Médiapart - Noël 2013 un Fukushima à Fessenheim

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Noël 2013: un Fukushima à Fessenheim (1) 11 mars 2012 | Par Jade Lindgaard et Michel de Pracontal - Mediapart.fr Attention fiction : voici le récit documenté de ce que pourrait être une catastrophe nucléaire de grande envergure à la centrale de Fessenheim. Pourquoi ce détour par la fiction, alors que Mediapart pratique un journalisme d’enquête sur des faits réels ? Parce que précisément, en matière d’enquête sur les différents débats autour de la sûreté du nucléaire, apparaît cette donnée nouvelle : la logique probabiliste et statistique est de plus en plus critiquée. Lire ici notre billet de blog expliquant notre démarche Une grave catastrophe nucléaire est certes improbable en France, et peut être plus improbable que dans d’autres pays (c’est aussi ce qui se disait au Japon avant le tsunami du 11 mars 2011). Mais elle ne peut être totalement exclue. En nous appuyant sur des études et des rapports d'experts, voiçi un enchaînement qui mène à la catastrophe dans la plus vieille centrale de France (1977). Premier volet de ce feuilleton. Vendredi 27 décembre 2013, 0h38. Jean-Marie B., directeur de la centrale nucléaire de Fessenheim, roule depuis une quinzaine de minutes. Il a pris l’itinéraire habituel, par Andolsheim et Neuf-Brisach. Il s’approche de Heiteren, sur la D468. La route est déserte, plate comme la plaine d’Alsace. Pas une plaque de verglas. Pas un nuage. La D468 brille comme un ruban argenté, illuminée par le disque parfait de la pleine lune. Au loin, il entend comme une rumeur. Des chiens aboient. Sur la droite, la forêt du Hardtwald. A Fessenheim © Aurélien Pic 0h44. Il a regardé machinalement l’horloge digitale. La voiture vient de faire un écart. Sans aucun signe précurseur, elle est partie en travers. En une milliseconde lui vient l’image de l’arbre de direction cassé. Sans réfléchir, il freine, s’arrête sur le bas-côté. Il coupe le contact. Met le frein à main. La C4 Picasso est secouée comme un prunier. Bon sang, qu’est-ce qui se passe ? Cette bagnole vient d’être révisée. Comment peut-elle vibrer toute seule ? Un craquement sinistre dans son dos. Il se retourne : la cime d’un grand chêne se casse net et s’abat sur la route. Ça secoue. Tout bouge. Ça dure une éternité. En fait, moins d’une Noël 2013: un Fukushima à Fessenheim (1) http://www.mediapart.fr/print/185007 1 sur 8 13/03/2012 14:36

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Noël 2013: un Fukushima à Fessenheim (1)

11 mars 2012 | Par Jade Lindgaard et Michel de Pracontal - Mediapart.fr

Attention fiction : voici le récit documenté de ce que pourrait être une catastrophe nucléairede grande envergure à la centrale de Fessenheim. Pourquoi ce détour par la fiction, alors queMediapart pratique un journalisme d’enquête sur des faits réels ? Parce que précisément, enmatière d’enquête sur les différents débats autour de la sûreté du nucléaire, apparaît cettedonnée nouvelle : la logique probabiliste et statistique est de plus en plus critiquée.

Lire ici notre billet de blog expliquant notre démarche

Une grave catastrophe nucléaire est certes improbable en France, et peut être plusimprobable que dans d’autres pays (c’est aussi ce qui se disait au Japon avant le tsunami du11 mars 2011). Mais elle ne peut être totalement exclue. En nous appuyant sur des études etdes rapports d'experts, voiçi un enchaînement qui mène à la catastrophe dans la plus vieillecentrale de France (1977). Premier volet de ce feuilleton.

Vendredi 27 décembre 2013, 0h38. Jean-Marie B., directeur de la centrale nucléaire deFessenheim, roule depuis une quinzaine de minutes. Il a pris l’itinéraire habituel, parAndolsheim et Neuf-Brisach. Il s’approche de Heiteren, sur la D468. La route est déserte,plate comme la plaine d’Alsace. Pas une plaque de verglas. Pas un nuage. La D468 brillecomme un ruban argenté, illuminée par le disque parfait de la pleine lune. Au loin, il entendcomme une rumeur. Des chiens aboient. Sur la droite, la forêt du Hardtwald.

A Fessenheim © Aurélien Pic

0h44. Il a regardé machinalement l’horloge digitale. La voiture vient de faire un écart. Sansaucun signe précurseur, elle est partie en travers. En une milliseconde lui vient l’image del’arbre de direction cassé. Sans réfléchir, il freine, s’arrête sur le bas-côté. Il coupe le contact.Met le frein à main. La C4 Picasso est secouée comme un prunier. Bon sang, qu’est-ce qui sepasse ? Cette bagnole vient d’être révisée. Comment peut-elle vibrer toute seule ?

Un craquement sinistre dans son dos. Il se retourne : la cime d’un grand chêne se casse netet s’abat sur la route. Ça secoue. Tout bouge. Ça dure une éternité. En fait, moins d’une

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minute.

0h45. Il sort de la voiture. La forêt est étrangement silencieuse. Il n’entend pas les bruitsnocturnes habituels. Les chiens n’aboient plus. Un corbeau vole au ras de la route, affolé.Jean-Marie comprend tout d’un coup : ce n’est pas la C4 qui a un problème. C’est la terre quia tremblé.

0h48. Jean-Marie a l’impression d’être là depuis des heures. Ça doit être une sacréesecousse, pour avoir presque envoyé la bagnole dans le décor et cassé un arbre. La régionest sujette aux tremblements de terre, mais c’est une activité sismique modérée. Chaqueannée, il se produit quelques séismes tout juste assez forts pour être ressentis. Rien decomparable à ce qu’il vient de vivre. L’Alsace, ce n’est pas le Japon.

Il faut que j’aille à la centrale. Vite !

L’endroit où il s’est arrêté est tout près de la centrale de Fessenheim, qu’il dirige depuis troisans. Cette nuit, il a eu une insomnie. Il s’est réveillé peu après minuit, dans sa maison deFortschwihr, une jolie banlieue à la périphérie de Colmar. Près de lui, Christiane était plongéedans un profond sommeil, fatiguée par les festivités de Noël. Il s’est levé sans bruit, s’esthabillé. Il a pris la voiture. Conduire sur les petites routes l’aide à retrouver son calme.

Mécaniquement, il a reproduit son itinéraire quotidien, de sa maison à Fessenheim.Fortschwihr est à une trentaine de kilomètres au nord de la centrale. D'habitude, le trajetprend une petite demi-heure.

0h52. Il remonte dans la voiture, démarre. Le moteur tourne normalement. Par précaution,Jean-Marie allume ses warnings. Il roule à soixante, crispé sur son volant. Un peu avantd’entrer dans le vieux village de Fessenheim, il aperçoit des flammes. Très hautes, rougesombre, nimbées d’une épaisse fumée noire. Elles dépassent la cime des arbres. Elles sontexactement dans la direction de la centrale. Jean-Marie a déjà vu ce genre d’incendie.Typique d’un feu de transformateur.

Il traverse Fessenheim dans une atmosphère de fin du monde. Il voit des gens en pyjama surle pas de leur porte. Des silhouettes aux fenêtres. L’électricité est coupée. On s’éclaire avecdes lampes de poche, des torches, des bougies. Des maisons sont écroulées. Un typepresque nu arrose un début d’incendie avec un extincteur. Le clocher de l’église Sainte-Colombe est décapité.

Jean-Marie ne s’arrête pas. Il roule presque à cinquante, en warnings, la main sur le klaxon. Ilsort du village, fonce vers la centrale.

" L'Alsace, c'est pas le Japon "

0h 59. Il s’arrête aussi près que possible du transfo en feu. Derrière le rideau de flammes, ilvoit que les pylônes et les lignes haute tension ont tenu. L’atmosphère est suffocante. Lestransformateurs sont refroidis avec de l'huile, fluide peu inflammable mais difficile à éteindreune fois qu'il se met à brûler. Deux gardiens sont déjà là.

- Ça s’est mis à cramer juste après la secousse, dit l’un d’eux. Une étincelle, sans doute.L’équipe de première intervention sera là dans dix-douze minutes.

- OK. Je vais voir les salles de commandes.

Il fonce au bâtiment qui abrite les salles de commandes des deux réacteurs de la centrale. Cebâtiment est au pied des deux dômes de béton d’une cinquantaine de mètres de haut qui

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abritent les réacteurs, protégés par une paroi de béton de 90 centimètres d’épaisseur.

1h00. Jean-Marie entre dans la salle de commande de la tranche n°1. Ambiance tendue.Ludovic, le chef d’exploitation, vient vers lui. Ils se connaissent de longue date et s’entendentbien. Ludovic joue de fait le rôle de second de Jean-Marie.

- J’essayais de t’appeler, dit-il. Y a des problèmes de réseau. C’est pas le plus grave. Ona perdu le transfo, la ligne 400 000 volts et la ligne auxiliaire 225 000 volts…

- Logique, fait Jean-Marie. L’incendie est une complication de plus. Mais, de toute façonles lignes se seraient coupées.

- C’est clair. Tous les postes électriques de la région ont disjoncté. Il y a des problèmes detransfos un peu partout. Que ça brûle en plus, c’est la cerise sur le gâteau.

- Tu parles d'une cerise. Un feu d'huile… Bref, la centrale n’est plus alimentée par leréseau.

- Exact.

- Et puis ?

- Arrêt automatique des deux réacteurs à 0h44. Les grappes sont tombées normalement.Diesel de secours fonctionnel sur tranche n°1. Celui de la tranche 2 est HS. On essaie de lefaire partir, mais…

- OK.

- En résumé : on a du courant dans les deux salles de commandes. Tranche n°1 souscontrôle. Tranche n°2 sans alimentation électrique. Refroidissement assuré par laturbopompe de secours. En espérant qu’elle tienne…

- Bon. Je lance le PUI.

- C’est pas la cata, si ?

- L’Alsace, c’est pas le Japon.

1h02. Jean-Marie déclenche le Plan d’Urgence Interne, l’ensemble des mesures à prendrelorsqu’un accident se déclare sur une centrale nucléaire. À ce stade, il n’y a pas de menaceradioactive immédiate. Mais il faut absolument continuer à assurer le refroidissement desréacteurs.

Alors qu’il se dirige vers la deuxième salle de commandes, Jean-Marie croise un grandescogriffe vêtu d’une parka enfilée par-dessus un costume gris, style jeune énarque. Il a uncasque de moto enfilé sur le bras. Il a l’air d’avoir à peine plus d’une vingtaine d’années, doitsortir tout juste de l’école, et semble peler de froid. Qu’est-ce qu’il vient foutre ici ?

- Et vous êtes qui exactement ?, demande Jean-Marie, peu amène.

- Côme Dupuis, stagiaire à la préfecture, euh…

- Ici, on m’appelle Jean-Marie B., dit Jean-Marie, qui n’a pas envie de lui raconterpourquoi son nom est devenu une initiale.

- Je suis envoyé par Madame la préfète, en rapport avec les événements sismologiques

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de cette nuit, euh… Madame la préfète souhaiterait disposer le plus vite possible deséléments d’information pertinents que vous pouvez lui communiquer, euh… s’agissant del’impact du séisme sur les installations de production d’électricité…

Jean-Marie se voit mal expliquer à ce jeune blanc-bec qu’il n’a aucune idée de l’impact de ceputain de séisme sur la centrale, étant donné qu’il n’a pas encore fait le point complet de lasituation.

- S’agissant de la centrale, grogne-t-il avec une pointe d’ironie, l’important est demaintenir le refroidissement des réacteurs…

- Les conditions météo sont donc favorables, coupe le jeune énarque, toujours frigorifié.

Jean-Marie ignore l’interruption.

- Un réacteur nucléaire est comme une chaudière dans laquelle le chauffage est assuré,non par du charbon, mais par le cœur du réacteur. Le cœur est formé d’assemblages delongs tubes en alliage de zirconium qui contiennent des pastilles de combustible radioactif. Ilest enfermé dans la cuve du réacteur, et baigne dans l’eau du circuit primaire, portée à unepression de 155 bars…

- Forte pression, coupe Côme Dupuis.

Jean-Marie caresse l’idée de faire entrer le type dans le circuit primaire pour qu’il se rendecompte de la pression.

" On risque un rejet radioactif à l'extérieur "

Il reprend :

- Le primaire transmet sa chaleur au circuit secondaire, dont l’eau, vaporisée, fait tournerles turbines qui produisent le courant électrique. C’est le cycle normal. Mais il a étéinterrompu par le séisme. La réaction nucléaire a été arrêtée dans les cœurs des deuxréacteurs : les barres de contrôle, que nous appelons les « grappes », se sont insérées parmiles tubes de combustible. Elles absorbent les neutrons nécessaires à l’entretien de la réactionen chaîne, qui se trouve donc stoppée…

- Comme si on avait, euh… éteint la lumière, hasarde Côme.

- Justement, non. Quand un réacteur s’arrête, son cœur contient encore une grandeénergie thermique. Il faut évacuer cette puissance résiduelle, sinon le cœur risque de fondre.Ce qui entraînerait de sérieux problèmes. C’est pour cela qu’une centrale nucléaire doittoujours disposer d’une alimentation électrique et d’une source d’eau froide…

- S’agissant des problèmes que vous évoquez, ils iraient jusqu’à, euh… des rejets deradiactivité à l’extérieur ?

- On n’est pas dans ce genre de configuration, dit Jean-Marie. La centrale n’est plusalimentée par le réseau extérieur, c’est un fait, mais elle dispose de ses générateurs dieselsautonomes. Ils font tourner des pompes qui continuent d’assurer le refroidissement desréacteurs.

- Et ils fonctionneront jusqu’à ce que la situation normale soit rétablie ?

- Ils sont faits pour ça.

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- Je peux donc rassurer Madame la préfète, s’agissant, euh… de la protection despopulations.

- La situation demande beaucoup d’attention sur le site, mais elle reste interne au site. Ilfaudrait un enchaînement de circonstances extraordinairement défavorable pour en venir àl’accident grave. Bien entendu, si cela venait à changer, Madame la préfète seraitimmédiatement prévenue.

A Fessenheim © Aurélien Pic

1h05. Le jeune Côme s’en va de sa démarche dégingandée porter la bonne parole àMadame la préfète. Jean-Marie a prudemment omis de préciser que si les diesels de latranche 1 fonctionnent normalement, la tranche 2, elle, est privée d’alimentation…

Bien sûr, il y a une parade. À défaut de courant, un système de secours, constitué d’unepompe mue par une turbine à vapeur, envoie de l’eau dans le circuit secondaire. Cela permetde continuer à évacuer la chaleur. Cette turbopompe de secours, la TPS, fonctionne sansélectricité. Seul problème : les statistiques d’EDF montrent qu’elle est assez fragile…

1h07. Juste au moment où Jean-Marie entre dans la salle de commandes de la tranche 2, ilentend un juron sonore.

- Manquait plus que ça, dit Paul, l’un des agents de conduite. La TPS est en rideau !

Cette satanée turbopompe de secours vient de lâcher. Voilà un peu plus de vingt minutes quele réacteur est arrêté. Jean-Marie fait un rapide calcul mental. Il doit y avoir au moins 50 à 60mégawatts thermiques de puissance résiduelle. Si la TPS ne repart pas, le cœur se mettra àfondre d’ici deux-trois heures. Sans doute avant qu’on ait pu récupérer une source électrique.

1h 10. Ludovic vient aux renseignements.

- Même si la tranche 1 n’a pas de problème, la 2 va nous donner de gros soucis, ditJean-Marie. On s’expose à une fusion du cœur alors qu’il y a encore une pression élevéedans le primaire. L’enceinte va souffrir…

- On risque un rejet radioactif à l’extérieur, complète Ludovic.

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- Un rejet massif.

- Je croyais que l’Alsace, c’était pas le Japon…

- On n’y est pas. Et on va tout faire pour ne pas y arriver.

1h12. Jean-Marie constate qu’Ondine Romana, la préfète, lui avait envoyé un texto pour leprévenir de l’arrivée du jeune Côme. Il y a aussi un message de Christiane : « Ça va à la

centrale ? » Il se rend compte qu’il n’a même pas pensé à la joindre. Il essaie d’appeler. Leréseau est saturé. Il pianote : « Tout OK, à + ».

- Ludovic, tu sais où est le téléphone satellite ?

- Sur orbite, comme d’hab'.

"Ça commence à ressembler à Fukushima"

1h14. Ludovic est aller chercher un téléphone satellitaire à peu près aussi gros qu’une valise.Il n’y a pas d’urgence à appeler la préfète. Jean-Marie a déjà prévenu la direction nationaled’EDF. Il contacte la Drire Alsace (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et del’environnement. La cellule de crise de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreténucléaire) sera en place d’ici une heure, une heure et demie maximum…

1h15. Jean-Marie réfléchit. Pour l’instant, le risque de rejets extérieurs est purementthéorique. Les gars essayent de redémarrer la TPS. Même s’ils n’y arrivent pas, il reste dessolutions. On peut tirer un câble pour réalimenter la tranche 2 avec un des diesels de latranche 1. En fait, on est en situation d’incident sérieux. Point barre.

1h20. Jean-Marie gagne la salle de réunion entre les deux salles de commandes pour faireun point avec les chefs d’exploitation. Ludovic estime que la TPS est perdue et qu’il faut toutde suite essayer de raccorder la tranche 2 au diesel de la tranche 1. Paul, son collègue, estpartisan d’insister avec la turbopompe de secours.

- Dix minutes, pas une de plus, tranche Jean-Marie. Si la TPS n’est pas repartie dans dixminutes, on tire le câble. Où ils en sont, avec l’incendie ?

1h24. Jean-Marie appelle l’équipe de première intervention avec un téléphone DECT quiutilise un réseau à courte portée sur le site. L’incendie va être bientôt maîtrisé. Des pompierssont venus en renfort de Fessenheim et d’une commune voisine. Pas de blessé. Un agentincommodé par les fumées. Rien de dramatique.

1h35. La TPS est définitivement perdue. Une équipe spéciale se prépare à effectuer leraccordement de la tranche 2 à l’alimentation de secours de la tranche 1. L’opération devraitprendre entre deux et trois heures.

1h44. Une heure depuis la secousse. Les informations données par les instruments de lacentrale, corroborées par les services de la préfecture de Colmar, indiquent un séisme demagnitude 7,4. Épicentre se situe entre 10 et 15 kilomètres au sud du site nucléaire.

L’Alsace n’est pas le Japon. Pas encore…

1h57. Incendie maîtrisé. Le téléphone DECT de Jean-Marie sonne. C’est le rondier, sorti faireun tour d’inspection autour de l’îlot nucléaire. Hors d’haleine, il bredouille des motsincompréhensibles.

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- Reprends de l’air, fait Jean-Marie.

- La digue! souffle le rondier.

- Quoi la digue ?

- Elle est partie.

- Partie ?

- Y a plus de digue, ça coule comme un fleuve en crue. Y a de l’eau partout sur ladépartementale…

1h58. L’angoisse étreint Jean-Marie. La centrale de Fessenheim est construite à huit mètresen contrebas de la digue du Grand Canal d’Alsace. EDF a toujours considéré comme excluque cette digue puisse se rompre. Mais il y a deux ans, le service Environnement du Conseilgénéral du Haut-Rhin a réalisé une étude dans laquelle le scénario de rupture était envisagé,suite à un défaut non détecté dans la digue. Jean-Marie essaie de se remémorer le contenude l’étude de 2011. Il ne s’était pas attardé dessus, vu que la direction d’EDF avait affirméque les hypothèses prises étaient totalement improbables. Mais Jean-Marie l’avait quandmême lu.

Ça lui revient. Si la digue se rompt à cause de la présence d’une lentille de sable, elle peutêtre emportée. Le débit d’eau atteint 500 m3 par seconde. L’eau commence par suivre plusou moins le parcours de la route départementale qui contourne la centrale – ça fait une sorted’entonnoir. Au bout d’un certain temps, l’eau encercle l’îlot nucléaire…

2h00. Jean-Marie appelle Ludovic.

- Tu te souviens de cette étude du Conseil Général ?

- Un tas de conneries, non ?

- Non. Ça disait quoi, à la fin ?

- Qu’il pouvait y avoir un bon mètre d’eau autour de l’îlot nucléaire.

- Pas vraiment un tsunami.

- Question de point de vue…

- Au bout de combien de temps ?

- Ça dépend des hypothèses.

- Dans le plus mauvais cas ?

- Trois, quatre heures…

2h02. Les deux hommes se regardent. Le tremblement de terre s’est produit il y a environune heure vingt. D’ici deux à trois heures, l’eau va encercler l’installation. Avec un mètre deflotte autour de l’îlot nucléaire, les diesels de secours seront noyés. La dernière possibilitéd’alimentation électrique disparaîtra.

- Je voudrais pas faire de mauvais esprit, grogne Ludovic, mais ça commence àressembler à Fukushima…

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A suivre

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Noël 2013, un Fukushima à Fessenheim (2).Madame la préfète cherche café ettéléphone

13 mars 2012 | Par Michel de Pracontal et Jade Lindgaard - Mediapart.fr

Deuxième épisode (le premier est ici) de notre récit documenté de ce que pourrait être unecatastrophe nucléaire de grande envergure à la centrale de Fessenheim, la plus ancienne deFrance. Le premier volet de notre récit-fiction documenté racontait ce qu'il se passait dans lacentrale. Dans ce deuxième volet, la préfecture réalise l'ampleur des dégâts et tented'organiser les secours civils.

Vendredi 27 décembre, 0h44. Chalampé est à 9,5 km au sud de la centrale nucléaire deFessenheim. Au moment où la voiture de Jean-Marie B. manque de partir dans le décor (lirenotre premier épisode), Emilie Schmid, 6 ans, dort profondément dans la maison familiale.D’un coup, le bocal à poisson bascule de son étagère et se fracasse sur le parquet. La filletteouvre les yeux. Le poisson rouge se tord en convulsions. Son lit s’ébroue tel un chien segrattant les puces. Les murs remuent. La maison tremble comme dans un de ces films quifont peur. L’enfant sourde se met à pleurer.

© Aurélien Pic

0h45. Pierre, son grand frère, dévale les barreaux de l’échelle du lit superposé. Il prendEmilie dans ses bras, l’entraîne dans la chambre de leurs parents.

0h47. Laurent et Gretel Schmid enveloppent leurs deux enfants dans des couvertures. Ilssortent. Les voisins sont sur le pas de leur porte, coiffés de bonnets, anoraks zippéspar-dessus les pyjamas. La rue semble animée comme en plein jour, sauf qu’on n’y voit rien.On entend des bruits de voix, des cris. Réverbères éteints. Pas de lumière aux fenêtres,sinon quelques lueurs de bougies et de lampes de poche. Black-out.

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0h50. Gretel allume les phares de la voiture. La rue de la Victoire est en ruines. Des maisonsse sont effondrées. La boutique du coiffeur a disparu. Des tuiles cassées et des gravatss’étalent sur la chaussée. L’église rose et noire se dresse sans son clocher, tel un pouletdécapité. Gretel a les tympans vrillés par une cacophonie d’alertes incendie, d’alarmes antivolde voitures, de sirènes d’ambulances, de voitures de pompiers et de police.

0h52. Munchhouse, à 14 km au sud de la centrale. René Muller, 70 ans, inspecte son écurie.Les six chevaux de trait semblent indemnes. Tremblants de peur, ils ruent, piaffent,hennissent. Pour les calmer, René ouvre les portes du box. La vieille étable de bois a tenu lechoc, mais les harnais sont tombés de leurs supports.

René vit là depuis sa naissance. Jamais vu un truc pareil. Ni entendu parler d’un événementdu passé comparable. Il pense aux récits de sa mère sur la guerre, les bombardements…Dans la cuisine, le portrait d’Edwige, l’épouse de René, morte cinq ans plus tôt, ne tient plusqu’à un clou tordu.

0h55. Ottmarsheim, à 15 km au sud de la centrale. Un incendie s’est déclaré à l’usined’engrais et de produits chimiques de Pec-Rhin. Le site est classé Seveso seuil haut.

0h58. Préfecture du Haut-Rhin, à Colmar. Ondine Romana, 48 ans, nouvelle préfète nomméepar la gauche, écoute, abasourdie, l’état de la situation dressé par son directeur de cabinet.

— C’est énorme, impensable, bredouille le dircab'. Un séisme majeur. Pire que L’Aquila,308 morts en Italie en 2009. Plus que le tremblement de terre historique de Bâle en 1356.Énormissime.

— Les maisons ? Comment résistent-elles ? demande la préfète.

— C’est l’Alsace du sud, Madame la préfète. Région rurale. Faible densité de population.Enormément d’habitations anciennes. Elles ne répondent pas aux normes anti-sismiquesrécentes.

— Quel genre de bilan humain… doit-on craindre ?

— Enorme, Madame, énorme. Des centaines de morts, des milliers de blessés. Il y a denombreux incendies, des fuites de gaz, des accidents de la circulation. On peut s'attendre àdes pillages, des émeutes. Des suicides. Des viols. Il va falloir gérer des dizaines deproblèmes à la fois. C’est le désastre national le plus énormissime depuis la débâcle de1941 !

Si ce crétin prononce encore une fois le mot « énorme », je le vire.

Ondine Romana est en manque. Il lui faudrait un café fumant.

Un corps s'écrase au sol comme une poupée désarticulée

1h02. Village de Fessenheim, tout près de la centrale. Nouria Chalabi, la pharmacienne de larue des Seigneurs, sort de sa stupeur et pénètre dans sa boutique. En pantalon de veloursmatelassé et bottes fourrées, une lampe torche à la main, elle inspecte la pharmacie.Presque tous les tiroirs de médicaments sont à terre. Boîtes de comprimés et bouteilles desirop s’amoncellent en un cauchemardesque éboulis. Seule rescapée, l’armoire qui contientles pastilles d’iode à ingérer en cas d’exposition aux rayons ionisants est restée bienaccrochée au mur. Pour la vingtième fois, Nouria tente de joindre ses enfants en vacanceschez leurs grands-parents à Marseille. Rien à faire, son portable ne passe pas.

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1h07. A la Préfecture, Ondine Romana s’efforce de mettre sur pied une cellule de crise. Adéfaut de courant électrique du secteur, il faut utiliser le groupe électrogène du PC de laPréfecture pour faire marcher les ordinateurs. Les lignes du téléphone fixe n’ont pas résisté àla secousse. Les portables fonctionnent par intermittence. Au moins une antenne-relais esten panne. Les réseaux sont saturés. On ne peut même pas compter sur un four àmicro-ondes ! La préfète lape en grimaçant une tasse de café froid et amer, figé dans lacafetière depuis la veille.

1h10. Griffonnant sur un tableau blanc, le dircab établit la liste des tâches urgentes :

– créer un centre opérationnel départemental (COD) ;

– trouver un moyen de communication efficace avec la cellule interministérielle de suivi etde crise (CISC) du ministère de l’Intérieur, et le Centre opérationnel de gestioninterministérielle des crises (COGIC) ;

– désigner une direction opérationnelle pour coordonner les sapeurs-pompiers, lesservices sanitaires et le SAMU avec le Conseil général ;

– lancer le plan Orsec.

En attendant la suite : en cas de menace de rejets radioactifs de la centrale nucléaire deFessenheim, il faudrait déclencher le plan particulier d’intervention (PPI) destiné à protégerles populations. Sans parler de Pec-Rhin qui crame toujours à Ottmarsheim. Enorme…

Si au moins on avait un café buvable… Et on ne peut toujours pas téléphoner. Il faut à toutprix mettre la main sur un téléphone satellite. La préfète en a forcément un quelque part dansson bureau. Elle raffole des joujoux techniques. Bon sang, où l’a-t-elle fourré ?

1h15. Les hélicoptères de la sécurité civile survolent la zone frappée par le séisme. Descentaines de maison se sont écroulées. Les pilotes aperçoivent des blessés, des morts. Al’entrée de Chalampé, un poids lourd s’est renversé. Sa remorque bloque le rond-point. Ladépartementale qui dessert la centrale de Fessenheim est complètement encombrée. Lesvoitures roulent au pas, les ambulances slaloment entre les files de véhicules.

L’usine Pec-Rhin brûle et fume toujours, mais l’incendie est contrôlé, grâce au renfort d’unecompagnie de pompiers venue de Mulhouse, toute proche.

Un hélicoptère passe au-dessus d’une maison en flammes. Soudain, le pilote voit unesilhouette humaine dévêtue jaillir par une fenêtre en brisant les carreaux. Horrifié, il ne peutqu’observer passivement le corps nu et hurlant qui s’écrase, juste en dessous de sonappareil, comme une poupée désarticulée.

« Y a-t-il un risque radioactif à l'extérieur, oui ou non ? »

1h25. A Colmar, les familles des chauffeurs d’Ondine Romana se rassemblent pour se mettreà l’abri à l’hôtel de la Préfecture. Un ballet de Renault Laguna grises commence. Leschauffeurs se rendent en toute hâte aux domiciles des membres du cabinet et desresponsables administratifs qui doivent former la cellule de crise. Dans le chaos général, ceservice de taxis improvisé reste le moyen de transport le plus sûr.

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A Fessenheim © Aurélien Pic

1h32. Devant la Préfecture, Côme Dupuis, le stagiaire énarque, transi, descend de sa DucatiMonster. Il déboule dans le bureau d’Ondine Romana, bafouillant :

— S’agissant de la centrifu, euh… centrale nucléaire, le refrigérant est sous con, euh…trôle.

— Articulez, Côme, coupe la préfète.

— D’après Monsieur le directeur Jean-Marie B., la centralienne est, euh… à l’arrêt souspilotage automatique des réacteurs, expose le stagiaire. Incendie de transformateur presqueéteint. Diesels con, euh… contrôlent les pompes. Tout est sous refroi, euh… dissement.

— Enorme, fait le dircab.

— En clair, rugit Ondine, y a-t-il risque radioactif à l’extérieur, oui ou non ?

— S’agissant de la protection, euh… civile, seul un enchaînement de turbopompesextrêmement funeste pourrait impacter les populations, euh… humaines.

— Oui ou non ?

— La situation demeure interne au site, réussit à dire Côme. Les saloperies radioactivesrestent, euh… dedans. A l’intér…

—- J’ai compris, coupe la préfète.

— Enormissime ! hurle le dircab.

— Quelqu’un a un téléphone satellitaire ? lance Ondine Romana à la cantonade. Ou uncafé ? Ou les deux ?

1h44. A Chalampé, la famille Schmid a trouvé refuge dans la maison d’une copine de classed’Emilie. Toute récente, en parfaite conformité avec les dernières normes sismiques, labâtisse de style hacienda a parfaitement résisté. Seuls ont chu les panneaux photovoltaïquesposés sur le toit. A la lumière des bougies allumées dans le salon, les deux familles seréchauffent en buvant un thé bien chaud, après avoir fait bouillir de l’eau au feu de cheminée.

1h48. A Fessenheim, devant sa pharmacie, Nouria Chalabi discute avec la boulangère.Devant elles, par-dessus le toit des maisons, elles entrevoient les dernières flammes del’incendie du transformateur de la centrale. Mais à ce moment précis, Nouria ne se souciepas du risque nucléaire. Elle pense aux gamins, à qui elle n’a toujours pas pu parler. Est-ce

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que ses parents, à Marseille, savent ce qui s’est passé en Alsace ? Est-ce que la radio adiffusé un flash d’informations ?

1h54. Avec un cri de triomphe, Côme Dupuis brandit deux téléphones satellitaires flambantneufs qu’il a retrouvés au fond d’une armoire, dans le couloir conduisant au bureau d’OndineRomana. Miracle, les batteries ne sont pas déchargées. Pour la première fois depuis 45minutes, la préfète sourit. Pas peu fier, Côme calcule que sa note de stage vient deprogresser d’au moins 30 %.

« Qu'est-ce qu'on va faire, quand la flotte arrivera ? »

2h04. Préfecture du Haut-Rhin, Colmar. La cellule de crise se met au travail dans le poste decontrôle flambant neuf, doté d’un groupe électrogène qui alimente les ordinateurs. Lamachine à café est remise en service, au soulagement général. Les communicationstéléphoniques et l’accès Internet passent par les téléphones satellitaires que la préfète et sondirecteur de cabinet ne lâchent pas une seule seconde.

Et pour cause : personne ne sait utiliser le rutilant tableau destiné à gérer les appels passantsur les canaux spéciaux du ministère de l’Intérieur. L’ancien responsable de la sécuritétéléphonique est parti à la retraite l’année dernière, et le jeune vacataire qui lui avait succédéa lui aussi quitté les lieux, victime de l’austérité budgétaire. Les écrans plasma restent éteints.Impossible de trouver les télécommandes qui permettent de s’en servir.

Autour d’Ondine Romana et de son cabinet, les représentants du conseil général, desservices sociaux et sanitaires, de la police, de la gendarmerie, ainsi que le chargé decommunication, mal remis d’une grippe qui lui a laissé une voix de canard enroué. CômeDupuis distribue des gobelets de café fumant et boueux. Selon les sismologues de l’Institutphysique du globe, l’épicentre du séisme se trouverait en pleine forêt de Hardtwald, aunord-est de Mulhouse et à une dizaine de kilomètres de la centrale de Fessenheim. Ilatteindrait 7,4 sur l’échelle de Richter. Du jamais vu en France.

— Enormissime ! s’exclame le dircab.

2h09. A la centrale de Fessenheim, le directeur, Jean-Marie B., discute avec Ludovic, le chefd’exploitation de la tranche 1 :

— Qu’est-ce qu’on va faire, quand la flotte arrivera ? demande Ludovic.

— Quand as-tu dit qu’on serait inondés ? répond Jean-Marie.

— Entre trois et cinq heures après le début de la séquence. D’ici deux ou trois heures.Peut-être un peu plus.

— Qu’est-ce qu’on a comme parade ?

— Envoyer un camion-benne à la gravière d’Ochsengrund, le charger de cailloux, leramener ici, et surélever la diguette autour de la centrale, pour arrêter la flotte, marmonneLudovic sans conviction.

— O.-K. Qui conduit le camion ? Qui le charge ? Qui décharge les cailloux sur ladiguette ? J’ai personne à mettre là-dessus.

— On pourrait demander de l’aide.

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— A la préfecture ? Ils sont déjà débordés avec les blessés, les morts, les incendies, leplan Orsec, etc.

— C’est sûr que nos petits cailloux ne sont pas leur priorité prioritaire.

— Admettons que le camion parte de suite. Une demi-heure pour arriver à la gravière.Une demi-heure, trois quarts d’heure pour charger. Une demi-heure pour revenir. Ensupposant que la route soit dégagée. Ce qui n’est pas le cas. En réalité, il va perdrebeaucoup de temps. Même si par chance le camion revient à Fessenheim avant l’inondationde l’îlot nucléaire, il y aura de la flotte partout autour de la centrale. Comment il fait pourpasser ?

— Faut contourner. Ça perd du temps. Et tu as supposé que le camion partait tout desuite…

— O.-K. C’est mort.

— On fait quoi, alors ? On prévient la préfecture ?

— Du problème d’inondation ? Ils le découvriront bien assez tôt.

— Donc ?

—- On continue notre séquence. Tranche 1 refroidie par ses diesels de secours. On lasurveille et on contrôle. Tranche 2 en perte d’alimentation électrique. On la raccorde auxdiesels de la tranche 1 et on récupère le refroidissement.

— Et après ?

— On empêche les diesels d’être noyés par la flotte, quand elle arrivera.

— Comment ?

— On a deux heures pour trouver.

— Pas vraiment deux heures.

— O.-K., tu as raison, beaucoup moins. Mais ça va aller…

— Il n’y a pas de tsunami en Alsace, hein ?

— Exact. Et Fukushima, c’est au Japon.

A suivre

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