Marguerite et Faust, un amour tragique in fine

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Marguerite et Faust, un amour tragique in fine Musée Sainte-Croix, Poitiers 25 octobre 2016 -26 février 2017 À l’occasion des Rencontres Michel Foucault In fine, le dernier jour des vivants (organisées par le Théâtre-auditorium de Poitiers et l’Université de Poitiers), le Musée Sainte-Croix propose une présentation du Faust de Goethe autour du personnage de Marguerite. Des œuvres des musées de Poitiers, Orléans et Cognac, et de la Galerie de la Nouvelle Athènes (Paris) sont exposées dans une scénographie théâtralisée. (…) Moi *Faust+ l’ennemi de Dieu, je n’ai pas eu de repos que je n’aie brisé son cœur, que je n’aie fait tomber en ruine sa pauvre destinée. Ainsi donc la paix doit lui être ravie pour toujours. Il faut qu’elle soit la victime de l’enfer. Eh bien ! Démon, abrège mon angoisse, fais arriver ce qui doit arriver. Que le sort de cette infortunée s’accomplisse, et précipite-moi du moins avec elle dans l’abîme. ( Goethe, Faust (1808 - 1832) traduction de Mme de Staël)

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Marguerite et Faust, un amour tragique in fine

Musée Sainte-Croix, Poitiers 25 octobre 2016 -26 février 2017

À l’occasion des Rencontres Michel Foucault In fine, le dernier jour des vivants (organisées par le Théâtre-auditorium de Poitiers et l’Université de Poitiers), le Musée Sainte-Croix propose une présentation du Faust de Goethe autour du personnage de Marguerite. Des œuvres des musées de Poitiers, Orléans et Cognac, et de la Galerie de la Nouvelle Athènes (Paris) sont exposées dans une scénographie théâtralisée.

(…) Moi *Faust+ l’ennemi de Dieu, je n’ai pas eu de repos que je n’aie brisé son cœur, que je n’aie fait tomber en ruine sa pauvre destinée. Ainsi donc la paix doit lui être ravie pour toujours. Il faut qu’elle soit la victime de l’enfer. Eh bien ! Démon, abrège mon angoisse, fais arriver ce qui doit arriver. Que le sort de cette infortunée s’accomplisse, et précipite-moi du moins avec elle dans l’abîme.

( Goethe, Faust (1808 - 1832) traduction de Mme de Staël)

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L’histoire de Faust Souvent perçu comme le héros d’un conte populaire, Faust pourrait être à l’origine un homme qui vécut en Allemagne au 15e siècle. Plusieurs villes se disputent l’honneur de lui avoir donné naissance et conservent des objets que son souvenir rend précieux : Francfort, le premier livre imprimé de l’auteur : Mayence, sa première presse, Wittemberg, ses deux résidences… L’histoire de Faust, populaire tant en Angleterre qu’en Allemagne, a inspiré un grand nombre d’auteurs à diverses époques. Les plus connues demeurent celles du poète anglais Marlowe, joué en 1589, et celle de Goethe. Faust de Goethe (Frankfort, All, 1749 – Weimar, All, 1832) Goethe rédigea entre 1773 et 1775 un premier texte souvent appelé Urfaust (Faust primordial). En 1790, est publié un texte intitulé Faust, un fragment.

FAUST I (1808)

Le docteur Faust, présenté par l’auteur comme l’incarnation du génie humain, n’ayant plus rien à apprendre ni à voir sur terre, n’aspire plus qu’à la connaissance du surnaturel. Se souvenant que Dieu a interdit le suicide, il se résigne à vivre, triste et pensif. C’est dans cet état d’âme que le diable, Méphistophélès, choisit de le tenter et lui offre, sous forme d’un pari, toutes les ressources surnaturelles imaginables pour la jouissance d’une vie matérielle. Méphistophélès commence par rajeunir les traits du docteur au moyen d’un filtre préparé par une sorcière, le rendant séduisant aux yeux de la première femme rencontrée. Celle-ci se nomme Marguerite (Gretchen chez Goethe). Elle incarne la pureté et l’innocence. Faust, amoureux, engage son complice à l’aider à séduire la belle, en lui offrant des bijoux, et en détournant l’attention de la mère de la jeune femme. Marguerite succombe au charme de docteur et porte en elle le fruit de ces amours illégitimes. Valentin, le frère de Marguerite découvre Faust sortant de la chambre de sa sœur et le provoque en duel. Faust tue Valentin. La mère de Marguerite meurt de chagrin. Sombrant dans le désespoir et la folie, Marguerite tue son enfant. Méphistophélès enlève son compagnon et le transporte au sein d’une nuit fantastique de sabbat afin de lui faire oublier le danger que court sa maitresse. Mais Faust, hanté par le souvenir de Marguerite, oblige le démon à venir avec lui au secours de la jeune femme condamnée et enfermée dans une prison. Celle-ci repousse son amant et refuse le secours de l’Enfer. Voulant expier son crime, elle implore l’assistance de Dieu qui la sauve, laissant Faust quitter la prison en compagnie de Méphistophélès.

FAUST II (1832)

Publiée à titre posthume, Faust II, est la suite du premier ouvrage. C'est toutefois une œuvre entièrement différente, par le ton adopté, par les thèmes abordés, mêlant au récit des personnages issus de la mythologie gréco-romaine. Faust, appelé, ainsi que Méphistophélès, à la cour de l'empereur se voit confier un certain nombre de tâches à accomplir. Au moment de mourir, Faust retrouve Marguerite qui, rachetant son âme, l'arrache des mains de Méphistophélès, et le sauve.

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Les personnages : Marguerite, Faust et Méphistophélès

Ary Schiffer (1795, Dordrecht, Hollande - 1858, Argenteuil) Marguerite au rouet, c. 1831 Huile sur panneau Galerie de la Nouvelle Athènes, Paris

© Galerie de la Nouvelle Athènes, Paris

Faust, c. 1831 Huile sur panneau

Galerie de la Nouvelle Athènes, PariLe jeune peintre d’origine hollandaise s’impose à Paris comme une des figures de la vague romantique qui culmine au Salon de 1827. Professeur de dessin des enfants du futur roi Louis-Philippe à partir de 1822, il occupe une place prépondérante dans le monde des arts, tant pour ses peinture d’Histoire que pour ses portraits. Scheffer s’inspire des textes les plus célèbres de l’époque dont Faust de Goethe, choisissant dans le récit une série des sujets qui jouissent alors d’une vogue extraordinaire. Le docteur Faust conclut avec amertume que la connaissance ne lui a rien apporté, tandis que derrière lui, Méphistophélès, espionne sa future victime. Marguerite, quant à elle, est ici représentée délaissant son rouet, un livre de prières ouvert devant elle. Les personnages ignorent encore le drame qui va sceller leur destin.

© Galerie de la Nouvelle Athènes, Paris

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Eugène DELACROIX (1798, Charenton-Saint-Maurice – 1863, Paris) Faust dans son cabinet, c. 1827-1828 Encre sur papier Provenance : Collection particulière, Paris

© Galerie de la Nouvelle Athènes, Paris

Remarqué au Salon en 1824, il produit dans les années suivantes des œuvres s'inspirant d'anecdotes historiques, littéraires, d'évènements contemporains, ou témoignant de ses voyages au Maghreb. À quarante ans, sa réputation est suffisamment établie pour recevoir d'importantes commandes de l'État. Delacroix demeure comme le principal représentant du romantisme dans la peinture française du 19e siècle. En 1827, Charles Motte, éditeur rue des Marais, décide de publier une version française de Faust, la pièce de Goethe, illustrée d’une suite de dix-sept lithographies réalisées entre 1827 et 1828 par Delacroix. Depuis Weimar, dans une lettre adressée à son ami Johann Peter Eckermann, Goethe se dit enthousiasmé par le travail du peintre et estime qu’il a bien su retraduire les scènes qu’il avait imaginées.

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Le sortilège

Méphistophélès mène Faust dans l’antre d’une sorcière afin de lui faire boire un

filtre magique, promesse de jouvence. Face aux réticences de Faust, le diable lui rappelle,

non sans ironie, qu’il peut aussi trouver une vie saine et simple dans le labeur. Faust lui

préfère la vie facile et sans contrainte qu’offre le breuvage surnaturel.

Faust Tout cet étrange appareil de sorcellerie me répugne ; quelles jouissances peux-tu me promettre au sein de cet amas d’extravagance ? Quels conseils attendre d’une vieille femme ? Et y a-t-il dans cette cuisine quelque breuvage qui puisse m’ôter trente ans de dessus le corps ? (…) Méphistophélès Mon ami, tu parles encore avec sagesse. Il y a bien, pour se rajeunir, un moyen tout naturel, mais il se trouve dans un autre livre, et c’en est un singulier chapitre.

Faust Je veux le connaitre !

Méphistophélès C’est un moyen qui ne demande argent, médecine, ni sortilège ; rends-toi tout de suite dans un champ, mets-toi à bécher et à creuser, resserre ta pensée dans un cercle étroit, contente-toi d’une nourriture simple : vis comme une bête avec les bêtes, et ne dédaigne pas de fumer toi-même ton patrimoine ; c’est, crois-moi, le meilleur moyen de te rajeunir de quatre-vingts ans.

Faust Je n’en ai point l’habitude, et je ne saurais m’accoutumer à prendre en main la bêche. Une vie étroite n’est pas ce qui me convient. Méphistophélès Il faut donc que la sorcière s’en mêle.

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Attribué à David de Teniers II, dit le Jeune (Anvers, 1610 - Bruxelles, 1690) Scène de Sabbat / Départ pour le Sabbat, 2nd moitié du 17e siècle Huile sur toile - 892.1.38

© Musées de Poitiers, Ch. Vignaud

David Teniers II fut, dès ses débuts, un peintre très productif grâce, notamment à ses contacts avec le commerce d'art anversois. Ses scènes d'auberge, dans la tradition de la peinture de genre flamande, le rendent rapidement célèbre. Plus tard, son regard devint moins satirique, sa palette s'éclaircit pour des scènes idylliques de la campagne des Flandres. Dans un foisonnement de détails caractéristiques de l’artiste, cette scène rappelle l’antre des sorcières dans laquelle évoluent nombre de monstres improbables, et où Faust aurait pu absorber un filtre magique le rendant jeune et beau.

Le sabbat Le terme sabbat (shabbat en hébreu) est le nom du septième jour de la semaine, le samedi qui désigne le jour de la cessation du travail, du repos, de la prière et de l’étude de la Tora dans la religion juive. Il désigne également une assemblée nocturne de sorciers et sorcières, tenue dans un lieu désert souvent élevé, dans laquelle le culte rendu au diable, les danses et les orgies rappellent ceux de l'antiquité païenne (dérivation injurieuse du sens de sabbat, par l'opinion populaire qui, condamnant les Juifs, assimila leur fête à une réunion de sorciers). Par extension le terme désigne une agitation désordonnée et bruyante, un vacarme.

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La sorcellerie Si pratique et répression de la magie ont toujours existé, elles sont très souvent associées aux périodes troublées. La notion d’hérésie prend une ampleur vers le 11e siècle durant la première croisade. En 1184, le concile de Vérone excommunie les hérétiques, et celui de Gérone, en 1197, les condamne au bûcher. Cette répression ardue donnera naissance en 1231 à l’Inquisition, confiée aux dominicains. C’est en 1326 que la Bulle papale de Jean XXII, Super illius Secula, associe hérésie et sorcellerie. Le contexte du 14e siècle contribue au développement de la magie et de la sorcellerie : épidémies (peste de 1348), famines, guerres (guerre de Cent ans), rivalités politiques, décadence de l’Église romaine contre laquelle s’érigera Luther. Ce contexte exacerbe la peur du diable tandis que parallèlement on assiste à une dévalorisation de la femme. Parmi les victimes de cette chasse meurtrière figuraient en bonne place les cathares, les vaudois, les templiers, les juifs, les lépreux, gênants pour l’autorité royale et parfois pourvus d’un patrimoine enviable. Au 15e siècle apparait le Malleus Maleficarum (Le Marteau des sorcières), un traité écrit par deux dominicains, faisant autorité et qui présente des arguments théologiques et juridiques contre la sorcellerie, et fournit des directives pour repérer et éliminer les sorcières. Aux 16e et 17e siècles s’intensifient les buchers purificateurs. La hantise du diable s’exacerbe aussi bien chez les catholiques que chez les protestants, masquant, sous couvert de luttes religieuses, des luttes sociales et politiques. En 1540, Ignace de Loyola fonde la Compagnie de Jésus. Les jésuites poursuivent l’œuvre des dominicains. Dix ans plus tard, de nouvelles lois s’imposent influencées par le discours des démonologues. Les bûchers s’éteignent peu à peu à la fin du 17e siècle mais c’est surtout le siècle des Lumières qui y met progressivement et définitivement un terme. Le diable et la sorcière Le diable n’est pas tout le christianisme, comme l’a dit Voltaire, mais il en est parti intégrante, puisque deux dogmes fondamentaux lui sont liés : dogme du péché originel, et, par voie de conséquence, dogme de la rédemption. Si le Moyen Âge a accordé une place prépondérante au diable, celui-ci revêt un caractère plutôt débonnaire, voire bouffon. Il est celui qui espère encore se racheter, et se laisse facilement berner. C’est à partir du 13e siècle que se produit en Occident la « première explosion diabolique » dira Jacques Le Goff, mais la grande peur viendra surtout au 14e siècle. Son image se précise : séducteur, persécuteur, tentateur, il effraie. Reflet de toutes les peurs, de tous les phantasmes, il devient la cause de tous les maux et sera associé à la femme, elle-même liée au péché originel. Elle va devenir la sorcière inquiétante, dangereuse, maléfique, tandis qu’autour d’elle se constituera un véritable culte du diable que le Malleus (un traité pour lutter contre la sorcellerie écrit par des dominicains), achèvera de corroborer, ouvrant ainsi la porte aux grands bûchers des 16e et 17e siècles. (J. Delumeau, La Peur en Occident, Fayard, Paris, 1978 Colette Arnould, Histoire de la sorcellerie, Texto, Tallandier, Paris, 2002)

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La séduction

Afin de séduire Marguerite, Méphistophélès incite Faust à cacher dans la chambre de la

jeune femme une cassette de bijoux dont la richesse ne pourra que l’éblouir.

Marguerite Comment cette belle cassette est-elle venue ici dedans ? J’avais pourtant fermé l’armoire. Cela m’étonne ; que peut-il s’y trouver ? Peut-être quelqu’un l’a-t ‘il apportée comme un gage, sur lequel ma mère aura prêté. Une petite clé y pend à un ruban. Je puis donc l’ouvrir sans indiscrétion. Qu’est cela ? Dieu du ciel ! Je n’ai de mes jours rien vu de semblable. Une parure ! … dont une grande dame pourrait se faire honneur aux jours de fêtes ! Comme cette chaîne m‘irait bien ! À qui peut appartenir tant de richesses ? (Elle s’en pare, et va devant le miroir) Si seulement ces boucles d’oreilles étaient à moi ! Cela vous donne un tout autre air. Jeunes filles, à quoi sert la beauté. C’est bel et bon, mais on laisse tout cela ; si l’on vous loue, c’est presque par pitié. Tout se presse après l’or ; de l’or tout dépend. Ah pauvres que nous sommes.

Charles Gounod (Paris, 1818- Saint Cloud, 1893) Faust Opéra en cinq actes, 1859 La première représentation a lieu le 19 mars, à Paris, au Théâtre-Lyrique, d'après la pièce Faust et Marguerite de Carré, elle-même tirée du Premier Faust de Goethe. Œuvre la plus connue de Charles Gounod, Faust connait dès ses débuts un grand succès et établit la réputation de son auteur. L'ouvrage de Goethe exerce très tôt une véritable fascination sur le compositeur : J'avais lu Faust en 1838, à l'âge de vingt ans, et lorsqu'en 1839 je partis pour Rome comme grand prix de composition musicale, et pensionnaire de l'Académie de France, j'avais emporté le Faust de Goethe qui ne me quittait pas.

(Charles Gounod, Autobiographie et articles sur la routine en matière d’art, Tavistock House, London, 1875)

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Faust, acte III, scène VI – Air des bijoux

Marguerite trouve les bijoux cachés dans sa chambre. Elle chante l’air rendu célèbre, bien des années plus tard, par le personnage de la Castafiore dans Tintin d’Hergé.

Elle [Marguerite] se pare des boucles d'oreilles, se lève et se regarde dans le miroir.

Ah ! je ris de me voir, Si belle en ce miroir ! Est-ce toi, Marguerite ? Réponds-moi, réponds vite ! – Non ! non ! – ce n'est plus toi ! Non ! non ! – ce n'est plus ton visage ! C'est la fille d'un roi, Qu'on salue au passage ! – Ah, s'il était ici ! ... S'il me voyait ainsi ! Comme une demoiselle, Il me trouverait belle. Elle se pare du collier. Achevons la métamorphose ! Il me tarde encore d'essayer Le bracelet et le collier ! Elle se pare du bracelet et se lève. Dieu ! C'est comme une main qui sur mon bras se pose ! (…)

© Hergé

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La tromperie

Pour pouvoir passer une nuit avec Marguerite, Faust donne à la jeune femme un

puissant somnifère afin d’endormir sa mère

Faust Ah ! Ne pourrais-je jamais reposer une seule heure contre ton sein… presser mon cœur contre ton cœur, et mêler mon âme à ton âme ?

Marguerite Si seulement je couchais seule, je laisserais volontiers ce soir les verrous ouverts ; mais ma mère ne dort point profondément ; et si elle nous surprenait, je tomberais morte à l’instant.

Faust Mon ange, cela n’arrivera point. Voici un petit flacon ; deux gouttes seulement versées dans sa boisson l’endormiront aisément d’un profond sommeil.

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Le meurtre

Valentin, frère de Marguerite, surprend, Faust quittant la chambre de sa sœur en pleine

nuit, pour rejoindre Méphistophélès. S’en suit une rixe, pendant laquelle le jeune homme

perd la vie. Avant de mourir, il condamne la jeune femme pour sa conduite. Cette

dernière, écrasée de chagrin et de remords, trouve refuge dans une église.

Marguerite Si j’étais loin d’ici ! Il me semble que cet orgue m’étouffe ; ces chants déchirent profondément mon cœur. (…) Dans quelle angoisse je suis ! Ces piliers me pressent, cette voûte m’écrase – De l’air !

Louis-Maurice Boutet de Monvel (Orléans, 1850 – Paris, 1913) Marguerite et Marthe à l’église, Salon de 1894 Huile sur toile Musée des beaux-arts d’Orléans

© Musée des beaux-arts d’Orlénas, Fr. Lauginie

Boutet de Monvel entre en1870 à l’École des beaux-arts de Paris dans la classe d’Alexandre Cabanel (1823-1889), avant de suivre les cours à l’Académie Julian. Il choisit un temps de travailler sous la direction de Carolus-Duran (1837-1911), et éclaircit sa palette reposant, jusqu’alors, sur les clairs obscurs. A partir de 1876, Louis effectue plusieurs voyages en Afrique du Nord, modifiant définitivement sa manière de travailler, par la découverte d’une nouvelle lumière. Parallèlement à sa carrière de peintre, Boutret de Monvel connut un franc succès en tant qu’illustrateur, notamment de contes et rondes enfantines. L’artiste choisit ici de représenter le moment où Marguerite, accompagnée de sa voisine Marthe, s’effondre, affectée par la mort de son frère, en prenant conscience des conséquences dramatiques de sa liaison avec Faust.

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La nuit de Walpurgis Fête néo-païenne nommée ainsi en l'honneur de Sainte Walburge (8e siècle), elle est célébrée clandestinement le soir du 30 avril en Europe du Nord et en Scandinavie malgré les interdits et les excommunications de l'Église. Dans l’ouvrage de Goethe, elle est clairement identifiée au sabbat des sorcières où Méphistophélès entraine Faust.

Faust a abandonné Marguerite pour se tourner vers d'autres plaisirs. Il assiste à la Nuit de

Walpurgis en compagnie de Méphistophélès. Alors que Méphistophélès s’adonne à tous

les interdits orgiaques, au milieu des démons et des sorcières, Faust, étranger à ces excès,

a une apparition : Marguerite, pâle comme un spectre se dressant, son enfant mort entre

les bras.

Méphistophélès (…) Je vois là de jeunes sorcières toutes nues, et des vieilles qui se voilent prudemment. Soyez aimables, pour l’amour de moi : c’est une peine légère, et cela aide au badinage. J’entends quelques instruments ; maudit charivari ! Il faut s’y habituer. Viens donc, viens donc, il n’en peut être autrement ; je marche devant et t’introduis. C’est encore un nouveau service que je te rends là : tu en vois à peine la fin. Une centaine de feux brûlent dans le cercle ; on danse, on babille, on fait de la cuisine, on boit, on aile ; dis-moi où il a quelque chose de mieux. (…) Faust Que vois-je là ? Méphistophélès Quoi ? Faust Méphisto, vois-tu une jeune fille pâle et belle qui demeure seule dans l’éloignement ? Elle se retire languissamment de ce lieu, et semble marcher les fers aux pieds. Je crois m’apercevoir qu’elle ressemble à la bonne Marguerite. (…) Méphistophélès C’est de la magie, pauvre fou, car chacun croit y retrouver celle qu’il aime. Faust Quels délices !... et quelles souffrances ! Je ne puis m’arracher à ce regard. Qu’il est singulier, cet unique ruban rouge qui semble parer ce beau cou... pas plus large que le dos d’un couteau !

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Jean-Baptiste BRUNET (Poitiers, 1849 -1917) La nuit du Sabbat (1877) Huile sur toile Don de l'artiste en 1877 ou 1878 878.2.1

© Musées de Poitiers, Ch. Vignaud

Élève du peintre Gérôme, Brunet fut membre de la Société des artistes français, exposa ses œuvres à partir de 1876. Inspirée par Goethe, cette toile passa à peu près inaperçue au Salon, peut-être à cause d’un accrochage peu flatteur. Les coloris profonds peuvent évoquer l’œuvre Théodore Chassériau (1819-1856) qui semble avoir marqué nombre d’artistes de la génération de Brunet. Marguerite présente tout autour de son cou un filet rouge annonçant le sort funeste qui attend la jeune femme.

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Pascal-Adolphe-Jean Dagnan-Bouveret (Paris, 1852 - Quincey, 1929) Marguerite au sabbat, 1911 Huile sur toile Inv. 949.2.1 Musée des beaux-arts de Cognac

© Musées de la Ville de Cognac, Ch. Braud

En 1869, Dagnan-Bouveret est admis à l'École des beaux-arts de Paris dans l'atelier d'Alexandre Cabanel (1823-1889), puis dans celui de Jean-Léon Gérôme (1824-1904). Reçu second au concours du prix de Rome en 1876, il part en Franche-Comté où il se consacre aux scènes de la vie quotidienne d'inspiration naturaliste. Vers1896-1897, il s'intéresse à des sujets religieux, et vers la fin de sa carrière, exécute surtout des portraits. Dagnan-Bouveret reçoit le grand prix de l'Exposition universelle de 1900 pour l'ensemble de son œuvre, et est élu membre de l'Académie des beaux-arts la même année. Le modèle qui pose pour ce tableau est Suzanne Delvé, comédienne en vogue dans l'Entre deux-guerres. Une grande attention est portée au regard, au luminisme dramatique qui baigne le visage de la jeune femme. Le traitement, très libre, de la chevelure blonde rehaussée de traits de crayon rouge souligne la folie de Marguerite figurée hagard et hirsute.

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L’infanticide Friedrich Wilhelm Murnau (Bielefeld, All, 1888 – Santa Barbara, USA1931) Faust, une légende allemande film muet, 1926

Le film débute sur un pari entre l’archange et le diable : Méphisto doit corrompre l’âme d’un homme de bien et détruire en lui tout ce qu’il y a de divin, et la Terre sera sienne. Lorsque son choix est arrêté, Méphisto envoie la peste détruire le village de Faust. Devant un tel fléau, Faust prie en vain, avant de faire appel au diable. Celui-ci lui propose un marché : une courte période durant laquelle Méphisto sera à son service. Faust accepte et demande de sauver les villageois.

Faust décide de faire un second marché avec le diable : la jeunesse, les plaisirs terrestres en échange de son âme. Après avoir courtisé la duchesse de Parme, Faust, jeune et beau, se lasse de ses excès et souhaite revoir sa ville. Là, sur le parvis de la cathédrale, Faust est attiré par une jeune fille, Gretchen (Marguerite). Il en tombe amoureux mais il est contraint de fuir accusé du meurtre de son frère. Derrière ces machinations, se trouve Méphisto qui voit d’un mauvais œil la romance de Faust et de Gretchen. Celle-ci, enceinte de Faust et sans famille, est rejetée de tous.

L’extrait : Gretchen erre dans les rues au milieu d’un vent glacial avec son enfant. Les habitants refusent de les aider. Dans un moment de folie, elle couche son enfant dans la neige, croyant le placer dans un berceau.

À l’aube, la cité découvrant l’enfant mort, l’accuse et la condamne au bûcher. Gretchen appelle alors Faust. Celui-ci réfutant son souhait de jeunesse, pour que le diable lui accorde un dernier vœu. Redevenu vieux, Faust accueille Gretchen qui reconnaît dans les traits du vieillard son amant, alors que les flammes les encerclent. Fort de ses retrouvailles, l’ange dévoile à Méphisto qu’il a perdu son pari. L’amour triomphe de tout, même du diable.

Ciné-CREA, Faust, Murnau Friedrich Wilhelm

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L’exposition

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