maquette N 32 - ACFOS · Courrier:[email protected] Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau...

34
2 AGENDA Colloque Acfos VIII 4 Formations professionnelles Acfos 2010 5 ACTU Des nouvelles du BIAP 6 JOURNÉES D’ÉTUDES ACFOS 2009 Statut et fonction(s) de la langue orale dans le cadre de projets bilingues 7 par Elisabeth MANTEAU-SEPULCHRE Communication multimodale, développement du langage oral et de la phonologie 14 par Christine ROMAND Témoignage 17 par Marie Laure FRUCHARD Questions de la salle 22 SOCIÉTÉ La MDPH 75 : fonctionnement et suivi des enfants sourds 26 par Antoinette BLANC-ZIDI LIVRES 27 CONGRÈS X ème congrès de la SFA “Audition et mémoire” 29 S S o o m m m m a a i i r r e e S o m m m a i S o m m i r e m a r e C ONNAISSANCES S URDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : [email protected] Revue trimestrielle Édité par ACFOS Action Connaissance FOrmation pour la Surdité 11 rue de Clichy 75009 Paris Tél. 09 50 24 27 87 / Fax. 01 48 74 14 01 Site web : www.acfos.org Directrice de la publication Pr Françoise DENOYELLE Rédactrice en chef Coraline COPPIN Courriel : [email protected] Comité de rédaction : Denise BUSQUET, Marie Claudine COSSON, Vincent COULOIGNER, Joëlle FRANÇOIS, Brigitte GEVAUDAN, Nathalie LAFLEUR, Vanessa LAMORRE-CARGILL, Aude de LAMAZE, Ginette MARLIN, Lucien MOATTI, Isabelle PRANG, Philippe SÉRO-GUILLAUME, Vincente SOGGIU Couverture : DSMB 25 rue de la Brèche aux Loups 75012 Paris Tél./Fax. 01 43 40 19 58 Courriel : [email protected] Maquette : Coraline COPPIN Impression : ACCENT TONIC 45-47 rue de Buzenval 75020 Paris N° CPPAP : 1112 G 82020 ISSN : 1635-3439 Vente au numéro : 12 Abonnement annuel : 40 La reproduction totale ou partielle des articles contenus dans la présente revue est interdite sans l'autorisation d'ACFOS maquette N 32.qxd 09/06/2010 15:59 Page 2

Transcript of maquette N 32 - ACFOS · Courrier:[email protected] Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau...

Page 1: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

2

AGENDAColloque Acfos VIII 4Formations professionnelles Acfos 2010 5

ACTUDes nouvelles du BIAP 6

JOURNÉES D’ÉTUDES ACFOS 2009Statut et fonction(s) de la langue orale dans lecadre de projets bilingues 7

par Elisabeth MANTEAU-SEPULCHRE

Communication multimodale, développementdu langage oral et de la phonologie 14

par Christine ROMAND

Témoignage 17par Marie Laure FRUCHARD

Questions de la salle 22

SOCIÉTÉ La MDPH 75 : fonctionnement et suivi des enfants sourds 26

par Antoinette BLANC-ZIDI

LIVRES 27

CONGRÈS Xème congrès de la SFA“Audition et mémoire” 29

SSoo mm

mm aaii rr

eeS

o

m

m

m

a

i

S

o

m

mi

r

e

m

a

r

e

CONNAISSANCES SURDITÉS

11 rue de Clichy75009 ParisCourriel : [email protected]

Revue trimestrielle

Édité par ACFOSAction Connaissance FOrmation pour la Surdité11 rue de Clichy 75009 ParisTél. 09 50 24 27 87 / Fax. 01 48 74 14 01

Site web : www.acfos.org

Directrice de la publicationPr Françoise DENOYELLE

Rédactrice en chefCoraline COPPIN

Courriel : [email protected]

Comité de rédaction : Denise BUSQUET,Marie Claudine COSSON, VincentCOULOIGNER, Joëlle FRANÇOIS, BrigitteGEVAUDAN, Nathalie LAFLEUR, VanessaLAMORRE-CARGILL, Aude de LAMAZE,Ginette MARLIN, Lucien MOATTI, IsabellePRANG, Philippe SÉRO-GUILLAUME,Vincente SOGGIU

Couverture : DSMB25 rue de la Brèche aux Loups 75012 ParisTél./Fax. 01 43 40 19 58Courriel : [email protected]

Maquette : Coraline COPPIN

Impression : ACCENT TONIC45-47 rue de Buzenval75020 Paris

N° CPPAP : 1112 G 82020

ISSN : 1635-3439

Vente au numéro : 12 €

Abonnement annuel : 40 €

La reproduction totale ou partielledes articles contenus dans la présenterevue est interdite sans l'autorisationd'ACFOS

maquette N 32.qxd 09/06/2010 15:59 Page 2

Page 2: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • DÉCEMBRE 2008 • N°26 3

Titre articleTitre article

CONNAISSANCES SURDITÉS • DÉCEMBRE 2009 • N°30

ÉÉ ditorialditorialPAR FRANÇOISE DENOYELLEPrésidente

Chers lecteurs,

Avant l’arrivée de l’été, je vous invite à réser-ver la date du prochain colloque ACFOSVIII : vendredi 19 et samedi 20 novembre2010.

Le titre du colloque a été légèrement modi-fié afin de mieux représenter le contenu deces deux journées, qui aborderont de façonplus globale les déficiences sensorielles com-binées : “Equilibre et vision chez l’enfantSourd. Usher et autres déficits combinés”.

Ce colloque associera trois conférences quis’annoncent passionnantes sur la physiologiesensorielle et la physiopathologie des déficitssensoriels, de nombreuses discussions et unematinée consacrée au syndrome de Usher detype 1.

Nous souhaitons présenter en fin de colloque,comme nous l’avions fait lors des dernièresmanifestations ACFOS, des préconisationsvalidées par l’ensemble des intervenants,préconisations qui visent à guider les profes-sionnels dans leur pratique quotidienne.

Bonne lecture.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 15:59 Page 3

Page 3: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

AAGENDAGENDA

CONNAISSANCES SURDITÉS • MARS 2010 • N°314

Equilibre et vision chez l’enfantEquilibre et vision chez l’enfantsourd.sourd.Usher et autres déficits combinésUsher et autres déficits combinés

Colloque ACFOS VIII

Avant programme vendredi 19 novembreAvant programme vendredi 19 novembre

PHYSIOLOGIES ET PHYSIOPATHOLOGIES SENSORI-MOTRICES

Contrôle multi sensoriel du regard, de l’équilibre, de lalocomotion, de la mémoire spatiale, des gestes… Le rôle particulier du vestibule “6ème sens”Pr Alain BERTHOZ, Collège de France, Laboratoirede Physiologie de la Perception et de l’Action

Les troubles vestibulaires et leurs conséquences chezl’enfant sourd. Aspects théoriques et cliniques

Dr Sylvette WIENER-VACHER, ORL, Hôpital R.Debré, Paris

Soline LECERVOISIER, Psychomotricienne,CEOP & Centre de Ressource R. Laplane, Paris

Les troubles visuels et leurs conséquences chez l’enfantsourd. Aspects théoriques et cliniques

Dr Georges CHALLE, Ophtalmologiste, HôpitalNecker Enfants Malades, Paris

Isabelle LAYAT, Orthoptiste, Centre pour EnfantsPlurihandicapés, Paris

DÉFICIENCES SENSORIELLES COMBINÉES

Triples déficiences sensorielles : aspects génétiques etperspectives thérapeutiques Pr Hélène DOLLFUS, Service de Génétique médicale,CHU de Strasbourg

Retentissement des déficiences sensorielles combinéessur le développement de l’enfant sourd etl’accompagnement des famillesIsabelle VERGRIETTE, Psychologue, Centre pourEnfants Plurihandicapés, Paris

Table ronde : modalités de prise en charge, d’accueil etd’accompagnement des personnes porteuses dedéficiences combinées.

Antoinette BLANC ZIDI, Professeur Ressource,MDPH 75, Paris

Dr Joëlle TOUR-VINCENT, INJS de ParisAdrienne VIEU, Orthophoniste, Institut St Pierre,

PalavasDominique SPRIET, Directrice, FAM Quenehem,

Calonne Ricouart

Avant programme samedi 20 novembreAvant programme samedi 20 novembre

LE SYNDROME DE USHER TYPE 1 CHEZ L’ENFANT(avant 15 ans)

Syndrome de Usher : de la fonction des gènes à laphysiopathologieDr Aziz EL-AMRAOUI, Chef de Laboratoire, InstitutPasteur, Paris

Les signes d’alerte. L’établissement du diagnostic et lesexamens indispensables. L’importance d’un bilangénétique.Dr Jacques LEMAN, ORL, Nord Pas-de-Calais

L’annonce d’un Usher type 1 : un exemple defonctionnement d’une équipe pluridisciplinaire

Dr Sandrine MARLIN, Généticienne, Hôpitald’Enfants A. Trousseau, Paris

Dr Georges CHALLE, Ophtalmologiste, HôpitalNecker Enfants Malades, Paris

Dr Natalie LOUNDON, ORL-PH, Hôpitald’Enfants A. Trousseau, Paris

Caroline REBICHON, Psychologue, Hôpitald’Enfants A. Trousseau, Paris

TÉMOIGNAGE ET SYNTHÈSE

TémoignageAssociation CHARGE

Rôle des Centres de Ressources dans les soins etl’accompagnement des enfants avec déficiencescombinées

Centre de Ressources R. Laplane, ParisCRESAM, Poitiers

Préconisations concernant la détection et la prise encharge des déficiences sensorielles combinéesPr Françoise DENOYELLE, ORL, PU-PHHôpital d’Enfants A. Trousseau, ParisPrésidente d’ACFOS

Le programme complet et les horaires sont disponibles sur simple demande

auprès d’Acfos ou sur notre sitewww.acfos.org

maquette N 32.qxd 09/06/2010 15:59 Page 4

Page 4: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • MARS 2010 • N°31 5

TARIFS COLLOQUE ACFOS VIIITARIFS COLLOQUE ACFOS VIII

Adhérents* :

Inscription individuelle : 230 euros ;Formation continue** : 300 euros ; Tarif réduit (parents, personnes sourdes) : 100

euros ; Tarif groupe (à partir de 5 inscriptions) : 200 euros.

Non adhérents : 350 euros**

* Adh. personne physique :30 € / Adh. personne moral e: 150 €. Voirtoutes les modalités sur www.acfos.org** Les personnes inscrites au titre de la formation continue recevrontgratuitement les Actes du colloque

Bulletin d’inscription disponible sur simple demande à

ACFOS 11 rue de Clichy

75009 ParisTél. 09 50 24 27 87 Fax. 01 48 74 14 01

[email protected]

ou téléchargeable sur notre site

www.acfos.org

AAGENDAGENDA

Formations professionnellesACFOS 2010

FP6 : Les problématiques découlant d’un dysfonctionnement vestibulaire chez l’enfant sourd

Intervenantes : Marie France DUBUC (Psychomotricienne), Sylvette WIENER VACHER ( ORL)Dates : 07 et 08 octobre 2010, ParisCoût : 350 €

FP7 : Cas particuliers après Implantation cochléaire pédiatrique

Intervenantes : Natalie LOUNDON (ORL, PH), Isabelle PRANG (Ortho-phoniste), Caroline REBICHON (Psychologue)Dates : 18 et 19 octobre 2010, ParisCoût : 350 €

FP8 : Accompagnement des adolescents sourds

Intervenantes : Isabelle PRANG (Orthophoniste), Florence SEIGNOBOS(Psychologue, Psychothérapeute)Dates : 02 et 03 décembre 2010, ParisCoût : 350 €

FP9 : Le contrôle audiophonatoire de l’enfant implanté et la réédu-cation de la parole

Dates : 09 et 10 décembre 2010, ParisIntervenante : Chantal DESCOURTIEUX (Orthophoniste)

À noter...

Les formations professionnelles sontréservées à nos adhérents.

Tout le monde peut adhérer àAcfos : il vous suffit de remplir lebulletin d’adhésion disponible surnotre site www.acfos.org ou encontactant Acfos au 09 50 24 27 87 [email protected]

Le contenu détaillé des formations estdisponible à ces mêmes coordonnéeset peut vous être envoyé sur simpledemande.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 15:59 Page 5

Page 5: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°326

AACTUCTU

L’audiophonologie a pour objet l’étude de l’audi-tion, de la phonation, de la parole et du langagede l’homme.

Elle comprend les aspects anatomiques, physiolo-giques, psychologiques, acoustiques, phonétiques, lin-guistiques et sociologiques de la communication.

La prise en charge des troubles de la communicationprésente une part médicale, une part pédagogique, unepart orthophonique (ou logopédique), une part psy-chologique et une part prothétique.

Le BIAP : qu’est-ce que c’est ?

Le BIAP, Bureau international d’audiophonologie, estune association internationale à but scientifique crééeen 1967, dont le siège est en Belgique. Il a notammentpour objet la création d’un terrain de rencontres inter-disciplinaires avec échanges d’informations et dedocuments entre membres de différents pays, et lapublication de recommandations dans le domaine del’audiophonologie (consultables sur le sitewww.biap.org).

Accueilli par l’un des comités nationaux des pays repré-sentés, le BIAP réunit ses membres deux fois par an,pour un travail interdisciplinaire au sein de différentescommissions techniques : Implants, Dépistage de lasurdité, Prothèses, Bruit, Education auditive, Gui-dance parentale, Acouphènes, Troubles auditifs centraux...

Lors de sa dernière convention qui a eu lieu à Brugesdu 28 avril au 02 mai 2010, le BIAP a élu son nouveauprésident, un français, en la personne de M. MartialFranzoni, orthophoniste, directeur du Centre expéri-mental orthophonique et pédagogique (CEOP) à Paris.

Le BIAP en France

Les membres français du BIAP sont regroupés au seindu Comité Français du BIAP - BIAP-France, dont laprésidente est le Dr Nicole Matha. Cette association estconstituée de personnalités représentant diverses pro-fessions avec des membres titulaires désignés par les

associations ousociétés à carac-tère nationalconcernées par ledomaine de l’au-diophonologie etqui adhèrent auBIAP-France.Citons parexemple la Sociétéfrançaise d’ORLet de ChirurgieCervico-Faciale,l’UNSAF, laSociété Scienti-fique d’Audiopro-thèse, le CollègeNational d’Audio-prothèse, la Fédé-ration Nationale des Orthophonistes ou encore laFédération nationale pour l’Insertion des personnesSourdes et des personnes Aveugles en France.

Nous saluons l’adhésion récente de la Société Françaised’Audiologie et du Groupe d’Etude et d’Optimisationde la Rééducation et des Réglages de l’ImplantCochléaire.

Le BIAP-France soumet les recommandations rédigéespar les différentes commissions techniques du BIAP àl’approbation des sociétés savantes nationales adhé-rentes et transmet les remarques ou critiques éven-tuelles du comité français avant adoption du texte parl’assemblée générale du BIAP après recueil des avisémis par les différents comités nationaux.

Le BIAP-France parraine également des journéesd’études et des formations concernant l’audiophono-logie en France.

BIAP-France Chez M. Jacques Leman13 rue Albert Camus 59790 Ronchin Tel/fax. 03 20 88 15 55Courrier :[email protected] : www.biap.org

Des nouvelles du BIAPDes nouvelles du BIAP :: BureauBureauInternational d’AudiophonologieInternational d’Audiophonologie

Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAPwww.biap.org la plaquette “Versle langage”, destinée à sensibili-ser au dépistage des retards delangage chez l'enfant de 3 moisà 3 ans.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 6

Page 6: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 7

Statut et fonction(s)Statut et fonction(s) de la languede la langueorale dans le cadre de projetsorale dans le cadre de projetsbilingues. Approche linguistique etbilingues. Approche linguistique etclinique.clinique.PAR ÉLISABETH MANTEAU-SÉPULCHRE1

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

INTRODUCTION

Mon intervention voudrait questionner la place qui peutêtre accordée à la langue orale dans les projets édu-catifs proposés aux enfants sourds et à leurs familles,particulièrement dans le cadre de projetsbilingues : langue des signes française + langue fran-çaise orale et écrite.

J’ai toujours été passionnée par le “phénomène lan-gage” et par l’univers des langues ; cette fascinationm’avait fait choisir la voie de l’orthophonie puis, en paral-lèle à ma pratique, m’avait amenée à des études de lin-guistique générale et appliquée. Ce goût du langage m’aamenée à travailler auprès d’enfants dont la maîtrised’un mode de communication paraissait la plus diffi-cile : les enfants sourds et les enfants porteurs detroubles sévères du langage, pathologies très diffé-rentes de par leurs étiologies, leurs manifestations etleurs remédiations, mais dont les recherches se croi-sent et s’enrichissent.

À PROPOS DE L’ÉDUCATION BILINGUE

Il peut sembler paradoxal de débuter une interventionsur la place de la langue orale… en parlant de la languedes signes. Mon propos se situe néanmoins dans laperspective d’une éducation bilingue dont j’ai besoin derapidement évoquer l’autre versant pour mieux cernercelui de la langue orale.

La découverte de la langue des signes dans les années1975-1980 a représenté pour les orthophonistes dema génération une extraordinaire remise en question

de nos certitudes théoriques et cliniques. Apprendrecette langue, même imparfaitement, m’a paru alorsreprésenter un passage obligé pour être capable d’enapprocher la structure cognitivo-linguistique. Introduirela langue des signes dans les projets éducatifs desenfants sourds ne pouvait néanmoins s’effectuer sansrecherche préalable. Mon parcours, un peu solitairedans le cadre de recherches linguistiques universitaires,plus collectif dans le cadre de ma pratique, puisque j’aitoujours fait le choix de travail en équipe pluridiscipli-naire, imposait de mener depuis une vingtaine d’annéesdes recherches linguistiques et des expérimentationscliniques visant à donner à la langue des signes toutesa place dans une éducation langagière bilingue desenfants sourds.

Ce travail théorique et clinique s’appuyait notammentsur des études linguistiques sur les bilinguismes “ordi-naires” dans la majorité des pays du monde2. Diffé-rentes études de l’UNESCO3 attestent de la situationde bilinguisme dans l’éducation de plus de 50 % desenfants du monde.

Ces études évaluent par ailleurs que près de 500 mil-lions d’analphabètes dans le monde sont des locuteursde langues minoritaires (dont beaucoup ne s’écriventpas), dans des pays où les enfants font leur scolaritédans une autre langue. Or, dans beaucoup de pays oùles gens parlent une langue différente de celle pratiquéepar leur administration, les programmes bilingues quidémarrent par une éducation de base dans la languematernelle se sont avérés plus efficaces. Desrecherches ont montré que l’aptitude à la lecture et àl’écriture développée dans la langue première pouvaits’appliquer ensuite à toute autre langue parlée parl’élève.

L’expérimentation d’une langue accessible précocement, langue maternelle le plus souvent,est essentielle pour le bon développement de tout enfant, sourd ou non. Même dans lecadre d’un enseignement bilingue LSF-Français, la nécessité de passer par la languefrançaise dans sa forme orale devait être soulignée, à condition de ne pas réduire cetteacquisition de l’oral à un apprentissage articulatoire des mots du langage parlé.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 7

Page 7: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°328

La langue orale dans les projets bilinguesLa langue orale dans les projets bilingues

Les exemples sont nombreux4. Ainsi, en Amazonie péru-vienne, où l’analphabétisme était quasi généralisé autre-fois, 15 000 élèves parlant 28 langues autochtones dif-férentes ont eu la chance d’être scolarisés dans 600écoles bilingues. Ces enfants ont fini par mieux maîtriserl’espagnol que les petits autochtones qui avaient étu-dié dans les écoles entièrement hispanophones, selonune enquête réalisée en 1987.

Le bilinguisme de l’enfant sourd est bien sûr différentpar nature de celui des enfants entendants puisque lalangue des signes est rarement la langue maternellede l’enfant sourd qui vit le plus souvent dans des famillesd’entendants - et du fait de l’inégale facilité d’accès auxdeux versants de ce bilinguisme : la langue des signesd’une part, la langue orale et écrite d’autre part. Pour-tant l’enfant sourd est avant tout un enfant, un petithumain ; sa communication, quelle qu’en soit la forme,appartient au langage humain et il m’a toujours sem-blé nécessaire et profitable de ne pas marginaliser laproblématique de cette acquisition du langage mais dela considérer à la lumière des études générales de lin-guistique de l’acquisition.

Le bilinguisme que j’ai essayé de décrire avec la minu-tie que demandent des études de linguisitique5 et quej’ai mis en pratique - avec mes collègues orthophonistes,avec une équipe pluridisciplinaire, avec l’écoute et l’éva-luation vigilante des familles - a pour but d’apporter auxenfants sourds l’expérimentation précoce d’une langue,non seulement pour leur fournir un outil de communi-cation avec leur entourage, mais également pour leurpermettre de découvrir et comprendre le monde dèsleurs premières années de vie et d’enrichir leur poten-tiel cognitivo-intellectuel.

En effet, il semble indispensable de rappeler que le lan-gage est bien sûr outil de communication - à ce titre onne peut l’étudier indépendamment de la prise encompte du langage de l’autre6 ni du cadre pragmatiquede son utilisation7 - mais qu’il est également un outil dereprésentation et de structuration de la pensée8.

Certains enfants sourds dont la surdité est précoce-ment dépistée, efficacement appareillée et prise encharge et qui ne présentent aucun autre handicap asso-cié (les problématiques sociales étant au nombre desautres situations de handicaps souvent rencontrées)peuvent peut-être maîtriser précocement la langueorale de leur entourage. Peut-être. Mais pour beaucoupd’autres c’est la langue des signes qui pourra être levecteur précoce, efficace et durable de cette premièremaîtrise langagière.

UN BILINGUISME LANGUE DES SIGNES+ LANGUE ORALE ET ÉCRITE

La mise en place de projets bilingues, soigneusementpensés, rigoureusement mis en place, régulièrementévalués au fil des années, a démontré que la languedes signes n’empêche en rien les enfants sourdsd’accéder à la langue orale et écrite, ni auxacquisitions scolaires et culturelles. Dire que ladécouverte de la langue des signes a entraîné uneremise en question théorique et expérimentale denos pratiques ne suppose pas qu’elle ait effacé ourelégué au second plan ce que nous avions appris àfaire dans un cadre initialement oraliste. Pourquoiaurions-nous cessé d’apporter aux enfants sourds ceque nos aînés, notamment dans la lignée des travauxde Suzanne Borel-Maisonny et Denise Sadek, nousavaient appris à mettre en place pour aider lesenfants sourds à accéder à la langue orale et écrite ?Et pourquoi aurions-nous refusé de découvrir etutiliser les progrès des techniques (d’appareillage) etdes méthodes (comme le LPC) ?

Dès le début de mes études sur le bilinguisme, j’ai tra-vaillé sur les conditions d’accès à la langue ORALE etécrite. En 1998, après avoir soutenu ma thèse, j’étaisintervenue dans quelques colloques ou journéesd’études autour du thème : “l’oral, un désir ou un besoinpour l’enfant sourd ?”. Cette conception du bilin-guisme n’était pas toujours confortable à cetteépoque, entre les oralistes qui rejetaient la langue dessignes et les partisans d’une éducation associant “enfin”la langue des signes à la langue écrite mais rejetantl’éducation orale, vécue comme difficile, contrai-gnante, etc.9 Il me semblait que ces dernières annéesles préjugés avaient changé et que d’assez nombreuseséquipes avaient mis en place des projets langagiersbilingues donnant toute leur place à chaque compo-sante de ce bilinguisme particulier. Il me semblait queles querelles entre oralisme et “gestualisme” s’étaientestompées du fait des avancées concrètes…

La reconnaissance officielle de la langue des signes fran-çaise comme libre choix éducatif pour les familles desenfants sourds, puis comme possible langue d’ensei-gnement pour ces mêmes enfants sourds, enfincomme langue vivante proposée à tous les enfants, aréjoui les éducateurs et thérapeutes qui avaient militépour cette reconnaissance. Pourtant, il semble que l’his-toire de la surdité, comme celle d’autres minorités lin-guistiques, ne peut se passer des coups de balanciersentre des choix exclusifs et on entend maintenant direque la langue orale peut (doit?) être considérée commeune option toute secondaire au sein de cette éducationbilingue. Ceci nous conduit à nouveau à nous interro-ger sur la place qui peut être accordée à la langue orale

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 8

Page 8: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 9

dans l’éducation bilingue telle que nous la concevons etla pratiquons.

QUEL PEUT ÊTRE LE RÔLE DE LA LANGUE ORALE ?

Réflexions d’ordre psycho-affectif

La grande majorité des enfants sourds naissent dansdes familles entendantes ou mixtes dont la langue estune langue vocale orale. Même si le dépistage de la sur-dité, l’information, le choix de la famille concernant laou les langue(s) d’éducation, l’accompagnement paren-tal, l’apprentissage de la langue des signes par lesparents et les proches, pouvaient être très précoces,la langue orale resterait sans doute, dans l’entouragede l’enfant, la langue dominante. Langue première chro-nologiquement, car le petit enfant sourd a vu sesparents communiquer ainsi au cours de ses premiersmois de vie, et dominante quantitativement, carmême si son entourage proche acquérait rapidementdes bases de LSF lui permettant de communiquer aveclui, on ne peut imaginer que la langue des signesdevienne totalement la langue usuelle des membres dela famille entre eux.

Le petit enfant sourd de parents entendants peut doncavoir le besoin - et le désir - de s’approprier cette languecomme outil de communication, mais aussi commemoyen d’identification à ses parents et aux autresmembres de sa famille. La langue orale semble alorsimportante pour l’élaboration des premières relationsintra-familiales et la construction de soi. Par ailleurs onpeut être interrogé, voire inquiété, par certaines situa-tions parfois rencontrées où la mère est amenée àjouer un rôle d’interprète dans les relations entre lui etson entourage - soit en LSF, soit parce qu’elle est seuleà comprendre la parole de son enfant et pouvoir se fairecomprendre de lui. De ce point de vue, une certaine maî-trise de la parole vocale semble nécessaire pour aiderl’enfant sourd à accéder à une communication auto-nome et parvenir à l’individuation et à l’autonomisationnécessaire à son développement psycho-affectif.

Réflexions sous l’angle social et éducatif

La communication autonome avec l’entourage est utileau développement de l’enfant, elle peut égalementconcourir à une vie d’adulte indépendant. En effet la pos-sibilité de recourir à un interprétariat en LSF de qua-lité se développe, et il nous faut militer dans ce sens.Cette solution reste cependant un moyen coûteux et for-cément ponctuel, encore plus difficile d’accès en pro-vince, en dehors des grandes métropoles. L’adultesourd ne peut bénéficier d’interprète dans tous les

moments de sa vie professionnelle et sociale, et le pour-rait-il que cela ne lui permettrait pas vraiment une com-munication autonome. Même intégré à la communautédes sourds, il vit dans une société majoritairemententendante et il ne peut recourir sans cesse à desmédiations pour les échanges interpersonnels avec lesautres membres de cette société. Dans ce sens, lalangue orale représente un passage utile pour une auto-nomie dans les rapports sociaux de l’enfant grandissant,de l’adolescent, de l’adulte en devenir.

Réflexions d’ordre linguistique

Sous un angle linguistique enfin, la langue orale repré-sente une première et indispensable appropriation,même partielle, de la langue orale-écrite qui véhicule nonseulement la communication, mais encore les acqui-sitions scolaires et plus largement l’accès aux connais-sances et à la culture. En effet, si l’importance pour l’en-fant sourd de maîtriser le mieux possible la langueécrite, véhicule de la communication à distance et dela connaissance, n’est contestée par personne, les opi-nions sur les moyens d’y parvenir divergent. La recon-naissance du statut de langues aux langues des signesa amené certains chercheurs et praticiens à envisagerun passage direct et exclusif de la LSF au français écrit.Ce passage direct ferait l’économie d’une éducation enlangue orale, longue et difficile. Pourtant des facteursd’ordre linguistique semblent nuancer cette hypothèse.

DE LA LANGUE ORALE À LA LANGUEÉCRITE

Réfléchissons au lien entre la langue orale et l’acqui-sition ultérieure de la langue écrite par l’enfant sourdselon le modèle “à deux voies” généralement admiscomme coexistant chez tous les lecteurs compétents- assemblage/adressage - et aux rapports entre langueorale et écrite selon ces deux voies d’accès.

Que peut-on comprendre du lien langue orale-écrite par rapport

à la voie d’assemblage ?

Par rapport à cette compétence nécessaire pour deve-nir un lecteur performant devant tout mot nouveau ounon usuel, il semble généralement indispensable d’in-tégrer la conscience phonologique qui sous-tendnotre code d’écriture utilisant largement la concor-dance graphème/phonème.

Maîtriser le code phonologique de la langue suppose-t-il de pouvoir produire parfaitement (articuler) tous lesphonèmes ? Cette nécessité supposée est souvent uti-lisée aussi bien pour défendre un nécessaire travail arti-

La langue orale dans les projets bilinguesLa langue orale dans les projets bilingues

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 9

Page 9: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3210

culatoire systématique en amont de la lecture que pouren dénoncer la difficulté, voire l’impossibilité pour lesenfants sourds.

Or la pratique clinique de l’éducation des enfants sourdsdémontre une toute autre approche de la langue : lesenfants sourds ont certes besoin, comme les autres,de connaître le fonctionnement phonologique de lalangue orale pour pouvoir décomposer les messagesdont ils ne saisissent pas directement le sens, mais lareproduction articulatoire n’est pas l’obstacle majeur.

D’une part, la maîtrise des phonèmes de la parole n’estpas un obstacle insurmontable pour la majorité desenfants sourds qui peuvent bénéficier d’un bon appa-reillage (même conventionnel) et d’une éducation audi-tive de qualité. Quant à la proposition entendue l’an der-nier de proposer aux enfants sourds de labialiserseulement pour plus de facilité, elle est incompréhen-sible. Reviendrait-on à penser que les sourds sontmuets ? S’ils réussissent à produire/reproduire les dif-férents phonèmes dans leur point d’articulation et leurmode articulatoire, ce n’est pas l’acte phonatoire(émettre de la voix) qui leur est difficile.

D’autre part, une maîtrise imparfaite de l’articulationn’empêche en rien la conscience phonologique, à condi-tion qu’on la présente, et même qu’on l’explicite, auxenfants sourds. Les tableaux communément utilisés enorthophonie comme ceux ci-dessous aident considé-rablement les enfants à se représenter mentalementnotre code phonologique tout en comprenant 1. qu’ilrépond à des règles non arbitraires, donc compré-hensibles, 2. que c’est un système fini, donc accessibleà un apprentissage.

Consonnes occlusives

On peut expliquer qu’occlusion = fermeture/ouverture d’une par-tie de l’appareil bucco-phonatoire

Consonnes constrictives (ou fricatives)

On peut expliquer que constriction = resserrement d’une partiede l’appareil bucco-phonatoire ou bien que friction = frottementde l’air

Enfin, la clinique montre que la maîtrise du fonction-nement syntaxique et sémantique de la langue orale-écrite est bien plus difficile d’accès aux enfants sourdsque sa production articulée.

Que peut-on comprendre du lien langueorale-écrite par rapport à la voie d’adressage ?

Certes, l’association globale de monèmes signés/écritsest très rapidement faite par l’enfant qui a bénéficié dela LSF et il peut, au même âge que les enfants enten-dants, reconnaître à la langue écrite son rôle de trans-mission d’informations. L’enfant sourd peut, aussi rapi-dement que les autres, plus rapidement même sansdoute en raison des formidables capacités d’observa-tion visuelle qu’il développe généralement, acquérir unstock de mots.

L’association directe signe de LSF/mot écrit est doncpossible et, très souvent au cours de l’apprentissagede la lecture, l’enfant sourd traduit spontanément enlangue des signes ce qu’il lit. Il peut aussi comprendrerapidement de petites phrases écrites si elles ne com-portent pas de difficultés syntaxiques. Pourtant la dif-ficulté est autre lorsqu’il s’agit de comprendre ou uti-liser des phrases ou textes plus complexes.

On parle souvent de deux langues (au sein des languesvocales), l’une orale/l’autre écrite ; je pense, commeLaurence Lentin et bon nombre d’autres linguistes, qu’ilexiste en réalité de multiples variantes au sein d’unemême langue : certaines n’appartiennent qu’au registrede la langue orale, d’autres sont réservées à la langueécrite, mais entre ces deux extrêmes la langue com-porte aussi de nombreuses variantes orales “écrivables”10.

Mode articula-toire/Img labiale

Consommessourdes

(non voisées)

Consonnessonores

(voisées)

Consonnesnasales

Bilabiales P B M

Apico-dentales T D N

Dorso-palatales K G GN

Modearticulatoire/Img

labiale

Consommes sourdes(non voisées)

Consonnes sonores(voisées)

Labio-dentales F V

Alvéolaires S Z

Post-alvéolaires CH J

La langue orale dans les projets bilinguesLa langue orale dans les projets bilingues

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 10

Page 10: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 11

A = ensemble, pratiquement illimité, d’énonciations pouvantêtre parlées / B = ensemble, pratiquement illimité, d’énoncia-tions pouvant être écrites / C = intersection des deuxensembles : énonciations pouvant être soit parlées, soit écrites / a1c1 : classe de variantes orales “équivalentes”, d’un point devue strictement informatif / b1c1 : classe de variantes écrites“équivalentes”, d’un point de vue strictement informatif /c1c’1 : intersection des deux classes précédentes, d’un point devue strictement informatif / a2c2 : autre classe de variantesorales / b2c’2 : autre classe de variantes écrites.

Ainsi, comprendre la langue écrite dans sa complexitéde langue (et non dans son décodage d’unités de typemonèmes) ne peut faire l’économie d’une certaineappropriation du français (oral et écrit), non seulementdans son fonctionnement phonologique, mais égale-ment dans ses composantes culturelles et dans sastructure syntaxique.

Or, la linguistique de l’acquisition a largement démon-tré depuis la seconde moitié du XXe siècle11 que l’en-fant s’approprie une langue orale par des interactionsavec son entourage. Cette condition semble applicableà toute langue de nature “orale” (non-écrite), vocale ousignée. Mais la langue écrite, par son essence même,ne peut fournir, sinon en différé, de telles situations inter-actives. L’enfant doit donc avoir découvert et expéri-menté auparavant les règles (syntaxiques, culturelles)de fonctionnement de cette langue. Il semble ainsiimportant que l’enfant sourd puisse découvrir et expé-rimenter les règles de la langue vocale orale avant qu’iln’acquière la langue écrite.

Les travaux de L. Lentin ont confirmé le rôle détermi-nant des structures syntaxiques pour l’accès au sensde la langue orale et écrite. J. Hébrard, son collabo-rateur dans “Du parler au lire”12, rappelle que lireconsiste à vérifier une hypothèse sémantique maisqu’on “ne peut se contenter d’effectuer cette vérifica-

tion par la reconnaissance des mots successifs quiconstituent le texte [...] ; ces mots ne prennent de sensque par la structure syntaxique dans laquelle ils sontorganisés”.

Là encore la langue écrite peut difficilement offrir à l’en-fant les conditions nécessaires pour découvrir, en situa-tion, ce fonctionnement langagier et l’expérimenter poursa propre expression s’il ne l’a pas approché dans uncontexte interactif comme une langue orale peut l’offrir.

CONDITIONS ET FONCTIONS D’UNEÉDUCATION ORALE

Les orthophonistes travaillant au sein d’équipes pluri-disciplinaires, aux côtés notamment de professeurs delangue des signes, ont développé au fil des années lesconditions d’accès à la langue orale - pas de l’oralisme -sans acharnement rééducatif, mais dans une dyna-mique interactive qui essaie au maximum de se rap-procher de l’acquisition du langage par les enfantsentendants.

Découvrir le monde sonore peut être source de plaisirpour des enfants sourds comme découvrir le mondedes gestes peut l’être pour des enfants entendants. Demême, au sein de ce monde à la fois sonore et visuel,il est possible d’appréhender et s’approprier peu à peula langue orale, sans repousser l’aide de techniquescomme le LPC qui ne sont absolument pas incompa-tibles avec un projet bilingue, à condition que ce projetsoit clairement construit et explicité.

Cet accès à la langue orale suppose néanmoins desconditions rigoureuses de présentation des deuxlangues dans leur totalité et leur complexité : unapprentissage de la LSF par des interactions précoces,régulières et de qualité avec des professionnels(sourds) enseignants de langue des signes/la mise enplace d’actions éducatives visant à la découverte dumonde sonore et de la langue orale.

Ces actions langagières éducatives (plutôt que réédu-catives) que les orthophonistes conçoivent et animentavec les familles et l’équipe pluridisciplinaire, s’ils ontcette chance de travailler en équipe, passent toutd’abord par une éducation auditive précoce, régulièreet structurée, utilisant des matériaux sonores variés,et basée sur le plaisir de la découverte et de l’expéri-mentation sonore13.

Elles nécessitent également une éducation orthopho-nique - qui n’est pas une démutisation - et qui - faut-il lepréciser? - ne se limite pas à la maîtrise des phonèmes

a1

a2

A C B

b1

b2

c’2 c2

c’1 c1

(2) (2’)(1) (1’) (3)

Schéma des ensembles énonciatifs

La langue orale dans les projets bilinguesLa langue orale dans les projets bilingues

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 11

Page 11: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3212

de la langue mais qui prenne en compte tous lesaspects de la langue, parcours long et complexe briè-vement esquissé ci-après.

Lexique et syntaxe

Certes, l’appropriation du lexique peut être vécuecomme un chantier sans fin, toutefois Denise Sadek14

nous avait déjà appris que l’important n’est pas d’en-seigner tous les sens mais de transmettre aux enfantssourds les opérations de pensée qui engendrent ceseffets de sens.

Cette appropriation du lexique est facilitée par unebonne connaissance de la langue des signes. Apprendreune langue ne consiste pas en une juxtaposition de motsmais dans une appréhension structurée, progressi-vement affinée du monde ; chaque mot nouveau sup-pose une réorganisation des structures de pensée per-sonnelles et les études linguistiques des bilinguismesdémontrent que ce cheminement réalisé dans unelangue est transposable dans les autres languesapprises ultérieurement.

La syntaxe du français n’est pas identique à celle de lalangue des signes, pas plus qu’aux syntaxes des autreslangues orales souvent parlées dans les familles despetits enfants francophones. Or un enfant qui ne maî-trise pas les structures de la langue se retrouve dansl’impossibilité de comprendre dans un contexte dephrase ce lexique qu’il croit connaître, a fortiori dedécouvrir le sens de vocabulaire nouveau. Le travail d’ap-propriation de la syntaxe de la langue orale passe sou-vent par la nécessaire présentation explicite des fonc-tionnements syntaxiques comparés de chaque langue.

Les études de linguistique de l’acquisition ont largementdémontré que seules des interactions verbales riches,variées et adaptées peuvent fournir à tout enfant dessituations de compréhension et d’appropriation pro-gressive des éléments verbalisables : lexique et orga-nisation syntaxique. C’est, bien entendu, cette inter-action qui manque aux enfants sourds du fait de leurhandicap perceptif. Toutefois la langue orale peut leurapporter des situations interactives de ce type : par deséchanges en français signé souple lors des débuts dedécouverte de la langue orale, par des échanges ulté-rieurs aidés par le code LPC pour leur apporter la tota-lité de l’énoncé oral, dans sa précision phonétiquecomme dans sa complexité syntaxique.

Les fonctions du langage

Enfin, il semble indispensable de rappeler que parlern’est pas seulement utiliser un vocabulaire précis etadapté dans des phrases correctement structurées

mais de comprendre et expérimenter les différentesfonctions de ces énoncés dans les échanges langagiers15.

Ces fonctions du langage décrites par Jakobson et lar-gement développées par la linguistique pragmatiques’expérimentent en situation plus qu’elles ne s’ensei-gnent16. Si un enfant sourd peut les approcher par sonexpérience langagière en langue des signes, il est ensituation de transposer cette compétence comme lesautres enfants bilingues les transposent dans les autreslangues, à condition d’en découvrir progressivement lescodes culturels.

CONCLUSION

L’éducation bilingue peut être mise en place dans tousles contextes de vie et de scolarisation des enfantssourds, y compris en inclusion en milieu scolaire ordi-naire, à condition que les équipes s’en donnent lesmoyens, conformément à la loi. Dans ce contexte édu-catif bilingue - mais n’en est-il pas de même dans lesautres contextes ? - tous les enfants sourds ne par-viennent pas à terme à la même maîtrise de la langueorale (tous les enfants entendants non plus) et il estimportant de respecter les besoins, les désirs, les che-minements de chaque enfant et de sa famille. Néan-moins, tous les enfants sourds ont le droit d’approchercette langue orale, plus difficile d’accès pour eux, maisqui ne représente pas néanmoins un monde qui leurserait interdit. Et cet apprentissage peut s’effectuer“sans douleur”, dans le désir et le plaisir17. N’est-il pastemps, après des décennies de querelles idéologiquespartisanes, plus ou moins fondées, de nous appuyer surde réelles analyses et évaluations linguistiques pour pro-gresser ensemble dans cette voie et mettre enfin ensynergie nos savoirs et nos savoir-faire ?

Mme Elisabeth MANTEAU-SÉPULCHRE, Orthophoniste, Docteur en Sciences du Langage

1. Orthophoniste, Docteur en Sciences du Langage. Conseiller technique -chef de service du SESSAD Déficients Auditifs (SAFEP et SSEFIS) del’association Le Fil d’Ariane, NEVERS - [email protected] www.lefildariane-nevers.fr2. HAMERS, J. et BLANC, M. (1983). Bilingualité et bilinguisme.Bruxelles : Mardaga.3. Citées notamment par JISA-HOMBERT, H. (1993). Pour unemeilleure compréhension du bilinguisme précoce. CommunautésEducatives ; “L’appropriation d’une langue”, 83, 18-20.4. YOJANA SHARMA, le nouveau Courrier No 2,www.portal.unesco.org5. MANTEAU, E. (1999). Rôle d’une interaction bilingue (langue dessignes française - français oral) au cours de l’acquisition du langage parl’enfant sourd. Lille : Septentrion.6. BENVENISTE, E. (1966 et 1974). Problèmes de linguistiquegénérale, tomes 1 et 2. Paris : Gallimard. 7. AUSTIN, J. (1962). How to do Things with Word. Cambridge :

La langue orale dans les projets bilinguesLa langue orale dans les projets bilingues

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 12

Page 12: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 13

Harvard University Press. (1971). Traduction : Quand dire,,c’est faire.Paris: Seuil8. GUILLAUME, G. (1958 à 1960). Leçons de linguistique. Laval(Québec) : Presses de l’Université. / VIGOTSKY, L. (1934). Thoughtand Language. (1977). Pensée et langage. Paris : Editions sociales. 9. MANTEAU, E. (2000). L’oral : un désir ou un besoin pour l’enfantsourd ? Réflexions dans le cadre d’une éducation bilingue. Liaisons, 2-05,12-27.10. LENTIN L. (1998) “Langage oral, langage écrit : une même langue”,in Apprendre à penser – parler – lire – écrire. Paris : ESF.11. BRUNER, J. (1983). Chid’s Talk, Learning to Use Language.(1987) Trad. Comment les enfants apprennent à parler. Paris : PUF. /LENTIN, L.(1984 et 1988) (Ed.) Recherches sur l’acquisition dulangage. Tomes 1 et 2. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle.12. HEBRARD J ; 1977, in L. LENTIN et al, Du parler au lire, p. 80.Paris : ESF. 13. BORSEI, F. (2007) Leçon(s) pour le son. Des jeux vocaux pour uneéducation à l’écoute. Mémoire CAPA-SH option A. Suresnes : INS-HEA./ GAURIER, J. (1985). Utilisation des bruits familiers et de lamusique électro-acoustique dans l’éducation auditive des enfants sourds.Bulletin d’audiophonologie, 4 14. On serait tenté de citer toutes les publications de Denise SADEK tantcelle-ci avait déjà si bien décrit et analysé l’acquisition du langage parl’enfant sourd dans toute sa complexité. Citons notamment SADEK-KHALIL, D. (1982, 83, 84) Quatre cours sur le langage; tomes 1 à 3 /(1985, 86, 87, 88, 1989) Quatre libres cours sur le langage; tomes 4 à 8.Paris : ISOSCEL/ ou (1997). L’enfant sourd et la construction de lalangue. Montreuil : Papyrus. 15. BOUVET, D. (1982). La parole de l’enfant sourd. Paris : PUF.16. MANTEAU-SEPULCHRE, E (2008). Rééducation ou conservationdu langage oral et de la parole dans les surdités appareillées ou non, ycompris en cas d’implantation cochléaire. Les Approches Thérapeutiques enOrthophonie. Ortho-Edition.17. MANTEAU-SEPULCHRE, E (2009). Du nourrissage langagier àune dynamique interactive. Cheminement théorique et clinique pour la(ré)éducation orthophonique des enfants sourds. L’apprentissage dulangage - Une approche interactionnelle. L’Harmattan

L’INJS de Paris a publié unpetit guide intitulé

“Accueillir un sourd en entre-prise”. Destiné au grand public, ilest découpé en quelques chapitres i m p l e s : “ D é f i n i t i o n s ” ,“Quelques idées reçues sur la sur-dité”, “Les règles du bien com-muniquer”, “Renseignementspratiques”. Avec ses illustrationssimples et humoristiques, ceguide est un bon support pour entamer des échangesau sujet de l’insertion d’une personne déficienteauditive au sein d’une entreprise ne connaissantpas du tout la surdité.

Institut National de Jeunes Sourds de Paris254 rue St Jacques 75005 ParisTél. 01 53 73 14 00 / Fax. 01 46 34 78 76Courriel : [email protected] : www.injs-paris.fr

L’AFIDEO a édité unFlyer d’information et de

sensibilisation à l’accessibilitédu cinéma aux personnessourdes et malentendantes. Enquelques conseils simples, lepoint est fait sur les princi-pales mesures à mettre enplace : sous-titrage, bouclemagnétique, conseils pra-tiques, sensibilisation du per-sonnel, sécurité et alarme,chiffres clés.

Association française pour l’information et ladéfense des sourds s’exprimant oralementBoite n°26 - c/o Maison des associations du 6ème

60-62, rue Saint André des Arts 75006 ParisCommission Ville et Surdité Courriel : [email protected] : www.afideo.org

ÀÀ savoir...savoir...

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 13

Page 13: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3214

LE PROJET DU CEOP

Le CEOP est un établissement bilingue, dont laphilosophie correspond à ce qu’a exposé MmeManteau. Nous considérons que nous avons affaire àdeux langues, deux aides à la communication, deuxméthodes de communication, ainsi que l’écrit que l’onintroduit précocement.

La LSF va être utilisée par les professionnels sourdsexclusivement car il s’agit d’une langue que nous, enten-dants, ne pouvons prétendre maîtriser complètement,à moins d’être nous-mêmes entendants enfants deparents sourds. Cette langue visuo-gestuelle qu’est laLSF sera donc enseignée au CEOP par des profes-sionnels sourds.

La langue française (avec ses deux modalités : orale etécrite) sera utilisée par les professionnels entendants(l’orthophoniste, mais aussi l’éducateur, le professeur,etc.,).

La langue française (modalité audio-orale), sous saforme orale puis écrite ainsi que la LSF amèneront àune saisie du sens, une représentation mentale.

Pour la langue orale et son pendant, la langue écrite,rappelons que le sens est contenu dans une forme, arti-culée dans son versant oral (les phonèmes) ou gra-phique dans son versant écrit (les graphèmes). La voiephonologique est donc capitale pour nous : la relationfondamentale à appréhender, dès le plus jeune âge, estbien ce lien oral-écrit.

DEUX LANGUES ET DEUX AIDES À LACOMMUNICATION

La première aide à la communication sera le françaissigné ou français oral ponctué de signes, c’est-à-direun discours soutenu par des signes en suivant lasyntaxe de la langue française. Je le place du cotédes aides à la communication pour la LSF, tout enétant consciente du fait que le FS n’est en aucun casune langue. Il s’agit bien d’une aide à lacommunication, que l’on va utiliser dans un certaincontexte, que je préciserai.

L’autre aide à la communication est la LPC, que j’ai placédu côté de la phonologie et de l’aide au lien oral/écrit,c’est-à-dire un sens contenu dans une certaine forme(orale et graphique). Quand on parle de la langue orale,il faut bien prendre en compte tous ses aspects : pho-nologique, lexical, syntaxique, morphologique, séman-tique, pragmatique…

Communication multimodale,Communication multimodale,développement du langage oral et dedéveloppement du langage oral et dela phonologiela phonologiePAR CHRISTINE ROMAND*

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

Un projet bilingue comme celui du CEOP montre l’importance qu’il y a à tenir compte dudéveloppement de chaque enfant pour lui fournir telle ou telle aide à la communication etutiliser telle ou telle méthode d’apprentissage. Que ce soit la proposition du français signépour l’entrée dans une communication signifiante, de la Langue française parléecomplétée pour percevoir la phonologie et la syntaxe du français, ou les gestes Borel pourdémarrer l’écrit, le moment adéquat pour le faire se doit d’être réfléchi et cohérent parrapport aux objectifs de l’équipe, ainsi qu’aux compétences et acquis progressifs del’enfant.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 14

Page 14: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 15

AIDES À LA COMMUNICATION : QUI FAITQUOI ? À QUEL MOMENT ?

Le français signé sera utilisé par les professionnelsentendants dès le départ, dans la communication ini-tiale mise en place au SAFEP, avec les bébés.

Nous proposerons ensuite un passage du françaisponctué de signes vers la LPC dès que cela sera pos-sible. Chaque enfant étant différent, nous nous adap-tons donc au rythme de sa progression. L’objectif estde parvenir à utiliser la langue orale et la LPC le plusfacilement possible.

POURQUOI CHOISIR LE FRANÇAIS SIGNÉCOMME AIDE À LA COMMUNICATION ?

Chez le tout-petit, cela permet la mise en place et la sai-sie très précoce de la relation signifiant-signifié, préa-lable indispensable pour installer la langue.

Ce français oral ponctué de signes permet égalementaux parents entendants non signeurs (la majorité) unecommunication immédiate avec leurs très jeunesenfants sourds, et ce dans les deux sens (réception etémission). La langue orale est en effet beaucoup pluscompliquée à utiliser pour un très jeune enfant sourd.Ce FS permet aussi à des enfants présentant destroubles linguistiques associés à la surdité de s’expri-mer. Nous essaierons donc de passer à la LPC pro-gressivement, en fonction du rythme de chaque enfant.

Le français oral ponctué de signes a également deslimites. La première, assez importante, est que la per-sonne pratiquant le FS doit avoir une très bonneconnaissance de la langue des signes car l’utilisationdu français signé exige de faire des choix pertinents. Ledanger du français signé est de faire du transcodageet de risquer le contresens. On peut avoir l’impression,en soutenant son message de signes et lors d’un dis-cours assez complexe, que l’enfant comprend tout, orce n’est pas le cas, il n’a souvent que quelques bribesdu message.

Si le français signé véhicule bien le sens (si l’on restetrès attentif à ce que l’on donne à voir à l’enfant), il nepermet cependant pas de visualiser les aspects formelsdu langage (syntaxe, phonologie, morphologie, etc.).

C’est pourquoi nous optons pour un passage à la LPCdès que possible car c’est ce passage qui permettrade visualiser la langue orale dans ses aspects formels,la LPC favorisant les structures de la langue orale. Maisattention, réception ne signifie pas compréhension. Sil’on code des mots inconnus, l’enfant ne les compren-

dra pas. De même, le sens figuré peut entraîner un pro-blème de compréhension même si la réception estbonne.

En préparant cette intervention, il m’est venu l’exemplede l’expression “une montagne de lettres”. J’avais dis-cuté avec une codeuse qui suivait une petite fille sco-larisée en CE1. Dans un texte, on parlait d’une “mon-tagne de lettres”. La codeuse me disait que l’enfant avaitbien reconnu tous les mots mais qu’au niveau du sens,elle ne se représentait pas cette fameuse “montagnede lettres”. C’est un petit exemple qui illustre bien que“réception” ne signifie pas forcément “compréhension”,et que comme l’a dit Mme Manteau, il ne faut pas négli-ger tout le travail sur le langage.

UNE MÉTHODE QUI LIE L’ORAL ETL’ÉCRIT

La méthode de travail que nous utilisons est celle deMme Borel-Maisonny (les “gestes Borel”), la fondatricedu CEOP. La LPC est arrivée dans les années 70 et laLSF à la fin des années 80, pour aboutir à notre travailactuel.

La méthode Borel-Maisonny est phonético-gestuelle. Elleva donc nous permettre de développer la voie phono-logique et de mettre en place très tôt le lien oral-écrit.Elle nous permettra de mettre en rapport l’articulationet la parole, la conscience phonologique et la lecture.Au sein de tout cela, il ne faut pas oublier l’éducationauditive qui a toujours sa place et qui doit être déve-loppée de façon importante pour que les liens puissentse faire correctement.

Nous sommes donc en présence de deux langues, dedeux aides à la communication et d’une méthode quiintervient ici entre la langue orale et la langue écrite,qui permettra à l’enfant de développer ses compé-tences phonologiques et de faire le lien entre l’oral etl’écrit.

Cette méthode est utilisée chez les très jeunes enfantset le début de la lecture sera mis en place dès lamoyenne section de maternelle.

Nous introduisons l’écrit précocement car il a un rôleet un enjeu très particulier pour les enfants sourds : ilrend visible la langue. C’est avec la lecture que vont secréer des faits de langue, moyen irremplaçable d’accèsà la connaissance.

Pour développer le lien oral-écrit en utilisant cette voiephonologique, donc en permettant aux enfants de fairede l’assemblage avant d’arriver à l’adressage, les gestes

Communication multimodaleCommunication multimodale

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 15

Page 15: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3216

de la méthode Borel vont être d’une grande utilité carils favorisent la mémorisation ; ils sont donc un supportà l’évocation du phonème. Ils assurent la précision arti-culatoire et permettent de faire le lien entre l’articula-tion, la conscience phonétique et l’écrit et favorisentpour l’enfant l’analyse de l’ordre des sons qui sont suc-cessivement prononcés.

L’enfant utilisera donc les gestes Borel très tôt, maisil devra pouvoir s’en détacher ensuite (entre la mater-nelle et le CP). On va amener l’enfant à ne plus faire legeste Borel pour l’articulation lorsque le phonème seracorrectement émis ou quand l’enfant n’aura plus à réflé-chir pour articuler correctement le phonème. On l’aban-donnera également pour la lecture quand le déchiffragedeviendra correct, et pour l’écrit lorsque le lien oral-écritsera acquis.

PROGRESSION EN MOYENNE ETGRANDE SECTION DE MATERNELLE.DES LETTRES MOBILES À LA LECTUREDE PHRASES.

La progression utilisée avec les enfants est l’utilisationdes lettres mobiles en moyenne section pour arriverensuite en fin de section de grande maternelle à la lec-ture de phrases simples, qui ne demandent pas dereprésentation très compliquée. Une syntaxe simplesera proposée afin de faire ce lien oral-écrit en passantpar la voie phonologique et le feedback auditif.

En moyenne section, un début d’apprentissage de lalecture est initié, systématiquement accompagné de dic-tées de sons, de syllabes, puis de mots simples.

L’orthophoniste exécute les gestes Borel de droite àgauche devant l’enfant, d’abord avec les deux mainsséparément (ce qui permet de voir la succession desphonèmes) puis avec une seule. On utilise des lettresmobiles : on propose à l’enfant de reconnaître dessignes écrits isolés, des voyelles et des consonnessimples, en écriture scripte (bleu pour les consonneset rouge pour les voyelles par exemple).

Ensuite, on va proposer une présentation ordonnée, lesconsonnes en bleu d’un coté et les voyelles en rougede l’autre. L’orthophoniste proposera à l’enfant une dic-tée de logatomes (consonnes-voyelle, etc.). Ceci permetnotamment l’automatisation du sens gauche/droite dela lecture.

Une fois que tout cela est un peu en place chez l’enfant,on va lui proposer de prendre notre place et de nousdicter une petite combinaison, soit à nous, soit àd’autres enfants, et on en profite pour faire le début de

l’accrochage (on demande à l’enfant de lire). Dès quel’enfant a un minimum de graphèmes en lien avec lesphonèmes, on fera un lien avec le sens :on lui proposeradonc à des premiers mots à déchiffrer. On travaille dèscette étape de la représentation et l’accès au sens, quisera vérifié par le signe ou le dessin.

En grande section, on introduira le carnet de lecturequi va répertorier, graphème par graphème, la pro-gression. L’enfant aura ainsi inscrit dans son carnettoutes les graphies simples et en CP, ce carnet serapoursuivi et les graphies complexes seront introduites.Les lettres mobiles seront toujours utilisées engrande section mais pour la transcription, c’est-à-direque l’on demandera aux enfants de pouvoir dire le motà partir d’une image ou dessin. Il s’agira d’un exercicede transcription de mots : l’enfant doit évoquer orale-ment un mot à partir d’une image, il s’accompagne desgestes Borel et il écrit ensuite le mot avec les lettresmobiles (en grande section, l’enfant ne sait en effet pasencore écrire en script).

En fin de grande section, on fait un également un tra-vail de renforcement du lien oral-écrit pour montrer àl’enfant que tout ce qu’il peut dire, il peut l’écrire : c’estla prise de conscience du lien phonologique. De même,il réalise que ce qu’il peut lire, il peut le comprendre dansla mesure où il dispose du vocabulaire nécessaire.

La lecture de mots, puis de phrases (appuyés par lesgestes Borel) est ensuite abordée, puis un débutd’adressage est initié pour que les enfants reconnais-sent le mot qu’ils lisent, avec une évocation par le signe.On vérifiera ensuite la compréhension de la phrase luepar l’enfant grâce au signe ou au dessin.

Ce travail va être illustré par les vidéos qui vont suivre.

En conclusion, j’insisterai sur l’importance de ce travailsur le lien entre oral et écrit fait en début de maternelleet qui doit être mis en place très tôt. Ensuite, il estnécessaire de favoriser les liens entre la lecture et lelangage, cela même dont parlait Mme Manteau. Lesocle très solide que nous voulons absolument mettreen place est celui de l’accès à la voie phonologique.

Christine ROMAND, Orthophoniste, CEOP

* Transcription réalisée à partir des enregistrements audios de laconférence. Toutes les erreurs ou inexactitudes sont sous la responsabilitéd’Acfos.

Communication multimodaleCommunication multimodale

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 16

Page 16: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 17

Je m’appelle Marie-Laure Fruchard et je suismaman de deux enfants sourds, âgés actuellementde 9 et 7 ans. Ils ont été pris en charge au CEOP

tous petits, le premier ayant été admis à 18 mois et ladeuxième à six mois.

Nous avons fait dès le départ le choix de la langue dessignes. Ce choix s’est avéré au fil du temps tellementprofond, tellement riche et épanouissant que dans monévolution professionnelle, je suis ensuite devenue inter-prète en langue des signes.

Cette langue a donc énormément de valeur pour moiet pour mes enfants.

POURQUOI AVONS-NOUS CHOISI LA LSFCOMME PREMIÈRE LANGUE ?

Nos enfants sont sourds profonds du 3ème

groupe : avec des prothèses traditionnelles, le gain pro-thétique attendu était très faible.

Nous avons souhaité communiquer sans attendre ; ily avait pour nous une véritable urgence à communiqueravec nos enfants et la voie orale semblait extrêmementdifficile à cette époque-là.

Très rapidement, j’ai compris qu’il fallait absolumentcommuniquer dans les deux sens, réception et émis-sion de messages. Je voulais pouvoir dire des chosesà mes enfants mais surtout je souhaitais que, eux, puis-sent également me dire des choses, exprimer leursenvies, faire des commentaires. Je voulais que l’on éta-blisse le plus tôt possible une communication égalitaireoù chacun aurait les moyens de s’exprimer et d’écou-ter pour ensuite débattre, argumenter, donner des avis.J’ai pris conscience de cela très tôt :quand le diagnosticde surdité a été posé, le médecin phoniatre nous aconseillé un stage de LPC, où nous nous sommes ruésimmédiatement. J’utilise encore le LPC aujourd’huiquand cela nous est utile, mais à l’époque je me suisrendu compte qu’avec un bébé de 15 mois, l’échangeen LPC allait être difficile et ne pouvait pas nous per-

mettre communication équilibrée. En effet, si je com-mençais à raconter des choses à mon enfant en lescodant, je me disais bien qu’il finirait peut être par lescomprendre un jour mais je savais que lui, enrevanche, ne pourrait pas me parler tout de suite, quela langue orale allait prendre du temps à se mettre enplace, qu’il ne pourrait pas coder tout de suite, et doncqu’il ne pourrait pas s’exprimer et qu’il n’y aurait pasd’échanges construits entre nous.

Je me suis alors demandée ce que l’on pouvait avoircomme communication allant dans les deux sens avecun enfant tout jeune : il n’y avait que la langue des signes,qui s’est imposée comme une évidence.

Communiquer tôt avec mes enfants, cela ne signifiaitpas seulement leur dire que c’était l’heure de mangerou de dormir : c’était aussi leur expliquer le monde trèstôt pour leur permettre de construire une représen-tation du monde normale pour leur âge. Un enfantsourd ne sait ce que qu’on lui dit personnellement. Lesenfants entendants vont prendre des informations enécoutant sans écouter, en écoutant des conversationsqui ne leur sont pas destinées, en écoutant la télé, lesgens dans la rue, dans un bain de langage permanent.Les enfants sourds ne bénéficient pas de cette impré-gnation. J’ai donc commencé très tôt à expliquer enface à face quantité de choses à mes enfants afin qu’ilsacquièrent aussi précocement que possible la connais-sance que les enfants entendants du même âge pou-vaient avoir, afin qu’ils n’aient pas de retard.

Je me souviens d’un exemple très concret. Mon filsavait 2 ans et demi et c’était un jour de grève à Paris,donc le bazar : les parents sont excités, tout le mondeest énervé, on s’agite pour organiser la journée aveccette contrainte. Pour un enfant sourd, la grève a desconséquences importantes : le taxi arrive en retard, ilmanque des personnes au CEOP, tout le monde est surles nerfs, il met plus de temps le soir pour rentrer enraison des bouchons, etc. De plus, comme nous habi-tons entre République et Nation, nous voyons passertoutes les manifestations, notre rue est bloquée par descars de CRS équipés de boucliers et de matraques et

TémoignageTémoignagePAR MARIE LAURE FRUCHARD

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

Ce témoignage, pendant de celui de Mme Leprette, maman de Mathieu, présenté dans larevue précédente, est, comme ce dernier, celui d’une mère particulièrement impliquéedans l’éducation de ses enfants. Toutes deux ont cherché ce qui leur convenait le mieux pour communiquer avec le moinsde restrictions possibles avec leurs enfants et pour leur fournir les meilleurs outilslinguistiques envisageables compte tenu de leur importante surdité. Chacune de cesfamilles a emprunté des chemins bien différents pour y parvenir mais elles y sontparvenues pourtant toutes deux avec succès.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 17

Page 17: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3218

TémoignageTémoignage

tout ceci peut paraître inquiétant pour un enfant sourd.Je lui ai donc expliqué en langue des signes qu’il y avaitgrève. Ce signe “grève” a été introduit avec une expli-cation signée : les conducteurs de métro et de bus nesont pas contents, ils vont arrêter de travailler pendantun jour puis ils vont se rassembler et marcherensemble dans notre rue en brandissant des panneaux,la police sera là pour surveiller que tout se passebien ; tout ce que tu vas vivre aujourd’hui, qui est un peubizarre, c’est à cause de la grève. Le concept de grèvea donc été installé très jeune (rires) ! Mais l’importantétait effectivement d’expliquer ce qui allait arriver danscette journée et qu’un enfant sourd ne peut pas com-prendre tout seul. Ensuite, le mot “grève” est arrivé enfrançais, des années plus tard. Je me souviens queMme Marta Torres, qui travaillait au Ceop à l’époque,a été très surprise car ce jour-là, mon fils est arrivé dansl’établissement en expliquant très posément en LSF“Aujourd’hui je suis en retard car il y a la grève !”.

La langue des signes a donc permis de construire l’ima-ginaire de l’enfant et de le faire grandir avec son âge.L’objectif était aussi de transmettre très vite desconnaissances, des concepts.

Un élément également très important pour nous étaitle fait de partager l’effort de communication. On ne pou-vait pas envisager qu’un enfant de 15 mois porte seulla relation de communication avec ses parents. La com-munication avec un enfant sourd est un peu comme unvoyage, où les parents et l’enfant seraient chacun surune montagne, séparés par un gouffre qui serait la sur-dité. Nous avons pensé que c’était à nous de traverserle gouffre les premiers et de construire notre pont (laLSF) pour le rejoindre sur sa “montagne”. Plus tard, ontisserait un pont de sa montagne vers la nôtre (le fran-çais). On ne peut pas demander à un enfant si petit defaire seul tout le chemin vers la langue de ses parents.

Je me souviens très bien du jour où mon fils a comprisque j’avais appris la LSF pour lui : il avait environ 6 anset ça a été une révélation pour lui, il m’a posé plein dequestions sur mes stages, mes difficultés à apprendreet de ce jour, il a commencé à nous parler oralement,de plus en plus et sa progression en français a été ful-gurante : il avait compris qu’il pouvait lui aussi tisser unepartie du pont.

Nous avons donc appris et investi la langue des signeset nous avons beaucoup signé en famille. Pourtant, unjour, nous avons choisi l’implant cochléaire.

POURQUOI AVOIR CHOISI L’IMPLANT ?

Il est vrai que c’est un parcours qui peut sembler trèsbizarre parce que peu de parents font ce choix. Pour-quoi donc avoir choisi l’implant ?

Curieusement, les raisons sont les mêmes que cellesdu choix de la LSF :des enfants sourds profonds du 3ème

groupe qui n’auraient, avec des prothèses tradition-nelles qu’un gain prothétique limité et insuffisant pourpermettre une bonne réhabilitation de l’audition puis dela parole. Pour entrer dans l’oral, cela allait donc êtretrès difficile avec des prothèses conventionnelles. Nousavons envisagé l’implant cochléaire non pas comme unefin en soi, mais comme un outil supplémentaire, une“super prothèse” qui permettrait de mieux entendre enminimisant les efforts à fournir.

Le bilan pré-implantatoire, les examens et le tempsde la réflexion pour nous ont pris presque deux ans. Lesgens qui connaissaient nos enfants nous encoura-geaient à les implanter car les enfants étaient ouverts,curieux avec une grande appétence à la communica-tion et on estimait qu’ils montraient les dispositionsnécessaires pour être intéressés par la communica-tion orale et s’investir dans leur implant.

L’autre raison qui nous motivait est que j’étais deve-nue l’interprète de mes enfants. Ils me demandaienttout le temps, quand il y avait du monde à la maison oudevant la télévision : “Il dit quoi ? Il dit quoi ?”. Quand monfils a eu 3 ou 4 ans, je me suis donc dit qu’il avait besoinde prendre son autonomie (et moi aussi car je ne pou-vais être avec lui tout le temps), qu’il devait aller de lui-même vers le monde des entendants et qu’il crée lui-même ses relations sociales. On ne peut pas êtreconstamment accompagné d’un interprète, il faut pou-voir construire ses relations interpersonnelles demanière autonome.

La pression scolaire a également été un facteur dechoix de l’implant. Nous habitons en effet à Paris et nousn’avons pas envisagé de déménager. Dans notre région,il n’y a pas d’école bilingue “pure” telle qu’on l’entend àPoitiers ou à Toulouse. Pour suivre une scolarité la plusnormale possible, il faut quand même passer par l’oral.C’était donc une espèce de “non-choix”, au niveau de lascolarité, qui nous a poussé à choisir l’implantcochléaire.

Nous ressentions également une pression sociale etfamiliale de la part de toutes les personnes qui nousentouraient et notamment des grands-parents. Ceux-ci exprimaient une grande souffrance avec leurs petitsenfants et une totale incapacité à surmonter leur dou-leur. De ce fait, aucun lien entre les générations ne seconstruisait.

Enfin à titre personnel, j’avais aussi une très profondeenvie d’entendre un jour la voix de mes enfants. On abeau avoir une communication signée très riche, il estimportant d’entendre ses enfants parler notre langueaussi. C’est très fort. C’est ce que j’explique à mes amissourds : quelque part, nous les entendants, nousavons besoin d’entendre la voix de nos enfants. Cela ne

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 18

Page 18: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 19

TémoignageTémoignage

s’explique pas, c’est quelque chose de très profond. Mesenfants m’appelaient “maman” en LSF mais le jour oùj’ai entendu l’un puis l’autre prononcer le mot magique“maman” d’une jolie voix comme toute neuve, j’ai étésubmergée par l’émotion.

Ainsi, nous nous sommes retrouvés avec des enfantssigneurs et implantés.

Nous avons maintenant 5 ans de recul puisque le 1er

implant a été posé en 2004, (mon fils avait 4 ans) etle 2ème en 2005 (ma fille avait 3 ans). Ces implants sontconsidérés comme “tardifs” car ils n’ont pas du tout étéposés dans les âges préconisés actuellement.

5 ANS APRÈS L’IMPLANT, QUELSCONSTATS PEUT-ON FAIRE ?

Nous pouvons remarquer d’abord que la bataille pourla LSF et contre les préjugés n’est pas complètementgagnée, mais que les choses progressent. Dans notrecheminement, c’est peu dire que les professionnels quitravaillaient avec nous n’étaient pas du tout convaincuspar ce que l’on faisait. Certains même s’opposaientouvertement à notre projet bilingue. L’équipe médicaledu centre implanteur a exprimé beaucoup de réticencesau démarrage. Ils voulaient qu’on arrête de signer, nousculpabilisaient en nous disant qu’avec le confort de laLSF les enfants n’allaient pas investir l’oral et leurimplant, et nous ont demandé explicitement de “rangernos mains”. Nous avons subi pas mal de pression pournous convaincre d’arrêter de signer. Mais comme jesuis têtue et que j’adore la LSF, j’ai suivi mon intuitionjusqu’au bout qui est de considérer que les deux languesallaient se compléter et s’enrichir mutuellement ! Je mesouviens de grosses “prises de bec” avec des ortho-phonistes ou d’autres professionnels pour affirmer queje maintenais le cap, que l’on continuait à signer à lamaison, qu’il y avait des moments où on ne portait pasles appareils. Au fil du temps, la réussite de l’implantcochléaire s’est avérée fulgurante pour les deux enfants.Les implants sont devenus très vite fonctionnels, et enconséquence, la pression anti-signe s’est miraculeu-sement relâchée ! Aujourd’hui, on me laisse signer etplus personne n’ose faire de commentaire à ce sujet !On m’invite même à témoigner à l’ACFOS ce qui prouvele chemin parcouru ! C’est une bonne chose, car je suisarrivée à prouver à partir d’une intuition que la languedes signes n’était pas contradictoire avec l’implantcochléaire et que cela pouvait au contraire aider à obte-nir de très bons résultats.

J’ai remarqué que la langue française a été acquisecomme une langue étrangère pour mes deux enfants.J’observais leurs apprentissages et cela me faisait pen-ser à ma propre enfance quand j’apprenais l’anglais en6ème. Au début, ils ont commencé par du copier-coller,et ensuite (grâce également au gros travail des ortho-

phonistes du CEOP), ils sont allés vers une constructionplus analytique, notamment pour ce qui est des conju-gaisons, des verbes, les genres des noms, etc., qui sontdes choses que l’on ne perçoit pas par le bain de lan-gage même si l’implant fonctionne bien. L’étape ducopier-coller donne des exemples drôles quand on estconfronté pour la première fois à la polysémie du motou du signe. Mon fils avait, par exemple, appris à mettresur tel signe le mot “bille”. Un jour que je cuisinais, il medit : “je veux un gâteau de billes”. En fait, ce signe étaitaussi la façon dont on nommait les olives. En le faisantsigner ce qu’il voulait dire, j’ai compris qu’il voulait uncake aux olives. On en a profité pour introduire la poly-sémie du signe olive/bille et un nouveau mot (cake) pourqualifier une sorte de gâteau. Au début, les enfants fai-saient du “signé-français”, et petit à petit, avec la pro-gression de ce travail analytique, on est arrivé à desformes du français qui sont normales.

Nous avons donné aux enfants le libre choix d’unecommunication à la carte. A la maison, nous commu-niquons en langue des signes ou en français et ils ontla liberté totale de mettre ou non leurs appareils surles temps de vie familiale. Les audioprothésistes sontsouvent paniqués : “Comment, il est resté 3 jours sansappareils !”. Pire, on peut rester une semaine sansimplant et sans prothèse, cela ne gêne en rien : lesenfants continuent à nous parler, on leur répond en LSF.Ils ont vraiment le choix de la langue, donc ils choisis-sent ce qui les arrange le plus en fonction des cir-constances, avec cette notion fondamentale de plaisir.

Cette relation français oral/LSF a créé beaucoup deconfiance, de respect et de complicité entre nous cartout le monde respecte la langue de l’autre. Sponta-nément, les enfants nous parlent. Ils ont compris quenous pouvions signer vers eux pour faciliter leur com-préhension, mais eux nous parlent toujours. C’est uneinteraction constante et riche entre les deux langues,qui sont présentes tout le temps. Chaque langue sou-tient l’autre. Souvent pour eux le français est la langued’émission, ils l’utilisent quand ils ont quelque chose àdire. A l’heure actuelle, on peut dire que le français estleur langue première car quand ils veulent s’exprimer,ils le font en général en parlant. Mais ils préfèrent tou-jours qu’on leur dise les choses en langue des signescar la réception est plus facile.

L’autre aspect de cette liberté de langue est que nousne sommes pas dépendants de la technologie : si l’im-plant tombe en panne (ce qui arrive plus souvent quece que les constructeurs avaient promis !), notre vien’est pas bouleversée et les enfants ne sont pas pani-qués. Nous avons eu une panne définitive d’implant dansla semaine du 15 août, au moment où hôpital etconstructeur d’implant ne répondaient pas au télé-phone. N’ayant pas envie d’écourter nos vacances pourrevenir à Paris régler ce problème technique, l’un denos enfants est resté trois semaines sans implant.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 19

Page 19: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3220

TémoignageTémoignage

L’autre, par solidarité, a décidé de ne pas porter le sienpendant cette période. Nous avons passé des vacancesformidables alors que, pour des enfants dépendant deleur implant, les vacances auraient viré au cauchemar.Personne ne peut garantir la durée de vie des implants(pour la partie interne) ni la fréquence des pannes : évi-ter le stress lié à ces aléas est un atout important. Demême nous pouvons sans aucune rupture de com-munication aller à la piscine, faire du bateau, du canoë,passer une journée dans le sable sans appareils.

LA PUISSANCE DE LA LSF

La puissance de la langue des signes réside dans lefait que le sens est immédiat. On dit quelque chose enlangue des signes et les enfants le comprennent toutde suite.

L’effort de compréhension s’en trouve donc com-plètement éradiqué. Les enfants n’ont pas à investir uneénergie colossale pour comprendre, en déployantrestes auditifs, lecture labiale et des stratégies de sup-pléance mentale. L’énergie ainsi économisée peut êtreconservée à 100 % pour les apprentissages. Avec laLSF, tout est mobilisé pour les apprentissages qui peu-vent enfin se construire avec du sens et beaucoup deplaisir.

La LSF permet également de faire des vérificationssur le sens. Un exemple récent : nous faisions une lec-ture avec ma fille. Dans son texte apparaissait cettephrase : “La sorcière vit une très belle maison”. J’avaisrepéré la présence du passé simple, qui n’est pas uneforme que l’on utilise tous les jours. J’ai demandé à mafille ce qui se passait : “Qu’est-ce que fait la sorcière ?”(utilisation du présent). Elle me répond la phrase parcœur (stratégie typique des enfants sourds !) : “La sor-cière vit une très belle maison”. Je lui demande alorsde me signer ce qu’elle a compris. Elle me fait le signede la sorcière qui habite dans une belle maison. Je luiai alors expliqué que la sorcière ne vivait pas dans unebelle maison mais qu’elle avait vu une belle maison etque “vit” pouvait être le verbe vivre au présent ou leverbe voir au passé. Je lui ai aussi montré que dans laphrase, il manquait le mot “dans” qui aurait été alorsassocié au sens “habiter”.

On peut donc avec la LSF donner beaucoup d’explica-tions : c’est une phrase au passé, c’est un verbe irré-gulier, etc.

On remarque aussi que lorsque le sens est là, lelexique en français se construit spontanément. Pourillustrer cela, j’ai créé un texte à trous dans lequel j’aienlevé tous les mots que ma fille de CP ne connaissaitpas : c’est pour moi non pas un texte de lecture maisun texte qui permet d’acquérir des connaissances. Il estdonc orienté vers l’éveil de l’enfant et non l’analyse de

la langue française. Il se trouve dans un livre de notrebibliothèque personnelle.

Extrait de “L’imagerie des petits gourmands”(Fleurus), page 92 - Lecture en CP

“L’eau :

L’eau que l’on boit, qui sert à laver les mains et ..........on arrose les .........., est puisée dans les sols ou dans lesrivières. .......... du soleil et du vent, l’eau des ..........sous forme de nuages que le vent .......... vers la terre.Puis elle tombe en pluie, en .......... ou en neige. Unepartie .......... dans le sol et ..........L’eau .......... être .......... dans une .......... (….)Quand l’eau est propre, elle est rejetée à la rivière et elleretourne à la mer.”

Il faut noter que le texte à trous est valable à l’écrit, maisaussi en LPC:même codé, ce texte conservera les trousau même endroit pour un enfant du même âge et leLPC n’apportera pas de compréhension des motsinconnus.

Je raconte donc le soir à ma fille un de ces petits textesen LSF. Vous pouvez voir sur cette image l’air de gour-mandise de ma fille de 7 ans. Elle se dit “super, c’estmon histoire en langue des signes, je vais tout com-prendre !”. Ensuite, elle argumente et reformule, s’ap-proprie le contenu, la connaissance. Une fois que cettepetite histoire a été racontée en langue des signes, letexte à trous peut se remplir tout seul :

Plaisir

Réflexion et appropriation du contenu

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 20

Page 20: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 21

Extrait de “L’imagerie des petits gourmands”(Fleurus), page 92 - Lecture en CP

“L’eau :

L’eau que l’on boit, qui sert à laver les mains et aveclaquelle on arrose les cultures, est puisée dans les sols oudans les rivières. Sous l’effet du soleil et du vent, l’eaudes océans s’évapore sous forme de nuages que le ventpousse vers la terre. Puis elle tombe en pluie, en grêle ouen neige. Une partie s’infiltre dans le sol et constitue desréserves.L’eau pompée doit être traitée dans une station depurification (….) Quand l’eau est propre, elle est rejetéeà la rivière et elle retourne à la mer.”

Ensuite, je n’ai plus rien à faire et je peux laisser le livreà l’enfant qui va relire le texte et s’approprier tout levocabulaire. Par exemple, pour le mot “culture” : l’enfantva identifier cela à l’image rendue en LSF de plantes quipoussent. Le mot “évaporer” sera évident avec l’imagede l’eau qui remonte vers le ciel. Les océans apparaî-tront comme un synonyme de mer, etc.

J’ai remarqué ce fait notamment avec mon fils : quandon laisse le livre à l’enfant, après lui avoir tout expliqué,le vocabulaire revient tout seul. Et quelques jours ousemaines plus tard, on entend ces mêmes mots incon-nus jusqu’à la lecture qui ressortent spontanémentdans sa conversation parlée.

LA LECTURE POUR LES SOURDS :UN ENJEU ÉNORME

La lecture pour les sourds est un enjeu énorme carc’est un vecteur de communication essentiel, ne serait-ce qu’entre eux : chat, mail, SMS... Mais l’on rencontrebeaucoup de sourds qui écrivent très mal et qui ne sontpas compréhensibles. Il est donc très important qu’il yait du sens dans leurs écrits.

La lecture est de plus un vecteur d’information essen-tiel. Une personne illettrée entendante pourra malgrétout être informée de nombreuses choses en écoutant

la télé, la radio, en discutant avec ses proches, ses col-lègues de travail, etc. Un sourd lui ne saura rien de toutcela. On remarque toujours que les sourds adultes quiont une très bonne culture générale sont aussi de trèsbons lecteurs.

La lecture est aussi un vecteur de connaissances, desavoirs et d’intégration, notamment pour ceux qui n’ar-rivent pas à oraliser pour communiquer avec les enten-dants : il est important de pouvoir passer par l’écrit etrédiger des petits mots qui soient intelligibles.

Pour toutes ces choses, il faut autant que faire se peutque la lecture et l’écriture soient acquises dans le plai-sir et non la contrainte.

Malgré cet enjeu énorme, on remarque encore souventdans les prises en charge d’enfants sourds, que cer-taines personnes seraient tentées de favoriser l’arti-culation et la qualité de la voix au détriment du sens etdu fait de bien comprendre. Or une belle voix ne rimepas du tout avec une bonne compréhension. Certainssourds parlent très bien mais ils ne comprennent riende ce qu’on leur dit parce qu’ils ne lisent pas sur leslèvres, ou qu’ils n’ont pas assez de suppléance mentale,ou pour d’autres raisons. D’autres ont des voixatroces et communiquent très bien !

C’est le problème que pose la belle voix notamment ensituation d’intégration : les maîtresses de l’école ordi-naire me disent par exemple : “Pourquoi ferions-nous uneffort, vos enfants parlent très bien !”. Certes, ils par-lent bien, mais ils ne comprennent pas forcément bien.

Pour finir, je reviendrai sur le cliché stipulant que lessourds signeurs sont illettrés. C’est effectivement unfait :beaucoup de sourds gestuels maîtrisent mal le fran-çais. Mais le problème n’est pas qu’ils soient signeursmais bien qu’ils aient été très mal oralisés. On leur aapporté le français de manière tellement inadaptéequ’ils ne savent pas bien lire ni bien écrire, ce qui faitqu’en grandissant ils se sont convertis à la langue dessignes. Donc ce sont effectivement bien des sourds illet-trés mais ils sont d’abord illettrés à cause de leur édu-cation et ensuite seulement signeurs.

Il faut donc arrêter de dire que la langue des signes rendillettré ou met le français en danger.

Au contraire, un bilinguisme précoce, avec une languedes signes comme première langue conduit à unmeilleur épanouissement, à des constructions men-tales, à une communication riche. Lorsque tout les fon-damentaux de la communication sont installés alors,une deuxième langue (le français) peut trouver sa placedans le plaisir parce qu’elle aura alors du sens.

Marie-Laure FRUCHARD, Parent, Interprète en LSF

TémoignageTémoignage

Questions et reformulation

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 21

Page 21: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3222

Mme Annie BLUM, OrthophonisteAvant de donner la parole à la salle, jesouhaite souligner l’intérêt du lien qui aété fait avec le témoignage de M. et MmeLeprette (voir CS N°31). Ce qui ressorttrès fortement, c’est toute l’importancedonnée à ce qui est de l’ordre du sens.Les témoignages des 2 familles présen-tent une démarche différente sur le plandu mode, mais identique sur le plan dufond, avec pour point commun le grandinvestissement des parents et la pri-mauté donnée à l’accès au sens. Dans lesdeux cas, cela est également sous-tendupar un travail réel avec des profession-nels qui “s’accrochent” au projet desparents, quel qu’il soit. Les éléments àretenir sont d’une part, la compétencede l’enfant et le fait que le sens ait tou-jours été présent dans l’esprit desparents et des professionnels, d’autrepart que la notion de plaisir a été le soucipermanent de toutes ces approches. Celafait partie des choses essentielles aux-quelles nous devons réfléchir.

M. Jean-Marc BOROY, ParentQuand vous parlez à vos enfants aujour-d’hui, vous codez ?

Mme Marie-Laure FRUCHARDCela m’arrive. Quand je dis des chosesextrêmement simples, de la vie de tousles jours et que je sais qu’ils vont com-prendre parce que c’est du vocabulairehabituel, je ne code pas, notamment carje parle moins vite quand je code. Parcontre, si c’est pour expliquer certainsmots ou des verbes, des conjugaisons,etc., alors je code, mais seulement desportions de phrase, pas des histoiresentières.

M. Jean-Marc BOROY, ParentVous ne pensez pas que vous passez àcôté de petites choses ?

Mme Marie-Laure FRUCHARDSi j’ai des choses essentielles à dire, je lefais en langue des signes qui est malangue première avec mes enfants. Mais

je vais coder pour le nom des oiseaux parexemple, car en LSF il n’y a pas denuance entre “mésange” et “condor”.Je code aussi les noms propres.

M. Jean-Marc BOROY, ParentMa question n’était pas forcément ceque vous codez mais de savoir si quandvous parlez, vous codez tout le temps ?

Mme Marie-Laure FRUCHARDNon. Quand je parle je ne code pas. Jecode juste pour préciser des petitesnuances du français. Mes deux enfantssont au CEOP, ils sont imprégnés decode de la même façon, ils ont eu lesmêmes orthophonistes et je code de lamême manière avec les deux. Or l’aînéaime le code, il décode volontiers et com-prend tout, la petite par contre sebouche les yeux dès que l’on commenceà coder et me dit “si tu bouges tes mains,tu signes !”. Elle préfère la langue dessignes. Chaque enfant a choisi sa proprefaçon d’utiliser le code.

ParticipanteJe voudrais revenir sur l’interventionde Mme Manteau que je trouve passion-nante et qui fait du bien à entendre. Enmême temps, je voudrais savoir com-ment on peut gérer concrètement avecles parents d’enfants entendants l’édu-cation orale telle que vous la présentezquand vous dites que ce qui est indis-pensable, c’est de présenter les deuxlangues dès le début, avec rigueur, dansleur totalité et leur complexité…

Mme Elisabeth MANTEAUC’est tout le travail du projet linguis-tique d’un service. Le service dans lequelje travaille est un SSEFIS-SAFEP.Depuis de nombreuses années nousavons fait le choix de proposer auxfamilles des projets individualisés, avantmême la loi de 2002, notamment parceque nous sommes un des seuls centres dudépartement.Nous proposons aux parents dès leurarrivée de démarrer dans les deux moda-

lités. Auparavant, on disait aux parentsquelque chose comme : “on va proposerdes choses en langue orale, etc. Si ça nemarche pas, on a aussi la langue dessignes”, un peu comme une “roue desecours”. Maintenant, on accueille les parents, onexplique la surdité de leur enfant à euxet on leur dit : “il va pouvoir parler, on vamettre en place de l’éducation auditive.C’est un travail long et difficile mais on vay arriver. Mais il existe aussi la langue dessignes pour communiquer avec votreenfant” et nous leur en présentons tousles aspects. Nous avons bien évidem-ment des cours de langue des signes gra-tuits pour les parents, c’estincontournable. On a également pourles tout-petits (SAFEP et 1ères années deSSEFIS) un jardin d’enfants bilinguequi fonctionne à temps partiel, danslequel travaillent une éducatrice dejeunes enfants entendante et un éduca-teur spécialisé sourd. Toutes les activitéssont proposées dans les deux modalitésmais cela n’est pas fait n’importe comment. Par exemple, une histoire sera d’abordracontée en langue des signes, pour queles enfants se l’approprient, puis ellepourra être reprise ensuite en langueorale. Nous faisons également beaucoupd’éducation auditive, de comptines, etc.La langue des signes est présentée parl’intervenant sourd qui est aussi profes-seur de langue des signes. La LSF estapportée aux parents de façon un peu“théorique” grâce aux cours de languedes signes, et aux enfants de manièreplus “pratique” par des interactions, desactivités régulières.Il est nécessaire qu’il y ait de vrai tempsd’apports de chacune des modalités, queles familles s’approprient différemment.Nous sommes dans un départementassez sinistré économiquement parlantet nous avons aussi des parents qui vien-nent de loin. Chaque famille a sa proprehistoire. Certains parents s’approprienttrès vite et très bien la langue des signes,d’autres moins. Mais ce qui est impor-

Questions de la salleQuestions de la salle

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 22

Page 22: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 23

tant, c’est qu’ils fassent la démarched’un peu de signes pour faire un pas versla communication de l’enfant.De la même façon, les parents ont desgroupes d’initiation au LPC gratuits àdes horaires accessibles car on introduitle LPC quand l’enfant démarre dansl’oral. Certains parents sont convaincusde l’utilité du LPC et pourtant, ils n’ar-rivent pas à s’approprier vraiment cecode.

ParticipanteJe voudrais faire un lien avec l’exposéM. Michel Deleau (voir CS. N°30). Jus-qu’à quel point est-il souhaitable de pro-poser qu’un enfant, sourd de surcroît,maîtrise deux langues ? C’est toute laquestion du bilinguisme ou de l’impré-gnation linguistique d’une languematernelle. Un enfant sourd de parentsentendants peut-il intégrer les deuxlangues en totalité ? Mme Fruchard afait le choix de l’implant cochléaire carc’était un outil pour accéder à la languefrançaise orale et donc écrite, cela m’asemblé très parlant comme démarche.Il faut réfléchir aux outils que l’on peutdonner à des enfants sourds pour déve-lopper au maximum leur langue. Enmême temps, il faut savoir que pour cer-tains parents, il est difficile d’apprendrela langue des signes de façon spontanéeet complète pour l’intérioriser en tantque langue d’émotion.Comment intégrer le fait d’apprendredeux langues, dont l’une est essentiellecar elle véhicule l’histoire familiale etaffective, qu’elle est spontanée et qu’elleporte l’émotion, et dont l’autre sera plusune “béquille” ? Et en effet, l’accès àl’écrit sans l’oral est fort difficile.

Mme Elisabeth MANTEAUC’est un développement intéressant surle bilinguisme. Je dirais que noussommes loin de savoir tout faire, que cesoit pour la langue orale ou pour lalangue des signes. Il faudrait une foispour toute se débarrasser de nos stérilesquerelles partisanes et mettre en com-mun ce que l’on sait faire. ACFOS est undes rares lieux en France où on a cesdébats d’idées scientifiques, mais il enfaudrait beaucoup comme ça.Ce bilinguisme des enfants sourds n’estpas un bilinguisme ordinaire mais onapprend quand même beaucoup dechose en lisant les écrits des linguistes

sur le bilinguisme ordinaire. Certaineschoses se retrouvent autour de cette idéequ’il n’y a pas beaucoup de bilinguismeparfaitement équilibré dans tous lesexemples que l’on peut croiser dans lemonde. Il reste beaucoup à apprendrepour améliorer notre éducation bilinguedes enfants sourds.

M. Antoine RAYMOND, Président deGénération CochléeMme Fruchard, aidez-moi à répondre ànos adhérents, qui sont de jeunesparents qui verront de plus en plus leursenfants implantés précocement et quiveulent s’impliquer intensément,comme les parents que l’on a vus cematin et comme vous, dans la réhabili-tation de leurs enfants. Nous savons leurdire ce que représente l’investissementpour apprendre le LPC, pour s’investirdans l’AVT ou dans un autre systèmeoraliste. Par contre, j’aurais des diffi-cultés à leur dire ce que cela représentecomme investissement s’ils veulentapprendre la langue des signes. Vousavez dit quelque chose de révolution-naire, en tout cas pour beaucoup deparents ou d’institutionnels qui croientqu’il y a une césure entre les signants etles oralistes, en disant que pour vous lalangue des signes a été le moyen de com-muniquer dans les deux sens. Je croisqu’aucun parent ne peut résister à cela.Ma question est donc : qu’est-ce que celareprésente pour des parents d’apprendrela langue des signes avec leurs enfants ?

Mme Marie-Laure FRUCHARDAvec le recul, je dirais que c’est un grosinvestissement au départ car il fautprendre des cours de langue des signes,les payer, prendre sur son temps per-sonnel ou de vacances. Ce n’est pas unelangue facile à acquérir puisqu’elle sortdes standards habituels. On ne peut pasl’écrire, il faut donc tout mémoriservisuellement, ce qui est difficile.Sur la durée, j’ai l’impression que nousavons massivement investi sur les troispremières années, où je n’ai pratique-ment fait que de la langue des signes. Enrevanche maintenant, par rapport à desgens qui ont des enfants du même âgeque les miens, je me sens plus “cool” !J’ai l’impression que les autres parentssont toujours dans un petit effort, maiscontinuel, qui ne s’arrête jamais.En fait, l’investissement sera le même

pour tout le monde, sauf que l’effort dela langue des signes sera concentré sur ledébut de la vie de l’enfant sourd. Unefois que c’est acquis, c’est plus facile.Ceux qui vont choisir l’oral pur vont seconfronter à d’autres difficultés au fil dutemps, qui vont leur consommer beau-coup d’énergie.Mais de toute manière, quand on a unenfant sourd, il n’y a pas de mystère, ilfaut y consacrer beaucoup de temps ! Jene saurais pas dire si l’investissementest beaucoup plus grand pour la LSFque pour le reste. Si l’on veut “chiffrer”,sachez qu’il faut 12 semaines de stagepour bien signer. Le LPC peut s’acqué-rir en un week-end. Mais une fois que lesdouze semaines sont passées, on a unenouvelle langue à la maison.

M. Cédric LORANT, Président del’AfideoJe représente une association de per-sonnes sourdes oralistes. Je voulais justeapporter mon petit témoignage person-nel par rapport à l’accès à la langue oraleet à l’écrit.Mes parents ont voulu m’orienter versune filière orale pure, je n’étais pasmaître de la situation. Ils m’ont ditqu’au bout de dix ans de travail, j’ai puoraliser de façon correcte, en enchaînantles mots côte à côte. Je pense que mesparents ont plus accentué l’effort surl’écriture. Ils pensaient que j’aurai desdifficultés à écrire, à rédiger des lettres.J’ai même subi les cahiers de vacancesen écriture, ça m’a un peu perturbé, carc’était le cahier à faire absolument enplus des autres cahiers pluridiscipli-naires ! Je pense avec le recul que celam’a beaucoup aidé par la suite, dansmon milieu professionnel notamment oùl’accès à l’écriture est fort important.

J’ai aussi eu accès à la langue des signes,pas par mes parents, mais par l’entou-rage de mon école, où d’autres enfantssourds communiquaient en LSF. J’aidonc appris cette langue “sur le tas”, cequi m’a permis d’échanger avecd’autres, mais ce n’est pas ma voie prin-cipale de communication dans la vie detous les jours.

QuestionsQuestions

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 23

Page 23: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3224

L’équipe technique (ET) Déficients Auditifs du pôleenfants de la Maison Départementale des Per-sonnes Handicapées (MDPH) de Paris est consti-

tuée d’un médecin ORL et d’un professeur ressource.

Nous sommes quatre professeurs ressources pour lesenfants déficients auditifs (DA) sur Paris, répartis surles 8 bassins parisiens. Nous sommes des enseignantsspécialisés et faisons partie de la Mission Académiquepour la Scolarisation des Enfants en Situation de Han-dicap (MASESH). Notre rôle consiste à faire des exper-tises des situations de scolarisation des enfants DA, àdonner le maximum d’informations aux équipes édu-catives qui accueillent les enfants ainsi qu’aux adultesde l’école (ASSEM, animateurs…), à proposer des adap-tations pédagogiques, à aider les enfants DA par la miseen place d’heures de soutien dans la classe ou hors dela classe à raison d’une ou deux fois par semaine, à par-ticiper à l’élaboration du Projet Personnalisé de Sco-larisation (PPS), et à informer les familles des orien-tations possibles quand c’est nécessaire.

A la demande de notre inspecteur, un professeur res-source de chaque option (déficient auditif, déficientvisuel, handicap moteur et troubles sévère du langage,handicap mental) fait partie de l’équipe technique paroption de la MDPH dans le pôle enfant, pour les jeunesde 0 à 20 ans, à raison d’une demi-journée par semaine.

Les propositions faites par l’ET sont soumises à la com-mission des droits et de l’autonomie des personnes han-dicapées (CDAPH)* par le médecin qui présente les dif-férents dossiers et la commission statue.

Pour toute demande de reconnaissance de handicap,la famille est systématiquement convoquée. Au coursde l’entretien, nous retraçons l’historique de la surdité,le chemin parcouru, les prises en charge déjà mises enplace ou pas.

Assez souvent, on constate que les parents n’ont pasvraiment choisi mais qu’on les a dirigés vers tel ou telcentre ou mode de prise en charge. Il est vrai que lesprises en charge doivent se mettre en place le plus vitepossible. Beaucoup de parents disent avoir appréciécette prise en charge, de s’être sentis portés pendantce douloureux moment. Ils sont souvent satisfaits desoptions qu’on les a conduits à prendre : accompagne-ment après le diagnostic, suivi par un orthophoniste enlibéral, par un Service d’Accompagnement Familiald’Education Précoce (SAFEP), par un Centre d’ActionMédico Social Précoce (CAMSP), par un Service de Sou-tien à l’Education Familiale et à l’Intégration Scolaire(SSEFIS).

Par contre, quelques familles donnent l’impressiond’avoir été dépossédées de leur décision, qu’on les a diri-gées dans une seule direction sans leur proposer plu-sieurs options et qu’elles continuent dans la même voiesans être vraiment convaincues que c’est la bonne.

On peut difficilement envisager de diriger tout de suiteles parents vers la MDPH, ce nom si lourd de sens.Sans doute faudrait-il trouver un moyen pour pallier ceproblème. Le numéro de téléphone de la MDPH pour-rait être donné aux familles le plus tôt possible, non paspour une reconnaissance de handicap, mais pour leurpermettre d’obtenir un maximum d’informations.

Pendant l’entretien, le problème de la scolarisation decet enfant déficient auditif est largement évoqué. Toutesles possibilités sur Paris sont données et nous laissonsles parents s’exprimer sur cette question. Ils ont sur-tout besoin d’être rassurés. Il faut souvent repréciserdes éléments qui ont déjà dû leur être donnés par leséquipes de dépistage ou de suivi mais qu’ils ontconsciemment ou non oubliés. Nous leur expliquons lerôle des enseignants référents et des professeurs res-sources qu’ils seront amenés à rencontrer et leur pro-

La MDPH 75La MDPH 75 :: fonctionnement et suivifonctionnement et suivides enfants sourdsdes enfants sourdsPAR ANTOINETTE BLANC ZIDI

SSOCIÉTÉOCIÉTÉ

Chaque MDPH est organisée différemment. L’équipe technique déficients auditifs de cellede Paris a pour caractéristique d’être constituée d’un médecin ORL et de professeursressources. Mme Blanc-Zidi, enseignante spécialisée, nous présente ici les détails dufonctionnement de la MDPH 75 : rôle et mission de cette structure, organisation concrèteet surtout, fait rare et qui mérite d’être salué, statistiques détaillées concernant le nombred’enfants sourds suivis et leur mode de scolarisation.

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 24

Page 24: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 25

posons de rappeler l’ET pour faire le point dès que lascolarisation de leur enfant approchera.

Il est bien sûr rappelé aux parents qu’ils peuvent nousjoindre pour toute question ou précision qu’ils souhai-teraient obtenir.

Sur la base de l’audiogramme, la moyenne pour les fré-quences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hz sur les deuxoreilles est calculée et rapportée à un code barèmepour obtenir le pourcentage de handicap. Noustenons bien sûr compte du retard de langage, de l’âgede l’appareillage. Nous rappelons bien à la famille quece taux est recalculé à chaque demande de renouvel-lement. Au-delà de 50 % de handicap, une Allocationd’Education Enfant Handicapé (AEEH) est octroyée à lafamille. S’y ajoute sur Paris l’allocation de la ville pourles résidents de plus de 3 ans ou pour les personnesqui auraient été mutées. Au-delà de 80 %, les parentspeuvent faire une demande de carte d’invalidité (CI).

Quand un enfant présente plusieurs handicaps asso-ciés comme dans le cas de syndromes, les équipestechniques concernées se concertent pour déterminerle taux de handicap.

Pour les enfants qui ont déjà une reconnaissance dehandicap, nous traitons les dossiers pour le renouvel-lement de l’AEEH, pour les remboursements de fraisinhérents à la surdité (sur facture acquittée), pour lesadmissions ou prolongation de prise en charge par uncentre. Nous gérons également des demandes detransport.

Nous vérifions toujours que l’enfant est bien scolarisé.

Un autre rôle de l’ET est de donner des coordonnéesde structures, de centres, d’orthophonistes et derechercher des lieux de scolarisation plus adaptés.

Par ailleurs, nous recevons les responsables de centresou allons les visiter pour bien repréciser leur projet etfaire le point des enfants suivis.

Nous recevons également les Projets Personnalisés deScolarisation (PPS). Nous traitons les demandesd’orientation vers des structures adaptées telle que lesClasses d’Intégration Scolaire (CLIS), les Unités Péda-gogiques d’Intégration (UPI.). Si des demandes d’ac-compagnement sont notifiées (Auxiliaire de vie AVS, AVScodeur, AVS LSF, preneur de notes, etc.), nous vérifionsque cette demande est bien justifiée. Pour cela, nouscontactons les autres professeurs ressources, les réfé-rents, les personnes qui assurent le soutien auprès del’enfant, les parents, les écoles.

Actuellement, l’ET DA assure le suivi de près de 700dossiers pour des jeunes de 0 à 20 ans :

Les tranches d’âges choisies sont celles qui corres-pondent aux différents niveaux de garde ou de scola-risation : crèche ou autre, maternelle, élémentaire, col-lège ou Section Enseignement Général ProfessionnelAdapté (SEGPA), lycée général ou professionnel.

Une cinquantaine d’enfants sont scolarisés à l’extérieurde Paris, soit dans des structures spécialisées en ban-lieue ou en province, soit parce qu’ils résident à l’étranger.

Le pourcentage des enfants âgés de 0 à 3 ans estbeaucoup plus faible ; cela s’explique par le fait que latranche d’âge est plus étroite mais aussi parce qu’il fautdu temps aux parents pour qu’ils acceptent d’entre-prendre les démarches pour une reconnaissance dehandicap. Environ 70 % des enfants de 0 à 3 ans sontpris en charge par des centres (SAFEP ou des CAMSP)et 30 % par des orthophonistes en libéral.

Légende :

MDPH 75MDPH 75

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 25

Page 25: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • DÉCEMBRE 2008 • N°2626 CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32

20% des enfants âgés de 3 à 6 ans sont accueillis dansdes structures spécialisées alors que 80 % sont sco-larisés dans une école maternelle ordinaire.65 % d’entre eux sont suivis par le SSEFIS d’un centreet 35 % par un orthophoniste en libéral.

Pour la tranche d’âge suivante, de 6 à 11ans, 40% sontscolarisés dans des centres spécialisés et 60% sontscolarisés dans une école élémentaire ordinaire. Laprise en charge de ces derniers est assurée pour moi-tié par un SSEFIS et pour moitié par un orthophonisteen libéral.

Les enfants de 11 à 15 ans fréquentent un collège ouune école pour 53 % et une structure spécialisée pour

47 %. 66 % de la première catégorie sont suivis par unSSEFIS alors que 44 % vont chez un orthophoniste.

Pour la dernière tranche, 60 % sont dans des centresou structures spécialisées et 40% dans un lycée ou éta-blissement scolaire. Pour ces deniers, 45 % sont sui-vis par un SSEFIS, 55 % vont chez une orthophonisteou n’ont plus de prise en charge.

On remarque donc que plus les enfants sont âgés, plusils sont accueillis dans des structures spécialisées. Cemouvement tend à se ralentir compte tenu de la loi de2005 et suite à la demande de plus en plus grande desparents de scolariser leur enfant dans leur école ou col-lège de secteur.

En 2009, 587 demandes ont été présentées enCDAPH par l’ET DA et 326 pour la période de janvierà avril 2010.

Antoinette BLANC ZIDI, Professeur ressource etmembre de l’équipe technique pour Déficients Auditifsde la MDPH de Paris

* La CDAPH est présidée par la maire adjointe chargée de la personnehandicapée. Elle comprend 23 membres représentant les associations,l’Education nationale, la CAF, etc.

MDPH 75MDPH 75

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 26

Page 26: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 27

Rédigé sous la direction et coordonné parMireille Golaszewsky, Inspecteur général del’Education nationale (groupe des langues

vivantes, mission scolarisation des élèves handicapés),“La langue des signes française À l’école, au collège et aulycée” est un ouvrage bien présenté et agréable à lire. Salecture est absolument indispensable à qui veut savoirce qu’il en est de l’enseignement dit bilingue et des der-nières avancées en la matière.

Très naturellement, c’est au chapitre consacré aucontenu des cours de LSF que l’on est tenté de s’inté-resser en premier lieu. Et là petite déception : on nousrenvoie aux bulletins officiels de l’Education nationale.Mais réflexion faite, force est d’admettre que ce renvoipeut se justifier puisque les programmes de LSF aulycée, à l’école primaire et en maternelle comportentrespectivement 17 et 19 pages.

Comme l’indique Mireille Golaszewski dans la préface,il s’agit de combler “un gros déficit d’information surl’engagement de l’Education nationale et sur ses actions”en matière de scolarisation des jeunes sourds. Cetouvrage s’adresse “aux associations, aux enseignants,aux éducateurs, dans le cadre de l’école” mais aussi à tousceux qui, formateurs ou parents, souhaitent trouver unensemble de documents permettant d’éclairer leurapproche de la surdité et enfin aux futurs candidats auCAPES de LSF*.

Il s’agit on l’aura compris d’un exercice qui relève dela défense et de l’illustration de la langue.

Après la préface de Mireille Golaszewski, chaque cha-pitre est introduit par un extrait du livre d’Emma-nuelle Laborit “Le cri de la mouette”. Nombreux etreconnus sont les contributeurs.

Le premier article (p.13 à 23), rédigé par Fabrice Ber-tin, sourd, professeur à l’INS HEA et doctorant ensciences de l’éducation à Paris 8, est consacré auxaspects historiques.

Le second, très bref (3 pages), intitulé “Surdité : aspectsscientifiques” est curieusement consacré au son et àl’audiométrie pour en dire qu’elles ne rendent pascompte des capacités de communication de la personnesourde. Plutôt que cette définition par la négative, onaurait préféré une présentation qui ferait pendant à laphonologie des langues vocales, à savoir celle desorganes effecteurs et de la perception visuelle s’agissantdes langues des signes.

Le suivant “Prise en charge de la surdité” p. 29 à 33, pré-sente les différentes options pédagogiques.

Le troisième et plus important (p. 35 à 57) intitulé “Lacommunication pour les sourds et malentendants par lalangue des signes” est consacré à la genèse des signesdans une perspective étymologique. On le doit à YvesDelaporte, Docteur d’état en ethnologie, directeur derecherche au CNRS, membre du laboratoire d’anthro-pologie urbaine.

Le chapitre suivant (p. 59 à 88) “Les contenus d’ensei-gnement” présente en fait essentiellement les diverstypes de documents pédagogiques puisque, comme jel’ai indiqué précédemment, le lecteur est renvoyé auxbulletins officiels en ce qui concerne les contenus pro-prement dits. Il a été rédigé par Jean-Louis Brugeille,Enseignant sourd de LSF, professeur certifié ensei-gnant de LSF au collège André Malraux à RamonvilleSaint-Agne et au lycée Bellevue à Toulouse.

La langue des signesfrançaiseÀ l’école, au collège etau lycée

Mireille GOLASZEWSKI

Editions du SCÉREN - CNDPMars 2010, 158 p., 12 €Site : www.cndp.fr

LA LANGUE DES SIGNESFRANÇAISEMIREILLE GOLASZEWSKI

Livres

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 27

Page 27: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

L’association “Génération cochlée” vient depublier son enquête 2008-2009 sur la scola-rité et la vie quotidienne des jeunes implan-

tés cochléaires.

Fruit de l’analyse des résultats d’une enquête effec-tuée auprès de 429 jeunes implantés cochléaires, cetouvrage tente de balayer tous les aspects permet-tant de mieux cerner le quotidien des jeunes sourdsimplantés et de leur familles.

L’ouvrage est découpé en 4 grands chapitres :

Du diagnostic à l’implantation : le début du parcours ;

Scolarisation et soutien scolaire ;Paramètres de confort dans la vie quotidienne ;Fiabilité et confort des appareils.

La prochaine enquête est prévue durant la périodescolaire 2010-2011.

Cet ouvrage est téléchargeable gratuitement sur lesite de l’association à la rubrique “Publication”. Laversion papier est disponible sur simple demande,sous réserve de disponibilité.

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3228

La construction des “pôles LSF” p. 89 à 95 mentionnesurtout les académies de Poitiers et Toulouse et évoquede façon positive l’internat en indiquant que c’est “unfacteur très attractif pour les familles du département et, àmoyen et long terme, pour celles de l’Académie.”

Sont ensuite abordés p. 97 à 103 “L’évaluation des élèvesaux examens” notamment et “Les enseignants de et enLSF” p. 105 à 117. Dans ce chapitre, sont évoquées lescertifications proposées aux enseignants. Et force est deconstater le chemin parcouru puisqu’il est désormaisquestion d’un CAPES de LSF !

Le chapitre “TICE et LSF”, comprendre “Technolo-gies de l’information et de la communication” et“Langue des signes”, du à Thierry Bertrand du Bureaudes ressources numériques du Ministère de l’Educationnationale, présente p. 119 à 123 quelques réalisationset des projets de DVD ou d’apprentissage en ligne. Lesdeux pages suivantes font état d’un service de vidéoséducatives accessibles sur abonnement aux établisse-ments scolaires.

Après les remerciements d’usage, le témoignage d’unmembre du jury (enseignant sourd) rédigé par Jean-Louis Brugeille, cité plus haut, vient clore cette série decontributions.

N’oublions pas de signaler un chapitre fort utile et biendocumenté : “Sitographie, bibliographie et DVD”.

Avec cet ouvrage l’Education nationale présente sespremières réalisations et affiche son volontarisme (lemot est de l’auteur) en matière d’enseignement de lalangue des signes. C’est un premier pas qu’il faut saluer.

En toute logique, la réflexion sur les contenus et les pra-tiques pédagogiques, sur le va-et-viens entre français etlangue des signes et sur l’évaluation de ces pratiquespédagogiques devraient constituer le prochain chan-tier, pour le plus grand bien des élèves.

Philippe SÉRO-GUILLAUMEMaître de Conférence à l’Université Paris IIIChargé du cours de linguistique appliquée auCNFEDS

* La langue des signes française À l’école, au collège et au lycée, p. 6.

Livres

Scolarité et vie quotidiennedes jeunes implantéscochléaires

La P’tite Cochlée 97 Bd Arago 75014 ParisTél. 01 56 58 16 25Hors série N°2Mars 2010, 52 p.

Courriel : [email protected] : www.generation-cochlee.fr

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 28

Page 28: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 29

XXee congrès de la SFA “Audition etcongrès de la SFA “Audition etMémoire”Mémoire”Le Dr Diane Lazard a rédigé pour Acfos un compte-rendu détaillé des différentes conférences. Lavariété de ces interventions, tant de chercheurs que de cliniciens ORL, orthophonistes ou péda-gogues, met en évidence la complexité, la spécificité et l’interdépendance des processus neuropsy-chologiques liant l’audition et la mémoire.Ce vaste sujet englobe tout ce qui concerne l’utilisation de la perception acoustique périphérique,l’impact des émotions dans la mémorisation des expériences sonores, la construction de liaisonsavec d’autres perceptions sensorielles, les relations avec la cognition et lors des apprentissages…Nous vous présentons ici plus particulièrement les conférences qui s’attachent à décrire les proces-sus auditifs et mnésiques habituels et ceux qui traitent des particularités à prendre en compte encas de surdité ou de troubles neuropsychologiques touchant les apprentissages auditifs.

TROUBLES CENTRAUX DEL’AUDITION : CLINIQUE ET NEUROIMAGERIEIntervention du Pr. Hervé Platel

H. Platel a commencé par une compa-raison de l’anatomie des circuits auditifset visuels, les premiers ayant une orga-nisation beaucoup plus complexe. Lecortex auditif primaire présente, commela cochlée, une organisation tonotopiqueantéro-postérieure des graves vers lesaigus. Cette organisation pourraitparaître redondante par rapport à cellede la cochlée mais le cortex auditif pri-maire fait bien plus qu’un décodage fré-quentiel. Au niveau structurel, il existe,surtout chez le droitier, une franche asy-métrie gauche/droite. Elle est particu-lièrement marquée au niveau duPlanum temporale (PT). Cet indice despécialisation fonctionnelle soutiendraitla dominance de l’hémisphère gauche(HG) dans le traitement du langage.L’hypothèse évolutionniste suppute queles modifications structurelles du cer-veau sont secondaires à l’apparition dulangage, avec augmentation du nombrede neurones dans le PT gauche. Cettehypothèse ne peut être que partielle-ment vraie car cette asymétrie existeaussi chez les grands primates, elle y estmême parfois supérieure. De même, lesvrais gauchers à prédominance langa-gière droite garde une asymétrie struc-turelle gauche. Les troubles centraux de l’audition sontregroupés en trois grands syndromes :

L’agnosie auditive : le malade entendmais n’est pas capable de reconnaîtreles bruits de l’environnement, la paroleou la musique. Cette entité serait secon-daire à des lésions temporales unilaté-rales, touchant l’un ou l’autre deshémisphères.

La surdité verbale pure : impossibilitéde comprendre le langage parlé, de répé-ter ou d’écrire sous la dictée en absenced’autres signes aphasiques. C’est une dif-ficulté qui porte uniquement sur les sonsdu langage. Cette entité n’existerait pasréellement du fait de la fréquenced’autres déficits langagiers associés.

La surdité corticale : impression d’êtresourd contrastant avec l’intégrité rela-tive de l’audiométrie tonale. Ce syn-drome est secondaire à des lésionscorticales bilatérales. Devant la variété des tableaux cli-niques, la confusion est fréquente avecl’aphasie ou des troubles psychiatriques.Il est important de poser les bonnesquestions pour parvenir au diagnostic. Ilfaut préciser la perception des sons del’environnement qui est souvent anor-male, rechercher la perte de la recon-naissance des voix de l’entourage ou lecaractère cacophonique de la musique.

La différentiation entre caractère cen-tral ou périphérique se fait sur les exa-mens suivants : l’audiométrie tonale etvocale, les PEA, les tests d’écoute dicho-tique, l’imagerie structurelle et fonc-tionnelle, bien que ces techniquespuissent manquer de sensibilité pour deslésions de petites tailles. Il existed’autres tests moins pratiqués : le testde Lusher, les tests temporels. Pour l’ex-ploration de la musique et des sons envi-ronnementaux, il existe peu de testsnormalisés. Citons le “Loto sonore” quiprésente un éventail de 48 items de sonsenvironnementaux. La neuro-imageriefonctionnelle permet une évaluation dela récupération mais l’extrapolationneurologique est parfois difficile pourun sujet unique présentant des rema-niements lésionnels.

Zatorre et al. (Trends in CognitiveSciences, 2002) a étudié la spécialisationhémisphérique en réponse à des stimulisonores de nature différente. Ainsi, bienque le traitement sonore soit bilatéral,l’HG traite de façon plus importante(activation supérieure) les transitionstemporelles rapides alors que l’HDtraite préférentiellement les modifica-tions spectrales. Les meilleures perfor-mances gauches pour les transitionstemporelles rapides confèrent un atout àl’HG pour le traitement du langage carles transitions temporelles rapides cor-respondent aux changements phoné-miques et aux points d’articulation. Uneautre étude (Fecteau et al., Neuroimage2004) a montré qu’il existait des régionsspécifiques dans le décodage de l’identitéde la voix humaine (avec ou sanssens) : les régions temporales supé-rieures. Enfin, la hauteur musicale seraitplus latéralisée à droite, sauf chez lesmusiciens où elle se bilatéralise.

LA MÉMOIRE CHEZ L’HUMAINIntervention de Bernard Croisile

Le stockage mnésique nécessite quatreprocessus fondamentaux : la perceptionde l’information qui vient du mondeextérieur, son stockage, son traitementet enfin sa restauration. Il existe unecomparaison et des interactions perma-nentes entre ces quatre systèmes. Le butde la mémoire est d’utiliser les informa-tions déjà stockées pour évaluer le quo-tidien. Ces processus utilisent descircuits différents en fonction des situa-tions. Ils sont différents lorsque l’on faitdu vélo ou que l’on fait une démarched’apprentissage volontaire d’une nou-velle tâche. Il existe également deuxfonctions distinctes : une qui permet laconservation de nouvelles informations

CCONGRÈSONGRÈS

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 29

Page 29: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3230

en traces mnésiques dont la porte d’en-trée est l’Hippocampe, l’autre qui per-met de retrouver les informationsstockées. Dans le processus mnésique,on sait également que les émotions ontun rôle majeur, qu’elles soient provo-quées par des informations du mondeextérieur ou du monde intérieur. Ce rôlepeut être catalyseur ou freinateur. La mémoire en elle-même peut être divi-sée en trois catégories :

La mémoire procédurale qui corres-pond à l’encodage des actions, gestes ouscripts. Elle est non déclarative, c’est àdire non langagière. Elle est très robusteliée à un traitement au niveau de struc-tures sous-corticales.

La mémoire à long terme déclarativequi elle-même se décompose en :

Mémoire épisodique qui traite les épi-sodes vécus en état de conscience, asso-ciés à une représentation émotionnelle.Elle retrace un moment unique, daté,localisé et riche en émotions. Elleexplore le passé dans une échelle tempo-relle.Mémoire sémantique qui est celle du

savoir sur le monde ou sur des informa-tions personnelles qui nécessitent unapprentissage réalisé de façon redon-dante (par exemple sa date de naissanceou son numéro de téléphone). Ce type demémoire est pauvre en contexte émo-tionnel.

La mémoire à court terme ou mémoirede travail. C’est un système qui permetde maintenir pendant un temps court(20 secondes en moyenne) un certainnombre d’informations qui peuvent êtreanalysées pour résoudre un problème.Elle est en relation avec la mémoire àlong terme car elle y puise des solutions. Le Pr. G a détaillé les “secrets” dumeilleur apprentissage. Il existe desinégalités interindividuelles d’ordregénétique et sexuelles. On sait que leshommes ont une mémoire plus géomé-trique qui leur permet de mieux retenirun plan par exemple. Pour mieuxapprendre, il faut répéter les apprentis-sages qui augmentent les ancrages mné-siques et éviter les interférences. Il a étéprouvé, par une expérience réalisée surdes collégiens, que l’apprentissage estmeilleur dans le silence. Ces collégiensdevaient réaliser une même tâche demémorisation, ils ont été divisés en troisgroupes : certains étaient dans le silence,d’autres avaient un bruit de fond com-

posé de variétés françaises, le bruit defond des derniers était la télévision. Letaux de rétention de chaque groupe a étérespectivement : 67 %, 42 % et 37 %.Pour accéder aux informations, il fautles utiliser régulièrement pour parvenirà les mobiliser rapidement. Donner unsens à l’information facilite sa mémori-sation (transformer une série de chiffresen une date). Il faut favoriser la visuali-sation et l’association des images (ima-gerie mentale), ou encore créer descatégories par stratégie de regroupe-ment.

La charge émotionnelle joue un rôle pri-mordial dans la mémorisation. Compa-rativement à des situations neutres, ellerenforce l’ancrage. L’Amygdale joue unrôle important dans ce processus par saspécialisation dans la représentation desémotions. Sa proximité structurelle avecl’Hippocampe entretient des circuitsprivilégiés. L’état thymique a égale-ment un rôle. Il a été montré que desdépressifs mémorisaient plus facilementdes éléments à connotation triste alorsque des sujets dans une disposition heu-reuse retenaient mieux les éléments àcontexte joyeux. Ainsi, les dépressifsauraient un biais vers la mnésie de situa-tions tristes, renforçant leur dépression. Enfin, la récupération mnésique depériodes de la vie peut être volontairepassant par la recherche indirecte d’évé-nements généraux conduisant à desdétails spécifiques. La récupérationmnésique peut aussi être directe et par-fois inopinée par la confrontation à undétail, une expérience sensorielle quientrainent un retour spontané du sou-venir. L’exemple le plus connu est biensûr la “madeleine de Proust”.Une autre catégorisation de la mémoirese fait sur un axe temps en trois catégo-ries : la mémoire rétrospective quiexplore le passé, la métamémoire quianalyse les situations par comparaison,et la mémoire prospective qui planifie lefutur. Pour conclure, la mémoire est fonda-mentale à tout être humain car elleconstruit son identité.

MÉMOIRE ET AUDITIONIntervention de Laurent Demany

L. Demany a exposé ses travaux sur lesdétecteurs automatiques de changements

fréquentiels (Frequency Shift Detectors,FSD). Il explore cette entité par desexpériences sur les liages de sons succes-sifs, associés en scènes auditives. Ainsi,trois sons purs présentés de façon simul-tanée sont traités au niveau centralcomme un unique objet sonore. Lesexpériences ont porté sur des modifica-tions de fréquence d’un des sons pursprésenté de façon différée des sons liésentre eux, avec tâche de reconnaissancede hauteur. Ces processus de liage entredes sons successifs mettent en jeu lamémoire sensorielle à court terme parl’utilisation des FSD. Les FSD sontcomposés de deux sous-ensemblescodant soit les montées soit les baisses defréquences. La direction est donnée parle différentiel d’intensité d’activationdes deux sous-ensembles. L’activationest plus importante pour de petitesvariations que pour des grandes. Lameilleure performance est enregistréepour une variation d’un dixième d’octave. L’oreille de présentation (droite ougauche) ne joue pas de rôle dans les per-formances, indiquant que la localisationanatomique des FSD est plutôt centrale,après fusion des informations issues dechaque côté. Ces FSD exploitent unemémoire qui peut aller jusqu’à quatresecondes de temps de présentation entreles stimuli. C’est une mémoire sensorielleà court terme. Il existe son équivalentvisuel pour les détecteurs de mouve-ment. La mémoire auditive semble avoirdes capacités dans le temps plus longues.Le traitement de la fréquence des sonspurs utilise deux types de mémoire. Uneexplicite qui traite les sons perçusconsciemment (présentés de façon asyn-chrone) et une implicite qui traite lessons perçus de façon inconsciente (syn-chrones). Les sons synchrones sont trai-tés par les FSD et ce de façon implicite.La finalité des FSD serait d’organiserl’environnement sonore.

TROUBLES NEUROPSYCHOLOGIQUESDE L’APPRENTISSAGE AUDITIFIntervention du Pr Séverine Samson

Le système nerveux central présenteune asymétrie fonctionnelle soutenuepar une asymétrie structurelle, unexemple en est la proportion supérieurede structure blanche dans l’hémisphèregauche (HG) qui permet des transferts

SFASFA :: audition et mémoireaudition et mémoire

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 30

Page 30: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 31

d’information plus rapides. Il existe éga-lement un compromis (trade-off) entre letraitement de l’information fréquen-tielle qui est meilleur à droite au détri-ment de la résolution temporelle et letraitement de l’information temporelle,meilleur à gauche, au détriment de larésolution fréquentielle. Cette différencefonctionnelle entre les deux hémisphèresavait été explorée par Penfield en 1963lors de la chirurgie de patients épilep-tiques. Il réalisait des stimulations cor-ticales sur patients éveillés. Lastimulation des gyri temporaux supé-rieurs donnait des hallucinations audi-tives dans les deux cas mais lastimulation droite entrainait plus fré-quemment des hallucinations musicales.

La plainte la plus fréquente de troublesneuropsychologiques est la perte de lamémoire. L’amnésie est l’oubli à mesuredes informations. C’est un trouble per-sistant, sévère et généralisé mais quin’affecte pas les fonctions intellectuellesni la mémoire de travail à court terme.Le problème majeur est l’atteinte de lamémoire antérograde qui empêche toutapprentissage spatial ou verbal. Il estsous-tendu par une dissociation entre lamémoire implicite et explicite. Ces pro-cessus mettent à contribution les Hip-pocampes droit et gauche. Le cas le plusconnu est celui d’un patient épileptiqueH.M. ayant subi une bi-lobectomie tem-porale médiane (emportant des deuxHippocampes) en 1957 aux Etats-Unis.Ce patient présentait une apathie et uneperte complète d’autonomie. Les inves-tigations réalisées ont permis de mettreen évidence la conservation de lamémoire implicite, c’est-à-dire unemémoire à court terme d’apprentissagemoteur par le test de reproduction d’uneétoile dans un miroir. Cette tâcheconsiste à reproduire une étoile en regar-dant le reflet de sa main dans un miroir.HM avait montré une augmentation desperformances secondaires à l’entraîne-ment alors qu’il était incapable de réali-ser des tâches impliquant la mémoireexplicite, c’est-à-dire emmagasinées defaçon consciente et volontaire. Lamémoire explicite est épisodique, elleprend en compte les contextes tempo-rels, spatiaux et émotionnels. Elle estdéclarative. Le modèle suivant a pu être élaboré maisil est probablement partiel et non exact

(la mémoire sémantique pouvant aussiêtre implicite).

D’autres pathologies peuvent être res-ponsables d’amnésie : le syndrome deKorsakoff, la rupture d’anévrisme, l’ac-cident vasculaire cérébral, l’encéphalo-pathie herpétique…L’apprentissage de nature explicite a étéétudié chez des malades atteints d’épi-lepsie rebelle au traitement médicamen-teux (20 % à 30 % des épileptiques)ayant bénéficié de l’exérèse chirurgicaledu tissu épileptique. La cohorte étudiéeavait eu une amygdalo-hippocampecto-mie semi-sélective pour des épilepsiestemporales. Cette chirurgie offre desmodèles d’étude de la mémoire et desémotions dans le domaine de la musique.Les tests ont mis en évidence un oublisupérieur de listes de mots après uneexérèse temporale gauche. L’apprentis-sage d’extraits musicaux chez cesmêmes sujets montrait des perfor-mances meilleures mais qui restaientinférieures à celles de sujets contrôles,prouvant l’implication des lobes tempo-raux gauche et droit dans la réalisationde cette tâche. Comparativement, despatients avec d’importantes lésionsfrontales droites montraient une inca-pacité totale d’apprentissage, liant lelobe frontal droit à la fonction de récu-pération des informations stockées. Pour l’étude de l’apprentissage impli-cite, les expériences se sont basées sur leprincipe selon lequel l’exposition préa-lable à des stimuli modèle de façoninconsciente les préférences. Cette tracemnésique inconsciente correspond auphénomène d’amorçage. Les études ontmontré un rôle important du lobe tem-poral droit dans cette récupérationimplicite.

Le troisième type d’études présentées aporté sur la mémoire et les émotions. Lamusique est un bon outil car elle permetd’induire des émotions variées, qui peu-vent même avoir des manifestations

intenses, mettant en jeu le système ner-veux autonome. L’exemple du frisson

musical a été donné. Ces émotionssont contaminées par des associa-tions personnelles liées à la mémoireautobiographique. Le rôle del’Amygdale dans les émotions estconnu, on sait qu’elle s’active lors dela présentation de faciès ou de voixcomportant des indices évoquant lapeur. Ainsi des patients avec résec-tion de l’Amygdale droite ou gauche

montrent un déficit de reconnaissancede la musique et du sentiment de peur,et une perte du bénéfice de la mémori-sation en condition de peur. D’autresexpériences ont montré que les capacitésde mémorisation étaient meilleures ensituation de gaité et de peur comparati-vement à des situations tristes ou apai-santes. L’Amygdale jouerait donc unrôle essentiel dans le domaine mnésiqueémotionnel mais uniquement pour cer-taines catégories d’émotions.

Il existe ainsi une boucle d’interactionentre la mémoire qui influence les émo-tions par des jugements de préférence etles émotions qui de leur côté influencentla consolidation de la mémoire.

MÉMOIRE, AUDITION ET LANGAGEIntervention de Annie Dumont

L’apprentissage du langage chez l’en-fant se fait selon une suite chronolo-gique : apprentissage de parole, de lalecture, de l’écriture. Les troubles de cesapprentissages se regroupent sous lenom de “Dys” : dysphasie, dyslexie, dys-orthographie, dyscalculie… Ils tou-chent 8 % à 10 % des enfants et 1 % ontdes troubles structurels sévères (dys-phasie).

La dyslexie, trouble de la lecture, serévèle après le Cours Préparatoire car,selon sa définition, les enfants atteintsprésentent un décalage d’apprentissagede 18 mois par rapport aux autresenfants. Les enfants atteints présententdes difficultés d’identification des pho-nèmes, d’accès à la conscience phoné-mique et des difficultés sémantiquesc’est à dire d’accès à la compréhensiondes textes. La dyslexie n’empêche pas deréussir scolairement mais demande plusde travail, d’investissement et d’accom-pagnement.

Court terme Long terme

Mémoire

Déclarative(Explicite)

Non déclarative(Implicite)

Episodique Sémantique Procédurale Amorçage

SFASFA :: audition et mémoireaudition et mémoire

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 31

Page 31: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3232

L’écriture est une tâche complexe quidemande de faire coïncider conjointe-ment divers systèmes : le système acous-tique pour la conscience phonologique,les systèmes graphique, morphologique,grammatical et sémantique. Cliniquement, les plaintes des parentsd’enfants “Dys” sont de l’ordre de lamémoire : “il ne retient pas, sait à la mai-son mais pas à l’école, connaît ses règlesd’orthographe mais fait plein de fautes,oublie des syllabes et des mots, ne fait pasattention”. Le but du bilan orthopho-nique est donc d’évaluer s’il existe bienun trouble, évaluer sa sévérité, recher-cher un retard associé. Il faut quantifieret qualifier le trouble puis favoriser lescompétences et les modes de compensa-tion possibles. Ce déficit restera toute lavie : on ne guérit pas de dyslexie, ondéveloppe des stratégies compensa-toires.

A. Dumont a ensuite présenté la valida-tion du test Exalang 2004, réalisée chezdes enfants sourds. Ces enfants étaientimplantés cochléaires ou portaient desaides auditives. Ils utilisaient des modesde communication variables et étaientde niveau socio-économique divers. Letest comprend 24 épreuves testant lelangage oral par la dénomination, lacompréhension syntaxique, la méta-morphologie, le jugement grammatical,la fluence phonémique et sémantique.Les autres modalités explorées sont letraitement visuo-attentionnel, la méta-phonologie, les entrées visuelles et audi-tives, la mémoire. Les résultats de cetteétude ont montré des résultats toujoursinférieurs des enfants sourds comparati-vement aux enfants normo-entendants. Pour améliorer les résultats des enfantssourds, il est important de faire travaillerchaque modalité du signal par sollicita-tion des fonctions exécutives, de lamémoire de travail, et de l’attention. Cesexercices doivent être réalisés sous formede jeu pour gagner l’adhésion de l’enfantet favoriser l’apprentissage implicite. Les troubles “Dys” entrainent des effetspsychologiques extrêmement délétères,leur dépistage et prise en charge pré-coces sont fondamentaux.

INTÉRÊT DE LA LECTURE INDIRECTEMINUTÉEIntervention de Adrienne Vieu

La LIM est l’adaptation en français d’un

test britannique, le CDT utilisé depuis1978. Il évalue la vitesse de perception dela parole. A la différence du CDT qui uti-lise une présentation mot par mot, laLIM utilise une présentation par rhèsequi se rapproche plus d’une situationnaturelle de communication verbale. Latâche utilisée est la répétition. Elledemande un décodage de l’informationpuis un encodage pour une restitutionarticulatoire. Ce test dure cinq minutes.Les paramètres de vitesse de lecture, delongueur de rhèse et d’anticipation sontadaptés au patient. Le résultat estexprimé en nombre de mots intelligiblesrépétés par minute. Sont donc pris encompte la vitesse de perception de laparole, la capacité de compréhension dutexte et l’articulation. Différentes moda-lités de la mémoire sont testées : lamémoire immédiate, de travail et lamémoire à long terme grâce à la chargesémantique. Les scores de 31 enfants implantéscochléaires de 5 à 13 ans ont été compa-rés à 80 témoins appariés en âge. Cesscores étaient inférieurs pour les enfantsimplantés, avec pour les meilleursd’entre eux, des capacités atteignantcelles d’un enfant normo-entendant de 5ans, soit un débit de 120 mots parminute. La moyenne pour le groupeimplanté était de 60 mots répétés parminute. La première conclusion est qu’ilfaut ralentir le débit de parole lorsquel’on s’adresse à un sujet implanté. Pourles résultats d’empan, il existait demême des différences importantes entreles deux groupes. Il a pu être mis en évi-dence une corrélation statistique entreles scores de LIM lors des empans dephrases et l’âge de l’enfant implanté.Une telle corrélation n’a pas été trouvéepour les empans de chiffres. Concernantla structure du récit, les deux groupessont plus performants en restitution dela macrostructure que de la microstruc-ture mais cette différence est plus accen-tuée chez les implantés. La taille derhèse obtenant de meilleures perfor-mances est de 5-6 mots dans les deuxgroupes, ce qui correspond à la situationla plus naturelle de langage. Il a égale-ment été montré que les scores de LIMchez les implantés continuaient à pro-gresser même après 15 ans d’implanta-tion. Cette étude a donc permis de valider laLIM chez les normo-entendants et desituer les enfants implantés par rapport à

des derniers. Ce test offre des textesadaptés à chaque âge, il peut être utiliséchez des enfants très jeunes (dès 5 ans).

LA PROBLÉMATIQUE DE LA RÉHABILI-TATION ET DE LA RÉÉDUCATION CHEZL’ENFANT SOURDIntervention de Françoise Rochette

La mémoire de travail stocke et mani-pule des informations sur une courtepériode, elle a une capacité limitée, ellepeut être évaluée par des tâches de“digitspan”. Différentes études se sont intéressées àcette mémoire chez les sourds pré-lin-guaux mais avec des résultats contra-dictoires. Certains ont trouvé desperformances comparables aux normo-entendants pour des tâches de digitspansi l’ordre des items n’était pas pris encompte. D’autres ont trouvé des résul-tats supérieurs pour les normo-enten-dants lors de tâches de rappel deséquences de chiffres, présentées orale-ment pour les normo-entendants et parla langue des signes pour les sourds.Cette différence a été explorée en termesde biais lié à la structure intrinsèque dela langue des signes. L’étude a été repro-duite avec des spans de lettre pour lessourds et des spans de chiffres pour lesnormo-entendants. Des normo-enten-dants bilingues en langue des signes ontégalement été inclus. Les résultats res-taient meilleurs chez les normo-enten-dants mais ils étaient similaires entre lessujets bilingues et les sourds. La diffé-rence a donc été attribuée à la modalitélinguistique de la langue des signes plu-tôt qu’à des troubles constitutionnels dela mémoire chez les sourds. Il existe eneffet une différence d’encodage de lamémoire de travail avec un encodageplutôt temporel chez les normo-enten-dants, faisant appel à la boucle phonolo-gique, et un encodage plus spatial chez lesourd signant. Cette différence neurolo-gique structurelle a été explorée parIRMf. Ainsi les sourds activent plus leszones frontales inférieures droites, leszones insulaires et les aires visuelles etactivent moins le cortex pré-moteur(zone phonologique chez les normo-entendants) alors que les normo-enten-dants activent de façon supérieure lesaires auditives. Ces différences sontattribuées aux modalités différentes deprésentation des items.

SFASFA :: audition et mémoireaudition et mémoire

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 32

Page 32: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 33

Chez les enfants implantés cochléaires, ila été montré que les performances pourdes empans de mémoire de travail et desdigitspans étaient inférieures. De mêmeque pour les sourds signants il sembleque le rappel mnésique soit plutôtd’ordre spatial chez les implantés alorsqu’il est temporel chez les normo-enten-dants. Chez l’enfant normo-entendant,les capacités de mémoire de travail sem-blent corrélées au débit de parole, ainsiparmi les enfants de 8 ans, ceux qui ontles meilleurs résultats sont ceux qui ontun débit élevé. Ce résultat est inversé àl’âge de 4 ans car il s’agirait de l’âge demise en place de la boucle phonologique.Chez les enfants sourds, il existe unralentissement du débit de parole, unfondamental de la voix plus haut. Ilexiste un lien entre débit de parole etintelligibilité. F. Rochette a présenté les résultatsd’une étude portant sur l’éducationauditive chez six enfants sourds pro-fonds. Le but était de les sensibiliser auxcaractéristiques acoustiques en termesde contrastes et d’obtenir une réponsephysique adaptée aux sons. Les tâchescognitives mises en jeu étaient de discri-mination et d’identification. La finalitéde ces tests était de favoriser le dévelop-pement des processus top-down et l’ap-prentissage implicite par la répétitiondes situations, le tout dans un environ-nement ludique pour favoriser la bouclemnésique émotionnelle. On sait que cetype d’apprentissage “à l’insu” du sujetest effectif chez l’enfant et faible en coûtcognitif. Les tests étaient constitués detâches d’identification, d’analyse descènes auditives, et de discrimination. Ily avait trois temps de passations destests : T1 initial, T2 réalisé après unepériode d’entrainement et T3, 6 moisaprès T2, sans entraînement durant celaps de temps. Les résultats entre T1 etT2 montraient une augmentation desperformances et une diminution destemps de réaction. A T3, les accéléra-tions dans les temps de réponse étaientmaintenues mais les performances dimi-nuaient. Les effets observés ont donc étéattribués à l’entraînement en lui-mêmeet non à la maturation liée à l’âge. Uneétude similaire a été conduite, ajoutantun temps T4, rajoutant un entraîne-ment entre T3 et T4. Cet entraînementpermettait de retrouver un gain dans lesperformances et donc une augmentationdes modalités d’écoute. Le fondamental

moyen était également mieux contrôlé. Ce test permet donc grâce à des entraî-nements d’augmenter les performancesauditives et de stimuler la boucle audio-phonatoire chez des enfants sourds pro-fonds.

MÉMOIRE ET AUDITION : PRISE ENCHARGE DE L’ORLIntervention du Pr Bernard Meyer

La mémoire construit l’identité et lesorganes des sens en sont une de sesportes d’entrée. Quels sont donc les sensdont s’occupe l’ORL ? L’audition biensûr qui est fonctionnelle dès la deuxièmemoitié de la vie utérine. Elle permet lareconnaissance de la voix maternelle,l’apprentissage du langage oral, de lamusique, et le contrôle phonatoire quiconstruit l’identité acoustique propre àchacun. L’équilibre correspond à une mémorisa-tion inconsciente du positionnement etdu déplacement du corps dans l’espace.Ce n’est qu’en cas de pathologie, les ver-tiges, que nous prenons finalementconscience de ce sens. Le goût est une sensation primaire, quis’affine au cours des années et offre desrappels mnésiques comme nous lemontre l’épisode de la “madeleine deProust”. La vision prend toute son importancechez les personnes déficientes auditivesavec l’apprentissage de la lecture labiale,de la langue des signes. Une personnesourde et non-voyante constitue uneindication d’implantation cochléaire(IC) urgente.Le déficit auditif en pédiatrie nécessite undépistage précoce et la prise en chargepar des équipes pluridisciplinaires. Onsait que la plasticité cérébrale auditivefait défaut après un certain âge et consti-tue une limite à l’indication de l’IC. Elleest secondaire à un défaut de genèse etde stockage de la mémoire auditive. Chez l’adulte implanté, l’organisationdu système auditif est déjà bien en placemais de faibles performances pourraientvenir de l’inadéquation entre les sonsstockés dans la mémoire auditive et lafaible qualité de ceux restitués par l’IC.L’implanté cochléaire nécessite l’acqui-sition d’un nouveau langage. Ainsi lorsde surdités brusques bilatérales, aprèsimplantation, la confrontation avec lamémoire auditive est plus crue et diffi-cile comparativement aux cas de surdi-

tés progressivement évolutives sur plu-sieurs années. On sait que le travail cognitif est béné-fique aux implantés, il l’est tout autantaux presbyacousiques. L’ORL étantamené à voir pour les plaintes detroubles de l’audition une grande partiede la population âgée, peut-être se doit-il de pratiquer un dépistage des maladiescognitives latentes chez ces patients ?Ainsi il existe un test de dépistage leCODEX (Cognitive Disorder Examina-tion) destiné aux médecins traitantsdont la réalisation prend trois minutes.Il comprend un test de rappel de troismots, le test de l’horloge (dessiner unehorloge avec l’heure) et si nécessaire desquestions d’orientation temporelle etspatiale. Il permet de dépister destroubles cognitifs et d’adresser lespatients vers un gériatre, ou neurologue. La maladie d’Alzheimer n’aggrave pasla surdité, la courbe tonale reste lamême. La surdité ne favorise pas l’ap-parition de la maladie mais il semble quela surdité favorise son évolution. Uneétude est en cours pour savoir si l’appa-reillage diminuerait cette évolution.

En conclusion, le dépistage de la surditéest primordial à tout âge et en particu-lier aux âges extrêmes : chez le petitenfant pour ne pas le priver de l’acquisi-tion du langage, chez la personne âgéepour rechercher des troubles cognitifs.Une fois le dépistage réalisé, les prises encharges multidisciplinaires doivent êtredéveloppées et encouragées.

COMMENT FORGER LA MÉMOIRE AUDI-TIVE DU BÉBÉ SOURDIntervention de Monique Delaroche

Les stimulations auditives commencentdès la vie in utero entrainant une matu-ration hypoccampique permettant aunouveau-né de reconnaître la voix de samère parmi d’autres. Le système auditifest fonctionnel dès la 25ème semaine degestation et, dès la 35ème semaine, lefœtus est capable de discriminer les dif-férences prosodiques. Chez le nouveau-né sourd, si la surdité est apparue plustardivement que les dates évoquées, ilest possible de réactiver ses engrammesprénataux par une stimulation auditive.Les expériences auditives doivent êtreencouragées pour favoriser lesconnexions du système nerveux centralen allant stimuler ces traces mnésiques.

SFASFA :: audition et mémoireaudition et mémoire

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 33

Page 33: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°3234

La preuve en est l’existence du babillagechez le nourrisson sourd. Les parentsnormo-entendants d’enfants nés sourdsont un fort besoin d’accompagnementpour reprendre le dialogue avec leurenfant. Il faut les guider dans leur com-munication qui doit rester auditivo-ver-bale mais s’additionner de gestes. Le nouveau-né est un être de communi-cation verbale, il a des schémas innés quilui font préférer la parole humaine àd’autres sons et, le visage animé par laparole à un visage statique. Le nouveau-né sourd doit lui aussi être tourné vers laparole pour permettre les bonnesconnexions nerveuses au niveau du sul-cus temporal supérieur en particulier.En l’absence de stimulations auditives,les aires corticales dédiées seront coloni-sées par d’autres modalités sensorielles.Ce don de parole est une compétencenaturelle des parents, il faut les y encou-rager car c’est leur mode de transmissionintergénérationnelle des acquis cultu-rels, de l’identité, de l’appartenance. Ilfaut donner toutes les chances à cetenfant d’acquérir le langage oral. L’ap-prentissage chez le bébé est totalementpassif, c’est la première étape de lamémorisation. Les conseils à donner sont de préserverles repères de la vie quotidienne. Lestâches autour d’un nouveau-né sont trèsrépétitives et permettent une mémori-sation facile. Elles doivent s’inscriredans le plaisir. Le “parler bébé” a étéétudié phonétiquement, il est très béné-fique sur un plan auditif car le débit estlent, l’enveloppe temporelle est biendéfinie, les mots bien espacés, la pro-nonciation exagérée et la redondancesystématique. Ce parler renforce ladynamique de communication, sculpteles paramètres acoustiques. Il facilite letraitement du signal et donc sa mémori-sation. Les spectrogrammes des produc-tions verbales émises lors du “parlerbébé” sont de grande énergie et plusmarquées dans les fréquences graves.Les situations dans lesquelles il est pro-duit sont souvent très intimes, la pro-nonciation s’effectue dans le creux del’oreille donc à une moyenne de 80 dB.Le jeu au quotidien est également richeen stimulations auditivo-verbales répé-titives. A partir de 3 mois, il faut ajou-ter des éléments animant le champ visuelcomme les jouets ou les objets de la viequotidienne. Entre 4 et 5 mois, les jouetssonores stimulent la mémoire auditive,

d’autant plus que les bruits sont doubléspar notre propre production vocale quiest également riche en informationsdans les fréquences graves. A 7 mois,l’enfant aime jeter, cela permet des sti-mulations verbales plus complexes. A 9mois, c’est le stade de la permanence del’objet. Il faut jouer à cache-cache etfavoriser le désir en encourageant lesexploits moteurs. L’appareillage vientrenforcer les stimulations auditives déjàdélivrées. L’atout de ces stimulationsfamiliales est qu’elles sont riches endimension affective, jouant un rôle pri-mordial dans la mémorisation. Il est également important de dévelop-per les synergies avec les autres sens et enparticulier les stimulations vestibulaireset vibro-tactiles. Dès 3 mois, il existeune grande sensibilité à la fusion audio-visuelle qui favorisera l’apprentissageintuitif de la lecture labiale. Il faut doncfavoriser les gestes expressifs spontanéset accompagner ses mots de gestes ico-niques, empruntés à la langue des signes,et de gestes phonétiques de Borel-Mai-sonny. La répétition favorise la mémoireà court terme puis le développement dela mémoire à long terme, avec des re-mémorisations précoces.

En conclusion, l’accompagnementparental est majeur pour développer lesinteractions précoces et favoriser le “boncâblage” cérébral.

RÉÉDUCATION ORTHOPHONIQUE ETMÉMOIREIntervention de Emmanuelle Ambert-Dahan

La surdité est un handicap social quientraine une perte de la spontanéité deséchanges avec l’entourage. Elle a unerépercussion sur le schéma d’intégritécorporelle confinant à l’isolement. Chezles personnes âgées, s’ajoutent desplaintes cognitives qui aggravent le han-dicap. Cependant comme la plasticitécérébrale existe tout au long de la vie, larééducation a toute sa place même chezle sujet âgé. La réussite de cette prise encharge dépend de la précocité du dia-gnostic, de la mise en route de l’appa-reillage et de la rééducationauditivo-cognitive. Du fait de la modification du mode decommunication induite par la surdité, lavoie visuelle prend une importance nou-velle. L’entourage doit adapter le

contenu et la forme linguistiques. Lasollicitation de la mémoire est primor-diale. Il faut lutter contre l’appauvris-sement du contenu conversationnel quisurvient automatiquement lorsque lacommunication n’est plus dans sonmode d’expression naturel. Les systèmes mnésiques atteints et qu’ilfaut rééduquer sont : la mémoire de tra-vail, la mémoire épisodique, la mémoiresensorielle, et la mémoire à long terme.Les zones de travail concernent les airesdu langage et les aires attentionnellescomme les fonctions d’alerte, de vigi-lance, d’attention divisée et focalisée,ainsi que les fonctions exécutives commela hiérarchisation des tâches, l’inhibi-tion comportementale, la flexibilité duraisonnement, la planification. Le bilan orthophonique initial prend encompte l’histoire de la surdité, les moda-lités de communication utilisées, lecontrôle vocal et insiste sur le fait que larééducation est auditive et cognitive. Lapartie auditive s’appuie en grande par-tie sur la lecture labiale (LL) et lesconseils de communication à l’entou-rage. La LL stimule tous les types demémoire, les exercices sont ciblés pourdiminuer les difficultés inhérentes à laLL comme les sosies labiaux, la co-arti-culation, et les mots-outils difficiles àidentifier. L’intégration multi-senso-rielle est favorisée car elle s’appuie sur laréorganisation cross-modale qui permetde palier certains déficits. Les compé-tences sémantiques sont travaillées pourdévelopper les suppléances mentales. Ladifficulté est croissante au cours de larééducation avec par exemple des exer-cices dans le bruit. La voix est égalementtravaillée pour stimuler la boucle audio-phonatoire et le contrôle vocal.Pour les patients demandeurs, il existedes supports d’entrainement à domicilesous forme de Cdrom (LAARA) ou deplates-formes interactives sur internet(IFIC, Happyneuron).

En conclusion, la rééducation ortho-phonique est centrée sur des compé-tences fines auditives et de mémoire.Elle est adaptée à la demande du patientet à son niveau grâce à des évaluationsrégulières. Cette préservation de la com-munication et des compétences socialesest primordiale pour le maintien de laqualité de vie.Compte rendu réalisé pour Acfos par le DrDiane LAZARD, ORL

SFASFA :: audition et mémoireaudition et mémoire

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 34

Page 34: maquette N 32 - ACFOS · Courrier:jleman@nordnet.fr Site: Des nouvelles du BIAP: Bureau International d’Audiophonologie Vous pouvez télécharger gratui-tement sur le site du BIAP

CONNAISSANCES SURDITÉS • JUIN 2010 • N°32 35

GlossaireAGEFIPH Association de gestion du fondspour l’insertion professionnelle des personneshandicapéesANCE Association nationale descommunautés éducatives AVS Auxiliaire de vie scolaireBEP Brevet d'études professionnellesBEPC Brevet d'études du premier cycle BUCODES Bureau de coordination desassociations de devenus sourds etmalentendantsCAMSP Centre d’action médico-socialeprécoceCAPA-SH Certificat d’aptitudeprofessionnelle pour les aides spécialisées, lesenseignements adaptés et la scolarisation desélèves en situation de handicapCAP Certificat d’aptitude professionnelle CAPEJS Certificat d’aptitude au professoratde l’enseignement des jeunes sourdsCCPE Commissions de circonscriptionpréscolaire et élémentaire CDAPH Commission des droits et del’autonomie des personnes handicapées

CDES Commission départementale del’éducation spécialeCDOS Centre de diagnostic et d’orientationde la surditéCEBES Centre d’éducation bilingue pourenfants sourdsCIS Centre d’information pour la surditéCLIS Classe d’intégration scolaireCMPP Centre médico-psycho-pédagogiqueCNAMTS Caisse nationale d’assurancemaladie des travailleurs salariésCNSA Caisse nationale de solidarité pourl’autonomieCOTOREP Commission techniqued’orientation et de reclassement professionnelCTES Commission territoriale de l’éducationspécialiséeCTNERHI Centre technique nationald’études et de recherches sur les handicaps etles inadaptationsDAP Déficience auditive profondeEN Education nationaleEVS Emploi vie scolaireFNSF Fédération nationale des sourds de

FranceIC Implant cochléaireIJS Institut de jeunes sourdsINJS Institut national de jeunes sourdsINS HEA Institut national supérieur deformation et de recherche pour les jeuneshandicapés et les enseignements adaptésLPC Langue parlée complétéeLSF Langue des signes françaiseMDPH Maison départementale des personneshandicapéesPPS Projet personnalisé de scolarisationRMI Revenu minimum d’insertionSAFEP Service d’accompagnement familialet d’éducation précoceSEHA Section pour enfants avec handicapsassociésSESSAD Service d’éducation spéciale et desoins à domicileSSEFIS Service de soutien à l’éducationfamiliale et à l’intégration scolaireUPI Unité pédagogique d’intégrationURAPEDA Union régionale de parentsd’enfants déficients auditifs

HORS SÉRIE N°4 : les Actes duColloque ACFOS VII

Je commande le Hors Série N°3 deConnaissances Surdités sur les ActesAcfos VII “Scolarisation des jeunes sourds en2008 : des attentes à la mise en oeuvre” auprix de 30 €(32 € pour l’étranger et les Dom-Tom)

Nom/Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Code Postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..

Ci-joint un chèque à l’ordre d’ACFOSJe règle par virement bancaire à ACFOS

Date et signature obligatoire :

A photocopier ou à découper, et à retourner à :ACFOS, 11 rue de Clichy 75009 Paris – FranceCompte bancaire :Société Générale 75009 Paris Trinité30003 03080 00037265044 05

Connaissances SurditésJe m’abonne pour un an au prix de 40 €Je souscris un abonnement de soutien à

Acfos pour un an à partir de 60 €Je commande le N° … au prix de 12 eAbonnement groupé (pour une même adresse)

- 3 abonnements : 25 % de réduction, soit 90 €(au lieu de 120 €)- 5 abonnements : 30 % de réduction soit 140 €(au lieu de 200 €)

Abonnement Adhérents/Parents/Etudiants : 25 €(Faire tamponner le bulletin par un professionnel de la surditéou une association/Photocopie de la carte étudiant)

Tarifs Dom-Tom/Etranger : 47 €

Nom/Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code Postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ci-joint un chèque à l’ordre d’ACFOSJe règle par virement bancaire à ACFOS

Date et signature obligatoire :

A photocopier ou à découper, et à retourner à :ACFOS, 11 rue de Clichy 75009 Paris – FranceCompte bancaire :Société Générale 75009 Paris Trinité30003 03080 00037265044 05

maquette N 32.qxd 09/06/2010 16:00 Page 35