MÉMOIRE RENVOI À LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC RELATIVEMENT AU PROJET DE RÉFORME DU SÉNAT

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MÉMOIRE RENVOI À LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC RELATIVEMENT AU PROJET DE RÉFORME DU SÉNAT (31 juillet 2013)

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Henri A. Lafortune inc. 2005, rue Limoges Tél. : 450 442-4080 Longueuil (Québec) Téléc. : 450 442-2040 J4G 1C4 [email protected] www.halafortune.ca

500-09-022626-121

COUR D’APPEL DU QUÉBEC

(Montréal)

RENVOI À LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

RELATIVEMENT AU PROJET DE RÉFORME DU SÉNAT

MÉMOIRE DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Me David Lucas

Me Alexander Pless Me Warren J. Newman

Me Marc Ribeiro Ministère de la Justice du Canada

Tour Est, 9e étage Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque Ouest Montréal (Québec)

H2Z 1X4

Tél. : 514 283-8767 Téléc. : 514 283-3856

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Procureurs du Procureur général du Canada

- 2 -

L’honorable Serge Joyal Le Sénat du Canada 250, Édifice de l’Est Ottawa (Ontario) K1A 0A4 Tél. : 613 943-0434 Téléc. : 613 943-0441 [email protected] Intervenant Me Marc C. Power Heenan Blaikie LLP Bureau 300 55, rue Metcalfe Ottawa (Ontario) K1P 6L5 Tél. : 613 236-7908 Téléc. : 613 236-9632 [email protected] Procureur de l’intervenante Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada

Me Serge Rousselle 4536, rue Beaurivage Tracadie-Sheila (Nouveau-Brunswick) E1X 1C6 Tél. : 506 858-4560 Téléc. : 506 858-4534 [email protected] Procureur de l’intervenante Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick Me Jean-Yves Bernard Bernard, Roy (Justice Québec) Bureau 8.00 1, rue Notre-Dame Est Montréal (Québec) H2Y 1B6 Tél. : 514 393-2336 poste 51467 Téléc. : 514 873-7074 [email protected] Procureur du Procureur général du Québec

TABLE DES MATIÈRES i) Description des documents Page

RENVOI SUR LA RÉFORME DU SÉNAT – COUR D’APPEL DU QUÉBEC

EXPOSÉ DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA PARTIE I –FAITS ..................................... 1

I. Survol ..................................... 1

II. La Constitution et le Sénat ..................................... 3

A. La Loi constitutionnelle de 1867 et la composition du Sénat ..................................... 3

B. La Loi constitutionnelle de 1982 ..................................... 4

III. Initiatives législatives récentes de réforme du Sénat ..................................... 7

A. Le Parlement étudie actuellement le projet de loi C-7 ..................................... 7

B. Autres projets de loi récents portant sur la réforme du Sénat ..................................... 8

IV. Dossier présenté au tribunal dans ce Renvoi ..................................... 9

A. Christopher Manfredi ..................................... 9

B. John Stilborn ................................... 10

V. Examen par le Sénat des réformes législatives proposées ................................... 10

A, Rapport du Comité spécial sur le projet de loi S-4 (octobre 2006) ................................... 11

B. Rapport du Comité permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles sur le projet de loi S-4 (juin 2007) ................................... 11

C. Examen du projet de loi C-20 à la Chambre des communes ................................... 12

TABLE DES MATIÈRES ii) Description des documents Page VI. La réforme du Sénat dans son contexte historique ................................... 12

A. Propositions législatives et autres ................................... 12

B. Recommandations tirées de rapports sur la réforme du Sénat ................................... 15

i) Limitations de la durée du mandat ................................... 16

ii) Mode de sélection ................................... 17

iii) Pouvoirs ................................... 19

C. Débuts ................................... 19

i) Le Sénat à la Confédération ................................... 19

ii) Premiers débats et discussions entourant la réforme du Sénat ................................... 22

VII. L’histoire de la réforme des procédures de modification ................................... 23

A L’absence de procédures de modification formelles ................................... 24

i) Livre blanc Favreau et formule Fulton-Favreau (1964-1965) ................................... 26

ii) La Charte de Victoria de 1971 ................................... 27

iii) Loi constitutionnelle de 1982 ................................... 28 PARTIE II – QUESTIONS ................................... 29 PARTIE III - ARGUMENTS ................................... 31

I. Approche générale ................................... 31

A. La portée du Renvoi ................................... 31

B. Les principes d’interprétation pertinents ................................... 31

TABLE DES MATIÈRES iii) Description des documents Page i) La primauté du texte de la Loi de 1982 ................................... 32

ii) Contexte historique ................................... 32

iii) Interprétation progressive de la Constitution ................................... 34

iv) Le caractère véritable ................................... 35

v) Les règles ordinaires de l’interprétation des lois ................................... 37

vi) Nul besoin de s’en remettre aux principes constitutionnels non écrits ................................... 38

a) Les principes non écrits ne devraient pas modifier un texte clair ................................... 38

b) Les réformes n’empêcheront pas la protection des minorités ................................... 39

c) Les principes non écrits appuient les procédures de la Partie V ................................... 43

vii) Aucun poids ne devrait être accordé aux rapports d’« experts » sur le droit canadien ................................... 44

II. Réponse aux questions du Renvoi ................................... 45

1. Est-ce que le projet de loi C-7 est une modification de la Constitution du Canada, portant sur la question de la charge de gouverneur général, qui ne peut être faite qu’avec l’autorisation du Sénat, de la Chambre des communes et de l’Assemblée législative de chaque province en vertu du paragraphe 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982? ................................... 45

TABLE DES MATIÈRES iv) Description des documents Page

i) Les résultats du processus de consultation prévu par le projet de loi C-7 ne lient ni le premier ministre ni le gouverneur général ................................... 46

2. Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du Canada, portant sur la question du mode de sélection des sénateurs, visé au paragraphe 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui ne peut être faite qu’en vertu du processus indiqué à l’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982? ................................... 53

i) Le projet de loi C-7 ne modifie pas le mode de sélection actuel de sénateurs ................................... 55

ii) Consultation ne signifie pas élection directe ................................... 58

iii) Non-élection et indépendance ................................... 59

iv) Le projet de loi C-7 permet aux provinces d’adapter les circonscriptions électorales aux réalités provinciales ................................... 63

v) Pas de délégation des compétences législatives par le Parlement aux législatures provinciales ................................... 63

vi) Conclusion ................................... 63

3. Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du Canada relative aux caractéristiques fondamentales et au rôle du Sénat qui ne peut être faite que conformément à l’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982? ................................... 64

i) La perception erronée ................................... 65

ii) Le but des réformes proposées ................................... 66

TABLE DES MATIÈRES v) Description des documents Page

iii) L’analyse constitutionnelle d’avant 1982 a été remplacée par la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 ................................... 68

iv) Limitation de la durée du mandat dans le projet de loi C-7– une modification modeste ................................... 73

PARTIE IV – COÛTS ................................... 74 PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE ................................... 74 PARTIE VI – SOURCES ................................... 75

________

Attestation des procureurs ................................... 80

____________

1

Exposé de Procureur général du Canada Faits

RENVOI SUR LA RÉFORME DU SÉNAT – COUR D’APPEL DU QUÉBEC

EXPOSÉ DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

PARTIE I – FAITS I − Survol

1. Le gouvernement du Québec a soumis trois questions à la Cour en ce qui a trait au

caractère constitutionnel du projet de loi C-7, la Loi sur la réforme du Sénat1, qui

imposerait une limite de neuf ans à la durée du mandat des sénateurs et qui

permettrait aux électeurs de faire connaître leurs préférences quant aux candidats

sénatoriaux que le gouverneur général peut nommer à la suite d’une recommandation

du premier ministre.

2. Le projet de loi C-7 est une loi fédérale légitime qui s’inscrit dans les procédures de

modification constitutionnelle adoptées en 1982 à la Partie V de la Loi constitutionnelle

de 1982.

3. À l’opposé du contexte qui primait au moment du Renvoi relatif à la Chambre haute de

1980, le Canada possède maintenant un cadre constitutionnel qui établit de façon

exhaustive les règles de modification constitutionnelle ainsi que celles portant réforme

du Sénat. Ces règles répondent à l’ancien avis de la Cour suprême du Canada sur les

réformes proposées au Sénat qui reposaient sur l’interprétation du paragraphe 91(1)

de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’emportent sur cette dernière. La Partie V de la

Loi constitutionnelle de 1982 est un code complet et décrit de manière exhaustive les

procédures de mise en place de toute réforme qui pourrait exiger une modification

constitutionnelle.

4. La Partie V établit la nature des modifications constitutionnelles qui requièrent à la fois

la consultation et le consentement des provinces. En ce qui a trait au Sénat, il existe

quatre modifications de ce genre, à savoir les modifications sur les pouvoirs du Sénat, 1 Loi concernant la sélection des sénateurs et modifiant la Loi constitutionnelle de·1867relativement à la

limitation de la durée du mandat des sénateurs (la Loi sur la réforme du Sénat), 41e législature, 1re sess. (Première lecture 21 juin 2011)(« Loi sur la réforme du Sénat » ou « projet de loi C-7 »), Cahier de preuve du PGC, ci-après « C.P. », onglet 2, p. 7.

2

Exposé de Procureur général du Canada Faits

le mode de sélection des sénateurs, le nombre de sénateurs par lesquels chaque

province est habilitée à être représentée et les critères de résidence. Toute autre

modification au Sénat peut être apportée par le Parlement du Canada en agissant

seul.

5. Le libellé clair des articles 38 à 44 de la Partie V, l’histoire des réformes du Sénat et de

la procédure de modification, ainsi que les règles ordinaires d’interprétation des lois

appuient tous le pouvoir du Parlement d’apporter les réformes proposées dans le

projet de loi C-7. Sauf en ce qui a trait aux quatre matières mentionnées à l’article 42,

le Parlement a la compétence exclusive pour modifier les dispositions de la

Constitution relativement au Sénat. La limitation de la durée du mandat des sénateurs

et le processus de consultation des électeurs quant à leurs préférences liées aux

nominations au Sénat (les candidats sénatoriaux devront toujours être nommés par le

gouverneur général sur la recommandation du premier ministre) ne font pas partie des

quatre matières mentionnées à l’article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le

Parlement est en mesure d’apporter ces modifications et réformes lui-même.

6. En réponse à la question 1, le projet de loi C-7 n’apporterait aucune modification

constitutionnelle relative à la charge ou aux pouvoirs du gouverneur général. Ce

dernier continuerait de nommer les sénateurs en vertu de l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867, toujours sur la recommandation du premier ministre et

selon les conventions constitutionnelles établies.

7. En réponse à la question 2, le projet de loi C-7 n’apporte aucun changement quant au

mode actuel de sélection des sénateurs; en effet, le projet de loi C-7 autorise le

premier ministre à consulter les électeurs pour connaître leurs préférences quant aux

candidats sénatoriaux à être ainsi nommés, au moment de formuler sa

recommandation au gouverneur général. C’est encore le gouverneur général qui

nomme les sénateurs en vertu de l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, sur la

recommandation du premier ministre. Cette procédure cadre avec les exigences

constitutionnelles actuelles.

8. En réponse à la question 3, la méthode utilisée par la Cour suprême du Canada en

1980 afin de dégager les questions qui ne relevaient pas de la compétence législative

3

Exposé de Procureur général du Canada Faits

du Parlement du Canada et qui étaient ainsi du ressort du Parlement du Royaume-Uni

et qui, par convention, nécessitaient un degré de consentement des provinces afin

d’apporter des modifications à la Constitution du Canada, a été remplacée par les

procédures de modification établies à la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.

Rien ne justifie d’interpréter les « caractéristiques fondamentales ou essentielles » du

Sénat sous forme d’exceptions non écrites au texte de l’article 44 qui s’ajoutent aux

exceptions déjà prévues à l’article 42.

II − La Constitution et le Sénat

A. La Loi constitutionnelle de 1867 et la composition du Sénat

9. La Loi constitutionnelle de 18672 a créé le Sénat, prévoit le mandat des sénateurs et

sous-tend le rôle du Sénat. Le préambule fait état du désir des provinces fondatrices

de contracter une « Union fédérale pour ne former qu’une seule et même Puissance

sous la Couronne […] avec une constitution reposant sur les mêmes principes que

celle du Royaume-Uni ». L’article 17 établit le Parlement du Canada, composé de la

Reine, d’une « Chambre haute appelée le Sénat » et de la Chambre des communes.

10. Les articles 21 et 22 établissent le nombre total de sénateurs (105) et partagent la

composition du Sénat entre quatre régions, toutes représentées de façon égale par

24 sénateurs. L’Ontario et le Québec constituent la première et la deuxième région, et

chacune possède 24 sénateurs. Les sénateurs du Québec représentent chacun l’une

des 24 circonscriptions électorales énumérées à l’annexe A du chapitre premier du

recueil des lois codifiées du Canada avant la Confédération. Les Provinces maritimes

forment la troisième région, et ses sièges au Sénat sont répartis entre la

Nouvelle-Écosse (10), le Nouveau-Brunswick (10) et l’Île-du-Prince-Édouard (4). Les

provinces de l’Ouest constituent la quatrième région, où la Colombie-Britannique,

l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ont chacune six sénateurs. Lorsque

Terre-Neuve-et-Labrador s’est jointe à la Confédération, elle a eu droit à six sénateurs.

Le territoire du Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont chacun droit à

2 Loi constitutionnelle de 1867, 30 et 31 Vict., c. 3; R.C.S. 1985 Ann. II, no 5 [Loi constitutionnelle de

1867].

4

Exposé de Procureur général du Canada Faits

un sénateur. De plus, l’article 26 permet d’ajouter jusqu’à huit sénateurs répartis de

façon égale entre les quatre régions.

11. L’article 23 décrit les qualités exigées des sénateurs, soit être âgé d’au moins trente

ans révolus, être sujet de la Reine, soit par naissance, soit par naturalisation sous le

régime d’une loi du Parlement, être propriétaire de biens immobiliers d’une valeur

supérieure à 4 000 $, résider dans la province pour laquelle il est nommé, et, en ce qui

concerne la province de Québec, remplir la condition de domicile ou de propriété

immobilière dans la circonscription électorale (des 24) représentée.

12. L’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que le gouverneur général

mandera de temps à autre au Sénat, au nom de la Reine et par acte revêtu du grand

sceau du Canada, des personnes ayant les qualités requises. Cependant, par suite

d’une convention constitutionnelle de longue date dans le Compte rendu de décision

du Conseil de 1935, c’est le premier ministre en fonction qui recommande les

nominations au gouverneur général, qui accepte les recommandations3.

13. L’article 29, modifié par le Parlement en 1965, prévoit que l’âge de la retraite d’un

sénateur est de 75 ans.

14. Enfin, l’article 91 traite de la compétence législative du Parlement. Il prévoit qu’il sera

loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des

communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada.

B. La Loi constitutionnelle de 1982

15. La Partie V de la Loi constitutionnelle de 19824 établit de façon exhaustive les

procédures de modification de la Constitution. Il y a cinq procédures: la procédure dite

« 7/50 » ou « normale » (art. 38); la procédure du « consentement unanime » (art. 41);

la procédure de « modification à l’égard de certaines provinces »5 (art. 43); la

3 HAWKINS, Robert E., « Constitutional Workarounds », (2010) 89 Revue du Barreau canadien, p. 10

citant le Décret du conseil intitulé Mémorandum concernant certaines des fonctions du premier ministre, Compte rendu de la réunion du Comité du Conseil privé, CP 3374, le 25 octobre 1935, jointe à la fin de l’article. Cahier de sources du PGC, ci-après « C.S. », vol. 2, onglet 30.

4 Loi constitutionnelle de 1982, c. 11(R.-U.) Annexe B. 5 HOGG, P.W., Constitutional Law of Canada, 5e éd. Toronto, Carswell, 2007 (feuilles détachables),

vol. 1, p. 4-12 (“Hogg”), C.S., vol. 2, onglet 31.

5

Exposé de Procureur général du Canada Faits

modification par le Parlement (art. 44); et la modification par les législatures

provinciales (art. 45).

16. L’article 38 établit la procédure générale. Des modifications peuvent être faites en

vertu de cette disposition si elle a été autorisée par résolution du Sénat et de la

Chambre des communes, ainsi que des assemblées législatives d’au moins les

deux tiers des provinces dont la population représente au moins cinquante pour cent

de la population de toutes les provinces. On la désigne habituellement en tant que

procédure de modification « 7/50 »6.

17. Une modification de la Constitution relativement à certaines questions mentionnées à

l’article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 peut uniquement être apportée dans le

cadre de la procédure de l’article 38. À titre de référence, les alinéas pertinents de

l’article 42 sont les suivants :

(b) les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs;

(c) le nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être

représentée et les conditions de résidence qu’ils doivent remplir;

18. L’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982 établit les questions pour lesquelles une

modification constitutionnelle doit être autorisée par des résolutions du Sénat, de la

Chambre des communes et des assemblées législatives de chacune des

dix provinces. Le « consentement unanime » vise ce qui suit :

a) a charge de Reine, celle de gouverneur général et celle de

lieutenant-gouverneur;

b) le droit d’une province d’avoir à la Chambre des communes un nombre de

députés au moins égal à celui des sénateurs par lesquels elle est habilitée à

être représentée lors de l’entrée en vigueur de la présente partie;

c) sous réserve de l’article 43, l’usage du français ou de l’anglais;

6 Les paragraphes 38(2) et (3) autorisent une province à exprimer son désaccord au sujet d’une

modification qui est dérogatoire à la compétence législative, aux droits de propriété ou à tous autres droits ou privilèges d’une législature.

6

Exposé de Procureur général du Canada Faits

d) la composition de la Cour suprême du Canada;

e) la modification de la présente partie.

19. L’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 établit une procédure (« modification à

l’égard de certaines provinces ») qui régit les modifications concernant uniquement

certaines provinces; il s’agit d’une modification d’une disposition de la Constitution qui

s’applique à une province ou plus, sans s’appliquer à toutes les provinces, comme la

modification liée à l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et aux écoles

confessionnelles (article 93A)7.

20. L’article 45 porte sur la modification des constitutions provinciales par les législatures.

21. Enfin, l’article 44 prévoit que sous réserve des modifications liées aux questions

directement visées par les articles 41 et 42 de la Loi constitutionnelle de 1982, le

Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du

Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des

communes.

22. En vertu de l’article 47 de la Loi constitutionnelle de 1982, dans les cas visés à

l’article 38, 41, 42 ou 43, il peut être passé outre au défaut d’autorisation du Sénat de

la proclamation de la modification si celui-ci n’a pas adopté de résolution dans un délai

de cent quatre-vingts jours suivant l’adoption de celle de la Chambre des communes et

si cette dernière, après l’expiration du délai, adopte une nouvelle résolution dans le

même sens. Autrement dit, le Sénat n’a pas de droit de veto permanent sur les

modifications constitutionnelles apportées dans le cadre de la procédure de

modification normale, de la procédure du consentement unanime ou de la procédure

de « modification à l’égard de certaines provinces ».

23. La Constitution a été modifiée onze (11) fois depuis 1982 au moyen de ces

procédures. Le plus souvent, les modifications étaient apportées en vertu de l’article 43

7 Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), TR/97, 141; C.S., vol. 2, onglet 32 , Potter c. Québec

(procureur général), [2001] R.J.Q. 2823 (C.A.) C.S., vol. 1, onglet 1.

7

Exposé de Procureur général du Canada Faits

de la Loi constitutionnelle de 1982; cependant, les articles 38 et 44 ont également été

utilisés pour modifier la Constitution, dont le plus récemment en 20118.

III − Initiatives législatives récentes de réforme du Sénat

A. Le projet de loi C-7 est en cours d’examen par le Parlement

24. Le projet de loi C-7, Loi concernant la sélection des sénateurs et modifiant la

Loi constitutionnelle de 1867 relativement à la limitation de la durée du mandat des

sénateurs (la « Loi sur la réforme du Sénat »), a été présenté en première lecture le

21 juin 2011.

25. Le préambule du projet de Loi sur la réforme du Sénat exprime le besoin que les

institutions représentatives du Canada, notamment le Sénat, continuent d’évoluer de

concert avec les principes d’une démocratie moderne. Le préambule souligne

également le besoin que la durée du mandat des sénateurs soit conciliable avec les

principes d’une démocratie moderne; et le désir du Parlement de conserver le Sénat

en tant que lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive.

26. L’article 3 de la Loi sur la réforme du Sénat prévoit que, dans le cas où une province

ou un territoire a édicté une loi qui est en substance conforme au cadre prévu à

l’annexe, le premier ministre tient compte, lors de la recommandation de candidats

sénatoriaux au gouverneur général, des personnes dont le nom figure sur la plus

récente liste des candidats sénatoriaux choisis pour cette province ou ce territoire.

27. La Loi sur la réforme du Sénat n’établit pas de cadre d’élection directe des sénateurs,

et le premier ministre n’est pas non plus tenu de recommander un candidat. Le

gouverneur général n’est pas non plus tenu de nommer un candidat à partir de la liste

8 La modification la plus récente en vertu de l’article 44 est celle apportée par la Loi modifiant la

Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (Loi sur la représentation équitable), L. C. 2011, c. 6. Pour un sommaire de toutes les modifications, consulter NEWMAN, Warren J., Living with the Amending Procedures: Prospects for Future Constitutional Reform in Canada, Supreme Court Law Review (2007), 37 S.C.L.R. (2d) p. 385, p. 387, (note de bas de page 19); p. 395 (notes de bas de page 54 et 55), C.S., vol. 3, onglet 33.

8

Exposé de Procureur général du Canada Faits

sélectionnée pour une province ou un territoire. Le processus est consultatif et ne lie

pas les parties9.

28. L’article 4 de la Loi sur la réforme du Sénat prévoit que le sénateur qui a été nommé

après le 14 octobre 2008, mais avant l’entrée en vigueur du présent article, garde sa

qualité de sénateur pour un seul mandat, lequel expire neuf ans après l’entrée en

vigueur du présent article. En cas d’interruption de son mandat, le sénateur ne peut

être nommé de nouveau que pour une période équivalant à la différence entre neuf

ans et la partie de son mandat qu’il a exercée après l’entrée en vigueur du présent

article10.

29. L’article 5 de la Loi sur la réforme du Sénat remplacerait l’article 29 de la

Loi constitutionnelle de 1867 et limiterait les sénateurs nommés après la promulgation

de la loi11 à un mandat de neuf ans. Peu importe quand la nomination est faite, un

sénateur qui atteint l’âge de 75 ans doit prendre sa retraite12.

B. Autres projets de loi récents portant sur la réforme du Sénat

30. Le projet de loi S-4, la Loi constitutionnelle de 2006 proposée (qui portait sur la durée

du mandat) et le projet de loi C-20, la Loi sur les consultations concernant la

nomination des sénateurs (sur le processus de consultation) ne sont plus au feuilleton

des travaux du Parlement. Toutefois, le projet de loi S-4 a fait l’objet de rapports du

Comité sénatorial spécial sur la Réforme du Sénat et du Comité sénatorial permanent

des Affaires juridiques et constitutionnelles. Les rapports des deux comités sont

abordés plus loin dans ce mémoire. De même, la Chambre des communes, par

l’intermédiaire de l’ordonnance de renvoi de la Chambre des communes du

9 Le projet de loi S-8, la Loi concernant la sélection des sénateurs, présenté le 27 avril 2010, fut le premier

des projets de lois fédéraux récents visant à proposer un cadre de sélection des sénateurs en vertu d’une loi provinciale. C.P., vol. 1, onglet 7, p. 111.

10 Projet de loi C-7, La Loi sur la réforme du Sénat, p. 4 (1) et (2). C.P., vol. 1, onglet 2. Il ressemble considérablement au projet de loi C-10 C.P., vol. 1, onglet 5, p. 99, mort au feuilleton lorsque le Parlement a été dissous le 26 mars 2011, sauf que la limitation de la durée du mandat dans ce projet de loi était de huit ans. Voir également le projet de loi C-7, la Loi constitutionnelle de 2009 (limitation de la durée du mandat des sénateurs) proposée, C.P., vol. 1, onglet 6, p. 105, présentée le 28 mai 2009, et le projet de loi C-19, la Loi constitutionnelle de 2007 (durée du mandat des sénateurs), C.P., vol. 1, onglet 8, p. 133, présentée le 13 novembre 2007.

11 Cette partie de la loi serait nommée Loi constitutionnelle de 2011 (limitation de la durée du mandat des sénateurs) et réputée en tant que partie de la Constitution.

12 Projet de loi C-7, la Loi sur la réforme du Sénat, art. 5, C.P., vol. I, onglet 2, p. 11.

9

Exposé de Procureur général du Canada Faits

13 février 2008, a constitué un Comité législatif sur le projet de loi C-2013. Bien que le

Comité ait entendu des témoins, aucun rapport définitif n’a été publié, puisque le projet

de loi est mort au feuilleton au moment où le Parlement a été dissous.

IV − Dossier présenté au tribunal dans ce Renvoi

31. Les parties ont présenté une imposante quantité de preuves, principalement des

documents publics qui établissent le contexte historique. De plus, quelques rapports

d’experts originaux, soit de politologues et d’avocats, ont été présentés au sujet du rôle

et des fonctions du Sénat. Certaines preuves parmi ces dernières fournissent un

contexte historique et politique accru relativement au Sénat et à l’évolution de la

Constitution. Toutefois, certains rapports d’expert, comme ceux des professeurs Heard

et Desserud présentés par le Québec, ne sont en fait que des arguments juridiques

formulés par des politologues. De plus, le rapport d’Henry Brown, présenté par le

sénateur Joyal, est carrément un avis juridique.

32. Le procureur général du Canada a monté un dossier historique approfondi où sont

exposés en grand détail les divers volets de l’histoire du Sénat, les initiatives de

réforme du Sénat et les réformes constitutionnelles. Le procureur général du Canada a

également présenté des preuves en réponse aux avis d’expert présentées par le

Québec et la Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada

(FCFA) sous forme de rapports rédigés par deux politologues : le professeur

Christopher Manfredi et M. John Stilborn.

A. Christopher Manfredi14

33. Le professeur Manfredi aborde un certain nombre d’enjeux qui entourent le rôle de

représentation du Sénat. Il se penche sur l’histoire du Sénat, une institution fondée

selon le principe de représentation régionale, et sur le fait que le projet de loi C-7 13 Comité législatif sur le projet de loi C-20, débats, le mercredi 5 mars 2008, . C.P., vol. 8, onglet 47,

p. 2902. Le projet de loi C-20 est mort au feuilleton au moment où le Parlement a été dissous le 7 septembre 2008. Il a donné le coup d’envoi à un processus de consultation national sur la question de savoir si les candidats sénatoriaux devraient se soumettre au processus électoral fédéral, comme son prédécesseur, le projet de loi C-43, C.P., vol. I, onglet 9, p. 139, présenté le 13 décembre 2006. Le projet de loi qui a succédé à ces derniers, le projet de loi S-8, C.P., vol. I, onglet 7, p. 111 prévoyait un processus électoral provincial.

14 Christopher P. Manfredi, Avis d’expert sur les effets possibles du projet de loi C-7 (Mai 2013), C.P., vol. 12, onglet 123 (« Avis Manfredi »).

10

Exposé de Procureur général du Canada Faits

n’aurait aucune incidence sur la répartition des sièges entre les provinces ou les

régions. Il souligne également que la représentation d’autres groupes politiquement

sous-représentés ne faisait pas partie de la fonction d’origine du Sénat, et que le projet

de loi C-7 n’a aucune répercussion sur cette représentation. Il a également mené une

analyse statistique qui donne à penser que le processus de nomination qui encadre la

sélection des sénateurs n’a pas considérablement mieux réussi à assurer la

représentation de groupes sous-représentés sur le plan politique que le principe

électoral par rapport à la Chambre des communes. Il aborde également le projet de

loi C-7 à la lumière de l’indépendance du Sénat et conclut que les réformes

n’entraîneraient aucun effet indésirable sur l’indépendance, la continuité et la

perspective à long terme que le Sénat apporte au processus législatif.

B. John Stilborn15

34. M. Stilborn examine le travail du Sénat dès sa création jusqu’à ce jour, ainsi que

quelques rapports sur la réforme du Sénat publiés au fil des ans, afin d’établir le

contexte historique dans lequel le projet de loi dont il est question aux présentes est

soumis au Parlement. Son rapport traite principalement d’une gamme variée

d’initiatives, comme le mandat des sénateurs, les modes de sélection, les systèmes

électoraux, la répartition des sièges et les pouvoirs du Sénat. En particulier, il compare

l’angle sous lequel chaque rapport traite de la totalité ou d’une partie de ces questions.

Cet inventaire de propositions passées fournit un contexte utile dans lequel on peut

évaluer les arguments juridiques au cœur de ce renvoi.

V - Examen par le Sénat des réformes législatives proposées

35. Dans ce renvoi, le dossier du Procureur général du Québec est grandement sélectif en

ce qui a trait à ce qui a été écrit et dit sur la limitation de la durée du mandat des

sénateurs et le processus de consultation des électeurs quant à leurs préférences

entourant les nominations. Le dossier du procureur général du Canada contient quant

à lui une perspective plus complète et équilibrée; il renferme des rapports sur les

15 John A. Stilborn, rapport d’expert (mai 2013), C.P., vol. 12, onglet 124 (le « Rapport Stilborn »).

11

Exposé de Procureur général du Canada Faits

propositions de réforme du Sénat, ainsi que les procès-verbaux des travaux de

différents comités sénatoriaux16.

A. Rapport du Comité sénatorial spécial sur le projet de loi S-4 (octobre 2006)

36. Le 21 juin 2006, le Sénat a constitué un Comité sénatorial spécial sur la réforme du

Sénat, afin d’examiner le contenu du projet de loi S-4, la Loi modifiant la

Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat), qui aurait limité le mandat des

nouveaux sénateurs à huit ans. Des débats ont eu lieu en septembre 2006, et 26

témoins, dont faisait partie le premier ministre, ont été entendus par le Comité17.

37. Le rapport portait sur trois enjeux, à savoir d’abord comment une modification

constitutionnelle serait apportée pour modifier le mandat des sénateurs, les

répercussions des limitations au mandat sur le Sénat et le processus démocratique

canadien et les incidences éventuelles de processus de consultation (nonobstant le fait

que le projet de loi S-4 n’a pas abordé cette question)18. Le rapport du Comité, abordé

davantage ci-dessous, en est venu à la conclusion qu’une limitation au mandat des

sénateurs « améliorerait le Sénat du Canada » et que l’article 44 de la

Loi constitutionnelle de 1982 était le bon mécanisme pour parvenir à cette réforme19.

B. Rapport du Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles sur le projet de loi S-4 (juin 2007)

38. Le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles a

également passé en revue le projet de loi S-4. Ce Comité a exprimé des doutes quant

à la possibilité que l’article 44 soit utilisé pour imposer des limites au mandat des

sénateurs et a recommandé que l’on renvoie le projet de loi à la Cour suprême du

Canada, pour qu’elle émette son avis sur la question20.

16 C.P. en réponse du PGC, vol. 6-11. 17 Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat, La teneur du projet de loi S-4, Loi modifiant la

Loi constitutionnelle de 1867(durée du mandat des sénateurs) octobre 2006, p. 1 et Annexe A, C.P., vol. 3, onglet 25, p. 1044, 1087-1089.

18 Rapport du Comité sénatorial spécial, p. 2-6, Dossier du PGC, vol. 3, onglet 25, p. 1051-1055. 19 Rapport du Comité sénatorial spécial p. 30-31; Dossier du PGC, vol. 3, onglet 25, p. 1079-1080. 20 Rapport du Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, le 12 juin 2007,

p. 33-35, (« Comité sénatorial permanent »),C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1254-1256.

12

Exposé de Procureur général du Canada Faits

39. À ce moment, certains gouvernements provinciaux (Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-

et-Labrador et Québec, bien que le Québec fut en faveur au départ, avant la

constitution du Comité spécial) furent opposés au projet de loi S-421, certains autres

(Alberta et, dans une certaine mesure, Saskatchewan) l’estimaient acceptable22, et

d’autres (Colombie-Britannique et Ontario) favorisaient l’abolition du Sénat ou ont

indiqué qu’une réforme du Sénat n’était pas une priorité pour le gouvernement

provincial23.

C. Examen du projet de loi C-20 à la Chambre des communes

40. Un Comité législatif de la Chambre des communes a été constitué pour tenir des

audiences et examiner le projet de loi C-20, la Loi sur les consultations concernant la

nomination des sénateurs qui a suivi le projet de loi C-43, puisque ce dernier est mort

au feuilleton. Quelques audiences ont été tenues, mais aucun rapport n’a été publié,

puisque le projet de loi est mort également au feuilleton à la fin de la session

parlementaire concernée24.

VI - La réforme du Sénat dans son contexte historique

41. Les propositions actuelles qui se trouvent dans le projet de loi C-7 relativement aux

limitations de la durée du mandat et les processus de consultation sont le reflet des

décennies d’études sur la réforme du Sénat. Cette histoire sous-tend non seulement

les propositions de la réforme actuelle, mais est également utile à la compréhension

des dispositions de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 traitant de la réforme

du Sénat.

A. Propositions législatives et autres

42. Depuis 1867, la seule réforme notable du Sénat s’est produite en 1965. En

promulguant la Loi constitutionnelle 1965, C.S. 1965 c.4, le Parlement, en agissant 21 Comité sénatorial permanent p. 27-32 C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1248-1253. 22 Comité sénatorial permanent p. 32 C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1253. 23 Comité sénatorial permanent p. 28-29 et 32, C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1249-1250, 1252 Devant le

Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat, le ministre Bountrogianni d’Ontario a clairement indiqué que la vision de l’Ontario était plutôt de favoriser l’abolition du Sénat que d’engager dans de longues négociations constitutionnelles. C.P., vol. 6, onglet 40, p. 5 :48-5 :51, p. 2154-2156.

24 Comité législatif de la Chambre des communes relatif au projet de loi C-20, mars à juin 2008, C.P., vol. 8-9, onglet 47-55, p. 2902-3169.

13

Exposé de Procureur général du Canada Faits

seul, a modifié l’article 29 de la Loi constitutionnelle de 1867 (à cette époque, connue

sous le nom d’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867) afin d’imposer l’âge de

la retraite de 75 ans pour les sénateurs. Cette mesure législative n’a jamais été

contestée et a été maintenue par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à

la Chambre haute25.

43. Un effort de réforme plus ambitieux a été tenté avec le projet de loi C-60, la Loi sur la

Constitution du Canada proposée, présenté le 20 juin 1978, mais jamais adopté. Ce

projet de loi, qui faisait état de débats sur la modernisation et le rapatriement de la

Constitution, cherchait à remplacer le Sénat par une « Chambre de la Fédération »26.

Une moitié des membres de cette Chambre devaient être choisis par la Chambre des

communes, et l’autre moitié, par les assemblées législatives provinciales. Les

membres des Territoires, quant à eux, devaient être choisis par le gouverneur en

conseil27. Les membres de la Chambre de la fédération auraient conservé leur mandat

jusqu’à la prochaine élection du corps législatif qui les aurait sélectionnés28. Ces

membres auraient été sélectionnés à partir d’une liste de candidats qui représentaient

les préférences politiques des électeurs lors de l’élection générale fédérale ou

provinciale la plus récente, en fonction du nombre total de votes obtenus par chacun

des partis politiques29.

44. Le projet de loi C-60 a reflété l’évolution de la culture politique globale de l’époque en

exigeant un vote à double majorité au Sénat « afin d’accorder une protection spéciale

aux deux grandes communautés linguistiques du Canada, dans le cadre d’un projet

visant principalement à renforcer la représentation régionale »30.

45. Le 7 juin 1985, une résolution pour une modification à la constitution relativement aux

pouvoirs du Sénat a été présentée à la Chambre des communes. La résolution a été

25 Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, [1980] 1 RCS 54, p. 65 « Renvoi :

Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute »), C.S., vol. 1, onglet 2. 26 Projet de loi C-60, Loi modifiant la Constitution du Canada dans certains domaines ressortissant à la

compétence législative du Parlement du Canada et prévoyant les mesures nécessaires à la modification de la Constitution dans certains autres domaines, 20 juin 1978, art. 56, C.P., vol. 2, onglet 13, p. 244.

27 Projet de loi C- 60 art. 63(1), C.P., vol. 1, onglet 13, p. 246. 28 Projet de loi C- 60 art. 63(5), C.P., vol. 1, onglet 13, p. 247. 29 Projet de loi C- 60 p. 64(2), C.P., vol. 1, onglet 13, p. 249. 30 Le projet de loi C-60, art. 69, C.P., vol. 1, onglet 13, p. 252-256; Rapport Stilborn, C.P., vol. 12,

onglet 124, par. 25, p. 4150-4151.

14

Exposé de Procureur général du Canada Faits

faite en vertu de la procédure de modification normale prévue par l’article 38 de la

Loi constitutionnelle de 1982. Elle visait à restreindre les pouvoirs du Sénat et aurait

prévu que les projets de loi financiers et les lois normales non adoptées par le Sénat

auraient pu malgré tout être soumis à la sanction royale31. La résolution n’a cependant

pas reçu l’appui nécessaire des assemblées législatives provinciales.

46. L’Accord constitutionnel de 1987, signé par le premier ministre et dix premiers

ministres provinciaux le 3 juin 1987 (l’Accord du lac Meech), cherchait à ajouter un

nouvel article 25 à la Loi constitutionnelle de 1867. La modification proposait qu’en cas

de siège vacant au Sénat, le gouvernement de la province représentée par ce siège

pouvait transmettre une liste de noms au Conseil privé de la Reine pour le Canada afin

de combler le poste. Le nouveau sénateur devait être choisi à partir de la liste de noms

envoyée par la province, après que le Conseil privé de la Reine l’ait approuvée32. Les

premiers ministres ont convenu que ce processus s’appliquerait provisoirement,

jusqu’à la ratification de l’Accord; cependant, ce dernier n’a pas obtenu l’appui

unanime des provinces. Avant d’abandonner la méthode d’une liste de candidats

provinciaux, le premier ministre de l’époque, Mulroney, a recommandé la nomination

de quatre (4) sénateurs, dont les noms avaient été proposés par le gouvernement du

Québec, que le gouverneur général a par la suite nommés33.

47. L’Accord de Charlottetown de 1992, une entente unanime entre les premiers ministres

et des représentants des territoires et des Premières Nations prévoyait que la

Constitution soit modifiée afin d’exiger l’établissement d’un Sénat élu. La version

définitive du Rapport du consensus sur la Constitution prévoyait que les élections

seraient directes, soit en fonction de la population des provinces ou territoires, ou

indirectes, soit en fonction de leur assemblée législative respective. Les lois fédérales

devaient régir les élections, mais elles devaient être « suffisamment souples » pour

prévoir l’égalité entre les sexes au Sénat. L’élection devait avoir lieu aussi tôt que

possible, et, à la rigueur, avant la prochaine élection générale à la Chambre des

31 Résolution, modification constitutionnelle, 1985 (Pouvoirs du Sénat) C.P., vol. 1, onglet 15, p. 297. 32 Accord constitutionnel de 1987, 3 juin 1987, art. 2, C.P., vol. 4, onglet 28, p. 1293. Consulter également

le Guide de l’Accord constitutionnel du lac Meech, C.P., vol. 4, onglet 28, p 1279. 33 Roch Bolduc, Jean-Marie Poitras, Gérald A. Beaudoin et Solange Chaput-Rolland.

15

Exposé de Procureur général du Canada Faits

communes34. L’Accord de Charlottetown envisageait également la constitution d’un

Sénat avec six représentants de chaque province, un de chaque territoire et des

sièges réservés aux peuples autochtones35. Ultimement, l’Accord n’a pas obtenu le

soutien nécessaire à l’issue d’un référendum national, et les assemblées législatives

n’ont pas voté sur la question.

B. Recommandations tirées de rapports sur la réforme du Sénat

48. La réforme du Sénat a également fait l’objet de nombreuses propositions et de

nombreux rapports. Cette section se veut un bref sommaire des principaux éléments

de contenu des propositions les plus importantes, dont la position de différents corps

législatifs et autres sur les questions principales des limites à la durée du mandat et du

mode de sélection des sénateurs, ainsi que les pouvoirs du Sénat36.

49. Aussi tôt qu’en 1874, une proposition a été présentée à la Chambre des communes

pour permettre aux provinces de choisir ses sénateurs. Par la suite, d’autres

propositions furent présentées au cours des années subséquentes, lesquelles ont

abouti à un débat au Sénat en 1909 sur la limitation du mandat et l’abolition37. Au

cours des années 1960 et 1970, les réformateurs ont souligné le besoin d’améliorer le

Sénat à titre d’institution composée de membres nommés en recommandant la

modification du processus de nomination afin de donner un rôle aux provinces à cet

égard. Le développement le plus notable à ce chapitre fut la présentation du projet de

loi C-60 en 1978, qui, comme il a été mentionné plus tôt, aurait aboli le Sénat et l’aurait

remplacé par une « Chambre de la Fédération ». Le projet de loi prévoyait le choix des

sénateurs par les assemblées législatives et la Chambre des communes selon le

principe de la représentation proportionnelle38. Un deuxième ensemble de propositions

à cette époque, reposant sur le modèle du Bundesrat de l’Allemagne de l’Ouest,

cherchait à conférer les pouvoirs exclusifs de la nomination des sénateurs aux

34 Rapport du Consensus sur la Constitution, Charlottetown, 1992, art. 7, C.P., vol. 4, onglet 29, p. 1335. 35 Accord constitutionnel de Charlottetown, 1992, art. 4, C.P., vol. 4, onglet 29, p. 1381. 36 Un compte rendu plus détaillé se trouve dans le rapport de M. Stilborn, C.P., vol. 12, onglet 124,

p. 4138. 37 Rapport Stilborn, par. 44, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4. 38 Rapport Stilborn, par. 47-50, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4157-4159; projet de loi C-60, C.P., vol. 1,

onglet 13, p. 223-292.

16

Exposé de Procureur général du Canada Faits

provinces, dans la tentative de faire du Sénat le représentant des gouvernements

provinciaux39.

50. La période qui a suivi les années 1980 a été ponctuée de propositions cherchant à

augmenter le caractère légitime du Sénat au moyen d’élections directes. Un ensemble

de propositions, en commençant par celle de la Canada West Foundation (organisme

non gouvernemental) en 1981, jusqu’à la proposition de Charlottetown de 1992, ont

cherché à faire du Sénat une institution élue40.

51. En ce qui concerne les principaux volets de la réforme du Sénat, soit les limitations de

la durée du mandat, les modes de sélection et les pouvoirs, les principales

propositions des 50 dernières années peuvent se résumer ainsi :

i) Limitations de la durée du mandat

− Le Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes de 1972, présidé par

le sénateur Gildas L. Molgat et par Mark MacGuigan (député), n’a formulé aucune

recommandation quant aux limitations de la durée du mandat, en suggérant tout

de même que les sénateurs prennent leur retraite à 70 ans41.

− Le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles de

1980 (rapport Lamontagne) suggérait des mandats fixes de dix ans avec une

possibilité de renouvellement pour cinq autres années, selon un vote secret d’un

comité sénatorial42.

− Le rapport de 1981, intitulé Regional Representation: The Canadian Partnership, et

préparé par la Canada West Foundation, recommandait des mandats d’une durée

de deux législatures43.

− Le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la réforme

du Sénat (rapport Molgat-Cosgrove) suggérait que le mandat soit non renouvelable

et dure neuf ans44.

39 Rapport Stilborn par. 51, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4159. 40 Rapport Stilborn, par. 53-54, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4159-4160. 41 C.P., vol. 1, onglet 16, p. 301. 42 C.P., vol. 1, onglet 17, p. 347. 43 C.P., vol. 5, onglet 34, p. 1630.

17

Exposé de Procureur général du Canada Faits

− Le rapport de l’Alberta Select Special Committee on Upper House Reform

recommandait que le mandat d’un sénateur dure deux législatures45.

− Le rapport de 1985 de la Commission royale sur l’union économique et les

perspectives de développement du Canada (commission MacDonald)

recommandait que la durée du mandat d’un sénateur soit la même que celle des

mandats à la Chambre des communes46.

− Le Livre blanc du gouvernement fédéral, publié en 1991 et intitulé « Des

institutions au service d’un Canada moderne » proposait que les élections au

Sénat coïncident avec celles de la Chambre des communes, et que les mandats

soient identiques à ceux de la Chambre des communes47.

− Le rapport de 1992 du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des

communes (rapport Beaudoin-Dobbie) recommandait que le mandat dure tout au

plus six ans48.

ii) Mode de sélection

− Le rapport Molgat-MacGuigan de 1972 suggérait que la moitié des sénateurs

devait être nommée par le gouvernement fédéral, et l’autre moitié, par les

provinces ou territoires (modèle de nomination mixte)49.

− Le rapport de 1979 de la Commission de l’unité canadienne (le rapport Pépin-

Robarts) suggérait que le Sénat soit remplacé par une chambre des provinces

constituée de délégations nommées par les provinces et dont les membres sont

répartis approximativement selon la population des provinces (« modèle des

nominations provinciales »)50.

− Le rapport Lamontagne de 1980 suggérait que les nominations se fassent par le

gouverneur général sur recommandation du premier ministre, et qu’une nomination

44 C.P., vol. 2, onglet 19, p. 454. 45 C.P., vol. 5, onglet 35, p. 1684. 46 C.P., vol. 5, onglet 33, p. 1590. 47 C.P., vol. 2, onglet 22, p. 613. 48 C.P., vol. 3, onglet 24, p. 670. 49 C.P., vol. 1, onglet 16, p. 301. 50 C.P., vol. 5, onglet 31, p. 1451.

18

Exposé de Procureur général du Canada Faits

sur deux se fasse à partir d’une liste envoyée par le gouvernement provincial ou

territorial (modèle de nomination mixte)51.

− Le rapport de la Canada West Foundation de 1981 recommandait un vote unique transférable et une seule circonscription pour la province. L’élection de la moitié des sénateurs devait avoir lieu simultanément avec des élections à la Chambre des communes (modèle du Sénat élu)52.

− Le rapport de Molgat-Cosgrove de 1984 recommandait l’élection directe du Sénat selon un processus du « premier arrivé », avec des élections menées tous les trois ans, à des dates différentes des élections à la Chambre des communes (modèle du Sénat élu)53.

− Le rapport de 1985 de l’Alberta Select Special Committee recommandait que le Sénat soit élu selon le principe du premier arrivé dans les circonscriptions provinciales, ce qui permettrait d’élire six sénateurs par élection provinciale (modèle du Sénat élu)54.

− Le rapport de 1985 de la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada (commission MacDonald) recommandait un Sénat élu. Les sénateurs devaient être élus par représentation proportionnelle dans six circonscriptions selon le soutien des électeurs dans chaque parti (modèle du Sénat élu)55.

− Bâtir ensemble l’avenir du Canada − Propositions, rapport publié en 1991 par le gouvernement fédéral, proposait un Sénat directement élu et que les provinces remplacent les régions représentées par le Sénat. (modèle du Sénat élu)56.

− Le rapport de 1992 du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes (rapport Beaudoin-Dobbie) recommandait que des élections directes soient tenues par représentation proportionnelle à date fixe, de façon distincte des élections de la Chambre des communes (modèle du Sénat élu)57.

51 C.P., vol. 1, onglet 17, p. 347. 52 C.P., vol. 5, onglet 34, p. 1630. 53 C.P., vol. 2, onglet 19, p. 454. 54 C.P., vol. 5, onglet 35, p. 1684. 55 C.P., vol. 5, onglet 33, p. 1590. 56 C.P., vol. 2, onglet 21, p. 583. 57 C.P., vol. 3, onglet 24, p. 670.

19

Exposé de Procureur général du Canada Faits

iii) Pouvoirs

52. Que ce soit dans le cadre d’un Sénat nommé réformé avant 1980 ou d’un Sénat élu

après 1980, les propositions remplaceraient les pouvoirs élargis du Sénat de présenter

ou de rejeter des projets de loi (normalement non utilisés) par des pouvoirs plus

restreints. Les deux principales possibilités étaient un veto de suspension, qui mettrait

en suspens l’effet des projets de loi adoptés par la Chambre des communes pendant

une période donnée, par exemple, 60 jours ou six mois (projet de loi C-60), et un veto

absolu pour des sujets précis, que la Chambre des communes pourrait ensuite

outrepasser. L’article 47 de la Loi constitutionnelle de 1982 est une variante sur ce

thème, et prévoit que si le Sénat ne réussit pas à autoriser une modification

constitutionnelle dans les 180 jours de son autorisation à la Chambre des communes,

la modification peut devenir loi, si la Chambre des communes adopte de nouveau la

résolution sur la modification, sans que le Sénat ait à l’approuver58.

C. Débuts

i) Le Sénat à la Confédération

53. Les différents rapports et propositions cumulés au fil des ans illustrent bien le fait que

la réforme du Sénat n’a jamais été très loin de la surface de l’histoire et de la politique

canadiennes. Ce contexte historique sous-tend le projet de loi soumis au Parlement

dont traite ce renvoi.

54. La structure du Sénat a fait l’objet de débats et des négociations entourant la

Confédération. Essentiellement, le compromis fait à l’époque fut que la Chambre des

communes reposerait sur la représentation selon la population, tandis que le Sénat

reposerait sur un nombre égal de sénateurs issus de chacune des régions. Le discours

tant cité de George Brown fait foi de ce compromis :

« Nos amis du Bas-Canada ont accepté de nous donner une représentation selon la population à la Chambre basse à la condition expresse d’obtenir l’égalité à la Chambre haute. Nous n’aurions pas pu avancer d’un pas si nous avions rejeté cette condition. Du moment que l’on conserve les limites actuelles des provinces et que l’on donne à des corps locaux

58 Rapport Stilborn, par. 116-147 C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4177-4187.

20

Exposé de Procureur général du Canada Faits

d’administration des affaires locales, on reconnaît jusqu’à un certain point une diversité d’intérêts et la raison pour les provinces moins populeuses de demander la protection de leurs intérêts par l’égalité de représentation dans la chambre haute. »59

Deux semaines après ce discours de Brown, le solliciteur général pour Canada Est,

Hector Louis Langevin, a adopté un discours similaire quant au rôle de la Chambre

haute de protéger les intérêts des régions60.

55. Un autre but du Sénat était clair pour les fondateurs de la Confédération; il devait s’agir

d’une chambre législative distincte de la Chambre des communes qui passerait en

revue les projets de loi de façon détachée61.

56. Macdonald a accepté que la [traduction libre] « constitution de la Chambre haute soit la

plus conforme possible à la Constitution britannique »62, une expression qui reflète

bien le ton général du préambule de la Loi constitutionnelle de 186763. Toutefois,

Macdonald entrevoyait un Sénat qui ne ressemblait pas à la Chambre des Lords. En

effet, les membres du Sénat devaient être [traduction libre] « […] comme les hommes

de la Chambre basse, des hommes du peuple, sortis du peuple. »64

57. Le mode de sélection des sénateurs a semé la controverse. Macdonald favorisait un

Sénat nommé au lieu d’un Sénat dont les membres sont élus; cependant, il acceptait

que « Les arguments en faveur d’un Conseil élu sont nombreux et importants », et que

la Chambre haute élue dans la province du Canada « n’est pas un échec ». La

principale raison pour laquelle il favorisait un Sénat nommé était que la taille des

circonscriptions et les coûts rattachés à l’organisation d’une élection dissuaderaient

59 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, Ajzenstat,

Romney, Gentles et Gairdner (éditeurs), Stoddart Publishing Co, Ltd. Toronto, 1999, p. 286-287. (« Canada’s Founding Debates »), C.S., vol. 3, onglet 34.

60 Assemblée législative du Canada, le 20 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, p. 368, C.S., vol. 3, onglet 35.

61 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, p. 80. C.S., vol. 3, onglet 34.

62 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, p. 78, C.S., vol. 3, onglet 34.

63 Loi constitutionnelle de 1867, 30 et 31 Victoria, c. 3 (R.-U.) 64 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans les Canada’s Founding Debates, p. 81,

C.S., vol. 3, onglet 34.

21

Exposé de Procureur général du Canada Faits

des « hommes de grande valeur » de se porter candidat65. George Brown partageait

cette inquiétude et a indiqué que [traduction libre] :

« […] nous devons tous convenir que l’élection de membres provenant de régions si vastes, comme c’est le cas des circonscriptions de la Chambre haute, est devenue une importante contrainte sur le plan pratique. »66 Comme le souligne le professeur Manfredi, cependant, ces préoccupations ont été ‟ effacées par l’histoire ” ».67

58. Bien que George Brown ait voté contre une Chambre haute élue dans la province unie

du Canada, il a par la suite admis que les « maux anticipés » relativement à une

Chambre haute élue ne se sont pas avérés68. Il a aussi avancé que les sénateurs

devraient être nommés par l’Assemblée législative (la Chambre basse). Ainsi, le

gouvernement du moment serait redevable envers les citoyens pour les nominations.

Il a également préconisé des limites quant à la durée des mandats afin d’éviter

l’impasse avec la Chambre basse69. Dans un débat qui a suivi, Louis-Auguste Olivier70

a fait valoir qu’« autant de liberté politique que possible doit être accordée au peuple »

[traduction libre]71. Alexander MacKenzie, qui devint plus tard notre deuxième premier

ministre, estimait qu’une Chambre haute n’était tout simplement pas nécessaire72.

59. D’autres étaient d’avis qu’un Sénat élu conviendrait davantage. Au Nouveau-Brunswick, des discours à la fois pour et contre une Chambre haute élue ont été prononcés73. Dans les débats qui ont eu lieu à Terre-Neuve en ce qui a trait à l’adhésion à la Confédération, Robert Pinsent, George Hogsett et Joseph Little74 se

65 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, p. 78-79,

C.S., vol. 3, onglet 34. Voir également l’Avis Manfredi, par. 28, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3998. 66 Assemblée législative du Canada, le 8 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, p. 85, C.S.,

vol. 3, onglet 34. Voir également l’Avis Manfredi, par. 28, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3998 67 Avis Manfredi, par. 30, C.P., vol. 12, onglet 123. p. 3999. 68 Assemblée législative du Canada, le 8 février 1865, cité dans les Canada’s Founding Debates, p. 83-84,

C.S., vol. 3, onglet 34. 69 Assemblée législative du Canada, le 8 février 1865, cité dans les Canada’s Founding Debates, p. 85,

87-88, C.S., vol. 3, onglet 34. 70 Membre du Conseil législatif du Canada existant avant la Confédération, dans les Canada’s Founding

Debates, p. 474, C.S., vol. 3, onglet 34. 71 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans les Canada’s Founding Debates, p. 90-91,

C.S., vol. 3, onglet 34. 72 Assemblée législative du Canada, le 6 février 1865, cité dans les Canada’s Founding Debates, p. 94,

C.S., vol. 3, onglet 34. 73 Chambre de l’Assemblée, le 5 juin 1865 (Arthur Gilmor); Conseil législatif, le 16 avril 1866, (Peter

Mitchell); Chambre de l’Assemblée, le 23 juin 1866, James Gray Stevens, cités dans Canada’s Founding Debates, p. 96-7, C.S., vol. 3, onglet 34.

74 Tous les membres de l’Assemblée législative de Terre-Neuve, Canada’s Founding Debates, p. 473, C.S., vol. 3, onglet 34.

22

Exposé de Procureur général du Canada Faits

sont en général exprimés contre un Sénat nommé, bien que leurs principales préoccupations concernaient le petit nombre relatif de sénateurs qui serait attribué à Terre-Neuve75. Les politiciens de l’Île-du-Prince-Édouard avaient également des opinions partagées tant en ce qui concerne l’adhésion à la Confédération que les mérites d’une Chambre haute élue ou désignée76.

ii) Premiers débats et discussions entourant la réforme du Sénat

60. Comme un commentateur l’a mentionné, « Les premiers législateurs avaient à peine achevé leur œuvre qu’apparaissaient des divergences de vues sur la réussite du Sénat »77. Dans la décennie qui a suivi la Confédération, la Chambre des communes a donné son consentement unanime à une motion sur l’examen de réformes au Sénat. La proposition suggérait l’adoption d’un système électoral reposant sur la représentation selon la population, l’attribution de six sénateurs par région, la limitation de la durée du mandat à huit ans et l’élection de seulement la moitié des sénateurs à tout moment. Les élections se feraient par l’Assemblée législative78.

61. En 1874 et de nouveau en 1886, David Mills d’Ontario (et plus tard le sénateur Mills, puis le juge en chef Mills de la Cour suprême du Canada) a avancé que les provinces devraient être autorisées à sélectionner des sénateurs et de choisir les moyens pour le faire79. À l’occasion de la conférence interprovinciale de 1887, Honoré Mercier, alors premier ministre du Québec, suggère un Sénat élu80. Dans un débat au sujet du Sénat en 1906, G.H. McIntyre a vanté les mérites d’un pouvoir partagé de nomination81. Il souhaitait également limiter la durée du mandat des sénateurs à « tout au plus la

75 Conseil législatif, le 13 février1865; Chambre de l’Assemblée, le 23 février 1869 et le 2 mars 1869 cités

dans Canada’s Founding Debates, p. 97-99 C.S., vol. 3, onglet 34. 76 Différents discours cités dans Canada’s Founding Debates, p. 99-102, C.S., vol. 3, onglet 34. 77 AJZENSTAT, Janet, Le bicaméralisme et les architectes du Canada : les origines du Sénat canadien »

dans Protéger la Démocratie canadienne : Le Sénat en vérité, sous la direction de Serge Joyal, McGill-Queen’s University Press, Montréal et Kingston, 2003, p. 17-26 (« Janet Ajzenstat »), C.S., vol. 3, onglet 36.

78 HICKS, Bruce M., « Can a Middle Ground be found on Senate Numbers? », 16 Constitutional Forum 21 (2007), p. 21, C.S., vol. 3, onglet 37; Chambre des communes, Débats, p. 87. C.S., vol. 3, onglet 38.

79 Janet Ajzenstat, p. 18, C.S., vol. 3, onglet 36; Chambre des communes, Débats, le 14 mai 1886, 1272-73. C.S., vol. 3, onglet 39.

80 Janet Ajzenstat t, p. 18, C.S., vol. 3, onglet 36; Procès-verbal de la conférence interprovinciale tenue à Québec du 20 au 28 octobre 1887 inclusivement, tiré de Cloutier, Dominion Provincial and Interprovincial Conferences from 1887 to 1926, p. 7-27, C.S., vol. 3, onglet 40.

81 Janet Ajzenstat, p. 18, C.S., vol. 3, onglet 36; Chambre des communes, Débats, le 30 avril 1906, 2285, C.S., vol. 3, onglet 41.

23

Exposé de Procureur général du Canada Faits

durée de trois législatures »82. Au cours du débat de 1886, le sénateur Richard Scott est intervenu en faveur d’un Sénat élu, puisqu’il trouvait le concept d’un Sénat nommé « tout à fait contraire aux principes fondamentaux » selon lesquels le pays est gouverné83. Comme John Stilborn le fait remarquer, le Sénat lui-même a débattu longtemps de sa propre raison d’être et d’une abolition éventuelle en 190684.

62. Dans The Unreformed Senate of Canada, Robert MacKay a rapporté que [traduction libre] « il est [p]robable qu’aucune autre question d’ordre public au Canada n’ait suscité une telle unanimité d’opinion que celle de la nécessité d’une réforme du Sénat. »85 L’ouvrage a été publié en 1926.

VII − L’histoire de la réforme des procédures de modification

63. La mise en place des procédures de modification au fil de l’histoire établit un contexte important dont il faut tenir compte pour répondre aux questions du renvoi. La façon dont la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 est devenue chose faite, et la façon dont le libellé de la Partie V reflète cette histoire, notamment relativement au Sénat, est pertinente au rôle des provinces dans la modification de la Constitution.

64. Comme l’a observé la Cour suprême du Canada dans le Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, il ne fait aucun doute que le processus conventionnel avant 1982 qui servait à modifier la Constitution du Canada a été entièrement et définitivement remplacé par la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 :

La Loi constitutionnelle de 1982 est maintenant en vigueur. Sa légalité n’est ni contestée ni contestable. Elle prévoit une nouvelle procédure de modification de la Constitution du Canada, qui remplace complètement tant au point de vue juridique que conventionnel.86

82 Janet Ajzenstat, p. 22, C.S., vol. 3, onglet 36;Chambre des communes, Débats, le 20 janvier 1908,

p. 1513, C.S., vol. 3, onglet 42, voir également le 30 avril 1906, p. 2276, C.S., vol. 3, onglet 41. 83 Janet Ajzenstat, p. 25, C.S., vol. 3, onglet 36; Sénat, débats, le 3 mai 1886, p. 334, C.S., vol. 3,

onglet 43. 84 Rapport Stilborn, par. 41-42, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4156-4157. 85 MACKAY, Robert, The Unreformed Senate of Canada, (London: Oxford University Press, 1926), p. 206,

C.S., vol. 3, onglet 44; voir également, Stephen Harper, Délibérations du comité sénatorial spécial sur la Réforme du Sénat, p. 2:8, le 7 septembre 2006, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1879.

86 Renvoi sur l’opposition à une résolution pour modifier la Constitution, [1982] 2 R.C.S. 793 à 806, C.S., vol. 1, onglet 3.

24

Exposé de Procureur général du Canada Faits

A. L’absence de procédures de modification formelles

65. Mise à part la difficulté de parvenir à un consensus sur la réforme du Sénat, le principal

obstacle sur la route de la réforme du Sénat fut l’absence, dans la Constitution, de

procédures qui en régissent la modification. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique

(maintenant la Loi constitutionnelle de 1867) ne prévoyait aucune procédure de

modification complète, et par conséquent, il revenait au Parlement britannique (et, à

l’occasion, au Parlement canadien) de prévoir les modifications. Les modifications se

faisaient par l’entremise de la suprématie législative plénière du Parlement impérial et

la souveraineté limitée de notre propre Parlement et de nos législatures87. Le contrôle

du Canada était grandement restreint, comme le démontre la citation sardonique

suivante : [traduction libre] « notre Constitution fut celle que le Parlement du Royaume-

Uni voulait bien qu’elle soit. »88

66. Cette réalité juridique a été reconnue par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi

relatif au rapatriement de la Constitution de 1981 où la majorité qui s’est exprimée à

cet égard a indiqué que la Constitution « souffr[e] d’une faille interne due à l’absence

du pouvoir de modifier ou de changer les arrangements essentiels de répartition des

pouvoirs aux termes desquels l’autorité légale est exercée dans ce pays, tant au

niveau fédéral que provincial »89.

67. Dans les décennies qui ont précédé le rapatriement de la Constitution et les procédures de modification ajoutées à la Loi constitutionnelle de 1982, plus d’une dizaine de réunions ou de conférences ont été tenues afin de parvenir à cet objectif90. Un comité de la Chambre des communes en a discuté en 1935. Une conférence des premiers ministres tenue en 1935 a porté sur le sujet, comme une autre conférence en 1950. Au total, huit autres réunions de premiers ministres ont eu lieu entre 1968 et 1981, pour discuter de différents mécanismes de rapatriement de la Constitution avec

87 L’histoire de la façon dont les modifications étaient apportées à la Constitution avant 1982 est

rassemblée dans la décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre, p. 60-66, C.S., vol. 1, onglet 2.

88 STRAYER, Barry L., Ken Lysyk and the Patriation Reference, University of British Columbia Law Review, 38 (2005), p. 423-450, p. 425, (“Strayer, Patriation Reference”), C.S., vol. 3, onglet 45.

89 Renvoi : résolution pour modifier la constitution, [1981] 1 R.C.S. 753 à 774, C.S., vol. 1, onglet 4. 90 HURLEY, James Ross, Amending Canada’s Constitution, History, Processes, Problems and Prospects,

ministre des Approvisionnements et Services, 1996, p. 25-62, (« Hurley, Amending the Constitution »), C.S., vol. 3, onglet 46; Strayer, Patriation Reference, p. 427, C.S., vol. 3, onglet 45.

25

Exposé de Procureur général du Canada Faits

une formule de modification. Également, d’autres réunions ont eu lieu entre des procureurs généraux et d’autres représentants du gouvernement sur la question91.

68. Malgré l’absence d’une procédure de modification générale, quelque vingt-deux modifications à la Constitution ont été apportées avant 1965, soit au moyen de demandes signifiées à la Reine et de mesures législatives du Parlement du Royaume-Uni, soit par les pouvoirs limités de modification intérieurs accordés au Parlement du Canada en 194992.

69. Certaines modifications constitutionnelles ont eu lieu grâce au recours à des conventions constitutionnelles93. Dans le Renvoi Résolution pour modifier la Constitution, la Cour suprême du Canada a examiné la place des conventions constitutionnelles dans la trame constitutionnelle, en signalant que « L’objet principal des conventions constitutionnelles est d’assurer que le cadre juridique de la Constitution fonctionnera selon les principes ou valeurs constitutionnelles dominantes de l’époque »94.

70. En 1949, le Parlement britannique a commencé à desserrer son contrôle sur la Constitution canadienne, en promulguant une loi modifiant l’article 91 de l’AANB, afin d’accorder au gouvernement fédéral le pouvoir de modifier certains aspects de la Constitution, mais pas tous95. Par exemple, le Parlement canadien pouvait désormais modifier la représentation des provinces à la Chambre des communes dans les limites du principe de la représentation proportionnelle96, mais ne pouvait toujours pas modifier les dispositions de la Constitution qui portaient sur les écoles confessionnelles et les droits linguistiques97.

91 Strayer, Patriation Reference, p. 427, C.S., vol. 3, onglet 45; voir également STRAYER, Barry L.,

Saskatchewan and the Amendment of the Canadian Constitution (1967) 12 McGill L.J. 443. C.S., vol. 3, onglet 47.

92 Modification de la Constitution du Canada, L’honorable Guy Favreau, ministre de la Justice, Ottawa, Ontario, février 1965 (le Livre blanc Favreau) chapitre 2, C.S., vol. 4, onglet 48a. BAYEFSKY, Anne F. Canada’s Constitutional Acts & Amendments. A Documentary History, McGraw-Hill Ryerson, (Toronto), 1989, vol. 1, p. 22-27, (« Bayefsky : Documentary History, »), C.S., vol. 3, onglet 48. Voir également : Résolution pour modifier la Constitution, p. 888, C.S., vol. 1, onglet 4.

93 Hurley, Amending the Constitution, p. 14-17, C.S., vol. 3, onglet 46. 94 Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, p 879-880, C.S., vol. 1, onglet 4. 95 L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (no 2) de 1949, C.S., vol. 4, onglet 49. 96 Loi constitutionnelle de 1867, art. 52. 97 L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (no 2) de 1949, C.S., vol. 4, onglet 49. Le Parlement pouvait

s’occuper des droits linguistiques au moyen d’instruments comme la Loi sur les langues officielles, tant qu’elle n’invalidait pas l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 : voir Jones c. Procureur général du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 RCS 182, C.S., vol. 1, onglet 5.

26

Exposé de Procureur général du Canada Faits

71. Malgré ces modifications limitées, l’important problème de l’absence d’un processus de modification général de la Constitution demeurait, et le caractère souhaitable d’avoir une solution politique a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution. Comme la Cour suprême du Canada l’a déclaré sans ambages :

Il serait évidemment anormal, ce qui cacherait l’anomalie d’une constitution sans dispositions modificatrices, que cette Cour dise rétroactivement qu’en droit, il y a toujours eu une formule de modification même si nul ne le savait jusqu’ici, ou dise qu’il existait en droit une première formule de modification, disons de 1867 à 1931, et une deuxième qui s’est concrétisée après 1931.98

i) Livre blanc Favreau et formule Fulton-Favreau (1964-1965)

72. Deux événements mettant en cause un ministre de la Justice fédéral, Guy Favreau, ont une grande importance dans l’histoire des procédures de modification. En 1965, M. Favreau a rédigé un Livre blanc, qui passait en revue l’histoire des modifications à la Constitution et dégageait quatre principes fondamentaux :

• aucune loi du Parlement britannique touchant le Canada ne serait adoptée à

moins que le Canada ne l’ait demandé et n’y ait consenti, et toute modification

demandée par le Canada serait promulguée par le Parlement;

• après 1895, le Canada a cherché à faire modifier la Constitution par le Parlement

britannique au moyen d’une adresse mixte du Sénat et de la Chambre des

communes à la Couronne;

• le Parlement britannique ne peut procéder à une modification de la Constitution à

la seule demande de modification par une province, en soutenant qu’il traiterait

uniquement avec le gouvernement fédéral en tant que représentant de

l’ensemble du Canada, et

• le Parlement fédéral ne demandera pas de modification qui touche les relations

fédéro-provinciales sans consulter les provinces et obtenir leur accord. –

98 Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, p. 788, C.S., vol. 1, onglet 4.

27

Exposé de Procureur général du Canada Faits

« Il n’a pas été facile, cependant, de préciser la nature et l’étendue de la

participation provinciale à la procédure de modification. »99

73. Les principes de Favreau ont également été représentés dans la formule dite

Fulton-Favreau, une entente conclue sur une procédure de modification en

octobre 1964 par les gouvernements fédéral et provinciaux. Bien que l’entente se soit

avérée de courte durée, elle portait néanmoins sur les modifications du Sénat à trois

égards, soit le nombre de sénateurs accordé à chaque province et les exigences

touchant la résidence ainsi que les exigences, en vertu de la Constitution, entourant

leur nomination par le gouverneur général sous réserve de l’approbation de deux tiers

des provinces représentant au moins 50 % de la population100. La formule prévoyait

également une procédure unanime quant à des questions comme les pouvoirs de la

législature d’une province, mais la question de l’unanimité n’était pas requise pour

apporter des changements au Sénat. Cette convention comptait parmi les deux seules

occasions (la Charte de Victoria étant l’autre) où les premiers ministres fédéraux et

provinciaux ont été en mesure de parvenir à une entente de principe unanime sur une

procédure de modification dans le cadre du rapatriement de la Constitution101.

ii) La Charte de Victoria de 1971

74. Une conférence des premiers ministres fédéraux-provinciaux tenue à Victoria en

Colombie-Britannique en juin 1971 a abouti à une entente de principe qui portait sur la

Charte constitutionnelle canadienne 1971, communément connue sous le nom de

Charte de Victoria. Elle traitait de plusieurs enjeux, dont les droits politiques, les droits

linguistiques, les tribunaux et les disparités entre les régions102.

99 Le livre blanc Favreau (1965), (La modification de la Constitution du Canada, fév. 1965, (Ottawa,

Imprimeur à la Reine), p. 15-16, C.S., vol. 4, onglet 48a; Bayefsky : Documentary History, vol. 1, p. 22-48, p. 30, C.S., vol. 3, onglet 48.

100 TREMBLAY, André, La réforme de la Constitution du Canada, 1995, Montréal, Les éditions Thémis, Formule Fulton-Favreau (1964), p. 195-199, (« André Tremblay »), C.S., vol. 4, onglet 48b. Bayefsky : Documentary History, vol. I, p. 16-18 C.S., vol. 3, onglet 48.

101 La modification de la Constitution du Canada, Bureau des relations fédérales-provinciales, ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1990, p. 3 PGC, C.S., vol. 4, onglet 50.

102 La Charte constitutionnelle canadienne 1971, Charte de Victoria, Parties I-VII, (« Charte de Victoria »), C.P., vol. 4, onglet 30, p. 1429-1441.

28

Exposé de Procureur général du Canada Faits

75. La Charte de Victoria prévoyait aussi une formule de modification de la Constitution.

Des modifications aux pouvoirs du Sénat, au nombre de sénateurs de chaque province

et aux exigences en matière de leur résidence devraient être approuvées par

l’Assemblée législative d’au moins une majorité des provinces, dont toute province

comptant pour vingt-cinq pour cent de la population du Canada, au moins deux

provinces de l’Atlantique et deux provinces de l’Ouest, dont la population combinée

représentait au moins cinquante pour cent des provinces de l’Ouest103. Si une

modification d’une disposition s’appliquait à une ou plusieurs provinces, mais non

toutes les provinces, elle exigerait une résolution du Sénat et de la Chambre des

communes, ainsi que des assemblées législatives des provinces touchées par la

modification104. D’autres dispositions portaient sur des règles d’application de la

formule de modification et des modifications exclusives au Parlement ou aux

législatures provinciales, mais aucun sujet n’exigeait l’unanimité des provinces pour

que le changement soit apporté105.

76. La Charte de Victoria demeure muette sur la question précise des changements au

mode de sélection, et laisse de fait ce type de modification au Parlement.

77. Par conséquent, le Livre blanc de Favreau comme la Charte de Victoria

reconnaissaient tous les deux l’importance du rôle des provinces dans certains types

de changements constitutionnels. La Partie V reconnaît ce principe, et c’est la portée

de ce rôle prescrit dans la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 qui est en cause

dans ce renvoi.

iii) La Loi constitutionnelle de 1982

78. À la suite de la Conférence de Victoria, d’autres conférences de premiers ministres,

dont à Toronto en 1978 et à Vancouver en 1979, comportaient des débats sur les

formules de modification; les deux suggéraient qu’il faudrait un consentement unanime

des provinces pour des changements mettant en cause une gamme limitée de sujets,

dont aucun ne concernait le Sénat106. Lorsque la réforme constitutionnelle proposée a

103 Charte de Victoria, Partie IX, art. 49, C.P., vol. 4, onglet 30 p. 1443. 104 Charte de Victoria, Partie IX, art. 50, C.P., vol. 4, onglet 30 p. 1443. 105 Charte de Victoria, Partie IX, art. 52-55, C.P., vol. 4, onglet 30 p. 1443-1444. 106 Bayefsky, Documentary History, vol. I, p. 527-528; vol. II, p. 638-639, C.S., vol. 3, onglet 48.

29

Exposé de Procureur général du Canada Faits

été présentée aux Chambres du Parlement en 1981, dans les procédures qui forment

maintenant la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982, examinées aux

paragraphes 15 à 23 ci-dessus, le consentement des provinces était explicitement

requis en ce qui a trait à quatre types de modifications du Sénat; les pouvoirs du

Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le nombre de sénateurs auquel chaque

province a droit et les exigences entourant la résidence. Ce fut uniquement au moyen

d’une modification proposée par le gouvernement fédéral au cours de ces travaux

parlementaires que le « mode de sélection des sénateurs » est ajouté à ce qui est

maintenant l’article 42. Dans son témoignage devant le Comité spécial, le

sous-ministre de la Justice a décrit son omission des ébauches précédentes en tant

qu’« oubli » et élément devant être approuvé par les provinces, sans expliquer ce qu’il

entendait par là107.

79. La Loi constitutionnelle de 1982 a donc été l’aboutissement d’un processus très long et

ardu. Il n’a jamais été facile de s’entendre au sujet des procédures de modification.

Toutefois, il convient de noter qu’une procédure sur l’unanimité n’a jamais été

envisagée à plus grande échelle que pour quelques matières, et le Sénat n’en a jamais

fait partie. La participation des provinces à des changements au Sénat n’a jamais été

envisagée, sauf pour quelques points.

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PARTIE II – QUESTIONS

80. Les questions auxquelles ce tribunal doit répondre se trouvent dans le décret portant le

numéro 346-2012. Les questions posées à ce tribunal, et les réponses du Procureur

général du Canada se résument ainsi.

1) Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du

Canada, portant sur la question de la charge de gouverneur général, qui ne peut

être faite qu’avec l’autorisation du Sénat, de la Chambre des communes et de

107 Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur

la Constitution du Canada, no 53, le 4 février 1981, p. 68, C.S., vol. 4, onglet 51.

30

Exposé de Procureur général du Canada Questions

l’Assemblée législative de chaque province en vertu du paragraphe 41a) de la

Loi constitutionnelle de 1982?

Non. Le projet de loi C-7 ne modifie pas le mode de sélection des sénateurs –

le gouverneur général continuerait de les nommer en vertu de l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867, une disposition qui demeurerait inchangée.

2) Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du

Canada, portant sur la question du mode de sélection des sénateurs, visé au

paragraphe 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui ne peut être faite

qu’en vertu du processus indiqué à l’article 38 de la Loi constitutionnelle

de 1982?

Non. Le projet de loi C-7 ne modifie pas le mode de sélection des sénateurs –

le gouverneur général continuerait de les nommer en vertu de l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867, une disposition qui demeurerait inchangée.

3) Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du

Canada relative aux caractéristiques fondamentales et au rôle du Sénat qui ne

peut être faite que conformément à l’article 38 de la Loi constitutionnelle

de 1982?

Non. La Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit un code exhaustif pour la

modification de la Constitution, et le projet de loi C-7 respecte la Partie V. L’article 38

s’applique uniquement si l’une des caractéristiques du Sénat dont traite l’article 42

devait être modifiée. Or, ce n’est pas le cas en ce qui concerne le projet de loi C-7.

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31

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

PARTIE III – ARGUMENTS

I − Approche générale

A. La portée du Renvoi

81. Les questions dans ce renvoi reposent sur des propositions législatives établies dans

le projet de loi C-7 et dont la portée est relativement modeste. Les changements

proposés au projet de loi C-7 n’auraient aucun effet sur les quatre points abordés aux

paragraphes 42 b) et c), soit les pouvoirs du Sénat, le nombre de sénateurs issus de

chaque province, les exigences selon la résidence des sénateurs et le mode de

sélection des sénateurs. En particulier, aucun changement ne sera apporté à

l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui établit le pouvoir du gouverneur

général de mander « des personnes ayant les qualifications voulues » au Sénat. Deux

changements proposés sont en cause ici : la limitation de la durée du mandat des

sénateurs et la question de savoir si les recommandations du premier ministre en vue

d’une nomination peuvent reposer sur un processus de consultation des électeurs.

82. Le renvoi ne consiste pas à déterminer si les sénateurs peuvent ou doivent être élus.

Il s’agit simplement de savoir quelles procédures, le cas échéant, de la Partie V de la

Loi constitutionnelle de 1982 s’appliquent aux réformes proposées.

B. Les principes d’interprétation pertinents

83. Ce renvoi offre au tribunal l’occasion de se pencher sur la portée et le sens des

principales procédures de modification de la Partie V de la Loi constitutionnelle de

1982. Certains principes d’interprétation bien connus s’appliquent. Comme c’est le cas

de la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (la Charte), la Partie V « n’a pas été

adoptée en l’absence de tout contexte » et « elle doit être située dans ses contextes

linguistique, philosophique et historique appropriés »108. Le contexte linguistique

souligne la primauté du texte, et le contexte philosophique et historique valide la

signification des initiatives de réforme du Sénat et des procédures de modification

historiques.

108 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, 344, C.S., vol. 1, onglet 6.

32

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

84. La doctrine du caractère véritable est également utile afin de cerner les matières en

cause et les règles ordinaires d’interprétation des lois aident à examiner l’intention du

projet de loi mentionné dans les questions.

i) La primauté du texte de la Loi de 1982

85. L’approche linguistique requiert un examen approfondi du texte de la Partie V de la

Loi constitutionnelle de 1982, qui décrit de façon exhaustive les procédures de

modification. La Partie V présentait une approche très précise et axée sur les règles de

la modification de la Constitution.

86. Le système général relatif à la réforme du Sénat peut s’exprimer en termes simples :

les changements aux pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le

nombre de sénateurs auquel une province a droit et les exigences relatives à la

résidence font référence à la formule dite 7/50, soit la procédure de modification

normale de l’article 38, selon laquelle les assemblées législatives d’au moins les deux

tiers des provinces représentant 50 pour cent de la population des provinces doivent

approuver la modification. Toutes les autres questions qui entourent la modification de

la Constitution relativement au Sénat relèvent de la compétence exclusive du

Parlement en vertu de l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le texte de la

Partie V prévoit des orientations très claires afin de répondre aux questions dans ce

renvoi.

ii) Contexte historique

87. Les tribunaux ont souvent examiné une gamme variée de documents pour chercher à

expliquer le sens des dispositions de la Charte109 et d’autres dispositions

constitutionnelles110. Un tel exercice pourrait également s’avérer pertinent afin

d’interpréter les dispositions de la Partie V. L’histoire des initiatives de réforme du

Sénat et la recherche d’une procédure de modification acceptable à la fois pour les

109 Voir, par exemple, R. v. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236 à 266-267, C.S., vol. 1, onglet 7; États-Unis c.

Cotroni, [1989] 1 R.S.C. 1469 aux p. 1479-1480, C.S., vol. 1, onglet 8. 110 Voir par exemple : R.J.R. MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S.199; Renvoi :

Résolution pour modifier la Constitution, C.S., vol. 1, onglet 4; Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, C.S., vol. 1, onglet 3; Hogg, vol. II, par. 60.1(c)-(d), C.S., vol. 2, onglet 31.

33

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

provinces et le gouvernement fédéral appuient une lecture fondée sur le langage clair

du texte susmentionné. Comme il sera défendu plus bas, l’histoire vient étayer la

conclusion selon laquelle la Partie V est très précise dans ses mentions des aspects

de la réforme du Sénat qui devraient être approuvés par les provinces. Aucune partie

de ces comptes rendus et récits historiques donne à penser qu’on ait voulu faire en

sorte que les provinces aient voix au chapitre dans l’approbation des limitations de la

durée du mandat, ou que le premier ministre devrait suivre un processus de

consultation précis lors de la formulation de sa recommandation de candidats au

gouverneur général.

88. Bien qu’il existe une panoplie de documents publics qui décrivent le contexte entourant

la Charte, les déclarations publiques sur l’intention du Parlement en ce qui touche la

Partie V sont rares111. Un document historique fait néanmoins état de l’intention des

rédacteurs, dans une note d’information rédigée à l’intention d’un ministre non identifié

en 1981. La note fait mention de l’avis de la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la

Chambre haute, puis donne à penser que les seuls changements au Sénat qui exigent

le renvoi à la formule générale et l’approbation des provinces furent énoncés à

l’article 42 de la Partie V et que tous les autres changements pouvaient être apportés

par le Parlement112.

89. La Loi constitutionnelle de 1982 est entrée en vigueur peu de temps après que la Cour

suprême du Canada a émis son avis dans le Renvoi relatif à la Chambre haute, où des

questions ont été posées relativement à la compétence du Parlement de modifier

certaines caractéristiques du Sénat. En cernant la portée de cette compétence, la Cour

suprême du Canada a déclaré que « [le Parlement ne peut] apporter des modifications

qui porteraient atteinte aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées

au Sénat pour assurer la représentation régionale et provinciale dans le système

législatif fédéral. »113 Cependant, les caractéristiques fondamentales ou essentielles

attribuées au Sénat que le Parlement ne peut modifier n’ont pas été décrites en détail.

111 Voir toutefois la description des événements par un des participants : DAWSON, Mary, From the

Backroom to the Frontline: Making Constitutional History or Encounters with the Constitution: Patriation, Meech Lake, and Charlottetown, (2012) 57 : 4 McGill LJ 955, p. 958-971, C.S., vol. 4, onglet 52.

112 Rapport d’expert de Linda Cardinal pour la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (« FCFAC »), onglet Q, p. 397.

113 Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, p. 78, C.S., vol. 1, onglet 2.

34

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

Il est donc logique de conclure que l’article 42 visait à établir une règle précise afin que

les tribunaux n’aient pas à définir quelles caractéristiques du Sénat devraient être

élevées au niveau de caractéristiques fondamentales au point d’exiger l’utilisation

d’une procédure de modification en particulier. S’appuyer sur ces parties de l’histoire

pour faire une telle inférence s’accorderait avec ce que la Cour suprême du Canada a

défini en tant que « principe bien établi » :

« le législateur est présumé connaître parfaitement le droit existant, qu’il s’agisse de la common law ou du droit d’origine législative […] Il est également censé être au fait de toutes les circonstances entourant l’adoption de la nouvelle loi. »114

iii) Interprétation progressiste de la Constitution

90. S’en remettre à l’histoire constitutionnelle ne signifie pas de tenter d’élucider l’intention des Pères de la Confédération et de les suivre de façon servile ou de leur prêter de fausses intentions. D’abord, ce serait une véritable boîte de Pandore, comme l’ont démontré les débats qui remontent avant la Constitution susmentionnée, et le rapport du professeur Manfredi et de M. Stilborn. Le rôle, la composition, voire l’existence même du Sénat furent, au moment de la Confédération et continuellement depuis, un sujet visé par des opinions divergentes et souvent très fermement ancrées.

91. Plus important encore, un tel exercice irait à l’encontre de l’approche d’« interprétation progressiste » adoptée régulièrement par la Cour suprême du Canada dans l’interprétation de la Constitution afin d’« éviter sa sclérose et son inadaptation à la société canadienne »115. Une observation servile de l’intention d’origine a été rejetée par la Cour suprême du Canada116, par exemple, dans le Renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, où la Cour a déterminé que l’interprétation du « mariage » qui prévalait en 1867 ne devrait pas déterminer notre interprétation du concept de nos jours117. Dans le contexte de ce renvoi, une interprétation progressiste fait en sorte que les valeurs démocratiques modernes sont respectées.

114 ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140 au par. 59, C.S.,

vol. 1, onglet 9. 115 Canada (Procureur général) c. Hislop, [2007] 1 R.C.S. 429, au par. 144, C.S., vol. 1, onglet 10. 116 L’honorable. I. BINNIE, Constitutional Interpretation and Original Intent, (2004) 23 S.C.L.R. (2d), p. 356-

360, C.S., vol. 4, onglet 53. 117 Renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698, au par. 30, C.S., vol. 1,

onglet 11.

35

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

92. Par exemple, même si le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 fait référence à

« une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni »,

il n’existe aucune raison valable pour interpréter cet énoncé comme exigeant un

examen de ce que les fondateurs du pays pensaient que cela voulait dire relativement

au Sénat, et encore moins de traiter toute déviation de cette vision de 1867 comme un

changement qui requiert une procédure de modification plus rigoureuse. En 1867,

sir John A. Macdonald avait imaginé une Chambre haute constituée de bourgeois

gentilshommes prospères et importants; il ne voulait pas d’une Chambre haute

composée de nobles de père en fils comme c’était le cas en Grande-Bretagne.

Cependant, ni l’une ni l’autre des visions ne s’accorde avec les attentes

contemporaines sur les personnes qui devraient pouvoir siéger au Sénat. Les

Britanniques eux-mêmes ont à maintes reprises tenté de réformer leur Chambre haute

pour qu’elle représente davantage les idéaux démocratiques modernes et la diversité

de la société britannique118.

iv) Le caractère véritable

93. La doctrine du caractère véritable devrait également étayer les réponses de ce tribunal

aux questions posées, puisqu’elle exige des tribunaux qu’ils adoptent une approche

rigoureuse afin de déterminer la matière que vise la loi. Il s’agit d’une première étape

essentielle afin de donner un sens aux dispositions législatives auxquelles il est fait

référence dans les questions du renvoi. La doctrine du caractère véritable s’applique à

chacune des questions du renvoi, soit le fait que les réformes qui entourent les

limitations de mandat et les processus de consultation n’ont aucun lien, par leur

caractère véritable, avec les matières visées par les articles 41 et 42. L’approche du

caractère véritable utilisée afin de déterminer si une modification constitutionnelle

proposée se rapporte ou non à une matière visée par une procédure de modification

quelconque, même si elle peut engendrer un effet accessoire sur une matière visée

118 Voir par exemple, la Parliament Act 1911, c. 13 (qui permet aux Communes d’adopter certains projets

de lois financiers et publics sans l’intervention de la Chambre des Lords), C.S., vol. 4, onglet 54, la House of Lords Act (1999) (qui réduit le nombre de pairs par succession familiale de plus de 600 et qui gèle le nombre restant à 90, dans l’attente d’une nouvelle réforme) C.S., vol. 4, onglet 55. D’autres réformes se trouvent à l’adresse : Premier rapport du Comité mixte sur la réforme de la Chambre des Lords (anglais seulement), 2002-0,3, p. 14; site Web du Parlement du Royaume-Uni (Réforme de la Chambre des Lords, anglais seulement); http://www.parliament.uk/business/lords/lords-history/lords-reform/

36

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

par une autre procédure de modification, est également un moyen convenable d’établir

la distinction parmi la gamme de procédures de modification qui pourraient s’appliquer.

94. La doctrine a été mise en application par deux tribunaux d’appel, dont cette Cour, afin

de déterminer quelles procédures de modification régissent certaines modifications constitutionnelles proposées. Dans les affaires Hogan v. Newfoundland (Attorney

General)119 et Potter c. Québec (Procureur général)120, on a demandé à la Cour

d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador et à la Cour d’appel du Québec, respectivement, d’interpréter et d’appliquer l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 dans le

contexte des défis que posait l’abrogation législative des droits protégés par la

Constitution relatifs aux écoles confessionnelles dans les deux provinces121. Les opposants faisaient valoir que la procédure de l’article 38 de la Loi constitutionnelle

de 1982, soit la formule dite 7/50, s’appliquait122.

95. Les deux cours d’appel ont rejeté ces arguments. Dans le cas Hogan, la Cour d’appel

de Terre-Neuve-et-Labrador a maintenu que la modification était, par son caractère

véritable, une modification qui s’appliquait à une province ou plus, mais non à toutes

les provinces, et que l’effet de la modification de l’article 43 sur l’application des droits à la liberté de religion de la Charte était un effet incident ou secondaire123. Dans le

même ordre d’idées, la Cour d’appel du Québec s’est fiée à la doctrine afin de rejeter l’argument selon lequel l’ajout de l’article 93A à la Loi constitutionnelle de 1867

modifiait implicitement l’article 29 de la Charte (protection des écoles

confessionnelles)124.

96. La Cour d’appel du Québec a également rejeté l’opinion selon laquelle le

consentement des autres provinces, principalement l’Ontario, était nécessaire, parce que l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 protège non seulement les

protestants du Québec, mais également les catholiques d’Ontario. Le tribunal a

119 Hogan v. Newfoundland (Attorney General), [2000] 183 D.L.R. (4e) 225, (« Hogan »), C.S., vol. 1,

onglet 12. 120 Potter c. Québec (procureur général), [2001] R.J.Q. 2823 (C.A.), (« Potter ») C.S., vol. 1, onglet 1. 121 Term 17 of the Terms of Union of Newfoundland with Canada, C.S., vol. 4, onglet 56 et art. 93 de la

Loi constitutionnelle de 1867. 122 Pour une description générale de ces affaires, consulter : Newman, Warren, Living with the Amending

Procedures: Prospects for Future Constitutional Reform in Canada, Supreme Court of Canada Law Review (2007), 37 S.C.L.R. (2e) p. 403-406, C.S., vol. 2, onglet 33.

123 Hogan, par. 95, 97, C.S., vol. 1, onglet 12. 124 Potter, par. 22-24, C.S., vol. 1, onglet 1.

37

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

interprété la version française de l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 selon

laquelle la modification « concerne » une province, mais plus encore, elle

« s’applique » à une province. Par conséquent, la seule province dite concernée par la modification était le Québec, puis que les privilèges touchant l’Ontario en vertu de

l’article 93 demeurent inchangés125.

97. L’approche du caractère véritable est essentielle au moment de répondre à la question

de savoir si l’adoption d’un processus de consultation pour des nominations est un

changement au mode de sélection des sénateurs mentionné à l’article 42. La réponse

est non. Le mode de sélection des sénateurs est décrit à l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867, qui accorde au gouverneur général le pouvoir de

nommer des sénateurs, pouvoir qui demeure entier sous toute réforme proposée.

v) Les règles ordinaires de l’interprétation des lois

98. Même si le projet de loi en question dans ce renvoi n’a pas encore été adopté, la

méthode moderne d’interprétation des lois s’applique toujours. Il faut lire les termes

d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui

s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur126.

99. De plus, il faut éviter d’ajouter des mots à la loi à moins que cet ajout ne renforce

l’intention implicite du législateur127. Ce point est significatif, car, contrairement à la

formulation claire de la loi proposée et à l’intention et aux objets visés de la loi, la

majeure partie des arguments contre la validité constitutionnelle du projet de loi C-7

entendus dans des audiences de comités sénatoriaux, dans les avis d’experts du

Québec et l’argumentation du Procureur général du Québec ainsi que celle des

125 Potter, par. 35-51, C.S., vol. 1, onglet 1. 126 R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2 au par. 33; C.S., vol. 1, onglet 13; Canadian Foundation

for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, 2004 CSC 4 au par. 20. C.S., vol. 1, onglet 14.

127 Murphy c. Welsh; Stoddart c. Watson, [1993] 2 R.C.S. 1069 au p 1078. C.S., vol. 1, onglet 15. Voir également COTÉ, Pierre-André, The Interpretation of Legislation in Canada, 3e édition, (Scarborough : Carswell, 2000), aux p. 275-278, Interprétation des lois, 4e éd., p. 316-320, C.S., vol. 4, onglet 57; et Markevich c. Canada, [2003] 1 R.S.C. 94, 2003 CSC 9, au par. 15, C.S., vol. 1, onglet 16. De même, dans Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 R.C.S. 773, 2002 CSC 53, au par. 55, C.S., vol. 1, onglet 17, lorsqu’il s’agit d’interpréter les exemptions à la divulgation de renseignements personnels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale, la Cour suprême a adopté l’approche de la Cour d’appel fédérale, selon laquelle « Si le sens est manifeste, il n’appartient pas à la Cour ou à un autre tribunal de le modifier. »

38

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

intervenants, repose sur la supposition qu’il ouvrira la voie vers des élections directes

de sénateurs.128 Ce tribunal doit interpréter les lois que le Parlement examine, sans

émettre des hypothèses sur des événements ou lois à venir.

vi) Nul besoin de s’en remettre aux principes constitutionnels non écrits

a) Les principes non écrits ne doivent pas modifier un texte manifeste

100. Le caractère exhaustif de la Partie V et la primauté du texte signifient qu’il n’y a nul

besoin de s’en remettre largement, dans ce cas, sur des outils d’interprétation comme

des principes constitutionnels dits non écrits. Il n’existe aucun vide dans le texte de la

Constitution qui invite le recours à des principes non écrits. Le paragraphe 52(3) de la

Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que « La Constitution du Canada ne peut être

modifiée que conformément aux pouvoirs conférés par elle. » Ces pouvoirs sont

prévus expressément dans les dispositions de la Partie V de la Loi constitutionnelle

de 1982, qui porte sur les procédures de modification de la Constitution relativement

au Sénat dans des circonstances bien définies. Les principes constitutionnels non

écrits ne doivent pas servir à créer des droits et obligations qui ne se trouvent pas

dans le texte écrit129.

101. Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a conclu

que le pouvoir de modification de la Constitution est l’expression de la souveraineté de

la « population du Canada » par l’intermédiaire des gouvernements dûment élus. La

Cour suprême a signalé que :

« La Constitution est l’expression de la souveraineté de la population du Canada. La population du Canada, agissant par l’intermédiaire des divers gouvernements dûment élus et reconnus en vertu de la Constitution, détient le pouvoir de mettre en œuvre tous les arrangements constitutionnels souhaités dans les limites du territoire canadien [...] »130

128 Par exemple : David Smith, Cahier de preuve du PGQ, vol. 3, p. 846-848; Andrew Heard, Cahier de

preuve du PGQ, p. 880, 917-922, Mémoire du PGQ, par. 116-123. 129 Voir par exemple, Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltd., [2005] 2 R.C.S. 473, 2005

CSC 49, au par. 65, où se trouvent des commentaires sur la Charte des droits et libertés. C.S., vol. 1, onglet 18.

130 Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217, par. 85, (« Renvoi relatif à la sécession du Québec »), C.S., vol. 1, onglet 19.

39

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

102. La Partie V a été promulguée selon un processus démocratique. Elle établit des règles

claires et exhaustives sur la modification de la Constitution. Le projet de loi devant

cette Cour dans ce renvoi a également été présenté dans le cadre du processus

démocratique. Il n’y a pas d’ambiguïté dans le texte, qui pourrait tirer profit du recours

à des principes non écrits.

103. Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a

également ajouté que « dans certaines circonstances », des principes constitutionnels

non écrits comme ceux du fédéralisme, de la démocratie, du constitutionnalisme et de

la protection des minorités peuvent donner lieu à d’importantes obligations juridiques et

limiter certaines interventions gouvernementales. Toutefois, la Cour a également

reconnu que le texte écrit joue un rôle « de premier ordre » dans la détermination des

règles constitutionnelles. Le besoin de s’en remettre à des aides intrinsèques survient

uniquement parce qu’« il peut survenir des problèmes ou des situations qui ne sont

pas expressément prévus dans le texte de la Constitution. »131 Les principes non écrits

ne sont pas « une invitation à négliger le texte écrit de la Constitution »132.

104. Cette Cour a déjà abordé la question du rôle des principes non écrits à l’égard des

dispositions de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans l’affaire Potter, la

Cour a exprimé une mise en garde de ne pas donner aux principes constitutionnels

non écrits « une portée démesurée et universelle »133:

b) Les réformes n’empêcheront pas la protection des minorités

105. La FFAC fait valoir que les réformes préconisées par le projet de loi C-7 porteraient

atteinte au principe non écrit de la protection des minorités134. Or, un tel argument

comporte de sérieuses lacunes, pour plusieurs raisons. En premier lieu, ni le texte de

la Loi constitutionnelle de 1867 ni l’histoire du Sénat et de ses pratiques actuelles

n’appuient le concept selon lequel la protection des intérêts des minorités est un volet

primordial du travail du Sénat. Ensuite, le texte de la Partie V de la Loi constitutionnelle

131 Renvoi relatif à la sécession du Québec, par. 32, C.S., vol. 1, onglet 19. 132 Renvoi relatif à la sécession du Québec, par. 53, C.S., vol. 1, onglet 19. 133 Potter, par. 7-8, C.S., vol. 1, onglet 1. Voir au même effet: Baie d’Urfé (Ville) c. Procureur général

(Québec) [2001] JQ no 4821 (CA) para. 82- 125, C.S., vol. 2, onglet 20. 134 Mémoire de la FCFAC, par. 43, 50-57.

40

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

de 1982 ne prévoit aucun soutien en faveur de cet argument par rapport au Sénat, et

la Partie I de cette Loi (la Charte) confère aux tribunaux un rôle beaucoup plus

significatif à cet égard. Troisièmement, des propositions comme celles qui figurent aux

projets de loi S-4, C-20 ou C-7 n’empêcheront pas le Sénat de jouer tout rôle qu’il

choisit de jouer afin de protéger les minorités; le rôle du Sénat pourrait s’en trouver au

contraire accru par suite des changements.

106. Le professeur Manfredi a analysé les chances des membres des groupes minoritaires

soit de se faire élire à la Chambre des communes, soit d’être nommés au Sénat.

Ni leur élection ni leur nomination n’étaient fréquentes avant les années 1960 et

l’évolution des comportements sociaux. Leur pondération actuelle à la Chambre des

communes et au Sénat ne démontre pas de différences importantes135. Le rôle que le

principe non écrit devrait jouer dans ce renvoi est loin d’être évident, notamment

lorsque l’on tient compte du fait que le projet de loi C-7 ne prévoit pas d’élection directe

de sénateurs et le gouverneur général continuera de nommer des sénateurs en vertu

de l’art. 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 sur la recommandation du premier

ministre.

107. Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a

expliqué en quoi la Loi constitutionnelle de 1867 peut être interprétée en partie en tant

que document conçu pour protéger les minorités linguistiques et religieuses136;

toutefois, la Cour suprême n’a pas reconnu de rôle particulier au Sénat à cet égard. Le

texte de la Loi de 1867 appuie un rôle de représentation pour le Sénat relativement à

une seule minorité, les anglophones du Québec, en ce que lesdits « collèges

électoraux » décrits à l’article 22 ont été conçus pour assurer la représentation de ce

groupe137.

108. Dans tout débat sur le rôle de protecteur des intérêts des minorités du Sénat, il est

essentiel que la minorité en question soit définie minutieusement. Le professeur

Manfredi souligne que le concept de minorité, à l’époque de la Confédération, faisait

référence à des « minorités nationales qui autrement constituaient une majorité dans

135 Avis Manfredi, par. 19-21, C.P., vol. 12, onglet, 123, par. 19-21, p. 3990-3993. 136 Renvoi relatif à la sécession du Québec, par. 32-38, 41, 79 C.S., vol. 1, onglet 19. 137 Constitution Act, 1867 s. 22.

41

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

une ou plusieurs des provinces ou régions. » Par conséquent, le concept de minorité

auquel il est fait référence dans les rapports d’expert déposés par certains des

intervenants constitue une mauvaise lecture de la portée et du sens de ces passages

dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec138.

109. Il est permis de douter que ceux qui prônent l’idée que le Sénat joue le rôle de

protecteur des minorités font référence aux minorités telles qu’elles ont été définies

en 1867. Toutefois, s’ils souscrivent au rôle du Sénat en tant que protecteur des autres

minorités, comme les femmes ou les peuples autochtones, il demeure douteux que le

Sénat ait joué ce rôle. Comme le fait remarquer le professeur Manfredi, « [i]l est aussi

difficile d’identifier des exemples spécifiques de cas où le Sénat a effectivement

protégé ou fait la promotion des intérêts de minorités ou autres groupes politiquement

sous-représentés contre des actions du gouvernement »139. Le Sénat, en tant

qu’institution, n’a pas été conçu pour protéger les intérêts des francophones hors

Québec, par exemple, entre autres parce que, sauf pour assurer l’accès à des services

gouvernementaux fédéraux en français ou en anglais, aucun des principaux domaines

législatifs liés à la culture et à la préservation de la langue (surtout l’éducation) ne

relève du gouvernement fédéral.

110. On ne peut non plus prétendre que le rôle de représentation est rempli par un plus

grand nombre de personnes nommées issues de groupes minoritaires. Comme le

démontre le professeur Manfredi, le pourcentage de femmes et de membres de

peuples autochtones nommés au Sénat ne diffère pas considérablement de celui que

l’on trouve à la Chambre des communes140. Dans la mesure où il y a une tendance

observable dans les nominations au Sénat, elle réside dans le fait que presque 95 pour

cent des personnes nommées au Sénat provenaient du parti politique du premier

ministre faisant la nomination141.

111. Les droits linguistiques conférés par les articles 16 à 23 de la Charte (et en particulier

la protection des droits à l’instruction en vertu de l’article 23) constituent un instrument

encore plus puissant, efficace et fréquemment utilisé pour assurer la protection et la 138 Avis Manfredi, par. 17, C.P., vol. 12, onglet 123, .p. 3989. 139 Avis Manfredi, par. 22, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3994. 140 Avis Manfredi, tableaux 1, 2 et 3, par. 19-22, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3990-3994. 141 Avis Manfredi, par. 21, C.P., vol. 12, onglet 123; p. 3993-3994.

42

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

promotion des droits des minorités142. De plus, le Canada s’est doté d’une Loi sur les

langues officielles143 et d’un commissaire aux langues officielles144. Le caractère

exécutable de ces droits juridiques et constitutionnels est ultimement supervisé par les tribunaux145. Ces cadres juridiques de l’après 1867 attribuent beaucoup plus nettement

un rôle de protection des intérêts des minorités à des institutions autres que le Sénat.

112. Les allégations portant sur le sens de ce prétendu rôle doivent être soupesées relativement au fait que l’article 41 ou 42 de la Partie V de la Loi constitutionnelle

de 1982 n’en fait pas mention. Si le concept était aussi fondamental que l’avancent les

requérants, on serait en droit de s’attendre à ce que l’article 41 ou l’article 42 en parle.

113. Par contre, dans la mesure où une représentation des minorités peut être caractérisée en tant que rôle reconnu du Sénat, rien dans le projet de loi C-7 n’empêche l’exécution

de ce rôle. Le nombre total de sénateurs et leur répartition parmi les différentes

provinces (ou régions) ne sont pas touchés par cette mesure législative ni par les

autres qui ont déjà été proposées. La capacité des sénateurs de parler au nom de minorités, de régions ou de causes particulières ou de les représenter n’est pas visée

par la mesure législative. Rien dans le projet de loi C-7 ne dévie du principe de la

représentation régionale égale ou ne songe à modifier la répartition des sièges du

Sénat parmi les régions ou provinces d’une manière qui nuirait aux intérêts de représentation, de quelque façon que ce soit.

114. Le projet de loi n’empêcherait aucunement un premier ministre de s’arrêter aux intérêts

des minorités au moment de recommander des noms. La représentation des minorités,

peu importe l’angle sous lequel elle est définie, demeure un facteur que le premier ministre peut examiner au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

115. Le projet de loi C-7 est également en mesure d’encourager la mise en place de

processus qui amélioreraient la représentation des minorités. Il permettrait également

aux provinces de mettre en place des processus de consultation. Rien n’empêche une

province d’établir des districts électoraux pour mener des consultations qui coïncident 142 Avis Manfredi, par. 25-26, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3996-3997. 143 Loi sur les langues officielles, R.C.S. 1985, c. 31(4e Supp), (« Loi sur les langues officielles »), C.S.,

vol. 4, onglet 58. 144 Loi sur les langues officielles, art. 49, C.S., vol. 4, onglet 58. 145 R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, C.S., vol. 2, onglet 21; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur

général), [2005] 1 R.C.S. 201, 2005 CSC 14, C.S., vol. 2, onglet 22.

43

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

avec des groupes régionaux ou minoritaires dans la province. Ainsi, une province

pourrait conserver sa représentation culturelle ou linguistique minoritaire au Sénat tout

en respectant le processus de consultation proposé dans le projet de loi. La disposition

législative qui a été proposée au Nouveau-Brunswick ferait justement cela. Le projet de

loi 64, Loi concernant la sélection des candidats sénatoriaux, diviserait le

Nouveau-Brunswick en cinq districts électoraux. Il semble que ces divisions ont été

faites compte tenu des préoccupations linguistiques146. Cela souligne le fait que le

projet de loi C-7 pourrait augmenter la capacité des provinces de concevoir des

processus qui facilitent la représentation d’intérêts minoritaires.

c) Les principes non écrits appuient les procédures de la Partie V

116. Même si nous devions supposer, aux fins du débat, que le Sénat devient un protecteur

des droits des minorités, peu importe la définition qu’on lui associe, ce rôle ne serait

pas amoindri par toute réforme proposée au projet de loi C-7 ou les autres projets de

loi déjà présentés. Que des principes fondamentaux — le fédéralisme, la démocratie,

le constitutionnalisme, la primauté du droit, ainsi que la protection des minorités —

sous-tendent des dispositions de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982

découle des dispositions elles-mêmes, des questions ou matières qu’elles visent et les

procédures qu’elles renferment.

117. Voici ce que la Cour suprême du Canada a énoncé dans le Renvoi relatif à la

sécession du Québec :

[76] […] Un gouvernement constitutionnel est nécessairement fondé sur l’idée que les représentants politiques du peuple d'une province ont la possibilité et le pouvoir de prendre, au nom de la province, l'engagement pour l'avenir de respecter les règles constitutionnelles qui sont adoptées. Ces règles les «lient» non pas en ce qu'elles font échec à la volonté de la majorité dans une province, mais plutôt en ce qu'elles définissent la majorité qui doit être consultée afin de modifier l'équilibre fondamental en matière de partage du pouvoir politique (y compris les sphères d'autonomie garanties par le principe du fédéralisme), de droits de la personne et de droits des minorités dans notre société. Bien entendu, ces règles constitutionnelles sont elles-mêmes susceptibles de modification, mais

146 Projet de loi 64, Loi concernant la sélection des candidats sénatoriaux, 2e Session, 57e Législature,

Nouveau-Brunswick. 60-61 Elizabeth II, 2011-2012. Le projet de loi est mort au feuilleton après la première lecture, C.S., vol. 4, onglet 58.

44

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

seulement par un processus de négociation qui permet d'assurer à toutes les parties le respect et la conciliation des droits garantis par la Constitution.

[77] De cette façon, il est possible d'allier notre foi dans la démocratie et notre foi dans le constitutionnalisme. La modification de la Constitution requiert souvent quelque forme de consensus important, précisément parce que la teneur des principes fondamentaux de la Constitution l'exige. L'exigence d'un vaste appui sous forme de « majorité élargie » pour introduire une modification constitutionnelle garantit que les intérêts des minorités seront pris en considération avant l'adoption de changements qui les affecteront.147

118. La Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 précise clairement quelles questions et

dispositions constitutionnelles sont assujetties à l’exigence d’une « majorité élargie » et

donc à l’application de l’une quelconque des procédures multilatérales (en vertu des

art. 38, 41 et 43) en ce qui concerne leur modification. [Par exemple, une modification

à une disposition constitutionnelle relative à l’usage du français ou de l’anglais dans

une province serait assujettie à la procédure visée à l’article 43, qui exige l’autorisation

des Chambres fédérales ainsi que de l’Assemblée législative de la province

concernée, c'est-à-dire de la province à laquelle la modification s’applique. Par contre,

la modification d’une disposition relative à l’usage du français ou de l’anglais au sein

des institutions fédérales nécessiterait le recours à la procédure de consentement

unanime visée à l’article 41.] La Partie V autorise également et de façon expresse

l’exercice d’une compétence législative unilatérale par le Parlement et les législatures

provinciales, respectivement, relative à des catégories restreintes de modification

constitutionnelle. Cette gamme équilibrée de procédures donne un poids approprié à

chacun des principes constitutionnels fondamentaux, tout en préservant la capacité

des représentants démocratiques de poursuivre et d’effectuer des changements

constitutionnels et le renouveau institutionnel.

vii) Aucun poids ne devrait être accordé aux rapports d’« experts » sur le droit canadien

119. Différentes parties ont présenté un rapport d’expert à cet égard. Certains rapports,

comme les opinions des professeurs Heard et Desserud présentés par le procureur

général du Québec, sont des avis juridiques qui se font passer pour des observations

147 Renvoi relatif à la sécession du Québec, par. 76-77, C.S., vol. 1, onglet 19.

45

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

de science politique148; et d’autres, comme l’opinion d’Henry Brown, c.r., présenté par

le sénateur Joyal, sont effectivement des avis juridiques sur les enjeux présentés à

cette Cour. Ni l’un ni l’autre de ces genres d’avis ne méritent qu’on leur accorde un

poids quelconque. L’interprétation de la Constitution relève de la cour.

120. Par contre, des preuves dont l’accent est à juste titre porté sur la théorie politique ou

des faits historiques pourraient être d’une certaine utilité au tribunal. Dans la mesure

où cette Cour est intéressée par les avis juridiques de différents universitaires et

avocats en ce qui concerne cette affaire, les comités sénatoriaux qui ont examiné les

versions précédentes de la loi actuelle ont entendu le témoignage de dizaines

d’experts, et leurs avis (souvent contradictoires) se trouvent au dossier149.

II. Réponse aux questions du Renvoi

121. En formulant des réponses au renvoi, il faut garder à l’esprit les éléments qui suivent :

(i) ce que fait le projet de loi C-7 et comment chaque volet du projet de loi C-7

concerne les procédures de modification de la Constitution, s’il y a lieu; (ii) que l’objet

des procédures de modification est la modification du droit de la Constitution, et non

pas la modification formelle des conventions qui pourraient, d’un point de vue politique,

prescrire si, comment ou quand un pouvoir juridique et discrétionnaire peut s’exercer;

(iii) que l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit de façon expresse :

« Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir

exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes. » [Les caractères gras

sont les nôtres.]

1) Est-ce que le projet de loi C-7 est une modification de la Constitution du Canada, portant sur la question de la charge de gouverneur général, qui ne peut être faite qu’avec l’autorisation du Sénat, de la Chambre des communes et de l’Assemblée législative de chaque province en vertu du paragraphe 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982?

148 Cahier de preuve du PGQ, vol. III, p. 876 (Andrew Heard) et p. 937 (Don Desserud). 149 C.P., vol. 6-11.

46

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

122. Cette question se pose relativement au processus de consultation envisagé par le

projet de loi C-7, qui exige du premier ministre qu’il se renseigne au sujet des

préférences des électeurs quant à différents candidats à nommer au Sénat, ainsi qu’à

l’incidence anticonstitutionnelle dont on prétend que ce processus pourrait avoir sur le

pouvoir du gouverneur général de nommer des sénateurs en vertu de l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867.

i) Les résultats du processus de consultation prévu par le projet de loi C-7 ne lient ni le premier ministre ni le gouverneur général

123. Le Procureur général du Québec soutient que le projet de loi C-7 est une tentative de

lier ou d’entraver le premier ministre dans la recommandation qu’il formule au

gouverneur général, et que de telles tentatives visent réellement la charge

constitutionnelle du gouverneur général, notamment son pouvoir de nommer les

sénateurs. En d’autres mots, le projet de loi C-7 aurait pour effet, prétend-il, d’annuler

le pouvoir discrétionnaire du premier ministre de conseiller le gouverneur général

quant aux nominations au Sénat et que cette annulation de sa discrétion constitue en

soi une modification à l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867150.

124. Cet argument comporte une perception erronée de l’effet du processus de consultation

sur le premier ministre. Les facteurs dont un premier ministre peut tenir compte au

moment de choisir les personnes à recommander au gouverneur général en vue d’une

nomination au Sénat ne sont pas mentionnés dans la Constitution. Le premier ministre

peut, à sa discrétion, tenir compte de tout facteur qu’il juge pertinent. Les dispositions

législatives visées par ce renvoi ne lui enlèvent pas cette discrétion; tout au plus, elles

engagent le premier ministre à s’arrêter aux résultats d’un processus de consultation.

125. L’usage des termes « tient compte » et « devraient » démontre une préférence

marquée pour la nomination de sénateurs à même les listes dressées par les

provinces et les territoires selon les lois provinciales ou territoriales. L’idée que des

décideurs pourraient se voir obligés de tenir compte de certains facteurs avant de

prendre une décision est un concept bien connu en droit administratif et

constitutionnel. Ainsi, un décideur pourrait être obligé de tenir compte de critères

150 Mémoire du PGQ, par. 170-195.

47

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

précisés dans des lignes directrices et des textes d’orientation politique151, par des

critères énoncés dans des textes de loi152, et par l’interprétation judiciaire des droits

constitutionnels153. Dans aucun de ces contextes ne devrait-on conclure que le pouvoir

discrétionnaire du décideur serait entravé ou lié de façon illégale ou inconstitutionnelle,

car la prise en compte des facteurs, plutôt que l’observance servile, est tout ce qui est

requis. Au fait, la canalisation de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par rapport à

des critères prescrits est d’habitude l’un des atouts d’un régime, car il rend la prise de

décisions plus transparente, cohérente et constante. Le projet de loi C-7 n’exige pas

du premier ministre qu’il recommande des candidats à partir de la liste, et le

gouverneur général n’est pas non plus tenu de nommer des sénateurs à partir de telles

listes. Le rôle du gouverneur général en vertu de l’article 24 de la Loi constitutionnelle

de 1867 demeure inchangé; aucune modification à cet article n’est donc nécessaire.

126. L’argument du Procureur général du Québec, tout comme un argument semblable

avancé par la FCFAC154, est fondé sur sa prétention que les mots « la charge […] du

gouverneur général » ou « le mode de sélection des sénateurs » puissent se lire de

manière à englober non seulement son pouvoir de nommer des sénateurs en vertu de

l’art. 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais également la convention à caractère

politique que le gouverneur général nomme des sénateurs selon la recommandation

du premier ministre, tel que préconisé par le procès-verbal du Cabinet de 1935 qui

identifie le premier ministre à titre du ministre désigné à prodiguer de tels conseils.

127. L’argumentation du Sénateur Joyal se présente comme une variation sur ce même

thème lorsqu’il fait valoir que l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 est le reflet

de la prérogative royale et incorpore nécessairement le rôle conventionnel du premier

ministre de recommander des candidats sénatoriaux au gouverneur général155.

151 Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] 1 R.C.F. 385 C.A.F.,

par. 55-62, C.S., vol. 2, onglet 24. 152 Voir, par exemple, la Lois sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002 ch.1,

par. 21.08(2), C.S., vol. 5, onglet 60; Lois sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, par. 21.08(2), C.S., vol. 5, onglet 60 et la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29, art. 38, C.S., vol. 5, onglet 61.

153 États-Unis c. Cotroni, [1981] 1 R.C.S. 1469, p. 1498-1499, C.S., vol. 1, onglet 8. 154 Mémoire de la FCFAC, par. 26 et s. 155 Mémoire du Sénateur Joyal, par. 2-45.

48

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

128. Cet argument, comme celui du Procureur général du Québec, omet de tirer la

distinction entre les pouvoirs juridiques et les règles conventionnelles. Les règles

conventionnelles indiquent comment les pouvoirs juridiques seront exercés, mais

pourvu que les pouvoirs du Gouverneur général ne soient pas touchés sur le plan

juridique, l’incidence sur le plan conventionnel n’entraîne pas une modification juridique

qui exige le recours aux procédures de modification de la Partie V de la

Loi constitutionnelle de 1982156.

129. Le Sénateur Joyal fait mention de la nomination des premiers sénateurs, qui ont été

choisis à partir des conseils législatifs provinciaux en vertu de l’art. 14 des résolutions

émanant de la conférence du Québec en 1865. C’était, prétend-il, la seule occasion où

la prérogative royale a été restreinte ou entravée. Or, l’art. 25 de la Loi constitutionnelle

de 1867 a déclaré que les premières personnes appelées au Sénat seraient celles que

la Reine « jugera à propos de désigner ». L’article 25 ne fait aucun état des exigences

convenues à la conférence du Québec, exigences sans doute d’ordre

conventionnel157. L’article 14 des résolutions de la conférence renfermait une règle à

caractère politique et non pas une règle de droit susceptible de sanction par les

tribunaux. Alors, l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère aussi un pouvoir

juridique de nommer des sénateurs, mais ne fait aucune mention de l’acteur

conventionnel ou de son rôle. Que les règles conventionnelles puissent évoluer sans

toucher le pouvoir juridique octroyé par l’art. 24. Ces changements n’exigent pas le

156 Hogg, vol. 1, p. 1-22-1-22.2, 9-5 – 9-8, C.S., vol. 2, onglet 31. Devant le Comité législatif portant sur le

projet de loi C-20 (le 16 avril 2008), le Professor Hogg a témoigné : C.P., vol. 9, onglet 50, p. 3022 : ●(1545) « Getting to the corner of Professor Gélinas' point, section 24 has never attempted to control the decision-making process that precedes the decision of the Governor General to make Senate appointments. So if it did turn out that prime ministers now automatically use the process, and if it came to be accepted, as Professor Gélinas suggests might be a possibility, that this was really a convention, that this ripened into a new convention that appointments would always be made by using this admittedly optional process, section 24 would not speak to that. Section 24 says nothing about the conventions that precede an appointment, and conventions can change in various ways over the years. If this ended up causing a change in the convention, section 24 would simply operate in the way it has always done. That is to say, whoever by convention is supposed to make the recommendations of the Governor General, the Governor General would then go ahead and make the appointment. » Voir aussi: MONAHAN, Patrick, Constitutional Law, 4e éd., Toronto, Irwin Law, 2013 p. 7, 188-19108, C.S., vol. 5, onglet 62, (”Monahan”).

157 Mémoire du Sénateur Joyal, par. 14-15.

49

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

recours aux procédures de modification en vertu de la Partie V de la Loi

constitutionnelle de 1982158.

130. Le Procureur général du Québec s’appuie sur l’arrêt Conacher c. Canada (Premier ministre) et les observations du professeur Monahan159. Avec égards, il fait fausse route. Tel que souligné par le professeur Monahan, l’article 56.1 du projet de loi C-16160 (prévoyant l’élection générale fédérale à des dates fixes) n’a pas éliminé le pouvoir du gouverneur général de dissoudre le Parlement en vertu de l’art. 50 de la Loi constitutionnelle de 1867. Pareillement, le projet de loi C-7 n’impose aucune contrainte au pouvoir du gouverneur général de nommer des personnes au Sénat. Ni l’une ni l’autre circonstance ne pourrait exiger le recours à la procédure de modification en vertu de l’art. 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. Enfin, la Cour d’appel fédérale ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si l’élimination de la faculté du premier ministre de recommander, en vertu d’une règle conventionnelle, de

158 PELLETIER, Benoit, La modification constitutionnelle au Canada, Scarbourough (Ont.), Carswell, 1996,

p. 104, C.S., vol. 5, onglet 63 : (« Benoit Pelletier ») : « Les conventions constitutionnelles ne sont pas assujetties aux modalités de modification prévues à la Partie V de la Loi de 1982. [...] Il va sans dire, en effet, que l’existence et la transformation des conventions constitutionnelles dépendent fondamentalement de la volonté des acteurs politiques canadiens. Bien que les conventions constitutionnelles fassent partie intégrante de la Constitution du pays au sens large, comme l’a d’ailleurs affirmé la Cour suprême du Canada, elles ne font toutefois pas partie de la Constitution formelle, ni même du droit constitutionnel (note omise). En réalité, les conventions constitutionnelles ne font même pas partie de la Constitution du Canada au sens du paragraphe 52(2) de la Loi de 1982 et, en conséquence, ne sont pas visées par la Partie V de cette loi (note omise) »

Monahan, p. 208, C.S., vol. 5, onglet 64. « Some commentators have suggested that the entire system of Cabinet government, including the appointment of the first minister and the Cabinet by the governor general, has now been entrenched in the constitution by virtue of section 41(a) [footnote to: R.I. Cheffins and P.A. Johnson, The Revised Canadian Constitution: Politics as Law, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, 1986), p. 70-74]. However, there is no reference to the institution of the Cabinet or the office of the first minister in the constitution of Canada. The powers of the first minister are almost entirely defined through constitutional conventions. These conventions will presumably continue to evolve as political practices and the beliefs of the relevant political actors change to deal with new circumstances. There does not appear to be any principled basis for interpreting section 41(a) as constraining this process of informal and flexible evolution. In short, the better view would seem to be that section 41(a) does not constitutionally entrench the entire system of Cabinet government. »

BRUN, Henri, Guy Tremblay, et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 5e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 48-49, C.S., vol. 5, onglet 64.

159 Mémoire du PGQ, par. 187-191. 160 Loi électorale du Canada, LC 2000, c.9, 2007, ch.10, art.1 :

• 56.1 (1) Le présent article n’a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général, notamment celui de dissoudre le Parlement lorsqu’il le juge opportun.

• Date des élections (2) Sous réserve du paragraphe (1), les élections générales ont lieu le troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin de la dernière élection générale, la première élection générale suivant l’entrée en vigueur du présent article devant avoir lieu le lundi 19 octobre 2009.

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Exposé de Procureur général du Canada Arguments

dissoudre le Parlement pouvait toucher la charge du gouverneur général ou son pouvoir discrétionnaire de dissoudre le Parlement161.

131. De façon similaire, l’argument de la FCFAC162 à l’effet que les réformes proposées par le projet de loi C-7 ne relèvent pas du Parlement est fondé sur une compréhension erronée de la nature de notre système politique. Au niveau fédéral, il existe ce que le professeur Hogg a décrit comme un pouvoir exécutif dualiste : — la Reine, représentée par le gouverneur général, détient le statut constitutionnel de chef d’État, tandis que le premier ministre — un acteur politique — est le chef du gouvernement. En vertu des conventions, le chef d’État formel agit selon les conseils du chef du gouvernement. Les conventions peuvent évoluer au fil du temps et leur portée et application peuvent être touchées par la législation. Le projet de loi C-7 ne modifierait pas les pouvoirs du chef formel d’État, ni les contraindre, ni abroger la convention à l’effet que le chef formel de l’État agit conformément aux conseils des acteurs politiques. Cela n’est pas une situation où la forme aurait triomphé sur le fond, tel que le prétend la FCFAC, mais plutôt la reconnaissance qu’aucun changement ne sera fait qui touche les dispositions de la Constitution portant sur le pouvoir exécutif. Le rôle des acteurs politiques tel que le premier ministre relèverait du domaine des conventions de gouvernement responsable, comme c’était toujours le cas163.

132. Le Procureur général du Québec fait valoir que le projet de loi C-7 aurait pour effet de

lier le premier ministre, c'est-à-dire l’acteur conventionnel, et que le gouverneur général

serait également lié juridiquement de nommer les candidats choisis dans le cadre du

processus consultatif. Le fait que le gouverneur général se sente tenu politiquement

par la convention d’exercer son pouvoir d’une certaine façon n’a pas de pertinence du

161 Conacher v. Canada (Prime Minister), [2010] FCA 131, au par. 5, C.S., vol. 2, onglet 25; Hogg, vol. 1,

p. 9-31 - 9-34. À la page 9-29, C.S., vol. 2, onglet 31; « Subsection (1) of s. 56.1 preserves the power of the Governor General to dissolve Parliament. As explained, that is necessary in order to permit the conventions of responsible government to function. (…) »

162 Mémoire de la FCFAC, par. 95-106. 163 Hogg, vol. 1, p. 9-1 – 9-8, 9-31 – 9-34,. C.S., vol. 2, onglet 31; Comparer la référence du procureur

général du Québec au par. 177 de son mémoire à Re: Initiative and Referendum Act (Man.), [1919] A.C. 935, C.S., vol. 2, onglet 26, avec Canada v. Nat Bell Liquors Ltd., [1922] 2 A.C. 128, C.S., vol. 2, onglet 27. Dans les deux cas, des lois initiées par référendum avaient été contestées. Dans le premier cas, il fut jugé que la loi contrevenait à la charge du lieutenant-gouverneur parce son rôle était évité dans le processus législatif. Dans le second cas, la législature, y compris le lieutenant-gouverneur, se voyait ordonner par la loi d’adopter des lois approuvées lors de référendums. Il fut jugé dans ce cas que le processus n’affectait pas la charge du lieutenant-gouverneur parce que son rôle n’était pas complètement évité.

51

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

point de vue du droit et ne touche pas la « charge de gouverneur général » au sens de

l’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982.

133. Dans de nombreuses situations, en effet, le gouverneur général est déjà tenu

moralement ou politiquement par les conventions d’exercer ses pouvoirs d’une

certaine façon, voire de ne pas les exercer du tout. Par exemple, le pouvoir du

gouverneur général de nommer des sénateurs en vertu de l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867 est touché sur le plan politique (mais non juridique) par

une convention de longue date. Il ou elle est tenu moralement et par convention de

suivre la recommandation du premier ministre164.

134. Bien que cela puisse sembler contradictoire (au sens large) aux pouvoirs confiés au

gouverneur général par la Constitution, il n’existe en effet aucune contradiction sur le

plan du droit, parce que la convention ne peut être exécutée ou sanctionnée par les

tribunaux judiciaires. En vertu du droit, le gouverneur général conserve son droit

juridique de refuser de suivre la recommandation du premier ministre, et on considère

donc qu’il n’y a pas d’entrave. Les conventions n’ont aucun effet sur la « charge de

gouverneur général » au sens de l’article 41, tant que le gouverneur général peut

conserver, sur le plan juridique, son pouvoir discrétionnaire de nommer un sénateur ou

de refuser de le faire.

135. La Cour suprême dans le Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution a abordé la

distinction nette entre une convention et le droit de la Constitution « (…) elles ne sont

pas administrées par les tribunaux »165. La Cour poursuit en abordant la question de la

contradiction perçue entre les conventions et la Constitution, en citant en exemple les

pouvoirs du gouverneur général en vertu de la Constitution, qui sont visés par des

contraintes morales conventionnelles, mais qui peuvent tout de même être exercés du

point de vue juridique (aux p. 880-881) :

Peut-être la raison principale pour laquelle les règles conventionnelles ne peuvent être appliquées par les tribunaux est qu’elles entrent généralement en conflit avec les règles juridiques qu’elles postulent. Or les tribunaux sont tenus d’appliquer les règles juridiques. Il ne s’agit pas d’un conflit d’un

164 Hogg, v.1, p. 9-11 et 9-38, C.S., vol. 2, onglet 31. 165 Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, p. 880, C.S., vol. 1, onglet 4.

52

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

genre qui entraînerait la perpétration d’illégalités. Il résulte du fait que les règles juridiques créent des facultés, pouvoirs discrétionnaires et droits étendus dont les conventions prescrivent qu’ils doivent être exercés seulement d’une façon limitée, si tant est qu’ils puissent l’être.

Des exemples illustrent ce point.

En droit, la Reine, le gouverneur général ou le lieutenant-gouverneur pourrait refuser de donner la sanction à tous les projets de lois adoptés par les deux chambres du Parlement ou par une assemblée législative selon le cas. Mais par convention, ils ne peuvent de leur propre chef refuser de donner la sanction à aucun projet de loi pour quelque motif que ce soit, par exemple parce qu’ils désapprouvent la politique en cause. Il y a là un conflit entre une règle juridique qui crée un pouvoir discrétionnaire total et une règle conventionnelle qui le neutralise complètement. Mais, comme les lois, les conventions sont parfois violées. Si cette convention particulière était violée et la sanction refusée à tort, les tribunaux seraient tenus d’appliquer la loi et non la convention.

136. Comme l’a observé Peter Hogg, spécialiste du droit constitutionnel, [traduction libre]… « les conventions permettent à la loi de s’adapter aux réalités politiques changeantes sans avoir recours nécessairement à des modifications formelles »166.

137. La Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 ne change en rien cette réalité.

138. Pour les besoins de ce renvoi, les référendums sont un parallèle intéressant avec le type de consultations proposées par le projet de loi C-7. Étant donné que les référendums ne sont habituellement que des processus consultatifs qui visent à obtenir des renseignements, ils ne créent pas d’obligation juridique que le pouvoir exécutif doit respecter. Tout au plus, il s’agit d’une obligation politique dont les gouvernements pourraient se sentir contraints de suivre l’issue, mais ils ne déclenchent pas d’obligation juridique167.

139. Les référendums sont parfois même utilisés pour des modifications envisagées à la

Constitution elle-même, comme les référendums de 1992 sur l’Accord de

Charlottetown. Bien que les acteurs politiques puissent se sentir légalement contraints

de respecter le résultat du vote populaire, ce résultat ne lie pas les parties

juridiquement, et donc le processus de consultation n’est pas contraire au processus

166 Hogg, vol. 1, p. 1-29,. C.S., vol. 2, onglet 31. 167 Alliance Québec c. Directeur général des élections du Québec, [2006] J.Q. no 4350 (CAQ), au par. 28,

C.S., vol. 2, onglet 28; Haig c. Canada, [1993] 2 RCS 995, 1031-1033, C.S., vol. 2, onglet 29.

53

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

établi dans les procédures de modification de la Partie V de la Loi constitutionnelle

de 1982. Comme la Cour suprême l’a établi dans le Renvoi relatif à la sécession du

Québec :

La Constitution elle-même ne traite pas d’un recours au référendum, et les résultats d’un référendum n’ont aucun rôle direct ni effet juridique dans notre régime constitutionnel, mais un référendum peut certainement fournir un moyen démocratique de connaître l’opinion de l’électorat sur des questions politiques importantes dans un cas précis.168

2) Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du Canada, portant sur la question du mode de sélection des sénateurs, visé au paragraphe 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui ne peut être faite qu’en vertu du processus indiqué à l’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982?

140. Le projet de loi C-7 ne vise pas à modifier ou à insérer quoi que ce soit dans la

Constitution relativement au mode de sélection des sénateurs. Tout ce qui est établi

dans le projet de loi C-7 en ce qui a trait au processus de consultation (Partie I du

projet de loi C-7) n’aura qu’une force législative. Le seul élément que le projet de loi

C-7 vise à intégrer à la Constitution est la modification proposée relativement à la

limitation du mandat (Partie II du projet de loi C-7). La formulation même du projet de

loi C-7 l’établit très clairement; elle prévoit simplement un processus législatif dans la

Partie I, tandis qu’elle modifie par ailleurs expressément la Constitution et établit de

nouvelles dispositions constitutionnelles à la Partie II : Loi constitutionnelle de 2011

(limitation de la durée du mandat des sénateurs): voir le projet de loi C-7, art. 6. Il est

donc évident que la réponse à la deuxième question dans ce renvoi devrait être

négative, et que l’analyse pourrait simplement se terminer ici.

141. Le Procureur général du Québec, ainsi que les intervenants, font valoir que la Partie I

du projet de loi C-7 tente, et autorise le premier ministre, de transformer le Sénat en

institution élue, ce que la Cour suprême a statué n’était pas du ressort du Parlement

en vertu du précurseur de l’art. 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, l’ancien

par. 91(1) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. En progressant vers ce but, le

168 Renvoi relatif à la sécession du Québec, au par. 87, C.S., vol. 1, onglet 19.

54

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

projet de loi C-7 opérerait un changement fondamental au mode de sélection des

sénateurs, contrairement à l’al. 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982169.

142. La question soulevée ici est une autre variante de la première question du renvoi, à

savoir, qui nomme les sénateurs? Le premier ministre ou le gouverneur général?

143. Le processus de consultation établi par le projet de loi C-7 est constitutionnel. Il s’agit

en effet d’un exercice valide du pouvoir résiduel du gouvernement de légiférer pour la

paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, comme l’indiquent les mots liminaires

de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Par exemple, la Loi sur les langues

officielles170 s’applique aux institutions fédérales, dont « le Sénat » (article 3); dans

l’arrêt Jones c. le PG du Nouveau-Brunswick171, la Cour suprême, sous la plume du

juge en chef Laskin, a statué qu’il ne « dout[ait] aucunement » qu’il était loisible au

Parlement d’édicter la Loi sur les langues officielles, étant donné qu’elle vise les

institutions du Parlement et du gouvernement du Canada, à titre de loi pour la paix,

l’ordre et le bon gouvernement, et le « caractère purement résiduaire du pouvoir

législatif qu’ils confèrent. »

144. De plus, le processus visé de la sélection des candidats sénatoriaux énoncé au projet

de loi C-7 ne modifie pas l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, selon lequel le

gouverneur général choisit et nomme les candidats au Sénat, à la suite d’une

recommandation du premier ministre, conformément aux conventions

constitutionnelles. C’est la méthode telle qu’elle existait avant le projet de loi C-7, et ce

projet ne la modifie d’aucune façon.

145. La FCFAC prétend que ce genre d’analyse n’est que formaliste et que si l’al. 42(1)b)

se limite au pouvoir juridique formel de nomination par le gouverneur général, alors il

serait redondant, car l’al. 41a) restreint déjà des modifications relatives à la charge de

gouverneur général172. Cette prétention est erronée. Tout comme les art. 41 et 42

retirent certaines matières de la portée de l’art. 44, l’art. 42, compris correctement,

169 Mémoire du PGQ, par. 141-169; Mémoire de la FCFAC, par. 23-106; Mémoire du Sénateur Joyal,

par. 46-63; Mémoire de la SANB, par. 67-75. 170 Loi sur les langues officielles , C.S., vol. 4, onglet 58. 171 Jones c. le PG du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182, C.S., vol. 1, onglet 5; Hogg, s.17-1

(residuary nature of power, p. 17-1); s. 17-2 (the gap branch, p. 17-5), C.S., vol. 2, onglet 31. 172 Mémoire de la FCFAC, par. 74-75, 105-106.

55

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

retire nécessairement de l’art. 41 des matières qui seraient autrement visées par cette

disposition, vue sous un certain angle. Dans la mesure où la charge de gouverneur

général en vertu de l’al. 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982 vise le pouvoir de

nommer des sénateurs en vertu de l’art. 24 de la Loi constitutionnelle de 1867,

l’al. 42(1)b) de la Loi de 1982 nous renvoie la procédure tout indiquée pour les

modifications relatives au mode de sélection des sénateurs, c'est-à-dire, la procédure

normale (ou « 7/50) de l’art. 38 et non pas la procédure plus onéreuse de

consentement unanime à l’art. 41.

146. La SANB fait valoir également que les exceptions mentionnées à l’art. 42 ne sont pas

exhaustives par rapport à l’art. 44, car si le contraire était vrai, le Parlement fédéral

pourrait modifier unilatéralement la Charte et de façon plus précise, l’art. 4 (mandat

maximal de la Chambre des communes) ainsi que l’art. 5 (séance annuelle du

Parlement)173. Cet argument néglige de tenir compte du contexte historique des

propositions de procédures de modification174, ainsi que le fait que ces droits

démocratiques ont été constitutionnalisés au même moment et dans le même texte

constitutionnel que les procédures elles-mêmes. L’effet de constitutionnaliser la Charte

au sein de la Loi constitutionnelle de 1982 et de rendre ses dispositions applicables au

Parlement fédéral et aux législatures provinciales était de mettre la Charte à l’abri de la

portée du pouvoir législatif conféré par les art. 44 et 45 de la Loi constitutionnelle de

1982. Les modifications à la Charte ne peuvent se faire qu’en vertu d’une des

procédures multilatérales de modification constitutionnelle.

i) Le projet de loi C-7 ne modifie pas le mode de sélection actuel de sénateurs

147. Le processus de consultation n’est pas un changement au mode de sélection des

sénateurs, parce que la discrétion du premier ministre de recommander les candidats

au gouverneur général demeure, et n’est pas retirée, comme le prétend le Procureur

173 Mémoire de la SANB, par. 11-26, notamment aux par. 16 et 26. Voir aussi le Mémoire du PGQ,

par. 260-267. C’est l’argument que le professeur Heard a fait valoir devant le comité sénatorial permanent, lequel l’a adopté dans son rapport : C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1239-1240.

174 Dans la formule Fulton-Favreau de 1964 (Bayefsky, C.S., vol. 3, onglet 48; André Tremblay, p. 196 (art. 6 b et c), C.S., vol. 4, onglet 48) ainsi que la formule de la Charte de Victoria (1971), (art. 55(2)(3)), C.S., vol. 5, onglet 66, ce qui va devenir les articles 4 et 5 de la Charte canadienne, sont exclus de la compétence du Parlement fédéral et des assemblés législatives provinciales de légiférer seul.

56

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

général du Québec. Le processus ajoute un élément de transparence et de

responsabilité, puisque le premier ministre peut payer un prix politique pour avoir

passé outre à la liste des candidats dans le cadre du processus de consultation175.

De plus, tel que mentionné en réponse à la première question, les procédures de

modification visent des modifications au droit de la Constitution et non pas des

conventions constitutionnelles, c'est-à-dire le fait que le premier ministre recommande

les candidats au gouverneur général. Mis à part l’abrogation du pouvoir du gouverneur

général de nommer des sénateurs en vertu de l’art. 24 de la Loi constitutionnelle

de 1867, un simple changement par rapport au pouvoir discrétionnaire du premier

ministre ne constitue pas une modification relative au « mode de sélection des

sénateurs » compris au sens du droit de la Constitution.

148. L’histoire renferme quelques perspectives sur le sens de l’expression « mode de sélection des sénateurs ». Avant 1982, plusieurs des initiatives de réforme du Sénat les plus importantes ont porté sur le remplacement du monopole fédéral sur la nomination par des systèmes où le pouvoir aurait été partagé entre les provinces et le gouvernement fédéral176, ou la nomination aurait relevé exclusivement des provinces177. De tels changements auraient nécessairement eu d’importantes incidences sur l’autorité du gouverneur général en vertu de l’article 24 de mander « des personnes ayant les qualifications voulues » au Sénat et laissent croire au type de changement que les rédacteurs avaient probablement à l’esprit en rédigeant cette expression. Il ne fait aucun doute que retirer le pouvoir de nomination du gouverneur général et de le transférer aux assemblées législatives aurait modifié la méthode de sélection des sénateurs de façon à transférer les pouvoirs liés aux nominations. Le caractère de ce genre de modification diffère grandement d’un changement qui donne aux provinces tout au plus leur voix au chapitre dans la conception d’un processus qui aidera le premier ministre à faire ses recommandations.

149. La consultation des provinces et leur consentement seraient requis s’il était proposé que les sénateurs soient directement élus. Le premier ministre l’a établi clairement dans son témoignage devant le Comité sénatorial spécial qui étudiait le projet de

175 Avis Manfredi,, par. 45, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4009-4010. 176 Par exemple, le projet de loi C-60, C.P., vol. 1, onglet 13, p. 246; Molgat-McGuigan,

recommandation 39, vol. 1, onglet 16, p. 331. Voir aussi Rapport Stilborn, par. 55-69, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4160-4164.

177 Commission de l’unité canadienne, recommandations 47-48, C.P., vol. 5, onglet 31, p. 1493.

57

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

loi S-4178. Le premier ministre savait pertinemment qu’une modification constitutionnelle pour établir un Sénat élu nécessiterait la participation des provinces, et il était d’accord. Cependant, ce n’est pas ce que le projet de loi C-43 ou C-20 cherchait à accomplir, et ce n’est pas non plus ce que le projet de loi C-7 cherche à accomplir.

150. L’élément consultatif du projet de loi C-7 est uniquement déclenché si une province choisit de faire adopter une loi à cet effet. Même si cela s’avère, un gouvernement futur peut opter, à son tour, d’abroger la loi. Il faut également se garder de supposer que chaque province adoptera une telle loi (à ce jour, quatre provinces ont pris certaines mesures en ce sens), et de supposer qu’une province qui met de l’avant une telle loi ira toujours dans cette direction179.

151. Dans la mesure où une loi a été adoptée dans les provinces (comme en Albert et en Saskatchewan), ou proposée uniquement (comme en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick), la formulation de la loi reconnaît que les personnes choisies n’ont pas été directement élues, mais qu’elles peuvent être nommées au Sénat180.

152. Les incidences du processus mis en place en Alberta relativement aux caractéristiques des candidats qui deviennent effectivement sénateurs ont été minimes. Comme l’indique le professeur Manfredi, le processus de nomination au Sénat de l’Alberta n’a pas abouti à des nominations de sénateurs dont l’expérience et la vie professionnelles

178 Comité sénatorial spécial, p. 2 :9-2 :10, p. 2:9-2:13, 7 septembre 2006, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1880-

1884. En particulier p. 1884. Voir aussi les préambules aux projets de lois C-43 et C-20 : C.P., vol. 1, onglet 9, p. 147 et Vol.1, onglet 4, p. 45, notamment :

WHEREAS the Government of Canada has undertaken — pending the pursuit of a constitutional amendment under subsection 38(1) of the Constitution Act, 1982 to provide for a means of direct election — to create a method for ascertaining the preferences of electors in a province on appointments to the Senate within the existing process of summoning senators;

Que le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre en place - avant l’adoption d’une modification constitutionnelle, selon le paragraphe 38(1) de la Loi Constitutionnelle de 1982 , prévoyant un mode d’élection directe des sénateurs – un processus permettant aux électeurs de faire connaître leur préférences quant à la nomination des sénateurs dans le cadre du processus de nomination actuel

179 Avis Manfredi,par. 33, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4001. 180 Senatorial Selection Act d’Alberta, R.S.A. 2000, c S-5s. 3(1) et (2), C.S., vol. 5, onglet 67;

Saskatchewan, An Act to provide for the Election of Saskatchewan Senate Nominees, 2009 chapitre S-46.003 art. 3(b), C.S., vol. 5, onglet 67; projet de loi de Colombie-Britannique 17, Senate Nominee Election Act art. 5, C.S., vol. 5 onglet 67, projet de loi 64 du Nouveau-Brunswick, Loi concernant la sélection des candidats sénatoriaux, 2e session, 57e législature, 60-61 Elizabeth II, 2011-2012, C.S., vol. 5, onglet 67.

58

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

varient considérablement de celles des sénateurs qui sont passés par le processus de nomination181.

ii) Consultation ne signifie pas élection directe

153. Le Procureur général du Québec suggère, par rapport à la troisième question portant sur des caractéristiques fondamentales, que même si elle n’est pas expressément exprimée en tant qu’exigence constitutionnelle, l’obligation de « non-élection » visant les sénateurs est une exigence tacite de la Loi constitutionnelle de 1867, qui a été instaurée pour assurer l’impartialité des sénateurs par rapport à la population. Le Procureur général du Québec suggère que le processus de consultation pourrait être inconstitutionnel du fait qu’il ajoute une composante électorale au poste182. Bien que la réplique à cet argument puisse se faire également en réponse à la troisième question, il est préférable d’en traiter dans le cadre de la réponse à la deuxième question par rapport au mode de sélection des sénateurs, compte tenu du fait que l’art. 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que « [s]ous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives […] au Sénat ».

154. La position du Procureur général du Québec constitue une interprétation erronée du processus de consultation. En vertu du projet de loi C-7, les candidats sénatoriaux ne seraient pas élus au Sénat; tout au plus, ils seraient élus à titre de candidats sénatoriaux », selon le cadre prévu dans l’annexe du projet de loi C-7, où un bassin de candidats serait constitué et dont le premier ministre doit tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de recommander des candidats au gouverneur général en vue de la nomination. Il ne serait cependant pas tenu de les recommander; il pourrait simplement y passer outre et subir les conséquences politiques, le cas échéant, comme c’est le cas lorsqu’il formule une recommandation en vue d’une nomination. Plus important encore, le gouverneur général n’est toujours pas tenu par la loi de suivre cette recommandation.

155. Tel que nous avons fait valoir en réponse à la première question, le premier ministre

aurait pu mettre de l’avant un processus référendaire sur les candidats sénatoriaux,

sans que le résultat d’une telle consultation ait eu pour effet de l’obliger de nommer les 181 Avis Manfredi, par. 38-46, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4005-4010. 182 Mémoire du PGQ, par. 206-207, 237-245.

59

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

candidats les plus populaires. Le recours à l’appareil déjà établi qui encadre une

élection provinciale ou municipale, aux fins de connaître l’opinion de la population

concernant des candidats sénatoriaux potentiels ne transforme pas la consultation sur

les préférences de la population en élection directe, pas plus qu’un référendum183.

156. L’expérience de l’Alberta d’un processus de consultation illustre que les craintes

inspirées par certains qui avancent qu’il s’agit simplement d’un précurseur à un Sénat

directement élu sont grandement exagérées. Les désignations consultatives des

candidats sénatoriaux potentiels de l’Alberta n’ont pas abouti à la transformation du

Sénat en une institution directement élue, étant donné que ni le premier ministre ni le

gouverneur général n’est tenu par la loi de faire appliquer l’issue du processus de

consultation. Par exemple, à quatre reprises, les gagnants du processus de nomination

n’ont pas été nommés184. Parmi les dix personnes dont le nom a été soumis à

l’appréciation du Bureau du Conseil privé de la Reine en vertu du paragraphe 3(1) de

la Senatorial Selection Act d’Alberta, seules cinq ont été nommées au Sénat185. Bien

qu’il ne fasse aucun doute que l’on puisse expliquer en partie le refus de nommer les

gagnants des élections par des facteurs politiques ou des circonstances particulières

(comme l’engagement de nommer des candidats pendant l’échéancier de la ratification

de l’Accord du lac Meech), le processus illustre tout de même que de nombreux

facteurs peuvent être pertinents au moment d’accepter ou de refuser le résultat d’un

processus de consultation. À ce jour, certains premiers ministres ont jugé les résultats

pertinents, mais non obligatoires.

iii) Non-élection et indépendance

157. Pour qu’un principe non écrit ou tacite ait une incidence quelconque sur la légitimité constitutionnelle de la loi, il faudrait avoir non seulement une disposition connexe dans

le texte écrit de la Constitution, mais également un consensus quant à l’existence

même de ce principe dans notre cadre constitutionnel.

183 Voir, à titre d’exemple, la Loi référendaire, L.C. 1992, ch. 30, C.S., vol. 5, onglet 68, qui incorpore des

parties importantes de la Loi électorale du Canada, ainsi que la Loi sur la consultation populaire, L.R.Q. ch. C-64.1, C.S., vol. 5, onglet 69, qui incorpore des parties importantes de la Loi électorale québécoise.

184 Avis Manfredi, par. 43-44, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4007-4009. 185 Avis Manfredi, par. 38, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4005.

60

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

158. La non-élection des sénateurs en tant que moyen d’assurer l’indépendance du Sénat,

de la population ou des électeurs n’est pas une caractéristique tacite de la Loi constitutionnelle de 1867. Bien que la nomination officielle ait été retenue, ce choix

n’a pas fait l’objet d’un soutien unanime à l’époque de la Confédération. De plus, à

l’époque, la nomination a été retenue principalement pour des raisons pratiques, et

non à cause d’une certaine appréhension philosophique quant aux élections. La Constitution n’a jamais été structurée pour interdire carrément un certain élément

de choix dans la sélection des sénateurs. À condition que les sénateurs ne soient pas

directement élus et que le gouverneur général conserve l’autorité définitive et sans

appel de nommer les sénateurs, la Constitution n’est pas bafouée par la tenue de processus de consultation qui ne font guère davantage que constituer un bassin de

candidats potentiels.

159. Comme Christopher Manfredi le dit dans son rapport, lorsque les Pères de la

Confédération ont opté pour des nominations et non des élections pour les sénateurs, « ils l’ont fait en grande partie pour des raisons pratiques plutôt que

philosophiques »186.

160. David Smith187, l’expert du Procureur général du Québec, reconnaît que les difficultés

rattachées à une campagne menée dans de grandes circonscriptions en 1867 ont incité les Pères de la Confédération à favoriser des nominations au lieu d’élections

(à la p. 17 (p. 848)). Christopher Manfredi développe ce point et le caractérise en tant

que motif précis pour avoir favorisé les nominations au lieu des élections à l’époque de

la Confédération. Il souligne également que cette préoccupation n’est plus d’actualité.

« Dans un monde où des élections peuvent être contestées efficacement dans des circonscriptions géographiquement aussi grandes que les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut, l’étendue du territoire sur lequel l’élection aurait lieu ne peut plus être une objection au principe d’élection. »188

161. Bien qu’à l’époque de la Confédération, ce facteur fut raisonnable, les moyens de

communication et de transport modernes ont supprimé, ou du moins,

considérablement réduit, ses effets. 186 Avis Manfredi, par. 28, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3998. 187 Mémoire du PGQ, vol. III, David E. Smith, p. 832. 188 Manfredi, par. 28-30, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3998-3999. – citation par. 30, p. 3999.

61

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

162. L’affaire des « personnes » (Edwards c. Canada, [1930] A.C. 124) est un parallèle

utile. Même si les rédacteurs de la Constitution de 1867 n’avaient pas envisagé la

nomination de femmes à titre de sénatrices, le texte de loi ne l’interdisait pas. Lorsque

la décision a été rendue à l’égard de cette affaire, la société avait déjà évolué, et il était

désormais impossible d’obtenir le consensus nécessaire pour tirer une telle interdiction

implicite du texte de la Constitution.

163. Dans le même ordre d’idées, on a récemment conclu que la compétence législative du

Parlement sur la notion du mariage pouvait englober les mariages entre personnes de

même sexe. Si obligation implicite du contraire avait pu être dégagée du texte écrit en

1867, en raison des réalités sociales, en 2004, on ne pouvait parvenir à un tel

consensus qui pourrait justifier de limiter la compétence du Parlement sur le

mariage189. Dans l’espèce, on n’est jamais même parvenu à un consensus contre des

élections, et le choix de la nomination a essentiellement été fait pour des raisons

pratiques. Ce serait d’autant plus une erreur de dégager une exigence tacite dans le

texte constitutionnel contre des élections consultatives en vue de dégager des

candidats.

164. Étant donné que les processus de nomination consultative ne sont pas expressément

interdits par la Loi constitutionnelle de 1867, il n’y a aucune raison de faire une lecture

de la Loi constitutionnelle de 1867 de manière à l’exiger implicitement et de considérer

que le projet de loi C-7 pourrait y contrevenir.

165. De plus, Christopher Manfredi insiste sur le fait qu’au moment où des fondateurs du Canada se sont penchés sur la question de l’« indépendance » à l’époque de la

Confédération] « ils ont cherché à assurer son indépendance, non par le mode de

nomination, mais par le mandat de la nomination »190. Il souligne que l’indépendance a

été conservée à l’époque par un mandat à vie, afin que les sénateurs « ne craignent pas d’être démis de leurs fonctions de manière capricieuse et n’ont pas à obtenir

189 Renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698, par. 21-30, C.S., vol. 1,

onglet 11. 190 Manfredi, par. 37, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4004.

62

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

l’autorisation pour continuer d’exercer leur mandat. »191. Cette caractéristique a été

conservée dans le projet de loi C-7, par le non-renouvellement du mandat192.

166. De plus, comme le souligne Manfredi, le système actuel n’encourage pas, et ne l’a jamais fait, l’indépendance des sénateurs de la population ou de ses électeurs tel que

le présente le professeur Smith. La supposition selon laquelle un processus de

nomination exclusive, tel qu’il est actuellement, produit des sénateurs plus indépendants, n’est pas confirmée par la réalité. Les sénateurs qui ont été nommés au

fil des ans ont principalement été des candidats qui ont déjà été élus par la population

ou qui se sont déjà portés candidats à une élection193. De plus, presque

invariablement, ils étaient affiliés à un parti au moment de leur nomination. Rien dans la Constitution n’interdit cela. Ces personnes sont donc déjà susceptibles d’avoir des

liens politiques, de la même manière que le Procureur général du Québec prétend

seraient créés sous le régime proposé par le projet de loi C-7.

167. Dans le cadre du système actuel, le premier ministre peut commander des sondages auprès de la population menés par des maisons indépendantes afin de connaître les

préférences des électeurs quant aux nominations au Sénat. Rien dans la Constitution

ne l’interdit, mais ce serait semblable à ce que le processus de consultation proposé

dans le projet de loi C-7 vise; soit de recueillir des données sur les préférences de la population afin de permettre au premier ministre d’exercer sa discrétion de façon plus

avisée quant aux recommandations des candidats à être nommés au Sénat par le

gouverneur général.

168. Dans le même ordre d’idées, le premier ministre pourrait choisir de consulter différents groupes, institutions ou personnes de façon officielle ou plus officieuse, afin d’étayer sa

recommandation au gouverneur général. Ces processus pourraient être menés

publiquement ou en privé. Encore une fois, rien dans la Constitution ne l’interdirait, à condition que le gouverneur général conserve le pouvoir ultime de nommer les

sénateurs.

191 Manfredi, par. 32, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4001. 192 Manfredi, par. 32, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4001. 193 Manfredi, par. 21 et annexe 1 à son avis, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3993, et p. 4061 (l’annexe).

63

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

iv) Le projet de loi C-7 permet aux provinces d’adapter les circonscriptions électorales aux réalités provinciales

169. La SANB fait valoir que le cadre proposé par le projet de loi C-7 pour la sélection des

sénateurs sur une base provinciale amènerait le gouvernement et la législature du

Nouveau-Brunswick à enfreindre des engagements et obligations imposés

relativement à la communauté linguistique française (et donc la collectivité acadienne)

par le par. 16(2) et l’art. 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés et serait

incompatible avec le principe non écrit de la protection des minorités194.Or, rien dans le

texte du projet de loi C-7 n’entraverait le respect de ces engagements et obligations.

Le cadre proposé par le projet de loi C-7 pour la sélection des candidats provinciaux

est assez large et souple pour permettre aux provinces de mettre en place des

régimes qui correspondent « en substance » au cadre. D’ailleurs, le projet de loi

présenté au Nouveau-Brunswick semble vouloir tenir compte de la diversité au sein de

la province. La prise de position de la SANB est minée par les textes des projets de

loi C-7 et du Nouveau-Brunswick.

v) Pas de délégation des compétences législatives par le Parlement aux législatures provinciales

170. Malgré la prétention du sénateur Joyal195, le projet de loi C-7 ne constitue aucunement

une tentative de déléguer le pouvoir législatif aux législatures provinciales. Plutôt, le

projet de loi prévoit tout simplement que «[d]ans le cas où une province ou un territoire

a édicté une loi », alors certaines conséquences en découlent par rapport au premier

ministre.

171. Qui plus est, la validité constitutionnelle de la loi albertaine, la Senatorial Selection Act,

n’a jamais été contestée devant les tribunaux et sa validité n’est pas une question

soumise à la Cour d’appel dans ce renvoi.

vi) Conclusion

172. Le mode de sélection des sénateurs est prévu à l’article 24 de la Loi constitutionnelle

de 1867, qui prévoit que le gouverneur général nomme des personnes admissibles au 194 Mémoire de la SANB, par. 76-97; voir aussi le mémoire de la FCFAC, par. 58-63. 195 Mémoire du sénateur Joyal, par. 73-80.

64

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

Sénat. Le projet de loi C-7 ne propose aucune modification à l’article 24 de la

Loi constitutionnelle de 1867.

173. De plus, aucun principe constitutionnel n’interdit en soi le processus de consultation du

projet de loi C-7, et par conséquent, cet aspect du projet de loi C-7, en tant que loi

ordinaire, n’est pas inconstitutionnel. En effet, le principe constitutionnel fondamental

de la démocratie l’encouragerait.

174. Le projet de loi ne vise pas à intégrer ce processus de consultation à la Constitution et

ne constitue pas une modification constitutionnelle qui doit suivre la procédure normale

de modification.

175. Les dispositions du projet de loi C-7 portant sur le processus de consultation seraient

adoptées en vertu de la compétence du Parlement de légiférer pour la paix, l’ordre et

le bon gouvernement (article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867). Subsidiairement,

l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 pourrait également fournir une assise au

projet de loi.

3) Est-ce que le projet de loi C-7 constitue une modification de la Constitution du Canada relative aux caractéristiques fondamentales et au rôle du Sénat qui ne peut être faite que conformément à l’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982?

176. En 2006, le projet de loi S-4 proposait des limitations à la durée du mandat et a reçu

l’appui du Québec à cet égard devant le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat. Par la suite, lorsque le projet de loi C-43 a proposé un processus de

consultation afin d’aviser le premier ministre sur la préférence de la population quant

aux candidats sénatoriaux, le Québec s’est opposé à la fois aux limitations de mandat et aux processus de consultation devant le Comité sénatorial permanent des affaires

juridiques et constitutionnelles en soutenant que le gouvernement fédéral avait ainsi

l’intention de créer un système de sénateurs élus. Comme nous l’avons constaté en ce

qui a trait au processus de consultation sur les candidats nommés au Sénat, en réponse à la deuxième question, le projet de loi C-7 ne vise pas à créer un Sénat élu,

pas plus qu’il n’a été conçu pour exiger du premier ministre qu’il recommande la

nomination de tous les candidats sénatoriaux, et encore moins qu’il n’exige que le

65

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

gouverneur général les nomme. Dans la mesure où un Sénat nommé constitue une

caractéristique fondamentale du Sénat moderne, il continuerait de l’être; l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 demeure inchangé.

177. En ce qui concerne la seule modification constitutionnelle proposée en vertu du projet de loi C-7, l’imposition d’une limitation de neuf ans à la durée du mandat des sénateurs nommés, la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue un code complet de procédures de modification constitutionnelles196. En ce qui touche le Sénat, l’article 42 ne fait aucune mention de la durée du mandat des sénateurs ni de limitations de la durée. Par conséquent, le Parlement a la compétence nécessaire pour modifier la Constitution relativement au mandat des sénateurs en vertu de l’article 44197.

i) La perception erronée

178. La question de savoir si le mandat des sénateurs devrait ou non avoir une limite temporelle se pose depuis la création même du Sénat, comme le signale la Partie I de notre mémoire198. Les nombreuses études menées sur la question comportent un élément commun, selon lequel la limitation du mandat est opportune et nécessaire au renouvellement et à la viabilité continue du Sénat199. Les limitations du mandat ont été étudiées de façon exhaustive par deux comités sénatoriaux dans les débats entourant le projet de loi S-4, et les deux ont conclu qu’elles étaient souhaitables.

179. Le Comité sénatorial spécial et le Comité sénatorial permanent ont tous deux entendu le témoignage d’une gamme de constitutionnalistes et de témoins experts200. Toutefois, le témoignage du professeur Joseph Magnet devant le Comité sénatorial permanent représentait bien la perspective ultimement adoptée par le Comité.

196 Hogg, vol. 1, p. 4-4, C.S., vol. 2, onglet 31.

« The Constitution Act, 1982, by Part V, introduces into the Canadian Constitution a set of amending procedures which enable the B.N.A. Act (now renamed the Constitution Act, 1867) and its amendments to be amended within Canada without recourse to the United Kingdom Parliament. [...] The vague and unsatisfactory rules laid down by the Patriation Reference have accordingly been supplanted and have no current relevance. The new procedures in Part V of the Constitution Act, 1982 constitute a complete code of legal (as opposed to conventional) rules which enable all parts of the “Constitution of Canada” to be amended. »

197 Benoît Pelletier, p. 199, C.S., vol. 5, onglet 63. 198 Voir les explications dans la Partie I sur les débats remontant à avant la Confédération qui entourent le

Sénat. 199 Voir les études et les rapports indiqués au paragraphe 51 de la Partie I. 200 La liste des témoins du Comité sénatorial spécial comprenait les professeurs Gérald Beaudoin,

Peter Hogg, Patrick Monahan et Stephen Scott, C.P., vol. 3, onglet 25, p. 1087-1089; la liste des témoins du Comité sénatorial permanent comprenait les professeurs Joseph Magnet, Errol Mendes et Alan Cairns, C.P., vol. 7, onglet42, p. 2476-2477; Rapport : vol. 4, onglet 27, p. 1141.

66

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

Le professeur Magnet suggérait qu’un tribunal estimerait que le projet de loi S-4 fait partie d’un plan global dont l’objet consiste à modifier, étape par étape, la représentation régionale du Sénat, d’abord en imposant des limitations au mandat, puis en mettant en place des élections201. D’autres ont également fait la même supposition202. Il semblerait également que la majeure partie des préoccupations soulevées par le Comité permanent gravitait autour de la présentation du projet de loi C-43. L’Ontario et le Québec se sont adressées au Comité par écrit pour faire part de leurs préoccupations sur le lien entre le projet de loi S-4 et C-43203.

180. Le problème avec cette approche, adoptée par le professeur Heard dans son rapport déposé auprès de ce tribunal204, relève du fait qu’elle repose sur l’hypothèse selon laquelle les lois qui portent sur les limitations à la durée du mandat sont en quelque sorte un cheval de Troie qui dissimule un plan législatif visant à passer à l’élection directe du Sénat205. La loi se doit cependant d’être interprétée telle qu’elle est écrite; la partie constitutive de la loi doit être examinée afin que soit déterminé le caractère constitutionnel de l’ensemble, tant individuellement que dans l’ensemble.

ii) Le but des réformes proposées

181. S’il persistait un doute quelconque sur l’intention du gouvernement de débattre au Parlement de la question des limitations du mandant, il a été dissipé par le premier ministre lors de son témoignage devant le Comité du Sénat. Il a déclaré ceci :

« ...je crois dans les idées qui sont à l’origine d’une Chambre haute. Il est essentiel que le Canada ait une chambre haute qui fasse un second examen objectif et efficace. Il est essentiel que le Canada ait une chambre haute qui donne la possibilité de s’exprimer à nos diverses régions. Il est essentiel que le Canada ait une chambre haute fondée sur une légitimité démocratique. »206

201 Rapport du Comité sénatorial permanent, C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1207(anglais), 1241(traduction). 202 Rapport du Comité sénatorial permanent, C.P., vol. 4, onglet27, p. 1208-1209 (Roger Gibbins et le

professeur Errol Mendes); p. 1211(professeur Alan Cairns). 203 Rapport du Comité sénatorial permanent, C.P., vol. 4, onglet27, p. 1209(Ontario); p. 1209-1210

(Québec). 204 Mémoire du PGQ, vol. III, p. 980-909 (Heard), C.P., vol. 4, onglet 27, p. 1219. 205 Voir également le sommaire des preuves présentées par le professeur Errol Mendes, qui a déclaré que

le projet de loi S-4 amènera le chaos sur le plan constitutionnel si plus tard jugé inconstitutionnel. Délibérations du Comité sénatorial permanent, le 29 mars 2007, p. 24 :63-24 :64, C.P., vol. 7, onglet 43, p. 2540-2541.

206 Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006 p. 2:7, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1878.

67

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

182. Le premier ministre a ajouté qu’une loi distincte qui traite des élections consultatives

suivrait bientôt207. Il a également dit de la proposition de limitations à la durée du

mandat que « le bien-fondé de ce changement est indéniable et il en vaut la peine »208.

Il a accepté qu’une approche par étapes ou progressive de la réforme du Sénat est

inévitable209.

183. Le premier ministre a convenu qu’un Sénat directement élu (ce qui n’a pas été proposé

dans un projet de loi présenté au Parlement ni à ce tribunal dans ce renvoi) exigerait

un consentement des provinces :

1. Ma vision du Sénat est celle d’une assemblée bien structurée, à titre d’institution nationale importante, et pas en tant qu’institution fédérale ni qu’institution provinciale. Il ne fait aucun doute que pour modifier le processus de façon constitutionnelle formelle — afin de procéder à l’élection des sénateurs — le consentement des provinces serait indispensable.210 (Les caractères gras sont les nôtres)

Le premier ministre a ensuite expliqué l’objectif des lois présentées au Parlement

depuis le projet de loi C-43 a été présenté pour la première fois, et qui constitue l’enjeu

de ce renvoi :

Le gouvernement voudrait obtenir la capacité de consulter la population avant de procéder à des nominations au Sénat. De toute évidence, il s’agit là d’une étape provisoire de démocratisation, mais nous estimons qu’elle serait importante.211

184. L’erreur que font ceux qui suggèrent que le projet de loi C-7 est inconstitutionnel, c’est

qu’ils rassemblent les processus distincts de : (a) l’élection directe des sénateurs et

(b) les mécanismes de consultation cherchant à connaître les préférences du public

sur les candidats éventuels au Sénat. L’élection directe n’est pas l’objet de la mesure

législative, comme l’a clairement indiqué le premier ministre.

207 Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006, p. 2:8, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1879. 208 Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006 , p. 2:9, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1880. 209 Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006, p. 2:10-2 :11, C.P., vol. 6, onglet 37,

p. 1881-1882. 210 Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006, p. 2:13,, C.P., vol. 6, onglet 37,

p. 1884. 211 Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006, p. 2:13, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1884.

Voir également la section Délibérations du Comité sénatorial spécial, le 7 septembre 2006, p. 2 :20, où il est établi que le processus d’élection des sénateurs est un choix distinct des élections consultatives, C.P., vol. 6, onglet 37, p. 1891.

68

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

185. En interprétant une intention dans la mesure législative, les critiques créent

l’impression qu’un Sénat effectivement élu au lieu d’un Sénat conformément au droit

constitutionnel actuel constitue l’objet de la mesure. Tout cela est contraire aux

principes fondamentaux de l’interprétation des lois. Au lieu de lire le libellé clair du

texte ou de chercher toute formule exprimant la raison d’être, ils cherchent à lui

attribuer un sens voilé. Ces opinions ne peuvent être appuyées par une interprétation

raisonnable de la mesure législative dont il est question.

186. Correctement interprété, le projet de loi C-7 établit un processus de consultation

législatif dans la Partie I, tandis que la Partie II prévoit l’adoption de nouvelles

dispositions constitutionnelles : La Loi constitutionnelle de 2011 (limitation de la durée

du mandat des sénateurs) : Comme notre argumentation par rapport à la deuxième

question du renvoi l’explique, le processus de consultation législatif ne modifie pas

l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 et le processus de nomination par le

gouverneur général. Aucune autre modification législative n’est proposée. La question

qui demeure, celle de la limitation du mandat, est un enjeu constitutionnel qui sera

abordé plus loin relativement à la troisième question du renvoi.

iii) L’analyse constitutionnelle d’avant 1982 a été remplacée par la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982

187. Les « caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat » est un

libellé employé par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi : Compétence du

Parlement relativement à la Chambre haute, lorsqu’elle a décrit les aspects de l’AANB

de 1867 (dorénavant la Loi constitutionnelle de 1867) que le Parlement fédéral ne

pouvait pas modifier en vertu de l’article 91. À l’époque (soit avant le rapatriement de

1982 et l’adoption des procédures de modification qui se trouvent maintenant dans la

Loi constitutionnelle de 1982), le processus de modification normal consistait en une

demande mixte à la Reine pour des mesures législatives par le Parlement du

Royaume-Uni, tout en laissant place à des modifications résiduelles par le Parlement

canadien en vertu du paragraphe 91(1) et les législatures provinciales en vertu du

paragraphe 92(1) de l’AANB de 1867.

69

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

188. Dans le Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute212

de 1980, qui gravitait principalement autour de la restructuration globale du Sénat

proposée dans le projet de loi C-60 (1978), la Cour suprême du Canada devait mettre

sur pied une méthode afin de déterminer le type de modifications qui pouvait être

apportées par le Parlement fédéral à lui seul en vertu du libellé général du

paragraphe 91(1) et lesquelles devaient nécessairement être laissées à la sanction

officielle du Parlement du Royaume-Uni.

189. Le paragraphe 91(1) se lisait ainsi :

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par le présent acte exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par le présent déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans le présent acte) l’autorité législative exclusive du Parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés;

1. La modification, de temps à autre, de la constitution du Canada, sauf en ce qui concerne les matières rentrant dans les catégories de sujets que la présente loi attribue exclusivement aux législatures des provinces, ou en ce qui concerne les droits ou privilèges accordés ou garantis, par la présente loi ou par toute autre loi constitutionnelle, à la législature ou au gouvernement d’une province, ou à quelque catégorie de personnes en matière d’écoles, ou en ce qui regarde l’emploi de l’anglais ou du français, ou les prescriptions portant que le parlement du Canada tiendra au moins une session chaque année et que la durée de chaque chambre des communes sera limitée à cinq années, depuis le jour du rapport des brefs ordonnant l’élection de cette chambre; toutefois, le parlement du Canada peut prolonger la durée d’une chambre des communes en temps de guerre, d’invasion ou d’insurrection, réelles ou appréhendées, si cette prolongation n’est pas l’objet d’une opposition exprimée par les votes de plus du tiers des membres de ladite chambre. (Les caractères gras sont les nôtres)

190. Bien que la formulation du paragraphe 91(1) semble dresser une liste exhaustive des

exceptions au pouvoir de modification du Parlement, la Cour suprême a déclaré qu’elle

ne permettait pas au Parlement d’abolir le Sénat ni de modifier la proportion régionale

212 Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, C.S., vol. 1, onglet 2.

70

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

des sièges au Sénat, ni de prévoir une élection directe des sénateurs, ni de pouvoir

passer outre au Sénat dans l’adoption de lois fédérales. La Cour suprême a également

exprimé des doutes quant à la question de savoir si le Parlement pouvait modifier

certains autres aspects du Sénat, mais elle n’est pas parvenue à un avis définitif sur

ces points, puisque la réforme proposée n’a pas été décrite de façon assez détaillée

dans les questions posées dans le renvoi.

191. Contrairement à l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, le paragraphe 91(1) de

l’AANB ne mentionnait pas explicitement le Sénat en tant qu’objet éventuel d’une

modification. En effet, le par. 91(1) accordait au Parlement (dont le Sénat) le pouvoir

général de modifier la Constitution du Canada, sous réserve de certaines exceptions

précisées. Dans le Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre

haute, la Cour suprême a déterminé que le paragraphe 91(1) ne permettait pas au

Parlement d’abolir l’une de ses « propres » composantes (le Sénat) ni d’y apporter des

changements fondamentaux213.

192. Si le paragraphe 91(1) était effectivement une délégation du Parlement du

Royaume-Uni au Parlement du Canada de certains de ses pouvoirs afin que le

Parlement du Dominion puisse modifier l’AANB, la Partie V de la Loi constitutionnelle

de 1982 est toute autre; elle établit une suite exhaustive de procédures de modification

de la Constitution au Canada, en conférant le pouvoir d’autoriser des modifications aux

institutions législatives fédérales et provinciales, et ce, de façon exhaustive lorsqu’il est

question des modifications constitutionnelles.

193. Les pleins pouvoirs de modifier la Constitution du Canada doivent nécessairement se

trouver dans la Partie V, qui doit donc être interprétée selon sa propre logique interne

et non rattachée à toute préoccupation vestigiale de conserver la structure ou la

conception originale du Parlement de Westminster.

194. La Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 doit être un code complet, puisque

aucun pouvoir de modification de la Constitution du Canada n’incombe désormais au

Parlement impérial de Westminster. Le paragraphe 52(3) le dit.

213 Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, p. 71-73, C.S., vol. 1, onglet 2.

71

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

195. Les restrictions sur le pouvoir fédéral conféré par l’article 44 sont décrites aux

articles 41 et 42; relativement au Sénat, elles ne sont pas présentées en termes de

caractéristiques fondamentales et essentielles, mais bien en termes de sujets ou

d’enjeux précis.

196. Étant donné que l’article 44 mentionne expressément que toute modification de la

Constitution relativement au Sénat incombe au Parlement, sauf pour les quatre volets

précisés à l’article 42, à savoir les pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des

sénateurs, le nombre de sénateurs auquel chaque province a droit et les exigences

rattachées à la résidence, rien ne justifie l’interprétation d’autres exceptions dans

l’article 44.

197. L’article 42 a précisé (en tant qu’exception à l’article 44) certaines caractéristiques

essentielles ou fondamentales du Sénat que la Cour suprême avait dégagées en 1980

en tant qu’exceptions au pouvoir de modification en vertu du paragraphe 91(1).

D’autres caractéristiques ont également été écartées de l’article 42. La durée du

mandat des sénateurs est un de ces éléments. On doit supposer que ce fut

intentionnel. Il ne revient pas au tribunal d’ajouter des exceptions à l’article 42, ni

d’inventer une formule de modification entièrement différente alors que la Partie V

précise cinq procédures de modification jugées exhaustives par le paragraphe 52(3) de

la Loi constitutionnelle de 1982.

198. Le professeur Monahan, dont l’affidavit sur un autre sujet a été présenté par le

Procureur général du Québec dans le présent renvoi, abondait dans le même sens

dans ses écrits :

One question that arises is whether Parliament could utilize the procedure in section 44 to alter some aspect of the Senate that is not referred to in sections 41 or 42 and yet which might be regarded as a fundamental feature or essential characteristic of the institution. For example, the government has recently proposed to abolish the mandatory retirement age for Senators, and to limit the tenure of Senators to eight years. [...]

In my view, changes of this character can be effected by Parliament acting alone under s. 44, regardless of whether they can be described as fundamental or essential to the institution of the Senate. The drafters of the 1982 Act granted Parliament the “exclusive” authority to enact amendments to the Constitution of Canada in relation to the Senate, subject only to the

72

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

exceptions identified in section 42. The items specified in section 42 should be regarded as an exhaustive list of matters deemed fundamental or essential, as those terms were utilized in the Senate Reference. To hold that unilateral federal power in section 44 is subject to a further limitation along the lines suggested would in my view lead to a needless uncertainty and ambiguity. [...]214

199. Étant donné que le contexte constitutionnel actuel est très différent de celui qui existait

avant 1982 et étant donné que le libellé de l’article 44, à l’opposé du paragraphe 91(1),

prévoit manifestement des modifications relativement au Sénat, il n’y a aucune raison

valide d’ajouter d’autres exceptions au texte de l’article 44.

200. Le Sénat a fait l’objet de nombreux débats jusqu’au rapatriement de la Constitution

en 1982, et l’avis de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Chambre

haute faisait partie de ce débat. L’absence d’une exception à l’article 42 de la

Loi constitutionnelle de 1982 pour les pouvoirs législatifs conférés par l’article 44

relativement au Sénat ne peut être vue en tant que simple omission.

201. La FCFAC propose que l’al. 42(1)b), relatif aux pouvoirs du Sénat et le mode de

sélection des sénateurs, devrait s’interpréter de manière à y inclure le mandat des

sénateurs comme partie intégrante, car la façon dont les pouvoirs du Sénat seraient

exercés et quels pouvoirs sont appropriés dépend du mode de sélection et du

mandat215. Cet argument ignore le fait que l’art. 29 de la Loi constitutionnelle de 1867

traite de façon distincte le mandat des sénateurs tandis que l’art. 24 vise la nomination

des sénateurs par le gouverneur général, c'est-à-dire le mode de sélection des

sénateurs. De plus, l’histoire des propositions et rapports relatifs à la réforme du Sénat

traite des questions de mandat, de pouvoirs et du mode de sélection des sénateurs à

titre de questions distinctes, bien que souvent comme faisant partie d’un plus grand

ensemble de réformes216. Ce contexte historique ne donne aucun appui à l’intégration

du mandat des sénateurs aux pouvoirs du Sénat ou le mode de sélection des

sénateurs.

214 Monahan, p. 203, C.S., vol. 5, onglet 62. 215 Mémoire de la FCFAC, par. 107-109. 216 Rapport Stilborn par. 43-54 : mode de sélection; par. 70-98 : système électoral et durée du mandat;

par. 116-147 : pouvoirs, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4195-4196, p. 4160-4172, p. 4178-4187. Voir aussi : La réforme du Sénat – document de travail, ministre de la Justice Mark MacGuigan (1983): C.S., vol. 5, onglet 70 – la version complète du document produit par la FCFAC’ Sources, vol. 2, onglet 19.

73

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

iv) Limitation de la durée du mandat dans le projet de loi C-7 – une modification modeste

202. En termes généraux, dans le cadre de la Partie V, plus le changement ratisse large,

plus la procédure de modification est exigeante. Comme l’indique le Livre blanc de

Favreau, si un changement touchait directement les provinces à titre collectif ou

entraînait un changement structural, les provinces feraient partie du processus. Or, la

modification de la limite du mandat n’est ni fondamentale ni structurale. Les pouvoirs,

la portée et le rôle du Sénat demeurent. Tout ce que cela changera, c’est la durée

éventuelle du mandat d’un sénateur. Il s’agit d’un changement évolutif modeste qui

cadre avec ce que de nombreux comités et commissions ayant examiné la question

ont suggéré.

203. Le caractère modeste de ce qui est proposé est illustré par ce qui s’est réellement

passé au Sénat. Le nombre moyen d’années de service au Sénat depuis 1965, dont

les sénateurs en cours de mandat, est de 11,3 ans, et la médiane, de 9,8 ans. Si nous

remontons jusqu’à la Confédération, le nombre augmente légèrement, à une moyenne

de 13,9 ans et une médiane de 12,8 ans217. Compte tenu du fait que la durée moyenne

d’une législature est de 3,2 ans et que sa durée médiane est de 3,6 ans, le mandat de

neuf ans proposé dans le projet de loi C-7 s’étendrait normalement sur trois

législatures, voire éventuellement une quatrième218. Un sénateur dont le mandat dure

neuf ans représenterait donc une continuité importante par rapport au roulement qui se

produit à la Chambre des communes219. La plupart des examens effectués au cours

des 40 dernières années se sont soldés par la conclusion qu’un mandat semblable est

requis pour que le Sénat soit efficace220.

204. L’imposition d’une limitation de neuf ans au mandat proposée dans la disposition

législative en cause cadre très bien avec la réalité contemporaine de la durée du

mandat des sénateurs de la Chambre haute, et de ce fait, ne représente pas un

changement important au Sénat. Elle cadre également avec la norme internationale.

217 Avis Manfredi, par. 52 et son tableau 5, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4014. Ces chiffres sont semblables

à ceux calculés par M. Stilborn, bien que les siens soient un peu plus élevés parce que son échantillon est plus petit et plus récent. Rapport Stilborn par. 177-179 C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4195-4196.

218 Avis Manfredi, par. 53-54, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4015. 219 Avis Manfredi, par. 53-55, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4015-4017. 220 Rapport Stilborn, par. 180, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4196.

74

Exposé de Procureur général du Canada Arguments

La plupart des législatures fédérales bicamérales ont des mandats beaucoup plus

courts que neuf ans. Effectivement, la durée proposée pour le mandat dans le projet

de loi compte parmi les plus longues du monde221.

205. Enfin, étant donné que le mandat de neuf ans est non renouvelable, il répond

largement à toute préoccupation entourant l’indépendance continue du Sénat. Le fait

que le mandat n’est pas renouvelable réduira la pression que pourra exercer les

électeurs si les sénateurs étaient confrontés à la possibilité de nouvelles élections.

Cela libérerait les sénateurs et les laisseraient exécuter leurs tâches de façon

indépendante, bien que comme l’ont mentionné le professeur Manfredi222 et John

Stilborn223, ils continueront à jouer un rôle dans le processus politique au nom de leur

parti respectif.

----------

PARTIE IV – COÛTS

206. Le Procureur général ne réclame aucun frais dans le cadre de ce renvoi.

----------

PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE

207. Le Procureur général du Canada soutient que les questions doivent obtenir une

réponse négative.

Montréal, le 31 juillet 2013 __________________________________ Procureur général du Canada (Me David Lucas) (Me Alexander Pless) (Me Marc Ribeiro) (Me Warren J. Newman, Ad.E) Avocats du Procureur général du Canada

221 Avis Manfredi, par. 53, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 4015. 222 Manfredi, par. 21, C.P., vol. 12, onglet 123, p. 3193-3194. 223 Stilborn, par. 180-181, C.P., vol. 12, onglet 124, p. 4196-4197.

75

Exposé de Procureur général du Canada Sources

PART VI – SOURCES

Jurisprudence Paragraphe(s) Potter c. Québec (Procureur général), [2001] R.J.Q. 2823 (C.A.) ........... 19,94,95,96,104

Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, [1980] 1 RCS 54, p. 65 .... 42,65,88,89,187,188 ........................ 191,200

Renvoi sur l’opposition à une résolution pour modifier la Constitution, [1982] 2 S.C.R. 793 ............................ 64,87

Renvoi : résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753 ........... 66,68,69,71,135

Jones c. Procureur général du Nouveau Brunswick, [1975] 2 RCS 182, [1975] 2 R.C.S. 182 .......................... 70,143

R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 ................................. 83

R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236 ................................. 87

États-Unis c. Cotroni, [1989] 1 R.C.S. 1469 .......................... 87,125

R.J.R. MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S.199 ................................. 87

ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, 2006 CSC 4 ................................. 89

Canada (Procureur général) c. Hislop, [2007] 1 R.C.S. 429 ................................. 91

Renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698 .......................... 91,163

Hogan v. Newfoundland (Attorney General), [2000] 183 D.L.R. (4th) 225 (N.L.C.A.) ............................ 94,95

R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2 ................................. 98

Canadian Foundation for Children c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, 2004 CSC 4 ................................. 98

Murphy c. Welsh; Stoddard c. Watson, [1993] 2 R.C.S. 1069 ................................. 99

Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S.C. 94, 2003 CSC 9 ................................. 99

Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 R.C.S. 773, 2002 CSC 53 ................................. 99

76

Exposé de Procureur général du Canada Sources

Jurisprudence (suite) Paragraphe(s) Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 R.C.S. 473, 2005 CSC 49 ............................... 100

Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217 ... 101,103,107,108,117 ............................... 139

Baie d’Urfé (Ville) c. Québec (Procureur général), [2001] J.Q. no 4821 (CA) par. 82-125 ............................... 104

R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768 ............................... 111

Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 201, 2005 CSC 14 ............................... 111

Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] 1 R.C.F. 385 C.A.F ............................... 125

Conacher v. Canada (Prime Minister), [2010] FCA 131 ............................... 130

Re: Initiative and Referendum Act (Man.), [1919] A.C. 935 ............................... 131

Canada v. Nat Bell Liquors Ltd., [1922] 2 A.C. 128 ............................... 131

Alliance Québec c. Directeur général des élections du Québec, [2006] J.Q. no 4350 (CAQ) ............................... 138

Haig c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 995 ............................... 138

AUTRES

HAWKINS, Robert E., Constitutional Workarounds, (2010) 89 Revue du Barreau canadien, citant le Décret du conseil intitulé Mémorandum concernant certaines des fonctions du premier ministre, Compte rendu de la réunion du Comité du Conseil privé, CP 3374, le 25 octobre 1935 ................................. 12

HOGG, P.W., Constitutional Law of Canada, 5e éd., Toronto, Carswell, 2007 (feuilles détachables), vol. I ..................... 15,87,128

Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), TR/97, 141 ................................. 19

NEWMAN, Warren J., Living with the Amending Procedures: Prospects for Future Constitutional Reform in Canada, Supreme Court Law Review (2007), 37 S.C.L.R. (2d) ............................ 23,94

AJZENSTAT, Janet et al, Canada’s Founding Debates (Toronto; University of Toronto Press, 1999) ................................. 54

77

Exposé de Procureur général du Canada Sources

AUTRES (suite) ................................................................................................ Paragraphe(s)

Assemblée législative du Canada, le 20 février 1865 ................................. 54

AJZENSTAT, Janet, « Le bicaméralisme et les architectes du Canada: les origines du Sénat canadien » dans Protéger la Démocratie canadienne: Le Sénat en vérité, sous la direction de Serge Joyal, McGill-Queen’s University Press, Montréal et Kingston, 2003 ............................ 60,61

HICKS, Bruce M., “Can a Middle Ground be Found on Senate Numbers?” 16 Constitutional Forum 21(2007) ................................. 60

Chambre des communes, Débats, 13 avril 1874 ................................. 60

Chambre des communes, Débats, 14 mai 1886 ................................. 61

Procès-verbal de la conférence interprovinciale tenue à Québec du 20 au 28 octobre 1887 inclusivement, tiré de Cloutier, Conférences du Dominion provinciale et interprovinciales de 1887 à 1926 ................................. 61

Chambre des communes, Débats, 30 avril 1906 ................................. 61

Chambre des communes, Débats, 20 janvier 1908 ................................. 61

Sénat, débats, 5e Parl., 4e sess., le 3 mai 1886 ................................. 61

MACKAY, Robert, The Unreformed Senate of Canada, London, Oxford University Press, 1926 ................................. 62

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (no 2) de 1949 ..................... 65,70,141

STRAYER, Barry, « Ken Lysyk and the Patriation Reference » (2005) 38 U.B.C. L. Rev. 423 à 425 ............................ 65,67

HURLEY, James Ross, Amending Canada’s Constitution, History, Processes, Problems and Prospects (Ottawa: Minister of Supply and Services, 1996) ............................ 67,69

STRAYER, Barry L., « Saskatchewan and the Amendment of the Canadian Constitution » (1967) 12 McGill, L.J. 443 ................................. 67

BAYEFSKY, Anne, Canada’s Constitution Act 1982 & Amendments: A Documentary History (Toronto: McGraw-Hill Ryerson, 1989), Vol. I et II ....................... 68,72,73

Loi sur les langues officielles, R.C.S. 1985, c. 31 (4e Supp) ................... 70,111,143

78

Exposé de Procureur général du Canada Sources

AUTRES (suite) ................................................................................................ Paragraphe(s)

La Modification de la Constitution du Canada, L’honorable Guy Favreau, ministre de la Justice, Ottawa, Ontario, février 1965 (le Livre blanc Favreau) ..................... 72,77,202

TREMBLAY, André, La réforme de la Constitution du Canada, 1995, Montréal, Les éditions Thémis, Formule Fulton-Favreau (1964) ................................. 73

Charte de Victoria (1971), art. 55(2)(3) ...... 73,74,75,76,77,146

La modification de la Constitution du Canada, Bureau des relations fédérales-provinciales, ministre des Approvision-nements et Services Canada, 1990 ................................. 73

Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, no 53, le 4 février 1981 ................................. 78

DAWSON, Mary, From the Backroom to the Frontline: Making Constitutional History or Encounters with the Constitution: Patriation, Meech Lake, and Charlottetown, (2012) 57 : 4 McGill, LJ 955 ................................. 88

L’honorable I. BINNIE, Constitutional Interpretation and Original Intent, (2004) 23 S.C.L.R. (2d) ................................. 91

First Report of the Joint Committee on the House of Lords Reform, 2002-03 ................................. 92

Parliament Act 1911, c. 13 ................................. 92

House of Lords Act 1999, c. 34 ................................. 92

Term 17 of the Terms of Union of Newfoundland with Canada ................................. 94

CÔTÉ, Pierre-André, The Interpretation of Legislation in Canada, 3e éd., Scarborough, Carswell, 2000; Interprétation des lois, 4e édition ................................. 99

Projet de loi 64, Loi concernant la sélection des candidats sénatoriaux, 2e Session, 57e Législature, Nouveau-Brunswick. 60-61 Elizabeth II, 2011-2012 ............................... 115

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002 ch.1, art. 64(1.1) ............................... 125

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 21.08(2) ............................... 125

79

Exposé de Procureur général du Canada Sources

AUTRES (suite) ................................................................................................ Paragraphe(s)

Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002., ch. 29, art. 38 ............................... 125

MONAHAN, Patrick J., Constitutional Law, 4e éd., Toronto, Irwin Law, 2013 ............................... 128

PELLETIER, Benoît, La modification constitutionnelle au Canada, Scarbourough (Ont.), Carswell, 1996 ........................ 129,177

CHEFFINS, R.I. et P.A. Johnson, The Revised Canadian Constitution: Politics as Law, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, 1986 ............................... 129

BRUN, Henri, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 5e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009 ............................... 129

Alberta, Senatorial Selection Act, R.S.A. 2000, c S-5s. 3(1) and (2) ................. 151,156,171

Saskatchewan, An Act to provide for the Election of Saskatchewan Senate Nominees, 2009 Chapter S-46.003 s. 3(b) ............................... 151

British Columbia Bill 17, Senate Nominee Election Act , s. 5 ............................... 151

Loi référendaire, L.C. 1992, ch. 30 ............................... 155

La Loi sur la consultation populaire, L.R.Q. c. C-64.1 (incorporant des parties de la Loi électorale) ............................... 155

La réforme du Sénat – document de travail, ministre de la Justice Mark MacGuigan (1983) ............................... 201

______________

80 Attestation des procureurs

A T T E S T A T I O N Nous, soussignés, pour le Procureur général du Canada, attestons que le présent

mémoire est conforme aux Règles de procédure de la Cour d'appel du Québec en matière

civile.

Temps alloué par la Cour pour la présentation orale de nos arguments : 120 minutes. Montréal, le 31 juillet 2013

_____________________________________ Procureur général du Canada (Me David Lucas) (Me Alexander Pless) (Me Marc Ribeiro) (Me Warren J. Newman, Ad.E) Avocats du Procureur général du Canada