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MALI : OPERATION « SERVAL » Point de situation (du 25/03 18h au 29/03 18h)Au cours de ces derniers jours, les opérations aériennes se sont poursuivies avec 95 sorties dont une trentaine de sorties a été consacrée aux frappes aériennes principalement dans la région de l’Adrar des Ifoghas et le long de la boucle du Niger, de Gao à Tombouctou. Une quarantaine de sorties a été dédiée au transport de nos forces et de nos matériels, les autres sorties étant consacrées au soutien des opérations. Au sol, les opérations se poursuivent avec deux zones d’actions majeures : au nord, dans la région de Tessalit, où les éléments français en coordination avec les forces armées tchadiennes poursuivent leurs opérations de contrôle de zone ; et au centre du pays, sur la boucle du Niger, où les éléments français en coordination avec les forces armées maliennes (FAM) et les forces africaines de la Misma poursuivent leurs patrouilles de sécurité. Au Nord, le 27 mars 2013, le GTIA TAP a conduit l’opération « Tigre » dans la ville de Tessalit et sur ses abords. Cette opération de contrôle de zone et de fouilles de points spécifiques visait à s’assurer de l’absence de toute présence de groupes terroristes dans la ville et ses abords. L’opération n’a donné lieu à aucun contact avec les terroristes. Au centre, sur la boucle du Niger, les unités de la force « Serval » en coordination avec les FAM et les forces africaines de la Misma, depuis Gao, Tombouctou et Ménaka poursuivent les opérations de contrôle de zone. Les événements de Tombouctou de la semaine dernière ont conduit à un renforcement des dispositifs de sécurité des emprises militaires françaises dans cette zone. A Gao, le GTIA 2 a poursuivi ses patrouilles de jour et de nuit dans le centre ville et a mené des opérations de fouille en appui des FAM. Au Sud de la ville, les forces armées maliennes, dont l’état-major est basé à Gossi, avec la participation du détachement de liaison français, ont terminé l’opération « Gomou ». Elle visait à confirmer les renseignements recueillis auprès de la population et à fouiller d’anciens camps occupés par des groupes terroristes. Cette action a permis aux forces de sécurité maliennes d’interpeller une demie-dizaine de personnes armées et de découvrir de l’armement (AK47 et chargeurs). A Ménaka, les 280 soldats du bataillon nigérien arrivés depuis le 24 mars ont effectivement repris la responsabilité de cette zone à la place des soldats français. Après quatre jours de consignes, les éléments français ont progressivement quitté la zone. Un détachement de liaison français devrait y être déployé prochainement afin de faciliter la coordination de nos actions dans la zone. Le Génie nigérien a d’ores et déjà procédé à la destruction d’une roquette PG2 sur place, encadré par la section génie du GTIA 2 qui était encore présente sur zone.

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MALI : OPERATION « SERVAL »

► Point de situation (du 25/03 18h au 29/03 18h)… Au cours de ces derniers jours, les opérations aériennes se sont poursuivies avec 95 sorties dont une trentaine de sorties a été consacrée aux frappes aériennes principalement dans la région de l’Adrar des Ifoghas et le long de la boucle du Niger, de Gao à Tombouctou. Une quarantaine de sorties a été dédiée au transport de nos forces et de nos matériels, les autres sorties étant consacrées au soutien des opérations.

Au sol, les opérations se poursuivent avec deux zones d’actions majeures : au nord, dans la région de Tessalit, où les éléments français en coordination avec les forces armées tchadiennes poursuivent leurs opérations de contrôle de zone ; et au centre du pays, sur la boucle du Niger, où les éléments français en coordination avec les forces armées maliennes (FAM) et les forces africaines de la Misma poursuivent leurs patrouilles de sécurité.

Au Nord, le 27 mars 2013, le GTIA TAP a conduit l’opération « Tigre » dans la ville de Tessalit et sur ses abords. Cette opération de contrôle de zone et de fouilles de points spécifiques visait à s’assurer de l’absence de toute présence de groupes terroristes dans la ville et ses abords. L’opération n’a donné lieu à aucun contact avec les terroristes. Au centre, sur la boucle du Niger, les unités de la force « Serval » en coordination avec les FAM et les forces africaines de la Misma, depuis Gao, Tombouctou et Ménaka poursuivent les opérations de contrôle de zone. Les événements de Tombouctou de la semaine dernière ont conduit à un renforcement des dispositifs de sécurité des emprises militaires françaises dans cette zone. A Gao, le GTIA 2 a poursuivi ses patrouilles de jour et de nuit dans le centre ville et a mené des opérations de fouille en appui des FAM.

Au Sud de la ville, les forces armées maliennes, dont l’état-major est basé à Gossi, avec la participation du détachement de liaison français, ont terminé l’opération « Gomou ». Elle visait à confirmer les renseignements recueillis auprès de la population et à fouiller d’anciens camps occupés par des groupes terroristes. Cette action a permis aux forces de sécurité maliennes d’interpeller une demie-dizaine de personnes armées et de découvrir de l’armement (AK47 et chargeurs).

A Ménaka, les 280 soldats du bataillon nigérien arrivés depuis le 24 mars ont effectivement repris la responsabilité de cette zone à la place des soldats français. Après quatre jours de consignes, les éléments français ont progressivement quitté la zone. Un détachement de liaison français devrait y être déployé prochainement afin de faciliter la coordination de nos actions dans la zone. Le Génie nigérien a d’ores et déjà procédé à la destruction d’une roquette PG2 sur place, encadré par la section génie du GTIA 2 qui était encore présente sur zone.

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Les éléments français ont quitté Ménaka pour rejoindre Gao. Le transfert progressif de responsabilité entre les forces françaises et les forces de la Misma est un signe fort. Les forces africaines poursuivent leur montée en puissance. Elles sont près de 6 300 présentes sur le sol malien aux côtés de 4 800 soldats des forces armées maliennes.

Parallèlement, la mission EUTM Mali termine la mise en place de ces éléments avec un peu plus de 400 militaires déjà présents. La force protection, à laquelle la France participe pleinement avec l’aide des tchèques est aujourd’hui déployée auprès de l’état-major de la mission à Bamako et au camp d’entraînement de Koulikoro. Un module de chirurgie vitale (rôle 2) assuré par les militaires allemands est également opérationnel. Enfin, les premiers formateurs, dont une trentaine de Français, sont déployés depuis le début de la semaine. La première formation infanterie des éléments maliens doit débuter dans les jours qui viennent.

Enfin, l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état major des armées, s’est rendu le 28 mars auprès des éléments français du GTIA 2 et du groupement aéromobile à Gao afin de féliciter les militaires du travail accompli. Cette visite lui a également permis de faire un point de situation avec le général de Saint Quentin, COMANFOR de l’opération « Serval », le CEMGA malien, le CEMGA nigérien et un représentant de la Misma.

Hier soir, à l’occasion de son allocution télévisée, le Président de la République français a tenu à rappeler son estime et sa confiance aux militaires français engagés au sein de l’opération « Serval » au Mali.

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► Pas de rapporteurs dans l'Adrar…

Bien que pacifié, l'Adrar des Ifoghas reste une zone extrêmement dangereuse, et tous les éléments le confirment. Dernier élément en date, cette affirmation du député Christophe Guilloteau qui assure que l'accès du massif sera refusé aux trois parlementaires de la mission d'information sur « Serval », à laquelle il appartient. C'est l'armée elle-même qui refuserait cet accès aux parlementaires, dont la récente gourme vient pourtant de tirer le budget de la défense des limbes auxquelles il était promis. Le député UMP remarque par ailleurs que le ministre a pu se déplacer dans ce massif, ainsi que quelques journalistes soigneusement triés sur le volet.

► Comment gagner la Paix… Les succès militaires dans le Nord Mali ne suffisent pas. Tout un pays est à reconstruire, avec l'aide des donateurs étrangers, et les pièges sont nombreux !

« Ce qui manque le plus, c'est le carburant », dit un commerçant de Gao. Le gasoil fait fonctionner les générateurs qui fournissent l'électricité et alimentent les stations de pompage. Or, depuis la crise, la société publique Énergie du Mali (EDM) ne fournit plus le précieux carburant. Seul le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) achemine des camions-citernes, mais pas assez. Du coup, au Nord, les gens vivent avec quelques heures d'électricité et quelques heures d'eau par jour. Pas d'écoles, pas de banques, pas d'administration... Deux mois après leur libération, les grandes villes du Nord manquent de tout.

« On est contents d'avoir vu François Hollande à Tombouctou en février, dit un instituteur de la ville. Mais il est reparti à Bamako avec le gouverneur et le préfet. Et depuis, ces deux-là ne sont pas revenus ! ». L'État malien fait-il tout ce qu'il faut pour reconstruire le Nord ?

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« Les autorités pourraient faire plus, affirme un haut fonctionnaire malien. À part le CICR, il n'y a rien. L'État a du mal à se redéployer sur tout le territoire. Il n'y a même pas envoyé de mission d'évaluation ! » Le président du conseil régional de Tombouctou, Mohamed Ibrahim Cissé, reconnaît, lui aussi, qu'il y a des insuffisances, mais ajoute que « l'État reste prudent à cause des problèmes d'insécurité. Les gens ont peur de circuler ». Le 8 mars, près de Goundam, un transporteur, son chauffeur et ses deux apprentis ont été assassinés par des coupeurs de route. Bamako demande à tous les directeurs d'administration de reprendre leur poste dans les régions de Gao et de Tombouctou avant fin mars. Le feront-ils ? Il faudrait déjà que les gouverneurs et les préfets de ces deux régions renoncent au confort de la capitale...

Le nerf de la paix est à Bamako. Il est aussi à Bruxelles. C'est là que, le 15 mai prochain, l'Union européenne (UE) et la France organiseront une conférence des donateurs, à laquelle participera François Hollande. À Addis-Abeba, le 29 janvier, 455 millions de dollars ont été promis pour gagner la guerre contre les jihadistes. À Bruxelles, il faudra réunir une somme encore plus importante pour gagner la paix. L'UE a déjà annoncé une enveloppe de 250 millions d'euros, et la France une aide de 141 millions d'euros - qui était gelée depuis le coup d'État de mars 2012. Mais cela ne suffira pas. Déminer, reconstruire les ponts et les bacs, réparer les réseaux électriques et les stations de pompage... Les urgences sont multiples.

Déjà, l'UE et la France se sont répartis la tâche. Paris doit financer le rétablissement de l'eau et de l'électricité. Bruxelles, le retour des gens chez eux. Près de 400 000 personnes vivent aujourd'hui dans des familles, dans le Sud ou dans des camps, en Mauritanie et au Burkina Faso. L'idée serait de leur verser du cash pour les aider à redémarrer leurs activités dans le Nord, où elles ont tout perdu. Mais au-delà, comme dit le ministre français délégué au Développement, Pascal Canfin, « il faut gagner la bataille des six mois, c'est-à-dire fournir des semences aux paysans d'ici au début de la saison des pluies, pour qu'ils réussissent la prochaine campagne agricole, et réhabiliter les écoles pour que les enfants ne manquent pas la prochaine rentrée scolaire ». Actuellement, 800 000 d'entre eux sont déscolarisés.

Le Mali est-il en mesure de dire quels sont ses besoins ? « Oui, j'ai des interlocuteurs, répond Pascal Canfin. Le ministre de l'Action humanitaire [le docteur Mamadou Sidibé] me signale que, pour remettre de l'électricité dans telle ville, il faut prévoir tant de litres de carburant et tant de camions-citernes. Où le maire d'une commune évalue le nombre de pompes qui sont nécessaires pour relancer un périmètre irrigué. » Ce que refuse le ministre français, c'est le scénario haïtien : après le terrible tremblement de terre de janvier 2010, « on a construit une administration parallèle. Du coup, les ministères haïtiens ne géraient plus rien. Sans doute était-ce nécessaire dans l'urgence, mais on ne refera pas les mêmes erreurs ».

La corruption ? « Avec un régime à deux têtes, un président et un ancien chef putschiste qui contrôle toujours l'appareil sécuritaire et la moitié des ministères, le risque d'évaporation de l'aide est décuplé », admet un ancien ministre malien. Les bailleurs ne sont pas dupes. Leur aide est adossée à l'avancée de la feuille de route votée par l'Assemblée malienne le 28 janvier : dialogue et élections. Côté français, Pascal Canfin souhaite mettre aussi en place un dispositif de contrôle citoyen : « Si un centre de santé est annoncé, et si rien ne vient au bout de trois mois, les élus locaux doivent pouvoir nous alerter par sms ou par les réseaux sociaux ». Le système fonctionne déjà en Tunisie avec l'aide de la Banque mondiale.

Autre arme anticorruption : la coopération décentralisée. D'où la conférence de Lyon, en France, du 19 mars. À l'initiative de la région Rhône-Alpes et de Cités Unies France, une centaine de collectivités locales de France ont rencontré leurs « jumelles » du Mali, soit une collectivité malienne sur six. Ce n'est pas rien. « Quand je vais voir un haut fonctionnaire pour faire avancer un dossier, il me répond : on est là-dessus, raconte la maire de Goundam, Oumou Sall Seck. En réalité, à Bamako, ils sont lents et ils ne s'occupent pas vraiment de nous. Il y a trop de faux problèmes et de petits règlements de comptes ».

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► Logistique - soutien de l'homme dans l'opération « Serval »…

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=7dG_OhLfqbY

► Week-end meurtrier dans la ville de Gao… « Al Qarra - Le calme est revenu aujourd'hui dans la ville de Gao. Une situation qui contraste avec les évènements du week-end ».

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=YAu0TeKmkW4

► Opération de fouille et de destruction dans le massif de l’Adrar… http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=NrmKCsHxnX4

► Position de l’Allemagne…

Le ministre allemand de la Coopération, Dirk Niebel, a appelé samedi (23/03) à Bamako les autorités maliennes à organiser comme prévu des élections en juillet, condition d'une reprise complète de l'aide allemande à ce pays plongé dans une grave crise depuis un an. « La condition préalable pour une coopération entière (avec l'Allemagne) est le déroulement libre et équitable des élections en juillet », a-t-il déclaré à la presse. La coopération allemande reprend déjà « au fur et à mesure selon les progrès de l'application de la « feuille de route » », a souligné M. Niebel.

Adoptée fin janvier par les députés maliens, la « feuille de route » balise le chemin à parcourir pour le pays, dans la tourmente depuis un putsch en mars 2012 qui a précipité la chute du Nord aux mains de groupes islamistes armés. Une opération franco-africaine a chassé les jihadistes des grandes villes de la région depuis janvier, et Bamako a annoncé une présidentielle pour juillet. Après l'adoption de la « feuille de route », l'Allemagne a donné son feu vert pour une aide de 11 millions d'euros pour des projets hydrauliques. La « deuxième étape » doit permettre d'aider les autorités maliennes à « remettre en place les structures gouvernementales détruites dans le Nord », a expliqué le ministre allemand. Arrivé vendredi soir (22/03) au Mali, M. Niebel a visité samedi le camp de déplacés de Sévaré (centre) et doit s'entretenir samedi soir à Bamako avec le président par intérim Dioncounda Traoré. Sa visite s'achève dimanche. L'Allemagne fournit un soutien logistique et de ravitaillement aérien aux troupes françaises engagées au Mali. Elle a décidé de déployer jusqu'à 330 militaires dans le cadre de la mission européenne de formation et de conseil à l'armée malienne.

► Comment François Hollande prépare-t-il l’après-guerre…

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault réunira lundi soir (25/03) les présidents de l'Assemblée et du Sénat ainsi que les présidents des groupes parlementaires pour les informer de la situation au Mali. Les quatre ministres en première ligne sur le dossier ainsi que le chef d'état-major des armées seront présents à cette réunion. Progression des unités d'élite dans l'extrême Nord face à ce qui reste des forces d'Aqmi, ratissage des zones suspectes dans la boucle du Niger où des combattants du Mujao gardent un potentiel de nuisance forte, processus politique malien, aide humanitaire et à la reconstruction :

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tous les volets seront abordés lors de cette séance obligatoire aux termes de la Constitution selon laquelle le gouvernement doit demander l'autorisation au Parlement de poursuivre une guerre dès qu'elle entre dans son quatrième mois.

Si, sur le plan militaire, les choses ont nettement évolué dans la région des Ifohgas, les perspectives politiques et logistiques à même de rendre possible un retrait des forces françaises ne sont pas réjouissantes. Mardi (26/03), l'équipe des Nations unies qui s'est rendue ces derniers jours au Mali fera son rapport avant d'en informer le Conseil de sécurité. La situation est-elle stabilisée? Est-il possible de confier aux troupes africaines de la Misma un mandat d'opération de maintien de la paix ? De quelle paix parle-t-on ? C'est en fonction de cette évaluation qu'une résolution sera rédigée pour déclencher dans les deux mois qui suivent une opération onusienne dont l'objectif sera de « stabiliser » la situation politique.

Pas si simple. Les États-Unis, qui ont organisé récemment des manœuvres militaires en Mauritanie avec une partie des pays qui ont envoyé des troupes au Mali, jugent ces dernières mal préparées pour ce genre de mission. Et ce n'est pas parce qu'elles seront « bien équipées » par l'ONU qu'elles seront efficaces du jour au lendemain. « La tentation des Maliens, c'est de nous faire rester », confie d'ailleurs un diplomate français au cœur du dossier. « Alors que nous, Français, souhaitons accélérer le calendrier pour les placer devant leurs responsabilités », poursuit-il.

D'où l'idée de déplacer une partie de nos soldats à proximité du Mali, probablement au Niger, pour les maintenir en alerte au cas où les forces des Nations unies se retrouveraient prises au piège de nouvelles attaques. Est-ce dans ce contexte que des élections peuvent se tenir dans le pays en juillet ? « Une présidentielle, peut-être, des législatives, c'est plus difficile », argumente un diplomate. Il manque toujours, à ce stade, 60% du budget prévu pour ce scrutin, raison pour laquelle la France va essayer de réunir une nouvelle conférence des donateurs. C'est dans ce décor que le nouvel ambassadeur français au Mali, Gilles Huberson, va s'installer avec armes et bagages. Un ancien militaire devenu diplomate. Pour finir une guerre et favoriser le retour d'une démocratie qui faisait la fierté des Maliens avant que le narco-terrorisme s'infiltre dans ses institutions et les mette à genoux dans le sable.

► Le récit d’une bataille…

En ce lundi matin, Gao se méfie encore. La veille, une poignée de djihadistes, entre quatre et six hommes bien armés, se sont infiltrés dans la cité du Nord-est malien. Il aura fallu plus de quatre heures et un mort à l'armée malienne pour réduire cette petite bande de combattants suicidaires qui fuyait de maison en maison, mitraillant tout sur son passage. Le Mujao, le groupe islamiste qui occupait Gao jusqu'à l'intervention française, signait là sa troisième incursion urbaine.

Alors que, dans le grand nord, dans l'Adrar des Iforas, Aqmi a mis un genou à terre sous les coups des troupes françaises, Gao et sa région devient la priorité sécuritaire des officiers. La zone, où stationne un millier d'hommes, est renforcée. « La stratégie du Mujao est différente de celle d'Aqmi. Al-Qaïda avait choisi, au moins au début, une confrontation frontale avec nous. Le Mujao lui a opté pour une guerre asymétrique, une guerre de harcèlement et de guérilla », souligne le général Bernard Barrera, le chef des opérations au Mali.

À Gao et dans les villages des alentours, profitant des cachettes offertes par les arbres de cette brousse sèche, le Mujao n'a jamais vraiment lâché prise. Depuis la fin février, les accrochages s'y multiplient, presque quotidiens, autour de Bourem, Djebok ou Gao. Chaque fois l'histoire est la même : un groupe de quelques djihadistes est débusqué puis « traité ».

Mais rien jusqu'alors n'avait vraiment préparé les militaires français à la bataille Imènas. « C'était un scénario qui avait été planifié », reprend le colonel Bruno Bert.

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Le 1er

mars, à la tête d'une colonne de 200 hommes et de 16 blindés du 92ème

régiment d'infanterie (92

ème RI) de Clermont-Ferrand, appuyés par autant de soldats maliens, l'officier

s'approche d'Imènas à l'aube. Trois jours que la troupe ratisse la région, dans un calme relatif. Imènas est le dernier objectif. Ce gros village, signalé par les renseignements comme un possible site de transit de l'ennemi, doit être fouillé.

Quelques djihadistes, surpris, tentent une vague résistance, puis préfèrent fuir. Le plan est mis en place: le capitaine Jean-Baptiste place ses véhicules pour assiéger la bourgade et l'armée malienne entreprend de visiter les maisons. Imènas se révèle sans grand intérêt. « La population était très calme, tout se passait bien », souligne le capitaine.

Avant le départ, les militaires se décident néanmoins à vérifier les alentours, une forêt touffue, d'aspect innocent sous la chaleur. La section envoyée pour cette mission n'atteindra pas le sous-bois. « Ils ont tout de suite été pris sous un feu extrêmement intense et violent », rapporte le colonel Bert. Des dizaines de Gad (« Groupe armé djihadistes » dans le jargon français) se ruent hors du couvert, kalachnikov en mains. Plusieurs roquettes RPG7 frôlent les blindés. Pris de court, les Français manœuvrent à la hâte. Le QG mobile, un transport de troupes blindé, est presque submergé par l'ennemi. Pour se dégager, la mitrailleuse 25 mm crache sur l'ennemi à moins de 20 mètres. Les fantassins prennent position comme ils le peuvent, vidant leurs chargeurs. Même les officiers doivent prendre leurs pistolets et tirer. « C'était très dur », commente le capitaine. « On les voyait dans les yeux ».

La colonne française finit par se réorganiser, et prendre deux petites hauteurs qui surplombent ce qui devenu un champ de bataille. « Il nous fallait garder l'initiative pour ne pas subir », expliquer le jeune officier. Des hélicoptères sont dépêchés sur place, pour pilonner les arrières du Mujao et le priver de tout espoir d'obtenir des renforts ou de se réapprovisionner. Le combat durera toute la journée. Par deux fois au moins, les djihadistes relanceront des assauts insensés. Les vagues s'approchent parfois à moins de dix mètres des fantassins français, qui encore et encore ouvrent un feu nourri. À ces souvenirs, le regard des soldats, les plus jeunes d'abord, se perd un peu. « Ils étaient juste là. Les têtes éclataient comme des melons », décrit l'un. Ce combat de près, qui n'a rien de virtuel, va laisser des traces. Les Maliens, moins armés moins protégés que leurs homologues français, sont eux aussi violemment engagés. « On tirait, on tirait et ils revenaient encore. J'avais pris 100 balles et j'ai tout utilisé », se rappelle le soldat Ousman, qui n'en revient pas. L'ennemi espérait profiter de la relative faiblesse malienne pour briser l'offensive. « Les djihadistes n'étaient pas du tout désorganisés. Ce n'était pas du suicide. Ils bougeaient. Ils ont tenté à plusieurs reprises de nous contourner tant par la droite que par la gauche. Ils ont combattu »,

Ce n'est que le soir tombant que la fusillade cesse. Le bilan côté franco-malien est vierge. « Un vrai miracle. Le fruit de l'entraînement sans doute », assure un deuxième classe. Toute la nuit, le 92

ème RI veille. Aux premières lueurs, les forces coalisées lancent l'attaque. Cette fois, le bois

tombe sans mal. Profitant de l'obscurité, les djihadistes ont fui. Sous les arbres les Français retrouvent 51 corps abandonnés. Seuls les blessés ont été emmenés par les islamistes. Combien étaient-ils au plus fort de cette bataille ? « Vraisemblablement pas moins d'une centaine », estime le colonel Bert. Au moins le double, selon un responsable des renseignements. Le mystère des effectifs restera entier. La visite, serrée et tendue, des taillis d'Imènas lèvera en revanche celui de la motivation des djihadistes. Sous des bâches et branchages, dans des trous, on découvre des dizaines de caches d'armes de tous calibres. Des postes de combats bien préparés sont aussi mis au jour. Un arsenal qui n'étonne pas les officiers français.

« C'est leur stratégie. Ils cachent leurs armes et vont les chercher quand ils veulent », rappelle le colonel Bert. Entre-temps, les islamistes se fondent dans la population, se muant en bergers ou en artisans. Comme en Afghanistan, l'ennemi peut donc être partout, n'ayant besoin que de quelques heures pour surgir ou se cacher à nouveau. Chaque village peut être un jour un Imènas. Et difficile de savoir si, dans cette guérilla des plus classique, les civils sont les otages ou les complices du Mujao. « L'une des grandes différences entre la région de Gao et le reste du Mali, c'est qu'ici les islamistes ont réussi à convaincre une partie des habitants du bien-fondé de leur thèse.

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Cela fait au moins une dizaine d'années que les salafistes se sont implantés avec succès », explique l'un des rares humanitaires à être resté en ville au cours des derniers mois. Paris n'ignore rien de cette imprégnation. Les morts retrouvés sur le champ de bataille étaient tous de jeunes Noirs. Des gamins perdus recrutés sur place et qui forment aujourd'hui l'ossature du Mujao. Alors, même si après le choc d'Imènas le Mujao s'est fait nettement plus discret, les militaires se gardent bien de crier victoire.

► Le successeur d’Abou Zeïd…

L'Algérien Djamel Okacha, désigné par Al-Qaïda pour remplacer Abdelhamid Abou Zeïd tué en février au Mali, est un combattant aguerri, à la carrière fulgurante, qui devrait contribuer à unifier les djihadistes derrière Abdelmalek Droukdel. Âgé de 34 ans, Okacha, alias Yahia Aboul Hammam, est « l'homme de confiance de Droukdel » le chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Il a été désigné « il y a quelques jours » comme le nouveau chef d'Aqmi pour la région s'étendant de Ghardaïa (centre sud de l'Algérie) à l'Azawad (nord du Mali), a déclaré le patron de la chaîne de télévision algérienne Ennahar TV, Mohamed Mokeddem. Il doit encore être confirmé dans ses fonctions par l'ensemble de la direction d'Aqmi, a-t-il précisé. Samedi, le président français François Hollande a confirmé « de manière certaine » la mort de l'Algérien Abdelhamid Abou Zeïd, tué par l'armée française dans le massif des Ifoghas dans le nord du Mali. Sa mort avait été annoncée le 1

er mars par le président tchadien Idriss Deby, dont les

forces combattent notamment les combattants d'Aqmi aux côtés de l'armée française.

Okacha n'est pas passé par l'Afghanistan, comme Mokhtar Belmokhtar, l'un des hommes forts d'Aqmi entré en dissidence en octobre 2012 pour fonder son unité combattante, responsable de la prise d'otages sanglante d'In Amenas de janvier dans le Sud algérien. Belmokhtar, qui aurait aussi été tué au Mali, n'appréciait justement pas le fait qu'Okacha n'ait pas eu « le baptême » de l'Asie centrale, selon une source diplomatique. Impliqué en Algérie, puis dans le nord du Mali depuis 2004, Okacha a gagné progressivement du galon et, depuis 2007, la confiance de Droukdel et Abou Zeïd, alors que Belmokhtar la perdait en pleines tensions internes. Okacha « a éclipsé Belmokhtar dans sa mission d'unification des katibas (unités

combattantes) sahariennes », a ajouté la source diplomatique. En octobre, alors qu'il dirige une brigade d'Aqmi, il succède comme coordonnateur d'Aqmi pour le Sahel à Nabil Makhloufi, alias Nabil Aboul Qama, mort dans « un accident » de voiture au Mali.

Pour Mohamed Mokeddem, Okacha « va renforcer Droukdel » et calmer les tensions. Natif de Reghaïa (préfecture d'Alger), il « maîtrise bien la philosophie djihadistes et a des dons de prédicateur » face aux jeunes, dit cet auteur de plusieurs ouvrages de référence. Fort de « bonnes relations » avec les islamistes mauritaniens, Okacha est soupçonné d'implication dans l'assassinat en juin à Nouakchott d'un Américain, Christopher Logest, et dans l'attaque contre l'ambassade de France (deux blessés) en août 2009. Membre du Groupe islamique armé (GIA), il est emprisonné 18 mois en 1995 en Algérie, en pleine décennie noire. Libéré, il rejoint le tout aussi sanguinaire Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Aqmi). Actif dans la région kabyle de Tizi Ouzou (nord-est), il est ensuite condamné à mort par contumace. « Sa seule femme, c'est le djihad », selon Mohamed Mokeddem. « Nous reconnaissons tout régime qui accepte la loi de Dieu et sommes prêts à être ses fidèles soldats, déclarait-il en octobre à l'agence mauritanienne ANI. Tout régime opposé à la religion de Dieu et qui cherche à appliquer des lois (terrestres) et tout ce qui en découle n'est pas acceptable pour nous. Nous considérons que les musulmans doivent s'en débarrasser ».

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Abdelmalek Droukdel

Okacha, alias Yahia Aboul

► Des familles souffrent aussi d’un déficit de com… « Communiquer est un acte de commandement » lisait-on il y a quelques années à la une d'une revue institutionnelle du ministère. Mais cette belle intention bute souvent sur de nombreuses difficultés pratiques, comme c'est le cas dans l'opération « Serval ». Des témoignages convergents de familles de militaires de l'armée de Terre engagés dans « Serval » me le confirment, évoquant une communication restrictive, quand elle n'est pas tout simplement inexistante. Mal ou pas informées, des proches de militaires peuvent avoir des réactions imprévisibles comme cela s'est déjà vu dans le passé. La guerre que la France mène au Mali n'est pas la même qu'en Afghanistan : les infrastructures de communications civiles sont notamment bien moins robustes (1). Là où un italien offrait à prix d'or les minutes d'internet sur une FOB afghane, il n'y a rien ou presque au Mali. Même les satcom passent très mal dans l'Adrar. La guerre a aussi changé de nature : il y a bien plus de terroristes en face, et cette concentration suscite des craintes. Il l'a dit, l'état-major redoute clairement que les journalistes ne transmettent des informations -vitales ou non- aux djihadistes. Les familles suscitent clairement les mêmes craintes (2). Les cas de fuites -évidemment non intentionnelles- furent, il est vrai, assez nombreuses pendant l'Afghanistan, même si elles n'ont pas fait les gros titres. Et même s'il reste difficile de déterminer si elles ont eu ou pas un impact sur les opérations. Donc, en limitant ce flot destiné aux familles, on limite ainsi ce risque : pas d'info, pas de photos, pas d'images, pas de papier, pas de fuite.

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C'est évidemment un retour en arrière, surtout après les possibilités données par l'armée en Afghanistan, avec la multiplications des des communications de welfare au titre du confort du soldat. Mais c'est comme ça. De son côté, l'EMA expliquait hier soir qu'aucune consigne de communication restrictive n'avait été donnée. Enfin, par delà ce cadre général, il reste les hommes. Chaque chef personnalise son style de commandement. Donc de communication. (1) les satcom militaires n'ont pas les mêmes soucis, mais ils sont occupés à soutenir la guerre. Une guerre qui vient seulement de commencer. « Dans cette phase initiale de déploiement, écrit l'EMA, alors que la force reste encore très mobile, même si des solutions ont été ponctuellement mises en place, il n’a pas été déployé de dispositif permettant aux soldats de contacter leurs proches. C’est bien sûr une difficulté technique et non une volonté de restreindre la communication ». (2) c'est par exemple ce qui avait amené un pacha de BPC à passer en EMCON, lors du mois précédent la tentative de libération de Denis Allex en Somalie.

► Opération de fouille dans le massif de l’Adrar… http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=90JfzVN2H8w

► Exaction : « c’est exactement ce que l’on craignait »…

On ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenu. Des soldats maliens se seraient rendus coupables d'exactions, notamment d'exécutions sommaires, dans les villes reprises aux djihadistes, d'après plusieurs témoignages dont la presse et des ONG (HRW, FIDH) se sont fait l'écho.

Représailles, chasse à l'homme, conflit ethnique... « C'est exactement ce que l'on craignait : on n'a pas cessé d'avertir sur les risques humanitaires d'un afflux de réfugiés et les dangers d'un nettoyage ethnique. La situation va être difficile à gérer maintenant », s'agace un diplomate occidental à Bamako. « La France a bousculé le calendrier, du coup de nombreux aspects ne sont toujours pas au point : le concept opérationnel, la formation de l'armée malienne, la préparation des troupes africaines de la Misma et la protection des civils. Tout cela reste d’actualité alors qu’on est désormais dans l’urgence », conclut-il.

« On a dépassé le stade des craintes », estime aussi Tiébilé Dramé, homme politique malien, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena). « Plusieurs cas d'amalgames, de stigmatisations sur la base du faciès et de la couleur de la peau ont, malheureusement, été documentés », affirme-t-il. « Il faut mettre fin à ces pratiques qui sont susceptibles de semer les germes de la haine. Les terroristes et les jihadistes n'appartiennent pas à une seule communauté. Ils ne sont pas que Touaregs et Arabes. Parmi eux il y a des gens originaires des communautés noires du Sud. Par ailleurs, des organisations de défense des droits de l'homme ont lancé récemment de graves accusations d'exécutions. Les autorités doivent faire la lumière, le plus tôt, sur ces accusations et, si elles s'avèrent fondées, prendre des mesures qui s'imposent ». Extrêmement inquiet, le politicien avertit : « Il ne faut pas détruire ce qui reste du Mali. La réconciliation des communautés et le renforcement de la cohésion nationale seront des tâches urgentes dans le Mali post-crise ».

Car c'est bien là le problème. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, le premier, l'a martelé à chaque rendez-vous sur le Mali depuis juillet dernier. Dans un rapport adressé au Conseil de sécurité de l’ONU fin novembre, il avait fait part de ses préoccupations en des termes alarmistes : « Si une intervention militaire dans le Nord n'est pas bien conçue et exécutée, elle pourrait aggraver une situation humanitaire déjà extrêmement fragile et entraîner également de graves violations des droits de l'homme ». Elle pourrait aussi, s'inquiétait-il, « ruiner toute chance d'une solution politique négociée à la crise ».

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Rencontrée en septembre dernier, une élue du Nord avertissait déjà, pleine de hargne : « Les Noirs se vengeront des Blancs, de ces Touaregs et de ces Arabes par qui le mal est arrivé. Ils se vengeront des Touaregs indépendantistes du MNLA qui nous ont causé tous ces problèmes en amenant les djihadistes avec eux et de tous ceux qui se sont alliés aux islamistes étrangers ». L'armée malienne est quant à elle d'autant plus remontée contre les rebelles du Nord qu'elle a été humiliée par sa débâcle au printemps dernier et se souvient encore avec terreur de ses soldats égorgés en février à Aguelhoc, une ville du Nord, au début de l'offensive touarègue.

Le risque de représailles est d'autant plus fort que les ressentiments liés à ce conflit viennent s'ajouter à ceux du passé, jamais digérés. Car le Nord a déjà été le théâtre de violences intercommunautaires et raciales. Dans les années 90, des milices progouvernementales avaient massacré des dizaines de civils à la « peau claire », touaregs et arabes. A Paris, on est depuis longtemps conscient du danger. « Il est indispensable de ne pas avoir une vision uniquement sécuritaire, il y a un travail politique substantiel à faire avant une intervention », jugeait en octobre un connaisseur du dossier. « Il ne faut pas que l’armée malienne aille au Nord pour bouffer du Touareg », avait-il crûment ajouté.

Une nécessaire « police » : Et pourtant. « Les Français y sont allés franco, sans se retourner, avec pour seul discours apparent « la guerre contre les terroristes » », remarque Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à l’université d’East Anglia. « Mais, poursuit-il, au Sud et surtout au Nord, les lignes de fractures exacerbées par la guerre sont telles qu’en dehors du combat strictement militaire contre ceux qui ont voulu prendre Sevare, il faudrait idéalement pouvoir compter sur un travail de police susceptible de prévenir des règlements de comptes d'ordre parfois privé. Or, pour être efficace, ce travail de police requiert la confiance des populations locales et exige de ne pas les ériger en ennemies ayant nécessairement collaboré avec « l'occupant » »." La dernière résolution des Nations unies, la 2085 du 20 décembre qui autorisait, sous conditions, le déploiement d'une force internationale au Mali, prévoyait justement que l'ONU envoie sur place des observateurs « pour surveiller le respect du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme dans le cadre des opérations militaires menées dans le nord du Mali ». Bamako pointé du doigt : La France sait que de telles exactions entacheraient nécessairement son intervention et pourraient dangereusement éroder le soutien dont elle bénéficie depuis qu'elle a lancé son opération le 11 janvier. Mais « on n'a pas de confirmation d’exaction », rétorque un diplomate français, sur la défensive. Le ministre de La Défense Jean-Yves Le Drian, reconnaît cependant qu’« il y a des risques ». Mais il renvoie, non sans raison, la responsabilité à Bamako : « Il faut être extrêmement vigilant et le président de la République (François Hollande) compte sur le sens des responsabilités des cadres de l'armée malienne pour éviter toute exaction ». A Paris, on convient néanmoins que « notre intervention militaire nous responsabilise sur l’ensemble du dossier malien, sur les questions de sécurité mais aussi sur les questions politico-développement ».

► « Serval » : il fait chaud, sûr !...

Des conteneurs de chaussures tactiques sont partis pour le Mali par voie aérienne, il y a quelques semaines, via la base aérienne d'Istres apprend-on de l'EMA. La chaleur locale semble en effet avoir dégradé assez rapidement les modèles portés par les soldats, explique-t-on à Paris où on semble exlure une quelconque malfaçon (1). Les marches dans la caillasse n'ayant sans doute rien arrangé. Chacun y est donc allé de son adaptation réactive pour faire tenir l'ensemble chaussure-semelle : elastoplastes, suspente de parachutes... avant de recevoir les renforts de chaussures neuves.

(1) néanmoins il faut reconnaître que toutes les unités n'ayant pas eu ce problème, certains pieds devaient être mieux chaussés que d'autres.

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► Rusticité et ingéniosité : malgré tout, les véhicules « tirent la langue »…

Pour la seule brigade « Serval », quelque 730 véhicules ont été déployés. Parmi eux, 150 VAB, une centaine de VBL, 36 VBCI et une vingtaine d’AMX-10 RC. Ajoutons P4, PVP, GBC, TRM, etc… et on arrive au chiffre donné en premier.

Si les hommes souffrent, le matériel est également soumis à rude épreuve. La faut au climat (sable, chaleur), aux énormes distance à franchir, au terrain accidenté, au rythme soutenu des opérations… et à l’âge des véhicules. Exemple du stress sur le matériel : les VBCI du 92

ème RI

ont consommé plus de potentiel en deux mois au Mali qu’en 3 ans en métropole. Leur disponibilité approche toutefois les 80% alors que les AMX-10 RC tournent à un peu plus de 60%... Sur le terrain, beaucoup de casse. Déjà lors de la montée vers Tombouctou, les pannes (et les ensablements) avaient retardé la colonne. A Tessalit et à Gao, la maintenance tourne désormais à plein, avec des lots de pièces très réduits.

Les lots AIP (Autonomie Initiale de Projection) couvrent à peine la moitié des besoins et ce ne sont pas les achats récents qui vont permettre de rectifier la pénurie, même s’ils ont été passés en « urgence impérieuse résultant d’évènements imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et dont les circonstances sont rigoureusement conformes aux conditions énoncées dans la directive. Acquisition destinée à la constitution de lot d’Autonomie Initiale de Projection des matériels dans le cadre de l’opération « Serval » ». Les véhicules manquent aussi gravement de courroies qui lâchent avec la chaleur. Alors le « système D se met en branle ». « Les véhicules aussi sont à bout, mais on les maintient en état de marche. On répare avec des bouts de ficelle », glissait un colonel, la semaine dernière à François Rihouay. Ca casse mais ça passe…

Plusieurs attributions récentes publiées au BOAMP (le Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics est le site officiel facilitant l'accès des entreprises à la commande publique. Il permet le repérage et la veille gratuite des appels d'offre des marchés) l'ont été sans publication préalable d'un avis de marché au Journal officiel de l'Union européenne ; exemples :

Avis n°13-32843 publié le 22/02/2013: acquisition de pièces de rechanges pour la constitution de lots d'autonomie initiale de projection destinés au soutien de l'opération « Serval ». Attribué à Renault Trucks Defense Avis n°13-36016 publié le 28/02/2013: acquisition de pièces de rechange pour la constitution de lots d'autonomie initiale de projection destinés au soutien de l'opération « Serval ». Attribué à Thales.

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► François Hollande ne baisse pas la garde face aux menaces…

François Hollande a tranché. Entre de nécessaires économies et les menaces pesant sur la France, le Chef de l'Etat a choisi de maintenir le budget de la Défense tout au long de la prochaine Loi de programmation militaire (2014-1019) au niveau de celui de 2013. Soit plus de 30 milliards d'euros par an.

Entre contraintes budgétaires et menaces qui pèsent sur la France, François Hollande a été clair jeudi soir : la défense ne sera pas sacrifiée sur l'autel des économies. « Nous dépenserons en 2014 exactement le même montant qu'en 2013. Comme nous avons été bien défendus en 2013, nous serons bien défendus en 2014, et ainsi ce sera la même somme qui sera affectée à l'outil de défense », a assuré le chef de l'Etat lors de son intervention télévisée sur France 2. Le président, à qui l'on demandait ensuite si ce serait le cas jusqu'à la fin de la LPM, en 2019, a simplement répondu : « oui ». Fidèle à sa promesse de campagne, François Hollande, « chef de l'Etat, chef des armées », est resté ferme sur le maintien de la force de dissuasion nucléaire. « C'est notre garantie, c'est notre protection, il faut la conserver et même la moderniser », a-t-il souligné. « Enfin, on doit protéger notre territoire, parce que, ce qui est un fait hélas que je constate, c'est que les menaces augmentent et que les budgets militaires diminuent », a-t-il poursuivi. Le budget 2013, un budget de transition dans l'attente de la future LPM, s'élève, hors pensions, à 31,4 milliards d'euros.

Pourtant ces derniers jours ça a bataillé dur, très dur... sur des détails qui devaient faire la différence dans les prochains budgets de la défense. Car les scénarios les plus noirs - la fameuse « trajectoire (ou le modèle, c'est selon) Z » - avaient été écartés vers la mi-mars. Et contrairement à ce qu'a dit jeudi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ils ont bien été étudiés et même très sérieusement. « Cessons de nous faire peur avec des scénarios catastrophe, qui n'ont jamais été sérieusement envisagés, en tout cas ni par le Président de la République, ni par moi-même, ni le ministre de la Défense », a-t-il lancé devant les sénateurs. Et pourtant, et pourtant... Bercy, soutenu par Matignon, voire les Affaires étrangères, était sur une position de coupes très dures pour le budget de la défense. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait quant à lui, trouvé un allié surprenant, en la personne du ministre de l'Industrie, Arnaud Montebourg, qui soutient fermement les investissements de l'Etat dans l'industrie de la défense. « Les industriels de la défense sont avant tout des industriels », rappelle-t-on au sein du ministère de la Défense. Enfin, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, poussé par

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l'Agence des participations de l'Etat (APE), partageait les idées de Jean-Yves Le Drian. « Un euro investi dans la défense rapporte 1,6 euro à l'Etat », explique-t-on à La Tribune.

Des coupes faciles, estimaient alors Bercy et Matignon, qui passeraient inaperçues dans l'opinion publique. Les projets de Bercy allaient même au-delà de la fameuse « trajectoire Z », qui déjà faisait tant peur dans les rangs des armées et chez les industriels de l'armement. C'est ce qu'a découvert au tout dernier moment le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, quand il a rencontré le 18 mars le ministre délégué chargé du Budget, Jérôme Cahuzac, quelques jours avant sa démission. Selon plusieurs sources concordantes, le rendez-vous s'est très mal passé entre les deux hommes car Bercy était vraiment prêt à casser l'outil de défense sur l'autel des économies budgétaires exigées par Matignon. « Bercy a caché la copie jusqu'au dernier moment », assure une source proche du dossier. Pourquoi ? Pour mieux surprendre l'Hôtel de Brienne, qui n'aurait pas eu le temps d'organiser un contre argumentaire. Car initialement un conseil de Défense était prévu le lendemain de cette rencontre, soit le 19 mars. Finalement pour des raisons d'agenda, il a été reporté au vendredi.

Aujourd'hui, tous les scénarios les plus noirs sont rangés dans les cartons de Bercy. Il n'en était plus question à l'Elysée, qui a d'ailleurs été très surpris tout comme Bercy par la virulence des articles de presse sur un éventuel démantèlement de l'outil de défense (militaire et

industriel). Jean-Marc Ayrault a été le premier à siffler la fin de la partie jeudi dans la journée au Sénat même si les arbitrages restent à faire. Le modèle d'armée qui découlera des travaux du nouveau Livre Blanc de la défense « sera conforme aux ambitions de la France, en Europe et dans le monde », a-t-il déclaré lors de la séance des questions au Sénat. « Protéger notre territoire et la population française, préserver nos forces de dissuasion dans ses deux composantes, et assurer nos capacités d'intervention, seuls ou avec nos alliés », a-t-il énuméré. Du coup, la réduction du budget de la défense sera raisonnable, expliquaient plusieurs sources concordantes. Ce qui ne veut pas dire qu'elles seront indolores. Loin de là mais elles permettront de limiter la casse et de permettre de faire le gros dos aux militaires et aux industriels en attendant des jours meilleurs.

Bercy a donc perdu mais... peut encore gagner. Car au sein de la Défense, on veut rester vigilant et rester sur le pont pour se mobiliser contre la prochaine guérilla budgétaire technique que va imposer Bercy à l'hôtel de Brienne. « Au-delà des intentions, il y aura les budgets votés. Et au-delà des budgets votés, il y aura les budgets réalisés (annulation de crédits

en cours d'exercice...) », rappelle un très bon connaisseur de la défense. Et cela a d'ailleurs déjà commencé. Outre les futures économies que Bercy tente d'imposer à la défense l’année prochaine (1 milliard d'euros sur les 5 milliards demandés par Matignon), le budget tente de faire financer, selon des sources concordantes, le fonds de démantèlement des installations nucléaires militaires par le budget de la Défense. Ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. Soit une dépense annuelle de 400 à 500 millions d'euros. Soit l'équivalent des ressources exceptionnelles qu'espéraient obtenir il y a peu Jean-Yves Le Drian. Enfin quid des reports de crédits qui s'élèvent à plus de trois milliards d'euros, selon nos informations ?

C'est donc le 10 avril, date du dernier conseil de Défense, que la future doctrine de défense de la France sera validée par le président de la République... ou quelques jours plus tard s'il demande un délai de réflexion. L'Elysée devrait donc accorder plus de 30 milliards d'euros par an à la Défense, ou plus de 188 milliards d'euros (hors gendarmerie et pensions) sur la période de la future Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont le projet de loi devrait être déposé à l'Assemblée nationale fin mai, début juin, selon nos informations. Soit beaucoup plus que la « trajectoire Y » (29 milliards d'euros) défendue par le ministre de la Défense plus un bonus de ressources exceptionnelles, dont l'essentiel pourrait venir de la cession de participations de l'Etat dans les groupes de défense. Jean-Yves Le Drian se battait pour 1 milliard d'euros supplémentaires par an. Mais avant l'intervention de François Hollande, la tendance, c'était plutôt 500 millions d'euros. Soit 3 milliards d'euros sur la période de la LPM. Avec 180 milliards sur six ans, les bureaux d'études de Nexter sont par exemple sauvés, expliquait-on à La Tribune. Avec cette somme, le groupe d'armement terrestre aurait été pourtant impacté par des diminutions d'activité avec d'inévitables conséquences sur l'emploi. « La casse est minimisée », assurait-il. Ce qui n'était pas le cas avec seulement 177 milliards d'euros (29 milliards par an).

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Le ministère de la Défense avait également une très grosse inquiétude. Comment passer le cap de 2014 et 2015 ? Car avec 29 milliards et même 30 milliards l'année prochaine, le ministère de la Défense était en cessation de paiement dès 2014. L'Hôtel de Brienne, qui aurait été alors confronté à un problème de trésorerie, n'aurait plus été en mesure de payer les industriels au titre des contrats passés, qui auraient pu être cassés. Ce qui impliquait de lourdes pénalités à l'Etat. Au ministère, on militait pour disposer en 2014 et 2015 de ressources exceptionnelles bien au-delà des 500 millions prévus pour assurer le paiement des contrats déjà signés (Rafale, frégates Fremm, sous-marins barracuda, hélicoptères NH90...). « La défense est comme un grand navire lancé à 32 milliards d'euros : on ne peut pas réduire sa vitesse aussi rapidement qu'on le voudrait », avait expliqué à l'automne dernier le chef d'état-major des armées, l'amiral Guillaud.

► Les généraux de « Serval »…

Général Benoît Puga (CEMP, Paris) : âgé de 60 ans, il a commandé le 2ème

REP, en 1996 (Avec

ce régiment il avait effectue de nombreuses opérations extérieures. Il participe notamment au sauvetage de Kolwezi en mai 1978, et intervient au Gabon en 1979, à Djibouti en 1980 et 1981, au Liban en 1982, en

République centrafricaine en 1983, et enfin au Tchad (opération « Manta ») en 1984), le COS (Commandement des Opérations Spéciales), en 2004, sous-chef opérations au sein de l'état-major des armées, en 2007, et la DRM (Direction du Renseignement Militaire), en 2008. Chef d’état-major particulier du président de la République (depuis 2010), il sert son deuxième président. C’est lui qui donne l‘orientation stratégique de l’opération « Serval ». Il est Commandeur de la Légion d’honneur, Grand officier de l’ordre national du Mérite et titulaire de la Croix de la Valeur militaire avec 8 citations).

Deux figures du 2ème

REP qui ont sauté sur Kolwezi, en 1978 : les généraux Puga (à g.) et Dary

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Comment Hollande a mené l’attaque : l’histoire s’est accélérée. En quarante-huit heures, François Hollande s’est mis à respirer un autre air. Empli de poudre, de sang et de peur aussi. Le président normal est désormais le chef d’un Etat en guerre.

Samedi 12 janvier, à 4 heures du matin, alors qu’il avait décidé l’attaque au Mali moins de vingt-quatre heures plus tôt, il a attrapé aux premières sonneries son portable, posé sur la table de nuit de son appartement de la rue Cauchy. Au bout du fil, Pierre-René Lemas, le secrétaire général de l’Elysée. En se couchant la veille au soir, François Hollande savait que la nuit serait longue pour le commando français envoyé sur un autre front, en Somalie, dans le but de libérer Denis Allex, l’agent de la DGSE détenu par un groupe islamiste depuis trois ans. La décision de mettre en œuvre cette opération de la dernière chance a été prise par le président avant Noël. Et le fait qu’elle intervienne le même jour que celui de l’attaque malienne n’a qu’une cause : en Somalie, c’est une nuit de pleine lune.

Comme le 6 juin 1944 : propice aux attaques nocturnes. Lemas, qui vient d’avoir un briefing du général Benoît Puga, chef d’état-major particulier de Hollande, annonce au président que les nouvelles sont mauvaises. Les hommes des services spéciaux rentrent sans l’otage, un soldat français est mort sur place et un autre serait aux mains des ravisseurs. François Hollande ne se recouche pas. Il téléphone, notamment à son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

A 7 h 45, il file à l’Elysée pour son rendez-vous désormais quotidien avec le général Puga. Et reçoit les hommes qui, pendant ces quelques jours, ne le quitteront plus : outre Puga, Pierre-René Lemas et Paul Jean-Ortiz, son conseiller diplomatique. Dans la matinée, le président renonce à aller à Marseille pour lancer les festivités de la capitale culturelle 2013. « Déterminé et grave », selon un proche, il enchaîne les entretiens téléphoniques avec ses homologues africains. Les présidents du Niger, du Nigeria, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Burkina Faso, du Tchad et du Bénin l’assurent de leur soutien. Peu après 13 heures, la douzaine de plateaux-repas commandés aux cuisines sont montés dans le bureau. Hollande travaille à sa prise de parole, annoncée pour la fin d’après-midi, et prépare le Conseil de défense. Il signe une lettre adressée à la famille du Français tué durant la nuit en Somalie. Les familles des autres otages, que le président a vues à deux reprises, sont en relation avec la cellule de crise du Quai d’Orsay. Arrivé à l’Elysée, Jean-Marc Ayrault observe son compagnon de route devenu chef de guerre : « Je ne suis pas étonné qu’il soit opérationnel et à la hauteur de ses fonctions. Il n’est pas brutal. Mais quand il faut décider, il le fait clairement et nettement ».

C’est jeudi 10 janvier que tout a basculé. A 11 heures, l’ambassadeur de France à Bamako appelle Tiéman Coulibaly, le ministre malien des Affaires étrangères, pour le prévenir que Hollande devrait donner son feu vert à l’engagement de la France dans son pays. La veille, le président du Mali a envoyé un appel au secours à l’Elysée. Son armée est mise en déroute. « Pour la première fois, les terroristes entrent en pays bambara. S’ils s’éloignent de leur base, c’est qu’ils se sentent prêts à prendre Bamako. Un point de rupture », explique-t-on au ministère français de la Défense, en alerte depuis mardi, où Le Drian vit au rythme de ses trois briefings quotidiens. Les diplomates français s’activent. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une déclaration demandant un « déploiement rapide » de la force internationale. En fin de journée, Hollande appelle Obama. Il lui faut être sûr de son appui. Les derniers renseignements sont alarmants: la ville de Mopti pourrait tomber entre les mains des groupes islamistes. Sa chute est la ligne rouge. Vendredi matin, le chef de l’Etat ne modifie pas son agenda. En fin de matinée, devant la dernière avancée des islamistes, Le Drian préconise une intervention lors du Conseil restreint de sécurité. « Hollande avait un grand sang-froid », dit un participant. Le président valide l’opération « Serval », du nom d’un petit félin du désert.

C’était la « plus difficile décision que j’ai prise », confiera-t-il. En début d’après-midi, l’intervention commence par l’attaque des hélicoptères français. Dans le salon vert contigu au bureau du président se tient le Conseil restreint de défense. Le premier d’une longue série. Autour de la table, le président, le Premier ministre, les ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Intérieur (à partir de samedi), le chef d’état-major des armées, le directeur général des services de renseignement, le secrétaire général de l’Elysée, le chef d’état-major du président et son conseiller diplomatique. La réunion commence par une évaluation militaire des forces en présence dressée par Le Drian. Fabius fait le point sur ses contacts diplomatiques. Valls informe sur les mesures de sécurité intérieure. Selon un participant, le chef de l’Etat est déjà « surinformé, le seul à connaître tous les paramètres minute par minute ». Sans doute souhaite-t-il jauger ces hommes qui l’entourent. Il les bombarde de questions exigeant des réponses courtes et précises. Combien de terroristes éliminés ? Quel est l’état de l’armée malienne ? Combien d’habitants sur le théâtre des opérations ?

C’est au cours du deuxième Conseil de défense, samedi après-midi, que sont décidées une intensification des frappes et l’attaque des bases arrière des terroristes. Devant la presse, Hollande annonce un renforcement du plan « Vigipirate ». Le président est pendu au téléphone : appels pour mobiliser les partenaires et messages de soutien.

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Samedi, à 21 heures, il est en ligne avec David Cameron. « Le Premier ministre britannique a précisé qu’il était prêt à mettre à disposition des avions de transport, des C-17 pouvant contenir jusqu’à six blindés », indique un conseiller élyséen. Les Américains, les Belges, les Danois et les Canadiens se disent prêts à aider. Cette nuit-là, François Hollande dort dans les appartements privés de l’Elysée. Il s’y est installé pour la durée des opérations.

Dimanche matin, le président reçoit les représentants d’associations de la communauté malienne. Deux participants, originaires du nord du pays, ont pu joindre leurs proches pendant la nuit. François Hollande leur demande des précisions. Vers midi, quatre Rafale décollent de leur base de Saint-Dizier, en Haute-Marne. Quatre heures de vol avant de tirer sur les arrières des islamistes, dans le nord du Mali. « Notamment un camp d’entraînement », précise une source à la Défense. Hollande suit minute par minute les frappes. Il regarde aussi la mobilisation de la manifestation contre le mariage pour tous sur les chaînes d’info en continu. En temps réel, le ministère de l’Intérieur lui communique les chiffres. Au Mali, tout le dispositif français est désormais opérationnel. Après le dernier Conseil de défense, en fin d’après-midi, il écoutera son ministre des Affaires étrangères sur RTL puis regardera son ministre du Travail, Michel Sapin, sur BFMTV. Ce dimanche soir, le président dîne rapidement d’un plateau avec Valérie Trierweiler avant de retourner à son bureau. Un rendez-vous téléphonique est prévu à 21 heures avec le président du Nigeria, qui doit fournir 600 hommes. Cette nuit, les avions tirent sur des cibles avec identification immédiate : à vue dès qu’ils repèrent les pick-up. Puga le réveillera encore au milieu de son sommeil pour faire le point sur les frappes. C’est devenu son quotidien. La sonnerie est désormais celle d’un chef de guerre.

Dans la nuit du 14 au 15 janvier, à bord de l’avion qui le conduit vers les Emirats arabes unis, le président fait le point avec le général Puga (au centre), son chef d’état-major particulier, et son aide de camp. | (Photo Présidence de la République)

→ Général Frédéric Beth (DGSE, Paris) : Para colo de 55 ans, il a servi au 8ème

RPIMa (Bosnie,

Congo, Tchad), et commandé le 6ème

BIMa (2001-2003) avant d’être aspiré par le cabinet militaire du Premier ministre. Il a été chef « conduite » au CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations), commandant du COS (Commandement des Opérations Spéciales), avant de se voir confier le poste de directeur de cabinet du DGSE (Direction générale à la sécurité extérieur), qu’il représente aux points de situation quotidiens au ministère de la Défense.

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Le général de corps d’armée Frédéric Beth a remplacé Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de Terre. Il a travaillé à deux reprises au centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées, d’abord comme chargé de veille stratégique de l’Afrique subsaharienne (2003-2005).

→ Général Didier Castres (SCOPS, Paris) : Ce marsouin de 54 ans a servi au 2ème

RIMa et au

5ème

RIAOM (5ème régiment interarmées d'outre-mer de Djibouti) avant de commander le prestigieux

21ème

RIMa. Après avoir été employé à l’Elysée à l’état-major particulier, il a dirigé le CPCO, la célèbre « cuve », de 2009 à 2011, puis a succédé à l’amiral Rogel (en poste depuis 2009 et qui a été

promu chef d’état-major de la Marine) comme sous-chef opérations de l’EMA. Il est réputé très bien maîtriser l’intégration des effets interarmes et interarmées, qui est, comme on le sait, la clé du succès des opérations modernes.

Dans l'organigramme de l'état-major des armées, sous le CEMA, on compte le Major général des armées, l'officier général adjoint, puis les cinq sous-chefs d'état-major (opérations, plans, ressources humaines, relations internationales et soutien). Le sous-chef d'état-major « opérations » (SCOPS) dirige toutes les opérations françaises à l'étranger ou sur le sol national. Selon la fiche du ministère de la Défense, le général de division Didier Castres a sous ses ordres le CPCO, la division « emploi », la division « forces nucléaires » et le bureau « géographie, hydrographie, océanographie et météorologie ».

→ Général Bernard Barrera (Cdt « tactique », Mali) : Ce « meca » a commandé la compagnie antichar du 92

ème RI (1992-1994), dont il a aussi été chef BOI (1998-2000). Après avoir servi au

cabinet militaire du Premier ministre, il commande aujourd’hui la 3ème

brigade mécanisée (3ème

BM) de Clermont-Fd. Désigné commandant « tactique » (composante terrestre), il suit les marsouins, sur 950 km de piste, depuis Bamako jusqu’à Tombouctou.

A gauche, le général Barrera (Tigharghar)

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→ Général Grégoire de Saint-Quentin (Cdt « opératif », Dakar) : ce para « colo » a participé à la guerre du Golfe (pendant laquelle il a été blessé), avec la CRAP du 1

er RPIMa. Il a effectué une

bonne partie de sa carrière au 1er

RPIMa, avec lequel il a été déployé en Afghanistan. Ardent partisan du concept Patsas, il a participé à la rédaction d’un document, à l’IHEDN, sur « le rôle de l’Union européenne dans le contre-terrorisme ». Puis il a été employé au CPCO, avant d’être nommé au poste de chef des éléments français au Sénégal (EFS). A ce titre, et après avoir soutenu discrètement le GFS « Sabre », c’est lui qui se voit confier le commandement « opératif ».

Ce brillant officier des troupes de marine a un parcours très, très particulier, marqué par un épisode dramatique. Le 6 avril 1994, lors de l'attentat mortel contre l'avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, il était au camp de Kanombe, jouxtant l'aéroport de Kigali. Il avait alors le grade de commandant et était assistant militaire technique à la mission militaire de coopération au Rwanda. Il entendit ce jour-là le départ de lance-roquettes tout proches et fut l'un des premiers à enquêter sur les lieux du crash de l'avion présidentiel qui allait déclencher le génocide. Cette histoire dramatique le poursuit longtemps. Il a été entendu de nombreuses fois comme témoin par les juges antiterroristes Bruguière et Trévidic. Sa carrière reprend un cours plus traditionnel mais pas tout à fait conventionnel. Après un passage au COS (commandement des opérations spéciales) et à l'EMA comme lieutenant-colonel, le colonel de Saint-Quentin est le chef de corps du 1

er RPIMA de Bayonne, coeur opérationnel

des forces spéciales. Il devient général de brigade en juillet 2011 en devenant le COMELEF, le commandant des éléments français au Sénégal à Dakar.

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→ Général François Lecointre (Cdt la mission « EUTM », Bamako) : ce vétéran de la guerre du Golf, puis de Bosnie (où il s’illustra sur le pont de Vrbanja en 1995), a commandé le 3

ème RIMa, puis

intégré le cabinet militaire d’Hervé Morin. Sans vraie surprise, l’armée de Terre lui a confié le 9

ème BIMa, puis la France l’a proposé comme chef de la mission « EUTM » ; nomination validée

en janvier à Bruxelles.

Né en 1962, François Lecointre, diplômé de Saint-Cyr, a commandé le 3ème

régiment d'infanterie de marine de Vannes, et à ce titre il a notamment servi en Côte d'Ivoire, fin 2006-début 2007. Auparavant, il avait été engagé en Irak lors de la première guerre du Golfe, en 1991, au Rwanda dans le cadre de l'opération « Turquoise », en 1994, ou encore à Sarajevo en 1995. Depuis 2011, il commandait la 9

ème brigade légère

blindée de marine à Poitiers. Après plusieurs mois de discussions, les ministres des affaires étrangères de l'UE s'étaient mis d'accord le 10 décembre sur le principe de cette mission de formation et de réorganisation de l'armée malienne, afin que celle-ci soit « en mesure de mener des opérations de combat visant à restaurer l'intégrité territoriale du pays ».

→ Général Thierry Caspar-Fille-Lambie (CDAOA, Paris) : spécialiste de l’appui aérien et ancien patron des forces françaises à Djibouti, ce pilote de Transall commande la Défense Aérienne et les Opérations Aériennes à Paris. C’est lui qui fait mettre en place un JFACC avancé au Tchad, dès le mois de décembre (pour joint force air composant command, structure avancée de

commandement des opérations aériennes pour les missions de combat, mais aussi logistiques, dont le soutien est assuré directement par le Centre National des Opérations Aériennes (CNOA) de Lyon Mont-

Verdun.) avancé au Tchad, dès le mois de décembre.

Le général Caspar-Fille-Lambie, âgé de 54 ans, est officier de la Légion d’Honneur, officier de l’Ordre national du Mérite, titulaire de la Croix de la valeur militaire avec étoile d’argent et de la Médaille de l’aéronautique. Le général est un pur produit du COTAM (transport), avec 6 500 heures de vol à son actif, dont quelques unes au plus fort du pont aérien sur la Bosnie (1992 et 1993). De 1990 à 1998, il a gravi tous les échelons de l'ET 1.64 « Béarn » d'Evreux, jusqu'à le commander. On lui doit notamment les « postures de réaction », équivalent des « Guépard » de l'armée de Terre. Il séjourne deux ans au CPCO, avant de prendre la base aérienne 123 d'Orléans (souvent présentée comme le prototype, avant l'heure, des actuelles bases de défense, BdD) puis le poste de chef d'état-major du commandement de la force aérienne (CFA), avec des horizons interarmisés, que ce soit en matière d'appuis, ou de mutualisation, avec l'aéronavale par exemple. Il est également le co-auteur d'un ouvrage sur l'interarmisation du soutien (« rationaliser le soutien général »).

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→ Général Jean-Jacques Borel (COMJFACC, Lyon) : ce pilote de Mirage F1 était au cœur du CPCO pendant l’opération « Harmattan ». Rompu aux métiers des opérations, il assure la planification de l’activité aérienne, depuis le Joint Force Air Component Command (JFACC) de Lyon. Le général de brigade aérienne du corps des officiers de l’air Jean-Jacques Borel a été nommé commandant de l’état-major de la défense aérienne et adjoint renseignement du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes à compter du 1

er

septembre 2012.

L'intervention militaire au Mali a un autre visage. Face aux terroristes d'Aqmi et à ses affidés djihadistes, c'est aussi une guerre technologique, à distance. Elle repose sur une imbrication très poussée des moyens, aériens et de renseignement. Ses scénarios ont été planifiés ici depuis deux ans. Aujourd'hui en réseau, les différents capteurs des avions ou des drones – image, vidéo, radar – permettent aux forces engagées de se coordonner, des commandos aux bombardiers. Leurs logiciels sont capables de reprogrammer les missions en cours de vol, pour larguer des munitions devenues précises au mètre près. Les renseignements sont « fusionnés » à Niamey, au Niger, avant d'être utilisés par Lyon pour programmer les opérations.

→ Colonel Desmeulles (Cdt le GTIA Para, Nord Mali) : déployé en Afghanistan au sein des OMLT (Operational Mentoring Liaison Teams), il a dirigé la formation des officiers à Saint-Cyr, avant de revenir au régiment où il a passé l’essentiel de sa carrière : le 2

ème REP. Il part fin

janvier pour commander le GTIA parachutiste déployé au Mali, avec la 2ème

compagnie du 2ème

REP et deux compagnies du 1

er RCP.

Engagé dans différents théâtres d’opérations, il est aussi l’un des officiers les plus décorés de sa génération. Il est chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’Ordre national du mérite et titulaire de 4 citations. « J’ai effectivement été affecté au 2

ème REP en 1993, comme chef de section à la 2

ème

compagnie jusqu’en 1995, avant de rejoindre en 1995 les CRAP (Commandos de recherche et d’action dans la profondeur, ancienne appellation des GCP) où je suis resté 4 ans. En 1999, j’ai pris le commandement de la 4

ème Cie. En 2002, une année au BOI, j’ai poursuivi ma carrière au Centre de

planification et de conduite des opérations (CPCO) à Paris ». « Je suis revenu dans une unité Légion en 2006, comme chef du BIE (bureau instruction emploi) du 4

ème RE à Castelnaudary, avant de prendre le

commandement d’un bataillon d’élèves à Saint-Cyr pendant 3 ans ».

Même s’il n’est pas général, il était intéressant de parler de ce chef d’exception…