MALI : OPERATION « SERVAL

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MALI : OPERATION « SERVAL » Le petit manuel anti-drone pour les soldats islamistesEn fuyant Tombouctou, des jihadistes d’Aqmi ont laissé derrière eux un document singulier, qui explique en 22 points comment éviter les drones. Les journalistes de l’agence américaine Associated Press ont trouvé dans la ville malienne de Tombouctou un document pour le moins intéressant : un manuel par et pour les membres d’Al Qaïda énumérant 22 tactiques et astuces pour se protéger des drones occidentaux. Le document, trouvé dans des bâtiments désertés par les jihadistes après l’intervention française, serait apparu pour la première fois en arabe sur un site extrémiste le 2 juin 2011, un mois après la mort de Ben Laden. Son auteur, le yéménite Abdallah bin Muhammad, résume la réponse à apporter à l’Occident dans sa « guerre des drones » autour de trois axes : des tactiques défensives de brouillage et d’aveuglement, du contre-espionnage visant les agents américains, et la prise à partie de l’opinion publique américaine pour qu’elle fasse pression contre son gouvernement. Ce document est intéressant à de nombreux égards. Il confirme notamment les inquiétudes des experts quant à une articulation et une coordination toujours plus poussée des différentes cellules d’Al Qaïda à travers le monde. L’auteur fournit en outre une analyse très pertinente de la stratégie américaine dans l’emploi de ses drones et les raisons économiques et politiques qui la justifient. Loin d’être un renoncement ou une capitulation, la « guerre des drones » est une guerre à moindre coût budgétaire et humain, qui permet au gouvernement américain de mener son combat contre le terrorisme à moindres frais et sans la désapprobation populaire et très médiatisée des familles de soldats. Certaines des tactiques listées peuvent paraître datées ou farfelues, comme le fait de peindre sa voiture avec de la boue alors que certains drones sont maintenant équipés de détecteurs thermiques. Le colonel Cédric Leighton, un vétéran des forces aériennes américaines qui a participé à la programmation du drone « Predator », a déclaré au Telegraph prendre le document très au sérieux : « Ce ne sont pas des techniques idiotes. Ça montre qu’en réalité ils agissent plutôt astucieusement. Le but est de leur acheter un peu plus de temps, et dans ce conflit, le temps est la clef. Et ils utiliseront [ces techniques] pour se déplacer loin d’une zone, d’un bombardement aérien, et le feront très rapidement ». Une traduction : 1. Il est possible de connaître l’objectif et la mission d’un drone en se servant du système russe « sky grabber » pour infiltrer les ondes et fréquences de l’engin. L’outil est disponible sur le marché pour 2 595 dollars et l’opérateur doit avoir des connaissances poussées en informatique. 2. Utiliser des dispositifs qui diffusent des fréquences pour déconnecter les commandes et brouiller les fréquences utilisées pour contrôler le drone. Les Moudjahiddines ont eu des résultats concluants en utilisant le système russe « Racal ».

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MALI : OPERATION « SERVAL »

► Le petit manuel anti-drone pour les soldats islamistes…

En fuyant Tombouctou, des jihadistes d’Aqmi ont laissé derrière eux un document singulier, qui explique en 22 points comment éviter les drones.

Les journalistes de l’agence américaine Associated Press ont trouvé dans la ville malienne de Tombouctou un document pour le moins intéressant : un manuel par et pour les membres d’Al Qaïda énumérant 22 tactiques et astuces pour se protéger des drones occidentaux. Le document, trouvé dans des bâtiments désertés par les jihadistes après l’intervention française, serait apparu pour la première fois en arabe sur un site extrémiste le 2 juin 2011, un mois après la mort de Ben Laden. Son auteur, le yéménite Abdallah bin Muhammad, résume la réponse à apporter à l’Occident dans sa « guerre des drones » autour de trois axes : des tactiques défensives de brouillage et d’aveuglement, du contre-espionnage visant les agents américains, et la prise à partie de l’opinion publique américaine pour qu’elle fasse pression contre son gouvernement. Ce document est intéressant à de nombreux égards. Il confirme notamment les inquiétudes des experts quant à une articulation et une coordination toujours plus poussée des différentes cellules d’Al Qaïda à travers le monde. L’auteur fournit en outre une analyse très pertinente de la stratégie américaine dans l’emploi de ses drones et les raisons économiques et politiques qui la justifient.

Loin d’être un renoncement ou une capitulation, la « guerre des drones » est une guerre à moindre coût budgétaire et humain, qui permet au gouvernement américain de mener son combat contre le terrorisme à moindres frais et sans la désapprobation populaire et très médiatisée des familles de soldats. Certaines des tactiques listées peuvent paraître datées ou farfelues, comme le fait de peindre sa voiture avec de la boue alors que certains drones sont maintenant équipés de détecteurs thermiques. Le colonel Cédric Leighton, un vétéran des forces aériennes américaines qui a participé à la programmation du drone « Predator », a déclaré au Telegraph prendre le document très au sérieux : « Ce ne sont pas des techniques idiotes. Ça montre qu’en réalité ils agissent plutôt astucieusement. Le but est de leur acheter un peu plus de temps, et dans ce conflit, le temps est la clef. Et ils utiliseront [ces techniques] pour se déplacer loin d’une zone, d’un bombardement aérien, et le feront très rapidement ».

Une traduction :

1. Il est possible de connaître l’objectif et la mission d’un drone en se servant du système russe « sky grabber » pour infiltrer les ondes et fréquences de l’engin. L’outil est disponible sur le marché pour 2 595 dollars et l’opérateur doit avoir des connaissances poussées en informatique.

2. Utiliser des dispositifs qui diffusent des fréquences pour déconnecter les commandes et brouiller les fréquences utilisées pour contrôler le drone. Les Moudjahiddines ont eu des résultats concluants en utilisant le système russe « Racal ».

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3. Installer des morceaux de verre réfléchissant sur les voitures et toits des bâtiments.

4. Positionner un groupe de snipers expérimentés pour chasser les drones, tout particulièrement ceux de reconnaissance qui volent à basse altitude, à environ 6 kilomètres ou moins.

5. Saturer et brouiller les communications électroniques en utilisant une dynamo ordinaire agrémentée d’une tige de cuivre de 30 mètres de hauteur.

6. Saturer et brouiller les communications électroniques en utilisant un vieil équipement – pour ses fortes fréquences – et le laisser tourner 24 heures sur 24. Il est possible d’avoir recours à des simples mécanismes d’aveuglement attirant les systèmes à ondes électroniques, de la même manière que l’armée yougoslave avait utilisé des fours à micro-ondes pour détourner et brouiller les missiles à système de guidage électromagnétique de l’OTAN.

7. Adopter un ensemble de méthodes pour semer la confusion et changer régulièrement de quartiers généraux.

8. Repérer la présence d’un drone grâce à des réseaux de reconnaissances bien conçus et avertir les formations de cesser tout mouvement dans la zone.

9. Se cacher pour ne pas être repéré, directement ou indirectement, surtout la nuit.

10. Se cacher sous des arbres touffus, la meilleure couverture contre les avions.

11. Rester dans des endroits protégés du soleil, à l’ombre des bâtiments et des arbres par exemple.

12. Couper tous les appareils de communication sans fil.

13. Sortir des véhicules et en rester éloignés, particulièrement lorsque vous êtes poursuivis ou durant un combat.

14. Tromper le drone en allant dans des endroits avec de multiples entrées et sorties.

15. Se servir d’abris souterrains puisque les missiles tirés par ces avions sont généralement de type antipersonnel et non anti-bâtiment.

16. Eviter de se rassembler dans des lieux ouverts et, en cas d’urgence, utiliser des bâtiments à entrées et sorties multiples.

17. Former des groupes de contre-espionnage pour détecter les espions et agents.

18. Créer de faux rassemblements, avec par exemple des poupées et statues placées devant de fausses tranchées pour tromper l’ennemi.

19. Lorsque vous découvrez qu’un drone poursuit votre voiture, quittez le véhicule immédiatement et que chacun se disperse dans des directions différentes, car les avions ne pourront pas poursuivre tout le monde en même temps.

20. Utiliser des barricades naturelles comme des forêts et des grottes lorsqu’il est impératif de s’entraîner ou se rassembler.

21. Dans les zones fréquemment ciblées par l’ennemi, faire de la fumée pour se cacher, en brûlant des pneus par exemple.

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22. Les chefs ou les personnes recherchées ne doivent pas utiliser d’appareils de communication, car l’ennemi conserve habituellement une empreinte vocale grâce à laquelle il peut identifier la personne qui parle et la localiser.

« Sky grabber » utilisé par des insurgés irakiens pour pirater les transmissions d’un Predator :

http://www.youtube.com/watch?v=Hxdi4DZf78U&feature=player_embedded

Frappe aérienne d’un drone de classe « Predator » :

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=tIsdwbZSMMw

► Au ministère, on a repeint en rouge la carte du tourisme en Afrique…

Au centre de crise du ministère des Affaires étrangères, on met à jour la carte du monde des risques encourus par les voyageurs plus de 900 fois par an. A Paris, dans une grande salle de réunion du ministère des Affaires étrangères, quai d’Orsay à Paris, des fonctionnaires déploient leur énergie à remettre à jour leur carte du monde, destinée à informer le public français des risques encourus sur un point du globe.

BFM-TV a été autorisée à pénétrer dans ce « lieu assez confidentiel » pour s’entretenir avec le monsieur crise du Quai d’Orsay, Didier Lebret. Ancien ambassadeur en Haïti, il a pris la tête du Centre de crise cette année et explique à la journaliste que des personnels sont mobilisés 24h/24 tous les jours pour effectuer un travail de veille et de gestion des crises. Destinée aux voyageurs, une carte du monde nourrie d’informations envoyées chaque jour par les ambassades, les services et les ONG, vise à assurer la sécurité des Français. Une fiche par pays résume la situation sur place et une couleur est attribuée selon le niveau d’alerte appliqué à la zone. En jaune, il n’est pas frappé par une restriction de circulation. En orange (ou marron), la zone est « déconseillée sauf raison impérative ». En rouge, le territoire est « formellement déconseillé ».

Modifiée 900 fois cette année, cette carte mondiale a considérablement évolué. L’Afrique, qui a certes toujours été jaune-orange-rouge mais dont l’ouest était plutôt jaune-orangée, est désormais une sorte de vaste zone rouge. Au Maghreb, à l’exception du Maroc et d’une petite partie de la Tunisie, il vaudrait mieux n’aller nulle part. Plus au sud, c’est le grand rouge :

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Mali, Niger, Nigeria, Mauritanie, Soudan, Sud-Soudan, République Centrafricaine, Cameroun, Tchad... Si certains pays frontaliers échappent à cette zone rouge – le Bénin, le Togo, la Guinée, la Guinée équatoriale, la Côte-d’Ivoire, le Burkina Faso – ils font, depuis le début de la guerre au Mali et l’enlèvement des Français au Cameroun, l’objet d’une surveillance accrue et d’un avertissement particulier.

Ainsi, sur la page du Bénin, intégralement jaune vendredi 22 février mais orangé à sa frontière ce samedi, ce message accueille les visiteurs :

« Cet engagement [de la France au Mali, ndlr], de même que celui des pays membres de la Cedeao dont le Bénin fait partie, est susceptible d’avoir des répercussions sur la sécurité des Français résidents ou de passage au Bénin. Bien que les autorités béninoises se soient engagées à exercer une surveillance particulière sur les lieux exposés, le risque d’enlèvement ou d’attentat existe au Bénin ».

« Le tourisme, symbole du mondialisme »

Cette vigilance accrue n’est pas une surprise pour Jean-Michel Hoerner, professeur de géopolitique et de tourisme à l’université de Perpignan : « Dans la mesure où ce qui s’est passé au Cameroun était tout à fait inattendu, les pouvoirs publics font leur travail en déconseillant ces zones ». Avec quinze otages en Afrique en ce moment, la France est avec les Etats-Unis le pays le plus ciblé. Et ça va continuer, estime Jean-Michel Hoerner : « Le tourisme est un phénomène exceptionnel, lié au mondialisme, c’est-à-dire à la mondialisation du capitalisme. Les touristes représentent ce système et sont donc pris pour cibles par plusieurs courants se revendiquant du salafisme. D’ailleurs, lorsque les terroristes s’attaquent aux mausolées de Tombouctou, ils le font aussi parce que ces mausolées sont classés à l’Unesco et qu’ils sont essentiellement visités par des Occidentaux ». Il précise toutefois que le tourisme n’est pas menacé. Cette année, le nombre de touristes recensés dans le monde entier a franchi le milliard. « Alors que le touriste a peur de son ombre, le voyageur cherche l’aventure. Autrement dit, les touristes, cette classe moyenne qui voyage, vont se déplacer vers d’autres régions. Le sud de la Méditerranée est ainsi délaissé pour des destinations européennes ».

Perdus pour une partie de l’Afrique, ils vont alors en Croatie, en Espagne ou aux îles Canaries.

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► Point de situation du lundi 25 février 2013 (du 21/02 18h au 25/02 18h)…

Les opérations aériennes se sont poursuivies, notamment dans la région de Tessalit avec près d’une centaine de sorties. Une quarantaine de sorties a été dédiée aux frappes aériennes permettant la destruction d’une dizaine de dépôts logistiques et d’une dizaine de véhicules. Le reste des missions s’est répartie entre le soutien des opérations et le transport de nos forces et de nos matériels.

Deux avions ravitailleurs C135 français sont désormais déployés sur l’aéroport de Bamako permettant de faciliter le soutien des opérations aériennes.

A Dakar, le roulier « MN Eider » a effectué une nouvelle rotation. Il est arrivé en fin de semaine dernière avec son bord du fret au profit des forces déployées dans l’opération « Serval ». Il est le troisième navire affrété à accoster sur les côtes sénégalaises depuis le 11 janvier 2013. Ces affrétés ont été escortés par des bâtiments de la Marine nationale qui, depuis le départ, fourni un appui important à l’opération malienne.

Au sol et depuis le 18 février les forces françaises, maliennes et tchadiennes sont engagées dans la région de Tessalit où elles poursuivent leurs opérations offensives qui visent à désorganiser les groupes terroristes et à démanteler leurs sanctuaires. L’engagement combiné de nos forces a permis de détruire trois véhicules et de neutraliser une vingtaine de terroristes.

Parallèlement, le 22 février, les éléments tchadiens ont pris à parti des groupes terroristes. Immédiatement, ils ont reçu l’appui des aéronefs français sur leur zone d’opération. Pendant plus de 24 heures, les avions de chasse français se sont relayés afin d’appuyer l’avancée des troupes au sol. Les tchadiens ont annoncé avoir neutralisé plus de 90 terroristes lors de cette action offensive très déterminée. Ils ont également annoncé avoir perdu 23 des leurs. Plusieurs de leurs blessés ont été évacués par les hélicoptères du GAM vers l’antenne chirurgicale avancée de Gao pour y être soignés.

Dans la région de Gao, après les échanges nourris du 20 février et quelques actions de harcèlement les 21 et 22 février de la part des groupes terroristes, la situation reste sous contrôle grâce à l’action combinée et coordonnée des forces armées maliennes, des forces africaines de la zone (nigériennes) et des français. En présence du CICR et de médecins du monde, les forces armées maliennes ont remis à l’hôpital de Gao les 3m3 de médicaments repris aux groupes terroristes au cours des opérations de la semaine passée.

Le 22 février, après des tirs de 3 roquettes de type BM21 depuis la périphérie de Gao, les forces armées maliennes appuyées par des éléments français ont reconnu et nettoyé la zone périphérique, ainsi que celle du centre ville.

Le 25 février, à Gao, des reconnaissances au nord de la ville par le GTIA 2 ont permis la découverte d’une trentaine de roquettes de 122 mm et des grenades à main de différents types dont une était piégée.

Enfin, les forces armées maliennes se dotent d’une capacité fluviale, avec l’arrivée de deux vedettes rapides permettant la navigation sur le fleuve Niger, et la sécurisation des berges.

Ce sont près de 4 000 militaires français qui sont déployés au Mali. A leurs côtés, près de 5 800 soldats des forces africaines (MISMA et tchadiens) et les forces armées maliennes complètent ce dispositif afin de permettre au gouvernement de recouvrer son intégrité territoriale, de désorganiser les groupes terroristes et démanteler leurs sanctuaires.

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BM 21 (lance-roquettes multiples de 122 millimètres) - L'engin porteur peut être le suivant. Il est beaucoup plus léger : 9 tubes (soit une affaire : tubes + roquettes = une tonne ....). Selon les munitions et les versions, la portée de ces roquettes est de 5 à 45 km. Salve de 40 roquettes en 20s.

Ou, le type russe :

La roquette est de courte ou moyenne portée, pouvant atteindre jusqu’à 45 kilomètres. Aujourd’hui, ce type de roquette est utilisé dans plus de 50 pays. La roquette Grad a été développée dans les années 1960 par l’Union Soviétique et est devenue depuis l’une des fusées les plus utilisées dans le monde. Aujourd’hui, elle est utilisée par des organisations terroristes comme le Hamas et le Hezbollah.

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Navire roulier « MN Eider » (et « MN Eclipse »)

Ces navires, propriétés de la « MN » (Cie Maritime Nantaise), sont exploités dans le cadre d’un contrat d’affrètement à temps avec le MINDEF (depuis les années 80), pour le ravitaillement des bases françaises dans l’Océan Indien et sur la Côte Ouest de l’Afrique, les exercices à l’étranger et les projections ponctuelles sur les théâtres d’opérations.

1ère

rotation : après le bâtiment de projection et de commandement « Dixmude », qui a appareillé de Toulon le 21 janvier avec les éléments d’un Groupement tactique interarmes (GTIA), c’est le roulier MN « Eider » qui met aujourd’hui le cap sur l’Afrique, cette fois avec l’ensemble des éléments matériels (les hommes partent en avions) de la 1

ère Brigade logistique (BL). Faisant partie de la flotte de navires civils

affrétée par le ministère de la Défense pour les besoins de transport des armées, le navire a embarqué durant le week-end une importante cargaison de véhicules et de matériel : un chargement de 2 700 tonnes avec 1 800 mètres linéaires de roulant, soit environ 250 véhicules, auxquels d’ajoutent une centaine de conteneurs (voir photo en fin d’article). L’ensemble est destiné à renforcer le dispositif français déployé au Mali dans le cadre de l’opération « Serval ». Il y a à bord quelques blindés de combat (VAB, VBCI) destinés à compléter les unités déjà projetées, ainsi que des dizaines de VBL (véhicules blindés légers), de PVP (petits véhicules protégés) et de P4. Mais le « MN Eider » emporte surtout une impressionnante collection de camions.

Caractéristiques : longueur : 157,67m – largeur : 25m – capacité : 804 evp, 164 remorques - vitesse : 19 nds – creux : 17,3m – tirant d’eau : 8,5m – port en lourd : 13 866 tonnes.

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Médicaments repris aux groupes terroristes…

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► L’Amérique loue le travail de l'armée française…

L'armée française est saluée par les Américains sur le terrain du Mali.

Admiration, soulagement et inquiétude. Tels sont les sentiments qui prévalent à Washington face à l'opération militaire française au Mali. « La France, leader du monde libre », a titré cette semaine l'hebdomadaire Newsweek, qui présente carrément les Français comme « une superpuissance virile et décidée, contrairement à l'Amérique». L'influent expert Bruce Riedel juge même les capacités de projection de l'armée française supérieures à celles des Britanniques ! N'en jetez plus !

Cet enthousiasme, qui tranche avec le « French bashing » habituel, est « révélateur d'une Amérique qui redécouvre les réelles capacités d'action de l'armée française », note Murielle Delaporte, consultante basée à Washington, et rédactrice en chef d'une lettre spécialisée « Soutien logistique défense » qui paraît aussi en anglais. Elle explique que les plus de 40 ans ne sont pas étonnés de l'efficacité de la France car ils ont gardé le souvenir des opérations aéroportées françaises et des prouesses de la légion. « À l'inverse, marquées par l'épisode de l'Irak, qui avait terni la réputation de la France », accusée d'être une nation de dégonflés, « les jeunes générations sont agréablement surprises par ce savoir-faire français en Afrique », poursuit Delaporte.

Fatiguées par dix ans de guerres extérieures et tenues par des contraintes budgétaires drastiques, les élites politiques et militaires de Washington sont quant à elles « soulagées » de voir les Français assumer le fardeau, note Gregory Mann, professeur à l'Université de Columbia. « On vous doit beaucoup, ajoute Colin Clark, journaliste défense au site Aol.com. Vous nous avez énormément aidés depuis le 11 Septembre, notamment à Djibouti et en Afghanistan. Et maintenant vous êtes en train de nettoyer la pagaille que nous avons contribué à créer au Mali, avec nos choix erronés ! » Le colonel John Nagl, théoricien de la contre-insurrection en Irak, qui enseigne à l'Académie navale d'Annapolis, confirme : « Tout le monde ici est très content que les Français fassent le boulot. Si l'on reprend les trois phases d'une contre-insurrection - nettoyer, tenir et reconstruire - vous avez remarquablement réussi la première phase », dit cet officier, qui exclut toute implication américaine directe. Murielle Delaporte affirme même que le Pentagone suit « de près l'approche interarmées » des Français au Mali.

« Investir dans la durée » : « Avec notre mix de frappes aériennes, de parachutistes et de forces spéciales, on est à mi-chemin entre les attaques de drones menées en Somalie et au Yémen par Obama et la forte composante terrestre privilégiée sous Bush. Certains officiers parlent d'une nouvelle doctrine de combat expéditionnaire écrite par les Français au Mali », dit-elle. Mais attention, avertit John Nagl. « La France est dans la position de Bush au moment où il avait crié : « mission accomplie en Irak » », note cet officier. « Vous avez fait le plus aisé. Je n'ai aucune confiance sur les deux étapes suivantes ». Le problème, poursuit-il, c'est que « ni la France ni les États-Unis n'ont d'appétit pour investir dans la durée. Nous sommes tous fatigués et je doute que les troupes de l'Union africaine soient capables de prendre le relais ». Nagl plaide pour l'intégration de conseillers militaires d'armées chevronnées au sein des contingents de maintien de la paix africains, notamment ceux qui vont être déployés au Mali. « Les Français vont jouer un rôle pour longtemps », suppute-t-il. Mann s'inquiète lui aussi d'un « enlisement ». « Regardez les rues de Gao où les combats ont repris. N'oublions pas qu'Aqmi rêve depuis des années d'une guerre contre la France au Sahel ». La consultante Murielle Delaporte parle aussi d'un moment « périlleux », exigeant de la persévérance. Elle s'étonne des déclarations de François Hollande, annonçant un désengagement des Français à partir de la fin mars. « C'est mauvais comme signal », dit-elle, faisant le parallèle avec l'Afghanistan, où le départ des Occidentaux est guetté par les talibans.

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Une délégation américaine, dont le sénateur Isakson, est reçue par des militaires Français, sur une base aérienne de Bamako, au Mali, le 18 février.

► Le désarmant délabrement de l'armée malienne…

L’armée malienne sera-t-elle en mesure de se reconstruire ? Sera-t-elle capable d’assurer la sécurité du pays et de ses citoyens, une fois l’intervention militaire française terminée ? C’est loin d’être sûr, tant elle est le reflet des inégalités sociales, de la corruption et du clientélisme qui gangrènent le pays. Reportage auprès de soldats et de gendarmes maliens, abandonnés par leurs chefs, et qui ne sont même pas certains de pouvoir manger le lendemain.

« Nous, les soldats maliens, sommes des morts-vivants » C’est ainsi que se décrit Moussa (A

sa demande, son prénom a été modifié), jeune engagé malien de 25 ans. Nous sommes à Diabali,

la dernière ville du nord à avoir été conquise par les rebelles le 14 janvier 2013. Moussa a participé à la défense de la ville. Les soldats maliens ont vite été débordés par les rebelles, certes moins nombreux, mais disposant d’une puissance de feu et d’une expérience du combat largement supérieures. En quelques heures, sept militaires maliens sont tués, dont un ami de Moussa, Issa Angwéba, 29 ans. Si Moussa en a réchappé, « ce n’est pas grâce à mes supérieurs, précise-t-il. Ils nous ont bien donné de nouvelles armes et du matériel, mais ils ne nous ont pas laissé le temps de les tester ». Lorsqu’ils réalisent qu’ils ne peuvent plus tenir leur position, qu’ils ne recevraient pas de renforts et, surtout que leurs supérieurs « avaient eux-mêmes fui », Moussa et ses frères d’armes décident d’abandonner leur position, de retirer leur uniforme et de se replier sur Markala, plus au Sud. Ce type de témoignages abonde au sein de l’armée malienne. Combats après combats, ce n’est pas tant de courage dont les soldats maliens ont manqué face aux rebelles armés, mais bien de soutien, de préparation, d’organisation et de commandement compétent. Car l’armée malienne, comme l’ensemble des forces de sécurité, est le reflet des inégalités sociales, et des jeux de pouvoir et de corruption qui caractérisent le Mali.

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230 euros de bakchich pour intégrer l’armée : les effectifs de l’armée malienne sont difficiles à estimer avec certitude : entre 7 000 et 14 000 hommes. Le Mali est un pays pauvre, où la moitié de la population vit avec moins d’un euro par jour. Les populations y exercent avant tout des activités rurales et agricoles. Dans un pays où les institutions internationales (FMI, Banque mondiale) mettent tout en œuvre pour réduire les missions et les budgets de l’État, l’armée est l’une des rares institutions qui offre une solde et un emploi stables (En 2007, alors que les autres

institutions de l’Etat malien n’embauchaient pas, voire licenciaient, l’armée malienne lançait une campagne de recrutement de près de 3000 personnes).

Un simple soldat gagne 45 000 francs CFA, soit environ 70 euros par mois. Nombreux sont ceux qui y entrent moins par vocation guerrière ou patriotique que par simple nécessité économique. Certaines familles sont prêtes à tout pour que leur fils porte l’uniforme de l’armée, de la police ou de la gendarmerie. Notamment à verser des bakchichs aux recruteurs pour qu’il soit intégré. « Il y a des familles qui s’endettent pour payer 150 000 ou 250 000 francs CFA (entre 230 et 380 euros) de dessous-de-table pour que leur fils soit pris. C’est le tarif », annonce Amadou, gendarme à Markala.

« Même un chien ne finirait pas notre assiette » : intégrer l’armée ne suffit pas pour sortir de la précarité. Depuis juin 2012, date de la prise des deux tiers du territoire par la rébellion touareg et islamiste, la majeure partie des militaires maliens dénonce, plus ou moins fortement, leurs conditions de vie. Les lignes de ravitaillement de l’armée malienne s’étendent sur plusieurs centaines de kilomètres à mesure que l’armée française progresse. Et lorsque je demande à Moussa si la logistique suit, si les soldats arrivent à cantiner convenablement et à être soignés efficacement, celui-ci inspire longuement avant de répondre : « Avec ce que nos chefs nous donnent à manger, même un chien ne finirait pas notre assiette. Mais nous n’avons pas d’autre choix. Pour ce qui est de notre santé, ils sont sensés nous prendre en charge. Mais la plupart du temps cette prise en charge est insatisfaisante ». Le jeune soldat raconte alors l’histoire de l’un de ses frères d’armes qui, après une attaque de rebelles touaregs en 2008 dans le village de Nampala, près de Diabali, a reçu une balle dans le dos. « L’armée n’a rien mis en place pour lui, si ce n’est des soins basiques. C’est son père qui a dû prendre en charge tous les frais pour que son fils soit convenablement opéré. Nos supérieurs n’ont rien à faire de nous », soupire-t-il.

Exclus de l’armée pour avoir revendiqué leurs droits : « Chaque fois que les militaires réclament le respect de leurs droits, ils se font qualifier de révolutionnaires et sont souvent mis aux arrêts », ajoute Amadou. Le gendarme de Markala sait de quoi il parle : en 1994, lui et 800 autres élèves gendarmes ont protesté dans un journal malien contre le détournement d’une partie de leur solde par l’un de leur chef. En réponse, ils ont été radiés ! Ils durent batailler pendant deux ans pour faire valoir leurs droits et être réintégrés. « Nous, les soldats maliens, sommes des morts-vivants, répète sombrement Moussa. Depuis Aguelhok, on nous envoie au front pour mourir de faim ou pour nous faire égorger. ».

NB : Aguelhok est le nom d’une ville située à la limite de la frontière algérienne : un massacre y a été perpétré par les rebelles du MNLA et d’Ansar Dine. En janvier 2012, isolés et sans renforts, des soldats et des gendarmes maliens se rendent après avoir tenté de défendre la ville. En dépit de leur reddition, plusieurs dizaines d’entre eux sont égorgés ou abattus d’une balle dans la tête : entre 85 et 200

exécutions selon les sources. Ce massacre traumatise l’armée et la société malienne.

Corruption et clientélisme : « A Aguelhok, c’est chaque malien qui a perdu un fils, un frère. Sans que l’Etat et l’armée ne fassent rien », témoigne le père de l’un des soldats exécutés, rencontré à Bamako. Aguelhok cristallise toute la frustration et la rancœur des soldats maliens et de la population vis-à-vis du laisser-aller et de la corruption des dirigeants de l’armée malienne et de l’ensemble de la classe politique. Car au Mali, la classe politique est largement composée de militaires. Le président de l’époque, Amadou Toumani Touré, dit ATT, était général de l’armée malienne. De nombreux ministres et hommes politiques sont ou ont été des militaires. Pendant ses deux mandats, de 2002 à 2012, ATT a nommé à lui seul 45 généraux. Un moyen de renforcer la fidélité de la direction de l’armée et, pour les nombreux généraux promus, celui d’accéder à de juteuses opportunités financières et économiques. Alors que l’opération « Serval » bat son plein dans le nord, dans un luxueux restaurant de Bamako, on peut assister à la discussion de deux généraux maliens sur la « conclusion d’un marché de 246 millions de francs CFA » (380 000 euros).

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Bérets rouges contre bérets verts : dans leur lutte contre le terrorisme, obnubilés par la seule vision sécuritaire, les États occidentaux ont préféré « investir » dans l’armée plutôt que dans des programmes de développement (Le développement du nord Mali passe par exemple

obligatoirement par la construction d’autoroutes pour désenclaver cette région. Le coût du tronçon Bamako-Timbuktu (635 kilomètres) serait de 100 milliards de francs CFA (196 millions de dollars), le tronçon Mopti-Gao (568 kilomètres) présenterait un coût de 48 milliards de francs CFA (94 millions de

dollars).

Et sans se préoccuper du clientélisme et de la corruption. Des dizaines de millions d’euros et de dollars ont ainsi été injectés dans l’armée malienne, principalement par la France et les États-Unis (Le New York Times évoque 500 millions de dollars accordés par Washington (« Why

We Must Help Save Mali », New York Times, 14 janvier 2013). Cet apport massif d’argent n’a ni contribué à empêcher la chute du nord du Mali, ni à améliorer l’équipement et la formation des troupes. Ces financements – colossaux pour le Mali – ont contribué à renforcer les pouvoirs des dirigeants militaires et à soutenir leur éventuelle carrière politique. Au clientélisme et à la corruption, s’est ajouté la montée d’un profond sentiment d’injustice au sein de l’armée. On en connaît le résultat. Cette exacerbation des tensions s’est cristallisée autour des « bérets rouges » : le 33

ème régiment para-commando, une unité spéciale aéroportée créée par Moussa

Traoré, l’ancien dictateur. Cette formation de près de 1 000 hommes a été largement favorisée par le régime d’ATT – lui-même béret rouge – au détriment du reste de l’armée, dont le gros de la troupe porte le béret vert. Censés assurer la sécurité du régime, depuis la dictature, les bérets rouges ont bénéficié des soldes les plus confortables, des primes les plus régulières, et de meilleures formations.

Un coup d’Etat illégal, mais jugé légitime : « Pendant que nos fils mourraient à Kidal, Tessalit ou Aguelhok, les bérets rouges restaient planqués à Bamako, dans leur caserne ou dans la résidence présidentielle malienne », dénonce le père d’un soldat tué pendant l’avancée des rebelles. « Plutôt qu’une unité d’élite, ils étaient les défenseurs de la bourgeoisie naissante qu’ATT et la classe politique malienne représentent », ajoute avec amertume un leader de la société civile, dont le frère est béret rouge. Aux scandales politico-financiers, comme le détournement d’une partie des aides internationales pour combattre la tuberculose et la malaria, s’est ajoutée la déroute militaire dans le Nord du pays. Et ce qui devait arriver arriva : le 22 mars 2012, un détachement militaire de bérets verts renverse le président ATT et place à la tête du régime le capitaine Amadou Haya Sanogo (Condamné pour son illégalité, le putsch n’est

cependant pas considéré comme illégitime par une grande partie de la société civile - Après le coup d’Etat, Sanogo n’a pas pris les fonctions de président de la République, mais la tête du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), au travers duquel il continue

d’avoir une importante influence sur l’armée et la politique maliennes). Dans les quartiers populaires comme dans les beaux salons de la capitale, nombreux sont ceux qui se souviennent de la fête organisée en grande pompe par la fille d’ATT, Mabo, pour célébrer sa fortune de plusieurs milliards de francs CFA. C’était juste avant le coup d’État.

Les tensions au sein de l’armée malienne ne s’apaisent pas pour autant. Le chef des bérets rouges, le Colonel Abidine Guindo, proche de l’ancien président, échoue à mener un contrecoup d’Etat le 30 avril 2012. A l’issue de cette tentative, le corps des bérets rouges est dissous et les mutins emprisonnés. Quand commence l’opération « Serval » et alors que la majeure partie de l’armée malienne y est impliquée, l’unité reste assignée à résidence dans sa caserne de Djicoroni-para. Le « contre-putschiste » Abidine Guindo est finalement libéré et les bérets rouges sont réintégrés, mais dispersés dans les autres unités. Cette rivalité au sein de l’armée donne lieu à un épisode tragique : l’attaque du dernier carré de bérets rouges, le 8 février, à Bamako, qui fera aussi des victimes civiles. La situation de l’armée malienne demeure socialement et politiquement explosive.

NB : le sol est parsemé de caillasses et de douilles encore chaudes. Un camion militaire aux vitres brisées a été abandonné en travers de la route. Plus loin, des pneus achèvent de se consumer en laissant une traînée noirâtre. L’assaut a débuté à l’aube, vendredi 8 février. Quatre heures d’affrontements à coups de pierres et à balles réelles, dans le quartier de Djicoroni, en plein cœur de Bamako. Au moins deux morts et des dizaines de blessés. Les « bérets verts », appuyés par la garde nationale, la gendarmerie et la police, n’étaient pas venus débusquer une « cellule terroriste » mais attaquer leurs compagnons d’armes et les déloger de leur caserne manu militari.

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Des gendarmes maliens agrippés à leur kalachnikov et transpirant dans leur tenue anti-émeute interdisent l’accès du camp du 33

ème régiment des commandos parachutistes. Nul signe des quatre cents

« bérets rouges » qui bivouaquaient ici avec leurs familles. Tout juste aperçoit-on, derrière une rangée de manguiers, épouses et enfants qui errent à l’intérieur. « Les militaires ont commencé à chasser tout le monde. La foule a voulu les empêcher d’entrer. Ils ont ouvert le feu, tué deux jeunes, blessé des femmes », raconte Traoré qui tient un étal à côté. « Les bérets rouges savaient qu’ils allaient venir et ils étaient sortis, assure l’un d’eux, rencontré le lendemain. Ils ont tiré sur des civils désarmés ! ». A l’origine de cette opération punitive, le refus des commandos parachutistes d’être réaffectés sur le front. « Ils veulent se battre mais ensemble, pas dispersés dans des unités, poursuit cet officier. Car ils n’ont pas confiance dans les bérets verts. Ils ont peur qu’une fois là-bas, on ne les élimine ». Alors que les combats redoublent dans le nord du pays, l’armée malienne continue de se déchirer. « Verts » contre « rouges ». Une guerre de couleurs, de grades, de castes. D’un côté, des soldats dépenaillés, de l’autre l’ancienne troupe d’élite. Les premiers ont renversé, le 22 mars dernier, Amadou Toumani Touré, dit ATT, un président en fin de course incapable de stopper l’avancée des rebelles touaregs. Un putsch qui a précipité un peu plus le Mali dans le chaos. Les seconds conspiraient eux aussi contre le chef de l’Etat, dont ils assuraient la garde rapprochée. Pris de vitesse, ils ont tenté sans succès un contrecoup, un mois plus tard. L’embarras est général. Au cours d’une allocution télévisée, le président par intérim, Dioncounda Traoré, tout en appelant à la fin d’une « lutte fratricide », a adressé ses « excuses » aux troupes étrangères lancées à la poursuite des djihadistes. En privée, les militaires français se disent consternés. « Au moment où la communauté internationale se mobilise, l’image est désastreuse », admet l’un d’eux.

Une armée en lambeaux : la France ne cesse de répéter qu’elle n’a « pas vocation à rester au Mali ». Le retrait de ses soldats doit commencer dès mars, dixit Laurent Fabius. 70 instructeurs européens viennent de débarquer à Bamako, 730 autres doivent les rejoindre. Leur mission ? Former au plus vite une armée digne de ce nom. Et voilà que leurs futurs élèves s’empoignent de nouveau. Coïncidence ? En plein raid contre leurs ennemis parachutistes, les « bérets verts » font visiter leur fief, Kati, le plus grand camp militaire du pays, étalé sur un plateau rocailleux à 15 km de la capitale. Une ville avec ses échoppes et ses buvettes en bois, ses nuées de gamins, ses ruelles en latérite sillonnées d’eau sale. Quelques logements de facture récente pour les officiers. Les autres dorment dans des cases de terre sèche. « Nous avons dû les construire nous-mêmes ! s’exclame le lieutenant Mohamed Coulibaly. Voilà les conditions déplorables dans lesquelles nous vivons. La garde présidentielle avait tout, nous rien ». Il renvoie la responsabilité des violences de Djicoroni sur les « bérets rouges ». « Ce sont des malfrats qui amusent la galerie ».

En ouvrant les portes de leur base, ces jeunes sous-officiers veulent se rappeler au souvenir d’une communauté internationale qui les boycotte et a réussi à leur imposer un semblant de retour à l’ordre constitutionnel. Jusqu’à l’intervention française, ils continuaient à fomenter régulièrement des troubles. « Le 10 janvier, on a évité de justesse un nouveau putsch, confie un diplomate. Le déploiement français les a fait réfléchir ». Depuis, leur chef, le capitaine Sanogo, reste en retrait mais conserve toute son influence. La plupart des chefs militaires, jusqu’au ministre de la Défense, lui doivent leur poste. Officiellement, il préside donc le « Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité ». « Il travaille dans la discrétion, dit son porte-parole, Mariko Bakary. Tout ce qui a été accompli dans l’armée, c’est lui qui l’a fait. Il a nommé des officiers qui bénéficient de la confiance de la troupe et rétabli la chaîne de commandement ». Dans son bastion de Kati, le portrait du Cne Sanogo s’étale sur les murs d’un terrain d’entraînement abandonné aux chèvres. L’homme demeure, lui, invisible. Ses lieutenants exhibent avec fierté camions, blindés légers, chars, orgues de Staline (BM 21), tout un bric-à-brac fourni par l’URSS dans les années 1960 et aligné sous des hangars rouillés. « Ils étaient garés ici depuis dix ans, ils ne bougeaient pas mais on les a remis en état, affirme un commandant. La plupart ont déjà été envoyés sur le front ». Et de vanter d’un claquement de main sur la carrosserie ses redoutables machines, capables de lancer « quarante roquettes en 20 secondes » et même des « missiles filoguidés ». Quand on lui demande s’il peut mettre en marche un seul de ses engins, juste pour voir, il répond d’un ton embarrassé qu’il y a encore des « petites réparations à faire ».

L’armée malienne, combien de divisions ? « On n’a pas d’évaluation précise de ses capacités ni même du nombre de ses combattants opérationnels », reconnaît un gradé français. Sur le papier, elle rassemblerait 15 000 hommes. En réalité, « les militaires engagés sur le terrain sont au maximum 2 000 », estime un officier des renseignements maliens. Depuis des lustres, la hiérarchie gonfle les effectifs pour détourner les soldes. Le désordre fait le reste.

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Les soldats doivent acheter leur uniforme sur leurs deniers. Ils ne disposeraient que d’un fusil pour deux. Un progrès. Avant l’envoi par l’Algérie fin décembre de trois avions remplis de kalachnikov, le ratio était d’un pour six. L’aviation ? Trois hélicoptères mais pas de pilotes ! Plus deux Mig hors d’usage, oubliés sous leurs bâches à l’aéroport de Bamako. Quant aux généraux, au nombre de 62, un record, ils n’ont pour la plupart jamais commandé quoi que ce soit. « Le jour du coup d’Etat, ils ont été les premiers à fuir. On ne les a plus revus depuis, souligne un haut responsable du ministère malien de la Défense. Tout cela mérite à peine le nom d’armée ». La faute, en grande partie, à « ATT », un général, pourtant, un vrai, élu président à deux reprises. Par crainte d’être déposé par ses troupes, il concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Pour récompenser ses affidés, il leur attribue des étoiles mais pas d’affectation et laisse filer les effectifs. « Le recrutement obéissait davantage à des impératifs de réduction du chômage qu’à des considérations militaires », regrette l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga. L’argent de la drogue et d’autres trafics finit de corrompre ses officiers. « Al-Qaïda au Maghreb islamique a pu créer ses premières bases à Tessalit et Aguelhoc au vu et au su de l’armée, raconte Haminy Belco Maïga, un élu local. C’était une affaire de gros sous. Pour 1 million de francs CFA, n’importe qui est prêt à trahir sa patrie ! ».

En janvier 2012, les rebelles touaregs fondent sur le nord du Mali avec leur arsenal subtilisé à Kadhafi. Rien ne les arrête. « Dès que ça commence à tirer, les soldats, démotivés et sans moyens, dégagent », se lamente l’officier de renseignement. La retraite se transforme en débandade après le massacre de la garnison d’Aguelhoc. Pas de munitions, pas de renfort. Des dizaines de fantassins maliens faits prisonniers sont égorgés. Encore récemment, lors de l’offensive des djihadistes contre Konna, le bataillon est resté cloué sur place faute d’essence : le colonel chargé de l’approvisionner avait détourné le carburant à son profit. Aujourd’hui, les forces françaises n’interviendraient, selon le refrain officiel, qu’« en appui » des troupes maliennes. En fait, ces dernières se contentent, dans le meilleur des cas, de sécuriser les villes une fois libérées. Avec des résultats médiocres, comme le montre le raid surprise des islamistes sur Gao. « Comment voulez-vous mettre en avant des gens qui n’ont pas d’autre expérience que le repli ? » demande le haut cadre de la Défense. A Kidal ou Tessalit, les soldats maliens sont carrément absents, par crainte de représailles contre les populations touarègues. On leur attribue déjà plusieurs exactions. Dans son dernier rapport, Amnesty fait état d’une vingtaine d’exécutions à Sévaré. « Tous les acquis de l’opération « Serval » peuvent tomber à l’eau si on ne règle pas le problème de l’armée malienne », prévient l’officier de renseignement. Oui, mais comment ? « Recrutement, équipements, formation, chaîne de commandement… Il faut tout reprendre à zéro, assène un responsable français. C’est une affaire de cinq à dix ans ». Le Mali dispose-t-il d’un tel délai ?

► Ces mauvais esprits qui veulent saper le moral de l'armée malienne…

L'armée malienne doit rester concentrée sur son principal objectif : retrouver l'intégrité territoriale du pays. Mais elle doit aussi être vigilante quant aux exactions dont certains l'accusent.

Depuis Clausewitz (Carl Von, Général, philosophe et historien militaire prussien (1780-1831) - ouvrage

« Vom Kriege » (De la guerre), publié (1832) par sa femme dans sa forme inachevée après sa mort. Cette œuvre se présente sous la forme d'une longue méditation sur la théorie comme sur la réalité de la guerre, dont l'auteur souligne à la fois l'absolu intrinsèquement violent de son essence (le but de la guerre est l'anéantissement de l'adversaire […], il ne peut y avoir de limite à l'emploi de la violence) et la variété

infinie de ses formes…), le premier grand penseur de la guerre en Europe, nous savons que la guerre réelle ne se passe jamais comme la guerre modèle. Que la guerre, c’est ce qui dévie toujours, au cours des opérations, par rapport à ce qu’on avait projeté. Cela ne se passe donc jamais comme on l’avait prévu et planifié d’avance. Sur ce point, le monde entier a tout à apprendre de la Chine ancienne avec ses « Arts de la guerre » de Sun Zi, Sun Bin (« Stratégie

militaire de maître Sun ») est le premier traité de stratégie militaire écrit au monde (VIe siècle av. J.-C. –

Ve siècle av. J.-C.). Son auteur, Sun Tzu (sūn zi), y développe des thèses originales qui s'inspirent de la

philosophie chinoise ancienne. C'est l'essence de la guerre psychologique illustrée notamment par la guerre d'Indochine, la guerre du Vietnam et la guerre sino-vietnamienne.

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S’agissant du Mali, soulignons-le fortement, ce pays mène une guerre juste, c’est-à-dire une guerre de légitime défense contre les envahisseurs djihadistes qui ont agressé et violé l’intégrité de l’Etat malien. Et, il n'appartient surtout pas ici aux djihadistes de définir pour l’armée malienne, les normes et les règles de la guerre actuelle. Mais il se trouve que, depuis quelques jours, de graves accusations sont portées contre l’armée malienne dans le déroulement de cette guerre. Elle se voit accusée de procéder à des enlèvements et liquidations physiques arbitraires au sein des communautés touareg et arabe du Nord. Bref, l’armée malienne, en libérant les grandes villes du Nord, se livrerait au pillage et commettrait des exactions dans des proportions gigantesques. Rappelons qu’il ne s’agit pas de défendre une bonne cause pour avoir toujours le droit et le bien avec soi.

Ethique et responsabilité : dans l’histoire des conflits et des guerres, les armées qui ont su préserver une certaine éthique en restant irréprochables dans la conduite des opérations, constituent des exceptions. Il ne s’agit pas, comprenons-nous bien, d’innocenter, voire de blanchir totalement l’armée malienne face à d’aussi graves mises en cause. Si les faits mentionnés s’avèrent réels, fondés, la hiérarchie militaire doit prendre toutes les mesures et dispositions appropriées qu’exige une telle situation, conformément au code d’honneur qui régit la conception et le fonctionnement opérationnel de l’armée malienne. Combattre les djihadistes et restaurer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Etat malien ne suffisent pas à justifier de telles exactions, surtout si elles s’avèrent réelles. Mais, sans aller jusqu’à évoquer une conspiration informationnelle et médiatique montée de toutes pièces par certains milieux viscéralement anti-maliens, cette compassion soudaine pour les communautés touarègue et arabe nous paraît suspecte et inauthentique. Ne cherche-t-on pas, avec de telles révélations spectaculaires, à culpabiliser, saper le moral de cette armée qui est sur le point d’atteindre tous ses buts de guerre ? D’ailleurs, en entendant certaines voix d’organismes dits de défense des droits de l’Homme, on se demande bien, si elles n’expriment pas, au fond, une solidarité indirecte avec les djihadistes. Où étaient toutes ces bonnes âmes à la charité sélective quand les djihadistes flagellaient, coupaient les bras de pauvres innocents et violaient à grande échelle?

Honneur et fidélité : ce n’est un secret pour personne, et tout le monde le sait au Mali, ces criminels moyenâgeux ont noué, durant de longues années, de vastes alliances matrimoniales au sein des communautés arabe et touareg du Nord-Mali. Et qu’au sein de ces communautés, certains individus qui avaient misé sur la victoire des djihadistes, ont bel et bien collaboré à leur folie criminelle. En France, à la Libération, des problèmes similaires se sont posés à l’égard des enfants perdus de Pétain, qui avaient, eux aussi, misé sur la victoire de l’Allemagne nazie, contre la Résistance. Certes, les organisations de la société civile sont bien dans leur rôle d’alerte des opinions publiques sur les violations des lois de la guerre. Mais attention, dans le combat contre le djihadisme, un soldat, malheureusement, ne peut se comporter naïvement comme un militant d’une ONG de défense des droits de l’Homme. Evidemment, l’armée malienne ne doit pas s’attaquer à des non combattants. Elle doit montrer sa bonne foi et sa bonne volonté, en faisant toute la lumière sur ces supposées exactions. Ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra se préserver d’un délitement moral et éthique. Demain, après la guerre, il ne faudrait pas que de telles accusations lui reviennent, violemment, à la figure. L'armée malienne, en menant une guerre juste, doit également songer à la reconstruction politique, sociale, culturelle et morale du pays, une fois qu’il sera totalement libéré et libre.

Propos d’Abdoulaye BARRO (Le Pays – Slate Afrique)

► Beaucoup de morts chez les jihadistes…

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a affirmé mardi 26 février que de violents combats entre les forces françaises et les groupes islamistes armés se poursuivaient dans le nord du Mali. D'après lui, la traque des jihadistes a fait « beaucoup, beaucoup de morts » parmi ces derniers, sans toutefois fournir de comptabilité plus précise.

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En effet, depuis plusieurs jours, les combats font rage entre militaires français et groupes islamistes armés réfugiés dans l'Adrar des Ifoghas, à l'extrême nord du Mali. « Les combats sont violents et se poursuivent au moment où nous parlons dans le massif des Ifoghas », a déclaré Jean-Yves Le Drian sur la radio RTL. « Le nombre des jihadistes tués est significatif, a-t-il ajouté, se refusant à donner un chiffre précis. Il y a des morts tous les jours mais les forces françaises font en revanche très peu de prisonniers ». « On est en train de toucher au dur », a poursuivi le ministre, interrogé sur l'opération en cours dans ce massif de moyenne montagne à l'extrême nord du Mali près de la frontière algérienne.

Otages : « C'est un secteur où nous pensions que les groupes terroristes les plus radicaux s'étaient réfugiés. Nous n'en étions pas sûrs. Maintenant nous en sommes certains, a-t-il ajouté. Nous sommes chez eux, nous sommes rentrés dans leur maison ». « Là c'est plus compliqué, il faut passer au sol, au peigne fin, doucement mètre après mètre sur un territoire qui est quand même assez vaste, mais c'est là que se trouve le réduit des terroristes », a insisté Jean-Yves Le Drian.

L'intervention française durera jusqu'à ce que l'ensemble de ce secteur-là soit libéré complètement, selon lui. « La présence dans cette zone de huit otages français enlevés dans le Sahel est une hypothèse de travail », a ajouté le ministre sans autre précision. Commencée il y a 45 jours, l'opération « Serval » a déjà coûté à la France plus de 100 millions d'euros, a estimé Jean-Yves Le Drian.

Soldats de l’armée malienne en patrouille