Marchés de capitaux et déséquilibres économiques

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FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D’EUROPE N°306 / 17 MARS 2014 Question d’Europe n°306 17 mars 2014 POLICY PAPER Rémi Bourgeot Marchés de capitaux et déséquilibres économiques : d’une crise à l’autre Résumé : Les débats sur la gestion de la zone euro ont révélé une profonde incompréhension du statut de la dette dans les économies modernes, financiarisées. L’idée que les marchés financiers tiendraient un rôle de vigiles rationnels sur le front de la dette est particulièrement éloignée de la réalité. Plus encore, les grands principes qui structurent les marchés de capitaux, en particulier ceux qui tournent autour de la notion de liquidité, sont consubstantiels des flux et reflux, des bulles et des crises, qui touchent les grandes zones économiques. L’enchaînement des trois crises qui se sont succédé depuis 2007 (Etats-Unis, zone euro, pays émergents) éclaire le fonctionnement de cette architecture, dans le contexte des déséquilibres mondiaux. De plus, il apparaît que les modes financières ont une influence importante sur l’orientation des stratégies économiques. A cet égard, l’engouement financier pour les pays du Sud de la zone euro, qui résulte notamment de la « déroute des émergents », apparaît comme porteur de risques. La compréhension de la logique des marchés de capitaux et du statut de la dette offrirait aux gouvernements les marges de manœuvre néces- saires au retour d’une véritable croissance. Le 6 mars 2014, le Président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, déclarait que la zone euro était un îlot de stabilité [1]. Il admet, par ailleurs, cou- ramment que la reprise européenne est fragile et pro- cède avec lenteur, face à une série complexe de risques économiques et financiers. Il existe donc un monde, celui des marchés de capitaux, où l’attractivité d’une zone ne dépend pas simplement de sa situation écono- mique ni de ses perspectives, mais d’un système d’ap- préciation assez différent. Ainsi, alors que les marchés de capitaux internationaux condamnaient la zone euro, il y a moins de deux ans, dans un concert de conjec- tures quant à son explosion plus ou moins imminente, voici que cette zone, ayant à peine dépassé la barre qui délimite la croissance de la récession, devient une destination financière privilégiée. Il est vain d’essayer de comprendre cette logique singulière sans prendre en compte les effets de mode qui animent la planète financière et, en l’occurrence, les conséquences de la « déroute des émergents » sur la perception du risque en zone euro. Réciproquement, on peinerait à com- prendre l’attrait tout à fait extraordinaire qu’ont exercé les pays émergents, de 2008 à 2013, sur la planète financière, sans prendre en compte le sentiment de pa- nique qu’inspirait la zone euro, dont la crise monétaire s’est elle-même déclenchée dans le sillage de la crise américaine des subprimes. L’ÉCONOMIE DANS LA TEMPORALITÉ DES MARCHÉS Si ces mouvements de capitaux peuvent s’action- ner d’une telle façon, aussi rapide que résolue, c’est parce qu’une architecture mentale particulière s’est construite, dont la réalité économique n’est qu’un pilier parmi d’autres. Cette architecture repose sur un système de symboles puissants qui permettent, le temps d’une bulle, de s’abstraire des contingences économiques pour se convaincre que l’engouement financier collectif va dans le sens de l’histoire ou du progrès, spectres symboliquement supérieurs aux règles surannées de la balance des paiements. Qui plus est, on parle ici de réalité économique au sens d’une perception psychique particulière, qui peut souffrir de retards de plusieurs années par rapport à une situation de déséquilibres pourtant évidente. C’est, à vrai dire, une constante fondamentale dans l’enchaînement des trois crises qui se sont succédé, ou plutôt qui s’enche- vêtrent, depuis 2007. Les pays qui se retrouvent sous 1. Mario Draghi, conférence de presse du 6 mars 2014. http:// www.ecb.europa.eu/ press/pressconf/2014/ html/is140306.en.html. Répondant à une question sur l’éventuel élargissement de la zone euro, il fait, judicieusement, la distinction entre stabilité et prospérité. « The euro is an island of stability. It will also have to go back to being an island of prosperity and job creation, but certainly it is an area of stability »

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Marchés de capitaux etdéséquilibres économiques

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  • POLICYPAPER

    FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

    Question dEurope n306

    17 mars 2014

    POLICYPAPER

    Rmi Bourgeot

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautreRsum :

    Les dbats sur la gestion de la zone euro ont rvl une profonde incomprhension du statut de la

    dette dans les conomies modernes, financiarises. Lide que les marchs financiers tiendraient

    un rle de vigiles rationnels sur le front de la dette est particulirement loigne de la ralit.

    Plus encore, les grands principes qui structurent les marchs de capitaux, en particulier ceux qui

    tournent autour de la notion de liquidit, sont consubstantiels des flux et reflux, des bulles et des

    crises, qui touchent les grandes zones conomiques. Lenchanement des trois crises qui se sont

    succd depuis 2007 (Etats-Unis, zone euro, pays mergents) claire le fonctionnement de cette

    architecture, dans le contexte des dsquilibres mondiaux. De plus, il apparat que les modes

    financires ont une influence importante sur lorientation des stratgies conomiques. A cet gard,

    lengouement financier pour les pays du Sud de la zone euro, qui rsulte notamment de la droute

    des mergents , apparat comme porteur de risques. La comprhension de la logique des marchs

    de capitaux et du statut de la dette offrirait aux gouvernements les marges de manuvre nces-

    saires au retour dune vritable croissance.

    Le 6 mars 2014, le Prsident de la Banque centrale

    europenne, Mario Draghi, dclarait que la zone euro

    tait un lot de stabilit [1]. Il admet, par ailleurs, cou-

    ramment que la reprise europenne est fragile et pro-

    cde avec lenteur, face une srie complexe de risques

    conomiques et financiers. Il existe donc un monde,

    celui des marchs de capitaux, o lattractivit dune

    zone ne dpend pas simplement de sa situation cono-

    mique ni de ses perspectives, mais dun systme dap-

    prciation assez diffrent. Ainsi, alors que les marchs

    de capitaux internationaux condamnaient la zone euro,

    il y a moins de deux ans, dans un concert de conjec-

    tures quant son explosion plus ou moins imminente,

    voici que cette zone, ayant peine dpass la barre

    qui dlimite la croissance de la rcession, devient une

    destination financire privilgie. Il est vain dessayer

    de comprendre cette logique singulire sans prendre

    en compte les effets de mode qui animent la plante

    financire et, en loccurrence, les consquences de la

    droute des mergents sur la perception du risque

    en zone euro. Rciproquement, on peinerait com-

    prendre lattrait tout fait extraordinaire quont exerc

    les pays mergents, de 2008 2013, sur la plante

    financire, sans prendre en compte le sentiment de pa-

    nique quinspirait la zone euro, dont la crise montaire

    sest elle-mme dclenche dans le sillage de la crise

    amricaine des subprimes.

    LCONOMIE DANS LA TEMPORALIT DES

    MARCHS

    Si ces mouvements de capitaux peuvent saction-

    ner dune telle faon, aussi rapide que rsolue, cest

    parce quune architecture mentale particulire sest

    construite, dont la ralit conomique nest quun

    pilier parmi dautres. Cette architecture repose sur

    un systme de symboles puissants qui permettent,

    le temps dune bulle, de sabstraire des contingences

    conomiques pour se convaincre que lengouement

    financier collectif va dans le sens de lhistoire ou du

    progrs, spectres symboliquement suprieurs aux

    rgles surannes de la balance des paiements. Qui plus

    est, on parle ici de ralit conomique au sens dune

    perception psychique particulire, qui peut souffrir de

    retards de plusieurs annes par rapport une situation

    de dsquilibres pourtant vidente. Cest, vrai dire,

    une constante fondamentale dans lenchanement des

    trois crises qui se sont succd, ou plutt qui senche-

    vtrent, depuis 2007. Les pays qui se retrouvent sous

    1. Mario Draghi,confrence de presse

    du 6 mars 2014. http://www.ecb.europa.eu/

    press/pressconf/2014/html/is140306.en.html.

    Rpondant une question sur lventuel

    largissement de la zone euro, il fait, judicieusement, la

    distinction entre stabilit et prosprit. The euro

    is an island of stability. It will also have to go

    back to being an island of prosperity and job

    creation, but certainly it is an area of stability

    http://www.ecb.europa.eu/press/pressconf/2014/html/is140306.en.html

  • FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

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    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    le feu des projecteurs financiers mondiaux, et que lon

    finit par dclarer en crise, ont en gnral en commun

    davoir connu une priode prolonge de dficit de la

    balance courante (et commerciale). Si le dficit de la

    balance courante peut naturellement recouvrir des si-

    tuations conomiques diffrentes, il convient dappr-

    cier limportance de cette mesure et de sa dynamique

    dans le droulement des crises en cours.

    Dans le cas de la zone euro, les dficits courants (et

    commerciaux) des pays du Sud se sont creuss tout

    au long de la premire phase de son histoire, jusquen

    2008, avant de se rduire violemment sous le coup de

    la crise et des diffrentes phases de rcession. Les di-

    vergences qui se sont creuses jusquen 2008 ntaient

    gure difficiles observer, pour peu que lon accorde

    de limportance aux diffrences de niveau dinflation

    entre pays dune mme zone montaire et la politique

    salariale allemande qui visait dconnecter les salaires

    des gains de productivit, de faon tendre les parts

    de march du pays au sein de la zone euro [2]. On

    note que les niveaux des dficits courants voqus ne

    sont en rien minimes, lEspagne, le Portugal et la Grce

    dpassant la barre de 10% du PIB. Nombreux taient

    alors ceux qui rcusaient la notion de balance courante

    comme dpasse, dautant plus dans le contexte dune

    union montaire quon imaginait, par dfinition, unie

    conomiquement mais aussi politiquement.

    Si lon regarde les pays dficitaires parmi le groupe

    des grands pays mergents appel BRICS [3], on

    observe une dynamique de drive gnralise des ba-

    lances courantes du dbut des annes 2000 jusqu

    prsent. Pour autant, sur la priode tudie, chacun

    de ces pays a connu une priode de redressement de

    ses comptes extrieurs, au dbut de la dcennie 2000,

    la suite pour certains comme la Turquie de graves

    crises montaires. A nouveau, avec les violentes rces-

    sions de 2008-2009, on voit une correction du dficit

    courant samorcer en Turquie et en Afrique du Sud.

    Pour autant, la mode des mergents, avec des dficits

    courants qui partent de nouveau la drive, a invit,

    dans un environnement de taux bas, une large vague

    dendettement prive financ par les investisseurs in-

    ternationaux dsesprs par les dboires occidentaux

    et la faiblesse des rendements rsultant de la poli-

    tique de taux et de la perception du risque crasant

    les taux souverains des Etats rputs srs. Les sta-

    tuts superficiels de havre de croissance, de havre de

    scurit ou dilot de stabilit, sils peuvent passer un

    temps pour une bndiction sur les marchs de capi-

    taux tiennent plutt dune maldiction, aggravant les

    dficits extrieurs dans un cercle vicieux entretenu par

    2. Dans une tude pour la Fondation Robert Schuman,

    nous montrons quil ny a pas eu de drive salariale

    dans les pays de Sud de lEurope et que les

    divergences de comptitivit rsultent de deux facteurs

    (cart dinflation et dsinflation salariale

    dans le cadre de lagenda 2010 en Allemagne).

    Voir : Cots salariaux et gestion de crise au sein

    de la Zone Euro : Une relecture des divergences de comptitivit, Question

    dEurope, 23 septembre 2013 http://www.robert-

    schuman.eu/en/doc/questions-d-europe/qe-289-

    en.pdf

    3. BRICS est lacronyme pour Brsil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Par la suite, la Turquie a

    eu tendance tre incluse dans le groupe. On exclut, pour linstant, la Chine et la Russie, pays excdentaires

    du point de vue de la balance courante.

    http://www.robert-schuman.eu/en/doc/questions-d-europe/qe-289-en.pdf

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    17 MARS 2014 / QUESTION D'EUROPE N306 / FONDATION ROBERT SCHUMAN

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    la sur-apprciation du change, en termes rels [4]. De

    plus, la focalisation des gouvernements sur les marchs

    financiers, qui chappent leur action en bonne partie,

    a tendance voiler limportance de problmes dun autre

    ordre. En particulier, on observe dans ces pays une ten-

    dance lourde la dsindustrialisation, sur le mme mode

    que les pays dvelopps certes, mais un niveau de dve-

    loppement qui reste bien en-de [5]. Sur le long terme,

    cette tendance laffaiblissement de lindustrie va dans le

    sens dun aggravement des dficits courants structurels.

    EXIGENCES DE LIQUIDIT ET CRISES

    DENDETTEMENT

    Sur le plan financier, ces dficits courants se traduisent

    par la cration de dettes du pays dficitaire vis--vis

    de ses partenaires commerciaux et financiers exc-

    dentaires. Les pays, qui se fixent comme objectif pri-

    mordial un excdent commercial massif et durable, se

    condamnent dans le mme temps tre crditeurs des

    pays dficitaires dont la solvabilit est affaiblie par ces

    dsquilibres conomiques durables, lchelle dune

    zone conomique ou du monde. On voit ainsi poindre

    le paradoxe des pays qui attirent des flux de capitaux

    massifs leur permettant de financer des dsquilibres

    conomiques croissants. Pour quune grande mode

    dinvestissement se dveloppe autour dune zone co-

    nomique dans les cercles financiers internationaux, il

    faut que cette zone puisse offrir des supports dinves-

    tissements, sous forme de capital et de dette. Les in-

    vestissements directs trangers en reprsentent une

    forme. Ces investissements, illiquides, peuvent offrir

    un financement de long terme au dveloppement des

    sites de production locaux qui, loccasion, peuvent

    bnficier dun apport technologique de la part du pays

    dont les capitaux sont originaires. Le versant dsta-

    bilisant [6] abrite notamment les investissements dits

    de portefeuille et le financement de la dette extrieure

    du pays, qui peut prendre de multiples formes. Cest

    dans ce domaine que rside lessence du paradoxe des

    modes affectant les flux de capitaux.

    Le principe qui gouverne les marchs de capitaux

    contemporains a pour nom liquidit. Pour autant, le

    concept de liquidit, qui jouit dune aura quasi-mys-

    tique, prte confusion [7]. On parle dsormais de

    liquidit mondiale, dcrivant ainsi une quantit que

    lon peine dfinir mais qui sapparente ce que lon

    appelle par ailleurs monnaie [8], dans une acception

    trs large dans ce cas [9]. Mais avant toute chose, la

    liquidit est une qualit, au sens neutre du terme. La

    liquidit dun actif caractrise la possibilit pour le d-

    tenteur den (re)vendre une quantit importante, en

    trouvant immdiatement un acqureur et un prix dit

    de march qui nest gure affect par la transaction, si

    4. Il convient de considrer, pour apprcier cette dynamique de dgradation de la comptitivit, le taux de change rels du pays tudi, prenant en compte les diffrences de taux dinflation entre le pays et ses partenaires. Les commentaires ont souvent tendance tre focaliss sur les taux de change nominaux, qui prsentent une plus faible pertinence conomique mais correspondent troitement aux questions de performance financire. 5. Voir Dani Rodrik, The Perils of Premature Deindustrialization , Project Syndicate, 11 octobre 2013. http://www.project-syndicate.org/commentary/dani-rodrikdeveloping-economies--missing-manufacturing

    6. Dans ce contexte, le rle croissant, parfois dstabilisant, des fonds dinvestissement dans les mcanismes financiers globaux, au ct des acteurs comme les banques, attire de plus en plus lattention des autorits financires. Voir Asset Management and Financial Stability, Office of Financial Research, septembre 2013 http://www.treasury.gov/initiatives/ofr/research/Documents/OFR_AMFS_FINAL.pdf

    7. Voir Jean-Pierre Landau, Global Liquidity: Public and Private, Rserve fdrale de Kansas City, aot 2013 http://www.kansascityfed.org/publicat/sympos/2013/2013Landau.pdf

    http://www.project-syndicate.org/commentary/dani-rodrikdeveloping-economies--missing-manufacturinghttp://www.treasury.gov/initiatives/ofr/research/Documents/OFR_AMFS_FINAL.pdfhttp://www.kansascityfed.org/publicat/sympos/2013/2013Landau.pdf

  • FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

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    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    ce nest de manire ngligeable (notion de profondeur

    du march).

    Au terme dun itinraire de trente ans de libralisa-

    tion financire lchelle mondiale, les caractris-

    tiques de liquidit et de profondeur [10] apparaissent

    comme une revendication on ne peut plus lgitime de

    la part des investisseurs, mais le concept est en ralit

    singulier, que lon parle de capital comme de dette.

    Pour lunivers de la dette, qui est au cur de la pr-

    sente analyse, lacte de prt, de la part du crditeur,

    est cens tre motiv par un calcul conomique quant

    la solvabilit de lemprunteur et lapprciation de

    la rmunration que reprsentent les intrts et leur

    modalit de versement, face au risque encouru. Lide

    que la dette prive schange massivement sur les

    marchs, sous forme de titres, faisant ainsi systme,

    un rythme croissant, ne va donc pas de soi et participe

    dans tous les cas dune autre logique financire, dont

    le comportement grgaire des marchs de capitaux est

    un aspect primordial.

    LIQUIDIT ET INNOVATION FINANCIRE

    Le principe de liquidit est au cur de lide

    dinnovation financire, en lien troit avec la notion

    de risque. On pense la titrisation de prts hypo-

    thcaires et particulirement aux collateralized debt

    obligations (CDO), picentre de la crise immobilire

    amricaine. Mais lexigence de liquidits a faonn

    une portion plus large de lunivers de la dette au

    cours des trente dernires annes. Si lon voque

    la dette publique, lide que celle-ci soit coule

    de faon quasi-automatique (hors priode de crise

    souveraine) par des primary dealers, fonction rem-

    plie par un groupe slectionn de grandes banques

    dinvestissement, fait office dinnovation financire

    audacieuse. Cette innovation est plus ancienne, au

    point de faire actuellement office de norme tablie.

    Du point de vue de loffre de titres de dette, on peut

    se demander, avec le recul historique, si cette facilit

    offerte aux gouvernements dcouler la dette, sans

    avoir la placer directement auprs des mnages

    ou des grands investisseurs trangers (pays forts

    excdents), nest pas une condition de la drive des

    dettes publiques [11].

    Dans le cas des CDO, lillusion quant leur carac-

    tre prtendument sr, jusqu leur effondrement,

    dcoulait directement de la liquidit prcaire de

    ces titres, rendue possible la fois par leur arti-

    culation autour de collatraux immobiliers censs

    sapprcier continment et par leur standardisa-

    tion par dcoupage en tranches de diverses qua-

    lits proclames. Pour que les marchs de ces

    titres soient de fait liquides et profonds, il fallait

    que leur offre et leur demande saccordent dans

    une logique de croissance la fois du volume et

    du prix. Cette dynamique reprsente le fonde-

    ment des bulles de dette fondes sur le principe

    de liquidit. Plus cette dynamique est couronne

    de succs, plus le volume dmissions augmente,

    si bien que de nouvelles catgories demprunteurs

    sont concerns (jusqu la fameuse catgorie sub-

    prime dans le cas de la bulle amricaine), ainsi que

    de nouvelles catgories dinvestisseurs, a priori de

    plus en plus dconnects de la dynamique cono-

    mique sous-jacente. Cest ainsi que les banques

    europennes ont pris une part considrable dans

    le financement de la bulle immobilire amricaine

    et que le continent a t contamin par lexplosion

    de la crise de faon quasi-immdiate. Sans cette

    extension continue du spectre des investisseurs,

    point de liquidit ni de bulle. On en revient au

    paradoxe du concept de liquidit. Dans le monde

    rel, on assure la liquidit dun march de dette

    en le faisant grossir constamment, voire de faon

    exponentielle, de telle faon quen mme temps

    que lon se rjouit de la liquidit du march consi-

    dr, la capacit sous-jacente de refinancement

    de la dette ne fait que dcrotre. Pis encore, le

    voile de la liquidit parfaite permet de cacher les

    pires drglements macro-conomiques en assu-

    rant, pendant un temps, le gonflement artificiel de

    la demande de la catgorie demprunteurs, voire

    du pays tout entier.

    Dans le cas de la zone euro, linnovation finan-

    cire , qui a permis de financer le creusement

    des balances courantes des pays dits priph-

    riques, rside dans lintgration financire du

    continent. La focalisation sur les niveaux de dette

    publique a voil lessence du phnomne de bulle

    8. Global Liquidity Measurement and

    Financial Stability, ECB Financial Stability Review,

    dcembre 2011 http://www.ecb.europa.eu/pub/fsr/shared/pdf/

    ivcfinancialstabilityreview201112en.pdf?f106ee38cb2

    296423ee29089c34fb332

    9. La somme des dpts bancaires des entreprises non-financires constitue

    une mesure qui permet de donner corps au concept de

    liquidit mondiale. Voir Kyuil Chung, Jong-Eun Lee, Elena

    Loukoianova, Hail Park et Hyun Song Shin, Global

    Liquidity through the Lens of Monetary Aggregates , IMF

    Working Paper WP/14/9, janvier 2014 http://www.imf.org/external/pubs/ft/

    wp/2014/wp1409.pdf

    10. Les notions de liquidit et de profondeur, bien que

    diffrentes stricto sensu, sont troitement lies. Dans

    la suite du texte, le terme de liquidit pourra recouvrir le noyau commun aux deux

    notions, pour les types de marchs qui sy prtent.

    11. Pour une analyse

    particulirement pertinente de ces volutions macro-financires et notamment du rle de la liquidit, lire

    Jean-Luc Grau, La Grande Rcession (depuis 2005),

    Gallimard Folio Actuel, 2012.

    http://www.ecb.europa.eu/pub/fsr/shared/pdf/ivcfinancialstabilityreview201112en.pdf?f106ee38cb2296423ee29089c34fb332http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2014/wp1409.pdf

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    17 MARS 2014 / QUESTION D'EUROPE N306 / FONDATION ROBERT SCHUMAN

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    hypothcaire qui stait dvelopp en Espagne et

    en Irlande. La bulle de dette a repos sur deux pi-

    liers symboliques puissants. Le premier a consist

    en limitation de la bulle amricaine et, en parti-

    culier, de la folie de la titrisation hypothcaire. Le

    second a repos sur lintgration europenne, sous

    la forme particulire de la cration de la monnaie

    unique. Cest la combinaison des deux qui a conduit

    des effets singuliers. La titrisation permettait lit-

    tralement lEspagne comme lIrlande de se

    dbarrasser dune partie des crances qui allaient

    savrer pourries, en les vendant aux investisseurs

    trangers, si bien que, au dbut de la crise am-

    ricaine, on pouvait entendre des commentateurs

    bats dclarer que les banques espagnoles taient

    pargnes par la crise. En parallle, lintgration

    montaire et financire a conduit linternationa-

    lisation (-surtout leuropanisation-) gnralise

    des dettes, prives comme publiques, des divers

    pays europens.

    Les marchs obligataires europens ont ainsi

    vcu pendant une vingtaine dannes dans cet

    environnement dintgration financire -qui sest

    invers partir de 2008- et de convergence des

    taux dintrt, dans un environnement de liqui-

    dit croissante. Lexemple italien est intressant

    puisque la dette publique sy est envole au cours

    des annes 1980 -pour atteindre un niveau stable

    aux alentours de 120% du PIB- du fait notam-

    ment des taux directeurs levs pratiqus par la

    Banque dItalie, par souci darrimage de la Lire au

    Deutschemark. Cette immense masse de liquidits

    a fait les dlices dune gnration de banquiers et

    dinvestisseurs obligataires, ds lors que, passe

    lexplosion du systme montaire europen en

    1993, le projet dunion montaire a entran une

    convergence sans prcdent des taux dintrt

    en Europe. Cette baisse continue des taux et le

    mouvement gnral de dsinflation des pays dve-

    lopps partir des annes 1980 a cr un envi-

    ronnement de rve pour les marchs obligataires :

    des prix qui grimpaient et une masse en augmen-

    tation permanente, avec en prime la promesse de

    suppression dfinitive du risque de change entre

    pays europens.

    On constate, sur les graphiques suivants, que la

    dtention par ltranger dobligations (prives et

    publiques) [12] de lItalie, de lEspagne, du Portu-

    gal et de la Grce suit une dynamique ascendante

    partir de 1995, date du dbut de la srie, en

    particulier dans le secteur bancaire. Mais on note

    galement lacclration marque de linternatio-

    nalisation de ces titres, partir de 2005, en pleine

    illusion sur la viabilit des modles conomiques

    dvelopps dans ces pays. Souvenons-nous que

    lEspagne, en pleine bulle immobilire, tait

    rige en modle, notamment en raison de son

    taux dendettement public particulirement bas.

    La premire phase de la crise, ds 2007, donne

    un coup de frein cette dynamique dintgration

    financire au sein de la zone euro. On voit ainsi

    les montants dobligations (publiques et prives)

    dtenues par ltranger stagner, ou dcliner lg-

    rement, dans le cas de lItalie et de lEspagne et

    chuter brutalement dans le cas du Portugal et de

    la Grce. Par ailleurs, en dcomposant ces com-

    posantes de la dette extrieure entre secteurs

    (Etat, banques et entreprises non-financires), on

    constate le poids considrable des missions ban-

    caires dans la dette extrieure des pays priph-

    riques de la zone euro, et notamment dans leur

    envole dans la phase dintgration [13]. Rcipro-

    quement, durant la priode de crise et de seg-

    mentation financire, on voit, en Espagne et au

    Portugal, la dtention dobligations bancaires par

    ltranger chuter beaucoup plus rapidement que

    celle dobligations souveraines.

    En poursuivant la comparaison avec les pays

    mergents, on constate lapparition dune dyna-

    mique croise tout fait singulire. Si la dette

    extrieure totale des grands pays mergents a

    commenc son envole ds le dbut des annes

    2000, on voit une trs nette acclration, partir

    de 2009, lorsque le discours sur la supriorit

    conomique des pays mergents prend une nou-

    velle dimension, dpassant de loin les milieux

    habituels des investisseurs spcialiss. Ds lors,

    les mergents apparaissent vritablement comme

    lalternative aux conomies occidentales alors vi-

    siblement condamnes par lHistoire.

    12. Source : Banque des rglements internationaux, Debt Securities Statistics, mars 2014 http://www.bis.org/statistics/secstats.htm 13. Les graphiques par secteurs sont prsents en annexe (statistiques obligataires uniquement).

    http://www.bis.org/statistics/secstats.htm

  • FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

    06

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    COMPOSANTES DE LA DETTE EXTRIEURE (PUBLIQUE ET PRIVE), EN MILLIARDS DE DOLLARS :

    Prts internationaux (bleu), titres obligataires dtenus par ltranger (vert),

    titres obligataires mis ltranger et dtenus par ltranger (rouge)

  • 07

    17 MARS 2014 / QUESTION D'EUROPE N306 / FONDATION ROBERT SCHUMAN

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    UNE NOUVELLE LOGIQUE DE CARRY TRADE

    AU CENTRE DE LA BULLE DES MERGENTS

    Le moteur financier de la bulle obligataire mergente

    prsente une simplicit presque archaque, celle du

    carry trade, qui peut pour autant prendre diverses

    formes. Les carts de niveaux de taux dintrt entre

    les pays dvelopps (au plus bas du fait du statut de

    refuge de la dette publique, des politiques de taux

    zro et des programmes dachat de dette par diverses

    banques centrales) et ceux des pays mergents, alors

    bien plus levs, offrent une incitation claire. Fon-

    damentalement, le carry trade consiste sendet-

    ter dans un pays faible taux dintrt pour investir

    dans un pays fort rendement, et dont la devise est,

    dans lidal, appele sapprcier. Cette incitation est

    au cur de la mode mergente qui a anim les mar-

    chs de capitaux au cours des dernires annes. Il

    faut noter lapparition de nouvelles tendances remar-

    quables. Dans le cas de la Chine, du Brsil, et de la

    Russie, on constate le dveloppement phnomnal des

    missions obligataires prives offshore, surtout dans

    le secteur bancaire [14]. Le mcanisme consiste pour

    une entreprise ou une banque de lun de ses pays

    emprunter par le biais de sa filiale sur une place fi-

    nancire trangre. Cette dmarche reste classique si

    cet emprunt sert dfrayer des cots dans la devise

    demprunt ou se couvrir contre le risque de change

    rsultant de paiements encaisss dans cette devise. A

    linverse, lexplosion des rserves de ces pays et de leur

    base montaire pendant cette priode semble indiquer

    que les sommes empruntes offshore, par mission de

    titres obligataires notamment, ont surtout eu tendance

    tre rapatries et converties en devise nationale pour

    y tre investies [15], soumettant les entreprises un

    risque de change considrable.

    Les carts de taux dintrt entre zones conomiques

    offrent une motivation financire ou mme arithm-

    tique, pourrait-on dire. Pour autant, il convient dap-

    prcier larchitecture mondiale qui permet la ralisation

    de ce phnomne. Le secteur de la gestion dactifs y

    occupe une place de plus en plus importante, du fait de

    laccroissement du recours aux missions obligataires

    par les grandes entreprises, en plus des prts clas-

    siques. Le poids croissant des missions obligataires

    ne peut tre le simple rsultat dune motivation finan-

    cire comme les carts de rendement entre zones. On

    trouve derrire ce phnomne le dsir de marchs de

    titres de dettes profonds et liquides, et qui puissent

    tre pratiqus selon les attentes que les investisseurs

    ont dveloppes vis--vis des dettes dEtat des pays

    dvelopps. Cest ainsi que des investisseurs acheteurs

    de dette des pays dvelopps, la recherche de rende-

    ment, se sont tourns avec enthousiasme vers les pays

    mergents. Ceux-ci taient convaincus dy trouver les

    mmes conditions de liquidit, puisque le volume du

    march augmentait avec lenvole de lendettement

    extrieur de ces pays (par dficit de la balance cou-

    rante) et que les prix grimpaient du fait de la pression

    sur les taux rsultant de la dynamique de flux finan-

    ciers. La rorientation des politiques montaires vers

    le but universel de la dsinflation par le ciblage dinfla-

    tion apportait un argument de poids ces illusions de

    rallye obligataire de trs longue dure.

    EFFETS DES MODES FINANCIRES SUR LES

    POLITIQUES CONOMIQUES : DILEMMES

    EUROPENS

    Comme toujours, la dynamique sest inverse rapide-

    ment ds lors quune des principales sources de liqui-

    dit, en loccurrence le programme dachats de la Fed,

    est venue manquer. Alors, le collatral cono-

    mique de ces emprunts est mis en doute juste titre,

    dautant plus que les dsquilibres avaient atteint un

    niveau spectaculaire depuis plusieurs annes.

    Cest dans ce cadre global particulier que lon voit les

    marchs de capitaux tomber nouveau amoureux de

    la zone euro et de ses promesses de convergence co-

    nomique et financire, alors que le crdit aux entre-

    prises non financires (prts bancaires) continue

    senfoncer. Si lon a conscience de ce jeu de balancier

    entre grandes zones et des dsquilibres profonds qui

    se sont creuss dans les pays mergents depuis plu-

    sieurs annes, une nouvelle lecture de la gestion de la

    zone euro simpose. Il apparat que lengouement pour

    la zone euro nattendait quune lgre inflexion de la

    conjoncture conomique pour spanouir, quelles que

    soient les failles structurelles qui demeurent. Ainsi, la

    mise en place gnralise dune politique daustrit

    14. Les titres offshore sont calculs comme la difference entre les obligations (dtenues par ltranger) par nationalit et par rsidence. 15. Voir Ajay Singh Kapur, Ritesh Samadhiya, Umesha de Silva, Pig in the Python the EM Carry Trade Unwind, The GEMs Inquirer, Merril Lynch Equity Strategy, 18 fvrier 2014.

  • FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

    08

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    budgtaire en zone euro, qui visait en vain conte-

    nir lenvole des dettes publiques, a non seulement

    t contreproductive du point de vue de son objectif

    premier, mais a en plus retard dautant linflexion du

    sentiment des investisseurs. A lpoque, les gouver-

    nements se sentaient tenus de rpondre instantan-

    ment ce quils pensaient tre un message suprme

    des marchs quant la faon dont ils devaient grer

    les comptes publics. Laustrit tait cense rpondre

    cette attente, alors que les marchs, dont la dette

    est la sve, ne demandaient qu tre rassurs pour

    venir profiter de taux qui staient envols et offraient

    donc une belle opportunit de baisse, c'est--dire de

    rallye obligataire. Il aura fallu, dans un premier temps,

    le talent dun banquier central, fin connaisseur de la

    psych des marchs de capitaux, pour bouleverser les

    consciences, par lannonce dun programme virtuel

    dachat potentiellement illimit demprunts dEtat.

    Comme tout rallye obligataire, celui quon a pu obser-

    ver, partir de mi-2012, au sein de la zone euro, a des

    effets pervers vidents. En premier lieu, on ne peut,

    sur le plan conomique, que dplorer la sur-apprcia-

    tion de leuro. Celle-ci rsulte de lafflux de capitaux

    vers une zone plus conservatrice que les autres en ce

    qui concerne la politique montaire et qui affiche une

    balance courante excdentaire en plus de tendances

    dflationnistes de fond (favorables lapprciation

    nominal du change), tout en offrant des poches de

    rendements apprciables. De plus, il apparat que len-

    gouement des marchs a anesthsi les volonts de

    rforme de la zone euro. La question de lUnion ban-

    caire en est de loin la meilleure illustration. Son objec-

    tif tait de relcher le lien systmique entre secteurs

    bancaire et souverain au sein des pays de la zone euro.

    Il sagissait de grer la fermeture ventuelle d'une

    banque sans que cela ne ravage les finances publiques

    du pays en question. En premier lieu, le mcanisme de

    dcision, extrmement complexe, pose le problme de

    la crdibilit. De plus, la capacit du fonds commun,

    financ par les banques, sera au final de 55 milliards

    deuros, alors que la fermeture de l'Anglo-Irish Bank

    avait cot 30 milliards l'Etat irlandais [16].

    On voit clairement, dans ce cas, que lengouement

    des marchs peut avoir un effet contreproductif

    en encourageant un affaiblissement de son sup-

    port dinvestissement, en loccurrence larchitec-

    ture de la zone euro. Cette dpendance politique

    lhumeur des marchs est par ailleurs aggrave

    par la courroie de transmission que constituent

    les agences de notation. Sur le plan institutionnel,

    on voit des institutions comme le FMI et diverses

    Banques centrales (en incluant la Banque des rgle-

    ments internationaux) tenter dlaborer une vision

    qui chappe quelque peu cette mcanique. Ces

    rflexions sont sans doute motives par lenvole

    continue des dettes publiques europennes, sous le

    coup de la faiblesse de la conjoncture mais aussi

    des tendances dflationnistes. Dans ce contexte, la

    rflexion semble se poursuivre au FMI sur la ques-

    tion des restructurations souveraines [17]. Il est

    indiqu de plus en plus clairement que le FMI ne

    participera plus des plans de sauvetage vous

    l'chec, comme dans le cas grec. Ainsi, le FMI

    n'accepterait de prter des fonds qu'une fois qu'une

    restructuration aura dj t effectue et que la

    solvabilit du pays sera assure, de faon avoir

    assurer sa liquidit en cas de problme d'accs

    aux marchs de capitaux. A l'oppos du thme des

    restructurations, on rflchit, la Bundesbank [18],

    des plans de taxation du capital l'chelle natio-

    nale pour diminuer le poids des dettes publiques

    nationales. Il s'agirait, au fond, d'une drespon-

    sabilisation des cranciers internationaux, puisque

    seuls les contribuables du pays concern seraient

    mis contribution. Au contraire, les mcanismes de

    restructuration reconnaissent la responsabilit par-

    tage des cranciers et des emprunteurs dans les

    crises d'endettement. Ce dilemme renvoie en ralit

    deux visions divergentes du capitalisme.

    CONCLUSION

    Les flux et reflux qui animent la plante financire, et

    qui jouent un rle conomique grandissant, relvent

    naturellement dune logique bien diffrente du lien

    traditionnel entre crancier et emprunteur. Il serait

    vain de nier cette volution, qui relve de tendances

    profondes. Pour autant, il semble indispensable que

    les responsables politiques ne se laissent pas sim-

    16. On peut s'inquiter du sous-dimensionnement

    de ce fonds. Par ailleurs, le modle de rsolution

    est celui du bail-in, avec mise contribution des

    crditeurs privs et, dans les cas extrmes, des

    dposants (comptes de plus de 100 000 ). En cas

    d'insuffisance du bail-in et des moyens des fonds nationaux (ou, dans dix

    ans, du fonds commun), l'Etat concern devra

    assumer la responsabilit de la rsolution bancaire,

    en empruntant au MES si ncessaire, comme

    l'Espagne l'a fait en 2012 pour financer la

    recapitalisation de son secteur bancaire.

    17. Une tude emblmatique sur le thme

    des restructurations a t publie par le FMI fin 2013.

    Celle-ci a t ralise par Reinhart et Rogoff, qui

    avaient auparavant ralis des travaux ayant servi

    de caution scientifique la politique europenne d'austrit. Voir Some

    Lessons Learned and Those Forgotten, IMF Working

    Paper WP/13/266, 2013. http://www.imf.org/

    external/pubs/ft/wp/2013/wp13266.pdf

    18. Staatsfinanzen: Konsolidierung nach

    Vertrauenskrise (Finances publiques : Consolidation

    aprs la crise de confiance), bulletin mensuel,

    Deutsche Bundesbank, janvier 2014

    http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2013/wp13266.pdfhttp://www.bundesbank.de/Redaktion/DE/Downloads/Veroeffentlichungen/Monatsberichtsaufsaetze/2014/2014_01_staatsfinanzen.pdf?__blob=publicationFile

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    17 MARS 2014 / QUESTION D'EUROPE N306 / FONDATION ROBERT SCHUMAN

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    Directeur de la publication : Pascale JOANNIN

    LA FONDATION ROBERT SCHUMAN, cre en 1991 et reconnue dutilit publique, est le principal centre de recherches franais sur lEurope. Elle dveloppe des tudes sur lUnion europenne et ses politiques et en pro-

    meut le contenu en France, en Europe et ltranger. Elle provoque, enrichit et stimule le dbat europen par ses

    recherches, ses publications et lorganisation de confrences. La Fondation est prside par M. Jean-Dominique

    GIULIANI.

    Retrouvez lensemble de nos publications sur notre site :www.robert-schuman.eu

    plement guider par les mouvements oscillatoires

    de lhumeur financire, se glorifiant loccasion de

    lengouement prcaire des marchs pour leur pays.

    La rflexion politico-conomique doit sattaquer au

    dveloppement de solutions de long terme. Une

    comprhension du systme qui sous-tend la dyna-

    mique des marchs de capitaux, dont la dette est

    la substance vitale, pourrait permettre de recentrer

    les termes du dbat sur les conditions relles dune

    nouvelle phase de prosprit europenne.

    Rmi Bourgeot

    conomiste, responsable de la stratgie et des tudes

    conomiques de la Financire de la Cit. Il est diplm de

    lInstitut suprieur de laronautique et de lespace (Suparo)

    et de lEcole dconomie de Toulouse.

  • FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

    10

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    ANNEXES :

    TITRES DE DETTE PUBLIQUE DTENUS PAR L'TRANGER, EN MILLIARDS DE DOLLARS :

  • 11

    17 MARS 2014 / QUESTION D'EUROPE N306 / FONDATION ROBERT SCHUMAN

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    TITRES DE DETTE DU SECTEUR BANCAIRE DTENUS PAR L'TRANGER, EN MILLIARDS DE

    DOLLARS :

    Titres dtenus par ltranger (vert), titres mis ltranger et dtenus par ltranger (rouge)

  • FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION DEUROPE N306 / 17 MARS 2014

    12

    Marchs de capitaux et dsquilibres conomiques :dune crise lautre

    TITRES DE DETTE DU SECTEUR PRIV NON-FINANCIER DTENUS PAR L'TRANGER, EN

    MILLIARDS DE DOLLARS :

    Titres dtenus par ltranger (vert), titres mis ltranger et dtenus par ltranger (rouge)