*MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\...

20
Mercredi 12 mars 2014 - 70 e année - N˚21507 - 2¤- France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède P otentiellement, le Venezuela, grand producteur de pétrole, est un pays riche. Mais quinze ans de « chavis- me » l’ont mis K.-O. – économique- ment et socialement. Depuis le début du mois de février, les Vénézuéliens sont dans la rue, protestant, jour après jour, contre un régi- me qui réussit une triple performance : gabe- gie, corruption et autoritarisme politique. Le « chavisme », c’est la doctrine héritée de l’ancien président Hugo Chavez, qui exerça le pouvoir de 1999 à sa mort, en 2013. Elle est un cocktail de socialo-souverainisme, inspiré de l’exemple cubain, et d’anti-impérialisme militant, puisant dans un vieux fonds révolu- tionnaire latino-américain. Les quatorze ans de règne d’Hugo Chavez ont permis d’aider une petite partie de la population : les plus pauvres des 30 millions de Vénézuéliens ont profité d’une certaine redistribution de la rente pétrolière. Pour le reste, le « chavisme » a mis le pays à plat : éco- nomie passée sous le joug de l’Etat ; investis- seurs locaux et étrangers découragés ; contrô- le des prix, des changes, du commerce extérieur… Elu en avril 2013, le successeur de Chavez, NicolasMaduro, a fait mieuxencore.En un an,il a gelé l’activité économiquedu pays. Il a annon- cé, cette semaine, qu’il était obligé de mettre en place une carte de rationnement, à l’instar de ce que Cuba a fait il y a un demi-siècle… Hormis le pétrole, dont il possède les plus grandes réserves du monde, le Venezuela pro- duit de moins en moins. Il importe presque tout. Hier pays d’agriculture et d’élevage, il achète aujourd’hui plus du tiers des biens de consommation courante. Le pays n’a presque plus de devises – un comble pour un grand exportateur de pétro- le ! Les hôpitaux manquent de tout. Les cou- pures d’électricité sont de plus en plus fré- quentes. L’inflation annuelle dépasse les 56 %, condamnant les plus pauvres à plus de pauvreté encore. Les manifestants affrontent les milices paramilitaires du régime. Celui-ci accuse les « bourgeois » d’être dans la rue. Il se trompe. Derrière les étudiants, fer de lance de la contestation, tout le spectre de la société véné- zuélienne manifeste son inquiétude pour l’avenir. Sous la personnalisation du pouvoir à outrance qu’incarnait Chavez, l’armée n’a ces- sé d’accroître son emprise sur la vie politique. Le « modèle cubain » produit ici tous ses effets les plus malsains. Une économie paral- lèle est en place, un marché noir de trafics intérieurs et extérieurs qui profite à une peti- te nomenklatura sans scrupule. A l’effondrement de l’économie s’ajoute une insécurité galopante : 25 000 homicides par an, sans compter cambriolages, agres- sions diverses et enlèvements. Caracas est la capitale la plus dangereuse de la planète. Il faut toute l’attraction de l’« exotisme latino » sur certains intellectuels français pour trouver quelque charme au « chavis- me ». D’autant que celui-ci, sous Maduro com- me sous Chavez, brime les libertés publiques, muselle une partie de la presse et malmène toute opposition. Dans la réalité, le « chavis- me » vire au cauchemar. p LIRE CAHIER ÉCO PAGE 3 BOUYGUES OU NUMÉRICABLE : LE DILEMME DE VIVENDI CAHIER ÉCO – LIRE PAGES 4-5 A Kiev, la chasse aux secrets de l’ancien régime ENQUÊTE – LIRE PAGE 19 CINÉMA : LE BONHEUR D’ALLER À L’ÉCOLE CULTURE – LIRE PAGE 12 sport, littérature et cinéma www.institut-lumiere.org Invités d’honneur : Eddy Merckx Eric Cantona Stephen Frears INSTITUT LUMIERE, LYON 13-16 MARS 2014 © Presse ‘E SPORTS distributed by Buonpane Publications Italie : le plan économique de Renzi Le président du conseil annonce 10 milliards d’euros de baisses d’impôts, financées par des coupes budgétaires et les marges déga- gées par la baisse des taux. INTERNATIONAL – P.4 Fabius, le petit jeune qui monte Longtemps mal- aimé des sondages, le ministre des affai- res étrangères talon- ne, voire dépasse, son collègue de l’in- térieur Manuel Valls. Portrait d’un revenant. FRANCE – P.8 A Marseille, Mennucci patine Malgré la campa- gne discrète du mai- re (UMP) sortant, Jean-Claude Gau- din, le candidat socialiste ne par- vient pas à provo- quer l’enthousias- me des électeurs. FRANCE – P.9 ÉDITORIAL Nouvelles menaces terroristes au Sahel AUJOURD’HUI Les Vénézuéliens dans l’impasse du « chavisme » UK price £ 1,80 LE REGARD DE PLANTU SCIENCE & MÉDECINE Les virus de la discorde t Le regain d’activité de plusieurs groupes djihadistes dans un vaste territoire aux confins du Mali, de l’Algérie et de la Libye inquiète les services de renseignements t Un an après la prise d’otages sanglante à In Amenas, dans le Sud algérien, de petites unités se sont reformées, faisant redouter de nouveaux attentats t L’armée française, avec son opération « Serval », a tué près d’un millier de combattants depuis janvier 2013, sans parvenir à juguler l’activité terroriste. Paris tente de coordonner davantage ses opérations avec les services américains LIRE PAGE 2 Nicolas Sarkoy lors de l’inauguration de l’Institut Claude-Pompidou, à Nice, lundi 10 mars. ROMAIN BEURRIER POUR « LE MONDE » FRONDE DES AVOCATS APRÈS LES ÉCOUTES DANS L’AFFAIRE SARKOZY t 500 avocats dénoncent une atteinte au secret professionnel, en soutien de leur confrère, M e Thierry Herzog, dont les conversations avec l’ex-chef de l’Etat ont été captées t En visite à Nice, Nicolas Sarkozy a ignoré ses démêlés judiciaires LIRE PAGES 6-7 a Des chercheurs tentent de rendre mieux transmissibles entre mammifères des virus mortels de la grippe a Certains de leurs pairs dénoncent le risque de pandémie que font courir ces travaux, « le plus gros problème depuis la bombe atomique » a Autre polémique : le dépistage ethnique opéré pour des maladies rares SUPPLÉMENT Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

Transcript of *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\...

Page 1: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

Mercredi 12 mars 2014 - 70e année - N˚21507 - 2 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède

Potentiellement, le Venezuela, grandproducteur de pétrole, est un paysriche. Mais quinze ans de «chavis-me» l’ont mis K.-O. – économique-

ment et socialement. Depuis le début dumoisde février, lesVénézuéliens sontdans larue,protestant, jouraprèsjour,contreunrégi-mequi réussit une tripleperformance: gabe-gie, corruptionet autoritarismepolitique.

Le«chavisme», c’est la doctrinehéritéedel’ancienprésidentHugoChavez,quiexerça lepouvoirde 1999à samort, en2013. Elle estuncocktail de socialo-souverainisme, inspiré de

l’exemple cubain, et d’anti-impérialismemilitant,puisantdansunvieuxfondsrévolu-tionnaire latino-américain.

Les quatorze ans de règne d’Hugo Chavezont permis d’aider une petite partie de lapopulation: les plus pauvres des 30millionsde Vénézuéliens ont profité d’une certaineredistribution de la rente pétrolière. Pour lereste, le «chavisme» amis lepays àplat : éco-

nomie passée sous le joug de l’Etat ; investis-seurslocauxetétrangersdécouragés;contrô-le des prix, des changes, du commerceextérieur…

Elu en avril2013, le successeur de Chavez,NicolasMaduro,afaitmieuxencore.Enunan,ilagelél’activitééconomiquedupays.Ilaannon-cé,cettesemaine,qu’il étaitobligédemettreenplaceunecartederationnement,àl’instardecequeCubaafait il yaundemi-siècle…

Hormis le pétrole, dont il possède les plusgrandesréservesdumonde,leVenezuelapro-duit de moins en moins. Il importe presquetout. Hier pays d’agriculture et d’élevage, ilachète aujourd’hui plus du tiers des biens deconsommationcourante.

Le pays n’a presque plus de devises – uncomble pour un grand exportateur de pétro-le! Les hôpitauxmanquent de tout. Les cou-pures d’électricité sont de plus en plus fré-quentes. L’inflation annuelle dépasse les56%, condamnant les plus pauvres à plus depauvreté encore.

Les manifestants affrontent les milicesparamilitaires du régime. Celui-ci accuse les«bourgeois» d’être dans la rue. Il se trompe.

Derrière les étudiants, fer de lance de lacontestation,toutlespectredelasociétévéné-zuélienne manifeste son inquiétude pourl’avenir.

Sous la personnalisation du pouvoir àoutrancequ’incarnaitChavez, l’arméen’aces-séd’accroîtresonemprisesur laviepolitique.Le «modèle cubain» produit ici tous seseffets les plusmalsains.Une économieparal-lèle est en place, un marché noir de traficsintérieurset extérieursquiprofiteàunepeti-tenomenklatura sans scrupule.

A l’effondrement de l’économie s’ajouteune insécurité galopante: 25000 homicidespar an, sans compter cambriolages, agres-sions diverses et enlèvements. Caracas est lacapitale la plusdangereusede la planète.

Il faut toute l’attraction de l’«exotismelatino» sur certains intellectuels françaispour trouver quelque charme au «chavis-me».D’autantquecelui-ci,sousMadurocom-mesousChavez,brime les libertéspubliques,muselle une partie de la presse et malmènetoute opposition. Dans la réalité, le «chavis-me» vire au cauchemar.p

LIRE CAHIER ÉCO PAGE3

BOUYGUES OU NUMÉRICABLE :LE DILEMME DE VIVENDICAHIER ÉCO –LIRE PAGES 4-5

AKiev, lachasseauxsecretsde l’ancienrégimeENQUÊTE–LIRE PAGE 19

CINÉMA : LE BONHEURD’ALLER À L’ÉCOLECULTURE–LIRE PAGE 12

sport,littératureet cinéma

www.institut-lumiere.org

Invités d’honneur :EddyMerckxEric Cantona

Stephen Frears

INSTITUT LUMIERE, LYON13-16 MARS 2014

©Presse

‘ESP

ORTSdistributed

byBu

onpane

Publications

Italie : le planéconomiquedeRenziLeprésidentduconseilannonce10milliardsd’eurosdebaissesd’impôts,financéespardescoupesbudgétaireset lesmargesdéga-géespar labaissedes taux.INTERNATIONAL – P.4

Fabius,le petit jeunequimonteLongtempsmal-aimédessondages,leministredesaffai-resétrangèrestalon-ne,voiredépasse,soncollèguede l’in-térieurManuelValls.Portraitd’unrevenant.FRANCE – P.8

AMarseille,MennuccipatineMalgré la campa-gnediscrètedumai-re (UMP)sortant,Jean-ClaudeGau-din, le candidatsocialistenepar-vientpasàprovo-quer l’enthousias-medesélecteurs.FRANCE – P.9

ÉDITORIAL

NouvellesmenacesterroristesauSahel

AUJOURD’HUILesVénézuéliensdans l’impassedu«chavisme»

UKprice£1,80

LE REGARD DE PLANTU SCIENCE& MÉDECINELesvirusde ladiscorde

tLe regaind’activitédeplusieurs groupesdjihadistesdansunvaste territoire aux confinsduMali, de l’Algérie etde la Libye inquiète les servicesde renseignements

tUnanaprèslaprised’otagessanglanteàInAmenas,dansleSudalgérien,depetitesunitéssesontreformées, faisantredouterdenouveauxattentats

tL’armée française, avec sonopération«Serval»,a tuéprèsd’unmillier de combattants depuisjanvier 2013, sansparvenir à juguler l’activitéterroriste. Paris tentede coordonnerdavantage sesopérations avec les services américains LIRE PAGE 2

Nicolas Sarkoy lors del’inauguration de l’InstitutClaude-Pompidou, àNice,lundi 10mars.ROMAIN BEURRIER POUR «LE MONDE»

FRONDE DES AVOCATS APRÈSLES ÉCOUTES DANS L’AFFAIRE SARKOZYt 500avocatsdénoncentuneatteinteausecretprofessionnel,ensoutiende leur confrère,MeThierryHerzog,dontles conversationsavec l’ex-chefde l’Etatontété captées

tEnvisite àNice,NicolasSarkozya ignorésesdémêlésjudiciairesLIREPAGES6-7

aDes chercheurstentent de rendre mieuxtransmissibles entremammifères des virusmortels de la grippe

a Certains de leurs pairsdénoncent le risque depandémie que font courirces travaux, «le plus grosproblème depuis labombe atomique»

aAutre polémique : ledépistage ethnique opérépour des maladies rares

SUPPLÉMENT

Algérie 150 DA,Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤,Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤,Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £,Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤,Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

Page 2: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

international

C ette fois, pas de victimes. Le20janvier, à quelques enca-blures de la frontière libyen-

ne,ungroupearméattaque labasedeviede l’entrepriseEnageo, filialede prospection en hydrocarburesdu géant algérien Sonatrach. Lesassaillants s’emparent de 4×4,d’équipements, et détalent. Un anpresque jourpour jouraprès lapri-se d’otages sanglante du 16 jan-vier2013 sur le site gazier de Tigan-tourine, près d’In Amenas, dans leGrand Sud algérien – où 39 expa-triés de toutes nationalités ontpéri –, cette portion de désert restela zone de tous les dangers. « InAmenaspeutsereproduire,lesgrou-pesterroristesensonttoujourscapa-bles»,avancentplusieurshautsres-ponsablessécuritaires français.

Ces vastes territoires, auxconfinsduMali,de l’Algérieetde laLibye,véritabletriangledesBermu-desdudjihadetdestraficsauSahel,concentrentplusquejamaisl’atten-tiondesservicesderenseignementoccidentaux. «Les groupes armés

djihadistes ont le sentiment qu’ilsne pourront recréer une situationde type califat comme au nord duMali,etilssontpassésaumoded’ac-tion terroriste spectaculaire. Il esttoutàfaitprobablequ’ilsaientpourobjectif de faire unnouvel “In Ame-nas”», va même jusqu’à dire unesourcemilitaire.

Pourtant, cet attentat spectacu-laire revendiqué par Mokhtar Bel-mokhtar, figure issue d’Al-Qaidaau Maghreb islamique (AQMI), amobilisé tous les services de l’anti-terrorisme,algériensd’abord,maisaussifrançais,américains,britanni-ques ou canadiens. «Cela amontréqu’il n’y avait plus d’endroit sanc-tuarisé», résume un responsablefrançaisdu renseignement.

Sur les trente-deux assaillantsdu commandomultinational d’InAmenas, trois ont échappé à lamort. L’un est entre les mains desautorités algériennes. Selon nosinformations, les deux autres, quis’étaient échappés, ont été captu-réspeuaprèspar les forces françai-ses de l’opération «Serval » aunordduMali,dansleTimétrine,oùils s’étaient réfugiés, avant d’êtreremis aux autorités de Bamako.Depuisunan,Servalmèneréguliè-rementdesopérationspour tenterd’empêcher les groupes djihadis-tes de se réimplanter durable-ment. «Ils ne sont pas anéantis. Ilsattendent que les forces françaisessedésengagentet laissent laplaceà

des gouvernements locaux faibleset accommodants », estime lamêmesourcedu renseignement.

La dernière opération en date,dans lanuit du4 au5mars, dans lavalléed’Amettetaï,aucœurdesIfo-ghas, a tuéunedizainede combat-tants, équipés de lance-roquettes.Même scénario le 22 janvier aunord de Tombouctou, où onze dji-hadistes, dont trois chefs, ontpéri.Mi-décembre2013,dansleTimétri-ne, le bilan était de 19morts.

Un des principaux chefs d’AQ-MI, Abou Zeid, lui, avait été tué enfévrier2013 lors de l’offensive deServaldansl’Amettetaï,alorsvérita-ble sanctuaire d’AQMI, puis samort confirmée en mars2013 parParis, sur la base d’analyses d’unADN fourni par Alger. AQMI lui aaussitôt désignéun successeur à latête de la katiba : AbdelwahebAl-Harrachi. L’armée française aainsi abattu près d’un millier decombattantsdepuis janvier2013.

MaisMokhtarBelmokhtarcourttoujours. Le commanditaire del’opérationd’InAmenasestaujour-d’hui la ciblenuméroun.Songrou-pe, Al-Mourabitoune, constituéavecdesMaliensduMujao(Mouve-

ment pour l’unicité et le djihad enAfrique de l’Ouest, un des derniersnés au Sahel), «a l’ambition detaper sur des objectifs dans toute larégion», assure-t-on à Paris. Tra-qué,«leBorgne»aété repéréàplu-sieurs reprises, dans le nord duMali commeenLibye.

D’autres « émirs» ont gardéleur influence. Chassé de son fiefdel’Adrardes Ifoghaspar l’offensi-ve française, le chef touareg d’An-sar Eddine, IyadAgGhali, avait étémarginalisépar ses interlocuteursalgériens après In Amenas. Or,assure une source de la défense,«Alger l’a remis dans le jeu récem-ment». L’homme sert de nouveaud’intermédiaire dans les négocia-tions avec les Touaregsmaliens etcircule aisément dans toute larégion, où il disposede nombreuxlieux de résidence. Il auraitmêmeété vu à Alger. Ce retournementcompliquelacoopérationrégiona-lesurleterraindelalutteantiterro-riste,dépasséepar l’éparpillementet la mobilité des groupes armés,qui détiennent encore 8 otages (5Européens et 3 Algériens).

«AuMali, leschefsdecesgroupessont revenus chezeux, dans l’Adrar.

Sous la pression, ils se sont adaptés,vivent aumilieu de leur famille, netéléphonentpasoupeu,et circulentbeaucoup. Les groupes passent duMali au Niger, au sud de la Libye»,expliqueun responsablemilitaire.Une situation qui a contraint Parisàredéployersesforces,3000hom-mes pour cette mission, dans leSahel. «Après 2013, on est passé ducœurduterritoiredes Ifoghasàl’en-semblede la région.»L’attaqued’InAmenas, site sécurisé, amis en évi-dence le défi que représente la sur-veillance des frontières dans ceszones immenses.Le convoidester-roristes était venu de Libye, à unequarantaine de kilomètres, sansavoirété repéré.

Désormais, les regards se bra-quentvers le sudde la Libye,«pôled’instabilité majeur » selon ladéfense.«Nousnevoulonspasquece trou noir devienne un centre degravité», a déclaré le chef d’état-major français des armées, l’ami-ral Edouard Guillaud. Dans cettezone qui échappe à l’autorité deTripoli, sous une ligne qui vad’ouest en est, d’Oubari à Koufraen passant par Sebha, les combat-tantsarmésviennentse reposer et

se ravitailler en armes. Pour l’heu-re, ils n’y ont établi ni camp d’en-traînement ni base permanente:«C’est une zone de transit, carmême si le pouvoir central libyenne la contrôle pas, des sous-grou-pes le font, comme les Toubous, oula tribu Ouled Slimane», préciseun expert sur le terrain.

Autre élément d’inquiétude,AQMI tisse des liens logistiquesavec d’autres groupes islamistesradicaux nés après les révolutionsarabes de 2011, comme ceux d’An-sarAl-Charia, implantésà l’estde laLibye, à Benghazi ou Derna. Ici,dans le Djebel-Akhdar («la monta-gne verte»), des camps d’entraîne-ment ont bien été installés. Entrenord et sud, le point de jonctiondecesmouvements se situedansuneoasis au nord de Koufra. Les com-battants tunisiens d’Ansar Al-Cha-ria se sont eux aussi rapprochésdeleurshomologues libyens, ens’ins-tallantàSabratha,à60kmàl’ouestdeTripoli.«Cesontdesgroupesdis-tincts, mais qui se rapprochent lesunsdesautres», résumeunexpert.

Face à eux, un nouvel ordre debataille s’estmis en place après InAmenas. De l’avis général, il nejugule pas le problème. L’opéra-tionServal auMali est passée, offi-ciellement pour «une durée indé-terminée», dans une dimensiondecontre-terrorisme,avecdesopé-rations régulières destinées àgêner la logistique des groupes.«Onnevapaspassertout lemondeau lance-flammes. Nous n’avonsjamais voulu, littéralement, éradi-quer, mais empêcher le terrorismeinternationaliste de reprendre unpays comme sanctuaire», a expli-qué l’amiralGuillaud.

Pourcela,Paristentedecoordon-ner plus étroitement ses opéra-tions avec Washington pour qui,depuis l’attentat contre le consulataméricaindeBenghazile11septem-bre2012 (quatre morts dont l’am-bassadeur),puis celuide Tigantou-rine (troismortsaméricains) la lut-te contre AQMI est devenue unepriorité. Une nouvelle division dutravail s’est instaurée. Géographi-que – le nord de la Libye aux Etats-Unis, lesudauxFrançais–etopéra-tionnelle – les énormes moyenstechniques de collecte d’imagesaux premiers, la connaissance du

terrain pour le renseignementhumainauxseconds.

«Notredegrédecoopérationopé-rationnelle est sans précédent», seféliciteunhaut responsable.«Faceà Al-Qaida, nous sommes en rela-tion quasi horaire avec nos interlo-cuteurs américains, le commande-ment pour l’Afrique [Africom] etcelui des opérations spéciales[Socom] », précise l’amiralGuillaud. A Ouagadougou, lesdeuxpaysontplacéunétat-majoret un détachement de forces spé-ciales. A Niamey, ils ont installé

des détachements de drones d’ob-servation Reaper. Les réunionssont quotidiennes entre les servi-ces: CIA, Agence de sécurité natio-naleaméricaine,Directiongénéra-ledelasécuritéextérieureetDirec-tiondu renseignementmilitaire.

Paris n’a en revanchepas réussià intéresser autant que souhaitéles Européens au Sud libyen, oùune intervention militaire estexclue. Mieux vaut compter surles pays voisins, même avec desmoyens réduits. Ainsi, l’assistancedirecte aux forces mauritanien-nes, nigériennes, libyennes outunisiennes a été renforcée. Maispouruneactionrégionaleefficace,ilmanquetoujourslegrandacteurqu’estl’Algérie.Début2013, lepaysa bien fermé sa frontière avec leMali,etappuyéServaldansl’Adraren lui fournissantde l’essence,dessignes jugés très positifs par Paris.

In Amenas n’a finalement pasfait bouger la ligne traditionnelled’Alger, qui n’accepte aucunregard étranger sur sa gestion duterrorisme. Un nouveau frontchangera-t-il la donne? L’installa-tion de djihadistes liés à AQMIdans le mont Chaambi en Tunisienourritdepuisunanunecoopéra-tionbilatérale exceptionnelle.p

NathalieGuibertet IsabelleMandraud

L’«empreintelégère»del’arméeaméricainedanslarégion

LanouvellecartedudjihadauSahelDepuis l’attaqued’InAmenas, lesgroupes islamistesradicaux,éparpillés, renforcentleurs liensavecAl-Qaida

ENFÉVRIER, 50 commandosdesforces spéciales américainesontété envoyés sur unebase éloignéede l’ouest de la Tunisie pour for-mer l’arméenationale au contre-terrorisme.Une coopérationdis-crète, affirme le Los Angeles Timesdu 7mars, car les autorités tuni-siennes redoutaientune réactionnégativede l’opinionà la présen-cede soldats américains.

Celle-ci est l’objet denom-breux fantasmes: l’installationdebases dans le désert africain estrégulièrementévoquée. Si l’ar-méeaméricaine, poussée à agirpour contrer l’expansiondu terro-rismedjihadiste, renforce sesactions sur le continent, elle a unmaîtremot: «empreinte légère»au sol. Seule la base deDjibouti aété considérablementrenforcée,capabledésormaisd’accueillir5000 soldats, des drones etunequarantainede chasseurs.

Ailleurs, le Pentagonepréfère despointsd’appui légers etmise surses forces spéciales pour agir.

EnAfriqueduNordet del’Ouest,« les groupes terroristesont étendu leurs opérations,accroissant lesmenaces contre lesintérêts américains», a déclaré legénéralDavidM.Rodriguez, lecommandantaméricainpourl’Afrique (Africom), le 6mars,devant la commissiondes forcesarméesduSénat. Le gradé a cité«15 représentationsdiplomati-ques» situées dansdes zones àhauts risques sur le continent.

Africomest «uncommande-ment extrêmementactif», a enco-replaidé le général, quidoit, com-med’autres responsables,bataillerpour sauvegarder sesmoyensenpériodedebaissedesbudgetsmilitaires. Le siendisposede2000hommesauxquels sejoint la force interarmesdeDjibou-

ti (2000soldats). En 2013ont eulieu«55 opérations, 10 exercices et481actionsde coopérationenmatièrede sécurité», a-t-il détaillé.

«Mêmesobjectifs»AvecWashington, jamais la coo-

pérationopérationnellen’a étéaussi aboutie, assure Paris. «AuSahel, nous sommesparvenus àunedivision intelligentedes rôles.Les objectifs sont lesmêmes», indi-que-t-onauministèrede la défen-se. Ce qui sous-entendque lescibles sontpartagées, tout commela vitrine politiquede cetteaction: «Aider les Africains à assu-mer leur propre sécurité.»

D’unecôteà l’autre, labandesahélienneest ainsi «couverte»(autantque l’immensitédes terri-toirespermetde ledire), lesAméri-cainsprivilégiant l’est duconti-nent; les Français, l’ouest.Wash-ingtonmetàdispositiondesopéra-

tionsmilitaires sa logistique,maisaussi leproduitde ses (riches)moyens technologiques– satelli-tes, drones–, laissantaux forcesfrançaises le leadershipdu terrainsur les zonesqu’elle connaît, com-meentémoigne la campagned’éli-minationdesdjihadistesauMali.

EnLibye, les Etats-Unis ont aus-simis leur puissance financièreau servicede la formationd’unearméenationale, 8000militaires,dans le cadre duprogramme«General Purpose Forces»prévupour se dérouler enBulgarie.

Selon les sources sécuritairesfrançaises, aucuneopérationamé-ricainen’a étémenée au sudde laLibye. A la différencedunord, oùdes forces spéciales sont parve-nues, en octobre2013 à Tripoli, àcapturerpuis exfiltrer vers lesEtats-UnisAbouAnasAl-Libi, unefigured’Al-Qaida.p

N. G. et I. M.

Lesforcesde«Serval»mènentdes

opérationsrégulièrespourempêcher lesgroupesdjihadistesdeseréimplanter

MontChaambi

Bamako

Tombouctou

O c é a nA t l a n t i q u e

MerMéditerranée

G o l f e d e G u i n é e

ADRADRARDES

IFIFOGHASOGHAOGHASOGHAIFOGHASIF

VALLÉEDEL'AMETTETAÏ

MASSIFMASSIFSSSSMAMASSMAMAMAMAMAMAMAMA SIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSSSSSSSSSIFSIFSIFSIFSSSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFSIFMASMASMASSSSSSSSSSSSSSIFSIFSIFMAMAMAMAMAMAMASMAMAMAMADU TIBESTISTISTISTISTSTSTISTITIBESTTIBESTSTSTTIBETIBESTTIBESTTIBETIBETIBETIBETIBETIBEDUDUDU TIBETIBEDUDUDUDUDUDUDUDU TTTIIIIIIIIIESTESTESTESTTTT

PLATEAUDE MANGANI

PASSEPA EESSESSEESSSSSSEPAPASSPASSSSPAPAPAPAPASSPAPAPAPAPAPA SESESESESESESESESESESESESESESESESSSSESESESEDE SALVADORLVADORLVADORADORADORADORADORADORADORADORADORADORADORADORADORLVADORLVADORADORADORLVLVADORLVLVADORLVADORSALVSALVLVLVLVSASASALVSALVDE SADE SASASADEDEDE SADE SADEDEDEDEDEDE

S A H E L

S A H E L

S A H A R A

MALI

AgadezFaya-

Largeau

Zouar

Atar

Abéché

Arlit

Tamanrasset

SAHARAOCCIDENTAL

LIBERIA

CÔTED’IVOIRE TOGO

GHANA

BÉNIN

ALGÉRIE

MAROC

LIBYE

NIGERIA

CAMEROUN

GABON

TUNISIE

SÉNÉGAL

RÉPUBLIQUECENTRAFRICAINE

SOUDAN

ÉGYPTE

SOUDANDU SUD

SIERRALEONE

GUINÉE

GUINÉE-BISSAU

GAMBIE

BURKINAFASO

NIGER

TCHAD

MAURITANIE

Tripoli

N’Djamena

Libreville

Douala

Abidjan

Alger

Niamey

Nouakchott

Ouagadougou

DakarGao

Tessalit

Koufra

Tigantourine

In AmenasAttaque terroriste

en janvier 2013

BenghaziSyrte

Sabratha Derna

SebhaOubari

Djibouti

INFOGRAPHIE LE MONDE 400 km

Zone désertiqueaux frontières poreuses

Zone d’action d’AQMI

Aire d’influence de Boko Haram(secte islamiste nigériane)

Bastion d’Ansar Al-Charia

Sud libyen en proie au transitdjihadiste et au ravitaillementen armes

Enlèvements et attentatsrevendiqués par des groupesterroristes entre 2007 et 2013

Ancien sanctuaire d’AQMI

Point d’appui militaire français

Zone sahélienne

De multiples groupes djihadistes...

... sur un territoiredifficilement contrôlable

Depuis un an, la mobilité des djihadistess’est fortement accrue

MokhtarBelmokhtarcourttoujours.

Lecommanditairedel’attaqued’InAmenas

estaujourd’huilaciblenuméroun

2 0123Mercredi 12mars 2014

Page 3: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

international& europe

La minute ENVIRONNEMENT avec

C’est l’usine de tous les records : 1 milliond’heures d’études, plus de 25 000 emploismobilisés pour sa construction, un pipe-linede 84 kilomètres, jusqu’à 450 000 m3 d’eaupotable produite chaque jour…Dans l’Etat de Victoria, en Australie,SUEZ ENVIRONEMENT a créé la plusvaste usine de dessalement d’eau de mer del’hémisphère sud. Grâce à cette prouessetechnologique, la région peut compter surl’océan, dans une zone qui connaît la sèche-resse, où les réserves d’eau douce doiventêtre préservées. En cas de nécessité, ce sitehors norme peut assurer jusqu’à un tiers de laconsommation d’eau potable des 4,2 millionsd’habitants.

Quand l’eau de mer devient potableL’originalité de ce projet tient à la technologieemployée pour traiter l’eau de mer : l’osmoseinverse. Elle consiste à faire passer l’eau autravers de membranes semi-imperméables,grâce à une mise sous pression capablede contrer la pression osmotique. Ces

membranes retiennent les sels dissous de l’eaude mer, qui est ainsi filtrée à près de 98,5%.Dans la phase de traitement final, l’eau est re-minéralisée afin d’obtenir la meilleure qualitéd’eau possible, comparable à celle du bassind’eau douce de Melbourne. Elle est bien sûrsoumise à de nombreux contrôles qualitéavant de parvenir au robinet des consommateurs.

Un site éco-compatiblePlus de 1,4 millions de m3 de terre ont étéexcavées pour mener à bien ce projet. Dédiéà l’origine à l’agriculture et à l’exploitationminière, le site s’étend sur 265 hectares, dont38 sont consacrés à l’usine. Fidèle à sa philo-sophie, SUEZ ENVIRONNEMENT a réaliséun projet respectueux de l’environnement.Toute l’usine est entourée de dunes côtièressur lesquelles ont été plantées des plantes etfleurs locales, afin de redonner au paysage sesallures d’origine. Et l’alimentation électriquedu site est principalement assurée par desénergies renouvelables (éoliennes).

SUEZ ENVIRONNEMENT mise surle dessalementTrès présent en Australie,SUEZ ENVIRONNEMENT assure actuel-lement 30% de l’approvisionnement en eaupotable du pays. Le groupe est aujourd’huil’un des spécialistes du dessalement d’eau demer, une ressource d’avenir grâce à la dimi-nution constante des coûts de production. Onestime qu’en 2030, plus de 2,4 milliards d’ha-bitants pourraient en bénéficier. Une solutionconforme aux exigences du développementdurable : recycler sans épuiser une ressourcenaturelle, à l’aide de modes de productiond’énergie respectueux de l’environnement.

PUBLICITÉ

n 3% d’eau douce sur le volume totald’eau présent sur notre planète

n 97% d’eau saléeCe qui en fait un gigantesque réservoirnaturel encore à disposition

n 255 usines de dessalementdans le monde, construites parSUEZ ENVIRONNEMENT, fournissenten eau potable 10 millions d’habitants

Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.emag.suez-environnement.comet sur la page Environnement du

Le dessalement, une solution pour l’avenirActeur mondial dédié aux métiers de l’eau et des déchets, le groupe SUEZ ENVIRONNEMENTparticipe, grâce à ses technologies et services innovants, à une croissance verte et durable.Exemple à Melbourne, en Australie, où SUEZ ENVIRONNEMENT a bâti la plus grande usinede dessalement d’eau de mer de l’hémisphère sud.

MadridCorrespondance

C e n’est pas vraiment uneréconciliation, ni même lesymbole d’une souffrance

partagée. Simplement l’envie dene pas donner, cette année, destitresfacilesà lapressesur«lesvic-times une nouvelle fois divisées».Pour la première fois depuis 2007,les principales associationsde vic-times ont accepté de commémo-rer ensemble les victimes desattentats du 11mars 2004.

Dix ans après les explosionsdans quatre trains de la banlieuedeMadrid, qui avait fait 191mortset près de 2000 blessés, ellesétaient toutes représentées à lacérémonie officielle qui se tenaitmardi 11mars dans la cathédralede l’Almudena, dans la capitaleespagnole. Puis chacune devaitretourner à sa propre cérémonie –l’«Associationdesvictimesduter-rorisme» (AVT) à la «forêt du sou-venir»duparcduRetiro, l’associa-tion «11-M Victimes du terroris-me»àlagareduPozo,danslequar-tier populaire de Villaverde, l’undes lieuxde la tragédie.

La première, proche du Partipopulaire (PP, conservateur, aupouvoir) continue de soutenir,comme sa présidente, AngelesPedraza, que «l’on ne sait toujourspastoutelavéritésurcequis’estpas-sé le 11mars». La seconde, laïque etapolitique, désire faire enfin sondeuil en paix, sans manipulationpolitiqueet sans insultes.

«Notremalheur, c’est que l’Espa-gnevotaittrois joursaprèslesatten-tats»,racontePilarManjon,laprési-dente de 11-M. Pendant ces troisjours, le gouvernement de JoséMariaAznar (PP)adéfendulathèsed’un attentat de l’organisationséparatistebasqueETApournepasreconnaître la piste islamiste, quisonnaitcommedesreprésaillesàlaparticipation de l’Espagne à laguerreenIrak,refuséeparl’immen-semajoritédesEspagnols.«Onm’aentraîné dans une guerre que je nevoulais pas, comme 90% des Espa-

gnols et à cause de laquelle j’ai per-dumonfilsde20ans,expliquePilarManjon.TonyBlairademandépar-don.Ici,personne.Aucontraire,l’an-ciengouvernementanourrilathéo-riede laconspiration,quiaaboutiàunedoublevictimisation.»

Dixannéesontpassé. Les atten-tats ont été revendiqués par desgroupes proches d’Al-Qaida, septterroristes islamistes se sont suici-dés lors d’une opération de policeun mois plus tard, un procès decinq mois, en 2006, s’est conclu

par 18 condamnations. Mais toutcecin’apassuffiàétouffercomplè-tement la théorie de la conspira-tion.Ce fantasmemaintenuenviepar le quotidien de droite El Mun-do et la radio de l’épiscopat, laCope, pendant cinq ans, relayéparl’AVT, voulait que les attentats du«11M» aient été ourdis par l’ETA,demècheavec les socialistes, pourprovoquer la défaite du PP auxélectionsdu 14mars 2004.

Même si elle ne fait plus la«une», cette thèse est admise par

un certain nombre d’Espagnolsquiytrouventuneréponseàlader-nière inconnue: le concepteur del’attentat. Dans ses mémoiresparues en 2013, M.Aznar mainte-nait l’ambiguïté en écrivant queles attentats furent planifiés parun esprit qui connaissait « trèsbien la politique espagnole».

Souvenir de la guerre civileInsultée etmenacée, PilarMan-

jon, ancienne déléguée syndicale,a dû vivre huit ans protégée pardesgardesducorps.Sur laportedeson domicile, des cibles ont étépeintes, sur sa voiture, des insul-tes, dans sa boîte aux lettres, desphotosdemorts du «11M»ont étéglissées.AlaCope,unprésentateurdisaitqu’àcausede«cettepute», lePPavaitperdu lesélections.«Nousavons été traités comme des victi-mesde secondecatégorieouplutôtde queue de train, dit-elle. Parcequenous sommesdesouvriers, quenousnesommespasdesfilsdefonc-tionnaires,demilitairesoudepoliti-ques. » Les socialistes «ont prisleursdistancesavecnousparcrain-te que l’on pense que nous étionsmanipulés». Un jour, « l’ancienneprésidente [PP] de la région deMadridaditàunevictimequiavaitperdu son enfant: “Vous avez de lachance, l’indemnisation n’est passoumiseà l’impôt”».

Derrière les querelles entre lesdeux principales associations devictimes se profile le souvenir des«deux Espagne» de la guerre civi-le.EduardoZaplana,l’ancienporte-parole du gouvernement Aznar, arécemmentreconnuquecesatten-tats «divisèrent la société à unpoint jamaisatteint aprèsune tue-rie dans notre histoire démocrati-que». «N’utilisezplus jamaisnotredouleur à des fins partisanes»,avait exigé PilarManjondevant lacommissionparlementairesur lesattentats, en 2004. Pourtant, auxélectionseuropéennesdejuin,plu-sieursvictimesdel’ETAserontcan-didates surdes listes concurrentesduPP: VoxetUPyD.p

SandrineMorel

Un rescapé des attentats de 2004 àMadrid, le 10mars, lorsd’une cérémonie du souvenir dans la capitale. GÉRARD JULIEN/AFP

BeyrouthCorrespondance

L ’égliseSainte-CroixdeDamasest comble, lundi 10mars enfind’après-midi.Onycélèbre

la libération, quelquesheuresplustôt, des religieuses orthodoxes deMaaloula, suite à une médiationlibano-qatarie qui a mis fin à plusde trois mois de détention auxmainsde rebelles du FrontAl-Nos-ra, affiliéàAl-Qaida.Vêtuesde leurhabit noir, les treize sœurs, quiavaient été enlevéesdébut décem-bre avec trois auxiliaires dans leurmonastère situé au nord deDamas,sontaupremierrang.Dansl’assemblée, les fidèles interrogéspar la télévisiond’Etat syriennenecachentpas leur soulagement.

Damas, qui se pose en défen-seurdesminorités, a fait de la libé-ration des otages chrétiennes unevictoire. Pourtant, le régime a dûs’engager à libérer plus de 150 pri-sonnières, selon les exigences desravisseursdesreligieuses.Lesenlè-vements sont nombreux dans laguerre civile qui fait rage dans lepays. Mais le kidnapping dessœurs avait été très médiatisé.Leur détention prolongée avaitmis àmal le discours des djihadis-tes, qui avaient affirmé vouloirmettreà l’abri lesreligieusesavantleursecondeoffensivesurMaalou-la. Elle avait aussi alimenté l’in-quiétude sur le sort réservé auxchrétiensparlesfactionsextrémis-tes. Alors que d’autres religieuxsont retenus en otage, de nom-breux prélats de Syrie sont restésdiscrets sur l’affaire deMaaloula.

Devant la délégation officielledépêchée par Damas à Jdeidet-Yabous, principal poste-frontièresyrienavec le Liban, les religieusesà peine libérées ont dit avoir été«trèsbien traitées»par leurs ravis-seurs.Dansunevidéo filmant leurévacuationdans la nuit de diman-che à lundi, un rebelle témoigneaux sœurs sa satisfaction de les«avoir connues» . Le convoi des

ravisseurs, qui brandissent l’éten-dard noir islamiste, plonge ensui-te dans la nuit vers Ersal, une peti-teville sunnite libanaise frontaliè-requisertdebasearrièreauxrebel-les syriens.

Tandis que les sœurs s’avan-cent vers les services de sécuritélibanais, une femme et ses troisenfants cheminent vers les com-battants du Front Al-Nosra quiscandent«AllahAkbar»et reparti-ront avec eux vers les montagnessyriennes du Qalamoun, théâtredepuisunmois de combats achar-nés entre la rébellion et l’arméeappuyée par le Hezbollah. Cettefemme, Suja Al-Dulaymi, présen-tée comme l’épouse d’un chef dji-hadiste, figure sur la liste des pri-sonnières établie par les rebelles.

RançonDeux acteurs clefs, qui avaient

déjà œuvré au retour, en octobre2013, de neuf otages libanais déte-nus par des insurgés dans le norddelaSyrie,ontcontribuéà la relaxedes religieuses: le général libanaisAbbas Ibrahimet des responsablesqataris. Réputé proche du Hezbol-lah, le puissant chef de la Sûretégénérale a joué les intermédiairesavec Damas. Quant au Qatar, ilaurait, selon des quotidiens liba-nais,verséunerançondeplusieursmillions de dollars aux ravisseurs.Mais le général Ibrahim l’a souli-gné: ce sont aussi les conditionsmilitairesquiontpermiscette libé-ration. Les sœurs étaient détenuesdanslalocalitédeYabroud,aunordde Damas. Or les combats se sontresserrésautourdecetteville,pous-sant la plupart deshabitants à fuir.Pour les rebelles, face auxbombar-dements, il n’était plus possibled’assurerlasécuritédesreligieuses.

A l’instar des autres dirigeantspolitiques libanais, le DruzeWalidJoumblatt a salué la libération desreligieuses. Tout en rappelant lesort des «centaines de milliers deSyriens emprisonnés en Syrie».p

Laure Stephan

DixansaprèslesattentatsdeMadrid,ledeuilcontrariédesfamillesdevictimesPendantdesannées,unepartiede ladroitea tentéd’attribuer lesattaquesde2004à l’ETA

M.Nétanyahoupestecontre«l’hypocrisieoccidentale»

C e futunshowmilitaro-médiatique,uneopérationderelationspubliquesdans

cestylehollywoodienqueBenya-minNétanyahou, lepremierministre israélien,avait redécou-vert lorsdesonséjourenCalifor-nie,mardi4mars, après sonentre-tienavec leprésidentObama.

Six joursplus tard, cette fois,sur labasemilitaired’Eilat, la villeportuairede lamerRouge, l’ar-mée israélienneavait aligné40roquettes, 181obusdemortieret 400000cartouchespourkala-chnikov, le toutsaisi cinq joursplus tôtàbordducargoKlos-C,arraisonnépar lamarine israélien-neau largedePort-Soudan.Armesiraniennes,destinationGaza.

Les invités étaientdes attachésmilitairesetdesdiplomates,et lapresse internationaleet israélien-ne. Lepremierministreétait lemetteurenscèneet acteurprinci-pal, assistéduministrede ladéfen-se,MoschéYaalon, etd’unepoi-gnéedegénéraux. Il connaissaitson textepar cœur:«L’Iran, cerégimebrutal, n’apasabandonnéson implicationprofondedans leterrorisme, ses efforts systémati-quespourminer lapaixet la sécuri-tédans tout leProche-Orient, etsonambitiondedétruire l’Etatd’Is-raël.»Unscript sanssurprise.

Etait-ce l’intérêt très relatifmanifestépar lapressepourcetteénièmedénonciationdes liensmilitairesentre l’Iranet leHamas

aupouvoiràGaza?Etait-ce sonexaspérationcroissante faceà laprioritéaccordéepar les grandespuissancesàunenégociationavecTéhéransur sonprogrammenucléaire?Toujoursest-il queM.Nétanyahouenaprofitépourréglerdes comptes:«Cetarraison-nement illustreunenouvelle foisl’èred’hypocrisiedans laquellenousvivons. Jen’ai entendu,auplus,quedes condamnations iso-léesetmolles envers l’Irande lacommunauté internationale.»

Et commeil gardedepuisquel-que tempsCatherineAshton, lechefde ladiplomatieeuropéenne(quiétaitdimancheàTéhéran),dans le collimateur, il a précisé:«J’ai vudes sourires, desmains ser-réesentredes représentantsocci-dentauxetdesdirigeants iraniensàTéhéran,aumomentoùnousétionsen traindedécharger lesconteneurs»ducargo.Avantd’ajouter:«Dèsque l’onconstruitunbalcondansunquartierde Jéru-salem,nousentendonsunchœurdecritiquesacerbes contre Israël.Cettehypocrisieest intolérable.»

Selonderécentes statistiquesofficielles, Israël a lancé, en2013,la constructionde2534unitésd’habitationenCisjordanieoccu-pée, contre 1133unitésen2012, cequi traduitunpicde lacolonisa-tiondepuisdixans. Etqui faitbeaucoupde«balcons»…p

LaurentZecchini(Jérusalem, correspondant)

TreizereligieusesotagesenSyrielibéréesaprèsunemédiationlibano-qatarieDamasarelâché150prisonnièresenéchangedessœursorthodoxesdétenuespardesislamistes

30123Mercredi 12mars 2014

Page 4: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

«Chaquejour,nousattendonsl’assaut»IouriKompaniets,28ans,marin surleSlavutich, enbaiedeSébastopol:«LaCriméeestukrainienneet le restera. Jenecroispasque laguerrevaéclater,maisla situationest très tendue.Nousdevonsrestersur lebateau,nousnepouvonsren-trerdansnos familles. Latéléukrainienneestbloquée ici, seule latélé russemarcheetelledéformelesfaits enpermanence.La

baiedeSébastopolestbloquéepardescroi-seurs russes; il y a trois jours [le7mars], ilsontdisposédes chaînesetdes filets. Le3mars, le commandantde la flotte russeestvenuetnousaditquenousavionstroisoptions: faireallégeanceà laRépubli-queautonomedeCrimée,démissionneret rester enCrimée,démissionneretpartirenUkrainede l’Ouest.Nousavons refusé.

Ilnousadonné jusqu’à5heuresdumatinpoury réfléchir etapromisunassautencasde refus. L’assautn’apaseu lieumaisnous l’attendonschaque jouret sommesprêtsà le repousser.»

Jusqu’au référendumdu 16mars,la photographeMaria Turchenkovaparcourt la Criméepour LeMonde.

international& europe

NewYork etMoscouCorrespondantes

P our la cinquième fois en dixjours, lasituationenUkraineétait au centre des débats du

Conseil de sécurité de l’ONU, lun-di 10mars. Et pour la cinquièmefois, les quinze pays membres sesontquittés sansmettre enœuvrelamoindre action.

« Si la Crimée devait êtreannexée par la Russie, cela seraittrès dangereux», a mis en gardel’ambassadeur français, GérardAraud, à l’issue des consultations,estimant que cette réunion étaitun appel à la Russie à négocier.Sans résultats puisque l’ambassa-deur russe, Vitali Tchourkine, s’estcontenté d’indiquer que Moscou«assumerait sa responsabilité his-torique» envers la Crimée.

«Ilnepeutpasyavoirderéféren-dum équitable et libre quand laCrimée est occupée par les troupesrusses», a affirmé son homologuebritannique, Mark Lyall Grant. Ledroit de veto dont bénéficie la Rus-sie, en tant que membre perma-nent de l’organe exécutif desNationsunies,contraintlesquator-

zeautrespaysmembresausilence.Mais jusqu’à un certain point.Selon plusieurs diplomates, eneffet, les Etats-Unis ont préparé unprojet de résolution condamnantl’agressionrusseetpourraientdéci-derd’«allerauclash»,enlasoumet-tant au votemalgré lamenace évi-dented’unvetode laRussie.

Signe de l’inquiétude des Occi-dentaux, l’OTANa annoncé, lundi,l’envoi d’avions-radars Awacspour effectuer des missions dereconnaissance au-dessus de laPologne et de la Roumanie, deuxpaysvoisinsde l’Ukraine.

Résolution de l’ONU ou pas, lepremier ministre ukrainien, Arse-ni Iatseniouk,quidoitêtrereçuà laMaison Blanche mercredi, pour-raitdemanderàêtreentendulelen-demain par le Conseil de sécurité.La Russie a eu beau assurer, lundi10mars, qu’elle présenterait souspeu ses «propres propositions»,rien n’en a filtré. Reçu lundi par leprésident Vladimir Poutine danssa résidencede Sotchi, le chef de ladiplomatie russe, Sergueï Lavrov,n’a rien révélé de ces propositions,insistant sur le caractère illégitimedu nouveau gouvernement ukrai-nien, issud’un«coupd’Etat».

Moscou, qui occupe militaire-mentlaCrimée,refusedereconnaî-tre les nouveaux dirigeants del’Ukraine, arrivés au pouvoir aprèstrois mois de protestations ayantentraînéunerépressionféroce(unecentainedemorts), puis la fuite duprésidentViktor Ianoukovitch.

M.Lavrovs’estmontrédéçuparles propositions occidentalestransmises par son homologue

américain John Kerry. «Tout étaitformulédans le sensd’unprétenduconflitentre laRussieet l’Ukraine»,a-t-il déploré.

Face à l’inertie russe, M.Kerry adécliné l’invitation à se rendre àMoscou ce lundi. «Il avait donnéson accord préliminaire. Puis, ilm’a rappelé samedi, disant qu’ilsouhaitait repousser», a expliquéSergueï Lavrov au maître duKremlinqui faisait les gros yeux.

Les dirigeants ukrainiens sontsortis, lundi, de leur retenue parrapport à l’occupation russe de laCrimée, en ordonnant la tenue demanœuvres militaires dans larégion de Kherson, au nord de lapéninsule. Kiev a également blo-qué les comptes bancaires desautorités de Crimée.

Sur place, les troupes russescontinuentd’affluer.Deuxjourna-listes ukrainiennes et quatremili-

tants politiquesfortement oppo-sés à l’invasion russe de la Criméeont été enlevés, le 9mars, à Simfe-ropol et àArmiansk.

L’Ukraine, confrontée à unesituationéconomiquecatastrophi-que,estmenacéed’unedésintégra-tiondesonterritoireouvertementencouragéepar la Russie. Les nou-vellesautoritésséparatistesdeCri-mée,accouruesàMoscoulasemai-ne passée pour régler les derniers

détailsdu référendumprévupourle 16mars, veulent rattacher lapéninsule à la Fédération russe.

Dans la foulée, les autoritésukrainiennes redoutent qued’autres référendums soient orga-nisés dans les régions russopho-nes situées à l’est de l’Ukraine(Donetsk, Kharkiv, Lougansk).Alorsque laDouman’apas encoreexaminé les textes de loi qui per-mettraient de faire de la Crimée la84erégion de la Fédérationde Rus-sie, l’issue du plébiscite ne faitaucundoute dans l’esprit des Rus-ses. «A quoi ressemblera la Russiequand la Crimée en fera partie?»,titraitle11marsletabloïdMoskovs-ki Komsomolets.

L’entréede la péninsule dans lazone rouble n’est plus qu’unequestion de jours, selon SergueïAxionov, ce proche du KremlinnommépremierministredelaCri-mée peu après la fuite du prési-dentViktorIanoukovitch.Leprési-dent déchu, réfugié en Russie, àRostov-sur-le-Don, doit donnerune conférence de presse mar-di 11mars. Selon le député de laDouma Léonid Sloutski, il pour-rait annoncer à cette occasion sonretouràKiev«pourassurer la légi-timité jusqu’au scrutin présiden-tiel»prévu le 25mai.p

AlexandraGenesteetMarie Jégo

AccueilréservépourlespistesdecompromisdeMikhaïlKhodorkovski

M.Renzidévoileunplande10milliardsd’eurospourrelancerlacroissanceitalienneDesbaissesde la fiscalitédevraientêtre financéespardescoupesbudgétairesetpar lesmargesdégagéespar labaissedes taux

LesOccidentauxcherchentàcontrerl’intransigeancerussesurlaCriméeL’OTANadéployédesavionsd’observationenPologneetenRoumanie

KievEnvoyé spécial

Ils avaient tout pour s’entendre.Et pourtant, la communionattendueentre le RusseMikhaïlKhodorkovski, sorti le 20décem-bredes campsdeVladimir Pouti-ne, et les jeunes révolutionnairesukrainiens, tout juste libérésduprésidentViktor Ianoukovitch,l’hommelige duKremlin, n’a reçuqu’unaccueil tiède.

Ce futundiscoursappliquéetraisonnable.M.Khodorkovski,l’hommeleplus richedeRussiejusqu’à sonarrestationen2003,s’est excuséd’emblée: «Je vais liremesnotes. Jen’aipas faitd’appari-tionpubliquedepuisdixans, je

manqued’entraînement.»Plusde2000personnes, surtoutdesétudiants, s’étaientmassées, lundi10mars, dans legrandauditoriumde l’Institutpolytechniquede lacapitaleukrainiennepourécouterl’homme,saluéparun«Bienvenuedans laville libredeKiev!»

Ils sont pourtant restés surleurfaim.Mikhaïl Khodorkovski,visiblementému, a parlé de l’im-portancede l’éducationpour réta-blir un pays après une révolution,de la nécessitépour l’Ukrainedetrouverune alternative augazrusse, et unpeude lui.

«Avant la prison,a-t-il dit, je nepensais qu’aubusiness.Mais j’aicompris qu’il y avait autre chose.Une choseque je cherche,mainte-

nantque je suis sorti et que lesUkrainiensqui sont allés àMaïdan,eux, semblentavoir trouvée.» Il acertes lâchéquelquesphrasesdûmentapplaudies.«Cequevousavez fait ici, nous le lironsun jourdansnos livres d’histoire.»Oubien: «LanouvelleUkrainevamontrer la voie à laRussie.»Ouencore: «Il fautunplanMarshallpour l’Ukraine.»

«Un fardeau pour la Russie»MikhaïlKhodorkovskiétait sur-

toutporteurd’unmessaged’apai-sement.«Si vousnepouvezpasêtreplus fortsquevotre ennemi[par les armes], soyez lemorale-ment.» Il a enjoint lesUkrainiensd’élirevitedes autorités légitimes,

afind’enleverdes argumentsàVladimirPoutine.Pour laCrimée,il a répétéqueseuleunesolutionnégociéeavec leKremlinétaitenvi-sageable,pouren faireune«zonefranche», autonomemais soussouverainetéukrainienne.Uneannexionserait«uneviolationdudroit international»et«un far-deaupour laRussie».

En revanche, les reprochesqu’ila adressésauParlementukrai-nienpouravoir supprimé le russecommeseconde languenationalesont tombésàplat. Tout commesamise engarde sur ledangerquereprésentent,pour l’Ukraine,des«éléments radicaux».

Lesétudiantsauraientaiméentendre les slogansscandés la

veillepar l’ancienoligarqueà la tri-bunede laplaceMaïdan, sur les«mensonges»dePoutineet les«crimes»de Ianoukovitch. Lapre-mièrequestionde l’assembléeadonné le ton.«Tous les RussesdepassageàKievne sontpasobligésde jouer lesgrands frères», a estiméune jeune femmeblonde.«Pour-quoin’avez-vouspasditunmotdesTatarsdeCrimée?», ademandéunautre.«Tous lesgensdemonâgesontprêtsàaller sebattre enCrimée. SlavaUkraine!», s’est écriéun jeunehomme.L’opposantrus-seest restédemarbre. Il venaitdeproposerses services commemédiateurentrecommunautésrussesetukrainiennes. p

SergeMichel

RomeCorrespondant

C ette fois, plus question deformules, de tweets, dediscours prononcés mains

dans les poches. En annonçant,dimanche 9mars, «une baissed’impôts après des années d’aug-mentation», Matteo Renzi, le nou-veau président du Conseil italien,plutôt habile en matière de com-munication, a dû admettre: «Per-sonnene nous croit.»

Les Italiens,quiontvupasserentrois ans quatre gouvernements etautant de promesses, attendent dejuger sur pièces celles de leur nou-veaupremierministre.«Beaucoupdegens,a-t-ildit,meregardentensedemandant: voyons s’il va tomber

aussi. Mais sur le fil de l’acrobate, iln’yapasqueMatteoRenzi,maistou-te l’Italie qui a une chance de pren-dreunviragedécisif.»

Mercredi 12mars, M.Renzi vajouer gros, très gros en mettantsur la table du conseil des minis-tres un plan ambitieux de baissesd’impôts d’unmontant de 10mil-liardsd’euros,destinéà relancer lacroissance, l’emploi et la consom-mation de la troisième économiede la zone euro.

Après cinq années de plans derigueur conduitspar sesprédéces-seurs, c’est lapremière foisqu’unemesure d’une telle ampleur estenvisagée. Il jouera également lereste de son mandat et le sort du« changement radical et immé-diat»qu’ilapromislorsdesondis-

coursd’investiture,le24février.Laperspective d’un allégement de lafiscalité aiguise les appétits. D’uncôté, la Confindustria, le patronatitalien, plaide pour une baisse deschargessurle travail.Del’autre, lessyndicatssontpartisansdebaissesde l’impôt sur le revenu.

«Déséquilibres excessifs»Une chose parait acquise : le

gouvernementne fera pas de sau-poudrage et devrait, selon la pres-se, favoriser les ménages. «Nousécouterons les syndicatsmaisnousferonscequenousavonsdécidé», acinglé M.Renzi. Selon les estima-tions du gouvernement, de tellesmesures pourraient apporter ungain de croissance de l’ordre de0,8%. En 2013, le PIB italien s’est

encore contracté de 1,9%, malgréune hausse de 0,1% au dernier tri-mestre,quiamis finàunepériodede récession de deuxans. Consé-quence : le taux de chômageatteint 12,7%de lapopulationacti-veet la dette 132%duproduit inté-rieurbrut (PIB). Pour2014, la crois-sance est attendueà0,6%.

Reste à trouver les finance-ments. « Ils viendront des coupesdans les dépenses publiques», aassuré le ministre des finances,Pier Carlo Padoan. Le précédentgouvernement avait identifié unfilonde30milliardsd’eurosd’éco-nomiespossibles.

D’autres ressources pourraientêtre apportées par la baisse destaux d’emprunts italiens sur lesmarchés et le retour espéré des

capitaux placés à l’étranger. Jus-qu’àprésent, lenouveaugouverne-ment n’a pas été disert sur lesmoyensmis enœuvrepour finan-cer ses réformes. Tout juste a-t-ilécarté l’idéeémiseparunministredetaxerdavantagelesbonsdutré-sor italiens, imposés à 12,5%,contre 20%pour les autres instru-ments financiers.

Danscettepartiedifficile,M.Ren-zi ne doit pas seulement convain-crelesItaliensdubitatifsmaiségale-ment l’Unioneuropéenne,peudis-poséeàaccorder lemoindreétatdegrâceaunouvelexécutif.Le5mars,Bruxelles a dressé un tableau som-brede l’économie italienne, qu’elleplace dans les pays «en déséquili-bresexcessifs»auxcôtésde laCroa-tie etde la Slovénie.Unecomparai-

sonpeu flatteuse,même si quator-zepays–dontlaFrance–ontétépla-cés sous surveillance.

Il y adeuxmoisencore, lorsqu’ilreprochait au gouvernement deson prédécesseur, Enrico Letta, den’êtrepas assez ambitieux,M.Ren-zi avait estimé que la règle euro-péennelimitantà3%duPIBlesdéfi-citspublicsdevraitêtrerenégociée.Levoilàplusprudent.Dimanche, ila expliqué que cette norme était«conceptuellement dépassée maisquenouslarespecterons tantqu’el-lene serapaschangée».«Ona l’im-pression, a-t-il toutefois regretté,que l’Europe est seulement forméede diligents comptables qui nousexpliquent ce que l’on doit faire.»Enattendant, il doit faire avec. p

PhilippeRidet

«Ilnepeutpasyavoirderéférendum

équitablequandlaCriméeestoccupée

parlestroupesrusses»Mark Lyall Grant

ambassadeur britanniqueà l’ONU

4 0123Mercredi 12mars 2014

Page 5: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

international& planète

AMorwell (Etat de Victoria), le 25 février.MIKE KEATING/REX

SydneyCorrespondance

L es 14 000 habitants deMorwell, petite ville au sud-est de l’Australie dans l’Etat

du Victoria, vivent depuis le9févrierdansune épaisse fuméeàl’odeurde fioul.Uneminedechar-bon à ciel ouvert brûle depuis unmois,mobilisantplusieurs centai-nesdepompiers.

Lundi 10mars, les autorités ontannoncéque l’incendie était enfinsous contrôle. Mais il n’est paséteint pour autant. Le charbondevrait continuer à flamber pen-dantdes jours,voiredes semaines.« Jusqu’à ce que nous ayons unebonne pluie», résume Craig Las-pley, commissaire des pompiersde l’Etat duVictoria.

Située dans une région où lesfeuxdebroussesont récurrents, lamine alimente la centrale électri-que d’Hazelwood. L’une commel’autre appartiennent à GDF Suez.L’incendie n’a touché qu’une par-tie désaffectée du complexe,maisa obligé le groupe français à rédui-resesactivités.«C’estunincendieàplusieursmillionsdedollars,assureCraig Laspley. C’est l’un des plusimportantsquenousayonseudansl’Etat. » Si le feu a pris une telleampleur, c’est que «quand le char-bondevienttrèschaud,ilestparticu-lièrementdifficileàéteindre»,expli-que David Cliff, professeur à l’uni-versité duQueenslandet spécialis-te de la sécurité minière. Or à cetendroit,«laveinedecharbon,d’uneépaisseur de 30mètres, est très pro-chede la surface».

Substance noireLacombustionducharbonaaus-

si la particularité de dégager beau-coup de particules fines, un vérita-ble danger pour la santé. PlusieurshabitantsdeMorwellontunepres-sion sanguineplusélevée.D’autrestoussent une substance noire. Cessymptômes ressemblent «à ceuxdes fumeurs, explique le docteurPeter Dingle. Beaucoup des ingré-dients que vous trouvez dans lafuméedutabacsontégalementpré-sentsdanscelleducharbon».«Nousavons étudié des cas similaires surplusieurs décennies, ajoute LidiaMorawska,professeureàl’universi-té technologique du Queensland.Cesétudesmontrentqu’uneexposi-tion de seulement quelques jours àdeux semaines peut augmentersignificativementlamortalité.»

Lesautoritésontpourtantatten-duprès de trois semaines avant dedemander aux personnes fragilesd’évacuer Morwell, le 28février.600habitants ont déménagé tem-porairement. Même si le feu estdésormaissouscontrôle,«lamesu-re reste en place», explique le doc-teur Rosemary Lester, responsable

dudépartementde la santéaustra-lien. Unemétéo défavorable pour-raitmaintenir l’air de la ville irres-pirable si la fuméepersistait.

Ce n’est pas le seul danger. Unpompier victime d’une petite cou-pure lorsdesopérationsàMorwell,a été atteint de septicémie et a dûêtre opéré enurgence.Un syndicatdes soldats du feu, United Fire-fighters Union, a demandé à unlaboratoiredetesterl’eauqu’ilsuti-lisaient pour combattre l’incendie.Celle-ci provient d’un lac artificielqui permet de refroidir la centraleélectrique. Les tests ont révélé uneconcentration en bactérie Escheri-chia coli quarante fois supérieureau seuil estimé dangereux pourl’homme. D’autres pompiersauraientété infectés.

SiGDFSuez semblehors de cau-se concernant le déclenchementdu feu, les habitants de Morwells’interrogent sur les normes desécurité en vigueur sur le site. Lamine,même dans une zone désaf-fectée, est censée être équipée desystèmes anti-incendie, qui n’ontpas fonctionné à Hazelwood. «Laviolence du feu a mis hors servicedeux lignes électriques, arrêtant lespompes qui approvisionnent eneau les systèmes anti-incendie», sedéfend George Graham, responsa-bledeGDFSuezHazelwood.

Une enquête indépendante aété lancéepar l’EtatduVictoria.Lespremières pistes indiqueraientune responsabilité humaine,potentiellement criminelle. Laseule certitude aujourd’hui est letrajet initial de l’incendie: parti deDriffield, dans le bush au sud de lamine, le feu s’est vite propagé enraison d’une végétation très sèche–l’étéaétéparticulièrementchauddans le Victoria– pour atteindrefinalement le site. Mais l’enquêtene progressera vraiment qu’unefois l’incendie totalement éteint.L’affairepourraitprendreunetour-nure politique. L’opposition tra-vailliste au Parlement du Victoriaaannoncé qu’elle lancerait sa pro-pre enquête, afin d’évaluer le planmisenœuvrepar les autorités.p

Colin Folliot

Premier producteur et consom-mateurmondial de charbon,laChine est particulièrementexposée aux feux dans ses sous-sols. Il peut suffire d’un éclairoud’unemaladresse humaine–unmégot de cigarette oublié,par exemple – pour qu’un incen-die se déclare.Lamultitude de petitesminesmal supervisées qui constitue la« ceinture du charbon» du norddupays est un terrain propice

àces incendies, en particulierdans lesimmenses régionssèches deMongolie-IntérieureetduXinjiang.Près de 75%des feux de char-bon de la République populaireont pour origine l’exploitationminière. Ils peuvent rester allu-més des décennies, dès lorsquele foyer est alimenté par unesource d’oxygène. Vingtmillionsdetonnes de charbon seconsument ainsi chaque année.

BogotaCorrespondante

A lvaro Uribe est de retour.L’ancien président colom-bien a été élu sénateur

dimanche 9mars. Fidèle à sesconvictions sécuritaires, M.Uribe,61 ans, a fait campagne contre lesnégociationsdepaixencoursavecla guérilla. Son parti, le Centredémocratique (CD, droite) aemporté 19 des 102 sièges duSénat. Il devient laprincipale forced’opposition. Le président de cen-tre droit, JuanManuel Santos, bri-gueunnouveaumandat le 25mai.

Espéré par les uns, redouté parles autres, le tsunami «uribiste»n’apaseu lieu. LeCDn’obtientque12 députés sur 163 à la Chambredes députés. En nombre total devoixà échellenationale, il n’arrivequ’endeuxièmeposition, derrièrele Parti social d’unité nationale, laformationprésidentielle.

La coalition parlementaire quisoutient le gouvernement du pré-sident Santos se voit fragilisée parla sécession des «uribistes» et parles divisions du Parti conserva-teur.Mais,saufdéfectiondeceder-nier, elle conserve samajorité à laChambre et au Sénat. «Santos, s’ilest réélu, devra désormais compo-ser sur sa droite avec une opposi-tion très critique du processus depaix», souligne le politologue etancien recteur d’université Ricar-do Garcia. Au pouvoir de 2002 à2010, le président Uribe avaitdéclaréune guerre sansmerci auxForcesarméesrévolutionnairesdeColombie(FARC,extrêmegauche).

M.Santos était alors sonminis-tre de la défense. Il a été élu, en2010, en promettant de poursui-vre la politique de son mentor.Cependant, une fois à la tête del’Etat,M.Santosaoptépourtendrela main aux FARC. Les négocia-tions,qui se tiennentdepuisunan

et demi à LaHavane, prétendentmettre fin à un conflit armé vieuxde soixante ans.

Laparticipationenpolitiquedesguérilleros et l’impunité dont ilspourraientbénéficier,pourdes cri-mes de guerre et des crimes contrel’humanité, divisent les électeurs.M.Uribe accuse M.Santos de bra-der la sécurité et les intérêts dupays. Inconditionnelle du proces-sus depaix, la gauche reste rachiti-que: le Pôle démocratique et l’Al-lianceverte,constituéepourl’occa-sion, n’atteignent pas, à eux deux,labarrede10%desvoix.Mais, indi-viduellement, c’est un sénateurduPôle, JorgeRobledo, qui a obtenu leplusgrandnombredevoix.

C’est au nouveau Congrès quereviendra la tâche historique devoter–ounon–lesréformesnéces-sairesà lamiseenapplicationd’unéventuelaccorddepaix. L’opinionsemble indifférente: la participa-tion aux législativesn’a été quede43,5%. Sur les réseaux sociaux, lesappels à voter blanc –pourprotes-ter contre la classe politique dansson ensemble – s’étaient multi-pliés,maisseuls5,2%desélecteursont finalement suivi la consigne.En province, les clientèles de la«para-politique» n’ont pas dispa-ru: une soixantaine de candidatssoupçonnésd’accointanceaveclesanciens groupes paramilitairesd’extrême droite ou la mafia ontété élus ou réélus.

Dès lundi, conversationset spé-culations portaient sur la prochai-ne présidentielle. A en croire lessondages, M.Santos obtiendraitmoinsde30%desvoixaupremiertour. Et un large avantage sur tousses concurrents. Selon M.Garcia,« la percée électorale des uribistesn’est pas suffisante pour dynami-ser leurcandidat,OscarIvanZulua-ga». Lescaricaturistesdessinent lecandidat du Centre démocratiqueen marionnette de M. Uribe.M.Zuluagan’estcréditéquede9%des intentionsde votes.

L’ancienmaire de Bogota, Enri-que Peñalosa, a remporté la pri-maired’Allianceverte, organiséeàl’occasion des législatives. Untemps allié de M.Uribe, « il est leseul à pouvoir créer la surpriseà laprésidentielle», juge Ricardo Gar-cia.Mais,aulendemaindeslégisla-tives, la réélection de M.Santossemble largement assurée.p

MarieDelcas

ROYAUME-UNI

Téhéranauraitcommanditél’attentatdeLockerbie,selonunancienagentiranienLONDRES. L’attentat contre le Boeing 747 de la compagnie amé-ricaine Pan Am, qui a coûté la vie à 270 personnes le 21décem-bre 1988, au-dessus de la ville écossaise de Lockerbie, aurait étécommandité par l’Iran et exécuté par desmilitants du Frontpopulaire de libération de la Palestine – commandement géné-ral (FPLG-CG) basé en Syrie, affirme,mardi 11mars, le quotidienbritanniqueThe Daily Telegraph.Le journal cite le témoignage d’AbolghassemMesbahi, unancien agent des services de renseignement iraniens, obtenupar la chaîne de télévisionqatarie Al-Jazira. SelonM.Mesbahi,aujourd’hui en exil en Allemagne, l’ayatollahKhomeiny auraitcommandité l’attentat de Lockerbie en représailles à l’attaqued’unnavire iranien par lamarine américaine, en 1988, qui avaitfait 290 victimes.En 2003, le régime libyen deMouammarKadhafi avait reconnuofficiellement sa responsabilité dans l’attentat, puis payé2,7milliards de dollars en guise d’indemnisation aux famillesdes victimes. La seule personne condamnée, AbdelbasetAl-Megrahi, est décédée enmai2012 en Libye.p

Nouvelle-ZélandeRéférendumsur le drapeaunationalWELLINGTON.Le premierministre conservateur, JohnKey, aannoncé, lundi 10mars, qu’il était favorable à l’organisationd’icià trois ansd’un référendumsurunnouveaudrapeaunational,pour remplacer celui sur lequel figure, enhaut à gauche, unereproductionde l’Union Jack, le drapeaubritannique, considéréecommeune reliquede l’époque coloniale.M.Key a égalementannoncéque les prochaines élections législatives se déroulerontle 20septembre. – (BBC.)

C’estaunouveauCongrèsque

reviendralatâchehistoriquedevoter–ounon–lesréformesenvued’unéventuel

accorddepaix

Unphénomène très important enChine

Hobart

Adelaïde Sydney

Melbourne

AUSTRAL IEMÉR ID IONALE

V ICTOR IA

TASMANIE

NOUVELLE-GALLESDU SUD

Canberra

250 km

AUSTRALIE

MorwellMer de

Tasmanie

UnfeudansuneminedecharbonpollueunevilleaustraliennedepuisunmoisL’épaisse fuméemenace lasantédeshabitantsdeMorwell,dans l’EtatduVictoria

EnColombie, leretourd’AlvaroUribeperturbele dialogueaveclesFARCL’ancienprésidentdedroite, adversairede laguérilla, a réussiunepercéeaux législatives

L emystère reste total et la thè-sede l’action terroriste reculequatre jours après la brutale

disparition du Boeing 777-200ERdelaMalaysiaAirlinesetdeses239passagers. Lundi 10mars, lesrecherches du vol MH370 ont dûêtre étendues en mer de Chineméridionale jusqu’au détroit deMalacca. Le rayon des recherchescouvert par les secours, des dizai-nes de navires, d’avions et d’héli-coptères de neuf pays, dont laChineet lesEtats-Unis,estpasséde90kmàplus de 200kmautour dulieuoùlecontrôleaérienaperdulecontact avec l’appareil.

Pour retrouver les restes del’avionet comprendre l’originedudrame, les autorités malaisiennesde l’aviationcivileet la compagnieaérienne comptent désormaisbeaucoup sur les capacités techni-ques des satellites militaires etespionsdesdifférentespuissancesconcernées par les recherches ettrèsprésentes dans la région.

Par ailleurs, on en sait davanta-ge sur les deux passagers qui ontutilisé des passeports volés pouremprunter ce vol, l’un italien,

l’autre autrichien. Un constat quiavait nourri initialement l’hypo-thèse d’une possible action terro-riste selon les déclarations desautoritésmalaisiennes.

Mardi,lechefdelapolicedeKua-la Lumpur a assuré que l’un desdeux passagers suspects était ira-nienetqu’iln’avait aucuneattacheavec un quelconque groupe terro-riste. Les éléments auraient étéfournis par sa propre mère. Rési-dant à Francfort, elle aurait signaléla présence de son fils sur ce vol etson intentionde la rejoindre.Selonune source diplomatique à Pékin,l’autrepasseportvoléétaitentrelesmainsd’un autre iranienqui voya-geait avec lui. Tous deux sem-blaient, selon les premiers élé-ments,désireuxd’émigrerclandes-tinementenEuropeviaPékin.

D’aprèsunesourceausiègelyon-nais, enFrance,d’Interpol, lesdeuxpasseports ont été volés, à Ban-gkok, à un an d’intervalle. LaThaïlandeestconsidéréeparlesser-vices de renseignement comme laplaque tournante mondiale desfauxpapiers.Leterrorismecommelecrimeorganiséetlesfilièresd’im-

migrations’y approvisionnent.La police thaïlandaise et des

policiers étrangers interrogenttoujoursdeuxagentsdevoyagedela station thaïlandaise de Pattaya,où les billets d’avion ont été émispour le comptedes deuxhommesen question, deux allers simples,les moins chers du marché. Lesdeux billets ont été achetés par untroisième homme, connu sous lenom,probablementfaux,deM.Ali,pourvoyeurdeclientspourlavoya-gistedePattaya.Ledépartdesdeuxhommes a été décalé à une repriseet aétépayéenespèces.

«Passoire»L’agence de voyage a confirmé

qu’elle fournissait régulièrementdes billets à cet intermédiaire quisollicitait la plupart du temps desparcours indirects vers l’Europepassant souvent par la Chine etl’Afriquede l’Ouest.

Lesvisagesdesdeuxdétenteursde ces passeports ont, par ailleurs,été isolés grâceà lavidéode l’aéro-port de Kuala Lumpur, puis trans-mis aux services de renseigne-ment américains. Des logiciels de

reconnaissancefacialeetdesbasesde données américaines consti-tuées sur la base des photogra-phiesprisesdans les aéroportsontété utilisés par les services améri-cains, qui n’auraientpas trouvédeliens avecdes groupes terroristes.

Le vol des passeports avait étésignalé par Interpol aux servicescompétents à Kuala Lumpur qui,visiblement,ne croisentpas systé-matiquement ces données avecleurs fichiers. Une faille qui estrégulièrement soulignée par lesautorités internationales et quifait de Kuala Lumpur, selon lamême source à Interpol, «unevraiepassoire»utiliséeparlesfiliè-res d’immigration clandestine endirectionde l’Europe.

Face aux critiques soulevéespar cette impéritie et reconnais-sant implicitement un défaut desécuritéàl’aéroportdeKualaLum-pur, où les deux passagers ontembarqué avec les passeportsdéclarés comme volés, le premierministremalaisien, Najib Razak, aannoncéunerévisiondesprocédu-res de contrôle.p

Jacques Follorou

Boeingmalaisien: lapistedel’attentatreculeIntrouvable, l’appareil fait l’objetde recherchesétenduesenmerdeChineméridionale

50123Mercredi 12mars 2014

Page 6: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

C e n’est paradoxalement pasle placement sur écouted’un ancien président de la

République – une première enFrance – qui a soulevé, lundi10mars, desvaguesd’indignation,mais celui de son avocat,MeThierry Herzog, soutenu parplusieurs élus de droite, qui récla-ment une évolution de la loi. Plusde cinq cents avocats ont signéune lettrede soutienà leur confrè-re pour s’indigner du «dangerpour la démocratie de telles déri-ves» et « l’impérieuse nécessité deprotéger le secret professionnel».

Les écoutes et les perquisitionschezl’avocat, le4mars,dansuncli-matd’uneraretension,ordonnéespar deux juges d’instruction quienquêtent sur un possible «traficd’influence»deMeHerzogetNico-lasSarkozysont légales, sur leplanjuridique, mais les avocats s’in-quiètentdecesatteintes«àl’essen-cemêmede [leur]profession», à laveille d’une décision importantedelaCourdecassationquidoitsta-tuer sur la validité de la saisie desagendasde l’ancien chef de l'Etat.

Christiane Taubira, interrogéesur la nécessité demieux garantirle secret professionnel, a répondulundi qu’elle n’entendait pas«défendrel’idéed’assurerl’impuni-té à un citoyen parce qu’il exerceune profession ». Au mêmemoment, ledéputéUMPduRhôneet ancien magistrat GeorgesFenech déposait à l’Assembléenationale une proposition de loi,qui n’entend pas proscrire totale-ment les écoutes des avocatsmaismieuxencadrer leur utilisation.

Lapétition, lancéeparplusieursavocats de sensibilité différente –Henri Leclerc, Corinne Dreyfus-Schmidt,FrédériqueBeaulieu,Her-vé Temime,ChristianSaint-Palais,Eric Dupond-Moretti, JacquelineLaffontet PierreHaïk – revient surla violence des perquisitions.«Que (…) Thierry Herzog ait vu sesbureaux, son domicile parisien,celui de sa femme à Nice et jus-qu’au studio de son fils perquisiti-

onnés durant de longues heures,qu’il ait dû quémander, commeundangereux délinquant, la grâce depouvoir prendre une douche (…),que son téléphone professionnelait été saisi (…)provoque cheznousla plus vive indignation.»

Jean-Marie Burguburu, le prési-dent du Conseil national des bar-reaux, qui représente les 60000avocats de France, estime que «lesecret professionnel des avocats estgénéral, absolu et sans limite dansle temps » et s’indigne de « cedétournementdesprocédures».Unavocatpeut«exceptionnellement»êtreplacésurécoute,«sidesindicespermettent de penser raisonnable-ment qu’il a participé à une infrac-tion», mais absolument pas «à

titre préventif, pour rechercher desindices éventuels».

C’est tout l’enjeu: personne nesait ce qu’ont dans leur dossier lesdeux juges d’instruction PatriciaSimon et Claire Thépaut. L’ancienchef de l'Etat et son avocat, qui sesavaient écoutés, avaient achetédeuxautres téléphones pour com-muniquer discrètement, à leurtourplacés sur écoute. Un juge deslibertés et de la détention a ordon-né, leweek-enddu8 et 9mars, uneexpertisedutéléphoneprofession-neletdumatérielinformatiquesai-sis chezMeHerzog.

LesjugessoupçonnentM.Sarko-zy et son avocat d’avoir négociédes informations auprès d’un amideMe Herzog, Gilbert Azibert, pre-

mier avocat général à la Cour decassation,contreunposterémuné-rateur à Monaco, finalement déjàpourvu.Lemagistrataétéhospita-lisé lundi matin à Bordeaux, sansquel’onsaches’ila faitunetentati-vedesuicideouunechutedansunescalier, selon les deux versionsdonnéespar ses proches.

Nulnesait lesservicesqu’auraitpu rendre le magistrat, mais il estfort improbable que Gilbert Azi-bert, magistrat certes influent à la2e chambre civile, ait pu peser surles débats de la chambre criminel-le de la Cour de cassation. D’où lesoupçon des avocats que les jugesn’aient en fait placé Me Herzog etsonclient surécoutequedans l’es-poir de découvrir d’autres délits :

la Cour de cassation, en 2003, aautorisé un juge à écouter un avo-cat si ses conversations permet-tent de soupçonner sa participa-tionàundélit,mêmesi cedélit est«étrangeràlasaisinedujuged’ins-truction». C’est cette techniquedes « filets dérivants», courante,que contestent les avocats.

Pierre-Olivier Sur, le bâtonnierde Paris, a assuré sur Europe 1 que«les jugesétaientsortisdeleursaisi-ne» et qu’il allait saisir le présidentde la République «pour qu’il pren-ne les mesures qui conviennent» –en demandant en somme au chefde l’exécutif d’intervenir dans uneaffaire judiciaire.ChristianeTaubi-ra a réponduquelquesheures plustard sur France Info qu’elle «ne

comprenait pas cet appel au prési-dent: si le juged’instructionn’apasrespecté le droit, l’acte sera annulé.Les procéduresvalent pour les puis-sants et les citoyensordinaires».

L’Union syndicale des magis-trats (USM, majoritaire) a écrit àson tour lundi au chef de l’Etatpour lui demander de rappeler«qu’il n’appartient pas au prési-dent de la République d’arbitrerdans une affaire», et indique que«lesmagistratsaspirentà ceque lajustice, dans cette affaire commedans toute autre, puisse s’exercersereinement,sanspression,notam-mentdelapartdeceuxqui, commeauxiliaires de justice, devraient endéfendre les valeurs».p

Franck Johannès

france

Lesavocatsn’échappentpasàl’instructiondesjuges

MmeTaubiran’entendpas«défendrel’idéed’assurer l’impunité

àuncitoyenparcequ’ilexerceuneprofession»

FrondejudiciaireaprèslesécoutesdeM.SarkozyDenombreuxavocatsetdeséluss’indignentdutraitementréservéauconseilde l’ex-président,MeHerzog

Un juge d’instruction peut-ilordonnern’importequelleécou-te?Unjuged’instructionpeut fai-re écouter qui il veut, «lorsque lesnécessités de l’information l’exi-gent» et «si la peine encourue estégale ou supérieureà deux ansd’emprisonnement» – le traficd’influence, dont sont saisies lesdeuxmagistrates instructrices,est puni d’unmaximumde cinqansdeprison.

L’écouteest ordonnéepourunepériodemaximalede quatremois,mais peut être renouveléedans lesmêmes conditions. Il y acependantdeux restrictions: «àpeinedenullité, nepeuvent êtretranscrites les correspondancesavecunavocat relevant de l’exerci-ce de la défense», ni celle «d’unjournalistepermettantd’identifierune source».

Un avocat peut-il être cepen-dant écouté? Oui, il suffit, pourplacer sur écouteun cabinet ou ledomiciled’un avocat, que le juged’instructionen avise le bâton-nier, lui-mêmetenuau secret. Delamêmemanière, un jugepeutfaire écouter undéputéouunsénateur s’il a prévenu le prési-dentde sonassemblée, ouunmagistrat s’il l’a signalé à sonauto-rité hiérarchique.

Le juge écoute-t-il lui-mêmelessuspects?Non, le jugedélivreune commission rogatoire auxenquêteurs, policiersou gendar-mes.A chargepour euxdeneretranscrireque cequi est suscep-tibled’intéresser l’enquête. Cepen-dant, à partir du 1eravril et lamiseenœuvrede la plate-formenatio-nale des interceptions judiciaires,les juges d’instructionaurontaccès sur leur ordinateur auxmêmes fichiers sonoresque lesenquêteurs, et pas seulement auxextraits sélectionnés.

Que se passe-t-il quand un avo-cat est appelé par son client lui-même sur écoute? Ces «écoutesincidentes» sont les plus délica-tes : rien de ce qui concerne lesdroits de la défensenepeut êtreretranscrit. Le policier entendbien l’ensemblede la conversa-tion,mais il ne peut la reproduire.

En revanche, si le contenude laconversationest «de nature à fai-re présumer la participationdel’avocat àune infraction», elle faitl’objetd’unprocès-verbal. Com-me les avocatspénalistesont laplupart du tempsdes clients endélicatesseavec la justice, onconçoit que lamarged’apprécia-tion soit étroite et la tentationgranded’écouter les avocats.

Des avocats ont-ils déjà étéinquiétés en raison d’une écou-te? Les écoutes sont banales dansles enquêtes judiciaires, et les avo-cats n’y échappentpas. Le cas leplus fameuxest celui de cet avo-cat parisienqui bavardait en2002 avec son client sur écoute etse vantait d’avoir donnéquelquesprocès-verbauxauCanard enchaî-né – une violationdu secret del’instruction.Unede ses collabora-trices avait ensuite rendu compteà son client de conversations avecdes avocats d’autresmis en cause–une violation du secret profes-sionnel. Enfin, notre avocat avaitcopieusement injurié la juged’instructionen se sachantperti-nemment écouté et avait ajouté,«voilà, c’est bien fait, ça lui serarépété» – unoutrage àmagistrat.L’affaire est venue jusqu’à la Courde cassation, c’est à ce jour sonunique jurisprudence. La Coureuropéennedes droits de l’hom-medoit statuer à son tour.

Qu’adit laCourde cassation? Lachambrecriminellede la Cour decassation, le 1eroctobre 2013, a élar-gi le champd’actiondu juged’ins-truction: «Le principede la confi-dentialitédes conversations échan-gées entreunepersonnemise enexamenet sonavocat ne saurait

s’opposerà la transcriptionde cer-taines d’entre elles, dès lors qu’il estétabli que leur contenuest de natu-re à faire présumer la participa-tionde cet avocat à des faits consti-tutifs d’une infraction, fussent-ilsétrangersà la saisinedu juged’ins-truction.»Mêmesi le jugen’estpas saisi dudélit révélé par lesécoutes, elles sont légales.

Lesperquisitionschezunavocatsont-ellesautorisées?Oui, il suf-fit que soit présentun déléguédubâtonnier, prévenupar «une déci-sion écrite etmotivée» – le délé-guéne sait enpratiquepas ce quechercheexactement le juge. Seulle délégué a «le droit de consulterdes documents oudes objets»avant leur saisie,«àpeine denulli-té». MeVincentNioré, déléguédubâtonnierde Paris depuis 2008, aparticipéàune centainedeperqui-sitions etmilite pour «une contes-tation impitoyable et totale» : ils’opposeà chaquedocument sai-si, qui est alors placé sous scelléset débattudans les cinq joursdevantun jugedes libertés et dela détention (JLD). Débat «souventtronqué, estimeMeNioré, le JLDpeutmalheureusementoublierqu’il est unmagistrat du siège sta-tutairement indépendant».p

F. J.

Aucœurdusoupçon, lesagendasdel’ex-président

LACOURDECASSATIONdevait seprononcer,mardi 11mars, sur lalégalitéde la saisie des agendasdeNicolas Sarkozy, effectuéedans lecadrede la procédureBettencourt.Unedécisionau cœurde l’affairede trafic d’influencemise au jourpar les écoutes téléphoniquesopé-réesdansunautre dossier surM.Sarkozy. S’il a bénéficié d’unnon-lieu, le 7octobre2013, dansl’affaireBettencourt, l’ex-chef del’Etatdemandemalgré tout l’annu-lationde la saisie de ses agendas.

Ses conseils estimentqu’ils doi-ventbénéficier de l’inviolabilité,envertude l’article67 de laConsti-tution, relatif à l’immunitédupré-sidentde laRépublique.Al’audience, le 11février, l’avocatgénéral a livré lamêmeanalyse.

L’enjeuest d’importancepourM.Sarkozy car ces agendasnour-rissent également l’enquête surl’arbitragedont abénéficié en2008BernardTapiedans son liti-ge avec le Crédit lyonnais. Ils révè-lent l’implicationde l’ancienprési-dentdans le dossier.Ainsi, auplusfort de l’arbitrage, entremi-2007et fin 2008,M.Tapie s’est rendu22fois à l’Elysée, pour quatretête-à-têteavec le chef de l'Etat, les

autres rendez-vous étant organi-sés avec ses collaborateurs,princi-palement le secrétaire général,ClaudeGuéant, et son adjoint,FrançoisPérol.«Jen’ai rienà crain-dredesagendas de Sarkozy, et luinonplus, j’ai toujours assumémesrendez-vousavec lui à l’Elysée», aassuréM.Tapie auMonde. Parailleurs, les agendasdeM.Sarkozysont susceptiblesd’intéresserd’autres juges, notammentceuxchargésde l’affairedes sondagesde l’Elysée.

Outre la saisinedes agendasdeM.Sarkozy, la Courde cassationdevait aussi se prononcermardisur l’ensemblede l’affaireBetten-court. Les avocatsde laplupartdespersonnes renvoyéesdevantle tribunal correctionneldeBor-deauxavaient en effet forméunpourvoi contre la validationde laprocédure, le 24septembre2013,par la courd’appel. Si la juridic-tion suprême rejetait cespour-vois, comme lepréconise l’avocatgénéral, sa décisionouvrirait lavoie à la tenueduprocèsBetten-court, dont l’audiencepourraitavoir lieudès cette année.p

GérardDavetet Fabrice Lhomme

Nicolas Sarkozy, pour l’inauguration de l’Institut Claude-Pompidou consacré à la lutte contre lamaladie d’Alzheimer, à Nice, lundi 10mars. ROMAIN BEURRIER POUR «LE MONDE»

6 0123Mercredi 12mars 2014

Page 7: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

france

A ffaire Copé, affaire Buisson,affairedesécoutesdeSarko-zy… Lesmilitants UMP sont

sonnéspar la successionderévéla-tions frappant leur parti. Beau-coupqualifientleclimatdedélétè-reetredoutent lesretombéespourleurmouvementet lapolitiqueengénéral. «Cela donne unemauvai-se image du parti. Il y aura un vraiimpact, surtout sur les jeunes. Lesentiment de défiance, du “touspourris” vis-à-vis des politiquesaugmente », s’alarme FannyBrûlebois, 29 ans, consultante enmanagement et candidate en16eposition sur la liste UMP à Vin-cennes (Val-de-Marne).

«Les politiques ne sont pas touscorrompusmais c’est certainque lepouvoir est grisant et qu’il détour-ne certains hommesde leur devoir.Celaentraîneundégoûtdelapoliti-que»,analyseEmmanuelErdreich,19 ans, étudiant en droit. MêmesentimentàMarseille.«L’accumu-lation des affaires provoque desréactions sur la “crise des valeurs”dans les partis. Nos militants nousdisent parfois “ça suffit”. Tout celapeut favoriser un vote extrême»,s’inquiète Daniel Sperling,conseiller municipal UMP, qui sereprésente le 23mars.

A l’origine, on regrette la crisede leadership dont souffre le partide droite depuis le fiasco de l’élec-tion à la présidence. «L’UMP estuneunionmais on ne sait plus trèsbienautourdequi,sedésoleFannyBrûlebois.D’autresseplaignentde

ne pas avoir de chef clairementidentifié. «La division, ça n’a riendebon.Onpréféreraitavoirunchefavec qui tout le monde soit d’ac-cord!», font valoir Robert et Kari-neDonny, âgésde 53 et 40ans, quimènent campagne pourGuy Teis-sier, candidat UMP dans le 5esec-teurdeMarseille.«Ilnous faudraitquelqu’unquinousremetteunpeud’ordre dans tout ça», trancheFrançoiseGarnier, 74ans, retraitéede l’industrie pharmaceutique.

Derrière cette allusion, on sentpoindre le nom de Nicolas Sarko-zy, le champion des militants. Laquasi-totalité dénonce un «achar-nement» à son encontre. «On luimet tout sur le dos… Je ne com-prendspaspourquoion lui chercheautant de poux, alors qu’il a sauvéla France lors de la crise de 2008»,s’indigne Daniel Locqueneux,81ans,habitantàNice.PourlabaseUMP, le leadercharismatiquede ladroite est avant tout une victime.De son ancien conseiller PatrickBuisson, à qui il a pourtant ouvertles portes de l’Elysée. Des juges,qui seraient «orientés et manipu-lés». Et surtout des journalistes.

Pour les militants, pas de dou-te: lesmédias ont décidé de réglerleurscomptesavecceluiquiprojet-tedereveniràl’Elysée.«Les journa-listes sont beaucoup trop à chargecontre Sarkozy », enrage Rose-Marie Garcia, 64 ans. «Moi, je neveux pasme fairemanipuler car jene suis pas dupe de la manœuvreconsistant à créer un nuage de

fuméepourmasquerl’incompéten-cedugouvernement», affirmecet-teéléganteretraitéequiserevendi-que sarkozyste.

Frappés par les déboires judi-ciaires de l’ex-président, d’autresmilitants commencent à regarderailleurs. «Avec toutes ces affairesautour de Sarkozy, cela me pousseà m’intéresser davantage à Jup-pé», ajoute M. Locqueneux. Ceretraité de l’armée de l’air, qui a«toujoursvotéàdroite»,ditenvisa-

ger ne pas voter pour M.Sarkozyen2017«s’il yadeschosesgravesetprouvées». En proche banlieueparisienne,ClémentCosta, lui,pré-fère François Fillon dont il appré-cie la pratique du pouvoir. C’est« la seule personnalité respecta-ble», aux yeux de ce techniciensupérieur, âgé de 52 ans, alors que,selonlui,«Sarkozyafaitbeaucoupdemalà lapolitiqueàcausede sonrapport à l’argent et aupouvoir».

Certains attribuent la succes-siond’affairesrévéléesdanslapres-se au contexte électoral. «Ce n’estpas un hasard si toutes ces affairessortentenmêmetemps,jenetrouvepas cela naturel », remarque le

Niçois Jacques Bistory, 45ans. Cesupporteur de Nicolas Sarkozynote «une convergence étonnanteàquelques joursdesmunicipales».

Peu importe le tempo: un bonnombre de militants veut croireque le climat ambiant à droiten’aura qu’un impact relatif sur lesrésultats des municipales. C’est lesentiment dominant chez ceuxinterrogés à Saint-Mandé (Val-de-Marne). «L’incidence sera minimeparce que les affaires arrivent troptard pour faire changer les choixdes citoyens», estime M.Erdreich.Catherine Berteau, 59 ans, fonc-tionnaire, partage cette opinion:«Il n’y aura pas de conséquencescar les gens sont attachés à leurmaire et ils distinguent les enjeuxlocauxet nationaux.»

Le diagnostic est confirmé parles Marseillais, engagés dans lacampagne de la députée UMPValérieBoyer,en licedans le6esec-teur de la ville. «On a l’impressiond’uneaffaire trèsparisienne. Ici, lesélecteurs nous interrogent plus surdes questions de proximité. Pas surBuisson ou Sarkozy», affirme soncolistier JulienRavier.

«Le climat actuel à l’UMP peutservir marginalement le FN oul’abstention mais la droite vaquandmêmel’emporter car tout lemonde est désespéré par Hollan-de» jugeencoreM.Costa.Selonlui,le rejet de l’exécutif sera plus fortque tout.p

DeborahCoeffier,AlexandreLemarié etGilles Rof

NiceEnvoyé spécial

N icolas Sarkozy veut ren-voyerune imagede séréni-té dans la tempête. Après

une semaine éprouvante, l’ancienprésidentn’apasvouluapparaîtreaffecté par les affaires, lun-di10mars, à Nice, lors de l’inaugu-ration de l’Institut Claude-Pompi-dou, un centre consacré à lamala-die d’Alzheimer.

Accompagné par BernadetteChirac, en tailleur sombre et avecses lunettes noires légendaires,celui qui projettede seprésenter àla présidentielle 2017 n’a pas com-menté les soupçons de trafic d’in-fluenceetdeviolationdusecretdel’instruction qui pèsent sur lui etpourlesquelsilaétéplacésurécou-te, commel’a révéléLeMondeven-dredi 7mars. Cernépar les juges, iln’apasnonplus réagi auxenregis-trements réalisés par son ancienconseiller PatrickBuisson.

«Il n’a pas envie de s’exprimersurcesujetpournepasseretrouversur la défensive», confie un cadreUMPlocal. Pasquestiondedonnerune imagede fébrilité aumomentoùil subit le tempod’uneactualiténégative.Lapreuve:NicolasSarko-zy n’a pas modifié son agendadepuis la révélation des soupçonspesant sur lui. Avant ce déplace-

ment à Nice, il s’est rendu vendre-di soir à Genève au concert de sonépouse Carla Bruni, où il est appa-ru tout sourire. Mardi 11, il devaitse rendre à un autre concert de safemme, cette fois à l’Olympia, àParis.

«Je ne rentre dans aucune polé-mique, vous l’avez bien compris»,a-t-ilaffirmédèsledébutdesondis-cours d’inauguration de l’institut,qui a duréune dizaine deminutes.Pas de polémique, mais des allu-sions appuyées pour appeler au«respect» de sa personne. Se met-tant dans la peau d’un maladeatteint d’Alzheimer, Nicolas Sarko-zyafaitminedes’interrogersurunton solennel: «Est-ce qu’on préser-veramadignité?Est-cequ’onm’hu-miliera? La question essentielle,c’estlerespectqu’ondoitàtouteslespersonnes, à tous les âges, en parti-culierquandelles sontmalades.»

Arrivévers12h30dansunevéri-table cohue, l’ex-président s’estcontenté de saluer ses suppor-teurs, venus en masse. Il s’estoffert plusieurs bains de foulepourmontrerqu’ilrestetrèssoute-

nu par les électeurs de droite –dont il est le candidat favori pour2017, selon les sondages. Pour sapremière apparition publiquedepuisledéclenchementdel’affai-reBuissonetdecelledesécoutes, iln’a pas caché son plaisir d’êtreacclaméparlesprèsde200sympa-thisantsUMPprésentsetscandant«Nicolas, Nicolas !». «Ce matin,j’avais le sentiment d’être si bienentouré», s’est-il réjoui à la tribu-ne aux côtés du maire de la ville,Christian Estrosi, et du présidentduconseil généraldesAlpes-Mari-times, Eric Ciotti.

Si l’ex-président a affiché ungrand sourire et une certaine séré-nité devant les militants niçois, ilest toutefois apparu plus tenduque lors de ses derniers déplace-ments donnant lieu à une «cartepostale» aux Français. «Il est trèsremonté», affirme un de ses pro-ches. Visage fermé et mâchoiresserrées pendant les discours desautres élus sur l’institut, NicolasSarkozya semblépréoccupé.

L’ancienchefde l’Etat a tout faitpour éviter les journalistes. Il arepousséde lamain lesmicrosdeschaînes de télévision qui se ten-daient vers lui et n’est pas venuéchangerunpetitmotaveclapres-se. Silence radio. Pour être certainde ne pas croiser des médias, sonitinéraire de l’aéroport au centrede Nice a même changé trois foisdans lamatinée.

En privé, il ne cache pas sa colè-re. Selon Le Parisien de same-di8mars, il s’estdit«sidéré» aprèslesrévélationsd’écoutes leconcer-nant, lui et son avocat ThierryHerzog. «Mettre sur écoute unancien président de la République,c’estgrave,trèsgrave. Il fautdebon-nes raisons. Ce ne sont pas desméthodesnormales», aurait-ilain-si confié vendredi à un ami.

Soucieux de ne pas s’exposerlui-même aux attaques de la gau-che,NicolasSarkozya laissé le soinà ses partisans demener la ripostedans lesmédias. Depuis vendredi,les sarkozystes se relaient pourdénoncer un «acharnement» desjuges et de la presse, afin d’empê-cher son retour. Certains n’hési-tantpasàaccuser lepouvoir socia-liste d’être à la manœuvre. Unemanière de victimiser l’ancienchefdel’Etatdansl’espoirdesusci-terunréflexedesolidaritédesmili-tantsUMPà sonégard.

EnSarkozie,onsefélicitedusou-tienapportéparplusieursavocats,se disant indignés des écoutes quivisent les conversations de l’ex-président avec son avocat. Resteque la séquence laisse des tracesdansl’opinion.Pour44%desFran-çais, les dernières affaires concer-nant Nicolas Sarkozy ont unimpact négatif sur son image,selon un sondage IFOP pour LeJournal dudimanche.p

AlexandreLemarié

LeDictaphoneaenregistrél’entouragedel’ex-chefdel’Etat«àl’insudePatrickBuisson»

«Jenecomprendspaspourquoionluicherche

autantdepoux»Daniel Locqueneux

retraité niçois

Lors du déplacement deNicolas Sarkozy à Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime), le 30janvier. XAVIER LÉOTY/AFP

PourlesmilitantsUMP,lapresserèglesescomptesavecl’ex-chefdel’EtatASaint-Mandé,NiceouMarseille, labasedupartidedroite s’agacede laséried’affaires

«Est-ce qu’onpréserverama

dignité? Est-ce qu’onm’humiliera?»

NicolasSarkozylors de l’inauguration d’uninstitut Alzheimer àNice

Danslatempête,NicolasSarkozytestesapopularitéauprèsdesessupporteursEndéplacementàNice lundi, l’ex-présidentn’a rienditdesesdémêlés judiciaires

S i l’onn’ignoreplus les plai-santeries échangées entreNicolas Sarkozy et Carla Bru-

ni aupavillonde laLanterne, sil’onsait désormais tout lemalqueJean-MichelGoudard, le conseilleret amide l’ex-chefde l’Etat, pen-saitdecertainsministresdugou-vernementdeFrançoisFillon,c’est la fautede la technologie.

LeDictaphonedePatrickBuis-sonse seraitdéclenché«à soninsu», a affirmé, lundi 10mars,sonavocat,Me Gilles-WilliamGoldnadel,devant le tribunaldegrande instancedeParisquijugeait l’ex-conseillerde l’Elyséepourviolationde lavieprivée.Celui-ci faisait l’objetdedeuxpro-céduresdistinctes,de lapartde

M.GoudardetducoupleSarkozy,liéesà lapublicationde cesenre-gistrements, le 5mars,par le siteAtlanticoet leCanardenchaîné.

«Graviers»«Ce dictaphone se déclencheà

la voixhumaine. Les proposontété enregistrésà l’insude PatrickBuisson», aplaidéGilles-WilliamGoldnadel, en soulignantpourpreuvede la bonne foi de sonclientque, dans ces enregistre-ments,«on entendaussi les gra-viers». «Patrick Buissonnepeutpas être poursuivi car il n’est enrien responsablede la publicationde ces enregistrementsqui lui ontété dérobés et dupréjudice indé-niable qu’ils ont causé. Il est victi-

meaumême titre que les épouxSarkozy.»

Paravocats interposés, ceux-ciavaient fait savoir justeavanttout lemalqu’ilspensentdésor-maisde l’ancienconseillerdupré-sident.«PatrickBuissonamenti. Ilméprise ceuxqui lui ont fait laconfiancede lui offrirunposte deconseiller.Qu’ya-t-il deplusgravequece comportement? Il a ajoutél’amoralitéà l’immoralité, la per-versitéà ladéloyauté»,a indiquéMe ThierryHerzog, l’avocatdeNicolasSarkozy, ajoutantà l’inten-tionde sonconfrère:«Vous ledirezàvotre clientde lapart deceluique je représente…»

Me RichardMalka, qui assuraitla défensedeCarlaBruni-Sarko-

zy, s’en était pris lui aussi trèsdurementàM.Buissonen souli-gnantque, par ses agissements, ilavait commis «undélit contre lacivilité et undélit contre la civilisa-tion». «Peut-être est-il atteint dedictaphomanie.Mais le seul faitd’écouter et d’enregistrer est inad-missible», a observéMe Malka, endemandantau tribunaldecondamner l’ancien conseiller à30000 euros au titre dupréjudi-ce subi par sa cliente.

«Société orwellienne»Mais l’enjeude l’audience

dépassait largement le sort dePatrickBuisson. Il vise à obtenir,comme l’a soulignéMe Malka,«unedécisionde principe» sur la

violationde la vie privée.Dénon-çantune «société orwellienneoùl’on estimeque tout lemondea ledroit de tout savoir sur tout»,Me Malkaa appelé les juges àconfirmer la définitionextensivede la vie privéedonnéepar laCourde cassationen 2011 dansl’affairedes enregistrementsBet-tencourt, selon laquelle«consti-tueuneatteinte à l’intimitéde lavieprivée quene légitimepas l’in-formationdupublic, la captation,l’enregistrementou la transmis-sion sans le consentementde leurauteurdes paroles prononcéesàtitreprivé ou confidentiel».

C’est au contraire cet intérêtdupublic à être informéqu’ontplaidé les avocats duCanard

enchaînéet d’Atlantico. L’avocatdu site,Me BasileAder, a estiméque, par leur diffusion, les enre-gistrementsdePatrickBuissonavaientpermisde révéler un«énorme scandale»dont «l’inté-rêt général»devrait l’emportersur la protectionde la vie privée.

LeCanarda, pour sapart, trans-mis au tribunal la totalité desenregistrementsen sa possessionpourqu’il juge par lui-mêmedelapertinencedes choixqu’il aopérésdans sapublication.

Ladécisionétait attenduemar-dimatinpour laprocédure inten-téeparM.Goudard, et vendrediaprès-midipour celle du coupleSarkozy. p

PascaleRobert-Diard

70123Mercredi 12mars 2014

Page 8: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

Portrait

Q ui l’eût cru ? Impensableencore il y a quelquesannées, et même ces der-

niersmois, la tendancene cessedese préciser: Laurent Fabius jouit ànouveau des faveurs de l’opinion.Deux enquêtes viennent de leconfirmer. Dans l’une, celle del’IFOP pour Le Journal du Diman-che, mesurant l’indice de satisfac-tion des Français à l’égard desministres, M.Fabius (61%) devan-ce son très populaire collègue del’intérieur, Manuel Valls (53%).Dans l’autre, celle de BVA pour LeParisien, il est ladeuxièmeperson-nalité de gauche la plus appréciéederrière M.Valls, 63% des sondésjugeant qu’il est un bon ministredesaffairesétrangères.Divinesur-prisepour lepatronde ladiploma-tie française,mal-aimépuisoubliédes baromètres de popularitédepuisprès de deuxdécennies.

De mémoire de socialiste, l’onn’avaitpasvutel retourd’affectiondepuis l’époqueoùM.Fabius, alorsau sommet de sa popularité, deve-naitle«plusjeunepremierministredeFrance».C’étaitilyaexactementtrenteans.Ironiedel’histoire:dansle marasme sondagier qui frappel’exécutif, et à l’heure du remanie-ment, il fait partie des hypothèsescrédibles pour Matignon. «C’est lastratégiedusaumonquiremontelarivière, résume un dirigeant du PS.Il fait un sans-faute sur la politiqueinternationale, il prend soin d’êtrediscretetdenepastirer lacouvertu-reàluiet ildonneàFrançoisHollan-deunestatureôcombiennécessairedans ce moment de déconvenuepolitique.Aujourd’hui, il figurepar-mi lespapabiles.»

Laurent Fabius, retour vers lefutur?A67ans, lenumérodeuxdugouvernement,dans l’ordreproto-colaire,atropdemétierpourparaî-tre s’émouvoir de ce soudain inté-rêtpoursapersonne.«Jem’occupedemondomaine.Jeconnaislafragi-lité de tout cela, je l’ai expérimentéplusieurs fois dans ma vie», indi-que-t-il au Monde. Reste que per-sonne,ycomprisparmises fidèles,n’osait espérer un tel rebond de lavaleur Fabius à la bourse de l’opi-nion.«Celaprouvequ’enpolitique,iln’yapasdecasdésespéré», philo-sophesonvieilami,ledéputéeuro-péen Henri Weber, qui voit là laconfirmation que dans ce secteurd’activité, tout est affaire de«constance et de circonstances».

Ceserait,àencroiresescontemp-teurs, la morale de l’histoire :M.Fabius tient la distance, et ledécalagehoraire. L’équivalentd’untour du monde par mois depuis

son arrivée au quai d’Orsay, soit 21au total, 130 déplacements dans55 contrées, 6 voyages en Chine: lagarantie d’une certainehauteurdevues. «La France a actuellementune position forte, c’est incontesta-ble, assure M.Fabius. Notammentaux Etats-Unis. Nous avons de bon-nes relations avec la quasi-totalitédes pays et renoué des relationsavec ceux avec lesquels la Franceétait en froid : Algérie, Turquie,Japon,Pologne.»

A l’en croire, le bilan est globale-mentpositif. «J’ai défini avec Fran-çoisHollandequelsétaientlesobjec-tifs de notre diplomatie à long ter-me: la sécurité, la planète et le cli-mat, la relance et orientation euro-péenne, le redressement économi-que. Il y a eu à faire face à une sériede crises plus ou moins longues,syrienne, libyenne, ukrainienne»,quil’ontvuafficheràmaintesrepri-ses sa complicité avec John Kerry,«un homme intelligent, de grandevaleur. Nous avons de bonnes rela-tionsavec lesAméricains,mais c’estvrai que la dimension personnellejoue», souligne-t-il.

Professionnel confirmé de lapolitique et de l’Etat,M.Fabius, auquai d’Orsay, a su reconstituer ses

positions, grignoter du terrain.Autant que le «ministre des cri-ses», il seveutle«ministredelacri-se», féru de diplomatie économi-que, passionnépar la «remuscula-tion industrielle », soucieuxd’«innovation»etde«compétitivi-té». Le message est limpide: l’exde Matignon et de Bercy peutjouer tous terrains. «On a besoinde transversalité, de recul, de per-

sonnalités qui ont à la fois uneconnaissance de fond des dossierset une surface politique solide. Etquand vous faites le tour, il n’y apas 35000 personnes, plaide sondirecteurdecabinetAlexandreZie-gler. Dans la tempête, on a besoindemarins de qualité.»

Son ancienneté l’handicapait.Son expérience le propulse. Dansun gouvernementde novices et devedettes habituées aux coupsd’éclat,que Jean-MarcAyraultn’est

jamais parvenu à cadrer, le minis-tre des affaires étrangères, quientretient d’excellentes relationsavec son prédécesseur UMP AlainJuppé, affiche le calme des vieillestroupes.Leplanmarketings’impo-se: c’est celuide lavaleur sûre.

«Fabius, c’est les trois C : carré,concret,collectif», résumesonlieu-tenant au parti, GuillaumeBache-lay, député de Seine-Maritime.«C’est une prime au professionna-lisme, vante HenriWeber. Son sec-teur est parfaitement tenu, il y azéro couac et tout se passe en bon-ne intelligence dans la chaîne decommandement.L’opinionperçoitetsalued’autantplusceprofession-nalisme qu’il y a du contraste.D’autres, au sein de ce gouverne-ment, ontunprofil plus amateur.»

Etvoicicommentl’onconstruit,surfonddetempstroublés,unpré-tendant crédible à Matignon. L’in-téressé, pour sa part, dément toutappétit. « Je suis très bien là où jesuis», répète M.Fabius. Ses amisjurent qu’il est sincère. Tel minis-tre, cependant,n’y croitpas :«Biensûr qu’il pense à Matignon, mêmes’il dit le contraire. Fabius est quel-qu’un qui n’abandonne jamais». Ilavait, à la findes années2000,mis

de côté son ambitionprésidentiel-le qui l’avait porté pendant deuxdécennies. M. Fabius, au fond,connaît trop les vicissitudes de lacompétition politique pour s’ima-ginerdeslendemainsprimominis-tériels qui chantent.

«Matignon,celane luidéplairaitpas, d’autant qu’il ne s’estime pasêtre le plus mauvais pour dévelop-per la politique actuelle de Hollan-de, celle qu’il voulait développer en1984,etcalmerlesardeursdecesjeu-nes gens du gouvernement, dia-gnostique un vieux routier de laruedeSolférino.Maisilestsuffisam-ment averti des réalités du combatpolitique pour savoir que cela nedurerait pas, que le moment estd’une difficulté absolue et qu’à pei-ne installé on gloserait sur son âge,sur son côté has-been, on revisite-rait quelques méchantes affairescommelesangcontaminé,onobser-verait de près son filset on n’auraitde cessede l’opposerauprésident.»

Dans l’opposition, LaurentFabiustenaitenpiètreestimepoli-tique François Hollande, qu’ilaffrontapendantdes annéesà Sol-férino.Aupouvoir, il s’attacheà luirendre service et à faire le job, sansheurtsetsansreproche.«Lesobjec-

tifs sont clairs, je suis totalementloyal,martèleM.Fabius. J’essaiedefaire les choses lemieuxpossible etj’évite la polémique politicienne.»Certes, au chapitre du manage-ment de l’exécutif, l’ancien chefdu gouvernement n’en pense pasmoins. «Il considère que tout celan’est pas tenu, que la gestion deséquipeset lemodedegouvernanceposent un problème, confirme unproche. Mais il s’interdit d’expri-mertouteopinion.»L’accordpoliti-que Hollande-Fabius résiste auxsecousses.Deleurentretienhebdo-madaire dumardi matin, à 8h30,et de leurs nombreux tête-à-têtedans l’avion du président, lors desvoyagesofficiels, rienne filtre.

« Je n’ai pas une obsession decela, mais c 'est important, dans lapolitique au plus haut niveau, depouvoirémettredesidées, lesmodi-fier le cas échéant sans que ce soitperçu commeune erreur, poursuitleministre.C’est importantdepou-voir frotter sa cervelle contre la cer-velle d’autrui sans conséquence.»

En février, à l’occasion de cedéjeuner à la questurede l’Assem-blée, il a expliqué à ses fidèles :«Au risque de vous décevoir, je suistrès satisfait de ma responsabilitéactuelle et je compte l’exercer uncertain temps encore».

Leconseillerd’unministreréga-lien, jaloux sans doute, relativisele bilan : «La vérité, c’est que cen’estpasuntrèsgrandministredesaffairesétrangères. Il nemetpas samaison en tension, il a une formed’approximation sur un grandnombre de sujets et est totalementabsent sur l’Afrique.Mais formelle-ment, il incarne pour les Françaisune forme d’expérience, d’autoritéet d’aplomb que n’ont ni ses collè-gues, ni Hollande et Ayrault. S’il vaà Bruxelles avec le président entant quepremierministre, onva sedemanderqui est le président…»

C’est pourquoi, au fond, Mati-gnonresteunehypothèseimproba-ble.«S’il fautyaller, il ira,estimeunparlementaire.Maissonpariprinci-pal, c’est de durer et de marquerdurablementlapolitiquediplomati-que de la France, d’être à Hollandece que Couve de Murville fut àDeGaulle.» Inscritdans ladurée.p

DavidRevaultd’Allonnes

GOUVERNEMENT

PierreMoscovicisevoitunavenireuropéenLeministre de l’économie et des finances, PierreMoscovici, assu-renepas se sentir visé par unpossible remaniementgouverne-mental. Il estime cependant«pas totalement illogiques» lesrumeurs le donnantpartant pourunpostede commissaire euro-péen.Michel Barnier écarté de la course à la présidencede laCommission, il jugequ’unposte de commissairedoté d’un«grandportefeuille économique» lui irait bien, surtout s’il cumu-lait cette fonction avec celle de présidentde l’Eurozone. p

JUSTICE

Pollutiondel’air:deuxONGdéposentplaintecontreXDénonçant l’inactiondespouvoirspublicsdans la lutte contre lapollutionde l’air, deuxassociationsEcologie sans frontière (ESF) etRespire,devaientdéposerplainte contreX,mardi 11mars, pour«mise endangerd’autrui», auparquetdeParis.Malgré le classe-mentde lapollutioncomme«cancérogènecertain»par l’OMS, laFrancene respectepas lesnormeseuropéennes,notammentenmatièred’émissiondeparticules fines.«LeCodepénal condamnetout faitd’exposerdirectementautrui àun risque immédiatdemortoudeblessuresgraves.Or ce risqueest clairementétabli,expli-queNadirSaïfi, vice-présidentd’ESF. La sénatriceEELVdeParisLei-laAïchi ademandé lundiunecommissiond’enquêteparlementai-re sur lapollutionde l’air.p Laetitia van Eeckhout

CannabisLeCSA saisi sur «Plus belle la vie»LaMission interministériellede lutte contre ladrogueet la toxico-maniea saisi leCSAaprèsunépisodede«Plusbelle lavie», diffuséle 3mars surFrance3,montrantcomment réaliserun joint.– (AFP.)

france

LecandidatduFNàParis,WalleranddeSaint-Just,renvoiedosàdosl’UMPetlePSInaudibledans lacapitale, lepartid’extrêmedroiteestpourtantcréditédeprèsde 10%desvoix

LaurentFabius,retourverslefuturDansungouvernementdenovices, l’expériencede l’ex-premierministredevientunatout.Et luivautunepopularité inattendue

L a conférence de presse du FNvient de se terminer, lundi10mars, dans un grand hôtel

près de Bercy, et Wallerand deSaint-Just, le candidat à la MairiedeParis, se promène avecunepoi-gnée de tracts. Il distribue et com-mente. «Vous voyez, là, c’est YannWehrling, l’ancien Vert qui est surla liste de Philippe Goujon [maireUMPdu15e].Vousn’avezpasenten-du mon formidable jeu de mots?C’est l’alliance du goujon et dulapin, ha, ha, ha!»

Le frontiste, candidatdans le 15e,où se présente aussi AnneHidalgo(PS), dénonce l’attelage formé aveclemaire sortant, très conservateur.Sur la photo, M.Wehrling, désor-maisauMoDem,s’afficheavecBer-trand Delanoë lors de la Gay Pridede2005.Effaré,M.deSaint-Justrap-pelle qu’il a pris position pour laPMA (procréation médicalementassistée) et la GPA (gestation pourautrui) et appelé à voter Hollandeen2012.

Mais aux côtés de MarineLe Pen, il a concentré ses attaquescontrelesdeuxprincipalescandida-tes.Acelledeladroite,NathalieKos-ciusko-Morizet, qui a pour thèmesdeprédilectionlafiscalitéetlasécu-rité, il a reprochédecopier sonpro-pre programme: «Quelqu’un a dûlui dire: regardez le programmeduFN sur la fiscalité.» Il a qualifié tou-tes ses propositions de «fantaisis-tes».Pourcelledelagauche,ilacriti-qué lamultiplication«parquatre»deladette,«lagabegiedelaPhilhar-monie» et ironisé sur son refusd’unseconddébat:«Lafavoritedessondages ne veut pas se mettre endanger. (…) Nous, tous nos lacetssontnoués.Nous sommesprêts.»

Est-ce si vrai ? Quelle sincéritéaccorder à Mme Le Pen, bonne ora-trice, quand elle le complimentelonguementpour sa campagneenlisantsesnotes?Et lorsquelaprési-denteduFN lance:«Il animevingtlistes sans qu’il y ait eu lamoindrefriction», l’intéresséfaitunepetite

moueetsamainpivote,poursigni-fier «couci-couça». Le fait est queM.de Saint-Just n’a pas mené unecampagnetrèsaudiblealorsque leFN est crédité, de façon exception-nelle à Paris, de scores proches de10%. A l’élection présidentielle de2012, Mme LePen pouvait considé-rer ses 6,20% (61500 voix) com-me une bonne performance, tan-disquesonpèren’avaitpasatteintles 5%en 2007dans la capitale.

«Tomates»Maispourboxerlesdeuxprinci-

pales candidates, la présidente duFN n’a pas eu besoin de notes.«Elles naviguent dans des zonescoupées de la réalité, comme lestomates qu’on fait pousser sur dupolystyrène», a assuré MmeLe Pen.Elle a brocardé NKM, « l’anciennemaire de Longjumeau, en Essonne,délocaliséeàParispourseconstrui-re un avenir» et sonprojet de cou-vrir lepériphériquequi«achèverade ruiner la capitale». AMme Hidal-

go, elle a reproché son projet del’avenue Foch, mettant les deuxcandidates dans le même sac :«C’est le concours Lépine de la pro-position la plus farfelue. Le BHVplus la fête àNeuneu.»

Mme LePen a conclu sur les affai-resqui ont secoué l’UMP,«cemou-vement totalement pourri de l’inté-rieur», des enregistrements dePatrickBuissonauxécoutesordon-nées envers Nicolas Sarkozy et sonavocat Thierry Herzog. L’avocate apris la défense de l’ex-président:«Le droit doit être respecté. Je suisun peu étonnée d’écoutes quidurentunan.»

Elle a surtout attaqué la gardedes sceaux: «Taubira, c’est sûr quece n’est pas en ayant pris des coursde terrorismeavec sonmari, ou descours d’indépendantisme, qu’ellepeut s’y connaître sur les contoursdu secretprofessionnel.»Toutes lestêtes de liste du FN à Paris ontbruyammentapplaudi.p

BéatriceGurrey

«Fabius,c’estlestroisC:carré,concret,collectif»GuillaumeBachelay

député PS

«Aurisquedevousdécevoir, jesuistrèssatisfait

demaresponsabilitéactuelle»

Laurent Fabius

Leministre des affaires étrangères à l’Elysée avec le chef de l’Etat, le 7mars, lors d’une réunion sur la situation enUkraine. BRUNO LEVY/DIVERGENCE

8 0123Mercredi 12mars 2014

Page 9: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

france

MarseilleCorrespondance

B ien sûr que nous allons accé-lérer ! Il reste quinze jourspour changer le destin de

notreville.»Laparoleseveutdéter-minée.Mais le regard laisse planercommeundoute.Assisàlaterrassed’un bar du Vieux-Port, quelquesminutesavantdeprendrelaparoleà la tribuned’un inéditmeetingenplein air, dimanche9mars, PatrickMennucci semble s’interroger.

«Je suis encampagnedepuisdixmois», lâchait le candidat PS-EELVà la mairie de Marseille en milieude semaine précédente, commepour excuser une certaine lassitu-de. « J’ai détaillé un programmetrèscomplet,expliquémesproposi-tions… Que puis-je faire d’autrecontre un adversaire qui refuse ledébatet l’affrontementdes idées?»

De fait, le maire sortant UMPJean-Claude Gaudinmène sa cam-

pagne à un train de sénateur. Ilesquive la confrontation directeavant le premier tour, table sur sapopularité,bienréelle,et lerejetdugouvernement socialiste pourdécrocher son quatrième mandatsuccessif. Une tactique de vieuxroutier face à laquelle PatrickMen-nuccipeineàenflammerl’élection.

Dimanche sur le Vieux-Port, ledéputéPSadûchanger l’amorcedeson discours. La «foule immense»qu’il avait prévu de saluer en arri-vant sur l’estradedos à lamer, s’esttransformée en «grand rassemble-ment». En cette journée propice àune balade dans les calanques, unmillierdepersonness’étaientmobi-lisées au centre-ville pour ce queM.Mennucci définissait lui-mêmecomme«un testdepopularité».

Mais ni les drapeauxverts EELVet ceux, multicolores, du «Nou-veaucappourlesMarseillais»,nilachorégraphie finale improviséepar toutes ses têtes de liste sur le

tube de Stromae, Papaoutai, nesont parvenus à euphoriser l’ins-tant. «Les gens auraient sûrementaimé venir en transports en com-munouenvélo,maisdans cettevil-le, à cause de Jean-Claude Gaudin,ce n’est pas possible», a tenté ledéputé européenEELVKarimZéri-bi, invité à s’exprimer à la tribune,comme l’ex-vice président duMoDemJean-LucBennahmiaset lajugeLaurenceVichnievsky,derniè-re arrivéesur les listesMennucci.

«C’est difficile de faire massedans l’immensité du Vieux-Port»,lâchait un conseiller municipal,pas convaincu par l’initiative. «Onpayelesdéchiruresdesprimaires, lalutte pour la constitution des listes,la candidaturede PapeDiouf… Il vafalloir qu’on trouve quelque chosedans les quinze jours.»

Avant d’aller haranguer sestroupes, Patrick Mennucci a prisconnaissance de la dernière étudeBVA. Réalisée du 5 au 8marsauprès de 1010 personnes, elle ledonne battu sur l’ensemble de laville dans une triangulaire ausecondtour.Sixpointsderrière les45% de Jean-Claude Gaudin, avecunFrontnational à 16%.

Cette estimation – la plus mau-vaise pour lui depuis le début de lacampagne–n’apasdéprimélecan-didat PS, car le sondage confirmeaussi ceque trois autresétudesontdéjàannoncé: la gaucheremporte-rait le 3e secteur, territoire clé pourespérer gagner la ville. LaministreMarie-Arlette Carlotti s’y impose-

rait avec deux points d’avance surle sénateuretmaire sortant, BrunoGilles, avec 44% pour le PS, 42%pour l’UMPet 14%pour le FN dansunetriangulairedeplusenplusévi-dente.«Onsaitqueceseraextrême-ment serré,balaieM.Mennucci.Onvoit bien, quand on téléphone auxgens, qu’une bonne partie ne nousestpas favorable.»

La recette de la droiteLundi 10mars, alors qu’un son-

dagede l’IFOPconfirmeque l’autresecteur décisif de la ville – le 6e –peut basculer à gauche, les respon-sables socialistes se sont réunisafin de finaliser un plan d’attaquepour les deux semaines avant lepremiertour.Pourcettephasedéci-sive,plusquestiondevoirlesminis-tresdugouvernementAyraultdéfi-lerdanslaville,commeendébutdecampagne: «Nous parlons deMar-

seille aux Marseillais», assure-t-ondans l’état-majorsocialiste.

Jeudi, PatrickMennucci présen-tera le programme détaillé des sixpremiers mois de son mandat s’ilest élu. «Ça ne sert à rien de tapersurGaudin,assure-t-il, il fautparlerdu projet. Pour l’instant, dans mespropositions, les gens n’ont retenuque la vente du Stade-Vélodromeou l’annulation du “fini-parti”»,l’usage qui permet aux éboueursdedébauchersitôtleurtournéeter-minée.Education,sécurité,propre-té : les thèmes prioritaires ont étéredéfinis à l’aune des sondages. «IlfautmontrerqueMarseilleseragou-vernée», insiste le staff rapproché.

«On bosse, on fait beaucoup dechosesquevousnevoyezpas,assu-reYvesBotton,quidirigelacampa-gnedeM.Mennucci.Porte-à-porte,phoning…Nous sommes dans unemobilisation secteur par secteur,

comme pendant les primaires.Tous les soirs,enplusdecequepeu-vent organiser les candidats, unedizaine de personnes appellent lesélecteurs.»

Alors que le PS et ses alliés cher-chent à passer la vitesse supérieu-re, ladroitesuitsesrails. Lundisoir,M.Gaudinparticipaitàunmeetingchez son ex-concurrent, le députéUMP Guy Teissier, rallié contre lapromesse – déjà faite à RenaudMuselier en 2008 – de présider lacommunauté urbaine. Salle bon-dée, ambianceélectrique, colistiersavec l’écharpe bleue autour ducou… La recette fonctionne. «Pour-quoi voudriez-vous qu’on chan-ge?»,s’amuseundesconseillersdeM.Gaudin. «Le maire dit toujoursqu’uneélection segagnegrâceàuncourant porteur… Là, on sent tousque le vent soufflepournous.»p

Gilles Rof

“LA PREMIÈRE GRANDE NUIT D’AMOUR VIRTUEL AU CINÉMA.”PSYCHOLOGIES

“BRILLANT, ENVOÛTANT ET ORIGINAL. SPIKE JONZE EST UN VISIONNAIRE.”ROLLING STONE

“DEVANT CETTE MERVEILLE, DE BATTRE NOTRE CŒURNE POUVAIT PLUS S’ARRÊTER.”

★★★ - LE FILM DU MOIS - PREMIÈRE

“DRÔLE ET VIRTUOSE.”LES INROCKUPTIBLES

CRÉD

ITSNO

NCO

NTRA

CTUELS

PatrickMennucci sera le premierinvité, le 12mars, de l’émission«Tapie semet à table», diffuséesur le site Internet deLa Proven-ceet animéeparBernardTapie,le nouveaupropriétaire du jour-nal. Etonnant,quandonse rappel-le que ledéputéPSademandéunecommissiond’enquêteparle-mentaire sur le rachat duquoti-dienpar l’hommed’affaires, etqueson intervieweurd’un soir l’a

traité en retourd’«âne bâté duSud».«Je me suis beaucoupinterrogé sur ma participation,mais je ne voulais pas donner lesentiment que je me dérobais»,assurePatrickMennucci. Lesautres candidats Jean-ClaudeGaudin (UMP), StéphaneRavier(FN), Jean-MarcCoppola (Frontdegauche) etPapeDiouf («LeSursaut») ont aussi été invités àparler avecBernardTapie.

AMarseille,PatrickMennuccichercheunsecondsouffleLecandidatPSneparvientpasàsusciterd’enthousiasmepourl’élection, tandis l’UMPJean-ClaudeGaudin fait campagneaminima

Mennucci-Tapie, la paix?

Aumarché deNoailles, àMarseille, lundi 10mars. CLAUDE PARIS/AP

90123Mercredi 12mars 2014

Page 10: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

Mercredi 12mars à 20h30

Pascal CANFINInvité de

Emission politique présentéepar Frédéric HAZIZA

Avec :Françoise FRESSOZ, Sylvie MALIGORNE et Marie-Eve MALOUINES

sur le canal 13 de la TNT, le câble, le satellite, l’ADSL, la téléphonie mobile, sur iPhoneet iPad. En vidéo à la demande sur www.lcpan.fr et sur Free TV Replay.

www.lcpan.fr

Et

A lorsquelescampementsilli-cites de Roms sont devenusunsujetrécurrentdecrispa-

tions politiques, c’est dans unerelative discrétion, lundi 10mars,qu’uneconventionentrelegouver-nement et la société d’économiemixte Adoma (ex-Sonacotra), spé-cialisée dans le logement des plusdémunis, a été signée, afin d’aiderà larésorptiondecequ’ilestdésor-mais convenu d’appeler des«bidonvilles».

A deux semaines des électionsmunicipales, ce changement n’estpas que sémantique. Il révèle unenouvelleapproche.Alorsque,sousNicolas Sarkozy, les Roms étaientd’abord considérés comme desmigrantsensituationirrégulièreàexpulsers’ilsn’étaientpasautono-mes financièrement – soit uneapplicationstricte de la législationeuropéenne en matière deséjour–, la gauche semble de plusen plus considérer qu’il y amoinsun problème d’immigration àrégler quede logement.

En signant ce nouveau partena-riat pour trois ans avec Adoma, legouvernements’alignesuruneana-lysedéfendueparlemondeassocia-tif :celleselonlaquellelaproximitégéographique entre la France, laRoumanie et la Bulgarie risque demaintenirlongtempsdesbidonvil-les aux abords des grandes agglo-mérations.Unesituationsourcedetensions multiples à laquelle il

conviendrait mieux de mettre finen relogeant progressivementleursoccupants.D’autantqueceux-cineseraientpasplusde20000enFrance, soit 3000à4000familles.

La convention entre l’Etat etAdoma a un double objectif. D’uncôté, il s’agitdemobiliser l’experti-se de la société d’économiemixteafin qu’elle joue un rôle de coordi-nateur dans l’accompagnementsocial desRoms.De l’autre, il s’agitdemettreàprofit lavacance struc-turelleduparcd’Adoma,de l’ordrede 1000 logements sur 70000,afin de reloger progressivementdes familles volontairespour inté-grer desprogrammesd’insertion.

Un financement handicapantLe modèle en la matière vient

de Lyon, avec le travail mené parl’association Forum Réfugiésdepuis2011,danslecadred’unpro-gramme appelé «Andatu». Grâceà une bonne coordination avec lesbailleurs sociaux, 400Roms ontobtenuun titre de séjour, un loge-ment, des cours de français et unaccompagnementvers l’emploi.

Le partenariat entre l’Etat etAdoma, piloté par le ministère dulogement, s’inscrit, lui, dans lecadre d’une circulaire publiée enaoût2012. Ce texte était censémieuxencadrer les évacuations etfavoriser l’intégration des Roms.Maisunanaprès,Matignonadmet-tait que sonbilan étaitmaigre.

Principal problème invoquépar les acteurs de terrain: leman-que de logements, surtout en Ile-de-France où se situent les deuxtiers des Roms. Sous l’effet dudroit opposable au logement et dela rénovation des quartiers sensi-bles, lenombredepersonnesprio-ritairesaurelogementaexploséetle parc social est saturé. Quandune évacuation est programmée,l’Etat n’a souvent plus à proposeraux Roms – comme l’impose lecode de l’action sociale– que quel-ques nuitées d’hôtel. Or ces hôtelssont souvent situés en lointainebanlieue, loin des transports, loindesécoles, etonnepeutycuisiner.Beaucoup de Roms ont donc finipar préférer dormir dehors plutôtquede les accepter.

Pour tenter de sortir de cetteimpasse, le gouvernement a, enplus d’Adoma, missionné depuisseptembre2013unsous-préfetspé-cialementchargédusuividescam-pements illicites à la préfectured’Ile-de-France. Jérôme Normanddoit notamment piloter les «dia-gnostics» créés par la circulaired’août2012, soit le recensementdes personnes dans les campe-ments avant évacuation, qui sertensuite de base à toute l’offre derelogementet d’aide sociale.

M.Normand est par ailleursengagé dans une évaluation de laquinzaine de villages d’insertionde la région. Ces villages fonction-

nent relativement bien, mais sonttrès onéreux. En Seine-Saint-Denis, pour 500personnes répar-tiesdanscinqvillages, ila falluplusde 5millions d’euros. Le travail deM.Normand devrait donner lieu àdespropositionsd’ici à l’été.

Toute la difficulté pourM.Nor-mand comme pour Adoma,devrait être de faire adhérer à desprogrammes d’insertion unpublic très précarisé, concentrésur une vie au jour le jour. Mêmedans les villages d’insertion, letaux d’assiduité en cours desenfants ne dépasse pas 40%. Et ce,alorsquelesparentss’engagentenprincipe à les scolariser en échan-gedu logement.

Le gros handicap de toutes cesinitiatives reste leur financement.L’enveloppedont a bénéficié Ado-ma devra vite être rallongée surdes crédits d’urgence. Le budgetaffecté aux politiques d’intégra-tion, qui sert notamment à finan-cerlescoursdefrançais,estenbais-se de3% en 2014, tandis que lesenveloppes allouées aux préfetsde régions le sont de 5,6%.

Reste le cœur du débat: les éva-cuations de campements illicites,auxquelles legouvernementn’en-tend pas pour l’instant renoncer.En 2013, elles ont atteint le niveaurecordde20000,adénoncé le col-lectif Romeurope dans son rap-port annuel, le 5mars.p

EliseVincent

LegouvernementadmetquelesRomssontenFrancepourlongtempsL’Etatconfieà l’ex-Sonacotra lamissionderelogercesmigrantspour résorber les«bidonvilles»

france

AprèslamortdeMelisa, lecampdesCoquetiersréoccupé

Entretien

L e sixième rapport annuel ducontrôleur général des lieuxdeprivationdes libertés, ren-

dupublicmardi 11mars, sera aussilederniersignédeJean-MarieDela-rue.Premiertitulairedecettefonc-tion créée, en 2008, par NicolasSarkozy, il achève son mandat enjuin.Danscedernierétatdes lieux,M.Delarue alerte les pouvoirspublics sur la situation préoccu-panteque subissent les «procédu-riers» : ces détenusqui souhaitentfaire valoir leurs droits mais ensont empêchés par l’administra-tionpénitentiaire.Parmi les figures carcérales,que représente celle du«procédurier»?

Le procédurier est le détenuquiveut faire valoir ses droits et qui,n’ayant pas obtenu de réponse delapartdel’administrationpéniten-tiaire – souvent parce que le sur-veillantne transmetpas ses lettresau directeur –, va monter au cransupérieuretmultiplierlesprocédu-res en externe pour avoir gain decause : il peut saisir le directeurinterrégional de l’administrationpénitentiaire, le procureur de laRépublique,l’Observatoireinterna-tionaldesprisonsou le contrôleur.

Le procédurier devient alors ledétenu le plus dérangeant, bienavantlafiguredudétenuindiscipli-né ou violent : c’est celui qu’il fautfaire taireabsolumentparcequ’onne veut pas qu’on sache, à l’exté-rieur, que quelque chose ne va pasdans l’enceinte de la prison. Onoppose aux procéduriers les déte-nus effacés, qui représentent unelargemajorité: ilsont comprisquesionvoulaitsurvivreendétention,il ne fallait pas protester; sous pei-ne de devoir le payer. Les procédu-riers sont donc des têtes brûléesqui ont tiré un trait sur une possi-ble vie tranquilleendétention.Quels sont lesmoyens depression ou de punition pourempêcher ce détenu procédurierde faire valoir ses droits?

Lesmoyensdefairepayersapro-cédureàundétenusontinfinis.Parexemple,onnevientpasvouscher-cher à votre cellule pour les activi-tés ou pour le parloir avec vos pro-ches; pendant les rondes de nuit,

on allumeenpassant devant votrecellulepourvousréveiller;onvousmenace de transfèrement dansune prison éloignée du lieu de viede votre famille si vous ne retirezpasvotreplainte.

Mais la mesure de rétorsion laplusefficaceet laplusgraveest cel-le où le surveillant provoque ledétenu pour le pousser à l’insulterouàlefrapper.Si ledétenucède,uncompte rendu d’incident est établieton luicolleunesanctiondiscipli-naire. Elle s’accompagne toujoursd’un retrait, de la part des magis-trats, des réductions de peines. Or,n’importe quel détenu ne craintqu’une chose : rester plus long-tempsenprison.

Nous savonsque lamajoritédesprocédures ouvertes ne sont pasmenéesàleurterme,soitparcequel’intéressé abandonne à la suite dereprésailles,soitparcequecesplain-tes sont classées sans suite par lesjuges, provoquant ainsi un senti-ment de frustration chez les déte-nus: ilsnesesententpasplusécou-tés par le système juridictionnelquepar le systèmepénitentiaire.Peut-on alors parler de cerclevicieux?

Absolument.L’exemplequim’ale plusmeurtri est celui d’un déte-nudont lecontrôleurgénéralasui-vi les courriers pendant desannées. On a fini par aller lui ren-dre visite car nous étions inquietspour son devenir. L’administra-tion pénitentiaire a alors ressusci-té un compte rendu d’incidentqu’elle avait à son nom pour pou-voir leplacer encachot disciplinai-re. Résultat: il s’est suicidé. On estdonc bien dans unmodèle où l’ad-ministration pénitentiaire a tou-joursraisonetoùleprocédurierestconduit, nécessairement et saufmiracle, àune impasse.Quepréconisez-vous pour sortirde l’impasse?

Notresoucipremierestdeconti-nuer à alerter les pouvoirspublics:alors qu’on parle d’autres problé-matiques carcérales (comme lasurpopulation), l’impossibilité deprotester légalement en détentionest largement ignorée. Le droit audroit est fortementcontestéà ceuxqui sont regardés comme des«hors-la-loi». Il faut donc formerles personnels pénitentiaires aufait que leur fonctionnementpuis-se être critiqué sans que soit, pourautant,remiseencauseleurautori-té. Et améliorer leurs conditionsdetravail, car une partie des difficul-tés des surveillants vient aussi dufait qu’ils sont trop souvent seulsface aux détenus et recourent à laforcepour seprotéger.p

Proposrecueillis parCamille Bordenet

«Lamesurederétorsionlaplusgrave:quand

lesurveillantpousseledétenuàl’insulterouàlefrapper»

DÈSL’ENTRÉEducampementromdesCoquetiers, àBobigny, justederrière les archivesdépartemen-tales,onaperçoit les tracesde l’in-cendiequi a ravagéunepartieducampenfévrieret coûté lavie àune fillettede8ans.Pour lamajori-tédeshabitants, l’émotionestencorevive.«C’estdurpournousdese souvenirde cemoment. J’aiunepeurpaniquedès que je repas-se làoù le feuapris», confieGabrielCovaci, qui logedans lecampementdepuis sixans.«Il nefautpasgrand-chosepourqueçabrûle ici, alors on faitattention.Onneveutplusde catastrophe.»

Le campdes Coquetiers seraundespremiers pris en chargeparAdoma, après la signature d’uneconventionentre la société et laministredu logement, CécileDuflot, visant à résorber les bidon-villes sur le territoire français.

Entre 300 et 400personnes,d’originebulgare et roumaine,

vivent auxCoquetiers. Sur ce cam-pement illégalmais tolérépar lamairie, il n’y a ni eau couranteniélectricité. Juste deux sanitairesainsi qu’unebenne à ordures afind’éviter les problèmesd’insalubri-té dus auxdépôts sauvages.

Marche blancheUn incendie s’était déclaré

dans le campdans lanuit du 12au 13février, entraînant lamortdeMelisa ainsi que la destructiondebaraquements abritantprèsd’une trentainede familles. Unebonnepartie de celles-ci ont étérelogéesdansdeshôtelsde la com-muneà l’initiative de lamairie,qui a égalementpris en charge lesfraisd’obsèquesde la fillette, inhu-méeenBulgarie.

Le 16février,unemarcheblan-cheen samémoireavait réunidesmembresde la communautérom,desassociationsde soutienmaisaussides riverains.VéroniqueDec-

ker, ladirectricede l’écoleMarie-Curie, oùétait scolariséeMelisa, sesouvientd’une«petite fille trèsbien intégrée, capablede teniruneconversationen français car trèsperméableaux langues», commebeaucoupde jeunesRomsscolari-sésdans sonétablissement.

LamèredeMelisa, SnezhaVasi-leva, est arrivéedeBulgarie il y apresque trois ans.Originaire deTargovichté, dans le nord-est dupays, et officiellement sansemploi, elle a rejoint la Franceavecunepartie de sa famille.Déjàmèred’uneautre fille, âgée de18ans, elle a élevéMelisa – dont lepère est resté enBulgarie et dontSnezha est aujourd’hui séparée –avecValeri, sonnouveauconjoint.

Depuisquelques jours, dans lecampdes Coquetiers, des carava-nes fourniespar Emmaüs réinves-tissent l’espace laissé vacant aprèsà l’incendie.«La communene sou-

haitait pas que les familles se réins-tallent,mais autant que l’onconnaisse ceuxqui reviennentauxCoquetiers, car de toutemanièreun emplacementne reste jamaisvide très longtemps», indiqueJean-LucLesage, responsablede laLiguedes droits de l’hommedeSeine-Saint-Denis.

La famille deMelisa, elle, a éludomicile à Rosny-sous-Bois, chezla tante de la petite fille : «Ils nesouhaitentpas revenir dans lecamp.Desmembres du collectif desoutienauxRoms et Bulgares deBobignyvont les accompagneràlamairie pour faire une demandede logement social. Ce n’est pas sûrque çaaboutisse,mais il faut le ten-ter, explique SlavkaRadenez, quia accompagné la famille dans lessemainesqui ont suivi le décès deleur enfant. Seuls les grands-parents et cousins de la petite fillevivent encoreaux Coquetiers.»p

Clémence Leleu

«Ledétenuprocédurier,c’estceluiqu’il fautfairetaireabsolument»Jean-MarieDelarue, le contrôleurgénéraldesprisons,publie sonrapportannuelmardi

Undes campements roms deBobigny (Seine-Saint-Denis), le 16 février. PIERRE CROM/SIPA

10 0123Mercredi 12mars 2014

Page 11: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

cultureppp EXCELLENT ppv À VOIR pvv POURQUOI PAS vvv ON PEUT ÉVITER

COMMENTVOUS RACONTEZLA PARTIE

TExTE ET MISE EN SCèNE

YASMINA REZAAVEC

ZAbOU bREITMANROMAIN COTTARdANdRé MARCONdOMINIqUE REYMONd

•| THéÂTRE LIbERTé - dIRECTION CHARLES ET PHILIPPE bERLINg

dU 11 AU 13 MARS

LesChiens errants

ppp

I lest lecinéastedes limbes,de lasolitude urbaine, du désespoirmoderne. Né en 1957, héritier

revendiqué de la Nouvelle Vaguefrançaise, petit frère des grandsmaîtres taïwanais Hou Hsiao-hsien et Edward Yang, qui ont pla-cé, au milieu des années 1980, lapetite île rebelle au cœur de la pla-nète cinéphile, Tsai Ming-liang apenséquecenouveaulong-métra-ge serait peut-être sondernier.

Gravementmalade quand il enconçutleprojet,aupointqu’ilpen-sait ses jours en danger, il avaitrompu avec le cinéma, découragépar l’énergie démesurée quedemande, aujourd’hui, la conti-nuation d’une œuvre comme lasienne, mue par la seule croyancedans lespuissancesde sonart. Cet-te condition n’a pas contribué àdonner aux Chiens errants unetonalité riante, mais elle éclairel’ambition de ce film sublime, quiorganise la circulation entre lemonde des vivants et celui desmorts, entre espace physique etespacemental, entre rêve et réali-té.Dèslepremierplan,quimontreune femme, dans une pièce toutenoire aux murs suintants, assisesur un lit où dorment deux beauxenfants, le spectateur est plongédans un état de quasi-hypnosedont il ne sortirapas.

La parole, comme dans tous lesfilmsde ce grandartistehalluciné,estrareetlesplanslongs.Lespecta-teur s’abandonne au frémisse-ment des feuilles, aumouvementd’unecaressesurunvisage, ausondelapluiediluviennequiemportele film dans son flux, refabriqueinconsciemment le hors-champquivibreauxbordsducadre. Lors-qu’il voit les lumièresde la salle serallumeraprèsdeuxheuresetdix-huitminutesde filmquiontpasséen un claquement de doigts, c’estcommes’il avait été tiré d’un rêve.

Les Chiens errantsmet en scèneun moment dans la vie de Hsiao-kang, personnage récurrent danslecinémadel’auteurnédesespro-jections sur l’acteur Lee Kang-sheng. Depuis qu’il a vu le jour en1989,dansletéléfilmTous lescoinsdu monde, cet Antoine Doisneltaïwanais revient dans chacun deses films sous de nouveaux ava-tars, toujours plus ou moins défi-cients sur le plan social : jeune àmobylette des Rebelles du dieunéon (1992), employé de pompesfunèbresdansVive l’amour (1994),sans-abri dans I don’t Want toSleep Alone (2007), cinéaste tour-

nant au Louvre enproie aux inon-dationsdansVisage (2009)…

En un quart de siècle, le mondea changé, l’acteur avieilli. Le jeunepaumé s’est mué en homme-rebut qui passe ses journées postéàun carrefour battu par le vent entenantàboutdebrasunepancartepublicitaire pour une agenceimmobilière. Un poidsmort, invi-sible,reléguédansleszonespériur-baines sans identité, entre semi-campagnemarécageuse et échan-geurs routiers, condamné à survi-vre dans l’hyper-précariat d’uneinfraéconomie. Et à subvenir auxbesoinsde ses deuxenfants.

Nouveauté dans le cinéma deTsaiMing-liang,laprésencepathé-tique, fraîche et délicate de cesdeuxgamins aux côtés de l’acteursouligne cruellement l’entrée dupersonnagedansl’âgedelarespon-sabilité à une époqueoù lemondeest devenu plus violent encorequ’il n’était.

A ses enfants, Hsiao-kang n’arien à offrir qu’un vieux matelasglissé dans un entresol, qu’ils doi-vent se partager à trois, l’eau froi-

de des toilettes publiques pour selaver, les quelques pièces que rap-portent ses heures passées à fairele piedde grue sous la pluie.

Livrés à eux-mêmes, ils tuent letempsdans les rayonsd’unhyper-marché où leur trajectoire croise

celled’uneemployéequi récupèreen douce la nourriture mise aurebut.Elles’ensertpournourrir, lanuit, une meute de chiens sauva-ges qui a élu domicile dans les rui-nes d’un immeuble envahi par lavégétation, où elle passe de longsmomentsdestasedevantunefres-que, représentant elle-même desruines, dont émane une mysté-rieuse lumière.

De l’hypermarché, la petite fillereviendra un jour avec un chou

dont elle a décidé de faire le dou-dou le moins cher du monde, etqui devient le point focal du film.Quand ils auront disparu, ce groslégume maquillé, affublé d’unerobeenvieuxchiffons, sera la seu-letracedeleurpassagedanslasou-pente, cruel viatique sur lequelHsiao-kang, désormais seul aumonde, déchaînera son désespoir(scèned’anthologie).

Les enfants ont-ils fui? Sont-ilsmorts ? La scène suivante lesretrouve,enpleinetempête, terro-risés par un père devenu fou, quilesforceàmonteràbordd’unebar-que, puis sauvés in extremis parune femme surgie des bois qui lesentraînedansl’antrenoirâtreoùlefilmacommencé.Cettefemmeestla même que celle qui veillait surles enfants au début du film, et enmême temps une autre. Lamêmequi nourrit la nuit les chienserrants, et en même temps uneautre. Une figurematernelle à quile cinéaste a donné trois visages(ceux des actrices Lu Yi-ching,Yang Kuei-mei, et Chen Shiang-chyi).

Propres, enpyjama, le garçonetsa sœur font leurs devoirs, aidésparcetteétrangemaman,pendantquelepapasedétenddansunbainchaud.Un sentimentde paix et dedouceur s’installe,maismâtiné dela sourde terreur que diffuse cettemaison aux murs noirs, dont lestraces blanches qui les lézardentsemblent avoir été causées parunepluie acide.

Est-ce un rêve cauchemardes-que? Est-on déjà dans le pays desmorts? La dimension onirique dufilm n’atténue en rien sa tonalitédésespérée, qui explose dans uninouï champ contrechamp final.Lesenfantsontdisparu.Nerestent

plus que Hsiao-kang et la femme,postés l’un derrière l’autre, face àla fresque, chacun regardant dansunedirectiondifférente.

Deuxchienserrants,deuxblocsde solitude en ruinequi laissent lespectateur terrassé. Comme s’ilvenait de voir le dernier plan dudernier film de l’histoire du ciné-ma où s’évanouissaient les sil-houettes du dernier homme et dela dernière femme de l’huma-nité. p

IsabelleRegnier

Film franco-taïwanais de Tsai Ming-liang. Avec Lee Kang-sheng, LeeYi-ching, Lee Yi-cheng (2h 18).

LabeautédudésespoirdeTsaiMing-liangLaprésencededeuxenfants illuminele filmduTaïwanaisoùl’onretrouvesonpersonnagefétiche,Hsiao-kang

«Jeveuxquemesfilmssoientmontrésdansdesmusées»

Ladimensiononiriquedufilmn’atténueenrien

satonalitédésespérée

Dès le premier plan, le spectateur est plongé dans une quasi-hypnose dont il ne sortira pas. JBA PRODUCTIONS

Taïpeh

LE 24NOVEMBRE2013, TsaïMing-liang s’est levé tard. La veille, àTaïpeh, il avait reçu leGoldenHorse (l’Oscar du cinémasinopho-ne) dumeilleur réalisateurpourLes Chiens errants. Son interprèted’élection, LeeKang-sheng,est reparti avec le trophéedumeilleur acteur. Pourtant,Les Chiens errantsne sortirapasen salle à Taïwan. Sur la terrassede son café, au dernier étagedeZhongshangHall, l’auteur de TheHole revient sur cet épisode.Quelle est l’importanceduGoldenHorse,pour vous et pour le film?

Lepremier trophéede cinémadont j’aie jamais entenduparler,c’était leGoldenHorse.Mesparentsn’avaientpas entendupar-ler deCannesni deBerlin,maisduGoldenHorse, oui. C’est unhonneur très particulier, c’est êtrereconnuparmapropre famille.J’ai le sentimentd’en fairepartie.Est-ce que cela aurades conséquences pour le film?

Mes filmsont toujoursgagnédesprix,mais cela a rarementeu

des conséquencesaubox-office.L’idéeque le cinémaestunedis-tractionresteunconcept fonda-mentalpour lepublic chinois, etmesfilmsn’ont jamaisété considé-rés commedesdistractions.AngLee, quiprésidait le juryduGoldenHorse,m’adit : «Pour toi, gagner lePrixdumeilleur filmn’apasvrai-mentd’importance.»Biensûrquec’est important! Le filmseramieuxpris en comptepar lesmédiaset lepublic.Mais jeveuxquemes filmssoientmontrésdansd’autresendroitsquedes sal-lesde cinéma, commedesmusées.C’est ce que vous voulezpour Taïwan oupartoutdans lemonde?

Pourmoi, agir ainsi à Taïwan,où je vis,mepermet demieuxcontrôler le destindemes films,ennégociant avec lesmusées. Ici,l’industriedu cinémane s’intéres-se pas àmoi. La situationest diffé-rentedans les pays où le cinémad’auteurest reconnu.Est-ce que cela veut dire quevos films ne sont pas seulementdu cinéma, ou est-ce une consé-quence de lamort du cinéma?

Pourmoi, le cinémaest tou-

jours très lié à la salle, à lamaniè-re dont on voit un filmensemble.Avec l’avance de lamondialisa-tion,Hollywoodapris le contrôleducinémamondial, par la techno-logie. Les créateursqui veulent fai-re du cinémad’auteur subissentla loi du récit. Ce critère laisse peudeplace à l’art, à la création.Depuisque la Chine a ouvert sonmarché, la pressionest encoreplus forte.Onpeutposer la ques-tion à tous les cinéphiles,moi ycompris: aimez-vous le cinémaou lemarchédu film? Et s’arrêteraupoint d’interrogation.Puisque vos films sont éloignésde la forme classique, suivez-vous toujours le processuscréatif du cinéma: écriture duscénario, casting, tournage?…

J’essaiede changerdemétho-de,mais je dois toujours présen-ter un scénariopour obtenir desfonds. C’est ennuyeux,mais ilfaut enpasser par là.Mes investis-seurs,mesproducteurs s’occu-pent de ces questions etmeper-mettentdemeconcentrer surmonprocessus créatif. Ici, àTaïwan, si je veux faireun film,le gouvernementou les organisa-

tionsqui sont enmesurede contribuer au financementveulentun texte écrit,voireunplanmarketing.Alors vousmentez?

Oui. Parmi les gens qui déci-dentd’allouer ces subventions, ily a des réalisateurs. Ils disent àmesproducteurs: «C’est un excel-lent scénario, parpitié, ne changezrien.»C’est ce qui est arrivépourVisage. Les investisseurs avaientadoré le scénario,mais quand ilsont vu le film, ils se sontdemandési c’était cepour quoi ils avaientpayé.On voit souvent des larmescouler sur les joues despersonnages, au cinéma.Mais jamais une larmequi sèchesur la joue de l’un d’eux…

Lesmoments que je préfère aucinémasont ceuxoù l’on regardeles acteurs, que le sens s’efface etqu’il ne reste que le tempset levide. Lepublic, particulièrementenAsie, est habitué à trouverdu sensdans les films. Il fautleurdemander quel est le sensde la lune.p

Proposrecueillis parThomas Sotinel

110123Mercredi 12mars 2014

Page 12: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

KessaKeita vient d’Angleterre, où elle vivait seule avec samère. DR

LA GRANDE ÉCOLE DES MÉTIERSDE LA CULTURE ET DU MARCHÉ DE L’ART

FORMATIONSMARCHÉ DE L’ART - MÉTIERS DE LA CULTURE

E FORMATIONS BACHELORen 2 ou 3 ans (Niveau bac +3)

E FORMATIONS MASTÈRESen 1 ou 2 ans (niveau bac +5)

E FORMATIONS PROFESSIONNELLESET VAE

PARIS • LYON

WWW.IESA.FR

JOURNÉE PORTES OUVERTES SAMEDI 15 MARS 2014

LaCour deBabel

ppv

N on, vous ne rêvez pas : LaCour de Babel, le nouveaudocumentaire de Julie Ber-

tuccelli, se passe à Paris, en 2013 ;dansuneclassed’accueilducollègede la Grange-aux-Belles, dans le10e arrondissement; à des années-lumière de ce que l’on raconte surla France d’aujourd’hui, sa dépri-me, son pessimisme forcené, sespulsions xénophobes. Il y a là desadolescents venus de partout, dePologne, du Mali, de Croatie, deRoumanie, de Biélorussie, de Gui-née,duBrésil,duChili,d’IrlandeduNord, d’Angleterre, de Serbie, deLibye, du Venezuela, du Sri Lanka,d’Ukraine,deCôted’Ivoire,deMau-ritanie, de Chine, duMaroc. Ils sui-vent les cours de français de leurprofesseur, Brigitte Cervoni. Allezles voir, allez les écouter. Au boutd’une heure et demie en leur com-pagnie, vous aurezmoins envie dedésespérerde l’avenir.

Une classe, vingt-quatre histoi-res. Un élève dont les parents sontdiplomates,unautrequivientétu-dier le violoncelle, une troisièmequi vient en France pour retrouversa mère, une autre en attente dedroit d’asile. Le cinquième élève,un Serbe, chassé de son pays pardes groupes néonazis juste parcequ’il est juif. Etc. Les uns s’expri-ment correctement en français,d’autres le baragouinent à peine.Peuimporte.L’importantestd’êtrelà. De ne plus être triste d’avoir dûquitter son pays. D’essayer d’êtreheureux.Si possible.

Chacun son histoire. MaryamAboagila, par exemple, une mer-veilleuseLibyenneausourirelumi-neux, contrainte de partir sur-le-champ pour Verdun. Autre classed’accueil, plus tard un lycée géné-ral, et demain, qui sait? des étudesdemédecine.

Djenabou, à présent. Elle vientde Guinée. Sonmeilleur ami, c’estDieu.« Jem’entendsbienavecLui.»Avec Youssef, qui a apporté soncoran, etNaminata, sabible, ils dis-cutent, argumentent. «Pourquoi ily a beaucoup de religions dans lemonde ? », demande l’un. « EtAdam et Eve? Ils étaient blancs ounoirs?», demande un autre, avantde répondre: «Il n’y a queDieu quisache.» «On ne sait même pas si

Dieuexiste», conclutDjenabou.Scènesde classe dansun collège

parisien.Des adolescents qui vien-nent d’arriver en France, entredeux classes, entre deux mondes.Ni stigmatisation ni rejet, ce nesont pas des immigrés. Pas encore.Ils ont confiance dans la vie. Toutleur semblepossible.

Ces élèves, Julie Bertuccelli achoisi de ne les filmer qu’à l’inté-rieur du collège. Dans leur classe,dans la cour de récréation, à l’abridesmiasmesdudehors.Seulsl’inté-resse les personnalités et le par-coursdesadolescents. Si l’onentra-perçoit les parents, c’est à l’occa-sion de rencontres avec la profes-seure. L’espace de quelques échan-ges, les difficultés de la vie quoti-dienne entrent comme par effrac-tion dans le hors-champ de la dis-cussion. L’oncle d’une jeune élèvequienvisagepoursanièceuneéco-leprivéeenarabe.Lamèrebritanni-quedetroisgarçonsquiditsesdiffi-cultésàvivreàParis. Justequelquesnotations,parfoisbouleversantes.

Au centre de ce film choral, unpersonnage anime, écoute, posedes questions, cherche des solu-tions, enseigne. Met en valeur lesparticularités de chacun, suscitant

respect et confiance de la part deses élèves. Brigitte Cervoni, la pro-fesseure de français. C’est elle quifait vivre ensemble tout ce petitmonde. Elle quimet du liant entreles élèves jusqu’à ce que se créententre eux des rapports d’une pro-fonde humanité ; qui trouve letemps de faire faire à ses élèvesunfilm sur le thème de la différence.Unfilmqu’onneverramalheureu-sement pas et dont le tournageaurait pu servir de fil rouge à LaCourdeBabel.

Très vite, Julie Bertuccelli et sacaméradeviennent,ellesaussi,par-tie prenantede la classe. La réalisa-trice ne cherche pas à se faireoublier. Acceptée par les enfants,intégrée à la classe, elle en devientun personnage, un témoin, unpointd’appuiparfois.

On dira que cette cour de Babelestunbrinutopiste.Quecette clas-se, animée de main de maître parMmeCervoni, est une classe de rêvedans laquelle se développe unepédagogie d’exception.Que ce col-lège est un cocon, loin de la réalitésocialedes enfantsd’immigrésdesquartiers difficiles. Que l’avenirmême des classes d’accueil n’estpasgaranti, loin s’en faut.

Il n’empêche. Cette classe a beletbienexisté,aveccesélèvesetcet-te professeure. Une année durant,Julie Bertuccelli a filmé ce vivre-ensemble jusqu’à ce moment,déchirant, où les élèves appren-nentqueMmeCervoniquittel’ensei-gnement pour devenir inspectricede l’éducation nationale. L’adieuaux larmes. «C’est comme si onétait tous des frères et des sœurs etqu’on se séparait pour de bon, ditun élève. J’oublierai pas cetteannée, jamais.» Et nous non plus,nousn’oublieronspas le souriredeces adolescents, confiants et heu-reux d’être en France. Pour com-biende temps? p

FranckNouchi

Documentaire français de JulieBertuccelli (89 min).

JulieBertuccelli:«Onnevapasassezvoirlesprofsheureux»

culture

Cenesontpasdesimmigrés.Pasencore.

Ilsontconfiancedanslavie.Toutleursemblepossible

Entretien

Ce sont surtout sesœuvres de fic-tion,Depuis qu’Otar est parti… etL’Arbre,qui ontmarqué le public.Mais Julie Bertuccelli avait déjàdix ans depratiquedudocumen-taire avant queDepuis qu’Otar estparti…ne remporte leGrandPrixde la Semainede la critique à Can-nes en 2003.De la formationdesjuges (La Fabriquedes juges) à cel-le des vendeuses desGaleriesLafayette (Bienvenueaugrandmagasin), du portrait de résistant(LeMystèreGlasberg) à celui d’unelégendedumilitantismeau fémi-nin (Antoinette Fouque, qu’est-cequ’une femme?), son regard bien-veillantmais lucide s’est posé surdes sujets très divers. Avec LaCourde Babel,qui suit une classed’accueil au collège de laGrange-aux-Belles à Paris, c’est à undou-ble thèmeépineuxqu’elle s’atta-que: la place des immigrés enFrance, et l’école.Vousdites que votre film est né«au hasard d’une rencontre»…

Oui, une rencontre avec le dis-positif des classes d’accueil, que jene connaissaispas, et avec Brigit-te Cervoni, qui venait avec ses élè-ves présenterun film réalisé enclasse àun festival dont j’étaisjurée. A la rentrée suivante, je suisallée la voir enseigner, j’ai décou-vert ses élèves et cette variétéextraordinairede cultures et detrajectoires. J’ai vu dans ce petitthéâtredes relationshumaines

uneoccasionen or de filmer ceque c’était que vivre ensemble.Dès la première entrevue, j’avaistrouvé cette femmeenthousiaste,généreuse, encourageante. En laretrouvantdans sa classe, j’ai eul’occasiond’observer sonouvertu-re, àmaprésenced’abord. Je nevoulaispas être uneobservatricedansun coin, donc je suis venueparler demonmétier. J’ai vu lesréactionsde la classe, et lamaniè-re dont elle gérait l’écoute, distri-buait la parole, calmait les ten-sions ou autorisait, parmoments,la fusiondu groupe.C’est plutôt la question del’accueil des étrangers enFrance qui vous a amenée versl’école que l’inverse…

C’est surtout la richesse de ladifférencequim’a séduite: j’ai vudans cette classeuneutopie réali-sée. Je savais qu’il était possible devivre ensemble. Là, j’en ai trouvélapreuve. Je n’ai pas voulu faireun filmpolitique,même s’il l’estpar certains aspects. J’espère direquelque chose demon regard surla France et sur ce qu’elle devraitêtre,mais je neprétendspas avoirundiscoursmilitant, ni juger.Laclasse que vousmontrezn’estpas loin de la classe idéale…

Pourtant, ce n’est pas du toutidéalisé. Je sais bien que cen’estpas ainsi que les choses sepassentpartout,mais toutes les classesdevraient être commecelle-là,non?Mêmesi jen’ai pas voulu fai-re un film sur l’école, je pense

qu’il offre unmodèlepour l’école.N’avez-vous pas peur d’éloignerles spectateurs de la réalité del’Education nationale aujour-d’hui, de ses difficultés?

Parler de ce qui se fait de bien,c’est aussi parler de ce qui n’estpas bien, par défaut. Pourquoi nepasmontrer l’exceptionplutôtque la règle?On sait que c’est

exceptionnel,maismêmesi c’estnaïf, je crois quemontrer les gensqui font les choses bien fait avan-cer lemonde.Onvoit cela aussiavec les questionsd’environne-ment: le pessimismeest dange-reux. Je crois qu’onne va pasassez voir les profsheureux. p

Proposrecueillis parNoémie Luciani

DesadolescentsunisdansladiversitéJulieBertuccelli a filméuneclassed’accueild’uncollègeparisienconstituéede jeunesétrangers

Analyse

I nspiréd’unehistoirevraie», ditl’affiche française de Monu-mentsMen. C’est la seule inspi-

rationque l’onpuisse reconnaîtreau film réalisé par George Cloo-ney, «inspiré» dans la mesure oùil entretient quelques rapportsavec l’undeschapitresde lasecon-de guerre mondiale. Celui-ci,aujourd’hui largement connu,quoique les recherchessoient loind’être achevées, est celui du pilla-ge des collections européennespar le IIIeReich. Pillage trèsorgani-sé : il doit approvisionner deuxmusées principalement, celuidont Hitler a décidé la création àLinz et celui d’HermannGoering.

Parmi les œuvres volées, lesunes sont destinées à rejoindredirectement cesmusées alors queles autres servent de monnaied’échangepourobtenir, auprèsdemarchands « aryens» qui fontalors des affaires fructueuses,peintures ou sculptures à vendre.A l’Ouest, la Belgique, la France etles Pays-Bas sont victimes de cesrazzias. L’organisation nomméeERR (Einsatzstab ReichsleiterRosenberg) est en le principal ins-trument.

A partir de l’été 1944, découvriroù les nazis entreposent leurs pri-ses et les restituer à leurs proprié-taires ou à leurs héritiers devientpossible. Le processus commenceà la libération de Paris. Le 27août,le dernier train chargé d’œuvresest arrêté en gare d’Aulnay grâceaux informations données à ladivision Leclerc par Rose Valland.Simple «attachée» au musée duJeu de paume, celle-ci réussit à s’ymaintenir durant l’Occupationalors que ce bâtiment est devenula «gare de triage» des pillages enFrance et espionne l’ERR.

Dès septembre se crée la Com-mission de récupération artisti-que (CRA). Fin novembre, auxEtats-Unis, est fondée au sein del’OSS une unité d’enquête sur lespillagesartistiques,connuedésor-mais sous le surnom de «Monu-ments Men». En décembre, RoseValland conduit l’un de ces hom-mes, James Rorimer, dans leslocaux de l’ERR à Paris. Les archi-ves qui s’y trouvent encore et lescarnets tenus par Rose Vallanddonnent des pistes, qui condui-sent les MonumentsMen et leurshomologues de la CRA aux châ-teaux et mines d’Allemagne etd’Autriche, où les nazis ont dissi-mulé leurs butins.

Ils en récupèrent une partie,non la totalité, comme le montrela découverte récente du stockcachépar le fils dugaleristeHilde-

brandGurlitt, l’undesmarchandsallemands impliqués dans cestrafics.

Le film présente un récit tropelliptique et romancé des faits.L’action des Monuments Men s’ytrouve réduite à un album àmi-chemin entre Tintin et lesPieds nickelés avec effets numéri-ques et stars – Cate Blanchett,George Clooney et Matt Damon.Stéréotypes nationaux et psycho-logiques, simplifications abusi-ves, situations invraisemblablesetallégoriesd’uneaccablantelour-deur s’y accumulent.

De l’histoire ne reste qu’unechasseau trésor façonAventuriersde l’Arche perdue, lancée par unesympathique bande de savantsaméricains qui s’en vient sauverle patrimoine mondial. Ils sontaccompagnés d’un Britannique(Hugh Bonneville) et d’un Fran-çais (Jean Dujardin) qui, tousdeux, se font vite tuer bêtement –cequi s’expliquesansdoutepar lefait qu’ils ne sont pas américains,et doncmaladroits.

Allemands abjectsAprès avoir perdu du temps à

convaincre les généraux alliés del’importance de leur mission, noshéros en Jeep roulent dans uneAllemagne verdoyante peupléed’Allemands abjects et, avec unemerveilleuse facilité, font demer-veilleuses découvertes. Plusieursd’entre eux, puisque ce sont dessavants, sont distraits, mais lesdieuxdu scénario veillent sur euxet leur évitent tout désagrément.Les SS tirentmal et lesminesn’ex-plosent pas. Ces dieux sontmoinsfavorablesà RoseValland, rebapti-séeClaireSimone (CateBlanchett),changée en une femme glacialeaux attitudes troubles, incarcéréeà la Libération– cequi est faux–etsubjuguée par le charme viril deMatt Damon – ce qui est involon-tairement drôle, Rose Vallandayanteuaussi le couragedenepascacher sonhomosexualité.

De façon plus générale, deuxpoints sont gênants. D’une part,Monuments Men réécrit l’histoirede la seconde guerre mondialeavec un patriotisme américainenvahissant, aux dépens desautresAlliés.D’autrepart,onsaisitmal pourquoi il n’est qu’à peinefaitallusionàl’unedescaractéristi-ques essentielles de ce pillage: lescollectionneurs privés néerlan-dais ou français spoliés l’ont étéparce qu’ils étaient juifs, commel’avaient été avant eux les collec-tionneurs juifs allemands. C’estune évidence. Elle aurait dû êtrerappeléenettement.p

PhilippeDagen

«MonumentsMen»,latraquedel’artvoléparlesnazisfaçonIndianaJonesLefilmréaliséparGeorgeClooneyaccumuleleserreurshistoriques

12 0123Mercredi 12mars 2014

Page 13: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

130123Mercredi 12mars 2014 culture

Accessiblesde Bac à Bac+3

©EZZ-THETIC

Formationsen alternanceou en classique

JOURNÉEPORTES

OUVERTES

SAMEDI15 MARS 2014

de 13H À 17H

27, ter rue du Progrès,93100 Montreuil

Tèl. 01 41 72 08 32

www.cifacom.com

Lesmeilleures entrées en France

Troismillions de spectateurs en àpeine deux semaines d’exploitationpour Supercondriaque, deDanyBoon. Onne connaît pas grandmonde, enFrance, qui tienne une pareille forme filmaprès film. En deuxième posi-tion, unmonstre hollywoodien fait son entrée, sous les auspices du super-péplum 300: laNaissance d’un empire.C’est l’undes trois nouveaux titresqui parviennent à se glisser dans le classement des dix de tête, en compa-gnie deDiplomatie. C’est plus difficile pour les autres films, qui dépassentcependant tous lemillion de spectateurs et semaintiennent dans les hau-teurs du tableau. C’est le cas de LaGrande Aventure Lego, TheGrandBuda-pestHotel, La Belle et la Bête ou Le Crocodile duBotswanga.

Ville ouvrière de Pennsylvanie, Braddock a été durement touchée par le chômage. ZED

LES AUTRES FILMS DE LA SEMAINE

EvolutionNombre de par rapport Totalsemaines Nombre Nombre à la semaine depuis

d’exploitation d’entrées (1) d’écrans précédente la sortie

BraddockAmerica

ppv

L es effets conjugués de ladésindustrialisation et de lacrise socio-économique

engendrent une vague continuede documentaires qui se retrou-vent, quasiment chaque semaine,sur les écrans de cinéma. Tous senourrissentdel’indignationsoule-véepar l’iniquité grandissantedessociétésoccidentales,dudésird’ac-compagnerles laissés-pour-comp-te du nouvel ordre mondial, de lanostalgie pour une solidarité declasse réduite à néant, de l’élégieplus globale dédiée à un mondedisparu.Cetartdesruines–dontlechef-d’œuvre monumental est Al’ouest des rails (2003) du ChinoisWang Bing – produit à intervallesréguliersde fortbeaux films, com-me celui de Jean-Pierre Duret etAndréaSantanalasemainederniè-re (Se battre), comme BraddockAmerica cette semaine, qui en estl’échoaméricain.

A l’instar de Duret et Santana àGivors, Jean-Loïc Portron etGabriella Kessler se sont fixésdansunevilleouvrièredePennsyl-vanie, Braddock, durement tou-chée par la délocalisation du tra-vail, lechômage, ledépeuplement.Cœur battant de l’industrie sidé-rurgique américaine et donc de lapuissancedecetempire,Braddockestaujourd’huidevenueunesortede ville fantôme, désertée par seshabitants,enproieàtouslesmauxque le désinvestissement indus-triel et l’abandonde l’Etatpeuventsusciter. Lesmaisonsvidéesque lamairie n’a même pas les moyensde détruire, le pillage systémati-quede ses composants, les bandesde chiens errants sillonnant la vil-le, lafermeturedel’hôpitalmunici-pal, le stade délabré, les individuscassés, humiliés, sans espoir.

Et pourtant. Quelque choserésiste ici, qui serait comme l’es-prit du lieu survivant à sa propredéchéance. Les réalisateurs le fontsurgir avec intelligence et émo-tion, à travers un montage quimêlede trèsbellemanière les ima-ges d’archives du temps de l’âge

d’or de la cité aux témoignagesd’hommes et de femmes qui por-tent dans leur chair l’histoire lon-gue de la ville. Cette histoire, lefilm la fait remonter à la «guerrede sept ans», lorsque le généralanglais EdwardBraddock succom-be à un coup mortel porté par unsoldat français en 1755. De cetteguerrenaîtlarévolutionet ipsofac-to la nation américaine, autremanière de relier la modeste villede Braddock à la grande utopieémancipatrice des Etats-Unis,dont l’acier fabriqué à Braddocksera le bras armé.

Ce qu’il en reste aujourd’huifait littéralement pleurer, de hon-te et de rage, plus d’un hommetémoignantdansce film. Il faut lesvoir, ces rudes gaillards frottés aulabeur de l’usine, ces prolétairesaméricains œuvrant avec fierté à

l’expansion nationale, pleurer àchaudes larmes sur leur instru-mentde travail, sur la grandeurdel’Amérique, sur une certaine idée

de la communauté qui tombe àprésent en lambeaux sous lescoups de boutoir du capitalismefinancier. Constater que, dans celamento, les policiers de la ville nesont pas les derniers à vouer aux

gémonies la cupidité du systèmelaisse songeur sur l’état réel dupays. Comme le dit un autre per-sonnage: «Le pays est tout entierau bout du rouleau. Nous avonsvoulu être un empire et c’était unmauvais choix. Et maintenant,nousvivonscequiarriveauxempi-res affaiblis. Les voleurs prennenttout et chaque ville doit se battrepour survivre.»

Le film est pourtant loin duréquisitoire militant. Il est plutôtdu côté de la poésie de la perte, dela beauté langoureuse des archi-veshantantleprésent,delarecons-tructionparlemontaged’unconti-nuum que la réalité a détruit àjamais. p

JacquesMandelbaum

Documentaire français de Jean-LoïcPortron et Gabriella Kessler (1 h41).

L’EtrangeCouleurdes larmesde ton corps

ppv

R evenantd’unvoyaged’affai-res,unhommeretrouvesonappartement vide. Sa fem-

me a disparu. Commence alorspour lui une quête, parasitée pardivers personnages soupçonneux

et suspects (un policier, son pro-priétaire)qui,d’investigationpoli-cière, va muter en une plongéeintrospective,oùsouvenirsettrau-mas enfantins vont progressive-ment émerger.

L’EtrangeCouleur des larmes detoncorpspourrait, si l’ons’entientà ses prémices, n’être qu’un récitd’épouvante criminelle, un banalmystèreàélucideraveccoupableàdémasquer et secret à dévoiler.

Uneénigmebaliséequiauraitpris,in extremis, une valeur symboli-que,parundecesprocessusrhéto-riques qui plaisent au critique decinéma en quête d’allégories àdécrypter.

Ce n’est pas exactement cela.Avec leur deuxième film, ce cou-ple de cinéastes français, basés àBruxelles, continuent un travail àla fois inspiré et original. Commecefutlecasavecleurpremierlong-métrage,Amer, imagesetsonsren-voient, sous la forme de collages,au film policier horrifique italiendes années 1970, legiallo.

Ce genre cinématographiqueestcaractériséparsatrivialitébaro-queet sonsadismederoman-pho-to, unmodèle dont il se serait agi,ici, d’extirperune sorte d’essence.

Fantastique brumeuxAvec ses additions de mor-

ceaux de bravoure dénués de tou-te causalité immédiate, sa musi-que lounge-pop extraite des ban-des-son italiennes des années1970,L’EtrangeCouleurdes larmesde ton corps est une plongée sen-suelle et angoissante, un voyageintérieur où domine la sensationpure.

Pourtant à la référence préciseau giallo, il serait possible d’enajouter une autre, déterminée parune sorte de génie du lieu, celuidans lequel est enfermé le récit :un immeuble Art nouveau dontl’architectureet les couloirs, avantde devenir des éléments détermi-nants du mystère, convoquenttout un fantastique brumeux

venu duNord: en ce sens, L’Etran-ge Couleur des larmes de ton corpspourrait être le mariage de DarioArgentoavec JeanRay.

Les lames de couteaux cares-sent des corps frémissants, unhomme est pourchassé par sonpropre double qui paraît semulti-plier, une femme mystérieusesemblese livreràdesritessadoma-sochistes. Des meurtres à l’armeblanche se commettent sous lesyeux d’un spectateur désorienté.Les situations et les événementss’emboîtent selonune logiquequine serait pas celle du récit classi-que mais d’une association libre,onirique, apparemment indéchif-frable.

Lefilmd’HélèneCattetetBrunoForzani apparaît comme lemodè-leuniqued’uneœuvrequiserédui-raitàunsymptôme,àlamanifesta-tiond’undésordrepsychique,uneconstruction qui n’aurait pasbesoin de l’ordre confortable de lanarrationet de la figurationclassi-que pour rendre perceptible lesecret cachédes âmes.

Unetellevolonté,presquepure-ment poétique, pourrait n’êtrequ’insupportable si les cinéastesn’avaient justement pas eurecours à l’imagerie et au sond’unart dont la noblesse a toujours étédiscutable,etsi labeautéplastiqueetmusicalede leur filmpouvaientêtrecontestée.Cen’estpas le cas.p

Jean-FrançoisRauger

Film franco-belge d’Hélène Cattet etBruno Forzani. Avec Klaus Tange, Jean-Michel Vovk, Sylvia Camarda (1h42).

nRetrouvez l’intégralitéde la critiquesur Lemonde.fr(éditionabonnés)

ppv À VOIR

nHow I LiveNow(Maintenant, c’estma vie)FilmaméricaindeKevinMacdonald (1h46).Adaptédu romande l’AméricaineMegRosoff,HowI LiveNow racon-te la survied’ungrouped’enfantsetd’adolescents,plongésdans latroisièmeguerremondiale. Teen-movie, récit initiatique, filmd’anti-cipation:KevinMacdonaldbrasselesgenres,nonsansquelquesmaladresses.Mais lagrâcedescomédiensemporte tout.p S.Ma.

nPatéma et lemondeinverséFilmd’animation japonaisde YasuhiroYoshiura (1h39).La terre est, aprèsune catastrophe,diviséeendeuxmondes, celuid’unesociété totalitaire et celuides«inversés», condamnésàmar-cher la tête enbaset à éviterde«tomberdans le ciel».Une fillettevenuede cemondeest traquéeparles sbiresde l’autre société. Leplusremarquabledans ce filmd’anima-tion, ce sont lespossibilitésplasti-quespermisespar lepostulatdéli-rantde son récit.p J.-F.R

vvv ON PEUT ÉVITER

nMonumentsMenFilmaméricaindeGeorgeClooney(1h58).

GeorgeClooneyrenoueavec la tra-ditionhollywoodiennedesgrossesproductionsconsacréesà la secon-deguerremondiale.Uncastingimpressionnant,unchapitreglo-rieux– lesMonumentsMen, cegroupequi, à lademandeduprési-dentFranklinD.Roosevelt, futchargédeprotéger lepatrimoinecultureletde rechercher lesœuvresd’art pilléespar lesnazis.Maisà tropvouloirglorifier, Cloo-neypasseàcôtédusujet.p F.N.

nSon épouseFilm françaisdeMichel Spinosa(1h47).Joseph,quivientdeperdre sa fem-me,part en Inde retrouverunejeuneTamoulequi l’a accompa-gnéedanssesdernièresheuresetdont l’esprit semblepossédépar lajeunefemme.Uneprofondeurgéo-graphiqueetmétaphysiquedontle filmne tired’avantageque celuid’unvainexotisme.p J.Ma.

nUn amour d’hiverFilmaméricaind’AkivaGoldsman(1h58).Histoired’amourà travers letempsentreun cambrioleuretunehéritière, cette bluette dégou-linanted’effets spéciauxdésuetsmarque le passage à la réalisationdu scénaristeAkivaGoldsman.Le film réserveun seulmiracle:la présenced’EvaMarie Saint.p

S.Ma

NOUS N’AVONS PAS PU VOIR

FistonFilm françaisde Pascal Bourdiaux.

Supercondriaque 2 949 031 836 ! – 44 % 3 100 952

300 : la Naissanced’un empire 1 654 337 454 654 337

Non-stop 2 206 515 442 ! – 49 % 712 193

La GrandeAventure Lego 3 206 440 538 ! – 40 % 1 152 185

The GrandBudapest Hotel 2 179 597 192 ! – 43 % 584 658

M. Peabodyet Shermann... 4 168 624 620 ! – 33 % 1 078 965

La Belle et la Bête 4 127 719 563 ! – 48 % 1 622 357

Le Crocodiledu Botswanga 3 123 037 458 ! – 52 % 1 027 820

Dans l’ombrede Mary... 1 119 815 272 119 815

Diplomatie 1 105 434 250 105 434

AP : Avant-première * EstimationSource : Ecran Total (1) Période du 5 au 9mars inclus

Cequ’il restedeBraddockaujourd’hui

fait littéralementpleurer,dehonteetderage,plusd’un

hommetémoignantdanscefilm

Larmesréellespourvillefantôme«BraddockAmerica», remarquabledocumentaire surunevilleenperditionauxEtats-Unis

Letranchantdu«giallo»,surlescourbesdel’ArtnouveauUnhommagepoétiqueauxfilmspoliciershorrifiques tournésen Italiedans lesannées 1970

Page 14: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

L es 5.5 Designers ont fêté en2013 leurs dix ans de créationau service d’un design indus-

triel produisant des objets inno-vants, accessibles, responsables etludiques.

Rompusaudétournementd’ob-jets et passionnés par le savoir-fai-re et le travail des artisans, ilsmet-tentcette annéeenvaleur la créati-vitémadeinFrancedansuneexpo-sitionintitulée«SoFrench»àl’Ate-lier Renault, sur les Champs-Ely-sées, jusqu’au 15juin. Pourquoi les5.5 Designers? Tout simplementparce qu’à leurs débuts ils étaientcinqetparfois six…Donc5et demi.Aujourd’hui, ils ne sont plus quequatre.

C’est sur les bancs de l’Ecolenationalesupérieuredesartsappli-qués et des métiers d’art (l’Ensaa-ma), rue Olivier-de-Serres, à Paris,qu’ils se sont rencontrés. Et c’est en2003 que, tout fraîchement diplô-més, ils se sont réunis – ClaireRenard, Vincent Baranger, Jean-Sébastien Blanc, Anthony Lebossé–,biendécidésàpoursuivreensem-bleleurvieprofessionnelle,entou-te indépendance et autour desmêmes valeurs: leur design serait

audacieux, engagé, accessible etéthique; il ne s’isolerait pas dansles galeries et ne se limiterait pas àdesimplesobjetsdedécoration.

Un manifeste pour le designindustriel et responsable, selonlequel à un objet correspond unusage.A l’opposédurythmeimpo-sé par les codes de la mode et destendances.

Peu connus encore du grandpublic, ils sont pourtant les créa-teurs d’objets utilitaires les pluscourants. Leur première interven-tion remarquée : «Reanim», unprojetréaliséen2004dans lecadred’une actiondu Secourspopulaire.Les 5.5Designers « réaniment»alors des meubles destinés aurebutenposantsurdeschaises,fau-teuilsettablesauxpiedsetbrascas-sésdesprothèsescoloréesetfantai-sistes.

Depuis, ils ont travaillé avec degrandes maisons du monde duluxe ou de la grande consomma-tion, redonné un coup de jeune àdes objets éculés du quotidien, àcommencerpar le presse-agrumesde chez Moulinex ou la fameuseépongeScotch-Brite. Ils ont électri-sélepremieretsesontattaquésàlasempiternelle problématique dunettoyageenproduisantunecollec-tiond’ustensilesménagersauxfor-mes bien lisses qui laissent glisserl’éponge…

Depuis,une image leur colle à lapeau, ce qui ne leur déplaît pas dutout, d’ailleurs, puisqu’ils en ontfait leurmarque de fabrique: celled’undesignindustrieldéclinépourle quotidien de tout un chacun.D’undesignquientrechezlesgens,

avec l’ humour en plus. Cafetièresélectriquesàdesprixvraimentaccessibles, urinoirs,mixeurs électriques,bacs de douche, lam-pesbranchées…

Leur premier objetédité (par LaCorbeille)est un portemanteau enbois sur pied sur lequelsont greffés de vrais cin-tres. Avec la manufactu-re de porcelaine Bernar-daud et le projet«Ouvriers-designers», ilsmanient le luxede lapor-celaine avec une certaineimpertinence… AvecApparat, pour Baccarat,ils démocratisent le verredelatabledetousles jours.

En 2006, dans le parc deLa Ferté-Vidame (Eure-et-Loi-re), ils créent un nouveau genrede mobilier de jardin dont ilsreprendront l’esprit pour partici-per au projet «Chérie, j’ai oublié lanappe!», à l’île de Nègrepelisse(Tarn-et-Garonne) en 2007. Là,pour rendre un hommage en for-me de clin d’œil facétieux auxpique-niques sur l’herbe, les 5.5Designers reprennent l’archétypede la nappe à carreaux rouges etblancs. Ils réalisent touteune gam-me d’objets sur ce décor très Fren-chy des carreauxVichy. Des bancs,tables et nappes, objets populairess’il en est, deviennent alors desobjetsnobles et précieuxpar la mosaïque ita-lienne Bisazza utili-séeicidefaçoninha-bituelle et, disons-le, complètent loufo-que…

Loufoquemais irrésistible. Leurmise en scènedes objets design lesplus excentriques et humoristi-ques dans la chapelle Le Corbusierà Firminy, dans le cadre de la Bien-nale de Saint-Etienne en 2013, nel’étaitpasmoins!Surlemodeinno-vation et humour, citons encore lafourchette télécommande, le sacpourchampagne, la cléUSBen for-mede…clé, vendue à cinqmillionsd’exemplaires. Cette dernière,crééeen2011, est leurpremierbest-seller.

La veine responsable et éthiquen’est jamais loin. Pour preuve, lechargeur de téléphone universelqu’ils ont créé pour la marqueMayamax,uneentreprised’Aix-en-Provence. «On n’a jamais fabriquéenFrancedechargeurdetéléphone.Ce sera le premier», se réjouit Jean-Sébastien Blanc, directeur artisti-que et stratégique du studio. Ilpoursuit: «Fini la folie de cette piè-ce qu’il faut changer à chaque foisquel’onchangedetéléphone.Celui-là sera universel et tous ses élé-ments seront fabriqués en France,en délocalisant la production de laChinevers la Provence.»

Pour l’Atelier Renault, les5.5Designers ont revisité une bellebrochette d’objets emblématiquesde l’Hexagone, du légendairebéretà la célèbre marinière en passantpar l’ancestral verre Duralex… Cen’estévidemmentpasunhasard sila marque automobile française afait appel à eux. «Mais ce n’est passeulement parce que nous revendi-

quons notre côté Frenchy. Nousvenons eneffet deNîmes, La Roche-sur-Yon (Vendée), Caen ou Poissy.Mais, si nous sommes attachés ànos terroirs, nous avons aussi, entantquedesigners,côtoyédenom-breusesentreprisesetmanufactu-resfrançaises,etc’estbiensûr leursavoir-faire inouï que nousavons souhaité mettre enavantetà l’honneur,unartdevivre servi par un savoir-fairereconnu à l’international, quenous déplorons de ne pas voir

appréciés à leur juste valeur dansnospropresrangs,mêmesi,aujour-d’hui, lemade inFrancea le vent enpoupe.»

Evidemment, les créationsmême très Frenchy réalisées pourl’occasion ne manquent pas d’unhumour «popu», qui redore lesobjets iconiques représentant laFrance d’une couleur un peumoinsvieillotte.

Du reste, le collectif précise :«Renault souhaitait mettre envaleur la créativité française dansunemise en scènede leurs voitures.On leur a plutôt proposé de repren-dre à notre compte tous les clichésde laFrancepour les réinterpréter.»

Résultat : touristes français etétrangers revisitent les fleuronsfranchouillards. Un miroir arboreaveccharmelamoustachedesdan-dys du XIXe siècle. Les célébrissi-mes pantoufles, les charentaises,créées au XVIIe siècle à partir durecyclage des chutes de feutre desuniformes militaires, deviennentdes jouets, des petites voiturettesréalisées avec l’entreprise charen-taiseTcha,dontonapprendqu’ellefabrique toujours ces chaussonsemblématiques. Tous les autresobjets sont à l’avenant, décalés ettricolores: le sac-béret, les véhicu-les-bouchons, la cage à poule-ten-deurs, la table-marinière, la boulede pétanque-pneu, etc. Tous cesproduits sont à vendre, évidem-ment.p

MélinaGazsi

So French by 5.5, L’Atelier Renault, 53,avenue des Champs-Elysées, Paris8e. Dudimanche au jeudi de 10h30 à 23h30 ;vendredi et samedi, de 10h30 à 1h30.Tél. : 08-11-88-28-11. Jusqu’au 15 juin.

A la suitede lapublicationde l’arti-cle «Lemusée qui affole l’arènepolitiquenîmoise» (LeMondedu25février), nous avons reçud’Eliza-bethde Portzamparc le courriersuivant:

«L’article rapportedesproposdeFrançoiseDumas, vice-prési-dentede la régionet candidate (PS)auxélectionsmunicipalesàNîmesquiportentatteinteàmonimageet à celleduMuséede laromanité. L’architecturedubâti-mentyest saluée,mais on litensuiteque, si elle est élue, la vice-présidente feraitun«arrêt sur ima-ge»duprojet et le retravailleraitavecmoi et«des experts». Cela,après avoir, en juin2012, affirmépubliquementsa fiertéd’êtrenîmoiseauvud’un tel projet et deson impact sur la ville et la région,et assuréque le conseil régionalapporteraitun financementde10millionsd’euros. FrançoiseDumas juge aujourd’huiqu’il nefautpas«planterunmuséequi[n’apporterait] rien en termesdedynamisationd’uneville sans réel-les capacitésd’accueil» et«lemet-

treàdispositiond’unpublic quirepartira». Ce revirement, aumomentde sonentréeen campa-gnepour lamairiedeNîmes, appa-raît incompréhensible,demêmequeses suppositions lui faisantdirequ’encasd’arrêtduprojet j’en-treraisdansuneguerreprocéduriè-re arméed’un«bataillond’avo-cats». L’arméed’avocatsn’existepasetmesprioritésmeportentplusàm’investirdans la concep-tiondeprojetsdequalité, et ce enrespectant, avecmonéquipe, leprogrammeet le coût.Nousy som-mesparvenusavec leMuséede laromanité,dont le budget, réduit,n’apasétémodifiédepuis sapha-se concours.Nousnousattache-ronsà cequ’il soit respecté, confor-mémentànotremissiondemaîtri-sed’œuvre. Jedéploreque ladyna-miquede la campagnede l’élueresponsablequ’estMmeDumassoitnourried’appréciations injusti-fiées. Lesproposévoquésdonnentune imagedégradanteet faussedel’espritdans lequel je conçoismontravail,ma responsabilité etmonprojet.»p

culture& styles

AlbiEnvoyé spécial

A lbi serait-elle le « petitParis» de Midi-Pyrénées?Après avoir fait appel à Ber-

nard Huet, qui avait redessiné lesChamps-Elysées, pour revoir l’es-planade semi-piétonne autour dela cathédrale, le maire se réjouitd’avoir retenu Dominique Per-rault pour concevoir un OVNIarchitectural et culturel.

Le concepteur des tours de labibliothèque François-Mitterrandsur les bords de Seine a posé ungros cube couvert d’acier Korbenetd’unerésillemétalliquesurl’em-placement d’un ancien parking, àdeux pas de la cathédrale et dupalais épiscopal. Les habitants sefamiliarisent avec ce curieux bâti-ment de 30000m2 qui abrite unmultiplexe de cinéma (8 salles) etun nouveau théâtre (1 150 placesen deux salles) sur quatre étages.Après lamiseenserviceendécem-bre2013 du cinéma et du parkingsouterrain (378 places surtroisniveaux), la population a étéinvitée en février à visiter le théâ-tre qui ouvrira ses portes finmarsavec un spectacle gratuit. Un bar-restaurant panoramique est encoursd’aménagementausommetde l’édifice, avec terrasse et vueimprenable sur la Cité épiscopale,inscrite depuis 2010 sur la liste dupatrimoinemondial de l’Unesco.

«C’est le seul grand geste archi-tectural de la région avec le futurmusée Soulages de Rodez», s’en-thousiasme déjà Pascal Paris, ledirecteur de la scène nationaled’Albi. Pour le maire sortant(DVD), Philippe Bonnecarrère, cenouveauthéâtrequicohabiteavecdes écrans de cinéma en lisière delavillemédiévaleestuneapothéo-se. L’élu centriste a quitté l’UMPetne postule pas à un quatrièmemandatdemaire.

Figuranten4epositionsur la lis-te de la plus jeune de ses adjointesqui se présente sans étiquette, ilpourrait toutefois se maintenir à

la présidence de la communautéd’agglomération. Ses adversaires,unanimespourcritiquerl’investis-sement de ce «petit Beaubourg»au bord du Tarn, le soupçonnentde vouloir en faire supporter lecoût de fonctionnement auxdixpetites communes de l’agglo-mération.

«La folie des grandeurs»Le candidat du Front national

dénonce un maire atteint par « lafolie des grandeurs» et un équipe-ment«réservéàuneélite». JacquesValax (PS) enfonce le clou en com-parant le montant de l’investisse-mentglobal,quidépasseles60mil-lions d’euros, aux «2800abonnésdu théâtre». «Disproportionné»,rugit le député socialiste. RolandFoissac (PC) précisequ’il figure lui-même au rang des abonnés de lascène nationale,mais entend biendemander des comptes au direc-teur lorsde lavisiteprévuelorsdesjournées «portes ouvertes». « Ilserait étonnant qu’il puisse fonc-tionner à budget constant», s’in-quiète le conseiller général com-muniste.

Selon Pascal Paris, le budget defonctionnement devrait doubler.Il a déjàaugmentéde50%en2014,passant de 2,3millions à 3,2mil-lions d’euros. La scène nationalealbigeoise dépend désormaisd’unesubventionduconseil régio-nal de Midi-Pyrénées pour équili-brer ses comptes. Plus mesurédanssescritiques,GuillaumeCros,conseillerrégionalet candidatéco-logiste, plaide pour lamise en pla-ce d’un «agenda 21 de la culture»encasdevictoirede la gauchealbi-geoise.«Il ne fautpasparier surunéchec du nouveau théâtre», pré-vientl’éluvertenpointant«ledan-ger » de voir cet équipementdévoyé en «centre de congrès» encasdevictoirede la listedeM.Bon-necarrère. p

StéphaneThépot

Prochain article :Montignac et sa «grot-te de lascaux»

Innovationethumour:lafourchette

télécommandeoulacléUSB

enformede…clé

DesignLecollectifdecréateursrestefidèleàsesengagements:proposerdesobjetsduquotidien ludiquesetaccessibles.Uneexpositionàl’AtelierRenault, àParis,rendcomptedeleuresprit

L’humour«frenchie»des5.5Designers

ArchitectureJeanNouvel s’associeà la sociétéHugar et cède la présidenceL’architecte JeanNouvel a annoncé, le lundi 10mars, s’être asso-cié avec la sociétéHugar, présidéepar François Fontès, par la voied’uneaugmentationdu capital, afin d’accompagner le dévelop-pementde sonagence à l’international.Hugar, spécialiséedansles opérationsd’ingénierie financière et le développementdelogements sociaux, prend 50%du capital desAteliers JeanNou-vel, a précisé François Fontès, qui devient présidentde l’agence.JeanNouvel, 68 ans, «préfère actuellement se consacrer à la créa-tion», expliqueM.Fontès. JeanNouvel détenait 100%desactionsdesAteliers JeanNouvel. – (AFP.)

CORRESPONDANCEUne lettred’ElizabethdePortzamparc

Dehaut en bas :«Coq cage»,;«Racemarinière»,«It béret»et «Mustache Effect».C. CLIER/5.5 DESIGNSTUDIO

Tirgroupécontrele«PetitBeaubourg»d’AlbiLesbataillesculturellesdesmunicipales13/18Lecoûtduthéâtre faitpolémique

14 0123Mercredi 12mars 2014

Page 15: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

carnet

2; ,2;02:60.2))2<2;0

! &; +-937.2

#60/&/:0$;

#60/&/:0$;

#60/&/:0$;

'9))260-9;3///////////////////////////////////////////////////////

':5 1!,#2 3 +&75$-! =<-,+! )" 8

01 2/30), 2#"&+-,1'

*%0,!--!+!)0 !) /2<59,!-! ('4-2=7!0 )" ;3

0*%1 *, &+1 !1"&

':5 =!)#7!#2 ;6 +&75$-! =<-,+! )" .6 01 (*,& 21 ."),3$

&% ('"# )$*'!!%

#93 325,-623//////////////////////////////////////////////////////////////%2602.53!*89;;2<2;03

L:O2 ? GF&87 4B>G)! LL'IM$K3CCC2O;M6K=;2-0IJA6"6E0KJO

! (9.0-7.2 4. $9;428B> A6EO;DJ0=,E(E/H;&*OJK1E$>.+B5G NJ0$/!< %OJ@$90; 6E '60D$/J0HL:O2 ? B5&+.&F8&F7&8+CCC2O;M6K=;2-0IA6EH$1E;

! %2 ':5;20 4. $9;42L:O2 ? B5&+.&F8&F8&F8

"591233-9;;2)3! !25,-62 423 ,2;023

L:O2 ? B&8B+&B+&B5&).

"& !#$%&'#

"!#$

tĹ ÷¼EÆþ¹ =­=ÆüÈüƵ¹�Eñ¹¹EÆ"ü¹} AEµ9Èü¹} ÈE¼ñE÷ü¹-­ñ¹ þü þ=";¹} ¼üÈü¼"ñüÈüƵ¹}

Èü¹¹ü¹ EÆÆñ­ü¼¹Eñ¼ü¹(ÄççÄ¿±ü¹} "ÄÆú=¼üÆ"ü¹}Âļµü¹{ı­ü¼µü¹} ¹ñ÷ÆEµ±¼ü¹

|ıµüÆEÆ"ü¹ þü È=ÈÄñ¼ü} µô;¹ü¹

¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R�e ]W bU bU bU�e ]W bU be `Z

Xx)0T',3,%vKNXN'T�R)

�ü (E¼Æüµ

OFFRE SPÉCIALE

pour suivre toute l’actualitédes élections

3 MOIS

FORMULEINTÉGRALELe Monde chaque jour+ tous ses suppléments+ M le magazine du Monde+ l’accès illimité 7/7 à l’éditionabonnés du Monde.fr

69�au lieu de179,40�*

*Prixdevente

enkiosq

ue

**Sousrése

rvedela

possibilité

pournosporteurs

dese

rvirvotreadress

e

réservée aux nouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/03/2014. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique etLibertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notresiège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.

Maison individuelle

Immeuble

Digicode N°

Interphone : oui non

Escalier

Dépôt spécifique

le week-end

IMPORTANT : VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR**

Boîte aux lettres :

Nominative Collective

Dépôt chez le gardien/accueil

Bât. N°

Nom :

Prénom :

Adresse :

Code postal : Localité :

E-mail : @

Tél. :

Je règle par :Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice duMondeCarte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard

N° :

Expire fin :

figurant au verso de votre carte :

Date et signature obligatoires

je m’abonne à la Formule Intégrale duMonde pendant 3moispour 69 € au lieu de 179,40 €* soit 50% DE RÉDUCTIONsur le prix kiosque.OUI

BULLETIN D’ABONNEMENTA compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9

141EMQANOEL

Monde OUI NON ou de ses partenaires OUI NON

141EMQMUN

12

ABONNEMENTS0123

AU CARNET DU «MONDE»

Naissances

M. Thierry PEYROUXetMme, née Chloé DAVEZAC,

ont la joie d’annoncer la naissance de

Eugénie,le 25 février 2014, à Paris.

Jacqueline et Stelio FARANDJISont la joie d’annoncer la naissancede leur deuxième arrière-petit-fils,

Lucien,petit frère de

Jules,fils deÉmilie RICCIARDI et Antoine ROY.

Anniversaires de naissance

Martin CAMPESTREa vingt ans aujourd’huipour être venu au monde le 12 mars 1994,à Aix-en-Provence.

Félicitations pour tous tes succès,félicitations pour tous tes projets !

Joyeux anniversaire mon fils.

Douce-Belle a grandi, avec J.E.M.et E. le cercle s’est élargi.

Nous souhaitons tous à

Jean-Claude,un très affectueux et joyeux anniversaire.

Décès

Le préfet honoraire Pierre Breuil,son époux,

Marc et Fumi Breuil,Anne et François Guilbaud,

ses enfants,Enzo, Hugo, Mathilde et Vincent,

ses petits-enfants,Les familles Gratacap et Breuil,

ont la tristesse de faire part du rappelà Dieu de

MmeMichèle BREUIL,née GRATACAP,

professeur de Lettres classiques,chevalier

dans l’ordre des Palmes académiques,

survenu le 8 mars 2014,à l’âge de soixante-douze ans.

Les obsèques religieuses ont lieuce mardi 11 mars, à 16 heures, en l’égliseSaint-Salvy, à Albi (Tarn).

Priez pour elle !

Jacques et Gisèle Mahier,Ses neveu et nièceEt toute la famille,

ont la douleur de faire part du rappelà Dieu du

colonel François CART,officier de la Légion d’honneur,

médaille militaire,croix de guerre,

déporté de la Résistanceà Dachau,

survenu le 6 mars 2014,dans sa quatre-vingt-douzième année.

Les obsèques auront lieu le mercredi12 mars, à 15 heures, en l’église Saint-Vincent, au Mesnil-le-Roi (Yvelines).

Mme Philippe de Castro,M. et Mme Frederic de Castro,Louis, Josselin, Gersende et Blanche,

ses petits-enfants,Sa sœur,Son beau-frère,Ses belles-sœurs,Ses cousins,Ses neveux et nièces,Sa familleEt ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès,survenu le samedi 1er mars 2014, de

Philippe de CASTRO,chevalier dans l’ordre national du Mérite.

Les obsèques ont été célébrées dans lastricte intimité familiale, le mardi 4 mars,au cimetière de Montmartre, Paris 18e.

La famille tient a remercier pourles nombreuses marques de sympathiequ’elle a reçues.

Cet avis tient lieu de faire-part.

4, square Jean-Paul-Laurens,75016 Paris.

Paul DOARÉnous a quittés brutalement le 4 mars 2014.

Mireille, Vincent, Sophie, Victor,Claire, et leurs enfants, pleurent Co.

Ses obsèques ont eu lieu en touteintimité.

« Si tu ne vis que de rêves,le temps t’épargnera ».

Evelyne et Alain Ziegler,Corinne et Alain Ehrenberg,

ses enfants,

Charlotte et Michael Ziegler,Joanna et Jason Herrick,Antonin Ehrenberg,Gary Ziegler,

ses petits-enfants,

Zoé, Léo, Max, Noah,ses arrière-petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Gerda EHRENBERG,née STORCH,

survenu à l’âge de quatre-vingt-onze ans.

L’enterrement a eu lieu dans l’intimité,le lundi 10 mars 2014, à Bagneux.

Un souvenir ému et tendre pour

Leib EHRENBERG,dit Léo,

1911-2000.

Lyon.Anne,

sa filleet Claude,

Eliane,sa sœuret Albert,

Blanche et Sarah,ses petites-filles,

Sayan, Hugo et Manon,ses arrière-petits-enfants,

Suzy,sa belle-sœur,

Patrick, Alain et Christine,ses neveux,

Nathalie, Robert,ses amis,ont la tristesse de faire part du décès de

Marc JOUBERT,survenu dans sa quatre-vingt-huitièmeannée.

Résistant, il a consacré sa vie aux autreset a rejoint son épouse,

Madeleine,le 9 mars 2014.

La cérémonie aura lieu le vendredi14 mars, à 9 heures, en l’église Saint-Pothin, Lyon 6e.

Ni fleurs ni couronnes.Cet avis tient lieu de faire-part et

de remerciements.

Mme HaniéMahmoud Khalil,sa mère,

Mme Laïla Khalil,son épouse,

Ahmed et Souad Khalil,ses enfants,

Moustapha et Amin El Khalil,ses petits-enfants,ont la profonde douleur d’annoncerla disparition de

Mustapha KHALIL,commandeur

de l’ordre national ivoirien,président fondateur

du Groupe industriel EUROFIND,présent en Côte-d’Ivoire et en Europe.

survenue le 10 mars 2014, à Beyrouth,à l’âge de soixante-quatorze ans.

L’inhumation a eu lieu à Saïda (Liban)le 11 mars.

Cet avis tient lieu de faire-part.Les condoléances seront reçues

au domicile familial.Villa Khalil,Mechref - Dammour,(Liban).

Michel Puzelat,Élisabeth Doyon-Puzelat,Marie-Brigitte Nollet-Puzelat,Jean-Marie Puzelat,Nanou Puzelat,Isabelle Puzelat,Thierry et Cécile Puzelat-Argondico,

ses enfants,Jérémie, Clément, Charlotte,

Baptiste, Jérôme, Louise, Zoë,ses petits-enfants,

Joachim,son arrière-petit-fils,ont la grande tristesse de faire partdu décès de

Jean PUZELAT,vigneron,

ancien administrateurde la Confédération des vignerons

indépendants de France,survenu le 8 mars 2014,à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

Les obsèques seront cé lébréesle mercredi 12 mars, à 10 h 30, en l’églisedes Montils (Loir-et-Cher).

25, route de Candé,41120 Les Montils.

Arlette Quillet,son épouse,

Renaud,son fils,

Anne,sa fille,font part du décès de

Pierre QUILLET,inspecteur d’Académie honoraire,

survenu le 7 mars 2014,à l’âge de soixante-quinze ans.

Les obsèques civiles auront lieule mercredi 12 mars, à 15 heures,au cimetière d’Albert où l’on se réunira.

Pas de plaques, que des fleursnaturelles.

Des dons sont possibles à FRANCEADOT ou à la Ligue nationale contrele cancer.

Arlette, Renaud et Anne Quillet,105, rue de la Libération,80300 Albert.

Geneviève Rabut, née Huchet,sa femme,

Anne Rabut-Rosset et Bernard Rosset,Marie-Françoise Rabut,Laurence Rabut-Freudenberg

et Thomas Freudenberg,Jean-Pascal et Marie-Noëlle Rabut,

ses enfants et leurs conjoints,Ses dix petits-enfantsEt ses trois arrière-petites-filles,

ont la tristesse de faire part de la mort,le 6 mars 2014, de

François RABUT,avocat général honoraireà la Cour de cassation,

officier de la Légion d’honneur,croix de la Valeur militaire.

Les obsèques religieuses et l’inhumationdes cendres, au cimetière de Ceyzérieu(Ain), ont eu lieu dans l’intimité familiale,le mardi 11 mars.

2, rue d’Alexandry,73000 Chambéry.

La présidente,Le conseil d’administrationEt tous les membres d’Espace

analytique,ont la tristesse d’annoncer le décès de

Ginette RAIMBAULT,psychanalyste,

membre d’honneur d’Espace analytique.Elle a été pionnière des relations entre

médecine et psychanalyse, grandeclinicienne, auteure de nombreuxouvrages.

Nous adressons à sa famille et à sesproches nos sincères condoléances.

(Le Monde du 22 février.)

José Remy,son époux,

Dominique, Brigitte et Philippe Remy,ses enfants,

Ses petits-enfants,Ses arrière-petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès deOdette REMY,née DELRIEU,

survenu le 9 mars 2014,dans sa quatre-vingt-quatorzième année.

Les obsèques auront lieu en l’églisede Saint-Christophe-les-Gorges (Cantal),le samedi 15 mars, à 15 heures.

Un office religieux en sa mémoiresera célébré en l’église Saint-François-Xavier, à Paris 7e, le vendredi 21 mars,à 17 heures.

La famille remercie tout particulièrementle personnel de la Maison médicale Jeanne-Garnier pour la qualité des soins et sonaccueil apaisant.

Ni fleurs ni couronnes.Des dons peuvent être envoyés

à la Maison médicale Jeanne-Garnier.11, rue José-Maria-de-Hérédia,75007 Paris.

Monique et Patrick,Laetitia, Emeline, Clotilde

et leurs conjoints,

ont la tristesse de faire part du décès de

Huguette ROSSI,survenu le 7 mars 2014.

Une bénédiction aura lieu en l’égliseSaint-Médard, Paris 5e, le jeudi 13 mars,à 14 h 30.

L’inhumation se fera àAix-en Provence,dans l’intimité familiale.

Louis et Agnès Schweitzer,Juliette Schweitzer,

ses enfants,Zoé et Marie,David, Anna, Ulysse, Sarah, Angel,

Roxane, Gina et Lydia,ses petits-enfantset ses arrière-petits-enfants,

ont la douleur de part du décès,le samedi 8 mars 2014,dans sa quatre-vingt quinzième année, de

Mme Pierre Paul SCHWEITZER,née Catherine HATT.

Un culte sera célébré au Templede Vandœuvre (Genève), le 14 mars,à 14 h 30.

1, rue Dauphine,75006 Paris.11, avenue des Vignerons,11200 Ferrals-les-Corbières.

Anne Dastakian,sa nièce,

Ruben et Diego Semprun,ses beaux-fils,

Les familles Dastakian, Gosset,de La Gorce, Semprun, Soutou,

ont la tristesse de faire part du décès,survenu le 8 mars 2014,à l’âge de quatre-vingt-douze ans, de

Nina SEMPRUNMAURA,née DASTAKIAN,

fondatrice de la galerie Nina Dausset.

Une cérémonie religieuse aura lieule jeudi 13 mars, à 10 h 30, en la cathédralearménienne Saint-Jean-Baptiste, 15, rueJean-Goujon, Paris 8e.

199, rue du Faubourg Saint-Denis,75010 Paris.

Metz. Lyon. Paris.

Huguette Walter, née Meyer,son épouse,

Jacques et Christine Walter,Guy et Carole Walter,Michel et Elise Walter,

ses enfants,

Adrien, Léa, Samuel, Kévin,Anouk, Julia,ses petits-enfants,

Sully,son arrière-petit-fils,

ont la tristesse d’annoncer le décèssurvenu le vendredi 7 mars 2014,dans sa quatre-vingt-septième année, de

Claude WALTER,ancien directeur

de la Société des aciers fins de l’Est,militant citoyen,

associatif et humaniste,combattant volontaire de la Résistance,

croix du combattant.

Un recueillement a eu lieu ce 11 mars,au crématorium de Metz.

Cet avis tient lieu de faire-part.

150123Mercredi 12mars 2014

Page 16: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

16 0123Mercredi 12mars 2014

0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707Paris Cedex13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone: deFrance32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;par courrier électronique: [email protected] 1 an : Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog:http://mediateur.blog.lemonde.fr/;Parcourrierélectronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information:www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier:http://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde surCD-ROM :CEDROM-SNI01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

L e site Internetde l’Institutnationalde l’audiovisuelréservedespépites insoup-

çonnées.Ainsi suis-je tombé, viaTwitter, surunentretienmenéparPierreDesgraupesavecRolandBar-thesaumomentqueparaissaitson fameuxrecueil d’essais,Mythologies (1957).

Envisionnant ce document(www.ina.fr/video),mapremièresurprisea étéde voir et d’entendrel’écrivainenmouvement – alorsque j’en connaissais surtoutdesportraitsphotographiquesoudesenregistrementsradiophoniques– et à unencore jeuneâge.

A l’époque (29mai 1957) de cetteémission («Lecturespour tous»),Barthesa42 ans, ce teintmatd’hommeduSud-Ouestqu’il sem-blaperdre avec l’âge et àmesureque le fonddedéprime flottantequi semblait toujours l’accompa-gnerprenait le dessus.Avrai dire,sur ces imagesennoir et blanc res-taurées,Barthesa presque l’aird’un Indienau teintolivâtre. Et saséductionest d’autantplus frap-panteque rien, dans son tonetsonattitude,ne chercheà séduire.

Il y adans l’expressionet l’into-nationde l’écrivainuneneutralitéfeutréequi semble l’enverspara-doxalde la virtuositébrillanteetmaniéristedont témoigne si sou-vent son écriture.Onpeuty enten-dre la«patine»queBarthesadmi-rait dans l’art «sans intention»dubarytonCharlesPanzéra (avecquiil étudia le chant et qu’il évoquedansunchapitredeMythologies)et quimanqueà sa langue livres-que.

PierreDesgraupes, il y a pres-quesoixanteans, était d’unnatu-relparfait: cigarette à lamain, affa-ble, d’unedécontractionsavam-

mentdosée, destinée, on l’imagi-ne, à amadouer le téléspectateurquipourrait se laisser intimiderpar ce livrequi défraya la chroni-queet déclenchades guerres intel-lectuelles restées longtempsfameuses. Installéunpeuen sur-plomb,ondirait le journalistenon-chalammentassis surun coindesonbureau, comme le fera sifameusementYvesMourousivingt-cinqansplus tard…

Mais cen’est pas ce détail avant-coureurquidonne l’impressionquecette télévision-làn’apasvieilli. C’est plutôtque cequi estdit est si passionnantqu’onenoublie le cadreunpeuaustère.C’est aussi que, pendantneufminutes,Barthesest interrogésans être interrompu inutilement

ou insolemment, sans êtreconfrontéàun chroniqueurmoqueuret vain, sans êtremêlé àdes invitésvenusd’uneautrepla-nète.

Jene suispas certainque la Fran-ce et lepaysageaudiovisueld’aujourd’huiaient quoique cesoit à envier à ceuxde la findesannées 1950.Mais cette télévisionquin’avait paspeurdeplacer leproposplushautque le niveauprésuméde la compréhensiondutéléspectateursemble le refletd’unecivilisationpassée. Amoinsque je ne souscriveàunmytheque je prendspourunâged’or.p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

Barthes l’Indien

AD

DD

D

D1015

1015

101510

15

1015

1035

1035

1010

1010

1005

1005

1000

1030

1020

1025

1025

1005

995

985

Météorologue en directau 0899 700 703

1,34 € l’appel + 0,34 € laminute7 jours/7 de 6h30-18h

Nord-Ouest

Ile-de-France

Nord-Est

Sud-Ouest

Sud-Est

Jours suivants

www.meteonews.fr

Températures à l’aube l’après-midi

Front chaud Front froid

DépressionAnticyclone

Occlusion Thalweg

DA

Paris

Madrid

Séville

Rabat

AlgerTunis

RomeBarcelone

Tripoli

Le CaireJérusalem

Beyrouth

Athènes

Berne

Amsterdam

Bruxelles

BerlinLondres

Edimbourg

Dublin

OsloStockholm

Copenhague

Riga

Varsovie

Kiev

Ankara

Istanbul

Sofia

OdessaBudapest

Vienne

Prague

Munich

ZagrebMilanBelgrade

Bucarest

St-PétersbourgHelsinki

Minsk

Moscou

LisbonneLisbonne

TunisTunis

BarceloneBarcelone

TripoliTripoli

Lisbonne

ReykjavikReykjavik

En EuropeAmsterdamAthènesBarceloneBelgradeBerlinBerneBruxellesBucarestBudapestCopenhagueDublinEdimbourgHelsinkiIstanbulKievLa ValetteLisbonneLjubljanaLondresLuxembourgMadridMoscouNicosieOsloPragueReykjavik

RigaRomeSofiaStockholmTallinTiranaVarsovieVienneVilniusZagrebDans le mondeAlgerAmmanBangkokBeyrouthBrasiliaBuenos AiresDakarDjakartaDubaiHongkongJérusalemKinshasaLe CaireMexicoMontréalNairobi

New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

Paris

Madrid

Séville

Rabat

AlgerTunis

RomeBarcelone

Tripoli

Le CaireJérusalem

Beyrouth

Athènes

Berne

Amsterdam

Bruxelles

BerlinLondres

Edimbourg

Dublin

OsloStockholm

Copenhague

Riga

Varsovie

Kiev

Ankara

Istanbul

Sofia

OdessaBudapest

Vienne

Prague

Munich

ZagrebMilanBelgrade

Bucarest

St-PétersbourgHelsinki

Minsk

Moscou

30 à 35° > 35°25 à 30°20 à 25°15 à 20°10 à 15°5 à 10°0 à 5°-5 à 0°-10 à -5°< -10°

Amiens

Metz

Strasbourg

Orléans

Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

Marseille

Ajaccio

Nice

Clermont-Ferrand

Lyon

Chamonix

Bordeaux

Biarritz

Limoges

Besançon

Rouen

PARIS

Châlons-en-champagne

Toulouse

Dijon

Lille

1 22

Grenoble

145137

133120150173

1510

134133

84134123609760131219916118516318351181271

10144

1861263427181427192816211830253224222013729232013249

-1 12915

2712128103221519113225

322530191291631882011

252522262326

beautempsbienensoleillé

beautempsbeautempsbeautempsbeautemps

bienensoleillé

beautempsbeautemps

beautempsbeautempsbienensoleillébienensoleilléassezensoleillébienensoleilléaversesmodéréesbeautempsbeautempsbienensoleillébeautempsbienensoleilléassezensoleilléaverseséparsesbienensoleillébeautempsfaiblepluie

assezensoleillébienensoleillébeautempspluiesorageusessoleil,oragepossiblebeautempsbeautempspluiesorageusesbeautempsassezensoleilléaverseséparsespluiesorageusesbienensoleillébeautempsneigesoutenuebienensoleillé

bienensoleillépluiemodéréeassezensoleillépluiesorageusesassezensoleillésoleil,oragepossible

bienensoleillé102enpartieensoleillé

bienensoleillépluiemodéréeassezensoleillébienensoleilléaverseséparsesbienensoleillé 1816

soleil,oragepossibleassezensoleilléaverseséparsesassezensoleillébienensoleillésoleil,oragepossible

Jeudi

Mercredi 12mars12.03.2014

20 km/h

20 km/h

20 km/h

20 km/h

20 km/h

8015812-192

170 76

101134

0157

4

bienensoleillébienensoleillébienensoleilléassezensoleillébienensoleillébeautempsbeautempsbeautempsbeautempsbeautemps

Vendredi Samedi Dimanche

04h4907h09 14h51

18h50

317

715

515

617

813

615

217

510

411

521

818

515

519

819

717

3 14

5 18

3 17

2 17

5 19

5 19

7 195 21

5 19

9 18

6 17

6 13

5 19

6 19

4 17

3 17

4 19

4 21

7 21

3 17

3 17

4 18

3 17

3 17

3 18

3 18

3 19

2 16

-2 14

6 18

8 18

3 19

6 19

9 16

9 179 17

5 16

4 18

5 17

292728292730

Québec A nouveau des fortes chutes de neige

En Europe12h TU

C'est une nouvelle journée trèsensoleillée qui s'annonce sur laFrancemercredi. Quelques bancs decirrus circuleront lematin sur l'ouestdu pays, alors que des cumulus sedévelopperont localement dansl'après-midi sur les reliefs. Lestempératures resteront très doucespour la saison.

Sainte JustineCoeff. demarée 43/50

LeverCoucher

LeverCoucher

Toujours printanier

Aujourd’hui

Horizontalement Verticalement

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

Solution du n° 14 - 059HorizontalementI. Cure-oreilles. II.Olécrane. Eta.III.Union. Deal. IV. Cat. Aorte. Ta.V. Editeurs.VI. Coré. Bâtai.VII.Ovation.Me.VIII.Untel.Etêter. IX. Ciel. Opinera.X. Assermentées.

Verticalement1. Couci-couça. 2.Ulna. Ovnis.3. Réitérâtes. 4. Eco. Dételé.5.Ornai. Il. 6. Râ. Otto. OM.7. Encre. Nèpe. 8. Ié. Tub. Tin.9.Dérapent. 10. Lee. St. Tee.11. Etat. Amère. 12. Salarieras.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Aussi expéditif que le Ihorizontal. 2. En pleine agitation.3. Espace vert. A sa clé. Facilite lesrèglements. 4. Expression desainteté. Beau passage pour sefaire remarquer. 5. En liberté.Pendent au nez. 6. En grandepompe. 7. Ville du Nigeria.Facilite les bonnes relations.8. Fait dramatiquement la bombe.Agréable à côtoyer. 9.Mettredélicatement des couleurs.A prendre avecmodération.10. Fasse sortir. Dans les dents.11. Luth. Sans importance.12. Se lancera une autre fois.

I.N’a qu’une envie, vous ennuyerou vous faire disparaître.II. Ennemi intérieur pour les grosconsommateurs. III.Mouvementdemasse. Lâche et veule. IV. Enavant. Ne rumine plus chez nous.Capitale de l’Artois.V. Renvoie versles cellules nerveuses. Jonction surlamonture.VI.Met tout lemondeà la bonne heure. Ouverture dansles comptes. Moment de liberté.VII. Article. Brochet demer. Aucentre de l’écu.VIII. Renforce lesœuvres les plus fragiles. Mises enpièce. IX. Pourra toujours servir.Peigner.X. Remit en bonne place.

Mardi11marsTF1

20.55 Person of Interest.Série. Room Service. Seule contre tous(saison 2, ép. 15 et 16/22, inédit)U ; Gestiondes risques (S1, 16/23)U. Avec Jim Caviezel.23.30 Following.Série (S1, ép. 13 à 15/15, inédit, 150min)W.

FRANCE2

20.45Aventures de médecine.Au cœur de l’homme.Magazine.22.50 Infrarouge -Hôpital : attention, fragile ! (Fr., 2014).0.15 Soignés d’office. Documentaire (65min)U.

FRANCE3

20.45 Richelieu,la pourpre et le sang.Téléfilm. Henri Helman. Avec Jacques Perrin,Pierre Boulanger (France, 2013, audiovision).22.25Météo, Soir 3.23.30 Les Carnets de Julie. Magazine.0.25 Libre court. Magazine (60min).

CANAL+

20.55 La ChasseFilm Thomas Vinterberg. Avec Mads Mikkelsen,Thomas Bo Larsen (Danemark, 2012)V.22.50 TheMasterpp

Film Paul Thomas Anderson. Avec Joaquin Phoenix,Philip Seymour Hoffman (EU, 2012, 130min)U.

FRANCE5

20.39 Le Monde en face.Mes questions sur... Le Désir féminin (2013)U.21.31Débat. Avec Catherine Solano, Brigitte Lahaie.21.44 Crèmes anti-âge :coup de jeune ou coup de bluff ?22.37 C dans l’air. Magazine.23.50 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.50Histoire.Ellis Island, une histoire du rêve américain.Documentaire. Michaël Prazan (France, 2013).22.35 Forbidden Voices.Les Voix interdites. Documentaire (Sui., 2012).0.10 Bahreïn, plongée dans un pays interdit.Documentaire. Stéphanie Lamorré (55min).

M6

20.50 Indiana Joneset le royaume du crâne de cristalpFilm Steven Spielberg. Avec Harrison Ford, CateBlanchett (Etats-Unis, 2008, audio.)U.23.05 SaharaFilm Breck Eisner. Avec Matthew McConaughey,Penélope Cruz (EU - Esp., 2005, 135min)U.

météo& jeux écrans

Sudokun˚14-060 Solutiondun˚14-059Mercredi12marsTF1

20.55 Les Experts.Série. Des pieds et des mains. Point de salut.L’Ange déchu. Fin de règne (saison 13, ép. 18,14, 7 et 17/22, inédit)U. Avec Ted Danson.0.15Breakout Kings.Série (saison 1, ép. 10, 13 et 2/13, 150min)U.

FRANCE2

20.45 La smala s’enmêle.Vos papiers, s’il vous plaît ! Téléfilm. Thierry Petit.Avec Michèle Bernier, Marc Grosy (Fr., 2013).22.20 La Parenthèse inattendue.Invités : Laure Manaudou, Patrick Bosso...0.30 LaMaison préféréedes Français.Présenté par Stéphane Bern (130min).

FRANCE3

20.45Des racines et des ailes.Passion patrimoine : sur les rives de la Garonne.22.35Météo, Soir 3.23.35 Les Chansons d’abord.Spécial Joe Dassin. Invités : Jonathan Dassin,Julien Dassin, Hélène Ségara, Jeane Manson...0.25 Couleurs outremers (30min).

CANAL+

20.45 Football.Ligue des champions (8es de finale retour) :Paris-SG - Bayer Leverkusen (4-0). En direct.22.50Habillé(e)s pour l’hiver (2014).23.45 Love Is All You Needpp

Film Susanne Bier. Avec Pierce Brosnan, KimBodnia, Trine Dyrholm (coprod., 2012, 110min).

FRANCE5

20.35 La Maison France 5. Magazine.21.40 Silence, ça pousse ! Magazine.22.30 C dans l’air. Magazine.23.45 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.50 Spécial femmes engagées.Rosa Luxemburgpp Film Margarethe von Trotta.Avec Barbara Sukowa (Allemagne, 1986).22.45 Violette Leduc, « La Chasse à l’amour».Documentaire (France, 2013).23.45 « La Cité des femmes». Trente ans après.1.15 Susan Sontag, une diva engagée (All., 2010).2.10 La Leçon de pianoppp

Film Jane Campion (Fr. - Austr., 1992, 120min).

M6

20.50D&CO, une semainepour tout changer. Christian et Véronique.23.05 Christophe et Marjorie. Magazine.1.15 Cane : la vendetta.Série. L’Art et la Manière (S1, 6/13, 50min).

Lessoiréestélé

Résultats du tirage du lundi 10mars.4, 6, 16, 30, 43 ; numéro chance : 9.Rapports :5 bonsnuméros etnuméro chance : 9000000,00 ¤;5 bonsnuméros : 186660,80 ¤;4 bonsnuméros : 1088,60 ¤;3 bonsnuméros : 10,30 ¤;2 bonsnuméros : 5,10 ¤.Numérochance : grilles à 2 ¤ remboursées.Joker : 7829875.

Pendantneufminutes, l’écrivain

est interrogésansêtreinterrompu

inutilement

Motscroisés n˚14-060

De Lille à Marseille, en passant par ParisTout s’expliquesur Le Monde.fr/municipales

LOGEMENTSANTÉ

EMPLOI

présente

Lesjeux

Loto

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritairedes publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN0395-2037

PRINTED IN FRANCE

Imprimerie du « Monde »12, rue Maurice-Gunsbourg,

94852 Ivry cedex

Toulouse(Occitane Imprimerie)

Montpellier (« Midi Libre »)

80, bd Auguste-Blanqui,75707 PARIS CEDEX 13Tél : 01-57-28-39-00Fax : 01-57-28-39-26

Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

Page 17: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

décryptages

L’intervention russe enUkraine,en violation flagrante du droitinternational, sous prétexte dedéfendre des populations rus-ses prétendument menacées –sans qu’aucune violence à leur

encontreait eu lieu –, avantmêmed’avoirrecherché la moindre médiation politi-que, n’a surpris que les Occidentaux, quifeignaientde croire queVladimir Poutineétait unhommededialogue.

Mais la réalitéest lasuivante:siM.Pou-tine peut impunément annexer la Cri-mée, voire unepartie de l’Ukrainede l’Est,pourquoi ne défendrait-il pas de lamêmemanière les populations russes auKazakhstanoudanslespaysbaltes(enpre-mier lieu en Lettonie)? Et pourquoi Pékinne revendiquerait-il pas tels ou tels terri-toires«historiquementchinois»?Etpour-quoi l’Iran n’interviendrait-il pas auLiban,enSyrieouenAfghanistanà l’appelde telles ou tellespopulations chiites?

Ce recul de la défense des droits del’homme s’est accompagné d’un discourssur laprétenduenécessitéde sauvegarder«nos» intérêts économiques. Il faudraitéviter de déplaire aux régimes autoritai-resaveclesquelsnousfaisonsducommer-ce. Cette attitude témoigne tristement dufait que nous avons placé l’argent au-des-susdusoucidesêtreshumains:sur l’autelde la rentabilité, on sacrifie aussi bien deschômeurs dans les pays démocratiquesque des hommes et des femmes qui veu-lent faire valoir leurs droits dans des régi-mesd’oppression.

Faute d’avoir marqué suffisammenttôt, clairement et publiquement, les limi-tes de l’acceptable, les Occidentaux, etplus largement toute la communautéinternationale, sont devant le fait accom-pli, bien en peine de trouver commentobligerMoscouàrespecterledroitinterna-tional–etdoncàmettrefinàsoninterven-tionmilitaire.

De lamêmemanière, la Chine ne cessede se montrer plus agressive à l’encontredesesvoisins (enpremier lieu le Japon)enmême temps que son régime se durcit àl’encontre de sa population. Le miracle

économique chinois tant vanté se paieaujourd’hui d’une restriction de plus enplus grande des libertés civiques et d’unerépressiondeplusenpluslargeetimplaca-ble de ceux qui, sans même contester lerégime, demandent que soient respectésles (maigres) droits que ce même régimeleur reconnaît.Demanière incompréhen-sible,cetterégressionvers lespiresannéesdumaoïsme ne retient pas l’attention, demême que c’est dans l’indifférence inter-nationale la plus totale que s’immolentdes Tibétains qui ne supportent plus laférule chinoise sur leur nation.

Semontrer solidaireContrairementà cequeprétendentdes

contempteurs dudroit-de-l’hommisme,la luttepourlerespectdesdroitsdel’hom-me est essentielle. Elle seule permet demanifester assez tôt qu’il y a des limites àne pas franchir. Elle seule permet d’affir-mer la détermination des démocraties,quimontrentalorsqu’ellesnesontpasdis-posées à vendre la corde qu’elles se passe-ront au cou, comme le soutenait Lénine àproposdes capitalistes.

Quantauprixàpayer,entermesdeper-tes éventuelles de contrats commerciaux,il est de toute évidence plus faible quecelui qui résultera de l’inaction ou de laguerre. Il faut répéter inlassablement, àl’opposéde cequeprétendent les régimestotalitaires, que la défense des droits del’hommen’estpasuninstrumentdecom-bat contre les peuples russe, chinois, ira-nienetautres,maisaucontraireunepreu-ve de respect et de sollicitude pour ceuxqui sont opprimés, une manière de semontrer solidaire avec eux, d’être à leurservice,etnonpasdeleurimposerunpou-voir ouune idéologie.

Aumomentoùlesrégimesetles idéolo-gies totalitaires font le choix du raidisse-ment et de la violence, au moment oùmême dans les opinions publiques occi-dentalesunepartiedes citoyensest sédui-te par des discours qui privilégient ce quele philosophe Jan Patocka (mort aprèsavoir été torturé en Tchécoslovaquie, en1977) appelait « la force» et l’exclusion, ilest urgent de relever le flambeau de ladéfensedes droits de l’homme.

Iln’estpasfortuitquelesextrêmesdroi-tes et gauches européennes révèrent lesrégimes russe et chinois. Se mobiliserpour les droits de l’homme en Russie, enChineetailleurs,c’estaussi luttercontrelamontée de ces extrêmes pour sauvegar-der un art de vivre qui s’appelle la démo-cratie.Nepaslefaire,c’estnepascompren-drequ’iln’yaurapasdepaixsansjustice.p

f Sur Lemonde.fr Retrouvez l’intégralitéde cette tribune.

GaliaAckerman,MarieHolzmanetJean-François

BouthorsCofondateurs de la collection

«LesMoutons noirs» (François BourinEditeur, puis Books Editions)

NicolasRocheChercheur,

spécialiste des questionsnucléaires

L’unité de l’Ukraine vaut-elle une guerre?Pasmême une larme. Pourtant, une arma-da s’est précipitée au secours de Kiev aunomdudroit international,de l’histoire,delamoralemême. Et tousdeproclamer: for-ce doit rester au droit, la populationde Cri-

mée devra demeurer ukrainienne. Le droit desnationsàdisposerd’elles-mêmes?PaspourlaCrimée.Cettepopulationnedevraitpasmêmeavoirdroitàunréférendum. N’avons-nous donc rien appris de l’hor-reur du XXesiècle? Combien d’années, de siècles, fau-dra-t-il pour abandonner cette idolâtrie de l’Etat et lasanctificationde sa souveraineté?

L’heuredevraitêtreàlaméditationsurlapaixd’hu-manité dans notre prière pour les âmes balayées parcetteboucheriede 1914-1918,néedurefusdudroitdesnations. Sur l’ignominieux traité de Saint-Germain,qui refusa aux Sudètes enthousiastes leur droit devivre dans la jeune République de Weimar, avant deles rattacher de force à la Tchécoslovaquie, ce qui lesjeta dans les bras d’Hitler. Sur cette dynamique delâcheté née des connivences entre pouvoirs en place,qui conduisit après 1945 aumaintien des colonies, etdoncauxguerres,puisaudécoupagearbitrairede ter-ritoiresdécolonisés, et donc aux conflits.

Il est une loi qui surgit de la folie des siècles depuisPhilippe le Bel et son premier Etat moderne: le refusde la reconnaissance des nations est toujours le che-min de la guerre. Vous voulez la paix? Préparez lapaix. La «vraie paix» (Thomas d’Aquin), la paix d’hu-manité, celle qui se construit sur la reconnaissance, lerespect, la coopération et, finalement, l’aimer desnations.

Las, le bateau ivre de Barack Obama navigue dansunbrouillardd’incohérencesetilentraîneavecluinosgouvernements d’ombres. Après avoir démantelénaguère l’Etat de Yougoslavie au nom du droit desnations, il refuse l’autodétermination aux Russes deCrimée. Ses 2millions d’habitants ne vaudraient-ilspasles2millionsdeMacédoine?BataillepourleKoso-vo, tenaillespour la Crimée?

LesEtats-Uniségarésdéposentmêmedans l’abîmeleursvaleursfondatrices.Oubliée,laguerred’Indépen-dancenéedurefusparl’Etatbritanniquedetraiteréga-lementsescoloniesetde les laisser choisir leurdestin.Oubliée, la revendication de la supériorité du droitnatureldu«peuple»américainsurledroitinternatio-nal. Pourquoi ne pas accepter de demander leur avisauxhabitantsdecetteterredeCriméequandlesinsur-gés de Thomas Jefferson l’exigèrent pour eux-mêmes? Pas même un référendum, dites-vous?Quand les valeurs ne sont pas universelles, elles nesontpas.

Les Russes auraient juridiquement donné la Cri-mée à l’Ukraine, disent nos Tartuffe. Russe, la Criméel’est, depuis quatre siècles. Majoritairement fièred’être l’enfant du tsar Pierre le Grand. De ce tsar, pas-sionnémenteuropéen,quiavait contraintlesRussesà

s’habiller à la française et sa cour à parler français. Dece tsar qui avait défait les Tatars sunnites de Criméepour trouver l’indépendance stratégique que ni lamerBlanche,ni lamerd’Azov,ni lamerNoirenepou-vaient lui donner. Et sa capitale Sébastopol, fondéepar la tsarineCatherineII, bat d’un cœur russe.

Nikita Khrouchtchev, qui dirigeait l’Etat soviéti-que, a-t-il juridiquement donné la Crimée? Avait-ildemandé son avis aux populations? Non. Que vautalors ce droit? Faudrait-il accorder au Soudan du Sudsonindépendance,prétextant,à justetitre, l’arbitraired’undécoupagecolonial, tandisque laCriméedevraitsupporter l’arbitraired’undécoupage totalitaire?

Derrière cette errance, un non-dit, une crainte, laperceptiond’unemenace,cellede l’oursrusse.NonauréférendumquiconduiraitlaCriméeàintégrer,etren-forcer, la fédérationrussepourdevenir sa 22eRépubli-que. Et d’aviser: un tel résultat ne serait pas validé.

Il serait facile de railler : un tel acte serait pourtanttoutaussi légitime,etmoinsillégal,queceluiquiratta-chaHawaï auxEtats-Unis, en 1959, quine fut autorisépar aucun traité. Quant à sanctionner la Russie sous

prétexte de n’être pas assez démocratique, pourquoinepasboycotterlaChineetsonpartiunique,quioccu-pe le Tibet sans même l’accord de la population? Laguerre contre l’URSS? Inutile de la recommencer, elleadéjà été gagnée, parRonaldReagan et JeanPaul II, cepape qui proclama le droit naturel des nations pourl’emporter.

Vous applaudissez la passion européenne de Kievqui affaibliraitMoscou? J’en suis fort aise. Vous enga-gez un bras de fer perdu d’avance sur une positionimmorale. Vous détricotez les coopérations laborieu-sement mises en place, jusqu’au Conseil OTAN-Rus-sie. Vous perdez un allié face à l’ennemi principal: leterrorisme islamiste.

Plus encore, vous applaudissez un crime: jeter laCrimée, pourtant tournée depuis quatre siècles versl’Europe, dans les bras de Moscou, faute de lui avoirproposé l’indépendance. Vous installez au cœur decesEuropéensladétestationdecequidevraitêtre leurrêve: devenir une République libre, respectueusedesdroitsnaturels,ancréedansl’Europe.Et,aulieudel’ob-jectif de Charles de Gaulle, construire l’Europe desdémocraties libérales jusqu’à l’Oural, vousnourrissezles pires forces réactionnaires, nationalistes et isola-tionnistes de Russie. Chemin faisant, vous entraînezl’humanité vers la pire des impasses, celle qui rendinsoluble la question des Touareg, Kurdes, Palesti-niens et Hmong, des dizaines de conflits ouverts oulatents sur le globe etqui jettevers les forcesobscuresceuxqui souffrentde l’indifférence.

La paix d’humanité exige, sur tous les continents,de défaire les Etats quand se joue le respect desnations, et de les aider à construiredescités libres res-pectueuses des droits, non de les maintenir dans lesfers.p

LaCriméeestrussedepuisquatresiècles!Il fautluipermettrededevenirindépendante

Avec ce qui se joue en Ukraine,la Russie remet en cause l’or-dre international nucléaireissu de la fin de la guerre froi-de,dansuneattituderévision-nisteetnostalgique.

La Russie viole avant tout un engage-ment fondamentalpris le 5décembre1994par elle-même, les Etats-Unis et le Royau-me-Uni, commeEtats dépositaires du trai-té de non-prolifération nucléaire (TNP),pour compenser la dénucléarisation del’Ukraine post-soviétique. La France, lemême jour, mais aussi la Chine, ont prisdes engagements similaires vis-à-vis del’Ukraine.Rappelonsqu’en1991,Kievdispo-sait sur son sol du troisième plus grandarsenalnucléairemondial.

Lemémorandumde Budapest, signé lejourdel’accessiondel’UkraineauTNPcom-meEtat non doté de l’armenucléaire, scel-lait un compromis essentiel. L’Ukrainerenonçaità toutearmenucléaireenéchan-ge de fortes garanties de sécurité des cinqEtats reconnus dotés de celles-ci: engage-ment de non-menace ni d’utilisation de laforce contre l’indépendanceet la souverai-netédel’Ukraine; respectdel’indépendan-

ce, de la souveraineté et des frontières del’Ukraine; renonciation à tout chantageéconomiquepourpromouvoirdesintérêtsnationaux; engagement de ne pas mena-cer ni d’utiliser l’arme nucléaire contre cepays ; engagement à saisir le Conseil desécuritédesNationsuniesencasd’atteinteà la sécuritéde l’Ukraine.

Ces garanties de sécurité complètes ontété reconfirmées dans le cadre du traitéNew Start entre les Etats-Unis et la Russieen 2009. Le Parlement de Kiev avait alorsratifié avec réticence ces accords, en souli-gnantque toute atteinte future à sa souve-raineté et à son indépendance serait uneviolationdesesintérêtssuprêmesetremet-traitencausesonengagementdedénucléa-risation.

Les 5 membres permanents du Conseildesécuritéontdoncuneresponsabilitéspé-cifiquedans lapréservationde l’ordredéfi-ni au moment de la chute de l’URSS et del’élimination des armes nucléaires du solukrainien. Quelles leçons devons-noustirer de ce manquement russe à la paroledonnée?

La Russie démontre d’abord que, danssonesprit,unpaysnonnucléairenoncou-vert par une alliance peut être traité defaçondifférentedesautres: ses intérêtsdesécurité, même garantis en droit par unaccord international comme celui deBudapest, ne sont pas pour elle protégéscomme ceux d’un pays couvert par unealliancenucléaire et le principe d’une dis-

suasionélargie. LaPologneet lesEtatsbal-tes sont conscients de cette politique rus-se. Ils cherchent à mobiliser l’OTAN pourrappeler lanaturede l’article 5dutraitédeWashington. La contribution que la Fran-ce a apportée ces derniers mois dans lecadredel’OTANauxréassurancesconven-tionnellesde ces paysprendunenouvelledimensiondans ce contexte.

Plus que jamais, la dimension nucléai-re de l’alliance doit faire l’objet d’uneréflexion collective à 28 sur l’importanceet les principaux concepts de la dissua-

sion dans nos doctrines de défense. C’estd’autant plus vrai que les réactions desAméricains et Européens sur l’Ukraineseront lues commedes tests de la validitéde la dissuasionélargie en Europe.

L’agression russe et la dénonciationexplicite par Vladimir Poutine dumémo-randum de Budapest sont observées partous, tout comme l’est notre réaction etcelle des Etats-Unis. Comme toujours, les

leçonsdecette crise serontaussi tiréesparles autres bénéficiaires du parapluienucléaire américain, notamment en Asie.Si elle demeurait sans réponse, ou perçuecomme telle, nos adversaires potentielsen tireraient des conséquences.

La Russie confirme ensuite, par soncomportement agressif contre un payssouverain, une volonté révisionniste del’ordre nucléaire, européen et internatio-nal. Elle met en danger l’un des principesélémentairesdudésarmementnucléaire:il n’est réaliste que si la sécurité est garan-tie.Commentenvisagerdenouvellespha-sesdedésarmementnucléaireaméricano-russes dans un tel contexte? Commentjustifierqu’unmondesansarmesnucléai-resestnécessairementunmondeplus sûrsi le respect élémentaire de la règle dedroit n’est pas garanti?

Au-delà de l’Ukraine, c’est donc un panimportant du régime de non-proliféra-tionmis en place depuis trente ans que laRussie met en danger, en tenant pourcontingent et sans valeur tout engage-mentqu’elle peut donnerà des Etats tiers.Or, le système international post-guerrefroideest fondésur le respectdebonnefoid’engagements juridiques librementconsentis. Pour le cas où le messagen’auraitpasétéassezclair, laRussiea testéunmissile intercontinental,àpartird’unebaseprochedeCrimée, le 4mars.

Pourconstruireunsystème internatio-nal fondé sur le droit, il faut êtreplusieurs

à respecter les règles.Quandunacteur-clépréfère le rapport de force, il n’est guèred’autre choix pour les autres acteurs quedepréserver les instrumentsnécessairesàl’exercicede ce jeu de la puissance.

Enfin, laRussie rappelleauxEuropéensque les risques d’un conflit étatique oud’actions de chantage contre leurs inté-rêts ne sont pas exclus de leur environne-ment de sécurité. Elle démontre que lesgaranties de sécurité, y compris nucléai-res, apportées par un pays comme la Rus-siene sont pas crédiblesdans le temps.

C’est làunélément importantdudébatactuel sur la dissuasion, dont les détrac-teursmettentenavant lecaractèrearchaï-que et non adapté au nouveau contexteinternational post-guerre froide. Au-delàmême de l’architecture européenne desécurité, la crise ukrainienne démontre lapertinence de certains éléments qui fon-dent notre doctrine nationale de dissua-sion : préservation contre le risque deguerreparunepuissancemajeure;préser-vation de notre indépendance nationaleet de notre autonomie de décision, face àtout chantagepotentiel exercé contrenosintérêts vitaux ou dans le cadre d’une cri-se régionale.

La crise ukrainiennen’est pas une crisenucléaire. Elle n’a pas vocation à l’être.Mais par son comportement révisionnis-te et ses manquements au droit, Vladi-mirPoutineaouvertunebiendangereuseboîtede Pandore.p

Lesdroitsdel’hommesontbeletbienunepolitique

LeParlementdeKievavaitsoulignéquetoute

atteintefutureàsasouverainetéremettraitencausesonengagement

dedénucléarisation

L’interventionnismedeM.PoutineenUkraineremetencausel’ordrenucléaire

IlestuneloiquisurgitdelafoliedessièclesdepuisPhilippeleBeletsonpremierEtatmoderne:lerefusdelareconnaissancedesnationsesttoujourslechemindelaguerre

YvesRoucautePhilosophe, professeur agrégé

de sciences politiques à l’université Paris-X

¶Yves Roucauteest docteur d’Etatet agrégéde philosophie.Il est l’auteurde «La Puissanced’humanité,du néolithiqueaux tempscontemporainsou le Génie duchristianisme»(François-Xavierde Guibert 2011).

170123Mercredi 12mars 2014

Page 18: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

ANALYSEpar Laurent ZecchiniCorrespondant à Jérusalem

Un tournant historique? A l’aunedes vingt-trois années d’échecssuccessifs du « processus depaix», mieux vaut se garder desformules ressassées et des soi-disant dates-butoirs, lesquelles

n’ontapportéauxdeuxpeuplesquedesespoirsenmiettes.Mais, le 29avril, Israéliens et Palesti-niensparviendrontauboutd’une logique.Celledes neuf mois de négociations qui avaient étéimpartis, fin juillet2013, pour parvenir à un«accord-cadre» susceptiblede favoriser la créa-tiond’unEtatpalestinienetd’apporterunesolu-tion aux questions dites du «statut final» deleurs relations de coexistence: frontières, colo-nies, réfugiés, statut de Jérusalem, sécurité.

Plusde septmois se sont écoulés, et toutpor-teàcroirequeleseffortsdéployésparlesecrétai-re d’Etat américain, John Kerry, ont engendréunemaigremoisson.L’anciensénateurduMas-sachusettsn’estpasencause,encorequ’il sesoitillusionnéencroyantquesonopiniâtretéauraitraisond’une défiance réciproque enracinée pardesdécenniesd’hostilités.

Son échec serait aussi celui du président

Barack Obama, lequel, de l’Afghanistan à l’Irak,delaSyrieàl’Ukraine,necollectionnepaslessuc-cèsdepolitiqueétrangère.C’estpour celaque lechef de l’exécutif américain, jusque-là très dis-cretsurcedossier,s’impliqueaujourd’huiforte-ment, pour tenter de faire tomber quelques-unes des défenses de BenyaminNétanyahouetMahmoudAbbas.

En recevant le premier, le 3mars à laMaisonBlanche,M.Obama a dénoncé une politique deconstructiondans les colonies «plus agressive»quejamais.Nuldoutequ’il auradesproposaus-si fermes pour obtenir des concessions dusecond,qu’ilaccueillerale17mars.Maisladiplo-matie américaine a désormais des ambitionslimitées: elle tente d’obtenir dupremierminis-treisraélienetduprésidentdel’Autoritépalesti-nienneunsocleminimumdepointsde rappro-chement pour convaincre les Palestiniens d’ac-cepter une prolongation des négociations, aumoins jusqu’à la finde l’année.

M.Nétanyahou, dont la priorité est de faireperdurerl’impressionqu’il rechercheunaccorddepaix,n’yverrait quedesavantages.Négocier,c’est gagnerdu temps. Sur quoi? Dès lors que lasolution à deux Etats est minée par une politi-que de colonisation systématique, bien malinqui peut dessiner la vision à long termed’Israëlde M.Nétanyahou. M.Abbas, qui est enclin àrefuser toute prolongation de négociationsapparemment stériles, est dans une positionplus inconfortable.S’ilpersiste, ilporteradefac-

to la responsabilité d’avoir fait dérailler le pro-cessus de paix. Accusation injuste, eu égard àl’intransigeancedeM.Nétanyahou?Peuimpor-te : la propagande israélienne est déjà à lamanœuvrepour accréditer cette thèse.

M.Abbas devant un choix historiqueMahmoud Abbas n’ignore pas que la phase

qui suivrait un constat d’échec est lourde d’in-certitudes:demanderàlacommunautéinterna-tionaledeprendresesresponsabilités,s’efforcerd’obtenir l’adhésionde laPalestineauxagencesdes Nations unies, voire faire traduire des res-ponsablesisraéliensdevantlaCourpénaleinter-nationale,estunedémarchealéatoire:laPalesti-ne est devenue Etat observateur non membrede l’ONUennovembre2012,mais ce futunevic-toire éphémère.

In fine, l’Etat palestinien ne peut naître qued’une négociation de ses frontières avec Israël.Or,M.Nétanyahousait qu’il disposeàWashing-ton d’une oreille attentive s’agissant du préala-bleauquelilconditionnetoutaccord: lesPalesti-niens doivent reconnaître Israël comme «Etat-nationdupeuple juif». S’il s’agissait de rassurerle sentiment d’insécurité congénital d’Israël, larevendicationpourrait être légitime.

Mais comme celle-ci n’a jamais été formuléeen plus de vingt ans de négociations et n’a pasété exigée de l’Egypte et de la Jordanie poursigner un accord de paix avec Israël, les Palesti-niens – qui ont reconnu «le droit d’Israël d’exis-

ter dans la paix et la sécurité» le 9septembre1993–ontquelqueraisondesoupçonnerunpré-texte pour justifier un état de négociation per-manent.Ilsfondentleurrefus–quiareçulesou-tiende la Ligue arabe le 9mars – sur des raisonsde principe. Accéder à la demande deM.Nétanyahou sous-entendrait un renonce-mentau«droitauretour»desréfugiés,à tout lenarratif de la présence des Palestiniens dans laPalestine historique, c’est-à-dire à leur expul-sion en 1948 pendant la «nakba» (la «catastro-phe»). Or, celle-ci est tout aussi constitutive delanationpalestinienneque l’a été le rêvesionis-tepour lanation israélienne.

Un tel aggiornamento saperait surtout lesdroits culturels, religieux et peut-être politi-ques des 20,5% d’Arabes qui ont la nationalitéisraélienne.575000colonsjuifsrésidentaujour-d’hui dans les territoires palestiniens occupés,où, fortsdusoutiendeM.Nétanyahou, leurpré-sence s’enracine: le nombre des nouvelles uni-tés de construction a plus que doublé en 2013.C’est pour cela queM.Abbas est confronté à unchoix véritablementhistorique: claquer la por-te des négociations, c’est risquer d’être désignécomme le leader palestinien qui aura tourné ledos à la paix ; accepter leur prolongation, c’estentériner indirectement la poursuitede la colo-nisation,quin’est riend’autreque lamort lentedurêvepalestinien…p

[email protected]

Jean JaurèsUn prophète socialiste

«JEAN JAURÈS, UN PROPHÈTE SOCIALISTE», un hors-série du Monde7,90 € - En kiosque et sur lemonde.fr/boutique

Dans ce hors-série, une INVITATION à la VISITE PRIVÉEde l’exposition JAURÈS, le 20 mars, aux Archives nationales

Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès futun des premiers «indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militantpolitique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toutesa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même unepartie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivagesidéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine.

«Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?», chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de sonassassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question…

I l fallait quand même un sacréculot pour s’attaquer à cemonument de la justice fran-

çaise,filledelaRévolutionetincar-nation d’une justice populaire,minutieuseetsereine: lacourd’as-sises. François Saint-Pierre, quin’est pas rebuté par les causesimprobables(ilest l’undesavocatsdu Monde), lui règle son comptedans un petit pamphlet enlevé ettrès documenté.

Le jury d’abord. Jusqu’en 1941,les 12 jurés délibéraient seuls, lesmagistratsdécidaientensuitede lapeine. Le régime de Vichy a divisélenombredejuréspardeux,etleura adjoint le président et ses deuxassesseurs – «c’en fut alors fini del’indépendance du jury criminel»,dit sombrementSaint-Pierre.

A la Libération, on se contentederajouterunjuréauxtroismagis-trats professionnels ; en 1958,deux autres: il faut donc 8voix aumoins sur 12 pour emporter unecondamnation. La souverainetépopulaire, qu’est censé représen-ter le jury, pèse ainsi assez peu auregarddupoids duprésident. Et lepeuple ne pouvait par définitionpas se tromper: quatre condam-nés seulement ont vu leur procèsréviséentre 1945à 2000,et ontétéacquittés grâce à la découverted’unélémentnouveau.

Tirés au sortLa loi Guigou du 15 juin 2000 a

fait un pas décisif, et autorisé leprocès d’assises en appel : dès lapremière année, 9 condamnéssont acquittésenappel, puis 20en2002. Des acquittements défini-tifs : jusque-là, le ministère publicne pouvait en faire appel. Mais en2002, la loi l’y autorise : du coup,un acquittement sur deux s’esttransformé en condamnation, àpartir du même dossier, et sans

aucune justification publique :«L’effet de loterie fut désastreux»,résume l’auteur.

«L’effrayant aléa des verdicts»se fait dans le secret : aucune noted’audience n’est prise par les gref-fiers,et ila falluattendre2011pourque les verdicts soient (très) som-mairementmotivés – par l’incon-tournable président. Si l’on ajoutequeles juréssonttirésausort, sansexamen préalable, à l’inverse desEtats-Unis,etqu’onneleurdeman-de que de se fier à leur intimeconviction, on comprend mieuxpourquoi la justice est toujoursreprésentée les yeuxbandés.

Faut-ilsupprimerlesjuréspopu-laires? L’auteur plaide pour unaggiornamento: enregistrementdu procès, accès au dossier pourdes jurés sélectionnés lors d’uneaudience préliminaire, fin de lasacro-sainteoralitédesdébats,exa-men des preuves et interrogatoi-res croisés des témoins par l’accu-sationet ladéfense, sous l’autoritéd’unjugearbitreimpartial,etmoti-vation des verdicts. La charge estsévère, mais parfaitement argu-mentée, et donneàpenser.p

Franck Johannès

TOUT PORTEÀ CROIRE QUELES EFFORTS

DUSECRÉTAIRED’ETAT

AMÉRICAINONT

ENGENDRÉUNE MAIGREMOISSON

Au nom du peuple français, jurypopulaire ou juges professionnels ?François Saint-PierreOdile Jacob, 208 pages, 22,90¤

analyses

Négociations israélo-palestiniennes: la find’une logique

ACCÉDEZÀL’INTÉGRALITÉDES «UNES» DU MONDEET RECEVEZ CELLE DEVOTRE CHOIX ENCADRÉE

www.lemonde.fr

65eAnnée - N˚19904 - 1,30 ¤ - Francemétropolitaine ---

Jeudi 22 janvier 2009Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Eric Fottorino

Algérie 80 DA,Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤,Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤,Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤,Malte 2,50 ¤,

Maroc 10 DH,Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1,9 DT, Turquie 2,20 ¤,USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

Barack etMichelleObama, à pied sur Pennsylvania Avenue,mardi 20 janvier, se dirigent vers laMaisonBlanche. DOUGMILLS/POOL/REUTERSa Les carnets d’une chanteuse.Angélique Kidjo, née au Bénin, a chantéaux Etats-Unis pendant la campagnedeBarackObama en2008, et de nouveaupendant les festivités de l’investiture,du 18 au 20 janvier. Pour LeMonde, elleraconte : les cérémonies, les rencontres– elle a croisé l’actrice Lauren Bacall,le chanteur Harry Belafonte… et l’écono-

miste Alan Greenspan. Une questionla taraude : qu’est-ce que cet événementva changer pour l’Afrique ? Page 3

a Le grand jour. Les cérémonies ;la liesse ; lesambitionsd’unrassembleur ;la première décision de la nouvelleadministration: la suspensionpendant cent vingt jours des audiencesde Guantanamo.Pages 6-7 et l’éditorialpage 2

a It’stheeconomy... Il faudraà lanou-velle équipe beaucoup d’imaginationpour sortir de la tourmente financièreet économique qui secoue la planète.Breakingviewspage 13

a Feuille de route.« La grandeurn’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…)Avec espoir et vertu, bravons une foisde plus les courants glacials et enduronsles tempêtesà venir. »Traduction intégraledu discours inaugural du 44eprésidentdes Etats-Unis. Page 18aBourbier irakien.Barack Obamaa promis de retirer toutes les troupesde combat américaines d’Irak d’iciàmai 2010. Trop rapide, estiment leshautsgradésde l’armée.Enquêtepage 19

GAZA

ENVOYÉSPÉCIAL

D ans les rues de Jabaliya, lesenfants ont trouvé un nou-veau divertissement. Ils col-lectionnent les éclats d’obus et demissiles. Ils déterrent du sable desmorceaux d’une fibre compactequi s’enflamment immédiatementau contact de l’air et qu’ils tententdifficilement d’éteindre avec leurspieds. « C’est du phosphore. Regar-dez comme ça brûle. »Surlesmursdecetterue,destra-cesnoirâtressontvisibles.Lesbom-bes ont projeté partout ce produitchimique qui a incendié une petitefabrique de papier. « C’est la pre-mièrefoisque jevoiscelaaprès trente-huit ans d’occupation israélienne »,s’exclame Mohammed Abed Rab-bo. Dans son costume trois pièces,cette figure du quartier porte ledeuil. Six membres de sa familleont été fauchés par une bombedevant un magasin, le 10 janvier.Ils étaient venus s’approvisionnerpendant les trois heures de trêvedécrétées par Israël pour permet-tre auxGazaouis de souffler.Le cratère de la bombe est tou-jours là. Des éclats ont constellé lemur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septièmevictime, âgée de 16 ans, ne décolè-re pas. « Dites bien aux dirigeantsdes nations occidentales que ces septinnocents sont morts pour rien.Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs deroquettes. Que c’est un acte crimi-nel. Que les Israéliens nous en don-nent la preuve, puisqu’ils sur-veillent tout depuis le ciel », enrageRehbi Hussein Heid. Entre sesmains, il tient une feuille depapier avec tous les noms desmortsetdesblessés, ainsi que leurâge, qu’il énumère à plusieursreprises, comme pour se persua-der qu’ils sont bienmorts.MichelBôle-RichardLire la suite page 5et Débats page 17

Ruines, pleurs et deuil :dans Gaza dévastée

WASHINGTONCORRESPONDANTE

D evant la foule la plus considérablequi ait jamais été réunie sur le Mallnational de Washington, BarackObama a prononcé, mardi 20 janvier, undiscours d’investiture presquemodeste. Aforce d’invoquer Abraham Lincoln,Martin Luther King ou John Kennedy, ilavait lui même placé la barre très haut. Lediscours ne passera probablement pas à lapostérité, mais il fera date pour ce qu’il a

montré.Unenouvellegénération s’est ins-tallée à la tête de l’Amérique. Une ère detransformation a commencé.Des rives du Pacifique à celles de l’At-lantique, toute l’Amérique s’est arrêtéesur le moment qu’elle était en train devivre : l’accession au poste de comman-dant en chef des armées, responsable del’armenucléaire,d’un jeunesénateurafri-cain-américain de 47 ans.

Lire la suite page 6Corine LesnesEducation

L’avenir deXavier Darcos«Mission terminée » :le ministre de l’éducationne cache pas qu’il seconsidérera bientôt endisponibilité pour d’autrestâches. L’historiende l’éducation ClaudeLelièvre expliquecomment la rupture s’estfaite entre les enseignantset Xavier Darcos. Page 10

AutomobileFiat : objectifChryslerAu bord de la failliteil y a quelques semaines,l’Américain Chryslernégocie l’entrée duconstructeur italien Fiatdans son capital, à hauteurde 35 %. L’Italie se réjouitde cette bonne nouvellepour l’économie nationale.Chrysler, de son côté, auraaccès à une technologieplus innovante. Page 12

BonusLes banquiersont cédéNicolas Sarkozy a obtenudes dirigeants des banquesfrançaises qu’ils renoncentà la « part variablede leur rémunération ».En contrepartie,les banques pourrontbénéficier d’une aidede l’Etat de 10,5 milliardsd’euros. Montantéquivalent à celle accordéefin 2008. Page 14

EditionBarthes,la polémiqueLa parutionde deux textes inéditsde Roland Barthes,mort en 1980, enflammele cercle de ses disciples.Le demi-frère del’écrivain, qui en a autoriséla publication, essuieles foudres de l’ancienéditeur de Barthes,François Wahl.Page 20

REPORTAGEUKprice£1,40

L’investiture de Barack ObamaPremières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension des audiences à Guantanamo

Le livre-enquête incontournable pour alimenter le débatsur l’avenir de l’école.

27 000 profs partiront chaque annéeà la retraite, d’ici à 2012.

www.arteboutique.com

un éditeur derrière l’écran >

Nouvelle éditionTome2-Histoire

EncyclopédieUniversalis

Enplusdu«Monde»Uniquement en France métropolitaine

RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique

Les Unes du Monde

0123

LE LIVRE DU JOUR

Faut-il supprimerles juréspopulaires?

18 0123Mercredi 12mars 2014

Page 19: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

enquête

KievEnvoyé spécial

Au marché des secrets deKiev, les prix ont chuté.Avant la révolution, le bazarPetrivkaenavait lemonopo-le. Espions, activistes etreporters en quête de

scoops devaient y souffler le mot «Kro-nos»àl’undesvendeursdeDVDetdelogi-cielspiratés.Entouréd’affichesde starsdela pop ukrainienne, l’homme égrénaitalors les prix à voix basse : 300euros parannée civile pour les registres des doua-nes, des impôts ou des tribunaux ukrai-niens. Samedi 8mars, les mêmes CD gra-véspardesfonctionnairescupidesàpartirde Kronos, la base de données gouverne-mentale, s’y négociaient à 500hryvniapour chaque trimestre (moins de40 euros).

La chute du président Ianoukovitch, le22février, a libéralisé le secteur des infor-mations confidentielles, et diversifié lesméthodes. Lundi 24, l’avocate EvgeniaZakrevskaya, spécialisée dans la défensedes demandeurs d’asile, appelle uneconsœur. «Je lui ai dit : “T’aurais pas dixmecscostauds ?”»,sesouvient-elle,derriè-re un bureau encombré des restes d’unrepas pris à minuit devant l’ordinateur.Les deux femmes délicates et leurescouademusclée ont ainsimené un raidaudépartementdesmigrations,rueVladi-mirskaya, écartant les gardiens interlo-quésetnégociantavec lesmagistratspourqu’ilsrestentassispendantqu’ellesphoto-graphiaient les dossiers de leurs clientspersécutés en Russie ou dans les républi-quesd’Asiecentrale,desdocumentsqu’el-lesréclamaientenvaindepuisdesannées.

En deux semaines, Kiev est ainsi deve-nue la capitale des révélations et des don-nées ouvertes, dans une ambiance dignede la trilogie Millénium (Actes Sud, 2006et2007). Chaque jourémergeunnouveaufilondedocuments sur la persécutiondesopposants ou l’enrichissement de la«simia», la famille Ianoukovitch au senslarge, comprenant descendants, associéset oligarques. Si bien que scanners et dis-ques durs font désormais partie de l’atti-rail quotidiendes reporters.

Tout a commencé en fin de matinée,samedi 22février, quelques heures aprèslafuiteduprésident, lorsquelafoulepénè-tredans l’enceintedeMejgorié, sa luxueu-se résidence au bord du Dniepr, à 20kilo-mètres au nord du centre-ville. « Lescochons de Ianoukovitch sont mieux trai-tésque laplupartdesUkrainiens, ils ontduchauffage», s’indigne alors Lioudmila,étudiante en chimie.

Pendantque tout lemondese colle auxvitres teintées pour apercevoir les intéri-eurs très kitsch du palais, un petit groupede journalistesdescend jusqu’auhangaràbateaux. Dans l’eau flottent des docu-ments. La suite des événements est docu-mentée à la seconde près sur leurs comp-tesFacebooketTwitter: labargequ’ils lan-cent pour repêcher les premières pages,l’arrivée d’un plongeur qui va remonterdes sacsd’autresdossiers, l’étalagedecen-taines de pages trempées sur des bâchesdetoile, le renfortd’uneéquiped’archivis-tes flanqués de séchoirs géants, le trans-fert le lendemain de tous les documentsdans une résidence voisine du palais, que

l’onditavoirétéconstruitepouraccueillirVladimirPoutine.

Pendantsixjoursetcinqnuits,unedou-zaine de journalistes vont photographier,puis scanner ces 200dossiers, dont cer-tains contiennent jusqu’à 500pages. Ilont conclu un pacte : sauver d’abord lesdocuments et les mettre en ligne sur unsite créé à la hâte, YanukovychLeaks,avant de sortir leurs scoops. Ils ne pour-ront toutefois s’empêcher d’en diffusersur les réseaux sociaux: un reçude 12mil-lions de dollars (8,6millions d’euros) enliquide, une facture de 1,7million d’eurospour la boiserie d’une salle de thé, unecible mouvante en forme de sanglier à90 000 eurospour le standde tir.

Mustafa Nayem ne fut pas le premiersurplace,mais il estrapidementdevenulafiguredeprouedelabande.NéàKaboulen1981, journaliste d’investigation pour laUkrayinska Pravda («La Vérité ukrainien-ne») avant de participer à Hromadske TV,il doit sa célébrité à une interview agressi-

ve de Viktor Ianoukovitch en 2009, juste-ment au sujet de sa propriétédeMejgorié,à une arrestation l’année suivante par despoliciers qui lui reprochaient son visageafghanetàsonrôle,dès lespremièresheu-res de la révolte, le 21 novembre 2013, surMaïdan.

Dimanche 23février, tout en scannantavec ses confrères les documents sauvésdes eaux, Mustafa a une illumination. Ilsaute dans une voiture, se faufile parmilesmilitantsquifouillentla luxueusevilladu procureur général Viktor Pchonka, nes’arrête ni devant les tableaux qui repré-sentent le fugitif en empereur romain ouen Napoléon ni devant les robinets en orde la salle de bains. Et tombe, dans le sau-na, surquatre gros cartons dedocuments.

«J’ai cru que j’allais devenir fou devantun tel trésor», dit-il. Le procureur traitaiten effet des plus hautes affaires de l’Etatdans le luxecriardde sonmanoirdeGore-nichi. Ces documents-là ne sont pas enligne. Pas encore. «Nous sommes en

guerre, lâche Mustafa Mayem. Mes collè-gues sont tous en Crimée.» Il a l’air épuisé.Tout juste promet-il de trier les docu-ments pour en extraire le dossier IouliaTimochenko et celui sur la répression deMaïdan. Il a été interviewé par les plusgrandsmédias dumonde et a reçu le sou-tien d’organisations prestigieuses. Dequoi a-t-il besoin, d’argent? de scanners?de logiciels? de développeurs informati-ques?«Derien,dit-il. Justededormirenfinplus de trois heures par nuit.»

L a journaliste SevgilMusaeva a senti,elle aussi, son pouls s’accélerer.Lundimatin24février,elleseprécipi-

te au siège de Vetex, la société de l’oligar-que Sergeï Kurchenko, sur lequel elleenquête depuis des années. Dans le halld’entrée, elle croise des employés quidéguerpissent en emportant ordinateurset documents. Elle en reconnaît certains.«Je leur criais : “Attendez, ne partez pas,montrez-moi ce que vous avez !”» Envain.

Tout juste parvient-elle à en prendrequelquesphotos. Impossibledegagner lesétages, les gardiens bloquent la porte del’ascenseur.

«Leparking!», sedit-elle soudain.C’estlà qu’avaient lieu les remises de valisesd’argent liquide qui alimentaient lesréseauxobscurs dumilliardairede 28ans,devenu son ennemi personnel. Elle s’en-gouffre dans les escaliers, et, dans lapénombre, distingue une montagne desacs-poubelle noirs qui débordent desconteneurs. L’un d’eux, mal fermé, laisseéchapper des lamelles de papier. Une foisseule chez elle, devant trente sacs de cebutin aussi léger que volumineux, lajeune femme est prise d’un vertige quin’est pas dû aux nuits blanches deMaïdan.

Pendant desmois, en 2011 et 2012, Sev-gil Musayeva a rassemblé un faisceau demille indices et quelques preuves pourraconter l’ascension fulgurante de SergeïKurchenko et de son complice, le fils duprocureur général, par des contrats d’ex-portation fictifs, l’accaparement de res-sources nationales (du gaz liquéfié et lemeilleur charbonukrainien, l’anthracite),et la dissimulation de cette fortune aubénéfice de la famille Ianoukovitch, dansun archipel de sociétés offshore. Son arti-cle, cosigné avec Alexandre Akimenko,paraît en octobre 2012 dans Forbes Ukrai-ne.Huitmoisplustard, l’oligarque,quin’apas décoléré, rachète tout simplement legroupe de presse qui édite le titre, ainsique plusieurs quotidiens et chaînes detélévision.Sevgildémissionneimmédiate-ment et se lance dans l’aventure d’un siteInternet d’information qui cherche enco-re son équilibre financier,Hubs.com.ua.

Sevgil, d’origine tatare, consacre désor-mais ses jours et ses nuits à envoyer del’aideenCrimée.Ellen’ad’autrechoixque

de confier ses sacs récupérés au journa-listeDenis Bigus, lequel investit pour unesemaine le centre de formationdu réseauInternews, rue Rizskaya. Mardi 4 mars, illanceunappel à ses6 000amisFacebook.En quelques heures, quarante volontairesfrappent à la porte. Depuis lors, dans unegrande salle du premier étage, des étu-diants, des femmes et des enfants serelaient pour coller, quinze heures parjour, les bandelettes de papier sur despages de couleur qui sont scannées pourêtre un jour reconstituées, grâce àun logi-ciel similaire à celui utilisé à Berlin pourles archives broyées de la Stasi. L’équipetraitemoinsde deux sacs par jour, et dansun coin, la jeune femme chargée du scan-nern’arrivepasàsuivre.«Donnez-nousunpeude temps, supplieDenisBigus, lui aus-si exténué. Il y a presque la guerre en Cri-mée, comment plonger calmement danscesdocuments?Toutseraenligned’iciquel-ques semaines. Ce sera explosif.»

Autroisièmeétage, lesvolontairessontpenchéssurunautrepuzzlegéant. Il s’agitde cinq sacs de documents déchirés à lamain, saisis par Denis Bigus dans desbureaux attenant à la résidence présiden-tielle de Mejgorié. Ils proviennent de lasociétéKievUniversal Servicesqui s’occu-pait, avecVetex, la holdingdeKurchenko,dubien-êtrede la «simia»: construiredespalais, importerdesmeublesdeluxe,ache-terdes yachts, engagerdes hôtesses et deschasseurspour accompagner le présidentdans ses loisirs, nourrir les animaux duzoo présidentiel, gérer la flotte de sesvoitures.

Une question, tout de même. Com-ment expliquer qu’une dictature aussiméticuleuse dans la répression et l’accu-mulationde richesses ait punégliger d’ef-facer les traces de ses crimes? «C’est sim-ple : l’arrogance,ditHalyna Senyk, de l’or-ganisation PEPWatch, qui a travaillédepuisdes années sur les financesduclanIanoukovitch. Ils avaient acheté la justiceetcorrompulapolice. Ilssesentaientintou-chables et ont commis des imprudences.Maintenant,il fautlancerlesmêmesenquê-tes sur les finances de Poutine. Mais ceuxqui essaient disparaissent mystérieuse-ment. Il gère sa fortune avec les méthodesduKGB.»p

Kiev,foireauxsecrets

Desétudiants,desfemmesetdesenfantsse relaientpourcoller,quinzeheuresparjour,lesbandelettesdepapiersurdespagesdecouleur

LacapitaleukrainienneregorgededocumentsquelesprochesduprésidentdéchuViktorIanoukovitchonttentédedétruireavantdefuir.Desjournalistes recollentcepuzzlegéantde lacorruption

Des lamelles de papier, récupérées après le broyage de documents divers : une feuille de compte et un CV,probablement celui d’un employé de la résidence présidentielle. MARI BASTASHEVSKI POUR «LE MONDE»

SergeMichel

190123Mercredi 12mars 2014

Page 20: *MFE[QQ[I *$%., .,! 10$/13! 1#4! O[Na^[I H[JJMJTIH[Iequipop.free.fr/20140312_QUO.pdf · 6 \ii\ [nvjd mbj ]\ fv_ivp\jf -\ 7h ubofv\kd ilg\rlg\j \o_b ; `rgk\j ]\ rb [knoivvk\ rv`c\o

Société éditrice du«Monde»SAPrésident dudirectoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirectricedu «Monde»,membre dudirectoire, directrice des rédactionsNatalieNougayrèdeDirecteur déléguédes rédactionsVincentGiretDirecteur adjoint des rédactionsMichel GuerrinDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédacteurs en chefArnaudLeparmentier, Cécile Prieur, NabilWakimRédactrice en chef «MLemagazine duMonde»Marie-Pierre LannelongueRédactrice en chef «édition abonnés» duMonde.fr Françoise TovoRédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien LeloupChefsde serviceChristopheChâtelot (International), LucBronner (France), VirginieMalingre(Economie), Auréliano Tonet (Culture)Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (InnovationsWeb),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chefd’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président

S ur la scènepolitique, décidément, la réali-té dépasse la fiction.Quel scénaristeaurait osé proposer, en 2011, le spectacle

dudirecteurgénéral du FMI, accusé d’avoiragressé sexuellementune femmede cham-bre,menotté commeunvoyouet envoyédansunpénitencierdeNewYork?Quel autre auraitpu imaginer cette scène sidérante, il y a unan :après s’en être défendu «les yeuxdans lesyeux», leministre dubudget avouant qu’ilavait trompé le fisc pendantdes années grâceà des comptes bancaires à l’étranger?Quelautre encore aurait, sans craintedu ridicule,mis en scène le chef de l’Etat, casqué commeunDaft Punk, enfourchantun scooterpourrejoindre sa bonneamie rueduCirque?

Pourtant, tout cela paraît presquemièvre àcôté de l’ahurissant thriller quevient depro-duire la droite française –ouplutôt quelques-unsde ses plus éminents caciques–, en l’espa-ced’unehuitainede jours.

Acte1 : Jean-FrançoisCopé, présidentdel’UMP, est soupçonnéd’avoir donnéunsérieuxcoupdemain àune sociétéde commu-nicationdirigéepar deuxde ses anciens colla-borateurs. Ces jeunes gens gourmandsn’auraientpas seulement été les heureux

intermédiaires, en 2007, de la vente àuneban-queduQatar de l’ancien centre internationalde conférences de l’avenueKléber à Paris,quandM.Copé étaitministre dubudget; ilsont également, lorsque leurmentor était secré-taire général de l’UMP, récupéré la gestiondesmeetingsde la campagnedeM.Sarkozyde2012 et les auraient grassement surfacturés.M.Copén’apas eudemots assez forts pourdénoncer la «chasseà l’homme»dont il s’esti-mevictime.Mais il s’est bien gardéde répon-dreprécisémentaux accusations.

Acte2 : enmargede l’enquête sur «les son-dagesde l’Elysée», généreusementattribués àsa sociétéPublifact, on apprendque PatrickBuisson, influent conseiller duprésidentSarkozyet inspirateurde sa campagne«àdroi-te toute» de 2012, s’est promené, pendant tou-tes ces années, avecundictaphonedans sapoche. Il enregistrait tout bonnement sesconversationsavec le chef de l’Etat et ses pro-ches, à leur insu. Chacun, autourde l’ancienprésident, a crié à la trahison;mais personnen’a eu lemauvais goût de rappeler qui avaitaccordé toute sa confiance au «traître».

Acte3 : on découvrequedeux juges d’ins-truction, enquêtant sur un éventuel soutien

financier de la Libye à sa campagneprésiden-tielle de 2007ontmis sur écouteM.Sarkozy,deuxde ses anciensministres (MM.Guéant etHortefeux), puis son avocatMeHerzog, soup-çonnésde trafic d’influenceet de violationdusecret de l’instruction. Enmargede cetteenquête, les juges constatentque l’ancienpré-sident suit très attentivement l’avancement, àla Cour de cassation, dudossier sur la restitu-tionde ses agendas: saisis dans le cadre de l’af-faireBettencourt –où il a obtenuunnon-lieuenoctobre 2013–, ces documentspourraientêtre embarrassantsdansune autre enquête,sur l’arbitragemirobolant accordé àBernardTapie en 2008…

Aucune preuve ni chargeOns’y perd, direz-vous. Et, jusqu’à présent,

aucunepreuveni chargen’a été retenuecontreNicolas Sarkozydans aucunedes affai-res où sonnomapuêtre évoquéou cité. Aupointque ses prochesdénoncent, unenouvel-le fois, l’acharnement judiciaire, voirepoliti-que, dont il est l’objet selon eux.Mieux, ils yvoient la démonstrationque le retour annon-céde l’ancienprésident, en vue de la présiden-tielle de 2017, en inquièteplus d’un.

Il n’empêche. Cettenébuleused’affaires –àquoi il faut ajouter lamise en examende l’an-cien secrétaire général adjointde l’Elysée, Fran-çois Pérol, parti pantoufler à la tête du groupebancaireBPCEdont il avait piloté la constitu-tion, ou l’enquêtepour détournementdefondspublics qui vise l’utilisationdiscrétion-nairedes «frais de police»par l’ancienminis-tre de l’intérieurClaudeGuéant– dégageunparfumaussi insistant quedélétère.

Au risquedepécher parnaïveté, on a voulucroireque les scandales financiers qui avaientéclaboussé la gauche comme la droitedans lesannées 1980-1990avaient servi de leçon.On aespéréque les condamnationsd’Alain Juppépuisde JacquesChirac lui-mêmeaprès sondépart de l’Elysée,mis en causedans les affai-res de la Ville de Paris, avaient euvaleurd’exemple. Et l’on comptait sur les lois succes-sives adoptées entre 1988et 1995 –instaura-tiondu financementpublic des partis politi-ques, contrôle de leurs comptes annuels, pla-fonnementet contrôle des comptes de campa-gnes électorales– pour assainir les rapportsentre le pouvoir et l’argent, etmoraliser la viepolitique.

Le désastreux feuilleton judiciaire actueldes «années Sarkozy»démontrequ’il n’en estrien. Chaqueépisode témoigneque, chez sesacteurs, le cynismeet la défense d’intérêtspar-ticuliers, voirepersonnels, le disputaient ausentimentd’impunité.

Machination, accusations sanspreuvesnicondamnationsà ce stade, s’insurgent-ils enchœur. C’est oublier qu’êtredépositairede l’in-térêt général dupays implique, de la part desgouvernants, une exemplarité incontestable.Cettemorale publiquene se résumepas seule-ment au respect de la légalité –et la justicedira si ce fut le cas. Elle suppose, d’abord, queles responsablespolitiques soient au-dessusde tout soupçon, sauf à saper la confiancedescitoyens et le respect vis-à-vis de l’autorité. Lemoinsqu’onpuisse dire –hélas!– est que cen’est pas le cas. p

[email protected]

FRANCE | CHRONIQUEpar Gérard Courtois

Leparfumdélétèredes«annéesSarkozy»

0123

CHAQUEÉPISODETÉMOIGNE

QUELE CYNISMELE DISPUTAIT

AUSENTIMENTD’IMPUNITÉ

Tiguan CUP TDI suréquipé.385€/mois

(1)

.Sans apport, sans condition.

Offre réservée à toi, toi, toi et toi aussi là-bas,enfin à tout le monde quoi.

Volkswagen Group France - s.a. - R.C.S. Soissons B 602 025 538

Location Longue Durée sur 48 mois. Sans apport, 48 loyers de 385€. Offre valable du 1er mars au 22 avril 2014.(1) Série spéciale Tiguan CUP 2.0 TDI 110 ch en Location Longue Durée sur 48 mois et pour 60 000 km maximum, hors assurances facultatives,sans condition de reprise. Remise de 3000€TTC déduite du prix catalogue au 01/02/2014. Offre réservée aux particuliers en France métropolitainechez les distributeurs présentant ce financement, non cumulable avec toute autre offre en cours, valable pour toute commande entre le 01/03/2014et le 22/04/2014, dans la limite des stocks disponibles et sous réserve d’acceptation du dossier par Volkswagen Bank GmbH – SARL de droitallemand – Capital social : 318 279 200 € – Succursale France : Paris Nord 2 – 22 av. des Nations 93420 Villepinte – RCS Bobigny 451 618 904 –ORIAS : 08 040 267 (www.orias.fr). (2) Selon autorisation préfectorale et réseau participant. Das Auto. : La Voiture.

Cycle mixte (l/100 km) : 5,3. Rejets de CO2 (g/km) : 138.

Toit ouvrant panoramique • Radionavigation avec écran tactile

Aide au stationnement AV/AR avec Park Assist 2.0

Portes Ouvertesles 15 et 16 mars (2)

volkswagen.fr«TrueDetective», lasériequiaréhabilité lefeuilleton

pTirage duMondedatémardi 11mars 2014 : 300021 exemplaires. 2

I l y amoinsd’unmois, à l’occa-sionde lamise en lignedes13 épisodesde ladeuxièmesai-

sonde «Houseof Cards», lesréseaux sociauxcélébraient laconversiondes téléspectateursaubingewatching. Il n’y avaitplusd’autresmanières deconsommer la fiction enépiso-des qu’à fortes doses, une saisonà la fois, sansquitter son canapé,quitte à enperdre le sommeil et àrenoncerà toutehygièneperson-nelle. Et voilà que «TrueDetecti-ve» vient rétablir la légitimité dufeuilleton, réunissant chaquesemainedes foules autour de lamachineà café, réelle ou virtuel-le, qui spéculentde vive voix ouen ligne sur ce que réserve le pro-chain épisode.

Ledernierdeshuit chapitresdelapremièresaisonde cettesérieconçueparunnéophyte,NicPizzo-latto, a étédiffusédiman-che9marsauxEtats-Unis, parHBO,et le lendemainenFrance,parOCSCity.Cette conclusionaétéprécédéed’uncrescendodepronosticsquant à l’identitédu«roi jaune» (leprincipal suspect)etdediscussionsenflamméessurlavaleuret laportéeduscénario.

L’auteur, originairede laNou-velle-Orléans, a renouvelé – ouuséunpeuplus – l’undes lieuxles plus communsde la fictionpopulaire: les deuxpoliciers quetoutoppose. Rust Cohle est unhommeinquiet, à la sensibilitéexacerbée, qui aimeà citerNietzs-che et à proférerdes observationscomme«le temps est un cercleplat».MartyHart est un colossesudiste, père de famille infidèle,promptà la colère.

Diffusé chaquedimanchesoir,«TrueDetective»met ses deuxhéros sur la pisted’un (oudeplu-sieurs) tueur(s) en série, qui per-pètrentdesmeurtres rituels dontles victimes sont des femmeset

des enfants originairesdesparois-ses les pluspauvres dubayou. Lessixpremiers épisodes sontconstruits selonune chronologiefragmentéequi permet auxdeuxinterprètesprincipauxde vieilliret de rajeunir tout enmontrantl’étenduede leur registre.

L’énigmeque cherchent à per-cerRust etMarty a suscité, aprèschaqueépisode, lamise en lignede théories qui incriminaientàpeuprès tous les personnagesdela distribution, desdeuxhéros auplus fugace des figurants, etmême la productiond’un court-métrage très drôle,TheYellowKingTheory (visible sur YouTube)qui détournait les imagesde lasérie.

«Postérieurs féminins»Lapolémique, elle, a été

menéepar EmilyNussbaum, lacritiquede télévisionduNewYor-ker, qui a fait remarquerque legénérique racontait en fait unehistoireassez simple, celle «de sil-houettesmasculineshéroïques etdes gros plansdepostérieurs fémi-nins». Elle poursuivait en expli-quantque «TrueDetective» limi-te les rôles de femmesà ceuxdevictimeset d’épouse.Nic Pizzo-latto s’est défenduenexpliquantque toute l’histoire était vue à tra-vers la psychédedeuxhommes.

Dimanchesoir, le dernierépisodeadéçunombredecritiques,professionnels ouamateurs.Mais pasHBO.Avec3,5millionsde spectateurs aumomentde la diffusion, 5mil-lionsdans les heures qui ont sui-vi (le servicede rattrapagede lachaîne a d’ailleurs connuunedéfaillanceen raisonde la deman-de), «TrueDetective»montreque le plaisir et les déceptionsdufeuilletonn’ont rienperdudeleur attrait.p

Thomas Sotinel

20 0123Mercredi 12mars 2014