Mesures de la perfusion cérébrale chez le rat à l’aide de la RMN du 129Xe hyperpolarisé :...

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Mesures de la perfusion cérébrale chez le rat à l’aide de la RMN du 129 Xe hyperpolarisé : étude de fluides biologiques vecteurs du 129 Xe Guillaume Duhamel a , Philippe Choquet b , Emmanuelle Grillon a , Jean-Louis Leviel a , Anne Ziegler a , André Constantinesco b * a Unité mixte Inserm–université Joseph-Fourier, U438 « RMN bioclinique », LRC–CEA, CHU pavillon B, BP 217, 38043 Grenoble cedex 9, France b Laboratoire de biomécanique, université Louis-Pasteur, CHU Hautepierre, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France Reçu le 14 mai 2001 ; accepté le 12 juillet 2001 Abstract – Rat brain perfusion measurements with hyperpolarized 129 Xe-NMR: study of biological fluids for the delivery of 129 Xe. The high xenon solubility in blood and tissues makes hyperpolarized 129 Xe a potential MR tracer for tissue perfusion studies. Two biocompatible fluids were studied with a view to be used as delivery media for hyperpolarized xenon injection: the carrier agents were 129 Xe micro-bubbles in Echovist (2–3 μm in diameter), and Intralipid 129 Xe suspension. Xenon chemical shifts and longitudinal relaxation time T 1 were measured at 2.35 T in both fluids. Xenon chemical shift of the dissolved phase in Echovist was 204.1 ± 0.5 ppm from the micro-bubbles gas phase resonance data (0 ppm). Xenon T 1 was 20.0 s in micro-bubbles in Echovist and 19.0 s for the dissolved phase. Xenon chemical shift in Intralipid was 194.6 ± 0.5 ppm. T 1 was 15.2 ± 4.9 s (n = 5) in Intralipid 20 % and 20.9 ± 2.9 s (n = 4) in Intralipid 30 %. Using an intra-carotid injection of a small volume (0.15 mL) of hyperpolarized xenon dissolved in Intralipid 30 %, cerebral blood flow was measured in rats (160 ± 30 mL·(100 g) –1 ·min –1 , n = 10). Rat brain xenon images were performed with 2-D projection–reconstruction pulse sequence, enabling regional blood flow measurements. © 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS hyperpolarized xenon / NMR / longitudinal relaxation / chemical shift / cerebral perfusion / cerebral blood flow Résumé – Dans l’objectif d’utiliser le 129 Xe comme traceur diffusible pour mesurer la perfusion cérébrale, nous avons testé deux produits susceptibles d’acheminer le 129 Xe hyperpolarisé jusqu’au cerveau. Nous avons évalué, d’une part, l’encapsulation de xénon gazeux sous forme de micro-bulles d’Echovist (2–3 μm de diamètre) et, d’autre part, la dissolu- tion du xénon dans une émulsion d’Intralipide. Le déplacement chimique du xénon dans ces fluides a été mesuré à 2,35 T, ainsi que le temps de relaxation longitudinale T 1 du xénon dans ses différentes phases. Pour le xénon dissous dans l’Echovist, le déplacement chimique est situé à 204,1 ± 0,5 ppm du pic de la phase gazeuse du xénon encapsulé. Pour le xénon dissous dans l’Intralipide 20 % et l’Intralipide 30 %, le déplacement chimique est de 194,6 ± 0,5 ppm. Le temps de relaxation longitudinale T 1 est de ± 20,0 s pour le xénon encapsulé dans les micro-bulles d’Echovist et de 19,0 s pour le xénon dissous. En ce qui concerne l’Intralipide 20 % et l’Intralipide 30 %, les T 1 sont respectivement de 15,2 ± 4,9 s (n = 5) et de 20,9 ± 2,9 s (n = 4). L’injection intra-carotidienne chez le rat d’une petite quantité de xénon hyperpolarisé dissous dans l’Intralipide 30 % (0,15 mL de mélange) a permis d’obtenir un spectre révélant plusieurs pics de résonance. Les deux principaux (à 194 ppm et 199 ppm du pic de xénon gazeux) ont été attribués respectivement au xénon dissous dans l’Intralipide et dans le tissu cérébral. Le suivi temporel de l’amplitude de la résonance du xénon dissous dans le tissu cérébral a permis d’accéder à la mesure de la perfusion cérébrale. Un débit cérébral global de 160 ± 30 mL·(100 g) –1 ·min –1 (n = 10 rats) a ainsi été mesuré. L’obtention d’images dynamique du xénon dissous dans le cerveau du rat ouvre la possibilité de mesurer des débits sanguins cérébraux régionaux. © 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS xénon hyperpolarisé / RMN / relaxation longitudinale / déplacement chimique / perfusion cérébrale / débit sanguin cérébral * Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (A. Constantinesco). IMAGERIE ET RMN BIOMÉDICALES / MRI AND RMN IN BIOMEDICINE 789 C. R. Acad. Sci. Paris, Chimie / Chemistry 4 (2001) 789–794 © 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1387160901013172/FLA

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Mesures de la perfusion cérébrale chez le ratà l’aide de la RMN du 129Xe hyperpolarisé :étude de fluides biologiques vecteurs du 129XeGuillaume Duhamela, Philippe Choquetb, Emmanuelle Grillona, Jean-Louis Leviela,Anne Zieglera, André Constantinescob*

a Unité mixte Inserm–université Joseph-Fourier, U438 « RMN bioclinique », LRC–CEA, CHU pavillon B, BP 217,38043 Grenoble cedex 9, Franceb Laboratoire de biomécanique, université Louis-Pasteur, CHU Hautepierre, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex,France

Reçu le 14 mai 2001 ; accepté le 12 juillet 2001

Abstract – Rat brain perfusion measurements with hyperpolarized 129Xe-NMR: study of biological fluidsfor the delivery of 129Xe. The high xenon solubility in blood and tissues makes hyperpolarized 129Xe a potential MRtracer for tissue perfusion studies. Two biocompatible fluids were studied with a view to be used as delivery media forhyperpolarized xenon injection: the carrier agents were 129Xe micro-bubbles in Echovist (2–3 µm in diameter), andIntralipid 129Xe suspension. Xenon chemical shifts and longitudinal relaxation time T1 were measured at 2.35 T in bothfluids. Xenon chemical shift of the dissolved phase in Echovist was 204.1 ± 0.5 ppm from the micro-bubbles gas phaseresonance data (0 ppm). Xenon T1 was 20.0 s in micro-bubbles in Echovist and 19.0 s for the dissolved phase. Xenonchemical shift in Intralipid was 194.6 ± 0.5 ppm. T1 was 15.2 ± 4.9 s (n = 5) in Intralipid 20 % and 20.9 ± 2.9 s (n = 4) inIntralipid 30 %. Using an intra-carotid injection of a small volume (0.15 mL) of hyperpolarized xenon dissolved inIntralipid 30 %, cerebral blood flow was measured in rats (160 ± 30 mL·(100 g)–1·min–1, n = 10). Rat brain xenon imageswere performed with 2-D projection–reconstruction pulse sequence, enabling regional blood flow measurements. © 2001Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

hyperpolarized xenon / NMR / longitudinal relaxation / chemical shift / cerebral perfusion / cerebral blood flow

Résumé – Dans l’objectif d’utiliser le 129Xe comme traceur diffusible pour mesurer la perfusion cérébrale, nous avonstesté deux produits susceptibles d’acheminer le 129Xe hyperpolarisé jusqu’au cerveau. Nous avons évalué, d’une part,l’encapsulation de xénon gazeux sous forme de micro-bulles d’Echovist (2–3 µm de diamètre) et, d’autre part, la dissolu-tion du xénon dans une émulsion d’Intralipide. Le déplacement chimique du xénon dans ces fluides a été mesuré à2,35 T, ainsi que le temps de relaxation longitudinale T1 du xénon dans ses différentes phases. Pour le xénon dissous dansl’Echovist, le déplacement chimique est situé à 204,1 ± 0,5 ppm du pic de la phase gazeuse du xénon encapsulé. Pour lexénon dissous dans l’Intralipide 20 % et l’Intralipide 30 %, le déplacement chimique est de 194,6 ± 0,5 ppm. Le temps derelaxation longitudinale T1 est de ± 20,0 s pour le xénon encapsulé dans les micro-bulles d’Echovist et de 19,0 s pour lexénon dissous. En ce qui concerne l’Intralipide 20 % et l’Intralipide 30 %, les T1 sont respectivement de 15,2 ± 4,9 s (n = 5)et de 20,9 ± 2,9 s (n = 4). L’injection intra-carotidienne chez le rat d’une petite quantité de xénon hyperpolarisé dissousdans l’Intralipide 30 % (0,15 mL de mélange) a permis d’obtenir un spectre révélant plusieurs pics de résonance. Les deuxprincipaux (à 194 ppm et 199 ppm du pic de xénon gazeux) ont été attribués respectivement au xénon dissous dansl’Intralipide et dans le tissu cérébral. Le suivi temporel de l’amplitude de la résonance du xénon dissous dans le tissucérébral a permis d’accéder à la mesure de la perfusion cérébrale. Un débit cérébral global de 160 ± 30 mL·(100 g)–1·min–1

(n = 10 rats) a ainsi été mesuré. L’obtention d’images dynamique du xénon dissous dans le cerveau du rat ouvre lapossibilité de mesurer des débits sanguins cérébraux régionaux. © 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques etmédicales Elsevier SAS

xénon hyperpolarisé / RMN / relaxation longitudinale / déplacement chimique / perfusion cérébrale / débit sanguin cérébral

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C. R. Acad. Sci. Paris, Chimie / Chemistry 4 (2001) 789–794© 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1387160901013172/FLA

1. Introduction

En 1994, les premières images IRM des cavitéspulmonaires d’une souris effectuées avec du 129Xepréalablement hyperpolarisé par pompage optiqueont été réalisées ex vivo [1]. Depuis, la faisabilité del’imagerie des espaces aériens pulmonaires a étélargement démontrée tant chez l’animal [1–5] quechez l’homme [6–12], que ce soit par RMN du 129Xeou de l’3He hyperpolarisés. Plus récemment, plu-sieurs équipes ont choisi d’explorer l’utilisation desgaz hyperpolarisés par voie injectable [13]. Celapeut se faire, soit par emprisonnement d’3He dansdes micro-bulles, ce qui permet l’obtention d’ima-ges angiographiques [14–15], soit en exploitant lespropriétés de dissolution du 129Xe, soluble dans lesang et traversant librement la barrière hémato-encéphalique. Ces protocoles visent à obtenir desimages angiographiques [16–19] ou fonctionnellesde perfusion tissulaire [20–21].

L’importance de l’interface entre sang et cellulesdans les échanges de nutriments, de fluides, d’ionset de substrats énergétiques s’explique par la faiblediffusibilité de ces substances. Cela rend nécessairel’existence d’un réseau capillaire dense, qui assurel’irrigation sanguine correcte de la totalité duvolume tissulaire. Évaluer la perfusion au niveaud’un organe, que ce soit de façon globale (valeurmoyenne pour tout l’organe) ou régionale (par ima-gerie) revêt une importance tant fondamentale queclinique pour certains organes, comme le cerveauou le cœur. Cela peut permettre d’en suivre lesmodifications au cours de pathologies, d’évaluerdes thérapeutiques mises en œuvre, de comprendredes modifications au cours de changements d’étatsphysiologiques (exercice) ou artificiels (anesthésie),etc. De plus, l’accès à une mesure quantitative pré-cise permet d’évaluer la perfusion d’un organe parrapport à un état normal choisi comme référence.

Parmi les méthodes permettant une appréciationquantitative de la perfusion d’un organe, laméthode de référence est celle de Kety–Schmidt[22, 23], qui repose sur le principe de Fick [24] etsuppose l’utilisation de traceurs inertes librementdiffusibles. Ces traceurs doivent être inertes (chimi-quement et biochimiquement), car leur répartitiondans le tissu n’est ainsi fonction que de la perfu-sion sanguine de celui-ci. Leur diffusibilité (totale-ment libre ou seulement fonction de la solubilitérelative sang/tissu) permet de s’affranchir de lamesure de la fonction d’entrée circulatoire du tra-ceur pour la quantification, mesure délicate dont laprise en compte repose sur des hypothèses et desmodèles mathématiques simplificateurs (méthodesde dilution et de clairance). Une mesure globale

peut se faire par prélèvements veineux réguliers.L’utilisation d’isotopes radioactifs émetteurs gammaa permis de réaliser ces mesures par comptageexterne au niveau de l’organe, puis d’obtenir desmesures régionales par la multiplication des comp-teurs et enfin d’obtenir une image paramétrique dela distribution du traceur, dont l’échelle de couleurest quantifiée (en mL·(100 g de tissu)–1·min–1) pourla perfusion tissulaire. Le xénon est un candidatpresque idéal pour ce type de mesure [25, 26], car,en tant que gaz rare, il est chimiquement inerte,mais il est aussi largement diffusible dans les tissusbiologiques, car lipophile. Il possède deux isotopesémetteurs gamma, le 133Xe et le 135Xe. Largementemployé en médecine, son devenir biologiqueaprès injection ou inhalation est parfaitement connuet exploité depuis de nombreuses années [27, 28].Ceci explique que les méthodes l’utilisant demeu-rent les méthodes de référence pour les mesures deperfusion, par exemple cérébrales, au même titreque les méthodes à base d’émetteurs de positons(H2O marquée à l’15O). Cependant, ces méthodesd’émission nécessitent des équipements dédiés. Deplus, la résolution spatiale (6 à 7 mm) liée auxtechniques scintigraphiques reste, actuellement,beaucoup plus grossière que celle permise par lesautres méthodes d’imagerie clinique. L’IRM, parrapport aux autres techniques d’imagerie, combineles avantages d’une résolution spatiale élevée et del’absence de rayonnements ionisants. Il était légi-time d’envisager l’étude de la perfusion tissulairepar IRM. Mais l’utilisation des techniques de tra-ceurs en IRM est limitée par la faible sensibilité dela méthode. De ce fait, l’application des principesrégissant l’utilisation et l’exploitation des traceursest difficile. C’est parce que la polarisation en pré-sence d’un champ magnétique externe dépend dela température (polarisation thermique) et reste trèsfaible à température physiologique que seuls peu-vent être facilement observés les noyaux les plusabondants dans les tissus vivants, en particulierl’hydrogène. Le 129Xe et l’3He présentent la particu-larité d’avoir une polarisation qui peut être considé-rablement augmentée par pompage optique (d’unfacteur de l’ordre de 105) par rapport à sa valeur àl’équilibre thermique. On parle alors d’hyperpolari-sation, ce qui va compenser la faible densité volu-mique de ces noyaux, les rendant ainsi plus aisé-ment détectables. Nous nous sommes intéressés àla possibilité de reproduire par IRM du 129Xehyperpolarisé les résultats obtenus en scintigraphiedu 133Xe, à savoir des cartographies de perfusioncérébrale.

Le xénon peut être administré chez les êtresvivants, soit par inhalation, soit par injection. La

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voie pulmonaire est moins invasive, mais plus déli-cate à utiliser, dans le cas du xénon hyperpolarisé,pour des mesures cérébrales [20]. De ce fait, mêmesi la première image de la distribution intracéré-brale du 129Xe par IRM a été réalisée par cetteméthode [29], elle reste difficilement reproductible.Nous avons choisi de nous placer dans les condi-tions d’administration les plus favorables, c’est-à-dire au plus près de l’organe observé, le cerveau,et d’utiliser une injection artérielle, intra-carotidienne.

Une des difficultés d’utilisation du 129Xe hyperpo-larisé pour les applications biomédicales provientdu T1 court in vivo (T1 ∼ 10 s) du xénon, qu’il soitintroduit par voie intraveineuse ou pulmonaire [30,31] : la polarisation acquise par pompage optiqueest alors irrémédiablement perdue. Il est doncnécessaire de vectoriser le xénon, afin qu’il puisseatteindre le tissu cible avec une concentration laplus élevée possible, tout en gardant une polarisa-tion élevée, et sans perturber la physiologie del’animal. Nous nous sommes donc attachés à trou-ver un vecteur permettant l’acheminement duxénon hyperpolarisé à un organe cible. Pour cela,nous avons envisagé deux types de fluides : unpour lequel le xénon se trouve encapsulé dans desmicro-bulles (Echovist, laboratoires Guerbet,France, micro-bulles de 2–3 µm de diamètre) et unpour lequel le xénon est dissous (Intralipide,Upjohn Pharmacia, France).

2. Matériel et méthodes

2.1. Préparation du xénon hyperpolarisé

Le 129Xe a été hyperpolarisé par pompage opti-que de la vapeur de rubidium et échange de spinsur le noyau de 129Xe [32]. Un laser de 150 W(795 nm, Optopower) a été utilisé. La procédureexpérimentale d’hyperpolarisation du xénon permetde disposer d’environ 20 mL de xénon polarisé à18–20 % en un temps de l’ordre de 10 min [21]. Le129Xe hyperpolarisé est ensuite introduit dans uneseringue, elle-même connectée à une autre serin-gue contenant le fluide à tester. En fonction descoefficients de dissolution d’Ostwald (∼ 0,4 pourl’Intralipide 20 % et ∼ 0,6 pour l’Intralipide 30 % [17])et du volume de 129Xe hyperpolarisé initial, nouspouvons déterminer le volume d’Intralipide néces-saire pour dissoudre la totalité du xénon. Par unrapide va-et-vient entre les deux seringues, dedurée typiquement compris entre 5 et 7 s, on crée,soit une suspension de micro-bulles (Echovist), soitune émulsion lipidique, dans laquelle le xénon estdissous (Intralipide 20 ou 30 %).

2.2. Étude par RMN

Les expériences RMN ont été réalisées à 2,35 T.La spectroscopie RMN (séquence à une impulsionsuivie de l’acquisition, 5° d’angle d’impulsion, sui-vant les expériences de 4 096 à 16 384 pointsacquis et de 20 à 100 kHz de bande spectrale) nousa permis d’évaluer les capacités de dissolution etd’emprisonnement sous forme de micro-bulles du129Xe hyperpolarisé dans ces fluides. Nous avonsainsi mesuré le déplacement chimique du xénondans les fluides et le rapport relatif de la quantitéde xénon dissous par rapport à la quantité dexénon gazeux. Le temps de relaxation longitudinaleT1 du xénon (mêmes paramètres que ci-dessus,acquisition toutes les 3 ou 5 s, suivant les expérien-ces) a également été mesuré.

Le temps de vie des micro-bulles créées avecl’Echovist a été mesuré par néphélémétrie ; la tailledes gouttelettes d’Intralipide contenant le xénon aété déterminée par spectroscopie de corrélationphotonique.

Une séquence d’imagerie projection/recons-truction 2D sans sélection de tranche a été utiliséepour acquérir des images xénon du cerveau de rat(champ de vue 55 mm, angle d’impulsion 15°,matrice 64 × 64).

3. Résultats

Les résultats sont exprimés commemoyenne ± écart type.

Le spectre RMN 129Xe caractéristique de la solu-tion Echovist/xénon après création de la suspen-sion de micro-bulles de xénon est présenté sur lafigure 1a. Les résonances des deux phases duxénon sont séparées de 204,1 ± 0,5 ppm. La quan-tité de xénon en phase gazeuse (micro-bulles) parrapport à la quantité de xénon dissous se situedans un rapport 4:3.

La figure 1b montre le spectre RMN du 129Xe dis-sous dans l’Intralipide 20 %. Aucune résonance cor-respondant à une phase gazeuse n’a pu être détec-tée. Le déplacement chimique est de194,6 ± 0,5 ppm. La valeur de T2* du xénon dissousest de 9,6 ± 0,5 ms. L’utilisation d’Intralipide 30 % aconduit à des valeurs identiques du déplacementchimique et de T2*. Une quantité de xénon plusimportante (plus de 50 %) peut être dissoute dansl’Intralipide 30 %, en raison de la valeur du coeffi-cient de dissolution plus élevée (0,6 au lieu de 0,4pour l’Intralipide 20 %).

Les valeurs de T1 du 129Xe hyperpolarisé dans lesdifférents fluides vecteurs (figure 2) sont les suivan-tes : pour l’Echovist, T1

gaz = 20,0 s, T1dissous = 19,0 s,

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pour l’Intralipide 20 %, T1dissous = 15,2 ± 4,9 s

(n = 5). Pour l’Intralipide 30 %, T1dissous

= 20,9 ± 2,9 s (n = 4).L’analyse néphélémétrique indique une durée de

vie des micro-bulles de xénon dans l’Echovist de40,8 ± 0,5 s. L’analyse par spectroscopie de corréla-tion photonique a permis de mesurer la taille desgouttelettes d’Intralipide dans lesquelles le xénonse trouve dissous. La moyenne de la populationmajoritaire (90 %) a un diamètre de l’ordre de500 nm. Il existe aussi des particules de diamètreplus petit, de l’ordre de 100 nm.

L’Intralipide 30 % a été choisi comme vecteurpréférentiel pour les expériences de mesure de laperfusion cérébrale. Suite à une injection brève(5 s) de 0,15 mL de mélange Intralipide 30 %–xénondans la carotide interne du rat, et compte tenu duvolume mort total (0,35 mL) ainsi que du coefficientd’Ostwald du xénon dans l’Intralipide 30 % (∼ 0,6),on estime à 0,09 mL le volume de xénon hyperpo-larisé qui va atteindre le tissu cérébral. Il est aussipossible d’estimer théoriquement, dans ce cas,l’aimantation attendue par rapport à celle du protonpour le même volume de 0,09 mL. Sans tenircompte des pertes d’aimantation par la dissolution,ni de celles provenant éventuellement de mécanis-mes supplémentaires liés à la relaxation T1 in vivo,

Figure 1. Spectre RMN du 129Xe hyperpolarisé (1 acquisition) :(a) dans l’Echovist, (b) dans l’Intralipide.

Figure 2. Mesures du temps de relaxation T1 du xénon : (a)dans l’Echovist, (b) dans l’Intralipide 20 %, (c) dans l’Intralipide30 %.

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l’aimantation du xénon (à pression et températurenormales) est 1 850 fois plus élevée que celle duproton. Nous avons observé dans le cerveau invivo plusieurs pics du xénon (figure 3). Les deuxprincipaux pics ont été attribués, par référence parrapport aux données de la littérature [17–20], auxénon dissous dans le sang, pour le pic à 194 ppm,et au xénon dissous dans le tissu cérébral, pourcelui à 199 ppm. La possibilité d’acquérir plusieursspectres successifs, permettant le suivi temporel del’évolution des différents pics, conduit à la détermi-nation du débit sanguin cérébral chez le rat. Lavaleur moyenne (sur dix rats) du débit sanguincérébral global obtenue est de160 ± 30 mL·(100 g)–1·min–1 [33]. Les valeurs obte-nues sont en accord avec les données de la littéra-ture. Il est possible de mesurer le débit sanguincérébral régional par l’acquisition d’images xénon(figure 4) à la suite de l’injection dans la carotideinterne d’une petite quantité de xénon dissous dansl’Intralipide 30 % [34].

4. Discussion

Les temps de relaxation du xénon hyperpolarisédans les vecteurs testés (Intralipide et Echovist)sont de l’ordre de 20 s et sont donc suffisammentlongs pour qu’on puisse envisager un achemine-

ment vers un organe cible après une injection intra-artérielle, voire intraveineuse. La taille des particu-les de fluides ou des micro-bulles est suffisammentpetite pour que celles-ci puissent circuler dans lesystème vasculaire sans risque. On peut noterl’absence de la phase gazeuse du xénon après dis-solution de celui-ci dans l’Intralipide 20 ou 30 %. Lecoefficient de solubilisation du xénon dans l’Intrali-pide est élevé (∼ 0,4 pour l’Intralipide 20 % et ∼ 0,6pour l’Intralipide 30 %). Connaissant ces coefficientsde solubilité, on peut maximiser la quantité dexénon acheminée vers l’organe cible en calculant laquantité nécessaire et suffisante pour saturer lasolution. La présence d’une résonance unique dansle système vasculaire facilite le suivi RMN du xénonaprès injection. Ce dernier point ainsi que lagrande quantité de xénon pouvant être dissousdans l’Intralipide 30 % nous ont conduits à choisirce dernier fluide comme vecteur injectable pour lesétudes in vivo chez le rat.

Les résultats de la mesure de débit sanguin céré-bral global peuvent être étendus aux images (calculpixel par pixel) permettant ainsi d’obtenir avec cenouveau traceur une imagerie paramétrique de car-tographie de la perfusion cérébrale dans le cerveaudu rat.

Il est à noter que les conditions de vectorisationet d’acquisition des spectres RMN du xénon in vivodans le cerveau du rat pourraient permettre

Figure 3. Spectre caractéristique du 129Xe hyperpolarisé dans lecerveau du rat in vivo (largeur spectrale : 5 kHz, 2 048 pointsd’acquisition, filtré par une fonction exponentielle conduisant àun élargissement des raies de 12 Hz). Par référence par rapportaux données de la littérature, les pics à 194 et 199 ppm sontattribués respectivement au xénon dissous dans le sang et dansle tissu cérébral.

Figure 4. Image xénon transverse (couleur) du cerveau du rat,obtenue par une séquence de projection–reconstruction 2D sanssélection de tranche, suite à une injection de xénon hyperpola-risé dissous dans de l’Intralipide 30 % dans la carotide droite.L’image xénon est superposée à une image proton (niveau degris).

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d’explorer la localisation exacte du xénon au seindu tissu cérébral lui-même, ce que laisse envisagerl’existence d’autres pics observables (exemple : à

202 ppm sur la figure 3). La capacité potentielle decette sonde pourrait alors permettre d’étudier leseffets anesthésiques du xénon.

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