Michel Lefebvre, marin de l'Espace

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Michel Lefebvre marin de l’Espace YVES GARRIC COMMENT UN CAPITAINE AU LONG COURS DEVENU ASTRONOME A FAIT BOUGER L’OCÉAN LOUBATIÈRES S CIENCES

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Michel Lefebvre a vécu trois vies en une : avec une égale passion, il a été capitaineau long cours sur toutes les mers du monde, astronome à l’Observatoire de Paris,pionnier de l’exploration du cosmos au Centre National d’Études Spatiales… DeToulouse à la NASA, sa créativité et son sens de l’humain sont venus à bout de toutesles frontières. Il a joué un rôle décisif dans le lancement de plusieurs missions internationalesd’observation de la Terre qui ont bouleversé notre connaissance desocéans et de leur action sur le climat. Il a travaillé avec un grand nombre de scientifiqueset d’ingénieurs. Ils témoignent ici et éclairent son parcours.Aujourd’hui à la retraite, Michel Lefebvre continue d’oeuvrer avec le mêmeenthousiasme pour convaincre ses contemporains de devenir des « géonautesavertis », c’est-à-dire capables de mener à bon port le navire Terre où embarquerontles générations futures.

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Michel Lefebvre marin de l’Espace

Y V E S G A R R I C

COMMENT UN CAPITAINE AU LONG COURS

DEVENU ASTRONOME A FAIT BOUGER L’OCÉAN

LOUBATIÈRES SCIENCES

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© Nouvelles Éditions Loubatières, 2008 10bis, boulevard de l’Europe, BP 27

31122 Portet-sur-Garonne [email protected]

www.loubatieres.fr

ISBN 978-2-86266-555-9

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YVES GARRIC

MICHEL LEFEBVRE MARIN DE L’ESPACE

Comment un capitaine au long cours devenu astronome a fait bouger l’océan

LOUBATIÈRES

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À Claude et Danièle qui faisaient le tour du jardinpendant que nous bouclions des tours de Terre…

Michel et Yves

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en guise de préface

Lettre à Michel Lefebvre

Mon cher Michel,

Un jour, alors que nous débutions notre longue série d’entre-tiens, tu m’as à brûle-pourpoint demandé pourquoi je voulaisécrire un livre sur toi. Je t’ai donné un certain nombre de raisonsqui ont paru te satisfaire. Mais je crois avoir omis la principale.Que veux-tu : il est des vérités qui sont difficiles à dire…

En presque quarante ans de vie professionnelle, j’ai été amenéà rencontrer, interviewer, examiner à la loupe un peu commefaisait le grand Fabre avec ses insectes, plus d’hommes et de femmesque tu n’as pointé d’étoiles avec ton astrolabe au temps de tesnuits blanches à l’Observatoire de Paris. Il y a dans mon longinventaire des paysans aussi bien que des mineurs de fond, desprésidents de la République et une cohorte de ministres, touteune brochette d’artistes de la scène, de Brassens à Joe Dassin enpassant par Juliette Gréco, Simone Signoret, Bernard Dimey,Bobby Lapointe, Léo Ferré, le mime Marceau, Étienne Decrouxou Jean-Louis Barrault, pour ne citer que ceux qui m’ont laisséles souvenirs les plus marquants. Lanza del Vasto m’a parlé denon-violence et Franquin de Gaston Lagaffe dont la dimensionnon violente, justement, a fini par me sauter aux yeux. J’ai, unmatin, pris mon petit-déjeuner avec un cardinal et trois évêques.Des centaines de chercheurs, tous plus passionnés et passionnantsles uns que les autres, m’ont accueilli dans leurs laboratoires. Desprospecteurs m’ont emmené chercher du pétrole en plein Paris.Pour en venir plus directement à un domaine qui t’est cher, j’ai

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volé comme un oiseau en « zéro g » avec des équipes de scienti-fiques. Plusieurs cosmonautes m’ont raconté la Terre vue de haut.Une fois, comme quoi il ne faut jamais dire « Fontaine… », j’aidû donner du « majesté » à une reine.

Et je ne te parle pas de tous les anonymes : sœur Denise qui,pendant l’Occupation, avait rempli son pensionnat de jeunes fillesjuives ; Gilbert qui, avant tout le monde, faisait de l’agriculturebio, vidant chaque matin son lait qui ne lui était pas payé uncentime de plus dans la citerne du collecteur avec au moins, medisait-il, la satisfaction « de ne pas contribuer à empoisonner lemonde »… Alex, l’« homme volant » originaire de Hollande, aoffert à Danièle, mon épouse, un collier et un bracelet de perlesque lui avaient remis en 1924 des femmes noires du ghetto deSoweto ; malgré toutes les mises en garde, il avait osé s’y aventu-rer, lors d’une tournée qu’il avait effectuée en Afrique du Sud avecMistinguett, au nom de ce principe simple qui était le sien : « Làoù des hommes vivent, moi je dois pouvoir aller. » Voilà, moncher Michel, qui te rappellera ton fameux épisode de la « casquettedu docker » qui donne son titre à un chapitre de cet ouvrage.

J’arrête là mon énumération parce que, alors que je m’apprêtemoi aussi à « raccrocher », trop de nostalgie m’assaille. J’ai essayéd’être de ces journalistes ouverts à la vie. Très fort j’ai cru à lapédagogie du positif (ce qui ne m’a pas empêché, quand larecherche de la vérité l’a exigé – c’est-à-dire assez souvent – d’al-ler marcher dans les cloaques). Il n’a pas manqué sur ma routed’êtres exceptionnels pour m’aider à mettre en pratique ce quej’appellerai ma « théorie de l’exemplarité contagieuse »…

Mais assez tourné autour du pot… Il faut bien que je te lefasse, cet aveu : de tous les êtres qu’il m’a été donné d’approcher,tu es, toi, Michel Lefebvre, l’un des plus merveilleux…

Je t’en prie : ne commence pas à protester. Ne me demandepas d’atténuer mon propos, comme tu as parfois tenté de m’yamener au cours de l’écriture de ce livre.

Si tu le lis attentivement entre les lignes, tu verras du reste queje ne te rate pas à l’occasion car je connais bien certains de testravers ; ils m’ont parfois mené au bord de la crise de nerfs. Entout état de cause, je te rappelle notre convention : tu me racontes

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les faits de ton existence en m’indiquant comment tu les as vécuset en me livrant les réflexions qu’ils peuvent t’inspirer ; je restelibre à tout moment d’y mettre mon grain de sel, d’apporter mespropres analyses et commentaires. Je t’ai assez dit mon horreurde ces « livres magnétophones » dont l’usage tend à se répandreet qui représentent de mon point de vue la négation la plus ache-vée de la littérature.

Or donc, que cela te plaise ou non, j’affirme qu’il m’a rare-ment été donné de voir l’intelligence de l’esprit et celle du cœursi harmonieusement réunies en un seul homme comme chez toi !

Il arrive que ce qu’on appelle, d’un seul mot, l’« intelligence »m’impressionne. À un niveau comme le tien, c’est une œuvre d’art.Au contact de personnalités de ta trempe, je comprends ce queveulent dire les mathématiciens ou les astrophysiciens quand ilsparlent du choc esthétique que leur procure une belle équation.

Mais ta générosité me touche bien plus. Dès nos premierscontacts, j’en ai expérimenté les inconvénients que tu qualifieraisde collatéraux. Nous nous étions croisés dans les couloirs de l’Ob-servatoire Midi-Pyrénées à Toulouse. L’océanographe ChristianLe Provost (un monument de science et d’humanité, celui-là aussi,qui n’est malheureusement plus) nous avait présentés. Tu avaisaimé un magazine que je venais de tourner pour la télévision surl’océanographie spatiale. Au point que par la suite tu devais m’endemander une quantité incroyable de copies ; à peine en avais-tuune dans les mains qu’aussitôt tu t’empressais de l’offrir.

Il ne m’a pas fallu longtemps pour cerner ton charisme, en mesu-rer l’impact sur les milieux scientifiques que nous fréquentions l’unet l’autre. Plus d’une fois ton seul nom m’a ouvert une porte.

J’aime te voir arriver, traînant ton sac de magicien où s’entas-sent pêle-mêle documentation, articles de journaux, bouts depapier sur lesquels tu as recopié des poèmes qu’il te faut absolu-ment faire partager au monde entier. Je me retiens de poufferquand tu pars à la laborieuse recherche, dans tout ce fatras, dupost-it sur lequel tu as noté trois vers d’Apollinaire ou cinq lignesde Whitman.

Aujourd’hui que la maladie a réduit ta mobilité, tu n’imaginespas à quel point me touche cette spontanéité avec laquelle tu

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prends toute aide qui se présente, pour descendre un escalier, t’as-seoir dans le fauteuil roulant qui t’est devenu nécessaire pour lesdéplacements un peu longs, aller te chercher un verre et uneassiette dans l’un de ces buffets d’après les congrès où tu inter-viens fidèlement. Tant d’autres, frappés des mêmes infirmités, semureraient dans leur épreuve. Tu veux continuer à tout voir, toutécouter. Tu es avide de toutes les sources. Tu n’en finis pas decroquer le monde. Tu as à la gare Matabiau de Toulouse tes fansde la SNCF qui se font une joie de t’embarquer avec ton chariotdans un train pour Paris.

J’aime tes pudeurs, Michel, et tes audaces. Tu es celui qui oseinvestir les sanctuaires, alors réputés inaccessibles, de la NASA etde la Navy ; et celui qui s’abstient de faire remarquer sa méprisesur le décalage horaire à l’ami climatologue de Melbourne qui luitéléphone tous les jours à deux heures du matin. Je suis presquejaloux de ces noces d’or de l’amitié que vous vous proposez decélébrer bientôt, l’astronome François Barlier et toi… Des nocesd’or de l’amitié ! Sacré Michel, il n’y avait que toi pour trouver laformule !

Tu admettras qu’ayant d’une part sur toi le jugement que jeviens d’essayer de t’exprimer, et que connaissant par ailleurs l’ex-ceptionnelle richesse de ta biographie, il m’ait été difficile de résis-ter à la tentation de prendre la plume. Je ne connais personne quiait été tour à tour, dans sa carrière, capitaine au long cours, astro-nome et pionnier de l’espace !

Ou plutôt, j’ai fini par craquer. Pendant dix années je t’aisupplié de mener à bien toi-même cette tâche qu’il me paraissaitimpossible d’ajouter à mon agenda. Et puis j’ai fini par compren-dre que tu ne t’y lancerais jamais…

Une discussion avec toi débute à Toulouse, bifurque cinqsecondes après sur Washington, part dans la foulée faire escale àSydney via la planète Mars, file aussi sec sur la mer des Caraïbes,revient sur Paris, fait trois tours de Terre à la vitesse d’un satel-lite, expédie un pied de nez à la Lune et finit par se poser au villagede La Chapelle-Aubareil en Dordogne où tu as ta maison decampagne… avant de redécoller pour un périple encore plusimprévisible que le précédent. Le tout en l’espace de trois

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minutes… Tes souvenirs, Michel, sont des chevaux décidémentbien trop sauvages pour que tu parviennes à les dompter toutseul.

Alors, j’ai pris mon lasso et nous nous sommes mis au travail.Je suis venu chez toi à Villeneuve-Tolosane, à La Chapelle-Auba-reil. Nous avons passé des centaines d’heures au téléphone. Tu asinondé ma messagerie d’explications scientifiques et de poèmes.Évidemment, je me suis très vite pris au jeu et s’est vérifiée cettevérité que j’avais plusieurs fois éprouvée déjà : ce n’est pas l’écri-vain qui choisit le livre mais le livre qui choisit l’écrivain…

D’un commun accord et dès le départ, nous sommes conve-nus d’un ouvrage grand public. Mais il s’est très vite avéré quenous n’avions pas l’un et l’autre exactement la même notion dugrand public ! « C’est pourtant très simple, me disais-tu en rava-lant ton impatience : tu multiplies par le cosinus augmenté ducarré de l’indice de gravité du troisième facteur de la cinquièmeéquation, etc. » Bref, je me suis rapidement aperçu que j’allaisêtre assez seul pour mener cet effort de vulgarisation que nousavions souhaité. Ai-je tenu notre pari ? Il me semble que oui.Certes, quelques (rares) passages de ce livre paraîtront un peu plusardus au lecteur peu familiarisé avec les subtilités de la physiqueet de l’espace, dans le même temps que les spécialistes trouverontl’ensemble de nos explications scientifiques bien sommaire etsuccinct. Nous ne pouvions pas éviter de faire un peu de science.Notre propos n’était pas d’écrire un traité savant. C’est bien pour-quoi j’ai tellement insisté pour que tu me fournisses tous les détails,toutes les anecdotes qui pouvaient donner plus de chair au récit.Je dois dire que, de ce point de vue-là, ta finesse et ton humournaturel aidant, tu m’as comblé.

Je crois qu’au bout du compte, Michel, ressortira clairementl’essentiel : ton parcours humain exceptionnel. Je devrais écrire tonaventure humaine. Et même mettre le mot « aventure » au plurieltant ta biographie repose sur l’action, le dépaysement, les rebon-dissements, l’inattendu. Un roman, quoi ! Un roman d’aventures.

Le travail de recherche, de documentation et d’analyse person-nelle que j’ai dû m’imposer pour compléter nos entretiens m’amieux fait comprendre ce que tu ne me disais pas d’emblée : la

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part essentielle que tu as prise à la mise en place et à l’exploita-tion du réseau spatial d’observation de la Terre et des océans. Tuas été, en France et en Europe, l’un des tout premiers à en compren-dre l’enjeu. Ta générosité, ton sens de l’amitié, ta jovialité ont euraison des frontières… En toi, sur tous les continents, se sontreconnus des hommes de bonne volonté.

On a, avec juste raison, écrit tant et tant sur la grande épopéede l’aviation, de l’Aéropostale… Franchement, Michel, il eut étédommage de priver les satellites qui tournent au-dessus de nostêtes de la superposition avec ton image tutélaire.

Il eut été dommage de ne pas laisser aux générations de scien-tifiques à venir trace de ta démarche. De ta quête spatiale. Le motconquête n’est pas dans ton vocabulaire…

En toute amitié, mon cher Michel, j’ai voulu t’offrir ce livredont tu ne nous gratifierais pas.

Quel somptueux cadeau tu m’as fait en m’autorisant à l’écrire !Ensemble, maintenant, adressons-le aux étoiles.Et à ceux qui y croient.Cinq… quatre… trois… deux… allumage !… Décollage !

Yves Garric,Saint-Austremoine, le 26 janvier 2008

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chapitre 1

« Alors, Lefebvre, qu’est-ce que c’est, encore,que cette histoire ? ! »

Où l’on voit l’homme de Cro-Magnon assisterà l’invention d’un satellite et où Michel Lefebvre

se fait remonter les bretelles.

Les feuillets des brouillons s’empilent sur le sol de terre battue.À intervalles réguliers, une hirondelle entre dans la grange donnerla becquée aux oisillons qui tendent fébrilement leur cou nu dunid suspendu à la vieille poutre, juste au-dessus de la table. Maisc’est à peine si Michel Lefebvre consent un regard à ce spectaclequi d’ordinaire l’émerveille. Il ne voit pas davantage, par le largeportail ouvert en grand, les murs ocre et les toits de lauzes écra-sés de soleil de la vieille fermette. Il peut pourtant passer desheures, assis au milieu de la cour, à contempler ce pur chef-d’œu-vre d’art rustique. Lui viennent généralement en mémoire alorsles lignes qu’Henry Miller écrivit lors d’un séjour dans la région 1 :« Rien ne m’empêchera de croire que si l’homme de Cro-Magnons’installa ici, c’est qu’il était extrêmement intelligent, avec un sensde la beauté très développé. (…) Rien ne m’empêchera de croireque cette grande et pacifique région de France est destinée àdemeurer éternellement un lieu sacré pour l’homme et que, lorsquela grand-ville aura fini d’exterminer les poètes, leurs successeurstrouveront ici refuge et berceau.

« Cette visite de la Dordogne fut pour moi, je le répète, d’uneimportance capitale : il m’en reste un espoir pour l’avenir de l’es-pèce, et même de notre planète. Il se peut qu’un jour la France

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cesse d’exister, mais la Dordogne survivra, tout comme les rêvesdont se nourrit l’âme humaine 2. »

Avec quel sentiment d’étonnement et d’extase Henry Millern’eût-il pas assisté à ce spectacle d’un géomètre 3, poète et philo-sophe par surcroît, à l’œuvre dans un ancien fenil du Périgordnoir pour voler au secours de la vieille Terre ? En d’autres tempset d’autres circonstances, Michel lui-même ne manquerait sûre-ment pas de mots, de formules de son propre cru ou empruntéesà ses auteurs favoris, pour jeter les ponts qui lui paraîtraient irré-sistiblement s’imposer entre l’énigmatique passé de cette contréeet la véritable fiction dans laquelle il se trouve plongé. Lascaux,Montignac, Les Eyzies, Rouffignac : le hameau de La Rouchie oùil a pris asile avec sa famille, voici une dizaine d’années, se situe,à la vitesse d’un satellite, entre moins d’une seconde et deuxsecondes tout au plus de ces hauts lieux de la Préhistoire. Chaquepaysan ici s’est, en labourant son champ ou en bêchant son jardin,constitué son petit musée privé de silex taillés ou aiguilles en osde renne ou bouquetin. Il en est qui ont tout juste leur certificatd’études et qui peuvent discourir pendant des heures, presqueaussi doctement qu’un professeur d’université, sur le Magdalé-nien, le Moustérien et autres Acheuléen. Entre les interrogationsque porte le Périgord noir et celles du cosmos vers où naviguentles préoccupations de Michel, il y aurait sans doute plus d’un lienà établir. Mais pour l’heure l’intrépide, pugnace et anticonfor-miste chercheur du Centre national d’études spatiales se trouveengagé dans un véritable marathon: son stylo – on est loin encorede l’ère des ordinateurs portables – galope sur le papier. Il disposed’une petite quinzaine de jours pour rédiger un argumentairedétaillé sur un projet qui lui tient à cœur depuis des années : obser-ver l’océan depuis le ciel.

Nous sommes en août 1981. À cette époque-là, Michel Lefeb-vre a la responsabilité du Laboratoire de géodésie 4 au Centrenational d’études spatiales de Toulouse. Quelques jours plus tôt,il a été convoqué en urgence à Paris par Pierre Morel, directeurdes programmes de cette prestigieuse agence.

« Je te préviens : il n’est pas content du tout. Et même, sansexagérer, je puis te dire qu’il est furieux contre toi ! », lui a glissé

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entre deux portes un de ses amis, Jean-Pierre Chassaing, anciendu département de Géodésie spatiale passé au staff de direction.

Effectivement, il n’a pas franchi la porte de son bureau quePierre Morel lui lance :

« Alors, Lefebvre, qu’est-ce que c’est encore que cette histoire? »Cette « histoire-là » en fait, n’est pas près de se terminer ! Elle

va connaître, dans les années qui suivront, de nombreux rebon-dissements qui bouleverseront notre connaissance des océans.Pour tout dire, même, elle dure encore. Ses différents épisodescorrespondent à ce que Michel appelle, pour qualifier ses effortset ceux de son équipe dans les dernières décennies, « Nos douzetravaux d’Hercule… ». Il en parle avec beaucoup d’humour pourne pas trop laisser percer la légitime fierté qu’il en tire.

Cette histoire-là, avec un Michel Lefebvre comme protago-niste sinon comme héros, ne pouvait évidemment pas ressembleraux autres récits de satellites dans le petit monde nouvellementadvenu de l’espace.

Cette histoire-là, finalement, Pierre Morel en permettra et enfacilitera le déroulement. Mais nous retournerons plus tard dansson bureau, assister à la suite de la remontée de bretelles…

Pour l’heure, l’océan nous attend… Cet océan dont Michel etses travaux herculéens contribueront si largement à compléter etenrichir la légende.

« a l o r s l e f e b r e . . . »

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chapitre 2

Pilotin, puis élève officier de la compagnie« Marche ou crève »

Où Michel joue les péripatéticiens à Anvers. – Comment ilne découvre pas l’Amérique. – Ses exploits de cycliste dans

la montée du Trocadéro. – Pourquoi il achète des camemberts sans âge. – Où il est témoin du martyre

d’un piano à queue. – De l’intérêt pour un marin de savoir lire les cartes.

Bien avant de se mêler d’aller regarder les océans de haut, par letruchement de ses satellites, Michel Lefebvre les a longuement sillon-nés en tous sens et sous toutes les latitudes… En atteste, toujours àportée de la main dans son bureau, un vieil ouvrage aux pages jauniesdont la lecture n’a rien de particulièrement affriolant pour le profane:le Friocourt, « The » Friocourt, autrement dit le manuel du parfaitofficier de marine; deux cents pages de tables de navigation avec,en guise de cailloux du Petit Poucet pour retrouver son chemin surtoutes les mers du globe, des sinus, des cosinus, des racines carréesen veux-tu en voilà. Et également, marquées au crayon à papier surles pages de garde, des colonnes et des colonnes de noms de portsaux effluves aussi bien de vanille, de lotus, de canne à sucre, de cacaoque de curry ou de banane, tant d’Europe du Nord que d’Asie,d’Afrique ou d’Amérique, bref quasiment du monde entier : lesescales de notre globe-trotter durant ses dix années de Marine.Conformément à la tradition, il les a minutieusement notées surson Friocourt. Sèchement, sans commentaire, juste pour mémoire.Mais les anecdotes ne demandent qu’à refleurir entre les lignes…

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Un rêveur, un utopiste aux deux pieds bien ancrés sur terre…Tel s’affirme déjà Michel à l’âge de ses premiers poils au menton.Nous sommes en 1950. Il a dix-sept ans. Au terme de la précé-dente année scolaire, au collège Urbain IV de Troyes, il a obtenuson bac philo. Le voici à présent en train de préparer le bachotmath élem au collège Saint-Sigisbert de Nancy. Jean et Yvonne,ses parents, rêvent pour lui d’une école d’ingénieur… Et pour-quoi pas l’X, comme son grand-père maternel, ou Centrale ? Maislui a sa petite philosophie de la vie derrière la tête, qu’il tenteaujourd’hui de résumer ainsi :

« Je me savais attiré par les idées pures et ça me paraissait incom-plet. Les cargos, les marchandises, les quais… ça, c’était du concret.Par ailleurs, je ne me voyais pas entreprendre de longues étudeset attendre d’avoir vingt-sept ou vingt-huit ans pour commencerà vivre. En plus, j’avais envie de voyager. »

L’époque n’est pas à s’établir potier dans les Cévennes ou chevrieren Ariège. C’est un camarade de classe, Philippe Raguenaud, quilui inspire la solution. Ce garçon a comme projet de passer aprèsson bac le concours d’entrée à l’École nationale de la Marinemarchande de Paris. Michel se renseigne : en suivant la forma-tion de cette école, il peut espérer naviguer et gagner sa vie dèsl’âge de dix-neuf ans, quitte à reprendre ses études plus tard pouraller jusqu’au diplôme de capitaine au long cours. C’est exacte-ment ce qu’il lui faut. Et en plus, son année de math élem n’estpas trop chargée : il est dispensé de repasser les épreuves littéraires.Il se met donc à préparer le concours de la Marine marchande.

Consternation des parents Lefebvre ! La Marine… pourquoipas. À condition de ne pas lui accoler ce vulgaire adjectif de« marchande » qui leur en gâte tout le sel. Jean lui-même y avaitbien songé, au temps où il étudiait le droit, y envisageant unecarrière de commissaire avant d’opter pour le barreau. Mais à celledes amiraux, de Brest, Cherbourg ou Toulon et des vaisseaux deguerre qui en imposent. La seule, la vraie, l’unique ; la Royale,quoi ! Ce gamin ne peut décidément jamais rien faire comme toutle monde. Qu’au moins il réfléchisse bien, avant. Un cousingermain d’Yvonne, Vincent Pasteau, est armateur à Paris. Qu’en

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pense-t-il ? Que conseille-t-il ? Le cousin Vincent n’en pense rien.Il ne conseille rien. Il fait beaucoup mieux : il propose qu’auxprochaines grandes vacances le petit embarque sur le Granville,un de ses navires de la Compagnie nantaise des chargeurs del’Ouest. Plus exactement, il lui offre un poste de « pilotin », ainsiappelle-t-on, dans la Marchande, les blancs-becs qui veulent deve-nir officiers ; ce n’est-là du reste que demi-faveur puisque les stagesde pilotin ne sont pas rémunérés. Yvonne et Jean espèrent-ils quecette expérience d’un mois à bord guérira à jamais leur Michelde la mer et des cargos ?

Il réussit son bac math élem avec la mention bien. Et c’est entoute candeur qu’un matin de juillet 1951, feuille d’embarque-ment pour le Granville en poche, il prend le train de Paris. Il n’yaura pas de correspondance pour Anvers avant le lendemain matin.Il passe la nuit dans une brasserie proche de la gare du Nord. Cen’est pas encore l’ambiance d’un port mais la vie nocturne qu’ildécouvre à cette occasion en présente quelques aspects, assez diffé-rents, lui semble-t-il, de celle des quartiers résidentiels nancéens.Et il n’est pas au bout de son édification…

Il arrive dans les brumes d’Anvers à la nuit tombée. Il finit pardécouvrir le peu reluisant Granville amarré à un quai aussi tristeque lui. C’est un liberty ship, un de ces bâtiments fabriqués engrande série pendant la guerre pour les transports de troupes et demunitions. Il a connu la bonne fortune de n’avoir pas été envoyépar le fond comme tant de ses congénères que les sous-marinsennemis ont allégrement torpillés. C’est ce qui lui vaut mainte-nant sa reconversion, moins héroïque mais plus sûre que ses précé-dentes activités, dans le transport du charbon, une denrée assezpeu périssable qui s’accommode fort bien de son allure d’escargot.Pour compléter ce réjouissant tableau, le navire, tous feux éteints,est à cette heure complètement désert, aussi vide de présencehumaine que le vaisseau fantôme. Un seul projecteur est allumé,histoire sans doute d’apporter à l’ambiance générale la petite touchede veillée funèbre qui lui manquait. Il éclaire la pancarte qui sebalance en travers de l’échelle de coupée. Michel s’approche et litcette romantique annonce qui lui tient lieu de mot d’accueil :« Bateau en dératisation. Défense de monter à bord. »

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S’ensuit un long pied de grue sur ce quai qui paraît abandonnédu monde entier. Viennent seulement à passer quelques chats degouttière. S’ils s’étonnent de la présence aussi tard en un tel lieude ce jeune homme aux allures de jeune bourgeois ils ont le bongoût de ne pas le manifester. C’est pourtant vrai que notre jeunepostulant pilotin jure dans le décor ! On croirait un de ces fils defamille des romans de la grande époque qui s’apprête à fuir clan-destinement dans les îles.

S’il était un peu moins aviné, ce serait sûrement l’opinion aussidu pauvre diable que l’adolescent finit par aviser, en train de cuversur un banc. Il s’approche de lui et l’interroge timidement.

L’homme sort péniblement de sa torpeur, non moins laborieu-sement se redresse et prend le temps de le dévisager… D’une voixpâteuse, il consent finalement à lui expliquer qu’il est justementl’officier radio du Granville, que les hommes d’équipage du cargosont présentement à la manœuvre dans tel bordel dont il luicommunique aimablement l’adresse en l’invitant à les y allerrejoindre… Pour ne pas être saisi par la fraîcheur de la nuit, Michelreprend sa longue déambulation. Tout en marchant, il médite,tel Aristote et les péripatéticiens antiques. Ces nouveaux us,coutumes et manières de s’exprimer qu’il est en train de décou-vrir alimentent le plus gros de ses pensées philosophiques.

Au petit matin, survient un individu titubant qui s’avère êtrele commandant du Granville. Il consent, avec l’air de la plusparfaite indifférence, à jeter un œil sur la feuille d’embarquementque lui tend Michel.

« Encore un ! », marmonne-t-il entre ses dents en guise desouhait de bienvenue à bord.

Dire que c’est une cabine grand luxe qui échoit à notre apprentimatelot, à l’arrière du cargo, serait abusif. Il la partagera avec troisautres pilotins dont le commandant, quoi qu’il ait pu en dire,saura parfaitement utiliser sinon les compétences, du moins ledésir de bien faire. Cette main-d’œuvre gratuite est d’autant plusappréciable qu’elle ne lui coûte que les trois repas quotidiens aucarré des officiers. Conformément à l’usage, nos quatre officiersen herbe y sont admis. Mais ce grand bavard de Michel, habituéà poser et à se poser toutes sortes de questions, à exprimer ses

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opinions même les moins conformistes, ne tarde pas à compren-dre qu’il prend de sérieux risques ici à ouvrir sa bouche autre-ment que pour faire son profit de l’ordinaire du maître queux.Le second mécanicien est un vrai sauvage qui n’admet pas plusla controverse qu’il n’accorde d’importance au raisonnementdialectique. Ce mal élevé a la détestable habitude de couper laparole de son interlocuteur à la moindre esquisse d’amorce dedébut de contestation. Pour peu que l’inconscient insiste, il planteson couteau sur la table, ponctuant ce geste d’un péremptoire« Comme moi j’ai dit ! » censé clore définitivement le débat.

Les quatre pilotins comprennent bien vite qu’on ne les a pasinvités à bord pour une croisière. De l’aube au coucher, ils éplu-chent des patates, briquent le pont ou, tâche plus noble tout demême et plus en rapport avec la vocation qu’ils sont venus nour-rir, tiennent la barre avec toute la conviction de vieux loups de mer.

Le maître d’équipage les a bien à l’œil. Ils n’en ont pas plus tôtfini avec la corvée de pluches ou la vaisselle qu’il les envoie nettoyerle gaillard d’avant, ou faire le ménage des cabines. Ils s’affairentainsi douze heures par jour, dorment peu et se familiarisent avecle rituel de la Marine selon lequel l’homme de quart est réveilléun quart d’heure avant de prendre son service au doux refrain de« moins le quart ! », suivi dix minutes après d’un « moins cinq ! »qui balaie les dernières douillettes rêvasseries au chaud et les ultimeshésitations. L’un des matelots du bord a mis au point une curieuseméthode pour se remonter le moral dans ces circonstances. Il adisposé au pied de sa couchette une vieille boîte de conserve quia contenu des petits pois ; le grand modèle, celui d’un kilo. Avantde se coucher, il a pris soin de la remplir de « cambusier », ce vinrouge du cru le plus ordinaire qui se puisse trouver qui entretientet fait fleurir les bonnes vieilles cirrhoses de la Marine française.Au signal de « moins le quart », il vide d’un trait la moitié ducontenu de cette… coupe ; à « moins cinq », il siffle d’une seulelampée le reliquat. Il ne lui reste plus qu’à s’essuyer les babinesd’un revers de manche avec un grand rot de satisfaction et à sauterdans ses braies et ses chaussures avant de grimper quatre à quatresur le pont, paré à prendre son service et à écluser sa ration quoti-dienne de cambusier dont la boîte de petits pois n’a constitué

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qu’une modeste prémisse. Bref, les quatre pilotins découvrentaussi l’alcoolisme et ses ravages chez les marins, officiers compris.

« Deux de mes commandants en sont morts… Et à cinquanteans, beaucoup de marins n’étaient guère beaux à voir », commenteMichel.

Le jet d’eau n’a plus de secret pour lui – pas même pour lesbagarres entre loustics qui n’ont pas beaucoup d’autres occasionsde s’amuser – lorsque le Granville accoste à Newport News enVirginie, après une douzaine de jours de traversée. Se réjouit-ild’enfin pouvoir poser le pied sur la terre ferme et fouler le mythiquesol américain qu’il doit vite déchanter : l’escale sera courte – letemps d’emplir les cales de charbon – et elle ne justifie pas d’en-treprendre, auprès de services de l’immigration d’autant plus poin-tilleux que commencent à se faire sentir les effets du maccar-thysme, des formalités administratives compliquées.

Mais enfin, après « Anvers », Michel peut inscrire « NewportNews », son deuxième port, sur le Friocourt qu’il n’a pas manquéde mettre dans son sac en partant.

Le « voyage » de retour sera aussi bien employé à briquer, récu-rer et éplucher que l’aller.

Quand le cargo entre dans le port de Saint-Nazaire où il doitlivrer son charbon, les quatre pilotins ont quelques bonnes raisons,après cette expérience d’un petit mois à bord, d’être assez réser-vés sur ce qui les attend dans la Marine. De retour à la maison,à ses parents qui lui demanderont si « ça » s’est bien passé, Michelassurera avec la plus parfaite mauvaise foi que ce fut « épatant ! »(en 2008, il aurait dit « cool ! », « super ! » ou « génial »)… presqueidyllique, en somme… À dix-sept ans, on a quand même sa fierté.

« Jamais par la suite, au cours de mes dix années de naviga-tion, constate-t-il avec le recul du temps, je ne connaîtrai unepareille galère… Et heureusement ! »

Dans son bureau, tout à côté du Friocourt, il garde précieuse-ment le carnet de navigation (il porte le numéro d’inscrit maritime17651) qui lui fut remis juste avant ce tout premier embarque-ment. Il aurait dû normalement le renvoyer lorsqu’il a raccroché.

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L’Inscription maritime, bonne fille, lui a accordé l’autorisation dele conserver. Ce document, instauré sous Colbert, porte la marquede la Royale pour laquelle il fut élaboré et sa rédaction est d’unerigueur toute militaire. Il y est notamment spécifié que son titu-laire pourra être requis en cas de nécessité. Cette notion de néces-sité a pu parfois être abusivement interprétée… et non pas seule-ment aux temps de la marine à voile et des sergents recruteurs.

« Un jour, alors que le cargo sur lequel je sers s’apprête à appa-reiller du Havre, raconte Michel, je vais prendre la liste d’équi-page à l’Inscription maritime. On me la refuse en m’indiquantqu’elle est incomplète (il nous manque un mécanicien). Dans cecas, le règlement interdit formellement de partir. Je passe un coupde fil au capitaine d’armement. Quelques heures plus tard, onme prévient qu’on a trouvé le mécanicien qui nous manquait. Enfait, les gendarmes ont été cueillir dans un bistrot du Pont Quatreun pauvre type qui ne devait pas être très clair et ils nous l’ontamené… sans doute pour être agréables à l’armateur. Le lende-main, notre homme est dégrisé. Quand il se voit au large et embar-qué pour plusieurs semaines, il n’est pas content du tout. Encorea-t-il de la chance d’être sur un bananier et de pouvoir débarquerun mois plus tard.

« Une autre fois, à Marseille, notre chef cuistot a embarquéclandestinement un aide. Il pensait probablement en faire sonremplaçant aux escales pendant que lui-même se livrerait à sespetits trafics. Nous avons dû débarquer cet indésirable à Port-Saïd, sous les protestations de l’équipage qui trouvait sa tambouillemeilleure que celle du chef. »

Mais refermons prudemment pour l’heure la boîte aux anec-dotes de pleine mer. Avec Michel, on peut facilement y passer lanuit… Il vous embarque au Havre et, cinq minutes après, vousvous retrouvez à Singapour, Yokohama ou… à bord de la fuséeAriane tant il y a de cordes et de variantes à son arc de conteurqui a vécu plusieurs existences en une.

Laissons-le, pour le moment, passer le concours d’entrée àl’École nationale de la Marine marchande de Paris. Il vient à boutsans difficulté de l’épreuve de mathématiques comme, d’ailleurs,de toutes les autres. En ces temps d’après guerre où elle a grand

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besoin de reconstituer ses équipages, la Marine ne se montre pasplus exigeante que de raison. Son école parisienne est assez loindu niveau qu’elle atteindra par la suite 5.

Les élèves bénéficient quasiment tous d’une bourse d’étude.Michel en a pour sa part obtenu une de la Compagnie maritimedes chargeurs réunis, la CMCR ; la « Compagnie Marche ouCrève », selon l’interprétation que font ses personnels de ce sigle ;dans les ports étrangers c’est la « Cognac Line », en raison desétoiles sur fond blanc qui adornent son pavillon.

« Personnellement, je n’ai jamais eu à m’en plaindre… », tientà préciser l’ancien officier de la Marine marchande Lefebvre quiy fera toute sa carrière. Il l’a choisie dès le départ, dès sa demandede bourse, pour son prestige et sa réputation de sérieux, certes.Mais surtout en raison de la grande diversité de ses lignes : elledessert aussi bien l’Orient que l’Extrême-Orient, l’Afrique – quiest son terrain de jeu favori – que l’Amérique du Sud. Il n’y aguère que dans le Pacifique, en Australie et en Nouvelle-Zélandequ’elle ne va pas. De plus, elle a pour port d’attache Le Havreque Michel connaît bien : sa famille possède une maison devacances dans la région, sur la côte de la Manche ; combien defois n’a-t-il pas été regarder le soleil se coucher du haut des falaisesd’Étretat en compagnie de Geneviève sa grand-mère maternelle.

« Elle disait toujours, en parlant de la Normandie : “C’est unmerveilleux pays. Il est rare qu’il n’y ait pas un rayon de soleildans la journée.” Nous avons d’ailleurs une photo, prise à notremariage, où on la voit, le doigt levé vers le ciel, probablement entrain de servir sa petite phrase favorite à son interlocuteur. C’estcette même grand-mère qui… »

Euh, pardon, Michel, de t’interrompre… On ne voudrait paste presser, mais… on va finir par y arriver très en retard, à tonécole de la Marine marchande…

Le revoilà déjà qui farfouille dans son inépuisable sac à anecdotes!« Bon… Pour en revenir à la Compagnie maritime des char-

geurs réunis, on disait ses dirigeants près de leurs sous. Eux, seprétendaient gestionnaires. Une fois, ils nous ont pondu une notepour nous reprocher de n’user les aussières, ces cordages qui serventà amarrer les navires, que par les deux bouts. Ils nous ont enjoint

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de les plier en deux ou en trois, de manière à les exploiter surtoute leur longueur.

« L’armateur de cette compagnie refusait d’équiper sa flotteavec des radars, alléguant qu’il payait des officiers pour faire letravail. Jusqu’à ce qu’un de ses paquebots reste en rade quarante-huit heures au Verdon, à l’entrée de la Gironde, faute de pouvoirentrer dans Bordeaux à cause de la brume… Les officiers regar-daient passer les paquebots norvégiens qui, eux, étaient munisd’un radar. L’armateur a calculé qu’avec l’argent qu’il avait perduil aurait pu équiper tous ses navires. Il n’a plus hésité. Mais, ducoup, il a réduit les effectifs d’officiers.

« Le même avait fait construire des bateaux neufs dotés de toutle confort moderne. Trop à son goût : il a fait couper l’eau chaudedans les chambres des élèves officiers au prétexte que sur les anciensbâtiments ils ne bénéficiaient pas de ce privilège et qu’il ne fallaitpas créer un précédent. »

Boursier donc de la CMCR, Michel lui doit en contrepartie troisou quatre ans de navigation… Encore pourra-t-il, s’il le désire, faci-lement rompre cet engagement moyennant un remboursementmodéré.

Bref, c’est un jeune homme heureux et fier de son autonomiefinancière qui « monte » à Paris. Le pécule qu’il touche lui suffitd’autant plus à vivre que ses grands-parents maternels lui offrentune chambre dans leur immeuble du 7e arrondissement. Eux-mêmes y habitent. Dans l’appartement au-dessus logent sononcle, sa tante et sa cousine Marie-Claire, sensiblement du mêmeâge que lui, qu’il considère comme une seconde sœur. Bref, lavie de famille continue. La solitude du marin est remise à plustard.

Quand il ne prend pas le métro, c’est à vélo qu’il se rend à l’Écolede la Marine marchande, avenue Foch. Ce qui lui permet de l’affir-mer sans avoir besoin de recourir aux compétences du géodésienqu’il deviendra dans une troisième vie: Paris n’est pas aussi plat qu’onpourrait l’imaginer. Il attrape de bonnes suées sur son demi-coursedans la côte du Trocadéro avant d’atteindre une place de l’Étoile

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certes moins chargée qu’actuellement mais, pour cette raison préci-sément, plus dangereuse, avec des voitures qui roulent vite.

À l’école, il est l’un des deux benjamins d’une classe d’unequarantaine d’élèves. En l’absence d’internat et de cantine surplace, tous ces jeunes condisciples se dispersent aux quatre ventsde la capitale sitôt les cours finis. Macache pour l’esprit d’équipeet de bordée. Fluctuat et mergitur, la solidarité des gens de mersur le pavé parisien ! Pour faire fleurir l’expression « ramer toussur le même bateau » le terreau n’est guère favorable. Que les trèssmarts résidents de la paisible avenue Foch se rassurent, eux quine voient pas d’un bon œil cette pépinière de la Marine marchande(fi donc !) implantée parmi leurs hôtels particuliers et les siègesde sociétés prestigieuses avec lesquels ils voisinent : ce n’est pas desitôt que des hordes d’apprentis matafs avinés et bagarreurs vien-dront troubler la quiétude de leur quartier huppé. Tout au plusces jeunes gens investissent-ils le minuscule bar du coin de la rueKléber dont, plus souvent qu’à son tour, le patron, Paul pour lesintimes, leur sert de banquier : il leur consent des ardoises quandils connaissent des fins de mois difficiles, voire il les aide à fairela soudure jusqu’au versement de leur bourse.

Aux traditionnelles disciplines que sont les mathématiques oula physique, le programme d’enseignement en adjoint de plusspécifiques, telles, évidemment, la navigation ou la cartographieavec pour principale référence les cartes de l’ouest Bretagne : ceseront les premières qu’utiliseront « pour de vrai » la plupart desélèves au début de leur carrière ; mais également l’hydrodyna-mique, le droit maritime, la sécurité, la construction navale. Ouencore l’électronique et le radar…

« Ces domaines nouveaux nous paraissaient magiques. Nousavions un professeur d’électronique très pédagogue qui nousmimait les électrons venant frapper la cathode comme si on yétait. Son enseignement contrastait avec celui du professeur dechargement qui appartenait à la vieille école et nous apprenaitdes méthodes désuètes. En plus, il n’avait pratiqué que le cabo-tage et n’avait pas la moindre idée, comme nous devions nous enrendre compte par la suite, de la réalité à bord d’un cargo. »

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La mer et les bateaux ne mobilisent pas toute l’attention deMichel durant ses années d’études à Paris. Son engagement,entamé de bonne heure dans le scoutisme, chez les Scouts deFrance, le conduit à faire du social : il encadre les activités deloisir des pensionnaires de l’école départementale de Vitry. Cesenfants et adolescents de douze à dix-huit ans vivent des situa-tions personnelles ou familiales difficiles. Il s’agit d’organiserdes sorties avec eux le jeudi ou les week-ends, ou des camps devacances :

« Des parents nous faisaient le chantage suivant : “Vous lesprenez tout le temps ou jamais !” Alors, nous multipliions lessorties et les camps sans avoir seulement trois sous en poche. Pournos pique-niques, nous achetions sur le marché de Bicêtre descamemberts sans âge mais non pas sans goût. Je me souviens parti-culièrement d’un camp dans le Jura. Nous avions laissé nos lous-tics à l’ombre sur la berge d’un lac, en leur recommandant bien,surtout, de ne pas se baigner pendant que nous allions faire je nesais plus quelles courses. À notre retour, nous les avons trouvésen train de barboter pile sous la stèle commémorative d’une triplenoyade. Les mêmes ont investi l’épicerie du village, les uns détour-nant l’attention de l’épicière, les autres remplissant leurs pochespour nous offrir des bouteilles et des friandises… »

Comme un bienfait n’est jamais perdu, cette petite expériencedu social servira Michel, plus tard, auprès de Claude, une jeuneéducatrice avec qui il sera ravi d’avoir un sujet de conversationcommun… Mais, là encore, n’anticipons pas… Et revenons ànotre marine et à nos marins.

Au terme de la première année d’école, Michel obtient lediplôme d’élève officier de la Marine marchande. Le règlementprévoit qu’il doit naviguer.

« C’était absolument génial ! On entrecoupait la première etla deuxième année par un stage en mer… Plus tard, au minimumdeux ans après, quand on avait mûri, accumulé de l’expérience,qu’on était vraiment motivé, on avait la possibilité de réintégrerl’école pour devenir capitaine au long cours… Ce dernier diplômen’était validé que sur justification de cinq années de navigation…

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Mais c’est tout l’enseignement qu’on devrait organiser de cettefaçon ! », s’enthousiasme Michel Lefebvre.

Son « stage », c’est sur le Daloa, qu’il l’effectue en cet été 1952…La destination est l’une des plus exotiques dont puisse rêver unadolescent de dix-sept printemps: l’Indochine! Il est tout de mêmevrai que cette colonie voit son image passablement ternie par laguerre qui s’y déroule. Une bonne partie de la cargaison du Daloaest d’ailleurs destinée aux troupes françaises. Les caisses entrepo-sées dans la cale contiennent de l’armement, des pièces d’uni-forme ou autres tissus, des bouteilles d’alcool…

Des bouteilles d’alcool !… Rien de mieux pour aiguiser lesconvoitises au moment du chargement, sur les quais du Havre !Pour tout arranger, c’est à lui, Michel, précisément qu’a été confiéela surveillance des opérations. Et il entend bien être à la hauteurde cette tâche. Seulement, voilà… À l’école on ne lui a absolu-ment pas appris la psychologie des dockers. Or l’un d’eux vientà brûle-pourpoint en douce lui demander, avec un petit air entenduet un non moins éloquent petit geste du bras en direction de l’unedes caisses, s’il peut se servir. Par exemple ! Mais c’est que ça s’ap-pelle du vol, ça ! C’est pas honnête du tout, ça ! Notre élève offi-cier n’entend pas du tout fermer les yeux sur de pareils agisse-ments. Alors, il se compose un air sévère façon John Wayne entrantdans le saloon, il fixe l’indélicat droit dans les yeux et lui répondpar la négative, sûr de son effet et de l’autorité dont il est en trainde faire l’éclatante démonstration. L’autre retourne à son charge-ment sans rien dire. Étrange coïncidence : la palanquée d’après,composée de plusieurs dizaines de caisses de ces mêmes bouteillesd’alcool, « cabane » selon un terme de métier, c’est-à-dire qu’elleverse. Et pour cause : l’un des quatre crochets qui devraient lasoutenir a été « oublié »… On imagine la casse : des planches etcartons éventrés se répandent dans la cale tessons de bouteilles etflots de mixture aux fortes odeurs imprécises.

Le second capitaine appelé à la rescousse accourt, se dirige droitsur le groupe de dockers :

« Qu’est-ce que vous voulez, les gars ? », leur lance-t-il sansautre forme de procès.

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Réponse des intéressés :« Votre jeunot n’a pas voulu qu’on prenne nos bouteilles. »Il jette un regard désabusé sur les dégâts et laisse tomber :« Allez-y et foutez-nous la paix ! »Et il les laisse prélever la part de butin qu’ils réclament : la caisse

qu’ils avaient sélectionnée et soigneusement mise de côté.Notre capitaine en herbe intègre ainsi cette règle en usage chez

beaucoup de dockers quasiment sur tous les ports du monde :dans chaque cargaison il y a quelque chose à piquer. Un jour, aucours de sa carrière, il assistera même à un prélèvement sauvagede calots et blouses de chirurgien :

« Dans cette cargaison, y avait rien à gratter ! », se justifierontles intéressés, sûrs de leur bon droit.

Durant ces débuts au Havre il est également le témoin morti-fié du martyre d’un piano à queue. Les dockers préposés à sonrangement dans la cale se mettent en tête qu’il doit aller debout,et non pas autrement, pour combler opportunément le videentre les marchandises et la paroi. Un tampon, un coin, enquelque sorte, pardon à Chopin ou à Debussy ! Les vandaless’escriment un moment à loger de gré ou de force le malheu-reux Pleyel dans le puits auquel ils le destinent. Et puis, de guerrelasse, ils l’y laissent tomber de tout son poids et il va de lui-même se coincer dans sa prison. Le râle qu’il pousse au momentde son atterrissage en dit long sur l’état dans lequel va le récep-tionner le concertiste qui l’attend, sans doute avec quelque impa-tience, à Saigon.

« L’assurance paiera… », objectent les tortionnaires auxremarques que croit devoir leur adresser le jeune postulant offi-cier.

Le débarquement de la marchandise sur les quais de Saigon etHaiphong donnera lieu à d’étonnantes séquences de subtilisationqui, dans le genre feutré, ne manqueront pas d’un certain pitto-resque : des embarcations surgies de nulle part viendront trèsdiscrètement, très furtivement, en douce, s’approvisionner…

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De son premier vrai grand voyage sur un cargo, Michel neretiendra tout de même pas que son apprentissage de la lutte « antifauche » qui suppose de savoir faire la part du feu.

« En mer, explique-t-il, nous complétions nos cahiers de cours.Aucun professeur ne vous explique jamais au tableau noir commentarrimer une caisse qui se balade dans la cale lorsque le bateauroule bord sur bord ; comment réagir lorsqu’un bâtiment surlequel, selon les accords internationaux qui régissent la naviga-tion, vous avez priorité s’apprête à vous couper la route, sachantqu’il bat pavillon d’un pays qui n’est pas signataire de ces accords ;ou encore, situation vécue, comment effectuer une manœuvredélicate quand la moitié de l’équipage est saoule…

« Autant la première année à l’école avait pu nous paraître théo-rique, pour ne pas dire factice, autant la deuxième nous passion-nerait. Brusquement, les cartes prenaient une réalité concrète,ainsi que l’intérêt de savoir bien les consulter. À l’époque, il n’yavait ni radar, ni GPS. Quand vous naviguiez dans l’océan Indien,en pleine mousson, vous pouviez rester huit jours sans voir lesoleil ni les étoiles et donc sans aucun moyen de faire le point ausextant. Vous deviez estimer votre position en fonction de votrecap et du nombre de tours des machines. Vous traciez sur la carteun cercle d’incertitude, d’un rayon plus ou moins grand. Et quandce cercle touchait des îles ou des hauts-fonds, vous ne pouviezpas toujours compter sur des phares ou des balises pour vous lessignaler. C’était le cas notamment quand, après avoir quittéDjibouti, vous faisiez route vers l’Indochine. Jusqu’à Ceylan, vousne trouviez aucun feu. Vous pouviez buter sur une île de l’archi-pel des Maldives ou des Laquedives. Les instructions nautiquesde l’époque spécifiaient que leurs autochtones possédaient bienun exemplaire du Code international des signaux mais qu’ils nesavaient pas le lire. Pour ce genre d’îles basses sans phare, les cartesse contentaient de vous indiquer des repères du genre “cocotierremarquable visible en haut du mât à quinze milles”. »

De telles approximations ne manquent pas de sel quand onmesure ce que sera la contribution d’un Michel Lefebvre à laconnaissance des océans et, par voie de conséquence, à l’établis-sement de cartes marines d’une extrême précision.

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Dans ces années cinquante encore, l’aventure à la RobinsonCrusoé pouvait vous tomber dessus au hasard d’un naufrage oud’un imprévu. Témoin ce collègue, le commandant du Boffa, uncargo de la Compagnie maritime des chargeurs réunis, qui, suiteà une erreur d’estime, avait cru doubler la corne de la Somalie etavait échoué son bâtiment trente milles au-dessous sur des hauts-fonds. Il n’avait plus eu qu’à prendre son fusil, à cacher de l’ordans son sac et à organiser en convoi son équipage. Pour toutarranger, des PFAT, des « Personnels féminins de l’Armée de Terre »qui devaient rejoindre l’Indochine faisaient aussi partie du voyage.Au cours de leur traversée à pied de la Somalie, nos aventuriersmalgré eux avaient rencontré une tribu à laquelle ils avaient vouluacheter des vivres. Les chefs nomades avaient poliment déclinéleur offre de payer avec un or dont ils n’avaient manifestementque faire ; en revanche, ils s’étaient déclarés fort intéressés par dutroc avec les PFAT.

En juillet 1953, au terme de sa seconde année d’école, MichelLefebvre se voit délivrer le diplôme d’élève officier au long coursde la Marine marchande. Ses camarades de promotion et lui sontimpatiemment attendus sur les bateaux où en cette période d’après-guerre, comme nous l’avons évoqué plus haut, on manque cruel-lement de cadres. D’entrée de jeu leur sera confiée la responsa-bilité de chef de quart ; traditionnellement, elle requiert uneancienneté plus grande.

Pour notre capitaine en herbe commence, tout au ras des flots,le premier acte d’une épopée de la mer dont il serait fort étonnéd’apprendre qu’un jour elle le mènerait haut, très haut au-dessusdes nuages…

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ISBN 978-2-86266-555-9

23€

Michel Lefebvre, marin de l’EspaceY V E S G A R R I C

www.loubatieres.fr

diffusion Dilisudwww.dilisud.fr

Photographies : coll. M. Lefebvre et coll. P. Perrin.

Michel Lefebvre a vécu trois vies en une : avec une égale passion, il a été capitaineau long cours sur toutes les mers du monde, astronome à l’Observatoire de Paris,pionnier de l’exploration du cosmos au Centre National d’Études Spatiales… DeToulouse à la NASA, sa créativité et son sens de l’humain sont venus à bout de toutesles frontières. Il a joué un rôle décisif dans le lancement de plusieurs missions inter-nationales d’observation de la Terre qui ont bouleversé notre connaissance desocéans et de leur action sur le climat. Il a travaillé avec un grand nombre de scien-tifiques et d’ingénieurs. Ils témoignent ici et éclairent son parcours.

Aujourd’hui à la retraite, Michel Lefebvre continue d’œuvrer avec le mêmeenthousiasme pour convaincre ses contemporains de devenir des « géonautesavertis », c’est-à-dire capables de mener à bon port le navire Terre où embarquerontles générations futures.

Yves Garric a rencontré Michel Lefebvre au hasard de ses activités de journaliste,chroniqueur scientifique à France 3 Sud. Une dizaine d’années durant il a tenté dele convaincre d’écrire ses mémoires. De guerre lasse, l’écrivain qu’il est a décidé dese mettre à la tâche. Son sens de l’écoute, sa plume sensible et caustique, son humourallié à celui de son modèle ont fait le reste : un livre souvent drôle et qui se lit commeun roman d’aventures. Michel Lefebvre lui-même n’en revient pas :

« Vous essayez d’écrire vos souvenirs. Vos tentatives se heurtent vite au décou-ragement. Vous réveillez des anecdotes dont vous pensez qu’elles n’intéressent quevous. Or, ce sont les détails précisément qu’utilise Yves pour retrouver votre vécu.Combien de fois ne lui ai-je pas dit : “Ce n’est pas possible : tu y étais !” Au-delà de satechnique, de son talent d’écrivain, il y a cette connivence qu’il sait établir avec sesinterlocuteurs, cette curiosité qui le pousse à vouloir comprendre… parfois plusqu’on ne souhaiterait. Je crois pouvoir dire que, en dépit de la profonde amitié quinous lie, il ne m’a pas fait beaucoup de concessions. »

Autant que de chiffres et d’équations,la science a besoin d’imagination,de poésie et de chaleur humaine… C’est tout le témoignage de ce livre.