Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvre
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U N I V E R S I T E P A R I S - S O R B O N N E
Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l'Information et de la Communication
MASTER PROFESSIONNEL 2e année Option : COMMUNICATION POLITIQUE ET DES INSTITUTIONS PUBLIQUES
" L’OUVERTURE DU DEPARTEMENT DES ARTS DE L’ISLAM AU LOUVRE, UN PROJET CULTUREL ET SES ENJEUX POLITIQUES "
Préparé sous la direction de Mme le Professeur Véronique Richard, Directeur du CELSA
à la suite du stage effectué à " CSUPER ! "
Nom et Prénom(s) : HENQUET Violette Promotion : 2011 / 2012
Option : Communication politique et des institutions publiques
Soutenu le : 12 / 11 /2012 Mention : Bien
Note du mémoire : 17/20
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REMERCIEMENTS
En préambule de ce mémoire, je tiens à adresser mes plus sincères remerciements
à Françoise Boursin et Thierry Pariente qui, en leur qualité de directeurs de mémoire, ont
su m’accorder leur attention, de leur temps et surtout de leur esprit critique. Ils m’ont
permis d’avancer sereinement dans mon travail tout en me prodiguant de très bons
conseils.
J'aimerais également remercier Myriam Berkane, ainsi que Sonia Dayan-Herzbrun,
qui m’ont apporté, lors de nos entretiens, une aide précieuse et ont enrichi mon mémoire.
Sans ces échanges, je serais certainement passée à côté de beaucoup de choses.
La rédaction de ce mémoire est venue s’inscrire dans la continuité de mon stage à
l’agence CSUPER!. Cette expérience a été très importante dans mon parcours
professionnel. Je souhaite remercier tout particulièrement Bastoun Talec et Vincent
Bouvier, directeurs associés de l’agence, qui ont manifesté un grand intérêt à mon travail
de recherche. Ils m’ont à la fois permis de prolonger ma présence à l’agence et de
participer à la visite de chantier, ainsi qu’à l’inauguration du nouveau département. Par
ailleurs, je tiens à adresser ma reconnaissance à Nora Ouaddi et Nathalie Pagniez, qui ont
su m’enseigner une méthode de travail et ont fait preuve d’une grande patience en suivant
mes premiers pas en tant que chef de projet chez CSUPER!.
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SOMMAIRE
Remerciements
INTRODUCTION
PARTIE 1 : Regards sur l’islam, regards sur l’Orient : entre peur et fascination
de l’altérite religieuse
Introduction partielle
I. Le choc des civilisations et la menace islamiste
A/ La culture : futur enjeu des relations internationales
1) Théorie de Samuel Huntington
2) Une thèse dangereuse et peu crédible
3) Mise en parallèle avec l’actualité : le choc islam / Occident
B/ Image réelle, image vécue : l’islam est une religion aux multiples visages
1) L’islam, unité ou diversité ?
2) Comprendre l’islamisme, explications de Daryush Shayegan
II. Islam versus Orient : analyser des influences contradictoires a l’origine de
notre jugement
A/ Une religion hyper médiatisée en France
1) Réalités et perceptions de l’implantation de l’islam en France
a- Réalités sociologiques : l’évolution de l’islam en France
b- Opinion publique et islam : les limites de la tolérance
2) Compatibilité de l’islam et des valeurs occidentales
B/ Regards sur l’Orient ou le fantasme de l’Occident
1) Relations diplomatiques entre la France et le Moyen-Orient : une histoire pleine de
péripéties
2) De la découverte de l’art islamique à l’orientalisme
3) L’Orient, miroir en creux de l’Occident
Conclusion partielle
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PARTIE 2 : Le Louvre, un acteur engagé dans une politique de dialogue culturel
Introduction partielle
I. Vers un nouveau modèle de la diplomatie culturelle
A/ De nouveaux enjeux pour la diplomatie culturelle
1) L’influence culturelle ou l’art de promouvoir sa culture
a- La diplomatie culturelle, un enjeu de pouvoir
b- Le cas de la France : une diplomatie culturelle précoce
2) Les effets de la mondialisation sur la politique culturelle
3) De la diffusion à la coopération : évolution d’une éthique culturelle
B/ Le Louvre, emblème d’une nouvelle politique culturelle ?
1) Un symbole français à portée internationale
2) Vers une nouvelle économie de la culture
a- Mécénat culturel, un nouveau type de partenariat entre secteur privé et
secteur culturel
b- Le cas du Louvre, une institution au système de financement innovant
II. Le département des Arts de l’Islam, l’ambition de changer notre regard sur
l’islam
A/ « Un voile mordoré » sur le nouveau département
1) La construction architecturale
2) Un évènement à part entière : les retombées presse
B/ Une offre culturelle enfin révélée
1) Histoire de la collection d’art oriental du Louvre
2) Médiation culturelle et aménagement de l’espace muséographique
Conclusion partielle
PARTIE 3 : Donner de l’écho a l’inauguration du nouveau département,
l’occasion de redynamiser l’image du Louvre
Introduction partielle
I. Réflexion sur les besoins du musée et les axes stratégiques à investir
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A/ Renouveler l’image du Louvre, un nouveau défi
1) L’identité du Louvre, une image trop figée ?
2) Le département des Arts de l’Islam, un projet artistique et politique
B/ Etat des lieux des outils de communication du Louvre
1) Le site du Louvre, un atout pour sa notoriété
2) Une identité graphique dépassée
C/ Etude du public et définition des objectifs
1) Etude sur les perceptions et les attentes du public
2) Demande, objectifs et enjeux du nouveau département
II. Conception et réalisation de la campagne de communication
A/ Création d’une identité graphique : refléter la majesté du lieu
1) Observatoire
a- Les références à l’islam
b- La composition de l’affiche
c- L’importance du message
d- La place de l’émetteur et du récepteur
2) Une direction artistique à l’œuvre
a- Les visuels-concepts proposés
b- L’affiche finale : un choix discutable
B/ Développement de l’interactivité du musée avec son public
1) Investir les réseaux sociaux
a- Choisir des réseaux sociaux pertinents
b- Une audience particulièrement développée sur Facebook pour le Louvre
2) Proposer un plan d’action pour soutenir l’inauguration du nouveau département
a- La mise en place d’une programmation évènementielle
b- Accompagner l’inauguration sur les réseaux sociaux
Conclusion partielle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Résumé
Mots clés
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INTRODUCTION
11 février 2006 : des manifestations de 2 000 personnes et 7 000 personnes se
tiennent à Strasbourg et à Paris pour protester contre la publication des douze caricatures
de Mahomet dans France Soir et Charlie Hebdo. Ces dessins du prophète, dont un
représentant Mahomet coiffé d’une bombe en guise de turban, ont déjà été publiés dans le
journal danois Jyllands-Posten pour répondre à une accusation d’autocensure de la
presse. Alors que le Conseil Français du Culte Musulman a annoncé la veille sa décision
de mener l’affaire devant la justice, les manifestants réclament un plus grand respect des
religions. Diffusées mondialement, ces caricatures ont suscité une grande polémique dans
les médias français et ont été l’occasion de réaffirmer la liberté d’expression et de
revaloriser le dessin de presse.
8 décembre 2011 : c’est la première fois en France qu’un théâtre est mis sous
protection policière pour assurer le bon déroulement d’une représentation. Alors que
Rodrigo Garcia s’apprête à donner sa première représentation à Paris de « Golgota
picnic », des catholiques se mobilisent pour exprimer leur mécontentement contre ce qu’ils
appellent un « blasphème » contre Jésus Christ. Déjà, Roméo Castelluci avait dû faire
face à de violentes critiques sur sa pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu », qui
mettait en scène un homme désespéré face à l’absence de Dieu dans les moments les
plus difficiles de sa vie. « Golgota picnic » est un réquisitoire sévère contre la religion
catholique, et plus précisément contre Jésus présenté comme un « leader populiste qui a
manqué son coup »1. Mais son auteur garde de l’humour en présentant sa critique qui
touche aussi bien la religion catholique, que la société ou les turpitudes de l’Homme. Les
deux pièces ont suscité de fortes protestations (injures, menaces d’attentat, processions,
etc.) de la part des groupes ultra-catholiques rassemblés pour l’occasion.
« Islamophobie », « christianophobie », des mots qui reviennent souvent dans la
presse pour évoquer les provocations antireligieuses. Face à ces ferventes
démonstrations, l’Observatoire de la liberté de création, institué par la Ligue des droits de
l’Homme, rappelle que « le délit de blasphème n’existe pas en France. Chacun est libre de
représenter et de critiquer les religions. […] Le débat sur les œuvres est légitime. Il est
même le symbole de la démocratie quand il fait s’affronter des points de vue divergents
qui ne sont pas toujours conciliables »2.
1 Raphaël de GUBERNATIS. « "Golgota picnic" : intolérance et malentendus ». Le Nouvel Observateur, le
09 décembre 2011. 2 Ibid.
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Représentations de l’islam
L’islam est à l’origine de beaucoup plus de polémiques que la religion chrétienne.
Viande hallal, port du voile, mariages forcés ou encore interdiction de représenter le
prophète, on ne compte plus les nombreux sujets qui font débat. En les médiatisant, la
presse participe, parfois malgré elle, à la stigmatisation des musulmans. Pourtant, c’est la
première à noter l’image dégradée dont souffre cette religion : « La représentation de
l'islam n'a jamais été positive en France » (Le Point3), « Les représentations du débat
public voient l'islam comme une religion particulièrement retardée » (Le Monde4), « L'islam
vu comme "une menace" en France » (Le Point5). Ce que l’on montre de l’islam, à travers
une vision assez stéréotypée, c’est avant tout son altérité. Forte alors est la tentation de
considérer l’islam comme un élément incompatible avec l’identité française. Mais si une
appartenance culturelle à une communauté ne prend sens que dans sa différence avec
les autres, qui la définissent et la délimitent, alors mettre en avant les particularités de la
culture musulmane est peut-être un moyen de pallier un malaise identitaire proprement
français.
Si les politiques ont un rôle essentiel à jouer dans la protection des droits de
l’homme et des valeurs républicaines, ils ont aussi une certaine responsabilité dans la
diffusion d’une image négative de l’islam. Alors que le débat sur l’identité nationale est au
cœur de l’actualité, les groupes politiques légifèrent pour tenter de poser des frontières
entre les pratiques culturelles acceptables et celles qui ne le sont pas. Il s’agit de
circonscrire certaines habitudes jugées trop éloignées de la culture et des valeurs
politiques françaises. Dans certains cas en effet, certains préceptes religieux vont à
l’encontre des principes républicains. Les deux évènements cités plus haut en sont de
bons exemples. L’islam serait-il une religion incompatible avec les valeurs d’un Etat de
droit ? La République, régie par des principes de liberté d’expression et de laïcité, aurait-
elle aujourd’hui des difficultés à imposer sa vision du monde dans un pays comme la
France ? Ce serait faire de dangereux raccourcis que de l’affirmer. Comme nous l’avons
vu, toute religion possède ses intégristes et ce n’est pas par ses positions extrêmes que
l’on juge une religion.
Parallèlement, au niveau international, les évènements tragiques qui témoignent de
la radicalisation de l’islam véhiculent l’image d’une menace pour le monde occidental.
3 Interview de Franck FREGOSI. « La représentation de l'islam n'a jamais été positive en France », Le Point,
le 7 janvier 2011. 4 Débat avec Dounia BOUZAR. « Les représentations du débat public voient l'islam comme une religion
particulièrement retardée ». Le Monde, le 19 janvier 2010. 5 « L'islam vu comme "une menace" en France ». Le Point, le 5 janvier 2011.
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L’amalgame entre islam et terrorisme est devenu monnaie courante. Oubliant que les
premières victimes de l’islamisme sont les musulmans, les manifestations de violence,
terrorisme de masse ou attentats suicides, alimentent un sentiment de peur dans le
monde occidental. Présenté comme un élément perturbateur des relations internationales
et de la cohésion sociale, l’islam apparait comme un ennemi de l’Occident. L’idée d’un
antagonisme profond entre monde chrétien et monde musulman n’est d’ailleurs pas
nouvelle : elle a été largement diffusée par la théorie du choc des civilisations de Samuel
Huntington. Cristallisant une rupture diplomatique entre Orient et Occident, le 11
septembre a souvent été considéré comme un évènement prouvant cette théorie. Pourtant
la mondialisation et les flux d’échanges qu’elle génère semblent invalider cette conception
du monde. En effet, dans les grandes métropoles surtout, l’interpénétration des cultures
est de plus en plus visible. Reprenant le modèle du melting pot, les grandes villes
cherchent d’ailleurs souvent à mettre en avant leur cosmopolitisme, leur caractère vivant
et ouvert sur le monde.
Promouvoir la diversité culturelle, une obligation démocratique
« Plus la sphère de ce qui est mondialisé s’accroit, plus l’ampleur des différences à
appréhender augmente. Tel caractère, telle originalité, naguère confinés dans un territoire,
une culture, une histoire bien déterminés, apparaissent aujourd’hui comme une des
figures communes de l’universel, et s’offrent comme élément du patrimoine vivant de
l’humanité, qui s’y voit donner un accès presque sans limites ».
Cet extrait du discours de Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO, à
l’occasion du Forum économique international des Amériques qui s’est tenu le 6 juin 2006
à Montréal, souligne l’importance des évolutions permises par les nouvelles techniques
d’information et de communication. L’utilisation d’Internet comme nouveau canal de
communication permet de réduire les délais de transmission de l’information et rapproche
des espaces autrefois considérés comme lointains. Marquant le caractère définitivement
politique des enjeux culturels, K. Maatsura évoque l’importance de protéger la diversité
culturelle dans un contexte de mondialisation. Perçue comme une menace ou comme une
opportunité, la mondialisation permet de diffuser des modèles très ancrés territorialement.
Les Etats cherchent aujourd’hui un cadre éthique et des moyens d’action concrets
pour développer leur richesse culturelle sur le plan international, tout en respectant et en
valorisant la diversité culturelle au niveau national. Des objectifs qui, au premier regard,
peuvent paraître contradictoires, mais qui sont pourtant essentiels pour concilier au sein
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d’une même société des identités variées et pour garantir une certaine cohésion sociale.
La diversité, terme clé des politiques culturelles, fait écho à la notion de pluralisme,
indispensable au système démocratique. Veiller au respect du pluralisme permet de
maintenir effectives les libertés de chacun, qu’il s’agisse des modes de pensée, des
religions, des cultures ou des identités. C’est une des missions principales de toute
politique culturelle.
Longtemps animée par une volonté quasiment impérialiste de diffuser son modèle
culturel, la France se tourne aujourd’hui davantage vers une politique de coopération
culturelle. C’est ainsi que se mettent en place progressivement des partenariats avec des
acteurs culturels et diplomatiques du monde arabe.
Le département des Arts de l’Islam au Louvre
Face à l’image négative de l’islam, on voit certains acteurs culturels se manifester.
Ils donnent alors à la culture issue des pays musulmans l’occasion de montrer
publiquement sa valeur. L’Institut du Monde Arabe (IMA), et plus récemment l’Institut des
Cultures d’Islam (ICI), organisent des évènements artistiques et culturels (expositions,
projections de films, conférences, etc.) et participent ainsi activement à cette
revalorisation. On parle même aujourd’hui d’un engouement pour les arts de l’Islam :
« Depuis quelques années, l’art islamique est au cœur des politiques culturelles de
plusieurs musées, en particulier en France, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. De
façon générale, ces musées ont reçu le soutien financier de mécènes saoudiens, turcs,
iraniens et perso-américains »6.
C’est maintenant au Louvre d’enrichir ses collections – ou plutôt de dévoiler au
public des œuvres jusque-là en cours de restauration – et d’ouvrir un nouveau
département : le département des Arts de l’Islam. Musée vaste et prestigieux, réputé pour
son caractère universel, voire encyclopédique, l’installation d’une collection dédiée aux
arts de l’Islam au Louvre sonne comme une consécration. Le Louvre, en regroupant des
œuvres allant du VIIIème au XIXème siècle, se penche sur l’aspect historique et
civilisationnel de la culture islamique, tout en explorant les subtilités de la dimension
artistique des objets exposés. Le département est mis en valeur par une œuvre
architecturale construite par Mario Bellini et Rudy Ricciotti. Cette « dune » -- telle qu’elle
6 Anne-Lucie CHAIGNE-OUDIN. « Art islamique : l’engouement des musées européens et américains ». Les
clés du Moyen-Orient, le 21 décembre 2010.
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est nommée par le Louvre – fait suite au succès de la pyramide de Pei. Sa grande
médiatisation permettra d’accueillir le nouveau département en grandes pompes.
« Notre volonté c’est de faire partager la beauté, la grandeur, l’intérêt, la nécessité
de connaître et de savoir quelque chose sur les arts de l’islam par l’ensemble des
Français »7 affirme Henry Loyrette à propos du projet. Le directeur du Louvre reconnaît ici
le besoin, encore trop peu comblé en France, de connaissance de la civilisation islamique.
La mission du Louvre est alors non seulement de diffuser un savoir sur l’Islam, mais aussi
d’expliquer le processus de création d’une civilisation, dans laquelle on retrouve toujours
de multiples influences culturelles étrangères. Le Louvre participe donc à créer des ponts
entre Orient et Occident dans l’objectif de les réconcilier.
* * *
Le choix du sujet
Les nombreux discours faisant référence à l’islam, aussi contradictoires soient-ils,
m’ont interpellée. C’est un sujet qui a d’ailleurs été très présent dans les débats
accompagnant la campagne électorale cette année à travers le thème de l’immigration.
L’islam est également réapparu sur la scène médiatique à l’occasion des attentats de
Toulouse, puis avec la parution des caricatures du prophète dans Charlie Hebdo en
septembre 2012. Il m’a semblé intéressant d’analyser l’islam sous un autre angle et de
voir l’implication de ses représentations sur le domaine artistique.
Au croisement de problématiques à la fois culturelles et politiques, l’ouverture du
département des Arts de l’Islam au Louvre était alors l’occasion pour moi d’aborder des
questions très larges et très actuelles. Dans un contexte de rejet de l’islam, j’ai été
curieuse de savoir comment le Louvre pouvait aborder positivement cette religion. En
effet, cette grande institution possède une image de prestige à défendre et une réputation
internationale à faire fructifier. Le musée du Louvre ne pouvait donc pas se permettre
d’être sujet aux polémiques.
Du point de vue purement communicationnel, ce sujet brasse également des
questions très diverses. Mon mémoire tente d’aborder à la fois l’image d’un fait social -
plus précisément d’une culture issue d’une religion - l’identité d’une grande institution
comme le Louvre et la communication sur un évènement, l’ouverture d’un nouveau
7 Henry Loyrette, dans la vidéo « La part lumineuse d’une grande civilisation » sur le site du Louvre :
http://www.louvre.fr/le-nouveau-departement-des-arts-de-l-islam/departement#tabs
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département. A la fois outil d’éducation et objet de plaisir, l’art recouvre également ici une
fonction diplomatique en tissant des partenariats avec des pays étrangers. En effet, à
travers le Louvre, symbole des institutions culturelles françaises, c’est l’image de la France
qui est en jeu.
Par ailleurs, l’agence dans laquelle j’ai effectué mon stage cette année a été
sélectionnée à l’appel d’offres pour réaliser la campagne de communication de l’ouverture
du département des Arts de l’Islam au Louvre. J’ai donc eu l’occasion de mieux
comprendre les attentes du Louvre, ses intentions et ses ambitions, mais aussi de voir
comment se construisait la stratégie de communication pour accompagner un tel
évènement.
* * *
Problématique et hypothèses
Dans ce contexte médiatique et politique, comment apaiser les tensions sociales
attisées par les différences de culte et de pratiques culturelles ? Comment porter un
nouveau regard sur l’islam ? Qu’en est-il du fossé entre Orient et Occident : est-ce une
conception dépassée ou une réalité ? Comment mettre en place et développer une
politique de coopération culturelle ? En quoi les affaires culturelles peuvent-elles servir la
réputation d’un pays ? Comment faire valoir son offre culturelle à l’étranger ?
Ce sont toutes ces questions qui m’ont amenée à la problématique centrale de mon
mémoire : Comment le Louvre envisage-t-il une politique culturelle moderne et
pertinente à l’égard des arts de l’Islam?
C’est en m’appuyant sur les trois hypothèses suivantes que je tenterai de trouver des
éléments de réponse.
1. Revaloriser l’image de l’islam est un objectif politique qui vise à développer la
cohésion sociale.
Deuxième religion en France, l’islam rassemble une grande partie de la population. Face
aux nombreuses hostilités que ses pratiques suscitent, les musulmans se sentent rejetés.
Or, assumer librement une identité française et musulmane est un droit affirmé par la
République. En effet, la laïcité, telle qu’elle est décrite dans la loi de 1905, suppose une
séparation stricte de la vie politique et de la vie religieuse et implique donc une
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indifférence totale de l’Etat vis-à-vis des opinions et des pratiques religieuses. Par ailleurs,
favoriser la tolérance religieuse permet de prévenir toute dérive extrémiste. Il s’agit ici de
démentir la théorie du choc des civilisations qui a souvent servi à justifier des
affrontements politiques ou militaires. En faisant de la différence culturelle la raison d’un
conflit entre nations, elle a paralysé les représentations et a forgé une image de l’altérité
comme d’une menace. L’enjeu est aujourd’hui de détruire les préjugés qui collent à l’islam
et d’encourager la compréhension mutuelle des individus en respectant leur identité
culturelle.
2. La France tente de renouveler sa politique culturelle en misant sur la coopération
culturelle et le dialogue des cultures.
« Coopération », « dialogue des cultures » sont des expressions que l’on retrouve souvent
dans les discours politiques. Mais sont-ils les témoins d’un véritable changement dans
l’orientation de la politique culturelle française ? Il s‘agit de comprendre l’évolution de cette
politique et de montrer les implications concrètes de ces idées politiques sur le plan
national. L’objectif politique est alors de faire de la culture un outil capable d’améliorer les
conditions du « vivre ensemble ». Au niveau international, la culture devient un véritable
outil de communication au service d’un Etat. Elle permet de diffuser le modèle culturel
français à l’étranger et donc de le faire exister médiatiquement. C’est également un
pouvoir diplomatique. Souvent qualifiée de soft power, la culture a un véritable rôle au sein
des relations internationales. Elle institutionnalise des échanges et tisse des liens
diplomatiques durables avec les autres nations.
3. L’ouverture du département des Arts de l’Islam est une opportunité pour le
Louvre de réaffirmer son identité prestigieuse et de redynamiser son image.
Dans cette partie, j’aurai l’occasion de faire quelques préconisations, et notamment
d’expliquer les partis pris par l’agence CSUPER! dans la réalisation de la campagne de
communication du Louvre. J’essaierai dans un premier temps de cerner l’identité du
musée du Louvre pour mieux comprendre ses besoins et les attentes de son public. Puis,
je m’intéresserai davantage au projet du département des Arts de l’Islam afin de mieux en
saisir les enjeux. Le Louvre a déjà su attirer l’attention médiatique en ouvrant le chantier
du département aux journalistes. Aujourd’hui, il s’agit de s’adresser au grand public et le
Louvre espère en séduire de nouveaux. Le défi est donc d’attirer l’attention tout en évitant
la polémique qu’une institution aussi réputée que le Louvre supporterait mal. Le musée
tente également par ce projet de réaffirmer certaines de ses valeurs, telles que
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l’universalisme ou l’ouverture culturelle, et de se positionner comme une institution
innovante, en communiquant sur sa politique active de mécénat, sur sa capacité à créer
de nouveaux partenariats en France comme à l’étranger et à rendre ses collections
accessibles à tous les publics.
* * *
Méthodologie
Afin de vérifier ces hypothèses, j’ai d’abord lu un ensemble d’ouvrages et d’articles
sur les thèmes de la politique et la diplomatie culturelle, sur la représentation de l’Orient et
de l’islam sur le plan national et international ou encore sur les arts de l’Islam, leur place et
l’attention qu’on leur porte en France. Cet apport théorique m’a permis d’avoir un premier
regard sur ces sujets et de les aborder selon différents angles, à la fois politique,
sociologique et communicationnel.
Dans un deuxième temps, je me suis intéressée aux discours du Louvre. J’ai donc
exploré le site web du musée et je me suis procurée quelques dossiers de presse traitant
des publics du Louvre, de sa politique de mécénat, de sa muséographie pour le nouveau
département, de son architecture, etc. J’ai d’ailleurs eu la chance de visiter le département
des Arts de l’Islam en avant première, alors que le chantier était encore en cours et de
participer à l’inauguration afin de mieux visualiser les espaces et les aménagements
muséographiques. J’ai alors réuni un corpus d’articles de presse, décrivant l’architecture
du nouveau département, afin d’analyser le sens d’une construction d’une telle envergure
et d’en mesurer les retombées médiatiques.
Parallèlement, j’ai rencontré deux personnes qui m’ont livré leur point de vue sur
ces questions. Sonia Dayan-Herzbrun, professeur de sociologie à l’université Paris-
Diderot et présidente de l’association « Islam et Laïcité », a fait de nombreuses
recherches sur la perception de l’islam en Occident. Myriam Berkane, travaillant à l’Union
des Organisations Islamiques de France (UOIF), participe, quant à elle, activement à la
défense d’une image d’un islam français modéré. Ces points de vue m’ont permis de
relativiser mes propos et d’enrichir mes réflexions sur ces problématiques.
Enfin, j’ai procédé à une analyse sémiologique détaillée de plusieurs séries
d’affiches réalisées pour la promotion d’expositions ayant trait à la culture islamique ou
pour l’ouverture ou la réouverture de lieux culturels. Cette comparaison m’a permis à la
fois de resituer la communication du Louvre par rapport aux autres institutions culturelles,
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mais aussi de discerner les éléments efficaces, visibles et cohérents dans différentes
campagnes de communication. Cet observatoire a été une première étape dans la
construction du visuel-clé illustrant le nouveau département.
* * *
Annonce de plan
Ces outils ont permis d’alimenter mon mémoire qui s’articule en trois parties. La
première partie s’intéresse à l’image que nous avons de l’islam et celle très distincte de
l’Orient. Aussi bien sur le plan national qu’international, l’islam souffre de préjugés,
d’amalgames, de fausses idées qui polluent notre jugement. Il ne s’agit pas seulement
d’identifier nos images, mais aussi de les comprendre, c’est-à-dire d’analyser leur origine,
leur part de vérité et de mieux évaluer leurs implications sociales, politiques et culturelles.
La théorie du choc des civilisations semble entrer en concordance avec la menace
islamiste qui pèse sur les pays occidentaux. Parallèlement, en France, l’islam est l’objet de
nombreux débats qui remettent sans cesse en question sa compatibilité avec les valeurs
républicaines. Cependant, il ne faut pas évacuer la diversité de l’islam, qui regroupe
différents courants, différentes pratiques et qui nous interdit de plaquer un regard
homogène sur cette religion. Confronter l’image perçue et l’image réelle de l’islam se
révèle alors très intéressant. Contrairement à celle de l’islam, la perception de l’Orient est
beaucoup plus positive et semble échapper à toute polémique. Notre vision de l’islam et
de l’Orient est finalement encombrée d’images contradictoires que je tenterai de démêler.
La deuxième partie cherche à retracer l’évolution d’une politique culturelle française
et s’intéresse à l’image culturelle de la France à l’extérieur. Face à la mondialisation et ses
implications, l’importance de la diplomatie culturelle va grandissante. Enjeu primordial des
relations internationales, elle tente aujourd’hui de se développer suivant une nouvelle
éthique. En effet, la France, longtemps enfermée dans son statut de grande puissance,
doit aujourd’hui s’adapter à un nouveau contexte et faire face à de nouveaux défis. La
politique de rayonnement culturel semble se tourner vers davantage de coopération en
multipliant les partenariats. Le Louvre, emblème de la culture française à l’étranger, se
veut être un modèle de cette nouvelle politique culturelle. Dans cette optique, il tente de
s’appuyer plus fortement sur le mécénat et entretient avec ferveur ses relations avec des
institutions à l’étranger. La présentation du projet architectural et muséographique du
nouveau département me permettra ensuite de mieux cerner l’ampleur de l’opération.
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Cette étape m’a paru indispensable avant d’aborder la partie communicationnelle de ce
mémoire.
Plus pratique que théorique, la troisième partie focalise sur la campagne de
communication pour l’ouverture du département des Arts de l’Islam. Grâce à plusieurs
études réalisées ou commandées par le musée du Louvre, je pourrai analyser les enjeux
liés à l’ouverture du nouveau département. Malgré sa réputation et son prestige, le Louvre
n’entre pas en parfaite concordance avec les attentes de son public. Le projet du
département des Arts de l’Islam est alors une occasion d’augmenter sa notoriété et
d’améliorer l’image du musée. Il s’agit ici de comprendre la mission politique et artistique
que se donne le Louvre en ouvrant ces nouveaux espaces. En faisant un état des lieux de
la communication du musée, notamment de sa communication imprimée et de son site
internet, je regarderai quels sont les outils les plus pertinents pour valoriser ce projet et
envisagerai des optimisations possibles. Ce travail m’amènera finalement à faire émerger
quelques recommandations quant à la création graphique du visuel-clé qui illustrera le
nouveau département. Par ailleurs, et en me basant sur des propositions sur lesquelles j’ai
pu travailler au sein de l’agence CSUPER!, je proposerai la mise en place d’une stratégie
de communication adaptée aux réseaux sociaux.
19
PARTIE 1
REGARDS SUR L’ISLAM, REGARDS SUR L’ORIENT :
ENTRE PEUR ET FASCINATION DE L’ALTERITE RELIGIEUSE
20
21
Introduction partielle
Ce sont d’abord des questionnements très personnels sur les débats de société
actuels qui m’ont amenée à m’intéresser à l’islam. Cette religion est présente dans notre
vie quotidienne, à travers nos relations personnelles et professionnelles, à travers l’espace
public où elle est visible ou encore dans les médias qui ne cessent d’en parler. Avant
d’aborder le département des Arts de l’Islam au Louvre, j’ai choisi de m’intéresser à son
objet et à ses représentations afin de mieux saisir les enjeux politiques de l’exposition et
d’envisager les effets de sens qu’elle peut recouvrir. Il s’agit, en m’ouvrant à des questions
plus générales, de montrer en quoi revaloriser l’image de l’islam est un objectif politique
nécessaire à la cohésion sociale.
Je traiterai donc dans cette première partie des représentations de l’islam, de leurs
origines et de leurs implications. Dans un premier temps, je tenterai de comprendre
pourquoi l’islam nous apparait le plus souvent sous les traits d’une religion menaçante en
portant ma réflexion à l’échelle internationale. Puis, je m’intéresserai aux problématiques
liées à l’islam sur le plan national, et notamment à l’intégration des populations
musulmanes dans un système républicain. Cette partie a également été l’occasion
d’aborder le thème de l’Orient, sa connotation, sa représentation et son histoire en France.
I. LE CHOC DES CIVILISATIONS ET LA MENACE ISLAMISTE
En partant d’une théorie, celle du choc des civilisations, et des récents évènements
qui ont impliqué cette religion, je m’attacherai à retracer la construction de l’image de
l’islam dans le monde. Mon objectif est également ici de délimiter plus nettement les
sphères religieuse et politique qui séparent l’islam de l’islamisme.
A/ La culture : futur enjeu des relations internationales
1) Théorie de Samuel Huntington
« Les fanatiques, la vérité sur le danger salafiste », « pourquoi il faut défendre le
droit au blasphème contre les fanatiques », « comment le pouvoir protège les salafistes »8,
le dernier numéro de Marianne semble vouloir instaurer un climat de terreur. En abordant
le débat sur les caricatures publiées récemment par Charlie Hebdo, la revue réaffirme le
8 Titres du magazine Marianne, n° 805, 28 septembre 2012.
22
droit au blasphème et la primauté de la liberté d’expression sur le respect de la croyance
religieuse. Islam et République semblent alors s’inscrire dans un conflit de valeurs
inéluctable. Mais il ne s’agit « pas seulement de religion […] mais bel et bien de
civilisations »9. L’article fait explicitement référence à la thèse de Samuel Huntington sur le
choc des civilisations, lui-même inspiré des idées de Fernand Braudel dans son analyse
des civilisations méditerranéennes.
En 1989, la chute du mur de Berlin marque la fin d’une séparation idéologique du
monde. Comme s’il fallait trouver une nouvelle menace, Samuel Huntington diffuse une
théorie prédisant l’affrontement prochain des civilisations. Après les guerres de religion,
les mouvements de conquête territoriale et les affrontements idéologiques, le facteur de
conflit deviendrait culturel. Les différences culturelles, irréductibles, conduiraient à une
incompréhension mutuelle des civilisations et à leur rupture, par confinement ou par
affrontement. S. Huntington distingue huit grands modèles de civilisation : occidental
(Amérique du Nord, Europe, Océanie), sud-américain, slave et orthodoxe, japonais,
hindou, confucéen (Chine), islamique, africain. Le jeu des alliances entre les civilisations
deviendrait alors une préoccupation primordiale dans les relations internationales. Dans sa
vision de l’avenir, l’auteur imagine la Chine comme une alliée du monde musulman. Pour y
faire face, il conseille aux pays occidentaux de se rapprocher dès aujourd’hui de
l’Amérique du Sud, avec laquelle ils partagent déjà un certain nombre de points communs
en matière d’histoire et de culture.
Cette thèse a connu un certain succès lors de sa première diffusion aux Etats-Unis.
Séduisant quelques intellectuels, elle a surtout trouvé un écho dans sa mise en parallèle
avec l’actualité internationale. En effet, certains conflits ont parfois été considérés comme
des signes de la prédiction avancée par Huntington. La guerre des Balkans, dans le
Caucase, qui opposait des personnes d’appartenance ethnique et religieuse différentes,
en fait partie. Mais c’est surtout le 11 septembre, avec l’attaque par des musulmans
intégristes du symbole même de la puissance occidentale, que le choc des civilisations a
fait de nouveau irruption dans l’actualité. Les attentats de 2001, présentés comme la
preuve même de la théorie du choc des civilisations, ont contribué à diffuser cette thèse
encore plus largement. Les Etats-Unis semblent considérer cet attentat comme l’occasion
pour les nations occidentales d’affirmer leur puissance et la légitimité de leurs valeurs.
Cependant, la plupart des Etats cherchent à prévenir le conflit entre islam et Occident et
préfèrent à la thèse d’Huntington les principes de défense de la diversité culturelle.
9 Jacques JULLIARD. « La défaite de la Révolution française ». Marianne, le 28 septembre 2012.
23
2) Une thèse dangereuse et peu crédible
La thèse de S. Huntington a reçue de nombreuses critiques pour diverses raisons.
On lui reproche d’abord son manque de scientificité. Trop approximative, la carte
géopolitique tracée par l’auteur fait preuve d’une grande méconnaissance des diversités
locales. La civilisation, qui n’est d’ailleurs pas définie dans son ouvrage, est une notion
très floue. Les critères qui la délimitent restent mystérieux : elle repose parfois sur une
histoire, un système politique (Europe / Etats-Unis), une langue ou une religion commune
(arabe / islam), quand elle ne se base pas sur un critère géographique (Japon). D’ailleurs,
l’auteur ne dissimule pas ses doutes puisque de huit civilisations, on passe parfois à sept,
sans que cela ne soit justifié. L’auteur semble également se passer d’une lecture plus
approfondie des conflits. Les facteurs politiques ou sociaux qui peuvent déclencher des
conflits entre des peuples de culture différente sont complètement évincés. Or, l’origine
des conflits ne vient pas toujours de la différence culturelle, mais aussi parfois d’un
déséquilibre social entre deux communautés ou d’une absence de représentation politique
de l’une d’entre elles.
Par ailleurs, la thèse du choc des civilisations oublie un phénomène majeur : la
mondialisation. Celle-ci a modifié notre rapport au monde et à l’Autre. La visibilité
croissante de la diversité culturelle dans les villes mondiales n’a pas été anticipée, pas
plus que l’interdépendance actuelle des Etats. Le multiculturalisme peut créer certaines
tensions quand les communautés culturelles n’arrivent pas à coexister, mais il est souvent
à l’origine d’une plus grande tolérance et d’une meilleure compréhension des différentes
cultures. C’est le parti qu’a pris l’UNESCO en défendant la théorie volontariste - optimiste
pour certains - selon laquelle la culture est avant tout un facteur de paix. L’organisation se
donne pour mission de « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant,
par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations »10. Au contraire, si
l’on suit la pensée de S. Huntington, ce n’est pas la protection du pluralisme mais
l’uniformisation culturelle des sociétés et le rejet de toute diversité qui permettrait de
garantir la sécurité.
La pensée de S. Huntington n’est pas sans conséquences politiques. En posant le
concept de civilisation au cœur du débat, sa théorie suppose que l’identité des individus
est prédéfinie par leur environnement culturel et reste donc immuable. Elle catégorise et
stigmatise en simplifiant une réalité beaucoup plus complexe. Erving Goffman a montré
10
Extrait du préambule de la Charte des commissions nationales pour l’UNESCO, adoptée par la Conférence générale à sa 20e session, le 28 novembre 1978.
24
très justement qu’un individu n’a pas une identité mais plusieurs, et qu’il adapte son rôle à
sa situation, à un moment et dans un espace déterminé11. Il s’agit donc de ne pas réduire
un individu à sa religion, mais de considérer celle-ci comme partie d’une multitude d’autres
caractéristiques qui déterminent une identité plurielle. Au-delà de véhiculer une vision très
pessimiste de l’homme, la thèse culturaliste d’Huntington mène au racisme et à
l’intolérance. C’est d’ailleurs une prophétie autoréalisatrice qui influence les hommes
politiques à prendre des mesures de défense et à considérer l’autre comme un être
agressif. A l’inverse, elle pousse les musulmans à la méfiance et au mépris, ce qui se
ressent déjà dans l’anti-américanisme particulièrement présent dans certains pays
musulmans. Elle inscrit les hommes dans un cercle sans fin de haine et de violence et
réduit tout espoir de coopération entre des pays de cultures différentes. Elle a d’ailleurs
nui aux relations diplomatiques américaines : G. W. Bush a détruit toute possibilité
d’alliance avec l’Iran, considéré comme une nation ennemie des Etats-Unis, dans son
combat en Afghanistan, alors même que celui-ci aurait eu intérêt à participer à la chute du
régime taliban.
3) Mise en parallèle avec l’actualité : le choc islam / Occident
L’aspect spectaculaire des attentats du 11 septembre 2001 a embrasé l’actualité et
provoqué de nombreux débats dans les discours internationaux. Au-delà de l’émotion
suscitée par ces évènements, le discours de G. W. Bush sur l’Axe du Mal12 a choqué le
monde musulman, mais aussi de nombreux pays occidentaux en désaccord avec la
politique internationale américaine. Ces évènements ont exacerbé les opinions et rendu
l’intolérance religieuse justifiable : « L’image négative des musulmans, qui existait déjà
avant, a été renforcée et surtout institutionnalisée »13, regrette Myriam Berkane.
Le terme « terrorisme », qui désigne tout acte criminel s’insurgeant contre les lois et
s’attaquant à une population civile, est plusieurs fois répété et revient alors sur le devant
de la scène médiatique. Ce mot avait déjà été employé lors du conflit israélo-palestinien
pour caractériser les actes de violence commis par des musulmans fondamentalistes.
Mais le terrorisme n’est pas spécifique ni à notre époque, ni aux cultures musulmanes. En
effet, il a été utilisé par le FLN pendant la guerre d’Algérie, par les Juifs avant la création
de l’Etat d’Israël ou encore par les Français pendant la Révolution. Expression très
11
Erving GOFFMAN. La présentation de soi (la mise en scène de la vie quotidienne, tome 1). Les Editions de Minuit, 1973. 12
Discours de Georges W. Bush sur l’état de l’Union (State of the Union address), le 29 janvier 2002. 13
Assistante du Secrétaire Général de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), BERKANE Myriam.
25
subjective, elle a tendance à paralyser le jugement en retirant toute légitimité politique aux
groupes qui s’en servent. Elle apparaît dans ce discours non comme une méthode
employée par une minorité d’islamistes, mais comme une expression capable de
rassembler toutes les menaces potentielles contre les Etats-Unis. Cette vision d’un acteur
monolithique tout entier dressé contre l’Occident fait de l’islam la principale menace pour
l’Occident. En effet, G. W. Bush ne fait pas de différence entre les groupes d’opposition,
tels le Hamas ou le Hezbollah, et les Etats faisant preuve d’anti-américanisme (Iran, Irak
et même la Corée du Nord). Toutes ces entités sont présentées comme des
manifestations du Diable : elles sont qualifiées de « maléfiques », « diaboliques » ou
encore « terribles ». C’est donc une véritable croisade que le Président des Etats-Unis a
voulu mener en opposant clairement les pays chrétiens, représentant le Bien, aux pays
musulmans, incarnant le Mal.
Alors que l’islam était encore une thématique liée aux débats européens sur
l’intégration d’une population immigrée, il devient le fer de lance d’une politique
belliqueuse. Depuis, l’islam apparaît souvent comme un facteur de trouble dans les
relations diplomatiques entre pays de tradition chrétienne et musulmane. Tout l’Occident
se sent concerné par l’effondrement des Twin Towers. L’Otan se déclare d’ailleurs
solidaire de l’offensive lancée par les Etats-Unis au Moyen-Orient. Si tous les pays
occidentaux ne sont pas prêts à suivre les Etats-Unis dans la guerre contre l’Afghanistan,
ils se sentent eux aussi menacés et mettent en place des plans Vigipirate. Le risque
islamiste est par la suite confirmé par les attentats de Londres en 2005 et de Madrid en
2004. De la même façon, la fatwa lancée contre Salman Rushdie, après la publication de
son livre « Versets sataniques »14, et l’assassinat du réalisateur néerlandais Théo Van
Gogh après la mise en ligne du court métrage « Submission »15 sur YouTube, très critique
envers la condition des femmes musulmanes, ont cultivé en Europe un sentiment de peur
envers l’islam.
B/ Image réelle, image vécue : l’islam est une religion aux multiples visages
1) L’islam, unité ou diversité ?
L’utilisation du mot « islam » dans les médias révèle une grande confusion. En
effet, représente-t-il une religion, une culture, une histoire, une idéologie, une origine
14
Salman RUSHDIE. Les versets sataniques. Pocket, 2000. 15
Théo VAN GOGH. Submission. Court métrage inachevé. 2004. Disponible sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=JgDuBobPuPQ.
26
géographique, une identité ? Il faut bien distinguer « islam » écrit avec une minuscule, qui
représente la religion à proprement parler, de l’« Islam », qui renvoie à la culture
musulmane, pourvue de son système de valeurs et de son réseau d’influences.
L’islam est une croyance qui repose sur un message simple : il s’agit avant tout de
croire en l’unicité de Dieu et en sa toute puissance. Sa pratique, accessible à tous, repose
sur cinq piliers, ce qui facilite sa diffusion. Pourtant, la taille de la communauté musulmane
– ou Oumma – composée de 1,2 milliards de fidèles, soit un tiers de la population
mondiale dispersé à travers le monde, amène par pragmatisme à considérer les multiples
contextes dans lesquels l’islam s’est développé. L’histoire de l’islam est façonnée par ses
schismes, liés eux-mêmes à la vie politique et sociale de chaque pays. Par ailleurs, l’islam
n’est pas seulement régi par le Coran, mais aussi par un droit musulman local et donc
différent selon les régions. L’islam né au VIIème siècle après JC, s’est répandu dans le
monde par trois voies : la conquête, le commerce et les flux de migration des populations.
Sans retracer l’histoire de cette religion, il est intéressant de noter que des formes
originales de l’islam se sont développées au contact de certaines cultures. Dans les
diasporas modernes par exemple, on voit émerger une nouvelle forme d’islam, beaucoup
plus en phase avec les traditions et les mœurs occidentales. Ces communautés, fruits de
la mondialisation, appuient beaucoup leur communication sur Internet. Le réseau du web
n’est pas seulement un moyen de faire de la propagande pour diffuser des théories
islamistes, mais aussi un moyen d’expression pour des personnes beaucoup plus
modérées qui tentent de vivre l’islam avec leurs temps. La diffusion virtuelle de l’islam
contribue alors à diviser les courants et à saper le monopole des autorités religieuses.
Les stéréotypes envers l’islam sont nombreux. L’islam est devenu, pour certains,
synonyme de violence, de terrorisme ou encore d’arriération. Pour d’autres, le
fondamentalisme est le signe d’une frustration pour des peuples regrettant d’avoir raté la
marche du capitalisme et qui sont aujourd’hui dépassés par la modernité occidentale. Ce
genre de réflexion montre une grande méconnaissance du monde musulman. En effet, la
diversité de l’islam, ses différentes approches et ses différentes formes, rendent toute
généralité impossible. Cette diversité est à la fois ethnique (l’islam s’est développé dans
des régions lointaines les unes des autres), religieuse (on oublie souvent que l’islam est
représenté par une multitude de courants de pensées), politique (la religion s’est
développée dans des pays gouvernés par une démocratie, une monarchie ou une
dictature) et sociale puisque l’islam est appliqué différemment selon les individus. L’islam
n’est pas un bloc uniforme, il est, au contraire, pétri par les divisions internes. Il parait
évident, et non pour le moins utile, de rappeler qu’une religion ne peut en aucun cas
27
représenter une menace. Ce sont seulement certaines de ses multiples interprétations qui
peuvent être dangereuses. Cette distinction est fondamentale car si l’islam prêche une
religion accessible à tous et donc apte à se diffuser dans toutes les régions du monde, il
n’en est pas moins extrêmement divisé.
Aujourd’hui, l’Oumma est un symbole spirituel : elle rassemble une communauté de
croyants pour réfléchir à des questions d’ordre religieux. Imaginer un système politique
capable de régir l’Oumma relève du fantasme d’une poignée d’extrémistes. Déjà divisée à
son origine, la création des Etats musulmans après la chute de l’Empire ottoman a
accéléré sa fragmentation. En acceptant le système de gouvernance mondial et les
principes qui le sous-tendent, tels que la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ou
la souveraineté nationale, les musulmans ont accepté de facto la division de l’Oumma. En
1990-1991, la guerre du Golfe a détruit les derniers liens qui unissaient les pays du
Moyen-Orient. Par la suite, toute tentative d’organisation mondiale a été relativement peu
réussie car ses membres sont attachés à défendre leurs intérêts nationaux, politiques et
économiques. Plusieurs organisations internationales ont été créées mais aucune ne
possède un pouvoir d’action. Au sein de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI),
par exemple, toutes les décisions se prennent à l’unanimité. Or, les divisions politiques et
religieuses de ses membres sont trop marquées pour s’accorder sur une ligne politique
commune. Contrairement aux idées véhiculées par Huntington, l’islam n’a jamais été une
force unie capable de représenter un pouvoir politique et ne peut donc pas être la
principale force d’opposition au libéralisme. Partager une religion n’est pas une
caractéristique suffisante pour permettre une position unitaire et cohérente à l’échelle
internationale.
2) Comprendre l’islamisme, explications de Daryush Shayegan
A la question « les mouvements islamistes sont-ils issus de la modernité ou en
réaction contre elle ? », Daryush Shayegan16, professeur de philosophie à l’université de
Téhéran, répond qu’ils sont le produit des deux. La République islamiste iranienne est à
proprement parler un produit de la modernité puisqu’une telle combinaison n’aurait jamais
pu être imaginée au début du XXème siècle. Parallèlement, le salafisme revendique un
retour aux sources, à la pureté de l’islam, au message originel et s’affiche donc contre la
modernité. Une des réactions fondatrices de l’islamisme est la volonté d’un retour à l’Age
16
Daryush SHAYEGAN. Schizophrénie culturelle : les sociétés islamiques face à la modernité. Albin Michel, 2008.
28
d’or de l’islam. Penser que le monde court à sa perte va de pair avec un sentiment de
nostalgie. Selon D. Shayegan, l’islam a évolué dans une « sociologie d’échecs »17 : si le
monde va mal, c’est parce que la religion est corrompue, parce qu’elle a perdu son sens
originel, et la ferveur religieuse est le seul remède contre la déchéance du monde. Les
institutions religieuses ont souvent été remises en question, mais jamais la religion elle-
même. Un retour aux origines n’a jamais été profitable à quiconque. Le penser revient à
faire preuve d’une contradiction immense, puisqu’au contraire les Etats doivent montrer
leur capacité à s’adapter au monde présent. Il regrette que l’exemple iranien n’ait pas eu
pour conséquence de prouver aux autres pays musulmans la dangerosité d’une telle
démarche.
Un deuxième facteur d’extrémisme religieux est le rejet de l’Autre, en l’occurrence
de l’Occident et de tout ce qui en provient. C’est avec les colonisations que sont nés les
premiers sentiments antioccidentaux. La colonisation a montré aux musulmans le
spectacle d’une contre-société, à l’opposé de la société musulmane guidée par les règles
qu’édicte le Coran. Les pays musulmans ne sont pas passés, comme en Europe, par une
période des Lumières. Le positivisme en Europe a redéfini une hiérarchisation des valeurs
en plaçant la raison au-dessus du sacré, changeant les modes de pensée et les modes de
vie. D. Shayegan voit dans ce rejet des Lumières une « ankylose identitaire »18. C’est
ensuite contre la pensée libérale véhiculée par la culture de masse américaine dans les
années 60 que les islamistes se sont rebellés. Face au délitement des identités
traditionnelles, ces mouvements cherchent en l’islam un facteur de cohésion nationale,
permettant à l’Orient de s’unir autour d’une même croyance et de se distinguer de la
culture occidentale.
Il ne faut pas confondre fondamentalisme, qui prône un retour aux sources, une
application épurée de la religion selon les textes sacrés et le radicalisme qui utilise la
religion à des fins violentes. L’islamisme est d’ailleurs souvent une forme
d’instrumentalisation de la religion au profit d’intentions politiques totalitaires. L’islam a
tendance à se transformer en mouvement politique quand il prêche une réislamisation de
l’Etat et de la société. On peut d’ailleurs reprendre l’exemple iranien, à travers lequel on
voit comment la religion a pris la forme, avec l’accession de l’ayatollah Khomeiny au
pouvoir en 1979, d’une véritable idéologie. La religion instrumentalisée par la politique
permet à des groupes politiques de créer une cohésion sociale et de légitimer leurs
actions. Elle est dangereuse dans la mesure où la désobéissance au pouvoir politique et
17
Ibid. 18
Ibid.
29
législatif passe de l’infraction au péché. D’autant plus que la religion, en imposant des
principes de vie et une morale à appliquer, ouvre au pouvoir politique la possibilité de
l’ingérence dans la vie privée de ses gouvernés. La religion est dans ce cas un simple
prétexte au totalitarisme, comme ce fut le cas pour la crise économique de 1929 qui a
servi le régime nazi.
II. ISLAM VERSUS ORIENT : ANALYSER DES INFLUENCES CONTRADICTOIRES A
L’ORIGINE DE NOTRE JUGEMENT
En France, l’islam et sa pratique provoquent de nombreux débats qui contribuent à
remettre en question sa compatibilité avec les valeurs républicaines et françaises. J’ai
donc été amenée à étudier plus précisément la place de l’islam en France et sa perception
dans l’opinion publique. Ce n’est pas seulement la religion qui pose question, mais aussi
la culture forgée dans les terres de l’islam. L’Orient reflète-t-il alors les mêmes réalités ?
C’est cette question qui m’a amené à réfléchir plus précisément sur les représentations
que nous portons sur l’Orient.
A/ Une religion hyper médiatisée en France
Il m’a paru intéressant, avant d’ouvrir le sujet sur la compatibilité entre islam et
République, de confronter les réalités sociologiques aux perceptions de l’islam. Cela m’a
permis d’avoir un regard plus objectif sur un sujet ayant suscité beaucoup de discussions
et de polémiques.
1) Réalités et perceptions de l’implantation de l’islam en France
a) Réalités sociologiques : l’évolution de l’islam en France
Deuxième religion en France, l’islam représente aujourd’hui 4,5 à 5 millions de
personnes en France19. C’est dans les années 60, dans le contexte des Trente
Glorieuses, que la France fait appel à des populations issues de ses anciennes colonies,
notamment du Maghreb, pour venir travailler sur son territoire. Main d’œuvre ouvrière, ces
premières vagues d’immigration sont d’abord considérées comme provisoires. Mais,
19
Sarah ALBY et Beltrande BAKOULA. Le regard des Européens sur l’Islam. Sondage mené par le Département Opinion et Stratégies d’Entreprises de l’IFOP du 9 au 18 avril 2011.
30
encouragées par une politique de regroupement familial, ces populations immigrées
augmentent progressivement. Or, la France n’a pas su anticiper l’installation de ces
populations sur le long terme, loin d’imaginer que l’islam puisse faire partie de façon
permanente de son paysage culturel. Cela explique que les questions sur l’islam n’ont
surgi que depuis quelques décennies, malgré une présence beaucoup plus ancienne.
Vécu dans l’ombre lors de l’arrivée des premiers migrants, l’islam a, pendant longtemps,
été relégué au cadre strictement privé. Puis, avec la naissance de la seconde génération,
il a gagné en visibilité. Pour les jeunes musulmans, l’islam est souvent une façon de se
raccrocher à une culture familiale et de construire leur propre identité. Gagnant en
reconnaissance, l’islam s’est développé en France amenant avec lui des questions, des
doutes et des oppositions parfois très violentes.
Pour comprendre les problématiques liées à la religion musulmane en France, il
s’agit dans un premier temps de savoir qui la représente aujourd’hui. L’IFOP a réalisé en
2009 une enquête sur l’implantation et l’évolution de l’islam en France20. Malgré une
visibilité de plus en plus marquée, notamment du fait des polémiques liées à l’islam dans
les médias, le nombre de croyants musulmans n’a pas sensiblement évolué. En effet, en
1989, les personnes issues de familles musulmanes se déclarant croyantes représentaient
75%, alors qu’en 2007, elles ne sont plus que 71%. Parmi celles-ci, on note cependant
une plus grande part de pratiquants. Très présents dans la région parisienne, les
musulmans français comptent plus d’hommes que de femmes du fait de l’histoire de
l’immigration, avec une surreprésentation dans les milieux populaires et chez les
chômeurs. Contrairement à la religion catholique, l’islam est très vivant chez les jeunes.
Alors que les 15-24 ans représentent 16% de la population française, 35% des
musulmans se situent dans cette tranche d’âge.
Si les pratiques religieuses sont importantes pour cette communauté (on compte
33% de pratiquants parmi les musulmans contre seulement 16% chez les catholiques), les
jeunes restent cependant moins assidus que les autres. La fréquentation de la mosquée le
vendredi et la pratique du jeûne pendant le Ramadan sont en légère progression depuis
1989, notamment parmi les plus jeunes. Mais la prière quotidienne a nettement régressé
dans les années 90 avant d’augmenter progressivement. Quand on l’interroge sur
l’évolution des pratiques religieuses, Myriam Berkane évoque le rôle central de la
mosquée. Devant la mixité sociale et ethnique des musulmans en France, la mosquée
offre un point de rassemblement, où seule compte l’appartenance religieuse. L’image
20
Jérôme FOURQUET. Analyse : 1989-2009, Enquête sur l’implantation et l’évolution de l’Islam de France. Sondage mené par le Département Opinion et Stratégies d’Entreprises de l’IFOP en 2009.
31
négative que l’on renvoie sans cesse de l’islam amène les musulmans à se poser des
questions sur leur identité : sont-ils français avant d’être musulmans ou le contraire ? Est-
ce possible d’être l’un et l’autre ? Et c’est notamment les plus jeunes, ayant grandi entre
deux cultures, celle de la famille et celle de l’école, qui sont confrontés à ces questions
identitaires. Dans une mosquée, la foi permet à un individu de se rattacher à quelque
chose d’universel et donc de laisser de côté les problèmes liés à la nationalité.
b) Opinion publique et islam : les limites de la tolérance
Chaque fois que surgit un nouveau sujet de polémique, la religion musulmane
donne à voir sa différence et l’intégration des populations immigrées est de nouveau
questionnée. Elément perturbateur, voire menace pour l’identité européenne, ou facteur
d’enrichissement culturel : les débats révèlent un certain malaise des pouvoirs publics et
des populations à l’égard de l’islam. Néanmoins, il faut nuancer cette perception négative
de l’islam en France. En effet, les sondages montrent une grande divergence des opinions
: pour 42% des Français, l’islam représente une menace pour l’identité française, pour
22% d’entre eux, c’est un facteur d’enrichissement culturel, alors que 36% manifestent
une certaine indifférence aux questions liées à l’immigration21. Il est d’ailleurs intéressant
de noter que l’immigration est aujourd’hui davantage liée à une question d’appartenance
culturelle et religieuse qu’à une origine géographique. Cette perception est assez
révélatrice. En effet, on craint moins l’immigration pour des raisons économiques, alors
même que les conséquences sociales de la crise se font de plus en plus ressentir, que
pour des raisons culturelles et identitaires. La grande visibilité de l’islam dans les médias
laisse à penser qu’elle pourrait représenter un danger pour l’identité traditionnelle
chrétienne.
La majorité des Français (68%)22 considère que les musulmans ne sont pas bien
intégrés. Pour 61% d’entre eux, les causes de cet échec viennent d’un manque de volonté
de la communauté musulmane. D’autre part, les Français semblent percevoir une
incompatibilité entre culture musulmane et culture occidentale puisque 40% pointent une
trop grande différence culturelle comme obstacle premier à l’intégration. D’autres facteurs,
tels que la ghettoïsation, les difficultés économiques et le chômage ou le manque
d’ouverture des Européens sont évoqués, mais ils restent minoritaires. Cette image
négative ne semble pas reposer sur le modèle d’intégration français qui privilégie l’égalité
21
S. ALBY et B. BAKOULA,op. cit. (19). 22
Ibid.
32
des individus et l’universalité des droits face à la reconnaissance des différences
culturelles et religieuses. En effet, les sondages donnent des résultats similaires dans des
pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas qui ont développé une politique davantage
tournée vers le multiculturalisme et à laquelle on reproche aujourd’hui un
communautarisme trop marqué.
2) Compatibilité de l’islam et des valeurs occidentales
Depuis plusieurs années, les polémiques et controverses liées à l’implantation de
l’islam en France, et plus généralement en Europe, se multiplient. Le port du voile dans les
écoles, la construction de nouvelles mosquées, le droit au blasphème, la présence de
viande hallal dans les cantines scolaires ou encore les prières dans l’espace public sont
autant de sujets qui ont contribué à remettre en question la compatibilité entre culture
musulmane et principes républicains.
La sécularisation croissante des sociétés, la privatisation des pratiques religieuses
et le déclin de l’influence du religieux dans la sphère sociale sont des éléments
caractérisant l’identité française. La laïcité représente un des progrès majeur de la
République en marquant la supériorité des principes de droit sur les principes de bien. Les
Français, qui ont perdu cette habitude d’expression religieuse, y montrent d’ailleurs un très
grand attachement. La laïcité fait partie de l’histoire de la France et représente donc une
valeur nationale. Cela explique pourquoi la manifestation publique d’une appartenance
religieuse est souvent mal venue. La laïcité est l’argument majeur qui vise à contraindre la
pratique musulmane dans l’espace public. Omniprésente dans les débats liés à l’islam,
son sens est pourtant difficile à cerner. Alors que dans les textes officiels, et notamment
dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, elle est cantonnée à la non-
intervention de l’Etat dans les affaires religieuses, elle s’étend aujourd’hui à la neutralité de
l’espace public. Face à la visibilité croissante de la religion musulmane, il est tentant de
croire que l’islam est une religion réfractaire au modèle de sécularisation de l’espace
public et aux valeurs républicaines. La législation récente interdisant le port du voile dans
les écoles, adoptée le 15 mars 2005, participe de cette volonté de marquer l’importance
de la laïcité. Elle est d’ailleurs largement soutenue par l’opinion publique puisque 90% des
Français ont exprimé leur accord avec la nouvelle loi23. Contrairement à certains pays,
comme les Etats-Unis, où l’individu est libre d’afficher sa particularité, donc sa croyance
23
Ibid.
33
religieuse, la France est attachée à un modèle où la cohésion sociale prime sur
l’individualité et sur la manifestation des différences culturelles.
Ce n’est pas la croyance et les pratiques de la religion musulmane qui gênent, mais
plutôt leur manifestation dans les lieux publics et leur visibilité dans un pays de tradition
chrétienne où la laïcité est depuis bien longtemps ancrée dans la vie publique et politique.
La construction des mosquées, les prières dans la rue, les tenues vestimentaires, aussi
bien celles des hommes que celles des femmes, les fêtes religieuses, les obligations
alimentaires posent problème. En effet, on a peur que la religion musulmane empiète sur
la culture française. On accepte l’islam seulement s’il est discret, comme en témoigne la
loi d’interdiction de construction de minarets en Suisse. Symbolique et visible de loin, le
minaret n’est pas indispensable dans l’édification d’une mosquée et d’ailleurs la plupart
n’en possèdent pas. L’interdiction de construire des mosquées serait une atteinte à la
liberté de culte et de croyance, celle du minaret prend seulement la forme d’un
avertissement. Véronique Rieffel a une remarque intéressante à ce sujet : « Ce qui est en
jeu ici est un signe de reconnaissance : interne entre les fidèles et externe vis-à-vis de
l’extérieur, c’est-à-dire en quête de l’acceptation de l’existence d’une communauté
musulmane qui n’est pas simplement de passage, mais qui est installée durablement en
Europe, qui a le droit à la dignité et dont l’architecture doit faire une place ».
La laïcité n’est pas la seule valeur à entrer en contradiction avec certaines pratiques
de l’islam. Les réactions à la publication des caricatures de Mahomet en 200624, puis en
201225, dans le magazine Charlie Hebdo, ainsi qu’à la sortie du film « Innocence of
muslims »26 aux Etats-Unis, sont également révélatrices des tensions entre tradition
occidentale et tradition musulmane. La liberté d’expression, souvent perçue comme un
droit sacré et inaliénable, comporte des limites, telles que l’incitation à la haine ou le
racisme. Mais la récente remise en question du droit au blasphème par des représentants
du culte musulman a provoqué de violentes critiques. Revendication pour les uns ou
provocation pour d’autres, les opinions sur le blasphème sont très variées, mais souvent
passionnées. Les critiques occasionnées par le débat ont d’ailleurs fait ressortir cette
ferveur républicaine dans laquelle les droits de l’individu prennent le pas sur les droits des
communautés. L’édito de Marianne27 va même jusqu’à rappeler la philosophie des
Lumières pour montrer que notre degré de tolérance envers la critique religieuse régresse
– une comparaison bien malheureuse si l’on replace les évènements dans leur contexte,
24
Caricatures publiées dans un numéro spécial de Charlie Hebdo, le 8 février 2006. 25
Caricatures publiées dans le n° 1057 de Charlie Hebdo, le 19 septembre 2012. 26
Nakoula Basseley NAKOULA, dit Sam BACILE. Innocence of muslims. 2012. 27
J. JULLIARD, op. cit. (9).
34
et notamment si l’on considère l’immigration quasiment inexistante aux XVIIème et
XVIIIème siècles. Au contraire, de nombreux représentants du culte musulman reprochent
à la liberté d’expression de devenir le prétexte à la provocation et à l’indécence. Après le
débat sur l’identité nationale, les différentes lois qui ont contribué à limiter la pratique
publique du culte musulman et aux nombreux débats qui ont porté sur l’islam, chaque
nouvelle polémique apparait comme un affront supplémentaire, voire une tentative de
manipuler les musulmans. Mais parallèlement, de nombreux musulmans montrent une
relative indifférence aux caricatures. Ils aspirent davantage à vivre leur religion dans la
tranquillité et marquent un grand respect pour la liberté d’expression. L’enjeu pour ces
musulmans français est de montrer la possibilité de vivre sa religion tout en respectant les
valeurs de leur pays.
L’attachement que les musulmans portent aux valeurs et aux pratiques islamiques
semble de plus en plus fort. Les valeurs républicaines de respect de la diversité culturelle
et la politique d’intégration française ont créé une certaine désillusion dans la communauté
musulmane. La religion deviendrait-elle alors une valeur refuge pour une population qui ne
se reconnait plus dans la politique de son pays ? Le malaise identitaire est bien présent,
mais cela ne permet pas d’affirmer que l’islam et la République sont incompatibles. En
effet, l’opinion publique, révélée par les sondages, semble convaincue qu’un islam laïc et
modéré est possible et que la coexistence des cultures et des religions est un enjeu
majeur aujourd’hui.
B/ Regards sur l’Orient ou le fantasme de l’Occident
1) Relations diplomatiques entre la France et le Moyen-Orient : une histoire pleine
de péripéties
La France a toujours été très préoccupée par sa présence et son influence à
l’étranger. Dès la Renaissance, elle a su s’investir dans des relations durables avec le
Proche-Orient. En 1535, François Ier a négocié avec l’Empire ottoman afin que la culture et
la langue françaises soient enseignées dans certaines écoles du Proche-Orient. Par
ailleurs, l’accord de capitulation, qui offrait une protection aux chrétiens de l’Empire
ottoman et des privilèges commerciaux aux marchands français, a finalement été un
prétexte à de nouvelles relations diplomatiques. L’alliance franco-ottomane a d’ailleurs été
mentionnée comme la « première alliance diplomatique non idéologique de ce genre entre
35
un empire chrétien et un empire non chrétien »28. Elle durera jusqu’à l’expédition d’Egypte
commandée par Napoléon en 1798.
Les échanges culturels et artistiques entre Orient et Occident se multiplient.
Certaines œuvres en témoignent, comme le portrait de Fath Ali Shah Qajar29 (voir
illustration en annexe), souverain de la dynastie safavide, qui mêle la tradition de la
miniature persane et l’art roman. La culture européenne est alors un signe de prestige et
de raffinement. Parallèlement, des missions chrétiennes sont formées en Orient et
diffusent le savoir et la culture française. Dans le prolongement de la politique de François
Ier, Napoléon signe en 1801 un accord reconnaissant le rôle protecteur de la France sur
ses missions et ses congrégations. Malgré sa politique expansionniste, il montre un réel
respect et une curiosité certaine pour l’Islam et plus largement pour les cultures orientales.
La France a pour objectif de s’étendre culturellement et, malgré la rupture de l’entente
franco-ottomane, l’enseignement du français continue à s’étendre et des écoles non
religieuses sont créées par le ministre Victor Duruy en Turquie, en Egypte, au Liban ou
encore en Ethiopie. Dans son objectif d’expansion culturelle et intellectuelle, la France
forme un vaste réseau de représentation culturelle à travers le monde. L’Alliance française
sera créée par la suite en 1883 et ne cesse de s’étendre tout au long du XXème siècle.
L’Etat français va d’ailleurs tripler son budget consacré aux relations internationales pour
servir son ambition de rayonnement.
Au XIXème siècle, le modèle français était très apprécié et valorisé dans l’Empire
ottoman. Mustafa Kemal s’inspire ensuite largement de la politique française, notamment
de l’application du principe de laïcité, quand il entreprend de réformer la République
turque. La notion de progrès et de positivisme reviennent alors souvent dans les discours
et servent de mot d’ordre aussi bien dans les affaires culturelles que politiques. Prenant
exemple sur la politique culturelle française, la Turquie accorde de plus en plus
d’importance à l’art, au soutien des artistes, à la promotion et à l’ouverture des lieux de
culture, à la conservation et à la valorisation du patrimoine. L’implication politique dans les
affaires artistiques devient le signe d’une civilisation développée et moderne pouvant se
mesurer aux grandes puissances de l’époque.
28
Robert A. KANN. A History of the Habsburg Empire, 1526-1918. University of California Press, 1980. 29
Fath'ali Shah Qajar. Huile sur toile. Iran, Mirza baba, 1797.
36
2) De la découverte de l’art islamique à l’orientalisme
Les collections d’art oriental ont commencé à se former dès le Moyen Age. Pendant
les Croisades, certains objets profanes ont été rapportés des pays musulmans. Malgré
une image très négative de la civilisation musulmane, considérée comme barbare et
rustre, son influence, notamment architecturale, devient très vite visible en Occident. De
nombreuses techniques de construction sont reprises dans l’architecture urbaine du Sud
de l’Europe, où l’on retrouve carrelages de mosaïques, arabesques et formes
géométriques empruntées à l’art oriental. Par la suite, le commerce a continué à nourrir
des liens entre Orient et Occident. Venise, principal comptoir européen pour le commerce
ottoman, reste très marquée par ces échanges, à travers les pointes et les arcades
colorées présentes dans les villes orientales.
Mais c’est surtout au début du XVIIIème siècle que l’Occident commence à
manifester un véritable intérêt pour les arts de l’Islam. Les artistes et les intellectuels
européens rapportent des objets de leurs voyages et s’en inspirent. C’est ainsi que naît la
mode des « turqueries » qui se retrouvent dans des domaines aussi divers que la mode,
l’ameublement, la musique, la peinture ou la littérature. Elle laissera sa place à
« l’égyptomanie » sous l’impulsion de l’expédition de Napoléon Bonaparte.
L’ornementation, autrefois considérée comme une forme d’art mineur, voire comme une
production de l’artisanat, suscite un vif intérêt au XIXème siècle. L’exposition « Purs
décors ? Arts de l’Islam, regards du XIXème siècle » au Musée des Arts Décoratifs en
2007 à Paris retrace cette évolution des perceptions. La représentation figurative,
exception faite des miniatures persanes, n’est pas aussi développée que dans les pays
européens dans lesquels elle a une place d’honneur. L’art oriental est davantage conçu
comme étant une façon de représenter ce qui ne peut être montré : des idées, des
concepts ou des sentiments.
Parallèlement aux collections privées, les grands musées s’enrichissent : le Victoria
and Albert Museum à Londres, le Musée autrichien des Arts appliqués à Vienne, l’Union
centrale des Arts Décoratifs à Paris ou encore le Louvre créent des sections spécifiques
aux arts de l’Islam. Très critiqués, positivement comme négativement, les arts de l’Islam
deviennent en tout cas une référence. Les grandes expositions universelles de Londres en
1851 et de Paris en 1878 imaginent des décors spectaculaires pour les mettre en scène.
Le succès de ces expositions participe à la diffusion de l’orientalisme. Victor Hugo
37
commente à ce sujet : « Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est
orientaliste »30.
Alors que les colonies européennes sont en pleine expansion, la photographie fait
son apparition. Très utilisée pour un usage scientifique et documentaire, elle permet au
colonisateur de témoigner de ses découvertes outre-mer et d’en dresser un inventaire. La
photographie a également une visée artistique et romantique. L’Orient illustre alors de
nombreuses cartes postales, dont le marché se développe rapidement. La photographie
ne sert pas seulement à véhiculer une image de la réalité mais aussi à faire fantasmer,
comme en témoignent les nombreux clichés pris de femmes, à moitié voilées, à moitié
dénudées. Un des clichés les plus fameux de l’époque reste celui de Mohammed, un
jeune garçon à l’épaule nue, qui est curieusement devenu une illustration célèbre du
Prophète et qui se vend encore aujourd’hui dans les marchés de Téhéran.
L’orientalisme s’institutionnalise en 1893 avec la création de la Société des peintres
orientalistes. Mais c’est paradoxalement à la même époque que le mouvement orientaliste
perd de son ampleur pour être progressivement remplacé par des courants plus
contemporains, tels que l’Ecole de Paris, le fauvisme ou encore le cubisme. La naissance
de ces mouvements n’est pas sans liens avec la conception orientale de l’art. Les motifs et
les formes géométriques, qui forment l’essence de l’art oriental, inspirent largement l’art
abstrait, considéré alors comme l’aboutissement de la modernité.
3) L’Orient, miroir en creux de l’Occident
Progressivement se crée une image de l’Orient à la fois attirante et repoussante, en
tout cas mystérieuse. Son exotisme et sa sensualité en font une nouvelle source
d’inspiration pour les artistes européens. Il faut bien distinguer les connotations de chaque
mot : l’Orient fascine, émerveille et attire, tandis que l’islam effraie, « terrorise ». Edward
Saïd décrit dans son essai L’Orientalisme : L’Orient créé par l’Occident31, tout ce que
recouvre le terme d’orientalisme : « un projet de civilisation (…), des domaines aussi
disparates que l’imagination elle-même, la totalité de l’Inde et du Levant, les textes et les
pays de la Bible, le commerce des épices, les armées coloniales et une longue tradition
d’administrateurs coloniaux, un impressionnant corpus de textes savants (…) de
nombreuses sectes, philosophies, sagesses orientales domestiquées pour l’usage interne
des Européens ».
30
Véronique RIEFFEL. Islamania, de l'Alhambra à la burqa, histoire d'une fascination artistique. Beaux Arts éditions, Institut des Cultures d’Islam, 2011. 31
Edward W. SAID. L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident. Seuil, 2005.
38
L’Orient ne désigne pas une réalité géographique bien définie, mais plutôt une
manière de percevoir l’ailleurs. Notion assez floue, elle peut s’étendre au Maghreb,
comprendre le Proche ou le Moyen-Orient ou encore aller jusqu’à l’Inde. L’étymologie du
mot « Maghreb », qui signifie « ce qui est à l’Est », en opposition au « Machrek », montre
d’ailleurs toute sa relativité. Alors que pour les Européens, le Maghreb désigne toute
l’Afrique du Nord, pour les Egyptiens ou les Libanais, il se limite aux territoires du Maroc,
de la Tunisie et de l’Algérie. Ces termes dépourvus de rigueur scientifique, servent
davantage à se définir par rapport à l’autre, à percevoir son étrangeté et son exotisme.
C’est une manière de se définir en creux : en caractérisant l’autre, on définit mieux sa
propre identité. Montesquieu se prête à ce jeu de miroirs dans son conte Les Lettres
persanes32. Il utilise la naïveté d’Uzbeck, un noble persan parti à la découverte de la
culture européenne, pour relever toutes les contradictions de la société occidentale et
souligne ses aberrations et ses dysfonctionnements. L’Orient devient alors un prétexte
pour se donner le recul nécessaire à l’autocritique.
Néanmoins, la fascination pour l’Orient n’implique pas toujours une meilleure
connaissance de la culture orientale. Ses représentations sont parfois très fantaisistes.
L’Orient est souvent considéré comme un ensemble uniforme s’inscrivant dans une dualité
avec l’Occident. On perçoit souvent l’Orient comme un espace libre des protocoles
bourgeois occidentaux. Certains éléments fascinent comme le voile que portent les
femmes musulmanes, perçu à la fois comme un obstacle et un stimulant érotique.
L’imagination vient concurrencer une réalité objective. Ainsi, l’historien François Pouillon
relève toutes les invraisemblances qui composent l’œuvre de Gérôme La prière dans une
mosquée : les soldats en armes priant, les mendiants à demi-nus, les pigeons au centre
de la salle de prière. Représenter l’Orient est parfois l’occasion de peindre ses propres
fantasmes dans un espace mêlant le mythe, l’onirisme ou encore la sensualité.
L’hyperbole, la déformation et l’exagération sont alors autorisées.
Les regards plaqués sur l’art oriental restent spécifiquement occidentaux et
coloniaux. On s’amuse de leur exotisme, mais l’art oriental prend seulement la forme
d’une anecdote dans la chronologie de l’histoire de l’art. La hiérarchie entre les formes de
l’art persiste : l’ornementation n’atteint pas le prestige de la peinture et reste dans le
domaine de l’artisanat, malgré son importance majeure dans l’esthétique orientale. Les
objets décorés de motifs orientaux restent dans le jugement européen, des inventions
utilitaires et fonctionnelles. Par ailleurs, les œuvres orientales sont davantage considérées
comme des sources d’inspiration pour des artistes européens à la recherche de
32
MONTESQUIEU. Les Lettres persanes. Jacques Desbordes, 1721.
39
nouveauté, que comme des productions artistiques à part entière. En effet, les grands
mouvements esthétiques naissent dans les pays occidentaux et la puissance créatrice des
œuvres orientales n’est pas reconnue. L’art occidental a longtemps détenu le pouvoir de
définir la valeur de l’art, des œuvres et des mouvements. mounir fatmi33, artiste marocain
contemporain, le souligne justement : « L’histoire de l’art était avant tout une histoire de
l’art occidentale et je dirais même chrétienne »34.
* * *
Conclusion partielle
Le Louvre assume pleinement le nom donné au « département des Arts de
l’Islam ». Les enjeux auraient-ils été les mêmes si le département avait porté le nom de
« département des Arts de l’Orient » ? Certainement pas. L’islam et l’Orient renvoient à
deux domaines bien distincts : la religion et la société d’un côté et l’art et la culture de
l’autre. Il s’agit aujourd’hui de comprendre les influences de la religion sur la culture pour
réconcilier ces deux réalités et les faire coopérer.
L’islam est désormais une composante de l’identité française, non pas au sens
historique puisque la France est de tradition chrétienne, mais sociologique. En effet, le
nombre de musulmans en France est important et il s’agit de le prendre en compte dans
les décisions politiques. L’objectif de la France est d’éviter toute fracture culturelle ou
religieuse qui pourrait séparer la population en différentes communautés. Pour cela, il
convient de ne pas discriminer la population musulmane. Or, les polémiques qui mettent
en cause les pratiques de l’islam tendent à renforcer les discordes. Il s’agit donc de calmer
le jeu et de proposer une vision moins « maléfique » et moins rebelle de l’islam en
considérant sa diversité.
Nous pouvons donc valider la première hypothèse en soutenant que la
revalorisation de l’image de l’islam est un objectif politique qui vise à développer la
cohésion sociale. Mais il ne s’agit pas de revaloriser cette religion à tout prix. Le système
républicain doit garder certaines valeurs, auxquelles tient l’opinion publique, afin de
maintenir effectives les libertés humaines. L’art de la politique est donc de savoir nuancer
et de délimiter les champs de liberté de chacun, afin qu’ils n’empiètent pas sur ceux des
autres. Le dialogue devient alors l’outil privilégié pour une meilleure compréhension des
différences identitaires et culturelles.
33
Cet artiste souhaite que son nom s’écrive en minuscules. Alors que le logiciel Word est programmé pour écrire les noms avec une majuscule, l’artiste a souhaité montrer son refus d’accepter l’intrusion de la machine. 34
V. RIEFFEL, op. cit.(30).
40
41
PARTIE 2
LE LOUVRE, UN ACTEUR ENGAGE DANS UNE POLITIQUE DE DIALOGUE CULTUREL
42
43
Introduction partielle
L’intégration des populations immigrées est un objectif politique. Mais que veut dire
le mot « intégration » ? « C’est créer un ensemble, assimiler, c’est-à-dire rendre
semblable. Elle implique d’accepter la pluralité et de respecter nos différences » explique
Sonia Dayan-Herzbrun. En présentant à son public une civilisation étrangère, le Louvre
tente de nous donner des clés de compréhension pour aborder une culture différente de la
nôtre. La visite d’une exposition constitue alors une expérience capable de nous faire
relativiser notre point de vue sur nos habitudes, nos imaginaires, nos valeurs. Cette
approche constitue un premier pas vers l’acceptation de la différence et le dialogue
interculturel. Je tenterai ici de démontrer en quoi la France, et plus spécifiquement le
Louvre, mettent en œuvre une politique culturelle qui s’appuie sur la coopération culturelle
et le dialogue des cultures.
Dans cette deuxième partie, je m’intéresserai à la promotion de la diversité et du
dialogue culturel qui prennent une importance croissante et deviennent les principes de
base d’une politique active de partenariat. Dans une perspective diplomatique, les
échanges culturels avec des institutions étrangères se multiplient. C’est le cas du Louvre,
symbole de l’excellence française, qui profite de sa grande renommée et de son succès
pour mettre en place de nouveaux projets en partenariat avec des institutions étrangères.
Le projet du département des Arts de l’Islam illustre, à sa manière, cette ouverture au
Moyen-Orient revendiquée par le Louvre.
I. VERS UN NOUVEAU MODELE DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE
La mondialisation implique d’appréhender les relations internationales d’une
manière différente et innovante, notamment d’un point de vue culturel. Comment le
Louvre, et par extension la France, tente-t-il d’intégrer ces nouveaux modèles d’échanges
culturels et comment contribue-t-il à faire évoluer la politique culturelle ?
A/ De nouveaux enjeux pour la diplomatie culturelle
La diplomatie culturelle est un enjeu déjà ancien dans les relations internationales,
mais elle a tendance à se transformer sous l’effet de la mondialisation. Quelles sont les
nouveaux paramètres qu’elle doit prendre en compte ? Et que signifie la coopération ?
44
1) L’influence culturelle ou l’art de promouvoir sa culture
a) La diplomatie culturelle, un enjeu de pouvoir
La puissance d’un Etat ne dépend pas seulement de sa superficie, de sa force
militaire ou économique. Son image, par laquelle les autres puissances le perçoivent,
entre également en jeu. Cette image repose sur son histoire et ce qu’il a pu apporter aux
autres nations dans le passé, sur son influence et sa capacité à s’imposer dans le concert
des nations, mais aussi sur ses valeurs et son identité. Alors que la crise oblige les Etats à
repenser leurs dépenses et à réaffecter les fonds publics dans des domaines prioritaires,
comment justifier un investissement dans la diplomatie culturelle ?
La diplomatie culturelle, qui consiste en l’exportation des valeurs et de la culture
d’un pays, a une visée symbolique, dans la mesure où elle participe à la construction d’un
imaginaire autour d’un pays et de sa culture. Mais elle répond surtout à un besoin
économique et politique. Economiquement, la mise en place d’une stratégie de
rayonnement culturel sert à accroître l’attractivité d’un pays, donc à maintenir son
tourisme, à faire venir des investisseurs ou encore à donner de la valeur à ses productions
artistiques. La diffusion de sa culture et de sa langue lui donne également un poids
politique dans les débats internationaux et lui permet de faire valoir ses positions dans la
prise de décision. Loin d’être un simple ornement de la politique internationale, elle
consolide les relations tissées par un Etat et nourrit le terreau de futures négociations.
Mode de domination pacifique, la diplomatie culturelle ou soft power est définie par Joseph
Nye35 comme la capacité à rassembler, plutôt qu’à affronter les peuples étrangers, et par
extension les Etats. Elle a d’ailleurs été l’arme principale des Etats-Unis pendant la Guerre
froide, persuadés que la guerre idéologique contre le communisme serait gagnée non par
la force mais par « une conquête des cœurs et des esprits ». Encore aujourd’hui, les
grandes puissances se livrent à une compétition très rude pour valoriser leur image à
l’étranger. La multiplication des instituts chinois Confucius à travers le monde en
témoigne. Tout comme l’Alliance française, ils ont pour ambition de véhiculer la culture et
la langue chinoises à l’extérieur.
35
Jean-Michel TOBELEM. L’arme de la culture, les stratégies de la diplomatie culturelle non gouvernementale. L’Harmattan, 2007.
45
b) Le cas de la France : une diplomatie culturelle précoce
La France a su très tôt mettre en place une politique de rayonnement culturel,
comme nous l’avons vu précédemment avec le Moyen-Orient. Ses actions à l’étranger lui
ont permis de montrer le raffinement de son élite et l’unité de son identité culturelle. Le
concept de rayonnement est d’ailleurs très français : on voit déjà la métaphore présente
sous Louis XIV, Roi Soleil protecteur des artistes, ou pour le mouvement philosophique
des Lumières, dont les découvertes ont su s’étendre au-delà des frontières françaises.
Mais c’est surtout après la Révolution française que la France a manifesté une ambition
universaliste. Voulant diffuser les valeurs de la Déclaration des Droits de l’Homme à
travers le monde, le comte de Volney a affirmé aux députés : « Jusqu’à ce moment vous
avez délibéré de la France et pour la France ; aujourd’hui vous allez délibérer pour
l’univers et dans l’univers. Vous allez, j’ose le dire, convoquer l’Assemblée des nations »36.
L’action culturelle française est alors très dynamique et multidirectionnelle, mais elle
fonctionne à sens unique, allant du centre vers la périphérie. Cette action culturelle a pu
être qualifiée de messianique car elle est comparable aux mouvements des Croisades,
animés par la diffusion de la foi chrétienne. Sa politique, sa puissance économique et
militaire et sa facilité à attirer des artistes étrangers, ont fait de la France une puissance
respectée et internationalement reconnue. Au XIXème siècle, elle entreprend la
construction d’un réseau d’instituts, d’écoles, de lycées et de centres culturels dans les
pays qu’elle a colonisé pour servir son influence. Cependant, on voit une contradiction
évidente entre les valeurs humanistes dont la France se prévaut et sa politique culturelle
impérialiste. Convaincue de sa supériorité culturelle, la France impose sa culture dans ses
colonies, sans réellement prendre en compte les réalités sociales et spirituelles locales.
Dans les années 50, la diffusion massive de la culture américaine a provoqué une
prise de conscience des enjeux culturels et des risques de l’uniformisation. Devant la
libéralisation grandissante du marché des industries culturelles, la France défend un statut
spécifique pour la culture et fait naître le concept d’exception culturelle. La culture n’est
pas un bien comme les autres, c’est pourquoi elle doit être protégée et ne doit pas être
livrée aux seules lois du marché. Dans les accords internationaux du GATT (Général
Agreement on Tariffs and Trade), elle parvient à imposer des quotas pour limiter la
diffusion de la culture américaine sur son territoire et à faire accepter une subvention de
sa production artistique. Cette exception culturelle a été très critiquée. Elle a souvent été
36
Extrait de Jean-François de RAYMOND. L'action culturelle extérieure de la France. La Documentation française, 2000.
46
jugée comme la preuve même du déclin de l’influence culturelle française et comme une
politique arrogante, voire agressive. Aujourd’hui, sa prétention à imposer ses valeurs n’est
plus d’actualité, mais elle reste accrochée à son prestige culturel. En faisant fructifier ses
relations avec les autres nations, elle a réussi à asseoir sa renommée internationalement.
L’image de la France à l’étranger repose majoritairement sur sa tradition, son savoir-faire
(luxe, gastronomie, mode) et son patrimoine, qui témoigne de son histoire et de son
expérience. Subventionner la culture nationale et sa représentation à l’extérieur est un
investissement à long terme. Par un phénomène qu’on peut appeler l’externalité positive,
la France voit aujourd’hui les effets d’un long travail d’influence, qui a contribué à enrichir
son capital de sympathie auprès des étrangers.
2) Les effets de la mondialisation sur la politique culturelle
La mondialisation implique une multitude de phénomènes nouveaux : la
globalisation des marchés, les flux migratoires, la diversité culturelle à l’intérieur d’un
même pays, la multiplication des échanges, l’émergence d’une altérité dans l’espace
public. En favorisant le mélange et l’hybridation des cultures, elle a déstabilisé les
frontières culturelles. Face à l’ouverture sur l’extérieur et à la libéralisation des marchés,
les Etats se trouvent démunis. Ils voient leur souveraineté réduite et craignent de la voir
disparaître face au pouvoir grandissant des multinationales, y compris dans le domaine
culturel. Le philosophe Paul Ricœur substitue d’ailleurs à l’idée de frontière un «
entrecroisement de rayonnements à partir de centres, de foyers qui ne sont pas définis par
la souveraineté de l’Etat-nation mais par la créativité et par leur capacité d’influencer et de
générer dans les autres foyers des réponses »37, soulignant ainsi la pluralité des
émetteurs. Les identités nationales, les références culturelles ou encore les modes de vie
se trouvent profondément transformés par la mondialisation. Les débats sur l’intégration
des populations musulmanes en Europe sont d’ailleurs révélateurs de cette peur de perdre
ses repères identitaires. Contrairement à ce que l’on peut entendre, la mondialisation ne
conduit pas à une uniformisation des cultures, puisqu’elle participe justement à les diffuser
à travers le monde. Mais elle n’est pas toujours équitable, d’où la nécessité d’une
intervention politique. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO, explique
clairement le nouvel enjeu pour la culture dans les relations internationales : « Le principe
même des échanges appelle nécessairement une certaine forme de diversité. Mais la
37
Paul RICOEUR. « Cultures, du deuil à la traduction ». Version révisée de sa communication prononcée aux Entretiens de l’Unesco le 28 avril 2004, dans Le Monde, le 25 mai 2004.
47
mondialisation semble parfois incapable de les reconnaître équitablement et de les penser
justement. »38.
Parallèlement, la mondialisation a modifié les rapports de force entre nations. Les
puissances traditionnelles ont subi les conséquences de la crise financière de 2007 et
tentent aujourd’hui de gérer au mieux ses effets sociaux, alors que d’autres Etats en
pleine croissance, tels que la Chine ou l’Inde, s’imposent comme les acteurs majeurs des
négociations politiques et économiques. Les pays occidentaux ne peuvent plus ignorer
ces pays émergents du XXIème siècle et doivent reconnaître ce nouvel équilibre
géopolitique. L’interdépendance des Etats, du fait de la globalisation de l’économie, fait
naître de nouveaux enjeux, dont la diversité culturelle fait partie. Alors que l’inégalité des
richesses s’accroît, un développement solidaire et responsable permettant de régulariser
les effets de la mondialisation est nécessaire. « Le devoir des politiques et de tous les
responsables est donc de civiliser la mondialisation, de faire prévaloir l’intérêt des
hommes, de tous les hommes » affirme Jacques Chirac lors de son discours à l’UNESCO
en octobre 200139. L’enjeu politique est aujourd’hui de combler un fossé grandissant entre
les régions ayant les moyens de diffuser mondialement leur culture et celles qui ne l’ont
pas, et ce, afin de répondre à un besoin d’entente mutuelle et de cohésion sociale.
La mondialisation a également apporté de nouveaux moyens de communication et
d’information. Les stratégies de communication nationales doivent s’adapter à ce nouveau
contexte pour promouvoir leur identité. Cette révolution des médias peut être favorable à
certains Etats qui s’en servent comme d’un tremplin pour accroître leur visibilité et
augmenter la portée de leur influence dans le monde. Mais cela implique également de
devoir faire face à une nouvelle compétition. En effet, alors que le pouvoir politique était
autrefois capable de dicter une stratégie afin de promouvoir sa nation et sa richesse
culturelle, il n’apparaît plus aujourd’hui comme le principal émetteur. L’Union Européenne,
à laquelle ses membres ont légué une partie de leur souveraineté, vient parfois
concurrencer les Etats qui deviennent co-acteurs. Parallèlement, les multinationales,
fortes de leur réseau mondial, adoptent des communications servant leur propre intérêt.
Une campagne de communication peut aujourd’hui avoir un écho mondial. On peut donner
l’exemple de la marque Benetton qui, avec ses affiches Unhate diffusées cette année
dans les grandes capitales mondiales, a réussi à véhiculer une image reflétant ses
engagements de paix et de tolérance. En insistant sur des valeurs simples, révélées par
38
Discours de Koïchiro MATSUURA, à l’occasion du Forum économique international des Amériques, à Montréal, le 6 juin 2006. 39
Discours de Jacques CHIRAC, à l'ouverture de la 31ème session de la Conférence générale de l’Unesco, à Paris, le 15 octobre 2001.
48
les montages photographiques de deux chefs politiques ou religieux s’embrassant, elle a
augmenté sa renommée et renforcé son identité. De la même façon, l’image de l’islam en
Occident semble uniforme. Les amalgames entre l’islam et la violence, le radicalisme ou
encore le terrorisme sont présents partout. Cela explique la difficulté des associations
telles que l’UOIF à changer notre regard sur l’islam. Myriam Berkane explique d’ailleurs
qu’elle n’arrive à attirer les médias français que quand une nouvelle polémique touche à
sa religion40.
3) De la diffusion à la coopération : évolution d’une éthique culturelle
La politique culturelle des pays occidentaux se tourne aujourd’hui vers de nouvelles
valeurs, telle que le respect et la valorisation de la diversité culturelle. En reconnaissant
l’égale dignité des cultures, elle quitte ce regard ethnocentré qu’elle avait développé.
Promouvoir la diversité culturelle repose sur une croyance : celle que chaque peuple a un
message, une vision du monde à délivrer capable d’enrichir l’humanité. L’objectif de la
diversité culturelle est double : il s’agit à la fois de permettre la coexistence harmonieuse
des individus et de mettre en valeur le pluralisme culturel en participant à la diffusion de la
grande variété des expressions culturelles. La circulation des idées, des concepts et des
productions de l’esprit devient alors un outil pour favoriser l’interpénétration des cultures.
La reconnaissance des autres cultures est une condition sine qua non à la diffusion
de sa propre culture. En effet, l’identité se fonde à partir de trois facteurs : l’image
souhaitée, l’image réelle et l’image perçue, chacun trouvant dans la considération de
l’autre le reflet d’une communication travaillée. Le dialogue interculturel devient alors
primordial, dans la mesure où une appartenance à un modèle culturel n’existe que par
rapport à une altérité. La richesse des représentations et des savoirs se construit par sa
confrontation avec d’autres systèmes de valeurs. Il s’agit finalement de chercher à
comprendre l’Autre, pour mieux le respecter et surtout pour ne plus le considérer comme
radicalement différent de soi, autrement dit pour réduire son altérité. Comprenant que
l’influence culturelle d’un Etat ne dépend pas d’une simple volonté politique, mais répond à
une attente extérieure préexistante, la France a fait évoluer sa politique culturelle. De
l’exception culturelle, la France est donc passée à une politique basée sur le respect et la
valorisation de la diversité culturelle.
40
Assistante du Secrétaire Général de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), BERKANE Myriam.
49
Aujourd’hui, l’action culturelle diplomatique de la France est organisée par l’Institut
Français. Remplaçant l’association Culturesfrance depuis 2011, il se charge de la diffusion
de la jeune création et du patrimoine français à l’étranger tout en accueillant des artistes
étrangers sur le territoire français. Subventionné par le ministère des affaires étrangères et
par le ministère de la culture et de la communication, il use de son expertise artistique et
de la négociation pour étendre le réseau d’influence français et tisser des liens avec
différentes régions du monde par le biais de partenariats avec des institutions étrangères.
Les textes qui définissent sa mission sont assez significatifs de la direction prise par l’Etat
français dans la conduite de sa politique culturelle. En effet, ils donnent davantage
d’importance à la coopération, c’est-à-dire à un mode d’échange qui se fonde sur des
intérêts communs, et moins à la diffusion. La diffusion avait pour but de montrer à
l’étranger la haute qualité des ressources intellectuelles et artistiques, ainsi que la capacité
de production artistique d’un Etat. La coopération partage ces objectifs mais elle doit
également prendre en compte les attentes des Etats et des institutions partenaires selon
des principes d’échange et de réciprocité. Toute action à l’étranger suppose l’appui des
autorités locales. Elle interdit donc toute arrogance et suit le principe diplomatique « ni
ingérence, ni indifférence »41. La coopération suppose une logique nouvelle : il s’agit de
faire cohabiter des conceptions différentes et de les faire fructifier pour répondre à un
projet commun.
Ce rôle de coopération est partagé avec les grandes institutions culturelles
françaises. Ainsi le Louvre, mais aussi le Centre Georges Pompidou ou la Bibliothèque
Nationale, multiplient les échanges d’œuvres et de compétences. Au terme de longues
négociations, en collaboration avec les pouvoirs ministériels, et la recherche d’importantes
subventions, privées et publiques, des partenariats se mettent en place. Ils permettent
d’organiser des expositions ou bien d’échanger des savoir-faire (restauration, transport
des œuvres, muséographie, etc). Le Louvre a ainsi pu initier des relations avec les pays
du Golfe en participant à l’ouverture d’un musée à Abu Dhabi ou en sollicitant des
subventions auprès de l’Arabie Saoudite, du Maroc, du Koweït, de l’Oman et de
l’Azerbaïdjan pour son nouveau département.
41
Phrase prononcée par le Général De GAULLE, lors d’un discours improvisé à l’Hôtel de ville de Montréal, le 23 juillet 1967.
50
B/ Le Louvre, emblème d’une nouvelle politique culturelle ?
1) Un symbole français à portée internationale
Pourvu d’une mission universelle, le Louvre se veut être un musée accessible à
tous. Il tente donc de prendre en compte les attentes de tous les publics, nationaux et
internationaux, en traduisant les informations dans plusieurs langues, en multipliant les
supports pédagogiques ou encore en facilitant l’accès à un public handicapé. Mais le
musée ne se contente pas de toucher un public uniquement à Paris. Dans un objectif de
décentralisation et de démocratisation de l’accès à la culture, le Louvre a souhaité créer
une antenne du musée dans la région du Pas-de-Calais : le Louvre-Lens, dont l’ouverture
est programmée pour décembre prochain. Le Louvre-Lens est à la fois un projet
muséographique et architectural, dont la construction a été réalisée par l’équipe
d’architectes japonaise Sanaa, et répond à un besoin de développement économique et
social pour la région. Créant des emplois, il a également vocation à renforcer l’attractivité
de la région.
Le Louvre peut, grâce à sa politique de partenariat et de coopération, se prévaloir
d’un rayonnement national et international. Outre une politique de dépôt d’œuvres
particulièrement active, il organise des expositions « hors les murs » en France et à
l’étranger. Cela a permis, par exemple, à l’exposition « David, Delacroix and Revolutionary
France : Drawings from the Louvre » de voir le jour à New York en 2011 et de faire
connaître des œuvres, mais aussi une histoire de l’art française. Afin de tisser des liens
avec des pays et surtout des institutions culturelles à l’étranger, le musée s’est également
investi dans divers partenariats, en lien avec les pays d’origine de ses collections. Parmi
ceux-ci, le programme Achemenet, qui rassemble plusieurs musées possédant des
collections de l’Empire perse achéménide, a mis en ligne deux sites internet qui
présentent des œuvres (www.museum-achemenet.college-de-france.fr) et des textes
anciens (www.achemenet.com). De la même façon, le partenariat avec le Yémen autour
de la restauration d’une statue en bronze a permis au Louvre de démontrer son expertise
technique et artistique et de former un groupe de restaurateurs yéménites. L’apport
scientifique du Louvre passe aussi par sa présence dans des chantiers de fouilles
archéologiques, notamment dans des zones sous-représentées dans ses collections,
comme en Asie centrale, au Soudan ou dans les pays d’Europe de l’Est. Ce travail de
coopération culturelle lui permet par la suite de faciliter sa politique d’acquisition ou de prêt
d’œuvres. Les partenariats avec le musée du Louvre peuvent également prendre des
51
formes plus innovantes comme son expérimentation de nouveaux outils technologiques
avec le MuseumLab, au Japon, depuis 2006.
Un des plus grands projets du musée est la construction du Louvre Abu Dhabi.
Projet signé en 2007, il instaure une relation culturelle privilégiée entre la France et les
Emirats Arabes Unis. Il ne s’agit pas ici de reproduire le Louvre à l’étranger, mais de prêter
le nom du Louvre, qui apparaît alors comme un symbole d’excellence et de savoir-faire. Le
Louvre et d’autres musées nationaux français, comme le Musée d’Orsay, le Centre
Georges Pompidou ou encore le Quai Branly, prêteront certaines pièces de leur collection
pour l’inauguration des nouveaux espaces. Le musée, dont la construction a été réalisée
par Jean Nouvel, permettra au Louvre de toucher de nouveaux publics grâce au
cosmopolitisme de la ville d’Abu Dhabi, mais surtout d’apparaître comme une référence et
un modèle d’innovation en matière de coopération culturelle. Ce projet a parfois été mal
accueilli par les acteurs de la culture française. Souvent associé à la marque
Guggenheim, il apparaît pour certains comme la preuve d’une approche mercantile de la
culture. Les Emirats Arabes sont souvent perçus comme des lieux d’ostentation qui ne
correspondent pas à l’identité du Louvre. Face à ces critiques, le Louvre tente de mettre
de nouveau en avant sa valeur d’universalité et d’ouverture : « L’art a ceci de grand qu’il
transcende les contingences ou les tensions politiques et contribue au dialogue des
cultures et des civilisations en valorisant le génie universel à travers les siècles. »
commente à ce propos Henri Loyrette42. L’universalisme, qui a longtemps été relié à une
idéologie d’expansion occidentale, doit ici s’inscrire dans un multilatéralisme et un respect
de la diversité des expressions culturelles. Son implantation dans la péninsule arabique
est l’occasion d’affirmer son rôle de carrefour entre les civilisations et de rappeler la
richesse d’une rencontre entre Orient et Occident, tout comme le fait, à son niveau le
département des Arts de l’Islam.
2) Vers une nouvelle économie de la culture
a) Mécénat culturel, un nouveau type de partenariat entre secteur privé et secteur culturel
Le mécénat est défini comme « le soutien matériel apporté sans contrepartie directe
de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités
présentant un intérêt général ». Il a donc deux caractéristiques principales : il n’implique
pas de retombées commerciales quantifiables, contrairement au parrainage, et il remplit
42
Henri LOYRETTE, à propos des missions du Louvre, http://www.louvre.fr/jp/node/469.
52
un objectif philanthropique. Jusqu’à présent, la culture était considérée comme un élément
trop altruiste pour entrer en concordance avec le monde des affaires, reposant seulement
sur la recherche d’intérêt individuel et de réussite sociale. Mais la Révision Générale des
Politiques Publiques, menée de 2007 à 2012, a considérablement réduit le budget de
l’Etat en matière culturelle. Face à ce désengagement de l’Etat, le recours à des
financements privés apparaît nécessaire. Par ailleurs, Jean-François de Raymond
rappelle que « la pluralité des sources de financement est considérée comme de plus en
plus souhaitable pour la souplesse qu’elle offre, l’initiative qu’elle suscite et l’indépendance
qu’elle assure »43. La culture est d’ailleurs déjà subventionnée par plusieurs niveaux
administratifs (Etat, région, ville, Union Européenne), afin de préserver son indépendance
et sa diversité. Néanmoins, le mécénat privé et les financements étrangers doivent être
établis avec précaution pour ne pas passer aux yeux du public comme des négociations
commerciales ou diplomatiques. En effet, les Français sont encore frileux devant ces
nouveaux procédés et, bien qu’ils en acceptent les avantages, ils ont peur de voir passer
l’intérêt spécifiquement culturel, d’enrichissement mutuel, au second plan. Il s’agit donc
pour le domaine culturel de dépasser cette méfiance envers le monde de l’entreprise et
d’inventer de nouvelles formes de financement pour atteindre une certaine autonomie. Si
pour certaines petites structures, le dialogue peine à s’amorcer, d’autres institutions,
comme le Louvre, ont déjà développé une stratégie spécifique pour recruter des mécènes.
A la peur de voir les mécènes peser sur les choix du musée, succède la peur de ne pas en
trouver.
Quelles sont alors les motivations des entreprises qui investissent dans le
mécénat ? Il y a d’abord un intérêt fiscal, sur lequel insiste la loi Aillagon du 1er août 2003,
qui vise à attirer les investissements. Mais une stratégie de mécénat répond de plus en
plus à une réflexion sur l’identité d’une entreprise, sur son engagement en tant qu’acteur
de la société civile et sa communication. Si le retour sur investissement n’est ni concret, ni
mesurable, ni même immédiatement efficient, les entreprises savent en tirer des bénéfices
d’image. En effet, en s’associant à un projet culturel, les entreprises redonnent à leur
marque des valeurs et un visage humanistes. Le mécénat est une façon pour une
entreprise de marquer son originalité, son dynamisme et son ouverture, de cultiver un
capital sympathie qui lui sera utile en cas de polémique, voire de soigner ses relations
avec les autorités locales. C’est aussi, en quelque sorte, une façon d’accepter
l’importance de son rôle dans la société, sa responsabilité et sa puissance économique.
43
Ibid.
53
Le budget du mécénat culturel avait très fortement diminué entre 2008 et 2010 en
passant de 975 millions à 380 millions d’euros. Mais l’Admical, association qui rassemble
et représente tous les acteurs du mécénat, montre que les investissements privés
remontent progressivement en 2011 pour atteindre 494 millions d’euros. Dans un contexte
de crise économique, la culture n’est pas la principale préoccupation des entreprises qui
ont tendance à investir de plus en plus dans les domaines liés à la responsabilité sociale
(actions sociales, éducation, santé, environnement). « Le discours auquel sont sensibles
les entreprises aujourd’hui ne passe plus par la beauté de l’art mais par la culture comme
facteur d’équilibre de la société »44 note Christophe Monin, responsable de fundraising au
Musée du Louvre. Par ailleurs, les entreprises préfèrent désormais concentrer leur
investissement sur des projets plus importants et moins nombreux, afin de gagner en
visibilité. Cela implique un plus grand déséquilibre entre les petites structures, délaissées,
et les grandes structures qui profitent d’une conjoncture favorable et voient leur budget
augmenter ou, du moins, se stabiliser. Les opérations exceptionnelles et ponctuelles,
comme l’ouverture du département des Arts de l’Islam, permettent aux mécènes de
communiquer à plus grande échelle sur leurs actions de mécénat.
b) Le cas du Louvre, une institution au système de financement innovant (voir annexes)
Le musée du Louvre a profondément modernisé son système de financement en
2003. Il a signé avec l’Etat un contrat de performance et doit désormais rendre des
comptes chaque année. Il bénéficie d’une grande autonomie dans la gestion et l’attribution
de ses ressources mais doit, en contrepartie, offrir une grande visibilité sur sa gestion
financière auprès du ministère de la culture. Ce contrat repose sur trois objectifs :
intensifier le développement culturel en plaçant le public au cœur de ses projets,
développer la protection et la mise en valeur du patrimoine grâce à une politique
scientifique cohérente et performante et renforcer les fonctions administratives et
techniques, c’est-à-dire prendre en charge la gestion du personnel et le responsabiliser.
Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs sont établis afin de mesurer l’engagement du
Louvre. En échange de cette liberté accordée au musée, l’Etat le subventionne
confortablement, mais n‘intervient pas en cas de déficit sauf si ceux-ci touchent aux fonds
de roulement. Les résultats du Louvre sont très satisfaisants : sa fréquentation en 2011 a
atteint 8,8 millions de visiteurs, soit 400 000 de plus que l’année précédente.
44
Extrait de Marie-Aude ROUX. « Le mécénat d’entreprise déserte la culture ». Le Monde, le 24 mars 2011.
54
Le Louvre mène une politique volontariste de recherche de mécènes, grâce à une
équipe d’une quinzaine de personnes qui lui est consacrée, afin de développer ses
propres ressources. La part du mécénat dans le budget du musée (11% du budget global
de fonctionnement) n’est d’ailleurs pas négligeable. Les fonds apportés par le mécénat
dans le budget pour la mise en place du département des Arts de l’Islam sont beaucoup
plus significatifs. En effet, sur les 98,5 millions qu’a nécessité le projet 30 millions
proviennent de mécènes individuels ou d’entreprises et 36 millions de contributions
d’Etats.
Le Louvre possède plusieurs groupes de mécènes, en France et à l’étranger,
s’adressant ainsi à différents types d’acteurs : les Amis du Louvre, le Cercle des mécènes
et des jeunes mécènes, le Cercle Cressent composé de collectionneurs et d’amateurs
d’art, le Cercle International, le Cercle Louvre entreprise ou encore le American friends of
the Louvre. Le musée propose tout un panel d’actions afin de permettre aux mécènes de
choisir une solution à leur convenance. Les particuliers et les entreprises peuvent ainsi
procéder à un legs, un don d’œuvre d’art ou d’argent ou laisser leur héritage en
contractant une assurance vie. Par ailleurs, le Louvre est le premier musée français
disposant d’un fond de dotation. Créé en 2009, il s’est inspiré du système des
endowments anglo-saxons, ce qui lui permet de capitaliser des biens et de disposer d’un
financement pérenne.
Le Louvre souhaite rendre le mécénat accessible à tout le monde et incite les
particuliers à faire des dons, même modestes. Cela permet à tout un chacun de participer
à la mise en place d’un projet, de faire restaurer une œuvre ou de permettre au musée
d’en acquérir une nouvelle. Très efficace, ce système est à la fois une façon de
responsabiliser le public, en le faisant participer à la mission du Louvre, et de le fidéliser,
en tissant avec lui des liens de proximité, en l’invitant à des évènements privés ou en
inscrivant son nom sur les murs du Palais.
II. LE DEPARTEMENT DES ARTS DE L’ISLAM, L’AMBITION DE CHANGER NOTRE
REGARD SUR L’ISLAM
Alors que les expositions sur les arts de l’Islam se multiplient, comment se distingue
le nouveau département du Louvre ? Dans un premier temps, j’explorerai le projet
architectural du nouveau département, puis je me pencherai sur son offre artistique, sa
collection et sa mise en scène.
55
A/ « Un voile mordoré » sur le nouveau département
1) La construction architecturale
La construction du département a été lancée par un appel d’offres démarrant une
véritable compétition entre des architectes de renom. C’est finalement Rudy Ricciotti et
Mario Bellini qui ont remporté le concours en 2004 avec leur projet de toiture dorée
surplombant le département. Lauréat du Grand Prix national de l'architecture en 2006,
Rudy Ricciotti n’en est pas à son premier projet de grande envergure. Dans le domaine
culturel, il est déjà à l’origine de la Scène de musique contemporaine de Nîmes, du
réaménagement du Centre National de la Photographie à Paris, du Palais du Cinéma de
Venise ou encore du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à
Marseille. Mario Bellini est, quant à lui, un designer et architecte italien reconnu et un
spécialiste du design industriel.
Les architectes ont étudié de multiples possibilités avant de présenter leur projet.
Dans sa notice architecturale, Rudy Ricciotti explique comment il en est venu à imaginer
une verrière pour coiffer le nouveau département. La cour ne pouvait être « encombrée »
par une construction trop pesante qui aurait altéré la luminosité déjà entravée par des
façades assez sombres. Dans un premier temps, il a donc pensé à construire une verrière
de type XIXème, qui aurait laissé passer une lumière naturelle en laissant le ciel à
découvert. Mais l’hétérogénéité des façades n’offrait pas de ligne de corniche continue où
aurait pu venir se poser une verrière. Une telle construction aurait non seulement placé les
arts de l’Islam au même niveau que d’autres sections du musée, ce qui aurait rendu la
répartition des collections incohérente, mais elle aurait également écrasé visuellement la
cour en unifiant la hauteur de la verrière avec les étages des bâtiments latéraux. La
principale difficulté a donc été de trouver une alternative à cet enfermement dans lequel la
cour plongeait le nouveau département et d’intégrer un nouvel espace sans rompre avec
les lignes architecturales déjà en place. Pour ne pas transformer la cour en un espace
plein, les architectes ont choisi d’exploiter les sous-sols, déjà largement valorisés dans le
reste du musée. L’objectif était ici de montrer le lien entre les différentes civilisations de
l’Islam et leur influence mutuelle. La verrière dorée, visible depuis le sous-sol, représente
le point d’union entre les deux étages d’exposition, ceci permettant d’éviter « la rupture
identitaire de la narration »45. D’autre part, les grandes fenêtres des galeries voisines
offrent une belle visibilité à leur ouvrage. Les architectes ont joué sur ces différentes
45
Notice architecturale par Rudy RICCIOTTI, architecte mandataire.
56
perspectives pour imaginer la verrière couvrant le département, non contents d’offrir aux
visiteurs différents points de vue sur leur œuvre architecturale.
Projet d’aménagement le plus important depuis la pyramide de Pei, le département
des Arts de l’Islam se situe dans l’aile sud du musée, plus précisément dans la cour
Visconti. Les 2 800 m² du département s’étendent sur trois étages, un rez-de-cour et deux
sous-sols, dont un réservé à l’équipement technique. Si la toiture impressionne par son
équilibre et ses couleurs chatoyantes, la véritable prouesse technique repose sur la
construction de nouvelles fondations sous la cour Visconti. C’est « la partie non visible de
l’iceberg »46, comme en témoigne Rudy Ricciotti. En effet, après la restauration des
façades jouxtant la cour, le sol a été creusé à 12 mètres de profondeur et la terre évacuée
par un porche large de seulement 2,70 mètres. La grande crainte des architectes était
alors de voir s’écrouler les bâtiments latéraux, où se trouvaient notamment « Le Sacre de
Napoléon » et « La Joconde », restés ouverts au public. L’excavation achevée, des
colonnes ont été coulées par injection de béton à très haute pression.
Les études préliminaires au chantier ont été très longues et minutieuses afin de ne
rien laisser au hasard. Les matériaux ont été testés, les poids et les mesures vérifiées afin
de trouver un équilibre parfait et durable supportant toutes les intempéries possibles –
étanchéité, résistance à la chute de neige susceptible d’endommager les panneaux,
échauffement, etc. Ces études ont également permis de mesurer les inclinaisons des
2350 panneaux triangulaires en verre translucide légèrement différents les uns des autres
pour créer les ondulations du voile. Les triangles sont mobiles afin de faciliter leur
entretien. Ils sont posés sur une structure composée de trois couches : les panneaux de
verres sont entourés de deux maillages métalliques en-dessous et au-dessus, complétés
par un nid d’abeille qui filtre la lumière.
Cette structure est maintenue par huit piliers inclinés très discrets, d’un diamètre
maximal de 30 centimètres. La finesse des éléments donne l’impression que la structure
est en apesanteur et danse sur les installations muséographiques. En effet, les points
d’appui sont dissimulés, les extrémités de la toiture ne touchent ni le sol, ni les façades
donnant un côté très aérien à la construction. D’une hauteur variant entre 1,50 et 8
mètres, la couverture donne une impression de souplesse et d’apesanteur malgré le poids
total de la structure s’élevant à 135 tonnes. Ses bords ont été affinés et sa structure
étudiée dans les moindres détails pour être la plus légère possible. Il s’agit par ce savant
jeu d’équilibre de masquer tout effort structurel et technique pour ne laisser transparaître
46
« Un voile mordoré pour abriter le département des Arts de l’Islam au Louvre ». Source AFP. France Soir, le 9 janvier 2012.
57
que la simplicité et la fluidité de l’ondulation d’une surface lisse, comme celle d’un tissu
délicatement posé sur la cour.
Les matériaux utilisés, le verre, le métal et la résille, jouent avec la luminosité.
L’aluminium donne une couleur irisée à la couverture d’une teinte dorée et filtre la lumière
du soleil ce qui facilite la conservation des œuvres exposées. La transparence de la
toiture, qui devait permettre aux visiteurs d’être témoins du climat extérieur, n’a finalement
pas eu l’effet escompté. Mais les couleurs chaudes de la dune s’accordent parfaitement à
la pierre blanche des murs de la cour. Le verre, d’une très grande qualité optique, laisse
passer la lumière naturelle du jour et permet au visiteur d’apercevoir les façades
restaurées de la cour. De tous les points de vue, le mélange entre architecture classique
et contemporaine reste visible, reflétant l’identité même du Louvre. A l’intérieur, le sol noir
est incrusté de particules en laiton qui font écho au toit. L’escalier menant au sous-sol
représente lui aussi une grande performance technique puisqu’il a été coulé en un seul
bloc et ne comporte aucun point d’appui. Il mène aux œuvres les plus fragiles, qui
nécessitent d’être protégées de la lumière (papier, tissus, tapis).
2) Un évènement à part entière : les retombées presse (voir annexes)
La visite du chantier a été l’occasion de faire venir la presse et d’annoncer
l’ouverture du nouveau département. Reprenant largement le dossier de presse, le
communiqué de l’AFP et les propos des architectes, les journalistes ont néanmoins fait
preuve d’une grande originalité dans la description de l’édifice. C’est une grande poésie
que leur a inspiré la nouvelle construction architecturale, comme le montre cet extrait de
Soirmag47 :
« Une voile d’or, une aile de libellule fauve, une dune mordorée, une vague d’or, un nuage
brillant, un drapé soyeux : les images sont multiples pour décrire le nouvel aménagement
contemporain du Louvre. Toutes tentent de dire la beauté de la verrière suspendue dans
la cour Visconti, son élégance, sa légèreté, sa souplesse, sa mouvance. L’œuvre
contemporaine de verre et de métal ondule à l’intérieur de l’espace fermé de la cour
intérieure du Louvre, s’intègre aux façades XVIIe, respecte les bâtiments néoclassiques
qu’elle libère après le premier étage, répond à leurs couleurs, atténue la lumière du soleil,
adoucit les températures et survole les salles d’exposition en permettant au regard de les
dépasser et d’apercevoir le ciel. »
47
Joëlle SMETS. « Voile d’or au Louvre ». Soirmag, le 29 janvier 2012.
58
La légèreté, la souplesse, la fluidité provoquent l’admiration, tandis que la
performance technique des architectes impressionne. Les journalistes ne sont pas non
plus insensibles à l’avant-gardisme et à l’audace de la construction, unique en son genre.
Alors que certains trouvent des métaphores animales – « aile de libellule », « tortue aux
écailles d’or » - d’autres ont plutôt tendance à chercher le rapprochement avec l’islam
dans des images finalement assez stéréotypées telles que l’«oasis », une « grande tente
hospitalière », une « échine de dromadaire ». Rudy Ricciotti relève d’ailleurs cette
arrogance occidentale : « j'ai déjà entendu quelques déclarations vulgaires comme ʺla
couleur dorée plaira aux mécènesʺ »48. Certains dépassent les images consensuelles et
esthétiques pour y voir un symbole politique fort. C’est ainsi que Beaux Arts magazine
évoque « un manifeste pour la démocratie, et même une reconnaissance du droit des
femmes en terre d’Islam »49.
Certaines formes, rappelant l’aspect mouvant du toit, reviennent très souvent : la
« nappe », le « mouchoir », la « peau » mais surtout le « voile ». Lors de ma visite de
l’édifice en avant première, Laurent Ricard, chef du projet au sein de la direction de la
maîtrise d’ouvrage du Louvre, nous a précisé que les architectes l’appelaient
communément la « dune », et non le « voile », désormais banni de leur vocabulaire,
certainement à cause de sa résonnance polémique. Riche d’évocations, la « dune » est le
nœud d’une multitude d’interprétations. Elle a su attirer l’attention des médias, avant
même l’ouverture du département. Ce procédé, assez classique en communication,
permet de préparer le terrain pour la véritable ouverture et de faire monter l’attente du
public.
La polémique qui avait accompagné l’inauguration de la pyramide de Pei, due au
caractère très contemporain du projet d’architecture dans le cadre d’un palais classique,
semble avoir disparue. Pourtant, le projet de Rudy Ricciotti et Mario Bellini occulte une
partie des façades historiques et classées du Palais. Seuls deux articles l’évoquent et
montrent une plus grande tolérance du grand public vis-à-vis de l’architecture
contemporaine. Cela révèle aussi le grand travail des architectes qui ont réussi à intégrer
une structure contemporaine, aux connotations orientales, dans un ensemble architectural
d’époque, d’un style néoclassique très français.
48
Eric BIETRY-RIVIERRE et Armelle de ROCQUIGNY. « Au Louvre, un toit doré pour les arts de l'islam ». Le Figaro, le 4 janvier 2012. 49
Philippe TRETIACK. « Oasis de fraîcheur au cœur du Louvre ». Beaux Arts magazine, n° 333, mars 2012.
59
B/ Une offre culturelle enfin révélée
1) Histoire de la collection d’art oriental du Louvre
Le Louvre a acquis ses premières pièces d’art islamique après la Révolution, alors
qu’il venait de se constituer en musée. Le baptistère de saint Louis, réalisé en Syrie au
XVIème siècle, et certaines œuvres provenant de l’abbaye de saint Denis faisaient déjà
partie des collections royales léguées au musée du Louvre. Mais c’est surtout au début du
XIXème que ses acquisitions prennent de l’ampleur. En 1888, de nouvelles salles ont
permis d’exposer les antiquités rapportées par la mission Dieulafoy envoyée à Suse en
Iran. Puis, une section des arts musulmans au sein du département des objets d’art les
recueillent en 1893.
L’enrichissement de la collection ne dépend pas seulement des acquisitions
progressives du musée, ni de l’évolution de ses goûts, mais aussi de l’histoire, dans
laquelle la politique internationale et l’économie ont eu un grand rôle à jouer. En effet, à
cette époque, Paris représentait encore une capitale très active sur le plan du marché de
l’art et l’Orient fascinait un bon nombre d’artistes français. Amateurs d’art et historiens se
sont intéressés aux productions artistiques issues de la culture musulmane, se
transformant en relais de diffusion pour les arts de l’Islam encore mal connus des
Européens. Les pièces ramenées par ces orientalistes, dont le graphisme, la technique et
l’esthétisme ont été très remarqués, ont par ailleurs inspiré de nombreuses œuvres
occidentales. C’est dans ce contexte que le Louvre a enrichi ses collections de divers
objets orientaux (tapis, tissus, peintures, mosaïques, etc.) exposés dans une section
consacrée au Moyen Age islamique, alors qu’en parallèle ouvrait au musée des Arts
Décoratifs une exposition sur les grands Empires modernes de l’Islam.
Au début du XXème siècle, des acquisitions prestigieuses, telles que le tapis de la
Collégiale de Mantes, le vase Barberini ou encore les miniatures mogholes, viennent
compléter de multiples donations. Parmi celles-ci, le legs du baron Alphonse Delort de
Gléon, qui cède sa collection privée d’art musulman, est un des plus important pour le
musée. La première guerre mondiale retarde le réaménagement d’une nouvelle salle
consacrée à l’Orient islamique. Le dôme du pavillon de l’Horloge sera finalement ouvert en
1922. Cela donne enfin l’occasion aux visiteurs de découvrir ces collections tant
attendues, car si quelques pièces ont été mises en valeur, ce n’est pas le cas de la
majorité d’entre elles qui sont souvent restées dans les réserves du musée. Pendant la
seconde guerre mondiale et les guerres de décolonisation, les arts de l’Islam ne
60
bénéficient plus de l’aura qu’ils ont pu connaître au début du siècle. La création d’un
département des arts asiatiques permet l’exposition des collections islamiques, mais très
vite celles-ci seront transférées au musée Guimet, où une section islamique est crée au
sein du département des antiquités orientales. Au Louvre, certaines pièces sont
conservées et se retrouvent dans les espaces étroits de la Chapelle du pavillon de
l’Horloge et dans les départements des antiquités orientales, égyptiennes et grecques.
Elles sont réparties selon des critères stylistiques, certaines témoignant d’une forte
influence helléniste et d’autres davantage ancrées dans une culture locale marquée par la
religion musulmane. En 1993, lors de la création du Grand Louvre et le départ du
ministère des finances, le déploiement de la collection dans la galerie Richelieu, offrant
quelques 1000 m² pour l’exposition des œuvres, leur permet enfin de retrouver leur
identité commune.
2) Médiation culturelle et aménagement de l’espace muséographique
Réduites à des espaces très contraints pendant des décennies, Henri Loyrette tente
alors de rendre hommage à ces collections oubliées en soutenant le projet du huitième
département du Louvre. Riche de 18 000 pièces, la collection a été complétée par un
dépôt de 3 400 œuvres du Musée des Arts Décoratifs et par un don de plus de 100
œuvres (donation Pantanella et Signorini). Seules 3 000 pièces sont exposées en
septembre, dont certaines rencontrent le public pour la première fois. Elles couvrent des
territoires vastes (de l’Espagne à l’Inde) et des époques variées (du VIème au XIXème
siècle). L’exposition fait ainsi se côtoyer des civilisations très différentes : de la culture
mamlouks à la culture andalouse, en passant par l’âge d’or persan ou ottoman. La
muséographie s’applique alors à créer un espace de carrefour entre les différentes
civilisations, et notamment à créer des liens entre Orient et Occident en soulignant leur
histoire commune. Mais c’est aussi une façon de rapprocher des œuvres qui, tout en
faisant preuve d’une très grande créativité, gardent une très forte référence à l’islam.
Ces pièces ont fait l’objet d’un inventaire minutieux et d’une restauration coûteuse.
Les murs sombres et la toiture filtrant la lumière naturelle permettent d’en assurer une
bonne conservation. Le parcours muséographique proposé au visiteur est à la fois
géographique, chronologique et thématique, se répartissant en différentes sections : l’art
funéraire dans l’Egypte romaine et dans le Proche-Orient romain, la vie religieuse, la vie
publique et la vie quotidienne et l’Egypte copte. Certaines pièces sont mises en avant
comme la mosaïque de Kabr Hiram, datant du VIème siècle et rapportée du Liban par
61
Ernest Renan en 1860 qui bénéficie d’une section qui lui est entièrement dédiée, ou le
porche mamlouk, encastré dans les murs de l’exposition. Le parcours muséographique est
conçu de manière à former une boucle parfaite afin d’optimiser la circulation des visiteurs.
Néanmoins, les chemins ne sont pas totalement balisés et laisse au public la liberté
d’inventer son propre parcours.
Le Louvre a mis en place un important dispositif de médiation afin de rendre la
collection des arts de l’Islam accessible à tous les publics, quel que soit leur niveau de
connaissance. Il s’attache à construire un parcours ponctué de repères chronologiques et
géographiques et à créer des liens entre les différents objets, en considérant leur style
artistique et leur contexte de création. Le Louvre met à disposition du public des supports
écrits en français, anglais et espagnol, ainsi qu’un guide multimédia disponible en sept
langues. Un « cabinet des clés », tel que le nomme le musée, sert d’introduction à
l’exposition en présentant la culture islamique et ses spécificités. Il évoque ainsi la langue
arabe, la vie religieuse, les modes de vie selon les différentes régions, le phénomène
urbain, etc. Au cours de la visite, des installations multimédia viennent compléter les
panneaux explicatifs. Grâce à un système de reconnaissance digitale, elles permettent au
visiteur d’avoir accès à des vidéos explicatives sur l’origine d’une œuvre, sa signification,
son usage ou encore les étapes de sa fabrication et de sa restauration. Par ailleurs, des
extraits audio proposent des lectures de poèmes en langue arabe et des projections
mettent en valeur la calligraphie des versets du Coran. Il s’agit grâce à ces outils de
contextualiser les œuvres et de faciliter leur compréhension, mais aussi de divertir le
public en lui proposant une visite interactive.
Le musée souhaite également développer des outils spécifiques pour un public
scolaire. C’est pourquoi il organise des activités, des rencontres et des évènements pour
agrémenter la visite et met en ligne des ressources pédagogiques pour la compléter par
un enseignement plus poussé. Des visites-conférences ainsi que des évènements
(concerts, nocturnes, lectures) permettront à tous les publics d’approfondir la visite et de
voir les arts de l’Islam sous différents angles tels que l’apprentissage des techniques,
l’évolution des styles artistiques, la place de l’islam dans la création artistique, etc.
* * *
62
Conclusion partielle
En France, le mot « culture » a longtemps été réduit aux productions artistiques ou
beaux-arts. Mais il a évolué vers une signification beaucoup plus large et désigne
aujourd’hui les modes de vie, de pensée, les habitudes propres à une société. La culture
englobe alors toutes les productions matérielles et intellectuelles d’un peuple ou d’une
nation et renvoie à la notion de civilisation. C’est par sa culture qu’un individu, et donc par
extension un peuple se définit. C’est par elle aussi qu’elle se donne à voir et qu’elle se
distingue de celles qui l’entourent. En effet, si la culture a un effet endogène et soude une
communauté, elle a aussi un effet hexogène et projette une image qui ne prend sens que
par rapport à une altérité.
L’influence culturelle est un véritable enjeu de pouvoir dans les relations
internationales. En effet, elle renvoie une image positive du pays concerné et lui donne un
poids important dans les négociations diplomatiques. Toutefois, cette influence ne peut
pas s’exercer de manière autoritaire et unilatérale. Elle s’établit dans une relation
d’échange avec les autres nations. Ce sont surtout les institutions elles-mêmes, du moins
celles qui en ont les moyens, qui amènent de nouvelles pratiques.
La deuxième hypothèse qui montre qu’une nouvelle politique culturelle se met
progressivement en place en France, incluant davantage de coopération et reposant sur
un principe de dialogue des cultures, peut être validée. Pour autant, c’est toujours dans le
même objectif de rayonnement à l’étranger que la France poursuit sa politique culturelle
internationale. Il s’agit en fait de porter un nouveau regard, plus respectueux, sur les
autres cultures et de créer des ponts entre elles. Et c’est justement cette politique de
dialogue interculturel que le Louvre illustre dans son projet de création du département
des Arts de l’Islam.
63
PARTIE 3
DONNER DE L’ECHO A L’INAUGURATION DU NOUVEAU
DEPARTEMENT, L’OCCASION DE REDYNAMISER L’IMAGE DU
LOUVRE
64
65
Introduction partielle
L’histoire et l’ancienneté du Louvre lui apportent une grande légitimité dans le
monde artistique. Son succès est international et sa fréquentation ne cesse d’augmenter.
Mais son image est-elle à la hauteur de sa réputation ? Si le Louvre est un modèle en ce
qui concerne le développement de ses projets internationaux, en est-il de même pour son
musée à Paris ? Comment donner à un musée spécialisé dans l’art et la culture classique
une image de musée en accord avec son temps ?
La construction du nouveau département, de par son audace et son innovation, est
un moment clé dans l’histoire du musée. On ne peut que saluer les efforts fournis par le
Louvre pour son projet architectural et muséographique. Mais il s’agit aujourd’hui de faire
parler de ce département non seulement pour attirer de nouveaux visiteurs, mais aussi
pour véhiculer une image positive et innovante du musée. Mes recommandations auront
pour objectif de montrer comment l’inauguration du nouveau département représente une
opportunité à saisir pour réaffirmer l’identité prestigieuse du Louvre et redynamiser son
image.
J’ai d’abord réuni différentes informations pour étayer les enjeux, les besoins et
donc les objectifs du nouveau département. Cette phase préliminaire m’a permis
d’envisager d’une façon plus pertinente la campagne de communication du département
des Arts de l’Islam. Après avoir tiré certains enseignements de ces observations, je
présenterai les différentes pistes qui ont été suggérées au musée par l’agence CSUPER!
pour illustrer et compléter la campagne de communication du nouveau département.
I. REFLEXION SUR LES BESOINS DU MUSEE ET LES AXES STRATEGIQUES A
INVESTIR
Le département des Arts de l’Islam doit s’intégrer à l’identité du Louvre tout en la
faisant évoluer. Pour appréhender ce nouveau défi, j’exposerai d’abord les points positifs
et négatifs de l’image du Louvre et ce que peut apporter le nouveau département à cette
identité. Puis, je traiterai de la communication du Louvre pour comprendre ses atouts et
ses limites. Enfin, je présenterai une synthèse des différentes études de publics qui ont
été commandées par le musée.
66
A/ Renouveler l’image du Louvre, un nouveau défi
1) L’identité du Louvre, une image trop figée ?
Pour beaucoup, Français comme étrangers, le Louvre représente une référence
incontournable. Représentatif du patrimoine français, le Louvre colle à l’image de Paris et
en devient presque le symbole. C’est également le musée le plus fréquenté au monde, par
des touristes venus de tous horizons et conquis par la légende Da Vinci. Intemporel et
incontournable, le Louvre s’inscrit dans une perspective universaliste par son histoire et
par la diversité de ses collections. Il possède d’ailleurs peu de concurrents. Seuls le
Musée d’Orsay, le château de Versailles et le Grand Palais partagent quelques
caractéristiques avec le Louvre. Ces trois monuments ont un style architectural ancien,
présentent des collections très riches et se distinguent par leur taille et par leur grande
renommée.
Le Louvre a cette particularité d’être un musée autant qu’un palais. Il est donc perçu
comme un ensemble qui se définit autant par son contenant que par son contenu.
L’architecture du lieu et son histoire lui donnent une image de sagesse, de calme, de
patience et de sérénité. Respecté et respectable, il s’impose depuis plusieurs siècles au
cœur de Paris. Sa grandeur et son luxe lui apportent charisme, force et prestance. Si le
Louvre est souvent associé à une figure masculine50, c’est sûrement parce qu’il a été
pendant plusieurs siècles le lieu de la monarchie où régnait le Roi de France. La grande
force du Louvre est d’avoir su intégrer des constructions architecturales modernes à son
palais très classique. La pyramide de Pei est désormais un emblème, la dune dorée du
département des Arts de l’Islam pourra peut-être le devenir à son tour. Ces constructions
défient les réticences quant à la « dénaturalisation » du patrimoine historique du Palais
Royal. En imposant ses choix architecturaux, le Louvre s’est affirmé comme étant une
institution audacieuse.
Au-dessus du reste de l’offre culturelle parisienne, le Louvre apparait comme un
patriarche, un maître de l’art, à la fois généreux et arrogant. En effet, le Louvre parait trop
axé sur la préservation de son statut de référence culturelle pour faire l’effort d’aller vers
de nouveaux publics. La personnalité du Louvre suscite l’admiration, mais elle provoque
aussi une certaine mise à distance du fait de son caractère écrasant et de son manque de
renouvellement. Il est même parfois considéré comme un endroit ennuyeux car trop
50
Agnès RIVIERE-ANCELLIN et Isabelle GOTTESDIENER. Étude d’image et réception du logotype du Musée du Louvre. TNS Sofres, le 7 mai 2008.
67
sérieux, voire froid. Cantonnée à un certain immobilisme, l’offre culturelle serait trop figée.
Ses expositions temporaires et activités (conférences, expositions, activités jeune public,
spectacles, concerts) ne sont vraisemblablement pas assez relayées et diffusées pour être
connue du public. Le Louvre devrait communiquer davantage sur ses activités
secondaires afin de se positionner aussi bien en lieu de loisir qu’en lieu de savoir.
Par ailleurs, l’ampleur de l’offre artistique peut impressionner certains visiteurs ou
en décourager d’autres et apparait alors comme une contrainte. L’espace lui-même
intimide : immense, voire « tentaculaire », il manque de repères et on s’y perd trop
facilement. Trop balisé, l’aménagement de l’espace muséographique ne laisserait pas
assez de place à la modernité et à la surprise. L’affluence de visiteurs, l’attente et le
manque d’espaces de repos peuvent également être un frein à la visite.
Le Louvre est finalement, de par son architecture et son offre culturelle, un lieu du
passé et il apparaît difficile de faire évoluer son identité. Il a une relation très ambigüe
avec son public : il attire et fascine par son prestige mais il éloigne aussi par sa grandeur
et son austérité. L’objectif est de renouveler son image, sans amoindrir sa qualité d’expert
dans l’art classique, ni sa valeur patrimoniale. Son image doit être désacralisée afin de
rendre le musée plus vivant et plus accessible, en intégrant davantage d’interactivité et de
ludisme dans les visites par exemple.
2) Le département des Arts de l’Islam, un projet artistique et politique
La collection des arts islamiques du Louvre, riche d’environ 15 000 pièces, est
restée dans les réserves du musée pendant plusieurs décennies. Constatant la trop
grande « marginalisation » des arts de l’Islam au Louvre, Henri Loyrette a défendu une
mise en valeur de ce qu’il considère comme « l'une des plus importantes collections de ce
type dans le monde »51 avec la construction d’un département qui lui soit entièrement
dédié. Les arts de l’Islam ne sont pas étrangers aux ressources culturelles françaises.
Comme le rappelle Sophie Makariou, conservatrice en chef du nouveau département, « on
enseigne l'arabe en France depuis François 1er et les objets d'art musulmans sont
présents au Louvre depuis sa création, en 1793 »52.
Au-delà du simple prétexte muséographique, l’ouverture du département des Arts
de l’Islam a également une visée politique. Double geste, artistique et politique, il s’agit,
selon les mots du président du musée de « présenter la face lumineuse de cette
51
« Islam, le Louvre lève le voile ». Le Point, le 4 janvier 2012. 52
Ibid.
68
civilisation qui engloba en son sein une humanité infiniment variée et riche »53. En posant
la première pierre à l’édifice, le 16 juillet 2008, Nicolas Sarkozy rappelle, lui aussi, la
grandeur de la civilisation islamique incarnée par « le progrès, la science, la finesse, la
modernité »54. Le Président de la République insiste également sur l’importance de
valoriser les arts de l’Islam dans le contexte actuel. Les violences dans le monde
musulman et les menaces terroristes ne doivent pas salir l’image de l’islam. Sophie
Makariou va dans le même sens : « le mot Islam, il faut l’assumer, lui redonner sa
grandeur, il faut le porter, il ne faut pas le laisser aux djihadistes »55. Le Louvre se donne
donc pour mission de réhabiliter l’islam et de lui redonner sa vraie valeur. Par ailleurs, la
conservatrice précise qu’il s’agit bien là d’exposer les arts de la civilisation islamique, qui
ne concernent pas seulement les musulmans, mais aussi les juifs ou les chrétiens ayant
vécu en terre d’Islam.
L’ouverture de ce département apparait également comme l’occasion de réaffirmer
les liens entre la France et les Etats musulmans, comme l’affirme Nicolas Sarkozy, « c'est
un moment d'échange, un moment d'ouverture, un moment de tolérance. L'affrontement
entre l'Occident et l'Orient serait une catastrophe pour le monde »56. La « dune »
recouvrant le département a d’ailleurs été construite en hommage à ses mécènes si l’on
écoute l’architecte Rudy Ricciotti « Peut-on rêver une autre attitude qui, avec moins de
pesanteur et davantage de tendresse, accueillerait amicalement l'islam à l'image de la
main tendue de Montesquieu au Persan en visite à Paris ? »57.
Emblème de la culture française, le Louvre exporte actuellement son image et son
savoir-faire en créant des partenariats avec diverses institutions étrangères. Face aux
nombreuses critiques d’un public qui perçoit une très forte dimension commerciale dans
cette politique de développement, le Louvre doit montrer une réelle volonté de dynamiser
son offre parisienne et de réaffirmer la primauté du Palais Royal sur ses antennes : « On
va clore le dernier chapitre du Grand Louvre »58 témoigne Henri Loyrette. Si l’histoire et
l’architecture néoclassique du Palais Royal sont très admirées, elles peuvent également
devenir pesantes au vu des nombreuses initiatives contemporaines dans la capitale. La
construction d’un nouveau département des Arts de l’Islam et la mise en place d’un projet
53
« Arts de l'Islam au Louvre: raffinement, diversité, complexité ». Source : AFP. Le Point, le 22 septembre 2012. 54
Extrait du discours de Nicolas SARKOZY, lors de la pose de la première pierre des nouvelles salles des Arts de l’Islam, le 16 juillet 2008. 55
AFP, op. cit. (53). 56
N. SARKOZY, op. cit. (54). 57
Notice architecturale par Rudy RICCIOTTI, architecte mandataire. 58
« Le Louvre aussi drague le Qatar ». L’Express, le 5 janvier 2012.
69
architectural aussi novateur, vise à moderniser l’image du Louvre et à attirer de nouveau
l’attention internationale sur cette prestigieuse institution.
B/ Etat des lieux des outils de communication du Louvre
1) Le site du Louvre, un atout pour sa notoriété
Parmi les médias propriétaires, le site du louvre.fr est le principal outil de médiation.
Avec ses quelques 11 millions de visiteurs annuels, il est le premier relai d’information
dont dispose le musée. L’objectif du site est de créer un lien avec toutes sortes de publics
avant et après, voire même indépendamment d’une visite au musée. Sa refonte en 2010 a
été l’occasion de proposer une nouvelle architecture de l’information et de simplifier son
arborescence afin de s’adapter à différents usages.
Aujourd’hui, il s’adresse aussi bien aux visiteurs occasionnels, principalement
étrangers, qui souhaitent avoir accès à des informations pratiques rapidement, qu’à un
public fidélisé, cherchant un contenu plus riche et des ressources abondantes. Les
informations pratiques, le plan du musée, les parcours thématiques, ainsi qu’une billetterie
en ligne ont été repensés et mis en valeur sur la page d’accueil. Ces informations
essentielles à la visite doivent être immédiatement accessibles afin que l’internaute pressé
ne se perde pas face à la profondeur des ressources disponibles. Parallèlement, l’image
du Louvre qui repose entres autres sur son expertise en matière d’histoire de l’art implique
de proposer un contenu de qualité. Une analyse d’œuvres (« un jour, une œuvre »), un
dictionnaire d’histoire de l’art, un module permettant d’identifier des personnages et des
scènes récurrentes d’œuvres, une carte et une chronologie des collections participent à
cet objectif d’enrichissement du site. Il prend également en compte les besoins des
groupes scolaires en produisant des documents pédagogiques permettant aux élèves
d’approfondir la visite au musée.
La refonte du site a également permis de repenser l’esthétisme du site. La page
d’accueil fait désormais la part belle aux images en mettant en avant un bandeau animé
sous forme de slideshow. Les vidéos prennent plus de place. Elles illustrent la
programmation du musée ou présentent de petits reportages sur l’histoire, la technique,
l’analyse des œuvres exposées au Louvre. Le site n’a pas été pensé comme un élément
isolé, mais au contraire comme un des rouages d’un système beaucoup plus vaste. C’est
pourquoi ces vidéos sont publiées sur des sites d’hébergement comme YouTube ou
70
Dailymotion. Elles génèrent ainsi du trafic sur le site en y amenant un public qui ne serait
pas allé spontanément se documenter sur le site du Louvre.
Le musée est soucieux de s’adapter aux attentes d’un nouveau public, plus jeune et
caractérisé par un usage beaucoup plus poussé des medias online. La culture antique et
classique n’étant pas toujours attractive pour le jeune public, le Louvre doit fournir d’autant
plus d’efforts pour entretenir ses liens avec ce public et pour soutenir un nouveau rapport
à l’information, à l’image et, plus généralement, à la culture. Cela passe avant tout par la
mise en place d’espaces interactifs. Agnès Alfarandri explique : « Nous souhaitons que ce
lien soit réciproque en donnant la parole à nos visiteurs, en leurs permettant de laisser des
commentaires, de donner leurs avis, et de ne pas être dans un discours uniquement
ʺdescendantʺ de l’institution vers ses publics. Nous souhaitons nous nourrir de ce que le
public nous dit du musée et des collections, écouter leurs demandes et leurs besoins,
nous adapter »59. Des modules de partage, d’envois, de recommandations par les
internautes ont été mis en place pour faire vivre la communauté des visiteurs. Ces outils
sont particulièrement utiles pour faire connaître les évènements organisés par le Louvre
(soirées thématiques, conférences, concerts, spectacles) qui manquent encore de
visibilité. Le Louvre doit s’appuyer sur cette communauté et ne plus se considérer comme
seul émetteur d’un savoir qu’il diffuse à ses publics. En effet, tout le monde peut
désormais prendre la parole et contribuer à la production d’informations. En se prononçant
sur un contenu et en publiant son opinion par le « j’aime » sur Facebook, le public labellise
une production. Ce feedback ne doit pas être réprimé par les institutions qui doivent, au
contraire, s’en servir pour être à l’écoute de leurs publics. La pluralité des discours n’est
pas un frein à l’autorité d’un musée comme le Louvre mais une preuve de son évolution et
de sa démocratisation.
2) Une identité graphique dépassée
Le Louvre est un musée en plein développement. La marque du Louvre devient un
emblème sur le plan national comme international. Il est temps pour le musée de réfléchir
à son identité graphique et de la faire évoluer. Dans cette perspective, le Louvre a
commandé une étude à TNS Sofres60 afin de mieux connaître la réception du logotype
actuel. C’est sur un échantillon de Français et d’étrangers ayant une sensibilité et une
59
Agnès ALFARANDRI. Louvre.fr, renforcer le lien entre le musée et ses publics. http://cblog.culture.fr. Le 9 mars 2011. 60
A. RIVIERE-ANCELLIN et I. GOTTESDIENER, op. cit. (50).
71
pratique des activités culturelles que l’institut d’études a relevé les perceptions du logo du
Louvre.
Le logo du Louvre est formé par un cartouche rectangulaire, dans lequel le mot
« Louvre » est écrit en lettres capitales sur un fond noir animé de très légers nuages. Si le
fond noir montre une certaine sobriété, les nuages contrebalancent cet effet en évoquant
la fragilité des œuvres ou encore l’évanescence de l’art. Le mot « Louvre » est écrit en
Granjon, une police surtout utilisée pour un usage éditorial. Illustre caractère, appelé aussi
« caractère de l’Université » par le cardinal de Richelieu, elle est célèbre pour avoir été le
standard de la Manufacture royale d’imprimerie. La typographie qui utilise des caractères
avec empattement, le cadre rectangulaire et la place du Louvre au centre symbolise le
pouvoir, le prestige et la solidité du Palais, qui a traversé les époques sans perdre son
aura.
Le logo du Louvre n’est pas toujours connu du public et quand il l’est, il est jugé
austère, classique et dépassé. En effet, les couleurs noir et blanc suggèrent la tristesse,
voire la mort. Elles dévalorisent le logo au point que certains y voient « une photocopie de
mauvaise qualité ». Par ailleurs, l’absence d’article et de la mention « musée » paraît
prétentieuse. Le nuage est perçu comme un écho à la grandeur et à l’intemporalité du lieu,
de ses œuvres et de l’art en général. Si certains notent le mystère et la légèreté, d’autres
voient dans ce ciel une connotation divine très arrogante. La police de caractère va dans
ce même sens : elle évoque le luxe français, le classicisme (voire l’Antiquité, avec des
lettres qui ressemblent aux gravures sur marbre), l’élégance et la subtilité.
Le logo représente bien l’identité du Louvre, lieu solennel et universel, mais offre
peu d’attractivité. Enfermé dans son carcan, il parait se placer au-dessus de tous et laisse
peu de place à l’imagination. Son ton grisonnant s’adapte souvent mal aux affiches. Les
attentes se tourneraient vers un logo aux tons plus clairs ou utilisant des éléments
représentant la modernité du Louvre, comme sa pyramide par exemple. Le motif du ciel
pourrait être utilisé davantage pour montrer tous les territoires que couvrent les œuvres
exposées au Louvre et suggérer l’évasion, le voyage et la découverte culturelle plutôt que
l’éternité, l’histoire et la sacralité.
72
C/ Etude du public et définition des objectifs
1) Etude sur les perceptions et les attentes du public
Le Louvre a souhaité mieux connaître les perceptions et les attentes du futur public
du département des Arts de l’Islam. Pour cela il a commandé une étude qualitative au
cabinet Option culture61 chargé d’explorer les opinions de différents publics : avertis,
occasionnels ou « éloignés » de l’offre culturelle parisienne. Ces personnes ont été
interrogées sur trois sujets : leur opinion concernant l’actuel département des Antiquités
orientales, leur perception et leurs attentes quant au nouveau département et la politique
de médiation du musée.
Globalement les résultats de l’étude montrent une appréciation positive de l’actuel
département. Déjà séduits par le prestige du Louvre, la richesse de ses collections, son
patrimoine historique et sa caution scientifique, ils n’en sont pas moins impressionnés par
son caractère novateur. On attribue au département des Antiquités orientales, dont le
calme est propice à l’étude et à l’approfondissement des connaissances, une mission
pédagogique. Les publics peu familiers des visites de musée sont beaucoup plus critiques
à cet égard. Ils soulignent divers points d’optimisation possibles, la plupart concernant la
médiation culturelle qu’ils jugent encore trop peu développée. Les repères géographiques
et historiques, notamment pour montrer les influences réciproques entre les courants
artistiques et la relation entre Orient et Occident, manquent de lisibilité et de clarté. Ils
signalent une sous-représentation de certains courants ou de certaines périodes. La
médiation ne joue pas assez sur l’interactivité pour capter l’attention du visiteur.
Concernant le futur département des Arts de l’Islam, les opinions sont nettement
favorables. Le voile qui recouvre le nouveau département est considéré comme un
symbole fort, marquant à la fois un renouveau dans la vie du musée et une entente entre
la France et les pays musulmans. Il apparait de bon ton de remettre les arts de l’Islam sur
le devant de la scène, au vu du contexte sociopolitique particulièrement difficile pour
l’islam. Si certains pointent l’importance de la culture musulmane pour une population
issue de l’immigration, d’autres soulignent que les périodes et les zones géographiques
des collections étant encore très méconnues, l’exposition s’adresse à toutes sortes de
publics. L’exposition suscite un réel intérêt et les personnes interrogées attendent
d’ailleurs une grande visibilité pour ce nouveau département. Situé dans un illustre palais,
61
Synthèse sur les publics potentiels du département des Arts de l’Islam au Louvre. Service Etudes, Evaluation, Prospective du Musée du Louvre, janvier 2007.
73
les arts de l’Islam doivent rayonner bien au-delà du musée. Pourtant, certains doutes
surgissent quant à l’implantation d’une collection orientale dans un musée davantage
identifié à la civilisation occidentale (une image fausse, puisqu’elle ne prend pas en
compte les collections de l’Antiquité égyptienne ou orientale).
Le musée doit contenter des approches diverses, qui varient selon les publics. Alors
que le public habituel est attaché à l’aspect artistique du Louvre, le public occasionnel
recherche davantage des connaissances liées à la civilisation et à la culture des pays
d’Islam. C’est également le souhait des publics moins habitués des visites culturelles, qui
réclament, en plus d’un contenu pédagogique lié à la civilisation orientale, des
informations sur le volet religieux. Cela ne semble pas gêner les autres publics qui
attendent un regard objectif du Louvre sur cette religion controversée. Ils espèrent tous y
trouver un système de médiation et d’information réfléchi et complet. Mais le musée ne
doit pas seulement se donner pour objectif de délivrer des connaissances et un
enseignement. Il doit donner envie et faire de la visite un moment de loisir. Pour cela, les
visiteurs souhaitent retrouver toute une ambiance (sons, couleurs, odeurs, voire parfums)
qui leur permettent de se sentir voyager dans une autre civilisation. La médiation doit donc
également jouer sur les sensations pour reproduire un univers particulier.
Si le futur département a pour objectif de se tourner vers tous les publics, il doit
également en attirer de nouveaux. L’ouverture du département des Arts de l’Islam est
perçue comme l’occasion de conquérir un nouveau public en démocratisant l’accès au
Attendus des publics et objectifs de communication
Schéma réalisé par l’agence CSUPER! dans le cadre de la réponse à l’appel d’offres lancé
par le Louvre pour la campagne d’ouverture du département des Arts de l’Islam, mars 2011.
74
musée. La promotion de la nouvelle exposition ne doit surtout pas s’adresser à une élite
mais, au contraire, viser un public large, notamment en attirant un public scolaire. Le
Louvre doit donc investir dans un fort accompagnement pédagogique, non seulement au
cours de la visite, mais aussi après la sortie au musée avec des ressources en ligne mis à
la disposition des professeurs et des élèves. Les élèves des classes de 5ème et de 2nde
sont particulièrement concernés puisque l’islam se trouve dans leur programme scolaire.
Le Louvre dit vouloir s’adresser aussi à des visiteurs issus de l’immigration – c’est
en tout cas ce que suggère l’étude des publics qui prend en compte leur opinion. Mais il
ne faut pas tomber dans le piège simplificateur qui consiste à croire que les visiteurs
d’origine musulmane seront davantage attirés par les arts de l’Islam que par d’autres
départements. D’autant plus que le Louvre ne souhaite pas créer un amalgame entre la
culture islamique et la religion musulmane. C’est en tout cas la réponse présentée par
l’institution lorsque nous lui avons proposé de participer à la rencontre annuelle des
musulmans de France au Bourget, un évènement qui lui aurait pourtant donné une forte
visibilité auprès de la communauté musulmane.
2) Demande, objectifs et enjeux du nouveau département
Le Louvre doit prendre en compte les attentes précitées et répondre à plusieurs
objectifs qu’il s’est fixé.
- Un objectif de visibilité : le Louvre souhaite faire de l’ouverture du département des Arts
de l’Islam un temps fort dans son histoire et dans l’actualité médiatique.
- Un objectif d’identité : le département des Arts de l’Islam doit susciter l’adhésion du
public et faire partie intégrante de l’image du Louvre, tant du point de vue architectural
que muséographique.
- Un objectif de rentabilité en générant un fort taux de fréquentation, qui justifiera les
subventions publiques que le Louvre a reçu à l’occasion de ce projet.
- Un objectif de publicité : le nouveau département doit être un facteur d’attractivité pour
un public non habitué tout en servant de prétexte à une nouvelle visite pour un public
accoutumé du lieu.
Pour répondre à ces objectifs, le département des Arts de l’Islam doit être conscient de
ses points forts qui inspireront et guideront le message publicitaire.
Le département, c’est d’abord une construction originale et grandiose. La
construction de la verrière marque une étape majeure dans la vie architecturale du musée.
75
Deuxième grande construction après la pyramide de Pei, elle doit assumer son contraste
avec le reste de l’architecture classique du Palais Royal. Son caractère très contemporain
est relativement bien accepté d’après les commentaires très positifs des articles de presse
étudiés. La polémique écartée, le Louvre doit se servir de cette œuvre architecturale et la
mettre en avant pour en faire un facteur d’attractivité.
C’est également un engagement du musée qui veut s’impliquer dans une politique
de dialogue des cultures. Axe déjà très valorisé dans la politique culturelle française, le
Louvre souhaite présenter la richesse d’une civilisation dans un contexte plutôt
défavorable. Conscient des polémiques que le projet risque de susciter, le musée parle
même d’un contexte de « stigmatisation sociétale »62 de la civilisation islamique. Mais le
Louvre ne doit pas pour autant tomber au centre d’une polémique beaucoup plus large sur
la place de l’Islam dans les pays occidentaux. Il doit se détacher de tout débat politique,
social ou religieux, qui nuirait à sa réputation. Toute la publicité doit donc véhiculer un
message univoque et clair : le musée s’investit d’une mission artistique et historique, mais
non politique. Il semble important aujourd’hui de déconstruire les stéréotypes propres à
l’islam. La venue au musée est alors considérée comme une étape dans ce projet
d’ensemble visant à modifier les représentations. Mais il ne s’agit pas de valoriser l’islam à
tout prix. Au contraire, l’exposition retraçant les différentes influences culturelles cherche à
montrer les filiations et apports de chacune d’elles et à mettre en évidence le processus
de construction d’une civilisation.
Au vu de l’importance diplomatique de ses mécènes, le département des Arts de
l’Islam se veut aussi être l’emblème d’une collaboration culturelle avec les pays
musulmans. Ce nouveau département répond donc aussi à une visée diplomatique
engageant non seulement le musée du Louvre, mais aussi plus symboliquement, l’Etat
français. Par ailleurs, le musée se veut le modèle d’une nouvelle économie pour les lieux
de culture. En s’appuyant largement sur des fonds privés, récoltés après une recherche
active de mécènes, le Louvre s’engage vers davantage d’autonomie en promouvant un
système de financement encore peu répandu en France.
En exposant une collection présentée comme « une des plus belles collections au
monde » le Louvre réaffirme sa vocation universelle en diversifiant toujours plus son offre
artistique. Il assume complètement son rôle pédagogique et scientifique en rappelant son
héritage du siècle des Lumières. Un dispositif de médiation innovant, utilisant de
nombreux supports multimédia a été mis en place afin de rendre la compréhension des
œuvres plus évidente pour un public non initié.
62
Ibid.
76
L’ouverture du département des Arts de l’Islam vient compléter une actualité du musée
très chargée, avec notamment les projets du Louvre Abu Dhabi et l’ouverture de son
antenne à Lens. Mal acceptées, ces extensions ne doivent pas faire ombrage au Palais
Royal. Les nouvelles installations au musée du Louvre permettent, d’une certaine
manière, de compenser l’actualité régionale et internationale en recentrant l’attention
médiatique sur le musée parisien. L’objectif ici n’est pas seulement de créer un
évènement, mais d’inscrire le projet du nouveau département dans la pérennité.
L’inauguration servira donc de tremplin aux arts de l’Islam, qui se retrouveront ensuite mis
en avant par une communication évènementielle rythmant l’actualité du musée.
II. CONCEPTION ET REALISATION DE LA CAMPAGNE DE COMMUNICATION
Après avoir réalisé un benchmark, qui m’a permis de mesurer l’efficacité de
certaines campagnes, je me pencherai sur les différentes propositions graphiques qui ont
conduit à la réalisation de l’affiche finale du département des Arts de l’Islam. Puis, je
proposerai un plan d’action permettant au musée d’optimiser sa présence sur les réseaux
sociaux.
A/ Création d’une identité graphique : refléter la majesté du lieu
1) Observatoire (voir annexes)
Face au foisonnement d’affiches publicitaires présentes dans les espaces publics,
comment marquer son originalité ? Quels sont les éléments importants dans une affiche ?
Quels sont les écueils à éviter ? Ce sont ces questions qui m’ont conduit à mener une
analyse de différentes séries d’affiches. Une première série présente des expositions sur
les arts de l’Islam, la seconde annonce des ouvertures ou réouvertures de lieux culturels.
a) Les références à l’islam
Dans la première série, j’ai d’abord relevé les éléments rappelant l’Orient. La
calligraphie est souvent reprise pour évoquer les arts de l’Islam. Dans l’affiche pour les 25
ans de l’IMA, la calligraphie arabe et l’écriture latine se superposent pour souligner l’idée
de dialogue des langues et des cultures. Le jeu de couleurs et de transparence fait
apparaître ces mots comme une projection de faisceaux lumineux. Dans la même affiche,
77
le moucharabieh rappelle la façade de l’IMA, et de façon plus générale l’architecture
arabe. Le moucharabieh est d’ailleurs utilisé souvent comme un calque, comme une
fenêtre, un grillage qui nous laisse apercevoir sans nous montrer réellement l’objet de
l’exposition. En ce sens, il invite à aller voir, à regarder de plus près. Il reprend des formes
géométriques ou des caractères, illisibles de loin, mais significatifs de près. Dans la
première affiche de l’IMA, on peut voir en se rapprochant le nombre « 25 » évoquant les
25 ans de l’IMA, tandis que dans la seconde, il utilise les mots « art » et « islam ».
L’affiche pour le musée des Beaux-arts de Lyon utilise la mosaïque pour faire référence à
l’ornementation arabe et à son savoir-faire. Le motif de la rosace est d’ailleurs repris en-
dessous et partiellement dessiné, comme pour montrer une étape de sa réalisation.
Au contraire, certaines affiches tentent de déconstruire les images que nous avons
de l’islam, comme le fait l’IMA en associant les arts de l’Islam à un corps nu. L’affiche de
l’ICI met en avant des photographies de scènes du quotidien : un adolescent dans la rue
écoutant de la musique, une vieille femme assise sur son lit, etc. Ces photographies
illustrent l’islam à leur façon et nous invitent à avoir une approche de l’islam différente,
plus locale et plus urbaine. L’utilisation de l’anglais participe à construire cette vision
décalée.
b) La composition de l’affiche
La hiérarchie des informations dans une affiche publicitaire est cruciale. L’affiche de
l’IMA montre une saturation des écritures, qui s’enchâssent les unes sur les autres.
Pourtant, l’information est lisible car le texte devient une image et perd son contenu
informatif. La composition en cadres concentriques permet au visuel de respirer et de
placer les informations sur différents niveaux. Les informations sont parfois regroupées
dans un pavé ou un bandeau, ce qui leur permet d’être lisibles de loin et de ne pas
perturber le visuel. C’est le cas de l’affiche du musée des Beaux-arts de Lyon, qui, par
ailleurs, utilise différentes tailles de caractères pour faire apparaître au premier plan les
informations essentielles.
Dans certains cas, la profusion des informations gâche le visuel. Dans l’affiche de
l’ICI, les informations s’imposent sur la photographie et leur petite taille les rendent
d’ailleurs illisibles de loin. L’institution tente de regrouper toutes les informations utiles à la
visite (accès, horaires et dates de l’exposition, adresse du site internet). On comprend que
l’ICI n’est pas encore un lieu connu de tous et qu’il tente d’affirmer une identité qu’on sent
encore fragile. Néanmoins, une affiche doit seulement interpeller son public, qui se rend
78
ensuite sur le site internet pour obtenir les informations pratiques. Il s’agit donc de
privilégier l’image au texte, qui intervient souvent dans un deuxième temps de lecture.
L’affiche sur l’ouverture du Quai Branly donne toute la place au visuel et semble
très efficace. En effet, la clarté donnée par la perspective et la symétrie de la photo
mettent l’œuvre d’art au premier plan. Son inscription dans un contexte urbain et son
aspect monumental donnent de la hauteur et du prestige au musée. Le Quai Branly se
contente d’accompagner le visuel par une accroche très explicite, « les cultures sont faites
pour dialoguer », marquant le projet politique du musée, et par un logo discret mais
néanmoins visible.
c) L’importance du message
Le message accompagne parfois le visuel, pour insister sur la mission du musée ou
pour mettre en avant l’originalité de l’exposition. Les sensations sont ainsi à l’honneur
dans les affiches de la Cité de la musique ou du musée d’Orsay. L’accroche « Nous
avons revu Orsay / Tout est à revoir » reprend le thème du regard présent avec le visuel
de l’œil au premier plan, déjà très intrusif. Le zoom sur l’œil rend le regard du personnage
pénétrant et l’œil du public a du mal à s’y habituer. Le slogan, très directif, augmente
encore un peu plus la force de frappe de l’affiche. L’affiche du musée du Louvre et du
Quai Branly rapproche deux œuvres, d’époques et d’origines géographiques différentes,
par leur mimétisme évident. Le mot « ensemble » vient alors conforter l’idée de dialogue
des cultures déjà démontré par le visuel.
La typographie peut être employée comme un élément signifiant. Parfois stylisée,
elle se détache d’une charte graphique prédéfinie pour s’adapter à un évènement et se
lover dans un nouveau visuel. L’affiche de l’IMA, par exemple, utilise des formes
géométriques pour rappeler les motifs traditionnels des arts de l’Islam. La combinaison de
deux écritures dans l’affiche de l’ICI, la calligraphie du mot « islam » qui rencontre les
caractères plus classiques du mot « city », symbolise le mélange des influences dans
l’environnement urbain, le multiculturalisme et la diversité des villes mondialisées. La taille
du texte peut également jouer, comme sur l’affiche de la Cité de la musique, dont la taille
des caractères s’affaiblit de ligne en ligne comme un écho qui perd progressivement de sa
puissance. Dans l’affiche du musée d’Orsay, l’accroche, écrite uniquement en capitales et
sans ponctuation, sonne comme une injonction et donne ainsi de la puissance au
message.
79
d) La place de l’émetteur et du récepteur
Le rôle d’un logo est de permettre à une institution d’être rapidement identifiée
quand elle s’exprime. Mais certaines affiches ne se contentent pas de placer simplement
leur logo. L’IMA évoque son identité par l’utilisation de codes graphiques : l’enchâssement
de deux écritures déjà présent sur son logo et le moucharabieh qui rappelle la façade du
bâtiment. L’affiche de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration utilise son logo comme
une fenêtre ouvrant sur le contenu abondant de documents. En donnant une très forte
visibilité à son logo, elle marque son identité. Le « C » est d’ailleurs très signifiant : forme
ouverte, il représente en creux la silhouette d’un homme, marquant ainsi la dimension
humaine de son projet muséographique.
Enfin, comment approcher et accrocher le public ? Faut-il lui laisser la place dans la
production du sens ou, au contraire, faut-il véhiculer un message clair et univoque ?
L’affiche de l’IMA met en avant des mots de façon assez mystérieuse. « Thé », « musée »,
« perle », « jardin » laissent le public assez surpris et interloqué. Le musée se contente ici
de suggérer et de convoquer l’imagination du public. Celui-ci se voit alors attribuer une
grande place dans l’interprétation du sens de l’affiche. De la même façon, l’affiche de la
Cité de la musique attise la curiosité en se présentant comme une énigme. Elle donne la
part belle à l’instrument de musique qui devient œuvre d’art. La sobriété qui entoure l’objet
permet de concentrer toute l’attention du public sur le mystère de l’objet présenté. Le
public est sollicité dans l’interprétation de l’image et son intelligence est mise à l’épreuve.
2) Une direction artistique à l’œuvre (voir annexes)
Avant de se lancer dans un travail créatif, l’agence CSUPER! a effectué un travail
de recherche regroupant les différentes inspirations dont elle pouvait se servir pour
réaliser le visuel-clé de l’exposition. Parmi celles-ci, le moucharabieh, les formes
géométriques empruntées à l’esthétique orientale ou encore la lumière et la transparence
présents dans la verrière se retrouvent dans les concepts proposés par l’agence au
musée.
L’agence se focalise sur quatre notions pour proposer des accroches et des titres :
la préciosité de la collection qui regroupe des objets raffinés et sophistiqués, l’ouverture
d’une institution qui souhaite se tourner vers une nouvelle civilisation, l’architecture d’un
nouveau département dont la prouesse technique soutient une grande recherche
80
artistique et enfin, la diversité des origines géographiques et historique de la collection des
arts de l’Islam.
a) Les visuels-concepts proposés
Le premier concept, réalisé par Fabio Costa, fait ressortir l’idée de lumière en
plaçant des objets très éclairés sur un fond noir. Il s’inspire de la phrase d’Henri Loyrette,
qui souhaitait montrer « la face lumineuse de cette civilisation »63, mais aussi de la
transparence de la verrière, dont la lumière change avec les rayons du soleil. Il fait la part
belle aux œuvres en mettant en avant un objet de l’exposition qui surplombent le dessin
technique de la verrière. Les couleurs dominantes de l’affiche, l’ocre et le bleu, subliment
les objets et donnent ainsi plus d’impact au visuel. Un espace est laissé vide en-dessous
pour permettre de placer les logos des mécènes. L’objet est décalé à droite afin de laisser
la place à une accroche, encore indéterminée à cette étape de la recherche. Le titre de
l’affiche « Ouverture du département des Arts de l’Islam » joue sur la taille et la couleur
des caractères afin de donner plus de visibilité aux mots « ouverture », « arts » et
« islam ». Il reprend la typographie imposée par la charte du Louvre, la Granjon.
Evènement clé pour le musée, le directeur artistique a fait le choix de mettre la date
d’ouverture en haut de l’affiche. Le concept relève du mythe en évoquant le rêve, grâce à
l’étoffe luminescente de la verrière et aux reflets qu’elle renvoie sur les objets. En effet, le
jeu sur la lumière donne un aspect presque surréaliste à l’affiche. Elle convoque
l’imagination du public et présente les arts de l’Islam comme une légende à découvrir.
Dans le deuxième concept, le visuel-clé se construit en deux volets : le premier
insert un QR code renvoyant au site évènementiel du Louvre (www.louvre.fr/departement-
arts-islam) tandis que le second met en avant le lion andalou de Monzón ou la pyxide d’al-
Mughira. Le moucharabieh, qui fait référence à l’esthétique orientale, est composé de sept
œuvres présentes au Louvre. Motif imprimé dont les détails sont invisibles de loin, il révèle
tour à tour le QR code et l’œuvre exposée. La monochromie du premier essai, couleur
ocre, n’est pas adaptée à l’œuvre et rend l’affiche un peu fade. Au contraire, dans le
deuxième essai comportant le lion, le bleu pâle donne davantage de visibilité à l’œuvre.
Dans le premier volet, l’accroche « Flashez sur une civilisation lumineuse » fait référence
au génie de la civilisation islamique et met en place une stratégie « drive-to-web ». Sur le
second volet, le titre (ou identité inaugurale) et la date d’ouverture des nouveaux espaces
sont relayés au second plan, en haut à droite, et laissent ainsi toute la place à l’accroche
63
Op. cit. (51).
81
« Un voyage de 12 siècles de l’Espagne à l’Inde ». Le contenu informatif s’allie ici à la
promesse de voyage. La provenance géographique des œuvres exposées, sur fond noir,
est mise en avant. Cette version cherche à attiser la curiosité du public pour le faire venir
sur le site évènementiel du Louvre et mise sur l’aspect expérientiel et sensoriel de
l’exposition en l’invitant au « voyage ».
Une profonde maîtrise de l’agencement des formes géométriques, alliée à la
lumière intrinsèque qu’encapsule la plupart des œuvres, caractérisent les arts islamiques.
Dans le troisième concept, l’étoile à 8 branches, dite étoile d’Andalousie, renvoie à l’un
des points d’ancrage essentiels des Arts de l’Islam. L’arrière plan de l’affiche reprend les
triangles formant la verrière du nouveau département. L’étoile, qui naît d’un jeu de pliures
grâce à des effets 3D, fait en quelque sorte éclore l’œuvre. Ce visuel permet des
découpes originales pouvant s’adapter à certains supports, comme les cartons d’invitation
ou les dossiers de presse. Le quatrième concept utilise amplement la forme triangulaire,
rappelant ainsi la géométrie omniprésente dans les arts de l’Islam mais aussi la pyramide
de Pei, devenu le symbole du Louvre. Le lion et le vase sont progressivement révélés par
les fragments d’œuvres qui les entourent. Cet enchevêtrement souligne la diversité de la
collection et son immense variété. La pixellisation stylisée privilégie la suggestion de
l’abondance à la démonstration univoque. Toutefois, le mouvement présent a un effet de
saturation qui pèse sur la lisibilité de l’affiche. Dans ces deux tests, les phrases d’accroche
(« Le Louvre s’ouvre aux arts de l’Islam », puis « une civilisation se découvre »)
accompagnent le visuel en suggérant deux valeurs clés : l’ouverture et la découverte.
Ecrites en majuscules, ces accroches en blanc sur fond coloré s’imposent comme des
clés de lecture du visuel proposé. Elles prennent le pas sur les informations pratiques, qui
semblent alors secondaires.
b) L’affiche finale : un choix discutable
L’affiche finale n’a pas été le concept recommandé par l’agence. D’un graphisme
assez simple, elle reflète mal toutes les recherches évoquées ci-dessus et se distingue
peu des institutions culturelles concurrentes. Le fond de l’affiche, représentant la verrière,
ne peut pas être identifié par le public n’ayant pas encore visité le nouveau département.
Par ailleurs, l’affiche met très peu en scène l’œuvre proposée. Aucun lien ne permet de
relier cette exposition à l’offre déjà présente au musée et le thème du dialogue entre
Orient et Occident, pourtant mission principale du musée, n’est pas abordé. Le logo du
Louvre flotte sur l’affiche et s’intègre assez mal au visuel. Néanmoins, l’accroche est
82
assez concise et permet au message d’être clair et compréhensible immédiatement. Le
Louvre a éliminé toutes les informations secondaires de façon à faire ressortir l’objet de
l’exposition et sa date d’ouverture. D’autre part, le choix des œuvres mises en avant
reflète bien la diversité de la collection. Une approche plus audacieuse aurait pu être
envisagée pour un évènement de cette envergure, mais la clarté du visuel, couplée à un
plan d’affichage particulièrement étendu, permet au nouveau département de bénéficier
d’une grande visibilité.
B/ Développement de l’interactivité du musée avec son public
Pour paraître plus proche de son public et lui redonner une dimension humaine, le
Louvre doit interagir avec celui-ci. Les réseaux sociaux lui offrent une opportunité pour
dialoguer directement avec lui. Pour soutenir l’inauguration du nouveau département, quel
réseau social investir ? et comment le rendre interactif et vivant ?
1) Investir les réseaux sociaux
a) Choisir des réseaux sociaux pertinents
Les médias sociaux sont très nombreux et proposent des usages très différents. Le
principe d’auto-administration permet aux marques de contrôler l’information dont elles
sont l’objet et de promouvoir à grande échelle leur actualité. Le Louvre doit trouver les
médias sociaux qui pourront servir ses objectifs. En effet, il n’est d’aucune utilité d’investir
un média qui ne correspondrait pas à des enjeux prédéfinis. Par ailleurs, tout
investissement sur un réseau nécessite un suivi rigoureux et durable. Etant donné qu’il
s’agit de lieux d’expression accessibles à tous, la mauvaise gestion d’une page ou d’un
compte pourrait se retourner contre la marque en laissant les internautes s’exprimer sans
modération. Dans le cas présent, la légitimité du Louvre et sa notoriété ne sont plus à
prouver. Toutefois, elle peut s’appuyer sur les réseaux sociaux pour valoriser son nouveau
département et préparer son inauguration.
Facebook permet de concentrer toute l’information relative à une marque sur la
même page et facilite également les interactions avec son public. Accueillant toutes sortes
de passions, Facebook reste encore un espace de loisir, malgré une utilisation
professionnelle de plus en plus prononcée. C’est un lieu privilégié pour partager un
contenu riche et varié, prenant forme sur différents supports (photos, vidéos,
83
commentaires écrits). Totalement adapté à une communication évènementielle, Facebook
est un espace idéal pour diffuser l’actualité du Louvre et pour en faire le tremplin de
l’inauguration du département des Arts de l’Islam. Son taux de fréquentation en fait, dans
tous les cas, un outil primordial et indispensable.
Twitter est une plateforme davantage adaptée pour partager des informations
brèves et concises. Ce réseau permet également de travailler sur l’e-reputation en
explorant tous les commentaires, positifs et négatifs, dont une marque est l’objet. Twitter
est un site permettant de communiquer une actualité à chaud. Il ne met pas à disposition
des followers un contenu profond. C’est d’ailleurs parce qu’il permet une très grande
réactivité qu’il est très utilisé en politique. Si Twitter n’apparaît pas comme un outil à
privilégier pour le Louvre, il ne doit pas être mis à l’écart pour autant.
Un nouveau média commence à faire parler de lui : il s’agit de Pinterest. Alors que
les autres réseaux reposent sur le lien social, Pinterest définit chaque profil selon ses
centres d’intérêt. Les fondateurs de ce nouveau média estiment qu’« un livre, un jouet ou
une recette peuvent révéler un lien commun entre deux personnes »64. Toutefois,
Pinterest sert davantage à partager des images déjà existantes qu’à publier de nouveaux
contenus. Il n’est pas en concurrence avec les deux précédents mais c’est au contraire un
adjuvant qui vient compléter les réseaux sociaux existants. Depuis janvier 2012, son
audience a augmenté de 60%65. La présentation des profils sur ce réseau, assez proche
d’une planche de tendance, peut être utilisée pour véhiculer un univers propre au Louvre.
b) Une audience particulièrement développée sur Facebook pour le Louvre
La page Facebook du Louvre offre un potentiel très important. Avec plus de
650 000 fans, elle propose un espace d’intervention avec une visibilité maximale. Ouverte
à un public international, elle est d’ailleurs davantage suivie par des internautes de
nationalité américaine et brésilienne que par des Français, comme nous le montrent les
statistiques ci-dessous.
64
Yannick JACQUET. « Pinterest : le réseau social qui épingle vos centres d’intérêts ». www.pressmyweb.com. Le 23 mars 2012. 65
Ibid.
84
Pour l’instant, la plupart des publications sont en français. Il serait intéressant pour
le Louvre d’adapter sa communication à sa communauté et de traduire ses interventions
sur le réseau. Facebook offre effectivement la possibilité de cibler les publications selon la
nationalité de chaque utilisateur. La communauté est non seulement vaste, mais aussi très
active. La plupart des fans reçoivent dans leur fil d’actualité les publications du Louvre et
les commentent : 24 000 fans ont déjà parlé du Louvre sur Facebook. Inscrit depuis le 7
août 2008 sur ce réseau, le Louvre s’est investi dans un community management très
dynamique, mettant à disposition de ses fans des vidéos, des photos, des articles de
presse, etc. Proposant un contenu riche d’enseignement, le Louvre fait de ses ressources
en histoire de l’art et de sa propre histoire une réelle plus-value pour sa communauté.
A court terme, Facebook va être un outil indispensable pour promouvoir l’ouverture
du département des Arts de l’Islam. En effet, le réseau est particulièrement adapté pour
donner de la visibilité à toutes sortes d’évènements. Dans le contexte de l’inauguration, le
premier objectif du Louvre est de faire connaître le nouveau département. Une fois sa
notoriété acquise, le département des Arts de l’Islam doit contribuer à nourrir l’image d’un
musée ouvert et à l’écoute de ses publics.
85
2) Proposer un plan d’action pour soutenir l’inauguration du nouveau département
(voir détails en annexe)
a) La mise en place d’une programmation évènementielle
Afin de donner un maximum de visibilité à l’évènement, le Louvre avait initialement
programmé une soirée d’inauguration des nouveaux espaces d’exposition. Le 29
septembre 2012, Youssou N’Dour devait donner un concert en plein air, face à la
pyramide, accompagné de ses musiciens habituels et d’artistes de renom dont l’identité
demeurait secrète jusqu’à l’évènement. La présence du chanteur sénégalais s’inscrivait
dans une démarche de promotion de la culture islamique déjà engagée par l’artiste.
Devenu ministre de la culture et du tourisme, Youssou N’Dour a finalement dû annuler son
concert, prétextant un emploi du temps trop chargé au vu de ses nouvelles fonctions.
L’artiste est néanmoins venu s’exprimer à l’auditorium du Louvre le 28 septembre. Cette
rencontre a été suivie d’un concert de musique africaine avec la guinéenne Namassa
Dioubate.
Afin de continuer à faire vivre ce nouveau département, le Louvre propose un
ensemble d’événements et de manifestations, qui se dérouleront toute l’année. Concerts,
tables rondes, lectures et spectacles accompagneront l’exposition. La diversité des invités
du Louvre a pour objectif d’offrir une multitude d’approches des arts de l’Islam. Parmi ces
personnalités invitées, on compte le cinéaste iranien Abbas Kiarostami, l'écrivain
turc Orhan Pamuk, l'artiste libanais Walid Raad ou encore le danseur Sidi Larbi Cherkaoui.
Ils viendront tour à tour illustrer leurs points de vue par diverses interventions.
b) Accompagner l’inauguration sur les réseaux sociaux
A partir de cette programmation, l’agence CSUPER! a imaginé un plan d’action
destiné à augmenter la visibilité du lancement de l’exposition. L’inauguration annulée, ce
plan d’action n’a pu se mettre en place. Il révèle néanmoins un effort de la part d’une
grande institution pour diversifier sa communication et peut inspirer de futures prises de
parole du musée. L’agence avait alors envisagé d’adapter la page Facebook du Louvre en
la recentrant autour du thème des Arts de l’Islam. Un habillage et une configuration
spécifique de la page ont été créés pour l’occasion.
Il s’agissait dans un premier temps d’évènementialiser la landing page en
présentant le visuel clé du département des Arts de l’Islam en photo de couverture. La
86
photo de profil, qui sert généralement à mettre le logo de la marque, a été adaptée pour
jouer avec le visuel de couverture. L’inauguration a également été relayée dans les
évènements afin de communiquer au public toutes les informations pratiques nécessaires.
Cet évènement a été mis en avant sur la page du Louvre via un onglet spécifique. Par
ailleurs, les nombreuses photos de la toiture dorée ou des œuvres exposées, ainsi que
celles de la soirée d’inauguration permettaient d’enrichir le contenu publié sur Facebook.
Des commentaires hebdomadaires venaient alors alimenter la page Facebook et le
compte Twitter du Louvre. Cependant, compte tenues de la programmation estivale et des
autres prises de parole du Louvre, nous avons recommandé de ne pas excéder deux ou
trois posts dédiés au département des Arts de l’Islam par semaine. Dans la même logique,
des vidéos devaient nourrir la page Facebook, le compte Twitter ainsi que le site dédié.
Les vidéos pouvaient être déployées sur les portails YouTube et Dailymotion où le musée
du Louvre est déjà présent. Une mise en ligne perlée permettait de renforcer le trafic sur
ces trois espaces.
L’inauguration du département des Arts de l’Islam était une occasion de faire
participer le public et de créer ainsi des zones de contact entre le musée et ses visiteurs.
C’est pourquoi CSUPER! a réfléchi à la mise en place d’un jeu-concours permettant aux
participants de gagner des places pour le concert de Youssou N’Dour en avant première
le jour de l’inauguration, ou, plus tard, des entrées pour l’exposition. Là encore, un
planning a été élaboré afin de faire évoluer le jeu. Chaque jour pendant 3 semaines, une
question était posée aux internautes concernant l’un des trois thèmes suivants : Youssou
N’Dour, l’architecture du nouveau département ou la civilisation musulmane.
Une opération lancée sur Facebook, quelle qu’elle soit (mise en ligne de vidéos,
jeux, offres promotionnelles), n’a aucune utilité si elle n’est pas soutenue par des relais
spécifiques. Considérant le faible budget dont disposait le Louvre pour ses actions de
communication, l’achat d’espace online ou de mots clés dans les moteurs de recherche
n’était pas envisageable. Mais le Louvre dispose déjà de suffisamment de supports pour
pouvoir diffuser ses messages. Pour augmenter la taille de sa communauté, le plus simple
était d’aller à sa rencontre, sur le site internet du musée, sur le site évènementiel au
nouveau département, voire dans la signature mail du personnel du Louvre. Des
incitations à devenir fan (module « j’aime ») et à partager un contenu textuel ou visuel
(module « partager ») permettaient de recruter de nouveaux Facebookers. Les supports
imprimés pouvaient également soutenir des offres ou des évènements via une méthode
incitative, dite de « call-to-action », ou l’implantation de QR code. La redirection des
87
internautes sur ces modules participatifs permettait au Louvre de toucher une
communauté plus large et d’agrandir son rayonnement sur la toile.
* * *
Conclusion partielle
Le Louvre reste une référence culturelle unique, connue et appréciée dans le
monde entier, valorisant le patrimoine et la culture française. Mais il est difficile pour un
lieu de cette ampleur de revivifier son image. Face à ce défi, une communication
innovante apparaît nécessaire. C’est l’objectif que s’est donné l’agence en répondant à
l’appel d’offres lancé par le Louvre. Malheureusement, le Louvre ne semble pas encore
prêt à franchir le pas. En effet, sa charte graphique n’est pas encore respectée sur tous
les supports et son logo, souvent flottant sur les affiches, représente mal son identité. Pour
une institution renommée comme le Louvre, on s’attend à davantage d’originalité et à un
travail graphique plus poussé. Sa communication n’est pas à la hauteur de son offre
culturelle.
Ces observations mènent à croire que le Louvre s’assoit sur sa réputation en
remplissant sa mission culturelle de manière minimale : son rôle se réduirait alors à
présenter les œuvres sans les accompagner pédagogiquement et sans les mettre en
scène. Au contraire, on voit par le dynamisme du Louvre que cela ne correspond pas à la
philosophie du musée. Le problème résiderait alors plutôt dans un manque d’audace. Le
Louvre a du mal à se séparer de son image institutionnelle et ancrée dans le passé pour
refléter un musée qui assume son rôle de précurseur dans le développement d’une
nouvelle politique culturelle.
Effectivement, l’ouverture du département des Arts de l’Islam est une opportunité
pour le Louvre de réaffirmer son identité prestigieuse et de redynamiser son image. On
peut donc valider cette dernière hypothèse mais en y apportant beaucoup de nuances. En
effet, si le projet témoigne des efforts fournis par le musée et aura certainement beaucoup
de succès, la campagne de communication aurait pu répondre à l’avant-gardisme du
projet architectural en proposant un visuel et une stratégie plus innovante.
88
89
CONCLUSION
En partant d’un phénomène de société, l’islam, j’ai progressivement tenté de faire
un état des lieux de ses représentations. Je me suis interrogée sur les images que
portaient cette religion et la culture qu’elle a fait naître tout en me posant la question de
ses enjeux dans la société française. Ce raisonnement m’a permis de mieux comprendre
l’importance du projet du Louvre. J’ai ensuite essayé de relier ce projet à une politique
plus générale de coopération culturelle. Le Louvre fait effectivement partie de ces
institutions qui se posent la question de la forme que prendra la culture dans l’avenir. Il
tente de mettre en place de nouvelles pratiques, très axées sur le partenariat pour se
développer et pour s’orienter vers une plus grande diversité culturelle. Le projet du
département des Arts de l’Islam au Louvre comporte de multiples dimensions qui ne sont
pas visibles immédiatement. Ces réflexions m’ont permis d’aborder la phase
opérationnelle, de mise en place d’une campagne de communication, avec plus de recul.
C’est donc après avoir traité des problématiques politiques, culturelles et
communicationnelles, que j’ai présenté mes recommandations sur la campagne
d’ouverture, et plus généralement sur la communication du Louvre.
* * *
1. De la peur à la compréhension, un objectif politique et culturel
L’islam n’est définitivement pas une religion comme les autres. L’actualité des
mouvements fondamentalistes, qui utilisent souvent la violence et la terreur pour régner,
confère à l’islam une image très négative. Dénominateur commun de tous ces
mouvements, l’islam est alors souvent associé au fanatisme, à la violence ou au
terrorisme. Instrumentalisé par certains régimes politiques, il affiche parfois sans crainte
son intolérance, contrairement aux autres religions monothéistes. L’islamisme, qui place la
foi au-dessus de toutes les lois et surtout qui fait prévaloir le sacré sur la raison, est
incompréhensible pour de nombreux Européens. En effet, non seulement l’athéisme a une
grande place en Europe mais souvent la religion se vit dans un cadre plus privé et
individuel. Cette incompréhension débouche parfois sur un sentiment de peur envers
l’islam.
Cette crainte est d’ailleurs réciproque : les pays occidentaux effraie les pays
musulmans. L’Occident garde encore quelques fois son image de colonisateur qui, grâce
90
à ses avancées techniques et sa force économique et militaire, a su pendant longtemps
imposer sa domination sur les autres régions du monde. Et encore aujourd’hui, son
ingérence dans les autres Etats est mal vécue. La présence américaine au Moyen-Orient
n’a pas débouché sur une réelle amélioration des situations nationales. Les régimes
politiques mis en place n’ont aujourd’hui qu’un pouvoir très réduit et les mouvements
fondamentalistes n’ont pas perdu du terrain. Enfin, le modèle américain du libéralisme et
de la réussite individuelle ne correspond pas à une éthique musulmane. Considéré
comme une menace pour les valeurs de la culture nationale plus traditionnelles, l’Occident
apparait comme un facteur de dissolution de la communauté musulmane et de
dépravation. Malgré des échanges culturels toujours plus nombreux, les questions
identitaires et culturelles restent au cœur des préoccupations, d’un côté comme de l’autre.
L’islamisme est très peu présent en France et la menace viendrait davantage de
l’extérieur que de l’intérieur. Pourtant, l’islam est parfois très mal accepté par la population
française qui craint de voir disparaître ses valeurs et son identité face aux pratiques, de
plus en plus visibles, de la religion musulmane. Risque réel ou crainte fantasmée ? La
question repose en fait, non pas sur la domination d’une culture sur une autre, mais sur la
possibilité de les faire coexister. Si l’islam est souvent lié à des problématiques sociales
nationales, l’Orient, quant à lui, continue de suggérer l’ailleurs, le lointain, l’exotique. Alors
que l’un effraie, l’autre fait rêver. La confrontation de ces deux imaginaires m’a permis de
mieux réaliser l’emprise des mots sur notre manière de penser et sur nos représentations.
« Autrefois, les choses étaient plus ambigües car il y a avait, associé à l’islam, tout cet
imaginaire orientaliste », souligne Sonia Dayan-Herzbrun. La figure de l’Orient doit en
quelque sorte servir de levier dans la construction d’une image plus positive de l’islam.
L’objectif du Louvre est donc de recréer un lien entre l’islam et la richesse de sa
civilisation, de détruire nos préjugés, ou du moins, de nous les faire relativiser. Il rejoint
donc, d’une certaine manière, l’objectif politique d’intégration des populations musulmanes
en France. En effet, en changeant nos représentations, il participe à revaloriser l’islam et
tente donc de promouvoir une meilleure entente entre les populations d’origines culturelles
diverses et une plus grande tolérance.
2. La coopération et le dialogue des cultures, de nouveaux objectifs pour la politique
culturelle
Valoriser les arts de l’Islam est un défi particulièrement hardi dans un contexte où
les polémiques à propos des pratiques de l’islam ne cessent de se multiplier. Mais c’est un
91
défi nécessaire pour avancer vers une compréhension mutuelle des cultures. Tournée
vers davantage de coopération, la politique culturelle française implique de mettre en
place des projets avec différents acteurs sur le plan international et de partager avec eux
des intérêts communs. Omniprésent dans les textes officiels, le terme de « dialogue
culturel » doit également se mettre en pratique. S’il n’est pas de mon ressort de juger de
sa mise en œuvre, j’ai pu néanmoins montrer que le projet du département des Arts de
l’Islam au Louvre y participe. Les projets internationaux du musée lui permettent de
rayonner à travers le monde et de maintenir sa réputation de grande institution culturelle.
Symbole de l’excellence française, le Louvre profite d’ailleurs de sa renommée et de sa
présence au Moyen-Orient pour trouver des financements extérieurs auprès de pays
musulmans.
L’originalité du département repose en premier lieu sur son architecture. En
intégrant des influences orientales dans un palais de style très classique, il illustre le
mélange des cultures. L’esthétisme du nouveau département révèle d’une certaine
manière le projet politique. La construction de la verrière a d’ailleurs permis au musée de
communiquer sur son projet avant l’heure en convoquant de nombreux journalistes.
Séduits par l’audace du projet, ils ont exprimé toute la poésie qui émanait de la « dune
dorée » du Louvre. Des images encore très stéréotypées de l’islam sont utilisées pour
décrire la verrière. C’est ce genre de vision que Sophie Makariou dit vouloir transformer :
« Le pari que je fais est que les gens arrivent avec un certain nombre d’idées et qu’ils
repartent avec une idée très différente »66. L’ampleur et l’ambition du projet servent de
tremplin à l’ouverture du département et lui donnent également une visibilité mondiale.
C’est aussi par la richesse de son offre culturelle et sa muséographie,
particulièrement tournée vers le multimédia que se différencie le musée. Le Louvre
propose une collection reflétant la richesse et la diversité des arts de l’Islam et il
l’accompagne en donnant à son public des moyens de les contextualiser et de s’en
imprégner. L’art n’a pas été assez valorisé pour permettre de mieux le comprendre
aujourd’hui. En effet, l’analyse des œuvres et l’étude d’une histoire des courants et
mouvements artistiques fait défaut. La preuve de ce manque d’information quant aux arts
orientaux est la confusion des mots que l’on emploie pour le désigner. Tantôt art « arabe »
ou « musulman », il devient aussi art « islamique » voire « islamiste » selon les
commentateurs. Selon Catherine David, spécialiste de l’art contemporain issu du Moyen
Orient, cette négation de l’art a conduit à une confiscation de l’art à son public et à sa non-
66
Sophie Makariou, dans la vidéo « exposer les arts de l’Islam » sur le site du Louvre : http://www.louvre.fr/le-nouveau-departement-des-arts-de-l-islam/departement#tabs
92
reconnaissance67. C’est ce type de lacunes qui a conduit les musées, comme le Louvre, à
redécouvrir les civilisations islamiques. Le projet muséographique, mais aussi la relation
instaurée avec ses partenaires au Moyen-Orient, inscrivent le Louvre dans ce dialogue
des cultures, qui a permis à la politique culturelle française de se renouveler et de
retrouver son dynamisme.
3. Redynamiser l’image du Louvre grâce à l’inauguration du nouveau département
« [Ce département] viendra conforter la vocation universelle de cette prestigieuse
institution et [il] rappellera aux Français et au monde l’apport essentiel des civilisations de
l’Islam à notre culture »68. Cette phrase prononcée en 2002 par Jacques Chirac, lors du
9ème sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays francophones, à propos de
l’ouverture du département des Arts de l’Islam au Louvre évoque deux enjeux majeurs.
Par l’universalisme, le Président rappelle la mission qui, pendant longtemps, était celle de
la France : faire partager ses valeurs au monde entier et faire rayonner sa culture. Il fait
également référence au caractère international du Louvre qui développe une politique de
partenariat avec des institutions du monde entier et qui accueille chaque année des
millions de touristes. Puis, en reconnaissant la valeur de la civilisation islamique, il tente
de répondre au contexte de rejet de cette religion à la suite des évènements du 11
septembre 2001. Le rôle de ce nouveau département est donc à la fois de valoriser la
puissance culturelle française et de mettre en avant les apports et la richesse des œuvres
d’art issues de la seconde religion de France. Mêlant deux dimensions, politique et
culturelle, l’ouverture du département des Arts de l’Islam est un reflet assez pertinent de
l’action culturelle française qui tente d’intégrer la mondialisation et de faire face au fossé
qui sépare les civilisations.
Le Louvre est à la fois un monument classé, qui porte des traces de l’histoire de
France, et un musée d’art particulièrement riche et diversifié. Il bénéficie d’une grande
aura à la fois en France et à l’étranger. Pourtant on peut noter certains points faibles dans
son image. En effet, en contrepartie de sa prestance et de son ancienneté, le musée
semble davantage appartenir au monde du passé. Son identité graphique qui évoque
l’intemporalité de l’art et de la culture ne rappelle pas le dynamisme de sa politique
culturelle. Par ailleurs, sa communication sur supports imprimés manque de cohérence et
67
V. RIEFFEL, op. cit. (30). 68
Extrait du discours de Jacques Chirac, Président de la République, prononcé lors de la Cérémonie d’ouverture de l’IXe Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays ayant le français en partage, à Troyes, le 14 octobre 2002.
93
d’unité. Trop institutionnelle et trop figée, elle ne reflète pas la singularité du musée. Les
études menées auprès de différents types de publics soulignent un besoin de
renouvellement de cette image. Au contraire, le Louvre bénéficie d’une grande visibilité sur
le web. Doté d’un site riche et clair, il attire de nombreux internautes et répond à des
besoins très spécifiques selon les publics.
L’ouverture du département des Arts de l’Islam est alors une occasion pour le
musée de se mettre en avant. Il doit saisir cette opportunité à la fois pour réaffirmer sa
majesté et son professionnalisme, mais aussi pour souligner d’autres aspects qui fondent
son identité mais qui ne sont pas assez mis en valeur auprès du grand public. L’énergie
déployée dans la recherche de nouveaux mécènes ou l’investissement du musée dans
des développements internationaux sont des efforts qui ne doivent pas être cachés du
public. L’esprit d’ouverture et d’innovation caractérisent à la fois le musée du Louvre et le
département des Arts de l’Islam. L’objectif de cette campagne de communication repose
alors sur l’intégration du nouveau département dans une image déjà affirmée par le musée
et reconnue par son public, mais aussi sur son évolution. On peut regretter que le Louvre
n’ait pas eu le courage de faire des choix graphiques et esthétiques à la hauteur de son
ambition.
* * *
Pour revaloriser l’islam, on évoque souvent son Age d’or. Mais cela ne le sert pas
toujours. En effet, montrer qu’une civilisation a été rayonnante et avant-gardiste souligne
la valeur qu’elle a eue dans le passé et qu’elle n’a plus aujourd’hui. Elle plaque donc à la
civilisation musulmane – en supposant que l’on peut encore la rassembler sous un seul
qualificatif malgré sa diversité – une image de déclin et l’enferme dans un mouvement
descendant.
Si la politique des pays musulmans et l’application qu’ils font de l’islam sont mal
comprises et souvent rejetées, il n’en est pas de même pour les arts de l’Islam. Le 11
septembre n’a pas diminué l’intérêt porté à la culture et à la civilisation islamiques. Au
contraire, l’islam fait d’autant plus parler de lui : qu’on le critique pour les valeurs qu’il
porte, qu’on redoute sa violence, qu’on le défende au nom de sa diversité, l’islam fascine
par le déferlement des passions dont il est l’origine. Les artistes contemporains ont
manifesté leur bouleversement à la suite de ces tragiques évènements, nous ont parfois
familiarisé avec leur expérience de l’islam et ont eu l’occasion de répondre, souvent pour
contester, cette idée d’un monde où s’affrontent deux visions du monde : la vision
94
occidentale et la vision orientale. Grâce à cette forte visibilité de l’islam, les arts orientaux
acquièrent progressivement leur renommée tant attendue. Dans l’ère de la mondialisation
et de l’interconnexion, l’Occident cède peu à peu son pouvoir de définition de l’art et de sa
valeur à d’autres acteurs.
Les pays occidentaux sont conscients des apports de la civilisation islamique et
trouvent, en ses manifestations artistiques, une occasion de poser un regard nouveau sur
l’islam. L’art a cette fonction particulière de prendre du recul en questionnant des
phénomènes actuels. Il décentre et désoriente le public parfois englué dans un mode de
pensée formaté par des discours trop entendus. L’islam devient un objet de curiosité et
l’art sa clé de compréhension. Une expression artistique ne vise pas toujours à apaiser les
conflits et réconcilier les peuples, il peut se révolter, mettre au grand jour des tensions
enfouies, voire sombrer dans la provocation. L’artiste est, en cela, un acteur qui révèle des
réalités silencieuses et propose de nouveaux modes de représentations. Il en est ainsi de
l’œuvre récente de mounir fatmi « Tête dure »69, qui montre la place que prend l’islam
dans les esprits fondamentalistes ou « Ghost »70 de Kader Attia (voir illustrations en
annexe), qui met en scène une multitude de bustes de femmes enroulés dans de
l’aluminium et sans visage, un reflet en creux du « Cri » d’Edvard Munch. L’art aurait-il le
pouvoir de changer nos représentations ? On peut tout du moins affirmer que la réception
des œuvres évolue.
69
mounir fatmi, Tête dure, 2005-2008 (peinture murale). 70
Kader Attia, Ghost, 2007 (sculptures en aluminium).
95
Bibliographie
Diplomatie et politique culturelle
Ouvrages
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de Rome, 2002. 466 p.
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non gouvernementale. L’Harmattan, 2007. 266 p.
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Mémoires
- Mémoire de Loïc GERBAULT. « La diplomatie culturelle française : La culture face à de
nouveaux enjeux ? », sous la direction de Claire CONTE, 2008. 97 p.
96
- Mémoire de Clara GIRAUD. « Comment mener à bien une politique de mécénat
culturel ? », sous la direction de Maître Colas AMBLARD, Mai 2011. 93 p.
Discours
- Discours de Jacques CHIRAC, à l'ouverture de la 31ème session de la Conférence
générale de l’Unesco, à Paris, le 15 octobre 2001.
- Discours de Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcé lors de la
Cérémonie d’ouverture de l’IXe Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays
ayant le français en partage, à Troyes, le 14 octobre 2002.
- Discours de Koïchiro MATSUURA, à l’occasion du Forum économique international des
Amériques, à Montréal, le 6 juin 2006.
Représentation de l’islam
Ouvrages
- Ouvrage collectif, Islam et laïcité. Islam de France, Islams d’Europe. L’Harmattan, 2005.
113 p.
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- Ouvrage collectif, Islam et laïcité. Islam, médias et opinions publiques, déconstruire le
"choc des civilisations". L’Harmattan, 2006. 120 p.
- SHAYEGAN (Daryush). Schizophrénie culturelle : les sociétés islamiques face à la
modernité. Albin Michel, 2008. 291 p.
- VALENSI (Lucette) et MARTINEZ-GROS (Gabriel), L’islam en dissidence. Paris :
Éditions du Seuil, 2004. 334 p.
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- BEN JELLOUN (Tahar). « Un défaite de la pensée, intolérance de l’islamisme ». Le
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- Débat avec Dounia BOUZAR. « Les représentations du débat public voient l'islam
comme une religion particulièrement retardée ». Le Monde, le 19 janvier 2010.
97
- DELOIRE (Christophe) et ROY (Olivier). « L’islamisme face à la liberté d’expression ».
Le Monde, le 20 septembre 2012.
- Interview de Franck FREGOSI. « La représentation de l'islam n'a jamais été positive en
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- GUBERNATIS (Raphaël de). « "Golgota picnic" : intolérance et malentendus ». Le
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avec un feutreʺ ». Le Monde, le 20 septembre 2012.
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2011. 14 p.
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l’Islam de France. Sondage mené par le Département Opinion et Stratégies d’Entreprises
de l’IFOP en 2009, Paris. 19 p.
98
Discours
- Discours de Georges W. BUSH sur l’état de l’Union (State of the Union address), le 29
janvier 2002.
- Discours de Nicolas SARKOZY, lors de la pose de la première pierre des nouvelles
salles des Arts de l’Islam, le 16 juillet 2008.
Arts de l’Islam
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- RIVIERE-ANCELLIN (Agnès) et GOTTESDIENER (Isabelle). Étude d’image et réception
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- Dossier de presse : Les nouveaux espaces architecturaux du département des Arts de
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- Dossier de presse : Les nouveaux espaces architecturaux, l’Orient méditerranéen dans
l’Empire romain. Janvier 2012.
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Service Etudes, Evaluation, Prospective du Musée du Louvre, janvier 2007.
- Etude et recherche sur les publics. Direction de la politique des publics et de l’éducation
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- La fréquentation du musée du Louvre. Direction de la politique des publics et de
l’éducation artistique. Service études et recherche. Chiffres clés 2011.
- Brief agences accord-cadre pour l’ouverture du département des Arts de l’Islam. Le 15
octobre 2012.
Sites internet
- www.diplomatie.gouv.fr
- www.islamlaicite.org
- www.louvre.fr
- www.mecenatculturel.blog.youphil.com
- www.mediapart.fr
- www.oumma.com
- www.saphirnews.com
100
101
ANNEXES
I. Entretiens
1- Myriam Berkane, assistante au secrétariat générale de l’UOIF
2- Sonia Dayan-Herzbrun, présidente de l’association « Islam et Laïcité »
II. Illustrations d’œuvres citées
1- Portrait de Fath Ali Shah Qajar, huile sur toile. Iran, Mirza baba, 1797.
2- mounir fatmi, Tête dure, 2005-2008 (peinture murale).
3- Kader Attia, Ghost, 2007 (sculptures en aluminium).
III. Eléments budgétaires du Musée du Louvre
1- Répartition du budget du Musée du Louvre et du département des Arts de l’Islam
2- Détails de la répartition du budget pour le département des Arts de l’Islam
IV. Architecture et espace muséographique
1- Synthèse de l’analyse d’articles de presse
2- Pascale MOLLARD-CHENEBENOIT. « Au Louvre, bientôt un grand voile pour
couvrir les Arts de l'Islam ». AFP, le 30 juin 2010.
3- Philippe TRETIACK. « Oasis de fraicheur au cœur du Louvre », Beaux Arts
Magazine, mars 2012.
4- « Un voile mordoré pour abriter le département ». Source : AFP. France Soir, le 9
janvier 2012.
5- Sabine GIGNOUX. « Un ʺtapis volantʺ pour abriter les arts de l'islam au musée du
Louvre », La Croix, le 5 janvier 2012.
6- Eric BIETRY-RIVIERRE. « Au Louvre, un toit doré pour les arts de l'islam », Le
Figaro, le 4 janvier 2012.
7- Yves JAEGLE « Le Louvre aussi drague le Qatar », Le Parisien, le 5 janvier 2012.
8- Bruno MONIER-VINARD. « Islam, le Louvre lève le voile ». Le Point, le 5 janvier
2012.
9- Dominique POIRET. « Les arts de l'islam sous un voile de verre ». Libération, le 5
janvier 2012.
10- Joëlle SMETS. « Voile d’or au Louvre ». Soirmag, le 29 janvier 2012.
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11- Mario BELLINI. « Musée. Le Louvre met en place un voile mordoré pour le
département des arts de l’Islam ». Bien public, le 9 janvier 2012.
12- Hugh DUTTON. « Couverture Département des Arts de l’Islam : conception
technique », www.complexitys.com, le 27 février 2012.
V. Analyse iconographique de différentes séries d’affiches
1- Analyse de campagnes en lien avec les Arts de l’Islam
2- Analyse de campagnes d’ouverture ou de réouverture de lieux culturels
VI. Campagne réalisées par l’agence CSUPER ! pour le Louvre
1- Campagne pour la Carte Jeunes, la Carte Familles et newsletter
2 - Campagne contre les incivilités
VII. Recherches graphiques et artistiques*
1- Recherches (moodboard) pour l’élaboration du visuel clé
2- Approches sémantiques
3- Concept 1
4- Concept 2
5- Concept 3
6- Concept 4
7- Concept 5
8- Concept 6
9- Affiche finalisée, déclinaisons et insitu
VIII. Stratégie d’investissement des réseaux sociaux*
1- Evènementialiser la page Facebook du Louvre
2- Créer l’évènement sur Facebook et sur Twitter
3- Créer du contenu éditorial et développer l’interactivité avec le public
4- Créer du contenu multimédia (diffusion de vidéo)
5- Mettre en place un jeu-concours
6- Timeline
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* Ces présentations ont été réalisées par l’agence CSUPER! Ma participation à ces documents s’inscrit donc dans le cadre de mon stage à l’agence.
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ENTRETIEN AVEC MYRIAM BERKANE DE L’UNION DES ORGANISATIONS ISLAMIQUES DE FRANCE
L’Union des Organisations Islamiques de France Comment et pourquoi est né l’Union des Organisations Islamiques ?
L’ UOIF est née en 1983, alors que se développait en France, depuis plusieurs décennies déjà, une présence musulmane. Les musulmans, venus pour travailler, ne pensaient pas rester en France. Mais ils se sont progressivement sédentarisés, et les enfants des familles d’immigrés sont nés et ont grandi sur le sol français. En termes de repères religieux, c’était un grand désert. Les musulmans commençaient alors à se poser des questions sur leur religion et sur la manière de la pratiquer en France. C’est dans ce contexte qu’est né l’UOIF. A l’origine, c’est une petite association, type loi 1901, ayant pour but essentiel de promouvoir un islam français, c’est-à-dire un islam fidèle aux messages, aux valeurs et aux fondamentaux, mais qui s’adapte à la société française. Dans la religion musulmane, il y a des questions strictement spirituelles qui n’ont aucun impact avec l’extérieur, dans la transcendance et la relation à Dieu par exemple. Mais il y a aussi des questions pratiques, comme le jeûne ou la prière, qui ont des interférences avec la vie quotidienne. L’UOIF essaye de travailler sur ces questions là.
L’islam n’est pas une religion univoque, il regroupe des approches très différentes de la religion, des plus littéralistes aux plus laxistes. Dès le départ, l’UOIF a pris position parmi ces différentes branches de l’islam en adoptant une approche dite « du juste milieu ». C’est une lecture qui prend en considération les fondamentaux du culte musulman mais qui reste dans une logique de contextualisation de tout ce qui touche aux relations sociales, commerciales, familiales, etc. En effet, tout ce qui est d’ordre social est objet d’interprétation et d’adaptation. C’est un courant majoritaire en France, et dans beaucoup de pays musulmans, car la plupart des musulmans sont fidèles à leurs principes mais sont aussi capables de s’adapter. Les courants extrémistes sont très minoritaires, qu’il s’agisse des littéralistes ou djihadistes ou, au contraire, des personnes pour qui l’islam ne serait qu’une image, une simple représentation de Dieu. En France, la croyance est privée et la religion sécularisée, contrairement à certains pays comme les Etats Unis. L’UOIF cherche à promouvoir un islam français, c’est-à-dire une pratique éclairée et équilibrée qui puisse s’inscrire dans la laïcité. Quelles sont les missions de l’UOIF aujourd’hui ?
Notre travail a donc été, dans un premier temps, de fournir cette référence religieuse aux musulmans vivants en France et de leur dire à chaque fois : « Vous êtes musulmans et vous êtes français. Les deux vont ensembles et sont compatibles. Il n’y a pas de choix à faire parce que cela ne relève pas des mêmes sphères. L’équilibre est possible et il n’y a pas de violence à vous faire, ni à faire aux autres ».
Notre deuxième axe de travail, pour fournir cette référence religieuse, repose sur la formation des imams. La mosquée a un rôle important, comme l’église ou la synagogue. C’est un lieu de rassemblement, d’apprentissage, un lieu où l’on se forge une identité. Nous avons donc commencé à former les imams qui officient dans les mosquées et, par extension, le personnel religieux amené à intervenir dans les prisons, les hôpitaux, etc. Notre rôle s’est ensuite élargi à la formation et à l’apprentissage de la religion en général : du Coran, de ses règles et de son interprétation, du droit musulman et de tout ce qui est relatif aux sciences religieuses. Parallèlement, l’UOIF a effectué un travail de terrain en fédérant des associations locales. Les associations existantes dans les grandes villes françaises, comme Nancy, Bordeaux, Strasbourg, etc., n’étaient pas rassemblées. Nous avons voulu mettre leurs forces en commun afin de développer leurs compétences et leurs ressources. Aujourd’hui, l’UOIF rassemble environ 300 associations. Parmi ces associations, il y a beaucoup de mosquées, lieu central de vie de la communauté musulmane, mais aussi des associations culturelles, s’occupant de l’éducation, de l’enseignement religieux, des associations humanitaires comme le Secours Islamique, des associations dédiées à des publics spécifiques (étudiants, femmes, prisonniers, malades, etc.). Ces associations gardent une étiquette musulmane non au sens religieux, mais au sens des valeurs. En effet, c’est parce que certains d’entre nous ont porté des valeurs musulmanes qu’ils ont souhaité s’engager dans un travail humanitaire ou de défense des droits de
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l’homme. Le Secours Islamique, comme le Secours Catholique, n’a pas un travail religieux, c’est une association qui aide les gens, sans prendre en compte leur religion ou leur appartenance politique. Mais ses membres sont engagés parce qu’ils partagent, à l’origine, une référence aux valeurs de l’islam. Au fur et à mesure que la communauté musulmane s’est épanouie et développée, des projets, des associations et des structures se sont agglomérées à l’UOIF. Bien que notre cœur de métier demeure la référence religieuse, en diffusant une certaine lecture de l’islam, nous essayons de promouvoir ces associations au maximum car elles représentent une source d’épanouissement pour l’individu au sein de la société. Avez-vous eu un rôle politique ces dernières années ?
Nous avons été amenés à travailler sur la représentation du culte musulman. Notre ancienneté et notre travail de terrain avec les associations nous en a donné la légitimité. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, puis de Nicolas Sarkozy, les pouvoirs publics nous ont interpellés, via le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), afin de participer à différents processus de consultation. De nombreuses associations se réclament de l’islam, mais les politiques ont besoin d’avoir un seul interlocuteur et de trouver une structure de représentation qui puisse exprimer les préoccupations de la communauté musulmane.
Après plus de 8 ans passés au CFCM, nous nous sommes retirés parce que les conditions de travail n’étaient pas bonnes. Il y avait beaucoup de tensions et d’ingérence politique de la part de l’Etat français ou d’autres Etats lorsque nous avons été amenés à travailler dans un cadre européen71. Cependant, nous sommes toujours prêts à retravailler avec les pouvoirs publics ou d’autres partenaires pour nous exprimer sur la représentation du culte musulman en France. Comment les projets sont ils financés ?
Nous ne recevons aucune subvention de l’Etat, du fait du principe de laïcité proclamé par la loi de 1905. L’UOIF est complètement autonome. Elle fonctionne surtout grâce aux dons et aux cotisations mensuelles des membres, mais aussi grâce aux services payants que nous proposons. Notre maison d’édition Gedis, par exemple, représente une source de revenus. Des sponsors et des mécènes financent également certains projets en échange de publicité.
Nous sommes également habilités à percevoir une aumône propre à l’islam : la « zakat ». Troisième pilier de l’islam, cette aumône purificatrice est une obligation pour les croyants atteignant un certain montant d’économie. Ils doivent reverser une partie de leur argent à un organisme tel que le notre, pour mettre à disposition des personnes dans le besoin ou pour financer des œuvres caritatives, éducatives ou humanitaires. Comment communiquez-vous auprès des musulmans et des non musulmans ?
Nous organisons de nombreux évènements dont le plus important est la rencontre annuelle des musulmans qui réunit toutes les associations dans un forum associatif. Des colloques, des soirées thématiques permettent également de garder un contact avec la communauté musulmane. Notre département de communication s’attache à vulgariser certains messages de l’islam en mettant à disposition du public des brochures, des livres, des comptes rendus de colloques. Notre site internet est un relais qui n’est pas encore alimenté régulièrement, mais qui hébergera bientôt une médiathèque avec de nombreux articles.
Notre communication s’appuie beaucoup sur notre réseau d’associations locales, présent dans toute la France. Cela permet de présenter l’islam sur le terrain via des projets concrets dans le cadre de partenariats. Cette année, nous avons participé au projet « Bougez votez » pendant la campagne électorale. Nous menons également un projet européen de promotion du Coran dans différentes langues et auprès de plusieurs populations. Parallèlement, nous sommes très impliqués dans le dialogue interreligieux, par l’association internationale du dialogue religieux. Nous sommes également sollicités par des non musulmans nous posant des questions sur l’islam, ses valeurs, ses pratiques ou sur des sujets d’actualité ayant trait à la religion musulmane. Pour leur répondre,
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L’UOIF est membre de l’Organisation Européenne de Représentation Musulmane.
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nous mettons à leur disposition un service religieux, formé d’imams. Notre présence dans des réunions interreligieuses constitue également une occasion de s’adresser à un public qui ne connait pas l’islam. Êtes-vous souvent sollicité par la presse ou les médias télévisés?
Nous sommes effectivement souvent en relation avec la presse. Malheureusement ce n’est pas souvent à notre demande car c’est l’actualité montrant du doigt les musulmans qui amène les journalistes à nous contacter.
Nous avons, par exemple, essayer de rassembler des contacts presse lors de notre dernière rencontre annuelle des musulmans de France au Bourget mais nous avons eu très peu de retours. Au contraire, nous avons été assaillis lors de l’affaire de Mohamed Merah. Nous avons d’ailleurs proposé à cette occasion un article de fond qui allait plus loin que cette affaire d’actualité, en évoquant notre identité, notre activité et ce que nous dénoncions. Mais il n’intéressait pas les journaux car il ne cadrait pas avec le ton polémique des dernières semaines. L’intérêt des médias pour l’UOIF et ses activités est vraiment faible. Mais dès qu’il y a une polémique, nous sommes submergés car nous sommes la première fédération française musulmane. L’image de l’islam dans le monde et en France Comment définissez-vous l’islam ? Est-ce une religion, un phénomène social, une aire géographique, une culture, une civilisation ?
On fait la distinction sémantique entre « Islam », la civilisation des pays d’islam - c’est une référence historique et géographique - et « islam », qui se réfère à la religion. L’islam en tant que religion représente alors le dogme religieux, ses principes, sa pratique, sa philosophie, sa spiritualité dans la relation d’un croyant avec Dieu. La religion est indépendante de sa culture d’origine, ce qui explique que l’islam s’est diffusé dans le monde entier. On peut également regarder l’Islam comme une civilisation, imbriquée dans les sociétés musulmanes. Cette culture, arabe à l’origine, est vite devenue une affaire asiatique. En effet, au Moyen-âge, l’islam se développe dans des zones orientales, dans les villes comme Bagdad ou Damas et dans des zones asiatiques, qui avaient alors pour capitale Samarkand. Toutes ses cultures, pourtant très différentes, ont été réunies dans un ensemble d’une même appellation, la civilisation musulmane. Aujourd’hui, on confond beaucoup la culture et la religion. C’est un défi que de faire comprendre que l’islam en tant que religion est une spiritualité indépendante d’une culture et qui donc peut devenir français. Cette religion doit être détachée de l’image que l’on a de l’arabe, du maghrébin, de l’islamiste, du barbu, du niqrab et de tous les stéréotypes que l’on a. Ce serait faire justice à l’islam que de lui redonner une place parmi toutes les religions sans considérer la culture à laquelle on appartient.
L’islam est une religion très simple qui s’explique seulement avec des mots : c’est croire en un Dieu unique, auquel nous devons un culte en pratiquant certains rites (la prière, le jeûne, l’aumône). Dieu a envoyé des prophètes pour rappeler aux hommes qu’il est unique, qu’il a créé toute chose et que l’on retournera vers lui et sera jugé par lui.
L’islam partage de nombreux points communs avec le judaïsme ou le christianisme. On ne peut pas être musulman si on rejette l’une de ces deux religions parce qu’il s’agit du même courant abrahamique et que le message est le même : adorez Dieu d’un culte exclusif, soyez équitable, juste avec les gens, ne volez pas, ne trompez pas, respectez vos engagement, aidez votre prochain et attendez vous à rendre des comptes. Les différences se trouvent dans la pratique et dans la conception du dogme. Le christianisme est un monothéisme qui se manifeste à travers trois entités (le père, le fils et le saint esprit), remettant en cause l’unicité de Dieu. Le judaïsme comporte une attache ethnique, qui n’est pas compatible avec l’islam. Dans la religion musulmane, le message de Dieu s’adresse à tous les hommes et doit être diffusé le plus largement possible.
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Quelle est l’image de l’islam en France aujourd’hui ? Est t elle plutôt positive ou plutôt négative ? Quels sont les préjugés majeurs qui pèsent sur cette religion ?
On trouve trois préjugés majeurs sur l’islam. Le premier, c’est que l’islam est lié au terrorisme, au meurtre et à la guerre. Le second est relatif à la femme, qui serait inférieure et soumise à l’homme. Un autre préjugé tenace consiste à croire que l’islam est étranger alors que l’islam est aussi français. Certaines personnes me posent la question du droit de vote des étrangers, sans comprendre que la question ne se pose pas ici, à l’UOIF, car nous ne sommes pas des étrangers. Cet amalgame islam / étranger révèle un aveuglement et se retrouve dans les votes pour le Front National. On le voit aussi dans certains discours de la droite UMP qui prend parfois un virage raciste. La crise économique actuelle a d’ailleurs été une occasion de surenchère politique et d’instrumentalisation de cette thématique. Dans toutes les crises graves, on a cherché des bouc-émissaires. Il ne s’agit pas seulement des musulmans, il y a eu les Juifs, les Polonais, les Roms, etc. La crise aggrave les préjugés, le fossé entre les Français et les Français : entre les riches et les pauvres, qui ont des intérêts politiques différents, entre les hommes et les femmes, entre les parents et les enfants, etc. A quel point le 11 septembre est responsable d’une dégradation de l’image de l’islam ? Cette dégradation s’est elle fait ressentir en France ?
Le 11 septembre a secoué tout le monde, à cause de sa violence, de son injustice et du symbole que les attentats ont attaqué : la puissance américaine.
L’image négative des musulmans, qui existait déjà avant, a été renforcée et surtout institutionnalisée. Avant, des préjugés latents existaient et étaient représentés par certains courants ou groupes politiques, mais ils n’étaient pas porté à un niveau étatique ou institutionnel. En 2001, les propos de G.W. Bush ont choqué beaucoup de musulmans et de non musulmans. Les Français, dans leur majorité, n’ont pas adhéré à ces discours sur l’Axe du Mal. Les actions offensives américaines en Iraq et en Afghanistan n’ont d’ailleurs pas été suivies par la France. Il y a donc bien eu une rupture en 2001, mais elle n’a pas été que négative.
Le 11 septembre a provoqué un émoi qui a fixé et légitimé une certaine islamophobie mais il a aussi poussé les musulmans à s’exprimer, à faire connaître leur religion et leurs valeurs, à se dédouaner et à se différencier de ces actes barbares et terroristes. Comme après l’affaire de Mohammed Merah, des personnes nous ont contactés pour essayer de comprendre ce qu’il se passait. Notre mission a alors été de répondre à leurs questions. Cette polémique et cette actualité très invective, très violente à l’égard des musulmans a donc des effets positifs dans la société dans la mesure où elle permet un certain dialogue qui n’aurait peut être pas eu lieu avant. Mais elle exacerbe aussi les extrêmes des deux côtés, les extrêmes religieux, minoritaires, comme les extrêmes racistes. Pensez-vous qu’il existe réellement un « choc des civilisations » ? Le Coran et la République portent ils des valeurs contradictoires?
Si choc qu’il y a, il sera économique mais ce n’est pas la culture ou la civilisation qui peut constituer un choc. Des discours hyper médiatisés, par contre, peuvent provoquer des chocs. Si certaines polémiques ont dévalorisé l’islam (affaire du voile ou de la viande hallal), elles ont néanmoins permis de questionner et de comprendre certaines pratiques musulmanes. Le port du voile par exemple n’est pas un pilier de l’islam. C’est une pratique obligatoire mais relative, tout comme celle de manger de la viande hallal. Cette obligation peut être levée quand on ne peut pas l’appliquer. Les pratiques essentielles du culte musulman, telles que la prière ou l’aumône, ne dépendent pas de contraintes. Toutes les pratiques de l’islam sont compatibles avec les principes de la République. Rien, dans les textes de loi français n’empêchent d’ouvrir une boucherie hallal par exemple. Mais il s’agit là de thématiques qui ont été confisquées par des groupes politiques pour faire peur à la société et faire croire à une menace islamique.
La loi française garantie le droit de conviction religieuse, c’est-à-dire le libre choix et l’égalité pour tous quelque soit sa religion, mais aussi le droit de manifester sa religion de manière privée ou publique. La laïcité a eu ces dernières années une évolution étrangère à ses fondements. A l’origine, la laïcité garantie la neutralité de l’Etat dans les affaires religieuses. Avant la loi du 15 mars 2005, rien n’interdisait le port du
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voile pour les filles musulmanes à l’école, la neutralité religieuse ne concernait que les professeurs. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs été saisi en 1993, pour finalement constater qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre la laïcité et le port du voile à l’école. En 2005, comme aucune loi n’interdisait le foulard, il a fallu en créer une pour l’interdire. Si le principe de laïcité était bien appliqué, nous n’aurions pas besoin de faire une telle loi. La laïcité a subi un revirement : elle vise désormais à effacer les particularités religieuses de la sphère publique. Des enquêtes de terrain nous ont permis de vérifier que les filles n’étaient pas contraintes à porter le voile, et qu’elles le portaient même parfois malgré leur famille. L’acharnement médiatique qu’on a fait sur ces jeunes filles a posé problème. Il a été l‘occasion de s’attaqué aux musulmans en s’attaquant à une partie visible de l’islam. Quelle était votre position sur l’affaire des caricatures de Mahomet ?
Suite à la publication des caricatures de Mahomet, nous avons attaqué Charlie Hebdo en justice. La liberté d’expression est sacrée pour nous tous, mais ces caricatures ont été réalisées dans un contexte de provocation. La liberté d’expression a des limites, notamment celle de l’incitation à la haine. Or, certains dessins traitent les musulmans de « cons ». Ils ont donc été compris comme une attaque envers toute la communauté musulmane et contre un symbole, le Prophète. Il ne s’agit pas ici d’un personnage historique, comme le Pape ou Ben Laden, mais d’une référence religieuse intégrée au culte. Quand on est musulman, on ne peut pas remettre en cause la croyance en Dieu et en tous les Prophètes. Les musulmans ont finalement réagi comme les chrétiens devant des représentations provocantes de Jésus.
L’unanimité des interprétations des textes musulmans – et non du Coran – interdit toute représentation du Prophète afin d‘éviter l’adoration d’image. Le culte de Dieu est fondamental et ne nécessite ni statue, ni image, ni intermédiaire. C’est pourquoi les seules décorations présentes dans les mosquées sont les lampadaires, les mosaïques, l’ornementation. Mais il n’y a aucune représentation d’hommes ou d’animaux. Avez-vous noté une évolution des pratiques de l’islam ces dernières années ?
Il me semble que les musulmans sont de plus en plus pratiquants. Il y a quelques générations, il n’y avait pas autant de gens qui priaient dans les mosquées. Les jeunes grandissent dans une société française qui est contradictoire. Ils sont français mais on leur renvoie une image négative d’eux mêmes, comme si quelque part on ne voulait pas d’eux. Ces questionnements amènent les gens à réfléchir sur qui ils sont et ce qui fait leur différence. L’islam définit une identité spirituelle commune pour des personnes de cultures très différentes : certains viennent d’Afrique noire, d’autres du Maghreb, de Turquie ou encore d’Asie. L’islam, par ses croyances et ses valeurs, leur permet de se rattacher à quelque chose d’universel et de transcendant. Ces jeunes générations, en se questionnant et en découvrant l’islam, deviennent vite pratiquantes car l’islam porte un message très clair auquel il est facile d’adhérer. La mixité sociale et culturelle et la mise en avant de l’islam dans les débats publics ont d’ailleurs amené certains à se convertir
L’islam peut même parfois être un facteur d’intégration. Les musulmans français accueillent certains immigrés et leur expliquent comment pratiquer leur religion en France, notamment en présentant ce qu’ils ont le droit ou non de faire.. Représentation des Arts d’Islam en France Pensez vous que les arts d’Islam sont bien représentés en France ?
Les arts d’Islam ont toujours été présents dans la société française. Ils ont été cultivés par le colonialisme, ou, avant ça, par le rapprochement entre l’Empire Ottoman et la France. Mais ce que je regrette c’est que l’on reste souvent dans le registre de l’Autre, de l’étranger. Un art français musulman émerge avec des peintures, de la musique, des affiches, mais il est souvent ignoré et recalé dans la culture urbaine ou hip hop. Or, ces formes d’art, parfois subversives, ont intérêt à être relayées, à être vue et diffusées. On valorise souvent les œuvres issues de l’âge d’or oriental, ce qui laisse peu de place à l’art contemporain.
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L’offre culturelle est encore très concentrée à Paris. L’IMA possède des collections riches, regroupant des œuvres de plusieurs époques et de zones géographiques variées. Cependant, aller à l’IMA, c’est-à-dire passer par un institut spécialisé, c’est déjà faire une démarche vers les arts d’Islam. Au contraire, tout le monde va au Louvre, d’où l’importance de l’ouverture de ce nouveau département. Le Louvre est un grand musée qui donne de la légitimité aux arts d’Islam en les plaçant sur le même plan que les autres arts. L’islam est perçu comme une origine et non comme une religion ou une spiritualité. Il vaut donc mieux que le Louvre ait un département des arts d’Islam qu’un département oriental et qu’il contienne des éléments asiatiques ou africains. Le Département des Arts d’Islam est un signe d’ouverture à l’étranger. L’importance des pays arabes grandit, ce sont des pays qui prennent de l’importance sur la scène internationale, sur le plan politique, culturel et économique. Quand le Louvre fait quelque chose, il y a toujours une volonté politique derrière. Le Louvre est le bras culturel de l’Etat, même s’il a un fonctionnement autonome, il a des directives, des nominations, etc. Pensez vous que cela va permettre de revaloriser l’image de l’islam ? Celle du Louvre ?
Une exposition de l’héritage historique de la culture d’Islam peut permettre aux français de confession musulmane d’être rassurés sur leur référence culturelle. Même s’il faut différencier la religion de la culture, les musulmans ont besoin, pour se construire une identité, qu’on leur renvoie également des images positives. L’islam a fait fructifier une civilisation honorable, qui a apporté de grandes choses à l’humanité. Cela permet aussi de faire connaître l’islam aux gens qui ne le connaissent pas et de relativiser leurs opinions. Car l’islam est une civilisation qui existe depuis le VIIème siècle et ne se réduit pas aux conflits qui existent actuellement. C’est bien surtout pour la France, car le Louvre est un symbole français. Cela permet de valoriser l’image de notre pays à l’étranger en montrant son attachement à la culture et son savoir faire. Les partenariats diplomatiques apaisent les tensions et évitent les conflits. On ne peut pas du jour au lendemain entrer en conflit ouvert alors qu’il y a des échanges entre des musées, des ambassades, des universités. Les échanges dans le monde de l’art et de la science permettent de favoriser les bonnes relations politiques et diplomatiques, il ne faut donc pas les négliger.
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ENTRETIEN AVEC SONIA DAYAN-HERZBRUN DE L’ASSOCIATION « ISLAM ET LAICITE »
ENTRETIEN ISLAM ET LAICITE
Sonia Dayan-Herzbrun est professeur à l'UFR de Sciences Sociales de l'université Paris Diderot. Elle est directrice de la Revue Tumultes, revue interdisciplinaire sur les phénomènes politiques contemporains. Elle est également membre du RING (Réseau Interdisciplinaire National sur le Genre). Enfin elle est membre de la Commission Française pour l'UNESCO et vice-présidente du Comité Sciences Sociales de cette commission. Ses travaux de sociologie politique portent sur la citoyenneté au Moyen-Orient. L’association « Islam et Laïcité » Pourquoi vous intéressez-vous autant aux questions touchant à l’islam ?
A l’origine, je suis philosophe et j’ai travaillé sur la théorie post-coloniale. J’ai donc commencé à travailler sur le Moyen-Orient. J’ai organisé un colloque autour d’Edouard Saïd, après sa mort. Aujourd’hui, je travaille sur des questions où l’on croise le genre et la politique dans le Moyen-Orient, compris au sens vaste, de la Turquie au Maghreb. J’assure un cours à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales qui a pour thème le rapport de genres au Maghreb et au Mashrek. Je travaille notamment sur l’implication politique des femmes au Moyen-Orient. Je vais d’ailleurs publier un article sur la place des femmes dans les révolutions arabes. Comment et pourquoi est née l’association ?
L’association a été formée en 1997, comme commission de la Ligue de l’Enseignement, au moment où l’on commençait à se poser la question de la comptabilité entre l’islam et la laïcité, une particularité très française. Elle est devenue une association, type loi 1901, il y a cinq ou six ans. Elle rassemble quelques enseignants, des militants associatifs, des représentants de différents lieux de culte et des personnalités diverses sensibles à ces questions. Il y a des gens d’obédience politique très diverse. Nous sommes en relation avec les musulmans de France, dont certains militants associatifs. Elle réfléchit à une conception de la laïcité qui permette le respect des différentes croyances présentes sur le territoire français, y compris l’athéisme.
Il s’agit d’un engagement politique au sens très large pour promouvoir un « vivre ensemble » dans le respect mutuel. C’est un groupe de discussion et de débat où l’on échange, on s’informe et on essaye de faire passer l’information. Tout le monde n’est pas nécessairement d’accord. Par exemple, sur la loi du foulard en 2004, nous n’avions pas tous le même point de vue. Nous avons parfois pris position dans les débats nationaux quand les décisions politiques nous paraissent relever de l’islamophobie. C’était le cas de l’interdiction aux mères portant le foulard d’accompagner les enfants dans les sorties scolaires, décision contre laquelle nous nous sommes élevés. Ce sont des mesures complètement discriminatoires.
Une de ses missions est de mieux connaître et de faire connaître l’islam. Nous organisons pour cela des séminaires, des colloques et publions nos réflexions. Nous faisons des communiqués diffusés dans les médias, aussi bien dans la presse que sur Internet. Notre travail se fait moins en direction des musulmans qu’en direction de la société française. Notre objectif est de créer des ponts et des discussions, de combattre les préjugés, ce qui est très difficile. Représentation de l’islam en Occident Comment définissez-vous l’islam?
C’est une palette de religions qui se sont déployées dans l’histoire et dans de nombreuses régions du monde de manière différente. Religion et culture sont parfois difficiles à distinguer. L’islam a été une religion dominante dans des pays où il a structuré la vie sociale. Mais il y a toutes sortes de façons de
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pratiquer l’islam. Tout dépend des groupes, de l’appartenance sociale, de l’origine des gens. Il n’y a pas un islam, il y en a des quantités. C’est ce que l’on s’efforce de montrer à « Islam et Laïcité ».
On voit que l’islam se module d’une façon différente selon les zones où il s’est implanté. Aujourd’hui, c’est différent car on vit dans un monde globalisé. On peut noter une grande influence de modèles venus de l’Arabie Saoudite ou des Emirats Arabes, pour des raisons politiques et économiques. Parallèlement à cette globalisation, l’islam s’est articulé aux pratiques et aux croyances locales. Ce qui est commun, c’est le Coran. Mais l’interprétation du Coran, ou corpus religieux, et le corpus juridique varient selon les pays. La jurisprudence se forme dans les textes sacrés en s’articulant avec des textes locaux. On peut d’ailleurs parler d’un islam de France et des musulmans de France, qui ont intégré la laïcité. Quelle est l’image de l’islam en France aujourd’hui ? Quels sont les préjugés majeurs qui pèsent sur cette religion ?
L’image de l’islam est très négative. Si je me suis tellement impliquée dans cette association c’est parce que, en tant que juive, je ressens qu’il y a des préjugés vis-à-vis des musulmans. Ces préjugés ont la même structure que ceux dont ont souffert les Juifs. Il y a une très grande ignorance de l’islam en France, une masse de préjugés et des jugements extrêmement négatifs et discriminatoires. Il y a d’ailleurs eu récemment un rapport d’Amnistie International qui dénonçait l’islamophobie en France.
Parmi les préjugés qu’on retrouve le plus souvent, il y a la soumission et le mauvais traitement des femmes. C’est le préjugé majeur. Depuis le 11 septembre, il y a également l’association islam et terrorisme. Ces amalgames se sont développés après 1979, date de la Révolution iranienne, quand l’Iran est devenu un ennemi de l’Occident. Au lieu de faire une analyse politique de ce qui se passait en Iran, on a stigmatisé l’islam. Dès qu’il y a des musulmans qui sont en cause, on ne prend plus en compte ni les analyses politiques, ni les analyses en termes d’âge, de classe sociale, etc. C’est parce que ce sont des musulmans qu’ils sont violents et dangereux. Autrefois, les choses étaient plus ambigües car il y a avait, associé à l’islam, tout cet imaginaire orientaliste, c’est-à-dire la danse du ventre, la sensualité, la beauté. Toutes ces images ont disparu et c’est l’image du terrorisme et du statut inférieur des femmes qui est devenu prégnant. Quelle a été votre position sur la loi de 2004 concernant l’interdiction du port du voile à l’école ?
J’étais contre l’interdiction du voile dans les écoles et les lycées. C’est une stigmatisation et ça n’est en rien pédagogique. L’adolescence correspond à un moment d’affirmation identitaire. Or, cette loi renforce un sentiment de rejet de l’islam. Se couvrir la tête pour des adolescentes musulmanes n’est en rien un geste de propagande ou de prosélytisme. Cela correspond à un moment de recherche de spiritualité à un moment de leur vie. Le fait de mettre un foulard sur la tête ne me gêne pas. Ce n’est pas une atteinte à la laïcité. Si l’on reprend la loi de 1905, la laïcité doit empêcher l’Etat de s’immiscer dans les affaires religieuses. Or, ici, c’est le contraire : l’Etat est discriminatoire envers la religion musulmane.
Le port du voile intégral est quelque chose de très rationnel dans certains pays. Dans les régions désertiques, il fait chaud, le vent souffle et le voile permet de se protéger du sable. Les femmes, et les hommes, se cachent le visage et ne laissent dépasser que les yeux. Dans nos pays, où nous ne connaissons pas cette violence du climat, le voile peut empêcher la communication. Mais la seule chose qui pouvait justifier cette loi, c’est le prétexte à des mesures de sécurité. Or, nous avions déjà ces mesures : on doit montrer son visage quand on doit aller chercher des enfants à l’école ou une lettre recommandée à la poste.
Les enquêtes qui ont été faites sur les femmes portant un voile intégrale montre qu’il s’agit souvent de jeunes femmes converties. Elles ont besoin de ce moment d’affirmation identitaire, c’est une lubie. Mais elles ne sont pas nombreuses. En faire toute une affaire comme on l’a fait et considérer que ce petit nombre de femmes était un scandale en France ne fait pas sens. Après l’interdiction, certaines se couvraient le visage avec des masques anti-pollution !
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Quelle était votre position sur l’affaire des caricatures de Mahomet ?
Ces caricatures m’ont beaucoup embarrassé parce que les musulmans sont déjà victimes de discriminations. On ne s’en prend pas à un groupe social qui est par ailleurs discriminé quotidiennement. Dans le principe, on est tous pour la liberté d’expression, mais celle-là frise le racisme. On peut représenter le prophète, mais pas de cette façon là. L’humour, c’est pouvoir se moquer de soi-même. Ces caricatures ont été très blessantes. Les réponses ont été tout à fait disproportionnées, mais cela a été vécu comme une insulte épouvantable.
Les caricatures ont d’abord été publiées au Danemark, dans un pays où l’extrême droite est très forte. En France, elles ont été dessinées par des gens qui ne sont pas forcément de droite, mais qui sont islamophobes. France Soir est un titre de presse qui a l’habitude d’agiter ces sujets là. Il faut également prendre en compte le contexte israélo-palestinien : il y a tout intérêt à faire passer les musulmans pour des gens dangereux. Le Coran et la République portent-ils des valeurs contradictoires ? Existe-t-il des principes musulmans qui ne puissent pas cohabiter avec la culture française ?
Il faut d’abord considérer la République à sa juste valeur. L’envers de la République c’est la politique coloniale, qui a souvent été épouvantable. Ensuite, il faut considérer le travail fait par les musulmans pour réactualiser les textes sacrés. En effet, si on prend l’Ancien Testament, comme le Coran, on se rend vite compte que ce qu’il y a écrit dedans est épouvantable. Il s’agit donc de comprendre ces textes en se demandant comment ils ont été écrits, dans quel contexte. Tout dépend de la lecture que l’on fait des textes, des interprétations. Les musulmans sont-ils bien intégrés en France ? Comment le jugez-vous ? Que veut dire le mot « intégration » ? C’est créer un ensemble, assimiler, c’est-à-dire rendre semblable. Elle implique d’accepter la pluralité et de respecter nos différences. On demande toujours aux musulmans de s’intégrer, mais c’est à nous d’intégrer. Il faut apprendre à accepter la diversité, qu’on ne mange pas tous la même chose, qu’on ne s’habille pas tous nécessairement pareil. C’est vrai que la France a une tradition jacobine, où l’on doit tous être élevé à la même école, mais cela n’empêche pas le dialogue. Cela ne sert à rien d’accentuer cette différence. Il faut avoir le sentiment qu’on fait partie de la même société mais de façon diverse, sans agressivité et sans communautarisme. Pensez-vous qu’il existe réellement un « choc des civilisations » ?
Je pense que c’est une stupidité, il n’y a pas de civilisation. Effectivement, on est tous différents, mais il y a toujours eu énormément d’échanges. Le mobilier de la fin du XVIIIème siècle s’inspirait des chinoiseries, la musique de Mozart était composée d’harmonies orientales, les turqueries ont eu une forte influence à une époque. Cette théorie a été invalidée par l’histoire. Il y a des différences mais elles sont beaucoup moins importantes que ce qu’on imagine. Aujourd’hui, on est dans un monde globalisé avec des échanges permanents. On est vraiment dans une interpénétration des mondes. Si civilisations il y a, elles n’ont pas cessé de bouger et sont en perpétuel mouvement. Aujourd’hui on serait bien en peine de les distinguer.
C’est en même temps un texte auto réalisateur. C’est une idée qui a fait énormément de mal, qui appelle à la guerre. A cause de cette théorie, la peur et la haine se sont diffusées des deux côtés. En Orient aussi, certaines personnes ont développé une véritable haine de l’Occident. Quand un village de civils, avec des hommes, des femmes et des enfants, se fait bombarder en Afghanistan, comment voulez-vous qu’ils réagissent ? Comment voulez-vous qu’ils considèrent l’Occident ?
112
Art et Islam Les Arts de l’Islam sont-ils bien représentés en France ?
L’ouverture de ce département au Louvre est très importante, parce que jusqu’à présent les arts de l’Islam étaient très peu représentés en France. Il y avait quelques expositions à l’IMA ou à l’ICI, mais elles étaient encore très pauvres. Il y a le Musée Guimet pour les arts asiatiques, le musée Dapper pour l’Afrique. Cela répond à une absence criante des arts de l’Islam en France. Par ailleurs, ce projet s’inscrit dans un projet de coopération culturelle. L’ouverture de ce département se fait en contrepartie de l’ouverture du Louvre à Abu Dhabi il me semble. C’est en tout cas ce que disaient les personnes travaillant au Louvre qui sont intervenues dans un groupe de travail que nous avons formé à propos de ce projet.
J’ai été quelques fois peinée par les préjugés sur les arts de l’Islam. Une étudiante musulmane me disait justement qu’il n’y avait pas d’art en Orient. Or, c’est totalement faux, il y a une tradition artistique magnifique. Effectivement, il n’y a pas d’équivalent en Orient de la peinture, sauf peut-être l’art de la miniature persane. L’art proprement arabe n’offre pas de représentation du visage humain. Mais on en trouve dans l’art moghol indien, en Iran ou en Turquie. Il n’y a que Dieu que l’on n’a pas le droit de représenter dans la religion musulmane. Mais il y a une architecture superbe, de la musique, de la poésie, de la littérature, de la calligraphie. Le rapport aux arts plastiques est différent : il est davantage lié à l’occupation de l’espace. Mais souvent – je pense notamment à l’architecture avec la construction des mosquées et des palais et à l’art des jardins et leur symbolique – ce sont des choses que l’on ne peut pas transporter.
En art contemporain également, l’art arabe est riche. Mais les artistes se détachent de leur religion, ils ne se réfèrent plus à l’islam. C’est pourquoi je ne parle pas d’art musulman, ce qui serait absurde. On ne dit pas de Frida Kahlo qu’elle est une artiste catholique, alors que la religion prend une grande place au Mexique. Seuls certaines artistes s’inscrivent dans la continuité d’une histoire musulmane, notamment en passant par la calligraphie de textes sacrés. Le département des Arts de l’Islam au Louvre permettra-t-il de renouveler les représentations de l’islam selon vous ? Tout dépend de la manière dont l’islam est exposé, de la muséographie, de la fréquentation, des commentaires qui vont accompagner l’exposition. On parlait des préjugés qui touchent l’islam. Il y en a un qui consiste à distinguer un bon islam d’un mauvais islam. Il ne faut pas que les visiteurs partent de l’exposition en se disant : « ça c’est le bon islam, mais aujourd’hui il n’est pas comme ça ». Il faut que l’exposition soit accompagnée d’un véritable enseignement, que les objets soient ancrés dans leur histoire. En même temps, le Louvre montre qu’il y a eu un apport important de la civilisation musulmane dans le passé. Cela peut rendre à des enfants issus de familles musulmanes une espèce de fierté. Cela peut être quelque chose de valorisant par rapport à leur histoire, une chose importante dans un contexte de stigmatisation de l’islam. En effet, certains jeunes réagissent à ce rejet de l’islam en se repliant sur des façons de penser basiques, assez pauvres, tant du point de vue éthique qu’intellectuel. Nous avons fait un colloque sur la transmission de l’islam. Les jeunes reçoivent parfois un islam qui est d’une médiocrité affligeante. Enseigner une histoire et une sociologie des religions et des civilisations permet aux jeunes de ne pas avoir cette espèce de sentiment d’infériorité contre lequel ils réagissent violemment. Cela ouvre également au dialogue et à l’échange. Pensez-vous que les musulmans seront plus nombreux à se rendre au Louvre ? Cela dépend de qui vous parlez. Ce sont des gens qui ont des professions, des origines sociales, qui appartiennent à des groupes sociaux spécifiques, qui ont des revenus, des niveaux de culture différents. Cela n’existe pas le groupe des musulmans.
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ILLUSTRATION DES ŒUVRES CITEES DANS LE CORPS DU MEMOIRE
3- Kader Attia, Ghost, 2007 (sculptures en aluminium).
1- Portrait de Fath Ali Shah Qajar, huile
sur toile. Iran, Mirza baba, 1797.
2- mounir fatmi, Tête dure, 2005-2008 (peinture murale).
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REPARTITION DU BUDGET DU MUSEE DU LOUVRE ET DU DEPARTEMENT DES ARTS
DE L’ISLAM
50%
27%
11%
5% 7%
Répartition du budget global
Etat
Billeterie
Mécénat
Autres
Valorisation du domaine, locationd'espaces
29%
1%
28%
33%
9%
Répartition du budget pour le Département des Arts de l'Islam
Etat
Ressources propres du Musée
Donateurs individuels et entreprises
Contributions d’états
Part restante du budget à trouverauprès de mécènes
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DETAILS DE LA REPARTITION DU BUDGET POUR LE DEPARTEMENT DES ARTS DE L’ISLAM
Cout opération Coût total du projet : 98,5 M€ incluant la construction, la restauration des façades, le chantier des collections, les aménagements muséographiques (y compris les salles consacrées aux collections de l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain), la médiation culturelle. Ce chiffre n’inclut pas, à ce stade, l’indexation et les aléas éventuels. Le musée du Louvre est encore à la recherche de mécènes pour financer les 10 M€ restants.
116
INFORMATIONS GENERALES SUR LE PROJET > C’est le plus important projet d’aménagement du musée après la pyramide de Pei. > Le nouvel espace se situe dans la cour Visconti (visible depuis les étages du musée). > Le concours, lancé en 2004, a été remporté par les architectes Rudy Ricciotti et Mario Bellini. > Le projet de doter le Louvre d'un véritable département des Arts de l'Islam a été lancé en 2003 par Jacques Chirac. > Le président Nicolas Sarkozy a posé la "première pierre" le 16 juillet 2008. > 3 000 œuvres exposées sur une collection de 18 000 (objets, tapis, tissus, céramiques), dont 3 400 venant du Musée des Arts Décoratifs. > Diversité des civilisations représentées : mamelouk, andalouse, persane, ottomane allant du VIIe et au XIXe siècle > 98,5 millions d’euros pour le projet au total.
LOUVRE - ARCHITECTURE / ESPACE MUSÉOGRAPHIQUE SYNTHESE DE L’ANALYSE D’ARTICLES DE PRESSE
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INFORMATIONS TECHNIQUES > Poids total : 135 tonnes. Surface totale : 2 800 m² sur 3 niveaux (rez-de-cour + 2 sous-sols dont 1 réservé à la technique). > Hauteur de la verrière varie de 1,50 m à 8 m. > Epaisseur de la couverture : env. 1,20 mètres d'épaisseur, bords affinés pour minimiser l’impact visuel. > Matériaux couverture : verre, maillage métallique, résille. > 8 piliers inclinés très discrets (30cm de diamètre), affinés à leurs extrémités. > Transparence et protection solaire obtenues grâce à une résille en tôle d’aluminium, associée à une couche de nid d’abeille. > Résistance à la neige, à l'échauffement, bonne étanchéité et faible risque de vieillissement. > Nombre de panneaux triangulaires en verre translucides : 2350. Les triangles se relèvent à 90° pour la maintenance. Panneaux latéraux en verre de haute qualité optique pour bénéficier de la lumière naturelle. > Intérieur : matériaux sombres pour révéler les œuvres (sol en dalles noires incrustées de copeaux en laiton, murs anthracites foncés). Escalier en béton coulé en une seule fois grâce à un coffrage long de 14 mètres et haut de 6 mètres, sans point d’appui.
‘‘Le jeu de plis et de replis de la double peau de la toiture entend révéler l’architecture néoclassique de l’ancien palais royal. Il ouvre aussi des vues changeantes sur les façades de la cour et le mouvement sensuel de la couverture’’. Rudy Ricciotti
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ORIENTALISME
Oasis au coeur du vénérable
musée
Grande tente hospitalière
Dune
Féminin /sensuel
Voile / foulard
Tapis volant
Bosselé comme une échine de
dromadaire
SOUPLESSE
Forme libre / libérée
Courbes et contre-courbes
Peau
Soulevé / porté par le
vent
Nappe de verre
Ondulant / mouvance / fluidité
Douceur
LEGERETE
Mouchoir de soie/
drapé soyeux
Aile de libellule
Flotte dans l'air /
apesanteur
Nuage doré
Frôle le sol
Pureté
NUAGE DE MOTS LES EXPRESSIONS MEDIATIQUES POUR PARLER DE LA CONSTRUCTION ARCHITECTURALE DU DEPARTEMENT DES ARTS DE L’ISLAM
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ORIGINALITE
Monstre incongru
Etrange
Modernité /contempo
rain
Avant gardiste
Novateur / nouvelle
architecture
Audace / gonflé / panache
LUMIERE
Filtre la lumière /
brise soleil
Tortue aux écailles
d'or clair
Citron sous le soleil
Doré / mordoré / or anodisé
Vague d'or
Transparence /
luminescence
TECHNIQUE
Défi architectu-
ral
Impressio-nant
Spectacu-laire
Mesure
Sophistiqué
Prouesse technique
ESTHETISME
Majesteux / élégance
Beauté
Poésie
Aérien
Onirisme
Préciosité
162
121
Pascale MOLLARD-CHENEBENOIT. AFP, le 30 juin 2010.
122
Philippe TRETIACK. Beaux Arts Magazine, mars 2012.
123
124
Source : AFP. France Soir, le 9 janvier 2012.
125
Sabine GIGNOUX. La Croix, le 5 janvier 2012.
126
127
Eric BIETRY-RIVIERRE. « Le Figaro, le 4 janvier 2012.
128
129
Yves JAEGLE. Le Parisien, le 5 janvier 2012.
130
131
Bruno MONIER-VINARD. Le Point, le 5 janvier 2012.
132
Dominique POIRET. Libération, le 5 janvier 2012.
133
134
Joëlle SMETS. Soirmag, le 29 janvier 2012.
135
136
Mario BELLINI. Bien public, le 9 janvier 2012.
137
138
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ANALYSE ICONOGRAPHIQUE Séries d’affiches publicitaires d’expositions sur les arts et la
culture d’Islam
N. B. : Les affiches analysées sont souvent accompagnées de déclinaisons présentées dans un objectif de comparaison et afin d’obtenir une vue d’ensemble sur les campagnes. Les affiches analysées sont alors marquées d’un astérisque. 1 Le contexte désigne l’arrière plan, le(s) bandeau(x). Il s’agit de savoir en quoi et comment ils sont motivés ou arbitraires.
2 Typologies de publicités : référentielle (démonstration par la preuve), oblique (vision décalée, coproduction de sens par le public), mythique, substantielle (faire du produit le centre de la publicité).
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MUSEE DE L’INSTITUT DU MONDE ARABE FETE DES 25 ANS 2012
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Visuels colorés. Cadres concentriques dans lesquels s’enchâssent des écritures. Le texte ne donne pas d’info et reste mystérieux.
Textes ou référent Calligraphies, projection
Saturation / simplicité Saturation des écritures, mais l’organisation en cadres et la couleur grise du niveau 2 atténue l’effet de saturation.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images La différenciation image /texte n’est plus pertinente, texte devient une image.
Mode page / paysage Mode paysage.
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Travail de graphisme alliant formes géométriques, inspirées du moucharabieh de la façade de l’IMA et écritures calligraphiques.
Description du visuel Niv1: 2 mots en écriture latine et arabe enchâssés. Jeu sur la couleur et la transparence. Niv 2 : écritures illisibles vues de loin mais forment des dessins. Niv 3 : de près, on peut voir le chiffre 25 rappelant les 25 ans de l’IMA dans les formes géométriques.
Contexte1 Chaque cadre ou niveau de lecture est motivé et signifiant.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens
Tout le graphisme repose sur l’écriture. L’enchâssement des deux écritures qui se distinguent par leur couleur évoque un dialogue entre 2 langues ou 2 cultures.
Termes clés, syntaxe marqueurs linguistiques
L’élément central de chaque affiche est un mot et non une phrase qui ferait sens. On appelle ainsi le public à interpréter librement ce qu’il voit / lit. Thé, Musée, Perle, jardin : mots qui évoquent l’arabité ?
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Logo n’est pas présent, mais concept utilisé dans le logo (2 écritures, traduction du français à l’arabe) est repris dans l’affiche.
Logos partenaires Peu de visibilité. Sont eux aussi enchâssés dans la mosaïque.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Emetteur présent grâce au moucharabieh et à la baseline, mais reste effacé. Public sollicité pour l’interprétation de l’affiche qui n’est pas évidente. Il a donc une grande place dans l’attribution du sens.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Oblique
Imaginaires véhiculés par la marque
Les affiches cherchent à stimuler l’imagination du public en proposant des mots. L’IMA dénie ainsi toute autorité d’interprétation. Arabité et orientalisme suggérés par les termes mis en avant.
SWOT
Forces Affiches riches de sens qui font largement appel à la force d’interprétation du public, attise sa curiosité et attire son attention. IMA reconnaissable grâce aux codes graphiques et à sa grande réputation.
Faiblesses N’évoque pas le renouvellement occasionné par les 25 ans de l’IMA (nouvelle muséographie, expo, etc).
Risques Ne répond pas à un objectif de fidélisation). Public peut être interloqué par un message qu’il ne comprend pas, auquel il n’est pas habitué.
Opportunités Introduire une phrase d’accroche du type « Qu’est-ce que cela vous évoque ? ». Préciser les projets mis en place pour les 25 ans. L’affiche « le corps découvert » tente de provoquer, de choquer. Elle sort de ces associations d’images et de mots que nous proposent les autres affiches et change notre regard sur l’islam.
Lecture de l’affiche en 3 étapes : 3 bandeaux d’informations. Mots calligraphiés au centre ressortent.
Niv. 1
Niv. 2
Niv. 3
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MUSEE DE L’INSTITUT DU MONDE ARABE EXPOSITION ARTS DE L’ISLAM 2009-2010
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Image brouillée par un moucharabieh posé dessus comme un calque de lecture. Message clair et omniprésent car repris par le moucharabieh dans les mots « arts » et « islam ».
Textes ou référent Image vue à travers un grillage.
Saturation / simplicité Simplicité
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Large place laissée à l’image (objet de l’exposition), le calque du moucharabieh accompagne l’image. Encore une fois le texte devient image.
Mode page / paysage Les 2
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Travail graphique alliant peinture et moucharabieh
Description du visuel Peinture orientale représentant 3 personnages originaires du Proche Orient, coiffés de turbans et habillés d’une djellaba. Moucharabieh recouvrant la peinture évoque la façade de l’IMA. Sur le format horizontal, les mots du moucharabieh (« art » et « islam ») ressortent dans un pavé, sorte d’avancée sur le cadre réservé au texte (= clé de lecture).
Contexte1 Cadre blanc (neutre) fait ressortir le message.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens Typographie très classique. La majuscule du mot « Islam » montre qu’il s’agit ici de la culture et non de la religion musulmane. Dans le moucharabieh, le mot est écrit avec une minuscule => incohérence. Ecriture reprenant des formes géométriques, déséquilibre entre les tailles de caractères.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Message épuré de toute information superficielle. Les mots « art » et « islam » sont très généraux. Le sous-titre mentionnant l’origine des œuvres rend hommage au mécène.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Encastré dans le visuel, pavé prenant la place d’un carré du moucharabieh. Davantage mis en valeur sur le format horizontal.
Logos partenaires Aucun
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Emetteur présent par le logo, le moucharabieh (empreinte graphique du musée).
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Mythique
Imaginaires véhiculés par la marque
Peinture orientale composée de couleurs très douces et de courbes en rupture avec le moucharabieh formé de traits géométriques blancs qui tranchent avec les couleurs de la peinture. Montre 2 styles, 2 influences présentes dans les arts de l’Islam.
SWOT
Forces Message clair et compréhensible immédiatement. Objet de l’expo et empreinte identitaire du musée présents.
Faiblesses Incohérence sur le mot « islam » (cf typographie) : ambigüité du terme ? Termes très généraux, manquent de focalisation.
Risques Ne communique pas sur ce qui distingue la collection de Khalili des œuvres déjà présentes à l’IMA.
Opportunités Faire valoir la plus-value de la collection exposée.
Informations concentrées en un pavé = facilite la lecture. Image prend tout l’espace de l’affiche.
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INSTITUT DES CULTURES D’ISLAM
> ISLAM & THE CITY 2011
> LES VEILLEES DU RAMADAN 2011
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Images du quotidien, personnes photographiées nous paraissent proches. Décalage avec anglais utilisé dans la baseline. Simplicité des visuels change de l’ordinaire et donc interpelle.
Textes ou référent Photos de rue ou portraits.
Saturation / simplicité Simplicité
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Profusion d’informations mais petite taille des caractères permet de laisser tout
de même une grande place à la photo.
Mode page / paysage Mode page
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Photographie.
Description du visuel 2 photographies reflétant 2 univers distincts : un adolescent en tunique blanche portant une casquette et écoutant de la musique / une vieille femme en djellaba, portant un foulard assise sur son lit et regardant le photographe.
Contexte1 2 arrières plans distincts sur les photos : extérieur (rue avec voiture) et intérieur (chambre). Bandeaux noir ou ocre.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens Caractères en minuscules et petite taille ne rendent pas visibles les informations secondaires. 2 typos pour évoquer 2 mondes, « Islam » police orientale avec des courbes, couleur ocre ; « The City » police plus classique en noir. « The Goutte d’or » caractères gras. Faible visibilité du sous-titre.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Les 2 affiches mêlent 2 référents culturels : arabe et anglais ou français et anglais. Plus qu’un dialogue culturel, cela évoque la rencontre entre plusieurs cultures provoquée par la mondialisation et à l’immigration urbaine. La baseline sur le programme reprend cette idée : « De NY à Paris en passant par l’Islam ».
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Logo stylisé avec les couleurs du drapeau américain dans la 1ère affiche. La forme du logo est plus ou moins reprise par le losange du titre, permettant de le rendre plus visible parmi les logos partenaires.
Logos partenaires Foisonnement de logos. La 2ème affiche en compte moins. Distinction partenaires privés et institutionnels.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Public proche des personnes photographiées. Identité de l’émetteur encore fragile (coordonnées et accès, reprise du logo, organisation d’une expo sur son quartier afin d’ancrer une association Goutte d’Or/ ICI).
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Référentielle
Imaginaires véhiculés par la marque
Le local et l’urbain sont à l’honneur et se rencontrent sur le thème de l’Islam. Il s’agit de retrouver le charme du quotidien dans le banal et le trivial.
SWOT
Forces Photos banales et touchantes, caractère local de l’ICI. Dualité (modernité et tradition) bien illustrée, révèle une réalité et change notre regard.
Faiblesses Les infos secondaires sont peu lisibles. La pléthore de logos brouille la lecture.
Risques Ne pas bien identifier l’émetteur (confusion avec les partenaires). Trop d’informations polluent l’affiche.
Opportunités Solution « drive-to-web » aurait permis de faire l’économie des infos secondaires et peu lisibles. Meilleure mise en avant du logo serait souhaitable.
Un ou deux bandeaux d’infos + un losange avec titre de l’expo sur la photo
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MUSEES DES BEAUX-ARTS DE LYON EXPOSITION LE GENIE DE L’ORIENT 2011
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Mosaïque composée de formes géométriques, avec une dominante de bleu. Objet de l’exposition est flou.
Textes ou référent Carrelage d’ornementation arabe.
Saturation / simplicité Simplicité.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt/ images Nette séparation visuel / texte facilite la lecture
Mode page / paysage Les 2
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Photo d’une mosaïque
Description du visuel Mosaïque semble être zoomée pour montrer le raffinement du travail réalisé. Enlacement des rosaces et autres formes géométriques créé des zones de couleurs vives. Forme de la rosace reprise partiellement dans le bandeau.
Contexte1 Bandeau reprend le bleu de la mosaïque.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens
Caractères reprennent des ondulations d’un style oriental de façon très discrète. Couleur et taille des caractères permettent une hiérarchisation des infos.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Titre et sous-titre vagues, confusion des termes (orient / islam, Europe/Occident, génie/arts). Nom du musée est inutile car le logo est déjà très visible.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Logo blanc sur fond bleu intégré au texte de présentation de l’expo.
Logos partenaires Logos tous en blanc sur fond bleu = très visibles.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Emetteur bien identifié. Mais public n’est pas interpellé.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Référentielle
Imaginaires véhiculés par la marque
Si la géométrie du visuel résonne avec le mot « génie », ce dernier est cependant trop large pour déterminé précisément l’objet de l’expo. Rosace reprise dans le bandeau évoque le travail de réalisation de la mosaïque et met en avant le savoir-faire issu des arts d’islam.
SWOT
Forces Lecture facilitée par l’organisation claire de l’affiche. Génie mathématique évoqué par la symétrie et la géométrie des formes.
Faiblesses Titre, sous-titre et visuel peu explicites. Beaucoup de vide laissé dans le bandeau auraient pu être exploité.
Risques Objet de l’expo n’est pas clair. N’attire pas l’attention de personnes qui auraient pu être intéressées par l’expo.
Opportunités Utiliser la place laissée vide dans le bandeau pour faire une phrase d’accroche.
2 espaces : mosaïque coupée en biais par un bandeau informatif. Infos rassemblées en un pavé.
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MUSEE DU LOUVRE EXPOSITIONS ARTS DE L’ISLAM 2007-2010
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Mise en avant d’œuvres historiques et du titre de l’expo. Peu de recherche sur la mise en valeur des œuvres.
Textes ou référent
Saturation / simplicité Simplicité, sobriété
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Texte assez minimal. Image prend une place majeure.
Mode page / paysage Mode page
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Statuettes, gravures, peintures, miniatures.
Description du visuel Les objets et peintures font références à l’art oriental et possèdent des référents humains ou animaux. La sélection des œuvres mises en avant semble résulter uniquement d’un choix esthétique. Peintures sont cachées par le titre.
Contexte1 2 cas de figures : la peinture prend toute l’affiche ou les objets sont devant un fond neutre dans les mêmes teintes que les œuvres exposées.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens Tous types de typo : majuscule / minuscule ; taille des caractères unifiée ou non, caractères empâtés ou non = manque de cohérence et d’unité.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Un pays (Arabie / Iran) ou une institution (Aga Khan Museum / Musée de Doha) est mis à l’honneur. Parfois le nom de l’expo est recherché (route d’Arabie / Chant du monde), mais pas toujours. Psce de l’accroche est variable.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Logo austère, gris et fumé, ne s’intègre pas du tout à l’affiche, place sur l’affiche variable.
Logos partenaires Présents dans le bas de l’affiche. Les logos des institutions ayant prêté leur collection sont mis en avant (détachés des autres et plus grands), leur place n’est pas fixe.
Psce émetteur/destinataire Neutralité totale. Seul le Louvre est présent par son logo.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Substantielle
Imaginaires véhiculés par la marque
L’œuvre parle d’elle-même. Le Louvre ne la met pas en scène. Pas de recherche d’originalité, ancre le Louvre comme une institution purement éducative, qui se contente de présenter des œuvres sans les mettre en scène et qui ne fait rien reposer sur l’imagination ou le rêve (sauf peut être pour (l’affiche « Le chant du monde »)
SWOT
Forces La sélection des œuvres mises en avant est pertinente. Message clair et non perturbé par des informations secondaires.
Faiblesses Manque de cohérence et d’unité, pas chartées. Logo du Louvre s’intègre mal et manque d’attractivité. Le titre de l’expo flottant.
Risques Manque d’attractivité et d’originalité. Visuel décevant.
Opportunités Faire une recherche graphique pour donner du sens aux œuvres, les intégrer dans un décor, faire ressortir une politique. Déplacer les titres dans les espaces vides de l’affiche. Unifier la typo et charter les affiches.
Les affiches organisées différemment mais faibles variations. Logos répartis aux 4 coins de l’affiche. Titres au centre, superposés aux œuvres et flottants.
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ANALYSE ICONOGRAPHIQUE Séries d’affiches publicitaires d’ouverture ou réouverture
de lieux culturels
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QUAI BRANLY – PAVILLON DES SESSIONS OUVERTURE AU LOUVRE 2000
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Mise en avant des 2 objets de l’exposition, issus de cultures différentes. Beaucoup de texte, illisible de loin. Le sens de lecture n’est pas évident.
Textes ou référent Descriptif accompagnant les œuvres dans les musées semblent être repris par le descriptif des statuettes.
Saturation / simplicité Saturation car beaucoup de texte mais arrière plan neutre.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Grande place laissée au texte. Infos dispersées. Textes chevauchent images.
Mode page / paysage Mode paysage.
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Photos de statuettes.
Description du visuel Statuettes très stylisées à référent humain. Chaque affiche comporte 2 statuettes reflétant 2 styles (Antiquité / Arts premiers) faisant preuve de mimétisme dans la position et la gestuelle. Référence au don et à la guerre.
Contexte1 Comparaison facilitée par fond noir. Fait ressortir les œuvres.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens Les textes se chevauchent et utilisation de 2 typos différentes provoque la confusion.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Le mot « ensemble » fait référence au dialogue des cultures (projet politique). Référence muséale avec les descriptifs des œuvres. L’accroche ne comporte pas de verbe « ensemble au Louvre » = simplicité et clarté. Accroche pourrait presque être attribuée aux statuettes que l’on imagine se présenter au public.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Le logo du Quai Branly est sobre (il nomme simplement le musée) mais explicite. Le Louvre est repris dans une typo différente mais son logo n’est pas présent.
Logos partenaires Blanc sur fond noir : très bonne visibilité.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
On voit, avec les autres affiches proposées, que les 2 émetteurs ont leur propre affiche malgré le partenariat qui aurait pu leur permettre de mutualiser leurs efforts.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Référentielle
Imaginaires véhiculés par la marque
Prestige d’objets rares mis en avant. Correspondance entre 2 univers. Statuettes et fond noir créent une ambiance mystérieuse.
SWOT
Forces Correspondance entre les 2 œuvres est évidente. Semble vouloir inventer une nouvelle histoire de l’art. Affiche concrétise la baseline du Quai Branly (« là où dialoguent les cultures »).
Faiblesses Trop d’informations. Manque de focalisation. 2 émetteurs : rend la compréhension du message plus difficile. Ecriture cache / gâche les visuels. Mauvaise organisation (trop d’informations secondaires).
Risques Regard rapide ne permet pas d’identifier les acteurs et de comprendre l’objet de l’affiche. Demande du temps pour la lire.
Opportunités Mutualisation de la communication mettrait en valeur le partenariat culturel et donnerait davantage de cohérence. L’affiche « Je suis au Louvre » qui fait parler l’objet et le met en valeur aurait eu plus d’impact (meilleure mise en avant de l’objet), mais n’aurait pas souligné l’idée de dialogue.
2 objets sur 2 plans, mot « Ensemble » mis en avant.
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QUAI BRANLY OUVERTURE 2006
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Objets d’art premier deviennent monumentaux, intégrés à des paysages actuels. Photo très symétrique et perspectives très marquées.
Textes ou référent Référence à la photo urbaine. Carte postale de Paris.
Saturation / simplicité Saturation liée au monde urbain.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Part belle donnée à l’image, notamment à l’œuvre d’art. Peu de texte.
Mode page / paysage Mode paysage.
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Montage de 2 photos de 2 natures différentes (paysage / sculpture) et de 2 univers différents (passé / présent).
Description du visuel Œuvres et paysages représentent 2 univers spatio-temporels très distincts (passé / présent ; monde occidental / arts premiers). Les sculptures deviennent des monuments et sont pourtant ignorées des passants représentés. Les places parisiennes sont reconnaissables.
Contexte1 Œuvres ressortent largement de leur décor. Mais décor primordial car référence connue du public. Les 2 images ensemble donnent du sens à l’affiche.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens
Typo minimaliste et fine ; minuscules. Accompagnent l’image et l’explique.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Le slogan du quai Branly (« là où dialoguent les cultures ») est repris et reformulé « Les cultures sont faites pour dialoguer ». Marque un projet politique, une mission du musée. Fait écho au visuel, accompagne sa signification. Utilisation de phrases verbales fait sonner la baseline comme un précepte, une vérité générale.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Etoile se détache du ciel. Petite et discrète mais néanmoins visible. Simplicité (évoque un retour à l’essentiel, aux sources, à l’origine des arts).
Logos partenaires Aucun.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Destinataire présent de façon implicite par les personnes déambulant dans les rues. Orsay présent par ses œuvres. Emetteur simplement nommé : impersonnel.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Mythique
Imaginaires véhiculés par la marque
Le dialogue et l’échange sont présentés comme la raison d’être de la culture. Quai Branly présenté comme porteur d’une mission, d’une vision du monde. Donne de la hauteur et du prestige au musée. Univers imaginaire qui laisse rêver le public. L’œuvre parle d’elle-même, sans avoir besoin du texte de la baseline.
SWOT
Forces Hauteur, prestige des œuvres et du musée. Image et texte très signifiants, se complètent. Appel à l’imagination, au rêve, invente une autre réalité.
Faiblesses Référence parisienne, s’adresse au public local. Très institutionnel, la hauteur l’éloigne des préoccupations plus terre à terre (infos pratiques sur l’expo par ex). Patrimoine mondial accaparé par la ville de Paris : vision très impérialiste.
Risques Présenter le quai Branly comme une grande institution que l’on voit une fois dans sa vie et dans laquelle on ne revient pas. Limiter le public à un public parisien, seul à identifier les lieux photographiés.
Opportunités Faire de ces sculptures des éléments à portée du public (qu’il puisse les toucher par ex, les faire interagir avec le public).
La ligne de perspective conduit à l’objet au centre. Baseline discrète mais centrale.
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CITE NATIONALE DE L’IMMIGRATION OUVERTURE 2007
*
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Reprise du logo avec images illustrant le contenu du centre. Marque l’identité du lieu. Objectif identitaire. Travail sur la typographie.
Textes ou référent Patchwork. Le logo se présente comme une fenêtre qui ouvre sur une abondance de documents et d’images.
Saturation / simplicité Saturation dans le cadre défini du logo. Equilibré par un fond uni.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Texte et images s’imbriquent pour former un ensemble cohérent et uni.
Mode page / paysage Mode page.
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Photos et documents d’archives enfermés dans le logo.
Description du visuel Patchwork de photos, d’affiches, de documents officiels d’archives. Le C est une forme ouverte, en creux on voit la tête et les épaules d’une personne (symbole repris dans la typo). Les visuels utilisés évoquent le voyage, l’exil, la recherche d’identité. Visuels réalistes et documentaires.
Contexte1 Le fond doré évoque le lieu de la cité (Porte Dorée), voire le métissage. Donne plus de visibilité au C.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens
Ecriture très ronde qui rappelle l’idée d’ouverture. Les « i » reprennent la silhouette visible en creux dans le C et évoquent la place centrale de l’Homme, des hommes. Taille variable des caractères permet la hiérarchisation des infos.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
« Ouverture », « histoire », « immigration ». Ces termes accompagnent et reprennent les termes évoqués par le visuel et le logo. Contenu exclusivement informatif, pas de slogan.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Le logo est l’élément central. Les visuels qui le composent lui donne une valeur ajoutée. Permet au centre d’affirmer son identité.
Logos partenaires Très visibles, ressortent sur fond uni. Distinction partenaires privés et institutionnels.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Emetteur présent via le logo, ouverture du C peut évoquer l’ouverture aux publics.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Oblique
Imaginaires véhiculés par la marque
Les thèmes majeurs de l’ouverture et du voyage sont largement repris par la typographie et les visuels. La place centrale de l’individu au sein de la société est également marquée. Le patchwork d’images suggère une abondance, le logo apparait alors comme un calque et ne fait que montrer un aperçu des ressources du musée.
SWOT
Forces Affiche riche de sens. Message clair et non perturbé par des informations superflues. Permet d’ancrer l’identité de la Cité dans les esprits.
Faiblesses Le blanc qui revient souvent comme couleur majoritaire dans les documents fait écho au blanc du texte et perturbe la lecture.
Risques Réalisme et informations ne laissent pas de place à l’imaginaire, au rêve qui se prête pourtant beaucoup à la notion d’exil.
Opportunités Ajouter des informations sur une éventuelle programmation ou une phrase d’accroche.
Forme centrale du « C ». Donne toute sa place au logo. Infos rassemblées en un pavé.
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MUSEE DE LA MUSIQUE REOUVERTURE 2009
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PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Affiche donne la part belle à l’objet, présenté sur fond blanc. Sorte d’énigme dont l’indice est la photo de l’objet, mise sur la curiosité.
Textes ou référent Enigme.
Saturation / simplicité Simplicité du visuel et fond blanc = sobriété.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Forte présence du texte qui encadre l’objet. Objet a néanmoins une position centrale.
Mode page / paysage Mode page
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Photographie d’un instrument de musique.
Description du visuel Instruments présentés comme des curiosités, des objets d’expérimentation sonores aux formes étranges mais suggestives (le serpent pour la 1ère affiche, un visage pour la 2nde). Instruments = sculptures, œuvres d’art.
Contexte1 Le blanc met largement en avant l’objet.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens Majuscules, gras. Taille des caractères s’affaiblit de ligne en ligne (se réduit comme un écho qui perd progressivement de sa puissance). Met en avant le slogan par rapport à d’autres informations considérées comme secondaires.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
Références aux sens : « voir », « entendre ». Suggère l’interrogation. La formule impérative « il faut » résonne comme un principe, un indice pour trouver une vérité.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Avant le slogan : permet de l’identifier comme émetteur.
Logos partenaires 2 logos seulement. Couleur unique : ils ne ressortent pas sur l’affiche, car reprennent la couleur noire du texte au-dessus.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Le public est sollicité dans l’interprétation de l’image. Son imagination est stimulée et son intelligence et sa culture mise à l’épreuve.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Substantielle
Imaginaires véhiculés par la marque
Le musée est présenté comme une solution à l’énigme qui se pose. Il s’agit de créer un « drive to » musée en provoquant la curiosité. Le mystère s’allie à l’esthétique des objets présentés comme des œuvres d’art ou des inventions géniales.
SWOT
Forces Repose sur plusieurs mécaniques : la devinette, la séduction de l’objet, l’extraordinaire. Tous ces éléments servent le musée et attirent les visiteurs. Affiche originale qui attire le regard.
Faiblesses Le fond blanc ne ressort pas dans tous les contextes d’affichage. Pas de travail graphique de mise en valeur de l’objet. Incohérence de la baseline (on n’entend pas un instrument en le regardant).
Risques Décevoir les curieux s’il s’agit là des plus belles pièces. Le public peut se dire qu’il s’agit simplement d’une exposition d’objets et non d’un concert qui serait plus enrichissant.
Opportunités Préciser qu’il est possible d’entendre ces instruments à la Cité de la musique. Mettre certains objets sur un fond noir ou coloré.
Visuel au centre. Baseline très en avant. Bandeau d‘informations en bas.
160
MUSEE D’ORSAY REOUVERTURE 2011
161
PREMIERE LECTURE
Tonalite générale
Signes forts, première série de représentations
Baseline au centre de l’affiche et zoom sur un œil du personnage représenté. Regard pénétrant : le public se sent regardé. Intrusif, voire agressif.
Textes ou référent Référence au tableau : les traits de pinceau sont visibles et permettent d’identifier des mouvements et des styles de peintures.
Saturation / simplicité Simplicité, directivité.
Indices de composition
Cadrage d’ensemble
Répartition txt / images Image et baseline puissants qui s’imposent au public. Informations
secondaires cachées par ces éléments.
Mode page / paysage Les 2
CONTENU DES IMAGES
Nature du visuel Zoom sur des peintures.
Description du visuel Cadrage sur une partie du visage, l’œil est au centre. Il permet de voir l’expression du personnage (tristesse et colère pour le visage de Van Gogh, confiance et détermination pour le joueur de flûte de Manet, etc). Chaque peinture, par son trait et sa gamme de couleur, représente un mouvement artistique différent.
Contexte1 Aperçu. Pas de cadre. Invite à aller plus loin, à voir l’œuvre en son entier.
BASE LINE ET SLOGAN : image et analyse du texte
Typographie et effet de sens Majuscules, pas de ponctuation. Tout ce qui est superflu est retiré. La baseline s’impose. Sonne comme une injonction, un ordre.
Termes clés, constructions syntaxiques, marqueurs linguistiques
« voir », « regard ». Ambiguïté du terme « revu » = voir de nouveau ou réorganiser ? Répétition des mêmes termes pour insister sur le thème du regard. « Nous » collectif est ambigu. Crée une relation de proximité, voire une complicité, avec le public.
LOGIQUE D’ACTEURS
Logo de la marque Initiales = épuré, très institutionnel.
Logos partenaires Distinction partenaires privés et institutionnels. Couleur unique pour tous les logos : ils se fondent dans la charte du musée et restent discrets.
Présence de l‘émetteur et/ou destinataire
Le personnage peint devient intermédiaire dans la relation émetteur / destinataire. Il appelle le visiteur du musée.
INTERPRETATIONS ET CONCLUSION
Typologie de publicité2 Substantielle
Imaginaires véhiculés par la marque
Visuel très esthétique, qui laisse toute sa place à l’art pictural, renvoie à l’idée de regard. Imaginaire fort, peu d’informations. Le musée s’exprime par ses œuvres et non en tant qu’institution.
SWOT
Forces Attire le regard. Le zoom ne nous met pas à l’aise, la dimension est hors du commun : il s’agit justement de porter un « nouveau regard ». Correspondance visuel / baseline construit un discours très directif. Grande visibilité du message et de l’émetteur = grande force de frappe.
Faiblesses Le public peut ne pas comprendre l’affiche. Public = seulement ceux qui sont déjà venus, les touristes ne sont pas visés.
Risques L’incompréhension de l’affiche : qui parle ? que signifie « revu » ? qui a-t-il de nouveau à Orsay ? Peu accessible aux touristes.
Opportunités Ajouter une phrase sur les changements opérés à Orsay. Traduire le slogan.
Œil de la peinture zoomée + baseline au centre. Cadre informatif et bandeau.
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CAMPAGNES REALISEES PAR L’AGENCE CSUPER! POUR LE LOUVRE
Carte Louvre Jeunes Carte Louvre Familles Newsletter mensuelle (2009) (2010) (février 2012)
163
Campagne contre les incivilités (2008)
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RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE POUR L’ELABORATION DU VISUEL-CLE
L’ABONDANCE, LA RICHESSE > 18 000 oeuvres exposées > 2500 objets d’art > des mondes très divers (de l’Espagne à l’Inde, mondes andalou, mamelouk, ottoman, persan...)
165
LES MOTIFS > Le moucharabieh > La structure géométrique
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LA LUMIERE > L’étoile > Les symboliques riches et multiples - Étoile islamique : L’étoile à cinq branches, avec le croissant, n’est pas le symbole de l’islam. Elle est héritée de l’Empire byzantin, puis reprise par l’Empire ottoman. Chaque branche de cette étoile peut être assimilée à la représentation des cinq piliers de l’islam. On retrouve ce symbole sur les drapeaux de plusieurs pays musulmans ayant été sous domination ottomane. - L’étoile à 8 branches : synthèse du cercle (symbole du divin, de l’origine et de la perfection) et du carré (symbole terrestre, de la création). Dans certaines mosquées, elle représente les 8 anges qui supportent le trône de Dieu, soit les 8 portes du paradis.
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L’ARCHITECTURE > Les reflets, le miroir > Les facettes > la transparence
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APPROCHE SEMANTIQUE, NUAGE DE MOTS
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APPROCHE SEMANTIQUE, TITRES ET ACCROCHES
Ouverture du département des Arts de l’Islam Le département des Arts de l’Islam ouvre
Une civilisation se découvre Le LOUVRE s’ouvre aux Arts de l’Islam Les Arts de l’Islam s’ouvrent au LOUVRE Flashez sur une civilisation lumineuse Un voyage de 12 siècles de l’Espagne à l’Inde Les Arts de l’Islam en lumière les Arts de l’Islam illuminent le LOUVRE Le LOUVRE ouvre les trésors d’une civilisation
TITRES Identité inaugurale
ACCROCHES
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CONCEPT 1 > VISUEL-CLE PAR FABIO COSTA
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CONCEPT 1 > IN SITU & EDITIONS
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CONCEPT 2 > VISUEL-CLE PAR FABIO COSTA
173
CONCEPT 3, 4 et 5 > RECHERCHES PRELIMINAIRES PAR LAURENT KIM
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CONCEPT 3> VISUEL-CLE PAR LAURENT KIM
175
CONCEPT 4 > VISUEL-CLE PAR LAURENT KIM
176
CONCEPT 5 > VISUEL-CLE PAR LAURENT KIM
Les concepts 5 et 6 ne sont pas analysés dans le corps du mémoire, mais ils illustrent la profondeur de la recherche iconographique. Ils tentent de faire ressortir l’idée de dialogue entre les civilisations en combinant des références traditionnelles du Louvre (espaces célèbres, œuvres reconnues) et les objets de la nouvelle collection des Arts de l’Islam.
177
CONCEPT 6 > VISUEL-CLE PAR LAURENT KIM
178
AFFICHE FINALISEE ET DECLINAISONS PAR KART
179
180
INSITU METRO ET BUS
181
STRATEGIE D’INVESTISSEMENT DES RESEAUX SOCIAUX 1. Evènementialiser la page Facebook du Louvre
Evènementialisation de la landing page
Adaptation du logo
Créer un onglet spécifique renvoyant à la page
évènement
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2. Créer l’évènement sur Facebook et sur Twitter
183
3. Créer du contenu éditorial et développer l’interactivité avec le public
184
4. Créer du contenu multimédia (diffusion de vidéo)
185
5. Mettre en place un jeu-concours
Date Thème des questions
Visuel
Septembre Semaine 1
Youssou N’Dour
Septembre Semaine 2
Architecture
Septembre Semaine 3
Collection
186
6. Timeline
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Résumé
Sujet de nombreuses polémiques, l’islam est devenu un thème de doutes et de
questionnements dans notre société. Viande hallal, port du voile, mariages forcés ou
encore interdiction de représenter le prophète, on ne compte plus les nombreux sujets qui
font débat. Dans les médias nationaux, ses particularités culturelles, qui fondent sa
différence, sont mises sur le devant de la scène. Forte alors est la tentation de considérer
l’islam comme un élément incompatible avec l’identité française. Deuxième religion en
France, il apparaît pourtant nécessaire de créer une harmonie entre toutes les confessions
des citoyens français.
Soucieuse de promouvoir une éthique d’échange et de dialogue interculturel, la
politique culturelle française se tourne aujourd’hui vers davantage de coopération. Elle met
alors en place de multiples partenariats avec des institutions du monde entier pour
diversifier son offre culturelle en métropole et servir son ambition de rayonnement à
l’étranger. En effet, en soignant ses relations extérieures et en montrant un grand respect
des cultures étrangères, la France tisse des liens diplomatiques durables avec d’autres
nations. Le Louvre se donne les moyens de mettre en place de nouvelles pratiques de
gestion culturelle, notamment dans le développement de partenariats et la recherche de
mécènes.
Ces investissements, couplés à la renommée internationale du Louvre et à la
reconnaissance de son savoir-faire, font du musée une référence incontournable. Mais
cette réputation, aussi prestigieuse soit elle, ne doit pas cacher les lacunes et les défauts
liés à l’image du musée. En effet, le Louvre représente encore pour quelques visiteurs un
lieu sérieux, froid et austère, où le poids du passé impose une certaine forme
d’immobilisme. Evénement, tant pour son projet artistique qu’architectural, l’inauguration
du nouveau département doit constituer un temps fort dans la vie médiatique du musée.
Le Louvre peut profiter de cette occasion pour renouveler sa façon de s’adresser à son
public. Trois objectifs définissent la stratégie de communication proposée ici : assumer les
valeurs qui guident sa politique et reflètent son identité, valoriser ses activités secondaires
et sa pluridisciplinarité, et enfin se montrer plus proche de son public.
188
Mots clés
- Choc des civilisations
- Département des arts de l’islam
- Dialogue interculturel
- Identité graphique
- Inauguration
- Islam
- Louvre
- Musée
- Représentation de l’Orient
- Réseaux sociaux