportements d’offre de travail permettent aux demandeurs (les microentreprises) de savoir

de quel type de main d’œuvre ils peuvent disposer. Même si une microentreprise pratique l’auto-

emploi principalement, quand elle recourt au marché du travail c’est généralement pour employer

des non-salariés plus ou moins membres d’un réseau si ce n’est de la famille.

La segmentation est l’une des principales caractéristiques du marché de l’emploi dans les pays en

développement. Une autre caractéristique concerne la prédominance du travail indépendant.

Quand il y a des employés, ils peuvent être eux-mêmes non-salariés (selon les pays). Par exemple

en Tunisie, les apprentis sont considérés comme étant salariés, ce qui n’est pas le cas en Algérie ni

au Maroc ; cette différence de comptabilisation des actifs rajoute à la difficulté de comparer.

Cependant en ré-agrégeant, on démontre une caractéristique forte commune au trois pays : la

main d’œuvre est pas ou peu coûteuse.

1.2.2 Le marché des biens

L’évocation de la segmentation sur le marché des biens amène à penser à la sous-traitance. Bien

développée au Maroc et en Tunisie, elle aide à construire un tissu économique à base de

microentreprises en faisant le lien entre l’économie de subsistance et l’industrie mais aussi en

jetant les ponts entre secteur formel et informel. Sur ce marché, la segmentation est plus ou

moins prononcée selon que l’interaction entre les secteurs - variable selon les branches d’activité -

soit faible ou significative. La relation est univoque dans les branches du tertiaire, lorsque le

secteur formel fournit les inputs du secteur informel (dans le cas du commerce par exemple) et la

demande finale adressée au secteur informel provient du secteur formel (du fait de la dégradation

des salaires des salariés du secteur formel). La relation est interdépendante dans les branches du

secondaire lorsque la demande adressée au secteur formel induit la demande du secteur informel :

essor parallèle des deux secteurs ou sous-traitance du secteur informel par le secteur formel.

1.2.3 Le dualisme sur le marché du crédit

Les systèmes financiers des pays en développement sont caractérisés par un degré élevé de

dualisme, c’est-à-dire la coexistence et le fonctionnement parallèle du secteur bancaire formel et

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

du secteur "traditionnel" informel en matière de financement. En théorie, le secteur formel

désigne un système de financement organisé, institutionnel, urbain et ayant pour clients des

individus et des unités économiques modernes, monétisées. Par opposition, le secteur informel

opérerait plutôt dans les zones rurales ou périurbaines, dans le secteur traditionnel, non

monétisé ; il serait non-organisé et non-institutionnalisé [Germidis & alii, 1991].

Pourtant il est difficile d’affirmer une séparation aussi tranchée entre les deux secteurs à cause des

interpénétrations des acteurs et des opérations ; d’autant plus qu’avec l’avènement et l’importance

qu’a pris la microfinance depuis le milieu des années 1970, un secteur semi-formel s’est rajouté au

paysage financier des pays en développement16 qui se situe à mi-chemin entre les banques et les

traditionnelles tontines ou autres intervenants du secteur financier informel.

Les institutions de microcrédit (IMC) s’apparenteraient à la finance informelle institutionnalisée :

d’une part, ces institutions sont officiellement enregistrées auprès des autorités financières sans

pour autant avoir le statut d’établissement de crédit (au Maroc toutes les IMC doivent avoir un

agrément de la part du ministère des Finances pour pouvoir exercer). Leur fonctionnement est

régi par une loi cadre similaire à la loi bancaire (loi de 1999 du Maroc, en Tunisie). D’autre part, le

microcrédit s’inspire fortement de la finance informelle dans sa méthodologie de prêt et sa

gestion du risque. Il y a cependant quelques différences entre finance informelle et microcrédit :

la finance informelle recouvre des pratiques qui mettent en présence deux ou plusieurs

personnes, la microfinance recouvre des institutions ; alors que la finance informelle correspond

plutôt à des pratiques d’épargne, la microfinance, n’est pas seulement mais est d’abord, et surtout

au Maghreb, affaire de crédit.

A l’équilibre, la segmentation du secteur financier est déterminée par les mécanismes de contrôle

du risque de défaut stratégique et par les caractéristiques des emprunteurs. Ainsi, l’IMC se charge

de financer les agents les moins riches et les plus risqués, tandis que le secteur bancaire finance les

agents les plus riches et les moins risqués. Un tel partage des tâches est un phénomène souvent

observé dans la réalité [Germidis & alii, 1991 ; Ray, 1998].

Considérée sous l’angle de la relation directe client-institution financière, la segmentation du

marché financier est la plus prononcée et dépend d’abord de la taille de l'unité économique. La

finance formelle finance rarement (et sous impulsion institutionnelle) le secteur informel ; la

finance informelle ne finance quasiment pas le secteur productif (informel et à plus forte raison

16 Les coopératives d’épargne et de crédit existaient bien avant le développement de la microfinance mais pas au Maghreb.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines formel). Les microentrepreneurs ont principalement recours à l'apport propre (épargne

personnelle et aide de la famille). Néanmoins, en considérant la relation entre institutions

financières, la segmentation tend à s’estomper : il y a des relations de plus en plus soutenues entre

les IMC et les banques (opérations de caisses et épargne de l’IMC détenues par la banque,

emprunts et/ou facilité de caisse accordés par la banque). Nous remarquons également la

réduction de l’intensité de la segmentation en observant la relation entre les clients des IMC et les

banques. Nous remarquons un recours à la banque pour l’épargne encouragé par les IMC ;

quelquefois, le client va encaisser son prêt et effectuer ses remboursements au guichet de l’agence

bancaire où l’IMC détient son compte courant.

Dans ce qui suit, nous traitons du dualisme financier d’une façon théorique et générale. Nous

abordons les causes, les effets et enfin les modalités de réduction du dualisme.

Encadré I-2 IMF ou IMC

L’IMF exerce une activité d’intermédiation financière à part entière dans le sens ou elle fait se rencontrer des besoins de financement avec des excédents de liquidité. Elle transforme donc les fonds à court terme récoltés à travers l’épargne en fonds à long terme octroyés par crédits. Ce qui n’est pas le cas des IMC qui se limitent uniquement à octroyer des crédits. Le modèle originel, celui de la Grameen Bank, était un modèle de microcrédit mais avec son développement, cette institution a pris en compte les besoins d’épargne des clients. Les IMF sont donc des quasi-banques. Et cet attribut est dépendant des conditions réglementaires et institutionnelles qui sont en vigueur dans les pays. Ceci nous amène à nous poser la question de la réglementation du secteur financier formel et de la cohérence du système. Au Maghreb, en vertu des lois de 1999 réglementant l’activité de microcrédit (Maroc et Tunisie), les institutions n’ont pas le droit de collecter de l’épargne. Elles se limitent donc à prêter sur fonds propres et bénéfices incorporés. Tout au long de ce travail, et pour des raisons d’harmonisation de notre propos, nous parlerons d’IMC que nous traitons des institutions maghrébines ou du cas général.

1.2.4.1 Les causes du dualisme financier

Dès le début des années 1970, plusieurs auteurs [McKinnon, 1973 ; Shaw, 1973 ; Fry, 1982]

insistent sur la contribution essentielle d’un secteur financier accompli et mûr au développement

économique en considérant le crédit comme un facteur indispensable. Comme tout facteur de

production, et selon la théorie microéconomique, un accroissement de l’offre d’un facteur

accroîtrait la production et le revenu [Bardhan & Udry, 1999, p 77].

Ces auteurs mettaient l’accent sur les politiques de répression financières appliquées dans les pays

en développement et préconisaient une libéralisation de la sphère financière domestique. Une

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

telle politique allait permettre outre la stimulation de la croissance, la réduction, voire la

disparition du dualisme financier, caractéristique essentielle des économies en développement.

Les causes du dualisme financier font l’objet de deux thèses différentes.

La première est celle des théoriciens de la libéralisation financière qui considèrent que la présence

du secteur informel s’explique par l’existence d’une politique de répression financière qui se

matérialise surtout par la fixation des taux d’intérêt par l’Etat en dessous de leur valeur d’équilibre

ou en imposant aux banques un coefficient de réserves obligatoires trop élevé17. Ces contraintes

traduisent l’inefficacité du secteur formel ; inefficacité due en grande partie à sa rigidité et à

l’omniprésence de l’Etat. Cet interventionnisme empêcherait le secteur formel de s’adapter aux

besoins de la population et aux conditions de l’économie de marché en jouant son rôle

d’allocataire de ressources et pousserait les agents à se tourner vers une source alternative de

financement. Ainsi, le secteur informel se serait développé car une grande partie de la population

rurale et urbaine, exclue de l’accès au crédit institutionnel, trouve une réponse à ses besoins au

sein du secteur informel qui se développe et joue le rôle de régulateur en palliant les défaillances

des institutions du secteur financier officiel. La répression financière serait donc à l’origine d’une

segmentation artificielle du marché financier domestique ; il suffit d’instaurer la libéralisation

financière pour que le secteur financier informel disparaisse.

Dès le début des années 1980, cette approche est contestée par l’école néo-structuraliste [Taylor,

1983 ; Van Winjbergen, 1983] qui insiste, notamment, sur le caractère structurel de la dualité du

secteur financier dans les économies en développement. Elle considère le dualisme financier

comme la conséquence d’un dualisme déjà existant au sein des structures économiques,

institutionnelles, culturelles, ethniques et sociales des pays en développement. Si le secteur

informel est aussi vivace aujourd’hui, cela tient en grande partie aux facteurs culturels qui se

manifestent par la persistance des habitudes d’investissement traditionnelles.

Dans les pays en développement, qui ont été pour la plupart colonisés, les entreprises ont

développé des activités de type moderne qui coexistaient avec des activités traditionnelles. En

même temps, les autorités ont transféré un ensemble de règlements qui n’avaient aucun sens pour

les populations locales et qui, au départ, ne s’appliquaient qu’aux entreprises modernes. Après

17 C’est l’instrument par lequel les autorités financières (en l’occurrence les Banques Centrales) effectuent des prélèvements sur la liquidité des banques commerciales. Les montants sont bloqués et ne reçoivent aucune rémunération. Le manque à gagner est compensé par un renchérissement du crédit (taux d’intérêt) ce qui devrait

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

l’indépendance, les gouvernements ont souvent conservé ce cadre réglementaire complètement

inadapté aux microentreprises. Il en a résulté une situation de dualisme économique et

institutionnel [Morrisson & Mead, 1996].

Les facteurs socio-politiques expliquent aussi l’attachement de la population aux pratiques

financières informelles. En effet, l’instabilité sociale et politique, ainsi que le changement fréquent

des politiques économiques dans ces pays, ne créent pas un climat de confiance nécessaire pour

l’épanouissement du système financier institutionnel.

Au niveau macro financier, l’interventionnisme de l’Etat est considéré par les partisans de cette

thèse comme une bonne solution pour résorber les déséquilibres du système. Ils considèrent que

les pays en développement ne présentent pas les conditions favorables permettant une

mobilisation et une affectation efficace des ressources par le jeu des forces du marché.

L’expérience des politiques de libéralisation financière des secteurs officiels du Ghana, du Nigeria

et du Malawi du début des années 1990, n’a pas conduit à la contraction attendue du secteur

informel [Aryeetey & Udry, 1997 ; Steel & alii, 1997]. Ces expériences ont conduit à la prise en

compte d’autres phénomènes caractérisant les marchés financiers en général et en développement

en particulier et découlant des asymétries informationnelles (aléa moral et sélection adverse) ainsi

que d’un certain nombre de caractéristiques. Contrairement au secteur bancaire, sur le marché

informel, la sûreté des contrats est garantie par l’organisation sociale ; le fait que ce marché

financier informel fonctionne en circuit fermé (l’épargnant-prêteur d’aujourd’hui est l’emprunteur

de demain) renforce l’ascendant des relations sociales dans la garantie des prêts et permet

l’identification et l’exclusion des emprunteurs défaillants. L’existence de caractéristiques propres

au secteur informel (prédominance des liens culturels et sociaux dans la garantie des prêts)

permet de rendre compte de l’existence d’un dualisme qui ne résulterait pas uniquement de la

mise en place d’une politique de répression financière.

Si la thèse de la répression financière et la thèse "culturaliste" semblent s’opposer, aucune d’entre

elles ne fait le tour complet de la question. Nous pouvons dire que l’existence du dualisme

financier et le dynamisme du secteur informel résultent de l’ensemble des facteurs décrits dans les

deux thèses. Nous pouvons y rajouter pour les pays ayant expérimenté les plans d’ajustement

structurel (PAS), notamment les pays maghrébins, les conséquences sociales sur le chômage,

l’exode rural qui ont trouvé une solution dans le secteur informel et ont renforcé son importance.

ralentir l’expansion du crédit. La diminution des réserves excédentaires limite la possibilité des banques commerciales d’accorder de nouveaux crédits (rationnement du crédit [Stiglitz & Weiss, 1981]).

57

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines 1.2.4.2 Les effets du dualisme financier

Selon que les effets soient positifs ou négatifs la politique à adopter diffère.

Pour certains, les avantages apportés par le secteur financier informel sont supérieurs aux coûts

qu’il engendre dans la mesure où il rend des services appropriés dans des zones écartées et à des

populations qui n’auraient pas eu accès au crédit sans ce secteur. Certes, il y a des coûts à ce

dualisme, mais il sont largement compensés par ces prestations de services. Les défenseurs de

cette thèse préconisent une politique consistant à laisser les deux secteurs se faire concurrence

pour déterminer le sens de l’évolution de l’ensemble du système financier.

La seconde thèse, qui s’oppose à la première, soutient que le dualisme financier comporte plus de

coûts que d’avantages. Il a des effets défavorables sur la mobilisation et sur l’affectation de

l’épargne ; la non-monétisation de l’excédent est un obstacle au développement quand

l’accumulation prend une forme improductive. C’est le cas quand l’épargne prend la forme de

thésaurisation d’or, de bijoux, de véhicules... Ces formes d’épargne non financière sont

encouragées par le dualisme dans la mesure où l’on n’offre aux individus aucun substitut, aucun

produit d’épargne suffisamment attractif. De plus, le dualisme financier avantagerait certains

secteurs, régions ou investisseurs au détriment d’autres. Les tenants de cette thèse, estiment donc

qu’une politique active de réduction du dualisme est justifiée [Germidis & alii, 1991].

Même si certains soutiennent que le dualisme apporte plus d’avantages que de coûts, la plupart

des auteurs s’accordent sur l’idée que le dualisme financier doit être réduit. Certains sont pour

une élimination pure et simple du secteur informel, mais le pourrait-on ? La réponse à cette

question dépend des motivations qu’ont les utilisateurs du secteur informel : se dirigent-ils vers ce

secteur en raison de l’inaccessibilité du système bancaire suite à leurs faibles revenus et du fait

qu’ils n’ont pas de garanties à présenter ou bien est-ce en raison de leur méfiance ?

Les actions diffèrent : dans le premier cas le secteur informel est appelé à perdurer, tandis que

dans le deuxième, "la bancarisation" du secteur informel pourra à terme se réaliser sous des

formes intermédiaires [Adair, 1995]. Il semblerait qu’un rapprochement entre les deux secteurs

soit plus judicieux que l’élimination de l’un d’eux. Ceci permettrait de garder les avantages de

chacun des deux secteurs et de tirer des avantages de leur complémentarité.

58

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

1.2.4.3 Réduction du dualisme financier

La question de la réduction du dualisme financier est à l’ordre du jour. Sur le plan économique, il

semble que cette réduction soit justifiée. En effet, une croissance régulière et plus équilibrée passe

par un espace économique, monétaire et financier homogène. Elle l’est aussi sur un plan

historique car l’histoire a montré que la réduction du dualisme financier va souvent de pair avec la

croissance et le développement économique. Dès lors, on se demande quelle est la meilleure

stratégie à adopter vis-à-vis du secteur financier informel, et même du secteur informel dans son

ensemble. Faut-il éliminer le secteur financier informel, l’intégrer au secteur formel ou encore

créer et renforcer les liens et les passerelles entre les deux ?

Formaliser le secteur informel et ne garder que le secteur formel parait impensable car outre sa

raison d'être dans un contexte de répression financière ou de rationnement du crédit, le secteur

informel relève des caractéristiques structurelles des économies en développement et des

populations pauvres. Pragmatiquement, il ne s’agit pas de choisir lequel garder parmi les deux

secteurs. La meilleure stratégie s’avère être l’articulation des deux pour avoir en résultat, un

secteur financier homogène dans son ensemble. Le but est essentiellement de réduire l’écart entre

les deux secteurs par le développement de liens plus étroits entre les intervenants formels et

informels. A plus long terme, cette articulation, qui doit nécessairement passer par une

intégration, doit permettre de préserver les aspects positifs du secteur informel (rapidité,

souplesse, solidarité et le fait de pallier aux insuffisances du secteur financier formel), tout en

réformant les institutions financières formelles pour en supprimer les contraintes (libéralisation

du taux d’intérêt, suppression des politiques d’allocation sectorielle du crédit...).

Les solutions proposées tournent autour d’un programme qui inclut quatre stratégies

complémentaires d’adaptation des structures de financement local. Ces stratégies peuvent être

différenciées en fonction de la situation de chaque pays. Mais aucune de ces stratégies n’est

universellement applicable et aucune d’entre elles n’est en mesure d’apporter, à elle seule, des

solutions optimales. Le programme se compose de quatre volets [Seibel, 1996 ; Germidis & alii,

1991] : adaptation, modernisation, intermédiation et innovation18.

18 Cf. Hamed [1999] pour le détail des quatre stratégies.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

L’ensemble des propositions avancées par les auteurs fait aboutir à des institutions qui se

rapprochent des IMC qui se sont développés pour combler les lacunes de l’un et l’autre des

systèmes financiers déjà existants. En effet, les principes d’une IMC sont un cocktail des points

positifs des organismes formels et informels.

En nous penchant sur le cas maghrébin et en excluant l’Algérie qui ne compte encore pas d’IMC,

nous remarquons que le Maroc et la Tunisie, à des degrés et avec des implications différentes, ont

adopté quelques-unes de ces recommandations. En effet, les deux pays ont adopté un cadre

réglementaire qui vise à organiser puis à intégrer le microcrédit dans le système financier national.

Par contre, l’intermédiation (relations entre banques et IMC) est inégalement encouragée ; la

Tunisie n’autorise pas les banques à prêter aux IMC19 qui jusqu’à récemment pouvaient bénéficier

de découverts bancaires. Au Maroc, où la législation est beaucoup plus libérale, de plus en plus

d’IMC se refinancent auprès des organismes formels. Cependant, dans les deux pays les relations

existent de facto, ne serait-ce que car les banques détiennent les comptes courants des IMC.

1.2.4.3.1 Le cadre réglementaire : cas du Maroc et de la Tunisie

La faible portée des programmes étatiques, conjuguée à l’accroissement de la pauvreté et de la

vulnérabilité de la population, ainsi que la naissance d’une certaine conscience civique ont fait

prendre conscience de l’importance de la diversification des moyens de lutte contre la pauvreté et

d’encouragement de la croissance à travers, entre autres, le financement de la microentreprise.

D’où l’avènement20 des institutions de microcrédit (IMC) et leur accompagnement par des

dispositions légales spécifiques.

La loi sur le microcrédit a été instaurée en 1999 au Maroc et en Tunisie ; un comité de suivi a été

mis en place pour contrôler les institutions de microcrédit (IMC) et surtout s’assurer de la légalité

des fonds. Les deux lois ont en commun de fixer le plafond des prêts (50000 Dirhams au Maroc

et 1000 Dinars en Tunisie), d’interdire la collecte de l’épargne et de fixer le taux d’intérêt à

appliquer. Au Maroc, le taux nominal est plafonné et les IMC peuvent appliquer des frais de

dossiers qui leurs permettraient d’atteindre un taux effectif global plus élevé dès lors que la loi

stipule qu'elles doivent disposer de projections financières démontrant leur viabilité au terme de 5

ans. En Tunisie, le taux d’intérêt est fixé à 5% et les IMC n’ont pas le droit de faire payer des

19 Dans les faits, il n’y a qu’une seule IMC en Tunisie. Nous ne considérons pas la Banque Tunisienne de Solidarité ainsi que les associations qu’elle finance comme des IMC.

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines commissions. La loi tunisienne est beaucoup plus restrictive ; elle est plus adaptée à la régulation

des programmes de lutte contre le chômage (auxquels s’apparente la Banque Tunisienne de

Solidarité (BTS)) qu’à un développement durable du microcrédit. Cette loi empêche la

compétition entre institution et l’expérimentation nécessaire au développement et à

l’appropriation du microcrédit par les opérateurs ; elle favoriserait les programmes subventionnés

au détriment de ceux qui cherche une autonomie à terme [Brandsma & Hart, 1999].

Ces lois, en essayant de réguler et organiser le secteur du microcrédit, risquent de brider son

développement : le plafond des prêts empêche la croissance des clients de l’IMC et la prive d’un

moyen d’encouragement au remboursement (Dynamic incentive) à savoir l’accès à une ligne de

crédit évolutive ; le taux d’intérêt maximal entrave l’équilibre financier des institutions.

Graphique I-3 Les dispositions légales spécifiques au microcrédit

Interdit la collecte de l’épargne

Fixe le plafond des prêts

Fixe le taux d’intérêt maximum

Maroc : Loi sur le microcrédit - 1999

Tunisie : Loi relative aux microcréditsaccordés par les associations - 1999

Contrôler les IMC et la légalité des fonds

Exonération fiscale pendant 5 ans

5 ans pour atteindre la viabilité

Fixe la durée (3 ans) et les conditions d’octroi des prêts

Fixe les échéances de paiement

Interdit de faire payer des commissions

Source : Hamed [2003]

20 Le microcrédit comme système spécifique de financement de la microentreprise maghrébine a vu le jour en 1993 avec l’expérience marocaine de l’AMSED.

61

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines En Algérie, à notre connaissance, les IMC sont inexistantes : il n’y a aucune législation claire en la

atière, mais en théorie, il est interdit de faire des microcrédit en dehors de la banque. Quelques

eprises en Algérie. A travers le

sme financier stipule que les conditions d’octroi et de coûts soient clairement

ifférentes entre banque et IMC. Elle stipule une séparation complète entre le secteur financier

il y a une relation entre les deux entités.

ionnés et

m

ONG incorporent parmi leurs programmes un axe microcrédit, à l’instar de Touiza pour laquelle

les informations relatives à l’activité, la portée et les différentes caractéristiques ne sont pas

accessibles.

Cependant, avec l’ouverture récente du pays, les organismes internationaux, en l’occurrence la

SFI-Banque Mondiale, s’intéressent aux financements des entr

programme NAED (North Africa Entreprise Development), la SFI vise à faciliter l’accès des

microentreprises algériennes au service financier en encouragent les initiatives de microcrédit et

en incitant les autorités à concevoir un cadre institutionnel et réglementaire pour le futur exercice

de cette activité.

1.2.4.3.2 Relation IMC – banque

L’hypothèse de duali

d

formel et informel (et donc par extension semi formel). Or on remarque, dans les programmes

étatiques21, une participation du secteur bancaire ; quoique induite, encouragée et parfois prenant

un caractère obligatoire,

Les systèmes financiers algérien et tunisien seraient non dualistes puisque le système bancaire

officiel servait de fournisseur de ressources (prêts bonifiés) à travers Khalifa Bank (du temps où

elle existait) qui intervenait dans le cadre des financements triangulaires du dispositif

microentreprise de l’ANSEJ22 ; de la même manière en Tunisie, un ensemble de banques participe

au financement des microentreprises à travers le dispositif étatique du FONAPRA23.

Il faut cependant noter que ces initiatives sont étatiques, pour des programmes caut

garantis par l’Etat. Ces dispositifs réduisent le dualisme à travers la mise en relation des banques

21 Les programmes étatiques de financement des microentreprises seront développés dans le chapitre troisième. 22 Dans cette formule l’apport financier du jeune promoteur est complété par un crédit sans intérêt accordé par l’ANSEJ (20 à 25% du montant de l’investissement) et par un crédit bancaire (70 à 72%) dont une partie des intérêts est bonifiée par l’ANSEJ (la bonification est à concurrence de 50 à 90% du taux d’intérêt bancaire). 23 Le FONAPRA, créé en 1981, accorde aux personnes désirant s’installer pour leur propre compte, une dotation représentant 36% du montant total, remboursable sans intérêt, sur 11 ans et avec 7 ans de délai de grâce. La dotation vise à consolider les fonds propres que le promoteur devrait normalement réunir pour être éligible au crédit bancaire. Ce dernier est de l’ordre de 60% du coût total de l’investissement. Il est octroyé à un taux d’intérêt de 10% sur 7 ans avec un an de délai de grâce.

62

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

tiennent les banques avec les IMC.

Elles sont certes biaisées dans le sens de la banque mais leur existence laisse présager d’une

relation plus équilibrée lorsque le cadre législatif le permettra. Les IMC (ou leurs agences)

uidités, où elles déposent les

recettes de la journée, émettent des chèques pour les prêts des clients à l’exemple de enda inter-

arabe (IMC tunisienne) et de AMSSF/MC (IMC marocaine)24. La coopération dans l’autre sens

et des microentreprises ; cependant des évaluations ont montré leur inefficacité [FACET BV,

1996 ; BIT, 1993c].

La différence et l’opposition sont manifestes entre la finance informelle et la finance formelle. La

microfinance, avec son statut semi-formel, s’est rapprochée de la banque et a réduit la distance

entre ces deux sphères.

Les IMC se sont institutionnalisées, elles ont donc une existence légale auprès du ministère des

Finances ou des autorités légales ; les banques peuvent donc entrer en contact avec elles plus

facilement. Leur relation réelle mais timide démontre l’existence d’une segmentation et non d’un

dualisme ; chacune des institutions sélectionne ses clients de manière à réduire le risque (leurs

méthodes de sélection sont différentes ; la banque demande une garantie et consulte l’historique

de prêts de ses clients alors que l’IMC base son processus sur la sélection par les pairs).

Se pose cependant une nouvelle caractéristique des systèmes semi-formels qui les oblige à avoir

recours au système formel ; ces institutions sont plutôt tournées vers le crédit. L’argent ne

circulant pas en circuit fermé comme pour les tontines – le prêt des uns est constitué par

l’épargne des autres – il faut disposer des fonds nécessaires au prêt avant de prêter. L’hypothèse

de dualisme est donc mise en cause par les relations qu’entre

disposent d’un compte courant bancaire qui leur sert à gérer leurs liq

(la banque octroie des crédits à l’IMC) est très timide ; au Maroc, Al Amana a eu depuis 2001 une

autorisation de découvert bancaire de la part de la BMC (une banque commerciale) ainsi que des

prêts commerciaux de la part de la SIDI et de DEXIA25 ; Enda a eu également des facilités de

caisse jusqu’à récemment. Il y a donc communication pour la mobilisation des ressources. Nous

démontrons qu’à différents niveaux la notion de dualisme est relative. Les banques ne prendront

pas de risque particulier à l’égard des microentreprises ; au regard de leurs besoins spécifiques, les

réponses sont apportées par des modes de financement spécifiques. La relation entre ces deux

sphères serait prouvée à travers un financement bancaire des IMC qui consisterait en un

financement des microentreprises indirect mais plus efficace.

24 Cf. Chapitre quatrième, section 4.3.3.1.2 25 La SIDI est une société spécialisée dans l'appui, financier et technique, à des structures locales d'épargne et de crédit à la microentreprise. DEXIA est une banque avec une orientation vers le développement durable.

63

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

et renforcé les rangs des

ales (PDRI en Tunisie) ou urbaines (PDUI). Elles renforcent dans les deux cas

identification et l’isolation d’une population bien distincte, définie par des procédures et des

réglementations spécifiques. Nous sommes face à deux systèmes strictement parallèles : les

ménages riches et les fonctionnaires évoluent dans le système bancaire officiel ; les autres, laissés

pour compte, ont leurs institutions et programmes propres. Cette segmentation encourage

l’autosélection des clients censés appartenir à la deuxième catégorie26.

Le secteur informel auquel les microentreprises sont censées recourir et qui est sensé leur

correspondre au mieux (du fait de leur caractère informel partagé) ne répond pas à leurs besoins ;

il est plus souvent un instrument de survie qu’un instrument de développement [Nowak, 1995].

Les IMC, résultantes de l’interaction entre innovation locale et appropriation de références

externes27, réductrices de dualisme et pourvoyeuses de petits crédits productifs, peuvent être un

complément positif aux bons usages (en terme de réduction des coûts) que font les

1.3 Conclusion du chapitre premier

Les caractéristiques sociales, macroéconomiques et institutionnelles présentent un environnement

propice au développement des microentreprises au Maroc, moindre mais comparable en Tunisie

et très éloigné en Algérie. Le niveau de pauvreté et de chômage, la croissance économique,

l’ouverture, le développement des industries manufacturières, du secteur privé, le développement

du système financier (…) sont autant de facteurs qui participent à l’essor du secteur informel.

Les marchés sur lesquels elles opèrent se caractérisent par une certaine segmentation. Le marché

du travail maghrébin se distingue par une abondance de l’offre, conséquence d’une forte

croissance démographique, d’un exode rural et de la mise en œuvre des plans d’ajustement

structurel qui ont laissé sans ressources un grand nombre d’actifs

chômeurs déjà existants. Les microentrepreneurs profitent de ce surplus d’offre qui correspond à

leur demande d’emplois précaires, peu qualifiés, non déclarés, informels ; en résumé, flexibles et

pas chers.

Autant la segmentation du marché de l’emploi est bénéfique pour les microentreprises car elle

leur assure l’accès à une main d’œuvre peu, voire pas, coûteuse, autant celle du marché du crédit

est un frein à leur expansion : ce dualisme relève des institutions financières qui sélectionnent

leurs clients ou qui au contraire, acceptent pour des raisons politiques de financer à fonds perdus

des entreprises rur

l’

26 Cf. chapitre troisième, 3.3 Les déterminants de la structure de financement des microentreprises. 27 Telles les coopératives inspirées de celles nées en Europe à la fin du siècle dernier ou le crédit solidaire inspiré du modèle de la Grameen Bank.

64

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Chapitre premier : Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

ntation du marché du travail. C’est ce que nous vérifions tout au microentrepreneurs de la segme

long de ce travail.

65

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CHAPITRE PREMIER

adre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises Cmaghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

ationalité économique des microentreprises, adaptation et inimisation des coûts

Rm

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

66

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

s de l’Union Européenne, on compte en moyenne 92% de

icroentreprises de moins de 10 salariés parmi l'ensemble des entreprises [Eurostat in Savoye,

littérature sur les

icroentreprises qui a proposé de multiples définitions en notant qu’il n’y a pas eu de consensus

CHAPITRE DEUXIEME

LES MICROENTREPRISES SONT-ELLES

TOUTES INFORMELLES ?

Les microentreprises sont une caractéristique des pays en développement et même industrialisés.

Dans l’ensemble des pay

m

1996]. Le critère de taille n’est pas discriminant selon les pays.

Dans les pays en développement, le nombre est beaucoup plus important que ce que révèlent les

statistiques officielles qui ne recensent que les unités qui sont connues par les autorités

(enregistrées, ayant une patente …) [Liedholm & Mead, 1999]. Elles sont reconnues comme étant

une source d’emploi et de revenu et se distinguent par rapport aux autres unités par une petite

taille, la prédominance de l’auto-emploi et de l’emploi non-salarié ainsi que par une très faible

part des salaires et de l’imposition dans la valeur ajoutée.

L’entrepreneur agissant dans le cadre d’une microentreprise, ce qui implique une activité

économique relativement organisée, nous nous attachons donc à définir la nature et les

caractéristiques de cette unité. Nous commençons par évoquer la

m

général autour de la définition. Les microentreprises partagent plusieurs parmi les caractéristiques

des unités informelles, ce qui conduit à les confondre avec celles-ci ; ces dernières sont étudiées

dans un second temps avant de confronter ces deux concepts et déterminer leur congruence : les

microentreprises sont-elles toutes informelles ?

67

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

er ces unités. Les différentes analyses se sont intéressées à

éfinitions peuvent aussi être

microentreprise en

Nous repérons, en un premier temps, la microentreprise selon les sources ; soit en définissant la

microentreprise dans une enquête entreprise ou alors, en identifiant les microentrepreneurs dans

les enquêtes ménages. Dans un second temps, nous identifions les microentreprises maghrébines

selon leurs caractéristiques pour enfin et dans un troisième temps, exposer deux classifications

établies par des auteurs différents en se basant sur un ensemble d'enquêtes.

2.1. Qu’est ce qu’une microentreprise ?

Tous ceux qui étudient les microentreprises sont conscients de la grande hétérogénéité de

l’univers des petites unités économiques et de la fragilité de l’hypothèse d’un caractère universel et

de spécificités irréductibles. Le défi le plus important, et encore non résolu, est de trouver la

manière la plus significative de class

diverses caractéristiques de définition : des définitions quantitatives qui fixent un plafond au-

dessous duquel une unité économique est considérée comme micro : le montant des actifs, la

taille (en nombre d’employés), le chiffre d’affaires… Les d

qualitatives : localisation, genre de l’entrepreneur, secteur d’activité, degré de conformité au cadre

institutionnel, composition de la main d’œuvre…

Une combinaison des critères peut également être utilisée, à l’image de la Banque Mondiale qui

combine le critère de taille (moins de 10 employés) et du montant de l’actif total (<10.000$)

[Liedholm & Mead, 1987].

Généralement, une microentreprise se différencie du groupe des entreprises par sa taille : on

distingue les unités productives à un actif (les travailleurs à compte propre) de celle ayant de 2 à 9

actifs (les microentreprises). Selon Charmes [1987], « Le seuil de 10 actifs semble en effet correspondre,

dans de nombreux cas, à des changements de structures et de comportements, liés au critère d’enregistrement ». On

ne base pas la définition sur le nombre de salariés ; l’expérience montre comme le souligne

Charmes [1990a], que dans de nombreux pays en développement la distinction entre les

différents statuts de la main d’œuvre s’avère extrêmement floue. Sont confondus les apprentis et

les aides familiaux, le salarié et le travailleur à compte propre quand il s’attribue un salaire, les

salariés et les apprentis (qui sont assimilés à des salariés en Tunisie par exemple) ou encore les

salariés et les aides familiaux rémunérés. Il semble donc plus clair de définir la

terme de nombre total d’actifs travaillant dans l’unité quelque soit leur statut.

68

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? 2.1.1 L e versus

microentrepreneur

icroentrepreneurs28 (Algérie). Les enquêtes algériennes sont uniquement des enquêtes

énages29 [ONS, 2001] alors que pour la Tunisie et le Maroc, nous nous basons sur des enquêtes

En Tunisie, l’unité d’analyse est la microentreprise déterminée avec un critère de tenue de la

omptabilité mais surtout celui de la taille (inférieure à 6 salariés). Il est assimilable au critère de

és en référence à des enquêtes antérieures [INS, 1997].

es enquêtes sur la main d’œuvre, sur lesquelles se base notre analyse, sont des

nquêtes ménages. En effet, les unités déclarantes dans ces enquêtes sont les ménages et les

approximation des enquêtes

alyse, des

chantillons et des périodes, la comparaison est à prendre avec précaution.

e problème de sources : microentrepris

La disponibilité des données nous a obligé à utiliser des enquêtes avec des échantillons et des

périodes qui ne sont pas strictement comparables. La distinction s’impose surtout au niveau des

unités d’analyse ; dans un cas on parle de microentreprises (Maroc et Tunisie) et dans l’autre de

m

m

entreprises [INS, 1997 ; DS, 2003].

c

10 employ

Au Maroc, l’unité d’analyse est l’unité de production informelle (UPI) qui est déterminée

uniquement en se basant sur le critère de tenue de la comptabilité. Cependant on peut sans

danger assimiler les UPI de cette enquête [DS, 2003] à des microentreprises ; près de 5% de ces

unités comptent 4 emplois, la taille se concentreraient plutôt en deçà de 10 actifs et même de 6

(Tableau II-1). Il est également à signaler que les enquêtes s’étalent de la fin des années 1990 au

début des années 200030.

En Algérie, l

e

unités d’observations sont les différents membres du ménage [Hammouda, 2002 ; Zidouni, 2002].

Les enquêtes sur la main d’œuvre consignent un certain nombre d’indicateurs de l’activité

informelle qui est définie par la taille (<5 salariés). Ce critère permet de repérer l’emploi informel

(ainsi que les unités informelles) par la taille des unités de production. En l’absence d’autres

sources d’information, on peut donc considérer que les enquêtes de main d’œuvre – pour la

partie qui traite des unités de moins de 5 salariés – sont une bonne

sur les microentreprises. Cependant, et contrairement aux enquêtes marocaines et tunisiennes, les

pourcentages donnés sont relatifs au total des unités économiques nationales.

Pour toute cette partie et au regard de la spécificité des enquêtes, des unités d’an

é

28 A notre conn ssance, pour l’Alg a en én e

ement , s énages rises. qui m preneurs, on peut repérer les treprises mais le

30 Pour pl

ai érie, il n’y que des quêtes "m ages". Les travaux d Charmes [1990a &1990b] qui traitent des établiss s localisés ont fondés sur une comparaison des sources m / entrep29 Dans une enquête ménage traite des icroentre microenrecouvrement n’est pas total.

us de détails sur les enquêtes se reporter au tableau VI-1 du chapitre quatrième et aux annexes de ce même chapitre.

69

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Indépendant, à compte propre et non-salarié Encadré II-1

Dans cette partie, la terminologie utilisée est principalement celle de la statistique du travail [BIT, 1993a&b]. On désignera par travailleurs indépendants les travailleurs à compte propre, les employeurs et les aides familiaux. Les travailleurs à compte propre peuvent travailler seuls ou employer des travailleurs non-salariés permanents tels que les aides familiaux ; ils n’emploient cependant pas de salariés de façon continue ou permanente. On pourra également utiliser le terme "indépendants" pour désigner uniquement les travailleurs à compte propre.

2.1.2 Les différentes caractéristiques

Taille

L’auto-emploi est une caractéristique des microentreprises. Si les micros et petites entreprises

sont définies comme étant celles ayant de 1 à 50 travailleurs, les unités ayant plus de 10

availleurs sont minoritaires avec moins de 2%, selon l’observation de pratiquement tous les pays

Liedholm & Mead [1999]. La tendance est vers le minimum inférieur :

la plupart des pays en développement (PED). Au Maghreb, la

[DS, 2003]. En Tunisie, plus de

0% des microentreprises sont des unités à 1 actif et 86% du total des microentreprises

t

exercent seul ou avec un ai en

al des entrepreneurs algériens sont des ailleurs à compte [ONS (enquête

]. On peut dé ropor également celle

rises déterm ar rapport au total des unités économiques du pays.

tr

africains de l’étude de

parmi l’ensemble des petites et microentreprises, les microentreprises (<10) sont largement

majoritaires (98%) et au sein de ces mêmes microentreprises les travailleurs à compte propre sont

majoritaires.

Cette tendance est partagée par

prédominance de la très petite taille (1 actif) est la caractéristique fondamentale. Au Maroc, 81%

des unités de production informelles sont des unités à un actif

6

unisiennes sont constituées d’unités à 1 ou 2 actifs qui sont des travailleurs à compte propres qui

s de familial ou un appr ti [INS, 1997].

75% du tot trav propre

ménage), 2001 in Hammouda, 2002 duire que cette p tion est

des microentrep inée p

Tableau II-1 Les microentreprises selon leur taille

1 actif 2 actifs 3 actifs 4 actifs et plus 6 actifs et plusAlgérie (source ménages) 76,89% 18,33% (Moins de 6 actifs – au sens strict) 4,78% Maroc (source entreprises) 70,5% 18,7% 6% 4,8% Tunisie (source entreprises) 68,64% † 17,25% 12,75% (3 à 5 actifs) 1,25%

Source : Enquêtes auprès des ménages [2001] in Hammouda [2002], DS [2003] et nos calculs d’après INS [1997]

† Calcul fait à partir de INS [1997, p 9-10]. Par hypothèse tous les aides familiaux sont dans les unités de 1 à 2 actifs.

70

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

rce de travail dans les microentreprises est constituée d’auto-

mel non

ricole [DS, 2003]. En y rajoutant les employeurs informels et les associés (8,9%), ce sont 70%

urs dans les microentreprises qui gèrent leurs propres unités.

de petites unités ou de microentreprises, ce qui vient à l’esprit en premier lieu

omme exemple, ce sont les activités de ventes ambulantes ou de petits commerces ; ce qui

p

exerçant dans le commerce sont eur de la transformation compte

égale ent de

C s exercent d econdaire : activités manufacturières (artisanat et industrie) ou dans

le bâtiment, et dans le tertiaire : commerc ail ou

Caractéristiques de l’emploi

L’emploi dans les microentreprises est caractérisé par la prédominance des auto-employés

(working proprietors) qu’ils soient travailleurs à compte propre (1 actif) ou employeurs (2 actifs et

plus). Plus de 50% de la fo

employés ; en considérant les aides familiaux, cette proportion atteint 75%.

Au Maroc, les travailleurs à compte propre occupent 60,1% du total de l’emploi infor

ag

des travaille

En Tunisie, cette part est de 58,8% avec une prédominance du statut de travailleur à compte

propre qui compte pour 34,5% de la main d’œuvre totale des microentreprises. A la fin des

années 1990, en Tunisie, 21,6% du total de l’emploi non agricole (formel et informel confondus)

est constitué par des personnes employées dans les microentreprises [INS, 1997]. Cette part

atteint 39% au Maroc [DS, 2003] et 25,4% en Algérie durant les années 1990 [Charmes, 2002] 31.

Secteurs d’activité

Quand on parle

c

ourrait être dû au fait qu’elles soient les plus visibles car dans plusieurs pays les microentreprises

majoritaires. Cependant, le sect

m s microentreprises.

es unité ans le s

e de dét services.

Tableau II-2 Répartition de l’emploi dans les microentreprises par branche d’activité

Algérie (ONS-2001) Maroc (DS-2003) Tunisie (INS-1997) Industrie 19,4% 25% 21,6% Bâtiment 19,3% 7% 2,5% Commerce et réparation 35,3% 48,2% († 6,5%) 45,5% Service 26% 19,8% 30,4% † Dont réparation.

Au Maroc, dans le secondaire, ce sont les industries du textile et de la chaussure qui emploient le

plus grand nombre d’actifs informels (12,5%). En Tunisie, bien que ce secteur soit important

dans l’économie du pays (il emploie la moitié de la main d’œuvre occupée dans les activités

31 Pour l’Algérie, il s’agit d’estimation indirecte de l’emploi informel qu’on assimile à de l’emploi dans des microentreprises ; pour les autres pays, il s’agit d’enquêtes entreprises.

71

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? man ne

réglementation stricte

lo PME). On remarque q ar mploi est en p t

entre les différentes branches.

Le tertiaire est prédominant avec près des ¾ p l informel pa

le commerce de détail est prédominant avec près de 18% de la main d

femmes. Les femmes actives dans le secteur informel sont le

lus représentées dans le secondaire pour le cas du Maroc (30,1%) et dans le tertiaire en Tunisie

ufacturières), il ne se distingue pas dans la part de l’emploi informel (5,2%); ceci est du à u

du secteur (entreprises totalement exportatrices ou vendant pour le marché

cal plutôt de type ue la p t de l’e assez bi ropor ionnée

de l’em loi tota des trois ys. Au Maroc,

’œuvre informelle.

Genre

Contrairement à ce qui a été observé en Afrique anglophone et en Amérique Latine [Liedholm &

Mead, 1999], la majorité des intervenants dans les microentreprises au Maghreb sont de sexe

masculin. Seulement 14,6% parmi les actifs informels sont des femmes en Tunisie et 12,7% au

Maroc. 13,9% des microentreprises de travailleurs à compte propre marocaines et 11,36% parmi

les tunisiennes sont gérées par des

p

où elles occupent plus de 25% du total de l’emploi informel dans le commerce (13,85%) et les

services (12,25).

Tableau II-3 Répartition de l’emploi féminin dans la microentreprise par statut dans l’emploi - Maroc et Tunisie

Patrons et travailleuses à compte propre

Salariées Aides familiales

Apprenties Ensemble des actives

Maroc 11,8% 8,5% 28,2% 7,7% 12,7% Tunisie 10,38% 21,35% 26% 7,2% 14,6%

Source : DS [2003] et nos calculs d’après INS [1997]

Les femmes marocaines et tunisiennes travaillant dans les microentreprises occupent des emplois

le

rmi les salariés (ce qui n’est pas le cas du Maroc). Si on

additionne les salariées et les apprenties, cette catégorie des actifs payés représente la part

relativement la plus importante pour la Tunisie, ce qui aura un effet sur les coûts globaux de la

microentreprise tunisienne par rapport à la microentreprise marocaine.

de manière quasi égale sauf pour le statut de salariée, où la proportion des Tunisiennes dépasse

triple de celle des Marocaines. Ces dernières exercent le plus souvent comme aides familiales. Les

tunisiennes sont légèrement plus actives (14,6% contre 12,7%) mais les marocaines sont

légèrement plus entrepreneuses (11,8% contre 10,38%).

En Tunisie, les apprentis sont classés pa

72

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

nre Tableau II-4 Répartition de l’emploi total par statut dans la profession et ge

Travailleurs à compte propre Salariés Aides familiaux Apprentis TotalFemmes 41,8% 37,1% 18,2% 2,7% 100%Tunisie Hommes 61,7% 23,3% 8,8% 5,9% 100%

Femmes 64% 11,2% 23,1% 1,7% 100%Maroc Hommes 73,5% 14,4% 9% 3,1% 100%

Source : INS [1997] et DS [2003]

En total de l’emploi féminin dans les

ches d’exécution. En effet 37% du total des femmes travaillant dans des microentreprises sont

lariées (23,3% pour les hommes), 18% sont aides familiales (8,8% pour les hommes) et c’est

ortion. L’écart est

plus creusé dans la catégorie des aides familiaux ; la proportion de femmes est le double de celle

catégorie : l’écart est de 9,5% entre les hommes et les

2.1

Liedholm & Mead [1999]

per

sa c

Tunisie, les femmes sont le plus représentées par rapport au

sa

uniquement dans ces deux catégories qu’elles dépassent les hommes en prop

des hommes.

Au Maroc, les femmes ne dépassent les hommes que dans la catégorie des aides familiaux où leur

proportion représente plus que le double de celle des hommes. Elles sont cependant beaucoup

plus entrepreneuses que leurs homologues tunisiennes qui sont, elles plus présentes dans les

tâches d’exécution. Cette prédominance apparaît en comparant directement les pourcentages de

femmes patrons ou indépendantes (64% contre 41,8%) mais également en comparant l’écart avec

la proportion d’hommes dans cette même

femmes entrepreneurs marocains et de 19,9% pour les tunisiens.

.3 Le classification selon les types de Liedholm & Mead 32 se sont fondés sur des enquêtes faites en Afrique anglophone et dans

deux pays sud-américains, afin d’établir une catégorisation significative. Ils ont conçu, dans une

spective dynamique, un découpage qui se base sur l’histoire de la microentreprise : son âge et

roissance. Il en ressort quatre types :

32 Plusieurs séries d'enquêtes, qui se sont étendues de 1989 à 1994, se sont déroulées dans 12 pays sur un échantillon total de 65 000 microentreprises. Les enquêtes représentatives (28 000 microentreprises enquêtées) sont celles conduites au Botswana, Kenya, Malawi, Swaziland, Zimbabwe et en République Dominicaine. L'analyse des deux auteurs se base principalement sur ces enquêtes, et est enrichie par des données à partir des enquêtes dans les six autres pays. Les enquêtes touchaient toutes les branches d’activités à l'exception de celui de l'agriculture, où au moins 50% de la production est destinée à la vente et ayant moins de 50 actifs, mais l'attention est focalisée sur les microentreprises (<10 actifs).

73

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? -

- emps mais qui n’ont pas embauché depuis leur

-

-

2.1 les types de Marniesse

Marniesse [1999]

la microentr

relatives aux stratégies des microentrepreneurs pour s’adapter à cet environnement. Les variables

retenues pour la classification, et qui sont issues d'une analyse théorique préalable, sont :

ductif,

grande majorité du tissu des microentreprises des pays les moins développés.

les entreprises nouvellement créées dont l’enjeu principal est de continuer à exister ;

les entreprises qui exercent depuis un certain t

création ; elles constituent la majorité des petites unités ; le but est d’accroître le revenu du

microentrepreneur et des actifs ainsi que la survie de l’unité ;

les entreprises qui ont enregistré une petite croissance depuis leur création. Le but est de les

aider à croître plus rapidement et à augmenter ou intensifier leur rendement ;

les entreprises qui ont atteint la limite supérieure de l’échelle des microentreprises. Elles

incarnent les "success stories" du secteur mais elles sont rares.

.4 Le découpage selon33 tient compte de plusieurs variables, d’une part, relatives à l’environnement de

eprise -déterminants de la demande et du niveau de concurrence- et d’autre part,

l'indicateur de l’insertion sur le marché des biens, la composition de la main d’œuvre, le niveau du

capital productif, la technologie utilisée, le capital humain du microentrepreneur et le degré de

formalité. L'auteur base sa typologie sur le mode de fonctionnement de l’unité économique dont

la taille est souvent le premier indicateur :

- L’informel de survie se caractérise par une très petite taille ; en général, il s’agit des

indépendants très peu qualifiés, ayant peu ou pas de charges fixes (peu de capital pro

pas de local, pas de main d’œuvre, ne respectant pas le cadre institutionnel). Les unités de

cette catégorie ne répondent pas à une demande exprimée mais elles produisent pour

procurer un revenu minimum à des personnes sans capital et sans travail. Elles représentent la

- Les microentreprises familiales sont généralement constituées de 2 à 5 personnes avec une

forte proportion d’aides familiaux et une faible conformité au cadre institutionnel. Cela

permet au microentrepreneur, peu qualifié et souvent averse au risque, de minimiser ses

charges fixes. Elles ont cependant une demande assez régulière, un peu de capital productif,

33 Deux ensembles d’enquêtes. 1/les enquêtes de la Michigan State University concernant 7 pays d’Afrique anglophone (21 000 petites et microentreprises extraites de l’échantillon cité en note 9). 2/Des enquêtes en deux points à quatre années d’intervalle (pour Abidjan et Antananarivo, 2 années), entre 1991 et 1996, en milieu urbain, sur des échantillons de microentreprises à Tunis (94) , Quito (61), Cotonou (87), Antananarivo (136), Guadeloupe et Abidjan (77). Pour le détail de l'enquête de panel en Tunisie, se référer aux annexes du chapitre quatrième.

74

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

0 actifs. Le capital humain moyen

en général et celui du microentrepreneur en particulier est plus développé que dans les deux

nce du salariat parmi les

. Ceci peut

expliquer par des caractéristiques qui se trouvent corrélées à la taille : les débouchés assurés par

es différentes typologies montrent bien l’hétérogénéité des microentreprises : il n’y a pas que

des microentreprises stagnantes, il existe des unités créatrices d’emploi et de richesse. En Afrique,

une petite unité sur quatre crée des emplois [Mead & Liedholm, 1998]. Dans les cinq pays (dont

la Tunisie) étudiés par Marniesse & Morrisson [2000], la création de l’emploi est supérieure, en

moyenne, à la destruction. Dans ce découpage [Marniesse, 1999], le critère de taille ressort et

s'impose comme l'indicateur qui éclaire les caractéristiques des unités de par la forte corrélation

des tâches répétitives et routinières qui ne demandent pas beaucoup de capital humain. Ces

unités ne sont pas destinées à une croissance.

- Les microentreprises "mixtes"34 ont habituellement de 3 à 1

autres catégories. Du fait de ce niveau de capital humain et d’une moindre aversion au risque,

le microentrepreneur cherche à accroître la clientèle et les profits en développant l’entreprise.

Ces entreprises sont visibles et par suite respectent davantage le cadre institutionnel. Elles ont

également plus de salariés, ce qui accroît les charges fixes et fragilise l’entreprise face à une

demande souvent insuffisante et fluctuante. Situées entre formalité et informalité, ces

entreprises nécessitent beaucoup plus de capital humain et financier et sont d’autant plus

nombreuses que le pays est développé.

- Les microentreprises formelles : elles ont entre 6 et 10 actifs et ressemblent aux

microentreprises occidentales : chef d’entreprise qualifié, domina

actifs, mode de fonctionnement et de gestion formel, respect du cadre institutionnel …

Il ressort de cette classification que la stabilité est une fonction croissante de la taille

s'

la régularité de la demande, par le degré de qualification du microentrepreneur qui aura la capacité

de stabiliser la demande d’autant plus que son capital humain est élevé (prospection de la

clientèle, stratégie marketing, découverte de niches…). La stabilité peut également être renforcée

par la visibilité suite au respect des règles qui permet à l'institution d'agrandir son marché.

En étudiant un échantillon de microentrepreneurs de la ville de Sfax, Sboui [2002]35 a aussi trouvé

une classification où le critère de taille est fortement corrélé aux indicateurs de stabilité et de

pérennité de l'activité (valeur des locaux et de l'équipement, capital humain…).

C

34 Selon l’appellation de l’auteur. 35 Voir les annexes du chapitre quatrième pour le détail de cette enquête.

75

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? avec des indicateurs de respect du cadre réglementaire (impôt, sécurité sociale, enregistrement…)

[Hammouda, 2002], de mode de fonctionnement – comme détaillé dans le découpage ci-dessus

Il faut noter les différences existant selon les pays dans l’appréhension de la microentreprise (et la

étermination du critère de taille, entre autres) ainsi qu'entre les différentes enquêtes réalisées

enquêtes antérieures en Tunisie et avec d’autres pays, car la majorité des

ins de 4 actifs.

Le critère de taille est so ques propres aux unités

informelles. De plus, dans certains cas comme celui de l’enquête sur le secteur informel localisé

urbain au Maroc [DE, 1999], les critères d’identification des microentreprises allient un critère de

taille (inférieur à 10 actifs) à ceux de l’existence d’u

impôt. Le même cas d’assimilation entre microentreprise et unité informelle se présente

galement en Algérie dans les différentes enquêtes ménages. En Tunisie, on remarque également

ne identification de la microentreprise à l’unité informelle à travers les critères de statut juridique

ptabi

[Marniesse, 1999] et de rendement [Mead & Liedholm, 1998].

d

dans un même pays. En Tunisie, l’Institut National de la Statistique (INS) définit la

microentreprise comme une unité économique ayant le statut juridique de personne physique, ne

tenant pas de comptabilité et employant moins de 6 actifs ; ce dernier critère étant en conformité

avec la norme fixée par le groupe de Delhi de la commission statistique des Nations Unies [ICLS,

1993]. Ce critère de taille (inférieur à 6 salariés et non à 10) ne pose pas de problèmes de

comparaison avec les

microentreprises se concentrent au niveau de la catégorie 1 à 5 actifs.

Au Maroc, la même remarque est valable. Dans la dernière enquête nationale sur le secteur

informel non agricole [DS, 2003], l’unité de production informelle est confondue avec la

microentreprise. Elle est définie par un critère de non tenue de la comptabilité, qui est fortement

corrélé avec la petite taille ; la quasi-totalité des unités (95%) ayant mo

uvent, implicitement, corrélé avec des caractéristi

n local et de non-paiement partiel ou total de

l’

é

u

et de com lité.

76

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

2.2 mique informelle ?

epts

gran té majoritairement salariée. Ce

'est plus le cas ; les concepts se sont donc adaptés à une organisation de l'emploi basée sur

atégorie 3 et 4

Qu’est ce qu’une unité écono

Les concepts d'emploi informel et de secteur informel ont été adoptés en 1993 par la Conférence

Internationale des Statisticiens du Travail, sous les auspices du BIT, pour compléter les conc

classiques de populations actives déjà existants (chômage, emploi et sous emploi). Ces trois

deurs ont été élaborées en référence à une réalité d'une socié

n

l'emploi non-salarié.

L'emploi informel se définit par rapport aux caractéristiques de l'emploi occupé (absence de

contrat, d'enregistrement, de protection sociale) ou de l'entreprise employeuse (C

dans le graphique II-1). Le secteur informel, qui est considéré comme une des composantes de

l'emploi informel, est défini en référence aux unités économiques [Charmes, 2003]. On va se

limiter dans notre étude aux unités économiques informelles (2 et 4).

Graphique II-1 Emploi et secteur informel

Emploi Formel Informel

Formelle (1) Secteur formel (3) Entreprise Informelle (2) (4) Secteur informel Source : Charmes [2002] d’après [Hussmanns R., 2002]

"moderne" n’a pas provoqué une augmentation

otoire du chômage.

Dès l’origine, le BIT se référait aux entreprises informelles alors que Hart se référait aux

opportunités de revenus informels. C’est la conception du BIT qui a été adoptée avec la première

suggestion de 1972 qui se base sur sept critères [ILO, 1972] :

2.2.1 L’unité économique informelle comme composante du secteur informel

Les différentes définitions analytiques du secteur informel découlent de celle établie en 1972 dans

le rapport du BIT sur le Kenya. Hart [1972] explique à travers ce nouveau concept pourquoi

l’absence de création d’emploi dans le secteur

n

77

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

nt

herché à réduire leur nombre [Morrisson et Mead, 1996]. Etant dépendantes des objets analysés

t des intérêts de recherche, elles sont très fluctuantes et sans consensus général.

el des économies en

cent une

- facilité d’entrée et d’accès à l’emploi pour raison d’absence de barrières ;

- recours aux ressources locales : emploi d’aides familiaux, utilisation des fonds propres et de

l’épargne de proximité pour le financement de l’activité ;

- propriété familiale des entreprises ;

- activité à petite échelle : les effectifs employés sont inférieurs à 10 ;

- technologie adaptée à la demande et à forte intensité de main d’œuvre ;

- qualifications acquises en dehors du système scolaire officiel en utilisant l’apprentissage ;

- opérations sur des marchés de concurrence sans réglementation au regard des dispositions

relatives aux salaires, à la sécurité et aux conditions de travail.

Au regard de la multiplicité de ces critères, les définitions qui ont été proposées depuis o

c

e

Cette définition multicritères semblait reconnaître le dualisme structur

développement36 [Charmes, 2002], ce qui correspondait de moins en moins à la réalité et ce

depuis "l’invention" du concept de secteur informel en 1972. L’invalidation de cette thèse de

dualisme est établie sur le marché du travail et des biens mais l’est un peu moins sur celui du

capital ; le secteur informel joue le rôle d’une réserve de main d’œuvre pour le secteur formel ; les

salariés formels se reconvertissent comme employeurs dans le secteur informel ou exer

activité informelle à titre d’occupation secondaire pour améliorer leur revenu. Ces mêmes

travailleurs formels peuvent se procurer des biens et services à moindre coût sur le marché

informel. Une entreprise informelle peut s’approvisionner sur le marché formel.

Ces débats sur le caractère contestable de la notion de dualisme ont ouvert la voie, en 1993, à une

définition internationale du "secteur informel". Il se caractérise d’une façon générale « comme un

ensemble d’unités produisant des biens et des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour

les personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière

spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations

de travail, lorsqu’elles existent, sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les relations de parenté ou les relations

personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme »

[ICLS, 1993 ; BIT, 1993 a&b ; Charmes, 2002].

36 Cf. Chapitre premier.

78

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

un élément, au sein du Système de

omptabilité Nationale (SCN), du secteur institutionnel des ménages en tant qu’entreprises

énages" et non du secteur productif "traditionnel"

obligations fiscales -, critère de faible intensité

Une autre définition, opérationnelle, a été proposée par la 15ème conférence des statisticiens du

travail, dans une optique statistique de collecte de données. Elle appréhende le secteur informel

comme "un ensemble d’unités de production qui constituent

C

individuelles37". Les unités formant ce secteur, se distingueraient alors par leur statut légal et le

type de comptabilité qu’elles tiennent : elles sont des entités non séparables du ménage ou du

membre du ménage qui en est propriétaire et elles ne tiennent pas de comptabilité complète38 qui

permettrait un décompte et une distinction entre les activités et les comptes de l’entreprise d’une

part et celles du ménage et des autres activités d’autre part. Avec cette nouvelle définition, en

faisant partie du secteur institutionnel des "m

[Lewis, 1954], le secteur informel se départit de son caractère dualiste [Charmes, 2002 ; 2003].

2.2.2 Les difficultés de mesure et les critiques

Dans la pratique, les définitions opérationnelles du secteur informel (ou d’une activité relevant du

secteur informel), utilisées jusqu'à récemment, sont ramenées à trois critères : critère d’informalité

juridique – non-respect des réglementations et des

capitalistique - capital physique et humain, ce qui permet d’exclure des activités du type cabinet

d’avocat, conseil… - et un critère de taille – 10 actifs au plus [Morrisson et Mead, 1996].

Le critère de non-respect du cadre institutionnel donne des résultats variables ; il dépend du

contexte institutionnel plus ou moins rigide et du comportement des agents, plus ou moins

respectueux des règles. Dans ce cas, on peut considérer comme formelle une entreprise qui paye

la patente et en exclure une autre ne la payant pas, ayant les mêmes caractéristiques mais qui se

trouverait dans un autre pays où les règles institutionnelles seraient différentes. De même pour

l'enregistrement, si les procédures sont longues et coûteuses dans un pays ou simplifiées et

gratuites dans l'autre. Selon que le cadre est répressif ou laxiste, le nombre d’entreprises

informelles, à caractéristiques égales, baissera ou augmentera. Ce critère n’est pas intrinsèque. Le

critère de capital peut nous conduire à exclure des entreprises à fort capital humain mais qui ont

un comportement organisationnel proche de celui des entreprises informelles (à faible capital). Le

critère de taille ne tient pas compte du fait que le nombre d’actifs varie selon les branches et les

niveaux d’activité [Lautier, 1994]. Par exemple, une entreprise dans le secteur du bâtiment peut

37 Les entreprises individuelles sont des entreprises non financières qui n’ont pas le statut de société ou quasi-sociétés.

38 Renvoie au respect de la loi fiscale.

79

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

ues informelles et surtout une taille qui se limite à

ntrepreneur seul et ce en dehors des périodes de chantiers.

Si on veut être concis et choisir l’un de ces critères, on risque de laisser passer une part d’unités

on adopte la b les filtres et on réduit encore plus le nombre des

unités considérées comme informelles, car ces critères ne se superposent pas. Morrisson et Mead

[1996] ont montré la difficulté de définir un ensemble homogène qui vérifierait simultanément les

nomique qui se présente alors plutôt sous la forme d’un continuum.

ndation du BIT en ce qui concerne les mesures du secteur informel est

une ignorance ou d'une stratégie de baisse des

charges, ne pas tenir de comptabilité laisse entrevoir toute une organisation spécifique de

l'entreprise. En plus, au moment des enquêtes, on a plus de probabilité d'avoir la vraie réponse en

employer plus de 10 actifs au moment de la réalisation d’une commande ; ceci ne l’empêche pas

d’avoir un comportement et des caractéristiq

l'e

informelles vers le formel ou vice versa ; nos décomptes changent donc selon le critère utilisé. Si

atterie des 3 critères, on augmente

3 critères et les distinguerait des autres unités.

Dès que l’on prend en considération plus d’un critère, on cesse d’être univoque et nos

distinctions s’affinent.

La multiplicité des critères, dans un souci (louable) de poser une définition large et de laisser le

choix aux pays de l’adapter selon leurs caractéristiques, se confronte justement à la définition

opérationnelle qui ramène à une vision dualiste. Penouil [1990] trouve que le raisonnement en

terme de secteur présente des limites et conduit à admettre que les deux secteurs sont

foncièrement différents et différentiables.

Le problème de "quels critères choisir et combien ?" se pose peut-être en terme d’une

"incompréhension" entre statisticiens et économistes. Quand on est amené à mesurer, on a

besoin de critères clairs et tranchants ; pour analyser, on a besoin de nuancer pour mieux cerner

la réalité éco

Depuis 1993, la recomma

d’y inclure toutes les entreprises qui n’ont pas le statut légal de société ou quasi-société. En

d’autres termes, celles qui ne tiennent pas une comptabilité complète. Ces mesures (qui

gagneraient à être uniformes entre les pays dans un souci de comparabilité) serviront au calcul de

la part de ce secteur dans le PIB. Le BIT a également indiqué des sous-critères pour des fins

analytiques : l’absence de salariés permanents, l’absence d’enregistrement de l’unité, celle des

salariés ou la taille en-dessous d’un certain seuil que le groupe de Delhi de la Commission

statistique des Nations Unies a récemment fixé à 5 salariés [Charmes, 2003].

Alors que le non-enregistrement peut découler d'

80

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

question est mo

la définition du secteur informel qui utilise, entre autres, un critère

ou moins général. Sous l'angle de la

demandant si l'entrepreneur tient une comptabilité que s'il fraude le fisc étant donné que la

ins sensible [Abzahd, 2003].

2.3 Quelle congruence entre microentreprises et unités informelles ?

La définition préalable des deux concepts a été motivée par les amalgames souvent fait entre

unité économique de petite taille et unité économique informelle.

La confusion commence avec

de taille39. Nous ne pouvons donc nous empêcher de penser que toutes les unités informelles

sont des microentreprises et réciproquement que toutes les microentreprises sont informelles.

Cependant, les deux entités se recouvrent partiellement mais pas totalement.

Au fond, l'objet est le même. Ce sont les angles et les directions à partir desquels on le regarde

qui font qu'il nous apparaît plus ou moins étendu, plus

microentreprise, on étudie l'unité économique comme une firme de petite taille, sa production,

ses moyens de gestion spécifiques, son système industriel… Sous l'angle de l'unité informelle, elle

est appréhendée comme une unité de mesure dont l'agrégation sert à réévaluer la production

nationale, le chômage… Les phénomènes se recouvrent partiellement mais ne peuvent être

confondus.

L'émergence de ces deux concepts rapportée à leur contexte historique, présentée dans une

première partie, nous renseigne sur les origines de la confusion. Dans la deuxième partie nous

avons voulu observer la congruence entre ces deux ensembles et déterminer, à travers une analyse

multidimensionnelle d'un échantillon de microentreprises informelles préalablement définies, le

caractère de ces unités en nous basant sur leurs habitudes de financement, leurs relations avec

leurs clients et leurs fournisseurs. Il s’avère que les informels ainsi identifiés exercent

majoritairement une activité mixte qui se décline du formel à l’informel.

39 Nous parlons des définitions utilisées avant la généralisation de l'application de la définition internationale du secteur informel de 1993.

81

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

r traditionnel" comme un dysfonctionnement,

estiné à disparaître avec la croissance et la modernisation.

lation

rbaine, la faible croissance économique et la forte croissance du chômage ont fait que les

ec

avènement de la modernité et de l’industrialisation. Les anciennes perceptions vis-à-vis de ce

Ce terme de secteur informel, s'il veut désigner plus ou moins un ensemble d'entités similaires

aux microentreprises reste fortement influencé par son parcours historique et ses liens anciens

2.3.1 "Petite entreprise de ce côté du Sahara, unité informelle au-delà" [Savoye, 1996]

Retraçant l’historique et l’évolution du concept de microentreprise dans l’économie de

développement, Fafchamps [1994] a bien cerné les origines communes - facteur de la confusion

latente - entre ce concept et celui d’unité informelle.

Les théories développementalistes de l’après-guerre concevaient les économies des pays en

développement ou plutôt anciennement colonisés, comme des économies à structure duale,

héritage du colonialisme : d'un côté des grandes firmes modernes créées par les gouvernements

colonisateurs et de l'autre, de petites unités artisanales indigènes utilisant des techniques

traditionnelles de production.

Cette vision des petites entreprises comme unités désuètes servant de tampon temporaire au

surplus de main d'œuvre et célébrant l'émergence des grandes firmes comme une source de

modernisation et de croissance économique a été cristallisée par Lewis [1954] à travers sa théorie

du dualisme économique. Il voyait le "secteu

d

Staley & Morse [1965 in Fafchamps, 1994], avec leurs travaux sur les petites entreprises dans les

pays en développement, ont introduit une nouvelle catégorie à travers le concept de petites

entreprises modernes qui se situent entre les artisans traditionnels et les grandes firmes modernes.

Bien que ces deux auteurs aient mis l'accent sur les caractéristiques du secteur traditionnel,

archaïque et involutif, ils ont reconnu la possibilité que des artisans, issus de ce secteur, puissent

se moderniser et croître pour devenir des petites unités dynamiques.

Au début des années 1970, l'exode rural massif qui a fait accroître significativement la popu

u

économistes du développement ont revu leur jugement quant au rôle des microentreprises dans la

distribution des revenus et la création d'emplois. Ce n’est plus la "salle d’attente" (un état

transitoire vers l’équilibre) de la main d’œuvre pour le passage au secteur formel mais un secteur à

part entière et durable qui n’est nullement le résultat d’un déséquilibre ni destiné à disparaître av

l’

secteur ont cédé la place à ce nouveau courant de pensée qui a été associé à l'avènement du terme

"secteur informel" en 1972.

82

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

ppliquaient qu'à elles) mais qui n'avait

cun sens pour le type d'activités locales. Pour un pays comme la Thaïlande, qui n'a pas connu la

colonisation ni cette subdivision dualiste de l'économie, il a eu un développement synchrone de

son tissu d'entreprises qui se modernisait progressivement ainsi que du cadre légal qui

l'accompagnait. Dans ce pays, le secteur informel désigne des activités marginales dans des

idonvilles ; l'unité économique "traditionnelle" à l'africaine ne fait pas partie du secteur informel

n Thaïlande [Morrisson et Mead, 1996].

eaucoup d'études sur le secteur informel ont suivi et ont mis en évidence son importance en

rme d'emploi et de production et ont aussi défini les caractéristiques principales de ses unités.

es microentreprises, quant à elles, affichent une série de caractéristiques qui sont généralement

du secteur informel exclut de ce secteur

ute entreprise dépassant le seuil de 10 actifs [Morrisson et Mead, 1996] et fait assimiler une

ntreprise de moins de 10 actifs à une entreprise informelle. Ce critère aboutit à une définition

ui restreint le secteur informel aux seules microentreprises et fait se confondre les deux

nsembles définis par la microentreprise d'un côté et le secteur informel de l’autre. Or d’après le

raphiq e II-2 roent prise it une orte p

la pratique, les différents critères ne sont pas

l’on abandonne l’analyse unidimensionnelle,

uestion d’appréciation,

avec la notion de dualisme économique. Son émergence et son parcours peuvent également être

expliqués par un décalage entre le cadre juridique et institutionnel d'une part et la réalité

économique des pays d'autre part. En Afrique, lieu de création de ce terme, après l'indépendance,

les gouvernements ont souvent conservé un cadre réglementaire conçu pour les entreprises de

type moderne créées sous la colonisation (et qui ne s'a

au

b

e

B

te

L

associés au secteur informel [Fefchamps, 1994].

L’inclusion du critère de taille dans la détermination

to

e

q

e

g u , bien qu’une mic re a f robabilité d’être informelle (et de se

retrouver dans l’intersection des deux ensembles), cette déduction n’est pas systématique40.

La confusion découle également du fait que, dans

toujours observables simultanément. Dès que

l’informalité devient nuancée. En adoptant des critères abrupts (du type : moins de 10 actifs) on

court le risque que les entités juxtaposant la frontière ne soient pas affectées au bon ensemble.

A notre sens, la différence fondamentale entre ces concepts est une q

d’appréhension et d’angle de vue. Les unités informelles appartiennent à la sphère privée (secteur

institutionnel des ménages dans le système de comptabilité nationale). Une partie est

83

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

" mais il existe d’autres types d’unités qui concurrencent le secteur formel. La

icroentreprise, bien qu’elle puisse être informelle, est classée dans la sphère productive. Le fait

2 Microentreprises et secteur informel

effectivement conforme aux "unités traditionnelles" que Penouil [1990] appelle "l’informel de

subsistance

m

de parler de microentreprise nous incite à prendre en compte son caractère productif et

dynamique [Marniesse, 1998 ; Liedholm & Mead, 1999].

Graphique II-

Microentreprise Petite et et indépendant moyenne Microentreprise et indépendant formels entreprise informels informelle Secteur informel Microentreprise : de 2 à 10 actifs - informalité juridique Indépendant : 1 actif - faible intensité capitalistique

Source : Hamed [2002]

Le secteur informel c’est le secteur des microentreprises du Nord transposé, appelé, habillé selon

les "usages" du Sud [Savoye, 1996]. Cette confusion des appellations, avec tout ce que le secteur

informel revêt comme connotation négative, fait confondre toute petite unité avec une unité qui

est en marge des réglementations et portant préjudice au développement.

Est-ce que ceci est vérifié ? Est-ce que toute microentreprise est informelle ? Les

microentreprises à caractère informel, le sont-elles vraiment ? Portent-elles préjudice au

40 Une entreprise de bâtiment (non déclarée, ne payant pas d’impôt, faible capital) qui peut compter beaucoup plus de 10 actifs au moment des grands chantiers et peut se restreindre à 1 seule personne en période de faible activité est bel et bien informelle.

84

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

La difficulté de retenir une définition univoque de l’informalité et de classer d’emblée une unité

dans l’un ou l’autre des secteurs nous a incité à identifier, dans un premier temps, les

eprises informelles à partir de trois critères opérationnels (inspirés par ceux cités plus

mie informelle en Algérie »41, réalisée en 2000-2001 et à travers l’étude du

oche directe par questions fermées ; le questionnaire comporte quatre

développement ? La distinction microentreprise informelle / formelle est-elle pertinente pour

l'analyse ?

Pour essayer de répondre à ces questions, nous avons exploité un échantillon de

microentrepreneurs (employeurs) et indépendants (travailleurs à compte propre) algériens duquel

nous avons isolé le sous-échantillon des informels que nous avons déterminé en utilisant trois

critères inspirés de ceux donnés par Morrisson & Mead [1996] et des différentes définitions

données par le BIT [1972, 1993] .

2.3.2 Microentreprise et informalité : une analyse multidimensionnelle à partir du cas algérien

microentr

haut) et à déterminer, dans un second temps, le caractère de ces unités en nous basant sur leurs

habitudes de financement, leurs relations avec leurs clients et leurs fournisseurs. En confrontant

les deux résultats, il s’avère que les informels ainsi identifiés exercent majoritairement une activité

mixte qui se décline du formel à l’informel. Pour cette fin, nous avons exploité l’enquête

"ménages" « Econo

sous-échantillon des microentrepreneurs42 (employeurs et indépendants), nous avons essayé de

déterminer les caractéristiques de 266 microentreprises informelles algériennes.

2.3.2.1 L'enquête

L’enquête a été conduite dans 10 villes différentes qui se regroupent en trois régions : L'Ouest

(Oran, Tlemcen, Mascara, Sidi Bel Abbès) représente environ 1000 ménages, le Centre (Tizi

Ouzou) représente 150 ménages, l’Est (Constantine, Jijel, Mila, Setif, Khenchela) représente 250

ménages ; Alger et Annaba n’ont pas été enquêtées. L’enquête vise l’évaluation de l’économie

informelle selon une appr

Enquête élaborée conjointement par le GRATICE-Université de Paris XII et la Faculté de Sciences Economiques,

Université de Tlemcen – Algérie. 42 Ou plutôt, à majorité de microentrepreneurs. En effet, 1/10 des unités de l’échantillon emploient plus de 10 personnes.

41

85

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

r le statut d’activité des individus (salariés, non-salariés, chômeurs, activité

rcée – salariée (25 variables) ;

dépendante (39 variables), les caractéristiques du chômage (27 variables) ; les caractéristiques

ire - salariée, indépendante - (18 variables) [Adair, 2002].

iques de l’échantillon

filtres déterminés pa

secondaire).

La taille de l’échantillon total est de 1399 ménages, soit 8500 individus dont 6068 âgés de 15 à 64

ans. Le questionnaire comprend 87 questions totalisant 242 variables déclinées en 1503

modalités. On distingue 2 groupes de variables : les variables « ménage » -composées de questions

s’adressant aux ménages dans leur totalité- et les variables « individu » -composées de questions

s’adressant aux individus. Les questions « ménage » sont subdivisées en trois rubriques : les

caractéristiques signalétiques et socio-démographiques - statut, taille, habitat, lien de parenté et

nature du logement - (5 variables) ; les ressources des ménages et leurs dépenses. Les questions

« individu » se décomposent en 4 ensembles : les caractéristiques individuelles –âge, sexe,

instruction - (3 variables) ; les caractéristiques de l’activité exe

in

de l’activité seconda

2.3.2.2 Caractérist

Les biais

Dans un souci de recueillir l’information la plus complète possible, le choix de l’échantillon ne

s’est pas effectué selon un processus aléatoire. Etant donné la nature ″sensible″ d’une partie des

sonnes qu’ils connaissent personnellement (ou par

commandation).

ette méthode a peut-être permis d’avoir accès à une information plus fiable mais elle a engendré

des biais. Le plus important est la no quêteurs

reproduisent forcément le schéma social auquel ils appartiennent en interviewant des personnes

e et qui sont donc logiquement du même milieu ndant, l’échantillon est

uxième biais, qui n’a pas pu être évité malgré la technique d’échantillonnage

les chefs de ménages (ou les hommes) réponde our leurs femmes

duit à un déséquilibre de l’échantillon en faveur du sexe masculin et à

l’existence de données manquantes corrélées avec

eprésentation des classes d’âge 35-45 ans parmi les hommes et une sur-représentation du secteur

ublic.

questions de l’enquête (payez-vous des impôts ? votre activité est-elle déclarée ?), il a été demandé

aux enquêteurs d’interviewer les per

re

C

n-représentativité de la société algérienne ; les en

de leur entourag ; cepe

significatif. Le de

utilisée, est le fait que nt p , filles

ou sœurs ; ce qui con

le sexe féminin. Le dernier biais est une sous-

r

p

86

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? L'échantillon retenu

L’échantillon retenu est celui des microentrepreneurs (employeurs et indépendants). Il a été

obtenu en appliquant deux filtres à notre échantillon total de 8500 individus : le premier concerne

l’âge et le deuxième a permis de déterminer l’activité de microentreprenariat. On obtient 524

individus qui se sont déclarés "indépendants" à la question concernant la catégorie

cioprofessionnelle d’appartenance43. En appliquant un troisième filtre, on extrait un sous-

échantillon de 482 microentr i ont répondu à la première

question de la sous-enquête « employeurs et indépendan phique II-3). Le choix de filtrer

sur la catégorie de CSP44 (concaténée) "non-salariés" a onnées

manquantes. Les individus ayant déclaré être non-salarié sont pas forcéme qui ont

répondu à la partie du questionnaire correspondant

La taille des unités

so

epreneurs âgés de 15 à 59 ans inclus qu

ts » (Gra

u t engendré beaucoup de drai

s ne nt ceux

e à leur statut.

Notre échantillon de 482 employeurs et indépendants compte 10% d'employeurs gérant des

unités de plus de 10 actifs.

On remarque que la quasi-moitié de l'échantillon n'a pas répondu à cette question de taille. On a

fait l'hypothèse (à tester ultérieurement) que ceux qui n'ont pas répondu sont des indépendants

seuls ou des indépendants employant des aides familiaux et/ou des apprentis, ayant en tout état

de cause moins de 10 actifs.

On a choisi de garder ces 53 entreprises dans notre écha n de microentreprises à des fins

d’analyse et de comparaison ultérieures.

ntillo

Tableau II-5 Distribution des actifs par taille d’établissements

Effectif % / Total 1 à 2 personnes 148 30,713 à 5 personnes 57 11,836 à 10 personnes 27 5,60Plus de 10 personnes 53 11,00Données manquantes 197 40,87Total 482 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

Nomenclature de l'Office National des Statistiques algérien.

44 Question 23.

43

87

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? Les caractéristiques individuelles

La majorité des microentrepreneurs enquêtés est de sexe masculin (86,5% de l’échantillon). Plus

lus représentée est c es 25 à 30 ans

4,6% de la totalité des femmes microentrepreneurs de l’échantillon ont

s hommes (16,5%) (Tableaux II-6 et II-7).

Tableau II-6 Répartition par sexe

de 82% sont âgés de 25 à 55 ans. La tranche d’âge la p elle d

autant pour les femmes (2

entre 25 et 30 ans) que pour le

Effectif % / Total Masculin 417 86,51 Féminin 65 13,49 Total 482 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

Tableau II-7 Répartition par classe d’âge

Effectif % / Total [15--19] 10 2,07 [20--24] 44 9,13 [25--29] 85 17,63 [30--34] 79 16,39 [35--39] 56 11,62 [40--44] 52 10,79 [45--49] 61 12,66 [50--54] 64 13,28 [55--59] 31 6,43 Total 482 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

Concernant le nivea t répartis entre un

niveau faible d’instruction, un niveau moyen, un niveau secondaire et un niveau supérieur

(Tableau II-8). On remarque que pour notre échantillon, les microentrepreneurs de sexe féminin

o plus élevé que ceux de sexe masculin effet, 32% de mes de

l'échantillon ont un niveau supérieur d’éducation contre 21,1% des hommes de l'échantillon.

Pour le niveau secondaire, les femmes sont aussi sur-représentées, 28% contre 22% pour les

hommes. La tendance s’inverse pour le niveau faible et le niveau moyen où les hommes comptent

respectivement pour 28 et 27% contre 20% de femmes. La classe des 25-35 ans possède le niveau

d’instruction le plus élevé : 40,4% de la totalité des individus ayant un niveau supérieur

appartiennent à cette classe. 65% des 25-30 ans et 55,7% des 30-35 ans ont un niveau secondaire

ou supérieur.

u d’instruction, les microentrepreneurs sont égalemen

nt un niveau d’éducation . nE s fem

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Effectif % / Total

Tableau II-8 Niveau d’instruction

Niveau faible : sans instruction, alphabétisé et primaire 134 27,80 Niveau moyen : collège 130 26,97 Niveau secondaire : lycée 109 22,61 Niveau supérieur : université 109 22,61 Total 482 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

Concernant le type d’habitation, 69,1% du total des individus possèdent une habitation

individuelle dont 27,6% habitent une villa. Ces 333 microentrepreneurs ont la possibilité

’exercer une activité chez eux et de tenir leurs ateliers dans les dépendances (Tableau II-9). Ceci

est propriétaire. Plus

de maisons individuelles et 95% des habitants de villa sont

Tableau II-9 Nature du logement

Effectif % / Total

d

est d’autant plus possible que la majorité du total de l’échantillon (85%)

précisément, 83% des habitants

propriétaires (Tableau II-10).

Immeuble 143 29,67 Maison individuelle 200 41,49 Villa 133 27,59 Habitat précaire 6 1,24 Total 482 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

Tableau II-10 Le statut d’occupation du logement

Effectif % / Total Propriétaire / copropriétaire 410 85,06 Locataire 39 8,09 Logé gratuitement 30 6,22 Autre statut d’occupation 3 0,62 Total 482 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

89

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

es : l’immatriculation de l’activité au registre du

ommerce (informalité juridique), l’acquittement des impôts sur l’activité (informalité fiscale) et la

nue d’une comptabilité (informalité économique).

52 votre activité est-elle immatriculée au registre du commerce ?

2.3.2.3 Choix et concaténation des critères de caractérisation de l’activité

En nous basant sur la convention retenue depuis 1993 par le BIT pour définir le secteur informel

et sur les données disponibles au regard de l’enquête45, trois indicateurs ont été privilégiés pour

l’identification des activités formelles et informell

c

te

Les variables actives, ci-dessous, sont les trois critères, avec leurs modalités détaillées, choisis

pour la détermination du caractère informel ou formel des unités.

Q52-1 oui activité immatriculée 52-2 non immatriculée/autorisation communale 52-3 non immatriculée/autorisation wilaya 52-4 autre 52-5 rien 52-i classe indéfinie 52-0 Données manquantes

Q53 tenez-vous une comptabilité ? 53-1 oui comptabilité régulière 53-2 oui comptabilité irrégulière 53-3 jamais de comptabilité 53-i classe indéfinie 53-0 Données manquantes

Q54 payez-vous des impôts ? 54-1 impôt payé au réel 54-2 impôt forfaitaire 54-3 impôt redevance 54-4 aucun impôt 54-5 autre 54-i classe indéfinie 54-0 Données manquantes

Si on utilise les 3 critères sous cette forme et si on fait une Analyse Factorielle des

Correspondances (AFC) suivie d’une classification automatique, en utilisant 19 modalités, le

45 Nous ne disposions pas de la composition des actifs des unités étudiées : salariés permanents, non permanents, aides familiaux ou apprentis.

90

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? niveau de "tamisag niveau de détails

mais sans significativité

t par ur identifier les

nq cativité des

es e es e tr p

Le critère juridique : la variable Q52

e" sera si fin qu’on aura beaucoup de classes avec un grand

et avec une représentativité limitée.

En passan des fusions de modalité, des croisements avec d’autres variables po

données ma uantes (DM) ou les modalités "autre", on augmentera la signifi

caractéristiqu d s group d microen e rises.

tre em es m li

immatriculation au registre du commerce ou un a type d'im iculation sont celle

ind m d'en ent.

Q activité est-elle immatriculée au registre du commerce 52 rée 1+2+3+52'2 (=5)

défDonnée manquante

’après les tris croisés entre Q'52 et Q48 (moyens de paiement avec les clients) d’un côté et

’’4946 (moyens de paiement avec les fournisseurs)

les modalités de Q'52 au no et les DM comme faisant

artie d’activité non déclarée.

in uasiment pas de

ch leu ur qu

u indéfinie et les DM de la Q 52 (en noir) (Tableaux II-11 t II-12)

Dans un premier temps, on a assemblé les qua pr ièr oda tés qui indiquent une

utre matr : ce s qui

iquent un inimum registrem .

''1 activité52 votre

décla (= 4) non déclarée

52'i classe in

inie 52'0

D

Q d’un autre, on remarque qu’on peut réduire

mbre de 2 en considérant la classe indéfinie

p

En effet, les dividus qui disent avoir une activité non déclarée, n’utilisent q

èque dans rs transactions47 (en gris s les tableaux) ; nous remar ons que c’est le même

cas po r la classe ’ e .

46 Q’’49 est une variable concaténée à partir de Q49 illée dans le air es en nnexe II-1.

47 En effet, en Algérie, sans justificatif d’enr ment, une entreprise ne peut pas avoir un compte bancaire [Benisâad, 1993]. Cependant, le compte peut être au nom de la pers

. L’opération est déta dictionn e des variabla

egistreonne.

91

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

ec les clients

nféren ments :

que Cl ées ENSEMBLE

Tableau II-11 Tri croisé : enregistrement de l'activité - moyens de paiement utilisés av

En lig e Q'52 votre activité est-elle enregistrée au registre du commerce ?

c nts uEn colonne Q48 avec vos lie tilisez-vous de pré ce pour les paieè dit nEffectifs espèce ch au cré asse Don

ligne éfinie manqu% Ind antes

% colonne

activité 254 0 38 29 6 327 déclarée 77,7% 0,0% 11,6% 8,9% 1,8% 100,0%

74,1% 0,0% 84,4% 78,4% 10,5% 67,8%

non déclarée 68 0 2 8 6 84 81,0% 0,0% 2,4% 9,5% 7,1% 100,0%

19,8% 0,0% 4,4% 21,6% 10,5% 17,4%

classe 1 0 1 0 0 2 indéfinie 50,0% 0,0% 50,0% 0,0% 0,0% 100,0%

0,3% 0,0% 2,2% 0,0% 0,0% 0,4%

Donnée 20 0 4 0 45 69 manquante 29,0% 0,0% 5,8% 0,0% 65,2% 100,0%

5,8% 8,9% 0,0% 78,9% 14,3% 0,0%

ENSEMBLE 343 57 482 0 45 37 71,2% 11,8% 100,0% 0,0% 9,3% 7,7%

100,0% 10 0,0%0,0% 100,0% 100,0% 0,0% 10

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Tableau II-12 Tri croisé : enregistrement de l'ac- moyens de paiement des fournisseur

En ligne enregistrée au registre du commerce En colonn

Effectifs fournisseurs yés espèce fournisseurs payés chèque 9'' ENSEMBLE

tivité s

Q'52 votre activité est-ellee 49'' moyens de paiement des fournisseurs

pa DM4% ligne

% colonne

activité 58 327 245 24 déclarée 74,9% ,3% 100,0% 17,7% 7

71,4% 89,2% 32,4% 67,8%

non déclarée 77 3 4 84 91,7% 3,6% 4,8% 100,0%

22,4% 4,6% 5,4% 17,4%

classe 1 1 0 2 indéfinie 52' 50,0% 50,0% 0,0% 100,0%

0,3% 1,5% 0,0% 0,4%

Donnée 20 3 46 69 manquante 52' 29,0% 4,3% 66,7% 100,0%

5,8% 4,6% 62,2% 14,3%

ENSEMBLE 343 65 74 482 71,2% 13,5% 15,4% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

92

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

u d’une autre nous a

des fins de contrôle, on a croisé cette variable concaténée 52’’ avec la question 56’ : Statut

gal49, on a obtenu le tableau suivant :

52'' votre activité est-elle enregistrée ? Effectifs activité enregistrée activité non enregistrée ENSEMBLE

On peut donc créer la variable 52’’ en ajoutant à la non déclaration au registre du commerce la

classe indéfinie et celle des données manquantes telle que :

52’’ votre activité est-elle enregistrée ? 52/1 activité enregistrée (=1+2+3+4) 327 individus 52/2 activité non enregistrée (=5+i+0) 155 individus

Le nombre d'individus enregistrés "institutionnellement" d’une manière o

semblé surestimé (327), eu égard de la nature de l’échantillon . 48

A

Tableau II-13 Tri croisé : enregistrement de l'activité - statut légal

En ligne STATUT légal En colonne

% ligne % colonne

activité déclarée 99 15 114 (statut légal) 86,8% 13,2% 100,0%

30,3% 9,7% 23,7%

activité non déclarée 97 82 179 (pas de statut légal) 54,2% 45,8% 100,0%

29,7% 52,9% 37,1%

DM 131 58 189 69,3% 30,7% 100,0%

40,1% 37,4% 39,2%

ENSEMBLE 327 155 482 67,8% 2% 100,0% 32,

100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Les 155 individus qui n'ont pas d'activité enregistrée, n'ont aucune raison de mentir. Notons que

15 déclarent en même temps avoir une activité non enregistrée et déclarée. Ceci peut être imputé

à une incompréhension de la question.

48 A titre d’information, le taux national d’enregistrement est de 50% [Hammouda, 2002]. Bien sûr, notre échantillon n’est pas représentatif et ce taux n’est donc pas très informatif. 49 Variable créée à partir de la question 56 : Quelles sont les raisons qui vous empêchent de choisir un statut légal ? Les explications concernant la création de cette variable se trouvent dans le dictionnaire des variables (annexe 1).

93

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? Parmi l sont à

réinjecter avec la modalité 2 - activité es 131 qui déclarent avoir une activité

enregistrée d’une part et ne donnent pas de rép nse pour le statut légal sont considérés comme

n effet, ils ressés

vu qu’il gistrés au erce o re organism

D’où la nouvelle variable :

52’’’ votre activité est-elle enregistrée (cré r programmat52/1 activité enregistrée 327 - 97 = 5 gistrée 155 + 97 = 252

our une plus grande ro sse de la nouvelle ble nous avons our une analyse multi-

variée suivie d’une classification automatique, qui incl

ossession d’un compte bancaire51, ainsi que la variable "Statut légal". A des fins d’observations,

é enregistrée 198 284

es 327 qui disent être enregistrés, il y a 97 qui n'ont pas de statut légal. Ceux-là

non enregistrée. L

o

enregistrés. E ne répondent pas à la question sur le statut car ils ne sont pas inté

s sont enre registre du comm u dans un aut e.

ée pa ion) ? 230

2/2 activité non enre

P buste varia opté p

urait le mode d’approvisionnement50, la

p

nous avons inclus "le mode de paiement des impôts" comme variable illustrative.

On obtient :

52* votre activité est-elle enregistrée (créée par AFC) ? 52*1 activit52*2 activité non enregistrée

Un croisement entre 52 ‘’’ et 52* fait correspondre 75% de l’échantillon pour la première

modalité et 80% pour la deuxième (Tableau II-14).

50 D’après Benissad [1993], l’enregistrement est obligatoire pour pouvoir acheter des intrants auprès des firmes publiques. Bien que notre modalité "approvisionnement formel" ne distingue pas l’approvisionnement formel public du privé, on considérera qu’un approvisionnement formel indique une prédisposition à l’enregistrement. 51 Pour les mêmes raisons que ci-dessus et par le même auteur.

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Tableau II-14 Tri croisé : enregistrement de l'activité créée par AFC et par programmation

En ligne 52* est-ce que votre activité est enregistrée (créée par AFC) ? En colonne 52’’’ votre activité est-elle enregistrée (créée par programmation) ?

Effectifs non enregistrée Enregistrée ENSEMBLE % ligne 52 ‘’’ 52"’

% colonne

activité non enregistrée 214 70 284 52* 75,4% 24,6% 100,0%

%84,9 30,4% 58,9%

oui activité enregistrée 38 160 198 52* 19,2% 80,8% 100,0%

%15,1 69,6% 41,1%

ENSEMBLE 252 230 482 52,3% 47,7% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

En plus, en croisant cette variable avec le lieu d’exercice, on remarque que plus des ¾ de ceux qui

sont enregistrés ont un local ; dans les autres lieux (informels), il y a significativement plus de non

enregistrés que d’enregistrés.

On prendra donc en compte, pour la suite de l’analyse, la variable 52* construite par analyse

multi-variée.

économLe critère ique : la variable Q53

Pour réduire le no n ux

tenue de com l éguli gulière st un alité. n lui a

affec efficient ors que non ten e compt ité est i rmelle et elle a un

oefficient nul.

riabl '53.

Q us une mptabil ? 53 tabilité régulière et i gulière (=1+2) 240 individus

jamais de comptabilité individu53'3 indéfinie individus 3'0 ée manquante 54

Le critère fiscal : la variable Q54

m ali bre de mod tés de 5 à 4, on a fusion é les de premières. On a considéré

que la ptabilité qu'e le soit r ère ou irré e signe de form O

té un co 1 al la ue d abil nfo

c

D'où la nouvelle va e Q

'53 tenez-vo'1 oui comp

co ité rré

53'2 (=3) 2

186 s classe donn

5

individus

Pour les deux premières questions il y a une modalité pour exprimer le caractère formel et une

autre pour le caractère informel de l'activité ; pour cette dernière question, nous avons rajouté

95

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

le.

iable de contrôle de l'expliquer. D’où le croisement ci-dessous avec la question 55 : si

ous ne payez aucun impôt, quelles en sont les raisons ?

oisé e pai ent pôts nt des mpôt

n ligne Q'55 Si vous ne payez aucun impôt, quelles en sont les raisons ? n colonne Q'54 Payez-vous des impôts ?

une nuance qui se situe entre le formel et l'informel mais en étant plus proche du caractère

formel. Nous avons considéré que le paiement des impôts au réel était un caractère formel, le non

paiement informel et le paiement forfaitaire ou sous forme de redevance comme étant entre les

deux. Cette troisième modalité de caractérisation de l'activité va introduire une nuance dans la

classification de l'activité des microentrepreneurs qui ne sera plus dichotomique : formelle -

informel

Q'54 payez-vous des impôts 54'1 impôt au réel : formel (=1) 54’2 autre impôt : déclarant informel (=2+3) 54'3 aucun impôt : informel (=4) 54'4 autre 54'0 Donnée manquante

La modalité : 54'4/autre, ne nous fournit aucune information et compte pour 6% des réponses de

l'échantillon ; pourcentage non négligeable. Nous avons donc essayé, à travers des croisements

avec une var

v

Tableau II-15 Tri cr : mode d em des im- raisons de non paieme i s

EE

Effectifs Impôt au Autre Aucun impôt : Autre Données ENSEMBLE% ligne réel : formel impôt informel manquantes

% colonne

Exonéré 14 7 17 0 1 39 35,9% 17,9% 43,6% 0,0% 2,6% 100,0%

9,7% 5,1% 14,9% 0,0% 1,7% 8,1%

Fiscalité lourde + 4 9 70 3 2 88 pas de contrôle 4,5% 10,2% 79,5% 3,4% 2,3% 100,0%

2,8% 6,6% 61,4% 10,3% 3,4% 18,3%

Autre (+ CI) 7 6 22 22 1 58 12,1% 10,3% 37,9% 37,9% 1,7% 100,0%

4,8% 4,4% 19,3% 75,9% 1,7% 12,0%

DM 120 114 5 4 54 297 40,4% 38,4% 1,7% 1,3% 18,2% 100,0%

82,8% 83,8% 4,4% 13,8% 93,1% 61,6%

ENSEMBLE 145 136 114 29 58 482 30,1% 7% 28,2% 23, 6,0% 12,0% 100,0%

100,0% 100,0 100,0%% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

96

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5 individus ne payent pas d’impôt et sont donc à intégrer

ans la modalité 3 : "aucun impôt" et que les 4, cités plus loin, en payent d’une manière différente

Etant donnée la faible représentativité des 4 individus par rapport à l'échantillon total et la

urdeur de la manipulation pour injecter ces individus sous une modalité différente, nous avons

Sous quelle forme payez-vous vos impôts ? 54/1 impôt au réel : 1) 145

Nous avons réalisé une AFC sur le thème de l’impôt en prenant comme variables actives les deux

54/2 autre impôt : déclarant informel 114 54/3 aucun impôt : informel 152 54/0 Donnée manquante 54' 57

Les 25 (3 + 22) individus qui ont répondu "autre" à la question Q'54 ont tous répondu à la

question Q'55 : pourquoi ne payez-vous pas vos impôts, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas payé leurs

impôts. Les 4 individus restant qui ont répondu "autre" (sous-entendu, ils payent des impôts mais

d’une autre façon que celles citées) n’ont pas répondu à la question Q'55 "Si vous ne payez aucun

impôt… ". On peut en conclure que la question ne les concernait pas et qu’ils payent donc des

impôts.

Nous pouvons en déduire que les 2

d

de celles citées dans le questionnaire. Ils sont donc à réintégrer dans "autre impôt".

lo

choisi de considérer que les individus qui ont répondu "autre" à la question 54’ ont tous répondu

à la question 55’. nous pouvons en conclure que ces 29 individus ne payent pas d’impôt et nous

pouvons fusionner les 2 classes : 4 et 5 de Q54 pour créer une question 54’’ ayant les 4

modalités :

54’’ formel (=

54/2 autre impôt : déclarant informel (=2+3) 136 54/3 aucun impôt : informel (=4+5) 114 + 29 = 143 54/0 Donnée manquante 54' 58

A des fins de contrôle, nous avons croisé la variable nouvellement créée avec le lieu d’exercice de

l’activité. Nous avons a trouvé que 7,5% ou 4% des microentrepreneurs qui déclaraient payer leur

impôt d’une manière formelle étaient respectivement ambulants ou travailleurs à domicile ; ce qui

semble peu vraisemblable.

variables directement liées au paiement des impôts (54’ et 55’) et comme variables illustratives des

caractéristiques individuelles ainsi que le lieu de l’exercice de l’activité.

54* Sous quelle forme payez-vous vos impôts (créée par AFC) ?

54/1 impôt au réel : formel 159

97

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e de l’activité

En nous basant sur la résolution retenue depuis 1993 par le BIT et sur les données disponibles au

Sur la base de ces trois indicateurs, au terme ’une première AFC suivie d’une classification

automatique, nous a mière classe (plus

d 30% de l’échantillon) s’avère être celle d pren rs

impôts au réel et tenant une comptabilité. L’a c formelle. euxième

c e des trepreneurs enreg enant une

comptabilité et payant des impôts forfaitaires. Leur activité est composite, à la fois formelle et

informelle. La troisième classe est celle des microentrepreneurs non enregistrés, qui ne payent pas

d tabilité; elle c 52 individus (32% nière classe

(5 illon) est une

anquantes concernant quasiment 100% des individus de cette classe. Les réponses de ces

classe 1 déclarent leur activité, n’ont pas de difficultés de financement, pratiquent des prix

Contrairement aux deux autres questions discriminantes, la question concernant la fiscalité se

décline en 3 modalités. Pour nuancer le degré de formalité selon le mode de paiement des impôts,

nous avons affecté des coefficients tels que : l’impôt au réel a un coefficient égal à 1, le déclarant

informel a un coefficient de 0,75 (parce que plus proche du formel que de l’informel) et enfin

l’absence de paiement d’impôt est affectée d’un coefficient 0 alors que les deux premières

questions sont duales : caractère formel (1) ou caractère informel (0) .

2.3.2.4 Classification des microentrepreneurs selon la natur

regard de l’enquête, trois indicateurs ont été privilégiés pour l’identification des activités formelles

et informelles : l’immatriculation de l’activité au registre du commerce (informalité juridique),

l’acquittement des impôts sur l’activité (informalité fiscale) et la tenue d’une comptabilité

(informalité économique).

2.3.2.4.1 Le sous-échantillon brut

d

vons dégagé cinq classes d’individus (Annexe II-2). La pre

e es 157 microentre eurs enregistrés, payant leu

ctivité est don De même, la d

lasse (23% de l’échantillon) regroup microen istrés, t

'impôt et ne tiennent pas de comp ompte 1 ). La der

9 individus, 12% du total de l’échant classe indéfinie, caractéris es données 52

ée par d

m

individus ne sont pas renseignées pour deux questions discriminantes sur trois.

Une deuxième AFC plus étoffée53 a permis de confirmer cette classification. Les formels de la

52 On note que ces mêmes individus ont répondu à peu de questions du corpus global du questionnaire. 53 On a pris en compte pour cette AFC toutes les questions du questionnaire «employeurs et indépendants ».

98

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

de la finance

formelle…). Les informels de la classe 3 utilisent la finance informelle pour financer le BFR, ne

l’échantillon, ont conduit à son abandon.

ue la proportion des informels - donc des

rmels - est comparable (Tableau 15). Pour cette raison, nous avons opté pour l’utilisation de

ge

Echantillon total Echantillon filtré sur DM

supérieurs ou égaux à ceux du marché… Le type formels-informels de la classe 2 a été corroboré

par la présence de réponses à caractère formel (financement formel du fonds de roulement, plus

de dix employés, paiement en différé avec le client …) et de celles, a priori, à caractère informel

(autofinancement pur, transactions avec les clients en espèces, utilisation

in

déclarent pas leur activité, s’approvisionnent sur le marché parallèle…

La faible représentativité de la dernière classe, indéfinie, au regard de l’échantillon (12%), le fait

qu’elle ne véhiculait aucune information supplémentaire et qu’elle "encombrerait" l’analyse au fur

et à mesure des AFC appliquées à

2.3.2.4.2 Le sous-échantillon filtré

En passant d’un échantillon large (482) à un autre plus restreint (423) nous gagnons à chaque fois

en robustesse en identifiant des classes qui sont moins "polluées" du fait du filtrage sur les

données manquantes (DM). Nous remarquons que les proportions des DM sont plus faibles dans

le deuxième échantillon filtré que dans le premier et q

fo

l’échantillon réduit des 423 individus pour la suite de nos analyses54.

Tableau II-16 Déperdition d’information et filtra

Echantillon 482 individus 423 individus Nombre des informels 325 266 Proportion des informels par rapport à l’échantillon total des microentreprises.

67,42% 62,88%

DM de "nature de l’activité" 12,24% 0% DM de "financement initial" 22,77% 6,77% DM de "activité courante : coût" 23,69% 11,28% DM de "activité courante : recette" 0% 7,89%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Nous n’avons finalement retenu que les individus des trois classes. Une nouvelle classification (en

aval d’une AFC) sur le nouvel échantillon de 423 individus a mis en évidence trois classes, restées

stables dans leurs caractéristiques et leurs poids (par rapport à la classification précédente), qui

54 Cette quatrième classe (DM) aurait été retrouvée au fur et à mesure des analyses. 75% de la classe des données manquantes de l’AFC (sur l’échantillon de 482 individus) concernant l’activité courante, appréhendée sous l’angle des recettes, font partie de cette classe 4 ; pour le financement, plus de 55% des 78 individus pour lesquels on n’a pas d’indications, appartiennent à la classe 4 ; et il en va de même pour l’activité courante sous l’angle des coûts.

99

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

100

dépeignent un dégradé de la nature de l’activité : du formel à l’informel. Comme pour la première

AFC, nous avons utilisé les 3 indicateurs qui nous semblaient les plus pertinents pour caractériser

le degré de formalité ou d’informalité de l’a e formel

peuvent s’étaler de 0 à 3 et donnent un aper vité.

La première classe est celle des individus qui répondent positivement aux 3 questions : 100%

payent des impôts au réel, 70% tiennent une comptabilité et 59% ont une activité enregistrée.

C’est la cl formels 57 individus (37,12% de l’échantillon) qui sont

affectés d’un coefficient de 3/3.

La deuxième classe est celle des 114 microentre 72,81%,

qui exercent une activité enregistrée rants informels (dans le sens où ils

payent des impôts mais s au rée e façon informelle) à 100% ; ils ont répondu

positivement à 2 sur 3 des questions discriminantes. C’est la classe des formels enregistrés

déclarants informels, qualifiés de formels-informels.

La troisième classe est celle des 152 informels purs (35,93% de l’échantillon) : 100% des

individus de cette classe ne p 72,37% ne tiennent jamais de comptabilité et

84,87% exercent une activité non enregistrée. Ils n’ont répondu positivement à aucune des

questions discriminantes et sont donc

En supposant que tout microentrepren ne t pas simultanément les 3 caractéristiques de

la formalité de l’activité (enregistrement, paie et tenue de la comptabilité) est

considéré comme ayant une activité informelle, notre échantillon compte 157 microentrepreneurs

formels et 266 informels (Graphique II-3).

ctivité (Annexe II-3). Les réponses à caractèr

çu du degré de formalité de l’acti

asse des . Elle est composée de 1

preneurs qui tiennent une comptabilité à

et qui sont déclaà 65,79%

pa l, donc d

ayent aucun impôt,

affectés d’un coefficient nul (0/3).

eur vérifian

ment des impôts

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101

ue II-3 Filtr suc sifs r de ature d’a

Echantillon i er filtrage 2è ltrage tèr e ma

Graphiq

nitial 1

ages ces et déte mination la n

es dlité

ctivité

Nature de l’activité me fiCrifor

3 /3 ormelsF

157 microentrepreneurs formels

Formels - informels 114

Informels 152

482 ind - âgés de 15

- ayant répoquestion de

"employeurs -

42 : déNon réponse la sous enquêtindépendants

ividus à 59 ans ndu à la 1ère

la sous-enquê indépendants

perdition à la 1ère question e "employeurs -

".

423 individus Enre rement Com bilité

scalit

59 Donné anq 0/3

te "

de

- -

gistpta

- Fi é

es m uantes

2/3

266

micro entrepreneurs

informels

524 individse sont déclarés employeurs ou indépendants à lquestion sur les

us

a CSP

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

oter q

par rapport aux hommes. Ces résultats rejoignent les constats d’enquêtes antérieures dans le sens

,6% des hommes de l’échantillon ont une activité formelle

Tableau II-17). Le fait que le différentiel entre le pourcentage

'hommes et de femmes dans le secteur informel ne soit pas aussi important est probablement dû

Tri croisé sexe par rapport aux 4 classe lon la nature de l’activ

exe onne ** AFC nature de l'activité - Partition en 4 clas

Effectifs Formel Formel - Infor

Il est à n ue plus l’activité est informelle, plus les femmes sont légèrement sur-représentées

où les femmes exercent des activités à domicile, réputées être informelles, plus que les hommes

[BIT, 1993c et 1996]. En effet, 33

contre 26,2% des femmes. La tendance se renverse et l’écart se creuse un peu plus quand on

passe à un degré d’informalité plus important pour trouver 40% de femmes dans la classe des

informels contre 30,2% d’hommes (

d

au niveau d'éducation appréciable des femmes de l'échantillon.

Tableau II-17 s se ité

En ligne Q2c : sEn col ses

mel Informel DM ENSEMBLE% ligne

% colonne

masculin 140 108 126 43 417 33,6% 25,9% 30,2% 10,3% 100,0%

89,2% 94,7% 82,9% 72,9% 86,5%

féminin 17 6 26 16 65 26,2% 9,2% 40,0% 24,6% 100,0%

10,8% 5,3% 17,1% 27,1% 13,5%

ENSEMBLE 157 114 152 59 482 32,6% 23,7% 31,5% 12,2% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

D’un côté, on remarque que les plus informels sont les plus jeunes : 35,4% du total des

microentrepreneurs appartenant à la tranche d'âge des 20-25 ans sont informels contre 26,8% et

25,8% pour respectivement ceux appartenant aux classes d'âge de 35-45 et 55-65 ans. D'un autre

côté, les microentrepreneurs formels sont ceux principalement appartenant aux tranches d'âge

45-65 ans ; ils font partie de la classe des formels à raison de 36,8%.

102

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? 2.3.2.5 vidus

Le problème de la taille des unités de l’échantillon a été relevé en section 2.3.2.2 par rapport à

’é 4 divid

Après filtrage sur la classe des données manquantes et le choix d’ad r le nouvel échantillo

2 re n tri à de la distribution des unités par rapport au nombre d’actifs

qu’elles emploient (Tableau II-18).

Tableau II-18 Distribution des établissements par rapport au bre d’actifs emplo

Effectif / E .

Le problème de taille des entreprises de l’échantillon de 423 indi

l chantillon brut de 82 in us.

opte n de

4 3 individus, on a fait u plat

nom yés

% xpr1 à 2 personnes 138 32,623 à 5 personnes 56 13,246 à 1 26 6,150 personnes plus de 10 personnes 45 10,64 Données manquantes 158 37,35Total 423 100,00

Source : résultats de l’en dair & Bounoua, 2003]

n a relevé deux points qui méritent étude et éclaircissement. D’une part, et d’après le tableau,

7% du total des individus de l’échantillon n’ont pas répondu à la question. On a fait l'hypothèse

2.3.2.5.1 Identification des données manquantes (DM)

travers plusieurs tris croisés on a essayé de vérifier l'hypothèse énoncée plus haut. On

marque que la classe des DM a le même comportement que celle des microentrepreneurs avec

ou 2 actifs. En croisant cette variable avec la première question discriminante, l’enregistrement

e l’activité, il apparaît que ceux qui étaient les moins enregistrés sont les entreprises de taille

férieure à 2 personnes (27,5% parmi les individus constituant cette classe ne sont pas

nregistrés contre seulement 7,7% pour les entreprises de 6 à 10 actifs)55. La classe des DM se

pproche dans ses proportions de non déclaration (29,7%) de la classe des entreprises de 1 à 2

tifs (Tableau II-19).

quête [A

O

3

que ceux qui n'ont pas répondu sont des travailleurs à compte propre seuls ou des travailleurs à

compte propre employant des aides familiaux et/ou des apprentis, ayant en tout état de cause

moins de 10 actifs. D’autre part, 10% de l’échantillon est constitué d’entreprises de plus de 10

employés, alors que nous voulions circonscrire notre champ d’étude aux microentreprises.

A

re

1

d

in

e

ra

ac

En effet, il a été remarqué que le taux d'enregistrement s'accroît avec la taille de l'entreprise [DE, 1999] 55

103

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

T

fs egis vité no istrée EN

ableau II-19 Enregistrement de l’activité par rapport à la taille des unités

Effecti activité enr trée acti n enreg SEMBLE % ligne

% colonne

1 à 2 personnes 100 3 1388 72,5% 27,5% 100 % ,0

31,3% 36, 32,6%9%

3 à 5 personnes 7 56 49 87, 12,5% 15% 00,0%

1 6,8% 13,2%5,3%

6 à 10 person 24 2 nes 26 92,3% 7 100,0,7% %

7,5% 1,9% 6,1%

plus de 10 personnes 36 9 45 80,0% 20,0% 0,0% 10

11,3% 7% 18, 0,6%

Donnéemanquan

s tes

111 4 1587

70,3% 29,7% 0,0% 1034,7% 6%45, 37,4%

ENSEMBLE 320 10 4233 75, 24,3% 17% 00,0%

100,0% 100 100,0%,0%

Composé par nos soi ir & Bounoua,

De la même manière que pour l’enregistrement, les in

ême attitude vis-à-vis de la tenue de la comptabilité que ceux des unités de 1 à 2 actifs. En effet,

ns [Ada 2003]

dividus de la classe des DM adoptent la

m

parmi les 5 subdivisions d’actifs, celle des DM ainsi que de moins de 2 actifs sont les premières à

ne jamais tenir de comptabilité avec des pourcentages assez proches : 56,3% et 44,9% (Tableau

II-20).

104

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Effectifs oui comptabilité jamais de classe DM ENSEMBLE

Tableau II-20 Tenue de la comptabilité par rapport à la taille des unités

% ligne rég défini ulière comptabilité in e

% colonne + irrégulière

1 à 2 75 62 0 1 138 personnes

54,3% 0,0% 0,7% 44,9% 100,0% 33,9% 0,0%32,1% 25,0% 32,6%

3 à 5 personnes

36 20 0 0 56

64,3% 35,7% 0 0,0% ,0% ,0% 100 15,4% 9% 0,0% 0,0% 13,2%10,

6 à 10 3 0 26 personnes

23 0

88,5% 11,5% 0,0% 100,0% 0,0% 9,8% 1,6% 0,0% 0,0% 6,1%

plus de 10 pe

36 9 0 0 rsonnes

45

80,0% 0,0% 0,0% 20,0% 100,0% 4,9% 0,0%15,4% 0,0% 10,6%

Dmanquantes

6 8 2 3 onnées 4 9 158

40,5% 56,3% 1,9% ,0% 1,3% 100 27,4% 48,6% 100,0% 75,0% 37,4%

ENSEMBLE 234 183 2 4 423 55,3% 43,3% 0,5% 0,9% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

L’enregistrement de l’activité ainsi que la tenue de la comptabilité sont des fonctions croissantes

de la tail issante au-delà de ce seuil. La tenue de la

t

plus significatif pour la classe des informels (Tableau II-21).

le de l’effectif jusqu’à 10 employés puis décro

comptabilité qui diminue en pourcentage (80%) pour les unités de plus de 10 actifs correspond

notamment au cas du bâtiment.

Pour le paiement des impôts, les deux ensembles se distinguent par une majorité d’unités ne

payant aucun impôt et avec des proportions similaires. 36,7% des microentreprises de 1 à 2 actifs

et 39,4% des DM ne payent pas d’impôts.

Pour plusieurs autres questions (statut légal, financement initial, financement du BFR...) le consta

est le même. Enfin, en croisant la taille avec les différentes classes de nature de l’activité, nous

remarquons que la proportion des unités formelles dans l’ensemble des unités (en ligne)

augmente avec la taille ; celle des unités informelles diminue avec la taille (en ligne) ; le poids des

unités de 1 à 2 personnes dans les quatre classes (en ligne) est quasi-égal à celui des DM ; il est le

105

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Effectifs Formel Formel - informel Informel ENSEMBLE

Tableau II-21 Distribution des unités selon leur taille dans les différentes classes d’activités

% ligne % colonne

1 à 2 personnes 48 35 55 138 34,8% 25,4% 39,9% 100,0%

30,6% 30,7% 36,2% 32,6%

3 à 5 personnes 2 175 1 4 56 44,6% 30,4% 25,0% 100,0%

15,9% 14,9% 9,2% 13,2%

6 à 10 personnes 14 11 1 26 53,8% 42,3% 3,8% 100,0%

8,9% 9,6% 0,7% 6,1%

plus de 10 personnes 26 5 14 45 57,8% 11,1% 31,1% 100,0%

16,6% 4,4% 9,2% 10,6%

Données 44 46 68 158 manquantes 27,8% 29,1% 43,0% 100,0%

28,0% 40,4% 44,7% 37,4%

ENSEMBLE 157 114 152 423 37,1% 27,0% 35,9% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

nous

rise formelle a plus de 10 actifs. L’autre sens de l’implication – toute entreprise de

lus de 10 actifs est formelle – est démenti par l’existence de 120 microentreprises formelles (146

unité yant

simultanément moins de 10 actifs et st formel56.

pour définir le statut de l’activité, on s’attend à ce que la

ariable "taille" avec les quatre classes d’activité, on voit que près de la moitié de ces unités se

Toutes ces remarques valident notre hypothèse d’assimiler les individus qui n’ont pas répondu à

la question de la taille à des microentrepreneurs exerçant dans des unités de 1 à 2 actifs

permettant de fusionner les deux classes pour avoir une nouvelle variable.

2.3.2.5.2 Une taille supérieure à 10 actifs

L’existence de ces unités de plus de 10 actifs dans notre échantillon nous permet de vérifier la

conformité entre statut de l’activité et taille. En d’autres termes, nous vérifierons "l’idée reçue" :

toute entrep

p

s formelles moins les 26 unités formelles de plus de 10 personnes) donc a

un statut de l’activité qui e

En se basant sur le critère de taille

totalité des entreprises de plus de 10 actifs se retrouve dans le secteur formel. Or en croisant la

v

56 On n'a malheureusement pas de données sur la composition des actifs : salariés permanents, temporaires…

106

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? retrouv ion à

savoir que le critère de taille est non pertinent pour la détermination de l’informalité.

unit

Fo

ent dans les deux classes informelles. Ce résultat confirme notre première intuit

Tableau II-22 Les és de plus de 10 actifs dans les différentes classes d’activité

Effectifs rmel Formel - informel Informel ENSEMBLE

Plus de 10 personnes 26 5 14 45

TOTAL 57,8% 11,1% 31,1% 100,0% Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 20

03]

acti

es unités de plus de 10 actifs, ces

Les moyens des microentrepreneurs informels

itial de leurs activités et/ou pour le financement de leur fond de roulement.

ous avons considéré que la finance informelle, en matière d’investissement initial, est un

regrou ur le

financement du fond de roulement, elle n’englobe que les prêts familiaux et les prêts sur gage. La

finance formelle, quant à elle, est la combinaison ca our l’investissement

itial (encadré et ne com que la m "banque r le financ

rou

é I-2 othèses po la création de la variable FINANCEMENT de l’investiss nt initial

Les unités de plus de 10 fs sont plus représentées dans la classe des formels. Bien que le

secteur informel ne soit pas significatif dans la composition d

unités sont discriminantes pour la classe des formels.

de financement de l’activité2.3.2.6

Après avoir distingué les microentrepreneurs formels et informels, nous nous attachons à

identifier les habitudes et les solutions que les 266 microentrepreneurs informels adoptent pour le

financement in

n

pement des prêts familiaux, des prêts sur gage et de crédit fournisseurs57. Po

de crédit ban ire et autre p

in II-2) porte odalité " pou ement du fond de

lement.

Encadr I Hyp ur eme

† Pour cette q us avo isi l’hy d’ tre uestion, no ns cho pothèse pessimiste assimiler la modalité "aufinancement" à un financement formel. ‡ Pour la combi anc t uniquemen naison de 2 moyens de fin emen t, nous avons considéré (pour le codage dufinancement à exclure) que ceux qui ne répondent pas (DM) sont équivalents à ceux qui répondent non.

57 Bien que ce type de crédit soit plutôt un crédit de fond de roulement, la question le concernant a été posée en l’assimilant à un crédit de lancement d’activité.

107

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Encadré II-3 Explication des modalités de la variable FINANCEMENT de l’investissement initial

Autofinancement pur épargne personnelle et aucune autre possibilité de financement Financement formel pur crédit bancaire et/ou autre mais aucune autre possibilité de financement. Financement informel pur prêt familial et/ou prêt sur gage et/ou crédit fournisseurs mais aucune

autre possibilité de financement. Financement formel financement formel et financement informel mais pas et informel d’autofinancement (simultanément). Financement informel et auto financement informel et autofinancement mais pas de financement financement formel (simultanément). Financement formel et auto financement formel et autofinancement mais pas de financement financement informel (simultanément). Financement formel, informel financement formel et autofinancement et financement informel et autofinancement (simultanément). Non-financement pas de financement formel et pas d’autofinancement et pas de

financement informel (simultanément).

A l’issue de tris croisés (Tableau II-23) et d’une AFC, plusieurs caractéristiques concernant les

lutions de financement des individus pris classe par classe apparaissent (Tableau II-24). Le

ritère de financement (initial ou de fonds de roulement) est le plus discriminant pour la classe 1

formels.

Tableau II-23 Financement du fond de roulement selon la nature de l’activité

Effectifs Financement informel

Financement formel

Autre financement

données manquantes

ENSEMBLE

so

c

des

Formel 77 54 20 6 157 49,0% 34,4% 12,7% 3,8% 100,0%

27,0% 65,9% 51,3% 35,3% 37,1%

88 15 7 4 114Formel - informel 77,2% 13,2% 6,1% 3,5% 100,0%

30,9% 18,3% 17,9% 23,5% 27,0%

120 13 12 7 152Informel 78,9% 8,6% 7,9% 4,6% 100,0%

42,1% 15,9% 30,8% 41,2% 35,9%

ENSEMBLE 285 82 39 17 423 67,4% 19,4% 9,2% 4,0% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Le financement du BFR est assuré en moyenne pour toutes les microentreprises (2/3) par le

financement informel (67,4%) mais beaucoup moins pour celle appartenant à la classe des

108

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

109

form que des fo ls-inform s et rmels. Pour la classe des formels, le financement

informel représente moi e la m de (49 des formels-informels et

informels, le financement informel représen (77,2% et 78,9%). Le

financement formel est à l’inverse utilisé beauco

celles des formels-informels et informels (1/10).

Le eme nfor est

prises alors que le financement formel est négativement corrélé au degré

; plus la microentreprise est informelle et m btient) un

cement de l’investissement initial (Tableau 24), le recours à au moins un financement

eu plus de 60% des cas pour les classes formel (62%) et informel (63%) et

l (53%). Le financement informel n’est pas

ant.

au ins u nancem form oncerne 19% des cas pour la classe des formels,

lle des informels. Le financement formel est

s plus fréque our les els q pour info ls.

els, rme el info

ns d oitié s cas %) ; pour la classe

te plus de ¾ des cas

up plus par la classe des formels (1/3) que par

financ

roentre

nt i mel donc positivement corrélé au degré d’informalité des

oins elle recourt (ou o

mic

d’informalité

financement formel du BFR.

Pour le finan

informel concerne un p

plus de 50% pour la catégorie formel-inform

disc

Le recours à

11% pour celle des formels-informels et 9% pour ce

deu

e

rimin

mo n fi ent el c

x foi nt p form ue les rme

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Fina

l pur foin

Tableau II-24

mel pur informe

ncement de l’investissement

rmel et formel

informel / auto

f

initial selon

ormel / auto

fo

la nature de l’activité

rmel/informel/auto

non financement eDM

Effectifs auto pur for t ENSEMBLE

% ligne % colonne

Formel 26 4 40 12 44 13 2 16 157 16,6% 2,5% 25,5% 7,6% 28,0% 8,3% 1,3% 10,2% 100,0%

25,5% 50,0% 37,0% 1% 60,0% 35,5% 81,3% 15,4% 50,0% 37,

Formel - Informel

35 3 1 30 3 6 12 114 24

0,9% 30,7% 2,6% 21,1% 26,3% 2,6% 5,3% 10,5% 100,0% 34,3% 37,5% 2 0% 2,2% 5,0% 24,2% 18,8% 46,2% 37,5% 27,

Informel 41 1 7 0 5 4 152 44 50 4,6% 27,0% 0,7% 32,9% 0,0% 3,3% 2,6% 100,0% 28,9%

40,2% 12,5% 4 9% 0,7% 35,0% 40,3% 0,0% 38,5% 12,5% 35,

DM 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0%

0,0% 0,0% 0,0% 0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,

ENSEMBLE 102 8 20 16 108 124 13 32 423 24,1% 1,9% 4,7% 125,5% 29,3% 3,8% 3,1% 7,6% 00,0%

100,0% 1 100,0% 1 ,0% % 00,0% 00,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100 100,0

Composé par nos soins [Adair 00]3

& Bounoua, 2

110

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vec 18,3% du total des

dividus qui financent formellement leurs fonds de roulement appartenant à cette classe, les

formels – informels sont les premiers utilisateurs de ce moyen de financement parmi les 2 classes

u point de vue des caractéristiques de

n les classes, nous avons soumis les 266 individus concernés à deux AFC

uivies de classifications, portant d’abord sur le financement initial de l’activité, puis sur le

financement général.

Pour la première AFC (

de classes montre que chaque groupe d’individ strat e.

part du te inaisons entre financement formel, informel et

mel est présent

me faisant tratégie combinée mais il n’est pas significatif

tégie unique. Nous quons égaleme

informel est minoritaire. Seulement 3,38% parmi les 266 informels l’utilisent.

L’autofinancement pur est le moyen le plus utilisé par la classe 2 des formels - informels. 30,7%

utilisent ce moyen pour le financement du lancement de l’activité, proportion supérieure à celle

de l’échantillon total ; 21,1% des individus de cette classe utilisent le financement informel pur et

26,3% utilisent une combinaison des deux.

Cette classe est la plus formelle parmi les deux classes informelles (2 et 3) et cette caractéristique

apparaît à travers le financement formel du fonds de roulement. A

in

informelles (Tableau II-23). Il faut également noter la tendance au financement non formel de

cette classe qui se confirme à travers le financement du fond de roulement. En effet, 58,4% des

individus de cette classe utilisent la finance informelle (prêts familiaux et/ou prêteurs sur gage)

pour financer leur activité.

La stratégie mixte autofinancement – finance informelle est le moyen le plus utilisé par la classe 3

des informels (32,9%) ; le financement informel pur est utilisé par 29% des individus et

l’autofinancement par 27%.

Les deux classes informelles sont assez proches d

financement. C’est l’autofinancement, la finance informelle ou la combinaison des deux qui

prédominent. Il faut noter qu’en matière de financement de l’activité courante, le crédit bancaire

est quand même utilisé par 13,2% des individus de la classe 2 et par 10,3% pour la plus

informelle. Le financement bancaire tend à décroître avec le degré de formalité de l’activité

(Tableau II-23).

2.3.2.6.1 Le financement initial

En considérant les informels de la classe 2 et de la classe 3 comme un ensemble homogène non

différentiable selo

s

annexe II-4), nous avons obtenu 6 classes différentes. Ce foisonnement

us utilise une égie de financement différent

Les stratégies sont la plu mps des comb

autofinancement. Le financement r fo dans 2 classes sur 6 et pour 8% de

l’échantillon total, com partie d’une s

comme stra remar nt que la combinaison du formel et de

l’

111

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

çant une activité

formelle et utilisant des moyens informels (finance informelle et autofinancement) pour

nancer le lancement de leurs activités à presque 85% de l’échantillon.

2.3.2.6.2 Le financement général

moyens et des habitudes de financement -

moyens de paiement et problèmes de financement que rencontrent les microentrepreneurs- on

ce est différente (annexe II-5).

seulement du financement initial de l’activité ou bien des pratiques de

leur totalité, l’importance des moyens informels de financement décroît.

ment informel et l’autofinancement sont majoritairement utilisés (84%) quand

t initial de l’activité. Quand on intègre le financement du fonds de

e paiement, le financement informel ressort encore une fois comme le

é par les 266 informels mais dans des proportions moindres. Son importance

d’un renforcement des stratégies de financement mixtes, qui passent

renforcement des pratiques formelles, qui passent de 3,5 à 13%

tal

Pour les stratégies de financement basées sur une seule catégorie de moyen, le financement

informel et l’autofinancement "se taillent la part du lion" avec respectivement 26% et 28% de

l’échantillon des 266 microentrepreneurs informels les utilisant et 30,5% utilisant une

combinaison des deux. Ce qui porte la proportion de microentrepreneurs exer

in

fi

Les pratiques relevant de la finance et de la monnaie ne se limitent pas aux prêts pour le

démarrage de l’activité. Elles s’étendent à la relation qu’entretiennent les microentrepreneurs avec

la banque, la préférence pour la monnaie scripturale ou fiduciaire, la perception des

microentrepreneurs de leurs difficultés de financement.

Quand on prend en compte l’ensemble des

financement du lancement de l’activité, financement du fonds de roulement, utilisation des

découvre que la tendan

Selon qu’il s’agisse

financement prises dans

En effet, le finance

il s’agit du financemen

roulement et les moyens d

moyen le plus utilis

se réduit en faveur surtout

de 5% à 15%, ainsi qu’un

(Tableau II-25).

Tableau II-25 Nature du financement eurs informels selon la destination des microentrepren

Financement initial Financement toNature du financement Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage Formel 9 3,5 % 34 13 %Informel 224 84 % 164 62 %Mixte 13 5 % 40 15 %Données manquantes 20 7,5 % 28 10 %Total 266 100 % 266 100 %

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

112

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

s de financement rencontrées et les raisons du choix de l’activité ont été

galement retenues comme éléments illustratifs.

Création de la variable Appr ement

Du passage du financement informel (très majoritaire) à une répartition plus équilibrée avec le

financement formel et mixte, nous peuvons déduire que les difficultés de financement qui sont

communes à tous les microentrepreneurs au stade de lancement de l’activité s’estompent (mais

restent toujours présentes) au fur et à mesure de la consolidation de l’activité58.

2.3.2.7 Activité courante : la dimension des coûts

La nature formelle ou informelle de l’activité courante est appréhendée sous l’angle des coûts. Il

s’agit d’identifier les relations des 335 microentrepreneurs informels avec leurs fournisseurs du

point de vue des habitudes d’approvisionnement (Encadré II-4), du financement du fonds de

roulement, et de l’utilisation des moyens de paiement à travers la possession d’un compte

bancaire. Les difficulté

é

Encadré II-4 ov nnisio

Q46a a) grossiste 46a1 non grossiste 46a2 oui grossiste 46a0 DM 46a Q46b b) importateur 46b1 non importateur 46b2 oui importateur 46b0 DM 46b Q46c c) marché parallèle 46c1 non marché parallèle 46c2 oui marché parallèle 46c0 DM 46c 46’ : APP : approvisionnement APP1 Approvisionnement formel pur Approvisionnement chez le grossiste et/ou l’importateur + non approvisionnement sur le marché APP2 Approvisionnement informel pur Approvisionnement sur le marché + non approvisionnement grossiste et importateur APP3 Approvisionnement formel et informel Approvisionnement simultané chez le grossiste et/ou l’importateur ET au marché APP4 Pas d’approvisionnement Non partout APP5 DM

58 Cette observation rejoint les constatations concernant les microentreprises indonésiennes "les microentreprises voient leurs options de financement se multiplier au fur et à mesure qu’elles établissent leur réputation et accumulent des biens" [McLeod, 1994].

113

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

st un peu plus important (23%).

es relations financières du microentrepreneur avec le fournisseur recouvrent trois modes

’approvisionnement : exclusivement chez un importateur ou un grossiste (mode formel),

exclusive le m

(Tableau II-26). Les microentrepreneurs qui s’approvisionnent selon le mode formel sont ceux

Tableau II-26 Approvisionnement

L’utilisation de la monnaie en espèces prime, que ce soit dans les transactions avec les clients

(80,5% des microentrepreneurs informels se font payer au comptant) ou bien avec les

fournisseurs (78% payent leurs fournisseurs en espèces)59. Les crédits consentis aux clients sont

peu répandus (8,65%) et le financement par crédit fournisseurs e

L

d

ment sur arché parallèle (mode informel) ou bien une combinaison des deux modes

qui ont le plus recours au crédit fournisseurs et ce sont aussi ceux qui bénéficient le plus de leur

confiance. Ils constituent 54% du total des bénéficiaires de ce genre de crédit contre 18% de

microentrepreneurs s’approvisionnant selon le mode informel et 5% combinant les deux modes

d’approvisionnement.

Effectif % / Total Approv isionnement formel pur 108 40,60Approvisionnement informel pur 31 11,65 Approvisionnement formel et informel 32 12,03 Pas d'approvisi 16,92 onnement (services) 45 Non concerné 50 18,80 Total 266 100,00

Source : résultats de l

ure p ipale

s'approvisionnent sur des lieux formels (85,2% de ceux qui ne s’approvisionnent que d’une

manière formelle, payent en espèces) o o els (6 u les x 8%) I-7).

L’utilisation du chèqu t plus ndue po s micro preneur provisionnant

fo (3 t be u lus f e r ceu t nt l’approvisionnement purement

in ) et ceux co ant les (13,5%) moyen aiement

au m t en è En % d

l’utilise alors que 78% utilisent les es s pour leurs tr tions av s fourni

nnexe II-6).

’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

Tous les individus reco nt rinc ment au paiement en espèces, que ce soit ceux qui

u inf rm 7,7%) o deu (7 (Annexe I

e es répa ur le entre s s’ap

rmellement

formel (16,2%

7,8%) e auco p p aibl pou x u ilisa

pour mbin deux . Ce de p reste

négligeable par rapport paie en esp ces. effet, 14 e la totalité de l’échantillon

pèce régler ansac ec leur sseurs

(a

59 Ce constat est confirmé par le rapport du CNES de 2002 qui met l’accent sur les méthodes "archaïques" du système bancaire et sur sa déconnexion de la sphère économique [Le monde du 17/12/2002]. Si les banques ne financent pas l’économie, cette carence a forcément une incidence sur l’utilisation de la monnaie scripturale.

114

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

A la question "Avez vous un compte en banque, et si non pourquoi", le tri à plat ne nous permet

pas de déterminer clairement le nombre de personnes ayant un compte. Pour remédier à ce

manque nous avons étudié plusieurs hypothèses. Selon l’hypothèse adoptée, le nombre de

détenteurs de comptes bancaires est de 140, 45 ou encore 212.

2.3.2.7.1 Détermination du nombre de microentrepreneurs informels détenteurs de comptes bancaires

Hypothèse 1/ Si on suppose que toutes les personnes qui ne se sont pas prononcées sur cette

question (à savoir les Données Manquantes) ne sont pas concernées par une question qui traite

des raisons de la non possession d’un compte bancaire, on peut conclure que ces individus, au

ombre de 87, possèdent un compte en banque. Les microentrepreneurs non bancarisés seraient

donc 179 (26

ea

n colonne Avec vos c utilisez- référenceEf ce chè au crédit classe nnées ENSEMBLE

n

6-87) (Tableau II-27).

Tabl u II-27 Individus ayant un comptepour leurs transactions

bancaire/ utilisant des chèques

EE

n ligne Avez vous un compte en banque, si c'est non, pour quelle raison ? nts lie vous de p :

fectifs espè que Do% ligne indéfin m quante ie an s

% colonne

116 19 17 5 0 15773,9% 0,0% 12,1% 10,8% 3,2 % % 100,0Pa

en banque 54,2% 0,0 82,6% 81,0%

s de compte % 62,5% 59,0%

18 1 2 1 0 22 81,8% 0,0% 4,5% 1% 4,5 9, % 100,0%

Clindéfinie

8,4% 0,0 4,3% 9,5%

asse

% 12,5% 8,3%

80 0 3 2 2 87 92,0% 0,0% 3,4% 2,3% 2,3% 100,0% Données

Manquantes 37,4% 0,0% 13,0% 9,5% 25,0% 32,7%

ENSEMBLE 214 0 23 21 8 266 3,0% 100,0% 80,5% 0,0% 8,6% 7,9%

100,0% 0,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Hypothèse 2/ On suppose que tous ceux qui déclarent utiliser des chèques pour leurs

transactions, soit avec les clients ou avec les fournisseurs, possèdent des comptes bancaires. Il n’y

a aucun individu qui déclare ne pas avoir de compte et qui utilise des chèques dans les

115

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

érés comme possédant un compte (Tableau II-28). Les

transactions avec les clients (Tableau II-27). Cependant, il y a 37 individus qui déclarent ne pas

avoir de compte bancaire mais qui utilisent des chèques dans leurs transactions avec les

fournisseurs ; ils sont donc consid

microentrepreneurs informels non bancarisés sont donc 229 (266-37).

Hypothèse 3/ Si on suppose que ceux qui répondent « Non, pas de compte en banque », n’en

microentrepreneurs

formels qui n’ont pas de compte bancaire sont ceux qui l’affirment (157 individus) déduction

faite 120

individus. Par différence avec l’échantillon total (266 individus), on trouve le nombre de

personnes disposant d’un compte à savoir 146 microentrepreneurs.

-28 Individus ayant un compte / utilisant des chèq(transactions avec les fournisseurs)

n ligne Avez vous un compte en banque. Si non, pour quelle raison ?

ont pas, sauf ceux qui utilisent des chèques. On peut déduire que les

in

de ceux qui utilisent des chèques dans leurs transactions (37 individus) : c’est-à-dire

Tableau II ues

EEn colonne moyens de paiement des fournisseurs

Effectifs payés en espèces payés par chèque Données Manquantes

ENSEMBLE

Pas de compte en banque 125 23 9 157 79,6% 14,6% 5,7% 100,0%

60,1% 62,2% 42,9% 59,0%

classe indéfinie 16 4 2 22 72,7% 18,2% 9,1% 100,0%

7,7% 10,8% 9,5% 8,3%

Données Manquantes 67 10 10 87 77,0% 11,5% 11,5% 100,0%

32,2% 27,0% 47,6% 32,7%

ENSEMBLE 208 37 21 266 78,2% 13,9% 7,9% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

2.3.2.7.2 L’analyse multidimensionnelle

n choisissant la première hypothèse et en soumettant l’échantillon des informels à une AFC et

une classification (ann pées en 4

La classe à comportement formel, la moins représentée, se caractérise par un recours à 68,5% au

circuit formel pour le financement du fond de roulement et par une déclaration d’absence de

difficulté rencontrée pour le financement par 76% des individus de la classe.

E

exe II-7), nous avons obtenu 6 classes qui peuvent être regrou

selon un comportement formel, informel ou mixte (Tableau II-29).

116

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? La classe à comportem informel pour 100%

de 96% des microentrepreneurs à la finance

ell activité.

s’approvisionne uniquement de

ièr son besoin de fonds de roulement

(100%

Tableau II-29 Echantillon des microentrepreneurs informels selon leurs coûts

ent informel se caractérise par un approvisionnement

des individus la composant et par un recours

form e pour financer leur

la classe à comportement mixte, majoritairement représentée,

man ce formelle, mais re ourt à la finance informelle pour

des individus).

La dernière classe regroupe les données manquantes ou non interprétables.

Comportement Nombre Proportion Formel 38 14 % Informel 9 % 25 Mixte 192 72 % Données manq 1 4uantes 1 % Total 266 100 %

Composé par no soins [Adair & Bounoua, 2003]

eule 9% du total des microentr preneurs informels ont u acti ran

nature de leur activité (informelle). C’est le com (Table II

a majorité d’e ux adop e pratiq melle et informelle qui leur assure une flexibilité

permettant de saisir les ortun une a otèg re la t

marché formel et l’inconstance du marché informel.

.3.2.8 ité cou : la di sion des recettes

’ac ura appr ici s ’ le de l ns d i neurs

informels avec leurs clients ainsi que le abitudes ente (lieu ).

a v ″v 6 mp odalités qui ont été condensées en trois, en croisant la

question "nature de la vente" avec l u on "l rcice ité"

2.3.2.8.1 Construction et concaténation de la variable vente

s

S ment e ne vité cou te à l’image de la

portement mixte qui prédomine au -29).

L ntre e te un ue for

opp ités et daptabilité qui les pr e cont rigidi é du

2 Activ rante men

L tivité co nte est éhendée ous l ang s re atio es 266 m croentrepre

urs h de v , prix

L ariable ente″ 0 co te cinq m

a q esti ieu d'exe de l'activ .

60 Elle a été construite à partir de cinq questions : vendez-vous votre production sur le marché / à domicile / dans la rue / aux voisins et amis / autre lieu (annexe 1 – dictionnaire des variables).

117

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Encadré II-5 Modalités de la variable VENTE

VENTE : lieu de vente de la production : 5 modalités

V1 formel uniquement (vend uniquement sur le marché formel : marché + autre61)

V2 informel uniquement (vend sur le marché informel : domicile + rue + voisins et amis)

V3 formel et informel (vend au moins sur un marché informel et en même temps, sur au moins, un autres marché formel).

V4 pas de vente Pas de vente nulle part : t ute la production st mo e consacrée à l’autoconsom ation. V5 non concerné (statut non défini)

Tableau II-30 Modalités de vente par rapport au lieu d'exercice de l’activité

Effectifs Formel

uniquement Informel

uniquementFormel et informel

Pas de vente DM ENSEMBLE

En ligne Dans quel endroit exercez-vous votre activité ? En colonne VENTE :

% ligne % colonne

Local 55 23 10 11 43 142 38,7% 16,2% 7,0% 30,3% 7,7% 100,0%

61,8% 44,2% 43,5% 42,3% 56,6% 53,4%

Commerce 11 9 7 4 9 40 27,5% 22,5% 17,5% 22,5% 10,0% 100,0%

12,4% 17,3% 30,4% 15,4% 11,8% 15,0%

Agriculture 6 1 3 3 2 15 BTP 40,0% 6,7% 20,0% 20,0% 13,3% 100,0%

6,7% 1,9% 13,0% 11,5% 2,6% 5,6%

Domicile 3 16 1 3 3 26 11,5% 61,5% 3,8% 11,5% 11,5% 100,0%

3,4% 30,8% 4,3% 11,5% 3,9% 9,8%

Autre 8 1 1 2 12 24 33,3% 4,2% 4,2% 8,3% 50,0% 100,0%

9,0% 1,9% 4,3% 7,7% 15,8% 9,0%

DM 6 2 1 3 7 19 31,6% 10,5% 5,3% 15,8% 36,8% 100,0%

6,7% 3,8% 4,3% 11,5% 9,2% 7,1%

ENSEMBLE 89 52 23 26 76 266 33,5% 19,5% 8,6% 9,8% 28,6% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003] Nous supposons que ceux qui exercent leur activité dans un local et qui, en même temps,

déclarent ne pas vendre ou ne donnent pas de réponse, ont un lieu de vente formel (en gras dans

le tableau II-30); et que ceux qui répondent aux modalités pas de vente et DM tout en indiquant

On a pris une hypothèse réductrice en sur pondérant le formel : on a considéré que vente sur le marché et autre

lieu de vente comme lieu de vente formel. 61

118

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? qu'ils exe omicile ou autre, seront plus enclin à

rcent dans le commerce, l'agriculture, le BTP, à d

vendre dans des lieux informels. D'où la nouvelle variable à quatre modalités (encadré II-6 et

Tableau II-31) :

Encadré II-6 Lieu de vente de la production en 4 modalités

45* : VENTE : lieu de vente de la production V’1 formel uniquement : 89 + 11 +43 143 V’2 informel uniquement : 52 + 4 + 9 + 3 + 2 + 3 + 3 +2 78 V’3 formel et informel : 23 V’4 DM 3 + 7 + 12 22 L’activité courante est appréhendée ici sous l’angle des relations des 266 microentrepreneurs

urs habitudes de vente (lieu, prix). informels avec leurs clients ainsi que le

Tableau II-31 Caractéristiques du lieu de vente des microentrepreneurs informels

Effectif % / Total Formel uniquement 143 54 % Informel uniquement 78 29 % Informel et formel 23 9 % DM 22 8 % Total 266 100,00

Source : résultats de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

du tout. 65% de la totalité de ceux qui accordent des crédits clients sont des

Contrairement au domaine du financement, où les stratégies mixtes sont utilisées par 15% du

total, seulement 9% des microentrepreneurs vendent leur production à la fois sur un marché

formel et sur un marché informel.

Les microentrepreneurs qui ne vendent que sur les marchés informels sont ceux qui jugent le plus

la demande comme insuffisante ; ils sont les plus représentés parmi les individus ayant des

problèmes de débouchés ; il apparaît que la demande correspondant à une vente à domicile, dans

la rue ou aux voisins et amis est foncièrement fluctuante.

L’octroi de crédit aux clients est peu répandu (8,6%). Ce sont ceux qui vendent sur un lieu

informel qui en accordent le moins (7,7%) ; ceux qui combinent la vente formelle et informelle

n'en accordent pas

microentrepreneurs vendant sur le marché formel. Si l’approvisionnement est largement formel

(40,6%), la vente l'est encore plus (54%) (Tableaux II-26 et II-31).

119

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

leurs recettes

Comportement Nombre Proportion

2.3.2.8.2 L’analyse multidimensionnelle

Pour identifier plus précisément la nature des relations commerciales et financières

qu’entretiennent les 266 microentrepreneurs informels avec leurs clients, nous avons soumis cet

échantillon à une nouvelle AFC suivie d’une classification qui a mis en évidence quatre groupes

de classes : activité formelle, informelle, mixte ou classe de données manquantes (Tableau II-32).

Tableau II-32 Echantillon des microentrepreneurs informels selon

Formel 22 8 % Informel 33 13 % Mixte 190 71 % Données manquantes 21 8 % Total 266 100 %

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

éléments illustratifs les problèmes

ts et

preneurs (13% de l’échantillon total) ayant des relations

formelles avec les clients ; ils pratiquent principalement des prix de vente informels.

Comme pour l’AFC précédente, nous avons utilisé 4 indicateurs qui traitent de la relation avec les

clients : le prix de vente pratiqué, le lieu de vente, le crédit accordé aux clients et la possession

d’un compte bancaire. Nous avons également retenu comme

de demande auxquels peuvent être confrontés les microentrepreneurs ainsi que les motivations

qui les ont poussés à choisir leur activité.

Sur la base de ce groupe d’indicateurs nous avons obtenu 6 classes.

Les classes 1 et 4 concentrent 71% (190 individus) du total de l’échantillon et sont caractérisées

par des relations microentrepreneurs - clients mixtes. Les 168 individus de la classe 1 vendent

conjointement dans des lieux formels et informels, n'accordent pas de crédit à leurs clien

pratiquent des prix formels62. Nous avons construit, par analyse multi-variée, une variable qui

traduit le caractère formel ou informel du prix de vente appliqué par les producteurs en

privilégiant l’hypothèse selon laquelle un prix ayant ces caractéristiques (supérieur ou égal à celui

du marché) est un signe de comportement formel de la microentreprise car il sert à couvrir des

charges plus importantes, signe, à taille et volume de production égaux, d'une plus grande

formalité de l'activité. La totalité des 22 individus composant la classe 4 se font payer au

comptant par leurs clients et vendent autant à domicile, dans la rue ou aux voisins et amis que sur

des lieux formels.

Les classes 2 et 6 comptent 33 microentre

in

62 Pour la construction de la variable "comportement – prix" se reporter au dictionnaire des variables en annexe.

120

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

es crédits à leurs clients

(contre 8% pour l’échantillon total des 266 informels). Pouvoir accorder des crédits suppose une

certaine assise financière des microentreprises et une disponibilité de fonds de roulement, ce qui

nement (Tableaux II-26 et II-31).

lative au coût.

énérale, l’aspect mixte ressort clairement et sert de bouclier contre les risques

hérents à l'un ou l'autre des marchés. En effet, plus de 40% de l’échantillon - la plus grande

La classe formelle compte 22 individus (8%). Ils accordent à 100% d

suppose une certaine activité formelle. Le crédit accordé par les clients étant une source externe

de finance informelle [Liedholm, 1994], nous considérons le crédit accordé aux clients comme

signe de formalité.

La dernière classe, comptant 21 individus, est celle des données manquantes.

En considérant les habitudes de vente et d’approvisionnement, on remarque que

l’approvisionnement est majoritairement formel (à 40% contre 11% de caractère informel) et que

la vente est largement formelle (à 54% contre 29%). Nous remarquons également que la majorité

des microentrepreneurs, qui vendent formellement (44%) ainsi qu’informellement (36%),

s’approvisionnent sur des lieux formels.

Les microentrepreneurs se conforment à un seul mode. Les stratégies alliant formel et informel

sont minoritaires. Elles sont adoptées par presque 10% des microentrepreneurs autant pour la

vente que pour l’approvision

En considérant l’activité réelle appréhendée sous l’angle des recettes, nous remarquons qu’en

introduisant les autres composantes en plus des ventes, les recettes deviennent moins formelles

(54% des microentrepreneurs pratiquent une vente informelle contre 8% qui ont une activité -

recettes informelle). D’un autre côté, l’activité appréhendée sous l’angle des coûts nous indique

que le taux de 12% des microentrepreneurs s’approvisionnant autant sur le marché formel

qu’informel est passé à 55% quand on intègre les autres aspects de l’activité re

En pratique de vente, nous remarquons que les microentrepreneurs ont recours au circuit formel,

mais dans les pratiques globales (moyen de paiement, crédit client, lieu et prix de vente), c’est le

comportement mixte qui prévaut. En raison du non-accès continu des microentrepreneurs aux

marchés formels et à la difficulté de se plier aux règles qui y prévalent, ils sont menacés d'éviction

vers les marchés informels avec tous les risques inhérents, surtout la fluctuation de la demande.

Dans la pratique g

in

proportion - des microentrepreneurs informels ont, simultanément, des habitudes mixtes dans

leur activité courante / recettes et coûts.

121

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

tenaient

par le BIT, les unités informelles

avèrent avoir des pratiques mixtes. En effet, la définition de la nature de l’activité d’une

icroentreprise et son classement dans la catégorie formelle ou informelle se fondent

principalement sur d ration fiscale, tenue

de la comptabilité...). Nous avons retenu ces c dmis pour

déterminer la nature de l’activité de l’échantillon de 482 epreneurs p ous

avons identifié 266 informels. Ce nombre aurait été différent si nous avions choisi co e

unique d’informalité : l’enregistrement (168), la tenue de la comptabilité (140) ou enfin le

paie (152).

Les informels ainsi identifiés se so érés avoir des pratiques mixtes. Or, justeme sont ces

ratiques qui nous intéressent dans cette étude et spécifiquement celles qui relèvent des coûts :

uels sont-ils et comment sont-ils assurés ? Ce à quoi on s'intéresse, ce n'est pas si les unités

ayent l'impôt ou pas, sont enregistrées ou évoluent en marge du système institutionnel et fiscal.

Ce qui nous intéresse plutôt, ce sont leurs pratiques et organisations : quelles sont leurs charges,

comment les payent-elles, quelle stratégie d'embauche d'actifs utilisent-elles ?

a microentreprise est définie (dans une optique productive) par un critère de taille qui se trouve

fortement corrélé (dans les PED) avec la non tenue de la comptabilité, le non enregistrement (...)

qui sont des critères d'informalité. L'informalité sera donc appréhendée comme une

caractéristique que la microentreprise peut avoir ou pas et non comme un secteur d'appartenance

qui soit un ensemble homogène d'unités qui se distinguent des autres unités par la conjonction de

plusieurs critères.

Il nous semble que le concept de microentreprise est plus adapté dans le sens où il sous-entend

une idée de production et aussi dans le sens où il nous permet de ne pas prendre le risque de mal

classer des unités qui sont institutionnellement informelles mais dont les pratiques ne le sont pas

et vice versa.

2.4 Conclusion du chapitre deuxième

Notre échantillon comprenait 10% d’unités de plus de 10 actifs. On peut s’attendre à les trouver

dans la classe des formels mais l’analyse discriminante nous a montré qu’ils appar

majoritairement aux différentes classes d’informels. Cette remarque a confirmé notre intuition

première à savoir que le critère de taille n’était pas pertinent pour désigner l’informalité.

Même en adoptant les critères inspirés par la résolution adoptée

s’

m

es considérations réglementaires (enregistrement, décla

ritères administratifs communément a

microentr armi lesquels n

mme critèr

ment des impôts

nt av nt, ce

p

q

p

L

122

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? Dans un souci d’inscrire notre analyse dans la sphère productive, nous avons choisi dans un

premier temps de nous limiter à l’échantillon des microentreprises en soulignant la corrélation

tre taille et critères d’informalité, entre microentreprise et unité informelle. En effet,

l’intersection entre les deux ensembles rassemblent la quasi totalité de l’échantillon : 247 individus

qui constituent 93% des unités informelles et 65% des microentreprises (Tableau II-33).

Après avoir noté que les ¾ des unités de plus de 10 actifs étaient informelles, nous avons

finalement décidé de garder tout l’échantillon pour une plus grande richesse de l’analyse qui

continuera à s’inscrire, cependant, dans la sphère productive63.

Tableau II-33 taille et caractéristique de l’activité

Effecti MBLE

en

fs Informelle Formelle ENSE

moins de 10 actifs 247 131 378

plus de 10 actifs 19 26 45

ENSEMBLE 266 157 423

63 Nous continuerons à appeler les individus de notre échantillon des microentrepreneurs. Ils sont de toutes façons majoritaires.

123

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

NNEXES CHAPITRE DEUXIEME

A

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

ex : Dictionnaire des variables

e ouvelle contient : ]

nt répondu à la première question de cette sous partie à savoir la question 42). ba 2 individus.

oix gorie de CSP (concaténée) ‘’non-salariés’’ aurait engendré beaucoup de iés ne sont pas forcément ceux qui ont

du questionnaire correspondante à leur statut.

ce

2c Sexe corrigé masculin

s

tes 4

ent

lle

Ann e II-1 Choix du filtre :

La bas totale a été filtrée. La n- des individus âgés de [15,59- non-salariés (ayaCette se compte 48

e ch de filtrer sur la catéLdonnées manquantes. Les individus ayant déclarés être non-salarrépondu à la partie Q1 statut de résiden1_1 présent 1_2 absent 1_3 visiteur Q2_1 2_2 féminin

Q’’3 age en 12 classeage1 [0--15[ age2 [15--20[ age3 [20--25[ ge4 [25--30[ a

age5 [30--35[ age6 [35--40[ age7 [40--45[ age8 [45--50[ age9 [50--55[ ag10 [55--60[ g11 [60--65[ a

ag12 65 et plus Q’4c Lien de parenté corrigé 4'01 chef du ménage 4'02 épouse chef du ménag '03 enf chef du ménage 4

4'04 parent du chef ménag 4'05 autres 4'0i classe indéfinie 4 4'0 Données manquan

onQ’’5 Niveau d’instructi''1 niveau faible 5

5''2 niveau moyen 5''3 niveau secondaire ''4 niveau supérieur 5

5''i classe indef_DM Q’6 Nature du logem6'1 immeuble 6'2 maison individue

125

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

e 'i classe indéfinie 6

antes 6

ion opro

_2 locataire

utre

e statut la semaine d'avant l'enquête

t 22-1 occupé + 22-5 service national et apprenti (qui est déjà dedans. Cf tri

P16).

diant + 22-6 retraité

construite à partir des CSP) aide familiaux inclus

3 14+15) avec apprenti inclus et service national inclus occupé, chômeur (6); étudiant (une partie de 7) ; femme

e de 5) ; inactif (8) + classe indéfinie)

priété associé +2/ avec associé)

6'3 villa 6'4 habitat précair 6 6'0 données manqu Q7 statut d’occupat7_1 propriétaire_c77_3 logé gratuit 7_4 statut occupé a

otrQ22 quel était v2_1 occupé 2

22_2 chômeur 22_3 femme eu foyer 22_4 écolier étudiant

nal 22_5 service natio2_6 retraité 2

22_7 autre Q22X

ntien22X1 Occupé : cocroisé 22/CS

22X2 Chômeur : 22-2 3 Inactif : 22-3 femme foyer + 22-4 écolier étu22X

22X4 autre : 22-7 : autre Données manquantes :22X5

S 4 (variableC

CS_1 Non-salarié CS : (CSP16 / 1+9+10+11+12) avec S_2 salarié CS : (CSP16/ 2+3+4+1 +C

CS_3 autre CS : ⊂ classe indéfinie (inpartiellement occupé (une parti

CS_4 Données manquantes CS

’42Q cet établissement est il votre pro1/sans42'1 oui propriétaire (=

2'2 non propriétaire (=3) 442'i classe indéfinie 42'0 Données manquantes Q43 combien de personnes employez vous dans votre étab 43_1 1 à 2 personnes 3_2 3 à 5 personnes 4

43_3 6 à 10 personnes 43_4 plus de 10 personnes 43_i classe indéfinie Q44 Quel est le nombre d’employés de l’établissement ? Variable inexploitable 1) salariés, 2) non-salariés, 3) aide familiaux, 4) apprentis Q45a où vendez vous votre production ? Q45a a) sur le marché 45a1 non vente mché

126

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

45b b) à domicile

45c c) dans la rue (trottoir)

vente rue DM 45c

voisi45d1 te vo45d2 oui vente vo

DM 45d Q445f1 te au45f2 45 45* : E : li u de ve de la production

’1 formel uniquement V’2 uniquement

in l ’4 DM

7'1 <Px du mché/informel (=1) le

formelp ctivité formelle Données manquantes 47'

onv onsidérer un prix (à l’offre) inférieur à celui du marché comme une téris es moins importantes qui se répercutent sur le coût), or dans certain

éent la pénurie pour augmenter les prix ou bénéficient m cas, bien qu’ils soient informels, ils pratiquent les prix du

av lut des indicateurs de charges (local / paiement des impôts / herche à caractériser le prix de vente pratiqué. On trouve une classe à

parmi les individus de cette classe exercent t 48% s’approvisionnent de la sorte. La

45a2 oui vente mché 45a0 DM 45a Q45b1 non vente à dom 45b2 oui vente à dom 45b0 DM 45b Q

45c1 non vente rue 5c2 oui 4

45c0 Q45d d) aux

non venns et amis is ami

is ami 45d0

5f f) autre non ven tre oui vente autre

f0 DM 45f

VENT e nte 64

Vinformelformel etV’3

Vforme

Q46 Où vous approvisionnez vous ?65

'47 vos prix de vente en classes Q

4 par convention : activité informel

>= Px du mché/ (= 2 + 3) 47'2 ar convention : a47'0 Par c ention, on a choisi de carac tique informelle (des chargc

cas des microentrepreneurs informels, cre ans cesimpl ent d’une forte demande66. D

marché et même supérieurs. A tr ers une AFC qui incpprovisionnement / vente), on ca

caractéristique formelle (57% du total de l’échantillon) : 90% dans un local, 85%vendent uniquement d’une manière formelle e2ème classe est à caractère informel et la dernière est celle des DM.

64 Cf. Chapitre deuxième pour le détail de la construction de la variable 65 Idem.

d ivité. 66 Cela épend du secteur d’act

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

prix de vente n’est pas significative et n’apparaît pas dans les classes. En renant l’hypothèse que pour la classe formelle, où les charges sont plus importantes, le prix pratiqué est

du prix de vente pratiqué ent formel (>= px marché)

7*2 Comportement informel (< px marché)

(initiale et construite par AFC) nous montre une faible intersection

n ligne Q'47 vos prix de vente en classes

Effectifs Comportement px marché

Comportement informel (< px

marché

DM ENSEMBLE

Le problème c’est que la variablepsupérieur à celui du marché, on a une nouvelle variable : 47* Comportement47*1 Comportem447*3 DM Un croisement entre les deux variables entre les 2. EEn colonne 47* Prix de vente - AFC archivage - Partition en 3

formel (>=

% ligne % colonne

<Px du marché 53 21 15 89 / nformel 59,6% i 23,6% 16,9% 100,0%

19,3% 14,4% 24,2% 18,5%>= Px du marché 181 104 32 317

/ 100,0% formel 57,1% 32,8% 10,1% 66,1% 71,2% 51,6% 65,8%

D 40 21 15 76 M 47' 52,6% 27,6% 19,7% 100,0%

14,6% 14,4% 24,2% 15,8%ENSEMBLE 274 146 62 482

56,8% 30,3% 12,9% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

On pe che plus vers la nouvelle va con riable nstruite car elle reflète le comportement du microentrepreneur

x. Et c st ce qu’on cherche.

8'i classe indéfinie 48 '0 Donnée manquantes 48

'48 avec vos clients êtes vous payés 8'1 avec Clt au comptant (=1)

préférence espèces ( sans crédit) chèques(sans crédit)

t payé en espèce payé en chèque

Q'49 avec vos fournisseur, utilisez vous de ... en classes / échéance de paiement des frs 49'1 frs au comptant (=1+2) 49'2 crédit frs (=3 + 4)

et pas seulement le montant du pri ’e Q48 avec vos clients utilisez vous 48'1 avec clt espèce 48'2 avec clt chèque 48'3 avec clt au crédit 448 Q448'2 avec Clt différé (=2 + 3) 48'i classe indéfinie 48' 48'0 donnée manquante 48' Q49 avec vos fournisseurs, utilisez vous de 9_1 avec frs esp ss créd : des 4

49_2 avec frs chq ss créd : des49_3 avec frs crédi espèc : du crédi49_4 avec frs crédi chq : du crédit

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

quante 49'

fournisseur, utilisez vous de ... / moyens de paiement des frs

.. en classes

0'3 autre financt (peut être formel CCP ou informel) 0'0 Donnée manquante 50'

qu si c'e en cla 7

trée ? C ou autre68

198

g+irreg (=1/compta régulière+2/irrégulière) pta (=3)

nie 53'

rme payez-vous vos impôts ? : formel

e payez aucun impôt, quelles sont les raisons 5'1 exonéré (=1)

e indéfinie =1 ind) te 55'

êchent de choisir 1 statut légal ?

contraignante ontraignante

quante 56a

s evées 56b1 non à cause charges élevées 56b2 oui à cause charges élevées

49'0 Donnée man Q’’49 avec vos 49/1 frs payé espèce 49/2 frs payé chèque 49/0 DM49'' Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, .50'1 finance informelle (=1/famille +3/prêteur sur gage) 50'2 finance formelle (=2/banque) 55 Q'51 avez vous un compte en ban e st non ... sses6

51'1 Non pas cpte en Bq 51'2 Oui compte en banque 52* Est-ce que votre activité est enregis2*1 activité enregistrée

R552*2 activités non enregistrées 284 Q'53 tenez vous d53'1 oui compta re

'une comptabilité en ... en classes

53'2 jamais de co3'3 classe indéfi

m553'0 donnée manquante 53'

fo54’’ Sous quelle l 54 1 impôt au rée

54 2 autre impôt : déclarant informel 54 3 aucun impôt : informel 54 0 Donnée manquante 54' Q'55 si vous n555'2 fiscalité lourde+ pas contrôle (=2+3) 55'3 autre 55' (+ class55'0 donnée manquan Q56 les raisons qui emp

Q56a a) Réglementation 556a1 non car R c6a2 oui car R contraignante

ie 5 a 56ai classe indéfin 6an56a0 Donnée m

Q56b b) des charge él

67 Cf. Chapitre deuxième pour le détail de la création de la variable. 68 Idem.

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

6c1 non à cause autre

6c0 DM 56c

: formel (=non ou DM 70a et b et c) 301

TA2 activ non déclarée (non-statut légal) : informel (=oui a ou b ou c) 181

riables 56 a, b et c + interprétations et archivage des classes)

: formel 114 gal) : informel 179

: DM 189

nvestissement ?71

rso

Q57b b) prêts familiaux 57b1 non prêt fam 57b2 oui prêt fam 57b3 DM 57b Q57c c) prêts sur gage (chez des usuriers) Q57d d) crédit bancaire Q57e e) crédit fournisseurs Q57f f) autre Q58 Pour quelles raisons avez-vous choisi ce type d’activité ? Q58a a) gain rapide 58a1 non gain rapide 58a2 Oui gain rapide Q58b b) forte demande 58b1 non forte demande 58b2 oui forte demande Q58c c) pas de charges Q58f f) autre 58’ CHO : raisons du choix du type d’activité CHO1 gain rapide (= oui a) CHO2 forte dde (= oui b) CHO3 pas de chges (= oui c)

56b0 DM 56b Q56c c) autre 556c2 oui à cause autre 5 56’ STA : Statut69 (par programmation)STA1 activ déclarée (statut légal) S 56* STATUT (AFC avec les va

STA1 activ déclarée (statut légal) léSTA2 activ non déclarée (non-statut

STA3 DM

On a retenu la dernière pour la suite du travail

iQ57 Comment avez- vous financé votre57a a)épargne personnelle Q

57a1 non E pe57a2 Oui E perso 57a3 DM57a

69 La création de cette variable a été faite par "programmation" et confirmée par une AFC suivie d’une classification sur les trois composantes de la question. 70 Je prends l’hypothèse que ceux qui ne se sont pas exprimés en réponse à cette question ne sont pas concernés je suppose qu’ils payent leurs impôts. 71 Cf. Chapitre deuxième pour le détail de la création de cette variable

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

131

CHO4 autre (=oui f) CHO5 non A B et C CHO6 non concenré Q59 Quels sont les principaux problèmes que vous rencontrez dans votre activité ?

a) demande (clientèle) insuffisante non dema (clie nsuffisante Oui demande (clientèl nsuffisante

non fournisseurs trop chers oui fournisseurs trop chers

non difficulté de fina ment oui difficulté ment

iquées non régle tation p compliquées

réglem on tr compliquée

re autre

autre

Q59a 59a1 59a2 Q59b b) fournisseurs trop chers 59b1 59b2 Q59c c) difficulté de fina59c1 59c2 Q59d d) réglementation 59d1 59d2 oui Q59e e) aut59e1 non 59e2 oui

nde

de fina

menentati

ntèle) ie) i

ncement nce

nce

trop compltroop

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

ACTIFS ............. NIACT = 482 PIACT = 482.000 SUPPLEMENTAIRES .... NISUP = 0 PISUP = 0.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'a' DE L'ARBRE EN 4 CLASSES CLASSE 1 / 4 FORMEL ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 32.57 CLASSE 1 / 4 aa1a 157 23.97 0.000 98.74 100.00 32.99 Formel : au réel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*1 159 6.15 0.000 45.83 70.06 49.79 oui compta reg+irreg Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'1 240 5.52 0.000 46.97 59.24 41.08 oui activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*1 198 -3.45 0.000 23.12 27.39 38.59 jamais de compta Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'2 186 -5.30 0.000 3.70 1.27 11.20 donnée manquante 53' Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'0 54 -5.52 0.000 22.54 40.76 58.92 non activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*2 284 -6.56 0.000 0.00 0.00 11.83 DM 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*4 57 -9.99 0.000 0.00 0.00 23.65 Déclarant informel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*2 114 -12.04 0.000 0.00 0.00 31.54 Informel: pa d'impôt 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*3 152 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 2 / 4 FORMEL - INFORMEL

Annexe II-2 AFC Nature de l’activité - Classification 1 : 3 variables actives – échantillon de 482 individus

SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 3 VARIABLES 10 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 58 . 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch ( 2 MODALITES ) 60 . Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? ( 4 MODALITES ) 65 . 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- POIDS DES INDIVIDUS: Poids des individus, uniforme egal a 1. UNIF RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 23.65 CLASSE 2 / 4 aa2a 114 22.64 0.000 100.00 100.00 23.65 Déclarant informel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*2 114 6.00 0.000 37.88 65.79 41.08 oui activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*1 198 5.59 0.000 34.58 72.81 49.79 oui compta reg+irreg Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'1 240 -3.02 0.001 16.13 26.32 38.59 jamais de compta Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'2 186 -4.50 0.000 1.85 0.88 11.20 donnée manquante 53' Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'0 54 -5.29 0.000 0.00 0.00 11.83 DM 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*4 57 -6.00 0.000 13.73 34.21 58.92 non activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*2 284 -9.78 0.000 0.00 0.00 31.54 Informel: pa d'impôt 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*3 152 -10.08 0.000 0.00 0.00 32.99 Formel : au réel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*1 159 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 3 / 4 INFORMEL ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 31.54 CLASSE 3 / 4 aa3a 152 24.21 0.000 100.00 100.00 31.54 Informel: pa d'impôt 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*3 152 10.26 0.000 59.14 72.37 38.59 jamais de compta Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'2 186 8.09 0.000 45.42 84.87 58.92 non activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*2 284 -5.64 0.000 1.85 0.66 11.20 donnée manquante 53' Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'0 54 -6.41 0.000 0.00 0.00 11.83 DM 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*4 57

240 198

-9.78 0.000 0.00 0.00 23.65 Déclarant informel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*2 114 -12.14 0.000 0.00 0.00 32.99 Formel : au réel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*1 159 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 4 / 4 DM ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 12.24 CLASSE 4 / 4 aa4a 59 17.92 0.000 100.00 96.61 11.83 DM 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*4 57 15.35 0.000 92.59 84.75 11.20 donnée manquante 53' Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'0 54 5.05 0.000 18.31 88.14 58.92 non activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*2 284 -5.05 0.000 3.54 11.86 41.08 oui activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*1 198 -5.40 0.000 0.00 0.00 23.65 Déclarant informel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*2 114 -5.73 0.000 1.26 3.39 32.99 Formel : au réel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*1 159 -6.14 0.000 1.61 5.08 38.59 jamais de compta Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'2 186 -6.55 0.000 0.00 0.00 31.54 Informel: pa d'impôt 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*3 152 -6.73 0.000 2.50 10.17 49.79 oui compta reg+irreg Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'1 240 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Annexe II-3 AFC Nature de l’activité - Classification 2 (filtrage sur DM) : 3 variables actives – échantillon de 423 individus

-6.79 0.000 17.08 26.97 49.79 oui compta reg+irreg Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'1 -8.09 0.000 11.62 15.13 41.08 oui activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*1

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 3 VARIABLES 10 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 58 . 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch ( 2 MODALITES ) 60 . Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? ( 4 MODALITES ) 65 . 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000 SELECTION APRES FILTRAGE ACTIFS ............. NIACT = 423 PIACT = 423.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'a' DE L'ARBRE EN 3 CLASSES CLASSE 1 / 3 Formel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 37.12 CLASSE 1 / 3 aa1a 157 23.31 0.000 100.00 100.00 37.12 Formel : au réel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*1 157 4.63 0.000 47.01 70.06 55.32 oui compta reg+irreg Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'1 234 4.37 0.000 48.69 59.24 45.15 oui activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*1 191 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 2 / 3 Formel enregistré – déclarant informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 26.95 CLASSE 2 / 3 aa2a 114 21.88 0.000 100.00 100.00 26.95 Déclarant informel 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*2 114 5.08 0.000 39.27 65.79 45.15 oui activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*1 191 4.35 0.000 35.47 72.81 55.32 oui compta reg+irreg Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'1 234 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 3 / 3 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 35.93 CLASSE 3 / 3 aa3a 152 23.19 0.000 100.00 100.00 35.93 Informel: pa d'impôt 54* : Manière de payer les impôts : partition en 7 54*3 152 9.54 0.000 55.60 84.87 54.85 non activité enregis 52* votre activité est enregistrée: RC ou autre (arch 52*2 232 9.04 0.000 60.11 72.37 43.26 jamais de compta Q'53 tenez vous d'une comptabilité ? 53'2 183 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Annexe II-4 : AFC – thème financement initial – 3 variables actives – échantillon de 266 informels

SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 3 VARIABLES 15 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 53 . Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes ( 3 MODALITES ) 81 . FIN* : Financement initial de l'activité ( 8 MODALITES ) 88 . Q59c c) difficulté de financement en classes ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- POIDS DES INDIVIDUS: Poids des individus, uniforme egal a 1. UNIF RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000 SELECTION APRES FILTRAGE ACTIFS ............. NIACT = 266 PIACT = 266.000 SUPPLEMENTAIRES .... NISUP = 216 PISUP = 216.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'a' DE L'ARBRE EN 6 CLASSES CLASSE 1 / 6 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 25.94 CLASSE 1 / 6 aa1a 69 16.74 0.000 100.00 98.55 25.56 informel pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin3 68 -2.46 0.007 0.00 0.00 6.02 non ft et DM FIN* : Financement initial de l'activité Fin8 16 -7.06 0.000 0.00 0.00 28.57 auto pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin1 76 -7.31 0.000 0.00 0.00 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 2 / 6 Autofinancement (informel) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 27.82 CLASSE 2 / 6 aa2a 74 16.88 0.000 97.37 100.00 28.57 auto pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin1 76 2.93 0.002 35.10 71.62 56.77 non diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c1 151 -2.36 0.009 0.00 0.00 5.26 Donnée manquante 59c Q59c c) difficulté de financement en classes 59c0 14 -2.61 0.005 0.00 0.00 6.02 non ft et DM FIN* : Financement initial de l'activité Fin8 16 -6.87 0.000 0.00 0.00 25.56 informel pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin3 68 -7.66 0.000 0.00 0.00 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? CLASSE 3 / 6 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 30.45 CLASSE 3 / 6 aa3a 81 17.40 0.000 100.00 98.77 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 3.20 0.001 42.57 53.09 37.97 oui diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c2 101 -2.56 0.005 0.00 0.00 5.26 Donnée manquante 59c Q59c c) difficulté de financement en classes 59c0 14 -2.82 0.002 0.00 0.00 6.02 non ft et DM FIN* : Financement initial de l'activité Fin8 16 -7.30 0.000 0.00 0.00 25.56 informel pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin3 68 -7.86 0.000 0.00 0.00 28.57 auto pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin1 76 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 4 / 6 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 3.38 CLASSE 4 / 6 aa4a 9 7.59 0.000 100.00 88.89 3.01 formel et informel FIN* : Financement initial de l'activité Fin4 8 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 5 / 6 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 4.89 CLASSE 5 / 6 aa5a 13 8.52 0.000 100.00 84.62 4.14 formel/informel/auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin7 11 -2.39 0.008 0.00 0.00 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 6 / 6 DM ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 7.52 CLASSE 6 / 6 aa6a 20 9.65 0.000 100.00 80.00 6.02 non ft et DM FIN* : Financement initial de l'activité Fin8 16 8.83 0.000 100.00 70.00 5.26 Donnée manquante 59c Q59c c) difficulté de financement en classes 59c0 14 3.33 0.000 16.09 70.00 32.71 Oui cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'0 87 -2.86 0.002 0.00 0.00 25.56 informel pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin3 68 -3.26 0.001 0.00 0.00 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 -3.75 0.000 1.99 15.00 56.77 non diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c1 151 -5.06 0.000 0.64 5.00 59.02 Non pas cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'1 157 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Annexe II-5 AFC – thème (financement initial+ FDR) et moyens de paiement – 5 variables actives - 266 informels SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 5 VARIABLES 22 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 48 . Q'49 échéance de paiement des frs ( 3 MODALITES ) 51 . Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes ( 4 MODALITES ) 53 . Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes ( 3 MODALITES ) 81 . FIN* : Financement initial de l'activité ( 8 MODALITES ) 88 . Q59c c) difficulté de financement en classes ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- VARIABLES NOMINALES ILLUSTRATIVES 1 VARIABLES 4 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 109 . ** AFC nature de l'activité ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- POIDS DES INDIVIDUS: Poids des individus, uniforme egal a 1. UNIF RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000 SELECTION APRES FILTRAGE ACTIFS ............. NIACT = 266 PIACT = 266.000 SUPPLEMENTAIRES .... NISUP = 216 PISUP = 216.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'b' DE L'ARBRE EN 7 CLASSES CLASSE 1 / 7 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 7.14 CLASSE 1 / 7 bb1b 19 11.20 0.000 100.00 100.00 7.14 autre financt Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'3 19 -7.57 0.000 0.00 0.00 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Les individus de cette classe recourent à un autre moyen de financement qui n’est pas de la finance informelle. On prendra l’hypothèse que c’est un financement mixte. CLASSE 2 / 7 Formel

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 12.78 CLASSE 2 / 7 bb2b 34 10.14 0.000 89.29 73.53 10.53 finance formelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'2 28 6.79 0.000 72.73 47.06 8.27 oui compte en banque Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'i 22 3.15 0.001 18.54 82.35 56.77 non diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c1 151 2.56 0.005 19.30 64.71 42.86 Formel - Informel ** AFC nature de l'activité N**2 114 -2.52 0.006 5.94 17.65 37.97 oui diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c2 101 -2.56 0.005 7.89 35.29 57.14 Informel ** AFC nature de l'activité N**3 152 -3.18 0.001 7.01 32.35 59.02 Non pas cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'1 157 -6.87 0.000 4.33 26.47 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 3 / 7 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61.65 CLASSE 3 / 7 bb3b 164 11.50 0.000 78.85 100.00 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 4.30 0.000 81.25 39.63 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 4.02 0.000 71.97 68.90 59.02 Non pas cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'1 157 2.49 0.006 68.42 63.41 57.14 Informel ** AFC nature de l'activité N**3 152 -2.49 0.006 52.63 36.59 42.86 Formel - Informel ** AFC nature de l'activité N**2 114 -3.36 0.000 0.00 0.00 3.01 formel et informel FIN* : Financement initial de l'activité Fin4 8 -3.93 0.000 19.05 2.44 7.89 Donnée manquante 49' Q'49 échéance de paiement des frs 49'0 21 -4.12 0.000 0.00 0.00 4.14 formel/informel/auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin7 11 -4.12 0.000 0.00 0.00 4.14 Donnée manquante 50' Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'0 11 -4.79 0.000 0.00 0.00 5.26 Donnée manquante 59c Q59c c) difficulté de financement en classes 59c0 14 -5.20 0.000 0.00 0.00 6.02 non ft et DM FIN* : Financement initial de l'activité Fin8 16 -5.77 0.000 0.00 0.00 7.14 autre financt Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'3 19 -6.30 0.000 0.00 0.00 8.27 classe indéfinie 51' Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'i 22 -7.29 0.000 0.00 0.00 10.53 finance formelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'2 28 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 4 / 7 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 4.51 CLASSE 4 / 7 bb4b 12 8.73 0.000 100.00 91.67 4.14 formel/informel/auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin7 11 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 5 / 7 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

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CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 3.38 CLASSE 5 / 7 bb5b 9 7.59 0.000 100.00 88.89 3.01 formel et informel FIN* : Financement initial de l'activité Fin4 8 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 6 / 7 DM ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 4.14 CLASSE 6 / 7 bb6b 11 9.01 0.000 100.00 100.00 4.14 Donnée manquante 50' Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'0 11 6.01 0.000 42.86 81.82 7.89 Donnée manquante 49' Q'49 échéance de paiement des frs 49'0 21 -3.26 0.001 1.09 18.18 69.17 frs au comptant Q'49 échéance de paiement des frs 49'1 184 -5.46 0.000 0.00 0.00 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 7 / 7 DM ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 6.39 CLASSE 7 / 7 bb7b 17 9.27 0.000 100.00 82.35 5.26 Donnée manquante 59c Q59c c) difficulté de financement en classes 59c0 14 8.75 0.000 87.50 82.35 6.02 non ft et DM FIN* : Financement initial de l'activité Fin8 16 3.58 0.000 14.94 76.47 32.71 Oui cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'0 87 2.65 0.004 11.40 76.47 42.86 Formel - Informel ** AFC nature de l'activité N**2 114 -2.54 0.005 0.00 0.00 25.56 informel pur FIN* : Financement initial de l'activité Fin3 68 -2.65 0.004 2.63 23.53 57.14 Informel ** AFC nature de l'activité N**3 152 -2.91 0.002 0.00 0.00 30.08 informel / auto FIN* : Financement initial de l'activité Fin5 80 -4.30 0.000 0.66 5.88 56.77 non diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c1 151 -4.50 0.000 0.64 5.88 59.02 Non pas cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'1 157 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

• dans la classe 2, qu’on a qualifié de formelle, il n’y a aucune données concernant l’approvisionnement. Ce qui nous intéresse c’est le comportement général qui est clairement explicité dans cette classe.

• La classe 4 est le plus importante (en nombre d’individus), mais son interprétation prête à confusion, car la classe peut être à comportement formel mais on a pensé qu’elle se rapprochait plus du caractère mixte.

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

Annexe II-6 moyens de paiement des fournisseurs selon le mode d’approvisionnement

En ligne APP ROVISIONNEMENT En colonne 49'' moyens de paiement des frs

Effectifs frs payé espèce frs payé chèque DM49'' ENSEMBLE % ligne

% colonne

Approvisionnement formel pur

92 14 2 108

85,2% 13,0% 1,9% 100,0% 44,2% 37,8% 9,5% 40,6%

Approvisionnement informel pur

21 6 4 31

67,7% 19,4% 12,9% 100,0% 10,1% 16,2% 19,0% 11,7%

Approvisionnement formel et informel

25 5 2 32

78,1% 15,6% 6,3% 100,0% 12,0% 13,5% 9,5% 12,0%

Pas d’approvisionnement

34 3 8 45

75,6% 6,7% 17,8% 100,0% 16,3% 8,1% 38,1% 16,9%

non concerné 36 9 5 50 72,0% 18,0% 10,0% 100,0%

17,3% 24,3% 23,8% 18,8%

ENSEMBLE 208 37 21 266 78,2% 13,9% 7,9% 100,0%

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

On remarque (les pourcentages en ligne) que le paiement par chèques est plus répandu pour

l’approvisionnement informel pur que pour l’approvisionnement formel pur. Ce qui est un peu

paradoxal. Cependant quelque soit le mode d’approvisionnement l’usage du chèque est peu

répandu et non discriminant.

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

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Annexe II-7 AFC – thème Activité courante : FDR et coûts – 4 variables actives - 266 informels

SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 4 VARIABLES 15 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 30 . App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) ( 5 MODALITES ) 36 . Q'49 échéance de paiement des frs ( 3 MODALITES ) : Des faits 39 . Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes ( 4 MODALITES ) 41 . Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes ( 3 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- VARIABLES NOMINALES ILLUSTRATIVES 3 VARIABLES 15 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 72 . Q59c c) difficulté de financement en classes ( 4 MODALITES ) 76 . CHO ( 6 MODALITES ) : Des opinions 82 . AFC - ** AFC nature de l'activité ( 5 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- POIDS DES INDIVIDUS: Poids des individus, uniforme egal a 1. UNIF RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000 SELECTION APRES FILTRAGE ACTIFS ............. NIACT = 266 PIACT = 266.000 SUPPLEMENTAIRES .... NISUP = 216 PISUP = 216.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'b' DE L'ARBRE EN 6 CLASSES CLASSE 1 / 6 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 7.14 CLASSE 1 / 6 bb1b 19 11.20 0.000 100.00 100.00 7.14 autre financt Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'3 19 -7.57 0.000 0.00 0.00 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 2 / 6 Formel ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ? V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 14.29 CLASSE 2 / 6 bb2b 38 10.18 0.000 92.86 68.42 10.53 finance formelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'2 28 7.96 0.000 86.36 50.00 8.27 oui compte en banque Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'i 22 2.54 0.005 21.05 63.16 42.86 Formel - Informel ** AFC nature de l'activité N**2 114 2.50 0.006 19.21 76.32 56.77 non diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c1 151 -2.54 0.005 9.21 36.84 57.14 Informel ** AFC nature de l'activité N**3 152 -2.99 0.001 5.94 15.79 37.97 oui diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c2 101 -3.87 0.000 7.01 28.95 59.02 Non pas cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'1 157 -6.64 0.000 5.77 31.58 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 3 / 6 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 9.40 CLASSE 3 / 6 bb3b 25 11.28 0.000 80.65 100.00 11.65 informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*2 31 2.98 0.001 21.43 48.00 21.05 autre CHO CHO4 56 -2.43 0.008 0.00 0.00 16.92 Pas d'app (service) App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*4 45 -2.64 0.004 0.00 0.00 18.80 DM App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*5 50 -4.76 0.000 0.00 0.00 40.60 formel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*1 108 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 4 / 6 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 54.89 CLASSE 4 / 6 bb4b 146 10.29 0.000 70.19 100.00 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 4.62 0.000 72.22 53.42 40.60 formel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*1 108 2.58 0.005 72.00 24.66 18.80 DM App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*5 50 -3.67 0.000 0.00 0.00 4.14 Donnée manquante 50' Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'0 11 -3.76 0.000 14.29 2.05 7.89 Donnée manquante 49' Q'49 échéance de paiement des frs 49'0 21 -5.17 0.000 0.00 0.00 7.14 autre financt Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'3 19 -5.66 0.000 0.00 0.00 8.27 classe indéfinie 51' Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'i 22 -6.55 0.000 0.00 0.00 10.53 finance formelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'2 28 -6.96 0.000 0.00 0.00 11.65 informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*2 31 -7.10 0.000 0.00 0.00 12.03 formel - informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*3 32 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 5 / 6 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS

142

CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES

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Chapitre deuxième : Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

143

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 10.15 CLASSE 5 / 6 bb5b 27 11.77 0.000 84.38 100.00 12.03 formel - informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*3 32 2.39 0.008 12.50 96.30 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 -2.38 0.009 5.96 33.33 56.77 non diff de financem Q59c c) difficulté de financement en classes 59c1 151 -2.57 0.005 0.00 0.00 16.92 Pas d'app (service) App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*4 45 -2.79 0.003 0.00 0.00 18.80 DM App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*5 50 -5.00 0.000 0.00 0.00 40.60 formel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*1 108 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 6 / 6 DM ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 4.14 CLASSE 6 / 6 bb6b 11 9.01 0.000 100.00 100.00 4.14 Donnée manquante 50' Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'0 11 6.01 0.000 42.86 81.82 7.89 Donnée manquante 49' Q'49 échéance de paiement des frs 49'0 21 -3.26 0.001 1.09 18.18 69.17 frs au comptant Q'49 échéance de paiement des frs 49'1 184 -5.46 0.000 0.00 0.00 78.20 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 208 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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CHAPITRE PREMIER

Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

Rationalité économique des microentreprises, adaptation et minimisation des coûts

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

144

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts CHAPITRE TROISIEME

RATIONALITE ECONOMIQUE DES

MICROENTREPRISES : ADAPTATION ET

MINIMISATION DES COUTS

L’unité d’analyse (microentreprise) étant adoptée et avant d’étudier les stratégies de minimisation

des coûts de ces unités nous procédons dans ce chapitre à l’identification et l’analyse de ces coûts.

Le point de départ de cette partie est le questionnement : que maximise un entrepreneur ou

producteur si on se place dans le cadre de la théorie microéconomique ?

L’homo œconomicus est un individu rationnel qui cherche à atteindre un objectif au moindre coût.

L’hypothèse de rationalité économique conjuguée aux caractéristiques d’un environnement

classique (droit à la propriété privée, information parfaite et concurrence pure et parfaite) permet

de désigner l’unique solution possible : la maximisation du profit sous contrainte de coûts des

facteurs de production que sont le capital et le travail.

La maximisation du profit recouvre deux aspects : le premier aspect relève de l’état de la demande

exprimée sur le marché des biens ; elle se traduit en terme de consommation intermédiaire ou

finale qui nous amène à considérer ses spécificités sectorielles et saisonnières. Le deuxième aspect

relève de la minimisation des coûts qui constituent la première variable perçue par les

microentrepreneurs et à priori contrôlable par eux, au moins dans une certaine mesure.

145

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts Ces conditions se résumeraient à s’adapter aux fluctuations de la demande, à trouver les inputs les

moins onéreux, à déterminer une combinaison de facteurs minimisant les dépenses totales de

production et à fixer la production à un niveau qui maximiserait le profit.

Nous traitons en premier (3.1) de l’élément qui ne tombe pas directement sous le contrôle (que

subissent) des microentrepreneurs mais auquel ils doivent s’adapter ; nous étudierons les

spécificités de la demande sur le marché des biens. En deuxième lieu (3.2), nous examinons les

éléments que le microentrepreneur peut maîtriser ou influencer à savoir la demande de biens

(l’approvisionnement) et la demande de travail des microentreprises (l’offre ayant déjà été étudiée

au chapitre premier). En troisième et dernier lieu (3.3), nous nous attachons à identifier la

structure de coûts des microentreprises et les moyens spécifiques de gestion utilisés pour leur

minimisation. Nous nous basons sur un ensemble d’enquêtes soit en les analysant directement

(pour l’Algérie) ou indirectement à travers l’exploitation de différents rapports d’enquêtes

nationales ou locales.

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

3.1 La demande des consommateurs sur le marché des biens

L’analyse de l’offre de biens et de services produits par les microentreprises dont résultent leurs

recettes (flux monétaires entrants) permet d'appréhender les relations avec les clients, le niveau de

la demande ainsi que la nature des débouchés. Ces aspects sont étudiés, comme cité

précédemment, à travers l’exploitation d’une enquête en Algérie et, à titre illustratif, en analysant

plusieurs rapports d’enquêtes pour la Tunisie.

L’écoulement de la production dépend de plusieurs facteurs. En premier lieu, le secteur d'activité

est affecté par la demande induite : certaines activités subissent directement les incidences de

l’évolution de la demande adressée aux secteurs formels auxquels elles sont liées ; à titre

d'exemple, en Tunisie, la branche menuiserie-ébenisterie dépend des secteurs du bâtiment et du

tourisme ; la sous-traitance des travaux bureautiques connaît une forte progression en période de

croissance [Sidhom, 2002]. En deuxième lieu, la saisonnalité exerce un effet sur la demande :

l’activité de la restauration se ralentit dans les trois pays pendant le mois du Ramadan, la

réparation automobile s'intensifie en été avec les déplacements occasionnés par les départs en

vacances, le retour des travailleurs à l'étranger (et l'accroissement du parc automobile). En dernier

lieu, la demande est liée à la visibilité de la microentreprise qui dépend de son degré de

formalisation ainsi que du lieu d'exercice de l'activité ; la faiblesse du revenu de la clientèle à

laquelle les microentreprises s’adressent correspond à une demande réduite, cyclique et

irrégulière.

En Tunisie, le problème le plus fréquemment cité par les microentrepreneurs (31,5%) est la

difficulté d’écoulement de la production [INS, 1997]. La méconnaissance des circuits de

commercialisation et des règles de marché, l’ignorance du profil, des goûts et des désirs du

consommateur, l’absence de contact avec celui-ci font que les secteurs involutifs [Sidhom, 2002]

pâtissent le plus de la non diversification, du manque et de l’irrégularité de la demande.

De par leur caractère informel présupposé et leur taille, les débouchés formels sont limités pour

les microentreprises aux activités exercées par les promoteurs localisés, répondant souvent à un

besoin du secteur moderne - étatique ou privé - en phase de croissance et qui bénéficient d’un

effet d’entraînement : 6,8% des microentreprises tunisiennes vendent à l’administration et 1,7%

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts exportent [INS, 1997]. Cette catégorie de microentreprises évolutives répond rarement à une

demande du quartier (4,6%) mais plutôt de la ville (45,9%) et en dehors du gouvernorat72

(28,6%). Plus l’unité économique est visible et de taille importante, plus sa clientèle est diversifiée

et moins elle rencontre de problèmes d'écoulement [Sidhom, 2002]. Cependant, la dimension

sectorielle ainsi que la différenciation entre le secondaire et le tertiaire déterminent pour une part

le caractère évolutif ou involutif des unités et leurs opportunités de vente. Dans le transport, le

commerce de demi-gros ou encore la sous-traitance industrielle et le textile, les microentreprises

disposent d’un potentiel de diversification et d'évolution dont elles bénéficient peu dans le

commerce de détail, la coiffure ou la petite réparation qui sont sans doute par ailleurs des activités

plus stables.

72 Circonscription administrative, équivalente au Wilaya en Algérie et au Maroc et département en France.

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

Tableau III-1 Conditions de vente des microentrepreneurs – Algérie (2001)

Microentrepreneurs

informels Microentrepreneurs

formels Echantillon total

Lieu de Vente Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / TotalFormel uniquement 143 53,76% 97 61,78% 240 56,74%Informel uniquement 78 29,32% 35 22,29% 113 26,71%Informel et formel 23 8,65% 13 8,28% 36 8,51%Données manquantes 22 8,27% 12 7,64% 34 8,04%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%

Prix de vente Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / TotalSupérieur ou égal au prix de marché 181 68,05% 124 78,98% 305 72,10%

Inférieur au prix de marché 19 7,14% 14 8,92% 33 7,80%

Données manquantes 66 24,81% 19 12,10% 85 20,09%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%Mode de paiement avec les clients

Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Au comptant (espèces) 214 80,45% 114 72,61% 328 77,54%Différé 23 8,65% 22 14,01% 45 10,64%Classe indéfinie 21 7,89% 14 8,92% 35 8,27%Données manquantes 8 3,01% 7 4,46% 15 3,55%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%Choix de l’activité motivé par une forte demande escomptée

Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Oui 155 58,27% 81 51,59% 236 55,79%Non 98 36,84% 57 36,31% 155 36,64%Données manquantes 13 4,89% 19 12,10% 32 7,57%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%Problème : Demande insuffisante de la clientèle

Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Oui 177 66,54% 102 64,97% 279 65,96%Non 75 28,20% 34 21,66% 109 25,77%Données manquantes 14 5,26% 21 13,38% 35 8,27%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%

Source : résultat de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

En Algérie, un échantillon de 423 microentrepreneurs (266 informels et 157 formels, déterminés

précédemment) tiré de l’enquête réalisée en 2001 auprès de 1.400 ménages [Adair et Bounoua,

2003] dont l’activité courante a été analysée sous l’angle des relations avec les clients ainsi que des

conditions de vente (lieu, prix).

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts Seuls 8% des microentrepreneurs informels et formels vendent leur production à la fois sur un

marché formel et sur un marché informel. Plus de la moitié des microentrepreneurs aussi bien

formels (qui sont plus représentés sur ce marché) qu’informels, vendent sur le marché formel

(tableau III-1). Nous constatons que l’accès au marché formel est plus fonction de la taille que du

statut de l’activité.

Les microentrepreneurs qui ne vendent que sur les marchés informels sont ceux qui jugent le plus

la demande comme insuffisante. Ils sont 30% du total des individus ayant des problèmes de

débouchés (35% parmi les informels et 15% de formels). Il apparaît que la demande

correspondant à une vente à domicile, dans la rue ou aux voisins et amis est foncièrement

fluctuante.

L’octroi de crédit aux clients est peu répandu (10,5%). 14% des microentrepreneurs formels en

accordent à leurs clients. Près de 9% des microentrepreneurs informels vendent à crédit ; ceci

peut être imputé à la prévalence des relations et des connaissances entre vendeurs et acheteurs,

donc plus de confiance, ou alors un moyen d’encourager et de fidéliser les clients. Ce sont ceux

qui vendent sur un lieu informel et ceux qui combinent la vente formelle et informelle qui en

accordent le moins (respectivement 9% et 5%). 15,5% parmi ceux qui vendent formellement le

font à crédit. En essayant de déceler les disparités entre microentrepreneurs formels et informels,

on remarque que sur le marché formel, les premiers accordent plus de crédit à leurs clients

(15,5%) que les seconds (10%). Sur le marché informel, la tendance s’inverse.

En nous intéressant à la part des entrepreneurs pratiquant le crédit clients, nous avons remarqué

que 10,64% seulement des microentreprises accordaient ce type de crédits à leurs clients. Nos

résultats vont dans le sens opposé de ceux de Benissad [1993] qui a stipulé que certaines

entreprises (surtout celles de textile) accordaient des délais de paiement à leurs clients pouvant

aller de quelques jours à une année, mais que asymétriquement, elles ne bénéficiaient pas d’un

traitement comparable de la part de leurs fournisseurs. La tendance est inversée pour notre

échantillon. En effet, plus de 21,5% des microentrepreneurs interrogés bénéficient du crédit

fournisseurs alors qu’il n’y a que la moitié qui en fait bénéficier ses clients.

La majorité des microentrepreneurs pratiquent des prix de vente supérieurs ou égaux aux prix du

marché. La proportion des formels (80% parmi eux pratiquent des prix supérieurs ou égaux au

prix du marché) est un peu plus élevée que celle des informels (70%).

150

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts Les conditions de vente sont sensiblement les mêmes pour les formels et les informels ; le critère

de formalité ne semble pas être discriminant pour faciliter l’accès à une demande solvable.

Pour identifier plus précisément la nature des relations commerciales et financières

qu’entretiennent les 266 microentrepreneurs informels (Tableau II-32)73 et 157 formels (annexe

III-1) avec leurs clients, nous avons soumis les deux échantillons à deux AFC suivie de

classifications qui ont mis en évidence quatre groupes de classes : activité formelle, informelle,

mixte, données manquantes (Tableau III-2).

Tableau III-2 Echantillon des microentrepreneurs informels et formels selon leurs recettes

Microentrepreneurs informels Microentrepreneurs formels

Comportement Nombre Proportion Nombre Proportion

Formel 22 8 % 76 48% Informel 33 13 % 25 16% Mixte 190 71 % 45 29% DM 21 8 % 11 7% Total 266 100 % 157 100%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Le lieu de vente est majoritairement formel pour les deux catégories de microentrepreneurs. Les

microentrepreneurs se conforment à un seul mode. Les stratégies alliant formel et informel sont

minoritaires. Elles sont adoptées par 8% des microentrepreneurs informels et de ceux formels

(Tableau III-1).

En considérant l’activité réelle appréhendée sous l’angle des recettes (Tableau III-2), c’est-à-dire

en introduisant les autres composantes en plus des ventes, nous remarquons que les recettes

deviennent moins formelles : les microentrepreneurs informels auront un comportement mixte

(54% parmi les informels pratiquent une vente informelle contre seulement 14% qui ont une

activité - recettes formelle), alors que 77% des microentrepreneurs formels auront plutôt un

comportement formel (100% appliqueront un prix de vente supérieur ou égal à celui du marché,

plus que 48% vendront leur production uniquement sur le marché formel et 60% disposent d'un

compte bancaire).

73 Détaillée dans la section précédente 2.3.2.8

151

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts On remarquera également qu’en pourcentage, les formels ont des pratiques de vente informelles

(16%) plus importantes que celles des microentrepreneurs informels (13%) (Tableau III-2).

Concernant le lieu de vente, on remarque que les microentrepreneurs ont recours au circuit

formel, mais dans les pratiques globales (moyen de paiement, crédit client, lieu et prix de vente)

c’est le comportement mixte qui prévaut pour les informels et un comportement formel pour les

microentrepreneurs formels (moins importants et qui a baissé en faveur du comportement

mixte). En raison de l'instabilité de l'accès des microentrepreneurs aux marchés formels, le

comportement mixte représente un moyen de se prémunir contre les risques de fluctuation de la

demande et d'éviction du marché autant pour les microentreprises formelles qu’informelles. Les

microentreprises formelles, du fait de leurs caractéristiques, ont accès plus facilement à une

demande plus stable ; ils se déclarent d’ailleurs concernés par le problème de l’insuffisance de la

demande mais légèrement moins que les informels (Tableau III-1). Ils bénéficient de la demande

en biens intermédiaires émanant d’organismes publics ou de grandes entreprises alors que l’offre

provenant des microentreprises informelles rencontre une demande de consommation finale,

foncièrement moins stable et plus sensible aux fluctuations de revenus, de saisonnalité ou de

secteurs.

La marge de manœuvre des microentrepreneurs en ce qui concerne la demande est très réduite ; à

part le fait d’être concurrentiel et innovateur pour l’attirer, ils ne peuvent pas l’influencer

directement. Leur seule solution est de s’adapter en agissant sur les variables sur lesquelles ils ont

un effet : leur propre demande.

152

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

153

3.2 La demande des microentreprises sur les marchés des biens et du travail

L’analyse des coûts de production implique la considération de deux facteurs et l’intervention sur

deux marchés : le marché des biens pour le facteur capital (traité en première partie) et le marché

de l’emploi pour le facteur travail (traité en deuxième partie).

Parallèlement, ces coûts se subdivisent en coûts fixes (CF) et coûts variables (CV). Rappelons que

les coûts variables (ou opérationnels) sont proportionnels au volume d’activité et que les coûts

fixes (ou de structure) sont en principe, indépendants du volume d’activité.

Graphique III-1 Coûts selon les différents marchés

Fonction objectif : minimiser les coûts Coûts Fixes

Coûts Variables

Marché des biens

Capital physique (équipements) Stocks de matières

Marché du travail Salaires des permanents

Salaire / indemnité (selon la nature de l'emploi)

(Manifestation sur le) Marché

du crédit Besoin de financement de

démarrage (inv) et de croissance

BFR

Analyser les caractéristiques des différents marchés revient à identifier les intervenants

(formels/informels, unités de travailleurs à compte propre/microentreprises …), à caractériser les

pratiques qui y prévalent (paiement au comptant/à crédit, facturation ou pas…) et enfin à

délimiter les coûts engagés dans ce marché.

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts 3.2.1 La demande sur le marché des biens

La notion de bien recouvre ici les objets matériels et/ou les services.

Tout bien peut procurer deux types de services : un service d’utilisation lorsqu’il est consommé et

un service d’approvisionnement lorsqu’il est conservé dans le patrimoine pour faire face à un

besoin futur.

En supposant qu’il n’y a pas de stockage, le premier type de bien inclut les matières premières qui

relèvent des coûts variables dépendants du niveau de l’activité et de la production, alors que le

deuxième est composé de biens durables meubles comme les équipements ou immeubles, tels

que les terrains ou les bâtiments s’ils sont la propriété du producteur. Ces derniers sont des coûts

fixes subis par l’entrepreneur quel que soit son niveau de production.

Les biens utilisés par l’entreprise interviennent dans deux types d’activités économiques : la

consommation et la production. L’étude de la demande émanant des microentreprises

impliquerait l’étude du marché des biens du point de vue de l’approvisionnement.

Dans ce qui suit nous procéderons à l’analyse de ce marché principalement en Algérie en nous

basant sur l’enquête utilisée dans la section précédente.

En Algérie, les relations des microentrepreneurs avec les fournisseurs recouvrent trois modes

d’approvisionnement : exclusivement chez un importateur ou un grossiste (formel),

exclusivement sur le marché parallèle (informel) ou bien selon une combinaison des deux modes

(tableau III-3). Les microentrepreneurs qui s’approvisionnent selon le mode formel sont ceux qui

ont le plus recours au crédit fournisseurs et ce sont aussi ceux qui bénéficient le plus de leur

confiance. Ils constituent 53% du total des bénéficiaires de ce genre de crédit, contre 16,5% de

microentrepreneurs s’approvisionnant selon le mode informel et 9% combinant les deux modes.

Bien que l’accès au crédit fournisseurs soit un signal de formalité et contrairement à ce qu’on

pourrait anticiper, les microentrepreneurs informels bénéficient plus que les formels du crédit

fournisseurs (37,5% de ceux qui s'approvisionnent informellement, bénéficient de crédit

fournisseurs contre 29%). Ceci peut être imputé, comme pour l’octroi du crédit client, à la notion

de confiance qui serait plus forte quand il s’agit de marché informel.

Prés des ¾ des microentrepreneurs payent leurs fournisseurs en espèces et plus des ¾ le font au

comptant. L’utilisation de la monnaie en espèces prime, que ce soit dans les transactions avec les

clients (77,5% des microentrepreneurs se font payer au comptant) ou bien avec les fournisseurs

154

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts (77% payent en espèces). Les crédits consentis aux clients sont peu répandus (10,5%) et le

financement par crédit fournisseurs est un peu plus important (21,5%).

Tous les individus recourent principalement au paiement en espèces, que ce soit ceux qui

s'approvisionnent sur des lieux formels (75% de ceux qui ne s’approvisionnent que d’une manière

formelle, payent en espèces) ou informels (78%) ou les deux (82%). L’utilisation du chèque est la

plus élevée pour les microentrepreneurs s’approvisionnant formellement (38,5%) et beaucoup

plus faible pour ceux utilisant l’approvisionnement purement informel (11%) et pour ceux

combinant les deux (13%). Ce moyen de paiement reste négligeable par rapport au paiement en

espèces. En effet, 15% de la totalité de l’échantillon l’utilise alors que 77% utilisent les espèces

pour régler leurs transactions avec leurs fournisseurs (Tableau III-3). Si la vente est largement

formelle (57%), l’approvisionnement l'est un peu moins (38%) (Tableaux II-28 et II-30). Les

microentrepreneurs vendent sur des lieux formels, sans s’y limiter exclusivement, pour s’assurer

une demande solvable et se "débrouillent" plus pour l’approvisionnement.

155

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts Tableau III-3 Conditions d’approvisionnement des microentrepreneurs - Algérie (2001)

Microentrepreneurs informels

Microentrepreneurs formels

Echantillon total

Lieu d’approvisionnement Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / TotalApprovisionnement formel 108 40,60% 55 35,03% 163 38,53%Approvisionnement informel 31 11,65% 9 5,73% 40 9,46%Approvisionnement mixte (formel et informel) 32 12,03% 18 11,46% 50 11,82%Pas d'approvisionnement 45 16,92% 31 19,75% 76 17,97%Non concerné 50 18,80% 44 28,03% 94 22,22%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%Echéance de paiement

des fournisseurs Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Fournisseurs au comptant 184 69,17% 116 73,89% 300 70,92%Crédit fournisseurs 61 22,93% 30 19,11% 91 21,51%Données manquantes 21 7,89% 11 7,01% 32 7,57%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%

Moyens de paiement des fournisseurs

Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Payé en espèces 208 78,20% 118 75,16% 326 77,07%Payé par chèque 37 13,91% 28 17,83% 65 15,37%Données manquantes 21 7,89% 11 7,01% 32 7,57%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%Choix de l’activité motivé par l’inexistence de charges

Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Oui 66 24,81% 19 12,10% 85 20,09%Non 186 69,92% 117 74,52% 303 71,63%Données manquantes 14 5,26% 21 13,38% 35 8,27%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%Problème : fournisseurs trop chers Effectif % / Total Effectif % / Total Effectif % / Total

Oui 94 35,34% 52 33,12% 146 34,52%Non 159 59,77% 84 53,50% 243 57,45%Données manquantes 13 4,89% 21 13,38% 34 8,04%Total 266 100,00% 157 100,00% 423 100,00%

Source : résultat de l’enquête [Adair & Bounoua, 2003]

En soumettant l’échantillon des 266 informels74 (annexe II-7) et des 157 formels (annexe III-2) à

une AFC et une classification, on a obtenu différentes classes qui peuvent être regroupées en 4

ensembles : comportement formel, informel, mixte ou données manquantes (Tableau III-4).

74 Traité en section 2.3.2.7

156

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

Tableau III-4 Echantillon des microentrepreneurs informels selon leurs coûts

Microentrepreneurs informels Microentrepreneurs formels

Comportement Nombre Proportion Nombre Proportion

Formel 38 14 % 76 48% Informel 25 9 % 37 24% Mixte 192 72 % 30 19% Données manquantes 11 4 % 14 9% Total 266 100 % 157 100%

Composé par nos soins [Adair & Bounoua, 2003]

Seulement 9% du total des microentrepreneurs informels ont une activité courante à l’image de la

nature de leur activité (informelle). C’est le comportement mixte qui prédomine (Tableau II-4).

Bien que les microentrepreneurs formels, comme pour le comportement de vente confirment

leur caractère formel (48% parmi eux ont un comportement d’approvisionnement formel), ils

sont plus nombreux à adopter un comportement mixte.

3.2.2 La demande sur le marché du travail

Le deuxième facteur de production considéré est le travail.

A court terme, le facteur travail est un coût fixe. A plus long terme, il peut devenir variable

puisque l’évolution de la production finit par exiger d’accroître ou de réduire les capacités

existantes ce qui engendre de nouveaux coûts. Une fois les capacités installées, ces coûts passent

pour fixes.

Le marché du travail maghrébin se caractérise par une abondance de l’offre, conséquence d’une

forte croissance démographique, d’un exode rural et de la mise en œuvre des plans d’ajustement

structurel qui ont laissés sans ressources un grand nombre d’actifs et renforcé les rangs des

chômeurs déjà existants. Les microentrepreneurs profitent de ce surplus de l’offre, qui fait baisser

le prix de ce facteur, ainsi que de la segmentation du marché du travail pour demander des

emplois précaires, peu qualifiés, non déclarés et informels dans des branches labour intensive.

Cette demande émanant des microentreprises semble répondre à une offre ainsi qu’à une

politique des pouvoirs publics visant à résorber le surplus de main d’œuvre sur le marché par un

accroissement de la demande d’emploi précaire, peu qualifié, non déclaré et informel.

157

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts Ce genre d’emploi dans les activités manufacturières semble avoir résorbé une partie du chômage

et favorisé, en mettant en œuvre une politique de revenus de transfert, la réduction de la pauvreté

dont l’incidence s’est réduite entre 1985 et 1990 au Maroc comme en Tunisie respectivement de

21% à 13% et de 11,2% à 7,4% [Eeghen, 1998].

Au Maroc, entre 1972 et 1977, le pays a lancé un programme de création d’industries productives

pour substituer les produits importés. Cette période a coïncidé avec un fort exode rural causé par

une forte sécheresse (1972) et une inefficacité des politiques agricoles. Le transfert du sous

emploi des régions rurales vers les villes a commencé et les politiques industrielles ont échoué à

canaliser les efforts de croissance du secteur industriel moderne vers une absorption de la totalité

de l’excèdent de main d’œuvre provenant des zones rurales. Ce surplus d’offre de travail a été

résorbé par une prolifération d’entreprises informelles dès le début des années 1970. En effet,

65% des microentreprises existantes en 1988 ont été créées pendant cette période. Les ¾ de

celles qui existent actuellement ont commencé leur activité à partir des années 1980 en réaction à

la crise qui a suivi la mise en application du PAS [GEMINI, 1992 ; DE, 1999]. Durant cette

période, le taux de croissance était de 4% et ne parvenait pas à résorber le taux de chômage qui se

situait entre 15 et 20% [DE, 1999]. Selon les estimations de la Banque Mondiale [1999], il aurait

fallu un taux de croissance de 7 à 8% pour arriver à ramener le chômage en dessous de la barre

des 10%.

En Tunisie, également, et dès le début des années 1970, le développement des microentreprises a

été favorisé par une politique étatique de promotion pour répondre à la croissance rapide de la

population active et de la capacité limitée d’embauche des grandes entreprises. Les responsables

politiques ont encouragé les microentreprises qui constituaient une solution pour réduire la

pauvreté et le chômage. Ces unités impliquent une structure de l’emploi caractérisée par les non-

salariés et plus spécifiquement par l’auto-emploi ; on y trouve trois catégories d’actifs non

agricoles : à côté des travailleurs à compte propre et des employeurs (les plus représentés), on

trouve les salariés (réguliers mais surtout occasionnels) ainsi que les aides familiaux (non

rémunérés) et les apprentis (pas ou peu rémunérés).

Dans plusieurs études, la croissance de la firme a été reliée et expliquée par sa taille (le nombre

d’employés qui y travaillent) et par la composition des actifs. Or la relation positive entre taille et

coût unitaire étant avérée, une bonne approximation de la dynamique des microentreprises

158

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts consiste à faire référence à l’emploi [Marniesse & Morrisson, 2000]. L’étude des coûts des

microentreprises va donc nous amener à analyser l’évolution de l’emploi en leur sein.

3.3 La minimisation des coûts

Ayant identifié les caractéristiques du marché du travail maghrébin et prenant l’hypothèse de la

prépondérance des coûts liés à l’emploi dans l’ensemble des coûts subis par la microentreprise,

nous traitons dans cette section de la méthode utilisée par le microentrepreneur pour réaliser sa

fonction de maximisation.

Les coûts sont liés à la taille. L’hypothèse dominante dans la littérature d’économie industrielle est

que les économies de coûts ne peuvent intervenir que pour les entreprises de grande taille

[Fafchamps, 1994]. Elles bénéficient d’une spécialisation et d’une mécanisation de la production,

de l’utilisation de technologies plus efficaces et d’un meilleur contrôle du marché. Plus une

entreprise est grande, plus elle bénéficierait de rendements d’échelle croissants. A supposer que le

prix des matières premières soit sensiblement identique pour une micro ou une grande entreprise,

le coût du facteur travail tient une place très importante dans les productions à faible série

(micro). La production en grande série permet d'introduire une automatisation poussée qui

réduirait les coûts de la main d’œuvre et donc les coûts unitaires. Une petite taille (ne favorisant

pas les économies d’échelle) combinée à une insuffisance du facteur capital impose aux

microentreprises un mode de production labour intensive. Cependant, le rapport K/L, beaucoup

plus faible pour les petites unités, a été transformé en atout. Les microentreprises s’appuient sur

une structure spécifique de l’emploi et profitent d’un environnement institutionnel laxiste pour

réduire leurs coûts au minimum et transformer la faiblesse en force.

Au regard de l’environnement fluctuant et du contexte instable, les microentreprises doivent

avoir les moyens de réajuster leur activité en cas de chute de la demande. Il est donc vital pour

elles d’avoir des coûts flexibles à la baisse. La stratégie adoptée consiste d’une part à minimiser la

part des coûts fixes dans le coût total et d’autre part à baisser les coûts totaux au minimum.

Les coûts fixes sont essentiellement constitués des coûts de la main d’œuvre et des coûts d’achat,

d’entretien ou de location des immobilisations (locaux et équipements). Ceux relatifs à l’emploi

159

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts étant les plus facilement compressibles, l’employeur doit y procéder soit par la réduction des

rémunération du travail ou du temps de travail [Marniesse et Morrisson, 2000].

On aborde donc en premier lieu la transformation des coûts fixes relatifs à l’emploi en coûts

variables (qui varieraient avec le niveau de production et s’adapteraient à la demande), en

deuxième lieu la contraction des coûts totaux et en troisième et dernier lieu on évoque l’influence

de ces deux stratégies sur le risque.

3.3.1 La transformation des coûts fixes (CF) en coûts variables (CV) : flexibilité

Cet impératif de flexibilité se traduit par une structure de l’emploi dominé par les non-salariés

(aides familiaux, tâcherons et apprentis75). La flexibilité, dans ce cas, est assurée par la possibilité

que se donne l’employeur de réduire le temps de travail. En effet, il est plus facile de faire varier

le temps de travail des actifs non-salariés que celui des salariés.

Minimiser la part des coûts fixes (CF) dans le coût total (CT), revient à réduire la part des coûts

en équipements et en salaires. Les salaires sont des engagements à moins long terme que les

équipements donc en cas de "turbulences", le microentrepreneur agira sur les salaires.

Encadré II-7 Le dilemme de la flexibilité de l’embauche

Un mécanicien automobile possède un garage et emploie un salarié. Depuis quelques mois, il a recueilli le fils d’un voisin qui a eu des problèmes à l’école et dont les parents voudraient qu’il apprenne un métier. Il l’a donc pris comme apprenti. En prévision de la croissance de l’activité à l’approche de la saison estivale, du retour des travailleurs à l’étranger et des vacanciers, il remplace son ancien appareil - défectueux - d’équilibrage / parallélisme par un nouveau et il embauche un salarié supplémentaire qui lui a été recommandé par son frère et qui a la réputation d’être un mécanicien efficace. A la rentrée, l’activité se tasse et le mécanicien se retrouve avec un salaire supplémentaire à payer et un crédit (à supposer qu’il ait réussi à en avoir un) à rembourser. Va-t-il vendre son équipement ou licencier un salarié ? Trouvera-t-il un acheteur dans la semaine qui de surcroît devrait le payer au comptant ? En plus, le marché des machines d’équilibrage/parallélisme d’occasion n’est pas si étendu. La demande encore plus que l’offre est très réduite. La théorie économique ainsi que le bon sens penchent pour la deuxième solution. L’employeur, satisfait du travail du nouvel employé, voudrait licencier le premier. Etant un cousin par alliance en plus d’être originaire du même village, l’employé contestera auprès de la famille agrandie et même des connaissances au village. L’employeur se retrouve donc devant un dilemme : garder cet employé et le payer malgré le manque de travail ou le licencier au risque de se fâcher avec la famille qui ne solliciterait plus les services de ce garage (il perdrait donc des clients).

75 En Tunisie, les apprentis sont considérés comme salariés [INS, 1997]. Ce n'est pas le cas au Maroc [DS, 2003] et en Algérie [Hammouda, 2002] où ils font partie de la main d'œuvre non-salariée. Cependant, dans ce qui suit, quand on parlera de non-salariés, on sous-entendra la spécificité des apprentis tunisiens.

160

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts Bien que plus flexible que le marché du capital, le marché de l'emploi n'est pas aussi flexible qu'on

pourrait le croire. Le microentrepreneur, qui n'a pas temporairement de commandes, hésite à

licencier un salarié car il est engagé, en plus des relations hiérarchiques, dans des relations

familiales et de voisinage76. Les enquêtes montrent, d'ailleurs qu'en cas de mauvaise conjoncture,

les microentreprises gardent une main d'œuvre sous-employée assez importante [Morrisson et

Mead, 1996]. Généralement, les salariés acceptent une rémunération réduite77 contre une garantie

de stabilité et une amélioration du niveau du salaire quand la conjoncture s’améliore. Les non-

salariés sont plus stables ; possédant un niveau de capital humain plus faible, ils sont beaucoup

moins sollicités et enclins que les salariés à changer d'employeur, voire de secteur.

Dans ces conditions, la prévoyance prime. Le microentrepreneur adopte une stratégie rationnelle

dès le début de son activité et aura recours à une main d'œuvre non-salariée, ce qui lui permet de

minimiser le rapport coûts fixes sur coût total (CF/CT) et d’accroître la flexibilité.

3.3.2 Garder le niveau des coûts au plus bas : la compression

Les actifs non-salariés coûtent moins cher que les salariés. En recrutant des aides familiaux et des

apprentis, la microentreprise fait des économies non seulement sur le montant des salaires mais

également sur les charges sociales.

3.3.2.1 Diminution des coûts en baissant la masse salariale

En ayant recours à une main d’œuvre composée de non-salariés, l’employeur réduit

considérablement le montant des rémunérations octroyées.

En Tunisie, un apprenti coûte près de 4 fois moins cher qu’un salarié. En moyenne, en 1997, un

salarié tunisien est payé 186 dinars alors qu’un apprenti reçoit 52 dinars soit 30% du SMIG. Les

apprentis les mieux payés sont ceux de l’industrie agricole et alimentaire (71 dinars) et les moins

bien payés sont ceux des industries du textile, cuir et chaussures (43 dinars). Le total des apprentis

et aides familiaux employés dépasse 1/5 des actifs [INS, 1997]. La proportion des apprentis a

76 Ces relations sociales freinent les déplacements dans les deux sens : se départir de ses salariés (licencier) pour le microentrepreneur et démissionner pour l'employé. Ce qui relativise la théorie qui prédit que l’emploi informel est fluide. 77 Le salaire moyen pour les salariés dans les microentreprises tunisiennes s’élève à 186 dinars par mois à la fin de 1997, soit 58% du salaire moyen dans les entreprises du secteur formel [INS, 1997].

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts régressé (5,4% en 1997) par rapport aux années 1980 où elle représentait 8% de la main d’œuvre.

Ce qui peut être imputé au développement de la formation professionnelle et au dédain des

jeunes par rapport aux méthodes traditionnelles d’apprentissage. Plusieurs artisans tunisiens et

marocains (et sûrement algériens aussi) se soucient du problème de transmission du métier. Ils

voient leurs ateliers désertés et leurs activités arrêtées après leur retraite. Ils constatent avec

amertume le détournement des jeunes des métiers manuels, de l’artisanat et de l’apprentissage

traditionnel.

Au Maroc, la proportion des apprentis dans la composition totale des actifs a également baissé. A

la fin des années 1980, elle était de 10% dans l’industrie, de 1% dans le commerce et de 4% dans

les services. A la fin des années 1990, ils ne constituent que 3% du total des actifs tous secteurs

confondus. En moyenne, un salarié est payé 1750 DH alors qu’un apprenti ne coûte à son

employeur que 650 DH mensuel [DE, 1999].

Les salariés tunisiens et marocains du secteur informel sont payés d’une manière égale

proportionnellement aux SMIG respectifs. En moyenne les salariés tunisiens reçoivent 1,1 fois le

SMIG mensuel et les marocains 1,12 fois le SMIG78. Cependant, en termes monétaires, les

salariés marocains sont mieux payés (le SMIG tunisien est à peine égal à 80% du marocain).

Du côté des non-salariés employés, les apprentis marocains sont, aussi, proportionnellement

mieux lotis (en montant et en proportion du SMIG), ils reçoivent un salaire moyen qui représente

plus de 40% du SMIG alors que leurs homologues tunisiens n’en reçoivent que 30%.

Dans cette même optique, embaucher des salariés nouveaux et jeunes réduit les coûts des

microentrepreneurs. En Tunisie, le salaire augmente régulièrement avec l’âge ; en moyenne, un

salarié commence à 82 dinars autour de 18 ans pour atteindre 219 dinars au-delà de 60 ans [INS,

1997]. Le système d’apprentissage permet de profiter d’une main-d’œuvre pratiquement gratuite.

En Algérie, plus de 60% des apprentis et aides familiaux travaillent avec des indépendants. La

proportion a peu varié entre le début des années 1990 (59,6%) et celui des années 2000 (61,81%)

[Hammouda, 2002].

78 Le SMIG au Maroc en juin 1998 est de 1560 DH [Balghazi et alii, 1998]. Actuellement au Maroc, il est de 1826,25 DH [DS, 2003]. Le SMIG en Tunisie s’élève à 169 dinars fin 1997 [INS, 1997].

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

Tableau III-5 Répartition de l’emploi total des microentreprises selon le statut d’emploi – fin des années 1990

Algérie (ONS, 1997) †

Maroc (DS, 99-00)

Tunisie (INS, 1997)

effectif % effectif % effectif % Indépendant 1 142 999 60,1% 34,5%Employeur 797 000 56,6% 239 695 22,2%Associés - - 169 872 8,9% 8 984 2,1%Salariés 455 000 32,3% 320 054 16,8% 107 151 25,3%Aides familiaux 198 132 10,4% 43 195 10,2%Apprentis

143 000 10,15%54 548 2,9% 22 966 5,4%

Total 1 408 000 100% 1 901 947 100% 423 080 ‡ 100%† Contrairement aux enquêtes marocaine et tunisienne qui sont des enquêtes "entreprises", l’enquête algérienne est une enquête "ménages" qui prend en compte la totalité de la population active (secteurs formel et informel confondus). La comparaison est donc plus délicate. ‡ Sont inclus 368 individus qui se sont déclarés "autres" pour le statut de l’emploi et 721 qui ne se sont pas déclarés.

Au Maroc, il existe un lien entre la taille de l’unité et l’application du SMIG; 38% des unités qui

ont de 2 à 5 actifs appliquent un salaire supérieur ou égal au SMIG, alors que 48,3% de celles de 6

à 10 actifs le font [DE, 1999].

En Tunisie, les salaires les plus élevés s’observent dans les microentreprises de 6 actifs et plus.

L’existence d’une relation positive entre taille des unités et niveau moyen des salaires est

vraisemblable lorsque la taille est mesurée en nombre de salariés et non d’actifs [INS, 1997].

La masse salariale est d’autant plus importante que la taille de la microentreprise est grande car

elle est simultanément et positivement corrélée avec la proportion des salariés parmi les actifs

ainsi qu’avec le niveau moyen des salaires qui s’apprécie avec la taille.

Cependant, arrivées à un certain stade de développement, pour croitre et augmenter leur

rentabilité, les microentreprises se voient obligées de recruter des salariés. Les coûts unitaires de

production de ces unités augmentent en fonction du nombre d'actifs et à plus forte raison avec

celui des salariés, l’entreprise respecte au fur et à mesure, au cours de sa croissance, des

contraintes (entre autre celles de la réglementation) qui engendrent des charges supplémentaires

qui croissent plus vite que les quantités produites. Cet accroissement des charges et par suite des

coûts unitaires se traduit par le fait d'embaucher moins de salariés d’autant que la part des salariés

parmi les actifs est importante [Marniesse et Morrisson, 2000].

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts 3.3.2.2 Diminution des coûts par la baisse des charges sociales

Quelles que soient les dispositions des microentrepreneurs vis-à-vis du paiement des charges

sociales, il est plus avantageux pour eux d’avoir des employés non-salariés. Dans le cas de

paiement qui s’effectue proportionnellement au salaire, les contributions salariales pour les non-

salariés coûteront 3 voire 4 fois moins cher que celles pour les salariés. Dans le cas de non-

paiement, l’employeur ayant un ascendant plus important sur les non-salariés (âge, relation de

parenté, autorité, précarité de la situation d’apprenti qui ne peut pas partir aussi facilement qu’un

salarié s’il est mécontent…), peut, le cas échéant, ne pas accéder à leur demande d’affiliation s’ils

venaient à le réclamer.

Bien qu’obligatoire dans les trois pays [INS, 1997 ; DE, 1999 ; Hammouda, 2002], le paiement

des charges sociales, surtout pour les non-salariés (apprentis et aides familiaux), est quasi-

inappliqué. En Algérie, en 2001, le taux des non-cotisants parmi les non-salariés est de l’ordre de

80% alors que celui des salariés est de 20% [ONS, 2001 in Hammouda 2002]. Au Maroc, les

réglementations en matière de protection sociale sont les moins respectées. Non seulement la

grande majorité ignorent l’existence de telles procédures (64% des unités), mais même quand elles

n’ignorent pas son existence, le degré d’affiliation des actifs est extrêmement faible : 93% des

unités informelles ne comptent aucun affilié parmi leurs actifs ; la proportion monte à 100% si on

ne prend compte que les indépendants [DE, 1999].

Le salariat dans sa forme classique formelle (stable, affilié à des organismes sociaux) est

minoritaire dans les microentreprises, comparé aux autres formes de travail non-salarié. Le

microentrepreneur ne se perçoit donc pas dans l’obligation de respecter la législation sur le salaire

minimum, les cotisations salariales (...), ne se sentant pas concerné par de telles règles. Au Maroc,

à la fin des années 1990, 67% des microentrepreneurs ne sont pas affiliés à la CNSS ; 66,5% de

ceux qui ne payent pas les cotisations d’assurance maladie et de retraite invoquent

l’incompatibilité d’une telle réglementation avec leur activité, le système organisationnel de leur

unité et des usages locaux, considérant que cette obligation est réservée aux grandes entreprises

[DE, 1999].

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

Tableau III-6 Evolution des effectifs (milliers) et des taux de non-cotisants (%) par situation dans la profession - Algérie

1992 1997 2001 Catégorie d'occupés effectif % effectif % effectif %

Employeurs et indépendants 340 51,09 (68,78) † 797 68.06 808 64,35 Salariés 352 11,10 455 13.79 682 20,72 Apprentis et aides familiaux 105 87,19 143 81.25 158 79,27 Emploi marginal du moment 377 100 Total 1 134 26,6 1 408 30,2 1 648 34,7

Enquête auprès des ménages 1992, 1997, 2001 [Hammouda, 2002] † En redressant les données de 1992 par l’emploi marginal, le taux des non-cotisants employeurs et indépendants s’approche de 70%.

L’évolution des taux de cotisation entre le début des années 1990 et 2000 augmente pour l’emploi

non-salarié (employeurs et employés) et diminue pour les salariés. Entre ces deux dates, l’effectif

des indépendants et employeurs a augmenté de presque deux fois et demi, mais leur taux de

cotisation ne s’est que légèrement accru. L’effectif des salariés a presque doublé ainsi que leur

taux de non-cotisation. L’effectif des non-salariés employés s’est également accru mais dans une

moindre mesure, comparé aux deux autres catégories (il a augmenté de moitié). Le taux de non-

cotisation dans le secteur informel algérien s’est accru de 30% mais dans une moindre mesure

que l’effectif, qui s’est accru de 45%. Comparativement aux années 1990, les actifs dans le secteur

informel se déclarent de moins en moins à la sécurité sociale.

Les raisons invoquées par les employeurs et indépendants pour leur propre non-cotisation est le

taux élevé qu’exige la Caisse Nationale d’Assurance Sociale des Non-salariés qui s’élèvent à 12%

du chiffre d’affaire. Ils donnent la même raison pour la non-cotisation des salariés dont les

prélèvements sont de l’ordre de 31,5% de leur rémunération depuis 1995 [Hammouda, 2002].

Le non-respect ou le respect partiel de la réglementation sociale (salaires en deçà du salaire

minimum, non-paiement des cotisations sociales...) est une caractéristique ainsi qu’une explication

de la pérennité du secteur des microentreprises qui leur permet de comprimer leurs coûts. La

réduction du coût du facteur travail apparaît comme un avantage comparatif des microentreprises

[Maldonado, 1995 ; Marniesse et Morrisson, 2000]. Les microentreprises contournent les normes

légales soit suite à un calcul rationnel fondé sur le coût d’opportunité et la probabilité de contrôle

et de sanction, ou bien par obligation, car les faibles revenus qu’elles gagneraient passeraient dans

le paiement des charges socio-fiscales et menaceraient la pérennité de l’unité, ou encore par

ignorance de l’existence de telles normes [Adair, 2002a].

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts La recherche de la minimisation des coûts, motivée par la faiblesse des revenus, est facilitée par

un environnement favorable : l’existence d’un chômage élevé réduit les prétentions des

demandeurs d’emplois et les fait accepter des emplois non adaptés, précaires et mal payés ; le

laxisme de l’Etat dont le but est plus la réduction du chômage que les maigres recettes fiscales

que pourrait lui apporter ce secteur ou encore la protection des employés dans le secteur

informel. Les autorités ne les soumettraient à aucune contrainte légale ; fragiles, ces entreprises

disparaîtraient –avec les emplois qu’elles ont créés – si elles devaient payer des impôts ou des

charges.

3.3.2.3 Une stratégie appliquée

Les microentrepreneurs sont bien conscients des deux impératifs de flexibilité et de compression

des coûts et ceci apparaît à travers d'une part leurs stratégies d’emploi et d'autre part leur

structure des coûts où la part des charges du personnel est minime.

La catégorie la plus représentée parmi les actifs de la microentreprise est celle des travailleurs à

compte propre qui comptent plus de 50% des actifs de ce secteur dans la plupart des pays en

développement. En y incluant tous les non-salariés (aides familiaux et apprenti, en sus), environ

75% des actifs dans les microentreprises sont des non-salariés [Mead & Liedholm, 1998]. Au

Maghreb, cette proportion est la plus élevée au Maroc avec 83,2% de non-salariés (employeurs et

employés). Elle est de 74,7% en Tunisie et de 67,7% en Algérie (en nous basant sur des enquêtes

ménages citées précédemment).

Tableau III- 7 Subdivision des charges – microentrepreneurs tunisiens – 1997

Achats Autres charges Frais de personnel Impôts indirects Charges totales87,8% 5,3% 6% 0,77% 100%

Source : nos calculs d'après INS [1997]

L'application des deux stratégies citées plus haut apparaît également à travers la structure des

charges où la part moyenne des frais du personnel pour les microentreprises tunisiennes est

minime et compte pour 6% du montant total des charges. On notera également la part presque

nulle des impôts indirects.

La faible part des frais du personnel illustre le fait que les microentreprises emploient

relativement peu de travailleurs salariés (25% du total de la main d’œuvre). Les non-salariés et

parmi eux les employeurs et indépendants étant majoritaires, la distribution de la valeur ajoutée

(VA) de la microentreprise est en leur faveur.

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts La VA rémunère les salariés (frais de personnel), l’entreprise et l'entrepreneur individuel

(excédent brut d'exploitation) et l’Etat (impôts liés à la production). Elle se partage

respectivement entre ces trois postes à raison de 15% pour les frais du personnel (salaires bruts et

cotisations sociales patronales), un peu moins de 2% pour payer les impôts et le reste soit 82,8%

de la VA comme excédent brut d’exploitation (EBE). Après déduction des impôts directs, on

obtient le revenu net de l'entrepreneur (RNE) qui est, en moyenne, de 80,8% de la VA.

3.3.3 Flexibilité et compression

3.3.3.1 Un moyen de réduction des risques

La spécificité des microentreprises, avec une structure de l'emploi où les salariés ne sont pas

majoritaires et où le microentrepreneur réduit dans une large mesure à la fois ses coûts relatifs à

l'emploi et la part peu flexible de ce coût, est dictée par la fluctuation de la demande adressée à

ces unités [Morrisson & Mead, 1996]. En l’absence de réserves financières et d’un accès quasi nul

au crédit, la réduction des risques passe obligatoirement par ces deux impératifs.

Dans le contexte instable (risque de la réduction soudaine et forte de la demande) où elles

évoluent, un des principaux avantages comparatifs que possèdent les microentreprises est leur

flexibilité [Fafchamps, 1994]. Si celle-ci fait défaut (par exemple en raison du paiement des

impôts, du respect du SMIG...), leur activité est menacée et elles risquent même de disparaître

consécutivement à une chute non (ou même) anticipée de la demande. L’essentiel des biens et

services produits par les microentreprises étant consommé par des clients à faible niveau de vie et

à faible capacité d’épargne, par des ménages dont les revenus dépendent de l’agriculture soumises

aux aléas climatiques (...), le moindre choc sur les revenus se fait ressentir au niveau de la

demande et menace la pérennité de la microentreprise car elle ne dispose pas des fonds

nécessaires pour continuer à payer les charges fixes (salaires et cotisations). Dépourvues de

réserves financières et n'ayant pas d'accès au crédit bancaire, elles doivent impérativement, pour

éviter la faillite, garder les coûts de main d’œuvre très bas et flexibles [Marniesse et Morrisson,

2000].

Cette analyse induit un raisonnement en terme de risque. D’un côté, le microentrepreneur,

comme le gérant d’une PME ou le PDG d’une grande entreprise, est confronté au risque de la

fluctuation de la demande mais, d’un autre côté, il n’est pas aussi outillé qu’eux pour surmonter

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts ce risque. Plus une microentreprise fonctionne comme une entreprise "classique" (en l’occurrence

avoir un nombre d’actifs égal au nombre de salarié plus un), plus ses coûts sont rigides à court

terme et plus le risque de disparaître en cas de récession est important.

Au-delà d'un certain seuil (qui dépend du secteur, des caractéristiques de l'entreprise), l'entreprise

cesse d'être compétitive car elle devient visible et doit honorer les obligations qui en découlent.

La capacité de croissance des microentreprises existe, mais il y a une limite due à la nature du

management et à la visibilité qui engendrent une obligation de respect des règles. Le passage du

fonctionnement d'une microentreprise à celui d'une entreprise "classique" fait augmenter les

coûts et l'entreprise n'est plus compétitive. En augmentant sa taille par l’embauche de salariés,

une microentreprise peut arriver à conserver des coûts bas, mais accroît le risque de faillite en

réduisant sa flexibilité. Pour maximiser son profit (en réduisant ses coûts) et minimiser son risque

de faillite (en préservant sa flexibilité), le chef d'une microentreprise doit la développer en

maintenant son mode de fonctionnement spécifique. Quand il devient impossible de maintenir ce

mode, il est plus rationnel de créer une deuxième microentreprise que de changer le mode de

fonctionnement de la première [Marniesse et Morrisson, 2000]. C’est le cas en Algérie où, pour le

microentrepreneur, l’objectif de croissance implique l’observance de la réglementation, donc

l’augmentation des dépenses et la réduction de la flexibilité ; il préfère donc multiplier le nombre

d’établissements, souvent géographiquement éloignés les uns des autres, ce qui lui permet de ne

pas avoir à se légaliser ni à subir les coûts inhérents [Hammouda, 2002]. Cependant, quand une

microentreprise parvient à maîtriser ses risques en stabilisant et développant sa clientèle, elle peut

à la fois embaucher et payer une taxe légère [Marniesse et Morrisson, 2000].

3.3.3.2 Adoption de stratégies extrêmes

3.3.3.2.1 Baisser les coûts fixes : maximiser la flexibilité ?

En prolongeant la réflexion dans le cadre de cette stratégie rationnelle, on pourrait envisager que

la structure optimale de l'emploi soit celle où l'entreprise fonctionnerait avec un employeur et des

non-salariés. Dans ce cas, elle ferait tendre les coûts fixes relatifs au travail vers zéro et la totalité

des coûts sera constituée de coûts variables (exceptés les coûts en équipements). Mais dans la

pratique, une telle structure est impossible, surtout quand la microentreprise dépasse le stade des

3 actifs [Marniesse et Morrisson, 2000], car les apprentis ou les aides familiaux ne disposent pas

de capital humain (qualification, expérience) aussi importants que ceux d'un salarié. Ainsi, le chef

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts d'entreprise qui minimise son rapport CF/CT sous des contraintes techniques, ne descend pas en

deçà d'un certain seuil dans la répartition salarié / non-salarié. Il embauche des salariés dans un

souci de rentabilité mais il en embauche le moins possible pour garder ses coûts fixes les plus bas

possibles ; c’est le cas au Maroc [Mourji, 1998]. En Tunisie, la relation entre le niveau du salaire et

le niveau d’instruction est positive [INS, 1997] ; plus on réduit le salaire, moins on attirera les

employés à fort capital humain. La rentabilité la plus faible étant celle d'un travailleur à compte

propre seul, en recrutant un actif (salarié ou non-salarié), l'employeur accroît forcément la

rentabilité de son unité [Mead et Liedholm, 1998].

3.3.3.2.2 Adopter la même structure d'emploi que les entreprises : accroître la rentabilité ?

Certes un salarié supplémentaire fait accroître la rentabilité de la microentreprise [Morrisson et

Mead, 1996] mais également il augmente le coût unitaire de production [Marniesse et Morrisson,

2000] qui induit une baisse de la flexibilité et accroît le risque de faillite.

L'étude de Marniesse et Morrisson [2000] a montré qu'à Tunis la proportion de salariés est

négativement corrélé avec l’embauche d'un actif ainsi que de celle d'un salarié : plus on a de

salariés, moins on en recrute ; et plus on déclare des actifs aux organismes sociaux, moins on

embauche un salarié. Ces résultats montrent que si les microentreprises adoptaient une structure

de l'emploi proche de celles des entreprises "classiques" (salariés majoritaires et déclaration) elles

seraient freinées à cause de la hausse et de la rigidité des coûts de la main d'œuvre.

Après étude des différents coûts que subit la microentreprise sur le marché des biens et services

et sur celui du travail, on a pu s’attendre à constater des coûts importants liés au personnel vu le

caractère "labour intensive" des activités des microentreprises. Plus la taille de l’unité économique

est importante, plus les coûts, principalement la masse salariale, sont élevés : d’une part la taille

est positivement corrélée avec la proportion des salariés (qui occasionnent plus de dépenses) dans

l’emploi total et d’autre part, le niveau moyen des salaires augmente avec la taille [Fafchamps,

1994 ; Mead et Liedholm, 1998 ; Marniesse et Morrisson, 2000].

Or, nous avons remarqué que la part des charges du personnel dans les charges totales est faible

et que la structure de l’emploi est basée sur les non-salariés. La structure de l’emploi et la

structure des coûts qui en découlent sont spécifiques aux microentreprises et leur permettent de

réduire dans une large mesure à la fois les coûts relatifs à l'emploi et la part peu flexible de ce coût

[Morrisson & Mead, 1996].

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

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ANNEXES CHAPITRE TROISIEME

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

Annexe III-1 AFC – thème Activité courante : Recettes – 4 variables actives - 157 formels

SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 4 VARIABLES 14 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 34 . VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) ( 4 MODALITES ) 44 . 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 ( 3 MODALITES ) 46 . Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes ( 4 MODALITES ) 53 . Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes ( 3 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- VARIABLES NOMINALES ILLUSTRATIVES 3 VARIABLES 14 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 86 . Q59a quels sont les principaux pbs que ... en classes ( 4 MODALITES ) 92 . CHO ( 6 MODALITES ) 109 . ** AFC nature de l'activité ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- POIDS DES INDIVIDUS: Poids des individus, uniforme egal a 1. UNIF RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000 SELECTION APRES FILTRAGE ACTIFS ............. NIACT = 157 PIACT = 157.000 SUPPLEMENTAIRES .... NISUP = 325 PISUP = 325.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'a' DE L'ARBRE EN 6 CLASSES CLASSE 1 / 6 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 8.28 CLASSE 1 / 6 aa1a 13 8.89 0.000 100.00 100.00 8.28 formel et informel VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN3 13 -4.67 0.000 0.00 0.00 61.78 formel uniquement VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN1 97 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 2 / 6 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 7.01 CLASSE 2 / 6 aa2a 11 8.03 0.000 91.67 100.00 7.64 DM VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN4 12 -4.19 0.000 0.00 0.00 61.78 formel uniquement VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN1 97 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 3 / 6

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 11.46 CLASSE 3 / 6 aa3a 18 6.80 0.000 85.71 66.67 8.92 classe indéfinie 48' Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'i 14 4.23 0.000 57.14 44.44 8.92 informel (< px march 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*2 14 -2.70 0.003 7.26 50.00 78.98 formel (>= px marché 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*1 124 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 4 / 6 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 20.38 CLASSE 4 / 6 aa4a 32 7.21 0.000 86.36 59.38 14.01 avec Clt différé Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'2 22 3.67 0.000 57.89 34.38 12.10 Classe 3/3 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*3 19 3.52 0.000 52.17 37.50 14.65 classe indéfinie 51' Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'i 23 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 5 / 6 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 48.41 CLASSE 5 / 6 aa5a 76 8.12 0.000 66.67 100.00 72.61 avec Clt au comptant Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'1 114 6.78 0.000 61.29 100.00 78.98 formel (>= px marché 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*1 124 3.16 0.001 58.76 75.00 61.78 formel uniquement VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN1 97 2.48 0.007 58.97 60.53 49.68 Oui cpte en Bq Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes 51'0 78 -2.39 0.009 0.00 0.00 4.46 donnée manquante 48' Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'0 7 -3.50 0.000 0.00 0.00 7.64 DM VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN4 12 -3.69 0.000 0.00 0.00 8.28 formel et informel VEN* (prog suite croisement avec lieu d'exce) VEN3 13 -3.88 0.000 0.00 0.00 8.92 classe indéfinie 48' Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'i 14 -3.88 0.000 0.00 0.00 8.92 informel (< px march 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*2 14 -4.74 0.000 0.00 0.00 12.10 Classe 3/3 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*3 19 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 6 / 6 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 4.46 CLASSE 6 / 6 aa6a 7 6.91 0.000 100.00 100.00 4.46 donnée manquante 48' Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'0 7 3.89 0.000 35.71 71.43 8.92 informel (< px march 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*2 14 -3.39 0.000 0.81 14.29 78.98 formel (>= px marché 47* Comportement - Prix - AFC arch - Partition en 3 47*1 124 -3.78 0.000 0.00 0.00 72.61 avec Clt au comptant Q'48 avec vos clients utilisez vous de ... en ... en classes48'1 114 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

Annexe III-2 AFC – thème Activité courante : FDR et coûts – 4 variables actives - 157 formels

SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES VARIABLES NOMINALES ACTIVES 4 VARIABLES 15 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 41 . App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) ( 5 MODALITES ) 48 . Q'49 échéance de paiement des frs ( 3 MODALITES ) 51 . Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes ( 4 MODALITES ) 53 . Q'51 avez vous un compte en banque c'est non ... en classes ( 3 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- VARIABLES NOMINALES ILLUSTRATIVES 3 VARIABLES 14 MODALITES ASSOCIEES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 88 . Q59c c) difficulté de financement en classes ( 4 MODALITES ) 92 . CHO ( 6 MODALITES ) 109 . ** AFC nature de l'activité ( 4 MODALITES ) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDIVIDUS ----------------------------- NOMBRE -------------- POIDS --------------- POIDS DES INDIVIDUS: Poids des individus, uniforme egal a 1. UNIF RETENUS ............ NITOT = 482 PITOT = 482.000 SELECTION APRES FILTRAGE ACTIFS ............. NIACT = 157 PIACT = 157.000 SUPPLEMENTAIRES .... NISUP = 325 PISUP = 325.000 ------------------------------------------------------------------------- CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'a' DE L'ARBRE EN 5 CLASSES CLASSE 1 / 5 Mixte ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 19.11 CLASSE 1 / 5 aa1a 30 7.98 0.000 95.00 63.33 12.74 autre financt Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'3 20 6.20 0.000 83.33 50.00 11.46 formel - informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*3 18 2.35 0.009 36.67 36.67 19.11 crédit frs Q'49 échéance de paiement des frs 49'2 30 -3.23 0.001 0.00 0.00 19.75 Pas d'app (service) App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*4 31 -3.42 0.000 7.79 20.00 49.04 finance informelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'1 77 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

173

CLASSE 2 / 5 Formel

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Chapitre troisième : Rationalité économique des microentreprises : adaptation et minimisation des coûts

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---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 48.41 CLASSE 2 / 5 aa2a 76 4.79 0.000 79.55 46.05 28.03 DM App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*5 44 4.71 0.000 74.55 53.95 35.03 formel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*1 55 2.48 0.007 62.96 44.74 34.39 finance formelle Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'2 54 -2.87 0.002 0.00 0.00 5.73 informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*2 9 -3.30 0.000 0.00 0.00 7.01 Donnée manquante 49' Q'49 échéance de paiement des frs 49'0 11 -3.40 0.000 21.21 9.21 21.02 autre CHO CHO4 33 -4.57 0.000 0.00 0.00 11.46 formel - informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*3 18 -4.90 0.000 0.00 0.00 12.74 autre financt Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'3 20 -6.51 0.000 0.00 0.00 19.75 Pas d'app (service) App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*4 31 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 3 / 5 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 17.83 CLASSE 3 / 5 aa3a 28 10.90 0.000 90.32 100.00 19.75 Pas d'app (service) App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*4 31 3.07 0.001 23.28 96.43 73.89 frs au comptant Q'49 échéance de paiement des frs 49'1 116 -3.99 0.000 0.00 0.00 28.03 DM App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*5 44 -4.71 0.000 0.00 0.00 35.03 formel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*1 55 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 4 / 5 Informel ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 5.73 CLASSE 4 / 5 aa4a 9 7.68 0.000 100.00 100.00 5.73 informel App*rovisionnement (AFC archiv Partition en 8) Ap*2 9 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 5 / 5 DM ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 8.92 CLASSE 5 / 5 aa5a 14 7.60 0.000 100.00 78.57 7.01 Donnée manquante 49' Q'49 échéance de paiement des frs 49'0 11 5.11 0.000 100.00 42.86 3.82 Donnée manquante 50' Q'50 si vous avez besoin d'un financemt, ... en classes 50'0 6 -4.06 0.000 2.59 21.43 73.89 frs au comptant Q'49 échéance de paiement des frs 49'1 116

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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CHAPITRE PREMIER

Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

Rationalité économique des microentreprises, adaptation et minimisation des coûts

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

175

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE QUATRIEME

LE FINANCEMENT DES MICROENTREPRISES : INADEQUATION DU SYSTEME BANCAIRE ET

PREDOMINANCE DES RESSOURCES INTERNES

“Difficulties in obtaining capital, and the high cost of capital when it can be obtained,

may act as important impediments to improvements in productivity”

Joseph Stiglitz [1990]

Après avoir identifié les coûts subis par les microentreprises, nous nous interrogeons dans ce

chapitre sur les moyens que ces dernières adoptent pour les financer.

D'après le graphique III-1 du chapitre précédent, les coûts fixes engendrent principalement des

besoins de financement à long et moyen termes alors que les coûts variables engendrent des

besoins de financement d'exploitation à court terme.

La première section nous permettra d'identifier et d'expliciter les besoins de financement d'une

microentreprise. On abordera les différents besoins selon leur fréquence : les besoins ponctuels

d’investissement et de croissance et le besoin continu de financer l’exploitation.

Dans la deuxième section, nous déterminerons la manière de laquelle les microentreprises vont

satisfaire ces besoins, préalablement identifiés, et les moyens et les sources qui sont à leur

disposition. Dans cette partie, nous adopterons le point de vue de la microentreprise en nous

plaçant du côté de la demande. Suite à une analyse comparative entre les trois pays dans l'espace

(4.2.1) -les trois pays dans une même période du temps- et dans le temps (4.2.2) -un seul pays sur

différentes périodes du temps-, la structure de financement observée des microentreprises

176

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

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maghrébines s’avère être majoritairement fondée sur les apports en ressources propres et

faiblement constituée de financement bancaire ou informel.

Dans la troisième et dernière section, nous nous placerons du côté de l'offre de financement pour

expliquer, en nous basant sur des arguments théoriques, les attitudes des différents intervenants

sur le marché du crédit vis-à-vise des microentreprises. Pour quelles raisons les banques évitent-

elles de prêter à ce type d'acteurs économiques (4.3.1) ? Quel est l’effet des programmes étatiques

en faveur de la microentreprise sur cette dernière (4.3.2) ? Pourquoi la finance informelle ne

répond-elle pas d'une manière satisfaisante aux besoins exprimés par les microentreprises (4.3.3) ?

Et enfin pourquoi la sollicitation des ressources internes (autofinancement et apport en fonds

propres) est-elle si présente (4.3.4) ?

La microentreprise peut être appréhendée comme étant au centre de flux monétaires et de

crédits. Le solde du flux monétaire, entrant (clients) et sortant (fournisseurs de facteurs : matières

premières et transformées, équipement et travail), détermine les besoins en financement qui sont

satisfaits, selon les cas, par un seul ou une combinaison de transferts de crédit (Graphique IV-1).

Graphique IV-1 Besoin et source de financement des microentreprises

Transfert de monnaie

Transfert de crédits

Microentreprise

Epargne personnelle Prêt famille

Prêt bancaire Aide étatique

Client Débouchés

Crédit fournisseurs

Autofinancement

IMC

Fournisseurs Demande de facteurs

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

4.1 Les besoins de financement des microentreprises

Les besoins en financement des microentreprises découlent de leur activité. Ils recouvrent des

dimensions différentes selon leur stade d’évolution et sont identiques, dans la plupart des cas, aux

besoins des entreprises de taille plus importante : coûts de démarrage de l’activité, achat de

matières premières, paiement des charges, rémunération des employés…

La différence avec les entreprises de taille importante réside dans le fait que les besoins financiers

des microentreprises sont proportionnels à leur taille et s’avèrent réduits tandis que leur accès aux

sources formelles de financement est limité.

Leurs besoins de financement relèvent de deux catégories : besoins de financement à court et

moyen-long terme (démarrage, investissement ou croissance) et besoin de financement du cycle

d’exploitation (besoin de fonds de roulement ou BFR).

4.1.1 Le besoin de financement à court et moyen-long terme

4.1.1.1 Le besoin de financement de démarrage

Toute entreprise se doit d’investir c’est-à-dire acquérir (à la création ou pour assurer son

développement) de nouveaux moyens de production qui lui permettront de produire plus et dans

de meilleures conditions, ce qui va lui permettre de dégager des profits supplémentaires et de

payer son emprunt (si on suppose qu’elle a réussi à en contracter un). Les marchés financiers

étant peu développés dans les pays du Maghreb, le financement des investissements se fait le plus

souvent en ayant recours aux crédits bancaires [Myard, 2003]. Les crédits d’équipements ont pour

première caractéristique de générer les flux qui vont participer à assurer leur remboursement et

pour deuxième leur durée. En raison de leur nature et des biens qu’ils financent, ils sont à long

terme et donc plus risqués à financer pour le banquier79.

Le besoin de financement des coûts de démarrage varie selon le secteur et la nature de l’activité

de l’entreprise. Généralement, les coûts incluent l’investissement initial en équipements, local,

matières premières (BFR) et dépendent du degré de technicité du matériel requis. Dans les

microentreprises involutives ou artisanales ces coûts sont minimes car les microentrepreneurs

79 Notons l’apparition du microleasing, solution qui pourrait résoudre les problèmes de financement (à moyen et long terme) de l’équipement. La Grameen Bank a commencé son programme expérimental en 1992. Au regard du succès qu’a rencontré cette expérience, elle a été appliquée à toutes les zones d’interventions de la Grameen [Dowla, 1998].

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

n’ont besoin que d’équipements et d’outils rudimentaires pour démarrer l'activité. La plupart des

machines sont construites localement, parfois par les microentrepreneurs eux-mêmes, à partir de

matériaux simples et souvent récupérés ; elles n’induisent donc pas de coûts élevés. Mais dans le

cas d'une activité qui demande un équipement plus technique, ce montant est beaucoup plus

important. C’est également le cas lors de l’acquisition d’un fonds de commerce pour les

entreprises qui veulent s’établir dans les zones urbaines et s’installer dans un marché avec une

clientèle et une demande déjà bien assises.

4.1.1.2 Le besoin de financement de croissance

Le besoin de financement à moyen terme se manifeste lorsque, à un stade donné de leur cycle de

vie, certaines entreprises doivent croître pour faire face à la concurrence, pour profiter de

certaines opportunités, pour satisfaire la demande (…) Elles doivent rémunérer des salariés

supplémentaires, acheter des équipements afin d’accroître la productivité du travail ou d’améliorer

la qualité du produit. Au cours de leur cycle de vie, les microentreprises passent par deux périodes

sensibles ; vers quatre à cinq ans d’existence, une sélection naturelle s’opère et élimine les unités

les moins compétitives ; une deuxième période critique intervient passé le cap des dix ans. Cette

deuxième sélection élimine les unités qui échouent dans leurs tentatives de développement

[Marniesse, 1998]. C’est dire l’importance cruciale du financement de la croissance. Ces prêts

requis sont d’un montant supérieur à ceux qui financent le BFR et ils recouvrent une durée de

remboursement plus longue, ce qui engendre un risque plus important pour les banques et les

conforte dans leur frilosité à octroyer des crédits aux microentrepreneurs dont elles entravent

ainsi l’activité.

4.1.2 Le besoin de financement du cycle d’exploitation (BFR)

L’activité de l’entreprise, qu’elle soit industrielle ou commerciale, lui impose d’accorder des délais

ou de subir des retards de paiement de la part de ses clients. Une entreprise peut faire face à des

difficultés de trésorerie en raison soit de la longueur du processus de fabrication, soit des retards

de paiement ou d’écoulement. Elle résout généralement ce problème en contractant un prêt à

court terme qui est consenti pour une durée maximum de 2 ans80 afin de faire face à des

problèmes temporaires de trésorerie. Le remboursement est assuré par l’encaissement ou la vente

de la production donc par son fonctionnement courant.

80 La durée peut s’étendre de quelques jours à quelques mois.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Le financement du cycle d'exploitation – principalement, achat de matières premières et

rémunération du travail - implique que l’entrepreneur dispose de liquidités. Ce besoin de fonds de

roulement (BFR), commun à toutes les microentreprises, est dû à leur cash flow limité et à

l’inadéquation entre les flux monétaires entrants et sortants qui constitue le problème majeur.

Leurs fournisseurs leur accordent rarement des facilités de paiement contrairement aux

entreprises plus grandes. Le paiement au comptant est la règle, le crédit quand il existe est de

courte durée et coûteux. Certes, ces microentreprises adoptent un comportement similaire avec

leurs propres clients mais les crédits aux clients sont plus fréquents et les délais plus longs. Ainsi,

les microentreprises accordent-elles plus de crédits clients qu'elles ne bénéficient de crédits

fournisseurs [Morrisson, 1995 ; Mourji, 1998 ; Benissad, 1993].

Des enquêtes auprès de microentrepreneurs marocains et tunisiens ont révélé que le manque de

financement du BFR influence négativement leur activité [GEMINI, 1992 ; BIT, 1993c].

Ces limites de financement, autant pour les matières premières que pour la force de travail,

peuvent entraver la capacité des microentreprises à s’accroître et surtout à profiter des

opportunités dont peuvent bénéficier des unités plus grandes, plus professionnelles qui sont en

mesure de financer ces coûts directement ou bien qui ont accès au marché bancaire formel.

En Tunisie, la structure financière d’un échantillon de 150 microentreprises de Jendouba montre

que le volume du fonds de roulement est réduit. En l’absence de financement externe du BFR,

80% réinvestissent la totalité de leurs gains pour renflouer leur fonds de roulement et se privent

ainsi d’un revenu ; 24% recourent au crédit bancaire sous sa forme la plus onéreuse, le

découvert ; 75% parmi les rares bénéficiaires des crédits à court terme financent les

immobilisations sur fonds de roulement et créent un déséquilibre de leur structure financière

[BIT, 1996]81.

La contrainte essentielle pour les microentreprises réside dans l’insuffisance des crédits de fonds

de roulement ainsi que des crédits nécessaires pour financer la croissance ; ce qui entrave leurs

efforts pour prospérer et s’accroître. Quelques institutions formelles octroient de tels crédits au

Maroc (BCP et CNCA82) et en Tunisie (Fonds de roulement de l'ONA) mais leur pénétration du

marché reste faible et ne couvre pas la demande [GEMINI, 1992 ; Borgi, 1999].

81 Ces remarques ont également été faites sur un échantillon de 187 microentreprises du Nord et du Centre du Maroc [Belghazi et alii, 1998]. 82 Banque du Crédit Populaire et Caisse Nationale du Crédit Agricole.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

4.2 La demande de financement satisfaite

La demande de prêts excède largement l’offre existante sur le marché. Si les besoins de

financement - problème souvent le plus cité - sont les mêmes au sein du Maghreb, l’offre de

crédit de la part de l’Etat comme des ONG varie sensiblement selon les pays ; en revanche, le

système bancaire s'accorde à ne pas compter les microentreprises parmi les clients. Ce n'est pas

tant le caractère formel ou informel de l'activité qui détermine l’offre de financement mais

d’abord la petite taille des microentreprises. Selon Stigliz & Weiss [1981], la probabilité qu'une

firme soit privée de l’accès au crédit formel n'est pas indépendante de sa taille. Plusieurs

recherches ont mis l'accent sur l'impact de la taille de la firme sur les termes des contrats de

financement qui lui sont proposés ainsi que sur l'existence même de ces contrats. Plus une firme

est de petite taille, plus les institutions financières s'en désintéressent. Au Maroc, des enquêtes ont

montré que les problèmes de liquidité s'estompent avec l'accroissement de la taille de l'unité [DS,

2003] et une analyse économétrique sur un échantillon de 647 microentreprises de Casablanca a

montré que le nombre d’employés a une forte influence positive sur la probabilité d’avoir accès à

un crédit bancaire [Bellemare, 2000].

Au regard du faible niveau d’investissement en locaux et en équipements pour la plupart des

microentreprises, l’investissement initial est généralement limité et peut être financé par des

ressources propres mais son insuffisance pèserait plus tard sur la croissance. Liedholm [1991] qui

a synthétisé une série d'enquêtes réalisées83 entre le milieu des années 1970 et 1980, a mis en

évidence, qu'en moyenne, un microentrepreneur ne se lançait dans l'aventure de la création

qu'une fois rassemblée la totalité de la somme dont il a besoin. La majorité de ce capital de départ

est utilisé pour les capitaux fixes (outillages et machines) à raison des 2/3 ; le 1/3 restant finance

le BFR initial. Cette distribution ne pare pas au besoin complémentaire important en fonds de

roulement qui tend à être sous-estimé surtout à la naissance des petites firmes [Liedholm, 1991 ;

Liedholm & Mead, 1987].

83 Ces enquêtes de la Michigan State University ont porté sur des pays d’Afrique anglophone, d’Amérique du Sud et d’Asie.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Une fois le processus de production entamé, le besoin de fonds de roulement croît aussi bien de

manière absolue que relativement aux capitaux fixes. Ceci est dû à la croissance de la production

financée par le fonds de roulement ; il y a donc une utilisation plus intense plutôt qu'une

croissance des capitaux fixes. La contrainte financière majeure réside dans le financement du

fonds de roulement et du manque de crédits à court terme.

D'une manière générale, le financement bancaire, quoique marginal, s'accroît avec la maturité de

la microentreprise. Une microentreprise en croissance jouit d’une certaine reconnaissance et

donne une image de pérennité qui lui facilite la multiplication des sources de financement et

l'accès au financement bancaire [Adair et Hamed, 2003 ; McLeod, 1994]. Ce financement

bancaire, dans les rares cas où il est accordé, est plutôt octroyé pour financer le fond de

roulement sauf dans le cas où l'emprunteur peut justifier d'une garantie solide (terre,

immobilisations..) ou bien de la caution sur salaire d'un tiers salarié (généralement fonctionnaire).

La demande satisfaite dépend de l’étape du cycle de vie dans lequel se trouve la microentreprise ;

plus celle-ci est âgée, plus elle sera connue et reconnue et plus ses moyens de financement se

diversifient. A sa création, le financement de la microentreprise est basé sur l’épargne du

microentrepreneur ainsi que l’aide de sa famille et de ses amis. Les premières années, sa

réputation et ses actifs sont limités ainsi que son accès à des ressources externes de financement.

Pendant cette période, son BFR est principalement financé par le réinvestissement des bénéfices

non distribués. Au fur et à mesure de son évolution et de l’affirmation de sa réputation, la

microentreprise a recours de plus en plus au financement externe ; ce financement est de

caractère informel commercial au début (avance des clients, crédits fournisseurs84, sous-traitance)

puis de caractère bancaire lorsque celle-ci parvient à un certain stade de croissance et accède au

statut de microentreprise moderne [Liedholm, 1991]. Le crédit bancaire devient plus accessible au

fur et à mesure de la maturité de l’unité. D’une part, le développement de l’activité requiert des

sources de financement plus stables et plus disponibles et d’autre part, la banque est plus rassurée

par la longévité des unités qu’elle finance.

Dans cette section, en utilisant les résultats de différentes enquêtes, nous exposons selon une

approche comparative les possibilités de financement qui sont à la disposition des

microentrepreneurs des trois pays du Maghreb.

84 Ce mode de financement est un mode informel mais qui laisse deviner un comportement formel (cf. chapitre deuxième).

182

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Encadré IV-1 Précis méthodologique

Les enquêtes utilisées et qui sont résumées d'une façon synthétique dans le tableau ci-dessous et d’une façon plus détaillée dans les annexes du chapitre, sont constituées d'échantillons et de périodes qui ne sont pas strictement comparables. Nous comparons selon les cas, des échantillons de nature comparable ou différente (4.2.1) ; les différences portent sur la taille de l’échantillon, la représentativité, les secteurs couverts, la définition de microentreprise et du type de financement. Nous comparons également (en 4.2.2) des périodes en nous basant sur des échantillons qui peuvent être comparables ou pas ; les différences dans ce cas, portent en plus de celles citées, sur l’unité d’analyse (microentreprise ou ménage). L'analyse en plusieurs coupes instantanées que nous avons faite ne se substitue pas à une analyse longitudinale qui aurait été beaucoup plus éclairante mais n’a pu être envisagée en raison de l’indisponibilité de données. La comparaison dans le temps pour un même pays ou dans l'espace, des trois pays pour une même période sollicite des échantillons et des points dans le temps de nature comparable ou différente. Nous n'interprétons pas les résultats d'une période par rapport à une période antérieure comme une évolution avérée mais, sous toute réserve, nous pouvons considérer que c'est une approximation acceptable. Les résultats de ces analyses sont donc à prendre à titre indicatif et avec circonspection.

Tableau IV-1 Recensement des enquêtes utilisées

Pays Année Source Enquête (échantillon) Auteur(s) Algérie

1992 Entreprises Etablissements localisés à Alger (n = 270) Benissad [1993] 1992 Ménages Main d’œuvre

1997 Ménages Main d’œuvre 2001 Ménages Main d’œuvre

Hammouda [2002]

2001 Ménages Ménages (n = 1400) Adair & Bounoua

[2003] Maroc 1988 Entreprises Etablissements localisés DS [1988] 1996 Entreprises Etablissements à Casablanca (inclut des

ambulants et des agriculteurs 3%) (n = 647)

Mourji [1998]

1998 Entreprises Etablissements localisés urbains

Nord et Centre (n = 187) Belghazi et alii

[1998] 1997 Entreprises Etablissements localisés (n =1513) DE [1999] 1999-

2000 Entreprises Etablissements représentatifs (n=8891) DS [2003]

2002 Ménages Ménages (n = 567) Casablanca Adair et alii [2002]

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Tunisie

1992 Entreprises Etablissements localisés Tunis & Sfax (n = 259)

Ben Zakour et Kria [1992]

1995 Entreprises Etablissements localisés

et ambulants Sfax (n = 242) Sboui [2002]

1997 Ménages Travailleurs à domicile (n = 1315)

microentrepreneurs (n = 499) Sidhom [2002]

1997 Entreprises Microentreprises localisées

(n = 5591) INS [1997]

4.2.1 Comparaison entre les trois pays sur la même période

4.2.1.1 Années 1990

En Tunisie et au Maroc, au début des années 1990, quelques institutions fournissaient des crédits

mais leur action restait limitée et leur offre ne couvrait pas la demande. Les prêts, à court ou à

moyen terme, sont généralement assortis de la préparation d'un dossier, de la fourniture d’un

quitus fiscal et de l’attestation d'enregistrement au registre du commerce, et surtout de l’exigence

d’une garantie que ne peuvent apporter les microentreprises en raison de l’indisponibilité d’actifs

circulants qui pourraient en tenir lieu.

Par exemple, en Tunisie, le fond de roulement de l’Office National de l’Artisanat (ONA) finance

exclusivement les fonds de roulement et pour les seuls artisans formés à l’ONA. La demande de

prêts excède largement l’offre existante sur le marché. Les banquiers maghrébins invoquent, pour

justifier leurs réticences à octroyer des prêts aux microentreprises, les mêmes raisons que leurs

confrères partout ailleurs, à savoir que les coûts de transaction sont élevés pour des prêts de

montants si petits. La faible rentabilité induite pour la banque explique ce refus.

184

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Tableau IV-2 Sources de financement des microentreprises du Maghreb (début des années 1990)

Sources de financement (% du total) Algérie (n = 270) Tunisie (n = 259) Maroc (n = 8000)Apport en fonds propre 38,65% 72,1 % 62,51 % Prêt de tiers 53,4% 19,3 % 10,6 % Prêts bancaires 6,75% 8,5 % 26,2 % Autres (informel …) 1,1% - 0,7 % Total 100 % 100 % 100 %

Nos calculs : Algérie [ Benissad, 1993], Tunisie [ Ben Zakour, Kria, 1992], Maroc [DS, 1988 in GEMINI, 1992]

Le tableau IV-2 compare deux échantillons semblables avec un troisième qui l’est moins. Les

trois enquêtes ont été réalisées auprès d’entreprises urbaines localisées de moins de 10 employés.

En Algérie et en Tunisie, elles ont été conduites durant la même période (1991-92), dans le cadre

du programme d’études des microentreprises dans les pays en développement de l’OCDE, sur

des échantillons de même taille et couvrant les mêmes secteurs (textile, mécanique et

restauration) [Ben Zakour, Kria, 1992 ; Benissad, 1993]. Au Maroc, l’enquête réalisée en 1988 par

la Direction des Statistiques est représentative et porte sur un échantillon plus large

d’établissements localisés (plus de 8000 unités) ne tenant pas de comptabilité et appartenant à un

champ de secteurs également plus diversifié (industrie et artisanat, commerce, services) [DS,

1988].

Pour l’Algérie, l’apport en fonds propres inclut les dons et l’héritage ; les prêts bancaires incluent

les crédits "emplois jeunes". Pour la Tunisie, "aucun financement extérieur" a été assimilé aux

apports en fonds propres ; cette rubrique compte aussi les dons et héritage ; les prêts bancaires

regroupent le crédit bancaire pur (3,2%), le crédit FONAPRA (4,8%) plutôt destiné au

financement de l’investissement et le crédit emploi des jeunes. Pour le Maroc, l’autofinancement

de l’investissement - 90% des investisseurs sont des propriétaires uniques - provient pour la plus

grande part de l’épargne et d’autres ressources personnelles (vente d’un bien, bijoux…) ; le

financement bancaire est plutôt octroyé pour financer le fonds de roulement sauf dans le cas où

l’emprunteur peut justifier d’une garantie solide (terrain, immobilisations …) ou bien de la

caution sur salaire d’un tiers salarié (généralement fonctionnaire). Le financement bancaire est

plus important en Tunisie qu’en Algérie, ce qui peut être dû au fait qu’il concerne respectivement

l’investissement initial et aussi le BFR. En effet, les enquêtes s’accordent à montrer que la

participation des banques dans le financement du BFR est un peu plus significative que pour les

investissements.

La troisième source des prêts provient de la famille et des amis. La modalité "autres types de

financement" contient des crédits fournisseurs, les paiements en avance et l’utilisation des

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services des prêteurs informels ; les prêts informels, peu fréquents, peuvent être un recours en

l’absence de garantie ou d’accès à d’autres sources de financement existantes ; au Maroc, ils sont

cependant plutôt utilisés pour la consommation [El Abdaimi, 1989 ; Mourji, 1998].

4.2.1.2 Fin des années 1990

Tableau IV-3 Sources de financement de l’activité des microentreprises : Tunisie – Maroc (1997)

Sources de financement Tunisie (n = 5591) Croissance85 de l’activité

Maroc (n =1513 ) BFR et croissance de l’activité

Réinvestissement des bénéfices 55,6%

Apport en fonds propres 16,2% 85,3%

Prêt de tiers 12,9% 6,9% Prêts bancaires 13,6% 6,9% Autres 1,6% 0,9% Total 100,0% 100,0%

Nos calculs : Tunisie [INS, 1997], Maroc [DE, 1999]

Le tableau IV-3 compare deux enquêtes réalisées la même année (1997) et ayant porté sur des

échantillons représentatifs de microentreprises informelles, dont cependant la définition diffère :

en Tunisie, il s’agit d’unités de moins de 6 salariés ne tenant pas de comptabilité et disposant du

statut juridique de personne physique (ménages)86 ; au Maroc, il s’agit d’unités de moins de 10

employés ne payant pas d’impôts et possédant un local fixe. Pour la Tunisie ; la modalité "autres"

compte les aides et dons publics, alors que pour le Maroc, elle englobe le crédit jeune promoteur

et les autres crédits. Le prêt de tiers pour le Maroc se compose des prêts de particuliers, de la

famille et de l’apport des associés.

Les ressources propres (autofinancement et/ou apport en fonds propres) sont le premier mode

de financement des microentreprises. Cependant, les microentreprises du Maroc semblent avoir

moins recours au financement externe que leurs homologues tunisiennes. En deuxième position,

les microentreprises des deux pays font appel de façon égale aux prêts bancaires et aux prêts de

85 Selon la question du questionnaire : "au cours des 12 derniers mois, avez-vous acheté des équipements ou effectué des grosses réparations pour faire fonctionner votre entreprise" [INS, 1997]. 86 En référence à des enquêtes antérieures, le seuil de taille de 5 salariés correspond en moyenne à celui de 10 actifs [INS, 1997].

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tiers dont la proportion en Tunisie représente sensiblement le double de celle du Maroc. Cette

différence trouve son origine dans la politique tunisienne d’appui à la microentreprise qui se

traduit par différents programmes qui visent à sa promotion (FONAPRA, ratio d’activités

prioritaires...)

Tableau IV-4 Hiérarchisation des problèmes rencontrés par les unités informelles

Difficultés dans les domaines suivants† Tunisie - 1997 (n = 5591)

Maroc - 1999/2000 (n=8891)

Excès de concurrence 85,2% Manque de clientèle 31,5% 79,7% Manque de local adapté 29,7% Accès au crédit 23,8% 22,8% Manque d'équipement 17,5% Approvisionnement en matière première 18,4% 16,4% Trop de réglementation fiscale 11,8% Cherté du crédit 8,2% Organisation et gestion 2,8% Recrutement de personnel qualifié 7,5% 2,2% Difficultés techniques 2,1%

Source : Tunisie [INS, 1997] et Maroc [DS, 2003] † Il y a plusieurs réponses possibles. Le total est différent de 100%.

La hiérarchisation des problèmes est la même entre les deux pays. Le problème d’accès au crédit

arrive en deuxième position (au regard des données disponibles simultanément) et avec

quasiment la même proportion : 22,8% des microentrepreneurs informels marocains et 23,8%

des microentrepreneurs tunisiens déclarent avoir des difficultés pour accéder au crédit à des fins

de financement général (investissement et fonctionnement).

Le fait qu’il soit cité en deuxième lieu ne veut pas forcément dire que le financement bancaire est

plus accessible. Au contraire ; au Maroc, entre la fin des années 1980 [DS, 1988] et 1990 [DS,

2003 ; Mourji, 199887] l’accès des microentrepreneurs au crédit bancaire semble avoir baissé. En

Tunisie, il s’est amélioré ; mais cette croissance est à relativiser car l’enquête du début des années

1990 [Ben Zakour, Kria, 1992] est limitée aux trois secteurs (textile, réparation auto et

restauration) qui sont plutôt attractifs pour les banques car localisés, pérennes, jouissant d’un

niveau appréciable de demande du fait de leur relation avec le secteur structuré. En plus, 5% de

l’échantillon de cette enquête, soit plus de la moitié de ceux qui ont accès à la banque, ont recours

87 Enquête limitée à la région de Casablanca mais représentative. Elle a été redressée sur la base de l’enquête de la Direction des Statistiques [1988]. La différence entre Mourji [1998], DS [1988] d’une part et DS [2003] d’autre part c’est que cette dernière, inclut les ambulants et les travailleurs à domicile.

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aux services bancaires à travers des programmes étatiques comme le FONAPRA. Ce qui nuance

l’importance de l’accès au secteur bancaire au début des années 1990.

Les difficultés les plus prononcées concernent les problèmes de concurrence et d’écoulement qui

tirent le besoin de financement vers le bas en engendrant une baisse de la production et donc un

besoin de financement de court terme de moindre importance.

On peut penser que pour répondre aux problèmes de concurrence et d’écoulement, les

microentreprises auraient besoin de s’agrandir, d'embaucher plus de compétences, d'améliorer la

qualité, l’étendue de leur activité (…) ; elles auraient donc besoin de crédits pour la croissance. En

effet, au Maroc, les problèmes de disponibilité de liquidités sont plus importants (34,6%) et

avancent dans le classement (passant de la quatrième à la deuxième position) quand il s’agit des

difficultés qui entravent le développement, en d’autres termes, de crédit à la croissance [DS,

003].

e coût du crédit qui n'est évoqué que par 8,2% des microentrepreneurs marocains ne semble pas

handicaper l'exercice de l'activité. Ces unités semblent en mesure de contracter des crédits au taux

d’intérêt en vigueur.

4.2.1.3 Début des années 2000

Tableau IV-5 Sources de financement de démarrage des microentreprises – Algérie, Maroc (début des années 2000)

Sources de financement † Maroc (n= 275) Algérie (n= 423)

2

L

Apport en fonds propres 67% 60% Prêt de tiers 42,50% 71,6% Prêts bancaires 10% 8% Finance informelle 17,50% 2,5% Microcrédit 4% - Autres (crédits fournisseurs, bienfaiteurs...)

4,50% 6,5%

Source : Maroc [Gourch, 2002], Algérie [Hamed, 2002] † Le total est supérieur à 100% tenant compte de la combinaison de plusieurs sources de financement.

Le tableau IV-5 présente les deux enquêtes réalisées auprès des ménages en Algérie et au Maroc ;

elles sont comparables du fait des dates (2001, 2002), des sources (ménages) et un peu moins du

point de vue de la population enquêtée (423 et 275 microentrepreneurs). Les échantillons

188

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considérés prennent en compte la totalité des microentreprises, formelles et informelles

confondues. La part des prêts bancaires est négligeable par rapport aux autres sources de

financement, corroborant d’autres enquêtes internationales qui s’accordent à constater que le

secteur bancaire joue un rôle modeste, voire insignifiant en matière de financement des

investissements [Morrisson, 1995]. La finance informelle, qui joue un rôle marginal en Algérie,

semble surestimée au Maroc. En Algérie, l’autofinancement, peu élevé en comparaison avec le

Maroc, est peut-être sous-estimé. L'épargne personnelle est cependant, avec les prêts de la famille

et des tiers, la première source de financement bien qu’elle ne soit pas toujours présente ni

suffisante pour la plupart des microentrepreneurs ; les prêts de la famille et des amis se fondent

sur une solidarité sociale, qui moins forte qu’elle ne l’était, génère des contreparties qui peuvent

être plus difficiles à honorer du fait qu’il n’est pas possible de les quantifier a priori.

4.2.2 Comparaison pour un même pays sur différentes périodes

En faisant une comparaison des données dans le temps (entre le début des années 1990 et celui

de 2000) pour le même pays, il faut garder à l'esprit qu'il n'y a pas stricte comparabilité entre les

enquêtes du fait de la différence de l’unité d’analyse - l’entreprise (tableaux IV-2 et IV-3), le

ménage (tableau IV-4) -, de la représentativité ou non de l'échantillon, de la diversité des

définitions des unités d'analyse ; la caractérisation d'une microentreprise ou d'une unité informelle

peut varier d'une enquête à une autre.

En Algérie, on note un faible recours à la finance informelle qui compte encore moins que le

secteur bancaire dans la structure financière des microentreprises : ce constat est partagé par

plusieurs auteurs [Morrisson & alii, 1994 ; Lelart, 2002]. A la différence des deux autres pays,

l'autofinancement vient en deuxième position après le prêt accordé par des tiers et la tendance ne

s’est pas inversée au cours de la décennie (tableaux IV-2 et IV-4). En 1990, ceci pouvait être dû à

la volonté de dissimuler l’accumulation de richesse dans une économie administrée où la

propriété privée demeurait encore suspecte [Morrisson & alii, 1994]. La libéralisation désormais

affichée ne suffit pas à induire un changement de comportement : les prêts bancaires sont restés

quasiment au même niveau ; le lancement de programmes publics d'aides et de financement des

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microentreprises est encore trop récent ; le recours à la finance informelle a doublé mais reste

quand même marginal.

Pour tenter d’appréhender les caractéristiques d'évolution des moyens de financement en Algérie,

on a comparé deux enquêtes différentes de par l'unité d'analyse - entreprise pour la première et

ménage pour la seconde -, de par la méthodologie, la représentativité et la possibilité d'utiliser une

combinaison de plusieurs sources de financement (uniquement pour la deuxième). Les

observations sont donc à prendre avec circonspection (tableaux IV-2 et IV-4).

En Tunisie, de même, bien que les enquêtes utilisées soient de même nature, il s’agit d’enquêtes

entreprises, les différences concernent, non seulement la méthodologie et la représentativité, mais

également le terme financement (tableaux IV-2 et IV-3). Pour l'enquête de début 1990, ce terme

inclut le financement général (de l'investissement et de l'activité) alors que pour la deuxième

enquête, il ne couvre que le financement de la croissance. L'autofinancement a gardé les mêmes

proportions et la même importance parmi les solutions adoptées par les microentrepreneurs. Les

prêts de tiers ont baissé en faveur des crédits bancaires ; cette baisse peut être imputable tant à la

fragilisation des liens sociaux qu’à l'augmentation de l'octroi de crédits : une microentreprise en

croissance jouit d’une certaine reconnaissance et donne une image de pérennité qui lui facilite

l'accès au financement bancaire.

Au Maroc, l'apport en fonds propres a baissé ou augmenté entre les périodes selon la source

retenue (tableaux IV-2, IV-3 ou IV-4). Selon l'enquête de 1997 [DE, 1999] qui assure la quasi-

comparabilité88 entre les sources, les sources personnelles de financement ont augmenté ; elles

financent l'investissement pour la première enquête [DS, 1988] et l'exploitation pour la deuxième

enquête [DE, 1999]. Les prêts bancaires ont baissé quelle que soit l'enquête qu'on adopte (1997

[DE, 1999] ou 2002 [Gourch, 2002]) et les prêts de tiers ont également augmenté. Le microcrédit,

qui apparaît comme une nouvelle source de financement des microentrepreneurs, semble sous-

évalué du fait de l’amalgame entre microcrédit et finance informelle89.

Quelle que soit l’année de l’enquête, l’unité d’analyse et ce que peut recouvrir le terme de

"financement", il ressort de ces enquêtes que la première source de financement des

88 La première est nationale, localisée et urbaine et la deuxième est nationale. 89 En 1988, le recours à la finance informelle était de 0,7% (0,6%, en 1996, dans l’agglomération de Casablanca [Mourji, 1998]) et il est peu vraisemblable qu’il se soit accru pour atteindre 17,5% en 2002. Il est plus probable - vu le niveau assez bas du microcrédit malgré la présence de 20 agences dans la région de l’enquête - que les enquêtés aient confondu finance informelle et microcrédit.

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microentreprises est basée sur l’épargne personnelle, l’entraide familiale et/ou l’autofinancement.

En effet, l’apport en fonds propres est largement utilisé par une grande majorité de

microentrepreneurs des trois pays (de 60 à 85%). Les prêts des tiers (famille et amis), de par leur

contrepartie non monétaire90, sont les plus utilisés (de 10 à 70% des microentrepreneurs y ont

recours).

Les moyens externes de financement sont peu utilisés. Le recours à la banque est relativement

peu fréquent ; le pourcentage de microentrepreneurs l’utilisant varie au gré des programmes

étatiques qui impliquent le secteur bancaire dans le financement des petites activités comme le

FONAPRA en Tunisie, l’ANSEJ en Algérie ou le crédit jeunes promoteurs au Maroc. Les prêts

informels, marginaux, comptent encore moins que le secteur bancaire dans la structure financière

des microentreprises : ce constat qui peut paraître à priori contre intuitif, est cependant bien

établi [Liedholm & Mead, 1987 ; Morrisson, 1995 ; Lelart, 2002, Mourji, 2002].

90 Quoiqu'un certain nombre de microentrepreneurs (5 sur un échantillon de 187) ait déclaré avoir assumé des coûts pour les prêts de tiers dont le taux a atteint en moyenne 28% du montant du prêt. Mais au regard de la faible significativité de cette réponse et des affirmations de plusieurs microentrepreneurs enquêtés dans d’autres enquêtes, il semblerait que cette attitude ne soit pas la règle.

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4.3 Les déterminants de la structure de financement des microentreprises

A travers les enquêtes nationales ou locales, le besoin de financement apparaît comme l'une des

principales entraves que rencontrent les microentrepreneurs au Maroc [Balenghien, 1994 ; Mourji,

1998 ; DE, 1999 ; DS, 2003], en Tunisie [Ben Zakour et Kria, 1992 ; BIT, 1996 ; INS, 1997] et en

Algérie [Benissad, 1993 ; Adair, 2002a].

Les modalités et les sources de financement semblent se différencier selon le stade d'évolution de

l'entreprise; l'apport en fonds propres et l’autofinancement restent cependant dominants. Si pour

le lancement, les ressources mobilisées pour le démarrage sont pratiquement dans leur totalité

d'origine personnelle ou familiale, la croissance se finance par réinvestissement des profits

[Liedholm & Mead, 1987 ; INS, 1997] et les besoins de financement de l'exploitation sont

timidement mais insuffisamment assurés par des sources externes.

Dans cette partie, nous essayons d’explorer les raisons d’une telle structure du capital de laquelle

sont absents autant la finance formelle (4.3.1) qu’informelle (4.3.3) ainsi que les aides étatiques

(4.3.2) et qui est dominé par l’apport des ressources propres et l’autofinancement (4.3.4).

4.3.1 Les raisons de la faiblesse du financement bancaire formel : une approche par l’offre

En comparant les trois pays, on voit que la proportion de crédit bancaire accordé au secteur privé

en général est disparate. En Tunisie (65,4% du PIB en 1999), elle est assez proche du taux des

pays européens riverains de la Méditerranée (69,8% du PIB). Au Maroc, elle est plus faible

(50,1% du PIB) et en Algérie, elle est insignifiante (5,2% du PIB91) [IMF-IFS, 2000].

On peut penser que si l’offre de crédit au secteur privé maghrébin est généralement faible, elle

l’est encore plus pour le secteur de la microentreprise. Cette tendance a été confirmée par

91 On observe un accroissement du crédit au secteur privé en Algérie : 173,908 milliards de DA en 1999 ; 245,309 en 2000 et 289,054 en 2001 [Menna, 2003]. Toutefois, il y a une faiblesse de la participation des banques privées dans

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

l’analyse en section 4.2, basée sur une approche par la demande (déclarations par les unités

enquêtées concernant les sources de financement utilisées).

L'importance et la composition de la demande de financement de la microentreprise, l’accès ainsi

que la disponibilité de telle ou telle source évolue avec la longévité (croissance) de l’unité [Liedholm,

1991 ; McLeod, 1994]. En revanche, des enquêtes internationales s'accordent à constater que le

secteur bancaire joue un rôle modeste, voire insignifiant en matière de financement à tous les

stades du cycle de vie et plus particulièrement au démarrage (financement des investissements).

Le financement bancaire du BFR paraît positivement corrélé à la maturité de la microentreprise ;

il est plus significatif quoique toujours modeste [Morrisson, 1995 ; Liedholm, 1991 ; Mead &

Liedholm, 1998 ; Zeller & alii, 1997].

Les différentes banques maghrébines impliquées dans les programmes étatiques d’aide à la

microentreprise à travers la gestion d’une enveloppe budgétaire confiée par l’Etat et destinée au

financement de ces unités, ont appliqué leurs méthodes habituelles de gestion des risques, à

savoir l’exigence d’une garantie que ne peuvent apporter les microentreprises ; exigence non

satisfaite qui aboutit à un refus de la part des banques. Celles-ci justifient leur réticence à leur

accorder des crédits en invoquant la non rentabilité des prêts de faibles montants au regard des

coûts de transaction élevés, du risque important induit par l’asymétrie de l’information et non

couvert en absence de cautionnement.

L'entrepreneur hésite, d'une part, à s'adresser à la banque (autosélection) et d'autre part se trouve

rejeté par elle (refus de la banque de financer la microentreprise). Les raisons de cette relation

sont autant liées à l'idée que se fait la banque du microentrepreneur (risqué, insolvable, ne

disposant pas de garantie..) que dépendantes de ce dernier, mais induites par la perception qu’il a

de la banque (incite à la méfiance, ne prête qu'aux riches, chère…).

4.3.1.1 Autosélection

Cette attitude de demande influence l’offre car elle opère comme sélection préalable à celle faite

par la banque. C’est pour cette raison qu’elle est incluse dans la partie 4.3.1.

l’effort de financement du secteur privé ; en effet, elles n’ont distribué que 5,3% du total des crédits octroyés en 2001 à ce secteur (seulement 1,5% en 1999).

193

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Au Maroc, une enquête réalisée en 1996 sur un échantillon représentatif de 647 microentreprises

de Casablanca a montré une forte auto sélection de la part des microentrepreneurs ; 81% parmi

eux n’ont jamais demandé de crédit. Malgré cette sévère autosélection, 33% des demandeurs ont

quand même été déboutés (Graphique IV-2) [Mourji, 1998].

Une analyse sur la base de ces mêmes données a montré qu’il y avait deux types d’auto sélection :

la première induite par une ignorance des prestations que peut fournir une banque (a priori) et la

deuxième qui intervient en présence de telles informations (a posteriori) [Tritah et Maman, 1998]92.

La population qui s’autosélectionne à priori est composée de travailleurs à domicile et

d’ambulants93 qui n’ont, majoritairement, jamais eu de compte bancaire.

Graphique IV-2 Information, autosélection et demande de crédit

C

f

m

j

p

p

9

9

b

24% : taux d’intérêt élevé75% ne demandende crédit

t pas

Ne demandent pas de crédit

Echantillon total 647

’est dans la décision

inancement bancaire

icroentrepreneurs d

ugent non éligibles à

rincipalement des ca

ubliques ou privées

2 Voir les annexes du chap3 37,5% des travailleurs àanque contre 23% des m

24% ne sont pas informés à propos des services bancaires

94

76% informés

194

Source : Mo an [1998]

de recours que réside le premier obstacle à l

. La taille agit comme un critère discrim

e s’adresser aux banques. Plus leurs unités

un financement bancaire dont la clientèle

tégories sociales à revenus élevés et de gra

basées surtout en zone urbaine [Germidis &

itre troisième pour un exposé des résultats trouvés.

domicile et 31% des ambulants n’ont pas d’informaicroentrepreneurs disposant d’un local.

25% demandenun crédit

t

urji [1998] ; Tritah & M

67% ont eu un crédit

33% ont essuyé un re

prises au

am

’accès des microentre

fus

38% : pas les garanties requises

16%: pas de besoins de crédit

Autosélection

Auto sélection

inant dans la décision des

sont petites, plus ceux-ci se

de prédilection est composée

ndes et moyennes entreprises

alii, 1991 ; Bellemare, 2000 ;

tions sur les services rendus par une

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

DS, 2003]. Au Maroc, les microentreprises de taille supérieure à 6 rencontrent relativement moins

de difficultés que les indépendants [DE, 1999 ; DS, 2003 ; Germidis & alii, 1991]. Les indicateurs

de formalité de l’activité (tenue de la comptabilité, paiement des impôts, enregistrement et

exercice de l’activité dans un local fixe) sont négativement et significativement corrélés à la

probabilité de s’autosélectionner [Tritah et Maman, 1998]. De plus, les microentrepreneurs ont

une image négative de la banque qui est considérée comme une institution répondant plus aux

besoins des agents disposant d’un patrimoine ou d’un capital qu’à ceux de microentrepreneurs

sans garantie ni réseaux. Elle est également perçue comme une instance bureaucratique : les

démarches de demande et de suivi du prêt engendrent des coûts fixes indépendants du volume

des crédits accordés. De leur côté, les banques semblent percevoir les unités de petite taille

comme des entreprises en formation avec tout ce que cela suppose comme incertitude sur leur

devenir et donc pas suffisamment stabilisées pour postuler à un financement régulier. La

méconnaissance mutuelle des deux partenaires semble être à l’origine de cette appréhension et du

manque de dialogue.

4.3.1.2 Les causes du rationnement de la demande des microentreprises par la banque

La banque, dans sa relation avec cette catégorie spécifique de clients, fait face à trois problèmes

majeurs. D’abord, le prêt engendre des frais élevés pour les deux parties au regard du faible

montant prêté ; ce type de prêt présente une certaine particularité par rapport aux opérations

habituelles des banques et ne peut s’inscrire dans une économie d’échelle chère au système

bancaire (4.3.1.2.3). Ensuite, l’absence de garantie (pas d'actifs circulants, pas de titre de

propriété…) constitue un risque pour le banquier dans la mesure où la valeur liquidative du projet

financé est faible, voire nulle (4.3.1.2.2). Enfin, le banquier dispose de très peu d'informations

(voire pas du tout) sur son client : ce manque d'informations engendre des problèmes de

sélection adverse, avant la concrétisation du contrat de prêt, et de hasard moral, après cette

concrétisation ; ce qui en soi, additionné au manque de garantie et au coût de transaction, aboutit

à un rationnement du crédit (4.3.1.2.1).

94 La réponse "pas de besoin en crédit" a été donnée en référence aux habitudes de gestion quotidiennes des microentrepreneurs enquêtés. Pour un artisan (menuisier, tailleur …), cela coûte moins cher (coût financier et coût de transaction) de demander une avance à ses clients que d’emprunter.

195

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

4.3.1.2.1 L’asymétrie de l’information et le rationnement du crédit

En utilisant son approche dominante dans l’évaluation des risques, le système bancaire peut

difficilement appréhender le profil et la réalité des risques présentés par les microentreprises. En

effet, l’absence de comptabilité, l’instabilité de l’activité, l’incertitude des droits de propriété de la

microentreprise sur ses actifs ainsi que le manque de références professionnelles95 ne permettent

pas une identification permanente et régulière des entreprises de cette taille. Les banques voient

ces unités, non seulement exposées à des pénalités mais aussi menacées de cessation d’activité.

Dans une logique de marché, la compensation de ces risques par la banque se traduit par des

coûts additionnels qui accroissent le taux d’intérêt et par effet d’entraînement, le risque de défaut

des clients. Or le profit de la banque n’est pas une fonction strictement croissante du taux

d’intérêt débiteur. Son rendement espéré croîtrait moins rapidement que le taux d’intérêt et à

partir d’un certain niveau commence à décroître ; les effets de sélection adverse et de hasard

moral, augmentant le nombre d’emprunteurs défaillants réduisent considérablement le rendement

de la banque [Stiglitz & Weiss, 1981].

Le renchérissement du crédit par libre jeu de l’offre et de la demande induit, d’une part, un

accroissement des frais financiers pour les débiteurs qui déprécierait leur rendement et

apprécierait leur risque de faillite et d’autre part, une augmentation de la probabilité de non

remboursement par les "mauvais risques" qui sont de surcroît attirés par ces taux. Le taux

d’intérêt ne constitue donc pas un bon mécanisme de régulation du marché du crédit ; les

banques ne peuvent pas l’augmenter au risque d’accroître la sélection adverse et de baisser leur

profit espéré. Le rationnement du crédit résulte donc des conditions d’octroi et non d’une

sélection par les taux d’intérêt.

Le rationnement du crédit existe à court ou à long terme. A court terme, il est perçu comme un

déséquilibre temporaire qui suit un choc exogène, le marché n’arrivant pas à ajuster ses prix (en

l’occurrence ses taux d’intérêt) tout de suite. Les économies maghrébines, comme celles des pays

en développement, sont caractérisées par un rationnement à long terme. Les premières

hypothèses avancées l’expliquent par les lois et les contraintes gouvernementales qui empêchent

l’ajustement des prix par le libre jeu des marchés96. Toutefois Stiglitz & Weiss [1981], dans un

article séminal de la microéconomie de développement, ont montré qu’à l’équilibre un marché

95 Dû au manque de relation avec le secteur formel et à la faiblesse d’intégration des partenaires informels avec le secteur formel. 96 A l’exemple de la loi contre l’usure de l’UEMOA (loi PARMEC).

196

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

financier est caractérisé par un rationnement qui est expliqué par un certain nombre

d’imperfections non imputables à l’intervention de l’Etat.

On parle de rationnement de crédit lorsque l’offre est inférieure à la demande et que l’équilibre

n’est pas rétabli par le libre jeu du marché à travers un ajustement du taux d’intérêt comme le

prédit la théorie néo-classique dont les hypothèses sont critiquées pour leur irréalisme ; cette

théorie se base sur le libre jeu du marché et sur une circulation fluide d’une information parfaite

entre les agents économiques ; or cette dernière hypothèse est contestée depuis les travaux

d’Akerlof [1970] par l’hypothèse de l’asymétrie de l’information.

L’asymétrie de l’information stipule que les emprunteurs agissant sur les marchés financiers ont

toujours une meilleure connaissance de leur propre situation que celle dont peuvent disposer les

prêteurs. Faute de pouvoir apprécier le niveau réel du risque, ces derniers demandent aux

emprunteurs, quelque soit leur vrai niveau de risque, une prime qui reflète le niveau moyen et qui

accroît le taux d’intérêt.

Stiglitz & Weiss [1981] ont endogénéisé l’asymétrie de l’information dans le processus d’octroi de

crédit en développant leur modèle sur des marchés avec information imparfaite. Ils proposent

deux explications au phénomène de rationnement en se basant sur les deux composantes de cette

théorie : la sélection adverse et le hasard moral.

i. Sélection adverse

L’espérance de rendement de la banque est fonction de la probabilité de remboursement des

emprunteurs. Pour maximiser son revenu espéré, la banque voudrait donc identifier les « bons

payeurs », or dans une situation d’asymétrie d’information la tâche est difficile. Le taux d’intérêt r

peut servir d’instrument de filtrage et d’évaluation : il donne des indications sur le comportement

futur probable des emprunteurs ; ceux qui accepteraient de payer un fort taux d’intérêt donnent

un signal négatif à la banque car s’ils acceptent de tels taux, ils savent que leur probabilité de

remboursement (principal + intérêt) est faible. Augmenter le taux d’intérêt aboutirait donc à

accroître le risque de défaillance des emprunteurs et entraînerait la baisse des revenus de la

banque qui, de ce fait, rationne la demande.

La relation entre taux d’intérêt pratiqué par la banque et taux de rendement espéré revêt deux

aspects : un aspect direct et un aspect indirect. D’une part, une augmentation de r apprécierait les

197

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

rendements de la banque ; la relation directe se traduit par une corrélation positive entre les

rendements futurs du prêteur et le taux d’intérêt pratiqué r. D’autre part, le rendement de la

banque est fonction décroissante du risque de non remboursement associé aux emprunteurs qui

est lui-même fonction croissante du taux d’intérêt.

ii. Hasard moral

L’influence du taux d’intérêt sur le taux de rendement de la banque intervient en changeant

l’attitude et le comportement de l’emprunteur dont les enjeux sont incompatibles avec ceux du

prêteur. La relation entre le taux d’intérêt et le rendement espéré de la banque revêt un aspect

indirect par lequel une augmentation par la banque du taux d’intérêt, diminue ses rendements.

L’emprunteur se soucie principalement des rendements de son projet en cas de succès. Le prêteur

s’intéresse également aux rendements de l’emprunteur, mais surtout dans leur probabilité d’échec

dans la mesure où ils influencent son propre rendement. Il y a hasard moral lorsque

l’entrepreneur est incité à investir dans des projets à haut risque pour lesquels il sera bien

rémunéré en cas de réussite du projet mais dont le prêteur supportera les coûts en cas d’échec

(qui est par ailleurs plus probable).

La divergence des enjeux jumelée au fait que le comportement de l’emprunteur ne peut être

gratuitement et parfaitement contrôlé par le prêteur, conduit ce dernier à prendre en

considération l’effet du taux d’intérêt sur le comportement de l’emprunteur.

Le risque de non remboursement s’accroît avec la hausse du taux d’intérêt. D’un côté, les taux

d’intérêt élevés réduisent les rendements des bons projets qui choisissent de recourir à un autre

prêteur qui saurait apprécier leur niveau de risque à sa juste valeur et ne le surévaluerait pas : les

taux d’intérêt élevés font "fuir" les bons risques et créent un manque à gagner pour la banque.

D’un autre côté, les firmes sont incitées à s’engager dans des projets à faible probabilité de succès

mais à fort rendement si la probabilité se réalise. L’attrait des projets plus risqués pour lesquels le

rendement de la banque peut être faible est renforcé par la hausse des taux d’intérêt qui peut

mener les emprunteurs à prendre des décisions contraires aux intérêts des prêteurs. Pour

répondre à cette situation, les banques vont rationner le crédit au lieu d’accroître le taux d’intérêt.

iii. Rationnement du crédit

La combinaison de la sélection adverse et de l’aléa moral fait que plus le taux d’intérêt est élevé,

plus les emprunteurs qui se présentent à la banque seront à risque, ce qui impliquera qu’elle ne

pourra espérer que de faibles rendements. La combinaison des deux effets direct et indirect du

198

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taux d’intérêt, fait que le rendement de la banque s’accroît moins que proportionnellement au

taux d’intérêt et puis décroît au-delà d’un certain taux maximisateur r*.

L’offre de prêt par la banque est fonction de son rendement espéré à r*. En appliquant ce taux, la

demande est supérieure à l’offre ; bien qu’inhabituelle dans la théorie économique traditionnelle,

cette situation est une situation d’équilibre. La relation prêteur – emprunteur s’inscrit dans un

monde où l’information n’est pas parfaite, il peut alors exister des situations d’équilibre pour

lesquelles l’offre de financement est inférieure à la demande ; c’est-à-dire un taux d’intérêt

d’équilibre dont l’application n’égalise pas l’offre et la demande. Le prêteur, qui ne peut jouer

efficacement sur le niveau des prix, va agir sur les quantités et limiter la quantité de crédit

distribué même si un emprunteur est disposé à accepter un taux plus élevé. Les problèmes de

sélection adverse et de hasard moral débouchent donc sur un rationnement du crédit [Stiglitz &

Weiss, 1981].

Cependant, le rationnement des microentreprises par les banques n’est pas seulement la

résultante du manque d’information mais aussi celle de l’absence de cautionnement et de la

présence d’importants coûts de transaction.

4.3.1.2.2 La garantie

D’une part, la garantie est indisponible chez les microentrepreneurs ; d’autre part, elle est

coûteuse à gérer pour la banque (évaluation et mise en vente en cas de défaillance de

l’emprunteur) ; la confiance pourrait présenter un substitut. En l’état actuel des choses, elle est

plutôt un bon complément ; la confiance facilite la relation prêteur-emprunteur et assure un

premier niveau de garantie gratuit pour les deux parties. Elle est renforcée par l’enchaînement des

emprunts : plus les banquiers connaissent leurs clients, moins importante la garantie qu’ils leus

demandent.

La relation entre prêteur et emprunteur est en principe gouvernée par des relations d’échange

basées sur des structures informelles comme la confiance. Le rôle du contrat formel arrive en

deuxième lieu ; la réalisation plus ou moins efficace du contrat formel résulte d’un calcul

économique, qui est fonction notamment du prix que peut obtenir l’emprunteur de ses services

informels (une ristourne sur les intérêts, par exemple). Les structures informelles ont été étudiées

en premier par les sciences sociales et sont considérées d’un point de vue sociologique comme

199

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

exogènes vis-à-vis de l’organisation : elles constituent des données. L’approche économique

conduit à une endogénéisation de ces variables ; la confiance résulte d’un calcul économique des

individus. Les relations entre prêteur et emprunteur sont dépendantes de leurs relations

informelles. Ces derniers ont un « comportement sélectif » dans l’accomplissement des termes du

contrat (hasard moral). Ils choisissent leur niveau d’efficacité en fonction du prix qu’ils peuvent

obtenir de leur service informel. A l’image des transactions formelles qui se déroulent dans le

cadre du marché et qui sont garanties par les droits de propriété, les transactions informelles

s’organisent au sein de réseaux et sont garanties par la confiance. Il faut quand même noter que la

confiance garde un caractère relatif ; l’échange de transactions informelles est donc risqué

[Charreaux, 1990].

Le cadre légal qui garantit les transactions sur les marchés financiers formels et qui se base sur les

droits de propriété (exigence d’une garantie matérielle de la part des banques) est remplacé par la

notion de confiance, de réputation et par la pression sociale comme moyen de garantie. En effet,

la réalisation des termes d’un contrat de prêt (remboursement) est favorisée plus par les

transactions informelles qui relient les deux parties que par les obligations contractuelles

formelles. En l’occurrence, le calcul économique d’un microentrepreneur qui a bénéficié d’un

prêt lui indique qu’il est plus rentable économiquement d’honorer son contrat et de rembourser

son prêt s’il a la possibilité d’avoir accès à une ligne de crédit sûre et disponible97 ; cette

perspective est un prix informel offert en contre partie du respect des règles du contrat, à savoir

rembourser le prêt dans les délais. En revanche, s’il estime que le prêt qui lui a été accordé est une

exception ou un coup de chance qui ne se renouvellera pas, il est économiquement plus

profitable de ne pas rembourser ; il peut donc, trouver plus rentable de se départir du bien qu’il a

laissé en gage (si la valeur accordée par l’emprunteur à sa caution matérielle est inférieure au prêt

qu’il a reçu). Non seulement coûteux pour les deux parties, le nantissement (garantie formelle)

n’est pas toujours disponible et quand il l’est, il ne constitue pas une garantie efficace du

remboursement.

Les exigences excessives des institutions bancaires en matière de garantie et de nantissement

préalable à l’accord du prêt peuvent générer un rationnement induit et indirect en renforçant

l’autosélection des microentreprises. Ne disposant pas de titre de propriété, appartenant à un

régime de propriété collective, ne voulant pas prendre de risque ou encore n’ayant pas d’actifs

97 C’est une des stratégies adoptées par les institutions de microcrédit (cf. chapitre cinquième)

200

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

suffisants et appropriés pour être offerts en garantie, les microentrepreneurs peuvent se trouver

dans une situation où ils ne peuvent ou ne veulent pas hypothéquer leurs biens et par la suite sont

exclus d’emblée du processus de demande de crédit formel. Par le biais des garanties formelles

qu’elle exige, la banque rationne les microentreprises.

4.3.1.2.3 Les coûts de transaction

« Si aucun coût n’était engendré par la détermination des prix, il serait possible selon le principe de la main

invisible d’attribuer un prix à n’importe quel bien résultant de l’effet combiné d’optimisations personnelles et de

confrontation sur le marché de l’offre et de la demande » [Joffre, 1999]. Or dans la réalité, et contrairement

à l’hypothèse néoclassique de concurrence pure et parfaite, on observe que les opérations de

transfert de propriété et d’usage, dans le cadre de l’échange marchand, sont assorties de coûts de

transaction importants, non inclus dans le prix et imputables aux deux agents [Coase, 1997].

Dans une opération de prêt formel les deux agents impliqués dans la transaction sont la banque

et le demandeur de prêt, en l’occurrence le microentrepreneur ; les coûts liés au crédit vont au-

delà des coûts liés à l'activité de crédit (taux d'intérêt). Selon qu'on se place du côté de l'institution

de prêt ou du demandeur98, la nature de ces coûts change.

Les coûts que subit le demandeur de crédit font référence aux coûts financiers et au temps. Avec

ce dernier aspect, il y a prise en compte des coûts de transaction [Williamson, 1994] qui

comportent l'ensemble des frais assumés par le microentrepreneur dans son processus de

recherche de crédit. Les formalités exigées et la difficulté à réunir les documents (quitus de

l’administration fiscale, attestations émanant d’organismes sociaux, comptes d’entreprises, copie

de l’extrait du registre du commerce, titres de propriété) engendrent des coûts importants pour

une microentreprise comparés au montant du prêt qu’elle demande. Ces coûts, font penser à juste

titre, que seules les entreprises formelles, de préférence de grande taille et possédant un capital

fixe, peuvent prétendre à un financement bancaire.

Les coûts de transaction subis par les microentreprises se composent de quatre éléments.

Premièrement, les frais de déplacement qui sont fonction de la distance, du moyen de transport

98 Bien qu’on traite des déterminants de la structure de financement des microentreprises selon une optique de l’offre, on citera ici les coûts de transaction subits par le demandeur et l’offreur de financement.

201

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utilisé et du nombre de déplacement requis pour concrétiser le prêt. Deuxièmement, le coût

d’opportunité du temps nécessaire pour rendre le prêt effectif dont la valeur

monétaire correspond au montant de la production du microentrepreneur s'il avait consacré son

temps à produire des biens et services et non à chercher un crédit. Le troisième élément compte

les frais de documentation qui recensent toutes les dépenses induites par la recherche, la collecte

et la reproduction des documents administratifs requis pour déposer un dossier de demande de

prêt. Et enfin les frais de courtoisie qui comportent différents "cadeaux" que le

microentrepreneur peut offrir au banquier ou à l'agent de crédit pour maximiser ses chances

d’obtention de prêt [Labie, 1999].

On pourra également rajouter le coût d’opportunité occasionné par l’immobilisation d’actifs

destinés à la garantie et enfin les coûts d’engagement liés au paiement de pénalités en cas de

rupture contractuelle [Williamson in Joffre, 1999].

Pour les banques et compte tenu de la nature de la clientèle traditionnelle, leurs opérations

portent sur des grandes sommes. Prêter des petites sommes aux microentreprises requiert de leur

part un effort particulier d’adaptation ainsi que la création de mécanismes spéciaux. Les coûts

supportés par les banques, qui sont d’autant plus élevés (en proportion) que les montants des

prêts sont faibles99, sont principalement constitués de coûts de transaction ex ante et d’autres ex

post.

Les coûts ex ante interviennent pendant la période de prospection, de négociation et

d’établissement du contrat : ce sont des coûts liés à la recherche des futurs partenaires, à la

recherche d’information pour la fixation d’un prix adéquat, aux études, à la négociation ainsi qu’à

la rédaction du contrat ; ces ressources comportent également le travail nécessaire à la recherche

d’un compromis (négociation) et la rémunération des conseils.

Les coûts ex post interviennent après l’établissement d’un accord entre les deux parties : ils

correspondent aux coûts d’administration, de surveillance et de contrôle ; ils sont liés au suivi et à

l’évaluation pour parer aux comportements opportunistes des agents et aux ajustements qui

résultent des perturbations non anticipées [Williamson in Joffre, 1999].

Les problèmes d’économies d’échelle (plusieurs prêts de taille réduite) pour l’offreur et le temps

et l’argent consacrés à s’acquitter des formalités pour le demandeur gonflent les coûts de

transaction et favorisent le rationnement.

99 C’est pour cette raison que les banques fixent un montant minimum par opération.

202

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4.3.1.2.4 Inadéquation du système bancaire

On observe dans certains pays du Maghreb, en l'occurrence en Algérie, un rationnement par des

banques sur-liquides qui se pratique au détriment des petites unités inconnues en raison de

l'importance des coûts de transaction et du risque qu'elles inspirent.

Les institutions financières formelles ne sont pas adaptées à fournir des crédits aux

microentreprises. D'une part, elles doivent couvrir les charges générées par le traitement du prêt

et, d’autre part, il faut qu'elles soient informées de la capacité de remboursement de

l'entrepreneur. Elles invoquent la non rentabilité des crédits à faibles montants au regard des

coûts de transaction élevés, du risque important induit par l’asymétrie informationnelle et non

couvert en l’absence de garantie. Les moyens utilisés pour garantir la qualité des prêts sont chers

(contrôle de crédit, évaluation du projet financé et de la garantie). Ces techniques sont inadaptées

aux microentreprises : l'évaluation du projet est onéreuse et les microentreprises ne tiennent pas

une comptabilité fiable qui permet de tirer des conclusions sur la bonne marche du projet ; elles

n'ont pas non plus d'historique de crédit avec les banques qui permet d'établir une notation du

crédit ; et elles n'ont pas, dans la plupart des cas, des biens commercialisables ou des actifs à

mettre en gage [Otero & Rhyne , 1994].

Dans un contexte de rationnement du crédit marqué par un système d’encadrement et où la

concurrence entre banques n’existe pas, les banques, sauf motivations spéciales (lignes de crédits

spécifiques ou vocation particulière), ne privilégient pas les petits entrepreneurs et encore moins

les microentrepreneurs ; ce qui fait que la relation entre les deux acteurs est inégale : d’un côté, la

microentreprise apporte des dépôts à la banque et, de l’autre, elle bénéficie très peu des prêts

bancaires ; les microentrepreneurs y déposent leurs fonds et font fructifier leur épargne mais la

banque voient en eux une clientèle à haut risque. L’attitude du système bancaire conduit alors les

microentreprises à recourir à d’autres sources d’intermédiation financière comme les marchés

financiers non structurés ou informels.

203

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4.3.2 L’inefficacité des interventions étatiques

4.3.2.1 Les programmes d'amélioration des conditions de vie

Les Etats maghrébins ont réagi face aux problèmes du chômage et à l’accroissement de la

pauvreté en adoptant, premièrement, des programmes sociaux qui visent à augmenter le revenu

des populations démunies100.

En Tunisie, l’intérêt pour le sort économique de ces populations s’est manifesté dès le début des

années 1970 à travers un premier ensemble de programmes spéciaux considérés, du point de vue

institutionnel, comme des "actions de développement" orientées vers la promotion de l’emploi et

le développement régional. "Le programme régional de développement" (PRD) a été institué en

1973 pour aider à la création et à la consolidation de l’emploi à côté de l’amélioration des

conditions de vie de la population rurale. L’intervention de ce programme vise à la consolidation

d’activités existantes ou bien à la création de nouveaux microprojets à travers des dotations de

3000 DT101.

Les instances du ministère du développement économique avouent la difficulté de mesurer

l’impact de ces interventions par manque de suivi [Borgi, 1999]. Une évaluation – éclairante,

quoique partielle - a été faite à travers une enquête sur l’emploi féminin en Tunisie [BIT, 1993c]

et il est apparu que le programme a pris la forme d’une assistance à l’amélioration des conditions

de vie et non celui d’un programme de création d’emploi : 70% des femmes enquêtées,

bénéficiaires d’aide en nature du PRD, ont pu améliorer le revenu familial par l’accroissement de

l’auto-consommation.

Pour renforcer la réduction des déséquilibres d’une façon ciblée, deux programmes ont été lancés

; le PDRI en 1989 (programme de développement rural intégré) et le PDUI en 1993 (programme

de développement urbain intégré). Ces programmes visent la réduction du chômage, en créant et

consolidant des emplois par la promotion d’activités productives, le développement des activités

à domicile, et l’amélioration des conditions de la vie.

100 Sous l’impulsion des organisations internationales, le cheminement de l’effort de développement maghrébin a suivi le même chemin que les autres pays en développement nouvellement décolonisés. Cf. 5.1.1 chapitre cinquième. 101 1 dinar = 0,75 euros

204

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Au Maroc, Le BAJI ″Barnamej Al Aoulaouiyat Al Ijtimaia″ (Programme des priorités sociales) se

consacre à la satisfaction des besoins de base de la population. Il se propose d’élargir l’accès des

populations vulnérables aux services sociaux ainsi que d’accroître leurs opportunités d’emploi et

de revenu en consolidant les micro et petites entreprises déjà existantes et en permettant

l’éclosion de nouveaux entrepreneurs [Gdoura et Mourji, 1998].

L’ADS (Agence de développement social) qui œuvre en Algérie pour aider les populations

défavorisées. Elle a, entre autres missions la promotion, la sélection et le financement des actions

et interventions en faveur des populations les plus démunies et du développement

communautaire. Elle a été crée dans le cadre de la réforme de la politique sociale de 1996.

4.3.2.2 Les initiatives étatiques de financement de la microentreprise

Le manque de services financiers limite l’amélioration durable des conditions de vie et entrave la

dynamique d’auto-emploi. Pour y remédier, les trois Etats maghrébins, et en deuxième lieu, ont

mis en place des initiatives diversifiées en faveur des microentreprises. Elles comptent des

réformes institutionnelles pour organiser (la loi sur le microcrédit au Maroc et en Tunisie,

l’abolition du plafond des investissements en Algérie), des dispositions légales obligeant les

banques à s’impliquer dans le financement de la microentreprise (ratio d’activités prioritaires en

Tunisie), des initiatives étatiques en faveur du financement de la microentreprise se concrétisant à

travers l’intervention du système bancaire (l’ANSEJ en Algérie, le FONAPRA en Tunisie et

l’accord en 1987 entre le Groupement des Banques et le gouvernement marocain pour la mise en

place d’un système de crédits destinés aux jeunes promoteurs) ou encore la création de le Banque

Tunisienne de Solidarité (BTS) en Tunisie en 1997.

Au Maroc, le secteur de la microentreprise a indirectement profité des réformes mises en place

dans le but de créer un environnement favorable au développement du secteur privé. On citera la

réforme du marché financier et l’adoption d’une charte générale de l’investissement en 1996.

La politique monétaire au Maroc était répressive (au sens de McKinnon [1973]) et le marché du

crédit était segmenté au détriment des petites entreprises. La loi bancaire de 1993 visait à

moderniser l’organisation et le fonctionnement du système bancaire avec davantage d’autonomie

de l’institut d’émission, une libéralisation partielle puis totale (en 1996) des taux d’intérêts

[Gdoura et Mourji, 1998].

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Le BAJI se propose, à travers un de ses axes, d’accroître les opportunités d’emploi et de revenu

de ses populations en consolidant les micros et petites entreprises déjà existantes et en permettant

l’éclosion de nouveaux entrepreneurs [Gdoura et Mourji, 1998].

En Tunisie, l’Etat a recouru, dans son action d’encouragement du secteur de la microentreprise, a

des incitations fiscales et douanières pour ensuite proposer des mécanismes de financement

spécifiques aux microentreprises. Ils se basent principalement sur les ressources budgétaires ou

d’origine extérieure mobilisées par l’Etat et gérées par des banques pour financer la petite

entreprise. Le financement est assuré par le FONAPRA (fonds de promotion de l’artisanat et des

petits métiers) dans les milieux urbains, tandis que le FODERI (Fonds de Développement Rural)

finance les "petits métiers" en milieu rural.

Le FONAPRA, créé en 1981, accorde aux personnes désirant s’installer pour leur propre compte

des prêts à taux bonifiés visant à consolider les fonds propres que le promoteur devrait

normalement réunir pour être éligible au crédit bancaire. Le grand avantage du FONAPRA est

qu’il implique les banques -ce qui induit une certaine qualité du projet- qui octroient un prêt à

hauteur de 60% du montant total et prennent de ce fait un risque raisonnable. [FACET BV,

1996].

Les programmes étatiques sont orientés vers le financement d’investissement exception faite du

"fond de roulement" de l’office national de l’artisanat qui attribue des crédits destinés à financer

l’exploitation. C’est un système de financement exclusif des besoins en fonds de roulement dans

la limite de 3000 DT par artisan déjà installé. Malgré (ou peut être en raison) le taux d'intérêt

annuel pratiqué de 3%, le programme connaît un taux d’impayés élevé estimé à 54,3%102 des

crédits échus [Borgi, 1999].

La création de la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS) en 1997 a été l’aboutissement de toutes

les expériences étatiques tunisiennes de financement et d’aide à la microentreprise.

Depuis les années 1960, l’Algérie s’est distinguée par une orientation politique et économique qui

a induit une réglementation excessive et une étatisation avancée de l’économie qui a surtout porté

préjudice au secteur privé. Mais dans une certaine mesure, cette hostilité des pouvoirs publics vis-

à-vis du secteur privé a favorisé les activités informelles. Les investisseurs, qui ne pouvaient

102 Données de 1996.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

investir dans les projets d’une certaine envergure, les détenteurs de capitaux privés ont été

conduits à investir dans différentes petites unités productives informelles pour minimiser les

risques politiques et commerciaux [Benissad, 1993].

Au début des années 1980, l’attitude de l’Etat s’assouplit à l’égard des entreprises privées ; en

1988, le plafond des investissements privés est aboli et la procédure d’agrément assouplie. Lors

de cette même décennie, le secteur informel et l’artisanat sont encouragés. Cet encouragement

s’est surtout traduit par un assouplissement très sensible de leur "reconnaissance juridique" par

les centres du registre du commerce [Benissad, 1993] ainsi que par la légalisation de la propriété

de plusieurs affaires [EUROMEDA, 2004].

Au début des années 1990103, les microentreprises ne bénéficiaient d’aucun programme de soutien

efficace [Benissad, 1993] mais ont indirectement profité de la réforme et de l’assainissement du

secteur bancaire qui s’est traduit par une révision à la baisse des taux d’intérêt qui ne devaient pas

dépasser la barre des 8% [Al Moudjahid, 2002]. Cependant, au milieu des années 1990, l'ADS a

été crée, à la suite de la mise en route du PAS en 1994, et a comporté un volet de promotion et

d'aide à la création de microentreprises. A travers des prêts bonifiés et garanti par l'Etat et qui

sont de 50 000 à 350 000 DA (de 575 à 4 000 euros), ce programme s'oriente vers la promotion

de l'auto-emploi, du travail à domicile et des petits métiers [ADS, 2004].

A la fin des années 1990, un programme qui s’adresse aux jeunes microentrepreneurs - 19 à 25

ans – a été crée. Dans le but d’appliquer ce dispositif, l’ANSEJ104 a vu le jour ; elle a, entres

autres prérogatives, la responsabilité de la gestion des dotations du Fonds National de Soutien à

l’Emploi des Jeunes, notamment les aides sous forme de prêts non rémunérés (20% du capital

fourni par l’ANSEJ) et de bonification des taux d’intérêt des crédits bancaires (65% comme crédit

consenti par les banques à des taux bonifiés par l’ANSEJ) voire l'octroi de crédit avec

exonération d'intérêt pour l'investissement de création ou d'extension. Le bilan arrêté au 31

décembre 2001 fait état de 150 278 dossiers de création de micro- entreprises dont l’examen a

donné lieu à la délivrance de 135 129 attestations d’éligibilité. Le nombre potentiel d’emplois

induits dépasserait les 400 000 [ANSEJ].

103 Date à laquelle l’Algérie est entrée dans une crise économique sans précédent. Une crise qui a été la résultante d’un endettement extérieur très important conjugué à une chute spectaculaire des prix du pétrole qui a engendré une situation de cessation de paiement. 104 Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

4.3.2.3 Les effets des interventions

Dans les programmes étatiques de financement de la microentreprise comme le FONAPRA,

l'ANSEJ, l'ADS ou encore le programme des jeunes promoteurs, la banque est contrainte par

l'Etat pour participer. Par exemple, Les banques tunisiennes ont l’obligation de respecter un

"ratio d’activités prioritaires" qui leur impose d’affecter une partie de leurs dépôts au financement

de l’agriculture, de l’exportation, de l’économie d’énergie et de la PME et ceci à des conditions

préférentielles. C’est dans ce cadre que des programmes tels que le fonds de promotion de

l’artisanat et des petits métiers (FONAPRA) et le fonds de roulement de l’artisanat ont été créés.

En plus, les banques tunisiennes profitent de la garantie du Fonds National de Garantie (FNG)

qui a pour objet de garantir le dénouement des crédits à court, moyen et long termes accordés par

les banques sur leurs ressources en faveur de la petite entreprise et de lui offrir une sécurité

suffisante quant à son intervention sur ses ressources ordinaires pour ce type de financement

[BIT, 1993c]. Malgré cette disposition, les banques tunisiennes ne se sont pas intéressées aux

microentreprises en dehors des programmes étatiques.

Les programmes de financement étatiques ont déjà montré leurs limites. Leur point fort qui

consiste en l’implication du système bancaire, en sa qualité d’agent important du développement

dans le financement des investissements dans un contexte où la création d’emploi se pose de

façon pressante et urgente est vite occulté par les nombreuses contraintes qu’impose le système

bancaire. Les contraintes d’âge (de 19 à 25 ans pour l’ANSEJ et moins de 59 ans pour la BTS), de

qualifications (le crédit jeune promoteur au Maroc ne s’adresse qu’aux diplômés) et surtout

l’absence de garantie circonscrivent fortement la portée des programmes. L’entrepreneur type

client de ses programmes est un jeune, diplômé, d’une certaine catégorie sociale qui ne fait pas

partie des très pauvres, disposant d’une part des fonds propres et d’autre part, ayant déjà une

expérience.

En Tunisie, par exemple, la panoplie de programmes étatiques de développement a contribué à

l’amélioration des conditions de vie des populations pauvres, vivant en milieu rural défavorisé. A

plusieurs reprises ces programmes ont été réduits à des programmes d’assistance et n’ont pu

initier des activités génératrices de revenus ni répondre à toute les demandes formulées. En 1995,

à Jendouba, le taux d’éligibilité au financement par le FONAPRA était de 15% [BIT, 1996]. Le

taux cumulé d'acceptation des demandes de crédit par la BTS est de l'ordre de 52% [Belarbi,

1999]. Les délais officiels d’octroi de crédit par la BTS de 45 jours sont, dans la pratique, assez

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

longs et peuvent atteindre un an. Cette institution qui se définit comme s’adressant à des

entrepreneurs sans garantie, se prémunit contre le risque de défaillance de ses clients en prenant

un nantissement sur matériel ou sur fond de commerce.

L'absence de la garantie -exigée par les banques- pénalise les microentrepreneurs et ne leur

permet pas de bénéficier de ce programme105. Ainsi, en dépit de l’existence du FONAPRA, les

microentrepreneurs ont de plus en plus de difficultés à bénéficier de cette source de financement.

De la même manière, au Maroc, le Groupement des Banques a convenu en 1987 avec le

gouvernement de la mise en place d’un système de crédits destinés aux jeunes promoteurs. Mais

les avantages ne s’adressant qu’aux diplômés et aux agents capables de fournir une garantie et

d’apporter 10% du capital initial ; les microentrepreneurs se sont vus exclus de ce système [Porter

et Mourji, 1997].

En Tunisie, tous les systèmes étatiques cités plus haut (du PDR à la BTS) qui visaient à atteindre

et à toucher les catégories défavorisées pour les intégrer dans le circuit économique laissent de

côté une frange de la population démunie et potentiellement productive. Par exemple, la BTS dit

cibler les personnes que les autres initiatives de développement social et régional n’avaient pas

encore atteintes, elle laisse, cependant à la marge nombre de microentrepreneurs potentiels.

Seulement 4,8% des débiteurs de la BTS sont analphabètes [Boukhari, 1999] alors que le taux

national d’analphabétisme est de plus que 30% [World Bank, 2002] ; la limite d’âge pour

prétendre à un crédit est de 59 ans, alors que beaucoup de personnes âgées sont encore

productives –l’espérance de vie d’un tunisien en 2000 est de 72,1 an [World Bank, 2002]]- et

doivent, peut être, travailler pour subvenir à leurs besoins ; 2/3 des projets financés par la BTS

sont des projets agricoles [BTS in Benarous, 2002] et la plupart des programmes de

développement ciblent les zones rurales or, actuellement, en Tunisie, la majorité de la population

vit en zone urbaine – le taux d’urbanisation est de 65,5% -, l’incidence de la pauvreté urbaine est

plus élevée que la pauvreté rurale [PNUD, 2000].

Se pose aussi la question de la viabilité de ces dispositifs. Les rares données disponibles

concernant le recouvrement des crédits bancaires et des dotations FONAPRA indiquent qu’il a

augmenté depuis le début des années 1990106 ; en 1996, il a été estimé à 80-90% ; cependant, le

recouvrement reste encore loin d’un taux pouvant garantir la viabilité du fond (autour de 95%)

105 Ce qui explique que les banques octroient de plus en plus de crédits FONAPRA aux professions libérales (médecins, pharmaciens, ..) qui sont plus solvables et qui présentent les garanties demandées.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

[FACET BV, 1996]. La BTS et ses associations sont clairement dépendantes des subventions de

l'Etat. De plus, ni les taux d'intérêt pratiqués (5%), ni le taux de remboursement (70%) n’assurent

leur viabilité et leur indépendance. La participation du dispositif de l’ANSEJ à la réduction du

chômage en Algérie est indéniable ; cependant et comme pour les expériences tunisiennes, la

couverture des coûts de création de l’emploi – estimés entre 400 000 et un million de dinars

algériens – est assurée par l’Etat ; ces expériences sont certes créatrices d’emplois mais elles ne

sont valables qu’en période de fort excédent budgétaire [La Tribune, 2004].

4.3.3 La faiblesse du financement informel

le secteur financier informel est considéré comme « l’ensemble des transactions financières qui s’effectuent

en dehors des réglementations imposées à l’activité du secteur financier formel en matière de taux d’intérêt,

d’allocation de crédit, de réserves obligatoires, de paiement des impôts… » [Germidis & alii, 1991 ; Adams &

Fitchett, 1994]. L’apport en fonds propres -effectué en utilisant l’épargne personnelle au moment

du lancement de l’activité- et l’autofinancement -à partir du réinvestissement des bénéfices non

distribués pour financer la croissance- ne font pas partie de la finance informelle alors que les

prêts avancés par les parents et amis sont considérés et toujours inclus dans la catégorie "prêts

informels". Or ces prêts sont plus proches de la catégorie du financement personnel que de celle

de la finance informelle ; ils font en effet partie, avec l’apport en fonds propres, de ce qu’on peut

appeler "financement endogène" (Graphique IV-3) [Lelart, 2003]. Ces prêts sont faits, d’une part,

au titre de la personne et pas de l’unité économique et, d’autre part, ils ne s’inscrivent pas dans

une logique financière ; leur octroi ne donne pas lieu à paiement d’intérêts107 et ne fait pas naître

une obligation de remboursement précise (échéance, montant par échéance...). Dans ce cas ils

représentent une composante spécifique du financement personnel.

C’est une forme très courante de financement que ce soit en nombre de transactions ou en

valeur. Son montant peut être très variable, quoique généralement assez limité [Germidis & alii,

1991].

106 Il n’atteignait même pas 70% à la fin des années 1980. 107 Sauf rares exceptions comme citées dans Belghazi [1998].

210

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

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Graphique IV-3 Catégorisation des solutions de financement

Finance

endogène Finance informelle

Finance semi-formelle

Finance formelle

Apport en prop

Autofinancement

- Prêts familiaux non rémunérés

- Prêts de tiers rémunérés - Crédit fournisseurs - Avance des clients - Tontines - Prêteurs sur gage - Banquiers ambulants

Institutions de microcrédit

Banques

Marché financier

fonds res

Composé par nos soins

Dans les pays en développement d’Afrique subsaharienne par exemple, l’importance des circuits

financiers informels amène à se demander s’ils peuvent se substituer efficacement au système

bancaire pour financer les microentreprises écartées du marché du crédit.

Plusieurs études montrent que la finance informelle ne correspond pas aux besoins évolutifs en

matière de financement des microentreprises et compte encore moins que le secteur bancaire

dans la structure financière de ces dernières [Morrisson & alii, 1994 ; World Bank, 1989 ;

Liedholm, 1991 ; DIAL, 1993 ; Lelart, 2002]. Les prêts informels peuvent être un recours

ponctuel en l'absence de garantie ou d'accès à d'autres sources de financement existantes ; au

Maroc, ils sont cependant plutôt utilisés pour la consommation (les tontines "Daret") [Mourji,

1998 ; El Abdaimi, 1989]. Au Maghreb, où la finance informelle existe [El Abdaimi, 1989 ; 1990]

mais n’est pas aussi répandue108 qu’en Afrique subsaharienne, sa participation est encore plus

négligeable (de 1 à 2% des microentrepreneurs y ont recours. cf. 4.2), les prêts informels ne

jouent pratiquement aucun rôle dans le financement des microentreprises. Il n’y a pas de secteur

financier informel qui se substitue aux banques pour les financer car il n’apporte pas une réelle

intermédiation financière : les organisations financières informelles ne sont pas en mesure de

collecter des ressources courtes et les transformer en emplois à moyen et long terme pour

financer les besoins des microentreprises.

108 Le manque d’études sur le secteur financier informel au Maghreb laisse supposer que ce secteur est marginal par rapport à celui des pays d’Afrique subsaharienne ou d’Amérique Latine. D’ailleurs ce sujet pourrait être une piste de recherche fort intéressante pour identifier les intervenants et les pratiques de solidarité financière spécifiques au Maghreb, pour voir s’il existe une demande pour la finance informelle et si oui pourquoi n’apparaît-elle pas et pour quelles raisons n’est-elle pas satisfaite ? S’agit-il d’un problème de coût, d’accès...? Ces questions s’appliquent autant au financement informel de la production que de la consommation.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Il y a plusieurs sources de finance informelle à la disposition des microentreprises -avance des

clients, sous-traitance, crédit fournisseurs, prêteurs professionnels- mais celles-ci ne sont pas

intégrées entre elles, ni articulées avec le système financier formel [Liedholm, 1991]. Etant

occasionnelles, chères, peu flexibles et fondées sur le court terme, elles ne correspondent pas au

besoin évolutif en matière de financement de l’activité et des capitaux fixes des microentreprises

qui requièrent des sommes importantes et des délais longs [World Bank, 1989].

4.3.4 La prédominance des ressources propres

Un raccourci de langage consiste à appeler autofinancement l’ensemble des ressources propres

(épargne de l’entrepreneur et réinvestissement des bénéfices de la microentreprise). Or, en

comptabilité, l’autofinancement ne comporte pas d’épargne personnelle : la capacité

d’autofinancement est égale au bénéfice du même exercice ou ceux des exercices précédents (les

réserves) augmenté des dotations aux amortissements ; l’autofinancement est le financement de

l’activité par l’activité ; il est à l’entreprise ce que l’épargne est aux particuliers. Dans ce travail on

a utilisé le terme autofinancement dans le sens comptable. Nous considérons également qu'avec

l'épargne personnelle ou la vente d'un bien, les prêts de la famille et des amis font partie des

ressources propres.

Etant donnée la faiblesse du financement formel, l’insuffisance des programmes étatiques et la

quasi-inexistence de la finance informelle pour les trois pays maghrébins, les microentrepreneurs

ne peuvent que recourir au financement par les ressources propres. Les microentreprises des

autres pays en développement sont dans le même cas de figure : la première source de

financement est constituée des ressources propres sur toute la durée du cycle de vie de l’unité ;

elle est cependant plus prononcée au moment du lancement de l’activité109. Au fur et à mesure de

la maturité de l’unité, elle assoit sa réputation et commence à recourir à des ressources externes

mais les ressources internes restent largement majoritaires : de 80 à 90% des microentreprises y

ont recours pour financer leur croissance.

109 En Afrique par exemple, cette ressource fournit 95% de la capitalisation initiale de la microentreprise [Liedholm, 1991].

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Les prêts de la famille et des amis sont une forme très courante de financement en nombre de

transactions. En comparaison avec les transactions informelles et dans certains pays, ces crédits

représentent le double ou plus [Belghazi & alii, 1998]. Leur montant peut être très variable,

quoique généralement assez limité. La principale caractéristique de ces prêts est leur réciprocité :

il est en effet sous-entendu que l’emprunteur acceptera de fournir un prêt au prêteur à un

moment quelconque du futur. Si les individus concernés ont un accès limité à d’autres formes de

financement, la réciprocité s’avère être un bon moyen de gérer l’incertitude et le risque : la

relation de parenté ou d’amitié tient lieu de garantie et minimise le risque [DE, 1999].

Il existe cependant différentes limites à ce type de financement. En effet, en cas de mauvaise

saison agricole ou de catastrophe naturelle, tous les habitants du village ou les membres de la

famille auront besoin de fonds pour faire face à de tels problèmes et ne pourront pas s’aider les

uns les autres. De même, la limite supérieure est très vite atteinte dans ce genre de prêts de faible

montant ; ils doivent être complétés par des ressources supplémentaires en provenance d’autres

sources.

L'étape de démarrage ne souffre pas beaucoup de l'insuffisance structurelle du crédit car les

microentrepreneurs, la plupart du temps, ne se lancent dans l'aventure de création que s’ils

disposent déjà d’un certain montant d'épargne personnelle. Bien que ne posant pas de problème

majeur pour la création et le démarrage de l’activité étant donné la faiblesse des montants investis,

la modicité de l'investissement initial obère cependant les possibilités de croissance future de

l'unité. Il faut noter que l’apport en fonds propres est onéreux à constituer [Mourji, 1998] et que

les prêts de la famille et des amis, réputés gratuits, comportent des règles de compensations

(écrites ou orales) qui constituent des coûts qui peuvent se répercuter sur la nature et la rentabilité

de l’investissement effectué [Balenghien, 1994]. On observe que ce type de prêt recule ; quoique

toujours vivaces, les liens familiaux et communautaires sont moins denses que par le passé [DE,

1999].

L'imperfection des marchés de capitaux fait que la rencontre entre l’offre non adaptée, émise par

les systèmes financiers formel et informel rencontrant une demande peu crédible, telle que jugée

par les banques, se solde par un rationnement du crédit et contraint les ménages à utiliser leurs

propres économies pour faire des investissements et couvrir leur besoin de trésorerie. Selon les

secteurs d’activité, et pour être rentable, une activité a besoin de investissements additionnels, ce

qui est d'autant plus difficile pour des ménages les plus pauvres.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

L'apport en fonds propres a l’avantage de rendre la microentreprise indépendante des tiers, mais

il a pour inconvénient majeur de limiter ses possibilités d’investissement et de croissance. Son

coût non nul, la non garantie de sa disponibilité et l’incertitude qui l’accompagne peuvent

handicaper ces unités qui se trouvent sans autre choix que d’utiliser ce moyen en raison de

l’indisponibilité d’autres sources.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

4.4 Conclusion du chapitre quatrième

Les microentreprises maghrébines ne se distinguent pas de celles des autres pays en voie de

développement dans leur mode de financement : des ressources internes prédominent (apport en

fonds propres et autofinancement) à tous les stades du cycle de vie. Pour le démarrage de

l’activité, les microentreprises ont presque uniquement recours à l’apport en fonds propres et aux

prêts de la famille et des amis ; la croissance se finance par réinvestissement des profits et les

besoins de financement de l’exploitation sont faiblement mais insuffisamment couverts par le

système bancaire.

Autant pour le démarrage, la microentreprise ne souffre pas beaucoup de l'insuffisance

structurelle du crédit car les microentrepreneurs, prévoyants, ne se lancent dans l’exécution de

leurs projets qu’ayant constitué au préalable leur capital, les carences se matérialisent surtout au

moment de financer le besoin du fonds de roulement et la croissance.

Au niveau macroéconomique plusieurs études ont montré que l’investissement est déterminant

pour la croissance; selon une étude comparative [Levine et Renelt, 1992], il existe une forte

corrélation positive entre la croissance et la part de l’investissement dans le PIB [Hulme &

Mosley, 1996]. Au niveau microéconomique, il est également important pour la croissance de

l’activité et des revenus. L’utilisation des ressources propres comme unique source de

financement pour la microentreprise peut être un frein à sa croissance. Investir en recourant

seulement à ce moyen sous-entend que le microentrepreneur a préalablement épargné ; il y a une

séparation temporelle entre la décision d’investir –qui intervient en période t motivée par un

environnement favorable- et la réalisation de l’investissement effectif qui interviendra en t1, t1 - t

étant la période nécessaire pour accumuler l’épargne requise. Durant cette période, l’entreprise

peut perdre l’opportunité de l’investissement et même des parts de marché. La limitation du

financement aux seules ressources propres peut influencer négativement la croissance de

l’entreprise et menacer sa survie, sa capacité à lutter contre la concurrence ainsi que sa réactivité

en cas de mauvaise conjoncture.

Dans les pays pauvres, il est difficile d’assurer le financement à travers le marché. Il devient de

plus en plus difficile d’accéder au financement bancaire quand on descend de plus en plus vers les

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

basses catégories de revenus. Les microentreprises, porteuses d’un grand potentiel de croissance,

de création d’emplois et de revenus sont les premières à en pâtir.

Au regard de la spécificité des besoins de financement des microentrepreneurs, des banques de

développement ont été créées depuis les années 1930 pour remédier aux manques de

financement sectoriel, rural (...) Malheureusement, une grande majorité a été infructueuse sur le

plan financier ; une mauvaise gestion a engendré de forts taux d’impayés et d’arriérés qui a

conduit à la faillite et au délaissement de ce type d’organisations.

La promotion d’un nouveau type d’institutions adaptées aux spécificités des microentreprises, qui

résoudraient les problèmes d’asymétrie de l’information entravant la bonne appréhension du

risque de la microentreprise par le prêteur, et qui surmonteraient l’insuffisance des garanties

inhérentes à ces unités, s’avère nécessaire.

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

ANNEXES CHAPITRE QUATRIEME

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MAROC

DS [1988] – Direction des statistiques - Enquête nationale sur le secteur non organisé localisé en milieu urbain

L’enquête nationale a porté sur un échantillon de plus de 8000 unités non agricoles, urbaines, ne tenant pas de comptabilité détaillée et disposant d’un local. Les travailleurs ambulants et à domicile n’ont pas été appréhendés par cette enquête. L’échantillon a été tiré du fichier des patentes relatif à l’exercice de 1986. L’emploi dans ces unités est constitué à 26% d’actifs dans l’industrie, 37% dans le commerce et 19% dans les services. Mourji [1998] - Une enquête sur les microentreprises à Casablanca.

Cette enquête représentative a porté sur un échantillon de 647 microentreprises de moins de 10 employés à Casablanca localisés ou ambulants, ayant le statut informel ou formel (dont les professions libérales ont été écartées) et a été conduite en 1996. L’échantillon a été tiré d’un répertoire de toutes les microentreprises casablancaises produisant et/ou vendant des biens et services. L’enquête couvre 17 branches : agriculture (2,94%), artisanat et industrie (35,57%), commerce (16,85%), services (28,13%). Parmi ces entreprises, toutes officiellement déclarées ou sans déclaration obligatoire, 4,6% tenaient une comptabilité complète et 52,5% n’en tenaient aucune. Le critère de l’informel retenu porte donc sur la taille et la tenue d’une comptabilité mais non sur l’enregistrement statistique. Les résultats ont identifié diverses caractéristiques des marchés des facteurs et du crédit au regard du cadre réglementaire et fiscal mais non celles du marché du travail (taille et structure de l’effectif employé ; parenté entre employés et employeurs ; respect du salaire minimum et de la durée légale du travail…). 81,61% disposaient d’un local fixe ou exerçaient à domicile (1,24%), dans la rue (6,18%) et en ambulant (7,42%) ; ces cas sont plus répandus parmi les femmes. 87,9% seraient locataires.

53,9% disposaient d’un compte bancaire, les autres réglant leurs transactions en espèces. Le crédit octroyé par les fournisseurs est moins répandu que le crédit accordé à la clientèle. Le financement de la création de l’activité a été principalement assuré par l’épargne personnelle (91,9%) et les prêts familiaux (38,47%), les crédits bancaires (4,05%) et les circuits informels (0,15%) intervenant fort peu. En cas de besoin de financement, le recours aux prêts sans intérêt de la famille et des amis est privilégié (60,43%).

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La création a été réalisée par leurs seuls propriétaires (52,9%) ou avec le soutien de leur famille (13,6%) ; dans 29% des cas, elle est le fait d’un parent ou d’un précédent propriétaire. 25,3% sont analphabètes et 30,45% de niveau d’instruction primaire avec métier appris. Parmi les obstacles, les entreprises évoquent le manque de capitaux (84,5%) - en raison de difficultés de trésorerie (66,3%) et d’accès au crédit bancaire (52,1%)- , les obligations fiscales (63,8%). Tritah et Maman [1998] Sur ces mêmes données, une analyse a traité d’une part les déterminants de la demande de crédit et d’autre part les déterminants de l’offre par rapport à la demande exprimée. En premier lieu, les auteurs ont examinés sur le phénomène et les déterminants de l’autosélection. Dans une première étape, ces déterminants ont été identifiés selon l’information que détient le microentrepreneur sur les services offerts par la banque ; 24% n’ont pas de telles informations et s’autosélectionnent a priori. Parmi les 76% qui sont informés, 75% s’autosélectionnent a posteriori principalement pour manque de garantie (38%) et à cause du coût élevé du crédit (24%). Dans une deuxième étape, l’analyse a porté sur l’estimation des déterminants de la probabilité de demander un crédit ; la formalité de l’activité, l’âge, l’éducation et l’information du microentrepreneur et la taille de l’unité sont positivement significatifs ; le soutien familial est positivement corrélé mais il est moins significatif. En deuxième lieu, une estimation de la probabilité d’obtenir un crédit montre que les caractéristiques de formalité de l’activité sont les plus pertinentes pour expliquer la stratégie de sélection des banques ; la taille influence également positivement l’octroi de crédit par la banque. Bellemare [2000] Sur cette même enquête, des analyses économétriques (MCO, probit univarié et bivarié) ont identifié les déterminants du rationnement du crédit. Il ressort que l’âge et l’éducation du microentrepreneur ont peu ou pas d’impact sur la probabilité qu’à ce dernier d’obtenir un crédit bancaire, ce qui recoupe les résultats trouvés par Tritah et Maman. En revanche, le nombre d’employés et le fait que l’entreprise ait un compte en banque exercent une forte influence sur cette probabilité. Enfin, les probabilités moyennes montrent que la probabilité d’obtenir du crédit bancaire est légèrement supérieure lorsque l’on tient compte de l’autosélection des microentrepreneurs.

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Belghazi et alii [1998] - La microentreprise : levier de politique sociale et opportunité de financement

L’enquête, conduite dans le cadre d’un projet Banque Mondiale dans le centre et le nord du Maroc en mars et avril 1998, a porté sur 187 unités de 1 à 5 actifs, localisée et urbaine. La microentreprise est définie par un critère de taille et une stricte séparation de l’activité du ménage et de l’activité productive. 26% de l’échantillon de microentrepreneurs observé n’a aucun niveau scolaire, 25% ont un niveau fondamental (9 années d’étude) et 14% ont un niveau supérieur. Les femmes représentent 6,4% du total de l’échantillon. Le chiffre d’affaires moyen en 1997 est de 120 000 Dh (environ 13 000 $). Pour 20% des unités enquêtées, le CA est inférieur à 20 000 Dh. Pour 54%, il est compris entre 20 000 et 75 000 Dh. Les principaux problèmes qu’ils rencontrent sont l’insuffisance et l’instabilité de la demande solvable et des ventes (75%) et les difficultés de paiement posées par la clientèle, en particulier sous forme de retard (65%). Le financement vient en troisième position. Les fonds propres représentent 72% des ressources des microentreprises de l’enquête ; les prêts des proches 22% et les emprunts auprès du secteur formel ne comptent que pour 6%. Il y a une forte autosélection (près de 70% de l’échantillon n’a pas fait de demande de prêts). Les principaux obstacles au financement évoqués sont (par ordre décroissant) : les exigences bancaires en matières de crédit, le niveau élevé du taux d’intérêt, la paperasse et les procédures bancaires longues et la corruption des responsables. Le manque de crédit fournisseurs et de financement à court terme, le contact difficile avec les responsables bancaires et les difficultés avec les instruments de paiement ont été considérés comme des contraintes modérées.

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DE [1999] – Direction de l’emploi - Enquête nationale sur le secteur informel localisé en milieu urbain, rapport d’analyse, Ministère du Développement social, Rabat, Maroc110.

L’enquête sur les 1513 établissements localisés urbains, porte sur un effectif au plus de 10 employés échappent partiellement ou totalement à l’impôt. Elle a été réalisé en 1997, basée en partie sur le fichier des patentes et fait apparaître que les indépendants représentent 41,2% des unités, les unités occupant 2 à 5 actifs représentent 56,1% tandis que celles qui occupent de 6 à 10 actifs ne représentent que 2,6%. La proportion des propriétaires est inférieure à 30% : il s’agit donc de gérants.

83,7% des établissements sont enregistrés dans le fichier patente et 69,2% payent l’impôt sur les sociétés, 58,7% des établissements sont inscrits au registre du commerce, 91% ne sont pas affiliés à la Sécurité Sociale et 92,9% ne tiennent pas de comptabilité. Le premier motif invoqué pour l’absence d’enregistrement et le non paiement de l’impôt est l’absence de contrôle, le coût n’étant invoqué qu’en second lieu ; la première raison invoquée pour l’absence d’affiliation à la Sécurité Sociale est la spécificité (la protection sociale est perçue comme concernant les grandes entreprises), le coût élevé est invoqué en second lieu.

56% des indépendants et employeurs ont un niveau d’instruction au plus ou égal au primaire ; le niveau d’instruction s’accroît avec la taille de l’établissement.

Au sein des microentreprises, le recrutement des employés s’est opéré par relations personnelles dans 78% des cas. La rotation de la main-d’œuvre est faible : elle n’est observée que dans 27,3% des cas et la raison invoquée est l’insuffisance des salaires. La rémunération des employeurs et des ouvriers qualifiés est supérieure au SMIG, celle des gérants et des apprentis est inférieure.

Le secteur financier formel joue un rôle négligeable dans le financement du démarrage des unités (0,5%). Ces unités se financent principalement par des ressources individuelles (91,2%), l’aide de la famille (6,8%). Le crédit particulier (qui peut être le microcrédit) est négligeable (0,2%). Pour le BFR le recours au crédit bancaire est plus élevé que pour le financement initial mais il reste très réduit (14,7%).

L’achat de matières premières se fait essentiellement et quasiment à part égale auprès des grossistes (45,3%) et des détaillants (41,2%). L’achat de machines et d’outillages se fait chez les détaillants (81,3%). Les 2/3 des unités (65,4%) déclarent ne jamais recourir au crédit fournisseurs pour l’achat des matières premières. Le non recours au crédit pour l’achat de machines est encore plus accentué. (87,3%). Les secteurs du commerce et de l’industrie semblent mieux insérés dans les circuits formels de distribution et de crédit. Les prix de production se déterminent selon le prix du marché (67,8%), le coût des matières première (34,1%), selon les clients (31,8%) et selon le coût de la main d’œuvre (19,7%). La majorité des unités ne fait pas crédits à leurs clients (62,3%) ; 44,8% n’en font jamais.

110 Dépôt légal 2000

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DS [2003] – Direction des statistiques – Enquête nationale sur le secteur informel non agricole 1999/2000 – rapport des premiers résultats.

La réalisation de cette enquête s’inscrit dans le cadre de la mise à niveau du Système national d’information statistique et de la réforme des comptes nationaux marocains. Elle a couvert l’ensemble du territoire national (urbain et rural) et a touché toutes les composantes du secteur informel (unités localisées, unités sans local et unités exerçant à domicile). La méthodologie adoptée est basée sur un système d’enquêtes qui combine les ménages et les producteurs informels (enquête 1-2-3). Pour caractériser les unités de production relevant du secteur informel (UPI), la définition retenue se réfère à la non-tenue d’une comptabilité complète. Un échantillon de 8 891 UPI représentatif de toutes les catégories de producteurs informels (indépendants, employeurs, associés, salariés gérants) a été observé. L’enquête s’est déroulée sur une année entière, du 19 avril 1999 jusqu’à fin avril 2000. Les UPI ayant un patron informel indépendant forment la principale composante (87,2%). Ces employeurs informels sont relativement plus nombreux dans la construction (26,8%) et moins présents dans le commerce et la réparation (8,3%). 70,5% des unités informelles sont réduites à un seul actif occupé. Celles qui emploient deux personnes représentent 18,7% alors que celles de quatre actifs occupés et plus ne représentent que 4,8%. Selon le secteur d’activité, les UPI relevant principalement du commerce pour plus de la moitié (52,8%). L’autre moitié est partagée entre l’industrie (y compris l’artisanat) (20,9%), les services (20,1%) et la construction (6,2%). En outre, presque la moitié des unités informelles (48,0%) ne dispose pas de local et 11,1% exercent à domicile. La répartition des chefs d’unités selon le sexe montre que 87,6% des unités sont dirigées par des hommes contre 12,4% par des femmes. La proportion de femmes chefs d’unités informelles la plus élevée (37%) est celle des unités manufacturières (y compris l’artisanat) ; les activités industrielles, caractérisées par la présence de femmes - employeurs, sont généralement celles du textile, particulièrement le travail des tapis, de broderie et d’habillement (couture traditionnelle). 98,9% des UPI ne sont pas affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale 87% ne sont pas enregistrées au registre de commerce. En revanche, la patente touche un nombre relativement non négligeable d'unités surtout celles de taille élevée. Près du quart des UPI (23,3%) est enregistré à l’impôt de la patente. Mais, si la taille des unités est prise en considération, le taux d’enregistrement à l’impôt de la patente augmente au fur et à mesure que la taille s’accroît ; il passe de 15,6% pour les unités à un seul actif occupé, à 49,9% pour celles qui en emploient quatre et plus. Une catégorie d’UPI de quatre actifs occupés et plus se distingue des autres par ses caractéristiques et ses comportements. 68% d’entre elles sont installées dans des locaux professionnels, près de 49,9% sont enregistrées à l’impôt de la patente, 35,4% au registre de commerce et 9,6% à la Caisse nationale de sécurité sociale. Cependant, cette catégorie ne représente qu’une minorité (4,8%) des unités de production informelles.

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ALGERIE

Benissad [1993] – OCDE - Microentreprises et cadre institutionnel en Algérie

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Un échantillon de 270 microentreprises de l’Algérois couvrant 3 branches de l’industrie et des services – mécanique, textile, restauration - a fait l’objet d’une enquête en 1990-1992. Ces entreprises, toutes officiellement déclarées et disposant d’un local professionnel (excluant le travail à domicile), comptaient moins de 10 employés voire moins de 5 employés pour 2/3 d’entre elles. Le critère de l’informel retenu porte donc sur la taille et non pas sur l’enregistrement statistique.

Les résultats de l’enquête ont mis en relief diverses caractéristiques des marchés des biens, du capital et du travail au regard du cadre institutionnel réglementaire et fiscal.

Concernant les échanges, les fournitures sont réglées en espèces dans 55% des cas et les ventes sont réalisées à l’étal dans 84% des cas tandis que le commerce ambulant représente 3% des cas ; 35% des employeurs ignorent les sanctions encourues pour non-respect de la réglementation des prix. La propriété du patrimoine est personnelle (54,4%) ou familiale (32%) et son financement a été assuré par des prêts de la famille et d'amis (34,8%), des dons ou des héritages (17,8%) rarement par des prêts bancaires ou sur gages (4,4%). L’effectif des salariés employés n’excède pas 5 personnes (80%), les entreprises ne comptent aucun apprenti (64,4%) ; il n’existe pas de lien de parenté entre employés et employeurs (51%) ; les employeurs déclarent respecter le salaire minimum (53,8%) mais non la durée légale du travail (54,4%). Les entreprises ignorent les obligations fiscales (28,5%), considèrent que les sanctions sont trop faibles (24%) et jugent les impôts excessifs (30%). Le financement de l’investissement s’effectue principalement par des ressources endogènes, 38,65% d’apport en fonds propre et 53,4% de prêts de la famille et des amis. Le financement bancaire est très faible (6,75%) et la finance informelle presque inexistante (1%).

Hammouda [2002] – Les enquêtes de l’ONS

Les données de l’enquête emploi 1997 de l’ONS montrent que 68% des indépendants et employeurs et près de 14% des salariés ne cotisent pas à la Sécurité Sociale. Les travailleurs à compte propre (auto-emploi) représentent 91,5% du nombre des établissements, les entreprises de 1 à 4 salariés permanents en représentent 7% et les entreprises de 5 salariés permanents et plus en représentent environ 1%. 50% des établissements ne sont pas imposés et 35% sont faiblement imposés (forfait…), 15% seulement étant imposé au réel. 50% des établissements ne sont pas enregistrés (ou ne disposent pas d’une autorisation). 50% de l’emploi non agricole est assuré par les entreprises de moins de 10 salariés. 30% de l’activité des indépendants s’exerce en dehors d’un établissement, chantier ou marché (ambulant, trottoir, à domicile).

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TUNISIE Ben Zakour & Kriâa [1992] - Le secteur informel en Tunisie : cadre réglementaire et pratique courante

Un échantillon non stratifié de 259 microentreprises de moins de 10 employés - issu du fichier des établissements non agricole - localisées à Tunis (2/3 de l’échantillon) et à Sfax (1/3 de l’échantillon, couvrant les branches textile (30,9%), réparation automobile (33,6%), restauration (35,5%), a fait l’objet d’une enquête en 1991. Le critère de l’informel retenu porte donc sur la taille mais non sur l’enregistrement statistique (près de 96% des entreprises payent la patente) ou la tenue d’une comptabilité.

Sur le marché des biens, la demande adressée aux entreprises de la réparation automobile et de la restauration émane des ménages ; celle de la branche textile émane des ménages (60%) et du commerce (40%). L’absence de contrainte de demande est très rare (6,5% des cas), tandis que l’insuffisance et surtout l’instabilité de la demande sont invoquées dans 80% des cas. Plus de 80% des entreprises n’ont jamais participé aux commandes publiques. L’approvisionnement en équipement provient du marché d’occasion dans près de 20% des cas à titre principal comme à titre secondaire ; les matières premières proviennent du commerce de détail pour la réparation automobile (93%) et la restauration (79%) mais dans une faible mesure pour le textile (29%) qui se fournit auprès des grossistes et autres entreprises (46%) et des ménages (12,5%). L’effectif des actifs employés (patron compris) n’excède pas 5 personnes (71%) ; 7,9% des actifs sont âgés de moins de 15 ans ; les salariés, les apprentis et les aides familiaux représentent respectivement 59,2%, 31,8% et 6,8% de l’effectif employé. La proportion des apprentis augmente avec la taille des entreprises. 94,2% des entreprises disposaient d’un local fixe indépendant du domicile (l’exercice de l’activité à domicile représentant 5,4%) ; 79% des entrepreneurs étaient locataires et 20,8% propriétaires à titre personnel ou familial. Le mode de paiement de la clientèle est au comptant (54,8%), les facilités de paiement (moins d’un mois et au plus 3 mois) interviennent dans 33,2% des cas. Le règlement des fournisseurs s’effectue au comptant (70,8%) et avec des facilités de paiement de moins d’un mois (17,3%). Le crédit accordé à la clientèle est plus répandu que celui fait par les fournisseurs. La fixation des prix relève principalement de l’application d’un taux de marge sur les coûts (37,3% des cas) ; les autres modalités sont respectivement le marchandage (26,6%), le respect du prix homologué (22%), la référence aux prix du secteur informel (11,3%).

Le financement de l’activité est assuré par l’épargne personnelle (68,8%) et les prêts familiaux (19%) ; les dons ou l’héritage (3,3%) et les crédits bancaires (8,1%) interviennent peu, le recours aux circuits informels est inexistant. Les relations avec les institutions financières au cours des 3 années précédentes sont inexistantes (36,9%) ou limitées aux dépôts (49,3%) et au retrait (46,8%) ; la demande de crédit n’est intervenue que dans 3,2% des cas. Parmi les obstacles rencontrés, les entreprises évoquent le manque de capitaux (74,1%), les contraintes administratives et réglementaires (12%).

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L’affiliation à la sécurité sociale n’est totalement respectée que par 14,7% des entreprises, 61% observent un respect partiel et 24,3% ne respectent pas du tout cette exigence. Les motifs invoqués pour le non-respect (partiel ou total ) sont le coût élevé (45,7%) et l’absence de contrôle (29,4%). Le taux d’affiliation des salariés - qui est obligatoire - déclaré par les entreprises semble nettement surestimé. Les employeurs respectent le salaire minimum (appliqué seulement aux salariés) mais la durée légale du travail n’est respectée que dans 60% des cas ; les motifs invoqués pour le non-respect sont l’absence de contrôle (55,7%) et le manque d’information (32,7%). Une enquête complémentaire a porté sur 32 ateliers de tapisserie à domicile dans la région de Kairouan. L’approvisionnement en matières premières est fourni par les grossistes dans un peu plus de la moitié des cas. Le règlement des fournisseurs s’effectue au comptant dans 2/5 des cas, le crédit représente une proportion légèrement inférieure. La clientèle est constituée par les commerçants et les ménages, respectivement dans un peu plus et un peu moins de la moitié des cas. Le paiement au comptant et les avances sur commandes représentent respectivement près de 3/5 et 1/5 des cas. Le financement de l’activité est assuré par l’épargne personnelle (et quelques prêts familiaux). Il n’existe aucune relation avec les institutions financières. Plus de 2/3 des ateliers ont un effectif (essentiellement féminin) inférieur à 5 actifs ; l’effectif est constitué de tâcherons (53%) et d’aides familiales (43%) dont la rémunération est de l’ordre de 2/3 du salaire minimum.

Il n’existe aucun obstacle réglementaire dans la mesure où aucune norme, aucun impôt, aucune assurance et aucune affiliation à la sécurité sociale ne sont exigés.

Marniesse et Morrisson [2000] - une enquête longitudinale sur un échantillon de microentreprises en Tunisie.

Un deuxième passage sur 170 microentreprises localisées (ci-dessus) réalisé à 4 ans d’intervalle fournit plusieurs observations intéressantes sur la création d’emploi, bien que la taille du panel (inférieure à 100) ne permette pas d’établir des faits stylisés. Il n’y a pas de stagnation de la création d’emploi, qui varie selon les branches (plus prononcée dans le textile) mais qui s’avère faible notamment dans le commerce. La création d’emploi apparaît positivement corrélée au capital humain et négativement corrélée au nombre de salariés (notamment déclarés). Les microentreprises sont compétitives : elles supportent des coûts du travail et de gestion plus faibles, elles disposent de marchés locaux qui sont cloisonnés en raison de coûts de transport et de transactions élevés. Le risque de faillite résultant de l’instabilité de la demande conduit l’entrepreneur à adopter une stratégie de flexibilité (embauche de salariés non permanents), de dissimulation (une partie des salariés n’est pas déclarée) ou d’embauche de non-salariés. Le seuil de 10 actifs n’apparaît pas infranchissable pour certaines microentreprises (2-9 actifs) qui entrent dans la catégorie des PME, bien que la mobilité s’avère négative (régression des PME en deçà du seuil) en raison à la fois d’une application stricte de la réglementation par les pouvoirs publics en Tunisie et d’un essor de la demande de biens formels. Parmi les 170 microentreprises enquêtées en 1991, 52 n’ont pu être retrouvées en 1995 : la disparition, dont le taux est élevé (30%) et dont les causes (cessation d’activité ou nouvelle localisation) n’ont pas été identifiées, semble plus prononcé dans les services (réparation mécanique et restauration) que dans le textile.

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Sboui [2002] - Enquête sur le secteur informel à Sfax, 1995

Cette enquête a été conduite dans la ville de Sfax en 1998 sur un échantillon de 343 unités : 196 microentreprises en dehors de la Médina, 67 établissements artisanaux de la Médina et 80 vendeurs ambulants. L’échantillon des 196 microentreprises a été tiré du fichier FINA (détenu par l’Agence Tunisienne de l’Emploi) et recensant les 4 800 unités de tailles inférieures à 10 employés. Les ateliers artisanaux et les vendeurs ambulants ont été constitués sur le terrain. Les critères d’informalité adoptés sont la taille (inférieure à 10 actifs) et la non tenue de comptabilité.

INS [1997] – Le secteur des microentreprises en Tunisie

L’enquête a été réalisée au cours du 4ème trimestre de 1997 en retenant comme définition des unités informelles celles qui ont un statut juridique de personne physique, employant moins de 6 salariés et ne tenant pas de comptabilité. L’échantillon a été choisi sur la base du répertoire national des entreprises : les unités ont un numéro fiscal et sont généralement localisées (87% du total de l’échantillon). 6 281 microentreprises ont répondu au questionnaire dont 690 unités tenant une comptabilité et 5 591 qui n’en tenaient pas. L’exploitation de l’enquête s’est donc faite sur la base de ces 5591 unités. La répartition des microentreprises selon les secteurs d’activités est marquée par la prépondérance du tertiaire qui en représente ¾ : commerce (45,5%) et services (30,4%). Le secondaire en représente ¼ : industrie (21,6%) et bâtiment (2,5%). La répartition des statuts de la main d’œuvre est la suivante : travailleurs à compte propre (34,5%) ; patrons et associés (24,3%), salariés (25%), aides familiaux (10,3%) et apprentis (5,4%).

67,8% des emplois sont occupés dans les entreprises de 1 à 2 actifs ; 25,6% dans celles de 3 à 5 actifs et 6% dans des unités de plus de 6 actifs.

Le salaire moyen du secteur est estimé à 186 DT, soit 1,1 SMIG (169 D). Le salaire moyen mensuel des femmes (148 DT) représente ¾ du salaire moyen des hommes. 41,5% des salariés sont un salaire inférieur au SMIG. Cette proportion est de l’ordre de 2/3 (65%) pour les femmes et de 1/3 (35%) pour les hommes. Le salaire augmente régulièrement avec l’âge pour plafonner à partir de la tranche 40-49 ans.

La valeur ajoutée (VA) du secteur de la microentreprise contribue à 12,3% de l’ensemble de la VA soit 11,5% du PIB. Le secteur occupe 16,9% de l’emploi global

Le financement de la croissance est réalisé par des ressources propres à la microentreprise ou du microentrepreneur (71,8%), par de crédits bancaires (13,6%), par d’autres sources (12,9%) et par des aides et dons publics (1,6%). 226

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Chapitre quatrième : Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

Sidhom [2002] - PDUI- 1997

L’enquête a été réalisée par le Ministère du développement économique dans les quartiers urbains pauvres dans des régions jugées défavorisées (Boussalem, Gafsa, Sejnane ..) sur un échantillon total de 11 243 individus. L’enquête comporte 3 volets : enquête population, enquête sur le contexte économique régional et local et enquête sur les programmes de promotion de l’emploi et des activités économiques sur un échantillon au 1/10. Cette dernière partie compte 5 sous-enquêtes : ménage, chômeur, activité féminine à domicile, recensement des activités économiques existantes dans le quartier et recensement des promoteurs potentiels.

La sous-enquête femme/fille au foyer a concerné 2 173 individus. 78,2% des métiers exercés utilisent la laine comme matière première.

227

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CHAPITRE PREMIER

Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

Rationalité économique des microentreprises, adaptation et minimisation des coûts

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

228

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement CHAPITRE CINQUIEME

LE MICROCREDIT

UNE SOLUTION AU FINANCEMENT

L'apport de capitaux, sans être le seul facteur qui permette de créer ou de développer les

entreprises, n'en reste pas moins très vital. En effet, si cet apport fait défaut, il devient impossible

de réaliser les aspirations entrepreneuriales dont les individus font preuve.

Du chapitre précédent, il ressort que la première source de financement des microentreprises

maghrébines est basée sur l’épargne personnelle et l’entraide familiale. Le recours à la banque est

relativement peu fréquent. En effet, des enquêtes maghrébines et internationales s'accordent à

constater que le secteur bancaire joue un rôle modeste, voire insignifiant en matière de

financement des investissements [Liedholm, 1991 ; Morrisson, 1995 ; Zeller & alii, 1997 ; Mead &

Liedholm, 1998]. La banque, qui voudrait financer l’activité productives d’agents pauvres en

ressources, fait face à deux problèmes majeurs ; d’abord, l’absence de garantie (pas d'actifs

circulant, pas de titre de propriété des terres) constitue un risque pour le banquier dans la mesure

où il ne peut pas récupérer ses fonds en cas de faillite ; ensuite, le banquier dispose de très peu

d'information (voire aucune) concernant son client. Ce manque d'informations, avant la

concrétisation du contrat de prêt, mène à des problèmes de sélection adverse. La banque ne

pouvant pas discriminer les entreprises, elle va rationner.

Les prêts informels, marginaux, comptent encore moins que le secteur bancaire dans la structure

financière des microentreprises. Ils peuvent être un recours en l'absence de garantie ou d'accès à

d'autres sources de financement existantes ; au Maroc, ils sont cependant plutôt utilisés pour la

consommation [Mourji, 1998 ; El Abdaimi, 1989] ; ils ne répondent donc pas aux besoins des

microentrepreneurs dans une perspective productive à long terme.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement La microfinance a évolué comme une approche économique du développement orientée vers les

personnes à faible revenu. Le terme "microfinance" se réfère à des prestations de services

financiers destinées aux clients à faible revenu, aux actifs auto-employés et aux

microentrepreneurs, et se présente comme une alternative réaliste au système bancaire formel

inactif à cet égard et au financement informel qui s’avère insuffisant.

Dans sa fonction d’octroi de crédit aux actifs marginalisés par le système bancaire formel, la

microfinance n'est pas simplement de l'intermédiation financière, mais a évolué comme un outil

de développement à part entière.

Dans la première section, nous abordons le cheminement historique des outils de développement

qui ont commencé, sous l’inflexion des paradigmes théoriques de l’époque [Nurske, 1953] avec

des interventions basées sur l’injection de fonds à travers de grands projets d’infrastructure pour

aboutir à l’intronisation du microcrédit comme outil de développement incontournable. Cet outil,

de par sa méthodologie s’est imposé comme un système semi formel d’octroi de crédit à une

population fondamentalement pauvre, basé sur des innovations inspirées du marché du crédit

informel pour résoudre les contraintes qu’ont rencontré les programmes étatiques et que n’ont

pas voulu affronter les banques.

La deuxième section présente les innovations apportées par la microfinance pour répondre à une

demande spécifique formulée dans le cadre d’une relation prêteur – emprunteur où l’information

n’est pas parfaite.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement

5.1 Définition et historique

« La finance consiste à récolter du capital financier, et à le distribuer ensuite. La microfinance consiste à faire la

même chose mais (à petite échelle et) dans la partie inférieure du marché financier, là ou les populations pauvres

pourront le plus probablement s’impliquer » [Kimenyi & alii, 1998].

Le microcrédit dans sa définition la plus simple et la plus usitée est l’approvisionnement en crédit

des populations d’actifs auto-employés ou de microentrepreneurs pauvres, généralement exclus

du circuit de financement bancaire formel. Depuis ses débuts dans les années 1970, plus

précisément 1976, si on se réfère à la naissance officielle de sa représentante la plus médiatique, la

Grameen Bank, le microcrédit a évolué en incorporant parmi ses composantes des services

financiers divers, qui vont de l’épargne jusqu’au capital risque en passant par la microassurance et

le microleasing, et parmi ses pratiques, des concepts de développement social et économique

ainsi que des principes qui se rapportent aux marchés financier et commercial [Otero, 1999 ;

Ledgerwood, 1998].

Les origines du microcrédit remontent au milieu du XIXème siècle, période de lancement des

coopératives de crédit européennes à l’image des caisses Raiffeisen en Allemagne. On lui prête

également un âge beaucoup plus avancé, celui des tontines africaines et asiatiques qui seraient ses

arrières grands-mères.

Dans cette section, et en première partie, nous retraçons l’historique de ce concept et le

cheminement qui a conduit celui-ci à constituer un moyen de lutte contre la pauvreté et de

promotion du développement. La deuxième partie, porte sur l’expérience des coopératives de

crédit européennes du milieu du siècle dernier et sur leur similitude avec les IMC.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement 5.1.1 Du prêteur informel vers l’IMC : émergence du

microcrédit

Dès le début de la décennie 1950, la formation du capital est devenue le facteur fondamental de la

dynamique de développement. La thèse d’insuffisance de l’épargne dans les PVD développée par

Nurkse [1953], qui avance que les revenus de ces pays sont très faibles pour pouvoir épargner et

donc investir111, a ouvert la voie au financement externe en tant que moteur incontournable du

développement. Le champ de l’économie du développement a privilégié une hypothèse

particulière : une masse de capitaux est nécessaire pour provoquer le démarrage de la croissance [Drouin, 1996]. En effet, le capital est considéré souvent comme le principal facteur limitant la

croissance économique.

Partant de cette idée de l’importance du crédit pour le développement, les approches sur le

financement ont évolué d’une vision purement macroéconomique à la nécessité d’assurer les

bases microéconomiques de l’offre financière. Schématiquement, quatre approches peuvent être

distinguées [Krahnen & Schmidt, 1994 in CIRAD, 1997 ; Ranis, 2004], elles sont exposées dans

les sous- sections qui suivent (de 5.1.1.1 à 5.1.1.4).

Il est à noter que, depuis longtemps, dans les pays en développement, les prêteurs informels ont

existé et résisté à l’épreuve du temps et sont encore une source de crédit importante pour une

large population de défavorisés grâce à leur disponibilité et leur forte capacité d’adaptation et de

réduction des coûts de transaction [Adams & Fitchett, 1992]. Malgré les taux usuraires qu’ils

pratiquent, ils avaient du succès car ils étaient proches des besoins des populations parmi

lesquelles ils vivaient. Cette proximité et l’intégration du prêteur dans le milieu culturel et social

des emprunteurs, sont très importantes car cette connaissance réciproque était le moyen de la

couverture du risque [Vincent, 2000]. On retrouve donc leur influence, plus au moins

significative112, durant les différentes étapes citées ci-dessous.

111 Les critiques de cette théorie expliquent la faiblesse de l’épargne et de l’investissement plutôt par la faible motivation des agents économiques et par les taux d’intérêts non attrayants pratiqués jusqu’aux années 1980. 112 En cas de présence d’autre source (comme les IMC), les clients préfèrent y recourir, entre autres pour éviter les méthodes "musclées" de recouvrement des prêteurs [Hulme et Mosley, 1996, p72].

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement

5.1.1.1 Capital et croissance

Les a priori théoriques de l’après-guerre qui considéraient que la formation du capital est le facteur

fondamental de la dynamique du développement, ont abouti à considérer que le point crucial

pour conduire à la croissance consiste à disposer de capitaux nécessaires aux investissements. Ces

considérations théoriques ont ouvert la voie au financement externe en tant que moteur

incontournable du développement. Dans ce cadre, les fonds extérieurs viennent compenser le

faible niveau d’épargne locale et amorcer un cycle d’investissements et de croissance qui a été

jusque-là confiné dans le cercle vicieux : faible épargne – faible investissements – faible

productivité du travail – faibles revenus [Nurske, 1953].

L’approche préconisée consistait donc à injecter des fonds à travers de grands projets de

développement pour lesquels se pose peu la question de l’allocation et de la répartition des

ressources. Les bénéficiaires et les intermédiaires ne sont pas placés au centre du dispositif. Tout

au long du troisième quart du XXème siècle, les pays en développement, confrontés à des besoins

qu’ils n’arrivent pas à satisfaire, se verront proposer par des organismes étrangers publics et

privés des solutions toutes faites : "dites ce que vous voulez et nous le réaliserons ! " [Drouin,

1996].

Cette approche ignore le système financier et suppose que quelque mécanisme invisible

transforme les fonds en investissements sans qu’il y ait ni système bancaire, ni administration

publique. Vers la fin des années 1960, on a constaté que les apports extérieurs n’avaient pas

permis de faire notablement reculer la pauvreté [Drouin, 1996].

5.1.1.2 Orientation vers les groupes cibles

La question de la pauvreté dans les pays en voie de développement se pose de façon de plus en

plus aiguë. Les Nations Unies avec la Banque Mondiale ont défini de nouvelles politiques prenant

en compte les besoins de l’être humain. La déclaration, en 1973, de Mac Namara concernant la

lutte directe contre la pauvreté ouvre un champ nouveau à l’économie du développement.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement Tout au long des années 1970-1980, les Etats vont être les principaux bénéficiaires des

financements contractés (surtout sur le marché bancaire privé international). Cette manne a

financé la croissance démesurée du secteur public et corrélativement a participé au recul du

secteur privé rejeté à la frontière de l’activité formelle. Les politiques de développement,

fortement orientées vers le secteur public, vont se préoccuper de façon plus spécifique des

populations concernées, dans le but d’augmenter leur niveau de production et donc leur revenu.

Au regard de certains abus et de l’incapacité de la finance informelle de fournir un large spectre

de services financiers conformes aux besoins des clients ruraux à faible revenu, les

gouvernements, dès les années 1960 mais surtout dans les années 1970, ont créé des programmes

pour fournir des crédits subventionnés, ciblés et à taux d’intérêt réduit aux personnes à faible

revenu et aux microentrepreneurs. Un exemple en est le programme régional de développement

(PRD) qui a été institué en Tunisie en 1973 : le faible taux d’intérêt doit permettre la stimulation

de la production en accélérant l’adoption de nouvelles techniques et les crédits ciblés sont censés

promouvoir un "package" technique spécifique diffusé dans le cadre des projets de développement

agricoles et ruraux dans la majorité des cas.

Durant les années 1970, les gouvernements étaient la principale source de crédits formels pour

ces populations ignorées par les services bancaires formels. Ils trouvaient que les pauvres avaient

besoin de crédits à faibles taux d’intérêt. Les gouvernements et les institutions internationales ont

encouragé les caisses de crédit, à l’image de la caisse Raiffeisen113, à stimuler l’épargne. Ces

coopératives financières visaient à mobiliser l’épargne rurale et de ce fait enseignaient aux

agriculteurs pauvres "comment garder de l’argent de côté".

Les problèmes n’ont pas tardé à apparaître pendant les années 1970 au niveau des organismes

étatiques de prêts. Les taux d’intérêt faibles ne permettaient pas de couvrir les coûts de

fonctionnement ; la faible rentabilité qui en découle, conjuguée à des problèmes croissants de

remboursement, a souvent conduit à des situations de faillite financière. D’autre part, les clients

qui étaient ciblés n’ont pas toujours été touchés.

113 Développée en Allemagne en 1846 [Hollis et Sweetman, 1998 ; Ghatak et Guinnane, 1999]

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement 5.1.1.3 Développement des systèmes financiers

Au milieu des années 1980, le modèle du crédit ciblé et subventionné, encouragé par les bailleurs

de fonds institutionnels, est tombé en disgrâce sous une pluie de critiques. En effet, la majorité

des programmes avaient accumulé de larges pertes et devaient être recapitalisés pour continuer à

être opérationnels. Les agences gouvernementales ont encouru de fortes pertes dues à plusieurs

raisons :

- les procédures administratives laxistes, la corruption et l’inefficacité des méthodes de gestion

ont conduit à de hauts taux d’impayés qui ont engendré des dettes irrécouvrables ou des coûts de

mise en œuvre du remboursement et de perception ;

- bien que les taux d’intérêt soient subventionnés, les clients subissaient des coûts annexes relatifs

à de longues procédures administratives ;

- le coût d’administration de petits prêts à faibles taux d’intérêt s’est avéré élevé, le coût d’accès et

de gestion de ces prêts était lourd et inefficace

Pour réduire les coûts de transaction, les prêteurs ont choisi d’octroyer des prêts d’un montant

élevé pour des gens solvables donc riches. Les critères de sélection étaient politiques plus

qu’économiques. L’objectif visant à fournir du crédit à une population à faible revenu a

définitivement échoué et la population cible de ces programmes a été une nouvelle fois rationnée

[Bhatt & Tang, 1998]. Il est devenu de plus en plus apparent que l’introduction de solutions

basées sur les forces du marché devenait inévitables.

Un des changements apportés par la politique d’ajustement structurel est la restructuration du

secteur monétaire et bancaire, l’ouverture sur l’extérieur, la libéralisation et le renforcement des

systèmes financiers. Un nouveau rôle est attribué aux institutions financières : elles doivent

mettre en relation les agents économiques ayant un besoin de financement (les entreprises) avec

les agents à capacité d’épargne (les ménages). La nouvelle approche se focalise donc sur la

fonction d’intermédiation des organismes financiers.

Au niveau macroéconomique, un système financier "libre" assure mieux la croissance car il

génère des opportunités pour des opérations profitables, augmente les ressources d’épargne

privée et étrangère… Au niveau microéconomique, les institutions financières doivent s’orienter

vers un fonctionnement durable et autonome.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement Cette orientation cherche à favoriser le bon fonctionnement du marché financier. Cependant, elle

suppose qu’en dehors de toute instabilité macroéconomique, la libéralisation est suffisante pour

conduire à la réussite de ce marché. Il semblerait pourtant que certains fondements

microéconomiques doivent être pris davantage en considération [CIRAD, 1997].

5.1.1.4 Institutions et systèmes d’incitation

La libéralisation seule et le recours aux forces du marché ne sont pas forcément garants du bon

fonctionnement du développement, même dans un contexte stable.

La nouvelle et dernière approche du financement du développement qui est apparue dans les

années 1980 s’appuie sur un fonctionnement imparfait des marchés. Cette imperfection est

essentiellement liée aux coûts de transaction et aux problèmes d’asymétrie et d’incomplétude de

l’information, qui empêchent deux agents d’établir des contrats prenant en compte toutes les

perspectives futures. Cela laisse ouvertes des possibilités de mauvaise sélection des partenaires

(sélection adverse) et de comportement opportuniste des agents (aléa moral). Dans ce cadre

d’asymétrie informationnelle, on cherche désormais à induire un fonctionnement optimum des

institutions au sein de marchés imparfaits en ayant recours à des systèmes d’incitation et de

recherche de l’information qui établissent des bases microéconomiques solides entre clients et

institutions.

D’un point de vue pratique, les institutions de microcrédit adoptent plusieurs méthodes

communes de fonctionnement qui reposent sur la proximité avec les clients, la simplicité des

procédés d’octroi des crédits, le recours à des formes de garanties nouvelles, la volonté de se

pérenniser… Le microcrédit, avec sa méthodologie de crédit aux groupes, s’est imposé comme

un système formel d’octroi de crédit à une population fondamentalement pauvre, basé sur des

innovations inspirées du marché du crédit informel (en l’occurrence, les tontines) pour résoudre

les contraintes qu’ont rencontrées les programmes étatiques. Le transfert sur le client des charges

de la sélection, de la surveillance et de l’application permet à l’IMC de bénéficier de la même

situation avantageuse que le prêteur informel profitant de coût de transaction bas et de risque de

défaut peu élevé.

Adoptant ce mode de fonctionnement, des organisations non gouvernementales commencent à

préconiser des approches de développement communautaire sur le long terme. Au Bangladesh,

Mohammed Yunus a institutionnalisé l’approche avec la création de la Grameen Bank et la

réussite de sa méthode de prêt aux pauvres sans terre et sans aucune garantie matérielle au sein de

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement groupes solidaires. En Amérique Latine, ACCION International a permis le développement de

groupes solidaires qui prêtent aux vendeurs ambulants et Fundación Carvajal a développé un

programme de crédit et de formation à l’intention des microentrepreneurs. De même, il y a eu

des changements au niveau du secteur financier formel ; Bank Rakyat Indonesia (BRI), qui est

une banque agricole étatique, a troqué sa politique de crédits à taux subventionnés contre une

approche institutionnelle qui se base sur les principes de marché.

Depuis 1980 le champ de la microfinance a évolué. Les bailleurs de fonds encouragent les

activités de microcrédit avec une attention particulière pour les institutions engagées à allier prêts

accordés aux pauvres et stabilité financière. Contrairement à ce qui se pratiquait durant les années

1970, aujourd’hui, la priorité est donnée aux prestations de services financiers en utilisant une

approche client [Otero & Rhyne, 1994].

L’innovation a été adoptée et encouragée par la Banque Mondiale qui l'utilise comme fer de lance

pour sa politique de lutte contre la pauvreté. Elle a lancé en 1995, avec d’autres bailleurs de fonds,

un programme international de microfinance ainsi qu’une institution d’appui à la microfinance

pour lutter contre la pauvreté : le "Consultative Group to Assist the Poorest" (CGAP) a été créé en

juin 1995.

5.1.2 IMC – coopératives : que peut-on apprendre du passé ?

Les IMC utilisent un "patchwork" de méthodologies qui s’inspirent autant des prêteurs informels

que des coopératives de crédit du XIXème siècle. Dans l’étude ou l’évocation de l’historique du

microcrédit, on trouve qu’il est souvent lié à la finance informelle et aux coopératives

européennes. Dans le retraçage de son histoire, le chemin menant des prêteurs informels vers les

projets étatiques à taux subventionnés et enfin vers les IMC, fait parfois un détour par les

coopératives telles que les caisses Raiffeisen et Desjardins, par exemple [Vincent, 2000 ; Hollis &

Sweetman, 1998 ; Ghatak & Guinnane, 1999 ; Bhatt & Tang, 1998 ; Servet, 1996 ; Berenbach &

Guzman, 1994].

En définissant le microcrédit comme la provision de prêts de petit montant à des entrepreneurs,

Hollis et Sweetman [1998] considèrent les coopératives qui ont octroyé ce genre de prêts en

Europe au milieu du XIXème siècle comme des institutions de microcrédit. Ils essayent à travers

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement leur étude d’identifier les mécanismes de succès et de pérennité ainsi que les caractéristiques

organisationnelles qui ont participé à leur réussite, pour que les actuelles IMC s’en inspirent.

La littérature sur le microcrédit traite largement de ces institutions et plus particulièrement de la

plus réussie d’entre elles : la coopérative de crédit Raiffeisen [Guinnane, 1994, 1997, 2003 ; Hollis

& Sweetman, 1998]. En effet, les IMC s’apparentent à ce genre de coopératives dans leur

méthodologie de prêt : sélection, contrôle, audit et mise en paiement (enforcement).

Les coopératives allemandes se sont formées en réaction à l’échec des institutions formelles. Elles

pouvaient opérer là où les banques faisaient défaut grâce aux spécificités de leurs clients qui se

connaissent et vivent à proximité de la coopérative et les uns des autres. De part les liens étroits

unissant les membres, la coopérative peut récolter et exploiter l’information privée et forcer le

remboursement à moindre frais. La proximité, la connaissance des clients, de leur activité et de

l’état du marché ou de la production, l’utilisation de sanction économique et extra économique en

cas de défaut sont autant de méthodes qui garantissent l’avantage comparatif des coopératives par

rapport aux prêteurs bancaires [Guinnane, 1994]. Guinnane [2003] indiquait que les coopératives

étaient de petite taille, dans le village, voire le quartier, où habitent et travaillent ses clients qui

sont liés par des relations de proximité (voisinage, amis, collègues...) et qui se voient plusieurs fois

par jour.

Les coopératives de crédit allemandes sont, en quelque sorte, les précurseurs des méthodes de

crédit basé sur la caution solidaire [Ghatak & Guinnane, 1999] ; pour garantir le prêt, elles

demandent un cosignataire, qui n'est pas forcément membre mais qui s’engage à rembourser le

prêt en cas de problème. Cependant, il y a un deuxième niveau de garantie, qui a été sujet à

controverse, mais qui a assuré le succès de Raiffeisen. La caution illimitée appliquée fait que tous

les membres, qui sont les seuls à avoir le privilège d’emprunter, sont solidairement responsables

des crédits contractés par la coopérative, dans le sens où un créditeur de la coopérative peut

demander des comptes à n’importe quel membre de la coopérative et le poursuivre pour la

totalité de sa richesse et pas seulement sa part dans la coopérative [Guinnane, 1994]. Le fondateur

pense que seule cette responsabilité jointe assure aux membres la motivation nécessaire pour bien

contrôler la gestion générale des coopératives et le suivi des emprunteurs [Guinnane, 1994]. Cette

contrainte est récompensée par le fait que la coopérative, et par suite les membres, ont accès à

des prêts moins chers [Hollis & Sweetman, 1998].

Contrairement au IMC, les prêts accordés par les coopératives sont à long terme ; la durée

moyenne est de 6 ans [Hollis & Sweetman, 1998] et peut atteindre 10 ans [Ghatak & Guinnane,

1999]. Mais ces deux types d’institutions visent la même catégorie de clients. En effet sur des

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement montants variant de 10£ à 250£, en 1910, plus de ¾ des encours de prêts sont de moins de 50£

[Hollis & Sweetman, 1998].

La petite taille des institutions locales leur permet de préserver la proximité avec leurs clients qui

ont le même niveau peu élevé de richesse. Elles sont affiliées à des organisations régionales qui

assurent, entre autres services, l'audit. Elles sont elles-même affiliés à une institution centrale qui

accepte des dépôts des coopératives locales quand elles sont excédentaires et octroie des prêts

dans le cas contraire [Guinnane, 2003].

Les coopératives se sont disséminées, dans l’espace, à partir de l’Allemagne, quasi partout en

Europe, elles ont atteint l’Amérique du Nord, la Chine et l’Inde ; et dans le temps, il y a encore

plusieurs coopératives de crédit modernes dont la forme organisationnelle est presque identique à

une coopérative Raiffeisen. Il semblerait que les IMC fassent également partie de leur lignée.

En plus des enseignements tirés, étudier ces coopératives sert à replacer les IMC dans leur

contexte : le microcrédit a une histoire longue et distinguée avec plusieurs institutions centenaires

et à succès [Hollis & Sweetman, 1998].

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement

5.2 Les réponses du microcrédit aux problèmes soulevés par les banques

On peut, à force de confiance, mettre quelqu'un dans l'impossibilité de nous tromper.

Joseph Joubert, Carnets

Essuyant un rejet de la part des organismes de prêts formels, ne trouvant pas un financement

informel adapté aux exigences d’une activité productive et ne pouvant se limiter aux fonds

propres et à l’autofinancement114, le microentrepreneur trouve dans les institutions de

microfinance (IMF) en général et de microcrédit (IMC) au Maghreb, une solution possible à ses

problèmes de financement. Bien que ces prêts soient principalement basés sur la confiance et le

capital social des emprunteurs, les aléas subsistent. L'absence de garantie matérielle incite les

prêteurs à chercher les informations qui permettraient de réduire le risque. Précédemment115, on a

exposé les raisons théoriques expliquant le comportement des banques vis-à-vis des

microentrepreneurs. Un des principaux apports du microcrédit est d’avoir su y apporter des

réponses en s’adaptant à la spécificité de ce type de clients (majoritairement pauvre, sans garantie,

faible montant emprunté…) en cherchant un substitut au nantissement matériel et des procédés

innovants pour avoir accès à l’information privée détenue par le client.

Plusieurs expériences ont montré le succès des prêteurs "non conventionnels" à prêter à des

populations exclues du système formel et ceci avec des taux de remboursement et

d’autosuffisance financière significativement plus importants que des prêts comparables accordés

par des institutions formelles [Morduch, 1999].

La littérature identifie deux raisons complémentaires pour ce succès : d’une part, plusieurs de ces

institutions de prêt utilisent une méthodologie inspirée par celles des coopératives du milieu du

XIXème siècle ainsi que des mécanismes du prêt informel. Ces programmes demandent aux clients

114 Cf. Chapitre quatrième 115 Cf. 4.3.1.2 ; chapitre quatrième

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement de se constituer en groupes dans lesquels tous les emprunteurs sont solidairement garants des

prêts les uns des autres. D’autre part, ces IMC s’engagent dans une surveillance active de ces

clients et de leurs projets et utilisent la promesse d’une ligne de crédit évolutive pour les "bons"

clients comme une motivation – incitation au remboursement.

Les analyses théoriques du marché du crédit solidaire (crédit aux groupes de caution solidaire) se

concentrent, d’une part, sur l’effet de ce type de prêt, sur la composition et le comportement des

emprunteurs ainsi qu’aux spécificités de cette méthodologie (5.2.1), et d’autre part, sur les

économies de coûts de transaction qu’elle génère comparativement aux prêts individuels (5.2.2).

On abordera également dans le premier point les autres innovations apportées par le microcrédit.

5.2.1 Théories des contrats à caution solidaire et remèdes aux asymétries de l’information

L’asymétrie de l’information intervient lorsque, dans le cadre d’un rapport d’échange, deux agents

économiques ne disposent pas de la même information. La rétention et la déformation de

l’information sont le reflet des conflits d’intérêts qui caractérisent la relation entre le principal et

l’agent. La théorie de l’agence cherche à définir la relation contractuelle optimale entre ces deux

parties. Dans notre cas, il s’agit du rapport entre le prêteur et l’emprunteur. L’emprunteur

(l’agent) dispose d’informations et de compétences non connues par le prêteur (principal) ainsi,

son action est difficilement observable par.celui ci. Le principal dispose de ressources financières

qu’il cherche à employer. Pour ce faire, il cherche à travers un dispositif reposant sur l’élaboration

d’un contrat et la surveillance de son application, à se prémunir contre sa méconnaissance de

l’agent ainsi que contre son comportement opportuniste [Williamson, 1985].

Emprunteur et prêteur sont confrontés à des conflits d’agence qui trouvent leurs origines dans

l’asymétrie d’information et dans l’impossibilité de rédiger des contrats complets en raison de la

rationalité limitée des agents économiques et de l’incertitude. Ces conflits peuvent être aussi bien

de nature pré-contractuelle (ex ante) que post-contractuelle (ex post). Les conflits ex ante sont

induits par un premier type d’asymétrie, la sélection adverse, concerne une information portant

sur l’agent ; la relation entre un prêteur et un microentrepreneur qui sollicite un crédit pour

financer un projet est empreinte de sélection adverse : le prêteur ne peut pas savoir d’une manière

ferme et précise si le microentrepreneur est à même de gérer un projet. Le deuxième type

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement d’asymétrie de l’information, le hasard moral, porte sur l’action que l’agent doit réaliser ex post ;

celui-ci peut consacrer plus ou moins d’effort à gérer son projet.

Ces problèmes d’asymétrie ont été largement débattus dans la littérature économique et sont

également l’un des thèmes de prédilection de la littérature sur la microfinance (voir Ghatak &

Guinnane [1999] pour une revue de la littérature). Dans les relations entre IMC et

microentrepreneurs, l’innovation majeure par rapport aux méthodes bancaires traditionnelles de

gestion des asymétries et du risque est le groupe à caution solidaire. Bien qu’il ne soit pas le seul

mécanisme innovant apporté par la microfinance, il a été le plus traité et formalisé dans la

littérature sur la microfinance [Armendariz de Aghion & Morduch, 2000]. Ceci est sûrement dû

au fait qu’il est la méthodologie de base de la Grameen Bank, la plus connue, médiatisée et

répliquée des institutions de microfinance.

5.2.1.1 La théorie des contrats à caution solidaire

Le crédit à caution solidaire consiste à faire des prêts individuels à des membres d’un même

groupe qui se portent solidairement garants les uns des autres. En cas de défaillance d’un des

membres du groupe, ses pairs s’engagent à payer sa partie ; a défaut, tout le groupe est considéré

comme défaillant et n’est plus éligible pour d’autres prêts.

Après observation des pratiques du terrain, la littérature florissante sur les groupes solidaires

suggère plusieurs explications à la réussite de cette méthodologie116. Quelques auteurs avancent

l’utilisation de l’information privée détenue par les emprunteurs à travers la constitution des

groupes [Ghatak, 1999]. D’autres parlent de la pression sociale et du capital social ; des individus

issus du même quartier ou village et qui partagent une proximité géographique, familiale ou

professionnelle, peuvent contracter un crédit [Besley et Coate, 1999] ; d’autres encore mettent en

avant l’effet efficace et peu coûteux de la surveillance par les pairs [Stiglitz, 1999].

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement

Encadré V-1 : Capital social, "encastrement social" et Social Embededness

Bien que les opinions concernant la définition précise du capital social divergent, celui-ci est lié essentiellement à la confiance (en les individus et les institutions), l'accès à l'information, aux ressources et à l'aide reçue par le biais des relations sociales. Le capital ou réseau social est défini, de manière traditionnelle, comme l’ensemble des liens sociaux connectant des individus entre eux et par lesquels circulent l’information privée [Granovetter, 1973]. Les contrats sont incomplets [Hart, 1987] dans le sens où on peut rencontrer des problèmes non anticipés et non consignés dans le contrat au moment de la mise en œuvre. Pour palier à cette insuffisance, Granovetter considère que les individus sont "imbriqués" dans des relations sociales qui permettent d’avoir des liens de confiance (au-delà du contrat écrit), d’assurer la fiabilité des transactions et la pérennité de la relation.

Plus récemment, les économistes ont appliqué les théories de l’économie de l’information et des

contrats pour expliquer le fonctionnement et la réussite des prêts solidaires. Cette formalisation

se base sur l’idée que dans un contexte d’asymétrie de l’information une institution qui utilise le

crédit solidaire et qui réussit peut traiter les problèmes que rencontre tout prêteur, en utilisant le

apital social et l’information que partagent les emprunteurs. Freixas et Rochet [1997] définissent

la surveillance exercée par un prêteur sur un emprunteur comme ayant trois composantes :

- la sélection des projets a priori dans un contexte de sélection adverse et l’identification de leur

niveau de risque ;

- la dissuasion des comportements opportunistes de l’emprunteur au cours de la réalisation du

projet financé (hasard moral) ; il s’agit de s’assurer que l’emprunteur va utiliser le prêt

conformément aux termes du contrat et donc d’être en mesure de rembourser ;

- l’audit et la vérification de la pertinence des raisons (et de l’authenticité) de l’échec d’un

emprunteur dans l’application des termes du contrat

Ces trois problèmes sont communs à tous les prêteurs et sont au cœur de la théorie de

l’intermédiation financière. Ces relations de surveillance améliorent l’efficacité de la relation

contractuelle de prêteur – emprunteur dans un environnement où règne l’asymétrie.

Conformément aux pratiques bancaires, le prêteur utilise traditionnellement la garantie pour se

prémunir contre le risque de non-remboursement. La responsabilité de l’emprunteur se limite aux

actifs qu’il a mis en gage pour garantir son emprunt. En présumant que la plupart des

emprunteurs potentiels considérés n’ont pas d’actifs à mettre en nantissement, le prêteur n’a pas

c

116 Les groupes de caution solidaire comme solution à la sélection adverse : Ghatak [1999], Ghatak & Guinnane [1999] ; au hasard moral : Stiglitz [1990], Besley & Coate [1999], Armendariz de Aghion [1999], Conning [1996]

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement de recours en cas de défaut de remboursement. La contrainte de responsabilité limitée conjuguée

à l’absence de garantie des emprunteurs fait que les instruments de surveillance et d’obligation

traditionnels sont inefficaces. Elles justifient également le peu d’intérêt des banques pour cette

tranche de la population.

La caution solidaire résout les trois obstacles que rencontrent les banques (ou un prêteur) qui

veulent prêter à des pauvres sans garantie matérielle. Ghatak et Guinnane [1999] ont montré

comment cette méthodologie de prêt utilisé par une grande majorité d’institutions de

microcrédit :

- influence la composition des groupes (Sélection adverse) (5.2.1.1.1) ;

- fait que les membres d’un même groupe influencent la sélection des projets des autres membres

(5.2.1.1.2) ;

- évite un audit coûteux au prêteur (5.2.1.1.3) :

Elle est également utilisée pour résoudre un autre problème qui s’apparente plus aux garanties

qu’à l’asymétrie : la mise en œuvre du remboursement (5.2.1.1.4)

5.2.1.1.1 Sélection adverse et peer selection (sélection par les pairs)

La sélection adverse intervient lorsque les emprunteurs ont des caractéristiques qui ne sont pas

observables par le prêteur mais qui pourraient affecter la capacité de remboursement des

premiers.

Les méthodes traditionnelles pour traiter ce problème d’asymétrie peuvent être directes en

évaluant directement ex ante les caractéristiques du client ou en contrôlant ex post la conformité

aux termes du contrat. Elles peuvent également être indirectes en proposant un contrat incitatif

que seuls les emprunteurs non risqués adopteraient. L’utilisation de l’une ou l’autre des solutions

par le prêteur dépend non seulement de la nature de l’asymétrie mais encore de la possibilité de

les appliquer. Pour les organismes bancaires, la recherche directe d’information -autant ex ante

qu’ex post- concernant l’emprunteur est coûteuse et non garante de bons résultats. L’exigence d’un

nantissement est un moyen usuel pour séparer les bons risques des mauvais. En effet, et en

considérant que les mauvais risques ont plus de probabilité de rater leur projet et de perdre leur

actif en garantie, les prêteurs peuvent proposer deux types de contrats : un premier contrat avec

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement un fort taux d’intérêt et une faible garantie ou un second contrat avec les conditions inverses. Les

mauvais risques prendront le premier contrat et les bons risques le second contrat.

En considérant que les clients des IMC n’ont pas d’actifs à mettre en garantie, ce moyen indirect

de discriminer les emprunteurs est inapplicable. La solution apportée par l’IMC adoptant le crédit

solidaire est d’utiliser le réseau local d’informations détenues par les différents emprunteurs en

transférant le processus de sélection au groupe (peer selection - sélection par les pairs) et en

adoptant des contrats incitatifs qui révèlent la nature de l’information. Cette méthodologie lui

assure un équivalent de traitement autant direct qu’indirect du problème de sélection adverse.

Les prêts groupés jouent un rôle primordial dans le choix et le processus d’appariement des

membres du groupe [Ghatak, 1999]. Les emprunteurs, qui ont des liens de parenté, de profession

ou de voisinage connaissent mieux que quiconque leurs caractéristiques respectives ainsi que

celles de leurs projets et peuvent ainsi avoir une vision claire de leur solvabilité mutuelle que le

prêteur n’a pas117. Ils auront donc intérêt à s’associer avec les microentrepreneurs les plus habiles,

les plus solvables et les plus honnêtes c’est-à-dire les plus à même de rembourser. Tous les

emprunteurs veulent éviter d’avoir à concrétiser la caution solidaire et à payer en cas de

défaillance d’un membre de leur groupe, ils vont donc se choisir mutuellement au regard de cet

objectif et sur la base de l’information qu’ils détiennent. Les emprunteurs solvables vont préférer

des partenaires solvables car ils sont plus enclins à rembourser que les risqués. A l’équilibre, les

groupes seront donc constitués d’emprunteurs de la même catégorie de risque ce qui réduira les

subventions croisées et améliorera l’efficacité des marchés de crédit [Stiglitz, 1990 ; Ghatak,

1999].

Pour effectuer sa sélection parmi les groupes, le prêteur pourrait donc jouer sur la nature du

contrat en faisant varier le couple taux d’intérêt /proportion de la caution solidaire, de la même

manière que les institutions formelles feraient varier le couple taux d’intérêt /montant de la

garantie. Les crédits à forte caution solidaire et à faible taux d’intérêt seront sélectionnés par les

emprunteurs solvables. A l’opposé, les crédits à faible engagement solidaire et à fort taux d’intérêt

échoueront chez les groupes d’emprunteurs risqués ; n’ayant pas pu s’associer avec le premier

groupe, ils ne pourront pas prétendre à un crédit à moins de s’associer entre eux et de se

"rabattre" sur ce qui reste.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement Dans la pratique, les IMC ne vont pas discriminer les emprunteurs à travers l’utilisation des

contrats incitatifs mais plutôt en composant sélection par les pairs et recherche directe

d’information. Ainsi, la sélection des emprunteurs est plus efficace et le taux de remboursement

plus élevé avec la méthodologie de crédit solidaire qu’avec le crédit traditionnel grâce à

l’exploitation de l’information privée qui circule dans le réseau des emprunteurs et à laquelle le

prêteur traditionnel n’a pas accès [Ghatak et Guinnane, 1999].

5.2.1.1.2 Aléa moral et peer monitoring (contrôle par les pairs)

Cette composante de l’asymétrie d’information intervient une fois le prêt octroyé. La réussite du

projet et le remboursement du prêt dépendent de l’action de l’emprunteur ex post : son

implication et son niveau d’effort. Sous les hypothèses de concurrence pure et parfaite,

l’emprunteur choisit son niveau d’effort de façon à ce que le bénéfice qu’il retire d’une unité

d’effort supplémentaire soit égal à son coût marginal. Or dans un contexte d’asymétrie de

l’information et en l’absence de garantie matérielle, l’emprunteur n’internalise que partiellement

les coûts de défaillance du projet ; son niveau de coût et par suite celui d’effort sont plus faibles.

Son action n’est pas visible par le prêteur d’autant plus qu’il est difficile et onéreux pour ce

dernier de vérifier l’implication et la capacité de l’emprunteur à gérer son projet.

Les crédits de groupe créent des mécanismes qui incitent les emprunteurs à ne pas prendre de

risque ni à choisir des projets risqués qui nuiraient à l’organisme prêteur [Stiglitz, 1990 ; Besley &

Coate, 1995]. Selon Armendáriz de Aghion, [1999], il existe une conception optimale des groupes

solidaires pour maximiser le taux de remboursement.

Les institutions utilisant le crédit à caution solidaire "sous-traitent" la surveillance de la bonne

gestion des projets financés aux membres du groupe solidaire et transfèrent le risque vers les

emprunteurs. La théorie de la surveillance par les pairs (peer monitoring) se base sur l’hypothèse que

les membres du groupe ont intérêt à s’opposer à un des membres en cas d’utilisation non

productive du prêt qui menacerait le remboursement et accroîtrait la probabilité d’exercice de la

caution solidaire. Selon le modèle de Stiglitz [1990] et conformément au contrat passé entre le

prêteur et les emprunteurs, si un emprunteur fait faillite, ses pairs devront payer une pénalité

117 Dans ce cas, l’information détenue par les membres d’un groupe solidaire n’est pas synthétisée en une donnée binaire (risqué / non risqué) et puisable dans une base ; elle est au contraire un construit qui se base sur l’agrégation de plusieurs variables qualitatives et quantitatives [Martinet, 1987].

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement (rente de l’aléa moral) ; ainsi l’architecture des groupes de caution solidaire fait que les membres

sont responsables du paiement de leur propre prêt ainsi que ceux des autres membres du groupe.

La réussite de ce système de surveillance à travers l’application de projets de meilleure qualité fait

bénéficier l’IMC d’économies qui pourraient être partagées avec les groupes performants sous

forme de réduction d’intérêt, en contre-partie du surplus de risque qui leur est imposé.

Bien que cette méthode (la surveillance par les pairs) réduise les coûts pour l’IMC, elle n’est pas

sans coûts en général puisque les emprunteurs sont poussés à supporter plus de risque qu’ils ne le

devraient. Stiglitz [1990] a montré que les gains généraux de l’amélioration de la surveillance par

l’utilisation du peer monitoring sont supérieurs aux risques et coûts de l’interdépendance accrue

entre emprunteurs créée par la caution solidaire. En utilisant la capacité des pairs à influencer la

mise en œuvre des contrats et à se contrôler mutuellement, le crédit de groupe permet une baisse

des taux d’intérêt et influence positivement l’utilité espérée et le taux de remboursement.

5.2.1.1.3 Audit, contrôle des déclarations et peer pressure (pression des pairs)

L’asymétrie de l’information fait que le prêteur ne peut pas vérifier l’authenticité des affirmations

de l’emprunteur quand celui-ci annonce qu’il ne peut pas honorer le remboursement d’une ou

plusieurs échéances de son prêt. Au regard de la faiblesse des revenus des clients et en cas de

difficulté au niveau de la microentreprise, le risque de défaillance est renforcé. Il est également

présent, même s’il y a profit ; si le profit de la période est faible, l’utilité de l’unité de revenu est

très élevée et croissante ce qui rend le remboursement très coûteux.

Il y a donc un double problème : la possibilité de fausse déclaration par l’emprunteur et le coût du

contrôle pour le prêteur. Pour les minimiser, le contrat optimal est conclu sous cette forme : du

moment que l’emprunteur paye ses échéances, il n’y a pas d’audit de la part du prêteur. Dès que le

microentrepreneur annonce son incapacité à payer, le prêteur l’audite et est en droit de récupérer

tous les profits ou la production (stock) disponibles. Le contrôle ex post est coûteux. Sa pertinence

dépend de la qualité de l’information recueillie pendant l’audit et de la rapidité et l’efficacité des

sanctions. Si les coûts de l’audit sont élevés et son efficacité hypothétique ex ante, le prêteur peut

considérer qu’il n’est pas rentable de prêter et décide de ne pas contracter.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement Ce cas typique des IMC, du fait de la contrainte de responsabilité limitée (absence de garantie), a

été résolu par ces institutions en utilisant, entre autres solutions, la caution solidaire. En effet, les

membres du groupe ont la possibilité, d’une part, d’exercer cet audit à moindre coût (du fait de la

proximité géographique et professionnelle) et d’autre part, ont tout intérêt à le faire puisqu’ils

sont solidairement responsables du remboursement. Ghatak et Guinnane [1999] ont montré que

les contrats à caution solidaire réduisent les coûts espérés de l’audit et améliorent le rendement.

Dans le cadre de tels contrats, le prêteur peut économiser les coûts de l’audit en évitant d’en

opérer à chaque déclaration de faible profit et de non-paiement de la part échue du prêt d’un des

clients. Il est cependant tenu de le faire dans le cas d’une défaillance du groupe entier118.

5.2.1.1.4 Mise en œuvre du remboursement

Ce dernier problème n’est pas lié à la trame des asymétries informationnelles mais il découle de

l’incapacité du prêteur à sanctionner un client défaillant et donc de l’absence de garantie119. Le

problème de non-remboursement que rencontre tout prêteur est résolu par les IMC, en l’absence

de garantie matérielle, par l’utilisation du crédit solidaire.

Cependant, les auteurs ne sont pas unanimes sur ses effets positifs sur le taux de remboursement

général du groupe. Stiglitz [1990] a analysé l’effet du groupe sur la probabilité de paiement de

l’individu en prenant l’hypothèse réductrice que les membres d’un groupe remboursent s’ils en

sont capables et a conclu à l’effet positif du groupe. Beslay & Coate [1995] ont nuancé ses

conclusions en démontrant que la caution solidaire induit deux effets opposés sur le taux de

remboursement, un positif et un négatif. Le premier effet de cette méthodologie est un avantage

puisqu’elle permet à un membre défaillant ayant un projet avec de faibles rendements de se faire

aider par un autre membre dont le projet réussit et qui tient à garder l’accès à la ligne de crédit. Si

les profits du premier ne sont pas suffisants, l’utilité marginale du revenu est très élevée et le

remboursement est onéreux. Un pair peut choisir d’assumer sa part de responsabilité solidaire s’il

118 Nous avons pu observer au cours d’une visite de terrain à enda inter-arabe (IMC tunisienne) que les agents de crédits utilisent des moyens préventifs pour éviter la procédure d’audit individuel ou de groupe. La veille du jour de remboursement, ils font le tour de leurs clients, entre autres pour les aider à remplir les formulaires, mais surtout pour dissuader le penchant au non-paiement des clients à faible profit. Ils en profitent aussi pour faire un mini audit (observer et poser des questions). En cas de défaillance avérée, ils informent le chef de groupe pour l’exercice de la peer pressure. 119 Il est inclus dans cette section car résolu par la même méthodologie de prêt que les trois autres problèmes des paragraphes précédents.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement a les moyens de le faire pour s’assurer un emprunt futur ; en effet, au sein d’un groupe solidaire,

les conditions contractuelles stipulent que tous les membres sont considérés comme défaillants et

n’ont plus le droit de prétendre à un prêt à défaut du remboursement de la totalité des prêts du

groupe. Dans ce cas, le crédit solidaire agit favorablement sur le taux de remboursement.

Le premier effet ne se réalise que quand le revenu du premier emprunteur est assez élevé (pour

couvrir les deux prêts dus). Dans le cas opposé où cet entrepreneur réussit moyennement et que

son revenu lui permette juste de payer son propre prêt, le désavantage se manifeste. Il sera tenté

de ne pas rembourser son prêt sous l’obligation d’assurer sa part de la caution solidaire d’un pair

défaillant. Dans le cas où l’emprunteur défaillant ne rembourse pas sa part de la caution solidaire,

tout le groupe sera défaillant et n’aura pas accès à un prêt futur. A quoi bon alors rembourser son

propre prêt ! Dans ce cas le prêt individuel est plus avantageux pour le remboursement que le

prêt solidaire car il aurait conduit à une seule défaillance.

Cependant, cet effet peut être modéré par les sanctions sociales si les liens sociaux entre membres

d’un même groupe sont assez forts ; la défaillance d’un membre va empêcher les autres pairs de

bénéficier de prêts dans le futur et justifie la sanction de la communauté. Dans ce cas, le membre

encourt en plus de la sanction bancaire une sanction sociale.

La défaillance peut donc être involontaire ou stratégique. Dans ce dernier cas, l’emprunteur peut

choisir de ne pas rembourser son prêt même si son projet est bénéficiaire ; cette probabilité est

renforcée par un système légal faible et par la pauvreté du client. Besley & Coate [1995] concluent

que la caution solidaire est uniquement efficace sous l’hypothèse de fort capital social.

5.2.1.2 Autres moyens de réduction des asymétries

Bien que les groupes de caution solidaire soient l'innovation la plus médiatisée du domaine du

microcrédit, ils ne sont pas la seule caractéristique qui distingue les contrats de microcrédit de

ceux des institutions bancaires standard. En plus du prêt aux groupes solidaires, les IMC

disposent d’autres moyens pour réduire les asymétries d’information et maximiser le

remboursement [Morduch, 1999 ; Armendariz de Aghion et Morduch, 2000].

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement

5.2.1.2.1 Dynamic incentives (les incitations dynamiques)

Cette méthode permet de maîtriser les problèmes d'informations ex ante et ex post. Un des

premiers moyens est de commencer par accorder des prêts de très petit montant ; l'IMC peut

donc tester les différents emprunteurs. Cette caractéristique permet au prêteur de développer une

relation avec les clients et de les sélectionner avant d'accroître les montants des prêts. Il minimise

donc son risque et ses montants de perte.

Le contrôle ex post consiste à ne pas discriminer les agents quand ils demandent un prêt mais de

les laisser prendre leurs décisions en les informant qu’en cas de contrôle et de dérogation aux

règles préfixées, il y aurait sanction financière. Les IMC ne peuvent pas développer de tels

systèmes basés sur la sanction financière ex post pour dissuader ex ante les microentrepreneurs

dont les projets ne sont pas profitables pour l’évidente raison de manque de ressources

financières de ces derniers ; cependant, les IMC utilisent le contrôle ex post en menaçant les

microentreprises qu’en cas de défaut, elles n’auront plus le droit d’accéder au crédit. Cette menace

peut être efficace s’il n’y pas beaucoup d’IMC concurrentes.

La promesse d’une ligne de crédit, qui évolue au fur et à mesure que le client démontre son

sérieux et son habilité à travers un remboursement "à temps" jumelée avec la menace de ne plus

accéder aux prêts en cas de défaillance ont prouvé leur efficacité sur le terrain autant pour les

prêts groupés qu’individuels. C’est une dissuasion contre la défaillance, une motivation au

paiement mais aussi une manière de fidéliser les clients et de consolider au fur et à mesure les

informations collectées concernant l’emprunteur (cette méthode permet de s’assurer que le client

va utiliser le prêt conformément aux termes du contrat et donc d’être en mesure de rembourser).

Cependant, l’efficacité des dynamic incentives contre le hasard moral est affectée par la compétition

entre IMC et la mobilité des clients (un client peut emprunter et disparaître dans la nature avec

l'argent) ; actuellement, surtout dans les zones urbaines, un emprunteur peut ne pas rembourser,

changer de lieu d’habitation (ou bien aller au village d’à côté) et demander un autre prêt. Pour

remédier à ce problème, au Maroc, un projet de centrale de risque (Credit Checking Data Base) est

en cours sur financement de l’USAID.

Cette méthode peut justifier la préférence de prêt aux femmes. Leur faible mobilité, ainsi que la

moindre importance d'alternative de prêt dont elles disposent comparativement aux hommes,

augmente l'efficacité de cette méthodologie.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement A moins qu'il y ait une incertitude sur la date de fin de la relation de prêt, les dynamic incentives

n'auront pas beaucoup de portée. En effet, en connaissant la durée de l'opération de prêt,

l'emprunteur sera tenté de ne pas rembourser pendant la dernière période. ; le prêteur qui anticipe

cette manœuvre ne va pas prêter pendant la dernière période : l'emprunteur va donc défaillir

pendant l'avant-dernière période et ainsi de suite [Morduch, 1999].

Un autre type de motivation au remboursement consiste à remettre une part des intérêts aux

emprunteurs ponctuels à la fin de leur période de remboursement [Hulme & Mosley, 1996].

5.2.1.2.2 Echéance de remboursement rapprochée et régulière

Quand pour un prêt traditionnel, le banquier accorde une période de grâce et demande des

remboursements mensuels voire annuels, la spécificité du microcrédit réside dans le fait que le

remboursement commence quasiment tout de suite après l'octroi du prêt.

L'idée est de collecter des remboursements réguliers à petits intervalles. La régularité des

paiements permet, d'une part, d'identifier assez tôt les emprunteurs indisciplinés et permet

d'attirer l'attention des agents de crédit et des membres du groupe solidaire sur les problèmes

probables. D'autre part, elle permet de récupérer l'argent avant qu'il ne soit consommé ou

détourné. De plus, les petits montants requis par échéance sont plus conformes aux flux

financiers (cash flows) générés par les microentreprises. Cette condition réduit également le pouvoir

de négociation des emprunteurs qui peut être élevé du fait de la relation qui existe entre l’agent de

crédit et l’emprunteur [Hulme & Mosley, 1996]

Le fait de rencontrer les clients régulièrement favorise le renforcement du capital social des

clients entre eux, d’une part et avec l'IMC, d’autre part ; il favorise également le recueil et

l'actualisation des informations.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement

5.2.1.2.3 Capital social

Le concept de réputation et de capital social est aussi très important pour se prémunir contre les

problèmes d’asymétrie informationnelle120. La menace de perdre la face dans leur quartier ou leur

village motive les clients à rembourser.

Sadoulet [2000] stipule que la garantie sociale utilisée lors des prêts à des groupes n’est pas

suffisante pour assurer un fort taux de remboursement ; le renforcement de la relation avec l’IMC

à travers les relations avec l’agent de crédit est plus efficace pour réduire les problèmes de

sélection adverse et de hasard moral. En organisant des réunions et des visites chez les clients

avant l’approbation d’octroi de crédit, l’agent peut récolter directement de l’information

concernant le client en observant son environnement (son niveau de richesse, sa famille …). La

réduction des problèmes de sélection adverse mais aussi de hasard moral peut aussi se produire

par une recherche directe d’informations sur le terrain en faisant une petite enquête dans le

quartier du client potentiel et en posant des questions sur son honnêteté, son habileté dans son

travail, sa réputation…

C’est ce que font les agents de crédit d’Enda avant la décision d’octroi et pour une première

demande de prêt. Dans cette même IMC, le renforcement de la relation agent – client passe aussi

par des relations de proximité. En effet, les agents de crédits sont issus du même grand quartier

que leurs clients ; ils ont donc accès à une partie de l’information privée mais aussi, ils tissent et

étoffent des relations qui font que l’agent jouit d’un statut particulier lui permettant d’exercer une

pression en cas de non-remboursement.

120 Cf. Encadré V-1

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement 5.2.2 Les coûts de transaction

Les coûts de transactions démesurés engendrés par l’octroi et la gestion de petits projets à une

population de microentrepreneurs pauvres est l’une des principales raisons qui décourageaient les

banques et autres institutions formelles de les inclure parmi leurs clients. Dans un processus de

prêt, les coûts de transaction peuvent être définis comme étant des coûts non financiers encourus

par les prêteurs et les emprunteurs avant, pendant et après l'octroi du prêt.

Les coûts que subit le demandeur de crédit font référence aux coûts strictement financiers et à

l’usage du temps qui implique des coûts de transaction [Williamson, 1994]. Pour le client d'une

IMC, ces coûts comportent la négociation avec le prêteur pour définir les termes du contrat de

prêt, remplir des papiers administratifs, le déplacement pour aller et rentrer du siège ou agence de

l'IMC, le temps passé dans l'évaluation du projet et les réunions à l'IMC. Si en plus il fait partie

d'un groupe solidaire121, les coûts de transaction incluent les coûts relevant du processus de

recherche et de sélection des pairs et la formation du groupe, des négociations pour se mettre

d'accord avec les membres sur les règles de fonctionnement du groupe, de surveillance des pairs,

d'application des règles de fonctionnement et de mise en œuvre du remboursement. Pour

l'institution de microfinance les coûts de transaction comportent les coûts de recherche des fonds

à prêter, de la conception des contrats de crédit, de l'évaluation de la faisabilité des projets, de

l'évaluation des demandes de prêts, de la formation des agents de crédit et des clients, du contrôle

et de la mise en œuvre les contrats de prêts [Bhatt et Tang, 1998].

La capacité à réduire les coûts de transaction pour le prêteur et pour ses clients est un facteur

primordial dans la conception des programmes de microcrédit. Pour le prêteur, c'est un des

moyens les plus sûrs, efficaces et rationnels d’atteindre la viabilité financière et d’assurer l’étendue

des opérations (outreach). Pour l'emprunteur, cela lui permet un accès plus abordable au crédit.

Le taux appliqué par l’IMC et supporté par le client internalise en plus du coût de l’argent, les

coûts de transaction du client mais également ceux de l’IMC. Pour agir sur le taux d’intérêt

pratiqué, l’IMC ne peut agir que sur la deuxième composante, à savoir les coûts de transaction ;

plus elle ramène les coûts de transaction à leur niveau le plus bas, plus elle baisse les taux

d’intérêt. Dans ce cas, le taux de rendement requis des projets financés pour réaliser un profit est

121 Ce qui est le cas d'une grande partie des clients des IMC maghrébines surtout s'ils sont nouveaux.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement bas, le nombre d’investissements rentables est élevé et l’étendue et la portée du programme de

prêts est large [Hulme et Mosley, 1996].

La littérature florissante sur les groupes solidaires suggère la réduction des coûts de transaction

comme explication à la réussite de cette méthodologie. La caractéristique la plus importante d'un

groupe solidaire est sa capacité à trouver des appariements institutionnels dont le but est d'aider

le prêteur et l'emprunteur à faire des économies sur les coûts de transaction induit par l'activité de

microcrédit.

Avant la conclusion du contrat, sélectionner les emprunteurs potentiels et évaluer les garanties est

une activité coûteuse pour le prêteur ; la transférer au niveau du groupe, qui base sa décision sur

ses connaissances de la réputation, des compétences et du contexte personnel de l'emprunteur

potentiel assure des économies à l'IMC [Ghatak, 1999]. En utilisant les groupes solidaires, les

prêteurs sont également capables de transférer la charge d'administration et de contrôle des

prêts122 ainsi que celle de mise en œuvre du remboursement en cas de défaut, en faisant jouer la

garantie solidaire et la peer pressure. De plus, le fait d'avoir comme interlocuteurs des groupes et

non pas des individus séparés, donne la possibilité aux agents de crédit d'avoir un portefeuille de

clients plus important et fait gagner du temps à l'IMC.

De même, les emprunteurs font des économies de coûts de transaction en économisant le temps

consacré à remplir de nombreux formulaires et chercher les justificatifs, à subir les évaluations du

projet et surtout à chercher et à faire évaluer une garantie. Ils économiseront aussi le temps passé

à attendre la réponse. En effet, les institutions de microcrédit répondent en un temps record alors

que les banques prennent beaucoup plus de temps123.

Le gaspillage des coûts de transactions nuit autant au microentrepreneur qu'à l'IMC. Les clients

qui payent de forts taux d'intérêt ne font que subventionner l'inefficacité de leur programme de

prêt [Otero & Rhyne, 1994].

L’ampleur des coûts de transaction subis par l’IMC varie contrairement au niveau de la

responsabilité jointe des emprunteurs. Bhatt & Tang [1998] démontrent que les programmes qui

octroient un prêt à un groupe avec caution solidaire sont ceux qui génèrent le moins de coûts –

122 Les membres d'un même groupe ont une connaissance plus approfondie de leurs activités mutuelles que le prêteur. 123 A titre d'exemple, Enda répond au bout de 4/5 jours pour une première demande et le lendemain pour un renouvellement.

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Chapitre cinquième : Le microcrédit : une solution au financement contrairement à ceux qui octroient des prêts individuels à garantie individuelle et où le groupe ne

sert qu’à apporter l’information. La méthodologie de prêt appliquée influence les économies

induites ; mieux l’IMC s’insère dans le cadre social, économique et politico-légal de la région où

elle est implantée, plus elle est efficace d’un point de vue financier et organisationnel. En effet,

ces mêmes auteurs stipulent que les programmes les plus économes sont ceux qui agissent dans

un environnement à fort capital social. « Les IMC de caution solidaire sont des institutions construites par

et autour du capital social » [Bhatt & Tang, 1998].

Cette problématique de réduction des coûts de transaction pour l’IMC rejoint les stratégies qui

visent à construire des institutions de microcrédit viables et durables, ce qui implique la

maximisation de la couverture, de la portée du programme et l’atteinte de l’autosuffisance.

La collecte de l’épargne et l’accès à des sources de crédit commerciales pour l’IMC ont été

considérés comme cruciaux pour la pérennité des programmes ; une approche qui se concentre

sur les économies de coûts de transaction, démontre leur rôle primordial dans la détermination de

l’efficience et de la viabilité des IMC [Bhatt & Tang, 1998].

Encadré V-2 Coûts de transaction des IMC et des prêteurs informels

Hulme et Mosley [1996], à travers leur étude de 6 IMC (Bolivie, Indonésie, Malawi et Bangladesh), ont montré que le taux moyen des coûts de transaction de l’échantillon était de 22% de la valeur totale des prêts par an, contre 21,5% pour le prêteur informel ; les IMC, en s’inspirant des méthodes de prêts des prêteurs informels, ont atteint des niveaux de coûts de transaction comparables. Les coûts financiers s’élèvent à 31% de cette valeur ce qui élève le coût total du prêt à 53,7% en moyenne pour les IMC contre 93,5% pour le prêteur informel. Ce coût total varie dans l’échantillon étudiée de 105% en Indonésie (KURKs) à 31,6% au Bangladesh (TRDEP).

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CHAPITRE PREMIER

Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

Rationalité économique des microentreprises, adaptation et minimisation des coûts

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

CHAPITRE SIXIEME

MESURER L’EFFICACITE

DU MICROCREDIT

Des études du milieu des années 1990 [Hulme & Mosley, 1996] ainsi que l'échec de plusieurs

programmes ont raisonné les premiers engouements pour la microfinance et dissipé l'illusion

d'une solution miracle et universelle contre la pauvreté dans le monde.

Les premières réflexions, au-delà de la création, de l’expérimentation et de la réplication des IMC,

ont été les réflexions du début des années 1990 rattachées dans un premier temps à s’assurer de la

pérennisation de l’activité c’est-à-dire de la capacité institutionnelle, organisationnelle et financière

des IMC à se maintenir dans le temps. Une fois la pérennité étudiée et encouragée, dès le milieu

des années 1990, l’intérêt des praticiens et des chercheurs s'est transféré de l'institution pour se

concentrer sur le bénéficiaire de ses services. Les premières études d’impact sur les bénéficiaires

cherchaient à mettre en évidence et à évaluer l’utilité ou l’apport social des institutions en terme

d’amélioration des revenus et de niveau de vie. Puis, petit à petit, l'approche s'est orientée vers

une approche par le marché avec un approfondissement de la connaissance des clients pour

adapter les pratiques et les produits à leurs attentes afin de mieux développer l'institution. L’étude

de l’impact s’apparenterait plus à une étude de marché qui guiderait l’institution dans sa définition

d’un cadre stratégique de développement en prenant en compte les besoins et les remarques des

clients actuels et anciens. A titre d’exemple, la méthodologie AIMS (Assessing the Impact of

Microentreprise services) de SEEP Network, enquête les clientes actuelles mais aussi les sortantes

pour identifier les raisons de leur mécontentement et récolter leurs suggestions.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Selon que l’on adopte le point de vue de l’une ou de l’autre des écoles de pensées en

microfinance, l’efficacité d’une IMC serait mesurée par son efficacité financière qui mène à sa

pérennité ou par son impact direct sur les bénéficiaires. Le premier courant, celui des institutionists,

défend l’autonomie à travers une vision orientée vers le marché et centrée sur l’institution ; le

deuxième courant, celui des welfarists, nuance cette approche et introduit une vision basée sur le

bénéficiaire, individu ou ménage.

Leurs méthodes d'évaluation des effets de leurs programmes diffèrent. Pour les institutionists, la

mesure de l’efficacité de l’intervention passe par un proxy, la rentabilité ; ils jugent la réussite à

travers l'autosuffisance financière du programme en rejetant le recours aux subventions et basent

leur stratégie sur des hypothèses fortes quant à la portée et l’impact positif de la microfinance.

Les welfarists estiment les programmes à travers leur impact sur la pauvreté et l'amélioration des

conditions de vie des bénéficiaires tout en cherchant la viabilité à travers la gestion rationnelle des

ressources (y compris les subventions) que nous qualifions d’efficience (Graphique VI-0).

Graphique VI-0 Efficacité du microcrédit : les deux courants

Mesure de l’efficacité du microcrédit

Institutionists Welfarists

IMC efficace = IMC viable IMC efficace = IMC ayant un effet positif sur les bénéficiaires

Viabilité ImpactAutosuffisance

financièreAmélioration

des conditions de vie

Gestion efficiente

Taux de remboursement

Composé par nos soins

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

La première section, est consacrée à l’approche du premier courant de pensée qui, échaudé par

l’expérience des programmes étatiques subventionnées, encourage les activités de microfinance

avec une attention particulière pour les institutions engagées à allier prêts accordés aux pauvres et

souci de stabilité financière (outreach and sustainability) ; l’autonomie financière est devenue

synonyme de bonne performance autant au niveau de l’institution qu’au niveau de son impact sur

ses clients. Cette approche est illustrée par une analyse financière de cinq institutions

maghrébines, au regard du paysage du microcrédit au Maroc et en Tunisie, pour déterminer si

l’absence de subventions est bien un impératif d’efficacité d’une institution de microcrédit (IMC).

La deuxième section est consacrée à l’approche du deuxième courant de pensée qui se concentre

sur une amélioration rapide des conditions de vie de la clientèle, même au frais d’un large recours

aux subventions, bien qu’il insiste sur la rationalité de la gestion des ressources. Cette approche

est illustrée par une étude économétrique sur un échantillon de clients d’une IMC marocaine, sur

lesquels un impact positif a déjà été prouvé, afin d’identifier les déterminants de cet impact au-

delà de la participation au programme.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.1 Viabilité des institutions de microcrédit

Le courant dominant en microfinance est hostile au fait de subventionner les institutions qui

fournissent de tels prêts et prône leur autonomie financière. Les travaux de l’Ohio State University

vont dans ce sens-là : leur ouvrage "Undermining rural development with cheap credit" [Adams, Graham

&Von Pischke, 1984] qui a fait date, résume bien ces idées et base le processus historique qui a

mené à la naissance du microcrédit et de ses institutions sur une contestation des systèmes et

programmes gouvernementaux fortement subventionnés et ciblés, ainsi que sur la recherche de

l’autonomie financière. Cette indépendance par rapport aux subventions est érigée en but par les

dites institutions sous l’impulsion des bailleurs de fonds et des organisations internationales.

Depuis 1980, le champ de la microfinance a évolué. Les bailleurs de fonds encouragent les

activités de microfinance avec une attention particulière pour les institutions engagées à allier

prêts accordés aux pauvres et souci de stabilité financière (outreach and sustainability). Cet

encouragement pour les institutions indépendantes et autonomes concrétise la rupture avec la

logique d’assistance véhiculée par les programmes de développement des années 1970. De ce fait,

l’institution "idéale" est celle qui arrive à toucher le maximum de clients, les plus pauvres, tout en

étant indépendante de l’aide extérieure et des subventions.

L'influence de l’Ohio School sur les stratégies opérationnelles des bailleurs de fonds et des

organisations internationales124 a encouragé l’émergence et la diffusion des "Best

Practices", approches par le marché largement diffusées et suivies comme modèles par les IMC.

Ces approches, quoique pertinentes sur le fond, doivent être nuancées ; dans plusieurs

programmes étudiés par Hulme & Mosley [1996], le taux d'intérêt appliqué aux clients a été réduit

et l'institution devenue soutenable, non à travers les forces du marché mais par un apport de

subventions externes125.

Le principal argument des partisans de ces approches est que les IMC doivent être viables pour

continuer à servir les clients qui n’ont pas d’autres possibilités d’emprunts par ailleurs. Au regard

124 Influence qui s’exerce, entre autres, à travers l’appartenance d’un des membres de l’Ohio State University (J.D. Von Pischke) à la Banque Mondiale [Hulme & Mosley, 1996]. 125 C’est également le cas pour notre échantillon d’IMC maghrébine.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

de la non élasticité de la demande par rapport au taux d’intérêt126 [Christen, 1989 in Otero et

Rhyne, 1994, Adams & alii, 1984], les IMC se doivent d’appliquer des taux d’intérêt qui reflètent

le coût des prêts pour, d’une part, assurer leur viabilité et d’autre part, montrer que prêter aux

pauvres peut être rentable, ce qui va accroître le nombre de prêteurs et réduire tout profit de

monopole127.

Une rupture totale et définitive avec la mauvaise expérience des programmes étatiques

subventionnés des années 1960-1970 est prônée. Inefficace du point de vue de l’allocation des

ressources, affaiblissante pour les institutions, déficitaire, manquant d’autonomie, à portée limitée,

clientéliste, instrumentalisée par la politique mais surtout ne réalisant pas les buts pour lesquels

elle a été conçue, à savoir le développement rural ; cette méthodologie doit être troquée contre la

doctrine "zéro subvention" [Adams & alii, 1984 ; Otero & Rhyne, 1994].

Dans cette section nous exposons les positions des deux principaux courants en microfinance vis-

à-vis de l’autonomie financière et du recours aux subventions. Le premier courant, celui des

"institutionists", défenseur de l’autonomie défend une vision orientée vers le marché et centrée sur

l’institution. Le deuxième courant, celui des "welfarists", nuance cette approche et introduit une

vision basée sur le bénéficiaire, individu ou ménage. Nous abordons en premier lieu les

différentes étapes de transformation d’une IMC vers une institution pérenne selon que l’analyse

prenne en compte le cycle de vie de cette institution (6.3.1.1) ou son accession à l’autosuffisance

financière (6.3.1.2). En deuxième lieu, nous présentons les positions des deux écoles de pensées

citées précédemment, concernant les moyens à mettre en œuvre pour accéder à la viabilité, ainsi

que les questionnements sur la pertinence de la recherche de la viabilité : ne doit-on pas se

concentrer sur la population bénéficiaire ? Doit-on privilégier l’innovation au service des forces

du marché ou les subventions pour assurer une transition douce de l’institution en mettant

l’accent sur le degré de pauvreté de la population bénéficiaire ainsi que sur l’efficience dans la

gestion des ressources ?

Cette partie s’achève par l’étude des performances financières et la viabilité, du point de vue des

"institutionists", de cinq IMC maghrébines (quatre marocaines et une tunisienne) au regard du

paysage de la microfinance au Maroc et en Tunisie.

126 Les bénéficiaires sont plus sensibles à la disponibilité du crédit qu’à son prix. 127 Comme dans tout autre marché, quand il y a concurrence entre IMC (ce qui est le cas au Maroc mais pas en Tunisie), il y a des pressions pour améliorer les services et réduire les coûts.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.1.1 Quelles conditions doit satisfaire une IMC pour être viable ?

Les recherches traitant de la pérennisation se basent sur une étude du cycle de vie de l’institution

[Otero & Drake, 1993 in Labie 1996] ou sur sa dépendance à l’égard des subventions [Otero &

Rhyne, 1994].

6.1.1.1 L’approche en terme de cycle de vie

Cette approche, susceptible de refléter la transformation d’une institution d’appui en une

véritable institution d’intermédiation financière, citant trois niveaux dans le développement d’une

telle institution qui se base sur une évolution du « mode de fonctionnement ». Le premier niveau

est une phase de « démonstration », durant laquelle l’institution fait la preuve qu’il est possible de

prêter aux pauvres en adoptant un mode de fonctionnement adéquat à son environnement et ses

contraintes, qu’elle déterminera et affinera au fur et à mesure de son expérience. Pendant la

deuxième phase dite de « seconde génération », l’institution qui a atteint une certaine maturité

conforte son mode de fonctionnement afin de tendre vers l’autonomie. La troisième phase est

celle de « développement opérationnel lié à l’expansion », pendant laquelle l’institution commence

à s’interroger sur sa fonction et son statut d’intermédiaire financier ; au cours de cette dernière

période, la transformation en une véritable banque destinée aux pauvres peut être envisagée.

Durant ces trois phases, sept variables devraient évoluer pour permettre à l’institution d’atteindre

la pérennité et l’autonomie : la fonction de direction, la clientèle, les sources de financement, la

méthodologie pour la prestation de services financiers (le mode de fonctionnement), la gestion

financière, l’autonomie et la formation du personnel128.

Les arguments susceptibles d’être déterminants pour la pérennisation et l’autonomie de ces

organismes s’articulent autour de trois thèmes : l'institutionnalisation et le rapport à

l’environnement réglementaire, l’appropriation et le transfert de gestion, la viabilité financière

comme indication de l'utilisation efficace des ressources. L’octroi de crédit doit se baser sur des

principes financiers sains selon des techniques visant à maximiser le taux de remboursement. La

dimension institutionnelle consiste à comprendre les besoins des clients ; l’accroissement de

128 Une combinaison de ses variables se retrouve dans les méthodologies de notation (rating) financier des IMC à l’exemple de CAMEL de Acción International (capital, qualité des actifs, management, bénéfices et salaires, gestion des liquidités) ou GIRAFE de PlaNet Finance (Gouvernance et processus de décision, Information et équipement, Risques : identification et contrôle, Activités : produits et services, Financement et liquidité, Efficacité et rentabilité).

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

l’efficacité par la baisse des coûts administratifs sous-tend cette approche et se concentre sur

l’exigence d’atteindre l’autosuffisance financière, considérée comme un pré-requis à la pérennité

et à l’accroissement de la portée des services financiers fournis.

6.1.1.2 L’accession à l’autonomie financière

L’enjeu de la pérennité peut être abordé sous un autre angle, en considérant la viabilité comme

une fonction directe de l’autosuffisance financière, elle-même fonction des subventions

nécessaires pour le fonctionnement des programmes (Graphique VI-1). Ainsi, le premier niveau

concerne « les programmes traditionnels bénéficiant d’importantes subventions » [Otero & Ryhne, 1994]. Ces

subventions couvrent le coût de fonctionnement et alimentent le fonds de prêt qui s’érode sous

l’effet de l’inflation et du non-remboursement des clients. A ce stade, les revenus de l’activité sont

inférieurs aux coûts de fonctionnement

Les institutions du deuxième niveau où « le produit des intérêts couvre le coût des fonds et une partie des

dépenses de fonctionnement, mais des subventions restent nécessaires pour financer certains éléments des

opérations », empruntent en dessous des taux de marché.

Dans le troisième niveau « la plupart des subventions sont éliminées, mais les programmes peuvent difficilement

se passer de certains éléments de subventions ». Cette étape est nécessaire pour accéder à un volume

d’opérations à grande échelle.

Les institutions qui atteignent le quatrième niveau sont « entièrement financées à partir de l’épargne des

clients et des fonds levés à des taux commerciaux auprès des institutions financières formelles ». Très peu de

programmes ont atteint ce quatrième niveau. La majorité de ceux qu’on considère comme réussis

se situent en général au troisième niveau (la Grameen Bank). Le passage des organismes du

troisième niveau au quatrième est considéré comme une condition essentielle à la pérennité.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

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Graphique VI-1 La pérennité des programmes : subvention et autosuffisance financière

que suppose l’apport de crédit aux microentrepreneurs. Il en résulte un problème : même si les

IMC pratiquent des taux d’intérêts élevés, l’équilibre financier n’est pas garanti. La solution dans

ce cas est d’appliquer une méthode de gestion rigoureuse et un modèle d’organisation interne qui

favorise la minimisation des coûts, l’optimisation des performances et la maîtrise des risques.

Composé par nos soins d’après Otero & Rhyne [1994]

L’autosuffisance financière n’est atteinte que si les produits financiers de l’IMC (principalement

les intérêts et les commissions) couvrent le coût de mobilisation des fonds, le coût de gestion des

prêts octroyés, le coût de gestion des risques (risque d’impayés, coût de recouvrement) et

l’inflation. L’élément-clé de toute stratégie à long terme c’est l’existence d’un différentiel positif et

élevé129 entre le taux auquel l’IMC se procure des fonds et le taux auquel elle les prête, de façon à

couvrir ses charges de fonctionnement directes et indirectes.

Au Maghreb, même dans ces conditions, très peu de programmes seraient en mesure de dégager

un différentiel suffisant s’ils devaient uniquement se financer au taux du marché, et ce en raison,

d’une part, du fait qu'ils ne peuvent pas raisonnablement dépasser un certain seuil (fixé par la loi

ou accepté par les bénéficiaires) et, d’autre part, en raison des coûts administratifs et de gestion

129 Ce différentiel est en moyenne de l’ordre de 15 à 20% en Afrique de l’Ouest [Ministère de la coopération, 1996].

1

Les programmes bénéficient

d’importantes subventions

2

Le produit des intérêts couvre le coût des fonds et une partie des dépenses de fonctionnement, mais des

subventions restent nécessaires pour financer

certains éléments des opérations.

3

La plupart des subventions sont

éliminées, mais les programmes peuvent difficilement se passer de certains éléments

de subventions.

4

Le programme est entièrement financé à

partir de l’épargne de ses clients. Les fonds sont

levés à des taux commerciaux auprès des institutions financières

Faible autonomie financière Forte autonomie financière

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.1.2 Atteindre la viabilité : autosuffisance financière versus subvention et innovations

Le mouvement de la microfinance recouvre deux courants portés par un même engagement en

faveur des populations défavorisées à travers l’octroi de crédit aux microentreprises. La différence

réside dans les approches philosophiques pour atteindre cet objectif, le type des institutions, les

clients visés et les modes d’octroi. Pour les "institutionists", la viabilité passe nécessairement par

l’accès à l’autonomie financière ; les "welfarists" s’attachent à la maîtrise des coûts et à l’application

des innovations financières même si leur mise en œuvre requiert de faire appel aux subventions.

6.1.2.1 Les deux écoles : différences et similarités

Le premier courant est celui des tenants de l'approche en termes de "performance du marché"

[Adams, 1993], également appelés "institutionists" [Woller & alii, 1999]. Ce courant cherche

l’approfondissement financier à travers la création d’un système durable d’intermédiation

financière consacré aux pauvres. Il met l'institution au centre de son attention comme moyen

d'atteindre son objectif.

Au regard de l’étendue de la pauvreté et de la demande, les "institutionists" croient en la nécessité

de l’intervention à grande échelle qui demande des ressources financières au-delà de ce que

peuvent fournir les bailleurs de fonds. C’est à partir de cette reconnaissance de la rareté des fonds

qu’a émergé l’intérêt pour l’autosuffisance financière. Les bailleurs de fonds nationaux ou

internationaux n'étant pas fiables, le seul moyen d’avoir les ressources financières dont on a

besoin est de recourir aux sources privées (épargne, dettes commerciales, fonds propres et capital

risque). Pour y accéder, une gestion rigoureuse, transparente et efficace est requise ; mais surtout

il faut une institution profitable. En raison de la place privilégiée qu’occupe l’autosuffisance, le

recours aux subventions est à bannir.

Le deuxième courant est celui des "welfarists" [Woller & alii, 1999] encore appelé "projet de crédit"

[Adams, 1993]. Ceux-ci sont moins intéressés par l'exercice de l'activité bancaire en tant que telle,

que par l’utilisation des outils de cette activité, même si ces services requièrent l’utilisation de

subventions. Ils mettent l’accent sur le niveau de pauvreté des clients (depth of outreach) et se

concentrent sur l’amélioration rapide des conditions de vie des participants même au frais d'un

large recours aux subventions. Ils ne s’abstiennent cependant pas d’avoir une activité rentable.

265

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Chacun des deux courants a peur que la méthodologie prônée par l’autre courant n’entrave la

réalisation de l’objectif, par ailleurs commun, de réduction de la pauvreté. En cherchant à réaliser

ce même objectif, les deux courants ne définissent pas les pauvres de la même manière et ne

visent pas, en définitive, les mêmes catégories de cette population. En effet, les "institutionists" ont

pour clientèle de prédilection les microentrepreneurs très proches de la ligne de pauvreté,

concentrés géographiquement, ayant des activités à haut rendement et à court cycle de

production. Ces clients peuvent payer les taux d'intérêt exigés par les institutions autonomes car

leurs activités sont rentables. De plus, ils sont moins risqués et plus concentrés ce qui permet une

réduction des coûts et un accès plus facile à l'autosuffisance. Par contre, les "welfarists" cherchent

à toucher un autre segment, les très pauvres, généralement plus risqués, moins accessibles

(composés de ruraux, vivant dans des zones enclavées...). Ce segment requiert donc plus

d’investissement et engendrent des coûts plus importants, qu’il parait suicidaire aux institutions

de vouloir totalement les faire subir aux bénéficiaires [Stiglitz & Weiss, 1981]. Il semble donc

difficile de ne pas avoir recours aux subventions.

De plus, leurs méthodes d'évaluation des effets de leurs programmes diffèrent. Pour les premiers,

la mesure de l'impact social passe par un proxy, la rentabilité ; ils jugent la réussite à travers

l'autosuffisance du programme130 [Otero & Ryhne, 1994]. Les seconds estiment les programmes à

travers leur impact sur la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie de la population131

[Morduch, 1998 ; Woller & alii, 1999]. Cette opposition est bien illustrée par la citation de Hulme

& Mosley [1996] « Jusqu’au moment où les critiques et les critiqués ne se décident à utiliser la même unité de

mesure, on n’assistera pas à une réconciliation de sitôt » 132.

La structure institutionnelle et financière des institutions diffère également selon les courants.

Dans la pratique de la microfinance sur le terrain, la différenciation des courants présentée dans la

littérature n'est pas aussi nette et stricte. On ne retrouve pas d'une part les tenants de l'approche

"projet de crédit" mettant l'accent sur l'emprunteur mais ignorant les conditions de viabilité de

l'activité financière et d'autre part les tenants de l'approche "performance du marché" qui fondent

leur approche sur l'offre de l'intermédiation financière, le long terme, la pérennisation de l'activité

(…) en mettant le bénéficiaire au second plan [Adams, 1993]. Le clivage sur le terrain ne se

présente pas non plus sous la forme de deux groupes : les "institutionists" qui mettent l'institution

130 On a adopté le point de vue des "institutionist" pour évaluer cinq IMC maghrébines à travers une étude financière (Cf. section 6.1.3). 131 Cf. section 6.2 "Les déterminants de l’impact du microcrédit sur la microentreprise". 132 "Until critics and criticized are using the same yardstick, little reconciliation can be expected" [Hulme & Mosley, 1996]

266

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

au cœur de leur préoccupation et qui privilégient la portée en terme de nombre de clients au

détriment de la profondeur en terme de niveau de pauvreté des clients ; les "welfarists" qui mettent

le ménage au centre de leurs préoccupations en insistant sur l'amélioration rapide du bien être des

participants et qui sont moins intéressés d'avoir une activité bancaire [Woller et alii, 1999].

Fondamentalement, les deux approches ne sont pas incompatibles et, sur le terrain, les IMC

réconcilient les deux visions.

La viabilité a été rattachée, dans la plupart des cas, à l'autosuffisance financière. Or, sur le terrain,

plusieurs institutions ont montré que l'efficience est une étape nécessaire, qui peut être suffisante

pour la pérennité de l'institution.

Les IMC doivent, en premier, être efficaces et maîtriser leurs coûts. Les innovations financières

apportées par la microfinance sont au service de cet objectif et se subdivisent en méthodes

directes et indirectes133 [Hoff & Stiglitz, 1990]. Les méthodes indirectes, à travers les prêts aux

groupes solidaires, consistent à concevoir des contrats qui feraient correspondre les intérêts des

prêteurs avec ceux des emprunteurs. Les méthodes directes dépendent des ressources que

voudrait bien consacrer le prêteur pour sélectionner, motiver les emprunteurs et faire appliquer le

remboursement (dynamic incentives, échéance de remboursement rapprochées). En accroissant ses

dépenses administratives, le prêteur s’attend en contre-partie à une baisse du taux de défaillance.

6.1.2.2 Nécessité de recourir aux subventions

Dans un marché du capital imparfait, des cas peuvent exiger le recours de quelques institutions

aux subventions ; comme par exemple pour aider une institution à démarrer ou bien en contre-

partie d’externalités positives induites par les innovations [Hulme & Mosley, 1996].

Durant les premières années et lors du cheminement de l'institution vers la maturité, deux

solutions se présentent à elle pour assurer son succès et sa pérennité. La première inclut un

investissement, financé par les subventions, dans l'infrastructure administrative, les

méthodologies de réduction des risques et le système de récolte des remboursements pour

amener et conserver le taux de défaillance à un niveau bas. Le capital "information" accumulé

durant cette période, va permettre à l'institution de faire le tri parmi ses clients : accroître le

montant des prêts pour ceux qui se sont révélés solvables et éliminer du programme ceux qui ne

le sont pas. Cette sélection basée sur la révélation de l'information privée détenue par les clients

133 Pour les méthodes indirectes se reporter à la partie 4.2.1.1 et pour celles directes à 4.2.1.2

267

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

268

va permettre, d'une part, la croissance du prêt moyen et, d'autre part, l’augmentation du taux de

remboursement réduisant ainsi les coûts administratifs et rapprochant l’IMC de l’autonomie.

La deuxième solution consiste à s'aider par un système de subvention pour faire face au problème

de défaillance et éponger les arriérés. Cette dernière solution n'est pas soutenable sur le long

terme si les taux de défaillance restent élevés car, dans ce cas, la subvention risque de financer

l’inefficacité de l’IMC et d'instaurer un comportement de recherche de rente (rent seeking).

Graphique VI-2 Clients des IMC et niveau de pauvreté

Non pauvres

Composé par nos soins

Un autre cas de figure qui exige le recours aux subventions est la compensation des coûts, plus

importants, engagés par les institutions qui servent des populations plus risquées comme les très

pauvres ou les ruraux. Les clients des IMC se trouvent de part et d’autre du seuil de pauvreté.

Bien que la majorité des clients des IMC autosuffisantes ne fasse pas partie des plus pauvres,

celles-ci comptent une bonne part de clients qui font partie des 50% supérieurs (les pauvres)

(graphique VI-2) [Fernando, 2004]. Ce choix de servir des microentreprises d’un certain niveau

de richesse avec un certain type d’activité et de cycle de production, peut s’expliquer par les

conditions d’autosuffisance et de non-recours au subvention qui leurs sont imposées.

Servir les très pauvres est effectivement plus coûteux que servir les pauvres [Fernando, 2004]. On

peut en déduire que plus les clients sont pauvres (même si on reste dans l’intervalle des 50% les

plus proches de la ligne de pauvreté) plus les services sont chers (graphique VI-2). En effet, le

montant des prêts pour les plus pauvres est plus faible ; le niveau du risque n’est pas le même

pour tous. Plus on s’éloigne de la ligne de pauvreté (vers le bas) plus le risque augmente

(environnement moins favorable, capacité limitée de saisir les opportunités économiques,

conditions d'isolement communautaire, absence d'infrastructure, de marché et d'emploi...) ; la

demande n’est pas aussi fréquente et est intermittente (pas d’économie d’échelle), la flexibilité

nécessaire pour traiter avec des clients à faible capacité d’épargne et de remboursement exige plus

de moyens. Au regard de toutes ces raisons, les coûts de transactions totaux ainsi que ceux de

.

Seuil de pauvreté Pauvres

Très pauvres

.. . . .

...

.

..

.

Coût du prêt

-

+..

. . .

. . .

. . . .

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

fonctionnement tendent à être plus élevés. Si l’IMC veut couvrir ses coûts par ses produits, elle

doit appliquer un taux d’intérêt plus élevé que celui appliqué à des clients moins pauvres.

Dans ce cas, plus les clients sont pauvres, plus les taux d’intérêts appliqués sont élevés, mais plus

grande est l'incapacité de ces clients à payer de tels taux.

La faible demande en produits financiers combiné au coût très élevé de la mise en place des

services font qu’à terme les plus pauvres ne pourront pas financer le maintien du service. Ceci

démontre, du point de vue de l'orthodoxie, la difficulté de servir les plus pauvres sur une base

durable ; la solution proposée est d'évincer ce type de clients en avançant la nécessité des

programmes sociaux et en invoquant que les besoins des très pauvres ne sont pas financiers mais

plutôt sociaux (nutrition, éducation, santé et infrastructure).

Cette solution nous amène à constater que l'idée défendue est celle que le microcrédit est plus

adapté à un certain type de client, les "pauvres pas très pauvres" ayant déjà une activité

économique rentable. Le type de microfinance et d’institutions prônées par les "institutionists" ne

peut, effectivement, servir que ce type de client, au regard des conditions d’autosuffisance et de

non-recours aux subventions qui sont recherchées. Alors que l'autre frange des clients, les très

pauvres, peut être servie par un autre type d'institutions, avec d'autres consignes, contraintes et

méthodologies de fonctionnement qui soient adaptés à leur vulnérabilité.

Un programme de crédit ciblé jumelé à un programme d'aide sociale ainsi qu'un engagement

étatique pour l'amélioration des infrastructures peut améliorer les conditions de vie de ces

populations et les aider à développer des opportunités d'activités économiques. Au sein d'un tel

programme, une IMC ayant un cadre organisationnel identique à celui développé par les

"welfarists" peut aider les très pauvres à sortir de la misère tout en ayant un réconfort

psychologique et une promotion sociale par le travail.

A chaque type de client doit correspondre une institution adaptée. Ce qui peut limiter ou entraver

le développement de l'activité, c'est de vouloir imposer une vision et une pratique uniforme de la

microfinance : les innovations financières se sont faites au sein d'IMC très subventionnées

comme la Grameen Bank, à la fin des années 1970 du temps de l'expérimentation des groupes

solidaires.

269

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.1.3 Etude financière de cinq IMC maghrébines

Les intervenants en microfinance se divisent en spécialistes et non-spécialistes. Les spécialistes,

généralement des ONG internationales de microfinance, mettent en œuvre des programmes, les

suivent, assurent l'accompagnement technique et la formation, et veillent à la continuité de

l'activité implantée. Le but est de construire des programmes pérennes avant de passer la main à

une expertise nationale renforcée ; l'ONG internationale part après un certain temps (de 5 à 10

ans) en laissant une relève. C'est le cas de VITA et de Al Amana au Maroc.

Dans certains cas, les opérateurs internationaux de microcrédit, qui ne peuvent pas agir partout,

se détournent de certains marchés où ils perçoivent du risque et un faible taux de réussite espéré.

Encouragés par la capacité du microcrédit à améliorer les conditions de vie des populations

bénéficiaires, les bailleurs de fonds transfèrent plus de fonds pour la création d'institutions de

microcrédit vers des "non-spécialistes". Ce sont des ONG existantes qui ne comptaient pas le

microcrédit parmi leurs activités et qui essayent de jumeler celui-ci à leur activité existante : par

exemple, en liant crédit et sensibilisation au contrôle des naissances). Tout en les accompagnant,

en fournissant de l'assistance technique et de l'aide financière, les bailleurs de fonds visent à

former une institution de microcrédit pérenne [Parker & Pearce, 2001]. Or, n'ayant pas les outils

nécessaires leur permettant de réagir à la croissance de l'activité, les institutions "non-

spécialistes"134 ont vite été dépassées par les évènements. Cependant, certaines des "non-

spécialistes" et suite à l'observation des besoins de leurs participants ont lancé un programme de

microcrédit et ont réussi leur transition pour devenir spécialistes, à l'exemple d'Enda Inter-arabe

en Tunisie.

L’étude qui suit porte sur cinq IMC qui ont été créées au milieu des années 1990.

Les quatre marocaines, Al Amana (37,4% des parts de marché en 2002 [Al Amana, 2002]),

Zakoura (35%), Fondep (7,8%) et AMSSF/MC (2,8%), sont parmi les plus importantes sur le

marché national. Al Amana et Zakoura sont leaders avec une taille des opérations "grande" selon

les critères du MicroBanking Bulletin (MBB).

134 Ces ONG auraient profité de l'engouement pour le microcrédit pour obtenir des financements en incluant une composante microcrédit dans leur programme, sans avoir une connaissance et une maîtrise du phénomène [Djefal, 2004]

270

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Le choix s’est également porté sur ces institutions en raison de la disponibilité des données, d’une

part,de leur homogénéité et de leur comparabilité d’autre part135. En effet, les données concernant

les IMC marocaines proviennent du profil des institutions sur le "Microfinance Information

eXchange" (MIX)136 mais surtout des évaluations de PlaNet Rating qui ont été conduites sur le

terrain en 2002 et 2003 [PlaNet Rating, 2002a ; 2002b ; 2002c ; 2003a ; 2003b]. Ces évaluations

respectent les critères du MBB (ajustements, formulation des ratios…) d’où la complémentarité

des deux sources de données.

C’est pour la raison de disponibilité – comparabilité des données que la Fondation Banque

Populaire (FBPMC), troisième institution marocaine la plus importante en terme de part de

marché (11,3%), n’a pas été incluse dans notre échantillon. Elle ne figure pas dans la liste des

institutions recensées dans le MIX, ni ne s’est faite évaluer.

L’échantillon compte également une IMC tunisienne, enda inter-arabe, la seule institution de

microcrédit tunisienne indépendante du financement étatique et non-soumise à la loi tunisienne

sur le microcrédit, de par son statut d’ONG internationale. Inclure la Banque Tunisienne de

Solidarité (BTS) ou l’une des associations qui dépendent d’elle, aurait été d’un grand intérêt car

cela aurait enrichi notre échantillon et notre analyse de l’expérience et la méthodologie différente

d’une banque étatique du microcrédit. Malheureusement, les données financières les concernant

sont inaccessibles137.

Ce programme étatique subventionné ne concurrence pas Enda principalement à cause de la

méthodologie qui lui est imposée (délai long pour l’octroi de prêt, aucune assurance sur l’octroi

d’une ligne de crédit future nécessaire pour la pérennité de l’activité du microentrepreneur

demandeur…). Selon une étude faite par l’IMC, le taux d’abandon des clients d’Enda vers la

concurrence est presque nul.

135 Ce choix présente des limites notamment en ce qui concerne les changements intervenus depuis les ratings : introduction d’un nouveau type de prêt (microcrédit facile de la FONDEP), prêt pour achat d’appareil photovoltaïque (FONDEP, Al Amana), prêt pour le logement … 136 Cette ONG vise à promouvoir les échanges d’informations concernant la microfinance. Sa mission est de construire les bases d’un marché solide de la microfinance en rendant disponible une information comparable, sûre et généralement non publique concernant les performances financières des institutions intervenantes. Son site abrite le MBB, source principale de benchmarking (données standardisées et comparatives) pour le secteur de la microfinance www.themix.org . 137 Cf. annexe VI-1 de ce chapitre pour un tri à plat de quelques caractéristiques des clients de la BTS. Quoique non complet (pour indisponibilité de données), cet échantillon peut être en partie éclairant.

271

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Les données financières concernant enda inter-arabe proviennent principalement de son profil

sur le MIX conformément aux critères du MBB ainsi qu’à partir d’un rapport d’évaluation qui

adopte ces mêmes critères [Khaled, 2003]. Un soin particulier a été porté à l'élaboration et la

vérification des indicateurs financiers utilisés pour que enda inter-arabe soit comparable avec le

reste de l’échantillon, ce qui est le cas.

Encadré VI-1 La Banque Tunisienne de Solidarité, est-elle une banque de microcrédit ?

La BTS cible les personnes que les autres initiatives de développement social et régional n’ont pas encore atteintes. A travers les prêts atteignant 33000 dinars qu’elle octroie138 [Belarbi, 1999], elle vise à réduire le chômage des jeunes en les aidant à mettre en place leurs propres unités productives et à produire des revenus dans les zones pauvres139. Depuis sa création et jusqu’en 2001, la BTS a accordé 48 863 prêts pour un total de plus de 174 millions de dinars [BTS-Rapport annuel, 2001] La population cible de la BTS est constituée de petits promoteurs ne disposant pas de moyens financiers suffisants ni de garanties réelles leurs permettant l'accès aux sources existantes de financement mais disposant d’une qualification ou d’un métier, les diplômés de l’enseignement supérieur ayant un esprit entrepreunarial et une idée de projet ou bien les personnes qualifiées disposant d’une initiative et désirant s’installer à leur propre compte. Une deuxième catégorie de destinataire des prêts est "sous-traitée" auprès des associations de microcrédit a disposition desquelles l'Etat a mis une ligne de crédit qui est gérée par la BTS. Ces associations s’occupent des crédits en deçà de 1000 dinars [Belarbi, 1999] octroyés à des populations pauvres qui ont besoin de petites sommes d’argent. Le montant maximum est de 1000 dinars pour les activités productives et de 300 dinars pour l’amélioration des conditions de vie, avec une durée maximale de remboursement de 2 ans [BTS]. Les prêts accordés sont assimilables pour partie à des subventions octroyées par l’État à ces associations, dans la mesure où les frais financiers recueillis servent à couvrir les frais de fonctionnement de ces dernières. La BTS applique un taux d’intérêt bonifié de 5% qui ne lui permet pas de couvrir le coût de l’argent. En effet, le TMM140 était de 5.875% en octobre 1999 date de démarrage de la BTS. Actuellement, il est de l’ordre de 6% [BCT, 2003]. Un crédit commercial à moyen terme peut coûter jusqu’au triple. En 1999, le taux de recouvrement des créances était de 64%. Il a assuré depuis un léger avancement en atteignant 70%. Le déficit découlant de cette activité est épongé par l’Etat. En effet, la BTS reçoit une subvention annuelle de 10 millions de dinars de la part de l’Etat [Belarbi, 1999] ce qui la rend dépendante. Initialement le capital de la BTS est constitué à 62% par un apport privé et 38% par celui de l’Etat et quelques entreprises publiques [Benarous, 2002]. Dès avril 2000, l'Etat a souscrit à une augmentation de capital pour avoir une participation majoritaire de 55% [Gobe, 2003]. La BTS est plutôt un instrument politique et de solidarité qu'une banque de dépôt (elle est pourtant considérée comme telle par la Banque Centrale, sans pourtant assurer une fonction d’épargne). Avec la participation majoritaire de l'Etat à son capital ainsi que la subvention étatique importante et récurrente (10 millions de dinars tous les ans) lui donnent un rôle redistributif et allocatif. Elle s'apparenterait plus à la famille des programmes étatiques pour la promotion de la microentreprise (à l'instar du FONAPRA ou de l’ANSEJ en Algérie) qu'à celle des banques de dépôts. La BTS a pris la forme d’une banque pour

138 33 000 dinars de prêt pour les microentrepreneurs détenteurs d’un diplôme universitaire. Pour ceux qui n’en ont pas, le maximum est de 10 000 dinars. 139 Les prêts accordés sont remboursables sur 3 ans alors que les cycles de production des microentreprises sont connus pour être assez court. De plus, une des innovations financières de la microfinance est la collecte rapprochée des échéances de crédit pour réduire le risque de défaillance. En augmentant le terme du crédit, les risques de non remboursement s’accroissent. 140 Le TMM est le taux du marché monétaire

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

mettre l’accent sur la rigueur autant dans la sélection des clients que dans l’obligation de remboursement des crédits pour rompre avec les habitudes d’assistance et d’aide [BTS]. Il semblerait, au regard des taux de remboursement, que prendre la forme d’une banque est insuffisant pour induire un changement des comportements. L'idée de bonifier les taux d'intérêt et de d'alléger les charges financières des microentrepreneurs est louable ; elle est conforme aux principes de solidarité que véhicule la microfinance. Les coûts des subventions importantes seraient soutenables si les avantages qu'elles génèrent les justifient ; les institutions sont méritantes quand leur produit social dépasse leur coût social [Schneider & Yaron, 1999]. Or une analyse des effets des crédits octroyés par la BTS n’a pas été encore faite et aucun système n’est encore en place pour suivre et évaluer les incidences de ce programme sur les groupes vulnérables à faible revenu [PNUD, 2000]. Cette formule est un choix socio-économique qui porte, certes, ses fruits socialement et vient en aide à différentes catégories de clients ; cependant, il reste beaucoup à faire pour permettre aux plus défavorisés d’intégrer les circuits économiques. Ne pas accabler l’utilisateur démuni par un taux d’intérêt exorbitant est appréciable mais faut-il encore que le crédit subventionné aille aux personnes qui en ont vraiment besoin et que l’aide ou le crédit bon marché ne soit pas à l’origine de dérives clientélistes141 [Boukhari, 1999]. La bonification n'est pas contestable en elle-même142 mais ce qui peut être préjudiciable c'est la pratique de taux d'intérêt plus bas que ceux appliqué par les banques commerciales. Elle accroît le risque d'attirer les convoitises et d’encourager le clientélisme de la part de la population non sensée être éligible [Morduch, 1998]. Morduch cite les expériences des programmes de crédit des années 1960 et 1970 comme exemple de détournement des crédits des bénéficiaires vers des groupes politiquement puissants et généralement non pauvres qui sont attirés par la subvention. Il est vrai que ce genre de problème peut être évité en supprimant complètement les subventions (les populations ciblées y perdront aussi) mais le problème peut être largement réduit à travers une élimination partielle ou une réduction des subventions. On peut fixer un taux d’intérêt seuil qui soit à un niveau non attirant pour les non bénéficiaires mais qui présente en même temps un niveau appréciable de subvention sans que ça soit perçu par les bénéficiaires comme un cadeau. Un taux égal ou supérieur de quelques point au taux formel semble vérifier les deux conditions. L’exemple souvent cité de la banque étatique de microcrédit est celui de la BRI (en Indonésie). C’est une banque rurale étatique subventionnée qui s’est transformé en une banque qui opère suivant les principes du marché. Elle a développé une série de primes pour ses clients et son personnel pour encourager les uns à payer et à temps et les autres à être efficace et productif. Elle a également dirigé sa politique vers la mobilisation de l’épargne comme une source de fonds prêtables [Ledgerwood, 1998].

Dans ce qui suit, nous détaillons les déterminants de la viabilité, prise dans le sens de la pérennité

dans le temps. Pour assurer sa stabilité financière et par suite son existence future, une IMC

dispose de deux stratégies. La première consiste à diminuer ses charges, ce qui induit un

accroissement de sa rentabilité (6.3.3.1.1) ; à cette fin, elle peut recourir aux innovations

financières apportées par la microfinance ou profiter des économies d’échelles provenant de

l’augmentation du montant du prêt moyen déboursé. La deuxième stratégie consiste à accroître

ses produits (6.3.3.1.2) ; l’augmentation des taux d’intérêt appliqués n’étant pas une solution

viable pour les deux parties, la solution est de recourir aux subventions, au moins au moment de

141 Pour une étude sous en angle de sciences politiques des politiques sociales tunisiennes se reporter à Hibou [1998], Gobe [2003] ou encore Zamiti [1996]. 142 Pour une discussion sur le recours aux subventions par les IMC, Cf. 6.1.2- Les moyens pour atteindre la viabilité.

273

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

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lancement de l’activité. En dernier lieu (6.3.3.1.3), nous discutons des différentes méthodes

d’utilisation des subventions qui peuvent justifier et encourager ce recours ; pour la poursuite de

l’objectif de viabilité, l’accent sera mis sur l’efficacité de la gestion des ressources (qu’on appelle

efficience) plutôt que sur la recherche de maximisation des profits.

Les institutions sont étudiées sur une période de 2 ou 3 ans – selon la disponibilité des données –

pour apprécier leurs trajectoires d’évolution143.

Les principales caractéristiques des IMC sont synthétisées dans le tableau qui suit (tableau VI-1).

Tous les chiffres qui y figurent, sauf indication contraire, sont des moyennes sur la période

étudiée.

143 Cette partie est une analyse financière basée sur l’exploitation de documents compatibles, de données financières et de ratios financiers.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Tableau VI-1 Caractéristiques des institutions étudiées

Al Amana 2000 2002

Zakoura 1999 2001

Fondep 2000 2001

AMSSF/MC 2000 2002

Enda 2000 2002

Statut ONG à but non lucratif ONG à but non lucratif ONG à but non lucratif ONG à but non lucratif ONG à but non lucratif Contexte

Année de création

1997 1995 1997 1996 1995

Maturité (6 ans et moins, jeune. Plus de 6 ans, mature) †

Mature Mature Mature Mature Mature

Taille des opérations

Grande > 8 millions $

Grande > 8 millions $

Petite < 800 000 $

Petite < 800 000 $

Moyenne De 2 à 8 millions

Marché cible

Inférieur encours moyen / client

(moyenne) = 13,6 % PNB

Inférieur encours moyen / client

(moyenne) = 8% PNB

Inférieur encours moyen / client

(moyenne) = 6,3 % PNB

Inférieur encours moyen / client

(moyenne) = 6,4 % PNB

Inférieur encours moyen / client (moyenne) = 8 % PNB

Caractéristiques TEG moyen sur la période

36%‡ 45% 52,9% 74% 53%

Méthodologie de prêt (G: groupes solidaire. I: individuel)

G de 4-5 personnes I

G de 5 personnes I

G entre 4 et 25 personnes

(moyenne de 5)

G entre 5 et 12 personnes

G entre 3 à 5 personnes. I

Périodicité de collecte des prêts

Bimensuelle (pour 91% de l'encours)

Hebdomadaire lors de réunion de 8 groupes

Mensuelle et dans une moindre mesure, bimensuelle

Bimensuelle Mensuelle dans le moyen

Atlas

Mensuelle

Motivation de remboursement

Prêts progressifs Relance téléphonique Visite de terrain

Prêts progressifs

Prêts progressifs Prêts progressifs Remboursement des 2% du prêt de dépôt de solidarité si pas de retard

Prêts progressifs Frais de dossiers variables selon le retard de paiement.

Taux de défaillance

0,16% 0,28% 0,05% 0,43% 0,57%

† Source : "Benchmarking arab microfinance" : http://www.mixmbb.org/ArabBenchmarkingReport.pdf‡ C’est une approximation : le TEG (Taux Effectif Global : taux d'intérêt annuel, tout frais compris : les intérêts proprement dits, les frais, commissions ou rémunérations liés à l'octroi du crédit) dépend du type de prêt et des montants (en 2000 et 2001, le TEG était de 39,26%, en 2002 il est de 27 à 33%).

275

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Al Amana 2000 2002

Zakoura 1999 2001

Fondep 2000 2001

AMSSF/MC 2000 2002

Enda 2000 2002

Produits Financiers (microcrédit) Non financiers (formation, aide à la gestion)

Financiers (microcrédit) Non financiers (formation, sensibilisation sur des thèmes de civisme de vie pratique) Activités sociales

Financiers (microcrédit) Financiers (microcrédit) Financiers (microcrédit) Non financiers (formation, appui à la commercialisation, foires, sensibilisation en matières de santé, éducation)

Durée des prêts 3 à 8 mois 23 à 35 semaines 6 à 8 mois

4 à 6 mois 4 à 8 mois 6 à 12 mois

Milieu d'intervention

Urbain Urbain (80%) Périurbain rural

Rural (80%) Périurbain / urbain

Urbain Périurbain Rural (zone de Fès et

moyen Atlas)

Urbain défavorisé

Destination du prêt Fonds de roulement Fonds de roulement Acquisition de petit

équipement

Investissement initial Fonds de roulement

Fonds de roulement Investissement initial

Fonds de roulement Croissance 4% pour l’investissement

Contexte institutionnel

Favorable Loi marocaine sur le microcrédit (1999) assez contraignante pour le développement des programmes. Elle interdit la collecte de l'épargne, fixe un montant plafond et autorise uniquement le crédit aux activités

productives.

Moins favorable : pas de reconnaissance de la part de la BCT ou du ministère des finances, loi sur le microcrédit restrictive mais ne s'applique pas à Enda.

Nombre d'emprunteurs actifs

37 195 (2000) 61 377 (2001) 78 114 (2002)

34 587 (2000) 60 470 (2001)

4 803 (2000) 6 950 (2001)

2 058 (2000) 4 424 (2001) 6 183 (2002)

3 389 (2000) 4 739 (2001) 7 726 (2002)

% de femmes

60% 97 % 80% 90% statutaire

81%

Prêt moyen déboursé

280 EUR 130,67 EUR

123,3 EUR 130,8 EUR 257 EUR

% du PNB par tête

22,3% moyenne

10% moyenne

9,8% moyenne

10,4% moyenne

12,5% moyenne

276

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277

Type de client ciblé

Sans accès aux prêts bancaires mais facilement accessibles en zones urbaines et périurbaines. Dans la moyenne des clients de MF au Maroc.

Femmes, analphabètes, à faible revenu. Segment inférieur, en terme de catégorie de revenu à celui des principaux concurrents.

Clientèle défavorisée sans accès aux prêts bancaires. Femmes analphabètes.

Entrepreneurs pauvres (Entrepreneurial poors)

Secteur d'activité des clients

48% commerce 39% artisanat 13% services

2002

59% commerce 15% couture 7% artisanat 8 % services 11% agriculture et élevage

2001

40% artisanat 36% commerce 15% agriculture 9% services

2003

71% commerce 19% production 7% services 3% artisanat

2003 Admissibilité de l'emprunteur

microentreprise de plus d'une année d'ancienneté

activité génératrice de revenu

Prêt microentreprise : formés à l'ONEP †

Prêt solidaire : Revenu par ménage de 5, inférieur à 1500 DH (146 EUR)

Population rurale et périurbaine démunie

Les membres du groupe doivent bien se connaître et habiter à moins de 10 mn les uns des autres

Assiduité aux réunions

Population à faible revenu. Evaluation faite par l'agent de crédit lors d'une visite de l'habitation et de l’unité.

Activité existante. Particularités - Forte implication sociale Flexibilité dans le

remboursement, compensation par des pénalités

- Forte implication sociale. "Self made" IMC (pas

d'assistance technique au début de l'activité).

Sources : PlaNet Rating [2002a ; 2002b ; 2002c ; 2003a ; 2003b] ; The MIX (microfinance information exchange) ; site de Zakoura ; site de FONDEP ; site de enda inter-arabe ; rapport d'évaluation de Enda [Khaled, 2003] ainsi que nos propres calculs.

† Office National de l’Eau Potable

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6.1.3.1 Les déterminants de la viabilité des IMC

Graphique VI-3 Les stratégies adoptées par une IMC viable

Composé par nos soins d’après Hulme & Mosley [1996]

L’IMC qui cherche la viabilité dispose de deux stratégies. Elle doit soit accroître sa rentabilité,

par le biais d’une maîtrise des charges (6.3.3.1.2) soit se baser sur des subventions (6.3.3.1.3).

Pour accroître sa rentabilité, elle doit tirer profit des innovations financières apportées par la

microfinance (prêt aux groupes de caution solidaire, incitation dynamique, échéances de

remboursement rapprochées et régulières, utilisation du capital social) pour réduire les asymétries

informationnelles et le risque qui en découle, prépondérant sur le marché du crédit aux

populations défavorisées. Réduire les risques permet de maximiser le remboursement et agit

positivement sur la rentabilité du prêteur. Augmenter le montant du prêt moyen, à encours de

prêt constant, accroît également la rentabilité à travers la réalisation d’économies d’échelles.

Recourir aux subventions a été un passage obligé pour toutes les IMC et IMF malgré tous les

schémas et démonstrations théoriques très séduisants qui prônaient le "zéro subvention".

Cependant, c’est une solution de court terme qui doit faire partie d’une stratégie de financement

c’est-à-dire qu'elle doit être une solution parmi d’autres. Dépendre uniquement et longtemps des

subventions peut engendrer un comportement de rent seeking où la subvention protègera

l’inefficacité de l’institution au lieu d’accroître son efficacité [Hulme & Mosley, 1996].

Augmenter le taux d'intérêt, n'est pas une stratégie en tant que telle144. La stratégie est de le

baisser en adoptant les autres possibilités qu'offre la microfinance.

144 Pour cette raison, dans la figure IV-3, n’est cité que le recours aux subventions comme stratégie d’accroissement du produit.

IMC viable

Accroître la rentabilité

Recourir aux subventions

Utilisation des innovations apportées par la microfinance

Augmentation du montant du prêt moyen

Diminuer les charges

Accroître les produits

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6.1.3.1.1 La rentabilité

Généralement, pour n’importe quelle unité économique, la performance est évaluée par le profit

généré par son activité. Dans le cas des IMC, leurs sources de financements sont principalement

constituées de deux types de subventions (graphique VI-7 dans 6.3.3.1.3), subventions de fonds

propres et subventions de profit dont l’influence sur le résultat est différente. Les subventions de

fonds propres augmentent le capital de l’institution (le fonds de prêt) mais n’influencent pas son

"profit comptable" de la période contrairement aux subventions de profit qui accroissent les

produits ou réduisent les charges [Schreiner, 1996 ; Schreiner & Yaron, 1999]. Cependant, au

cours de la période suivante, les profits sont intégrés dans les fonds propres à travers le report à

nouveau des résultats positifs et seront prêtés, influençant donc indirectement le profit comptable

de la deuxième période.

Les mesures de rentabilité habituelles doivent être adaptées aux spécificités des IMC et enrichies

pour exprimer les nuances de leur performance. Dans un premier temps, ces mesures sont

présentées et calculées pour notre échantillon. Dans un deuxième temps, en partant des règles

financières, nous déterminons la structure de coût des cinq IMC et ensuite leurs seuils de

rentabilité. Nous concluons sur l’importance des subventions, au moins au moment du lancement

de l’activité, pour rendre les taux d’intérêt accessibles aux clients.

Mesures de la rentabilité

Le rendement du portefeuille de prêt (PF) est affecté d’une façon minime par les subventions car

le fonds de prêt d’une IMC subventionnée – supposons, uniquement durant la première période

de son activité – augmente plus rapidement que celui d’une IMC qui se finance sur le marché, à

travers le report du résultat : le résultat étant plus important avec subvention car il n’y a pas de

charges financières à payer. La sensibilité du rendement du PF aux subventions, bien que réelle,

n’est pas très significative dans ce cas. L’influence est plus importante quand il y a une injection

continue de subventions, ce qui est le cas des IMC de l’échantillon.

Les IMC maghrébines sont toutes subventionnées. Elles ont commencé leur activité avec des

subventions pour fonds propres plus ou moins importantes et ont continué à recevoir des

subventions des deux types durant la période étudiée, ce qui a d’ailleurs influencé inégalement

leur développement futur : en 2002, les subventions reçues par Al Amana sont 2,3 fois plus

importantes que celles reçues par Zakoura, 17 fois de plus que FONDEP et 20 de plus que

AMSSF/MC.

279

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Le rendement du PF se calcule en divisant les revenus du PF (intérêts et commissions reçus) par

l’encours du portefeuille. Ces deux termes, pris séparément, sont sensibles – dans le même sens –

à la variation des subventions, le rapport des deux l’est moins. Ce ratio indique dans quelle

mesure le montant brut du portefeuille de prêts permet de générer des produits financiers en

espèces par le biais des intérêts, frais et commissions.

Hulme & Mosley [1996] proposent de mesurer la performance financière en utilisant en plus des

indicateurs de rentabilité, d’autres indicateurs qui reflèteraient plus clairement le rendement de ces

institutions comme le taux d’arriéré145 (on utilisera le portefeuille à risque – PAR – et le taux de

perte sur prêt) ou le SDI (Subsidy Dependance Index) 146 (Tableau VI-2).

Encadré VI-2 Formules de calcul

Rendement du portefeuille = Revenu du portefeuille perçu sur la période Encours moyen de la période Portefeuille à risque (PARn) = Capital restant dû des prêts qui ont un retard supérieur à n jours Encours du PF Taux de perte sur prêt = Montant total passé en pertes au cours de la période147

Encours moyen du PF de la période

Tableau VI-2 Mesures de la performance financière

Al Amana 2000 2002

Zakoura 1999 2001

Fondep 2000 2001

AMSSF/MC 2000 2002

Enda 2000 2002

Rendement du portefeuille

38,4% 40,67% 39,95% 66,27% 39,35%

PF à risque de 31 jours à 1 an

0,13% 0,18% 0,55 %

taux des arriérés

5,65% 0,46%

(2002) Taux de perte sur prêt

0,16% 0,28% 0,05% 0,43% 0,57%

Clients en dessous du seuil de pauvreté

100% 90% (2001) 80% et 60% dans la moitié

inférieureSDI (2001) 14% 100% 19% -19% 74%

Sources : PlaNet Rating [2002a ;2002b ; 2002c ; 2003a ; 2003b] ; Rapport d'évaluation de Enda [2003]. Tous les pourcentages sont des moyennes des périodes étudiées

145 Le taux des arriérés est un ratio qui rapporte les montants en retard (échéance du principal et intérêt) au montant total des prêts accordés ; il peut induire en erreur car il compare "des oranges et des pommes" [CGAP, 1999 ; Nègre & Mcguire ; 2002] Cependant, ici il rapporte le montant non payé au montant total qui aurait du être payé. 146 Se reporter à la partie 6.1.3.1.3 de cette même section pour la formule et le détail de calcul. 147 Ce sont les prêts rayés : en retard de plus de 180 jours et n’avaient connu aucun remboursement depuis 180 jours.

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Ce qui ressort de ce tableau c’est la capacité des IMC maghrébines à financer des clients pauvres

avec des taux de défaillance proches de zéro et de façon pérenne et rentable.

La rentabilité dans ce cas de figure n’est pas recherchée en tant que telle mais plutôt en raison de

ses conséquences positives sur l’indépendance, la pérennité et la portée du programme de prêt148.

Elle nécessite une concentration sur les clients (leurs besoins, leur niveau de pauvreté et

l’amélioration sur leur niveau de vie), sur le remboursement et les coûts. Etant donné que la loi ne

l'autorise pas encore à contracter des emprunts bancaires, enda inter-arabe considère son revenu

opérationnel espéré (fonction de sa rentabilité) comme l’unique source qui soit sûre pour assurer

le financement de son expansion.

Pour le rendement du portefeuille, toutes les IMC de l’échantillon sont dans la moyenne des IMC

arabes (38,2%) et de toutes les IMC (39,8%) sinon plus rentables [Mix & Sanabel, 2003].

Avec un portefeuille à risque de plus de 31 jours (PAR 31+)149 de l’ordre de 0,5%, les IMC de

l’échantillon démontrent une très grande qualité du portefeuille qui dépasse largement la

moyenne globale (2,8%) [Mix & Sanabel, 2003]. Cette qualité est affirmée par un taux de perte sur

prêt150 de moins de 1%, donc un taux de remboursement qui s’approche de 100% et ce bien que

toutes interviennent dans le segment inférieur du marché, l’encours de prêt par client étant

inférieur à 20% du PNB par tête (Tableau VI-1). Les microentrepreneurs ayant recours aux

services de Zakoura, Fondep et Enda se situent pratiquement à 100% en dessous du seuil de

pauvreté. Al Amana, au regard du prêt moyen déboursé (280 EUR soit 22,3% du PNB/tête

(Tableau VI-1)), se positionne sur un segment plus prospère.

AMSSF/MC présente un PAR 31+ (2000) assez élevé par rapport au reste de l’échantillon. Il est

dû au résidu d'une crise de remboursement en 1999 où le PAR 31+ jours était de 40%.

Analyse des coûts et détermination du taux d’intérêt critique (seuil de rentabilité)

Pour qu'une institution soit rentable sur une période, il faut simplement que les ressources

couvrent les dépenses.

148 De toute façon, vu leur forme institutionnelle d'ONG à but non lucratif, tous les bénéfices sont reportés pendant l'exercice suivant comme fonds propres. 149 Cf. encadré VI-3. Montant total des prêts dont le remboursement d'au moins une échéance est à plus de 31 jours de retard divisé par l’encours de prêts en fin de période. 150 Cf. encadré VI-3. Il est obtenu en divisant le montant des prêts rayés (ceux ayant un retard de plus de 180 jours et n'ayant connu aucun paiement depuis 180 jours) par l’encours moyen du portefeuille de prêt

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Revenus du

portefeuille de prêt

+ autres

revenus

≥ coût de l'emprunt des fonds

(principal et intérêts)

+ autres

dépenses

Les autres revenus sont les revenus non liés à l'activité de prêt : revenu d’une activité de conseil,

intérêts créditeurs du capital placé… Les autres dépenses sont les dépenses non liées à l'activité

de prêt comme la formation des clients, les BDS (Business Development Services) …

Hulme & Mosley [1996, chapitre 2] ont dérivé une formule pour calculer le taux d’intérêt critique

(r*) ou seuil de rentabilité des IMC ; le taux d'intérêt à partir duquel elles commencent à être

rentables. Sous les hypothèses simplificatrices que la part du principal que doit rembourser l'IMC

à son prêteur est égale à celle qu'elle doit recevoir de ses clients et que les revenus non liés à

l'activité de prêts couvrent les dépenses non liées à l'activité de prêts,

r* = i + a + αp 1-p

avec 151

i = taux d'intérêt payé par l'institution : taux créditeur pour rémunérer l'épargne des clients et/ou

taux débiteur des prêts contractés auprès des organismes formels ; dans notre cas et en l’absence

d’épargne, il représente le coût de l'emprunt ;

a = coût de fonctionnement qu’on peut aussi appeler coût opérationnel ou coût administratif ;

p = coûts induits par le taux de non remboursement attendu, c’est-à-dire, l’espérance des pertes

générées par le non-remboursement du principal et des intérêts (dans les états financiers des

institutions, p correspond aux provisions pour pertes sur prêts) ;

α = partie du prêt qui doit être reçue (de la part du client) ou payée (par l'IMC à ses prêteurs) à

chaque échéance ; pour le calcul du taux d'intérêt de rentabilité et pour des raisons de

simplification, on va supposer qu'elle est égale à 1.

On remarquera que : i + a + p est le total des coûts que subit l'IMC152

Le taux de défaillance a un effet encore plus important que la valeur p, car en défaillant, le revenu

de l'IMC (celui accumulé ou construit par les bons clients) doit couvrir les pertes du taux d'intérêt

et du principal. Non seulement l'institution accroît ses dépenses mais elle le fait au dépens des

bons clients et avec le revenu issu de leurs remboursements (principal et intérêts) qui aurait pu se

151 Les différents coûts sont rapportés à l’encours de prêts. Ils sont ainsi calculés par unité monétaire prêtée. 152 Les ratios de coûts / encours de prêt coïncident avec le taux d'intérêt seuil de rentabilité ou taux d'intérêt critique, à partir duquel une IMC commence à réaliser des profits. Dans notre cas, au regard de la faiblesse des taux de défaillance, ce ratio correspond au taux d'intérêt critique (cf. section suivante – taux d’intérêt critique).

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

répercuter positivement sur eux sous forme d'augmentation du montant moyen du prêt ou de

réduction du taux d'intérêt. Cette amplification de l’effet de la défaillance p apparaît dans la

formule de r* à travers le dénominateur.

Pour déterminer le seuil de rentabilité, nous allons commencer par décomposer les coûts subis

par les IMC en nous référant au compte de résultat des institutions (Tableau VI-3). Ils sont

constitués par le coût de l'emprunt (intérêts versés et charges assimilées), le coût d'administration

ou les dépenses d'exploitation (charges d'exploitation : charges du personnel, autres charges

d'exploitation, autres frais administratifs) et le coût de défaillance (provisions pour pertes sur prêt

et les prêts rayés non provisionnés) [Hulme & Mosley, 1996].

Tableau VI-3 Structure des coûts et détermination du taux d’intérêt critique

131

2000 2001 2002 1999 2000 2001 2000 2001 2000 2001 2002 2000 2001 2002

coût de l'emprunt (i ) 0 1 1 0 0 0 0 2 0 0 0 0 0coût de l'administration (a ) 24 26 21 30 21 22 30 47 55 32 35 58 39 3

coût du défaut (p ) 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1

Taux d'intérêt de rentabilité (r* ) 25 27 22 30 21 22 31 49 55 33 36 59 41 37

Taux d'intérêt de rentabilité moyen

Al Amana Enda

24,6 24,3 40 41 45,4

AMSSF/MCFondepZakoura

Composé par nos soins

Toutes les valeurs sont des proportions du PF total et en %

Nous remarquons dans notre étude des cinq IMC maghrébines que le coût d'emprunt, la part des

frais financiers, i est très faible du fait du récent recours au financement externe non

subventionné. Ces institutions ont réussi à garder les proportions de non-remboursement p très

proches de 0%, ce qui participe au non-gonflement des coûts générés par l'activité de prêt. Ces

IMC se distinguent cependant par des coûts de fonctionnement a assez élevés et qui dominent

largement le coût total. Les coûts opérationnels varient de 20% à presque 60% de l’encours total

des prêts et avoisinent en moyenne 40% sur toute la période étudiée, (tableau VI-4). Il faut

cependant noter que la tendance est à la baisse pour la majorité des IMC. A titre de comparaison,

les coûts opérationnels de la BRI en 2002 sont de 13,5% de l’encours de prêt et pour BanSol en

2001, ils sont de 15,46% [The Mix Market, 2004]. Pour les IMC arabes, la moyenne est de 30,9%

283

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

avec une amélioration des ratios pour les IMC matures et celles de grande taille [Mix & Sanabel,

2003]

Le taux d'intérêt de rentabilité (r*) varie dans le même sens que le montant total des coûts et le

taux de défaillance qui sont d’autant plus élevés que l’IMC est jeune. Si l’institution décide de

reporter tous ses coûts sur ses clients sans avoir recours aux subventions, elle rencontrera deux

problèmes.

1/ Si l’IMC applique le taux d’intérêt de r*, tel qu’il est évalué au moment du lancement de

l’activité, il lui sera difficile d’attirer des microentrepreneurs, de leur accorder des prêts et de

baisser ses coûts. Elle dissuaderait ainsi les nouveaux clients de l’approcher et de tester ses

services.

2/ Lors du lancement de l’activité, d’une part, les taux de défaillance attendus des emprunteurs

sont rarement proches de zéro (ce qui accroît le montant des provisions pour les IMC) et, d’autre

part, les coûts sont assez élevés (en raison de l’élucidation de l’information détenue par les clients,

des contrôles, des formations (…). Ce taux d’intérêt élevé, s’il ne rebute pas les clients, va

accentuer les difficultés de paiement et exacerber les non remboursement [Stiglitz & Weiss,

1981].

Dans les deux cas, le taux d’intérêt élevé nuit à l’IMC et peut conduire à sa disparition. Il est donc

nécessaire, pour assurer la pérennité, d’avoir un taux réduit dès le début de l’activité.

Les IMC pionnières se heurtent à un double effet engendré par la primauté (nouveauté) de leur

intervention : d’une part, le marché étant vierge, l’IMC n’aura pas à se confronter à la

concurrence. Mais d’autre part, être le premier sur un marché de microcrédit recèle des

désavantages : ce sera à elle que reviendra la charge d’élucider toute l’information sur les clients.

Pour minimiser son risque, elle commence par octroyer des prêts à petits montants qui seront à

fort coût (a) par unité prêtée. En effet, au moment du lancement du programme, les coûts de

fonctionnement sont élevés en raison de l’investissement dans le système innovant de réduction

des risques : collecte rapprochée des remboursements, formation des clients pour la constitution

des groupes solidaires, formation des clients à la gestion pour maximiser la réussite des projets,

formation des agents de crédit (…). A ces coûts administratifs élevés (a), se rajoutent des coûts de

défaillance importants (p) ; au début, l’IMC ne distingue pas les bons des mauvais risques, le

risque en début d’activité est moins bien évalué et plus élevé que celui en cours d’activité. La

jonction de ces deux effets fait que le taux d’intérêt à partir duquel l’IMC commence à être

rentable est élevé, mais avec une tendance à la baisse dans le temps.

284

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Tout au long de l’activité, les investissements initiaux en formation du personnel et des clients, le

développement des méthodes d’incitation au remboursement (…), portent leurs fruits en terme

de réduction des défaillances. Les coûts administratifs baissent aussi : d’un côté car les

investissements les plus importants du point de vue de la formation et de l’information auront

déjà été faits, et d’un autre côté, parce que l’IMC gagne en expérience et en efficacité.

La baisse des coûts opérationnels (a) et de défaut (p) est accentuée par l’accroissement progressif

du prêt moyen qui assure des économies d'échelle à l'institution et une révision continue à la

baisse du taux d'intérêt critique (Graphe IV-4).

Graphique VI-4 Evolution du taux d’intérêt de rentabilité et du prêt moyen accordé

Al Amana

0

50

100

150

200

250

300

350

2000 2001 2002

tauxd'intérêt derentabilité r*Prêt moyendéboursé

AMSSF/MC

020406080

100120140160180

2000 2001 2002

Composé par nos soins

C’est à la création que le taux d’intérêt de rentabilité (r*) est le plus élevé. Sans subvention, la

quasi-totalité des institutions de microcrédit n’auraient pas pu voir le jour. Les subventions sont

incontournables durant au moins les premières années d’existence, moment où les résultats des

stratégies visant à baisser les coûts opérationnels et à accroître les taux de remboursement ne sont

pas encore visibles. Se faire subventionner au début, le temps que l’IMC maîtrise son marché et

surtout élucide l’information détenue par ses clients est vital pour elle, dans le cas particulier où

elle ne peut agir ni sur a ni sur p. Sans subvention pour baisser le taux d’intérêt appliqué aux

clients, l’institution voit ces dernier se détourner vers une autre moins chère ou changer d'option

de financement, auxquels cas l’institution sera vouée à la disparition dès sa naissance.

Si de plus l'IMC est pionnière dans sa zone d'intervention, elle génère des externalités positives

qui profiteront aux institutions qui arriveront dans son sillage : familiarisation de la population

285

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

avec le concept de microcrédit, explication de ce que peuvent attendre les clients d’une IMC et ce

qu’elle attend d’eux, tout un travail d’éducation et de changement d’attitude vis-à-vis du crédit,

identification des bons risques, formations des clients, identification des méthodologies de prêt

réductrices de risque (…) Ces externalités vont permettre aux institutions suivantes de

sélectionner leurs clients plus efficacement et de réduire leurs coûts ainsi que le risque encouru. Il

est normal que l'IMC pionnière ne fasse pas supporter à ses clients le coût des actions citées ci-

dessus qui profiteront à terme à tous.

6.1.3.1.2 Comment accroître la rentabilité ?

Utilisation des innovations apportées par la microfinance

En utilisant les innovations apportées par la microfinance, les charges de l’institution augmentent.

La question est de savoir si les coûts additionnels (travail supplémentaire et plus fréquent des

agents, remise d’intérêt ou de commissions...) engendrent une croissance du taux de

remboursement et donc, améliorent les revenus de l’institution. L’expérience est positive quant à

l’efficacité de ces méthodologies. Ce succès légitime, à notre sens, le recours aux subventions

pour prendre en charge la mise en œuvre de ces méthodologies au sein d’institutions

nouvellement créées. Les cinq IMC de notre échantillon se basent sur une panoplie plus ou

moins identique de ces innovations.

• Groupes solidaires et sélection des clients

Toutes utilisent le prêt solidaire pour des groupes allant de 4 (Enda) à 25 personnes153

(FONDEP) avec une moyenne de 5 individus par groupe. Enda octroie des crédits individuels

(35% du PF de 2002) mais la majeure partie de son PF est constituée des crédits solidaires ;

pour Al Amana et Zakoura, le crédit individuel est encore en phase pilote (autour de 1,3%

du portefeuille d’Al Amana de 2003).

Comme explicité ultérieurement (cf. 5.2.1), le prêt à des groupes de caution solidaire réduit la

sélection adverse – en laissant les membres d’un groupe s’autosélectionner, ils utiliseront leur

information privée – réduit les problèmes de hasard moral – à travers la surveillance par les

pairs – ainsi que les coûts de transaction, en évitant à l’institution de dépenser en frais de

153 Ici se pose le problème du nombre optimal des membres d’un groupe ; plus le groupe compte de membres, plus les coûts sont réduits mais plus les effets de pilotage, de contrôle et de pression se diluent [Hulme & Mosley, 1996]

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

recherche d’informations sur les clients et en transférant une grande partie du risque de non

remboursement sur les membres du groupe. Cependant, les institutions maghrébines ne

laissent pas la totalité du risque à la charge des clients ; elles partagent la sélection avec le

groupe pour minimiser le recours à l’exercice de la garantie solidaire.

Pour Al Amana, une sélection soigneuse se déroule sur quatre étapes : deux premières

réunions servent à expliquer le programme et la méthodologie et tester la compréhension des

participants, une troisième séance est destinée à la visite terrain de la microentreprise pour

faire une analyse financière simple et la dernière est conduite par un autre agent de crédit qui

vérifie à nouveau les informations.

Les visites-évaluations avant l’octroi du crédit et pour le suivi sont systématiques pour

Zakoura.

Pour AMSSF, la sélection s’attache à vérifier la solidarité des membres d’un groupe (s’ils se

connaissent bien, habitent à moins de 10 minutes les uns des autres...) et leur bonne

réputation. Quatre réunions sont nécessaires pour expliquer le principe des prêts et des

cycles. Malgré le faible montant initial du prêt (50 à 100 EUR approximativement), le

programme demande à ses clients une forte implication ; ce qui assure une bonne

compréhension et évite des problèmes ultérieurs.

Les agents de crédit d’Enda font suivre les quatre réunions explicatives dans les locaux de

l’agence par une visite-terrain. Ils récoltent des informations en se rendant chez les futures

clientes et dans leurs unités et posent des questions dans le quartier ou aux clientes anciennes

sur leur réputation, leur solvabilité, leur travail … L'appartenance des agents de crédit aux

mêmes quartiers que leurs clients, facilite la sélection et renforce les liens.

Le crédit individuel, un produit présentant plus de risque, demande des analyses plus

approfondies de la microentreprise et du ménage. Il est d’ailleurs accordé à des clients ayant

déjà fait leurs preuves à travers le programme de crédit solidaire.

• Les incitations au remboursement (incentives to repay) et la réduction des retards

Ces méthodologies offrent aux microentrepreneurs "une carotte plutôt qu'un bâton" [Hulme

& Mosley, 1996]. Parmi celles utilisées par cet échantillon, on peut recenser : la ligne de

crédit évolutive, les échéances de remboursement fréquentes et rapprochées (intensive loan

collection) ou les motivations monétaires.

Les crédits accordés par les cinq institutions, que ce soit au sein de groupes ou

individuellement, suivent une logique progressive. Le client commence son cycle de prêt

avec un montant assez faible et accède au fur et à mesure des remboursements à des

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

montants de plus en plus élevés. D’une part, les premiers prêts de faible montant permettent

à l’institution de se faire une idée sur la solvabilité du client ; et si perte il y a, elle sera faible.

D’autre part, le client est encouragé à payer ses échéances, et sans retard pour pouvoir

prétendre à un prêt plus important. Par exemple, les clients de AMSSF/MC commencent

leurs prêts avec des montants très bas (entre 50 et 100 euros) et n’atteignent 500 euros qu’au

bout de 6 cycles pendant lesquels le groupe doit justifier moins de trois retards par cycle

pour accéder au cycle supérieur.

Les échéances de remboursement sont fréquentes et rapprochées. Cette périodicité accroît la

pression sur le client et le dissuade de dépenser l’argent qu’il garde pour le remboursement.

Elle permet également de garder un lien continu avec le client. Zakoura adopte la fréquence

de remboursement la plus élevée de l’échantillon (hebdomadaire) à l'image de la Grameen

Bank. Ces rendez-vous sont assortis de réunions avec les clients qui se déroulent dans les

quartiers et confortent la relation entre les clients et les agents de crédits.

Les incitations au remboursement peuvent également prendre une forme monétaire sous

l’aspect de pénalités en cas de retard et de bonus dans le cas contraire. AMSSF/MC prend un

dépôt de solidarité de 2% du montant du prêt qui est utilisé comme garantie. Il est retourné

aux clients lors du remboursement complet du prêt sauf en cas de retard. De plus, le taux

d’intérêt du prêt évolue en fonction de l’ancienneté, de la stabilité et de la fiabilité du groupe.

Il est plus coûteux pour les IMC rurales (FONDEP et à moindre mesure AMSSF/MC) de

faire du crédit. Il est également plus difficile de faire jouer les primes au remboursement et

de construire une vraie relation entre les agents du crédit et les clients à cause des distances et

de la difficulté de se déplacer des uns et des autres. FONDEP adopte une stratégie différente

des autres IMC du groupe pour s’adapter aux besoins de ses clients à majorité rurale. Elle

pratique la flexibilité des remboursements et compense les retards par des pénalités après

une généreuse période de grâce. Elle permet également le remboursement par un seul

membre du groupe. Elle accorde une période de retard sans pénalité de 5 jours pour faire

coïncider le jour de remboursement avec le jour du marché afin d'éviter un déplacement

supplémentaire à ses clients. Cependant, le taux des pénalités s’accroît avec l’accumulation du

retard. Cette méthode permet de satisfaire les clients tout en maîtrisant les retards. La

relation client / IMC n'est pas renforcée par les contacts réguliers mais par cette flexibilité

qui peut être considérée comme une incitation au remboursement.

288

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Les frais de dossier appliqués par Enda pour le renouvellement du prêt sont dépendants de

la performance de remboursement ; selon qu'il y a eu retard ou pas, ils seront plus ou moins

importants.

Disposer d’un système d’information performant qui pointe les retards rapidement est un

atout. La réactivité de l’IMC au retard de ses clients peut leur donner un aperçu de sa fermeté

et les dissuade de défaillir. Par exemple, dès une heure de retard, l’agent de crédit d’Al

Amana est alerté. Il entreprend des relances téléphoniques et une visite sur le terrain. La

fermeté peut aussi être véhiculée par le respect absolu des procédures des institutions et le

refus de concéder des exceptions.

La surveillance continue des indicateurs de remboursement et la réactivité par rapport aux

retards préserve l'institution d'entrer dans un cercle vicieux de défaillance. En l'absence de

garantie matérielle, la motivation principale des clients est la possibilité de prêts et de services

futurs. Cette motivation est renforcée par la pression des pairs. Aussi efficace ce dispositif

soit-il pour prévenir la défaillance, il se fragilise quand une défaillance arrive [Besley &

Coates, 1995]. En effet, une défaillance peut facilement produire un effet boule de neige et

devenir incontrôlable. Au fur et à mesure que les clients observent la défaillance de leurs

pairs, ils perdent leur confiance en la pérennité de l'institution et la perspective qu'elle

continue à leur fournir des services dans le futur. Ils seront tentés, à leur tour, de ne pas

rembourser, précipitant ainsi ce dont ils avaient peur (anticipations auto-réalisatrices). D'où

l'importance de détecter les défaillances tôt.

• Epargne et assurance

L’épargne est interdite par la loi qui régit le secteur du microcrédit au Maroc et en Tunisie ;

aucune des institutions ne la pratique, ce qui constitue un manque à gagner. L’épargne réduit

les velléités de non-paiement et joue le rôle d'une assurance en cas de défaillance. Elle agit

également comme un moyen de sélection car elle indique ceux qui seront plus enclins que

d’autres à rembourser. AMSSF/MC peut bénéficier de cette indication car elle encourage ses

clients à épargner dans les organismes bancaires ou postaux et contrôle leur épargne sur

carnet.

• Services non financiers et renforcement du capital social

Le renforcement du capital social peut intervenir soit à travers la provision de services non

financiers soit en assurant des réunions et des rencontres avec les clients.

289

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Zakoura et Enda sont les institutions qui utilisent le plus les services non financiers et qui

considèrent ce type de service comme indispensable à leur activité principale. A travers les

produits non financiers de formation (hebdomadaires lors des réunions de remboursement)

et d’activité annexes, Zakoura a réussi à développer une relation de proximité, de confiance

et de respect avec ses clients qui les dissuade de toute malversation. Enda assure des

formations (tenue de la comptabilité, marketing, gestion…), une assistance et du conseil ; elle

organise des fêtes pour améliorer les liens et les opportunités d'affaires entre les clients ; elle

organise également des excursions et des sorties qui joignent l'utile à l'agréable :

s'approvisionner sur des marchés moins chers en dehors de la capitale et se retrouver. Ces

activités garantissent un lien fort avec Enda et entre les clients eux-même qui peuvent

développer leurs activités en bénéficiant de l'effet de réseau. Elles encouragent les clientes à

payer (si elles ne payent pas elles ne perdent pas seulement l'accès au crédit mais aussi celui à

tous ces services annexes) et donnent plus de poids à la pression sociale venant des pairs et

des agents de crédit. La formation étant très onéreuse, elle est subventionnée ; les autres

activités sont payées par les bénéficiaires.

AMSSF/MC exige la présence de chacun des membres du groupe lors des séances

bimensuelles de remboursement, ce qui lui permet de garder et d’appuyer le contact entre les

clients et les agents de crédit. Pour les nouvelles antennes, des réunions en pré-échéance sont

organisées ; elles servent à faire baisser les défaillances et à inculquer une habitude de

remboursement aux clients. Cette pratique est aussi visible chez Enda, où les agents de

crédits font la tournée des clients la veille du remboursement pour leur rappeler l’échéance et

dissuader les tentations de non-remboursement.

• Réduction des coûts de transaction

La réduction des coûts peut également passer par des innovations locales induites par

l’environnement propre de l’IMC. A l’instar d’Enda jusqu’à récemment, AMSSF/MC sous-

traite directement ses opérations de remboursement à la banque ou à la poste. Le

remboursement s’effectue au guichet de ses institutions et le client le justifie en présentant le

bordereau à l'agence de l'IMC. Indirectement, AMSSF réduit ses coûts de transaction en

effectuant les opérations de déboursement par chèque (elle fait l’économie d’un caissier, de

sa formation, des risques d’erreur...).

290

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Ces stratégies sont bénéfiques pour l'IMC qui réduit ses coûts opérationnels et maximise le

remboursement mais également pour le client qui bénéficie d'un taux d'intérêt plus faible. En

effet, ces méthodologies réduisent les risques qui se traduisent par une baisse de la prime de

risque impliquant un mouvement descendant du taux d'intérêt.

Accroître le montant du prêt moyen

La totalité des IMC étudiées adoptent la stratégie des prêts évolutifs comme moyen de réduction

de risque à travers la révélation progressive par les clients des informations qu’ils détiennent. Au

fur et à mesure des cycles de prêts, des clients se révèleront non solvables et donc ne pourront

pas postuler à un autre prêt et se verront exclus du programme ; ceux qui apparaîtront solvables,

pourront accéder à un prêt plus important (dans la limite de leurs besoins justifiés) et ainsi de

suite.

Au fur et à mesure de l’activité de l’institution et de la consolidation du portefeuille de prêt, les

coûts seront réduits sous le double effet de l’accroissement du montant du prêt moyen

permettant des économies d’échelles – les clients les plus solvables auront accès à des prêts de

montant de plus en plus importants – ainsi que sous l’effet de la réduction du taux de défaillance

– les clients les moins solvables se voient exclus du programme –

291

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

292

Graphique IV-5 Evolution des coûts par rapport à la taille des prêts

Composé par nos soins

On remarque qu’en terme de montant de prêt moyen, Al Amana et Enda se détachent du reste

de l’échantillon en octroyant des prêts supérieurs. Cependant, les deux IMC ne servent pas le

même type de clientèle ; cette position sur le graphique semblable à celle d'Al Amana, est induite

par un niveau de coût de la vie plus élevé en Tunisie. En effet, le PNB par tête est plus important

en Tunisie (plus de 2000 $ sur la période étudiée) qu’au Maroc (inférieur à 1200 $). A montant de

prêt moyen comparable, celui d’Al Amana représente 22,3% du PNB par tête alors que pour

Enda, il représente 12,5%. En montant du prêt, Enda se rapproche d’Al Amana alors qu’en

pourcentage du PNB et en catégorie de clientèle, elle ferait plutôt partie du groupe FONDEP,

AMSSF/MC et Zakoura.

La période n'est pas assez longue pour pouvoir tirer des enseignements robustes de la présente

comparaison, néanmoins elle nous donne une tendance et nous permet de voir les différentes

relations entre montant du prêt moyen, les coûts opérationnels et le taux de remboursement des

clients.

L’échantillon présente différents schémas de relations et d’évolution de ces indicateurs.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

0 50 100 150 200 250 300 350

prêt moyen

coût

en

% d

e l'e

ncou

rs d

e pr

êt

Al Amana Zakoura Fondep AMSSF/MC Enda

Al Amana

EndaFondep

AMSSF

Zakoura2002

2001

2000

2002

20002002

2000

2002

1999

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Enda

Les coûts ont diminué d’une manière continue au fur et à mesure de la croissance du montant

moyen du prêt. Ils ont fait une chute entre 2000 et 2001 sans augmentation du montant du prêt.

Les taux de remboursement sont restés très élevés (supérieurs à 99%).

Enda a commencé avec un niveau de coûts assez élevé ; en 2002, elle supporte le plus important

pourcentage de coûts par rapport à son encours. Ceci peut être imputé à un retard dû au fait

qu’elle n’a eu aucune aide technique extérieure et qu’elle a du apprendre à travers sa propre

expérience. Les coûts ont baissé au fur et à mesure de la croissance de l’activité et de l'effet

d'apprentissage.

En 2001, cette chute des coûts a coïncidé avec une augmentation des subventions pour le capital

prêt qui a permis d’accroître l’activité (croissance de 40% du nombre des clients actifs) et de

réaliser des économies d’échelle sans augmenter le montant du prêt moyen, dans un premier

temps.

Al Amana

Le montant moyen déboursé par prêt a une croissance soutenue sur la période. Les coûts ont

légèrement augmenté en 2001 pour baisser l’année suivante. Les subventions ont augmenté de

27% entre 2000 et 2001. Le taux de remboursement est resté proche de 100% durant toute la

période. Les coûts totaux d’Al Amana sont parmi les plus bas de l’échantillon.

AMSSF, Fondep et Zakoura font partie d’un même groupe en ce qui concerne le montant du

prêt et la proportion des coûts par rapport à l’encours total. Elles ont cependant des trajectoires

d’évolution du coût dissemblables.

AMSSF

Le coût total ne faiblit pas d’une manière continue au fur et à mesure de la croissance du prêt

moyen. Il accuse une baisse en 2001 et une légère hausse en 2002.

Cette croissance des coûts n’a aucune relation avec le taux de défaillance qui est resté en dessous

de 1% durant toute la période. En revanche, l’institution a bénéficié à partir de 2000 (novembre

2000 et août 2001) de deux subventions du fonds Hassan II de l’ordre de 300 000 EUR qui ont

été dédiés exclusivement au fonds de prêts. Cette subvention a accru l’encours de prêt en 2001

(+248%) et en 2002 (+45%) mais a engendré un accroissement des charges d’exploitation et

surtout des frais du personnel suite à l’embauche durant 2001 de 17 salariés supplémentaires. Ces

coûts engagés en 2001 se sont répercutés pleinement sur 2002 faisant que les coûts totaux

293

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

croissaient plus que proportionnellement par rapport à l’encours de prêt en 2002 provoquant le

relèvement de la courbe des coûts.

FONDEP

On ne dispose d’information complète que sur deux années, 2000 et 2001. Le prêt moyen est

resté quasiment constant alors que les coûts augmentaient sensiblement.

Entre 2000 et 2001, les charges d'exploitation ont augmenté de 100% (recrutement de 26 salariés

supplémentaires en 2001, multiplication par 6 des intérêts versés suite à l'augmentation des

emprunts commerciaux à court terme), ces augmentations n'ayant pas pu être contrebalancés par

le recul de 34% des provisions pour pertes sur prêts ; l'encours de prêts n'a augmenté que de

32%, suite à l’apport du fonds Hassan II et de la Fondation Conseil Espagnol d'Appui aux

Réfugiés.

Les données jusqu'en mai de l'année 2002, nous permettent de voir une tendance au déclin des

coûts par rapport à l'encours ainsi qu'une baisse du montant moyen du prêt. Malgré la

reconduction d'anciens clients vers des crédits de montant plus élevé, le nombre important de

nouveaux clients avec de faibles montants de prêts a tiré cette moyenne vers le bas. Le TEG de la

FONDEP est parmi les plus élevés. Ceci peut s’expliquer par la différence de marché : 80% des

clients sont en zone rurale et le niveau de pauvreté est plus important. En effet, FONDEP possède

l’encours moyen par clients le plus faible de l’échantillon (6,8%). Les économies d’échelle que la

taille ne lui permet pas ainsi qu'un niveau de charge important, peuvent également en être la

raison.

Zakoura

Dans un premier temps, le coût par unité monétaire prêtée a baissé quand le prêt moyen a

augmenté. Les charges totales ont augmenté de 57% par rapport à la période précédente

(embauche de 122 salariés en 2000) et l'encours de prêt s'est apprécié de 126% (quasi doublement

des emprunts concessionnels à court terme).

Dans un deuxième temps, la courbe a amorcé une évolution contraire : la baisse du montant

moyen des prêts ne peut pas être imputée à un renouvellement plus rapide des prêts

(augmentation du nombre de prêts par client) car les durées des prêts ont été rallongées, il est

plutôt imputé à un souci de l'IMC d’atteindre une population vraiment à faible revenu qui a

besoin de faibles montants de prêt.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Cette baisse s'est accompagnée par un accroissement du ratio des coûts. Les charges

d'exploitation ont doublé (embauche de 172 salariés et création de 31 nouvelles agences) alors

que l'encours a moins que doublé.

Le taux de remboursement, bien que de l'ordre de 99% dès le départ, s'est approché de plus en

plus du taux de 100% durant les 3 années.

Les exemples de Zakoura et de Enda illustrent le mieux la relation inverse entre le prêt moyen et

les coûts : l'accroissement du prêt moyen, à encours et nombre de clients constants, fait réaliser

des économies d'échelle aux IMC et baisse les coûts.

Au fur et à mesure de l'affirmation de l'activité, de l'expérience de l'IMC et de la sélection dans le

temps des clients (départ des insolvables et accès à des sommes plus importantes des solvables), il

en résulte une augmentation du montant du prêt moyen et une baisse des taux de défaillance. Le

prêteur pourra alors baisser ses coûts et appliquer un taux d'intérêt qui lui assure la viabilité

financière d'une part et qui convienne aux clients d'autre part.

La baisse des coûts passe par une réduction des coûts de défaillance (provisions pour perte sur

prêt), résultat de l'augmentation du taux de remboursement. Pour ce faire, les IMC peuvent avoir

recours aux subventions utilisées de deux manières, directe ou indirecte : soit, elles baissent le

taux de défaillance, ce qui réduit les coûts totaux mais requiert un investissement initial important

en formation des clients et des agents de crédit, en frais de déplacement, de personnel (...) et qui

est généralement pris en charge par les bailleurs de fonds ; soit les subventions viennent

directement éponger les pertes dues au fort taux de défaillance sans agir sur les causes.

Dans le premier cas, les subventions sont surtout nécessaires au moment du lancement de

l'activité et servent à épauler l'IMC le temps qu'elle ait une expérience ; elles diminuent au fur et à

mesure de l'augmentation du retour sur investissement jusqu'à ce que l'IMC n'en ait plus besoin.

Les subventions de premier type, qu'elles servent à réduire les charges d'exploitation (en prenant

en charge les frais des infrastructures administratives et de la mise en œuvre des innovations), ou

bien à alimenter le fonds de prêts, constituent un investissement initial durable et souhaitable

pour le développement des activités. Cependant, les subventions du deuxième type risquent de

créer une attitude de rent seeking si elles ne sont pas assorties d'un vrai système de contrôle et

d'évaluation.

295

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.1.3.1.3 Le recours aux subventions

Hulme & Mosley [1996] ont identifié, en étudiant 13 IMC (Asie, Amérique Latine et Afrique

anglophone) que les traits de caractère communs à toutes les expériences financièrement

réussies154, non partagés par le reste de l'échantillon sont : un TEG positif, un remboursement

fréquent des prêts, la pratique d'une forme d'assurance au remboursement ainsi que l'utilisation

de mesures incitatives pour le remboursement.

Toutes les IMC de notre échantillon possèdent ces caractéristiques (tableau VI-1) qui peuvent

expliquer leur performance remarquable en ce qui concerne le taux de remboursement155. Du fait

de la pratique du microcrédit, relativement tardive au Maghreb, les IMC ont pu bénéficier

pleinement des expérimentations, des innovations et des connaissances développées dans d’autres

régions par d'autres institutions.

Les externalités peuvent agir de deux manières pour réduire le risque et faciliter la provision de

services financiers aux populations pauvres. Premièrement, en baissant les coûts des institutions

"aidées", à travers les indications gratuites qu'elles leurs fournissent sur la solvabilité de leurs

anciens clients ; à l'image de BancoSol (Bolivie) ou de KREP (Kenya) dont les bons clients

montrent les rapports de remboursement avec elles à leurs nouveau prêteur comme gage de leur

solvabilité. Un emprunteur qui peut démontrer un bon suivi de remboursement ou justifier d'une

formation au sein d'une autre institution fait économiser à l'institution à laquelle il s'adresse les

coûts administratifs relatifs à la transaction et permet une réduction des défaillances. De cette

manière, l'institution pionnière assiste gratuitement la suivante dans son processus de sélection et

l'aide à réduire ses coûts. Deuxièmement, les externalités peuvent intervenir à travers la

dissémination de techniques générales et innovantes de réduction des risques. La Grameen Bank,

par exemple, a développé le concept de réunion de remboursement hebdomadaire dans un centre

de l'institution qui a eu un large succès et a été utilisé par plusieurs institutions du Bangladesh et

du monde [Hulme & Mosley, 1996].

Les institutions pionnières qui prêtent à ceux qui empruntent pour la première fois rencontrent

plus de risque mais apprennent par leurs échecs à faire la différence entre les bons et les mauvais

emprunteurs et réduisent les risques que vont rencontrer les prêteurs ultérieurs. La révélation des

154 Celles ayant des taux de remboursement de 80% et plus. 155 On ne peut pas comparer avec des IMC non performantes car notre échantillon est biaisé. En effet, vu que les données utilisées sont issues de rapport d’évaluation, on peut supposer que se sont des IMC d’une certaine taille, avec un certain niveau de succès opérationnel et financier qui sollicitent les agences de rating pour confirmer ou formaliser leur succès. Généralement, cette étape précède le recours de l’IMC aux prêts commerciaux. Le rating constitue une garantie supplémentaire pour les prêteurs commerciaux ou les bailleurs de fonds par rapport à la stabilité et à la pérennité de l’IMC.

296

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

297

informations sur les compétences et la solvabilité des emprunteurs accorde un bénéfice externe à

ceux qui interviennent sur le marché.

Dans les deux cas, les institutions pionnières ont baissé la prime de risque de l'institution "aidée".

Elles lui ont fourni une externalité et, dans aucun des cas, la première ne reçoit de paiement de la

part de la seconde en contrepartie de son service. Il est donc naturel que les subventions

rémunèrent cet effort.

La performance du secteur du microcrédit au Maghreb peut alors également être imputée aux

externalités positives.

Les innovations apportées par la microfinance assurent donc le succès de l'IMC qui innove et

expérimente ainsi que le succès de celles qui vont suivre son exemple et utiliser ses résultats. Cet

apport est une justification importante à l'utilisation des subventions [Hulme & Mosley, 1996].

Le passif des cinq IMC de notre échantillon est majoritairement constitué de subventions

(graphique VI-7). Cette dépendance décroît d'ailleurs avec la maturité de l'institution (graphique

VI-6). Les besoins de financement des IMC peuvent être appréhendés en fonction de leur cycle

de vie. Les fonds de démarrage servent à financer les premiers biens et frais d’exploitation et ils

sont constitués de subventions, apportées au démarrage, par des bailleurs de fonds

internationaux. Le fonds d’exploitation est un fonds d’appui subventionné par les bailleurs

internationaux et nationaux jusqu’à couverture des charges par les intérêts et les commissions. Ils

interviennent durant les premières années d'activités. Enfin, le principal du prêt est nourri par des

subventions au titre du principal ou pour les fonds propres qui cèdent progressivement la place à

des prêts concessionnels ou commerciaux.

Graphique VI-6 Evolution des subventions sur la période pour les cinq IMC

Composé par nos soins

0

20

40

60

80

100

120

140

1 2 3

Al AmanaZakouraFONDEPAMSSFEnda

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

298

Le Subsidy Dependance Index (SDI) [Yaron, 1992a ; 1992b] est un ratio qui rapporte les subventions

reçues par une IMC aux revenus dégagés par cette dernière suite à son activité.

Quand des fonds publics sont engagés, l'action qu'ils financent est louable, lorsque le bénéfice

social qu'elle dégage excède le coût social. Cependant dans la pratique, l'évaluation du bénéfice

social n'est pas aisée et, par défaut, les bailleurs publics se contentent d'une évaluation des coûts

sociaux, que se propose d'estimer le SDI.

Le SDI mesure l’accroissement nécessaire du taux d’intérêt appliqué aux clients pour compenser

une élimination complète et immédiate des subventions. Plus le SDI est faible, plus l'institution

est pérenne et indépendante. S’il est négatif, c’est que l’institution est capable de ne pas avoir

recours aux subventions tout en restant rentable. Il ne faut cependant pas perdre de vue que

plusieurs IMC se portent très bien avec des SDI positifs. La mesure de l'efficacité d'une

institution dans la poursuite de son but ne se limite pas à ce seul critère ; une batterie de critères

rendrait mieux compte de sa performance.

Pour calculer correctement ce ratio, toutes les charges doivent être prises en compte y compris

celles qui n'apparaissent pas toujours dans les états financiers, et ce pour pouvoir estimer ce

qu'aurait réellement payé l'institution si elle payait les impôts, levait des fonds commerciaux ou

rémunéraient ses conseillers techniques. Pour notre échantillon, les subventions en nature n'ont

pas été comptabilisées.

Encadré VI-3 Calcul du SDI

SDI = subvention totale = S revenu du portefeuille de prêt PF r

avec S = (i* - i) X + (i* E – p) + K

Où : i = taux d'intérêt payé par l'institution. i* = taux d'intérêt payé si l'IMC n'avait pas accès aux fonds concessionnels r = taux effectif global appliqué par l'IMC à ses clients X = dettes concessionnelles moyennes E = fonds propres p = profit avant impôt K = subventions autres que le taux d'intérêt concessionnel PF = portefeuille de prêt S = subventions

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

299

La décomposition des charges de notre échantillon d'IMC ne permettait pas d'appliquer le SDI

formalisé par Yaron [1992a] et Schreiner & Yaron [1999]. On a donc recouru à une

approximation et remplacé les dettes à taux concessionnel par le total des dettes pour les IMC

pour lesquelles l'information n'est pas disponible (Al Amana et AMSSF/MC). On a supposé le

non recours aux dettes commerciales car on a remarqué que la totalité des dettes pour Zakoura et

la majorité pour FONDEP sont des dettes à taux concessionnel.

Tableau VI-4 Les Subsidy Dependance Index (SDI) des IMC de l’échantillon

IMC 1999 2000 2001 2002Al Amana 22% 14% -3%Zakoura 17% 146% 100% FONDEP 45% 19% AMSSF 23% -1% -19%Enda 126% 74% 71%

Composé par nos soins

Le SDI diffère selon les IMC et tend à décroitre dans le temps pour la majorité d’entre elles. En

moyenne, les augmentations requises du taux d’intérêt ne sont pas très élevées sauf pour le cas de

Zakoura, où en 2001 par exemple, elle doit doubler son taux d’intérêt pour compenser les coûts

réels qui sont actuellement subventionnés.

La performance des IMC maghrébines est très honorable en comparaison avec d’autres IMC où il

est rare de trouver des SDI de moins de 100% [Hulme & Mosley, 1996]. A titre de comparaison,

le SDI de l’IMC rentable BancoSol est de 135% et celui de la Grameen Bank est de 142%.

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300

Graphique VI-7 Structures de financement de 5 IMC– 2002

Composé par nos soins d'après PlaNet Rating [2002a,b ; 2003a,b] et Khaled [2003]. Les fonds propres : capital social, réserves et report à nouveau

Contrairement aux arguments de plusieurs chercheurs, les subventions de la part des bailleurs de

fonds internationaux et même nationaux n'ont aucun effet sur la performance financière des

institutions [Hulme & Mosley, 1996]. La connotation d'inefficacité que recèle le terme subvention

trouve son origine dans l'échec des programmes et des banques de développement étatiques des

années 1960-1970. Cependant, les leçons de cette expérience ne consistent pas à éviter les

subventions mais à éviter l’excès de subventions [Morduch, 1998]. D'ailleurs, les bailleurs de

fonds contredisent leurs actions en fustigeant les subventions qu'ils sont en train de fournir. Cela

peut sembler s’apparenter au double discours ; en fait, ce qu'ils mettent en cause ce sont les

subventions continues dans le temps, sans contrôle et sans contrepartie et qui interviennent

directement sur le taux d'intérêt dans le but de le garder en dessous d'un certain seuil. Alors que

les subventions qu'ils proposent sont ponctuelles, contraintes par des évaluations et des suivis et

subordonnées à certaines réalisations. La rétrocession de fonds pour Zakoura, par exemple, par

l'USAID, le PNUD, l'UE et le fonds Hassan II, est soumise à des évaluations préalables de fin de

projet.

Il faut noter que quand on parle de subventions, on n'entend pas des taux d'intérêt proches de

0% mais de taux supérieurs aux taux formels qui restent accessibles pour les clients pauvres ; ce

sont des taux qui assurent une réduction significative pour les bénéficiaires et évitent qu'ils se

-20%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Al Amana Zakoura FONDEP AMSSF Enda

Fonds propres

Subventions

Emprunts

Autres dettes

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

sentent subventionnés. Ces taux évitent également d'attirer les personnes non pauvres et

influentes (ce qui se remarquait dans les programmes étatiques des années 1960), qui voudraient

bénéficier de taux réduits. Des taux supérieurs aux taux formels assortis d'obligations d'assistance

à des réunions de formation ou de remboursement assurent le ciblage du niveau de pauvreté des

clients.

La plus grande critique adressée aux institutions subventionnées est qu'elles ne sont pas durables

sur le long terme [Otero & Rhyne, 1994]. Les défenseurs de cette position invoquent les

anciennes expériences des années 1960 et 1970 pour refuser le recours aux bailleurs de fonds et

imposer l'autosuffisance financière comme objectif primordial des IMC ; or atteindre l’autonomie

financière relève bien plus de l'efficience que de la maximisation du profit [Morduch, 1998]. Pour

être durable les institutions doivent être efficaces. Cette caractéristique se mesure bien plus avec

la conformité et le respect d'un budget strict et l'application d'une méthode de gestion rigoureuse

et d'un modèle d’organisation qui favorise la minimisation des coûts [Morduch, 1998] qu'avec un

taux d'intérêt suffisamment élevé pour couvrir les charges et dégager un profit [Rosenberg, 1996].

Les deux mécanismes sont souvent confondus mais c'est la bonne gestion (ou bonne

gouvernance) qui est critique pour l'efficacité de l’action.

Les cinq IMC de l'échantillon présentent toutes de bons indicateurs d'efficacité. En effet, les

ratios de productivité des agents de crédits et le rendement du portefeuille ainsi que l'autonomie

opérationnelle ont une courbe ascendante pour les 5 IMC avec parfois une croissance par à coups

(graphique VI-9). Le ratio des charges d'exploitation suit une courbe descendante sur la période

étudiée (graphique VI-8).

Graphique VI-8 Le ratio des charges d'exploitation

Graphique VI-9 L'autonomie opérationnelle

1 2 3

Al Amana

Zakoura

Fondep

AMSSF/MC

Enda

1 2 3

Composé par nos soins

301

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Les charges opérationnelles et surtout les charges du personnel détiennent une part importante

dans la structure de coûts des IMC. Accroître le nombre de bénéficiaires par employé ou par

agent de crédit est un signe d'utilisation efficace de l'excédent de capacité et un gain de maturité

des employés qui aboutit à une compression des coûts.

Une baisse de ce ratio (emprunteurs actifs / agents de crédit), comme pour Zakoura entre 2000

et 2001, n'est pas forcément synonyme d'une baisse d’efficience mais correspond à un

changement dans la structure de l'IMC qui s'est développée pendant les deux dernières années

étudiées ce qui a demandé, en plus de l'investissement financier, un investissement en temps de la

part des employés et agents de crédit pour former les nouveaux, diminuant ainsi l’efficience

globale de la structure.

La baisse observée du ratio des charges d'exploitation (charges d'exploitations / encours moyen

des prêts) traduit une amélioration de la performance qui peut être liée à une économie d'échelle

comme pour le cas d'Al Amana.

Le rendement du portefeuille (Revenu du portefeuille / encours moyen des prêts) donne une idée

sur la qualité du portefeuille et donc de l'efficacité de l'investissement de l'institution dans les

méthodes de réduction des risques.

L’autonomie opérationnelle mesure la capacité d’une IMC à couvrir ses charges opérationnelles

grâce à ses revenus d’exploitation (quelle que soit l’origine des fonds) contrairement à

l’autonomie financière qui mesure la capacité d’une IMC à couvrir ses charges grâce à ses activités

selon les taux et les conditions de marché et prend en compte un ensemble d’ajustements.

L'ajustement pour inflation vise à neutraliser les effets de l’inflation sur les fonds propres et les

immobilisations; il n’est pas très important du fait de la faible inflation au Maghreb ; l’ajustement

pour dons en nature et pour provisions n’a pas non plus d’impact significatif sur le résultat.

L’ajustement pour coût des fonds ajuste le résultat en prenant en compte l’origine des

ressources : il consiste à estimer le coût qu’aurait dû payer l’IMC si elle se finançait sur le marché

au lieu de bénéficier de subventions ou de prêts à taux concessionnels.

Ces ajustements ont été mis en œuvre pour des besoins de standardisation des mesures à des fins

de comparabilité entre des IMC avec des conditions différentes dans des pays à données

différentes. Actuellement, le ratio d’autonomie financière est le but de toute IMC et le ratio phare

qu'elle cherche à maximiser.

302

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

303

Tableau VI-5 Indicateurs d'efficience des cinq IMC

Composé par nos soins

Graphique VI-10 Autonomie opérationnelle et part des subventions dans le passif total pour les cinq IMC - 2001

-

20,00

40,00

60,00

80,00

100,00

120,00

AMSSF

Al Aman

aEnd

a

Zakou

ra

FONDEP

020406080100120140160

Subventions

AutonomieOpérationnelle

Composé par nos soins

L'autonomie opérationnelle n'évolue pas dans le sens contraire des subventions. On ne peut pas

expliquer l'amélioration de l'autonomie opérationnelle par une baisse des subventions. Ce qui

ressort du graphique VI-10 c'est qu'à des niveaux décroissants de subventions ne correspondent

pas des niveaux croissants d'autonomie opérationnelle. L'amélioration de l'efficience (et donc de

l’efficacité de l’action) réside dans la gestion rigoureuse et rationnelle des fonds dont dispose

l'institution quelle que soit son origine.

2000 2001 2002 1999 2000 2001 2000 2001 2000 2001 2002 2000 2001 2002

Productivité des agents de crédit 257 275 357 243 254 205 369 240 103 130 172 242 263 276

Ratio de charges d'exploitation 37% 32% 24% 41% 34% 38% 58% 52% 67,5% 48,3% 41,7% 58% 46% 33%

Rendement du portefeuille 40% 37,7% 37,3% 44% 37% 41% 31,4% 48,5% 60,3% 69,1% 69,4% 33% 44% 41,3%

Autonomie opérationnelle 108% 114% 147% 108% 111% 111% 53% 100,8% 111% 142% 169% 57% 86% 92%

AMSSF/MCFondepZakoura EndaAl Amana

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.1.4 Conclusion

Dans le tableau qui suit, on a essayé à travers les 5 IMC étudiées de faire ressortir les principales

caractéristiques qui facilitent l'accès à la viabilité. Elles tournent autour de trois axes : des coûts

maîtrisés, un taux d’intérêt approprié et un bon taux de recouvrement.

Tableau VI-6 Caractéristiques des IMC viables

⇓ dépenses

⇑ ressources

• Bonne maîtrise des risques d’impayés : - procédure de sélection (entretiens, enquête sur le terrain et

évaluation de la situation financière de la demandeuse de crédit). - activités de formation dispensée en même temps que le crédit -

BDS (Enda, Zakoura) - utilisation des groupes solidaires - dépôt de solidarité qui est retourné aux clients si le

remboursement se déroule sans retard. - mécanisme d’épargne pour évaluer la bonne volonté des

emprunteurs. AMSSF/MC encourage ses clients à épargner dans les organismes bancaires ou postaux et contrôle leur épargne.

- une écoute des besoins des bénéficiaires et une bonne étude préalable à l’implémentation des produits de crédit sinon génération de charges supplémentaires : contamination du portefeuille et baisse du taux de recouvrement.

• augmenter l’efficacité et la productivité des agents de crédit • une bonne gouvernance et gestion des ressources humaines. Les manuels de procédures simples et complets et le système d’information assurent la standardisation et la rapidité des opérations ; le système de gouvernance repose sur des compétences techniques fortes et un engagement personnel de chacun, à la fois pour la pérennité de l’institution et pour son impact socio-économique. • ne pas rater les occasions qui se présentent pour diminuer les charges fixes : à l’exemple de Enda ou AMSSF/MC qui font traiter gratuitement les opérations de back office, de paiement des échéances dues et d’octroi de crédits dans les guichets de banques partenaires. • s’implanter à proximité des populations ciblées.

• Un taux d’intérêt débiteur qui n’attire pas une population relativement moins pauvre, qui soit à la portée des populations ciblés et qui permette de couvrir les frais de fonctionnement • Une gestion rigoureuse, efficace et transparente des subventions • Une réintégration des produits d’exploitation capitaux propres qui permettrait de renforcer le fond de prêt. Ainsi la recherche de rentabilité peut rassurer les bailleurs de fonds tout en bénéficiant aux clients et en favorisant une croissance solide de l'institution. • Collecte d’épargne. Peut être une ressource supplémentaire pour les IMC mais elle n'est pas autorisée par la loi. • Amélioration du résultat net à travers l’encouragement de l’expansion de l’activité et l’augmentation des produits financiers.

Les deux courants cherchent à maximiser l’efficacité de leur action et partagent le même point de

vue sur l’amélioration de la rentabilité de l’IMC à travers la baisse des charges. Les institutionists

cherchent à atteindre ce but en contrôlant la nature des moyens (pas de subventions) alors que les

welfarists mettent en avant l’efficience de la gestion de ces moyens quelque soit leur nature.

Bien que sur le plan théorique, en ce qui concerne les actions à entreprendre pour assurer la

pérennité les avis sont partagés, sur le terrain, les institutions mêlent des éléments de l'une et

l'autre des écoles pour allier un impact productif et redistributif à une pérennité financière. Les

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

stratégies pour assurer la viabilité doivent se concentrer sur la diminution des charges à travers les

innovations apportées par la microfinance et l'accroissement du prêt moyen. Les actions sur les

produits (accroissement des subventions ou du taux d'intérêt) ne constituent pas des stratégies en

tant que telles ; les IMC doivent pratiquer des taux qui rendent l'activité de prêt effective à la fois

pour le prêteur et l'emprunteur. Cependant, les subventions sont incontournables en début

d'activité pour la mise en place des stratégies innovantes de réduction des coûts.

Deux types de programmes peuvent cohabiter pour le bien des clients pauvres et moins pauvres :

un programme subventionné qui sert les plus pauvres et qui les accompagne graduellement vers

des programmes autosuffisants qui semblent avoir une plus grande portée [Morduch, 1998].

Ce schéma peut se réaliser à travers le passage d'une institution à une autre mais également au

sein d'un même programme. Au Maghreb, ce plan d'évolution se constate au sein d'une même

IMC ; au début de sa vie, elle commence avec un petit nombre de prêts à faible montant et

beaucoup de subventions qui diminuent au fur et à mesure de l'accroissement du montant des

premiers prêts et du nombre des prêts totaux accordés.

Une solution qui fait coïncider la recherche de l'autosuffisance avec la dimension sociale des IMC

est de séparer les activités en deux pôles distincts : le pôle purement financier qui cherche l'auto-

suffisance à travers des pratiques commerciales et le pôle non-financier (subventionné) qui assure

la recherche et la prospection de nouveaux clients, les activités de formation et de BDS (Business

Development Services), qui vont influencer, de toute façon, la partie financière à travers une

réduction des risques et une amélioration des remboursements comme c’est le cas de enda inter-

arabe.

Mais l’histoire a montré qu’une institution viable financièrement n’est pas forcément une

institution qui génère un changement positif dans le niveau de vie de ses clients [Hulme, 2000] ;

mesurer l’impact du microcrédit directement sur les bénéficiaires devient un impératif. Tel est

l’objet de la section qui suit.

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CHAPITRE PREMIER

Cadre social, macroéconomique et institutionnel des microentreprises maghrébines

CHAPITRE DEUXIEME

Les microentreprises sont-elles toutes informelles ?

CHAPITRE TROISIEME

Rationalité économique des microentreprises, adaptation et minimisation des coûts

CHAPITRE QUATRIEME

Le financement des microentreprises : inadéquation du système bancaire et prédominance des ressources internes

CHAPITRE CINQUIEME

Le microcrédit, une solution au financement

CHAPITRE SIXIEME

Mesurer l’efficacité du microcrédit

La viabilité des institutions de microcrédit

Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.2 Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise

Au-delà de son autonomie et de sa pérennité, la raison d'être d'une IMC est de servir une

population spécifique, les exclus du système bancaire, et d'influencer positivement leur condition

de vie à travers l'octroi de prêts qui dynamisent l'activité des unités économiques et se

transmettent vers l'individu et le ménage. Une deuxième manière de mesurer l'efficacité et de

justifier l'utilité des IMC, en plus de leur efficacité financière qui aboutit à leur pérennité, est donc

de mesurer l'efficacité de leur action sur les bénéficiaires156. La finalité d'une intervention en

microfinance n'est pas d'offrir des services financiers en soi mais plutôt de promouvoir le

développement économique et de réduire la pauvreté.

Des hypothèses très fortes ont été retenues quant à la portée et l’impact positif de la

microfinance. En effet, le faible montant des prêts octroyés est considéré comme preuve que la

microfinance atteint les pauvres et les taux de remboursement élevés sont pris comme un gage

que les revenus des bénéficiaires ont augmenté [Von Pischke, 1998]. Buckley [1997] émet des

réserves par rapport à l'impact effectif des programmes africains en terme de passage de la

microentreprise financée à un niveau plus important des opérations, d'accroissement des revenus

ou de l'emploi. Une étude sur les clientes d’une agence de la Grameen Bank [Rahman, 1999]

montre que la relation n’est pas aussi simple et directe ; le taux de remboursement est le résultat

d’une pression intensive de la part des agents de crédit qui sont eux-même sous une pression de

résultat pour rentabiliser l’institution. L’étude a montré par ailleurs que dans plusieurs cas, les

clientes maintenaient leur ponctualité et régularité de remboursement en contractant un nouveau

prêt qui sert à payer l’ancien, ce qui accroît la dette des ménages et va à l'encontre de l'objectif

d'amélioration des conditions de vie recherché par l'institution. Pour ces raisons, l’étude de

l’impact direct de ces interventions sur les bénéficiaires est indispensable. Mettre en évidence

l’impact consiste à démontrer que le programme mène aux changements observés, tout en

gardant à l’esprit que ces changements ne sont pas le fruit de la seule participation et que la

participation ne mène pas forcément à un changement mais qu’elle accroît la probabilité de sa

réalisation.

156 Mosley & Hulme [1998] ont constaté un impact plus important des IMC autonomes financièrement. Ils l’ont expliqué par une méthodologie de prêts qui tend à dissuader les plus pauvres (des taux d’intérêt élevés, une épargne préalable au prêt et des échéances de remboursement rapprochées). Cependant, quand il est testé, cet impact n’est pas statistiquement significatif.

307

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Dans cette section, dans un premier temps, nous exposons le débat théorique entre les deux

écoles de pensées citées précédemment en ce qui concerne la mesure d'impact. Dans un

deuxième temps, nous exposons les principales méthodes de mesures. Ensuite, un survey des

études empiriques nous permettra d'identifier les principaux effets du microcrédit et d'émettre

des hypothèses à tester dans la dernière partie sur des données individuelles marocaines : en plus

de l’appartenance à l’IMC, la croissance du revenu des clientes enquêtées dépend également du

niveau initial de pauvreté ainsi que des capacités entrepreunariales et de gestion.

6.2.1 La mesure d’impact dans le débat théorique en microfinance

Les différentes préoccupations se rapportant à la microfinance suivent les tendances des deux

pôles de pensées cités précédemment ; d'un côté, la rentabilité de l'institution et de l'autre sa

mission sociale et solidaire sont mises en avant. Les tenants de la vision en terme de viabilité,

s'attachent à la rentabilité financière ; les autres, ont une vision en terme d'impact et sont

rattachés aux principes de la microfinance, facteur de solidarité et d'entraide.

La différence dans la sensibilité des deux concepts se retrouve également dans leur position par

rapport à l’évaluation de l'impact de la microfinance. Dans la première, où le succès d’une

institution est mesuré par son avancement vers l'autosuffisance financière, l'impact sur les

populations est sous-entendu, présumé ; les études d'impact réalisées sont plutôt orientées vers

une stratégie de marché. Ces études se sont développées pour accompagner une croissance

verticale157 des IMC, la croissance horizontale158 étant contrainte par la concurrence159 [Djefal,

2004]. Elles cherchent à fidéliser les clients en créant de nouveaux produits qui correspondent à

leurs besoins et attentes.

Pour le deuxième courant, les études d'impact servent à démontrer l'utilité sociale des

programmes et l'effet positif sur l'amélioration du bien-être de leurs bénéficiaires (proving impact) et

se dirigent de plus en plus vers l’identification des besoins et suggestions des clients (improving

practise).

157 Fidéliser les clients en leur offrant une gamme diversifiée de produits. 158 Accroître le nombre de clients touchés. 159 Sur le marché maghrébin, ce n'est pas encore le cas. En Tunisie, Enda et les associations de microcrédit rattachées à la BTS ne sont pas sur le même segment, ni ne pratiquent la même méthodologie. Au Maroc, les principales IMC (Al Amana, FBPMC et Zakoura) se situent sur des segments différents. L'atout de la microfinance au Maghreb a été d'avoir bénéficié des externalités positives en ce qui concerne les innovations de la microfinance. Anticiper ce problème de concurrence est bénéfique pour le développement futur.

308

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Ces deux orientations se discernent dans les méthodologies de mesures d'impact et dans le choix

de la partie de la chaîne de transmission d'impact sur laquelle il convient de se concentrer

(Graphique VI-11). La première est reliée au courant des "institutionists" que Hulme [2000]

nomme "the intermediary school". Elle se concentre sur le début de la chaîne d’impact, à savoir

l'IMC, et étudie le changement intervenu dans ses opérations selon deux variables clés : la portée

institutionnelle (nombre de clients touchés par le programme) et la pérennité institutionnelle ; si

l'autosuffisance financière et la portée ont été améliorées, le programme est considéré comme

ayant un impact positif en présumant que, s'il assure l'accès aux services financiers à des

microentrepreneurs, il agit positivement sur la performance de leurs microentreprises et sur la

sécurité économique de leurs ménages [Von Pischke, 1998 ; Rosenberg, 1999]. Cette hypothèse

s'est avérée incorrecte au cours de plusieurs expérience [Hulme, 2000] : la viabilité est une

condition nécessaire à l'impact mais non suffisante.

La deuxième orientation, celle des "welfarists" ou "intended beneficiary school" [Hulme, 2000] cherche,

à travers sa méthodologie de mesure de l'impact, à investiguer au plus profond de la chaîne de

transmission et à évaluer l'impact sur les bénéficiaires ciblés par le programme et dans la mesure

du possible sur leur environnement (proving impact). Elle peut déterminer qui a bénéficié et de

quelle manière ; ce qui s’avère impossible avec la première méthode. Cependant,

progressivement, cette approche s'est teintée d'une approche par le marché en s'attachant à mieux

connaître, retenir et fidéliser les emprunteurs actuels, à attirer les clients potentiels, à comprendre

les raisons de départ des anciens et à récolter et à remédier à leurs critiques (improving practise).

Pourtant et de plus en plus sur le terrain, plusieurs études allient les deux approches des deux

écoles sur une même étude comme l'ouvrage de Hulme & Mosley [1996] concernant une dizaine

d'IMF qui ont été étudiées du point de vue de la viabilité et puis de l'impact sur les bénéficiaires.

Au Maghreb, le cas s'est présenté avec deux études séparées ayant pour objet l'évaluation de la

viabilité institutionnelle et financière d'une institution marocaine de microcrédit [PlaNet Rating,

2002c] et l'étude de l'impact sur les clients ainsi que la détermination de piste pour l'amélioration

et l'adaptation de ses services [Mourji, 2000].

309

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

310

Graphique IV-11 La chaîne de transmission de l’impact

Institutionists Welfarists

Effets perceptibles à court terme A moyen – long terme

temps

Bailleur de

fonds

IMC

Client

Revenu du

ménage

Revenu de la ME

Sécurité économique

Capital humain

Opportunités économiques

futures

Assistance technique et subvention

Changement des méthodologies et améliorations

des produits

Amélioration et de l’activité

de la ME

Plus d’assurance et de confiance

en lui-même

Baisse de la vulnérabilité

Lissage de la consommation

1 2

3

4

Source : composé par nos soins d’après Hulme [2000]

Pour rapporter ce schéma au débat théorique, nous différencions ceux qui ne s’intéressent qu’aux

conditions d’autosuffisance financière et de pérennisation de l’IMC (les institutionists) et ceux qui

s’intéressent à l’impact proprement dit dans l’ensemble de son processus en mettant l’accent sur

le bénéficiaire, son entreprise et son ménage (les welfarists).

Le schéma est un schéma théorique qui présuppose l’impact ainsi que son enchaînement. La

transmission d'impact est ici considérée d'une manière simplifiée, directe et linéaire qui ne prend

pas en compte les effets multiples et les effets de boucle ; par exemple, le changement de l'activité

de la microentreprise n'est pas uniquement induit par l'accès au financement mais aussi par un

effet de valorisation du microentrepreneur et d'une plus grande confiance en lui qui réduit son

aversion au risque et encourage son esprit entrepreunarial. Les différents enchaînements ne sont

pas automatiques ni mécaniques [Wright, 1999] : ils sont tributaires de l’existence de certaines

conditions. Le passage 1 (Graphique VI-11) requiert une certaine capacité et connaissance de la

microentrepreneuse. En effet, « Ce que la microfinance peut offrir aux populations pauvres

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

dépend de leur capacité à utiliser ce que leur offre la microfinance160 » [Khandker, 2001]. C’est

sur cette partie de la chaîne (impact de l’accès au microcrédit sur la microentreprise à travers la

cliente microentrepreneuse) que portera notre analyse empirique (Cf. 6.2.4).

Les comportements spécifiques de certaines microentreprises (familiales) peuvent tenir à la fois

de l’impact du revenu de la microentreprise sur celui du ménage (passage 2) ainsi que de l’impact

du mode de consommation du ménage (passage 3).

Le passage 2 dépend du choix d’affectation des ressources : l’entreprise peut être prospère mais le

propriétaire peut décider de mettre en réserve ou d’investir tous les revenus de l’unité

économique le temps de la consolider ; l’augmentation du revenu de la microentreprise et par la

suite celle du ménage, peut être absorbée par un évènement exceptionnel (maladie, mariage,

naissance...) ; le caractère saisonnier de la consommation du ménage peut également intervenir161.

Le revenu de la microentreprise (et du ménage) assurent la sécurité économique et le lissage de la

consommation (passage 3) dans le cas où la rigueur de gestion de l’entreprise serait assurée à

travers la séparation entre les caisses de l’entreprise et celles du ménage162. La sécurité

économique est aussi directement influencée par l’approvisionnement du ménage en liquidités

pour remédier aux caractères saisonniers de certaines activités comme le tourisme ou le bâtiment.

Mais généralement, les microentrepreneurs cumulent les activités de manière à ne pas rester en

inactivité : en ce sens, le microcrédit les aide à se diversifier.

On remarque que l’impact du microcrédit dépend de l’évolution dans le temps ; il y a un effet

immédiat sur le revenu et la consommation mais l’effet sur la consolidation de l’activité n’est

visible qu’à moyen terme et celui sur les opportunités économiques futures ou sur le capital

humain du ménage163 (passage 4), est visible à encore plus long terme. Cet effet éloigné dans le

temps est difficile à rattacher au microcrédit ; les observations et les conclusions seront plus ou

moins robustes selon que l’on se situe à un horizon plus ou moins éloigné.

160 “What microfinance can do for the poors depends on the poor’s ability to utilize what microfinance offers them”[Khandker, 2001]. 161 Si le surplus de revenu se réalise par exemple durant le Ramadan ou avant l’Aid, il sera immédiatement absorbé par l’achat de biens alimentaires de consommation. 162 Il y a ici un effet feed back qui fait que si il y a confusion entre les caisses de l’entreprise et du ménage, la prospérité du ménage de la période actuelle peut devenir un échec de la microentreprise dans la période suivante. 163 C’est un effet plutôt générationnel. L’imputation de l’obtention d’un diplôme par l’enfant d’une cliente, aux effets du microcrédit semble difficile. Les mesures se limitent donc au taux de scolarisation.

311

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.2.2 Les différentes méthodes de mesure d’impact

A chaque type d’impact recherché correspond une unité d’analyse ; l’impact personnel ou

psychologique se mesure sur l’individu, l’impact socio-politique ou culturel prend comme unité

d’analyse le ménage, un secteur ou la société en général, enfin l’impact économique se mesure au

niveau du ménage ou de la microentreprise [Ledgerwood, 1998]. Les indicateurs économiques

comme le revenu, les actifs, les investissements ou la production sont relativement faciles à

mesurer et sont souvent utilisés pour évaluer l’impact sur le ménage ou la microentreprise.

Le choix de la méthode de mesure d’impact est déterminé par l’objectif de l’analyse. Il y en a

trois : la méthode quantitative, qualitative et celle qui combine les deux.

La méthode quantitative est une méthode scientifique qui analyse l’impact des programmes de

microcrédit sur les clients ciblés dans un cadre fondé sur l’expérience scientifique aussi

rigoureusement que possible et avec un objectif de trouver des résultats scientifiques valides. Ces

études sont destinées à un public de décideurs, de bailleurs de fonds et de chercheurs. Elles visent

à démontrer (proving) que les interventions du programme ont un impact positif pour justifier de

futurs investissements [Sebstad, 1998].

Une analyse rigoureuse demande deux échantillons ; le premier relativement important,

sélectionné d’une manière aléatoire, et représentatif de la population des clients ; le deuxième

également sélectionné au hasard parmi la population des non-clients sert de groupe de contrôle

qui sert à isoler les effets externes au microcrédit. Les différences entre ces deux groupes

pourront alors être attribuées à l’impact du programme de microcrédit. La validité scientifique de

cet impact est renforcée par l’utilisation des données longitudinales en plusieurs points du temps.

Dans la pratique, les études quantitatives d’impact utilisent des échantillons importants et

évaluent l’impact en utilisant des indicateurs facilement mesurables comme les actifs ou le revenu.

Le groupe de contrôle est généralement constitué de nouveaux entrants qui n’ont pas encore

bénéficié des services de l’institution.

Les études qualitatives sont plutôt destinées à l’institution elle-même et servent à comprendre le

processus qui a abouti à la réalisation de l’impact observé et à suggérer des adaptations aux

demandes, besoins et attentes des clients [Hulme, 1997]. Le but de ce type d’étude est

l’amélioration (improving).

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

De telles études sont plus réduites en taille et étendue ainsi que moins rigoureuses au niveau de la

méthodologie. Elles se basent sur des méthodes qualitatives, par ailleurs très éclairantes, telles que

les enquêtes à questions ouvertes, les interviews, les focus groups164 (…) et partent de l’hypothèse

que l’objectivité scientifique ne résume pas la multiplicité et les nuances de la réalité déterminée

par les perceptions subjectives des clientes.

Cependant, dans la pratique et compte tenu des ressources financières limitées, une méthodologie

intermédiaire qui combine les objectifs de proving et improving est appliquée. L’étude d’impact

basée sur cette méthodologie s’adresse autant aux bailleurs de fonds qu’à l’IMC. Cette approche

cherche à démontrer l’impact positif de la fourniture de services de microcrédit de manière à ce

que les résultats mis en évidence soient économiques à mettre en œuvre, utiles et crédibles sans

pour autant vérifier des tests statistiques élaborés. Dans ce cas, les résultats trouvés indiquent le

sens et une grandeur indicative de l’impact (positif ou négatif) et non une valeur des coefficients

des variables explicatives de l’impact [Barnes & Sebstad, 1999]. La combinaison des approches

qualitative et quantitative accroît la fiabilité des données récoltées.

La méthodologie AIMS s’insère dans ce cadre. Elle se subdivise en cinq outils qui combinent des

éléments pour démontrer et améliorer l’impact. Le premier outil cherche à mettre en évidence

l’effet du microcrédit au niveau du ménage, de l’individu et de la microentreprise, en respectant

les délais et conditions de l’IMC : les imprécisions des données sont donc acceptées ; le deuxième

outil est une enquête qualitative de sortie pour les anciennes clientes, le troisième outil est un

guide qualitatif relatant la manière dont les clientes utilisent les prêts ; le quatrième est un guide

d’entretien qualitatif pour l’identification de l’empowerment des femmes et le dernier est un guide

d’animation des focus groups pour déterminer la satisfaction et les demandes des clientes.

L’exploitation simultanée des différents outils améliore la qualité des données [SEEP, 2000].

164 Les focus groups sont des réunions avec des clients animées par un facilitateur qui guide les participants et structure leurs interventions.

313

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.2.3 Les résultats des principales études empiriques de mesure d’impact

La microfinance, désormais un axe principal des stratégies de réduction de la pauvreté et de

promotion de l’initiative privée [Microcredit Summit, 1997], n’échappe pas à la vague

"évaluatrice" des programmes de développement. Le choix de la variable d'intérêt dépend du but

recherché par l’organisme destinataire de l’évaluation. A travers l’utilisation de plusieurs variables

(revenu de l’individu, accès à l’éducation, accumulation des actifs par le ménage…), les

principales études se sont intéressées à l’impact du microcrédit sur la réduction de la pauvreté

telle que définie par Johnson & Rogaly [1997] en se référant à tout ou partie des trois principales

sources de pauvreté : le manque de revenu, la vulnérabilité aux variations de revenu, le fait d’avoir

peu de choix et de contrôle sur sa situation économique et sociale.

Les positions sont partagées. D’un côté du spectre, des études affirment que la microfinance

possède des effets économiques et sociaux très bénéfiques [Hossain, 1988 ; Pitt & Khandker,

1998 ; Khandker 1998 ; 2001 ; 2003a]. A l’opposé, certains auteurs dénient à la microfinance tout

effet sur la réduction de la pauvreté tout en mettant l’accent sur certains impacts négatifs [Adams

& von Pischke, 1992 ; Buckley, 1997 ; Rahman, 1999]. Entre ces deux positions, différentes

études d’impact présentent des résultats mitigés, dont les principaux tendent à remettre en cause

l’efficacité de la microfinance dans la lutte contre la grande pauvreté ou à contester la fiabilité des

méthodes d’évaluation les plus courantes [Hulme & Mosley, 1996 ; Mosley & Hulme, 1998 ;

Morduch, 1998].

Les principaux effets mis en évidence par ces études montrent que le microcrédit réduit la

vulnérabilité et influence positivement le revenu des moins pauvres165. Dans ce qui suit nous nous

appuyons principalement sur des études faites sur le Bangladesh.

6.2.3.1 La microfinance réduit incontestablement la vulnérabilité des bénéficiaires

Les travaux de Morduch [1998] sur les résultats des programmes de microcrédit de la Grameen

Bank, du Bangladesh Rural Advancement Committee (BRAC) et du Bangladesh Rural

314

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Development Board (BRDB)166 font état de performances indiscutables en matière de réduction

de la vulnérabilité. Cette constatation est partagée par Pitt & Khandker [1998] qui ont travaillé sur

les mêmes données. Murdoch établit que les ménages bénéficiaires échappent à l’habituelle

volatilité du revenu, de la consommation et de l’offre de travail observée chez les ménages les

plus pauvres. Le microcrédit aurait ainsi un effet de lissage des revenus, mettant le bénéficiaire à

l’abri de certaines difficultés quotidiennes. Dans ce sens, les actifs constitués grâce à l’emprunt

tiennent lieu d’assurance sociale, et permettent au ménage d’envisager plus sereinement un

accroissement de son offre de travail. En particulier, la prise de risque inhérente à tout projet

entrepreneurial devient tolérable [Hulme & Mosley, 1996].

Un autre résultat retient l’attention : le lissage de la consommation est le résultat direct de la

stabilisation du revenu, et non pas de l’apport supplémentaire de l’emprunt lui-même. Le crédit

est en général effectivement investi et l’activité ainsi créée génère des revenus plus réguliers et une

certaine confiance dans l’avenir. Certes, les ménages ne sont pas moins pauvres pour autant, mais

les retombées psychologiques, sanitaires et sociales de la stabilisation de la consommation sont

positives.

6.2.3.2 La microfinance réduit la pauvreté monétaire sous certaines conditions

Les études tendant à examiner la capacité de la microfinance à réduire la pauvreté apportent

rarement des résultats satisfaisants, quelle que soit la tonalité de ces résultats. Ceci est dû à

plusieurs facteurs. D’un côté, la distinction entre les concepts de pauvreté et de vulnérabilité peut

sembler délicate, surtout dans le cas de populations cumulant avec le dénuement matériel d’autres

facteurs de fragilité. Ensuite, les indicateurs usuels comme l’augmentation de la consommation et

celle du revenu sont insuffisants pour marquer un recul de la pauvreté ; en effet, quand la hausse

du revenu courant se produit au prix d’un endettement important, elle peut hypothéquer les

perspectives d’une sortie durable de la pauvreté ; la même remarque vaut pour la hausse de la

consommation qui peut relever d’un simple transfert intertemporel. Enfin les résultats trouvés

dépendent de (et diffèrent selon) la méthode de mesure utilisée [Lalonde, 1986]

165 Un troisième effet que nous ne traiterons pas est le renforcement du rôle de la femme et l'amélioration de la perception de ce rôle [Khan Osmani, 1998]. 166 L’étude porte sur des données de 1991-92 concernant près de 1800 ménages issus de 87 villages répartis sur 5 districts. 1538 ménages sont (ou ont été) bénéficiaires d’un microcrédit, les autres servent à alimenter un « groupe de contrôle » neutre permettant d’isoler l’effet des programmes.

315

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Morduch [1998] impute l'impact positif sur la pauvreté des clientes des trois grandes IMF du

Bangladesh, mis en évidence par une simple comparaison entre clientes et groupe de contrôle167, à

un biais de sélection et à une erreur de ciblage. Principalement, ce biais est causé par une pauvreté

moindre par rapport à celle supposée pour les clientes. En effet, 20 à 30% des emprunteurs

possèdent plus que la moitié d’un acre de terre, limite supérieure de sélection pour les participants

à ces programmes. Cependant, les résultats affinés sont intéressants à plus d’un titre : à l’intérieur

de la population éligible au programme de microcrédit classée en fonction du montant emprunté,

les ménages du quartile supérieur (au regard du classement) affichent une consommation per capita

supérieure de 15% à celle du quartile inférieur. De plus, le taux de scolarisation des enfants mâles

des clients de la Grameen Bank atteint 62% contre 34% chez le groupe de contrôle. ; chez les

filles, il est de 55% contre 40%.

L'analyse brute permet de conclure à un impact positif du microcrédit sur la réduction de la

pauvreté modérée. Cet impact serait négativement corrélé au degré de pauvreté initial et

positivement corrélé au montant du prêt ; un effet de seuil prévisible semble agir en matière de

prêt : un montant trop faible n’a pas d’impact durable sur le revenu du ménage.

Cependant, ces résultats relèvent d’un biais de sélection ; les IMC étudiées privilégient les

"pauvres modérés" dans l’attribution de leurs crédits, en raison d’une capacité de remboursement

présumée plus grande. Cette tranche supérieure serait la moins pauvre dès avant la mise en place

du programme, et n’aurait donc pas bénéficié d’un apport positif du programme.

Après correction de ces biais168 et restriction de l'échantillon à des clientes respectant les critères

d’éligibilité des IMF169, les résultats de Morduch [1998] ne mettent pas en évidence l’implication

des programmes de microcrédit dans la réduction de la pauvreté, en tant que telle ; l'auteur ne

décèle qu’un faible effet positif sur la réduction de la pauvreté ; concernant la consommation et le

revenu, le groupe de contrôle neutre évolue quasiment de la même façon que la population des

bénéficiaires. Les mêmes résultats sont obtenus pour la scolarisation des enfants.

167 Constitué de femmes éligibles au programme de microcrédit (disposant de moins d'un demi acre de terre) mais qui ne participent pas soit car elles se sont autosélectionnées ou sélectionnées par l'agent de crédit. 168 Les biais d'autosélection et celui de placement non aléatoire du programme sont corrigés par l'adoption de deux groupes de contrôle : le premier est constitué d'individus éligibles au programme mais qui ont choisi de ne pas participer ; le deuxième, est choisi dans une région où il n'y a pas d'IMC, parmi des individus qui auraient pu être éligibles. 169 L'auteur a reconsidéré son groupe de traitement en éliminant les clientes possédant plus d'un demi acre de terre.

316

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Pitt & Khandker [1998] ont mis en évidence des effets positifs du microcrédit sur le revenu et les

dépenses per capita ainsi que sur les actifs du ménage (richesse nette). Ainsi, ils estiment170

l’accroissement de la consommation du ménage à 18% ou à 11% selon que le bénéficiaire soit

respectivement une femme ou un homme ; les effets immédiats ne sont pas garantis sur le long

terme au regard du faible rendement et des fluctuations, inhérents à la nature de l’auto-emploi.

Des données de panel sont nécessaires pour voir si cet impact est durable [Khandker, 1998]. Un

deuxième passage a donc été effectué en 1998-1999 : il inclut en plus des ménages enquêtés en

1991-1992 de nouveaux ménages de manière à ce que le nouvel échantillon compte 2 599

ménages. Quelque soit le genre du bénéficiaire, le revenu sur longue période augmente également

tout en montrant une plus grande régularité [Khandker, 2003b]. Les programmes de microcrédit

aident donc les clients à satisfaire leurs besoins immédiats ainsi que sur le long terme et génèrent

des externalités positives sur l’économie locale non seulement en redistribuant les revenus mais

également en les accroissant. Dans la même étude, Khandker conclut que la microfinance permet

de réduire beaucoup plus l'extrême pauvreté (une baisse de 21% entre les deux passages de

l'enquête) que la pauvreté modérée (9%), elle devrait permettre à au moins 5% des clients de

sortir leurs familles de la pauvreté. L’auteur insiste sur l’importance des connaissances et de la

formation pour améliorer la productivité et le revenu. Cela tend à prouver que le microcrédit est

une solution très pertinente pour certaines catégories de pauvres, en particulier ceux ayant un

certain niveau de capital humain et qui sont en mesure de mettre rapidement en place un projet

entrepreunarial [Khandker, 1998 ; 2001].

Pour cette catégorie, l’accompagnement par l’IMF est minimal, la capacité de remboursement

forte et la sortie de la pauvreté probable. Hulme & Mosley [1996] avancent que l'impact est plus

important sur les bénéficiaires les moins pauvres possédant un "flair entrepreunarial" ; plus le

microentrepreneur est aisé, plus il est prêt à investir son crédit dans un projet risqué mais à fort

rendement espéré. Dans d’autres cas, quand la pauvreté monétaire est accompagnée par d’autres

sources de fragilité sociale et culturelle (exclusion sociale, manque d’information et de formation,

dépendance familiale...), le microcrédit est souvent alloué à des dépenses non productives et les

probabilités de remboursement et de sortie de la pauvreté chutent fortement.

170 Sur la base des mêmes données Banque Mondiale que Morduch.

317

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.2.3.3 Faits saillants concernant l’impact des IMC

Les principaux faits qui ressortent de la revue de littérature empirique induisent un certain

nombre d'hypothèses dont on essayera de tester la validité, sur données marocaines, dans la

section suivante.

La revue de la littérature empirique montre des divergences entre les auteurs quant à l’impact du

microcrédit sur la pauvreté. Adams & Von Pischke [1992] concluent à l’incapacité du microcrédit

à améliorer la situation économique des plus pauvres. Bien que l’impact positif du microcrédit

soit indéniable, Morduch [1998] montre que celui-ci ne participe pas à la réduction de la pauvreté

des bénéficiaires, quelque soit son niveau. A contrario, Khandker [2003b] trouve que le microcrédit

réduit la pauvreté avec la particularité d'être plus efficace sur la pauvreté extrême ; il insiste

cependant sur l'importance des connaissances et de la formation et considère que le microcrédit

est inadapté à ceux qui cumulent une pauvreté extrême et un illettrisme [Khandker, 1998]. Selon

Mosley & Hulme [1996], le microcrédit influence positivement la pauvreté modérée : les ménages

avec un revenu plus important connaîtraient en moyenne un impact plus conséquent que celui

des ménages à revenu moins élevé ; l'hypothèse (à tester) est que le niveau de pauvreté de la

microentrepreneuse serait négativement corrélé avec l’évolution de son revenu : moins elle serait

pauvre, plus son revenu augmenterait.

En se basant sur l’autosélection des microentrepreneurs à faibles capacités en calcul171 mais

éligibles dans les programmes du type de la Grameen Bank, Khandker [1998] conclut que le

microcrédit n’est pas adapté aux illettrés qui s’auto-sélectionneraient en se basant sur leur capacité

à rembourser c’est-à-dire à mener à bien un projet ; l’hypothèse est donc que l’alphabétisation est

positivement corrélée avec le revenu : plus le niveau d’éducation est élevé, plus la microentreprise

aurait des chances de réussir.

Khandker [1998] subordonne l’impact positif du microcrédit sur la réduction de la pauvreté à une

capacité et des connaissances entrepreunariales dont ne disposent pas tous les clients des IMC.

Mosley & Hulme [1998] expliquent l’effet positif du microcrédit sur les bénéficiaires à pauvreté

modérée par une tendance de cette population à développer son activité et sa productivité à

travers l’adoption de technologies nouvelles, l’investissement dans le capital fixe et l’embauche de

salariés ; la neutralité envers le risque s’accroît avec le niveau de revenu. Les auteurs trouvent que

171 Mesurée par des opérations de calcul mental oral.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

le microcrédit est plutôt adapté à un type particulier d'individus, à savoir des microentrepreneurs

se trouvant dans la tranche supérieure des pauvres et possédant des capacités entrepreunariales.

Nous pouvons penser que les capacités entrepreunariales sont renforcées sinon créées par

l'expérience professionnelle, la formation et l'éducation ; mais on peut également penser à juste

titre que la débrouillardise, la créativité et la ténacité sont des traits de caractère qui ne

s'apprennent pas. En tout état de cause, d'une part ces approximations nous semblent non

robustes et d'autre part nous ne disposons pas de telles données. On va donc approximer, dans

ce qui suit, la capacité entrepreunariale par sa résultante, à savoir le nombre et la nature des

changements et des investissements dans la microentreprise.

La section suivante est consacrée à la question de savoir si le niveau de pauvreté initial, le niveau

d’éducation (ou d’alphabétisation) ainsi que les capacités en gestion et le sens des affaires sont

déterminants pour le développement de la microentreprise et donc pour un impact positif du

microcrédit ? S’il y a des prédispositions inhérentes aux microentrepreneurs induisant un impact

positif du microcrédit ?

319

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.2.4 Les déterminants de l’impact positif du microcrédit sur la microentreprise : utilisation de données marocaines

L’effet positif de la participation au programme marocain de microcrédit sur le revenu de la

microentreprise ayant déjà été étudié en détail [Mourji, 2000], nous nous proposons de

déterminer les autres variables qui contribuent à cet impact. Les indicateurs généralement

observés pour mesurer l’impact du microcrédit sur la microentreprise sont la création de l'emploi,

le profit et le chiffre d'affaire, l'accumulation des actifs et la production. Nous avons choisi,

compte tenu des données disponibles, d'adopter l’évolution du revenu mesure sous la forme

d’une variable qualitative comme proxy de l’impact qui sera donc notre variable dépendante.

Dans les chapitres qui ont précédé, nous avons mis en évidence le problème de financement

auquel font face les microentrepreneurs. Nous avons également soutenu que le microcrédit est

une solution possible pour le financement de ces petites unités économiques.

Mourji [2002] a mis en évidence l’impact positif d’un programme marocain de microcrédit,

adressé uniquement aux femmes microentrepreneuses sur le triple plan de l’épanouissement

individuel, de l’amélioration des conditions de vie du ménage et du développement de la

microentreprise. Nous nous proposons dans ce qui suit de nous intéresser au dernier type

d'impact et d’expliquer son effet positif sur la microentreprise en identifiant ses déterminants.

Cet impact positif est-il garanti pour un type spécifique de client de la même institution et au

regard de la même méthodologie de prêt ? L’impact positif de l’accès à un programme de

microcrédit est-il dépendant d’un profil spécifique du microentrepreneur ?

6.2.4.1 Présentation de l’échantillon et de l’étude d’impact

Notre analyse porte sur un échantillon aléatoire de 316 individus constitué d’une part de 205

clientes confirmées d’un programme marocain de microcrédit ayant passé deux ou quatre années

et plus dans le programme, et d’autre part, de 111 clientes nouvellement admises dans le

programme172 qui servent de groupe témoin.

L’idéal aurait été de pouvoir les observer en deux points du temps et mesurer leur évolution en

comparant leur situation lors du premier passage à leur situation actuelle. Ces données étant

indisponibles dans notre cas, une autre solution a été appliquée, elle consiste à travailler sur des

172 Selon la zone d'intervention de l'IMC.

320

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

données transversales relatives à deux échantillons. Le premier est constitué de clientes avec un

certain niveau d’ancienneté. Le deuxième est un groupe témoin composé de clientes

nouvellement admises au programme qui ont accompli toutes les démarches mais n’ont pas

encore pu bénéficier de leur premier prêt, ou bien qui ont moins d’une semaine d’ancienneté dans

le programme de telle façon que leur situation n'a pas encore été influencée. Ainsi, nous tentons

de reproduire la situation des clientes au moment de leur adhésion; la population de comparaison

a un profil et des caractéristiques socioéconomiques et démographiques proches de celles du

groupe des clientes au moment de leur accès au programme de microcrédit [Mourji, 2000].

La mise en évidence de l'impact consiste à comparer les réponses des clientes à celles des non-

clientes au regard de leur évolution propre, celle de leurs ménages et entreprises. L’analyse repose

sur les outils AIMS (Assessment Impact of Microentreprises Services) Qui comprennent cinq enquêtes173 :

une pour l’impact sur les clients confirmés versus les non-clients, une pour les clients qui ont

abandonné le programme, une sur l’utilisation des prêts, une sur le degré de satisfaction des

clients et une sur l’empowerment.

Un impact positif sur le revenu de la microentreprise déjà mis en évidence

Une analyse initiale sur cet échantillon a mis en évidence un impact positif du recours au

microcrédit à différents niveaux174 [Mourji, 2000]. D’abord, au niveau du ménage, cet impact se

traduit par une augmentation du revenu, une augmentation des actifs, une amélioration du bien-

être du point de vue de l’alimentation, de la santé, de l’éducation et des conditions de logement.

Ensuite, au niveau de l’individu, cet impact influence les capacités de contrôle sur les ressources

et l’épanouissement des clientes. Enfin, au niveau de l’entreprise, nous observons un

accroissement de la valeur nette de l’unité économique, un accroissement de la trésorerie nette

ainsi que des progrès dans la distinction entre les budgets de la microentreprise et du ménage.

C’est sur l’explication de ce dernier effet (sur la microentreprise) qu’on va se concentrer en nous

limitant à l'exploitation du premier outil AIMS.

173 En plus de la mesure d’impact, ces outils servent à mesurer la satisfaction des clients, à recueillir leurs souhaits et recommandations ainsi qu’à déterminer les raisons de départ des clients qui ont quitté ; ces outils servent aussi à améliorer le programme et le à faire correspondre aux attentes des clients. 174 L’impact est mis en évidence par simple comparaison des statistiques descriptives entre clientes et non-clientes. A titre d'exemple, Cf. Tableau VI-7.

321

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6.2.4.2 Le choix des variables

6.2.4.2.1 Choix de la variable expliquée : revenu de la microentrepreneuse versus celui de la microentreprise

L'impact du programme de microcrédit sur la microentreprise se manifeste, entre autres, par

l'accroissement du profit de l'unité économique et par suite de celui de l'entrepreneuse. Les

variables dont nous disposons et qui renseignent sur le revenu sont au nombre de deux : la

première est une variable quantitative (continue) qui indique le montant du profit de la

microentreprise durant les 12 derniers mois précédant l’enquête ; la deuxième est une variable

qualitative (discrète) qui indique l’évolution du revenu de la microentrepreneuse durant les 12

derniers mois avant l’enquête.

Notre choix s’est porté sur la deuxième variable pour quatre raisons. Premièrement, la variable

quantitative s’est avérée délicate à exploiter ; en effet, le rapport d’enquête souligne les difficultés

rencontrées par les enquêtrices à reporter les cycles de production qui se présentaient sous forme

quotidienne, hebdomadaire (…) et à les faire correspondre avec les charges qui peuvent suivre

une autre périodicité ; cela s’est traduit par des risques d’erreur lors de la construction de la

variable "profit" qui se caractérise d’ailleurs par un écart type élevé (presque trois fois la

moyenne). Deuxièmement, nous estimons que l’impact de la participation de la cliente au

programme de microcrédit ne se limite pas à celui influençant le revenu provenant de son activité

propre. Elle peut également, à travers le renforcement de sa confiance, la création et/ou

l'élargissement de son réseau, lui assurer l’opportunité de donner un coup de main à une autre

cliente contre rémunération, l’encourager à créer de nouvelles activités ou encore à initier une

activité supplémentaire chez elle175 ; les microentreprises ayant tendance à se développer

horizontalement plutôt que verticalement176, nous risquons de ne pas capter ce genre

d’amélioration en nous limitant aux indicateurs de revenu de la microentreprise. Troisièmement,

la fongibilité de la monnaie, dans le sens de la non affectation des ressources, ainsi que la non

séparation de la caisse de la microentreprise de celle du ménage, ne permettent pas d’isoler d’une

manière précise les produits et les charges générés au sein du ménage ou de l’entreprise. Enfin, la

variable discrète nous permet de voir non seulement la différence entre clientes confirmées et

175 Par exemple, engraisser un mouton pour le vendre pendant l’Aid ou élever des poules et vendre les œufs. 176 Créer d'autres unités économiques, relevant de la même activité ou d'une nouvelle au lieu de développer l'unité actuelle et d'augmenter sa taille. Cf. Chapitre troisième.

322

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clientes nouvelles –sensées représenter la situation des clientes au moment de leur adhésion au

programme– mais en plus, elle nous permet de comparer l’évolution du revenu de chacun des

groupes et non seulement sa position statique.

L'impact n’est pas uniquement celui du microcrédit – accès à une source de financement – mais

aussi l’accès à un programme – formation, réseau, échange d’idées et de bons plans – qui

influence directement le revenu de la microentreprise mais aussi celui de la microentrepreneuse177.

Au regard de ces raisons, nous avons préféré ne pas nous limiter à l’impact sur le revenu de la

microentreprise et d’étendre l’appréciation de l’impact du programme du microcrédit au revenu

de la microentrepreneuse d'autant plus que des tris croisés sur les déclarations d'évolutions du

revenu du ménage, de la microentrepreneuse ainsi que sur celles portant sur l'existence de revenu

provenant d'autres sources suggèrent que le revenu de la microentrepreneuse coïncide presque

avec celui de la microentreprise. Dans la mesure où on ne se limite pas à l'effet du microcrédit sur

la microentreprise, on considérera qu'il y a impact positif lorsque la cliente déclare une

augmentation de son revenu.

Tableau VI-7 L'évolution du revenu des microentrepreneuses

Durant les 12 derniers mois, le revenu que vous avez gagné :

Clientes n=190

Non-clientes n=108

Echantillon totaln=304

A beaucoup diminué 2,44% 8,11% 4,43% A diminué 12,20% 13,51% 12,66% Est resté le même 20,98% 29,73% 24,05% A augmenté 57,07% 39,64% 50,95% A beaucoup augmenté 6,34% 0,00% 4,11% Ne sais pas 0,98% 9,01% 3,8%

Source : Mourji [2002]

La comparaison des colonnes clientes et non-clientes met en évidence une appréciation du

revenu plus importante chez les clientes : elles sont 62,7% à avoir enregistré une augmentation

contre 38,9% de non-clientes et sont 5,3% à considérer cette augmentation comme importante

contre 0% chez les non-clientes ; seules les clientes ont donc été en mesure d'accroître

significativement leur revenu.

177 Il n'est malheureusement pas possible de dissocier l'impact des services annexes au microcrédit rendus par l’IMC dans notre cas. Il serait pourtant très éclairant de pourvoir les quantifier car les BDS (Business Development Services) sont très largement subventionnés. Prouver leur impact positif peut légitimer leur coût supporté par les bailleurs de fonds. Khandker & Pitt [2003] ont démontré que les services non financiers sont importants et qu'ils influencent parfois plus que le microcrédit le comportement des ménages.

323

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On regroupera les cinq modalités de la variable en deux178 : d'une part le revenu de la

microentrepreneuse a augmenté et d'autre part, il a stagné ou diminué.

6.2.4.2.2 Choix des variables explicatives

Les résultats des travaux empiriques ayant mis en évidence un impact positif du microcrédit

suggèrent que cet impact est subordonné à une situation initiale de pauvreté modérée de la

microentrepreneuse, à une alphabétisation ainsi qu'à un certain niveau de connaissance

managériale et de flair entrepreunarial [Adams & Von Pischke, 1992 ; Hulme & Mosley, 1996 ;

Morduch, 1998 ; Pitt & Khandker ; 1998 ; Khandker, 1998].

Le croisement de la variable dépendante "Evolution du revenu durant les 12 derniers mois" avec

la question traitant des raisons de la baisse du revenu montre que les clients ayant enregistré une

diminution ou une stabilité de leur revenu l'imputent à de mauvaises ventes ou, dans une moindre

mesure, à la maladie de la microentrepreneuse ou de quelqu'un de sa famille179.

Le croisement de cette variable avec les raisons de l’augmentation du revenu montre que 63% des

microentrepreneuses qui ont vu leur revenu s'apprécier, imputent cette évolution à un

développement de la microentreprise, 14% à de meilleures opportunités pour l'achat des matières

premières et 12% à l'entrée sur de nouveaux marchés. En plus du fait d'être client et de la durée

d'appartenance à l'IMC, on peut s'attendre à une influence positive et significative des

investissements et des différents changements introduits dans l'entreprise (taille, nouveaux

produits, amélioration de la qualité des produits existants, maîtrise des coûts à travers une plus

grande capacité de négociation avec les fournisseurs, exploitation de nouveaux marchés, initiation

d'une deuxième activité...).

L'analyse microéconométrique va tenter de mettre en évidence les facteurs déterminants de la

croissance du revenu pour la totalité de l'échantillon en incluant un certain nombre de

caractéristiques individuelles, relatives à la microentreprise et à la relation avec l'IMC.

178 Le regroupement est subjectif. Les effets de rupture nous ont apparu évidents. 179 Seule la moitié des individus déclarant une baisse ou stagnation de leur revenu ont donné une raison à cette évolution.

324

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6.2.4.3 Analyse microéconométrique de l'accroissement du revenu

L'analyse préalable a déterminé une relation entre l'appartenance au programme du microcrédit et

l'évolution du revenu [Mourji, 2000]. Celle-ci est corroborée par une analyse multidimensionnelle

(AFC suivie d’une classification) sur l’ensemble des variables180 (Annexe VI-1). Deux groupes

distincts sont ressortis (ainsi qu'une classe de données manquantes). Le premier est celui des

clientes qui ont passé environ 2 ans dans le programme et bénéficié de 5 prêts. Elles ont déclaré

un accroissement du revenu motivé principalement par le développement de l’entreprise. Ces

déclarations sont confirmées par l’introduction de plusieurs changements et investissements.

Cette classe se distingue également par la pratique d’une deuxième activité. Le deuxième groupe

est celui des non-clientes urbaines qui n’ont pas augmenté leur revenu (il a baissé ou stagné),

n’ont pas introduit de changements notables dans leurs activités ni investi ou exercé de deuxième

activité.

L’analyse microéconométrique permet non seulement de vérifier cette liaison mais aussi de

mettre en évidence les autres déterminants de cette évolution et de tester la robustesse des

conclusions des études empiriques préalables sur un échantillon de clientes d'une IMC

maghrébine. On teste le sens de la relation et le pouvoir explicatif aussi bien de la vitalité

entrepreunariale et de l’appartenance au programme de microcrédit que l’influence de

caractéristiques individuelles telles que le niveau d’éducation (ou d’alphabétisation) des

microentrepreneuses et leur niveau de pauvreté de départ. Pour ce faire, on a utilisé un modèle

logistique dichotomique181.

6.2.4.3.1 Les biais

Un des problèmes les plus fréquemment rencontré lors des évaluations d’impact de toutes sortes

de programmes concerne les biais de sélection182 : l’autosélection et la conformité avec les critères

180 On a pris comme variables actives les indicateurs d’évolution du revenu de la microentrepreneuse ainsi que les changements et les investissements des 12 derniers mois. En éléments supplémentaires, on a considéré les variables signalétiques (caractéristiques des individus).

181 Une régression multi-variée est envisagée ultérieurement. 182 Un autre type de biais est celui de la localisation non aléatoire du programme. En effet, les IMC ont tendance à s’implanter dans des zones qui ne sont pas complètement déshéritées et où il y a un minimum (requis) d’activité économique [Khandker, 1998 ; Morduch, 1998]. Etant donné que l’échantillon utilisé dans cette étude ne prétend pas à la représentativité, le problème ne se pose pas ici ; notre intérêt se limite à évaluer l’impact d’une IMC spécifique sur ses clients et non à l’impact du microcrédit au Maroc. En plus, l’échantillonnage et le choix des trois régions

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de sélection de l’IMC. Il y a des microentrepreneuses éligibles qui n’empruntent pas de peur de ne

pouvoir rembourser [Hashemi, 1997183], par manque d’informations ou parce qu’elles ne

ressentent pas le besoin. L’autosélection provient donc des clientes elles-mêmes qui décident

d’emprunter ou pas ; elle s’additionne à la sélection faite par l’IMC184 motivée par un manque de

liquidité ou par une politique propre de crédit.

Cette sélection crée un biais en faveur des clientes qui ont franchi ce double filtre ; on peut

penser qu’elles possèdent des caractéristiques spécifiques qui présagent d’une plus grande vitalité

entrepreunariale et de meilleurs taux de croissance indépendamment de tout accès au programme

de microcrédit. Il est donc difficile d’estimer si l’augmentation des revenus d’une bénéficiaire est

due à sa participation au programme ou si celle-ci aurait eu lieu de toute façon [Khandker, 1998].

L'utilisation d'enquêtes quasi-expérimentales résout le problème d'endogéneité de la participation

au programme : pour éviter de surestimer l’effet du microcrédit sur ces clientes, on utilise un

groupe de contrôle constitué de "nouvelles clientes" qui ont aussi été éligibles au programme

mais qui n’ont pas encore eu de prêt : celles-ci sont donc vierges de tout impact du microcrédit.

Ce procédé permet de réduire les biais d’autosélection et d’étudier l’impact de l’accès au

microcrédit et de l’ancienneté dans le programme sur l’évolution du revenu.

Cependant, un biais d’endogénéité persiste : la corrélation entre l’impact (la croissance du revenu)

et le microcrédit peut capturer plus que la relation de causalité entre ces deux variables ; l’impact

peut être expliqué par une hétérogénéité inobservée entre le groupe de référence (clientes

confirmées) et le groupe de contrôle. On a donc utilisé une série de variables explicatives pour

essayer de capturer les effets autres que ceux du microcrédit dont principalement la capacité

entrepreunariale des bénéficiaires185.

Les données traitées pour les besoins de cette estimation ont été récoltées en utilisant la méthode

AIMS afin de mettre en évidence une association plausible entre l’impact observé de

l’intervention de l’IMC sans chercher à tout prix la validité statistique des données : les

estimations indiquent donc une orientation plutôt qu’un changement quantifiable [Barnes &

étudiées s’est fait dans un souci d’inclure toutes les variantes des régions d’interventions de l’IMC : Nord (très pauvre), côte et intérieur ; rural, urbain et périurbain. Un troisième biais est à noter, la fongibilité des flux financiers fait qu’il est difficile d’isoler l’impact du crédit [Khandker, 1998]. 183 Pour le cas du Bangladesh. 184 Pour l’IMC étudiée, les clientes doivent avoir un savoir-faire et avoir un revenu maximum de 1500 Dirhams par mois et par ménage de 5 personnes ce qui revient à disposer de 80% du montant du seuil de pauvreté tel que calculé par la Direction des Statistiques [ENNVM, 1998/99] 185 On n’a pas contrôlé pour les problèmes d’endogéneité ; nous n’avons pas pu identifier une variable instrumentale.

326

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Sebstad, 1999]. L'interprétation des coefficients estimés se limitera donc à une analyse de leurs

signes et de leur significativité statistique.

6.2.4.3.2 Estimation des déterminants de l’augmentation du revenu

Schématiquement la situation analysée est la suivante : la microentrepreneuse a déclaré une

amélioration de son revenu au cours des 12 derniers mois. Pour chaque individu i, tel que

, on observe la variable dont l’expression est :

L’estimation portera sur la probabilité conditionnelle que la cliente déclare une augmentation du

revenu étant données les groupes de variables explicatives telle que :

où représente les variables du dynamisme, de la capacité entrepreunariale et des

connaissances managériales. Certes inobservables, les innovations et la vitalité des

microentrepreneuses apparaissent à travers les changements qu’elles ont apportés à leur

microentreprise durant les 12 derniers mois. Nous avons utilisé le nombre d’investissements ainsi

que le nombre de changements entrepris. Ces derniers sont en plus détaillés en plusieurs variables

dichotomiques, comme l’accroissement de la taille, l’amélioration de la qualité ou encore

l’introduction d’un nouveau produit.

Généralement, quand ils se développent et pour minimiser leur risque et préserver leur flexibilité,

les microentrepreneuses se diversifient (en créant une autre activité, en ouvrant un atelier avec la

même activité dans un autre quartier…) au lieu d’accroître la taille de l’entreprise. L’existence

d’une deuxième activité de la microentrepreneuse, qu’elle soit à compte propre ou salariée a été

retenue comme proxy de l’existence d’esprit entrepreunarial (cf. Chapitre troisième, section 3.3.3).

On s’attend à une influence positive sur la probabilité d’évolution du revenu des

microentrepreneuses.

[ ]316,1∈i iY

⎩⎨⎧

=on

revenuducroissanceunedéclareclientelasiYi sin0

1

ijX

jj

ijjijjj

ijjj

ijjiij ZWVXPXYE εσµηβ ++++=== ∑ ∑∑∑)/1(

jX .

327

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Pour les connaissances en gestion, on a utilisé un ensemble de variables dichotomiques qui

indiquent des pratiques vertueuses comme la séparation entre l’argent de la microentreprise et

celui du ménage, le fait que la microentrepreneuse se paye un salaire ou qu’elle tienne un registre

recettes - dépenses. On a également pris en compte une variable indicatrice construite qui prend

la valeur 1 quand la microentrepreneuse dit réinvestir une partie du bénéfice dans l’activité

comme une destination parmi les trois premières utilisations de ces gains et 0 sinon.

Les innovations, la mise en place d’une deuxième activité ou encore l’instauration de bonnes

pratiques de gestion induisent des frais et des charges. On postule que les produits générés par

ces améliorations vont plus que couvrir les charges occasionnées. Pour cette raison, on s’attend à

ce que ces variables influencent positivement l’évolution du revenu.

inclut les variables de pauvreté, d’éducation ainsi que les variables individuelles.

Nous ne disposons pas de variables directes qui puissent nous renseigner sur l’état de pauvreté de

la microentrepreneuse ; on a donc essayé d’approcher cette dimension par deux variables ; la

première est une indicatrice (LOGT) qui prend la valeur 1 quand la microentrepreneuse habite

dans un logement en ciment armé et 0 sinon (taule, terre et bois ou ciment léger) ; la deuxième est

une variable construite (DEPENDANCE) qui indique le nombre moyen de personnes à la charge

d’un actif y compris lui même : plus celle-ci est élevée, plus le ménage de la microentrepreneuse

est pauvre.

Pour le niveau d’éducation nous avons adopté une variable continue qui indique le nombre

d’années d’étude suivies par la microentrepreneuse et une variable indicatrice qui revèle

l’alphabétisation et qui prend la valeur 1 quand la microentrepreneuse répond savoir lire une

lettre.

Les caractéristiques individuelles prises en compte sont l’âge, des variables indicatrices pour "la

femme est chef de ménage" et pour "non mariée".

résume les caractéristiques de la microentreprise comme le lieu d’exercice (ambulant, à

domicile ou dans un local), le site (urbain, périurbain ou rural) et le secteur d’activité. On s’attend

à un effet positif des secteurs du commerce de détail et des services qui sont les secteurs dont le

cycle d’exploitation est le plus rapide et qui sont les secteurs de prédilection du microcrédit.

représente les relations avec l’IMC à travers l’ancienneté dans le programme et le fait d’être

client ou pas : Anc0=1 quand la microentrepreneuse fait partie du groupe de contrôle et que son

jV.

jW.

jZ .

328

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ancienneté est nulle, Anc1=1 quand elle a une année d’ancienneté ; Anc2=1 pour les clientes

ayant deux années d’ancienneté ; pour Anc3=1, c’est une ancienneté de 3 ans et plus. On prévoit

un impact positif de ce groupe de variable sur l’évolution du revenu.

L’ancienneté dans le programme nous sert également comme approximation de l’expérience de la

microentrepreneuse et non de l’âge de la microentreprise, car la cliente peut changer ou cumuler

les activités dans le temps. La continuation dans le programme est subordonnée à l’existence

d’une activité rentable, elle exercerait alors au moins depuis qu’elle a accès au programme. Donc

plus l’ancienneté dans le programme est importante, plus la microentrepreneuse aurait accumulé

de l’expérience et apprécié la probabilité d’accroître son revenu. On n’a malheureusement pas le

moyen d’évaluer l’expérience des microentrepreneuses non-clientes.

On notera que la matrice des variances – covariances indique une non corrélations entre les

variables utilisés pour l’estimation.

On cherche à estimer les vecteurs de paramètres inconnus jjjj et σµηβ ,, . Supposant la loi des

perturbations (loi logistique), l’estimation se fera par la méthode du maximum de vraisemblance.

en supposant que suit une loi de Bernoulli, on peut écrire :

Pr =1) =

Pr = 0) = 1 -

Soit la fonction qui fait correspondre pour chaque individu, la probabilité que =1 ou 0 ;

la fonction de vraisemblance des 316 observations de Y s’écrit donc sous la forme :

La log - vraisemblance s’écrit :

iY

( iY iP

( iY iP

)( ii Yf iY

;; 1316

1

316

1;316,21 )1()().....,,( Y

iY

ii PPYfYYYf −−== ∏∏

et elle est fonction des paramètres σµηβ et,, .

L’estimateur du maximum de vraisemblance se calcule par la maximisation de la log –

vraisemblance et permet d’obtenir la valeur des paramètres telle que la probabilité d’observer Y

soit maximale.

[ ]∑∑ +++++−++++=316

1

316

1316,21 1ln)().....,,(ln jijjijjijjijj ZWVX

jijjijjijjijji eZWVXYYYYf εσµηβεσµηβ

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6.2.4.3.3 Les résultats de la régression logistique

Les résultats du Logit sont reportés dans le tableau VI-8.

Conformément à nos attentes, les différents changements introduits dans l’activité ont, dans une

large majorité, un impact significatif et positif sur l’amélioration du revenu. L’accroissement de la

taille et l’introduction d’un nouveau produit ont une forte robustesse (ils sont significatifs au seuil

de 1%) ; la pénétration de nouveaux marchés et la réduction des coûts sont significatifs à 5%.

L’effet est positif quand ils sont pris séparément, cependant plus une microentreprise accumule

les changements, plus elle réduit sa probabilité d’apprécier son revenu (signe négatif de la variable

NB et significatif au seuil de 5%). Cet impact négatif peut être attribué à des corrélations avec des

variables non observables comme le niveau de risque du projet qui peut s’expliquer par la

fragilisation de l’unité économique, l’augmentation du risque et la complexification de la gestion ;

quand elle entreprend plusieurs changements à la fois, elle devient vulnérable aux fluctuations de

la demande ou de l’approvisionnement. Contrairement au nombre de changements, et

conformément à nos prévisions, le nombre d’investissements influence positivement le revenu.

330

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Tableau VI-8 Les déterminants de l’évolution du revenu (résultat du Logit)

Impact Références Variable Modèle 1186 Modèle 2 Modèle 3 attendu Coefficient Coefficient Coefficient C -2.367424 -2.300531*** -2.309622

+ TAIL 3.469630*** 1.815789*** 3.457580*** + NEWPDT 2.936705*** 1.360408*** 2.930743*** + MO 1.218214 1.199850 + QUALIT 1.719250* 0.950387* 1.685775* + COUT 1.962983** 0.972442** 1.937489** + NEWMCHE 2.519857** 1.103435** 2.510752** ? NB -1.951540** -0.388735** -1.935057**

Innovations et vitalité

? NB_INV 0.657021*** 0.529883*** 0.673208*** + WPAY -0.242298 -0.241887 Esprit

entrepreunarial + ACT2 -0.410895 -0.401774 SEPAR 0.120158 0.104322 REGIS -0.767910** -0.768311** -0.777033** PDT 1.574858** 1.464386** 1.545489** SAL 1.494797*** 1.295593*** 1.492170***

Bonnes pratiques de

gestion REINV 0.026138 0.053770

+

+ LOGT 0.626565 0.633106 Pauvreté - DEPENDANCE -0.286393** -0.320335*** -0.291262** Education + SCHOOL -0.054438 -0.053258

AGE -0.023612 -0.023383 Mariée NON_MARIEE 0.097239 0.087177 Données

individuelles CHEFM -0.292946 -0.292515

?

? AMBUL 0.324053 0.322208 + Local DOMICILE 0.919695* 0.813903** 0.924703* ? PERIURBAIN -0.314544 -0.332574 ? Rural URBAIN -0.244156 -0.271014 ? AGRIC 0.221674 0.214216 + CCE_DETAIL 0.102382 0.105781 ? ELEVAG 2.939988** 2.347378*** 3.005732*** ? PRODUC -0.013783 -0.024887 Ca

ract

érist

ique

s de

la m

icro

entre

prise

+

Vente de plats

cuisinés SCES -0.948113 -1.235770*** -0.957940

ANC0 ANC1 - - 2.526019*** ANC2 -1.748352* -2.167570*** 0.762891*

+ ANC0 et 1 ANC3 -2.223081** -2.596470*** 0.314883 Relation avec l’IMC + CLT 2.522957*** 2.698685*** -

* significativité à 10% ** à 5% *** à 1%

Log likelihood -123,3228 -134,7976 -123,3716 LR statistic 104,1506 95,32235 104,0530 P (LR statistic) 4,83 exp (-09) 9,98 exp (-14) 2,76 exp (-09) Mc Fadden R² 0,296898 0,261216 0,296619 Prediction evaluation 79,46% 77,61% 80,23% Taille échantillon 258 268 258

186 Les modèles 1 et 3 prennent en compte toutes les variables explicatives (34) alors que le modèle 2 ne garde que celles significatives à 1, 5 et 10% (17).

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Notre hypothèse de départ, à savoir que la vitalité induite par les investissements accroît le

produit de l’ensemble de telle façon qu’il couvre les charges engagées a été vérifiée. Globalement,

les innovations et la vitalité entrepreunariale ont un effet positif sur le revenu.

Les variables indiquant l’esprit entrepreunarial n’ont pas été statistiquement significatives. Celles

servant d’approximation pour les bonnes pratiques et connaissances managériales sont

partiellement significatives ; la tenue d’un registre pour les coûts et les revenus a, d'une manière

contre-intuitive, un impact négatif sur l’évolution du revenu ; le fait de s’octroyer un salaire pour

son travail dans sa propre microentreprise ou d’identifier le produit le plus rentable dénote une

certaine rigueur dans la gestion des finances de l’unité économique qui augure de connaissances

pour la gestion de l’activité en général. Paradoxalement, le fait d’utiliser son bénéfice (ou une

partie) pour financer le fonds de roulement n’est pas significatif, bien que positif.

Un seul parmi les deux indicateurs de l’état de pauvreté de la microentrepreneuse s’est avéré

significatif. En effet, le niveau de pauvreté (DEPENDANCE) influence négativement le revenu.

Ce résultat est conforme aux hypothèses théoriques et aux études de Adams & Von Pischke

[1992] ainsi que celles de Mosley & Hulme [1998] ; les modérément pauvres développent leurs

activités induisant un accroissement de la productivité et de la rentabilité et par suite une

évolution du revenu alors que les plus pauvres maintiennent leurs activités en consacrant leurs

prêts à financer leur BFR ; ils lissent leurs revenus sans forcément les améliorer [Mosley &

Hulme, 1998 ; Morduch, 1998] ; l'impact du microcrédit est plus important en cas de pauvreté

modérée.

Contrairement à nos attentes, les années d’éducation n’ont révélé aucun effet sur le revenu. Il y a

une homogénéité des profils des microentrepreneuses : plus que 50% des individus de

l’échantillon n’ont jamais été scolarisés et la moyenne de la variable est de 2,4 années d’école.

Nous aurions pu apprécier l’influence du capital humain sur la probabilité de l’évolution du

revenu à travers l’expérience professionnelle. Malheureusement, nous ne disposons pas de telle

donnée. De même, les caractéristiques individuelles n’influencent pas le revenu. Parmi les

caractéristiques de la microentreprise seul l’exercice de l’activité à domicile a une influence

positive et significative (à 10%) sur l’évolution du revenu ; l’activité à domicile permet aux

microentrepreneuses de s’occuper de leur ménage et d’avoir en même temps accès à une activité

génératrice de revenu ; elle permet en plus une économie de frais fixe et une moindre visibilité

par rapport au système fiscal ; ce type de lieu est adopté principalement par celles qui exercent

dans les services. On s’attendait justement à un effet positif de la part des secteurs des services et

332

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

celui du commerce du détail, mais aucun n’est significatif ; c’est l’exercice dans le secteur de

l’élevage qui influence positivement le revenu.

A travers la rubrique "relation avec l’IMC, l’impact positif du microcrédit a été confirmé ; le fait

d’appartenir à l’IMC influence positivement et significativement (au seuil de 1%) l’évolution du

revenu de la microentrepreneuse. Cependant, et contrairement à nos attentes, l’ancienneté a un

effet négatif sur cette évolution (modèles 1 et 2, Tableau VI-3).

D’après la théorie des dynamic incentives, la taille du prêt s’accroît avec l’ancienneté dans le

programme ; non seulement parce qu’on a pu acquérir plus d’information et qu’on connaît mieux

l’emprunteur mais aussi parce qu’il n’a accès à des prêts plus importants que lorsque l’agent de

crédit estime qu’il a effectivement besoin d’un tel montant ; en d’autres termes, l’ancienneté dans

le programme est reliée à une certaine expérience de la microentrepreneuse et à la prospérité de la

microentreprise. D’où la prédiction d’une relation positive entre l’ancienneté et l’évolution du

revenu.

Etre client de l’IMC est incontestablement un catalyseur pour la croissance du revenu. Etant

colinéaire avec les variables indicatrices de l’ancienneté, la variable "CLT" a été omise de

l’estimation d’une nouvelle équation et remplacée par les trois indicatrices ANC1, ANC2 et

ANC3 pour déceler l’impact des différents niveaux d’ancienneté (Modèle 3 du Tableau VI-3). On

remarque que ANC3 n’est pas significative mais que l’effet lors des premières années d’adhésion

est positif principalement pour la première année (coefficient significatif à 1%). Si on se fiait au

poids des coefficients, on remarquerait que l’effet positif est moins important la deuxième année

par rapport à la première (divisé par trois). Cette tendance de rendement d’échelle décroissant de

la participation au programme est confirmée par le signe négatif (mais non significatif) de la

variable continue "ancienneté dans le programme", mesurée en nombre de mois passés à l’IMC

(estimation non reproduite187). Cette variable a été rajoutée à notre dernier modèle pour étudier

l’effet continu de l’ancienneté et vérifier la tendance décroissante mise en évidence avec le

premier modèle.

Il apparaît donc que l’impact du microcrédit sur la probabilité d’accroissement du revenu est

important durant les premières années de l’adhésion au programme et qu'il est un peu plus

nuancé sur le moyen terme. On pourrait penser que les produits proposés par l’IMC ne

correspondent plus aux besoins croissants des microentreprises d’où la stagnation voire le déclin

progressif ; les analyses de l’outil qualitatif ont montré que 33% des clientes sortantes trouvent le

187 Elle peut également être confirmée par le calcul des effets marginaux.

333

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

montant du prêt faible par rapport aux besoins de la microentreprise et que la faiblesse du

montant du prêt figure parmi les principales doléances que les clientes adressent à l’IMC [Mourji,

2000]. Ce résultat contraire peut également trouver une explication dans les caractéristiques

inhérentes à la microentreprise qui se combineraient aux inadaptations des méthodologies de

prêts pour participer à la dilution de l'effet du microcrédit. Une de ces caractéristiques est

l’évolution marginale du revenu qui croît mais de moins en moins dans le temps ; arrivées à un

certain seuil, les microentreprises ne se développeraient plus aussi vite qu’à leur lancement188 et

risqueraient même de régresser. Cette constatation est confortée par les conclusions de Mosley &

Hulme [1998] ; l'impact est positif mais décroissant avec la croissance du revenu. On pourrait

également expliquer cet impact négatif par un processus de sélection naturelle qui a été déterminé

par Marniesse [1998] autour de la cinquième année du cycle de vie de la microentreprise.

La nature des activités exercées par les microentrepreneuses peut aussi éclairer le résultat des

estimations ; d'une part, l'environnement social marocain cantonne les femmes dans des activités

spécifiques ; la compétition devient donc très serrée et d'autre part la nature de ces activités (de

subsistance, à domicile...) fait qu'elles atteignent vite leurs limites [WWB & Al Amana, 2003]189.

Notons que ces résultats sont conformes à ceux trouvés par Khandker [1998], l’impact de la

participation au programme de microcrédit sur la réduction de la pauvreté au sein de la BRAC au

Bangladesh est moins important pour les client ayant 5 ans d’ancienneté que pour ceux qui en ont

trois.

La comparaison des résultats du Logit (Tableau VI-8) avec ceux de l'analyse multidimensionnelle

(classe 1 de l'Annexe VI-2) montre une convergence. En effet, à part le fait de montrer que

l'appartenance à l'IMC influence positivement le revenu, la classe des clientes dont le revenu a

augmenté rassemble la grande majorité des variables significatives du Logit (le détail des

changements qui ont eu lieu au sein de la microentreprise, le nombre de ces changements, le

nombre des investissement, l'ancienneté de deux ans …). Le nombre de changements corrélés

avec cette classe est de 3 à 4, ce qui correspond à la moyenne de la variable. Le nombre optimal

de changements qui correspond à une évolution de revenu est différent du maximum. Cela

corrobore notre explication de l'impact négatif de la variable NB.

188 Par exemple, une microentrepreneuse qui a enregistré un revenu de 100 la première année d’adhésion, de 150, la deuxième mais de 120 la troisième année considérera que son revenu a baissé (en référence au 12 derniers mois) mais il a augmenté par rapport à sa situation initiale. 189 Une étude qualitative faite sur un échantillon de clients (hommes et femmes) d'Al Amana, une autre IMC marocaine, a mis en évidence une disparité entre les revenus des hommes (5 305 DH au minimum) et celui des femmes (2 319 DH), entre la valeur de leurs fonds de commerce ainsi que la diversité des activités exercées.

334

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

6.2.4.3.4 Robustesse du modèle

Plusieurs tests permettent de vérifier la robustesse de notre estimation.

La statistique LR est un test de significativité totale du modèle ; elle a pour hypothèse nulle que

tous les coefficients sont nuls à l’exception de la constante. Dans notre cas et dans les deux

estimations, la probabilité que tous les coefficients soient nuls est très faible ; ce qui nous permet

de rejeter l’hypothèse nulle. Les deux modèles permettent donc de capter des effets importants et

les coefficients pris ensemble ont un impact significatif sur l’évolution du revenu.

Le R² de McFadden ou pseudo R² est analogue au R² des modèles de régression linéaire et il

mesure la qualité de l’ajustement. Il est de 0,2968 pour la première estimation ; on arrive donc, à

l’aide de ce modèle à expliquer 29,68% du comportement des individus. Le pseudo R² est de

26,12% pour la deuxième estimation.

La table des attentes – prédiction190 semble être plus éclairante sur la qualité du modèle. Elle

montre la manière selon laquelle le modèle aurait prédit l’évolution du revenu pour chaque

individu de l’échantillon. Plus les prédictions du modèle sont conformes à la réalité de

l’échantillon, plus le modèle sera jugé positivement. Ce test considère la probabilité de

l’accroissement du revenu et attribue une augmentation du revenu si la probabilité prédite est

supérieure ou égale à 0,5. Pour la première estimation, le modèle estimé a prédit correctement le

sens de la variation du revenu dans 77+128=205 des cas sur les 258 observations, c’est-à-dire que

le modèle classe 79,46% des observations correctement (Annexe VI-5). La prédiction est

meilleure mais pas très significative.

La deuxième estimation classe correctement 77,61% des observations. En comparant les deux

estimations par rapport au modèle à probabilité constante (qui impute la même probabilité à la

totalité de l'échantillon), la prédiction 1 est meilleure ; elle est en effet de 21,32% (19,78% pour

l’estimation 2) meilleure à prédire les réponses des individus que la modèle à probabilité

constante.

6.2.4.4 Conclusion

Cette convergence des résultats, la taille de l’échantillon analysé et les recoupements existants

avec d’autres études similaires et confirmées par l’analyse bibliographique permettent de dégager

190 Expectation – prediction table ou classification table.

335

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

un certain nombre de conclusions. L'impact positif du microcrédit sur le revenu de la

microentreprise est indéniable. Il semblerait cependant que cet effet est renforcé par un profil

particulier des microentrepreneuses ; une relative prospérité, des connaissances managériales et

un certain dynamisme entrepreunarial sont déterminants pour l'accroissement du revenu en sus

du fait d’être cliente. Cependant cet effet décroît au fur et à mesure du développement de la

microentreprise et de l'ancienneté dans le programme de microcrédit.

Les biais de sélection et d’autosélection, inhérents à la nature de l’échantillon renforcent

l’endogéneité et limitent les résultats de l’analyse qui présente quelques insuffisances, à corriger

ultérieurement. D’une part, nous notons que le sens de la causalité est indéterminée ; nous ne

savons pas si c’est la vitalité entrepreunariale, par exemple, qui a provoqué l’évolution positive du

revenu ou si c’est cet accroissement qui a incité la microentrepreneuse à investir, à innover ou à

adopter de bonnes pratiques de gestion. D’autre part, des problèmes d’endogéneité persistent et

doivent être corrigés par un double logit.

A la lumière de ce profil particulier augmentant la probabilité d’évolution du revenu des

microentrepreneuses clientes de l’IMC, les actions à adopter dépendent des objectifs de cette

dernière. Si elle cherche à maximiser son effet tout court et à être performante financièrement,

elle doit concentrer son action sur les microentrepreneuses avec un tel profil, ce qui revient à

exclure les autres. Si le but de l’IMC est de maximiser l’effet de ses interventions sur ses

populations cibles, un recours aux BDS (Business Development Services), qui peuvent être considérées

comme un investissement, semble naturel. Le retour sur investissement se matérialise par une

amélioration de l’efficacité de l’IMC ; ces initiatives d’accompagnement vont, non seulement

renforcer le capital social et favoriser le remboursement, mais en plus, elles vont participer à

améliorer la situation économique des clientes. Cet avancement se traduit au niveau de l’IMC par

une amélioration du taux et de la ponctualité des remboursements et une appréciation du

montant du prêt moyen, c'est-à-dire par une amélioration de la rentabilité (Cf. 6.1). Ces

prestations étant chères, non ou peu payées par les bénéficiaires, leurs effets étant non visibles sur

le très court terme ni facilement mesurables avec les moyens habituels, elles peuvent être

subventionnées par les pouvoirs publics qui s’assurent ainsi un renforcement, à moindre coût, de

leur politique à long terme de réduction de la pauvreté et d’amélioration des conditions de vie.

Voici un argument qui montre que les subventions peuvent être bénéfique non seulement pour

l’augmentation du bien être des clients, mais aussi pour la viabilité de l’IMC.

336

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

ANNEXES CHAPITRE SIXIEME

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Annexe VI-1 Tri à plat des données de la BTS

Gouvernorat Effectif % / Total % / Expr.

Ariana 212 7,13 7,35Béja 252 8,48 8,73Gafsa 248 8,34 8,59Jendouba 0 0,00 0,00Kébili 84 2,83 2,91Kef 37 1,24 1,28Manouba 29 0,98 1,00Médenine 3 0,10 0,10Monastir 236 7,94 8,18Nabeul 104 3,50 3,60Sfax 247 8,31 8,56Sidi Bouzid 545 18,34 18,88Seliana 203 6,83 7,03Sousse 106 3,57 3,67Tataouine 256 8,61 8,87Tunis 210 7,07 7,28Zaghouan 114 3,84 3,95Total 2 886 97,11 100,00 Secteur d’activité

Effectif % / Total % / Expr. Petits métiers 1 449 48,76 48,76Services 850 28,60 28,60Artisanat 164 5,52 5,52Agriculture 509 17,13 17,13Total 2 972 100,00 100,00 Sexe

Effectif % / Total % / Expr. Homme 2 317 77,96 77,96Femme 655 22,04 22,04Total 2 972 100,00 100,00 Niveau d'éducation

Effectif % / Total % / Expr. illettré 114 3,84 3,84primaire 1 304 43,88 43,88secondaire professionnel 259 8,71 8,71secondaire long 944 31,76 31,76supérieur 351 11,81 11,81Total 2 972 100,00 100,00

338

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339

Nature du projet Effectif % / Total % / Expr.

création 2 102 70,73 70,73extension 870 29,27 29,27Total 2 972 100,00 100,00 Nombre d’emplois à créer

Effectif % / Total % / Expr. 1 1 800 60,57 60,572 827 27,83 27,833 241 8,11 8,114 69 2,32 2,325 18 0,61 0,616 6 0,20 0,207 4 0,13 0,138 3 0,10 0,10

10 3 0,10 0,1014 1 0,03 0,03

Total 2 972 100,00 100,00 Age

Effectif % / Total % / Expr. [0--20[ 0 0,00 0,00[20--30[ 372 12,52 12,52[30--40[ 1 448 48,72 48,72[40--50[ 829 27,89 27,89[50--99[ 323 10,87 10,87Total 2 972 100,00 100,00 Coût Total en dinars

Effectif % / Total % / Expr. 0—1 000 29 0,98 0,981 000 —2 000 289 9,72 9,722 000—5 000 1 573 52,93 52,935 000—7 000 584 19,65 19,657 000—10 000 332 11,17 11,1710 000—20 000 106 3,57 3,5720 000—50 000 59 1,99 1,9950 000—90 000 0 0,00 0,00Total 2 972 100,00 100,00

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Annexe VI-2 AFC – 35 variables actives et 9 illustratives – 316 individus NOMBRE D'INDIVIDUS : 316 NOMBRE DE VARIABLES NUMERIQUES : 51 SELECTION DES INDIVIDUS ET DES VARIABLES UTILES

340

3.24 0.001 51.46 93.38 86.71 non q20f a démarré une nlle Ese BE_1 274

VARIABLES NOMINALES ACTIVES 35 VARIABLES 161 MODALITES ASSOCIEES VARIABLES NOMINALES ILLUSTRATIVES 9 VARIABLES 51 MODALITES ASSOCIEES ² CARACTERISATION PAR LES MODALITES DES CLASSES OU MODALITES DE COUPURE 'a' DE L'ARBRE EN 3 CLASSES CLASSE 1 / 3 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 47.78 CLASSE 1 / 3 aa1a 151 10.35 0.000 75.78 80.79 50.95 augmenté q14a Evol Rev AM_4 161 9.64 0.000 84.40 60.93 34.49 dev son ese q14c Raison augmentation 1 AQ_1 109 8.72 0.000 70.41 78.81 53.48 oui q20a : durant les 12 mois ;augmenté taille de l'ese AZ_2 169 8.10 0.000 72.11 70.20 46.52 oui q20b Ajout New Pdt BA_2 147 7.63 0.000 97.73 28.48 13.92 a pu ach mat 1ère q14c Raisn augm 2 AR_3 44 7.41 0.000 73.23 61.59 40.19 oui q20d amélioré la Qualité BC_2 127 7.24 0.000 56.49 98.01 82.91 *Reponse manquante* q14b Raison de Diminution 1 20_ 262 5.55 0.000 52.63 99.34 90.19 oui q15c avez vs travaillé ou financé votre ese AU_2 285 5.43 0.000 81.48 29.14 17.09 4 Q20 Nb de chgts de l'activité durant 12 derniers mois C304 54 5.34 0.000 78.69 31.79 19.30 3 Q20 Nb de chgts de l'activité durant 12 derniers mois C303 61 5.28 0.000 69.61 47.02 32.28 oui q20e réduit les Cout BD_2 102 5.04 0.000 95.83 15.23 7.59 a vendu sur nx mché q14c Raisn augm 2 AR_4 24 4.88 0.000 58.67 76.16 62.03 oui q12a avez vs Investi Prêt ds AGR AK_2 196 4.88 0.000 72.97 35.76 23.42 épargner* q19Use3 Ay_8 74 4.73 0.000 60.23 68.21 54.11 oui q25d vs vs payez un Sal pr votre travail BQ_2 171 4.42 0.000 57.07 77.48 64.87 cliente Clt_2/1 AA_2 205 4.31 0.000 73.33 29.14 18.99 oui q21b outils import BH_2 60 4.08 0.000 65.31 42.38 31.01 1 inv Q21Nb Inv durant 12 derniers mois Mod1 98 3.83 0.000 68.57 31.79 22.15 oui q20g a vendu sur de nx Mche BF_2 70 3.64 0.000 76.32 19.21 12.03 2 inv Q21Nb Inv durant 12 derniers mois Mod2 38 3.60 0.000 80.00 15.89 9.49 oui q17 Deuxième Activité ? AV_2 30 3.57 0.000 63.00 41.72 31.65 environ 2 ans q01NbAnne 1_2 100 3.41 0.000 76.47 17.22 10.76 achat art pr maison q19 Use1 du bénéfice AW_5 34 3.36 0.000 67.19 28.48 20.25 oui q21a : 12 mois : avez vs acheté ou inv : petits outils BG_2 64

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

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3.13 0.001 84.21 10.60 6.01 5 Q20 Nb de chgts de l'activité durant 12 derniers mois C305 19 2.75 0.003 63.24 28.48 21.52 5 prêts q54NbPRET AE_5 68 2.69 0.004 74.07 13.25 8.54 oui q21e Inv pour le Site de vente (chaise, table..) BK_2 27 2.59 0.005 57.38 46.36 38.61 oui q15a avez vs travaillé pr qcq qui vs a payé AT_2 122 2.59 0.005 75.00 11.92 7.59 a pu ach mat 1ère q14c Raison augmentation 1 AQ_3 24 2.56 0.005 100.00 4.64 2.22 démarré nlle ese q14c Raisn augm 2 AR_2 7 2.53 0.006 50.17 95.36 90.82 oui q25c savez vs quel Pdt vs rapporte le plus BP_2 287 2.49 0.006 69.70 15.23 10.44 réinvestir ds l'ese* q19Use2 Ax_7 33 2.49 0.006 84.62 7.28 4.11 beaucoup augmenté q14a Evol Rev AM_5 13 2.41 0.008 55.63 52.32 44.94 périurbain SITE AB_2 142 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- CLASSE 2 / 3 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- V.TEST PROBA ---- POURCENTAGES ---- MODALITES IDEN POIDS CLA/MOD MOD/CLA GLOBAL CARACTERISTIQUES DES VARIABLES ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 43.04 CLASSE 2 / 3 aa2a 136 10.67 0.000 75.35 78.68 44.94 *Reponse manquante* q14c Raison augmentation 1 22_ 142 9.30 0.000 56.78 98.53 74.68 *Reponse manquante* q14c Raisn augm 2 23_ 236 8.50 0.000 74.14 63.24 36.71 non q20a : durant les 12 mois ;augmenté taille de l'ese AZ_1 116 8.16 0.000 68.84 69.85 43.67 non q20b Ajout New Pdt BA_1 138 7.75 0.000 64.56 75.00 50.00 non q20d amélioré la Qualité BC_1 158 5.73 0.000 50.59 94.85 80.70 non q17 Deuxième Activité ? AV_1 255 5.69 0.000 56.52 76.47 58.23 non q20e réduit les Cout BD_1 184 5.30 0.000 82.50 24.26 12.66 diminué q14a Evol Rev AM_2 40 5.30 0.000 48.54 97.79 86.71 non q20f a démarré une nlle Ese BE_1 274 5.27 0.000 69.74 38.97 24.05 resté le même q14a Evol Rev AM_3 76 5.04 0.000 47.37 99.26 90.19 oui q15c avez vs travaillé ou financé votre ese AU_2 285 5.04 0.000 52.53 83.82 68.67 non q20g a vendu sur de nx Mche BF_1 217 4.82 0.000 74.51 27.94 16.14 1 chgts Q20 Nb de chgts de l'activité durant 12 derniers mois Mod1 51 4.72 0.000 83.87 19.12 9.81 maivais vente q14b Raison de Diminution 1 AO_2 31 4.70 0.000 61.26 50.00 35.13 *Reponse manquante* q01NbAnne 7_ 111 4.70 0.000 61.26 50.00 35.13 non cliente Clt_2/1 AA_1 111 4.70 0.000 61.26 50.00 35.13 *Reponse manquante* q12a avez vs Investi Prêt ds AGR 16_ 111 4.21 0.000 56.34 58.82 44.94 non q25d vs vs payez un Sal pr votre travail BQ_1 142 4.19 0.000 53.71 69.12 55.38 aucun inv Q21Nb Inv durant 12 derniers mois C409 175 3.80 0.000 55.47 55.88 43.35 *Reponse manquante* q54NbPRET 6_ 137 3.71 0.000 49.15 85.29 74.68 non q20c a embauché + de MO BB_1 236 3.07 0.001 85.71 8.82 4.43 beaucoup diminué q14a Evol Rev AM_1 14 3.05 0.001 47.27 88.97 81.01 non q21b outils import BH_1 256 2.69 0.004 57.97 29.41 21.84 aucun chgt Q20 Nb de chgts de l'activité durant 12 derniers mois C309 69 2.61 0.004 52.38 48.53 39.87 urbain SITE AB_1 126 2.35 0.009 81.82 6.62 3.48 maladie (elle ou foy q14b Raison de Diminution 1 AO_1 11 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Annexe VI-3 Le dictionnaire des variables

Variable Dictionnaire C Constante TAIL 1=A augmenté la taille de l’entreprise191

NEWPDT 1=A ajouté de nouveaux produits MO 1=A embauché de la main d’œuvre QUALIT 1=A amélioré la qualité des produits COUT 1=A réduit les coûts en achetant de la matière 1ère en plus grande quantité ou à

meilleur marché NEWMCHE 1=A vendu sur de nouveaux marchés NB Nombre de changements au cours des 12 derniers mois NB_INV Nombre d’investissements (outils, moyens de transports, structure de sctockage...)WPAY 1=Avez-vous travaillé pour quelqu’un qui vous a payé durant les 4 dernières

semaines ? ACT2 1=Existence d’une 2ème activité SEPAR 1=L’argent de l’entreprise est séparé de celui du ménage REGIS 1=Calcul des bénéfices à partir des registres de coûts et revenus PDT 1=Vous savez quel produit vous rapporte le plus SAL 1=Vous vous payez un salaire pour votre travail dans votre entreprise REINV 1=Réinvestissement dans l’entreprise cité parmi les 3 premières destinations du

bénéfice LOGT 1=Vit dans une maison en ciment armé DEPENDANCE Nombre de personnes à la charge d’une personne active SCHOOL Nombre d’années d’éducation AGE Age NON_MARIEE 1=non mariée CHEFM 1=chef de ménage AMBUL 1=ambulant DOMICILE 1=à domicile PERIURBAIN 1=périurbain URBAIN 1=urbain AGRIC 1=excerce dans l’agriculture CCE_DETAIL 1= dans le commerce de détail ELEVAG 1=dans l’élevage PRODUC 1= dans la production SCES 1= dans les services ANC2 Ancienneté de 2ans dans le programme ANC3 Ancienneté de 3 ans et plus dans le programme CLT 1= client de l’IMC

191 A première vue les variables TAIL et MO sont équivalentes. Nous n'avons pas trouvé de détails dans le rapport d'enquête nous permettant de les différencier. Nous pensons que la variable TAIL est équivalente à l'intégration de nouveaux actifs (y compris aides familiaux ou apprentis) alors que la variable MO est équivalente à une embauche de salariés. Notre hypothèse semble vérifiée au regard des résultats de la régression. En effet, TAIL influence positivement et significativement l'évolution du revenu alors que MO n'est pas significative ; ce qui est conforme au souci des microentreprises d'économie sur les salaires, exposé au chapitre deuxième.

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Annexe VI-4 Statistiques descriptives

Variable Min Max Moyenne Ecart - type

AMBUL 0 1 0.325581 0.469502

DOMICILE 0 1 0.434109 0.496603 ANC2 0 1 0.329457 0.470930 ANC3 0 1 0.275194 0.447480 ANIM 0 1 0.062016 0.241652

CHEFM 0 1 0.244186 0.430439 CLT 0 1 0.658915 0.474995

DEPENDANCE1 0 11 2.883287 1.475041 LOGT 0 1 0.662791 0.473676

NON_MARIEE 0 1 0.294574 0.456737 PERIURBAIN 0 1 0.465116 0.499751

URBAIN 0 1 0.395349 0.489876 AGE 18 69 37.72481 9.942140

SCHOOL 0 16 2.449612 3.472989 WPAY 0 1 0.387597 0.488149 ACT2 0 1 0.112403 0.316476 TAIL 0 1 0.639535 0.481069

NEWPDT 0 1 0.531008 0.500008 MO 0 1 0.186047 0.389901

QUALIT 0 1 0.453488 0.498800 COUT 0 1 0.372093 0.484302

NEWMCHE 0 1 0.259690 0.439317 NB 0 6 2.484496 1.474080

NB_INV 0 5 0.682171 0.827396 SEPAR 0 1 0.903101 0.296395 REGIS 0 1 0.503876 0.500957 PDT 0 1 0.937984 0.241652 SAL 0 1 0.550388 0.498421

AGRIC 0 1 0.058140 0.234462 CCE_DETAIL 0 1 0.468992 0.500008

ELEVAG 0 1 0.050388 0.219169 PRODUC 0 1 0.054264 0.226977

SCES 0 1 0.306202 0.461810 REINV 0 1 0.356589 0.479923

Observations 261 261

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Chapitre sixième : Mesurer l’efficacité du microcrédit

Annexe VI-5 la table des attentes – prédiction pour l’estimation 1

Dependent Variable: Q14AEVOLREV_0_10 Method: ML - Binary Logit (Quadratic hill climbing) Date: 10/10/04 Time: 00:44 Sample(adjusted): 1 315 Included observations: 258 Excluded observations: 57 after adjusting endpoints Prediction Evaluation (success cutoff C = 0.5)

Estimated Equation Constant Probability Dep=0 Dep=1 Total Dep=0 Dep=1 Total

P(Dep=1)<=C 77 22 99 0 0 0P(Dep=1)>C 31 128 159 108 150 258

Total 108 150 258 108 150 258Correct 77 128 205 0 150 150

% Correct 71.30 85.33 79.46 0.00 100.00 58.14% Incorrect 28.70 14.67 20.54 100.00 0.00 41.86Total Gain* 71.30 -14.67 21.32

Percent Gain** 71.30 NA 50.93

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Conclusion Générale

CONCLUSION GENERALE

Ce travail est né d’une interrogation sur les problèmes de financement des microentreprises. Il

nous a conduit à adopter une réflexion basée sur l’étude des coûts qui en ont été le fil

conducteur : comment les minimiser et par quels moyens satisfaire les besoins de financement qui

en découlent ? Est ce que le microcrédit est un bon moyen pour y répondre ? Telles sont les

principales questions qui ont sous-tendu notre problématique.

Le premier chapitre nous a servi à "planter le décor" et à étudier l’environnement dans lequel

évoluent les microentreprises maghrébines. La situation sociale des trois pays (structure de la

pyramide des âges, pauvreté et chômage, où les jeunes diplômés sont de plus en plus représentés)

encourage les pouvoirs publics à promouvoir la microentreprise qui a été plus ou moins favorisée

selon les pays, dès les années 1970, par une politique d’aide étatique pour répondre à la croissance

rapide de la population active et à la capacité limitée d’embauche des grandes entreprises.

Le Maroc, avec une économie libéralisée, un système bancaire moderne, des industries

manufacturières développées et un cadre réglementaire flexible, présente un environnement

propice au développement des microentreprises. La Tunisie, bien que proclamant la libéralisation

de son économie et de son système bancaire l’est un peu moins ; cela se traduit par un cadre

réglementaire strict et assorti de contrôle envers les microentreprises qui a cependant le mérite,

reconnu par les microentrepreneurs, d’être adapté à leurs particularités. L’Algérie présente

l’environnement et la structure de l’économie les moins favorables à l’épanouissement des

microentreprises ; toutefois, cette situation est en train de changer actuellement avec

l’assouplissement des contraintes réglementaires et l’instauration de programmes étatiques d’aides

et de financement.

L’aspect comparatif de ce chapitre nous a permis de mettre en évidence l’importance du cadre

macroéconomique mais surtout institutionnel (qui différencie les pays) dans lequel évolue la

microentreprise et son influence directe sur le développement de cette dernière.

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Conclusion Générale

Dans le cadre du deuxième chapitre nous avons exploité une enquête ménage originale réalisé en

2000-2001 auprès de 1400 ménages algérien et qui relève d’une approche directe. Nous nous

sommes intéressés aux caractéristiques et pratiques des employeurs et des travailleurs à compte

propre ainsi que celles de leurs unités. Le but initial du chapitre est de tester la pertinence d’une

analyse dualiste qui classe les unités étudiées en formelles et informelles. Nous avons trouvé que

les unités identifiées en tant qu’informelles avaient principalement des stratégies mixtes (formelles

et informelles). Dans la suite de la thèse, nous nous sommes spécialement penchés sur ces

stratégies et spécifiquement celles qui relèvent des coûts ; nous avons considéré comme

pertinente l’adoption de la microentreprise (qui s’inscrit dans la sphère productive) comme l’unité

de notre analyse.

Ce questionnement sur le lien entre microentreprise et unité informelle nous a permis d’étudier

les caractéristiques des microentrepreneurs algériens. L’enquête ménages est certes limitée et

comporte quelques biais, mais son exploitation nous a permis d’éclairer la conformité (ou non)

des microentrepreneurs au cadre institutionnel et réglementaire (40% sont enregistrés, 30%

payent leurs impôts au réel et 50% tiennent une comptabilité régulière et irrégulière), leurs

pratiques sur le marché des biens et services (prévalence d’un comportement formel et informel)

et surtout sur le marché du crédit (prédominance de l’apport en fonds propres et part négligeable

de la finance informelle).

Le troisième chapitre répond à la première interrogation qui nous animait. En profitant des

opportunités assurées par le cadre institutionnel, en faisant jouer ses avantages comparatifs : sa

capacité à ne pas se soumettre au paiement des impôts et des charges sociales et en profitant de la

segmentation du marché du travail pour embaucher des non-salariés ou à offrir des emplois

précaires sans contrat et faiblement rémunérés, les microentreprises maghrébines réussissent à

comprimer leurs coûts, à les flexibiliser et ainsi à réduire le risque. Mais, en plus de la réduction

des coûts totaux et de la part des coûts fixes, un des moyens de juguler le risque demeure la

capacité à amortir les fluctuations de la demande par un accroissement du fonds de roulement.

Le quatrième chapitre a montré qu’en dépit de l’application d’une stratégie rationnelle de

réduction des coûts, les problèmes de financement, et principalement celui du besoin de fonds de

roulement (BFR), persistent et figurent parmi les premières difficultés rencontrées par les

microentrepreneurs. Une analyse comparative entre les trois pays sur deux périodes (début des

années 1990 d’une part et fin 1990 – début 2000 d’autre part) montre une structure de

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Conclusion Générale

financement fortement caractérisée, stable dans le temps et faiblement constituée de financement

bancaire, étatique ou informel.

Le rôle central de l’Etat a été mis en exergue comme solution pour combler les défaillances du

marché. Certains souhaitaient une déréglementation des systèmes financiers, supposée permettre

aux intervenants financiers institutionnels de répondre aux besoins de cette nouvelle clientèle.

D’autres souhaitaient que l’Etat prenne lui-même en charge l’allocation des ressources aux

microentreprises. Mais aucune des deux démarches ne répond aux problèmes posés. D’une part,

les banques institutionnelles préfèrent ne pas couvrir ce segment du marché car ce type de

clientèle présente beaucoup de risques ; leur octroyer des crédits revient cher aux institutions en

coûts de recherche d’information ou de couverture de risque, or les montants prêtés ne justifient

pas de telles dépenses. D’autre part, il n’y a pas de raison de penser que l’Etat puisse s’adapter

systématiquement mieux que le secteur institutionnel aux caractéristiques du marché du crédit

aux microentreprises. La finance informelle s’avère aussi inadaptée aux besoins et demandes des

microentreprises.

Majoritairement, la structure de financement des microentreprises est fondée sur les apports en

fonds propres à tous les stades de leur cycle de vie. Autant pour le démarrage, la microentreprise

se suffit aux apports propres des microentrepreneurs qui, prévoyants et rationnels, ne se lancent

dans l’activité qu’une fois leur capital constitué, autant les carences se manifestent au moment de

financer l’activité (BFR) et la croissance. La limitation du financement aux seules ressources

propres peut entraver la croissance de l’entreprise, menacer sa survie, sa capacité à lutter contre la

concurrence ainsi que sa réactivité en cas de mauvaise conjoncture.

Le problème est donc de déterminer comment établir, dans le domaine du crédit aux

microentreprises, un type d’institutions qui permette un jeu coopératif visant à réduire les

problèmes de hasard moral, de sélection adverse, de manque d’information et d’incertitude.

Les institutions de microcrédit apparaissent comme les institutions les mieux adaptées à fournir

ce type de financement. En effet, leur organisation, vise à réduire non seulement l’asymétrie de

l’information, mais aussi les coûts de transaction pour le microentrepreneur en lui fournissant le

crédit à proximité et en simplifiant les procédures d’octroi et de suivi, tout en essayant de

maîtriser le hasard moral et la sélection adverse. Ces programmes permettent d’apporter des

solutions aux problèmes rencontrés par les programmes étatiques, ignorés par le système bancaire

et non satisfaits par la finance informelle.

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Conclusion Générale

Ces solutions ont été détaillées au cinquième chapitre. Les méthodologies mises en œuvre et sont

inspirées par celles des coopératives du milieu du XIXème siècle ainsi que par les pratiques de la

finance informelle, qu’elles soient basées sur le crédit individuel ou solidaire. Elles recherchent

des substituts au nantissement matériel, des mécanismes qui assurent l’accès à l’information

privée et des procédés permettant la réduction des coûts de transaction pour l’institution et le

client.

Le contrat à caution solidaire consiste à faire des prêts individuels à des membres d’un même

groupe qui se portent garants les uns des autres et s’engagent à payer la partie du pair défaillant

sous peine que le groupe entier soit exclu du programme de prêt. A travers cette méthodologie,

l’IMC sous-traite au groupe la sélection, la surveillance et le contrôle donc elle lui délègue la

recherche et l’exploitation de l’information ainsi que la mise en œuvre du remboursement

(enforcement) en cas de défaillance ; par ce biais, elle réduit les coûts de transaction pour les deux

parties : le prêteur et l’emprunteur. Le groupe dispose de l’information privée qui circule dans le

réseau de l’emprunteur (du fait de la proximité géographique et sociale) et à laquelle le prêteur

traditionnel n’a pas accès. Il peut également, du fait de cette double proximité, exercer une

pression sociale, qui a prouvé son efficacité dans des "sociétés à relations imbriquées" où la

réputation, la parole et l’image sont des notions très importantes.

En plus des prêts à caution solidaire, les dynamic incentives, la fixation des échéances de

remboursement de façon à ce qu’elles soient rapprochées et régulières ou encore le renforcement

du capital social existant entre le client et l’institution sont autant d’innovations dont disposent les

IMC pour réduire les asymétries d’informations et maximiser le remboursement.

L’ensemble de ces innovations a été étudié dans une partie du sixième et dernier chapitre, pour la

première fois au Maghreb avec une approche comparative. Des études traitent du domaine du

microcrédit et non des institutions avec une optique sectorielle et régionale [Brandsma & Hart,

2000 ; MIX & Sanabel, 2003]. Elles se situent à un niveau mésoéconomique alors que notre

travail si situe plutôt à un niveau microéconomique. Cette comparaison a été abordée à travers

l’exemple de cinq IMC maghrébines, de leurs caractéristiques et méthodologies de prêts ainsi

qu’en terme de rentabilité et de viabilité.

Après avoir identifié dans les chapitres précédents les moyens de réduction des coûts supportés

par les microentreprises (troisième chapitre), mis en évidence les problèmes réels et le manque

d’alternatives de financement crédibles et durables qu’elles rencontrent (quatrième chapitre) et

évoqué le microcrédit comme une solution possible (cinquième chapitre), ce chapitre sert

fondamentalement à répondre à la question principale qui a motivé ce travail : est ce que le

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Conclusion Générale

microcrédit octroyé aux microentrepreneurs constitue une bonne solution à leurs problèmes de

financement ? Est-ce qu’il permet une amélioration des performances de l’entreprise ainsi que des

conditions de vie des microentrepreneurs ?

Le microcrédit, à la frontière entre l’approche par le marché et la compensation sociale, constitue

un mode d’intervention plus efficient et plus durable, grâce à l’émergence de véritables

institutions financières adaptées aux microentreprises. Ces institutions sont mues par une volonté

d’atteindre d’une part, une autosuffisance financière et, d’autre part, d’avoir un effet positif sur le

plus grand nombre de client parmi les plus pauvres. Selon qu’un objectif prenne le dessus sur

l’autre, les actions mises en œuvre pour l’atteindre vont s’inspirer de l’une ou de l’autre des écoles

de la microfinance. Bien que sur le plan théorique, les avis en ce qui concerne les actions à

entreprendre pour assurer la pérennité ou maximiser l’impact distinguent les deux écoles

distinctes, sur le terrain, la césure n’est pas aussi tranchée ; les institutions mêlent des éléments de

l'une et l'autre des écoles pour allier un impact productif et redistributif avec une recherche de

pérennité financière.

Les institutionists, dans le prolongement de la théorie de la libéralisation financière, prônent une

approche par le marché. Ce courant cherche l’approfondissement financier à travers la création

d’un système durable d’intermédiation financière consacré aux pauvres. Il prône le droit des IMC

à pratiquer des taux d’intérêt qui leur permettent de couvrir leurs charges et d’assurer leur

autonomie financière en étant complètement indépendante des subventions. Il met donc

l’institution au centre de leur attention ; l’impact sur la population passe par sa performance

financière et se limite donc au premier maillon de la chaîne de transmission de l’impact. Il est

déterminé par un proxy : la rentabilité.

Pour évaluer l’efficacité au sens des institutionist, nous avons étudiés les performances financières

de cinq IMC maghrébines et nous avons observé que l’efficacité atteinte est une étape nécessaire

qui semble préjuger favorablement de la pérennité de l’institution. L’objectif d’une IMC n’étant

pas de faire du profit, les stratégies pour assurer sa viabilité doivent se concentrer sur la

diminution des charges à travers les innovations apportées par la microfinance et l'accroissement

du montant du prêt moyen. Les actions sur les produits ne constituent pas des stratégies en tant

que telles ; les IMC doivent appliquer des taux d’intérêt qui rendent l'activité de prêt effective non

seulement pour le prêteur mais aussi pour l'emprunteur. Cependant, les subventions sont

incontournables en début d'activité pour la mise en place des stratégies innovantes de réduction

des coûts.

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Conclusion Générale

Le deuxième courant, celui des welfarists, met l’accent sur le niveau de pauvreté des clients et

s’attache à l’amélioration des conditions de vie des participants même au frais d’un large recours

aux subventions mais sans sacrifier à l’efficacité de la gestion. Ils cherchent à investiguer au plus

profond de la chaîne de transmission d’impact en évaluant l’effet des programmes sur les

bénéficiaires ciblés et dans la mesure du possible sur leur environnement.

Que ce soit par une méthode limitée à mesurer l’impact à la naissance de la chaîne de

transmission (institutionists) ou par celle qui va plus loin sur cette chaîne (welfarists), l’impact du

microcrédit sur les microentreprises maghrébines est indéniable. D’une part, les institutions

étudiées présentent de bons indicateurs financiers, autant de rentabilité que d’efficacité. D’autre

part, le recours au microcrédit élève le revenu de la microentreprise et améliore les conditions de

vie des microentrepreneuses. Toutefois, l’analyse économétrique sur ce même échantillon a mis

en évidence l’existence d’un profil particulier qui renforce la probabilité d’un impact positif du

recours au microcrédit : une relative prospérité, des connaissances managériales et un certain

dynamisme entrepreneurial.

Quoique nos résultats aient montré que le microcrédit est plus efficace sur un certain type de

pauvreté modérée, ce financement soutient tous ceux qui peuvent surmonter le surplus de risque

généré par l'initiation d'une activité à compte propre, quelque soit leur niveau de pauvreté, à

travers l’octroi de crédit. Le microcrédit peut réduire la pauvreté (par une augmentation sensible

et continue du revenu et de la consommation) grâce à la conjonction de trois éléments. Le

microcrédit doit d’abord être utilisé pour financer une activité génératrice de revenu (productive).

Ensuite, la pérennité de l’activité et la régularité du revenu doivent être garanties. Enfin, ce

revenu doit être suffisant pour le remboursement des échéances du crédit tout en permettant

l’entretien du ménage. Chacune de ces trois conditions doit faire intervenir d'autres acteurs en

plus de l’IMC pour garantir les meilleures chances de succès. L’existence et le développement

d’activités génératrices de revenus demeure une responsabilité collective (et ne se limite pas à

l’intervention de l’IMC) et le rôle de l’Etat reste prépondérant pour empêcher les mécanismes de

marché d’écraser l’initiative entrepreneuriale des pauvres à travers, entre autres, la garantie d’un

cadre réglementaire approprié. La régularité du revenu et la pérennité du projet sont

subordonnées à l’existence d’une couverture sociale minimale, qui peut être fournie par des

produits de microassurance avec une garantie publique. Un même effort collectif peut être

nécessaire pour solvabiliser progressivement les activités de la microentreprise et lui offrir de

350

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Conclusion Générale

nouveaux marchés. Les IMC ont un intérêt objectif à assouplir leurs conditions de

remboursement et d’allocation des fonds, et à mettre en place des initiatives d’accompagnement

des clients (éducation, formation, conseil…) pour assurer le succès de ces derniers et par suite

leur propre succès. Les BDS (Business Development Services) peuvent aider à "mettre à niveau" les

clients pour maximiser l’impact. Ces initiatives, en plus de procurer des connaissances

managériales et une formation, aident à développer le réseau des clients, à générer de nouvelles

opportunités d’affaires et renforcent la composante "esprit entrepreneurial" ; elles participent à la

réduction des coûts de transaction en renforçant le capital social existant entre l’IMC et ses

clients. Les frais supplémentaires peuvent être pris en charge par les pouvoirs publics qui

augmentent ainsi à faible coût l’efficacité de la lutte contre la pauvreté tout en restant dans le

cadre des missions de service public.

L’amélioration des infrastructures, la sensibilisation de la population à l’éducation et à

l’alphabétisation, l’adaptation du cadre légal autant pour la microentreprise que pour l’IMC

incombent aux pouvoirs publics. La fourniture de services financiers aux populations démunies

au seuil de pauvreté ne pourrait se faire que si les IMC sont bien intégrées au système bancaire en

place. Les autoriser à se refinancer auprès des banques, à récolter l’épargne de leurs clients,

relâcher les contraintes quant à leurs modalités de fonctionnement et de fixation des taux

d’intérêt sans pour autant céder à la tentation de la commercialisation et la recherche du profit,

relève aussi des actions étatiques pour la promotion de cette activité. Les pouvoirs publics

optimiseraient leur influence en se positionnant plutôt comme garants de la conformité du

microcrédit à ses objectifs initiaux et comme régulateurs de son activité. Rapprocher la

microfinance d’un fonctionnement formalisée (réglementation, ratios cibles, cadre légal …) peut

s’avérer dangereux car il pourrait apparaître une nouvelle segmentation du système financier au

détriment des entreprises et les individus les plus vulnérables qui se retrouvent encore une fois à

la marge.

Au terme de ce travail, plusieurs questions qui en marquent les limites restent en suspens et

ouvrent ainsi d’autres voies de recherche. L’impact des IMC ne serait-il pas maximisé si celles-ci

augmentaient leur ressources, ce qui reviendrait à ce qu’elles se formalisent pour pouvoir à terme

créer de la monnaie ? Est-ce que, à l’image des coopératives du XIXème siècle, les IMC sont

conduites à devenir des banques ? Et dans ce cas, l’effet de la segmentation qui opérera

n’annulera t-il pas le surplus d’impact escompté ?

351

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Conclusion Générale

Quel est le rôle du cadre institutionnel dans la facilitation de la mission des IMC ? A-t-il un effet

sur leurs clients ?

L’analyse comparative entre les cadres institutionnels des trois pays maghrébins nous a conduit à

conclure à leur influence sur le développement de la microentreprise. Il serait judicieux de

comparer les institutions marocaine et tunisienne du point de vue de l’influence qu’exerce le

cadre réglementaire sur l’impact de leur activité. Est-ce qu’un cadre favorable (comme celui du

Maroc) participe-t-il au renforcement de l’impact des IMC ? Les deux institutions étant

comparable du point de vue des performances, de la structure du capital et de la méthodologie de

prêt, la différence d’impact (si différence il y a) peut-elle s’expliquer par l’influence du cadre

institutionnel ?

L’IMC tunisienne enda inter-arabe est entrain de préparer une étude d’impact. Une comparaison

entre les études d’impact des deux institutions pourrait renforcer l’identification du rôle du cadre

institutionnel sur le développement de la microentreprise à travers celui de l’IMC.

Une extension de ce travail pourrait également consister à déterminer l’influence directe de ce

cadre sur la microentreprise (ainsi que ses caractéristiques), selon une approche comparative entre

l’Algérie et le Maroc, en exploitant une enquête sur l’économie informelle au Maroc [Adair &

Kouhlani, 2003], conçue dans une perspective comparatiste avec l’enquête algérienne utilisée dans

ce travail.

Les interrogation concernant les trajectoires et de l’évolution des microentreprises sont

pertinentes. Ces unités sont-elles véritablement destinées à rester petites ou à s’agrandir ?

L’analyse longitudinale peut apporter un éclairage à cette question.

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