Chimie organique 9 : Spectroscopie RMN...

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-1- Chimie organique 9 : Spectroscopie RMN 1 H La spectroscopie infrarouge ne permet généralement pas d’élucider la structure d’une molécule, sauf lorsqu’on dispose d’un spectre de référence pour effectuer une comparaison. La spectroscopie RMN a littéralement bouleversé le domaine de la chimie organique, en permettant de « voir » les molécules. « Voir » au sens où la structure d’une molécule n’est plus une inconnue : elle peut être précisément déterminée grâce à cette technique. L’académie Nobel ne s’y est pas trompée. En 50 ans, elle a attribué le prix Nobel, à quatre reprises, pour des travaux portant sur la RMN : 1952 Physique Principe de la RMN 1991 Chimie Introduction de la transformée de Fourier 2002 Médecine Application à la détermination de structures biologiques 2003 Médecine Imagerie par Résonance magnétique RMN = Résonance Magnétique Nucléaire Application au programme : Elucidation de structures moléculaires simples par RMN du proton 1. Principe historique de la RMN 1.1. Spin nucléaire - Au même titre que les électrons (cf PCSI), les neutrons et protons les possèdent un moment de spin. - A condition que les spins de chacun des neutrons et protons qui constituent le noyau ne se compensent pas, le noyau possède un moment de spin qui vérifie les propriétés suivantes : o Norme : 1 avec I : nombre quantique de spin du noyau(le spin nucléaire est donc quantifié) o Projection sur l’axe (Oz) : - Le nombre quantique m I peut prendre (2 I + 1) valeurs. Expl : Hydrogène : : m I peut prendre 2 valeurs : m I = + ½ ou – ½ Carbone « 13 » : : m I peut prendre 2 valeurs : m I = + ½ ou – ½ Carbone « 12 » : :0 m I peut prendre 1 valeur : m I = 0 1.2. Cas de l’atome d’hydrogène - Les noyaux d’hydrogène, comme on vient de le voir, possèdent un spin nucléaire non nul : ils se comportent donc comme de petits aimants. - Imposer un champ magnétique à des molécules possédant des atomes d’hydrogène revient donc à perturber le système.

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Chimie organique 9 :

Spectroscopie RMN 1H

La spectroscopie infrarouge ne permet généralement pas d’élucider la structure d’une molécule, sauf lorsqu’on dispose d’un

spectre de référence pour effectuer une comparaison.

La spectroscopie RMN a littéralement bouleversé le domaine de la chimie organique, en permettant de « voir » les molécules.

« Voir » au sens où la structure d’une molécule n’est plus une inconnue : elle peut être précisément déterminée grâce à cette

technique.

L’académie Nobel ne s’y est pas trompée. En 50 ans, elle a attribué le prix Nobel, à quatre reprises, pour des travaux portant sur

la RMN :

1952 Physique Principe de la RMN

1991 Chimie Introduction de la transformée de Fourier

2002 Médecine Application à la détermination de structures biologiques

2003 Médecine Imagerie par Résonance magnétique

RMN = Résonance Magnétique Nucléaire

Application au programme : Elucidation de structures

moléculaires simples par RMN du proton

1. Principe historique de la RMN

1.1. Spin nucléaire

- Au même titre que les électrons (cf PCSI), les neutrons et protons les possèdent un moment de spin.

- A condition que les spins de chacun des neutrons et protons qui constituent le noyau ne se compensent pas, le noyau

possède un moment de spin �� qui vérifie les propriétés suivantes :

o Norme : ���� � ������ 1� avec I : nombre quantique de spin du noyau(le spin nucléaire est donc quantifié)

o Projection sur l’axe (Oz) : � � �����

- Le nombre quantique mI peut prendre (2 I + 1) valeurs.

Expl : Hydrogène : ��� :� � �� → mI peut prendre 2 valeurs : mI = + ½ ou – ½

Carbone « 13 » : ���� :� � �� → mI peut prendre 2 valeurs : mI = + ½ ou – ½

Carbone « 12 » : ���� :� � 0 → mI peut prendre 1 valeur : mI = 0

1.2. Cas de l’atome d’hydrogène

- Les noyaux d’hydrogène, comme on vient de le voir, possèdent un spin nucléaire non nul : ils se comportent donc comme

de petits aimants.

- Imposer un champ magnétique à des molécules possédant des atomes d’hydrogène revient donc à perturber le système.

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En l’absence de champ magnétique

���� � ���� En présence d’un champ magnétique

���� � �������

Orientation des spins

nucléaires

Orientation aléatoire

Direction = celle du champ mais 2 sens possibles

Energie des

configurations

Tous les aimants ont la même énergie.

Il y a dégénérescence des spins

nucléaires

Energie = E0

Les deux sens n’ont pas la même énergie : un des

sens est plus stable que l’autre

E = E0 + mIγħB

mI : moment magnétique de spin nucléaire

γ : constante appelée rapport gyroscopique

ħ = h/2π (avec h : constante de Planck)

B : intensité du champ magnétique

= EFFET ZEEMAN

(Levée de dégénérescence des spins nucléaires

sous l’effet d’un champ magnétique)

- Représentation de la levée de dégénérescence :

Remarque : Ce phénomène n’est pas spécifique à l’atome d’hydrogène 1H. La levée de dégénérescence des spins

nucléaires concerne tous les noyaux de moment de spin nucléaire I non nul.

L’application d’un champ magnétique fait apparaître plusieurs niveaux d’énergie (autant que de valeurs de mI). Par

exemple, en spectrométrie RMN du carbone 13 (13

C : I = ½), l’application d’un champ magnétique fait apparaître deux

niveaux d’énergie pour le spin nucléaire.

En revanche, son isotope majoritaire, le carbone 12 (12

C) ne peut être exploité en RMN puisque son spin nucléaire est

nul (il ne se comporte pas comme un aimant : il n’est donc pas sensible à l’application d’un champ magnétique)

Energie

Energie de la configuration « β »

E0 –

Energie de la configuration « α »

B : Intensité du champ magnétique

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1.3. Absorption d’un rayonnement = résonance magnétique

- Le champ magnétique imposé a permis de créer deux niveaux d’énergie : une transition entre ces niveaux par absorption

d’un rayonnement est donc envisageable.

Fréquence de Larmor : c’est le nom donné à la fréquence de résonance, c’est-à-dire la fréquence du rayonnement

absorbé pour passer du niveau bas vers le niveau haut.

En notant B0, l’intensité du champ magnétique imposée par l’appareil, on obtient :

hν0 = Eβ – Eα = γħB0

Fréquence de Larmor : ν0 = ������

Il y a donc proportionnalité entre le champ magnétique imposé par l’appareil et la fréquence de Larmor. Les fabricants

parlent affichent donc plutôt la fréquence de Larmor de l’appareil, plutôt que l’intensité du champ magnétique utilisé.

- Ordres de grandeurs :

o Champ magnétique utilisé en spectroscopie RMN ≈ 10 T !!! (c’est gigantesque !). Un tel champ ne peut être atteint

qu’au moyen d’aimants supraconducteurs refroidis à 4 K (= - 269 °C) grâce à de l’hélium liquide. Une telle intensité

de champ magnétique est indispensable pour écarter suffisamment les deux niveaux d’énergie des spins

nucléaires (ΔE ~10-25

J).

o Domaine des fréquences absorbées : Les rayonnements absorbés lors de la transition appartiennent au domaine

des ondes radio.

- Appareillage : Ordre de grandeur des fréquences de Larmor d’appareils utilisés :

o 40 MHz dans un champ de 1,0 T (appareil de basse qualité)

o 800 MHz dans un champ de 20,0 T (appareil de bonne qualité)

Spectromètre RMN à 300 MHz Tube pour échantillon liquide

L’échantillon est introduit dans un tube qui est plongé au milieu de l’aimant supraconducteur.

Remarque : Le principe qui a été décrit ici concerne les premiers appareils qui ont été fabriqués jusque dans les années 1970.

Les appareils modernes utilisent des impulsions de radiofréquences de courte durée qui font basculer le spin nucléaire. A l’arrêt

de l’impulsion, une relaxation du système démarre. L’analyse de cette relaxation avec transformée de Fourier permet d’accéder

au spectre RMN.

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1.4. Effet de l’environnement d’un 1H

- Soit B0, le champ magnétique imposé par l’aimant de l’appareil.

- Au sein de la molécule, chaque atome d’hydrogène n’est pas soumis exactement au même champ magnétique.

En effet, chaque atome d’hydrogène subit un champ B qui n’est pas exactement égal à B0 car l’environnement chimique du

proton peut jouer un rôle d’écrantage magnétique.

- Soit B, le champ réellement ressenti par un H particulier de la molécule :

BH = B0 (1 – σ)

Avec σ : constante d’écran du proton 1H considéré

- Fréquence de résonance réelle : les différents protons 1H de la molécule ne résonnent donc pas tous à la fréquence de

Larmor. Chacun absorbe un rayonnement dont la fréquence dépend de son environnement chimique.

En reprenant la formule établie plus haut, la fréquence de résonance d’un H particulier de la molécule s’écrit :

νH = ����BH =

����B0 (1 – σH)= ν0 (1 – σH) .

Avec σ : constante d’écran du proton 1H considéré

- Intérêt : chaque hydrogène ayant un environnement différent, les fréquences de résonance des différents 1H seront

différentes

→ La technique RMN est capable de faire la différence entre les H d’une molécule.

1.5. Déplacement chimique

- Comme on peut le voir dans la formule précédente, la fréquence de résonance dépend de la fréquence de Larmor, et donc,

du champ créé par l’aimant du spectromètre.

- Problème : deux appareils vont donc donner des valeurs de fréquence de résonance différentes. Ceci rend difficile la

comparaison de résultats à l’échelle internationale.

- Une grandeur indépendante de l’appareil a donc été inventée. C’est le déplacement chimique δ :

Pour un atome d’hydrogène particulier,

δH étudié = 106 !" #$% #$%

.

δ s’exprime en ppm (partie par million)

(c’est ce qui justifie la présence de 106 dans la formule, comme on multiplie par 100 quand on veut exprimer un

pourcentage)

- Le déplacement chimique δ est bien indépendant de la fréquence de Larmor ν0 de l’appareil :

δH = 106 !" #$% #$%

� 10�&'�–)!�"&'�–)#$%�

&'�–)*+,�� 10�

)#$%–)!�")#$%

Le déplacement chimique δ ne dépend pas de l’appareil utilisé mais rend bien compte de l’environnement de l’atome

d’hydrogène via la constante d’écran σ.

- En pratique, il faut définir une référence. On introduit souvent dans l’échantillon, en très petite quantité, une molécule de

référence pour laquelle on a fixé la valeur de δref.

Expl : TMS (tétraméthysilane) définit le zéro de l’échelle des δ : δTMS = 0 ppm

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- Pourquoi avoir choisi le TMS comme origine des déplacements chimiques ?

Environnement classique d’un atome de carbone : dans les molécules organiques, les atomes de carbone sont souvent

liés à des atomes plus électronégatifs qu’eux.

Dans le cas du TMS : C est lié à un atome moins électronégatif que lui (χC > χSi) ce qui est rare en chimie organique. A la

différence de la plupart des molécules organiques, dans le TMS, les atomes de carbone présentent donc une forte

densité électronique.

Rôle de la densité électronique dans l’écrantage et notion de blindage : Les électrons jouent un rôle important dans

l’écrantage vis-à-vis d’un champ magnétique. Une densité électronique forte sur un site assure donc un blindage contre

le champ magnétique.

Densité électronique locale forte Densité électronique locale faible

Blindage Fort Faible

Ecrantage σH σH fort σH faible

Champ magnétique perçu

par H : BH = B0 (1 – σH) Champ faible Champ fort

Fréquence de résonance :

νH = ν0 (1 – σH) Fréquence faible Fréquence élevée

Déplacement chimique

δ = 106 !" #$% #$%

δ élevé δ faible

Conséquence sur la valeur de δ : Comme les H du TMS sont dans un environnement riche en électrons, ils sont blindés.

Les H habituellement rencontrés en chimie organique sont donc plus déblindés que dans le TMS : leur déplacement

chimique sera plus fort que dans le TMS : δH > δTMS = 0.

Choisir le TMS comme origine des déplacements chimiques, permet de travailler avec des valeurs positives pour δ.

Remarque : On préfère souvent utiliser directement le solvant comme référence car cela évite de rajouter une molécule

extérieure comme le TMS. Par exemple, CDCl3 est un bon solvant en RMN (D représente le deutérium, isotope

de l’hydrogène non actif en RMN).

Dans le solvant CDCl3, il reste toujours des traces de CHCl3 qui, elle, donne un signal en RMN 1H. C’est ce signal

qui sert à régler l’appareil.

CHAMP FAIBLE CHAMP FORT

δ (ppm)

0

H déblindé H blindé

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2. Allure d’un spectre RMN 1H

2.1. Présentation d’un spectre

- Abscisse : déplacement chimique (attention, gradué de droite à gauche)

- Ordonnée : « intensité » du signal

- Un spectre RMN 1H présente généralement plusieurs signaux.

- Chaque signal doit être décrit par :

o Son abscisse : le déplacement chimique δ (en ppm)

o Sa forme : sa multiplicité (présente-t-il un ou plusieurs pics ?)

o Son intensité : aire sous le signal (courbe d’intégration).

2.2. Nombre de signaux sur un spectre

- Définitions :

o Protons isochrones : Des atomes d’hydrogène sont dits isochrones s’ils résonnent à la même fréquence. Ils

présentent donc le même déplacement chimique δ.

o Protons chimiquement équivalents : Deux atomes d’hydrogène sont chimiquement équivalents s’ils sont

échangeables par suite d’une rotation de liaison simple et/ou une symétrie.

Règle :

Des protons chimiquement équivalents sont isochrones :

ils donnent un signal au même déplacement chimique.

Un spectre RMN 1H contient donc autant de signaux qu’il y a de types d’hydrogènes dans la molécule.

Expl : Combien de signaux les spectres RMN 1H des molécules suivantes présentent-ils ?

Truc : En première approximation, on pourra considérer que des atomes d’hydrogène sont équivalents si :

• Ils sont portés par un même atome de carbone tétraédrique (il n’engage que des liaisons simples).

• Ils sont liés à des atomes différents, mais ils sont échangeables par une relation de symétrie simple.

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• CH3-CH3 : 1 seul signal : les 6 H sont équivalents entre eux.

Chaque H porté par le carbone de droite possède un H symétrique sur le carbone de gauche. Par ailleurs,

par des rotations successives de 120° autour de la liaison simple, chaque atome de H du carbone de

gauche peut prendre la place d’un autre atome de H sur ce même carbone.

• CH3-CO-CH3 (propanone) : 1 seul signal : les 2 groupes CH3 symétriques : leurs H sont équivalents.

• CH3-CH2-CHO (propanal) : 3 signaux : il y a 3 groupes de H équivalents : le groupe CH3, le groupe CH2 et

l’hydrogène du groupe CHO. Ils sont non permutables, ni ne possèdent les mêmes environnements chimiques.

• HO-CH2-CH2-OH (éthane-1,2-diol) : 2 signaux : par symétrie, les 2 groupes CH2 sont équivalents entre eux, tout

comme les 2 groupes OH sont équivalents entre eux. Il y a deux types de H, donc deux signaux en RMN 1H.

• CH3-O-CH2-O-CH2-CH3 (1-éthoxy-1-méthoxyméthane) : 4 signaux. Aucun groupe n’est exactement équivalent

aux autres. Il n’y a aucune symétrie.

• 1,4-diméthylbenzène : 2 signaux.

o Le schéma ci-dessous montre que les 3 H d’un groupe CH3 sont équivalents. En effet, par rotation autour

de la liaison simple C-C, les 3 atomes H1, H2 et H3 peuvent être échangés.

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o Par ailleurs, l’analyse des symétries montre que la molécule possède deux plans de symétrie. Or, deux

atomes (ou groupes d’atomes) symétriques sont équivalents :

Les deux groupes CH3 sont donc équivalents : ils donnent le même signal.

Ha équivalent à Hb (1ère

symétrie), mais Ha équivalent à Hc (2ème

symétrie).

Et comme Hc est équivalent à Hd (1ère

symétrie), alors les 4 H portés par le cycle sont équivalents. Ils

donnent le même signal en RMN.

Le spectre contient donc deux signaux : un pour les 2 groupes CH3, et un pour les 4 H aromatiques.

• Promène : 4 signaux : la rotation étant impossible autour de la liaison double C=C, et en l’absence de plans de

symétrie comme dans la molécule précédente, on obtient 4 types d’hydrogène : l’hydrogène Ha, l’hydrogène

Hb, l’hydrogène Hc et le groupe CH3.

→ S’entraîner avec exercice 4 du TD Spectroscopies.

2.3. Courbe d’intégration

- Aire sous un signal : L’aire sous le signal associé à un H est proportionnelle au nombre de H responsables de ce signal.

Expl : L’intensité d’un signal associé à 3H est 1,5 fois (= 3/2) plus grande que celle associée au signal d’un groupe de 2H.

- Pour mesurer cette aire, les logiciels d’acquisition réalisent l’intégration du signal

→ Obtention d’une courbe en escalier appelée « courbe d’intégration » :

Règle :

La hauteur d’une marche sur la courbe d’intégration est proportionnelle

au nombre de H responsables du signal associé.

Méthode : Comment déduire de la courbe d’intégration le nombre de 1H responsables de chaque signal

1. Mesurer la hauteur de chaque marche

2. Faire un produit en croix :

Signal « i » Molécule entière

hi (hauteur de la marche) htot : Somme des hauteurs de toutes les marches

Ni (nombre de H de ce signal) Ntot : Nombre total de H dans la molécule

.

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Expl : Spectre d’une molécule de formule brute C4H9Br

Signal Hauteur de la marche Nombre de H

a 1,1 cm Na

b 1,0 cm Nb

c 1,0 cm Nc

d 1,5 cm Nd

Total 4,6 cm Ntot = 9

-. ��,012343

5,�� 3�

De la même façon, on trouve : Na = Nb = Nc = 2 H

La molécule doit donc vraisemblablement présenter les 4 groupes : 1 groupe CH3 et 3 groupes CH2.

La seule formule compatible est donc celle du 1-bromobutane : CH3-CH2-CH2-CH2-Br.

Pour ce cas simple, l’étude de la courbe d’intégration a suffi pour déterminer la formule du composé.

Remarque : Dans de nombreux exercices, le résultat de l’analyse de la courbe d’intégration est directement donné. On évite

alors le travail de mesure des hauteurs de marches.

Par exemple, l’énoncé peut indiquer que le signal (a) situé à δ = 3,7 ppm intègre pour 2H : cela signifie que 2H

sont responsables de ce signal.

→ S’entraîner avec exercice 3 du TD Spectroscopies.

2.4. Abscisse d’un signal : déplacement chimique

Rappel : Plus le proton est déblindé, plus son déplacement chimique δ est grand

a) Effet des groupes attracteurs d’électrons

→ Voir exercice 5 du TD (reproduit ci-dessous)

1. Proposer une explication à l’évolution de la position du signal dans les molécules suivantes :

CH3F CH3OCH3 (CH3)3N CH3CH3 (CH3)4Si

δ (ppm) 4,3 3,2 2,2 0,9 0,0

χ 4,0 3,5 3,0 2,5 1,8

L’électronégativité de l’atome lié au groupe –CH3 diminue quand on parcourt le tableau de gauche à

droite.

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Le fluor, très électronégatif, exerce une forte attraction des électrons dans la liaison qu’il établit avec

le carbone. L’atome de carbone se trouve donc appauvri en électrons. Comme ces derniers assurent

un effet d’écran vis-à-vis du champ magnétique, les H portés par ce carbone sont déblindés (leur

protection par les électrons a été affaiblie). Le déplacement chimique associé est fort.

Ensuite, l’oxygène a une électronégativité moindre que le fluor : les atomes de carbone sont moins

appauvris en électrons. L’effet déblindant de l’oxygène est donc moins fort que celui du fluor. Les H

liés à C dans CH3-O-CH3 donnent donc un signal à déplacement chimique δ plus faible que dans CH3F.

A retenir : un atome électronégatif exerce un effet d’attraction d’électrons : il est déblindant pour

les H qui en sont proches : ces H donnent des signaux à fort déplacement chimique δ.

2. Interpréter l’évolution ci-dessous :

CH3Cl CH2Cl2 CHCl3

δ (ppm) 3,1 5,2 7,3

Plus le nombre d’atomes de chlore liés au carbone augmente, plus C est appauvri en électrons. Les H

liés à C sont par conséquent de plus en plus déblindés.

A retenir : Les effets déblindants des atomes électronégatifs liés à un atome de carbone sont

cumulatifs.

3. Que peut-on conclure de l’évolution ci-dessous ?

0,9 ppm

1,3 ppm

0,9 ppm

O2N

4,3 ppm

2,0 ppm

1,0 ppm

Si le groupe –NO2 n’avait pas d’effet attracteur, les déplacements chimiques seraient identiques

dans le 1-nitropropane et dans le propane.

Les H portés par le carbone directement lié à NO2 sont très fortement déblindés (δ grand) car ils

subissent directement l’effet attracteur de NO2. A mesure qu’on s’éloigne du groupe nitro, les

déplacements chimiques diminuent jusqu’à quasiment retrouver la même valeur que dans le

propane, où il n’y a aucun groupe attracteur d’électrons.

A retenir : L’effet déblindant d’un groupe attracteur s’estompe avec la distance.

4. Dans les molécules suivantes, identifier le groupe d’hydrogène le plus déblindé ?

� 2-bromobutane

� 1,1,2-trichloropropane

� Tétrahydrofurane

C’est à vous :

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Tendances générales :

Plus un atome est électronégatif → Plus il abre vers lui les électrons des liaisons qu’il établit avec ses voisins

→ Plus un H proche est privé d’écrantage de la part des électrons

→ Plus cet H est déblindé

→ Plus son déplacement chimique δ est grand

Les effets déblindants des différents groupements d’atomes sont cumulatifs

L’effet d’un groupement attracteur s’estompe avec la distance.

Mise en garde !

Avec les énoncés des épreuves vous seront données des tables de déplacements chimiques. Attention, ces tables donnent une

idée du déplacement chimique mais ne prennent en compte que l’action d’un seul groupement déblindant à la fois.

Expl : Ce que disent les tables : δ(-CH-Br) = 3,9 ppm et δ(-CH-CO-OH) = 2,6 ppm.

Pourtant, dans l’acide 2-bromopropanoïque, le déplacement chimique du groupe CH2 vaut 4,4 ppm.

Les effets déblindants de Br et COOH se sont cumulés : le signal est encore plus déblindé (δ a augmenté) que s’il

n’y avait qu’un seul groupe attracteur.

Conclusion : Ne surtout pas se jeter dans les tables de de déplacements chimiques. Ne les utiliser que pour valider ou trancher

entre deux structures.

b) Liaisons multiples

- Les liaisons multiples peuvent avoir un fort effet déblidant sur certains H :

Le phénomène est complexe : en présence du champ magnétique imposé par l’appareil, les liaisons multiples sont

responsables de la création d’un champ magnétique induit.

Les hydrogène proches d’une liaison multiple sont donc soumis à la résultante du champ magnétique imposé par

l’appareil et du champ magnétique induit.

Les fréquences de résonance des H proches d’une liaison multiple sont donc considérablement modifiées.

Signal de CH3

Signal de CH

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- Explication dans le cas des cycles benzéniques :

Electrons π délocalisables sur l’ensemble des atomes du cycle

Le champ magnétique imposé par l’appareil crée un courant d’électrons au sein du cycle. Ce courant d’électrons est

responsable d’un champ magnétique induit �789��������� qui s’oppose au champ extérieur ��:;��������� à l’intérieur du cycle.

Les atomes situés à l’intérieur du cycle sont soumis à un champ moins important ��:;��������� – �789���������

Les atomes situés à l’extérieur du cycle sont au contraire soumis à un champ plus important ��:;��������� + �789��������� . La résonance

s’opère donc à une fréquence plus élevée, donc un déplacement chimique δ plus important.

Ordres de grandeurs intéressant à retenir :

H portés par des carbones aliphatiques (C de groupements alkyles) : δ ≈ 1 ppm

H portés par un cycle aromatique : δ aux alentours de 7 à 8 ppm

H portés par une double liaison C=C : δ aux alentours de 5 à 6 ppm

H porté par le carbone fonctionnel d’un aldéhyde ou H d’un acide carboxylique : δ > 9 ppm