MARTHE et CLEMENTINE - Le Proscenium · Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD...

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AVERTISSEMENT Ce texte a été téléchargé sur le site http://www.leproscenium.com Ce texte est protégé par les droits d’auteurs. En conséquence avant son exploitation, vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur, soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l’autorisation de jouer n’a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l’étranger veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions ‘financière entre autres) pour la troupe et pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes. MARTHE et CLEMENTINE Comédie en 7 saynètes de Hugues de Rosamel Durée 115 mn 4H/4F PROLOGUE 2F/1H 5 mn UN DERNIER PETIT TOUR 2 ou 3F/1H 20 mn Décor : Chambre d’hôpital Résumé : Deux infirmières sont au chevet d’un mort. Elles montrent un certain détachement vis à vis de la mort, du macchabé… Bref pour elles la vie continue. Puis arrive la veuve, et tout, vraiment tout, bascule. PAUL EST MORT 2F/1H 20 mn Décor : Salon d’une demeure bourgeoise. Deux fauteuils, un porte-revues, une table basse. Résumé : La veuve de Paul Triolet, arriviste et superficielle, est un instant, seule, le jour de l’inhumation de son mari. Elle devise avec un certain cynisme sur « feu » sa vie conjugale, son nouveau statut de veuve, son avenir. Puis arrive Clémentine, porteuse d’une infortune vérité pour Marthe ! LA PREMIERE TELE 2F/1H 15 mn Décor : Les coulisses d’un plateau de télévision. Une chaise de metteur en scène, des câbles, un projecteur… Résumé : Clémentine a « tout fait » pour présenter une émission de variété. Elle semble très sûre d’elle et le montre à Marthe, jeune comique, timide… Un grain de sable va enrayer la belle assurance de la présomptueuse Clémentine. MAMAN AVAIT RAISON 2, 3 ou 4F 25 mn 1

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AVERTISSEMENT

Ce texte a été téléchargé sur le site

http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteurs. En conséquence avant son exploitation, vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur, soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l’autorisation de jouer n’a pas été obtenue par la troupe.

Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l’étranger veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions ‘financière entre autres) pour la troupe et pour la troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les amateurs.Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux

textes.

MARTHE et CLEMENTINEComédie en 7 saynètes de Hugues de Rosamel

Durée 115 mn4H/4F

PROLOGUE2F/1H 5 mn

UN DERNIER PETIT TOUR2 ou 3F/1H 20 mn

Décor : Chambre d’hôpitalRésumé : Deux infirmières sont au chevet d’un mort. Elles montrent un certain détachement vis à vis de la mort, du macchabé… Bref pour elles la vie continue. Puis arrive la veuve, et tout, vraiment tout, bascule.

PAUL EST MORT2F/1H 20 mn

Décor : Salon d’une demeure bourgeoise. Deux fauteuils, un porte-revues, une table basse.Résumé : La veuve de Paul Triolet, arriviste et superficielle, est un instant, seule, le jour de l’inhumation de son mari. Elle devise avec un certain cynisme sur « feu » sa vie conjugale, son nouveau statut de veuve, son avenir. Puis arrive Clémentine, porteuse d’une infortune vérité pour Marthe !

LA PREMIERE TELE2F/1H 15 mn

Décor : Les coulisses d’un plateau de télévision. Une chaise de metteur en scène, des câbles, un projecteur…Résumé : Clémentine a « tout fait » pour présenter une émission de variété. Elle semble très sûre d’elle et le montre à Marthe, jeune comique, timide… Un grain de sable va enrayer la belle assurance de la présomptueuse Clémentine.

MAMAN AVAIT RAISON2, 3 ou 4F 25 mn

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Décor : Une cheminée au fond à droite, à côté une petite table, sur laquelle est posée une mini chaîne HI-FI. Devant à droite une table et deux chaises.

Résumé : Sur deux époques, trois générations de femmes d’une même famille, échangent leurs visions sur leur père, mari, amant… Sur elles… Malgré les décalages générationnels, beaucoup de similitudes apparaissent.

FLEURS OU ALLUMETTES2F/1H 15 mn

Décor : Studio de célibataire. Une table, deux chaises, un mini bar…Résumé : Si l’amour est aveugle, il peut aussi voir double… Il peut aussi bien apporter des fleurs qu’inciter à courir acheter des allumettes… Clémentine la sœur jumelle, ou très ressemblante, de Marthe, semble avoir enfin trouvé le grand amour… Lequel ?

EPILOGUE2F/1H 5 mn

PROLOGUEHugues de Rosamel

Personnages

L’AUTEUR (Pierre)LA FEMME Femme de l’auteurCLEMENTINE Le personnage

Rideau tiré. Tout se passe en avant scène. A droite de la scène l’auteur est assis à son bureau, il cherche visiblement l’inspiration… Puis se décide à écrire…

L’AUTEUR - Bon, j’y vais… (Au moment où il commence à écrire, le personnage de Clémentine, de « Un dernier petit tour » apparaît… Elle mime ses faits et gestes.)

CLEMENTINE - C’est l’heure de votre déjeuner monsieur Hulot… (A elle-même) Je ne vois pas pourquoi je lui cause, il est sourd comme un pot !… Bon, je pose votre plateau, là… (Ouvrant la table de chevet.) Ah ! Satané Livarot, je ne m’y ferai jamais… Heureusement que vous êtes gentil, parce que sinon, je l’aurais jeté depuis longtemps…

LA FEMME (elle arrive discrètement par le fond) - Je ne te dérange pas ?

L’AUTEUR (arrêtant d’écrire, le personnage s’immobilise, et n’est pas vu de la femme) - Non, non…

LA FEMME (s’approchant de l’auteur) - Toujours sur tes saynètes ?

L’AUTEUR - Oui… Mais pour l’instant je tâtonne… (Il fait signe discrètement au personnage de partir.) Et puis j’ai un petit souci…

LA FEMME (qui a vu le petit geste de la main de son mari) - Un problème ?

L’AUTEUR - Aucun… J’ai simplement un personnage dans la tête dont j’ai du mal (A destination de Clémentine.) à me défaire !

LA FEMME (se mettant derrière l’auteur, pour voir ce qu’il a écrit) - Avec tous que tu as écrit, je me demande comment tout ce petit monde fait pour tenir dans cette tête !… (Devant la réaction étonnée de l’auteur.) Je plaisante…

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L’AUTEUR - Ah…

LA FEMME - J’imagine que ton grave problème est de trouver les prénoms de tes personnages ?…

L’AUTEUR - Alors si tu as une idée… Il y aura deux femmes et un homme… Pour l’homme…

LA FEMME - Ce sera Paul, comme d’habitude…

L’AUTEUR - Voilà, mais les femmes…

LA FEMME (ironique) - Tu as toujours un problème avec les femmes…

L’AUTEUR - Tu veux que je te prouve le contraire ?

LA FEMME (comme si elle n’avait pas entendu) - Bon alors, si ça peut t’aider, saches que j’aurais aimé m’appeler Marthe…

L’AUTEUR - Marthe ? Ca sonne bien, c’est pas mal… (A ce moment Clémentine regarde l’auteur et fait une geste qui veut dire : « et moi ? ».) Ça va venir…

LA FEMME – Pardon ?

L’AUTEUR (à sa femme) - Et c’est facile à retenir… Maintenant pour le second…

LA FEMME (prenant l’agenda de son mari sur le bureau) - On va prendre la technique du calendrier… (Elle ferme les yeux, ouvre l’agenda et pose son doigt sur une date puis ouvre les yeux.) 4 avril : Isidore… (Devant la tête de Pierre.) Oui évidemment pour une fille… Voyons ce qu’il a cette semaine… Benjamin, Hugues, Sandrine, Richard, Irène, Marcellin… Marcelline ?… Non… Bon… (Recommençant l’opération.)

L’AUTEUR (se levant) - Si tu pouvais trouver avant la 52ème semaine…

LA FEMME - Je trouverai… Je te connais, tu ne vas pas bien dormir, sinon… (Ouvrant les yeux, même chose.) Alors voyons… Clément…

L’AUTEUR - Clémentine ! (A ce moment le personnage réapparaît.) Marthe et Clémentine !… Ca sonne bien, ça se retient bien, c’est nickel ! (Il regarde vers Clémentine.) Ca te plaît ?

LA FEMME (pendant qu’elle répond, très heureuse d’avoir un prénom Clémentine saute dans les bras de l’auteur) - Oui… C’est pas mal… (Voyant Pierre mais pas Clémentine donc surprise par la position de Pierre.) Je dois sauter là ?…

CLEMENTINE (devant la gêne de Pierre elle sort de ses bras, en l’embrassant) - Merci, je suis très contente de mon prénom… (Elle quitte la scène.)

L’AUTEUR - Y’a pas de quoi !…

LA FEMME - T’es sûr que tout va bien ?…

L’AUTEUR (se rendant compte de la situation) - Que ferais-je sans toi !… (Il prend sa femme par la taille.)

LA FEMME - On se le demande !…

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L’AUTEUR - On fait quoi là ?…

LA FEMME - C’est à dire que là… Il y a une super histoire d’amour qui passe à la télé…

LE MARI (déçu) - Ah… (Lâchant sa femme.)

LA FEMME - Qui ne commence que dans une demi-heure.

LE MARI (souriant enlaçant sa femme) - Ah…

LA FEMME (ton ingénu) - Qu’elle était la question Monsieur ?

L’AUTEUR - La question… Ah oui, la question… Et on fait quoi là ?

LA FEMME - Monsieur fait comme Monsieur veut… L’AUTEUR (regardant sa femme) - Que diriez-vous d’aller visiter ma chambre ?

LA FEMME - Oh ! Monsieur…

L’AUTEUR - Une objection ?

LA FEMME - Non, votre honneur !…

L’AUTEUR (prenant sa femme dans les bras) - Vous verrez, vous ne serez pas déçue de la visite… (Ils quittent la scène. Le rideau reste tiré.)

CLEMENTINE (arrivant de la droite en tenue d’infirmière) - Marthe magne-toi ! Tu vas être encore à la bourre !…

MARTHE (des coulisses) - Ouais, ouais…

CLEMENTINE - Bon alors voyons, je commence par qui aujourd’hui ?… Ah non, la baronne du 212 ! La reine des emmerdeuses… La journée commence mal… (Vers les coulisses.) Marthe !… Mais qu’est-ce qu’elle fait !… Il n’y a que pour les matchs de foot qu’elle est à l’heure… Marthe ?

MARTHE (des coulisses) - Oui, oui j’arrive…

CLEMENTINE - Ben magne… Tu sais par qui je commence ?

MARTHE (des coulisses) - Non…

CLEMENTINE - La baronne…

MARTHE (arrivant sur scène) - Et ben !… Bon courage…

CLEMENTINE - T’en mets un temps pour te préparer !…

MARTHE - Je fais ce que je peux… Moi j’ai de la chance je commence par monsieur Hulot…

CLEMENTINE - Veinarde… Remarque, je finis par lui…

MARTHE - Bon, ben à toute !

CLEMENTINE - A toute !… (Elles quittent la scène.)

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LEVER DE RIDEAU

UN DERNIER PETIT TOUR…Hugues de Rosamel

Personnages3F/1H

Marthe InfirmièreClémentine InfirmièreLa veuveL’inspecteur

Le rideau s’ouvre sur une chambre d’un hospice. Le lit est à gauche de la scène, la tête du lit près du public, le vieillard a le public derrière lui. La chambre se compose d’une chaise, d’une table roulante, et une table de chevet sur laquelle se trouve le téléphone. Le vieux le bras droit qui traîne par terre. Entre une aide soignante par la droite, avec un plateau repas.

CLEMENTINE - C’est l’heure de votre déjeuner monsieur Hulot… (A elle-même, près du lit.) Je ne vois pas pourquoi je lui cause, il est sourd comme un pot !… (Elle pose le plateau sur la table roulante.) Si vous ne voulez pas manger glacé, faudrait attaquer la purée !… (Elle ouvre la porte de la table de chevet.) Ah ! Satané Livarot, je ne m’y ferai jamais… Heureusement que vous êtes gentil, parce que sinon, je l’aurais jeté depuis longtemps… (Elle regarde autour d’elle, comme pour vérifier que personne ne l’observe, puis elle sort une bouteille de la table de chevet et sert rapidement un verre au vieux.) V’là votre verre de Coteau du Layon préféré pour faire passer tout ça… Vous pourrez remercier votre femme d’avoir eu cette attention… Et puis surtout à moi, parce que c’est interdit par le règlement… (Elle regarde autour d’elle, comme pour vérifier que personne ne l’observe.) Ca mérite une rallonge à la commission ! (Elle avale rapidement une gorgée au goulot.) On n’a rien sans rien… (Rangeant la bouteille.) Vraiment pas dégueu ! (Puis regardant le vieux.) Vous êtes bien palot monsieur Hulot !… (Le regardant de près.) Déjà !… (Elle lève le bras du vieux et le laisse retomber sur lui, puis le bras glisse par terre.) Il n’y a pas de doute, il est cuit… Je prends votre téléphone, si ça vous fait rien… (Elle s’apprête à téléphoner, arrive Marthe.)

MARTHE - Ah ben je te cherchais ! (Clémentine raccroche précipitamment.)

CLEMENTINE (vers Marthe) - Tu m’as foutue une trouille !

MARTHE - Relaxe !… Je voulais te prévenir que c’était inutile de le servir… (Elle remet le bras du vieux qui retombe, elle n’y prête pas attention.)

CLEMENTINE (ton hésitant) - C’est… C’est ce que je viens de voir… (Marthe se déplace près de la table roulante.) Alors, je voulais prévenir Bichon, pour qu’il enregistre le match… Il y a le match d’ouverture de la coupe du monde ce soir…

MARTHE - Je veux ouais… Je n’y avais pas pensé ! Quelle galère !… Ils choisissent leur jour !… Ca fait le second !… Ils pourraient prévenir avant de claquer ! (Prenant le plateau.) Je retire le plateau parce que vraiment, il chlingue !… Ah ! Le toubib est passé, le certif est fait, et il s’est chargé de prévenir la famille… (Repose le plateau, songeuse. Clémentine commence à composer son numéro

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de téléphone.) Il est mignon ce toubib… J’me ferais ausculter, même pour rien… T’as vu ses doigts ? Il a des doigts…

CLEMENTINE (raccrochant, elle à droite de la table de chevet) - Non, ils ont quoi ses doigts ?

MARTHE - L’air vicieux !… Il doit t’ faire des trucs avec… (Saisissant le plateau.) Quelle horreur !… Tu sais à quoi je pense, avec le plateau dans les mains ?

CLEMENTINE - Ben non…

MARTHE - Qu’il y a deux plats refroidis dans cette chambre !…

CLEMENTINE - Deux ?… Il n’y a qu’un plateau !…

MARTHE - Laisse béton… (Elle pose le plateau en coulisse, pendant ce temps Clémentine a composé le numéro de Bichon.) Tu m’étonnes, qu’il ne mangeait rien…

CLEMENTINE - Allô, Bichon ?… Dis-moi, je vais rentrer en retard, il y a le colonel qu’a claqué… J’ te l’ fais pas dire ! On est en pleine série noire !… (Marthe revient.) Ben voilà, alors tu l’enregistres et surtout ! Surtout, tu ne me dis pas le résultat !… Ouais parce que la dernière fois… Et ne siffle pas toutes les bières, je viendrai avec Marthe…

MARTHE - Ouais parce que la dernière fois… (Dit-elle en remettant le bras du vieux sur le lit, qui retombe aussitôt, mais elle n’y prête pas attention.)

CLEMENTINE - Elle dit qu’elle t’embrasse… Bon, je compte sur toi… On fait vite avec le colon et si tout va bien, on débarque pour la seconde mi-temps. Bisous (Elle mime de l’embrasser, ce qui fait du bruit, puis termine par…) Bisous… (Elle raccroche… Marthe l’air étonnée devant cette « coutume », Clémentine ne prêtant pas attention à l’attitude de Marthe.) Bon, on s’occupe de lui ?

MARTHE - Oui… A nous trois mon colon… (Se dirigeant vers la penderie, gauche scène.) C’était un sacré pépère tout de même !… Il était vraiment colonel ?

CLEMENTINE - Non, mais il sentait le Livarot…

MARTHE - Ah… C’était donc ça !…

CLEMENTINE (retirant le drap, juste assez pour mettre la veste) - Allez !… On va le faire tout beau !…

MARTHE (sortant deux costumes noirs de la penderie) - Lequel des deux ? Le noir ou le noir ?

CLEMENTINE (remettant le bras du vieux sur le lit) - Le noir peut-être… (Le bras retombe, Clémentine le regarde.) T’es sûre qu’il est bien mort ?

MARTHE - Sans aucun doute… Pourquoi ?

CLEMENTINE (remettant le bras et le croisant avec l’autre, elle donne l’impression de faire un nœud) - Il a le bras qui fait de la résistance !… Comme ça, il ne bougera plus… (Elle s’assoit sur le bord droit du lit pour causer.)

MARTHE - Il avait la main baladeuse l’ancêtre ! (Clémentine se relève d’un coup.) Ca devait être un sacré chaud lapin…

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CLEMENTINE (Marthe hésite entre les costumes) - Je confirme ! Il a épuisé trois femmes ! Trois fois veufs le gaillard ! C’est la quatrième qui va être soulagée…

MARTHE (choisissant le costume) - Je prends celui-là… Quatre femmes ! Quelle santé !…

CLEMENTINE - Et la dernière c’est une gamine…

MARTHE (range le costume qu’elle ne prend pas) - Tu l’as déjà vue ?

CLEMENTINE (semblant gênée) - Euh… Non, non… Mais il m’avait fait des confidences…

MARTHE - C’est elle qui a dû l’achever !… Franchement, il y a des trucs qui m’échappent !… A priori il n’avait pas de galette. (Posant le costume sur une chaise.) Pour atterrir ici, soit t’es fauché, radin ou dans le coma !… Et quand tu vois l’état des costards… (Elle prend la veste.)

CLEMENTINE (regardant le vieux) - Alors comme ça, on était radin !… Je suis sûre qu’il était pété de thunes !

MARTHE - Ca va être le jackpot pour la quatrième !… C’est tout de même un bon plan ça… Mais faut être sûr de son coup, parce que donner son corps à un engin ayant dépassé la date limite de consommation, ça demande réflexion…

CLEMENTINE - Tu prends un amant…

MARTHE - Pourquoi un ?

CLEMENTINE - Ben oui, pourquoi ? (Les deux rigolent.)

MARTHE - Soulève-le…

CLEMENTINE (elle le soulève) - On ne lui met pas de chemise ?…

MARTHE - Il est très bien son pyjama… (Elle commence à lui enfiler la veste par le bras gauche.) On mettra un foulard, on verra rien… Le reste sera caché par le drap…

CLEMENTINE - T’as raison ! Et ça fait ça de gagné !… Mais c’est qu’il fait encore son poids !

MARTHE - Mine de rien, il a de beaux restes le pépère !

CLEMENTINE - Ca devait être un sportif…

MARTHE - Quatre femmes, ça vous entretien un homme !

CLEMENTINE - Ou ça vous l’achève !… Bichon y m’ dit souvent que je l’épuise !

MARTHE - Lui saute pas dessus tous les soirs ! Fais des mi-temps…

CLEMENTINE - Dans ce domaine y’a pas d’ pauses pour les pauses !… Mon Bichon à bichonner qu’est-ce que c’est bon…

MARTHE - C’est toi qu’à raison… Y’a pas de mal à se faire du bien… (En boutonnant la veste.) Il va nager dedans !… Redresse-le, j’ai pas assez tiré sur la veste.

CLEMENTINE (le redressant) - Il sera plus à l’aise pour voyager !… (La tête du vieux, gêne Marthe.)

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MARTHE - Prends la tête, elle me gêne…

CLEMENTINE (la saisissant par les cheveux) - Il devait pas être mal plus jeune… (La perruque lui reste dans les mains.) Ah ! (Lâchant le vieux.)

MARTHE - Ben merde alors !…

CLEMENTINE (essayant de la remettre maladroitement) - Tu parles d’une surprise !

MARTHE (retirant la perruque) - Il ne fait pas si vieux comme ça ! Pourquoi il mettait une perruque ?

CLEMENTINE - Certainement par coquetterie… (Pendant qu’elle parle, Marthe remet la perruque.) Arrivés à un certain âge, les vieux s’ils ne font pas assez vieux, ils poussent le vice à se vieillir ! Ils font l’inverse de nous. Nous, dès qu’on a un cheveu blanc on l’arrache ou on le teint… Etre vieux c’est déjà pas drôle, se vieillir, faut être maso, alors être vieux et se vieillir, là, faut être carrément timbré !

MARTHE - C’était peut-être pour mieux se faire dorloter !… Un vieux qui fait bien vieux, on en prend plus soin, qu’un vieux qui pète la forme… (Marthe et Clémentine s’assoient chacune sur le bord du lit pour parler.) Tiens, la baronne de la 212 … Quatre vingt ans, toute sa tête, tous ses membres… Une rebelle du fauteuil roulant ! Tous les autres, on les pousse, on les pose et ils ne bougent plus ! Elle, elle galope partout, quand faut passer à table, on ne sait pas où elle est fourrée !… C’est chiant ! Les autres au moins, on les retrouve où on les a laissés !

CLEMENTINE - C’est vrai, elle est fatigante ! Et puis toujours à faire des remarques limite désobligeantes ! Surtout sur la bouffe ! On n’est pas dans un trois étoiles ici !… (Elle cherche ses cigarettes.)

MARTHE - Le pire, c’est qu’elle ne dit rien franchement, elle laisse sous- entendre en disant que de son temps elle faisait son lit comme ci ou comme ça… Elle, dès qu’elle sera vissée sur un fauteuil roulant faudra pas qu’elle vienne me titiller les nerfs !… Sinon c’est dans la salle, près de la fenêtre, en plein le soleil !… Non mais !… (Elle se lève.)

CLEMENTINE - Au moins avec notre colonel, on n’avait pas de remarque… (Proposant une cigarette à Marthe.) T’en veux une ?

MARTHE - Why not ?

CLEMENTINE - Hein ?…

MARTHE (pas peu fière) - C’est d’ l’anglais !… Ca veut dire : « pourquoi pas… »

CLEMENTINE - Ouah !… (En lui tendant le paquet par dessus le vieux.) T’as appris ça où ?

MARTHE - Dans les bras d’un prof d’anglais !…

CLEMENTINE (allumant la cigarette de Marthe, puis la sienne) - Ah !… T’as fait dans le cours particulier !…

MARTHE - Très particulier… Maintenant c’est par correspondance… Les langues vivantes j’ suis pas contre, mais à petites doses… Et mon prof, c’était un adepte de la façon intensive, si tu vois ce que je veux dire !… Encombrant le garçon !

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CLEMENTINE - Bon, faudrait peut-être achever notre colonel…

MARTHE - T’as raison… (Elles se lèvent, tirent le drap.) Fais gaffe, tu vas faire tomber de la cendre… Eh !…

CLEMENTINE - Oui ?…

MARTHE - De la cendre près d’un mort, y’a pas offense !… (Devant l’expression ahurie de Clémentine.) Non rien, je t’expliquerai !… (Regardant le lit.) T’aurais quand même pu lui mettre sa couche !

CLEMENTINE - Hier soir j’ai fais vite, Bichon faisait le dîner.

MARTHE - Ah !… Si Bichon faisait le dîner…

CLEMENTINE - Et si j’arrive en retard ça loupe pas, il crame ! Il veut tout mijoter, mais le « mijotage » c’est pas son truc…

MARTHE - Il peut toujours éteindre…

CLEMENTINE - Il oublie !… Et puis généralement, quand je suis en retard il amorce l’apéro, et quand l’apéro est amorcé… Bon, ben il n’est pas mal comme ça… T’as raison, ça ne sert à rien de changer la bas, son pyjama est très bien… Faudrait que je trouve le même pour Bichon…

MARTHE - On le peaufinera demain… (Remettant le lit en état.) Si on pouvait voir la seconde mi-temps en live, je ne serais pas contre…

CLEMENTINE (elle repositionne Mr Hulot) - Je les ai trouvés fatigués lors des matchs de préparation, pas toi ?

MARTHE - C’était pas la grande forme… Ils vont pas nous faire un grand Mondial.

CLEMENTINE - Tu rigoles !… Pas l’année où je vais me payer une nouvelle télé !

MARTHE - Non ? Une nouvelle télé ?

CLEMENTINE (les deux quittant la chambre) - Tu ne dis rien à Bichon, c’est une surprise…

MARTHE - Tu ne m’en avais pas parlé ?

CLEMENTINE - Parce que ce n’était pas sûr, mais là, je sens que je vais craquer ! Alors ce n’est pas l’année à perdre notre coupe du Monde ! Je te parie une kro, qu’on va la garder !

MARTHE - Pari tenu !

NOIR

(Lumière scène, le décor n’a pas changé)

CLEMENTINE (arrive, écoutant et dansant sur la musique qu’elle écoute au walkman. Elle vérifie que tout est en place, arrive derrière sans qu’elle aie vu, Marthe, visiblement pas bien réveillée. Elle est surprise de la scène. Dans sa chorégraphie Clémentine se retourne, voit Marthe, elle s’arrête, enlève ses écouteurs) - C’est génial ! J’ai été voir les télés, je sais laquelle je vais prendre ! Regarde ! (Elle lui montre un dépliant.)

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MARTHE - Ouah ! Elle ne va jamais rentrer dans ton salon !

CLEMENTINE - Tu crois ?

MARTHE - Mais non, je blague !… Mais elle coûte hyper cher… T’as gagné au loto ?

CLEMENTINE (voulant rester secrète) - Non, non… Ca fait quatre ans que j’économise…

MARTHE (pas convaincue) - Quatre ans… Tu as vu la veuve dans le couloir ?

CLEMENTINE - J’ai vu personne… (Elle se dirige vers la porte, Marthe l’arrête.)

MARTHE - Laisse-la, elle est en larmes… En la croisant, je pensais à un détail, et je lui ai demandé de patienter parce que j’ai un doute… Il pratiquait ou pas ?

CLEMENTINE - Il pratiquait ?… Il pratiquait quoi ?…

MARTHE - Ben une religion !…

CLEMENTINE - J’en sais rien moi !…

MARTHE - Non, parce que s’il était catho et qu’on lui met pas un chapelet, ça va faire désordre !

CLEMENTINE - Tu crois que ça choquerait ?

MARTHE - Ben, on ne sait jamais… On est dans l’hospice St André, tout de même !… (Ouvrant la table de chevet.) Il avait peut-être le matos… (Reculant énergiquement.) Pouah ! C’est quoi cette odeur ? (Sortant de la table de chevet un livarot.) J’comprends mieux pourquoi on l’appelait le colon… Tu te rends compte ! Il s’enfilait son livarot en douce… (Sortant la bouteille de la table de chevet.) Un coteau du Layon… Il s’embêtait pas l’ancêtre !…

CLEMENTINE (jouant l’étonnée) - Ca alors !

MARTHE - Crois-tu qu’il nous en aurait proposé ? Jamais !… (Avalant au goulot une gorgée.) A la tienne mon colon !… Pas dégueu le breuvage… T’en veux ?

CLEMENTINE - J’dis pas non… (Elle prend la bouteille tendue par Marthe et boit pendant que Marthe fouille dans la table de chevet.)

MARTHE - Qu’est-ce qu’il peut bien cacher encore dans son arrière cuisine ? (Clémentine elle ne se prive pas, et descend presque toute la bouteille.)

CLEMENTINE - Ca vaut pas la kro, mais ça se laisse boire…

MARTHE - Je l’ai !… (Sortant un chapelet.)

CLEMENTINE - Qu’est-ce c’est ça ?…

MARTHE - Un chapelet !… J’ai bien fait de chercher ! (Apercevant Clémentine qui boit.) Clémentine !… Tu la finiras plus tard… Aide-moi donc…

CLEMENTINE (elle pose la bouteille par terre, aide Marthe) - J’vais dire une bonne chose, il avait pas des goûts de chiotte !… Tu mets ça comment ?

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MARTHE (elles font ce que Marthe dit) - Il faut d’abord lui croiser les doigts… il est encore chaud ! Tant mieux ça nous aider… Voilà… Tout en glissant le chapelet… C’est technique… Fais attention… Ne force pas sur le doigt comme ça…

CLEMENTINE - C’est pas simple…

MARTHE - La religion ça n’a jamais été simple ! Bon, ça devrait le faire !… Ouais… Je vais dire à la veuve qu’elle peut venir… Range bien tout…

CLEMENTINE - D’accord…

MARTHE - A tout de suite… (Elle quitte la scène. Dès la sortie de Marthe, Clémentine reboit un coup, et commence à ranger, la bouteille à la main, et sirotant de temps en temps… Elle commence à donner des signes extérieurs de « fatigue » elle remet son walkman, titube en dansant, une fois que tout est en ordre, elle se met à danser un slow virtuel en titubant… Arrive la veuve, d’un pas hésitant, visiblement abattue… Elle n’a pas vue Clémentine. Elle s’incline sur le vieux, l’embrasse, se met à genoux, la tête dans les mains… A ce moment, Clémentine aperçoit la veuve, elle est surprise, gênée, elle pose la bouteille au pied du lit, enlève les écouteurs, arrête son walkman, mais elle fait du bruit ce qui attire l’attention de la veuve… Clémentine est dans ses petits souliers, et touchée par la tristesse qui se lit sur le visage de la veuve… Elle ne sait pas trop quoi dire, puis…)

CLEMENTINE - Bonjour…

LA VEUVE - Bonjour… C’est vous qui vous occupiez de Paul ?

CLEMENTINE - Oui…

LA VEUVE - Je vous remercie…

CLEMENTINE (à elle-même) - Il n’était pas difficile…

LA VEUVE - Vous dites ?

CLEMENTINE - Que c’était facile… Avec un homme comme ça…

LA VEUVE - A qui le dites vous… (Elle fait signe à Clémentine d’aller écouter à la porte, elle le fait.) Cet homme-là, on ne pouvait que l’aimer parce qu’il n’aimait qu’aimer… Vous, vous rendez compte, il faisait tout par amour pour moi. J’avais beau être sa quatrième femme, il me donnait l’impression que j’étais la première, la seule, l’unique… Je ne sais pas comment il a pu aimer avec autant d’amour autant de femmes… Moi je ne pourrai pas aimer un autre homme que lui…

CLEMENTINE - Méfiez-vous de la vie, elle réserve des surprises… Avant de connaître Bichon, j’étais raide amoureuse d’un plombier, beau comme un dieu ! Pour moi c’était l’homme de ma vie, y’avait pas à tortiller, et ben Bichon est passé par là, et hop ! Ah ! Le plombier ça lui en a bouché un coin !… Mais bon… C’est la vie, c’est l’amour ! Ca se commande pas !… J’m’ excuse, je vous parle…

LA VEUVE - Ne vous excusez pas… (Elle refait signe à Clémentine de regarder derrière la porte.)

CLEMENTINE - Ah oui, pardon… (Elle regarde discrètement pendant que la veuve parle.)

LA VEUVE - Ca me fait du bien d’entendre quelqu’un… Je crois qu’il pensait la même chose… J’ai eu beaucoup de chance d’être aimée, comme je l’ai été !… (Clémentine a refermé la porte.) Alors ?

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CLEMENTINE (ne prêtant pas attention à la question et continuant la conversation) - De ce côté là, j’ai pas à me plaindre !… Bichon, il pense pratiquement qu’à ça… Entre vous et moi, il a un peu les idées dans le slip !… Cela dit, on a beau dire qu’ y’a pas que ça dans l’amour… N’empêche que quand y’a pas ça, ou que c’est négligé, c’est pas tout à fait ça ! (Reprend la bouteille.) Comme disait ma grand-mère : « il n’y a pas que le sexe dans la vie, mais la vie sans sexe, c’est pas une vie ! » (Elle boit une gorgée.)

LA VEUVE - Mais !… C’est la bouteille de Paul ?…

CLEMENTINE - Oh pardon !… (Ne sachant pas quoi faire de la bouteille.)

LA VEUVE - Et derrière ?…

Vous disposez de 75% de cette saynète. D’autres coups de théâtre vous attendent.

Transition

L’auteur apparaît préoccupé, le manuscrit à la main, dans le noir le changement de décor s’opère par « deux accessoiristes imaginaires » qui suivent ce que « se dit » l’auteur.

L’AUTEUR - J’ai toujours un souci avec le décor… Pour « Paul est mort » je verrai bien un petit salon… (Tout en parlant, il écrit sur son cahier.) Mobilier sympa, qui met en évidence l’aisance financière des Triolet… Un seul fauteuil fera l’affaire. (L’accessoiriste de plateau arrive tout de noir vêtu.) Il sera au milieu de la scène… Non, il faut qu’il soit décalé… Là ce sera bien. (Ne sachant pas où le mettre l’accessoiriste va voir par-dessus l’épaule de l’auteur ce qu’il a écrit. Il met le fauteuil et s’en va.) Il faudra une table basse. Style… Comme ils voudront ! (Deux accessoiristes arrivent avec une table basse.) Posée devant comme ça, juste là… (Les deux accessoiristes, regardent l’auteur comme s’ils se doutaient qu’il allait changer d’idée.) C’est très bien… Ca suffira… (Les accessoiristes posent la table.) Quoique… (Les accessoiristes s’arrêtent.) Non c’est bien… (Il pense tout haut en s’en allant pendant que Marthe, vient s’assoir.) La scène commencerait avec Marthe, un verre à la main, elle quitte un salon dans lequel se trouvent ses amis… Elle leurs fait signe qu’elle va revenir, elle s’assoit dans le fauteuil, une coupe de champagne à la main…

PAUL EST MORT…Hugues de Rosamel

Personnages

Marthe Veuve de Paul TrioletClémentine Amour caché de PaulLe livreur de fleurs

Lumière scène, Marthe est assise, elle boit une gorgée de champagne….

MARTHE - Bon allez ! Il faut que je prenne sur moi. (Elle se remet à sangloter.) Je n’y arriverai jamais ! Mais pourquoi s’est-il fait enterrer aujourd’hui !… Le jour de mon anniversaire ! Le jour de mes trente ans ! Trente ans, c’est quelque chose dans la vie d’une femme ! Tout était prévu, les amis, les surprises, les cadeaux et pof ! Plus de Paul… C’est pas juste Paul ! Au moment même où tu voulais m’annoncer un grand événement… C’était certainement une méga surprise… Comme

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méga surprise, franchement tu aurais… (Elle arrête de sangloter, se lève.) Ah ! Paul, tu vas me manquer !… (Derrière la chaise appuyée sur le dossier.) Mais tout de même, entre nous, c’est moi qui devais être la reine de la soirée. Celle sur qui tous les regards se portent !… Quoique, côté regards, je ne pouvais pas imaginer qu’une veuve soit tant observée, et à ce point au centre des conversations… (Centre scène.) Je les ai entendus chuchoter : « Mais que va-t-elle devenir ? Elle ne sait rien faire ! J’en connais qui vont rôder du côté de la rue Quinquampoix. Il paraît qu’elle habite au 69 ! Ce n’est pas décent pour une veuve !… Elle porte le deuil à merveille ! Le noir lui va si bien » Je déteste le noir ! Théoriquement je devais porter une tenue multicolore aujourd’hui ! (Allant vers la chaise comme si Paul y était assis.) Tu sais le petit ensemble Christian Lacroix dont tu m’as fait la surprise lundi… Moi qui me faisais une joie de l’inaugurer ce soir… Tu sais, rien que pour toi, j’ai poussé le deuil jusqu’à porter… (Vérifiant que personne n’écoute, puis à voix basse, à droite de la chaise.) Les sous-vêtements en cuir noir que tu m’avais offert… Je peux te l’avouer, je suis très bien dedans… (Sourire.) Comme obsédé tout de même… (Face au public.) Je n’ose pas imaginer la fortune que tu as due dépenser… Je suis sûre qu’au centimètre carré Lacroix est moins cher… (Sanglotant.) Oh ! Paul… (Elle s’assoit.) Je suis certaine que pour mon anniversaire tu m’avais préparé un superbe cadeau ! Qui m’en fera d’aussi beaux maintenant ?… (Prenant sur elle, se levant.) Pierre ? C’est déjà fait, mais il s’y prend toujours en avance… (Se retournant vers la chaise.) Non Paul ! Il ne s’est jamais rien passé entre nous, pour l’instant… (Face public, l’air ingénue.) Ca fait trois ans qu’il fait le forcing le bougre, trois ans que je le fais courir, et il faut que ce soit au moment où il allait s’essouffler que tu partes… Alors évidemment maintenant, il risque de reprendre son souffle ! Ben oui, Paul… Fallait pas partir, comme ça… (Centre scène.) J’en ai déjà entendu dire : « Il faut qu’elle se remarie, sinon à part le temps qui va-t-elle tromper ? » Il y en a qui ont la délicatesse à fleur de peau… (S’approche de la chaise.) Tu te rends compte ! Les gens pensent que nous étions mariés, alors que nous n’avons jamais pris le temps de passer devant le maire… (Elle s’assoit.) A quoi bon d’ailleurs, puisque tout le monde pense que nous le sommes. Tu ne seras pas facile à remplacer… C’est plus simple d’avoir un suppléant que de retrouver un permanent… Je n’en retrouverai jamais un avec tes qualités : riche… Très riche… Quand je repense à ta fortune… Tu étais incapable de l’évaluer… Tu es parti si vite que tu n’as certainement pas eu le temps d’organiser ton héritage… A trente neuf ans, on n’y pense pas… Maître Boché, enfin, Pierre, se fera un plaisir de gérer, de près… de très près, mes intérêts… Je suis curieuse de savoir le montant de ma nouvelle fortune… (Retenant un ricanement.) Mon infortune va faire ma fortune… Sacré Paul…

Une femme arrive timidement au fond à gauche de la scène. Elle est en deuil, son visage est voilé, elle est effondrée. Marthe ne l’a pas entendue entrer.

CLEMENTINE (sur place à gauche de la scène) - Madame Triolet ?…

MARTHE (ayant du mal à stopper son ricanement) - Oui… (Elle se retourne vers Clémentine. Devant son attitude, elle se ressaisit.) Excusez-moi, ce sont les nerfs…

CLEMENTINE - Je comprends… Je suis arrivée en retard, je n’ai pu vous présenter mes condoléances et j’y tenais.

MARTHE - C’est très gentil.

CLEMENTINE (s’approchant de Marthe en lui tendant la main) - Je suis Clémentine Loiseau. Je fais parti du quatuor « la Vida ». J’ai fais la connaissance de monsieur Triolet lors d’une répétition d’une de ses œuvres, à laquelle il assistait. Sa disparition si brutale m’a bouleversée… Il avait une façon de transmettre sa passion, qui m’avait bouleversée…

MARTHE (silence elle observe Clémentine) - Il vous a beaucoup bouleversée…

CLEMENTINE - Oui… Beaucoup…

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MARTHE (amusée) - Oh, vous… Vous étiez amoureuse de mon compositeur de mari…

CLEMENTINE (perturbée) - Oh, madame !… Je…

MARTHE - Ne vous excusez pas… Ce n’est pas un délit d’être amoureuse… D’autant qu’il faut le reconnaître, Paul avait un certain charme… Je me doutais bien que certaines femmes y succomberaient… Mais d’un autre côté j’étais tranquille, ce grand nigaud ne s’apercevait de rien. Il était dans sa musique, le reste…

CLEMENTINE - C’est vrai ce que vous dites, il ne s’en est pas aperçu…

MARTHE (passant à gauche de Clémentine) - Ca ne m’étonne pas…

CLEMENTINE - Tout de suite…

MARTHE (surprise, vers Clémentine) - Ah ?…

CLEMENTINE - Je suis confuse…

MARTHE (allant s’assoir exagérant son attitude troublée) - Non, non, je vous en prie… Après tout, c’est aujourd’hui ou jamais que je dois faire le deuil de Paul... Je serais plus en paix en connaissant tout…

CLEMENTINE - Il n’y a pas grand chose à…

MARTHE - Si, si… Il y a eu quelque chose. Pour que Paul vous remarque, il faut que quelque chose se soit passé…

CLEMENTINE (gênée) - Si peu…

MARTHE - Vous mentez mal… Allez, mais dites moi d’abord, ce qui a bien pu vous séduire chez lui ?

CLEMENTINE - Tout !… (Enthousiaste.) Ses compositions, sa façon de vivre sa passion, son enthousiasme si communicatif, avec lui il n’y avait jamais de problème, il rayonnait dans sa musique !… (Regardant Marthe.) Ce que je vous dis doit vous paraître banal… J’imagine que les mêmes choses…

MARTHE - Oh moi vous savez, je l’ai connu à ses tous débuts, aux balbutiements…

CLEMENTINE - Ca devait être passionnant de le voir…

MARTHE - Oui… Enfin, Dieu merci, il était déjà fortuné…

CLEMENTINE - Fortuné ! Paul ! ! !

MARTHE (à gauche, ton un peu hautain) - Vous ne saviez pas que Paul était né une cuillère en argent dans la bouche ?…

CLEMENTINE - Pas du tout… (Se dirigeant vers Marthe.) Il portait toujours les mêmes vêtements, les mêmes chaussures…

MARTHE - Ah ça, le côté garde-robe, ce n’était pas son truc. (À elle-même. Elle ne regarde pas Clémentine.) Plus le mien… Sacré Paul ! Il a toujours bien caché son jeu…

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CLEMENTINE - Jamais je n’aurais pu imaginer qu’il était a l’abri du besoin… Il me disait qu’il ramait comme un fou…

MARTHE - L’argent ne suffit pas toujours !… La chance et le talent…

CLEMENTINE - Mais il avait du talent…

MARTHE - Certes, certes… (Hypocrite.) C’est la chance qui le fuyait… D’ailleurs, pour mourir si jeune… Sacré Paul… Mourir jeune et riche, c’est terrible !

CLEMENTINE - Il était si riche que çà ?

MARTHE - Vous pouvez me croire… (Se dirigeant vers la droite, Clémentine reste à gauche.) Le château ne m’appartient pas… Encore…

CLEMENTINE - Mais son enterrement… C’était une cérémonie sans signe extérieur de richesse…

MARTHE (elle est à droite de la scène et fixe Clémentine. Cherchant une complicité) - Entre nous, je n’allais pas dépenser des mille et des cents pour mettre une boîte dans un trou…

CLEMENTINE (outrée) - Oh !…

MARTHE (s’apercevant qu’elle est allée trop loin) - C’est pas moi qui le dis, (Simulant une larme.) c’est Paul… Il craignait tellement la mort, qu’il me répétait toujours : « je ne veux ni fleurs ni couronne ! Hors de question de fleurir la grande dame noire ! » Il est parti si soudainement que j’ai oublié de joindre ce détail à l’annonce… Remarquez, moi ça ne me dérange pas, j’adore les fleurs…

CLEMENTINE - Puis-je me permettre de vous poser une question, sans doute indiscrète ?

MARTHE - Pourquoi pas…

CLEMENTINE - Vous l’aimiez ?

MARTHE - Quoi donc ?

CLEMENTINE - Paul !…

MARTHE - Ah Paul !… Paul, évidemment… C’est l’émotion…

CLEMENTINE - Les nerfs ?…

MARTHE - C’est ça oui… Si je l’aimais… Quel drôle de question ! Oui, enfin, oui…

CLEMENTINE - Vous ne semblez pas en être certaine ?

MARTHE (Clémentine s’approche de Marthe.) - Si, si absolument… Mais vous savez, cela faisait dix ans de vie commune. Au bout d’un certain temps, on ne se pose plus la question de savoir si on aime son conjoint… C’est un fait établi… On n’y pense plus…

CLEMENTINE - Vous l’aimiez par habitude…

MARTHE - Par nécéssi… Euh… Si vous voulez oui… (Elle se lève du côté droit de la chaise de telle sorte qu’elle tourne le dos à Clémentine.) C’était dans l’ordre des choses…

CLEMENTINE - Dix ans de mariage, c’est beau !

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MARTHE - De vie commune… J’y tiens. (Se retourne vers Clémentine.) Lui n’y tenait pas. Il voulait absolument se marier ! Chaque année, le jour de mon anniversaire, il me demandait ma main. Je la lui refusais mais je lui offrais mon corps, il ne perdait rien au change, non ? Et puis pourquoi se marier franchement ? Le mariage est un pronostic basé sur deux certitudes : le meilleur et le pire et deux hypothèses : le désir et la fidélité… Comment voulez-vous être certaine de transformer ces deux hypothèses en certitude à vingt ans, alors qu’il vous reste grosso modo cinquante ou soixante années à vivre !… Non, non !… J’aime bien jouer, mais à condition d’avoir suffisamment d’atouts, pour avoir une chance de gagner…

CLEMENTINE - Et moi qui vient de me marier…

MARTHE (s’asseyant, sur le ton de l’évidence.) Mais vous n’avez plus vingt ans…

CLEMENTINE - Non, et puis c’était un homme merveilleux…

MARTHE - Leitmotiv habituel… (Percutant.) C’était ?….

CLEMENTINE (regard dans le vide) - Oui, il vient de me quitter.

MARTHE - Non…

CLEMENTINE - Quatre jours après notre mariage.

MARTHE - Oh le salaud !

CLEMENTINE - Il n’y peut rien…

MARTHE - Ne me dites que vous lui pardonnez ?

CLEMENTINE (fixant Marthe) - Il est mort !

MARTHE - Ce n’est pas une raison… Mort ?… Oh ! Pardon…

CLEMENTINE - Je vous en prie… C’est la vie…

MARTHE - C’est une façon de voir les choses… Mais dites-moi, je peux à mon tour vous poser une question, sans doute indiscrète ?…

CLEMENTINE - Oui…

MARTHE (elle se lève, elle est proche de Clémentine, elles sont face à face) - Vous avez épousé un homme, tout en étant amoureuse de Paul ?

CLEMENTINE - Oui… Enfin, tout en étant amoureuse de Paul, je l’ai épousé.

MARTHE - Qui donc ?

CLEMENTINE - Paul…

MARTHE - Paul ?… Mon mari ?

CLEMENTINE - Non…

MARTHE (soulagée) - Ah !…

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CLEMENTINE (au fur et à mesure de cette réplique Marthe, se décompose et s’assoit, en trouvant appuie sur le dossier de la chaise) –

Vous disposez de 75% de cette saynète. D’autres coups de théâtre vous attendent.

Transition (devant le rideau)

Le technicien de « La première télé » arrive avec des câbles électriques dans les bras… Arrive l’auteur.

L’AUTEUR – Pour « la première télé » tout se passera dans la coulisse d’un plateau de télévision. (Le rideau s’ouvre. Scène dans le noir. Le décor de la saynète précédente est enlevé. Le technicien accomplit ce que dit l’auteur.) On va dire qu’il y a des câbles électriques qui trainent… Un peu partout… Voilà… J’en ajouterais bien un peu… Oh puis non…. Je verrai bien un projo… (Le technicien va en coulisse le chercher et revient.) Ca doit bien traîner près d’un plateau… Lui je vais le mettre, côté cour… Non jardin… Oui, jardin… De toute façon je n’ai su quel était le côté cour, et le côté jardin… On va le mettre à gauche… Quand on regarde la scène… Il manque quelque chose… Une chaise… Une chaise de metteur en scène, c’est pas mal… Ici, elle sera très bien… (Le technicien regarde l’auteur, ne sachant pas où la mettre. L’auteur continue son idée.) Légèrement décalée sur la droite… Pour le public… (Quittant la scène.) Il ne me reste plus qu’à y mettre les personnages…

LA PREMIERE TELE…Hugues de Rosamel

Personnages

Marthe Comédienne débutanteClémentine Animatrice débutante très sûre d’elleLe technicien

Clémentine est une jeune présentatrice de télé, qui va présenter sa première émission en « prime time ». Marthe est une jeune comique, qui va faire sa première télé, elle est intimidée par l’événement et par la personnalité de Clémentine, très tape à l’œil, sûre d’elle, etc… Marthe arrive timidement sur le plateau, elle est en salopette, et semble mal à l’aise. Elle veut s’asseoir, à se moment arrive Clémentine tout feu tout flamme, des dizaines de fiches à la main.

CLEMENTINE - Alors, ça va ?…

MARTHE - Couci-couça… J’ai le trac…

CLEMENTINE (près de Marthe) - C’est bon signe ! Tous les grands ont le trac. (Comme pour la rassurer.) Mais détends-toi un peu… Parce que les grands, eux, ils savent le gérer… Ils le transforment en énergie positive, ça les sublimes, les transcende !

MARTHE - C’est à dire que là, c’est ma première télé…

CLEMENTINE - Et alors ?… Tu n’auras que dix millions de personnes à te regarder !… Tu passes, ça passe. Tu passes pas, t’es morte !… Tu n’as pas le droit à la moindre erreur !…

MARTHE - Ca ne m’aide pas à l’évacuer ça…

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CLEMENTINE - On ne t’avait pas prévenue ?

MARTHE - Si, enfin un peu…

CLEMENTINE - Ah ben voilà !… On prévient un peu une jeune artiste qu’en trois minutes son passage peut devenir l’unique archive de sa carrière!… C’est une honte !… (Jouant celle qui est expérimentée.) Ce que je te dis, c’est pour te rendre service. Je ne veux pas précipiter ta chute. Dis-toi bien une chose : (fixant Marthe qui s’assoit comme si elle venait de recevoir un coup sur la tête.) moins haut tu montes, moins dure sera ta chute… (Négligeant Marthe.) Alors, même si l’émission est très attendue, que tous les journaux spécialisés en ont parlé, et que l’on risque de pulvériser l’audimat, il faut absolument, que tu (fixant Marthe du regard et du doigt.) dé-dra-ma-ti-ses !… (Silence, observe Marthe qui semble tétanisée, amorçant un semblant de massage sur les épaules.) Je te sens un peu tendue là…

MARTHE - Dix millions de téléspectateurs, ce n’est pas rien… (Grimaçant car le massage est rude.) Et puis toute ma famille va me regarder, alors…

CLEMENTINE (cessant le massage.) - Et alors ! Ta famille, en termes d’audimat, ça représente quoi ? Rien ! (Marthe visiblement n’apprécie cette remarque.) Tu n’as aucune raison de paniquer pour si peu !… (Elle s’emballe, Marthe reste calme.) Surtout ne panique pas ! Ne panique pas c’est inutile ! Tu ne ferais qu’aggraver ton cas ! Je sais ta situation n’est pas facile ! Mais tu es jeune, tu pourras rebondir !… Respire, vas-y, doucement… Voilà… Tu verras, tout se passera bien… Pas de stress, pas de panique, dé-dra-ma-tise, minimise l’énorme événement que tu dois affronter… (Passant derrière Marthe.) Dis-toi que dans ce super show, tu n’es qu’un ingrédient, même pas un faire-valoir !… Une goutte d’eau dans l’océan, un grain de sable dans le désert ! (S’asseyant.) Tout le gratin du show-biz est là ! Je ne sais pas si tu te rends très bien compte, c’est gigantesque, « mamouthesque » ! (Attitude relaxe.) Alors toi, là dedans, tu vas naviguer tel un vaisseau fantôme, inaperçue ! Ne t’inquiète pas. Si tu te vautres, tu ne planteras que ta carrière, pas mon émission, alors, tu peux être cool, relaxe, peinard !… Depuis le temps que l’on parle de mon arrivée sur un « prime time », tu penses bien que tout le monde aura les yeux braqués sur moi… (Court silence, puis elle donne un petit coup d’épaule à Marthe.) Même ta famille ! Alors, cool, relaxe, peinard !… Prends exemple sur moi…

MARTHE - Vous pensez vraiment que…

CLEMENTINE - Il faut que tu me tutoies…

MARTHE - Ah bon… Je ne suis pas là pour me planter non plus, tu sais.

CLEMENTINE - J’espère bien !… (Se lève.) Je préfèrerais te mettre en face du pire, puisque personne n’a eu la délicatesse de le faire !

MARTHE - Ah ça, pour être en face, je suis en face…

CLEMENTINE - Oui mais attention, euh… Comment t’appelles-tu déjà ?

MARTHE (timidement, en se levant) - Marthe…

CLEMENTINE - D’accord, mais ton nom scène ?

MARTHE - Marthe…

CLEMENTINE - Ah !…

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MARTHE (se levant.) - Quelque chose ne va pas ?

CLEMENTINE - Non, non…

MARTHE - Tu n’aimes pas ?

CLEMENTINE (milieu scène) - Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Au contraire j’aime beaucoup, ça change des noms qui ne veulent rien dire. Disons qu’il n’est pas courant, voire à contre-courant… Mais l’essentiel c’est que tu te sentes bien avec !… (Silence, elle recule tout en « déshabillant du regard » Marthe.) En revanche, ça, ce n’est pas ton costume de scène ?

MARTHE - Ben si…

CLEMENTINE - Toi, tu mets le paquet !… Ton costume à sans doute un rapport avec ta chanson.

MARTHE - Je ne chante pas… Je suis comique, je fais un sketch…

CLEMENTINE - Ah ! ! ! Tu me rassures !…

MARTHE - C’est une salopette… Un clin d’œil à Coluche.

CLEMENTINE - Coluche ?… Connais pas… C’est un ami à toi ?

MARTHE - Non, je ne l’ai pas connu…

CLEMENTINE - En fait ton accoutrement est un clin d’œil à quelqu’un que personne ne connaît… (Passe de l’autre côté de Marthe.) C’est original, mais dans ces cas là, si je peux me permettre, change de look, parce qu’à mon avis, ton inconnu si il s’habillait comme ça, il doit l’être encore !… Sauf pour sa mère… Coluche… C’est pas étonnant qu’avec un nom pareil il soit une star de l’anonymat ! Coluche !… Et pourquoi pas coqueluche !… (Elle rit bêtement de son jeu de mot.)

MARTHE - Pourtant, Coluche…

CLEMENTINE - C’est incroyable dans ce milieu, la fascination que peut avoir un artiste pour un autre !… C’est comme si moi j’étais à genoux devant Drucker ! Et encore Drucker, côté notoriété c’est autre chose que ton… Ou ta ? C’est un homme, une femme ?…

MARTHE (consternée) - Un homme… (Comme une évidence.) Mais il est mort…

CLEMENTINE - Ah !… S’il est mort, c’est différent. Il y a des notoriétés post-mortem qui sont parfois plus efficace que quarante ans de carrière.

MARTHE - Mais de son vivant…

CLEMENTINE - Ecoute Marthe, je veux bien que cette personne soit ton idole, mais s’il était si connu que ça, dans le milieu, un, je le saurais, deux, les stars le connaîtraient. (Prenant Marthe par le bras et la dirigeant vers les coulisses.) Donc, si tu n’as pas peur du ridicule, voilà ce que je vais faire… Tu les vois en coulisses, il y a Sardou, Eddy Mitchell et Hallyday… Je vais leurs demander s’ils connaissaient ton Coluche, et comme ça tu seras fixée… D’accord ?

MARTHE - Euh…

CLEMENTINE - Ah ! Tu es déjà moins sûre… Je vais leurs demander, et puis ça restera entre toi et moi… (Se dirigeant vers les coulisses.) Michel, Johnny, Eddy ?… Excusez-moi de vous déranger, j’ai une petite question à vous poser…

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Marthe reste seule sur scène, inquiète pour Clémentine…

CLEMENTINE (revient sur scène, cachant sa gêne en rigolant) - Ils sont marrants ! Ce sont vraiment de personnages ! Des stars, il n’y a pas à dire !

MARTHE - Et pour Coluche ?…

CLEMENTINE - Ah oui !… Je leurs ai dit : « Vous connaissez, Coluche !… » Les trois me répondent, quelque peu surpris : « Ben évidemment… » Et là, pour toi, (Regardant Marthe, droit dans les yeux.) je leurs ai expliqué que ton costume de scène était un clin d’œil, que dis-je, un hommage à ce grand artiste ! Et là, j’aime mieux te le dire, tu as marqué des points… Ne me remercie pas, ça m’a fait plaisir de te rendre service…

MARTHE - C’est gentil…

CLEMENTINE - C’est normal… Ils sont très sensibles à ce genre de petites choses… On ne sait jamais, si tu coules après ton passage, ils peuvent être une bouée de secours… Crois-moi, dans une carrière, on ne grimpe pas que des sommets, il faut toujours prévoir une corde de rappel… (Un technicien entre.)

LE TECHNICIEN - Clémentine, prise d’antenne dans trois minutes !

CLEMENTINE - Trois minutes ! Oh la ! Le compte à rebours est déclenché !

LE TECHNICIEN (apercevant Marthe) - C’est toi Marthe ?

MARTHE - Oui…

LE TECHNICIEN - Super ton sketch ! Super de chez super ! On était tous plié de rire sur le plateau !

CLEMENTINE - C’est ce que je n’arrête pas de lui dire ! Elle va cartonner !

LE TECHNICIEN (traversant la scène) - C’est à toi de cartonner maintenant ! (Quittant le plateau, à Marthe.) Bon, ben je te dis « merde » !…

MARTHE - C’est gentil…

CLEMENTINE (pensant que le technicien s’adressait à elle) - Merci…

MARTHE (étonnée) - Oh ! Il ne faut jamais répondre « merci » !

CLEMENTINE (perturbée) - Ben…

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RIDEAU

MAMAN AVAIT RAISON…Hugues de Rosamel

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PREMIERE EPOQUE

Personnages

Marthe Fille de ClémentineClémentine Mère de Marthe

Fond musical… Marthe et Clémentine sont assises. Clémentine lit une revue assise à la table, Marthe est assise au fond, elle lit, regarde sa mère, hésite puis arrête la musique… court silence

MARTHE (se levant) - Maman, je voudrais te parler.

CLEMENTINE (levant la tête de sa revue) - De quoi ?

MARTHE - De Pierre…

CLEMENTINE (se replongeant dans sa lecture) - Mon gendre ?

MARTHE - Oui, ton gendre… Pourquoi fais-tu toujours celle qui ne le connaît pas ?

CLEMENTINE (toujours dans sa revue) - Parce que ça fait cinq ans qu’il m’ignore !…

MARTHE (centre scène) - Il faut dire que tu ne lui as pas facilité la tâche…

CLEMENTINE - La tâche ! Quelle tâche ?… (Pose la revue.) Il t’a voulue, il t’a eu… J’ai rien fait pour, j’ai rien fait contre, je suis restée neutre !… Entre nous, je n’ai jamais vu un homme aussi tenace !… (Se levant se mettant contre la table.) A plusieurs reprises je me disais, c’est bon, il est à bout, il va craquer ! Et bien non !… Il a résisté à tout !… Il t’a eue à l’usure ; j’espérais qu’il se lasserait, mais non…

MARTHE - Pourquoi : « espérais » ?

Marthe et Clémentine sont debout au milieu de la scène.

CLEMENTINE - On ne va pas revenir dessus Marthe… (Retourne à sa place, mais ne s’assoit pas, elle saisit sa revue sur la table.) Tu le sais très bien. J’ai toujours pensé que cet homme n’était pas fait pour toi…

MARTHE - Tu l’as toujours pensé, mais tu ne m’as jamais dit pourquoi ?

CLEMENTINE (se retournant vers sa fille) - Cela aurait-il changé quoique ce soit ? Non… (Pose la revue sur la table.) Tu ne voyais que lui, ne pensais qu’à lui, n’écoutais que lui !… (Marche autour de Marthe.) Pierre par ci, Pierre par là, Pierre devant, Pierre derrière, Pierre pense que, Pierre a dit que, Pierre, Pierre, Pierre toujours Pierre !…

MARTHE (regardant sa mère qui est à sa droite) - Ne m’en fais pas le reproche maman, je suis certaine que tu étais comme ça avec papa !

CLEMENTINE (se dirigeant vers la table) - Lui, était comme ça avec moi… J’ai toujours pensé qu’il était plus doux et féminin de se faire désirer… (Marthe toussote, comme surprise des propos de sa mère.) Oui, je sais, cela n’a pas empêché ton père d’avoir quelques soucis avec la fidélité… C’était son talon d’Achille…

MARTHE - Mais papa était un grand sentimental…

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CLEMENTINE - A ce niveau là, il est plus courant de dire : « un grand coureur de jupons ! ». Plus cocue que moi, tu meurs !

MARTHE (se levant tournée vers sa mère) - Maman !

CLEMENTINE - Pardonne-moi !… Et paix à son âme… Il avait beau être volage, je ne pouvais pas m’en défaire… Et Dieu sait si il m’a fait souffrir !…

MARTHE (quitte sa place pour rejoindre sa mère.) C’est là où je t’admire maman ! (Les mains sur les épaules de sa mère.) Pierre aurait le tiers du comportement de papa, je le plaquerais en deux temps trois mesures !

CLEMENTINE (tapote la main de sa fille) - C’est ce qu’on dit, c’est ce qu’on pense, et puis il y a l’accoutumance, les convenances…

MARTHE (appuyée au dossier de la chaise de Clémentine) - Non maman ! Je ne peux pas penser un seul instant que l’on puisse aimer un homme par convenance ! Et pire par accoutumance !

CLEMENTINE (tout en fixant le public elle pose sa main sur celle de Marthe) - J’aime ton côté : «terre à terre, pragmatique aigu. » Mais quand tu auras passé, quinze ou vingt ans avec le même bonhomme, tu t’apercevras du nombre de choses étonnantes au début, devenues anodines, du nombre choses exceptionnelles devenues des détails, et du nombre de minutes devenues des heures… (Marthe va s’asseoir à côté de Clémentine.) Seulement malgré tout, tu ne pourras t’ennuyer, te fâcher, t’endormir, qu’avec lui, parce qu’il fera parti des tes habitudes, de ton quotidien. Rendu à un certain âge, on n’a plus l’envie ni la force de tout chambouler… (Regardant Marthe.) On devient accroc à son homme, devenu en quelque sorte « un homme domestique… » Tu verras ma petite fille, tu verras !…

MARTHE - C’est tout vu !… Je ne vois pas comment cela peut arriver avec Pierre !

CLEMENTINE (passant affectueusement sa main sur le dos de sa fille.) C’est tout moi au même âge… Radicale, persuadée que les choses étaient immuables !… Alors, tu voulais me parler de mon gendre préféré !…

MARTHE - N’en fait pas de trop !…

CLEMENTINE - Tant qu’il sera le seul, il sera bon gré, malgré mon gendre préféré !… (Se rapprochant Marthe.) Bon alors ?… Que se passe-t-il avec ce bon Pierre ?

MARTHE (se levant agacée, pour s’asseoir sur la droite de la table… Elle tourne le dos à sa mère) - C’est étrange cette arrogance dès que tu prononces le nom de Pierre… Remarque, dès qu’il dit « ma belle-mère », il le dit sur le même ton… Il y a des coïncidences…

CLEMENTINE - Il ne me porte dans son cœur…

MARTHE - Il n’encombre pas le tien…

CLEMENTINE - Je te l’accorde… (Feuilletant la revue.) Mais comme c’est ton mari, je fais un effort… Moi… Bon alors, que se passe-t-il ?

MARTHE - Rien…

CLEMENTINE (refermant la revue) - Comment ça, rien ?

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MARTHE - Tout va bien… Mer d’huile, ciel dégagé, aucun avis de tempête… Météo sentimentale au beau fixe…

CLEMENTINE (ironique) - C’est merveilleux !… Je vois que tu ne t’embêtes pas… (Se lève, et se penche vers Marthe.) Heureusement d’ailleurs, l’ennui est la pire des choses qui puisse arriver dans un couple… Il le ronge le mine et le défait sans prévenir ! L’ennui…

MARTHE (se retournant vers sa mère) - C’est le cancer de l’amour ! (La mère se rassoit.) Je sais maman, tu me le répètes sans arrêt… Je t’assure, tu n’as pas lieu de t’inquiéter… Mon quotidien me va très bien…

CLEMENTINE - Tant mieux… Je disais comme ça… A part ça… Pierre passe toujours le plus claire de ses journées, et le plus sombre de ses nuits, dans ses manuscrits ?

MARTHE - Plus que jamais. (Elle va vers sa mère, en passant devant la table.) Et quand il n’écrit pas, il court après les éditeurs !… Il écrit un roman qui va cartonner !… Là c’est certain, il va en décrocher un.

CLEMENTINE - Tu ne m’avais pas dit ça pour le dernier ?

MARTHE - Mais il a été édité…

CLEMENTINE - Il y a trois ans à mille exemplaires, et à date il reste neuf cents invendus, et encore, (Regardant sa fille.) si la famille et vos amis n’avaient pas fait acte de charité…

MARTHE (fixant sa mère) - Ce n’est pas gentil de dire ça… (Se dirigeant vers la gauche de la scène, vexée.) Pierre se donne beaucoup de mal…

CLEMENTINE - Mais ce sont les faits… (Elle se lève, prend la même direction que Marthe.) Et contrairement à ce que tu penses, cela ne m’amuse pas… Je le vois bien, Pierre se donne beaucoup de mal. Tu l’encourages, le soutiens, contre vents et marées, et c’est tout à ton honneur !… (Elle est derrière Marthe, le ton est maternel, tendre, elle pose ses mains sur les épaules de Marthe.) Mais lui… te regarde-t-il ? Que fait-il pour toi ?… A t’entendre, Pierre écrit, écrit, il ne fait que ça…

MARTHE (regardant sa mère) - Mais c’est sa passion, son métier…

CLEMENTINE - Sa passion, certes… D’ailleurs je t’avais prévenue, épouse sa passion, parce qu’un homme passionné ne la quittera jamais… Mais son métier… Si l’on considère qu’un métier doit permettre de vivre, permets-moi d’émettre quelques réserves… Ce qui m’intéresse avant tout, et ce qui m’inquiète aussi, (Regarde sa fille.) c’est ton bonheur !… Depuis que tu es mariée, ou tu es malheureuse, ou tu camoufles ton bonheur d’une façon très efficace !…

MARTHE (regardant sa mère) - Mais je t’assure maman, je suis heureuse.

CLEMENTINE - Je ne demande qu’à te croire… Seulement à première vue, ça ne saute pas yeux ! (Se dirigeant vers la chaise du fond.) Pierre passe ses journées à écrire, il plane à quinze mille, il semble épanouit à tes côtés, et pourtant, vous avez beau être vingt quatre heures sur vingt quatre ensemble, (Elle s’assoit.) vous me donnez l’impression de ne pas vivre ensemble…

MARTHE - Tu exagères !… (Se dirige vers sa mère.) On se voit au déjeuner, au dîner…

CLEMENTINE - Qu’il prépare de temps en temps…

MARTHE - Jamais… Il n’a pas le temps, il faut le comprendre…

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CLEMENTINE - Enfin… Il vous reste les soirées…

MARTHE (gênée, debout près de sa mère.) Ben… C’est à dire que… Je me couche tard et il se couche tôt alors…

CLEMENTINE - Vous, vous croisez tout de même ?….

MARTHE - Oui…

CLEMENTINE - Et ça vous arrive de vous emmêler ?

MARTHE - Maman !…

CLEMENTINE - Cinq ans de mariage, pas d’enfant… Je me pose des questions… Vous n’en voulez peut-être pas…

MARTHE - Bien sûr que j’en veux…

CLEMENTINE - Et Pierre ?

MARTHE - Aussi… (Retournant vers la table.) Mais il faut le comprendre, il travaille tellement… Quand il est dans ses écrits, il est totalement accaparé par son histoire, et quand elle est terminée, il déprime, il a le spleen de l’auteur… Ce n’est pas facile pour lui de quitter ses personnages… (Elle s’assoit.) Et quand il n’écrit pas, il est ravagé par l’angoisse de ne plus retrouver d’idées… C’est dans ces moments là que…

CLEMENTINE - Que vous…

MARTHE - Non… Qu’il se confie à moi.

CLEMENTINE - Et ?…

MARTHE - Et il retrouve rapidement l’inspiration, et repart heureux hiberner dans son bureau…

CLEMENTINE - Et ?…

MARTHE - Et je retourne à mes fourneaux, mon ménage, mon travail…

CLEMENTINE - Et ?…

MARTHE - Et c’est merveilleux de voir son mari, heureux, épanoui… Ca rejailli sur moi…

CLEMENTINE - On ne voit que çà…

MARTHE - C’est ce que tout le monde dit.

CLEMENTINE - Tout le monde ! Vous ne sortez jamais…

MARTHE - Je sors… Pierre et les mondanités, tu sais…

CLEMENTINE - Et qu’en pense tes amis ?

MARTHE - Que j’ai de la chance de vivre avec un artiste…

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CLEMENTINE (se lève) - C’est magnifique ! (Allant rejoindre sa fille.) Si tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, pardonne-moi de te reposer ma question : Pourquoi donc, veux-tu me parler de Pierre ?

MARTHE - Mais avons parlé de Pierre…

CLEMENTINE - C’est vrai ça ! (Face public.) Il est tellement discret que lorsque que l’on parle de lui, on ne s’en aperçoit même pas !

NOIR

DEUXIEME EPOQUE

¨Personnages

Marthe Mère de ClémentineClémentine Fille de Marthe, petite fille de Clémentine de la 1ère époque

Décor

Idem première partie mais plus contemporain.

Trente plus tard… Marthe est la mère de Clémentine. Elle est assise à sa table, elle lit une revue, arrive, par la gauche, sa fille toute excitée.

CLEMENTINE - Maman, maman, il faut que je te parle !

MARTHE - De quoi ?

CLEMENTINE - De Paul… (Près de la table.)

MARTHE - Paul ?

CLEMENTINE - L’homme de ma vie !… C’est sûr, c’est certain, c’est lui, que lui !… (Elle s’assoit à côté de sa mère.)

MARTHE (silence) - Je te rappelle que tu es fiancée à Jacques…

CLEMENTINE - J’ai rompu !

MARTHE - Je te demande pardon ?

CLEMENTINE - Je lui ai rendu la bague, rassure-toi !… Et puis j’y ai mis les formes… J’ai fait une rupture en douceur, un modèle du genre… Dans le fond je suis un peu triste, parce que Jacques est malheureux et qu’il ne le mérite pas… Mais je n’y peux rien, mon bonheur est avec Paul, sans l’ombre d’un doute !

MARTHE - Tu as une façon d’annoncer les choses…

CLEMENTINE - Il vaut mieux que tu l’apprennes par moi, que par le « qu’en dira-t-on… »

MARTHE - Certes… Il me plaisait bien Jacques…

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CLEMENTINE - Je sais… Il était tout bien comme il faut, une synthèse du gendre idéal… Mais attends un peu de voir Paul…

MARTHE (elle se lève, visiblement sous le choc) - Bon, attendons… (Appuyée contre la gauche de la table.) Mais comment je vais annoncer ça moi ?

CLEMENTINE (va près de sa mère, comme pour la rassurer) - Le plus simplement du monde… Et puis tu sais, les gens vont tous réagir de la même façon : « C’est dommage, Jacques était tellement gentil, enfin, il vaut mieux que ça arrive avant qu’après… »

MARTHE (regardant sa fille, en appui sur la table) - Mais tu es sûre de toi ?

Clémentine marche de long en large, s’arrête, reprend sa marche. Sur certains mots, elle s’appuie sur de la gestuelle. Sa mère s’est assise et la regarde, comme on regarde un acteur faire son numéro…

CLEMENTINE - Certaine !… Avec Jacques, tout était beau, lisse… Belle situation, bonne éducation, famille aisée, avenir dégagé, trois ou quatre enfants à l’horizon, femme de ménage, pavillon dans quartier chic, maison secondaire en héritage… Tout, tout bien comme il faut… banal… (Regardant sa mère.) C’était un amour mer d’huile, ciel dégagé sans avis de tempête… Un amour sincère, mais dans lequel je me serais vite ennuyée… Dans lequel je commençais déjà à m’ennuyer. Et l’amour doit être tout, sauf ennuyeux… Avec Paul, c’est Noël tous les jours… Notre plus beau cadeau c’est de savoir que l’on existe l’un pour l’autre… Il n’a de cesse de me dire : « tu existes, et ça suffit à mon bonheur… » C’est pas beau ça ?… Quand je l’ai rencontré, tu ne peux pas savoir, il a réveillé en moi des sensations, il a touché des choses, que personne avant lui, n’avait su toucher, des sentiments enfuis au plus profond de moi, dont j’ignorais même l’existence… C’est fabuleux… (Retourne vers sa mère.)

MARTHE (se levant, allant vers Clémentine, elle contient son émotion, car sa fille vit ce qu’elle aurait tant aimé vivre.) - Ca ma petite fille, ce sont les signes extérieurs du coup de foudre !… (A côté de sa fille, centre de la scène.) Et un coup de foudre par définition, c’est bref, violent et généralement ça fait des dégâts !

Vous disposez de 75% de cette saynète. D’autres coups de théâtre vous attendent.

Transition

L’AUTEUR (arrive précipitamment devant le rideau) – Mais où je les ai fourrées ?... Je les avais posées sur mon bureau, de façon à ce que personne ni touche, d’ailleurs personne ne doit y toucher… Et voilà, on y a touché ! C’est insupportable ! Chérie !... CHERIE !!!!

LA FEMME (des coulisses) – Ne crie pas comme ça ! Je ne suis pas sourde !

L’AUTEUR (à lui-même) – Ca dépend pour quoi… Tu n’aurais pas vue mes jumelles par hasard ?

LA FEMME (des coulisses) – Pas par hasard…

L’AUTEUR (à lui-même) – J’en étais sûr !

LA FEMME (des coulisses) – Elles traînaient dans les escaliers, alors je les ai rangées dans le placard de l’entrée.

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L’AUTEUR – Mais qu’est-ce qu’elles foutaient dans l’escalier ?

LA FEMME (des coulisses) – Tu les veux ?

L’AUTEUR (se dirige vers un côté de la scène) - Ben un peu que je les veux ! (Arrivé au bout de la scène, le bras de sa femme lui tend les jumelles, on ne voit que le bras.)

LA FEMME – Tiens !

L’AUTEUR – Merci… (Il prend les jumelles.) Mais qu’est-ce qu’elle veut que je fasse avec ça ? (Quittant la scène.) Chérie… Chérie ?... C’est pas possible, elle est sourde…. Quand je parlais des jumelles, je parlais... Chérie ?...

FLEURS OU ALLUMETTES ?Hugues de Rosamel

-Cette saynète doit être interprétée ou par deux jumelles, ou par deux comédiennes au physique très proche. Elles sont vêtues de la même façon.-

Personnages

Marthe et Clémentine Sœurs jumellesPaul Le petit ami de Clémentine

Le début de la saynète se passe devant le rideau, tiré… Clémentine est à l’extrême gauche de la scène, elle semble inquiète. Elle compose un numéro de téléphone sur son portable. Un téléphone sonne, apparaît Marthe à droite la scène, elle est habillée de la même façon que Clémentine… Elle décroche… Les deux sont face au public.

MARTHE - Allô ?…

CLEMENTINE - C’est Clémentine…

MARTHE - Ah !… Ca va ?…

CLEMENTINE - Non, j’arrive !… (Elle raccroche et disparaît derrière le rideau)

MARTHE (à elle-même) - Encore une déception amoureuse à consoler… Il fait sombre chez moi… (Elle quitte la scène par la droite, à ce moment le rideau se lève. Elle réapparaît.) C’est mieux comme ça… (Elle quitte la scène par la droite, la scène se compose d’une table à droite, avec deux chaises, un pouf disposé au fond. Arrive Clémentine à gauche.)

CLEMENTINE - Marthe ?… (N’obtenant pas de réponse, elle sort par où est sortie Marthe, qui elle arrive par le fond de la scène.)

MARTHE - C’est toi Clémentine ?… (Se dirigeant vers la même sortie que Clémentine.) Je n’ai pourtant pas rêvé… (Elle quitte la scène, arrive Clémentine, par où est arrivé Marthe.)

CLEMENTINE - Marthe, c’est toi ?… (Se dirigeant vers la même sortie que Marthe.) Je n’ai pourtant pas rêvé !… (A ce moment arrive en face Marthe, si bien qu’elles se retrouvent nez à nez.)

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MARTHE ET CLEMENTINE - Ah, te voilà !… Mais où étais-tu… (Marthe se tait, Clémentine continue.)

CLEMENTINE - Passée ?…

MARTHE - J’allais te le demander…

CLEMENTINE - Marthe, c’est horrible !...

MARTHE - Oh !… Toi, tu es amoureuse…

CLEMENTINE (tombant dans les bras de sa sœur) - Oui mais là c’est le bon !

MARTHE - L’avant dernier, c’était déjà le bon !

CLEMENTINE (se redressant, elles sont l’une face à l’autre assez proche.) Ah oui ?… Enfin, peu importe, celui-ci ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est l’homme de ma vie ! Je vais le présenter aux parents.

MARTHE - Oh la !… Ménage-les un peu… Le dernier que tu leur as présenté c’était Alain…

CLEMENTINE - Alain ! Mais Alain, ça fait au moins…

MARTHE (montrant 3 doigts à sa sœur) - Trois semaines !…

CLEMENTINE - Tant que ça !… Mon Dieu que le temps passe vite !… (Face public, l’air rêveuse) Quoique, avec Paulo, contente de faire la confidence qui suit.) Oui parce qu’il s’appelle Paul, alors je le surnomme Paulo… Il aime bien, c’est chou, non ?

MARTHE - Très…

CLEMENTINE - Avec Paulo, j’ai l’impression qu’il est suspendu… Tu ne peux pas savoir comme il est…

MARTHE (face public) - Beau, intelligent, fidèle, prévenant…

CLEMENTINE (tournant la tête vers Marthe) - Tu le connais ?

MARTHE (tournant la tête vers Clémentine) - Non, mais aucune femme ne trouve son amour, laid, bête et volage… (Face public.) Ce n’est qu’à l’usure que ça se découvre…

CLEMENTINE (avec un grand sourire, face public) - Lui, il va résister au temps…

MARTHE (silence, elle observe sa sœur, allant s’asseoir sur le bord de la table.) - Il sait quel métier tu fais ?

CLEMENTINE - Je lui ai dit…

MARTHE - Et il ne s’est pas enfuit ?

CLEMENTINE - Même pas !… Les menottes, ça lui à même donné de ces idées !… Non, cet homme là, c’est ma moitié parfaite : « tout bien comme il faut proportionné !… »

MARTHE - Tu l’exposes quand, que je découvre cette merveille ?

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CLEMENTINE - Bientôt… J’ai hâte d’avoir ton avis… (Retombant dans son angoisse, et les bras de sa sœur, les larmes aux yeux.) Oh, c’est horrible !…

MARTHE - Qu’est-ce qu’il y a de si horrible ?…

CLEMENTINE - Tu ne peux pas savoir…

MARTHE - Ben j’aimerais bien justement…

CLEMENTINE - Il est parti m’acheter des fleurs…

MARTHE (très étonnée) - Il est parti t’acheter des fleurs ?

CLEMENTINE (fondant en larmes dans les bras de Marthe) - Et il n’est pas revenu !…

MARTHE - Allons, allons… Ce n’est pas parce qu’il n’est pas revenu, qu’il ne va pas revenir…

CLEMENTINE - Ca va faire trois heures, tout de même…

MARTHE - Trois heures pour un bouquet, ça commence à compter…

CLEMENTINE - La malédiction de tante Elisabeth m’est tombée dessus !…

MARTHE - Mais non… Faut pas dire ça… Tante Elisabeth, ça fait cinquante ans qu’elle attend son fiancé…

CLEMENTINE - Avant d’arriver à cinquante ans, elle a bien dû commencer par les trois premières heures !…

MARTHE - Evidemment… Mais lui, c’était des allumettes qu’il était parti chercher, pas des fleurs… Assieds-toi, ça ira mieux… (Elle l’aide à s’asseoir, une fois assise elle s’affale.) Il doit prendre son temps. Tu vas voir, il va revenir avec un magnifique bouquet !…

CLEMENTINE - En plus je ne comprends pas, il a oublié son chéquier !

MARTHE (soulagée) - Ah !… Tu n’as rien à craindre !… Tu le reverras ton homme…

CLEMENTINE (se redressant) - Tu crois ?

MARTHE - Non seulement je le crois, mais j’en suis sûre ! Un homme sans argent perd la moitié de sa personnalité !… (S’asseyant à côté de Clémentine.) Aller, parle-moi de lui… Ca le fera revenir plus vite… (On frappe… Court silence.) C’est lui ?…

CLEMENTINE - Je te signale que j’habite au-dessus de chez toi, et que si je suis chez toi…

MARTHE - T’es pas chez toi…

PAUL - Mamours ?…

MARTHE - C’est quoi ça ?

CLEMENTINE (excitée, se levant) - C’est lui !

MARTHE - Mamours !…

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CLEMENTINE - C’est chou, non ? (A Paul s’approchant de la porte.) J’arrive mon Paulo !…

MARTHE - Très chou… Mais pourquoi il frappe chez moi ?

CLEMENTINE (revenant vers sa sœur, toujours excitée) - Parce qu’il s’est trompé d’étage… Je lui ai fait tourner la tête…

PAUL - Mamours !… Tu viens m’ouvrir… Je n’ai pas encore la clef de ton paradis…

MARTHE - C’est une vedette lui !…

CLEMENTINE - Oui, oui j’arrive !… (A Marthe) Pourquoi tu dis ça ?

MARTHE - Parce que… Il met trois heures pour acheter un bouquet, il se trompe d’étage… Et si j’allais lui ouvrir ?… Je suis sûre qu’il ne fera pas la différence !

CLEMENTINE - Alors là, je prends les paris !… Il me reconnaîtrait entre mille… Et puis après la nuit qu’on a passée !…

MARTHE - Méfie-toi, les hommes ont la mémoire courte…

CLEMENTINE - Pas lui… Pas après… Non, c’est pas possible !

MARTHE - Pari tenu ?

CLEMENTINE - Tenu !… Je vais dans ta cuisine… (Quittant la scène.) Mais attention, j’écoute tout…

MARTHE - T’inquiète pas… J’arrive Pau… Mon Paulo !… (Elle ouvre la porte.)

PAUL (tenant à bout de bras deux marguerites) - C’est pour toi !…

MARTHE - Ah !… Elles sont superbes !… (Regardant les fleurs, puis elle voit la tête de Paul, visiblement déçue par son physique, il porte de lunettes rondes à triple épaisseurs, et semble parfaitement ahuri, elle fait un pas en arrière.) Ah !…

PAUL - J’espère qu’elles te plaisent ? (Il s’approche très près de Marthe, qui surprise se dérobe en prenant le bouquet des mains de Paul.)

MARTHE - Beaucoup… (Posant les fleurs sur la table.) Mais j’étais inquiète, ça fait plus trois heures que tu es parti…

PAUL (s’approchant de Marthe) - J’avais oublié mon chéquier, alors j’ai voulu payer en carte, mais je ne me souvenais plus de mon code, (Tout contre elle.) j’ suis bête hein ?

MARTHE (ne sachant pas trop quoi faire) - Oui…Euh non !… Ca peut arriver à tout le monde…

PAUL - C’est ce que m’a dit la fleuriste… (La prenant dans ses bras, Marthe se raidit, semble dégoûtée.) Et puis en mettant la main dans ma poche j’ai trouvé deux euros, alors j’ai acheté pour deux euros de fleurs ! Je ne voulais pas revenir les mains vides, d’ailleurs j’ai cru que je n’allais pas revenir, je n’arrivais pas à retrouver la rue… J’suis bête hein !

MARTHE - Mais non, mais non… Un peu tête en l’air, c’est tout…

PAUL - Tu ne m’embrasses pas, mamours ?…

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MARTHE - Je ne l’ai pas déjà fait ?

PAUL - Non…

MARTHE - Comment ai-je pu ?… (Elle se retourne vers les fleurs, respire un grand coup puis se retourne vers Paul, et va lui claquer un baiser éclair sur le front et s’échappe de bras de Paul, qui en déséquilibre tombe sur la table.)

PAUL (surpris, se redressant) - Je peux en avoir un autre ? Parce que celui-là, je ne l’ai pas vu passer !

MARTHE (à l’autre bout de la scène) - Tu es gourmant !

PAUL - C’est que tu m’as mis en appétit…

MARTHE - Laisse-moi au moins mettre tes fleurs dans un vase… Va m’attendre dans ma chambre, j’arrive !

PAUL (voulant la serrer dans ses bras) - Oh toi ! ! ! (Mais elle s’échappe. A lui-même.) Encore raté !… (S’approchant de Marthe qui est prêt de la table.) Oh toi…

MARTHE (contre la table) - Paul ! Euh, mon Paulo, je vais abîmer tes fleurs ! Ce serait dommage… (Moitié autoritaire, moitié moqueuse.) Va coucher, j’arrive !…

PAUL - Bien maîtresse !… (Il s’en va en trottinant vers la chambre. S’arrête.) Tu pourras me mettre les menottes ?…

MARTHE - Si t’es bien sage… (Seule.) Je ne le crois pas !… Je veux bien croire que l’amour rend aveugle, mais tout de même, il y a des limites ! Comment a-t-elle pu ?

CLEMENTINE (arrive l’air abattu) - Comment a-t-il pu ?… Il me disait que j’étais la femme de sa vie, celle conçue pour vivre avec lui, celle qu’il avait toujours espérée, la seule, l’unique…

MARTHE - On se ressemble beaucoup tout de même…

CLEMENTINE - Sauf que j’ai un grain de beauté là… Et pas toi… (Elle tombe dans le bras de sa sœur.)

MARTHE - Effectivement…

CLEMENTINE (désemparée) - Alors, il m’aurait menti ?

MARTHE - Pas forcément…

CLEMENTINE (se ressaisissant) - Je veux en avoir le cœur net ! Je ne veux pas m’engager pour la vie avec un menteur…

MARTHE - Si tu raisonnes comme ça, tu ne t’engageras jamais pour la vie…

CLEMENTINE - Enfin ! Un homme qui ne ment pas, ça doit bien exister !… (Devant la moue dubitative de Marthe.) Même pas un ? Tout petit, minuscule ? Je ne lui demande pas d’être beau et intelligent… Si il est moche et bête, mais honnête je prends… Au moins pour tester…

MARTHE - Ah !… Dans ces conditions, il mériterait un second essai…

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CLEMENTINE (contente) - Ah ! On lui fait le test des gémeaux… D’accord ?

MARTHE - Si tu veux… (A elle-même.) C’est pas gagné !

PAUL (de la chambre) - Mamours ?…

MARTHE ET CLEMENTINE - Oui !...

MARTHE - Oh, pardon !…

PAUL - Ben, qu’est-ce que tu fais ?

CLEMENTINE - Viens mon Paulo, j’ai un truc marrant à te montrer…

PAUL - Marrant ou cochon ?

CLEMENTINE - Marrant…

PAUL - J’arrive…

MARTHE (Clémentine fait signe à Marthe d’aller le chercher, elle acquiesce) - Ferme les yeux… (Elle le prend par la main l’amène face au public, il tourne le dos aux sœurs.)

PAUL - Oh… Si je dois fermer les yeux, c’est que ça doit être cochon…

MARTHE - Mais non, mais non… (Se mettant devant Clémentine de façon à la cacher.) Deux secondes… Voilà, tu peux te retourner… (Paul se retourne.) Ben ouvre les yeux !…

Vous disposez de 75% de cette saynète. D’autres coups de théâtre vous attendent.

RIDEAU

EPILOGUEHugues de Rosamel

Personnages

L’AUTEURLA FEMME Femme de l’auteurCLEMENTINE Le personnage

Rideau se lève, on retrouve l’auteur assis à son bureau. Il vient de terminer les saynètes. Il semble plutôt content…

L’AUTEUR - Voilà une bonne chose de faîtes ! Marthe et Clémentine ! J’aurai passé de bons moments avec elles… (Se levant en baillant.) Je vais aller me coucher, elles m’ont épuisé !… (Il va voir ce que fait sa femme.) Toujours devant son film… je ne vais pas l’attendre… (Il enlève sa chemise, puis commence à enlever les pressions de son jean… A ce moment arrive de la droite

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Clémentine, en la voyant débouler il reste scotché sur place, tentant maladroitement de refermer son pantalon… Elle s’arrête à gauche de Pierre.)

CLEMENTINE - Bonsoir !…

L’AUTEUR - Bonsoir… Mais qu’est-ce que tu fais là ?

CLEMENTINE - Comme t’as fini d’écrire mais que je te trotte encore dans la tête, autant que je vienne… Et puis j’en avais marre de rester coincer dans ton manuscrit…

L’AUTEUR (tombant des nues) - Ah bon… Et Marthe ?

CLEMENTINE - Je ne sais pas, (Se dirigeant vers le bureau.) Je vais voir. (Elle ouvre le cahier.) Elle est toujours là… (Elle le referme.)

L’AUTEUR - Elle va trouver le temps long… Seule… (Tout en essayant de boucler son pantalon.)

CLEMENTINE - C’est une solitaire… T’es bien placé pour le savoir… (Voyant l’auteur en peine avec son pantalon.) Tu veux un coup de main ?

L’AUTEUR - Non merci !… Je devrais y arriver…

LA FEMME (arrivant de la gauche, dans le dos de Clémentine.) - Tu allais te coucher ?

L’AUTEUR - La voilà !

LA FEMME (qui ne voit pas Clémentine) - Qui ça ?…

L’AUTEUR - Euh… Non rien… (Cherchant à cacher Clémentine discrètement.) Il était bien ton film ?…

LA FEMME - Très sympa… Une histoire d’amour à faire pleurer comme je les aime !…

CLEMENTINE - Ne me met jamais dans une histoire d’amour, j’ai horreur de ça !

L’AUTEUR (se tournant vers Clémentine) - Chut !

LA FEMME - Tu dis ?…

L’AUTEUR - J’ai terminé les saynètes…

LA FEMME - Ah super ! Je vais pouvoir les lire… (Elle se dirige vers le bureau pour prendre le cahier, Pierre se précipite pour l’en empêcher.) Ben qu’est-ce qu’il y a ? Tu ne veux pas que je les lise ?

L’AUTEUR - Mais si…. Mais il y a un personnage qui s’est fait la malle… Enfin… J’ai des corrections à apporter…

LA FEMME - Ah bon… (Se dirige vers la gauche.)

CLEMENTINE - T’as eu chaud… (Devant l’inquiétude de Pierre, suivant Marthe.) Et puis arrête de flipper comme ça !… (Derrière Marthe qui s’est arrêtée, pensive, face public, passant les mains devant le visage de Marthe.) Elle ne me voit pas et ne m’entend pas… Je suis ton personnage… (Elle se déplace pour aller derrière l’auteur.) A toi… Rien qu’à toi…

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LA FEMME - Tu penses les avoir terminées quand ?

CLEMENTINE (l’auteur sourit un peu attendri en regardant sa femme qui lui rend son sourire) - Tu vois…

L’AUTEUR (regardant sa femme) - C’est vrai…

LA FEMME (en souriant, surprise de la réplique de l’auteur) - Qu’est-ce qu’est vrai ?

L’AUTEUR (un peu décontenancé) - Euh…

LA FEMME - Marthe et Clémentine ont dû te porter sur le système… (Se dirigeant vers sa chambre.) Tu devrais aller te reposer…

CLEMENTINE (derrière l’auteur, joignant le geste à la parole) - Tu dois être bon à peloter toi !

L’AUTEUR - C’est vrai… (Réalisant.) Ca va pas non !…

LA FEMME (se retournant vers l’auteur) - Qu’est-ce qu’il se passe ?

L’AUTEUR - Rien, rien je pensais à une scène…

LA FEMME (voyant son mari débraillé) - Dans laquelle tu te déshabilles ?

L’AUTEUR - Non, non… (Remettant sa chemise.) Ca me pelotait, euh, ça me grattait…Il faut que je te la raconte…

LA FEMME - Quoi ?

L’AUTEUR - Ben ma scène…

LA FEMME - Tout de suite ?

CLEMENTINE - Je la connais ?

L’AUTEUR - Non… (Devant la réaction étonnée de sa femme.) Enfin oui…

LA FEMME - Bon, je t’écoute…

CLEMENTINE - Moi aussi (La femme et Clémentine s’assoient sur le bureau.) Alors ?

LA FEMME (faisant tomber les signes extérieurs de la femme) - Alors ?…

L’AUTEUR (regardant les deux d’un air circonspect) - Ca vient, ça vient… (Milieu scène, dos au public.) Alors voilà… Le public serait là… (Désignant le fond de scène.)

LA FEMME - Ah bon ? Je l’aurais imaginé de l’autre côté…

CLEMENTINE - Elle a raison…

L’AUTEUR - Peut-être, mais c’est moi l’auteur, et je mets le public où je veux !…

LA FEMME - Bon, bon !…

CLEMENTINE - Bon, bon !

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LA FEMME - Monsieur fait comme monsieur…

CLEMENTINE - Caprice de mégalo !…

L’AUTEUR - Je peux y aller là ?

LA FEMME ET CLEMENTINE (venant de chaque côté de l’auteur, Clémentine à droite, sa femme à gauche.) - Oui, oui…

L’AUTEUR - Tout de même !…

LA FEMME - Tu sais que t’as beau profil droit !

CLEMENTINE - Sans blague ! (Allant voir en passant dans le dos de l’auteur.) Faut que j’aille voir ça !…

LA FEMME (en passant devant l’auteur) - Il faut que j’aille vérifier le gauche.

CLEMENTINE (à la femme) - Le droit n’est pas mal !…

LA FEMME - Il est pas mal !

L’AUTEUR - Je…

CLEMENTINE - Et de face ?

LA FEMME (les deux se déplacent face à l’auteur) - Normalement deux bons profils donnent une bonne face… (Le regardant elles font toutes les deux une grimace.)

CLEMENTINE (allant à gauche et la femme à droite) - Je vais garder tes profils en souvenir…

LA FEMME - Désolé mon chéri, mais tu es mieux de profil que de face…

CLEMENTINE (à la femme) – C’est une exception…

LA FEMME (à Clémentine) – Mon mari est un être d’exception !

CLEMENTINE – Il ne faut pas trop lui dire…

LA FEMME – Vous avez raison. Il faut ménager son égo…

L’AUTEUR (vers sa femme) - Mais c’est fini oui !… (Puis vers Clémentine.) Heureusement que tu m’avais dit qu’elle ne te voyait pas…

CLEMENTINE - Quand elle jouait ta femme !…

LA FEMME – J’ai laissé le rôle de ta femme pour n’être qu’un personnage, comme tu l’as écrit…Tu nous suis ?

L’AUTEUR - Je suis un peu paumé là…

LA FEMME - Et ben voilà ! L’auteur est perdu au milieu de ses personnages !

L’AUTEUR - Vous ne seriez pas entrain de jouer avec moi ?…

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CLEMENTINE - Mais parce que tu es aussi un personnage !

L’AUTEUR – Ce n’est pas possible, je suis l’auteur !

CLEMENTINE – Le personnage de l’auteur…

LA FEMME – Puisque tu es sur scène avec nous.

L’AUTEUR – Vous vous moquez-vous de moi !…

LA FEMME (ironique) - On ne se permettrait pas…

CLEMENTINE - Quoique…

LA FEMME - Fais pas la tête !

CLEMENTINE – Auteur ou personnage, tu resteras toujours…

LA FEMME ET CLEMENTINE - Notre scribouillard préféré !

Les autres personnages entrent sur scène, chacun leur tour en disant cette même dernière réplique.

RIDEAU

L’intégralité du texte est disponible auprès des éditions RIRE et THEATRE diffusion.

http://diffusion.riretheatre.com

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