Making It: L'industrie pour le développement

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Making It L’industrie pour le développement Time to go green? Numéro 3 Le choix politique n Ha-Joon Chang n Moderniser le multilatéralisme n L’essor de la Chine n La microfinance fonctionne-t-elle ?

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Un magazine trimestriel pour stimuler le débat sur les problèmes du développement industriel global

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MakingItL’industrie pour le développement

Timeto go

green?

Numéro 3

Lechoix politique

n Ha-Joon Changn Moderniser lemultilatéralismen L’essor de laChinen La microfinancefonctionne-t-elle ?

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Nouveau magazine trimestriel.Stimulant, critique et constructif.Forum de discussion etd’échange au carrefour del’industrie et du développement.

Numéro 1, décembre, 2009lRwanda means business: interview with President Paul KagamelHow I became an environmentalist: A small-town story with global implications by

Phaedra Ellis-Lamkins, Green For Alll ‘We must let nature inspire us’ – Gunter Pauli presents an alternative business model

that is environmentally-friendly and sustainablelOld computers – new business. Microsoft on sustainable solutions

for tackling e-wasterlGreen industry in Asia: Conference participants interviewedlHot Topic: Is it possible to have prosperity without growth? Is ‘green growth’ really

possible?lPolicy Brief: Greening industrial policy; Disclosing carbon emissions

Numéro 2, mai, 2010lAprès Copenhague » : Bianca Jagger appelle à des mesures immédiates pour éviter

une catastrophe climatiquelNobuo Tanaka de l’Agence internationale de l’énergie cherche à lancer la transition

énergétique de l’industrielL’énergie pour tous » : Kandeh Yumkella et Leena Srivastava nous parlent des mesures

à prendre pour améliorer l’accès à l’énergie lCes femmes entrepreneuses qui transforment le BangladeshlPartout sous le soleil » : le PDG de Suntech, Zhengrong Shi, nous parle du pouvoir de

l’énergie solairelSujet brûlant : les avantages et les inconvénients des biocarburantslPolitique en bref : le financement des énergies renouvelables, les prix de rachat garanti

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Le thème de ce troisième numéro de Making It: l’industrie pour ledéveloppement est la politique industrielle.

En réponse à la crise économique mondiale, lesgouvernements du monde entier attendent désespérément unerelance de la croissance économique. Après les sauvetages desbanques et des constructeurs automobiles, la plupart des plusgrandes économies mondiales ont récemment utilisé l’argentpublic en vue de dynamiser la production industrielle.

L’ère du Consensus de Washington est révolue. Même si,comme beaucoup de nos collaborateurs l’auront remarqué, lapolitique industrielle n’a jamais réellement disparu de la liste despriorités, elle est à présent pleinement de retour à l’ordre du jour.Selon les termes de l’auteur de notre article principal, Ha-JoonChang, « la politique industrielle n’est plus un tabou ».

Le monde entier doit trouver les politiques adaptées aux défisque représente le changement climatique. Les pays endéveloppement doivent essayer de répondre aux attentes de leurpopulation croissante en basant leurs économies sur unecroissante verte et des énergies propres. Comme l’a souligné l’unde nos collaborateurs, les politiques industrielles ont un rôle

déterminant à jouer dans la transition du monde versune trajectoire de croissance économe enressources et à faible empreinte carbone. En

intitulant ce problème « Le choix politique », Making It souhaite mettre en avant la notion selon

laquelle la véritable question concernant la politiqueindustrielle n’est pas de savoir si elle devrait être

mise en pratique, mais comment.Le site web Making It(www.makingitmagazine.net) propose une

plateforme interactive d’échange depoints de vue et d’idées et nous vous

invitons, nos chers lecteurs, àrejoindre ce débat. Noussouhaitons savoir quelle vision

vous avez de ce sujet et ce que vouspensez que la politique industrielle

peut faire pour votre pays, votrecommunauté ou votre entreprise.

Éditorial

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Rédacteur en chef : Charles [email protected]é éditorial : Ralf Bredel,Tillmann Gunther, Sarwar Hobohm,Kazuki Kitaoka, Ole Lundby(président), Cormac O’ReillySite Web et assistance :Lauren BrassawIllustration de la couverture : Paresh NathDesign : Smith+Bell, UK –www.smithplusbell.comMerci à Donna Coleman pour sonaide

Imprimé par Gutenberg PressLtd, Malta –www.gutenberg.com.mt sur unpapier certifié FSC

Pour consulter cette publication enligne et pour participer auxdiscussions portant sur l’industriepour le développement, rendez-voussur www.makingitmagazine.netPour vous abonner et recevoir lesprochains numéros de Making It,veuillez envoyer un e-mail contenantvotre nom et adresse à [email protected] It: l’industrie pour ledéveloppement est publié parl’Organisation des Nations uniespour le développement industriel(ONUDI), Vienna InternationalCentre, boîte postale 300, 1400Vienne, AutricheTéléphone : (+43-1) 26026-0,Fax : (+43-1) 26926-69E-mail : [email protected] © 2010 The UnitedNations Industrial DevelopmentOrganizationAucun extrait de cette publication nepourra être utilisé ou reproduit sansl’accord préalable de l’éditeur

Contenus

22 ARTICLE PRINCIPALVers un débat plus productif : Ha-Joon Changsoutient que la politique industrielle peut être unsuccès et milite contre la « pensée unique » sur cequi peut rendre le monde meilleur

MakingItL’industrie pour le développement

Les appellations employées et la présentationréalisée des contenus de ce magazinen’impliquent en aucun cas l’expressiond’opinions de la part du Secrétariat del’Organisation des Nations unies pour ledéveloppement industriel (ONUDI) concernantle statut légal de quelconque pays, territoire, ville,région ou de ses autorités, ni concernant ladélimitation de ses frontières ou limites, niconcernant son système économique ou sondegré de développement. Les termes « développé», « industrialisé » et « en développement » sontutilisés pour des raisons de commoditéstatistique et n’exprime pas nécessairement dejugement sur le niveau de développement atteintpar un pays ou une région en particulier.L’évocation de noms d’entreprises ou deproduits commerciaux ne constitue en aucun casun soutien de la part de l’ONUDI. Les opinions,données statistiques et estimations contenuesdans les articles signés relèvent de la seuleresponsabilité de l’auteur ou des auteurs, ycompris ceux qui sont membres ou employés del’ONUDI. Vous ne devez donc pas considérerqu’elles reflètent les opinions ou qu’ellesbénéficient du soutien de l’ONUDI. Cedocument a été produit sans avoir étéofficiellement révisé par les Nations Unies.

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Politisation de lapolitique économique –Jayati Ghosh nousparle de l’implication

de l’État dans les activitéséconomiques.

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FORUM MONDIAL6 Lettres8 Des moteurs à vapeur à la conscience humaines –Alfredo Sfeir-Younis pense que le monde a besoind’une nouvelle révolution industrielle10 Sujet brûlant – Anis Chowdhury s’interroge : lamicrofinance est-elle un outil efficace de réductionde la pauvreté ?

14Affaires des affaires : actualités et tendances

ARTICLES16 Un climat changeant pour les politiquesindustrielles – Wilfried Luetkenhorst nous parle de latransition vers une trajectoire de croissance économeen ressources et à faible empreinte carbone

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Numéro 3, juillet 2010

30 La coopération internationale est vitale pourla prospérité nationale – Deborah Wince-Smith veut saisir une opportunité en or decréer des partenariats mondiaux dynamiques32 Moderniser le multilatéralisme pour unmonde multipolaire – Robert Zoellick, de laBanque mondiale, imagine l’interconnexiondes pays, des entreprises, des individus et desONG à travers un réseau flexible34 Zoom sur un pays : L’impressionnant essoréconomique de la Chine – Entretien avecChen Deming, Ministre du Commerce de laRépublique populaire de Chine38 Repenser la réduction de la pauvreté –Jomo Kwame Sundaram soutient que lesgouvernements doivent jouer un rôleessentiel

40 Rendre plus écologique l’économie mexicaine –Juan Rafael Elvira Quesada, le Secrétaire d’Étatmexicain à l’environnement et aux ressourcesnaturelles, se confie à Making It

POLITIQUE EN BREF42 Des résultats de recherche révélateurs43 Le secteur privé et le développement44 Le pouvoir des capitaux patients

46 Le mot de la fin – Michel Sidibé à propos duVIH/SIDA : une préoccupation dans l’entreprise

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LETTRES

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L’énergie pourtousLes articles « Les optionsd’énergies renouvelables » et «L’énergie pour tous » (Making It,numéro 2) sont une sourced’inspiration et de réflexion pourtous. Lorsque j’ai abordé cesdomaines (en me focalisantparticulièrement sur laRépublique Dominicaine) dansle cadre de mes recherchesuniversitaires, j’ai découvert denombreux aspects qui ont misen évidence mes découvertes. Sil’on considère que les pays envoie de développementreprésentent 80 % de lapopulation mondiale, mais qu’ilsne consomment que 30 % del’énergie commerciale au niveaumondial, il est évident qu’uneaccélération de l’accessibilité àl’énergie est nécessaire.

En République Dominicaine,où de nombreux foyers n’ont pasaccès à l’énergie, des entreprisesprivées, aussi bien que legouvernement, multiplient lesinitiatives visant à promouvoirles énergies renouvelables. Lesfoyers en zone rurale sontparticulièrement ciblés pour lamise en œuvre de solutionsd’énergie renouvelable. SoluzDominicana est une entreprisereprésentative qui propose dessystèmes photovoltaïques selonle modèle commercial dupaiement à l’acte.

En 2007, le gouvernementdominicain a voté une loi quiaccorde de nombreuses primeset exemptions fiscales auxinvestisseurs dans le domainedes énergies renouvelables.

Par conséquent, lesperspectives de la RépubliqueDominicaine vis-à-vis de la

fourniture d’énergierenouvelable sont excellentes etles stratégies appliquées dans cepays pourraient servir d’exempleà d’autres pays en voie dedéveloppement.l Isabel Freyer, reçu par courrierélectronique

« L’énergie pour tous » (Making It, numéro 2) estparticulièrement instructif. Lemodèle indien de promotion del’accès à l’énergie pour lespopulations défavorisées grâceaux efforts combinés de toutesles parties intéressées représenteun exemple à suivre pour denombreux pays africains.L’Ouganda, en particulier, s’estmontré très efficace sur le plandu développement de politiques,mais échoue encore quant àl’implémentation desprogrammes. Un médiocre cadreinstitutionnel, un manque deconscience ainsi qu’un manquede ressources techniqueshumaines et financièresexpliquent l’échec de cespolitiques.lDoreen Namyalo-Kyazze,Directeur d’Energy SolutionsProject, Kampala, Ouganda

L’accès à l’énergieet les populationsdéfavoriséesL’article « L’énergie pour tous »(Making It, numéro 2) propose debonnes recommandations pourles gouvernements, mais en finde compte, la quasi-totalité desgouvernements de la planètesont essentiellement intéresséspar les recettes. À moins que deschangements politiquesfondamentaux ne surviennent,l’accès à l’énergie ne deviendraune option que dans la mesureoù les populations pourront se

l’offrir. Les pauvres continuerontà ne pas avoir accès à l’énergie.

Prenons l’exemple de l’Afriquedu Sud. En 1994, les électeurs ontsoutenu l’ANC qui affirmaitvouloir offrir des servicesessentiels tels que l’eau, les soinsde santé, l’éducation etl’électricité en tant que serviceset non en tant que sources derevenus.

Que s’est-il passé ?Considérons le domaine de

l’électricité. Il y a eu un manquechronique d’investissementdans la compagnie publiqued’électricité, ESKOM, de sorteque cette dernière a commencé àaugmenter les prix au-delà desmoyens des plus pauvres.Lorsque les usagers neparviennent pas à payer leursfactures, ESKOM leur coupecomplètement l’électricité. Desorte que, sous ungouvernement qui n’est pasparvenu à tenir ses promessesélectorales visant à fournir à lapopulation des servicesessentiels, l’accès à l’énergie esten déclin.

Heureusement, dans des villestelles que Soweto, certainespersonnes ne se contentent pasd’attendre les bras croisés. LeSoweto Electricity CrisisCommittee (SECC) est un grouped’électriciens qui estiment quel’électricité gratuite est un droit

des personnes. Lorsque lespauvres sont déconnectés duréseau parce qu’ils n’ont pas payéleurs factures, des électricienscombatifs du SECC lesreconnectent. Ils reconnectentenviron 40 foyers par semaine. Enoutre, les forces de police localeapprouvent leurs actions et lesagents « ferment les yeux ». «Nous restituons ce qui appartientaux gens. Ce qui n’est pas un luxe.» affirme l’un des activistes duSECC.l Ethel Red, reçu par courrierélectronique

Le vent duchangementJe tiens à vous féliciter pour lapublication de Making It, unmagazine qui aborde lesproblématiques et les inquiétudesrelatives aux déséquilibresenvironnementaux, auréchauffement climatique et à lagestion des ressources naturellesainsi qu’à la recherche desolutions alternatives dans unformat très lucide etcompréhensible. Les articles surl’électricité d’origine éolienne et labiomimétique sont trèsintéressants.

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La section « Forum Mondial » de Making It est un espace d’interaction et de discussions, dans lequelnous invitons les lecteurs à proposer leurs réactions et leurs réponses à propos de tous lesproblèmes soulevés dans ce magazine. Les lettres destinées à la publication dans les pages deMaking It doivent comporter porter la mention « Pour publication » et doivent être envoyées parcourrier électronique à l’adresse : [email protected] ou par courrier à : The Editor,Making It, Room D2138, UNIDO, PO Box 300, 1400 Vienne, Autriche. (Les lettres ou les courriersélectroniques peuvent faire l’objet de modifications pour des raisons d’espace).

FORUM MONDIAL

Usine d’éoliennesSuzlon.

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L’environnement représenteune responsabilité collective et ilexiste un vaste besoin dedialogue et de compréhensionentre les experts, lesscientifiques et le commun desmortels.

En Inde, la participation desentreprises se dirige lentementvers une révolution en termesd’objectifs de développementdes technologies liées à lagénération d’énergies nonconventionnelles et aux effortsvisant à réduire l’empreintecarbone. L’une de cesentreprises, Suzlon Energy, estune société purement locale quitravaille sur l’énergie éoliennedepuis 15 ans. Elle a installéd’importantes fermes éoliennes.Suite à ses efforts visant àpopulariser cette formed’énergie, certains des secteursles plus polluants, tels que ceuxde la production de ciment et lessecteurs du pétrole et du gaz,optent pour l’énergie éoliennecomme source d’énergiealternative et propre. Cettesociété est très présente dans lesÉtats de Gujarat, de Maharashtraet de Kerala.l Anjana Upadhyay, Gurgaon, Inde

EntrepreneursJ’ai apprécié la lecture del’interview en ligne, « Making ithappen – an entrepreneur’sperspective : Mexico », car il m’afourni un aperçu non seulementde la vie d’un entrepreneur, maiségalement d’un aspect trèspersonnel de quelqu’un qui vit ettravaille au Mexique. Je penseque ce genre d’articles contribueà soutenir les entrepreneurs dumonde entier, en particulierceux des pays en voie dedéveloppement, et à leurpermettre de s’exprimer.

J’aurais cependant aimé voirune interview plus développée,

car manifestement bien d’autresaspects du monde des affairesont un impact sur le succès d’unentrepreneur, en particulierdans les pays en voie dedéveloppement où ce sontsouvent les gouvernements quine permettent pas àl’entreprenariat de sedévelopper. Comment alors,dans ce cas, le gouvernementmexicain a-t-il aidé ou freiné cethomme d’affaires, et,généralement parlant, est-ildifficile pour les hommesd’affaires mexicains de réussir ?

Le gouvernement incite-t-il àdes politiques responsables surle plan de l’environnement, etc. ?l Émile Potolsky, reçu par courrierélectronique

Microsoft etGreenpeaceSuite à la discussion déclenchée parl’article de Microsoft, « Oldcomputers – new business »(Making It, numéro 1), Greenpeacea répondu à la lettre de Microsoftdans le numéro 2. Dans le toutdernier Guide to GreenerElectronics de Greenpeace,Microsoft a gagné une place dans leclassement des politiques d’entrepriserelatives aux produits chimiquestoxiques, au recyclage et auchangement climatique.

Le Guide to Greener Electronicsévalue les pratiques et lespolitiques d’entreprise au-delàdes exigences réglementaires...(Microsoft) s’est engagé àsupprimer les PVC et BFR de sesmatériels avant 2010, et lesphtalates avant la fin 2010.Cependant, il doit mettre sur lemarché des produits necomportant pas de BFR dans lescircuits imprimés avant depouvoir bénéficier des pointsrelatifs à ce critère. Il n’a pas nonplus fait montre d’un meilleur

respect de la directive RoHSrévisée de l’Union européenne(Limitation de l’utilisation decertaines substancesdangereuses dans leséquipements électriques etélectroniques) ; en particulier,une méthodologie pour desrestrictions plus pousséesrelatives aux substancesdangereuses ainsi qu’uneinterdiction immédiate des BFR,des agents ignifuges à base dechlore et des plastiquesvinyliques.

Sur la question des déchetsélectroniques, mis à part lespoints supplémentaires relatifs àl’information de ses clients sur lareprise des produits et lesrapports sur le recyclage,Microsoft est récompensé pourson engagement au sein d’unecoalition de l’U.E. qui soutient laResponsabilité individuelle desproducteurs.lGreenpeace

AprèsCopenhagueJe tiens à applaudir l’excellentarticle de Bianca Jagger, « AprèsCopenhague » paru dans votremagazine (Making It, numéro 2).Elle a tout-à-fait raison : lesommet de Copenhague sur lechangement climatique s’estconclu sur un compromishonteux. Le résultat final fut undocument de trois pages – un « accord » (et non un traité, car ilest sans engagement et formulesimplement des principes dontil faut « prendre note ») qu’aucunpays n’a signé à aucune occasion.Il n’a pas la moindre autorité ouposition légale : il ne s’agit qued’une déclaration de vagueintention.

En l’absence de tout traitélégalement contraignant pourles nations, comment pourra-t-

on faire pression sur les sociétésmultinationales ?

Considérons, par exemple, laréponse des habitants du villageindigène I-upiat de Kivalina, dansl’Alaska du Nord, qui est en traind’être submergé par l’océan parceque la glace, qui constituaitautrefois un brise-vagues, fond enraison des émissions de gaz à effetde serre. Les villageois ont refuséde se taire. Le dossier Kivalinacontre ExxonMobil Corp., etautres, (2008) représente sansdoute un importantdéveloppement en ce quiconcerne les litiges contre lesprincipaux responsables duchangement climatique. Lesparties civiles ont demandé uneindemnisation liée auxchangements climatiques à neufcompagnies pétrolières (parmi

ExxonMobil, BP et Royal DutchShell), quatorze compagniesd’électricité et une compagnieminière.

Leur plainte s’appuie sur lesdroits garantis par la Déclarationuniverselle des droits de l’hommeet le Pacte international relatifaux droits économiques, sociauxet culturels en affirmant que « lesémissions de dioxyde de carboneet autres gaz à effet de serre desprévenus, en contribuant auréchauffement planétaire,constituent une ingérencesubstantielle et excessive dans lesdroits du public ».

La plainte cite, le rapport del’Évaluation de l’impact duchangement climatique dansl’Arctique pour montrer que lesprévenus « ont conspiré en vue decréer un faux débat scientifiquesur le réchauffement planétaireafin de tromper le public ». Mêmesi la procédure a été rejetée parune cour fédérale des États-Unis,l’esprit de l’action mérite d’êtresoutenu.l John Radford, Manchester,Royaume-Uni

Pour toute discussioncomplémentaire relative aux sujetsévoqués dans Making It, veuillezaccéder au site Web du magazine, àl’adresse www.makingitmagazine.netet à la page Facebook du magazine.Les lecteurs sont invités à parcourirces sites et à participer aux discussionset aux débats en ligne à propos dusecteur pour le développement.

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La Révolution industrielle qui a eu lieu enEurope entre 1760 et 1850 a changé le stylede vie, passant ainsi d’une économie agraireà une économie urbaine et industrielle. Unetechnologie physique a joué un rôle centraldans les progrès de la productivité de lamain-d’œuvre et a considérablementaugmenté l’échelle de la productionindustrielle et du commerce. Nousconnaissons désormais les immenses défishumains et sociaux que la Révolutionindustrielle a engendrés à tous les niveaux,et nous savons que, même si ledéveloppement industriel a progressé surbeaucoup de fronts, il existe encore desaspects négatifs dans de nombreux pays.

Souvenons-nous que la Révolutionindustrielle est à l’origine d’importantesinégalités, qu’elle a obligé les femmes et lesenfants à travailler de longues heures pourun salaire modeste, qu’elle est à l’origine desbidonvilles sans services de base (eau, tout-à-l’égout) et qu’elle n’a pas réussi à faireappliquer des lois visant à protéger lescitoyens. En outre, il y avait des sans-abri,une éducation de médiocre qualité, unecristallisation du pouvoir et des structuressociales fragmentées, une augmentation dela pollution, une mauvaise utilisation desbiens communaux, une migrationdésorganisée vers les villes, etc.

Aujourd’hui, l’échelle et la composition dela production industrielle ontconsidérablement évolué : du bateau àvapeur aux paquebots et aux cargos les plussophistiqués, de la Ford modèle T auxvaisseaux spatiaux qui orbitent autour de la

Terre, des épidémies qui ont fait desmillions de victimes aux médicaments(antibiotiques) qui sauvent des vies, dutéléphone à deux interlocuteurs à un mondedes intercommunicant. Cependant, bienqu’il existe des moteurs plus sophistiqués etde meilleures machines, les modèlesstructuraux de l’industrialisation n’ont pasréellement évolué, de sorte que l’on peutconstater les mêmes effets humains etsociaux.

Malgré des tentatives au niveau de laresponsabilité sociale de l’entreprise etl’adoption de formes sophistiquées de

gestion, de contrôle, de finance et demarketing (pour n’en nommer quequelques-unes), les grandes entreprisesdemeurent les plus gros pollueurs de laplanète, les principales sources dedestruction environnementale et lesprincipaux agents de l’inégalité sociale et del’injustice. Certaines grandes entreprisespossèdent des actifs dont la valeur est denombreuses fois supérieure au produitnational brut de plusieurs pays en voie dedéveloppement associés, et leur pouvoirpolitique est sans précédent.

Une nouvelle révolution industrielle estnécessaire maintenant. Son essence doitconsister à nous faire passer du moteur àvapeur aux plus hauts niveaux deconscience humaine. Les entreprises sontconstituées d’individus. La technologie estcréée par le facteur humain. La gestion estune forme organisée d’interactionshumaines. Les processus industrielsconsistent en un alignement d’êtreshumains visant à la production. Lemarketing et les communicationsinfluencent les modèles comportementauxdes individus. L’environnement externe etles impacts sociaux influent les êtreshumains et toutes les formes de vie. Lespropriétaires, les dirigeants, les employés,les actionnaires, les consommateurs, lestraders... sont tous des individus. Parconséquent, la nouvelle révolutionindustrielle concerne essentiellement lesindividus et doit être profondémentinterconnectée avec eux.

Si l’ancienne Révolution industrielle a

ALFREDO SFEIR-YOUNIS (Cho Tab KhenZambuling) est un économiste chilien, leaderspirituel, fondateur et président du ZambulingInstitute for Human Transformation. Avantl’ouverture de l’Institut, en 2005, M. Sfeir-Younis a travaillé à la Banque mondialependant 29 ans en tant que conseiller principaldes directeurs généraux.

Dumoteuràvapeur à laconscience de l’homme

L’industrialisation continuera d’être la voie la plus importantedu développement futur, mais Alfredo Sfeir-Younis estimeque le monde a besoin d’une nouvelle révolution industrielleentièrement focalisée sur les individus.

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détruit la nature, nous a conduit au génocidede populations indigènes, à l’exploitation destravailleurs, à l’exclusion des femmes et àl’oppression des étrangers, la nouvellerévolution industrielle doit, elle, engendrerdes instruments, des processus et des formesde gouvernance qui vont radicalementmodifier ces modèles.

Si l’objectif principal a été de maximiser lesprofits pour quelques grandes entreprises,d’accroître la puissance de quelquesgouvernements et d’augmenter la qualité devie de quelques personnes seulement, alors,aujourd’hui, la nouvelle révolutionindustrielle doit entraîner la maximisation dubonheur et de la richesse intérieure. Elle doitétablir les meilleures formes de collaboration,de gouvernance et d’interactions humainesafin de développer le bien collectif au bénéficede tous, de développer la meilleure qualité devie sur toute la planète, de donner le pouvoiraux individus, de créer des opportunités et lasécurité, et ainsi, de créer un monde ancrédans la liberté, la justice, l’abondance et lapaix.

Nous vivons un moment crucial del’Histoire, où des choix doivent être faits afind’atteindre des niveaux plus élevés deconscience humaine et de cohérence. Lasituation exige une révolution au niveau desvaleurs, de se détourner de l’économie et de lafinance (compétition, indépendance etexclusion) et d’embrasser les valeurscollectives de l’interdépendance, del’interconnectivité, de la solidarité, de lacoopération, de la justice, de la liberté, de lapaix, de la sécurité, des droits de l’homme, dela durabilité, de l’amour, de la compassion, dela bienveillance et du partage. Ces valeursdoivent reposer sur la réalisation de soi etl’industrie doit être l’espace humain,institutionnel et politique permettantd’atteindre ce but. Les entreprises du futurdoivent devenir un espace institutionnel etorganisationnel où les êtres humains peuventatteindre le plus haut niveau de conscience,de bien-être matériel et non matériel, enparticulier la santé et la paix intérieure. Lapopulation urbaine étant désormais plusimportante que la population rurale, et lesactivités rurales ayant acquis un caractère deplus en plus industriel, l’industrialisationcontinuera de représenter la voie la plusimportante de développement futur.

La nouvelle révolution industrielle doit êtreorganisée autour des orientations suivantes :

Le respect de la nature, de toutes les formesde vie, des générations futures et de tous lesêtres humains, sans distinction de race, decouleur ou de croyance.

Une nouvelle éco-moralité qui préserve,utilise, gère et contrôle les ressourcesnaturelles ; qui protège et rétablit les nichesécologiques et les formes de vie dont leseffectifs diminuent, qui rétablit un équilibreécologique, une intégrité, un rythme et un sonécologiques et qui s’engage dans des modèlesde production, de commerce et deconsommation qui ne nuisent pas àl’environnement et qui sont adaptés à ce que laTerre est en mesure de supporter.

Un épanouissement personnel humainqui place l’économie au service des individus etnon les individus au service de l’économie ; quiélimine la pauvreté absolue et qui met unterme aux processus de marginalisation etd’exclusion ; qui offre un travail décent afin quele lieu de travail offre les conditions de toutesles formes d’épanouissement personnel ; quiaméliore les systèmes judiciaires afin deprotéger les droits des femmes, des enfants etdes personnes âgées et qui met l’accent del’éducation et des ressources humaines sur ledéveloppement intérieur et l’expansion de laconscience humaine.

Des affaires et un entreprenariat baséssur une prise de conscience intérieure de soiet orientée vers les environnements naturelset humains ; sur une conception et une miseen œuvre de la technologie qui répondent auxbesoins matériels et non matériels desindividus plutôt qu’au simple motif du profit ;sur un changement technologique qui créeles conditions nécessaires à la croissance et audéveloppement intérieur humain et sur desinstruments de gouvernance et de gestiond’entreprise qui profitent à tous.

Une tolérance zéro de la guerre, desconflits et des armes ; des poisons de toutessortes ; des produits de médiocre qualité oupeu sûrs ; des comportements sans éthique etde la destruction de la fibre sociale descommunautés.

Il existe des signes positifs qui montrentque cette forme de révolution industrielleest possible si nous pouvons approfondir etdévelopper l’attention des grandesentreprises et l’engagement, entre autreschoses, vis-à-vis de l’écoétiquetage, de laresponsabilité sociale d’entreprise et desPrincipes Équateur de financement social etenvironnemental durable. Sansl’engagement total du secteur privé dans laconstruction d’un futur véritablementdurable, aucune destinée collective positiven’est envisageable pour l’humanité. n

« Nous vivons un momentcrucial de l’Histoire, où deschoix doivent être faits afind’atteindre des niveaux plusélevés de conscience humaineet de cohérence. La situationexige une révolution auniveau des valeurs… »

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Le Professeur Mohammad Yunus, créateurdu concept de microfinance, estime quechaque année 5 % des clients de la BanqueGrameen laissent la pauvreté derrière eux. Ilexiste cependant peu d’estimations fiables dela mesure dans laquelle le microcréditpermet réellement de réduire la pauvreté.

Idéalement, il est possible d’évaluerl’impact de la microfinance si le scénariocontrefactuel – ce qui serait arrivé à unepersonne qui a emprunté grâce à unmicrocrédit si elle ne l’avait pas fait – peutfacilement être testé. De nombreuses étudesantérieures ont comparé les emprunteursaux non-emprunteurs. Mais si lesemprunteurs sont plus entreprenants queceux qui n’empruntent pas, de tellescomparaisons sont susceptibles denettement exagérer l’impact du microcrédit.Deux études récentes ont tenté de surmonterce problème en utilisant des méthodesd’échantillonnage aléatoires. Aucune de cesétudes n’a constaté que le microcréditréduisait la pauvreté. L’une de ces études amontré qu’il n’y avait aucun impact sur lesmesures de santé, d’éducation, ou de prise dedécision des femmes parmi les habitants desbidonvilles de la ville d’Hyderâbâd, en Inde.

ANIS CHOWDHURY est professeurd’économie à l’Université de Sydney Ouest, enAustralie. Il occupe actuellement un posted’officier supérieur des affaires économiquesau Département des affaires économiques etsociales des Nations Unies (ONU-DAES).

L’autre étude a conclu que la mise àdisposition de la microfinance à Manille, auxPhilippines, n’a eu aucun effet perceptible surla probabilité d’être en dessous du seuil depauvreté et n’a trouvé aucun impactsignificatif sur la qualité des aliments que lesgens mangeaient.

Les résultats de la série d’études la plus citée,basée sur des preuves empiriques tirées desexpériences comparatives dans sept pays endéveloppement (publiée en 1996), sont aussitrès révélateurs : les ménages pauvres ne tirentpas partie de la microfinance ; seuls lesemprunteurs non-pauvres s’en sortent bien

grâce à la microfinance et profitent d’effetspositifs mesurables. Une grande majorité deceux dont le revenu de départ est au-dessousdu seuil de pauvreté finissent avec moins derevenus supplémentaires après l’obtention demicrocrédits, par rapport à un groupe témoinqui n’a pas obtenu de tels prêts.

Pas de remède miracleCes résultats laissent entendre que le crédit nereprésente qu’un facteur dans la génération derevenus ou de résultats. D’autres facteurscomplémentaires existent, qui s’avèrentcruciaux pour rendre le crédit plus productif.Parmi eux, les compétences entrepreneurialesdu bénéficiaire constituent le facteur le plusimportant. La plupart des personnes pauvresn’ont pas l’éducation ou l’expérienceélémentaire pour comprendre et gérer desactivités économiques, même à un faibleniveau. Elles ont pour la plupart une aversionvis-à-vis du risque, ont souvent peur de perdrele peu qu’elles possèdent, et luttent poursurvivre. La plupart des principauxpromoteurs de la microfinance, y compris leprofesseur Yunus et Sam Daley-Harris,directeur de la campagne Microcredit SummitCampaign, reconnaissent que le microcréditne constitue pas un remède miracle, card’autres facteurs complémentaires sontnécessaires pour réussir.

Certaines institutions de microfinance(IMF) et organisations non gouvernementalessemblent avoir compris ce besoin, et offrentdes formations pour acquérir descompétences entrepreneuriales etmanagériales. Toutefois, l’accent est engénéral mis sur des facteurs liés à l’offre quise complètent les uns les autres pour rendrele micro-investissement productif. Très peud’attention est accordée à la demande. Enl’absence d’un marché intérieur enexpansion, les micro-entreprises seront plussusceptibles de reproduire une économie detroc. Dans les cas extrêmes d’un marchéstagnant, la disponibilité du crédit pourfaciliter les transactions peut même empirerla situation des parties, car elles doiventrembourser les prêts avec les intérêts, tout enne voyant aucune croissance des recettes oudes revenus. Par conséquent, il n’est passurprenant qu’une étude financée par laBanque mondiale (publiée en 2005) etimpliquant 1 800 ménages au Bangladesh,

La microfinancefonctionne-t-elle ?

Devenue courante aujourd’hui, d’éminents contributeurs examinentl’un des sujets controversés du moment. Suite au battage médiatiqueentourant les nouvelles plateformes de prêts en ligne, telles queKiva.org, il est temps de se demander si la microfinance est un outilvraiment efficace pour réduire la pauvreté.

« Un prêt de 250 USD sur unan augmenterait le revenuannuel de l’emprunteur de12,50 USD, soit environ 3 cents par jour ! »

SUJET D’ACTUALITÉ

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n’ait constaté que des améliorations trèsmarginales pour les emprunteurs demicrocrédit. Par exemple, les revenus desfemmes qui ont reçu un microcrédit ontaugmenté de seulement 8 takas pour 100empruntés. Comme l’a fait remarqué uncommentateur, un prêt de 250 USD sur un anaugmenterait le revenu annuel d’unemprunteur de 12,50 USD soit environ 3 centspar jour !

Ce gain modeste s’est produit dans lecontexte de l’expansion rapide de laproduction de vêtements au Bangladesh.Cela aurait été un contrefactuel intéressantde voir ce qui se serait passé en l’absence del’expansion rapide de l’industrie textile.L’examen des facteurs de la demande met enévidence l’importance des politiques macro-économiques, commerciales, et industriellesen faveur de la croissance.

En réponse aux conclusions modestes en

termes de mesures monétaires relatives à lapauvreté, les défenseurs de la microfinancecitent d’impressionnants progrès sociaux,tels que la réduction de la mortalité infantileet maternelle au Bangladesh. Mais de tellesréalisations peuvent-elles être attribuées à lamicrofinance ? Le Sri Lanka était unprécurseur en termes de progrès social, bienavant que le mouvement de la microfinancen’apparaisse. Ces derniers temps, l’AndhraPradesh en Inde a également obtenu desrésultats bien supérieurs au reste du pays entermes d’indicateurs sociaux dudéveloppement. La microfinance ne semblepas avoir joué un grand rôle là non plus.

Taux d’intérêtLes taux d’intérêt pratiqués par lesinstitutions de microfinance ont suscité descritiques virulentes. Les taux d’intérêt allantde 30 à 100 % sur une base annualisée

entraînent des protestations. Certainsdéfendent les taux élevés en raison de ladurabilité ; des taux moindres n’attireront passur ce marché les banquiers intéressés par lesbénéfices. Toutefois, cet argument affaiblitl’affirmation selon laquelle la microfinanceest plus rentable par rapport aux prêts desbanques commerciales.

Lorsque le taux d’intérêt est à l’extrémitéinférieure, cela est souvent du à dessubventions implicites. Cela soulève donc laquestion du coût d’opportunité sociale dessubventions ; cet argent pourrait-il être mieuxutilisé ailleurs, notamment pour la santépublique, l’éducation, ou le soutien àl’agriculture et aux industries rurales ?Certains défendent les taux d’intérêt des IFMen faisant valoir qu’ils sont toujours moinsonéreux que les alternatives offertes par lesprêteurs. D’autres soutiennent que lesrendements du capital sont en effet élevés ‰

Les institutions de microfinance revendiquent queles petits prêts réduisent la pauvreté, et lesdonateurs institutionnels et individuels répondentpar d’énormes dons. Toutefois, les recherchesindiquent que, bien que la microfinance puisseaider en temps de crise, son impact monétaire estminime sur le long terme.

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Une explication d’économie politique de lacroissance du mouvement de la microfinanceconsiste à dire que les militants de lamicrofinance ont projeté avec succès l’imagedu mouvement, notamment l’autonomisationdes femmes, qui est en phase avec lacommunauté des donateurs. La naissance dumouvement coïncide approximativement avecla montée des idées néo-libérales de la fin desannées 1970 et du début des années 1980.L’idée que les programmes de microfinancesont principalement engagés dans lapromotion des petites entreprises a doncattiré des donateurs de premier plan. Alorsque les donateurs se méfiaient du créditsubventionné par le biais des institutionsfinancières spécialisées publiques, ils étaientplutôt heureux de subventionner lesinstitutions de microfinance, car ellessemblaient promouvoir une économie demarché, et plus important encore, ellespermettaient de diminuer le rôle dugouvernement.

Dans les sociétés limitées au niveau desliquidités, la demande de crédit est toujoursprésente. Ainsi, lorsque les IMF soutenuespar des donateurs font la promotion de l’offrede crédit, les preneurs ne manquent pas. Parconséquent, la microfinance a augmenté defaçon exponentielle. Toutefois, si le marchélui-même ne se développe pas rapidement,cela ne peut que créer un endettement ouune sous-utilisation du crédit, et unepression à la baisse sur les retours surinvestissement.

Contributions positives Même les critiques virulents admettent quela microfinance peut aider laconsommation régulière des pauvres lorsde périodes de ralentissements cycliques oude crises inattendues. Si cetteconsommation régulière signifie que lesparents peuvent envoyer leurs enfants àl’école, ou acheter des médicaments depremière nécessité, et maintenir les apportsnutritionnels de leurs enfants, alors lamicrofinance est susceptible d’avoir unimpact à long terme positif sur laproductivité.

Les taux d’intérêt élevés qui sont exigésdemeurent une préoccupation importante,et l’on constate que la plupart des IMFmanquent à l’appel lorsqu’il s’agit de prêteraux personnes extrêmement pauvres.Néanmoins, il semble que la microfinanceentame considérablement les marchés ducrédit informel en ébranlant la servitudepour dettes et l’usure dans certainessociétés agraires. La microfinance a doncun impact de modernisation.

Plus important encore, en «démocratisant » le marché du crédit, lemouvement de la microfinance entraveégalement le propre comportement desIMF. Par exemple, lorsque certainsresponsables des IMF sont venus percevoirles paiements immédiatement après lecyclone dévastateur Sidr au Bangladesh en2007, cela a été largement rapporté dans lesjournaux nationaux. Par conséquent, lesIMF ont agi rapidement pour suspendre lerecouvrement des prêts et offrir desconditions de prêt plus souples.

En d’autres termes, l’expansion rapide dela microfinance autonomise non seulementles femmes, mais aussi tous les petitsemprunteurs. Il faut également tenircompte de l’effet d’apprentissage par lapratique. Même lorsqu’un prix implicitenul est attribué au travail individuel dansles micro-entreprises, les personnesimpliquées en bénéficient. Ellesapprennent quelques principeséconomiques de base, et avec de la chance etpeut-être un peu d’aide, les micro-entreprises sont susceptibles de devenirplus viables et même de se développer. Celaressemble à l’apprentissage où l’apprentireçoit un salaire faible, mais reçoit en

dans les micro-entreprises, et que parconséquent le prélèvement de taux d’intérêtélevés est justifiable. En ce qui concerne cedernier, la manière dont ces études imputentle coût du « travail individuel » – le temps et letravail consacrés par le propriétaire de lamicro-entreprise – n’est pas claire. Dans uneéconomie caractérisée par le surtravail, onpeut imputer un prix implicite nul au travailindividuel. Dans ce cas, la totalité de l’excédentau-delà du coût du capital peut être considéréecomme un bénéfice ou un rendement ducapital. Cela pourrait être l’explication la plusplausible pour les rendements élevés des prêtsaux micro-entreprises.

Idéalement, le prix du travail individueldevrait être fixé à un salaire minimum «décent » ou légal afin d’améliorer la réductionde la pauvreté. L’emploi (indépendant ouautre) à un salaire inférieur à un taux décentne fait qu’accroître le nombre de « travailleurspauvres », qui sont peut-être encore plusvulnérables aux chocs, en raison du poids dela dette du microcrédit. Cela pourrait êtreune autre explication du soi-disant problèmede gradation des micro-entreprises, oupourquoi tant de prêts doivent êtrerééchelonnés ou refinancés, comme lerapporte le Wall Street Journal.

Expansion de la microfinanceSi l’impact de la microfinance sur la réductionde la pauvreté est si incertain, comment peut-on expliquer l’expansion phénoménale dumouvement ? Les auteurs d’une étudeapprofondie de la littérature et d’entretiensavec des acteurs majeurs du mouvement,affirment que le succès de la microfinance estdû à des pratiques commerciales novatricesimpliquant la conception et la gestion desproduits, et des environnements favorables.De même, des études de cas approfondies desIMF au Bangladesh et aux Philippines ontrévélé que la véritable explication de leursuccès réside dans une attention particulièreaux « fondamentaux » managériaux etstratégiques. Il s’agit notamment de maintenirdes coûts de transaction faibles, et de fairecoïncider le calendrier des paiements desprêts avec les revenus des emprunteurs etleurs économies potentielles.

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« Le danger de l’engouementautour de la microfinancedécoule du fait que lesbesoins des petites entreprisesdu secteur informelpourraient ne pas obtenirl’attention voulue. »

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ConclusionLe danger de l’engouement autour de lamicrofinance – et l’attention portée auxmicro-entreprises – découle du fait que lesbesoins des petites entreprises du secteurinformel pourraient ne pas obtenir l’attentionvoulue. Les propriétaires-exploitants de cespetites entreprises ont déjà prouvé leur sensdes affaires, mais ils se heurtent à denombreuses contraintes, allant de l’incapacitéd’accéder au marché formel du crédit, à desdifficultés relatives à la commercialisation deleurs produits. Ces entreprises doivent êtreprises en charge avec un accès facile au créditet d’autres services financiers, tels quel’assurance. Leurs problèmes sont exacerbéspar les réformes néo-libérales du secteurfinancier qui ont cherché à promouvoir les

échange une formation à un métier. Par leursoutien et leurs programmes de formation,de nombreuses IMF apportent descontributions utiles. La microfinanceapporte aux chômeurs et aux pauvres desopportunités, de l’espoir et de l’estime desoi.

Enfin, étant elles-mêmes des entreprisesprospères, les institutions de microfinancecréent aussi un grand nombre d’emploisbien rémunérés, ce qui devrait avoir deseffets multiplicateurs considérables.

Bon nombre de ces effets positifs nepeuvent pas être mesurés en termesmonétaires et, par conséquent, resterontlargement méconnus dans la littératureaxée sur les revenus traditionnels ou lesmesures de dépenses relatives à la pauvreté.

institutions financières motivées par lesbénéfices en éliminant les institutionsfinancières spécialisées gérées par l’État quirépondaient aux besoins des petites etmoyennes entreprises (PME) et du secteuragricole. On sait maintenant que ces réformesavaient leurs propres limites, et que les PMEet le secteur agricole, la productionalimentaire en particulier, ont besoin dusoutien de l’État. Les enseignementsmanagériaux et opérationnels tirés des IMFprospères peuvent être d’une aide précieusepour la conception d’institutions financièresspécialisées pour les PME et le secteuragricole. lCe qui précède est une version modifiée etabrégée du document de travail ONU-DAESn°89

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Un groupe de femmes discutentà l’extérieur des bureaux d’unprojet de microcrédit àOuagadougou, Burkina Faso.

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n La plupart des paysindustrialisés ont observé unebaisse importante de leurproduction industrielle ces deuxdernières années, l’Amérique duNord étant la plus touchée avecune chute de 20 % depuis 2007, aindiqué l’ONUDI dans l’édition2010 de son Annuaire internationaldes statistiques industrielles. La croissance industrielle s’estperpétuée de manière quasiment

prospèrent. La construction esten plein essor. Les fondsd’investissement privésaugmentent de manièreconsidérable. La plupart des 50économies individuellesd’Afrique font face à de sérieuxdéfis, comme la pauvreté, lamaladie et un fort taux demortalité infantile. Pourtant lePIB global de l’Afrique, de 1 600milliards de dollars en 2008, estdésormais à peu près égal à celuidu Brésil ou de la Russie. De plus, le continent fait partiedes régions économiques ayant lacroissance la plus rapide dumonde. (McKinsey Quarterly)

La date limite pour atteindre lesObjectifs du millénaire pour ledéveloppement (OMD) n’étantplus que dans cinq ans, desquestions ont été soulevéesconcernant la capacité du secteurprivé à jouer un rôle dans laréussite du projet. Une nouvelleenquête étudie la contribution de20 multinationales connues à laréussite des OMD.

L’une des principalesconstatations est que le secteurprivé occupe un rôle plusimportant que prévu dans lacontribution aux OMD : lesactivités combinées du groupeéchantillon ont eu un impact surplus de 8,2 millions debénéficiaires. L’étude révèleégalement que la recherched’opportunités commerciales dansles pays en développement peutavoir un impact positif sur lesOMD, de manière aussi efficaceque les interventions en matière dedéveloppement axées surl’investissement communautaire.La recherche d’activitéscommerciales mène à la créationd’emplois et de valeur et a deseffets sur les chaînesd’approvisionnement, ce qui

contribue au développementéconomique et joue sur diversOMD. Les activités commercialesont notamment un impactconsidérable sur la diminution dela pauvreté (OMD1). Cetteréduction de la pauvreté a elle-même un impact sur les OMD 2, 4 et 5.

Ces éléments permettent deconstater l’importanteconvergence entre la recherched’opportunités commerciales parles entreprises dans les pays endéveloppement et l’impératifmoral de contribuer audéveloppement humain. Ainsi,c’est en faisant des affaires que lesentreprises contribuent le plus auxOMD : elles risquent d’adoptercette vision des choses avec plusd’enthousiasme. – Business Impact Report, 2010

Un nouveau rapport novateurd’Economist Intelligence Unit met enlumière le paysage économiqueque rencontrent les femmes àl’échelle mondiale et met enévidence les pays offrant le plusd’opportunités.

L’Indice des opportunitéséconomiques pour les femmes estun guide très complet pourévaluer les lois, lesréglementations, les pratiques etles attitudes qui touchentemployés et entrepreneursféminins.

Il utilise 26 indicateurs pourévaluer chaque aspect de la chaînede valeurs économiques et socialeschez les femmes, de la fertilitéjusqu’à la retraite.

En examinant les contraintesavec lesquelles les femmes doiventcomposer, l’indice montre lesétapes que les gouvernementspeuvent suivre pour améliorer lesopportunités pour les femmes etstimuler les performanceséconomiques globales.

Comme l’explique Leila Butt,économiste à l’EconomicIntelligence Unit et directrice derecherche pour le projet, « les paysont fait de nets progrèsconcernant l’égalité des femmesau cours des dernières décennies,mais trop d’entre elles ne peuvent

toujours pas exercer tous leursdroits économiques ».

Les opportunités économiquespour les femmes ne sont pasuniquement influencées parl’environnement réglementaired’un pays, mais aussi par lesattitudes sociales et les coutumes.C’est pourquoi la part des femmesdans les populations actives restelargement inférieure à celle deshommes. Les femmes sontégalement moins payées que leurshomologues masculins et leshommes continuent de dominerdans les secteurs avec un potentiel

tendances

Impact desentreprises surles Objectifs dumillénaire pour ledéveloppement

Opportunitéséconomiquespour les femmes

AFFAIRES DES AFFAIRES

ininterrompue dans les pays lesmoins avancés (PMA),particulièrement en Afrique quiconserve un taux de croissanceindustrielle de 5 % en 2009.(ONUDI)

nAvant la crise financièremondiale, la croissance del’Afrique subsaharienne s’estaméliorée rapidement, avec untaux de croissance annuelle

moyen de 6 % entre 2002 et 2008.La région, qui a supporté leralentissement économiquemondial mieux que le reste dumonde, devrait connaître unecroissance de 3,8 % en 2010 et 4,5% en 2011, plus rapide quel’Amérique Latine, l’Europe etl’Asie centrale. Selon le trimestrielMcKinsey, lestélécommunications, les banques,et le commerce de détail

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nAprès une contraction de 2,1 %en Amérique Latine en 2009,l’Economist Intelligence Unitprévoit une reprise sérieuse de 4,1 % en 2010. Une politique derelance agressive et la demandechinoise ont permis auxexportateurs de matièrespremières de la région de menerla reprise, avec la sortie du Brésildu ralentissement économiquedès le deuxième trimestre de2009. Cependant, au cours des sixderniers mois, une politique derelance alimentée par les États-Unis a encouragé unrenforcement de l’activité dansces pays particulièrement

dépendants du marché américain.La croissance devrait fluctuerautour de 4 % dans les années àvenir. C’est encore largement en-deca de la moyenne de 5,2 %enregistrée durant les annéesd’expansion entre 2004 et 2007. Ils’agit toutefois d’une performancepositive si on la compare à lacroissance historique à long termede cette région. (EconomistIntelligence Unit)

n L’investissement de capitauxdans les nouveaux systèmeséoliens devrait passer de 63,5milliards de dollars en 2009 à114,5 milliards de dollars en 2019.

L’année dernière, lesinstallations éoliennesmondiales ont atteint un recordde 37 500 MW. La Chine, leadermondial dans les nouvellesinstallations pour la premièrefois, en compte plus d’un tiers,soit l’équivalent de 13 000 MW.L’énergie solaire photovoltaïque(y compris les modules, lescomposants système, et lesinstallations) va passer de 36,1milliards de dollars en 2009 à116,5 milliards de dollars en2019. Les nouvelles installationss’élèvent à plus de 7 GW à traversle monde en 2009, soit sept foisplus que cinq ans plus tôt.

Clean Edge a déclaré quel’énergie solaire photovoltaïque etl’industrie éolienne sontactuellement à l’origine de 267 562emplois directs et 563 577 emploisindirects à travers le monde, soitun total de plus de 830 000emplois. Le rapport indique qu’en2019 le nombre d’emplois sera de2 178 919 pour l’énergie solaire et1 122 815 pour l’énergie éolienne,soit un total de plus de 3,3millions d’emplois. (Clean Edge)

salarial élevé, tels que la technologieou la finance.

L’étude montre que mêmelorsque la législation est destinée àaider les femmes, sa mise en œuvreest souvent faible et les opportunitésrestent limitées. Cependant, lesattitudes changent au fur et àmesure que les économies sedéveloppent et les opportunitéspour les femmes s’élargissent. Lespays avec une population stagnanteou à faible croissance réalisent deplus en plus que les femmes sontessentielles au développement de lapopulation active.

Dans le classement desopportunités économiques pourles femmes établies entre 113économies, la Suède, la Belgique etla Norvège occupent le podium.Ces pays ont un marché du travailparticulièrement ouvert auxfemmes, un niveau d’instructionélevé, et un régime libéral, légal etsocial. Mais l’indice donneégalement d’autresrenseignements. La Hong KongRAS, Chine est la meilleure en Asieet se classe dans le top 25 % de laplupart des catégories. En Afrique,c’est la Mauritanie qui obtient la

première place : sa politique dutravail compte parmi les plusfavorables aux femmes dans larégion. Après le Canada et les États-Unis, le Brésil se rapproche duChili et du Mexique pour lameilleure note en Amérique. Lespays d’Europe de l’Est, notammentla Bulgarie, ont particulièrementéquilibré la protection des droitsdu travail, même si l’âge de départ àla retraite pour les hommes et lesfemmes est souvent différent. LaTunisie est première en Afrique duNord, et le Sri Lanka en Asie duSud.

AFRIQUE1 Mauritanie 2 Afrique du Sud 3 Tunisie 4 Namibie 5 Égypte

ASIE1 Hong Kong RAS, Chine 2 Israël 3 Japon 4 Singapour 5 République de Corée

AMÉRIQUE 1 Canada 2 États-Unis 3 Brésil 4 Chili 5 Mexique

– Opportunités économiques pour lesfemmes. Nouvel indice pilote etclassement mondial de l’EconomistIntelligence Unit

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d’Afrique, d’Asieet d’Amérique

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Le retour, la renaissance, la redécouverte ou encorele « come-back » des politiques industrielles ontété maintes et maintes fois annoncés. C’est unebonne nouvelle. Mais soyons honnêtes : lespolitiques industrielles n’ont jamais quitté ledevant de la scène. Elles ont été exercées sousdiverses formes et dans tous les pays, qu’ils soientdéveloppés ou en développement. Voici le véritableproblème : les différents instruments politiquessont-ils appliqués de manière désordonnée,improvisée et parfois même clandestine ? Ou biensont-ils ouvertement intégrés à une stratégieclairement formulée et clairement communiquéederrière laquelle un pays et tous les actionnairespubliques et privés concernés peuvent s’unir etavancer ? C’est cette notion de vision convenue

Les politiques industrielles ontun rôle déterminant à jouerdans la transition vers unetrajectoire de croissanceéconome en ressources et àfaible empreinte carbone.WILFRIED LÜTKENHORST,directeur de la Division desstratégies régionales et desopérations hors-siège del’Organisation des NationsUnies pour le développementindustriel (ONUDI), évoque lesimplications que cela implique.

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changeantUnclimat

pour les politiques industrielles

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Des ouvriersconstruisent uneusine près deHanoï, Viet Nam.

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(où souhaitons-nous emmener notre économieet comment y parvenons-nous ?) qui fait un retouren force à l’ordre du jour. Malheureusement, il afallu une crise économique mondiale majeure pourmettre en avant l’argument selon lequel les marchésconsistaient avant toute chose en une bonneallocation des ressources et en une bonne efficacité,mais qu’ils ne s’occupaient pas, en eux-mêmes etpar eux-mêmes, des objectifs de société à longterme.

« Nouvelle politique industrielle »Aujourd’hui, en observant le débat politique, onressent, à de nombreux égards, une impression dedéjà-vu. Les discours de certains économistesrevisitent des préoccupations déjà débattues dansles années 1980 : accepter ou, au contraire, défierles avantages comparatifs d’une économie donnée; définir uniquement des conditions de base oualors choisir et promouvoir les vainqueurs ; dirigerles investissements étrangers vers des secteursprioritaires ou permettre un afflux hasardeux desinvestissements ; encourager les industriesnaissantes ou laisser triompher les forces de lamondialisation, etc.

Parallèlement, il existe effectivement un accordunanime sur les caractéristiques clés de ladite «nouvelle politique industrielle », selon lequel :l il est nécessaire de s’appuyer sur certainesconditions de base, à savoir une stabilité macro-économique, un environnement propice auxaffaires et une transparence commerciale ;l il est essentiel de passer d’une actiongouvernementale autonome à un dialoguestratégique entre secteur public et privé ;l il faut, plutôt qu’établir des résultats prédéfinis,mettre en ordre les processus politiques (notion deDani Rodrik comparant la politique industrielle àun « processus de découverte ») ; l bien trop souvent, nous sommes obsédés par laformulation de stratégies sophistiquées et nousoublions que certaines capacités institutionnellessont nécessaires à leur entrée en vigueur ; l nous devons délaisser nos formulesdogmatiques (Consensus de Washington) au profitd’un sens du pragmatisme, nous devons nouspréparer à « sortir de la pensée unique », à innoveret à faire des expériences (concept parfois appelé le« Consensus de Pékin », terme inventé par JoshuaCooper Ramo en 2004) ; etlenfin, nous devons conserver une bonne dose deréalisme et de modestie. L’histoire est truffée depolitiques industrielles, a priori parfaitementconçues, qui n’ont pas atteint les objectifs fixés etqui sont devenues prisonnières des pôles d’intérêtcommun.

Le changement climatique : l’échec dumarché mondialTout ce qui a été dit plus haut fonctionne commesur des roulettes. À présent, le changementclimatique modifie les règles du jeu : Il est, selonles termes du Secrétaire général des Nations Unies,« l’élément déterminant des tendances de notretemps », mais « l’échec le plus cuisant que lemonde ait jamais connu » aux yeux de Sir NicholasStern. Vous souvenez-vous de l’économie version1.01 ? L’échec des marchés n’est-il pas l’une des

raisons fondamentales des interventionspolitiques, à moins, bien sûr, que le risque d’échecde la politique ne soit considéré comme un risqueencore plus grand ?

Je soutiens en outre que la politiqueindustrielle actuelle ne peut être ni pertinente, niefficace, ni crédible à moins d’être explicitementpensée dans un contexte de pénurie desressources naturelles. Nous devons prendre encompte les limites mondiales (mais égalementrégionales et locales !) du changement climatique,sous peine d’atteindre le point de non retour. Etdes indicateurs positifs nous montrent que leséconomistes et, plus important encore, lesdécideurs politiques commencent à comprendrecela, en particulier au sein des économiesémergentes. En voici quelques exemples :l En Inde, la population est de plus en plusconsciente que ce sont les segments les pluspauvres de la société qui seront les plus touchéspar les facteurs climatiques et que ces facteursentraîneront un ralentissement considérable de lacroissance du PIB. Le Ministre del’environnement indien considère que son paysest le pays le plus vulnérable au changementclimatique. Le débat au sujet de la croissance verteet des énergies renouvelables y fait rage, avec ousans accords mondiaux.l En Chine, des investissements massifs sontréalisés dans l’efficacité énergétique, dans lessources renouvelables d’énergie et dans lestechnologies vertes en général, avec plus de 60milliards de USD destinés au développement destechnologies automobiles hybrides et électriques,et à l’amélioration des infrastructures de transportferroviaire et de réseau électrique, ainsi qu’à unnouveau plan énergétique décennal. Selonl’agence de protection de l’environnement dupays, environ 15 % du PIB est perdu chaque annéeà cause de divers types de pollutionsenvironnementales.l Au Vietnam, les conditions climatiquesextrêmes et la hausse de niveau de la merconstituent des menaces pour la productionagricole et industrielle de la moitié du pays etmettent sérieusement en péril la croissanceéconomique future. La réponse du gouvernementa été d’intégrer ces préoccupations aux plans dedéveloppement de l’ensemble des ministères.l Enfin, le Brésil redécouvre les « mérites » de sapolitique de promotion des carburantsrenouvelables, établie depuis longtemps. Cettepolitique remonte au début des années 1970 etgrâce à elle, l’éthanol représente à présent plus de50 % de la demande en carburant pour lesvéhicules légers du pays.

Croissance à faible émission de carboneSi nous acceptons l’argument fondamental selonlequel une transition vers une trajectoire decroissance économe en ressources et à faibleempreinte carbone est impérative et que lapolitique industrielle a un rôle essentiel à jouer,qu’est-ce que cela implique ?

Avant toute chose, nous devons partir duprincipe que les politiques industrielles sontdirigées par des objectifs multiples. Laformulation et la mise en œuvre d’une politique

« La politique industrielleactuelle ne peut être nipertinente, ni efficace, nicrédible à moins d’êtreexplicitement penséedans un contexte depénurie des ressourcesnaturelles ».

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donnée sont toujours ancrées dans un contextepolitique et économique qui justifie sa légitimité.Même s’il est crucial de mener une réflexion ausujet du changement climatique et de l’utilisationefficace des ressources, d’autres objectifs doiventégalement être pris en compte. Cela concerne,entre autres, la diminution de la pauvreté, lasécurité alimentaire et énergétique, la créationd’emplois, la réduction des inégalités régionales etdes inégalités de revenus, la stimulation de lacroissance et de la productivité, ainsi que lapromotion de l’innovation et de l’entreprenariat.Quelles sont les complémentarités et quels sont lescompromis existant, par exemple, entre l’efficacitéénergétique, la productivité et le rapport coût-efficacité ? Entre la promotion des sourcesd’énergie renouvelables et l’élargissement del’accès à l’énergie ? Entre les mesures d’adaptation,les modèles d’installations industrielles et lesdisparités régionales ? Et entre les actions dediminution de CO2 et la rentabilité industrielle ?L’incertitude et la spéculation prédomineront, àmoins que des bases solides ne soient posées pourencourager les décisions de politique factuelle.

En second lieu, l’accent traditionnellement mispar les politiques industrielles sur la promotiondes sous-secteurs prioritaires (qu’il s’agisse dessecteurs textiles, des industries alimentaires ou dusecteur électronique) pourrait avoir besoin d’êtrerevisité et pensé dans le cadre plus vaste d’unepromotion des technologies économes enressources à travers l’ensemble du spectre dessecteurs. Cela demanderait, entre autres choses,d’améliorer les efforts d’évaluation comparative,d’aligner les primes de recherche et dedéveloppement ainsi que les systèmesd’innovation avec le besoin de diminuer lesconséquences sur le climat, et de permettre auxentreprises d’accéder aux instruments financierstels que capital-risque, pour financer leursinvestissements écologiques.

En troisième lieu, il faudra revoir les approchesde promotion des investissements. Lesinvestissements directs à l’étranger (IDE) sont lesvecteurs clés de transmission des nouvellestechnologies dans de nombreux pays endéveloppement. Dans une plus large mesure, cesont les afflux d’IDE qui déterminent le scénariotechnologique à venir, les modèles de productionet d’articulations industrielles, ainsi que l’effetd’apprentissage pour les entreprises nationales.L’utilisation d’instruments politiques adaptéspourrait permettre de diriger davantaged’investissements vers les technologies économesen ressources. Dans un tel contexte, les approchesde zonage industriel visant les investisseurspropres et respectueux de l’environnement(destinées à un effet de présentation et deretombées pour les entreprises locales) ou, aucontraire, le ciblage des industries polluantes (afinde permettre de réaliser des économies liées à lalutte contre la pollution) pourraient revêtir uneimportance toute particulière.

En quatrième lieu, nous devons reconnaîtreque les différentes catégories de pays font face à desdéfis distincts, et que les priorités politiquesdoivent par conséquent s’adapter à cette réalité.Dans les pays les moins avancés, les stratégies

d’adaptation seront souvent plus urgentes que lesstratégies d’atténuation, et les objectifs d’accès àl’énergie seront probablement plus urgents que lesconsidérations en matière d’efficacité énergétique.Mais ce même argument ne peut pas s’appliqueraux pays à revenus intermédiaires. Dans ces pays,les avancées en terme d’efficacité énergétique pourles industries établies (notamment pour lesindustries lourdes, comme la sidérurgie et lesproduits chimiques) doivent devenir une priorité,et sont largement considérées comme étant unetâche simple à accomplir. Mais ces avancéesrequièrent une certaine contribution en termesd’information, de sensibilisation etd’encouragement pour être pleinement réalisées.

Enfin, il existe des défis généraux etpluridisciplinaires, comme la mise au vert ducommerce (c’est-à-dire la réduction de l’empreintecarbone de l’ensemble de la chaîne de valeur) et, enparticulier, la promotion du transfert destechnologies au travers d’une multitude demécanismes allant des investissements directs àl’étranger à l’aide officielle au développement, enpassant par le mécanisme de développement propre.Les technologies écologiques et ultramoderness’avèrent généralement high-tech et onéreuses. Quiva financer le transfert des technologies brevetées ? Àmoins de trouver une solution internationale pourrégler ce problème de financement, de nombreuxpays en développement qui souhaitent « passer auvert » risquent de faire face à un véritable dilemme.Nous sommes donc en présence d’une importantenécessité d’action au niveau mondial et decoordination des politiques internationales.

Sur la bonne voie Les politiques industrielles ont toujours dû faireface aux dangers de l’incertitude et au besoin deporter des évaluations et des jugements visant àanticiper et à dessiner les scénarios souhaités pourl’avenir. Toutefois, avec la nouvelle dimensioncréée par un contexte mondial de changementclimatique et d’épuisement des ressources, lerisque d’une catastrophe mondiale « constituel’argument le plus puissant en faveur d’une fortepolitique climatique », comme l’a soulignérécemment Paul Krugman dans le New YorkTimes. Bien que l’industrie soit une composantedu problème (représentant à elle seule 36 % desémissions de CO2), elle offre également de grandesopportunités. Aucune solution ne sera possiblesans développer et diffuser de nouvellestechnologies industrielles qui consomment moinsde ressources, qui réduisent les émissions de CO2,qui atténuent la pollution et qui recyclent etréutilisent les déchets qu’elles génèrent.

Établir le cadre permettant de mettre en œuvrecette solution, encourager la production et laconsommation responsables, puis définir unchemin durable vers la prospérité sont les défisque doivent relever les politiques industriellesactuelles. La dissociation progressive qui sedessine entre la croissance économique, ladégradation de l’environnement et l’épuisementdes ressources définit la voie de l’industrialisationque doivent s’efforcer de suivre les différents pays,à la fois pour sauver notre planète et fixer lesnouvelles frontières de la compétitivité. n

« À moins de trouver unesolution internationalepour régler ce problème definancement du transfertdes technologies, denombreux pays endéveloppement quisouhaitent « passer au vert» risquent de faire face à unvéritable dilemme ».

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Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nousdevons réfléchir sérieusement et rapidement àdes politiques industrielles appropriées. Il y abien sûr les anciennes raisons (qui sont toujoursd’actualité) : le projet d’expansion ne peut suivreson cours sans une forme de politique expliciteou implicite ; ces économies d’échelle statiqueset dynamiques signifient que, s’ils veulentsurvivre, les « industriels récents » doiventprévoir des méthodes pour atteindre une échellecompétitive dans des secteurs particuliers ; siaucune intervention n’a lieu, les investissementsconduits par le marché dans un contexted’inégalités économiques ne génèreront pas leséchelles de production nécessaires.

Mais il existe également de nouvelles raisons,certainement plus urgentes pour la mise enœuvre d’une politique industrielle. Ces raisonsémergent des tendances structurelles (enparticulier les défaillances du marché liées àl’impact humain sur l’environnement naturel) etconjoncturelles (le fait que la politique fiscaleanticyclique accroît de force le rôle des dépensesdu gouvernement pour les économies en pleinematurité comme pour celles en développement).

Les modèles considérés comme des modèlesde production et de consommation nondurables sont profondément ancrés dans lesmentalités des pays riches, et les pays endéveloppement y aspirent. Des millions decitoyens des pays en développement n’onttoujours pas, ou pas suffisamment accès à des

conditions de vie élémentaires, renduespossibles par un minimum d’infrastructuresmatérielles comme l’électricité, les transports etla communication, l’assainissement, la santé, lanutrition et l’éducation. Pour assurer un accèsuniversel à ces services, il faudra utiliserdavantage de ressources naturelles par habitantet augmenter la production de carbone. Ainsi, ladurabilité et l’égalité demandent une réductionde l’utilisation excessive des ressources par lesriches, particulièrement dans les paysdéveloppés, mais aussi par les élites des pays endéveloppement, dans le but d’harmoniserl’utilisation des ressources chez les pauvres de cemonde.

Consommation des ressourcesCela signifie que les politiques de redistributionfiscale ainsi que les autres mesures économiquesdoivent s’orienter vers la réduction des inégalitésde consommation des ressources, sur le plannational et mondial. Par exemple, les dépensessociales essentielles et celles liées audéveloppement des pays peuvent être financéespar une taxe pénalisant le gaspillage desressources.

Une partie du changement peut sans aucundoute être atteinte grâce à des « technologies deproduction plus propres et plus vertes » ; despolitiques industrielles proactives sontnécessaires pour promouvoir de tellestechnologies. Mais cela exige également denouveaux modèles de demande, étant donnéqu’il n’est plus suffisant de parler de nouvellesformes de production basées sur d’anciensmodèles de consommation. Au lieu de cela, ilfaut faire preuve de créativité à propos de laconsommation en elle-même, et identifier quelsbiens et services sont les plus utiles etsouhaitables pour nos sociétés.

C’est pourquoi la préoccupation actuelleconcernant le développement de nouveauxmoyens de mesure du progrès réel, du bien-être,et de la qualité de vie est si importante. Lesobjectifs de croissance du produit intérieur brut

(PIB), dominant toujours la pensée desdécideurs régionaux, ne font pas simplementperdre de vue ces objectifs plus importants, maispeuvent également s’avérer contre-productifs.Par exemple, un système de transport urbainprivé chaotique et polluant, impliquant denombreux véhicules privés et des routesencombrées, génère en réalité plus de PIB qu’unsystème de transport public sain, efficace etabordable réduisant les embouteillages etfournissant une mode de vie agréable ainsiqu’un bon environnement de travail.

Pensée stratégiqueÉvidemment, le changement ne peut pas êtrelaissé aux seules forces du marché, puisque quel’effet de démonstration international et lepouvoir de la publicité continueront decontracter des demandes indésirables chez lesconsommateurs, ainsi qu’une consommation etune production non durables. Mais les pouvoirspublics ne peuvent pas se contenter de donnerdes réponses toutes faites au changementpermanent des conditions à court terme dumarché. Au lieu de cela, la planification, pasdans le sens de la planification détaillée qui adétruit la réputation des régimes dirigistes maisdans le sens d’une pensée stratégique sur lesexigences et les objectifs sociaux pour le futur,

JAYATI GHOSH est convaincue que l’implicationde l’État dans l’activité économique est devenueimpérative, et qu’une telle implication se doitd’être plus démocratique et responsable.

Politiser la politiqueéconomique

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JAYATI GHOSH est professeur d’économie àl’université Jawaharlal Nehru, à New Delhi, et secrétaireexécutive d’IDEAS (International DevelopmentEconomics Associates). Elle est chroniqueuse pourplusieurs revues et journaux indiens, et membre de laNational Knowledge Commission, groupe de conseildu Premier ministre indien.

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est absolument essentielle. Les politiquesfiscales et monétaires, ainsi que d’autres formesd’intervention, devront être utilisées pourrediriger la consommation et la production versces objectifs sociaux, en vue de modifier lesaspirations sociales et les besoins matériels etde réorganiser la vie économique pour qu’ellesoit plus durable et moins fondée sur le profit.

L’intervention de l’état dans l’activitééconomique étant désormais impérative, il estnécessaire de s’assurer que ces interventionsseront plus démocratiques et justifiables au seinde nos pays et sur le plan international. Unegrande quantité de l’argent public est utilisé et(malgré le débat actuel sur la sortie des plans derelance) continuera à l’être pour les sauvetagesfinanciers et pour fournir des incitationsfiscales dans un futur proche. La manière dontcela est fait aura de sérieuses conséquences surla distribution, l’accès aux ressources et lesconditions de vie des gens ordinaires dont lesimpôts serviront à ces fins. Il est doncindispensable de concevoir une architectureéconomique mondiale plus démocratique. Et ilest encore plus important que les pays dumonde entier soient plus ouvert et à l’écoute desbesoins de la majorité de leurs citoyenslorsqu’ils formulent et mettent en place despolitiques économiques.

Démocratiser la politiqueComment y parvenir ? En d’autres termes,comment la politique industrielle – ainsi que lapolitique macroéconomique en général – peut-elle être réellement démocratisée ? De manièreévidente, les méthodes et les mécanismesdiffèreront selon les économies et les sociétés.Mais on peut énumérer quelques principesfondamentaux.

Premièrement, il faut cesser de penser que lespolitiques économiques appartiennent audomaine technocratique, se plaçant au-dessusdes politiques. Depuis que les politiqueséconomiques concernent également les revenuset la répartition des biens, elles concernent aussiforcément la politique, et cela doit être reconnu,en expliquant clairement toutes lesparticipations de politiques particulières.

Deuxièmement, cela signifie que lespolitiques économiques des pays doivent êtredéveloppées sur une véritable base participative,et non pas uniquement de manière centraliséedescendante par des « consultations »symboliques avec de soi disant « partiesprenantes ». Il ne s’agit pas d’un simple appel à ladécentralisation, devenu une nouvelle « mode »chez les donateurs internationaux. Au lieu decela, la décentralisation de la distribution duservice public pour plus de contrôle des citoyens,

doit être associée à une forme de contrôle centralplus nuancée et complexe sur les décisionsmacroéconomiques cruciales. Les organismesélus nationalement (et non pas les organismesextra nationaux et non responsables comme lesinstitutions Bretton Woods et lesmultinationales) doivent décider de la nature dela stratégie économique. Équilibrer les besoins etles intérêts des différentes régions et des stratesde la société assurera que la création d’emploisbien payés et productifs aura la priorité surl’augmentation du PIB à ses propres fins.

Troisièmement, les acteurs non étatiquesexerçant une influence excessive sur lespolitiques de l’état et recevant de l’état desbénéfices disproportionnés (comme les grossessociétés ou les gros acteurs financiers) doiventêtre dirigés vers le domaine de la comptabilitépublique de manière plus explicite. Comme lesuggèrent la fuite de gaz à Bhopal en Inde, il y aplus de vingt ans, et la marée noire dans le Golfdu Mexique cette année, il faut égalementattribuer des responsabilités dans les dégâtscausés à l’environnement. Mais cela voudraitégalement dire que les sociétés recevant dessubventions implicites ou explicites doiventfonctionner au nom d’un intérêt social plusdéveloppé en termes de prévention del’instabilité excessive, de concentration sur lesobjectifs sociaux comme l’équilibre entre lesrégions et la création d’emplois, de garantie de laqualité pour les consommateurs, et ainsi de suite.

Enfin, les objectifs économiques de la sociétédoivent être élargis, s’éloignant de la fixation surl’augmentation des revenus et des profits, pourse concentrer sur la création d’emplois décents ;l’amélioration des conditions de vie plutôt quela simple accumulation d’objets matériels ; lagarantie de la sûreté et de la sécurité ainsi qu’undroit de parole pour chaque citoyen etl’encouragement de la créativité humaine. Parconséquent, la nouvelle politique industriellene concerne plus seulement l’industrie. Elledevra en plus donner naissance à la libertéhumaine. n

« Comment la politiqueindustrielle – ainsi que lapolitique macro-économique en général –peut-elle être réellementdémocratisée ? »

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Vers un débatplusproductif

HA-JOON CHANG enseigne l’économie àl’université de Cambridge, Royaume-Uni. Il estl’auteur de plusieurs livres politiques influents,dont Kicking Away the Ladder: DevelopmentStrategy in Historical Perspective, et a occupéle poste de conseiller à la Banque mondiale, àla Banque asiatique de développement et à laBanque européenne d’investissement, ainsiqu’à Oxfam. Il a été récompensé par le prixLeontief pour l’avancement des limites de lapensée économique 2005.

Avec le discrédit des politiques orthodoxes et la dénonciation des systèmesà deux poids deux mesures, la politique industrielle n’est plus un tabou.HA-JOON CHANG plaide pour l’acceptation du fait que la politiqueindustrielle peut fonctionner, au moins à certains moments, ainsi que pourune pensée qui sorte des sentiers battus afin de la rendre plus efficace.

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Pendant les trois dernières décennies, la politique industrielle – ou plusprécisément, la politique industrielle sélective, dans laquelle le gouvernementintervient d’une manière qui fait la distinction entre les secteurs industriels –a été ignorée de l’agenda de la politique dominante. Dans le monde développéanglophone d’où est originaire le néo-libéralisme, la politique industrielle estdénoncée pour « sélectionner des perdants » dans une tentative mal orientéevisant à « sélectionner des gagnants ». Grâce à un changement intellectuel etpolitique orienté vers le néo-libéralisme à la Banque mondiale et au FMI, desprogrammes d’ajustement structurels (SAP) ont démantelé les politiquesindustrielles existantes grâce à la libéralisation du commerce, à laprivatisation et à la dérégulation des activités commerciales domestiques etde l’investissement direct étranger – ce qu’on appelle plus généralement lespolitiques du consensus de Washington. La montée de l’économie japonaiseet d’autres pays de l’Asie orientale a forcé le débat sur la politique industrielleentre la fin des années 80 et le milieu des années 90, mais, même alors, cela aété écarté comme quelque chose ne fonctionnant que grâce aux conditionspolitiques et culturelles uniques des pays de l’Asie orientale, telles qu’unebureaucratie exceptionnellement douée. Lorsque les économies de l’Asieorientale ont été victimes de problèmes, avec l’éclatement de la bullefinancière japonaise du milieu des années 90 et la crise financière asiatique de1997, la politique industrielle a été blâmée comme étant l’une des causes deleurs problèmes économiques, et déclarée défunte.

Cependant, les problèmes économiques persistants en matière dedéveloppement et d’économies de transition qui ont fidèlement mis enœuvre des politiques orthodoxes – augmentation de l’inégalité des revenus,crises financières à répétition, et, par dessus tout, un ralentissement (voire, uneffondrement) de la croissance, – ont profondément entamé la réputation duConsensus de Washington. Au début des années 2000, même les principauxpartisans de Consensus de Washington ont commencé à modifier leurspositions, quand bien même ils ne sont pas parvenus à changer quoi que cesoit de fondamental. Certains autres ont évoqué un post-Consensus deWashington, bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la signification réelle de ceterme.

Même dans cette retraite de l’orthodoxie du marché libre, le rejet d’unepolitique industrielle sélective – et de toutes les mesures politiques quil’accompagnent, telles que la protection douanière, les subventions, larégulation des investissements étrangers, la nationalisation de sociétésfinancières et industrielles – a persisté. De nombreuses personnes ayantcritiqué l’orthodoxie du marché libre ont fixé des limites à la politiqueindustrielle sélective et ont soutenu que, bien qu’il y ait des arguments pourune politique industrielle, elle doit être d’un type « général » qui n’engendrepas de discrimination entre les secteurs – éducation, formation,infrastructures, etc. Une politique industrielle sélective, pour de nombreusespersonnes, est encore inadmissible.

Cependant, les choses sont en train de changer. La crise financièreinternationale de 2008 a un peu plus dévoilé les limites de l’orthodoxie dumarché libre. Jusqu’alors, de nombreuses personnes estimaient que lespolitiques orthodoxes fonctionnaient dans les pays riches, en particulier dansles pays anglo-américains d’où elles proviennent. Le problème, selon lescritiques, résidait dans le fait que ces politiques avaient été imposées aux paysen développement auxquels elles ne convenaient pas. Mais la crise de 2008 amontré que ces politiques ne conviennent pas non plus aux pays riches. Avecl’explosion de la crise aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans les économiesplus restreintes qui avaient le plus agressivement mené une stratégienéolibérale relativement à la dérégulation financière (Irlande, Islande, Doubaï,Lettonie, etc.), on constate un changement d’opinion. Comme l’a dit avechumour l’ancien secrétaire au commerce britannique, Lord Peter Mandelson,il faut davantage d’« ingénierie réelle » et moins d’« ingénierie financière »,reconnaissant qu’une politique industrielle sélective a un rôle important àjouer dans le processus.

Dans le même temps, le gouvernement a renfloué GM et Chrysler auxÉtats-Unis, et les subventions accordées au secteur automobile et autres parles gouvernements d’autres pays développés, ont dévoilé un système à deuxpoids deux mesures que ces pays ont appliqué en conseillant aux pays endéveloppement de ne pas recourir à une politique industrielle active.

Il est bien évidemment trop tôt pour dire si tout cela – le discrédit despolitiques orthodoxes et le dévoilement des systèmes à deux poids deuxmesures des pays riches – mènera à un rétablissement de la politique

« Comme l'a dit avec

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Mandelson, il faut

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sélective a un rôle

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industrielle. Cependant, il est indéniable que les termes du débat relatif à lapolitique industrielle ont changé. La politique industrielle n’est plus untabou. Il existe une reconnaissance ouverte, même parmi les critiques et lessceptiques, du fait que la déclaration de la disparition de la politiqueindustrielle peut avoir été prématurée. De plus en plus de personnesacceptent le fait qu’au moins certaines économies doivent rééquilibrer leurséconomies à l’abri du secteur financier pléthorique, et que cela peut nécessiterune politique industrielle active. Avec la mise en évidence du système à deuxpoids deux mesures des pays riches, les pays en développement vont pouvoirplus facilement défendre leur politique industrielle vis-à-vis des critiquesémanant des gouvernements donateurs et des institutions financièresinternationales. Cela pourrait également avoir une influence sur l’évolutionde l’Organisation mondiale du commerce et d’autres éléments du système decommerce international.

Comprendre la politique industrielleLa politique industrielle est une chose tellement controversée que les gens nes’accordent même pas quant à sa définition, mais que la plupart d’entre nousla définirait comme une « politique industrielle ciblée » ou « sélective ». Dansce sens, la politique industrielle est généralement associée aux économies del’Asie orientale (Japon, Corée du sud, province chinoise de Taïwan etSingapour) pendant leurs années « miracle », entre les années 50 et 80.

Au début du débat relatif à la politique industrielle (à la fin des années 70 etau début des années 80), certaines personnes ont nié son existence même sousprétexte que les pays de l’Asie orientale n’ont pas beaucoup dépensé ensubventions. Néanmoins, il était manifestement évident que la politiqueindustrielle en Asie orientale a impliqué bien plus que la distribution dedroits de douane et de subventions à des secteurs orientés vers le marchédomestique et non compétitifs sur le plan international. L’ampleur des outilsde politique déployés était très importante : subventions directes et indirectesà l’exportation ; politiques visant à assurer une économie d’échelle ; politiquesvisant à restreindre une « concurrence excessive » ; réglementation desimportations technologiques ; exigences imposées sur l’investissement directétranger ; provisions et/ou subventionnement étatiques de la recherche etdéveloppement (R&D) et formation des travailleurs.

De surcroît, la politique industrielle n’était pas une pratique limitée àl’Asie orientale de la fin du XXe siècle.

En premier lieu, des expériences réussies de politique industrielle de la findu XXe siècle se trouvent également dans de nombreux pays européens(politiques industrielles nationales en Autriche, en Finlande, en France et enNorvège ; politiques industrielles régionales en Allemagne et en Italie). Mêmedans le cas des États-Unis, il existait de nombreuses politiques industrielles « masquées » par l’intermédiaire de programmes fédéraux de R&D. En dépitde sa rhétorique du marché libre, lorsque l’on a abordé les dépenses de R&D,le gouvernement américain s’est montré plus interventionniste que nombrede gouvernements concurrents. Tout au long de la période qui a suivi laSeconde Guerre mondiale, la part du gouvernement dans le financement totalde la R&D aux États-Unis représentait 40 à 65 %, contre environ 20 % au Japonet en Corée du sud et moins de 40 % en Belgique, en Finlande, en Allemagneet en Suède. Il est notable que la plupart des secteurs où les États-Unispossèdent une avance technologique internationale sont ceux ayant bénéficiéd’un financement de R&D important de la part du gouvernement via desprogrammes militaires (par exemple, l’informatique, les semi-conducteurs,l’aviation) et des programmes de santé (par exemple, les produitspharmaceutiques, les biotechnologies).

Deuxièmement, au XIXe siècle et au début du XXe, lorsqu’ils étaient eux-mêmes des pays en développement, tous les pays riches actuels ont pratiqué leprotectionnisme et développé une politique industrielle via des subventions,des détentions publiques, une réglementation des investissements directsétrangers et se sont délibérément montrés laxistes vis-à-vis du régime desdroits de la propriété intellectuelle. Par exemple, la Grande-Bretagne et lesÉtats-Unis, pays dont la plupart des gens pensent qu’ils ont inventé le libre-échange, figuraient parmi les pays les plus protectionnistes au mondependant leur période de rattrapage (respectivement du milieu du XVIIIesiècle au milieu du XIXe siècle, et du milieu du XIXe siècle au milieu du XXesiècle). La France, l’Autriche, la Finlande, la Norvège, Singapour et Taïwan ontutilisé de manière importante des entreprises nationalisées pendant lapériode qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, le Japon, ‰

« En dépit de la rhétorique

du marché libre, lorsque

l'on aborde les dépenses

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la Corée du sud, Taïwan et la Finlande ont fortement réglementél’investissement direct étranger lorsqu’ils en ont fait les frais. Les Pays-Bas etla Suisse, deux pays qui ont (presque) pratiqué le libre-échange, ont refuséd’introduire un droit des brevets et jusqu’à 1912 et 1907, respectivement (sousprétexte qu’un brevet, en tant que monopole créé artificiellement, estincompatible avec le principe du libre-échange).

Troisièmement, contrairement à la perception populaire, les pays endéveloppement ne se sont pas mal comportés lorsqu’ils ont mené plusactivement des politiques industrielles pendant la période d’industrialisationpar substitution aux importations (ISI) des années 60 et 70. En fait, au cours decette période, ils ont bénéficié d’une croissance beaucoup plus rapide qu’à l’«ère de l’impérialisme », lorsqu’ils étaient contraints au libre-échange et à despolitiques industrielles de laisser-faire via des règles coloniales ou des « traités inégaux » (qui les ont privés de leur autonomie de tarifs douaniers).Sous les gouvernements coloniaux et les traités inégaux, les économies denombreux pays en développement se sont contractées ou, au mieux, se sontdéveloppées de manière anémique. Leurs performances de croissance pendantla période ISI étaient également bien meilleures que celles de la période la plusrécente du néo-libéralisme, lorsqu’ils avaient moins recours à la politiqueindustrielle. Par exemple, au cours des années 60 et 70, le revenu par tête enAmérique latine et en Afrique subsaharienne a augmenté de 3,1 % et de 1,6 %par an respectivement. Ces taux sont tombés à 1,1 % et 0,2 % entre 1980 et 2009.

Individuellement, les preuves ci-dessus, ainsi que la preuve relative àl’expérience de l’Asie orientale que nous avons abordée plus haut, ne prouventrien. Cependant, prises ensemble, elle soulèvent quelques questions difficilespour les sceptiques de la politique industrielle. Si la politique industrielle n’apas été confinée à l’Asie orientale à la fin du XXe siècle, il devient difficile deminimiser l’importance de son rôle en Asie orientale en recourant à des « forces compensatoires » propres à certaines régions et à certaines époques.Même si de nombreux pays ayant eu recours à la politique industrielle n’ontpas réussi, le fait que quelques-uns des pays riches actuels soient devenusriches sans politique industrielle nous invite à nous demander si une bonnepolitique industrielle peut être une condition nécessaire, bien que nonsuffisante, au développement économique. En examinant l’ensemble de cesgroupes de faits, nous allons certainement nous demander si la politiqueindustrielle est tellement mauvaise, comment il se fait qu’à chaque ère leséconomies à la croissance la plus rapide sont celles qui ont une politiqueindustrielle forte : la Grande-Bretagne entre le milieu du XVIIIe siècle et lemilieu du XXe siècle, les États-Unis, l’Allemagne et la Suède entre la fin duXIXe siècle et le début du XXe siècle ; l’Asie orientale, la France, la Finlande, laNorvège et l’Autriche à la fin du XXe siècle ; et la Chine actuellement.

Comment faire une meilleure politique industrielle ? Bien qu’il existe en réalité une preuve empirique beaucoup plus forte pour lapolitique industrielle que ne le pensent la plupart des gens, le débat fait rage etne sera probablement jamais résolu de façon concluante. Mais le point positifest que nous n’avons pas besoin de « preuve » absolue de son mérite, d’unemanière ou d’une autre, pour faire progresser le débat. Dans la mesure oùnous sommes d’accord sur le fait que les politiques industrielles peuventfonctionner, nous pouvons encore avoir un débat productif sur la manière dela rendre plus efficace.

Politique industrielle ciblée – sélective contre politique industrielle généraleDe nombreuses personnes soutiennent que la politique industrielle devraitêtre de type « général » (ou « fonctionnel ») plutôt que « sélectif » (ou « sectoriel »), qu’elle devrait offrir des éléments tels que l’éducation, la R&D etune infrastructure qui profitent également à tous les secteurs plutôt qued’essayer de « sélectionner les gagnants ».

L’un des problèmes de cette opinion réside dans le fait que dans un mondeaux ressources rares, il n’existe pas vraiment de politiques industriellesgénérales ayant un impact identique sur chaque secteur. Les subventions à laR&D favorisent les secteurs qui utilisent intensivement la R&D ;l’investissement dans les infrastructures dépend des lieux et nous ne pouvonspas former des ingénieurs également utiles à tous les secteurs.

Maintenant, si le ciblage est inévitable, sommes-nous au moins en mesured’affirmer que des politiques moins ciblées sont meilleures ?Malheureusement non : le ciblage a ses avantages et ses problèmes. En effet,en politique sociale, de nombreuses personnes estiment que plus une

« Si la politique industrielle

est tellement mauvaise,

comment se fait-il qu'à

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à la croissance la plus

rapide sont celles qui ont

une politique industrielle

forte ? »

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politique est ciblée, meilleur c’est. Au lieu de discuter quant à savoir si nousdevons cibler, nous devrions discuter des niveaux optimaux de ciblage pourles différents types de politiques.

L’État peut-il « devancer le marché » ?Un argument classique à l’encontre de la politique industrielle est que, étantdonné les limites des informations et des capacités, l’État n’est pas en mesurede « devancer le marché ». Cependant, il existe quelques exemples dansl’Histoire où les fonctionnaires du gouvernement ont pris des décisions quisont allées ouvertement à l’encontre des signaux du marché, uniquement afinde développer les entreprises les plus couronnées de succès de l’Histoire (parexemple, le secteur automobile japonais, l’aciériste coréen POSCO et lacompagnie aérospatiale brésilienne Embraer).

De plus, pour expliquer ces cas de réussite, il n’est pas nécessaire desupposer que les fonctionnaires du gouvernement soient omniscients nimême qu’ils soient plus intelligents que les capitalistes. Beaucoup dedécisions « supérieures » (mais pas toutes) prises par l’État l’ont été car lesfonctionnaires du gouvernement étaient en mesure de considérer les chosessur un plan national et à long terme plutôt que catégoriel et à court terme.

Au lieu de discuter afin de savoir si l’État peut devancer le marché, nousdevrions discuter de la manière d’améliorer les conditions du personnel et lesconditions organisationnelles d’une bonne prise de décision par l’État.

Économie politiqueUn autre ensemble d’objections à la politique industrielle peut être décritsous la forme d’arguments d’« économie politique » où les critiques se sont àjuste titre interrogés sur le leadership politique en développementéconomique, sur la cohérence de la machine étatique et sur la capacité del’État à discipliner les bénéficiaires de son soutien.

Les problèmes d’économie politique doivent être considéréssérieusement. Cependant, nous ne devons pas laisser le mieux devenirl’ennemi du bien. Si nous attendons que l’état parfait émerge, rien ne serajamais réalisé. Dans le monde réel, les pays qui réussissent sont ceux qui sontparvenus à trouver des solutions « suffisamment bonnes » à leurs problèmesd’économie politique, et qui ont mis en œuvre des politiques. Pour faireavancer le débat, nous devons aborder la façon dont il est possible de réaliserdes améliorations pragmatiques au sein de la politique d’un pays.

Nous devons améliorer notre compréhension de problèmes tels que :comment peut-on créer des visions politiques efficaces et les déployer afin d’ inciter plusieurs personnes et groupes à agir de manière concertée ;comment peut-on développer des nations et des communautés à partir degroupes disparates qui peuvent même avoir une très longue histoired’hostilité et de méfiance mutuelles ; comment peut-on concevoir des pactessociaux et développer des conditions durables à leur suite ; commentaccepter en partie mais améliorer les traditions et les routinesorganisationnelles de la bureaucratie et comment peut-on minimiserl’activité des groupes de pressions et les pots-de-vin socialement néfastestout en maximisant les flux d’informations entre l’État et le secteur privé.Afin d’aborder pleinement ces problèmes, nous, les économistes, devonsdépasser les limites ordinaires et travailler avec les intéressés (politiciens,fonctionnaires du gouvernement, hommes d’affaires) ainsi qu’avec lesintellectuels d’autres domaines (sciences politiques, sociologie,anthropologie, psychologie, études culturelles).

Capacités bureaucratiquesQuelle que soit la volonté et la force de l’État, et aussi « correcte » que soit savision, les politiques sont susceptibles d’échouer si les fonctionnaires dugouvernement qui les mettent en œuvre ne sont pas capables. Des décisionsdifficiles doivent être prises avec des informations restreintes et desincertitudes fondamentales, souvent sous une pression politique del’intérieur et de l’extérieur du pays. Cela nécessite des décideurs intelligents etdotés de connaissances appropriées.

Dans ce contexte, des personnes ont soutenu que des politiques « difficiles», telles qu’une politique industrielle (sélective) ne doivent pas être tentées pardes pays aux capacités bureaucratiques limitées. Et c’est pour cette raison quele rapport de 1993, Le miracle de l’Asie orientale, de la banque mondiale arecommandé les modèles du Sud-Est asiatique (Thaïlande, Malaisie etIndonésie), où la politique industrielle était parfaitement circonscrite ‰

« Au lieu de discuter quant

à savoir si nous devons

cibler, nous devrions

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optimaux de ciblage pour

les différents types de

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partiellement en reconnaissance de la relativement médiocre qualité deleur bureaucratie, en tant que modèle de politique industrielle pour d’autrespays en développement.

Au niveau général, je ne peux pas contester la proposition selon laquellenous avons besoin de bureaucrates capables afin de concevoir et de mettre enœuvre de bonnes politiques. Cependant, ce point sensible est souventexagéré dans le monde des politiques sous la forme de l’avertissement « netentez pas de le faire chez vous » que l’on peut voir à la télévision lors decascades dangereuses.

Le premier problème soulevé par l’argument « ne tentez pas de le fairechez vous » est qu’il n’existe aucune base à la supposition qu’une politiqueindustrielle est plus difficile que d’autres. Deuxièmement, une autresupposition implicite, qu’une politique industrielle nécessite uneconnaissance sophistiquée de l’économie, n’est pas non plus certaine. Lesdécideurs politiques industriels de l’Asie orientale n’étaient pas deséconomistes (ils étaient hommes de loi au Japon et en Corée du sud, etingénieurs à Taïwan et en Chine) et jusque dans les années 70, le peud’économie qu’ils connaissaient était du « mauvais » type : Marx, L’Écolehistorique allemande, Schumpeter, et ainsi de suite. Troisièmement,l’argument « ne tentez pas de le faire chez vous » suppose que lesbureaucraties de haute qualité sont très difficiles à développer et que les paysde l’Asie orientale ont été exceptionnellement chanceux d’en avoir hérité despériodes précédentes. Cependant, une bureaucratie de haute qualité peut sedévelopper assez rapidement, comme le montrent les exemples de la Coréedu Sud et de Taïwan. Quatrièmement, les politiques comprennent égalementun aspect d’« apprentissage sur le tas ». Si vous n’« essayez » pas, vous nemaîtriserez jamais les politiques difficiles. Et finalement, le fait que quelquechose soit « difficile » n’est pas une raison pour ne pas le recommander. Aprèstout, on répète aux pays en développement d’adopter des institutions de « meilleures pratiques » ou de « normes internationales » utilisées par lespays les plus riches, même s’il semble évident que nombre d’entre eux nepossèdent pas les capacités pour gérer de telles institutions. Pour êtredavantage productif, plutôt que de déplorer le manque de capacitésbureaucratiques des pays en développement, nous devons discuter davantagede la manière de les améliorer.

Mesure des performancesLes performances deviennent difficiles à mesurer, surtout lorsqu’une politiqueindustrielle est globale, car quasiment tous les prix sont « déformés » et sontégalement sujets à des manipulations. Mais plutôt que de discuter quant àsavoir s’il est possible de définir et de mettre en œuvre des cibles deperformance efficaces (ce qui l’est certainement), nous aimerions nousconcentrer sur des questions telles que : l quels sont les indicateurs de performance à utiliser et pour quelssecteurs ? l comment pouvons-nous définir des cibles de performance crédibles sansdevenir trop rigides à leur sujet ?l comment le gouvernement peut-il être à l’écoute du secteur privé sans luiêtre redevable ? etl comment devons-nous agir à long terme, mais non sur une périodeillimitée ?

Politique industrielle d’exportationLes exportations jouent un rôle critique dans la gestion de la politiqueindustrielle des pays en développement. Pour parler franchement, ledéveloppement économique est impossible sans de bonnes performances àl’exportation. Le développement économique nécessite l’importation detechnologies avancées, lesquelles doivent être payées avec des devisesétrangères, lesquelles à leur tour doivent être acquises, essentiellement aumoyen d’exportations.

Maintenant, affirmer que les exportations sont la clé du développementéconomique ne signifie pas que les pays en développement doivent adopterle libre-échange. Le succès des exportations nécessite une politiqueindustrielle importante, même pour les secteurs qui se conforment auxavantages comparatifs, car les marchés d’exportation ont des coûts d’entréefixes élevés, que les sociétés et les exploitants agricoles les plus modestes nepeuvent pas supporter. Des subventions directes à l’exportation peuventdécaler les coûts d’entrée, mais celles-ci sont désormais interdites par l’OMC,

« Nous avons besoin de

bureaucrates capables afin

de concevoir et de mettre en

œuvre de bonnes politiques.

Cependant, ce point sensible

est souvent exagéré dans le

monde des politiques sous

la forme de l'avertissement

« ne tentez pas de le faire

chez vous » que l'on peut

voir à la télévision lors de

cascades dangereuses »

Page 29: Making It: L'industrie pour le développement

MakingIt 29

sauf pour les PVD, de sorte que l’aide doit emprunter des canaux différents.Elle peut comprendre une aide d’étatisation du commerce, des schémas departage du risque, des initiatives visant à aider les petits exportateurs àsatisfaire aux normes de qualité et des politiques visant à aider lescoopératives parmi les exportateurs.

À la longue, si un pays doit continuer sur la dynamique de ses réussites àl’exportation, il n’est pas suffisant de compter sur ses secteurs qui seconforment aux avantages comparatifs. Tôt ou tard, il devra mettre à niveauces secteurs d’exportation en secteurs défiant les avantages comparatifs, ce quinécessite une politique industrielle encore plus forte.

Nous devons quitter le débat stérile sur l’ouverture et la croissance, etexplorer la manière dont le libre-échange, la promotion des exportations (cequi, bien évidemment, n’est pas du libre-échange) et la protection des secteursnaissants peuvent être intégrés les uns aux autres.

Modification de l’environnement internationalDe nombreuses personnes soutiennent que les récents changements auniveau de l’environnement commercial international (tels que l’importancemontante des IDE et la concentration industrielle croissante) et leschangements au niveau du commerce international et des règlesd’investissement ont rendu quasiment impossible la mise en œuvre d’unepolitique industrielle.

Il est vrai que la gamme des mesures de politique industrielle que peuventutiliser les pays en développement s’est considérablement réduite par rapportà l’âge d’or de la politique industrielle des années 60 et 70. Cependant, il existeencore une marge de manœuvre pour les pays suffisamment doués etdéterminés. En outre, et surtout dans le contexte de la récente crise financièreinternationale, le paysage commercial international peut changer de manièreimportante, ouvrant des possibilités inattendues permettant de progresser oude traverser des chaînes de valeurs internationales, pour au moins certainsdes pays en développement. En ce qui concerne les règles internationales ducommerce et de l’investissement, ce n’est pas comme s’il s’agissait de loisinaltérables de la nature. Elles peuvent, et doivent être, modifiées si nécessaire.Bien sûr, l’espace des politiques est en pratique soumis à de fortes contraintespar les conditions liées aux aides et aux emprunts bilatéraux et multilatérauxet aux accords de commerce et d’investissement bilatéraux et régionaux,lesquels sont plus restrictifs que l’OMC. Cela dit, je voudrais dire que, dans lamesure où il s’agit de règles établies par des hommes, nous pouvons lesmodifier si nous nous accordons sur le fait qu’elles doivent l’être.

ConclusionMon principal objectif ici est de plaider pour une « pensée hors des sentiersbattus » et de rechercher un terrain d’entente pour les personnes situées dechaque côté du débat relatif aux politiques industrielles. Je pense que, une foisque les adversaires auront renoncé à être aux premières loges et seconcentreront sur davantage de problèmes pratiques, il y aura davantage devastes et fertiles terrains d’entente à explorer.

« Le paysage commercial

international peut changer

de manière importante,

ouvrant des possibilités

inattendues permettant de

progresser ou de traverser

des chaînes de valeurs

internationales, pour au

moins certains des pays

en développement »

Page 30: Making It: L'industrie pour le développement

En 1986, lorsque les producteurs des États-Unis perdaient leur part de marché mondialeen faveur des Japonais, le PDG de Hewlett-Packard à cette époque, John Young, a alorscréé le US Council on Competitiveness afin deréunir les dirigeants du secteur privé pourdévelopper et promouvoir un programme decompétitivité nationale pour les États-Unis.Cette idée a trouvé un écho parmi les PDGaméricains, les présidents d’université et lesdirigeants syndicaux, et les 150 membres duCouncil fêteront son 25ème anniversairel’année prochaine. En l’espace d’un quart desiècle, les défis économiques auxquels sontconfrontés les États-Unis ont évolué, à l’instardes acteurs de l’économie mondiale. En réalité,la nature même de ce que signifie laconcurrence sur le marché mondial a évolué.

Des bouleversements remodèlent radicalementle paysage concurrentiel. Toute personne quipossède un iPhone ou un Blackberry, ou utiliseInternet, sait que la révolution numérique est uneforce de changement monumentale. Elle alimenteune intégration sans précédent des économiesnationales à travers le monde. L’incroyableprolifération des télécommunications de pointesignifie que la connaissance, l’information, lescapitaux et le savoir-faire technologique circulent àtravers les frontières nationales à la vitesse de lalumière. Grâce aux appareils sans fil, chaqueendroit devient un lieu de travail potentiel.Auparavant contraints par leur taille et leurs

ressources, les entrepreneurs et les petitesentreprises peuvent maintenant entrer en contactavec des employés et des clients au niveau mondial.

Les économies émergentesL’avancée rapide des économies émergentes estun autre changement transformationnel. Il y a àpeine 20 ans, la Chine, l’Inde et d’autreséconomies émergentes auraient seulement étéde taille à concurrencer les autres nations sur lesmarchés des produits de base, évoluantlentement sur l’échelle du développementéconomique. Ce modèle s’est effondré depuis. Enune seule génération, les parts des économiesémergentes dans les importations et lesexportations mondiales et les investissementsdirects étrangers ont presque doublé.

Mais il ne s’agit pas de se demander seulementsi les économies émergentes se développent deplus en plus, il s’agit plutôt de savoir commentelles se développent. Le rôle central del’innovation dans la création de richesse nationale,associé à une progression du niveau de vie, a incitéde nombreux pays à adopter des stratégies decroissance fondées sur l’innovation similaires àcelles des États-Unis. À travers le monde, desgouvernements augmentent les dépensespubliques en recherche et développement (R&D),construisent des parcs de recherche et des centresd’innovation, et renforcent la formation descientifiques et d’ingénieurs.

Les entreprises multinationales ayant évoluépour devenir des entreprises véritablementmondiales, un autre changement fondamentalconcerne le commerce international. Il y a vingtans, le commerce se limitait la plupart du temps

aux biens qui se déplaçaient physiquement àtravers les frontières nationales. Mais à l’heureactuelle, la couverture géographique des chaînesd’approvisionnement est devenue mondiale. Parexemple, les entreprises américainesdéveloppent de plus en plus de produits etservices, et servent leurs clients par le biais defiliales étrangères et d’entreprises commercialesétrangères. En réalité, les ventes des filialesétrangères des sociétés américaines sont plus detrois fois supérieures aux exportationsaméricaines de biens et services. Compte tenu deces données, nous devons nous demander quelleest la signification d’un déficit commercial.

Une main-d’œuvre mondialeLa transformation finale est la croissance de lapopulation active mondiale. Avec l’entrée demilliards de personnes des économiesémergentes dans le commerce mondial, l’offre detravail effective mondiale a quadruplé entre 1980et 2005, avec l’augmentation la plus importanteaprès 1990. Une multitude de gens instruits etqualifiés issus des économies émergentes sont enconcurrence sur le marché du travail mondial.Les effets concrets de cette tendance : chaquejour, il est plus facile d’expédier du travail dans lemonde entier en bits et en octets.

Par conséquent, les entreprises externalisentune variété de tâches toujours plus large, allantdu développement de logiciels à la recherche, enpassant par la comptabilité. Si le travail estroutinier, fondé sur des règles et s’il peut êtrenumérisé, alors il existe une source de travail àfaible coût quelque part dans le monde prête àrivaliser pour obtenir ce travail et ces missions.

Avec la mondialisation croissante du commerce, destechnologies et des compétences d’une part, et des économiesnationales de plus en plus interdépendantes d’autre part,DEBORAH WINCE-SMITH croit que le monde a besoin departenariats stratégiques dynamiques pour stimuler lacroissance économique, le développement et l’emploi.

LA COOPÉRATIONINTERNATIONALE ESTVITALE POUR LAPROSPÉRITÉ NATIONALE

MakingIt30

DEBORAH WINCE-SMITHest présidente et PDG du USCouncil on Competitiveness

Page 31: Making It: L'industrie pour le développement

Bien que l’impact de ces transformations soitglobal, chaque pays cherche à identifier despolitiques qui serviront ses intérêts nationaux etsoutiendront la prospérité nationale. Mais enraison de la nature mondiale du commerce, destechnologies et des compétences, et parce que leséconomies mondiales sont de plus en plus liéesles unes aux autres, ces politiques ne peuvent pasêtre adoptées hors de tout contexte.

Depuis que le US Council on Competitivenessa convoqué la première réunion de la GlobalFederation of Competitiveness Councils(GFCC) à Washington, D.C. en septembre 2009,des progrès énormes ont été accomplis vers ledéveloppement d’une meilleure compréhensiondes questions économiques et de compétitivité auniveau mondial. Les huit membres fondateurs dela GFCC sont : le Brésil, le Chili, l’Égypte, l’Inde,l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, laRépublique de Corée et les États-Unis, qui ontengagé leur temps et leurs ressources afind’assurer une base solide pour la nouvelleorganisation.

Les objectifs principaux de la GFCCcomprennent :l La création d’un dialogue permanent entre lesdirigeants des conseils de la compétitivité àtravers le monde qui se sont engagés pourassurer leur prospérité nationale et la prospéritédu monde. l L’établissement d’un forum mondial pourl’échange d’informations, d’idées et demeilleures pratiques entre les conseils de lacompétitivité pour promouvoir la compétitiviténationale et ainsi promouvoir la croissanceéconomique mondiale.

l L’identification des défis et des obstaclesémergents qui compromettent la compétitiviténationale, la croissance mondiale et laprospérité grâce à la collaboration desdirigeants des conseils de la compétitivité àtravers le monde. l L’établissement d’un modèle de coopérationmondiale pour la compétitivité qui soutienne laprospérité nationale fondée sur l’innovation, lacroissance et le développement économiquesdurables.

Les initiatives politiquesEn 2010, la GFCC poursuivra deux initiativespolitiques révolutionnaires : l’élaboration d’unensemble de principes de compétitivitémondiale et un examen des mesures decompétitivité actuelles utilisées dans lesclassements nationaux. Conçus sur le modèle del’« Appel à l’action » mondial édité à l’occasiondu Council on Competitiveness NationalEnergy Security, Innovation andSustainability Summit and InternationalDialogue l’an dernier, les principes decompétitivité seront un outil précieux pourdévelopper la compréhension globale desfacteurs qui influent sur la compétitiviténationale dans une économie mondialisée.

Pilotée par le Presidential Council onNational Competitiveness de la République deCorée, l’initiative visant à réviser la liste actuelledes indicateurs de compétitivité s’appuie surune discussion entamée lors de la réunion de laGFCC en septembre 2009. Lors de cetteréunion, les participants ont demandé si lesmesures adaptées étaient utilisées, et quelsnouveaux indicateurs devraient être envisagéspour évaluer adéquatement la compétitivitéd’un pays.

Partout à travers le monde se développe uneconvergence croissante vers les intérêtsnationaux affectés par la conjonctureéconomique mondiale. L’interdépendancecroissante entre les nations offre une occasionidéale pour dépasser l’engagement statique etviser des partenariats stratégiques mondiauxdynamiques qui stimuleront la croissanceéconomique, le développement et l’emploi. n

« Mais en raison de lanature mondiale ducommerce, des technologieset des compétences, et parceque les économiesmondiales sont de plus enplus liées les unes auxautres, ces politiques nepeuvent pas être adoptéeshors de tout contexte ».

MakingIt 31

Investissementsdirects étrangers

Consommationd’énergie

ImportationsExportations

Part des économies émergentes par rapport au total mondial

Produit intérieurbrut

19%

12%

30%

25%

20%

15%

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23%

36%

20%

1986 2005 1986 2005 1986 2005 1986 2005

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MakingIt32

Après avoir assisté à la disparition du « deuxièmemonde » en 1989, lors de la chute ducommunisme, nous avons observé en 2009 la finde ce que l’on appelait le « tiers monde » : nousvivons maintenant dans une nouvelle économiemondiale multipolaire qui évolue rapidement, oùle Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest ont cessé d’êtrel’expression d’un destin économique pour ne plusêtre que des points cardinaux sur une boussole.

La pauvreté continue de sévir et doit êtrecombattue. Les États défaillants existent toujourset doivent être pris en compte. Les défismondiaux s’intensifient et doivent être relevés.Toutefois, nous devons aborder ces questionsdans une optique différente. Les notions désuètesde pays développés et de tiers monde, dedonateurs et de demandeurs, de leaders et desuiveurs ne correspondent plus à la réalité.

Aujourd’hui, nous constatons déjà les limitesdu multilatéralisme. Le cycle de négociationsmondiales de Doha et les discours sur leschangements climatiques à Copenhague ontrévélé à quel point il était difficile de partager lesresponsabilités et les bénéfices mutuels entre lespays développés et les pays en voie dedéveloppement. Et cela vaut pour un grandnombre de défis qui se profilent à l’horizon : l’eau,

les maladies, les migrations, la démographie et lesÉtats fragiles et sortant de conflits.

Il n’est plus possible de résoudre d’importantsproblèmes internationaux sans développer lacoopération entre les pays. Au moment où nousconsidérons le G-20 comme un nouveau forum,nous devons prendre garde de ne pas imposerune nouvelle hiérarchie rigide au monde. Nous nepouvons pas non plus aborder ce monde enpleine évolution à travers le prisme de l’ancien G-7 ; les pays développés, aussi bien intentionnéssoient-ils, ne peuvent pas représenter le point devue des économies émergentes.

Pouvoir et responsabilitéMais pour moderniser le multilatéralisme, il nesuffit pas que les pays développés apprennent às’adapter aux besoins des puissances émergentes.Le pouvoir confère des responsabilités. Les paysen développement doivent reconnaître qu’ils fontaujourd’hui partie de l’architecture mondiale etqu’ils ont tout à gagner d’un multilatéralismesalutaire.

Le statu quo géopolitique n’est pas une optionviable. La « nouvelle géopolitique de l’économiemultipolaire » doit répartir les responsabilitéstout en tenant compte de la diversité des

perspectives et des circonstances, afin depromouvoir les intérêts communs.

Prenons l’exemple de la réforme financière : ilest bien entendu nécessaire d’améliorer laréglementation financière. Mais méfions-nousdes conséquences indésirables telles que leprotectionnisme financier. Les réglementationsélaborées à Bruxelles, Londres, Paris ouWashington peuvent donner de bons résultatsdans le cas des grandes banques, mais pourraientstopper la croissance et les opportunitéséconomiques dans les pays en voie dedéveloppement. Wall Street a mis en évidence lesdangers de l’imprudence financière et nousdevons en tenir compte et prendre des mesuresénergiques. Mais l’innovation financière,lorsqu’elle est utilisée et supervisée avec prudence,engendre des gains d’efficacité et protège contreles risques, y compris pour le développement. Leprisme populiste du G-7 risquerait de priverd’opportunités des milliards d’êtres humains.

Prenons l’exemple du changement climatique :il peut aller de pair avec le développement etgagner le soutien des pays en développementpour une croissance faible en carbone, mais àcondition cela ne leur lie pas les mains. Les paysen développement ont besoin d’aide et de moyens

Le statu quogéopolitique n’estpas une optionviable. ROBERTZOELLICK, présidentdu Groupe de laBanque mondiale,constate que lesdécisions et lessources d'influenceexistent en dehorsde la sphèregouvernementale.

Moderniser lemultilatéralisme pourun monde multipolaire

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Page 33: Making It: L'industrie pour le développement

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financiers pour investir dans une croissance pluspropre. Pas moins de 1,6 milliard de personnessont privées d’accès à l’électricité. Bien que nousdevions protéger l’environnement, nous nepouvons condamner les enfants africains à faireleurs devoirs à la lueur d’une chandelle ou priverles travailleurs africains de possibilités d’emploidans le secteur manufacturier. Le défi est desoutenir les transitions vers des énergies pluspropres sans compromettre l’accès, laproductivité et la croissance nécessaires pourarracher des centaines de millions de personnes àla pauvreté.

Perspectives des pays en développementPrenons la réponse à la crise : dans un monde entransition, le danger est que les pays développésprivilégient les sommets consacrés aux systèmesfinanciers ou qu’ils se focalisent sur les problèmesde gestion de pays développés comme la Grèce. Lespays en développement ont besoin de sommetsconsacrés aux pauvres. Écouter les problèmes despays en développement n’est plus une simplequestion de charité ou de solidarité : il y va de notrepropre intérêt. Ces pays sont aujourd’hui desmoteurs de croissance et des importateurs de biensd’équipement et de services produits par les pays

développés. Les pays en développement ne veulentpas débattre uniquement du niveau élevé de ladette dans les pays développés ; ils veulent que laréflexion porte sur des investissements productifsdans l’infrastructure et le développement du jeuneenfant. Ils veulent avoir libre accès aux marchéspour créer des emplois, améliorer la productivité etaccélérer la croissance.

Ce nouveau monde requiert des institutionsmultilatérales rapides, flexibles et responsables,capables de mobiliser les ressources nécessairespour donner la parole à ceux qui ne peuvent faireentendre leur voix. Pour les aider à jouer ce rôle, leGroupe de la Banque mondiale doit évoluer. Et ildoit le faire à un rythme toujours plus rapide.C’est pourquoi nous avons lancé les réformes lesplus ambitieuses de toute l’histoire de notreinstitution, notamment l’encouragement du droitde vote et de la représentation des pays endéveloppement. Mais pour résoudre desproblèmes, il faut des ressources. La Banquemondiale a besoin de davantage de ressourcespour soutenir la reprise de la croissance et faire dumultilatéralisme moderne une réalité dans cettenouvelle économie mondiale multipolaire. Sicette reprise s’essouffle, nous ne pourrons pasintervenir. C’est pourquoi la Banque mondiale,

pour la première fois en plus de 20 ans, cherche àaugmenter son capital.

Multilatéralisme moderneDans la nouvelle économie mondialemultipolaire, l’autorité gouvernementale relèveencore pour l’essentiel des États-nations Mais denombreuses décision et sources d’influenceexistent en dehors de la sphère gouvernementale.Le multilatéralisme moderne doit faire intervenirde nouveaux acteurs, promouvoir la coopérationentre anciens et nouveaux intervenants etmobiliser les institutions mondiales et régionalespour faire face aux menaces et saisir lesopportunités qui dépassent les capacités des Étatsindividuels.

Le multilatéralisme moderne ne sera pas unsystème hiérarchique mais ressembleradavantage au maillage souple d’Internet, qui reliede plus en plus de pays, d’entreprises, d’individuset d’ONG dans un réseau flexible. Des institutionsmultilatérales légitimes et efficaces, telles que leGroupe de la Banque mondiale, peuvent formerun tissu d’interconnexion qui viendra étoffer lastructure de ce système multipolaire dynamique.Nous devons soutenir l’émergence de plusieurspôles de croissance qui profitent à tous. n

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la Chine

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Shanghai : modèle de lapuissance économiquequi se développe le plusrapidement.

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Chineessoréconomiquedela L’impressionnant

En tout juste trois décennies, soit depuis le débutde sa politique de réforme et d’ouverture, la Chinea connu un formidable succès économique. LeProduit intérieur brut a enregistré une croissanced’environ 10 % par an depuis la fin des années1970, ce qui a permis de sortir plusieurs centainesde millions de personnes de la pauvreté absolue.La Chine représente à elle seule plus de 75 % de ladiminution de la pauvreté qu’ont connue les paysen développement au cours de ces 20 dernièresannées.

L’essor de ce pays, qui est à présent la troisièmeplus grande économie au monde, remonte à la findes années 1970, lorsque les dirigeants du paysont adopté des politiques de réforme économiqueconçues pour accroître les revenus et lessubventions accordées au milieu rural,encourager les expérimentations en matièred’autonomie des entreprises, diminuer laplanification centralisée et encourager lesinvestissements directs à l’étranger. La stratégieemployée pour atteindre ces objectifs a étésurnommée le « socialisme aux caractéristiqueschinoises ».

À l’échelle locale, les paysans furent autorisés àobtenir des revenus complémentaires en vendantle produit de leurs propres parcelles sur lemarché libre. Au niveau national, l’avancée versune économie de marché a permis à desmunicipalités locales et à des provinces d’investirdans les secteurs d’activité qu’elles considéraientcomme les plus rentables, ce qui a favorisé lesinvestissements dans l’industrie légère. Lastratégie de développement de la Chine a cessé demettre l’accent sur l’agriculture pour le placer sur

l’industrie légère et la croissance tournée versl’export.

Le développement du secteur de la productionindustrielle légère s’est avéré vital pour un paysen développement travaillant avec relativementpeu de capital. Les revenus générés par ce secteuront été réinvestis dans une production plusperfectionnée sur le plan technologique, dans lesdépenses en capital et dans les investissements.

Le boom économique chinois est fondé sur detrès hauts niveaux d’investissement et, cesdernières années, sur une forte croissance desexportations. L’entrée de la Chine dansl’Organisation mondiale du commerce en 2001 aservi d’élément déclencheur au recul du secteurpublic, à l’augmentation des investissementsétrangers et à la croissance explosive des activitésdu secteur privé. Aujourd’hui, le pays est l’un desplus grands exportateurs au monde et attire desmontants record d’investissements étrangers. Enretour, il investit des milliards de dollars àl’étranger.

En tant que membre de l’Organisationmondiale du commerce, la Chine bénéficie d’unaccès aux marchés étrangers et accepte des’exposer à la concurrence étrangère. Lesrelations de la Chine avec ses partenairescommerciaux ont été tendues en raison del’énorme excédent commercial du pays, qui amené Pékin à demander que la valeur de samonnaie soit réévaluée à la hausse, afind’augmenter le prix des produits chinois pour lesacheteurs étrangers.

Au début des années 1990, le secteur industrielchinois se caractérisait par la production ‰

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MakingIt36

La Chine a réalisé d’impressionnantes perform-ances économiques au cours des trois dernièresdécennies. Selon vous, quelles ont été les clés dece succès ?La clé de l’extraordinaire succès économique dela Chine est sans conteste son attachement fermeau socialisme aux caractéristiques chinoises et àsa politique de « réforme et d’ouverture » sur lemonde qui l’entoure. L’économie de marchésocialiste est née en Chine, où le secteur privéreprésente aujourd’hui environ 60 % du PIB dupays et plus de 70 % des créations d’emploi dansles villes et les communes […]. La Chine ne s’estjamais écartée de sa stratégie d’ouverture pours’implanter rapidement sur le marché mondial,notamment en établissant des zoneséconomiques spéciales afin de désenclaver desrégions côtières, frontalières et intérieures et enattirant, à grande échelle, des capitaux, destechnologies et des talents. L’avancée immuabledes réformes a permis d’augmenterconsidérablement la productivité, d’instaurer uncadre institutionnel, en constante amélioration,pour la politique d’ouverture et de promouvoirefficacement le développement d’une économietournée vers l’extérieur […].

La compétitivité de la Chine s’estconsidérablement améliorée grâce à sonutilisation efficace des ressources et des marchésnationaux et internationaux, à sa participationactive à la division internationale du travail, aurenforcement de la protection des droits depropriété intellectuelle et au soutien apporté àl’innovation.

Prenons comme exemple le développementindustriel déterminé par le processus d’ouverture :la part du secteur industriel à valeur ajoutéechinois par rapport au secteur industriel mondialétait de moins de 1,5 % en 1980 et elle est passée à14 % en 2007. En 2008, la Chine est devenue le plusgros producteur dans 172 catégories de produitsmanufacturés, rapportant plus de mille milliardsd’USD en industrie à valeur ajoutée, et est devenuele deuxième plus gros exportateur de biensmanufacturés au monde.

La politique de réforme et d’ouverture est unepolitique d’État que la Chine doit faire perdurer.Grâce à la réforme et l’ouverture,l’environnement chinois des échanges et des

investissements va continuer à s’améliorer etaussi bien la Chine que le reste du monde ytrouveront leur compte. La Chine ne fermera passes portes uniquement pour des raisons deprotectionnisme et demeurera l’une desdestinations les plus attractives pour lesinvestisseurs.

Comment la Chine est-elle parvenue à maîtriserla crise et la récession économique mondiale ?Lorsqu’il a dû faire face aux défis soulevés par lacrise la plus grave qu’il ait connue depuis laSeconde Guerre mondiale, le gouvernementchinois a rapidement réorienté sa politiquemacroéconomique en donnant la priorité aumaintien d’une croissance économique régulièreet rapide et en tentant de dynamiser la demandenationale. Une politique fiscale proactive et unepolitique monétaire modérée ont été instauréesdans le but d’intensifier les investissements et lacroissance, de stimuler la consommation pour lebien-être de la population et de dynamiserl’emploi pour créer une certaine stabilité.

Un ensemble de contre-mesures ont étémises en œuvre pour lutter contre la crise :

Tout d’abord, dans le but de dynamiser lademande intérieure, les dépenses budgétairesont été augmentées pour encourager lesinvestissements privés. Un plan d’investissementa été établi sur deux ans, d’une valeur de 4 000milliards de renminbi (Rmb), soit 14 % du PIB dela Chine en 2008. Une baisse des impôts d’unmontant de 550 milliards de Rmb a été décidéepour relancer les investissements et laconsommation. Le commerce a été revigoré et laconsommation des ménages stimulée par le biaisd’un certain nombre de mesures, notamment enaccordant des primes pour le remplacementd’anciennes voitures ou d’appareilsélectroménagers et en promouvant, entre autre,l’automobile, les appareils électroménagers et lesmachines agricoles dans les campagnes.

Deuxièmement, pour stabiliser les marchésfinancier, le taux d’intérêt a été revu à la baissecinq fois d’affilée, ce qui a permis de libérerenviron 800 milliards de Rmb de liquidités. Parailleurs, l’agriculture et les petites et moyennesentreprises ont bénéficié d’un soutien financierplus important.

d’assemblage de biens de faible technicité,mais ce n’est plus le cas à présent. La politiqueindustrielle de la Chine est passée dudéveloppement d’une industrie de main-d’œuvre, pendant les deux premières décenniesde la réforme, lorsque la compétitivité du payssur le plan de l’industrie de main-d’œuvretournée vers l’export était à son paroxysme, à uneindustrie capitalistique et high-tech. Bien quecertains secteurs comme celui du textilereprésentent encore une grande part de laproduction manufacturière, une importante partde la production à valeur ajoutée provient àprésent des produits électroniques, relativementmodernes. La Chine est aujourd’hui unimportant producteur et, dans certains cas, unleader mondial, comme dans les secteurs de latéléphonie mobile, des circuits intégrés et del’automobile.

La rapide croissance économique a suscité uneplus grande demande énergétique. La Chine estle plus grand consommateur de pétrole derrièreles États-Unis et le premier producteur etconsommateur de charbon au monde. Cettedépendance considérable vis-à-vis desimportations de pétrole et de charbon, ainsi queles conséquences environnementales liées àl’augmentation massive de l’utilisation decombustibles fossiles, ont incité le gouvernementà favoriser les énergies propres. Selon lesestimations de Bloomberg New Energy Finance,la Chine a dépensé 34,6 milliards d’USD en 2009en projets de combustibles propres, soit presquele double du montant investi par les États-Unis.Les prix de rachat garanti pour l’énergie éolienneont été fixés l’an dernier et le gouvernement aégalement proposé des primes aux compagniesélectriques afin qu’elles installent des panneauxsolaires.

L’objectif de la Chine est de produire enénergies renouvelables, d’ici à 2020, l’équivalentde 700 millions de tonnes de charbon, soit 15 %de son énergie totale. Le gouvernement souhaite,d’ici à 2020, réduire de 45 % les émissions decarbone par unité de produit intérieur brut parrapport aux niveaux de 2005 ; en outre, lapremière usine commerciale de capture et destockage du carbone devrait être opérationnelled’ici la fin de l’année. n

Entretien avec Son Excellence CHEN DEMING, Ministredu Commerce de la République populaire de Chine

S’implanterrapidementsur le marché mondialla Chine

ZOOM SURUN PAYS

Page 37: Making It: L'industrie pour le développement

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Troisièmement, pour revitaliser l’industrie,des plans ont été établis pour dix secteursindustriels clés, dont l’automobile et la sidérurgie,en vue de promouvoir la restructuration et lamodernisation de l’industrie.

Quatrièmement, afin de stimuler l’innovationtechnologique, un Programme National pour leDéveloppement Technologique et Scientifique àmoyen et long terme a été mis en place ; il met unaccent tout particulier sur 16 projets majeurs,notamment l’intégration d’appareilsélectroniques centraux, le développement etl’utilisation de l’énergie nucléaire et l’utilisationde machines-outils à contrôle numériqueavancées. Le développement des industriesémergentes, telles que les nouvelles énergies et laprotection de l’environnement, a été mis enavant.

Cinquièmement, pour assurer le bien-être dela population, 850 milliards de Rmb vont êtreinvestis dans la réforme du système médical et desanté sur trois ans ; un programme d’assurancemédicale en milieu rural, qui concernerait 90millions de personnes, a été introduit à titreexpérimental ; et un soutien financier a été fournipour l’emploi des diplômés et des travailleursmigrants en milieu rural.

Outre l’augmentation de la demandeintérieure, le gouvernement chinois a égalementstabilisé la demande des marchés étrangers, enconservant la valeur du Renminbi et enaméliorant la facilitation du commerce.

En 2009, les effets préliminaires de cespolitiques (le PIB a augmenté de 8,7 %, lesrecettes fiscales de 11,7 % et 11,2 millionsd’emplois ont été créés dans les zones urbaines)indiquent que l’économie chinoise se porte demieux en mieux et qu’elle contribue largement àla reprise de l’économie mondiale.

En termes de développement économiquefutur, quels sont les défis et les difficultés quiattendent la Chine et comment seront-ilsabordés ?Bien que la Chine soit l’un des premiers pays aumonde à rebondir, elle connaît encore quelquesproblèmes profonds. Ce sont principalement lesproblèmes suivants : les revenus des ménages nereprésentent qu’une petite part du revenuintérieur et les consommateurs ne se situent pasdans un élan d’achat ; certains secteursindustriels disposent d’une capacité tropimportante, ils utilisent trop de ressourcesénergétiques et causent de sérieux dégâts àl’environnement ; le niveau d’urbanisation restebas, l’économie rurale est vulnérable et ledéveloppement des entreprises sociales est faible,avec notamment une contribution insuffisantedans les domaines de la santé, de l’éducation, dulogement et de l’administration sociale.

La clé pour aborder ces défis et ces difficultéset pour conserver un développementéconomique régulier et rapide, réside dans latransformation du modèle de croissanceéconomique. Cette transformation permettrad’atténuer l’étranglement systématique etstructurel contraignant le bon développementéconomique de la Chine, de booster le

dynamisme endogène et la durabilité del’économie et de mener à bien un développementcomplet, équilibré et durable.

En premier lieu, nous devons accélérer larestructuration industrielle. De gros effortsseront réalisés afin de faire progresser lamodernisation technologique des industriestraditionnelles et afin d’encourager lesentreprises à utiliser de nouvelles technologies,de nouvelles techniques et de nouveauxéquipements. Une nouvelle croissanceéconomique sera encouragée, axée sur lesindustries stratégiques et émergentes. Dessystèmes industriels émettant peu de CO2 serontconçus dans le cadre de l’effort mené pouréconomiser l’énergie et réduire les émissions. Ledéveloppement du secteur tertiaire, enparticulier des services à la production desentreprises et des services quotidiens à lapersonne, sera accéléré pour tenter de tirer lemeilleur parti du rôle du secteur dans la créationd’emplois.

En second lieu, nous devons susciter laconsommation des ménages. Les efforts visant àajuster la distribution des revenus nationauxseront renforcés, afin d’augmenter larémunération des travailleurs en milieu urbainet rural, d’améliorer le pouvoir d’achat de lapopulation et de tirer profit du rôle que laconsommation joue auprès de la production.

En troisième lieu, nous devons prêterdavantage d’attention aux projets relatifs auxmoyens de subsistance. Une politique d’emploiplus proactive sera mise en place afin de créerdavantage d’emplois et de développer le travail detoutes les manières possibles. Le

perfectionnement du système de sécurité socialecouvrant à la fois les régions urbaines et ruralessera accéléré, les investissements dans lesservices sociaux pour l’assistance publique serontencouragés et le réseau de sécurité sociale seraamélioré.

En quatrième lieu, nous devons continuer ànous ouvrir davantage au monde extérieur. Desefforts seront réalisés pour développer lecommerce extérieur en continu. La physionomiedes exportations sera optimisée, les importationsaugmentées et le régime de perfectionnementsera transformé et modernisé. Les directivesd’utilisation des investissements directs àl’étranger (IDE) seront respectées et la structured’utilisation des IDE sera optimisée. Nousencouragerons les IDE à jouer un rôle plusimportant dans la construction de l’économie. Lamise en œuvre de la stratégie « d’implantationmondiale » sera accélérée et nous encourageronsles entreprises à développer une coopérationéconomique internationale. Les relationséconomiques et commerciales multilatérales etbilatérales seront approfondies pour un soutienmutuel, des opportunités gagnant-gagnant et undéveloppement partagé avec d’autres pays.

Pour conclure, je souhaite souligner que le faitd’accélérer la transformation du modèle decroissance économique constitue une profonderévolution qui doit être explorée et qui doitprogresser de manière pragmatique. Legouvernement chinois est prêt à renforcer sacoopération et à partager son expérience et sesopportunités de développement avec d’autrespays, afin de contribuer à une meilleure stabilitéet à une plus grande prospérité dans le monde. n

« Le gouvernement chinois est prêt à renforcer sacoopération et à partager son expérience et sesopportunités de développement avec d’autres pays... »

Page 38: Making It: L'industrie pour le développement

MakingIt38

L’Organisation des Nations Unies pourl’alimentation et l’agriculture annonçait l’annéedernière que le nombre de personnes souffrantde famine dans le monde avait augmenté depuisdix ans. En 2008, la Banque Mondiale avaitannoncé un recul significatif du nombre depauvres jusqu’en 2005. Mais si la pauvreté sedéfinit principalement en termes des revenusfinanciers nécessaires pour éviter la faim,comment peut-on réconcilier ces deuxannonces ?

Selon le fameux critère du « tant de dollarspar jour » de la Banque Mondiale pour définir leseuil de pauvreté, fixé en 2008 à 1,25 dollar parjour en prix de 2005, 1,4 milliard de personnesvivent encore dans la pauvreté ; ce chiffre, quiétait de 1,9 milliard en 1981 est donc endiminution. Cependant, même si la Chine alargement contribué à cette diminution, il n’enreste pas moins que la planète comptait aumoins 100 millions de pauvres supplémentaires,sans compter la Chine, en 2005 par rapport à1981.

Dans l’Afrique sub-saharienne et danscertaines parties de l’Asie, la pauvreté et la faimdemeurent toujours aussi élevées. Les agences

internationales estiment que plus de 100millions de personnes ont sombré dans lapauvreté en conséquence de la hausse des prix del’alimentation en 2007 et 2008 et évaluent que lacrise financière et économique aura contribué àappauvrir 200 millions de personnessupplémentaires en 2008-2009. La relance del’emploi freinée par ce déclin économique resteun défi majeur pour la réduction de la pauvretédans les années à venir.

Pendant ce temps, les controverses autour dumode de mesure du seuil de pauvreté continuentde jeter un doute sur les progrès actuels. Lasituation pourrait être bien pire que ne le suggèrele calcul basé sur les moyens financiers si l’ondoit considérer les critères adoptés par leSommet social de 1995 qui élargit la définition dela pauvreté en y intégrant la privation, l’exclusionsociale et le manque de participation.

Les inégalités semblent être en augmentationau niveau international ces dernières années etdans la plupart des pays. Plus de 80 % de lapopulation mondiale vit dans des pays où lesécarts de revenus sont de plus en plusimportants. Seuls 5 % des revenus mondiauxsont assurés par 40 % des plus pauvres alors que

Les approches conventionnelles n'ont pas su fournir une croissance rapide et une stabilité économique.Jomo Kwame Sundaram pense que les gouvernementsdoivent jouer un rôle sur le plan du développement.

Repenserla réduction de lapauvreté

« Les 40 % les pluspauvres de la

population mondialereprésentent

seulement 5 % desrevenus mondiaux »

JOMO KWAME SUNDARAMest Sous-Secrétaire généraldes Nations Unies pour ledéveloppement économique.

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MakingIt 39

75 % des revenus sont produits par 20 % des plusriches.

Ces chiffres mitigés de la réduction de lapauvreté obligent à réfléchir à la question del’efficacité des approches conventionnelles.Des pays se sont vus conseiller d’abandonnerleurs stratégies de développement national auprofit de la mondialisation, de la libéralisationdu marché et des privatisations. Au lieu deproduire une croissance rapide durable et unestabilité économique, ces politiques ont renduces pays plus vulnérables au pouvoir des richeset aux caprices de la finance internationale etde l’instabilité mondiale, bien plus fréquente etsévère à cause de la dérégulation.

La plus importante leçon à tirer est lanécessité impérative d’une croissance rapidedurable et des transformations économiquesstructurelles. Les gouvernements doivent jouerleur rôle dans le développement en mettant enœuvre des politiques intégrées conçues poursoutenir la production intérieure et la relance del’emploi et pour réduire les inégalités etpromouvoir la justice sociale.

Une telle approche doit être complétée pardes investissements industriels appropriés etdes politiques en faveur de la technologie ainsique des facilités financières incluantes pourpermettre cette mise en œuvre. Des capacités deproduction nouvelles et potentiellement viablesdoivent être encouragées par des politiques dedéveloppement complémentaires.

Par contre, l’intervention minime desgouvernements et la dépendance sur le marchéont entraîné une forte baisse desinvestissements dans les infrastructures,particulièrement dans le secteur agricole. Cela anon seulement freiné la croissance à long termemais a aussi entraîné une insécurité alimentaire.

Les partisans de politiques économiqueslibérales rappellent souvent la réussite deséconomies d’Asie de l’Est et de leurindustrialisation rapide. Mais aucune de ceséconomies n’avaient adopté le « tout libéral ».Ces gouvernements ont plutôt joué un rôle dedéveloppement en soutenant l’industrialisation,une agriculture et des services à forte valeurajoutée et en améliorant leurs capacitéstechnologiques et humaines.

Les transformations structurelles devraientpromouvoir le plein emploi productif ainsiqu’un travail décent, tandis que lesgouvernements devraient avoir suffisammentde marge de manœuvre politique et budgétaire

pour leur permettre de jouer un rôle proactif etpour garantir une protection sociale universelleadaptée.

Depuis les années 80, la tendance vers uneintervention plus réduite des gouvernements aentraîné un divorce entre les politiques socialeset les stratégies globales de développement. Lesstratégies nationales de développementéconomique ont cédé la place à des programmesde donateurs en faveur de la réduction de lapauvreté, tels que l’allocation des terres, le microcrédit et un marketing « bas de la pyramide » àl’intention des pauvres.

De telles tentatives n’ont pas permis deréduire la pauvreté de manière significative maisont tout de même eu des conséquences positives.Le microcrédit, par exemple, a permis à desmillions de femmes de se prendre en main et cesprogrammes ainsi que leur mise en œuvre ontété très révélateurs.

Par ailleurs, les programmes sociauxuniversels ont permis d’améliorer le bien-êtrehumain bien mieux que certains programmesciblés et sous conditions, alors même quecertains des programmes d’aide financière souscondition ont permis d’améliorer de façonsignificative certains des indicateurs dudéveloppement humain.

Mais la pauvreté reste malheureusementendémique avec plus d’un milliard de personnessouffrant de la faim chaque jour. Il est urgentd’agir, car l’on estime que la récente criseéconomique et financière, qui fait suite à la crisedes prix de l’alimentaire, a freiné plus encore lesprogrès sur la réduction de la pauvreté. Il estaussi à craindre que les changements climatiquesne soient une menace supplémentaire pour lesconditions de vie des populations pauvres.

Le Rapport bisannuel 2010 sur ledéveloppement social dans le monde des NationsUnies, intitulé Rethinking Poverty (Repenser lapauvreté), insiste sur la nécessité de réexaminerle mode de mesure de la pauvreté et les efforts enfaveur de la réduction de la pauvreté. Pour lespauvres du monde, le « retour aux affaires,comme d’habitude » n’a jamais été une optionacceptable. Et les tendances plébiscitées de cestrente dernières années non plus, d’ailleurs. Il nepeut y avoir d’éradication de la pauvreté sans undéveloppement économique durable et équitableque la dérégulation des marchés n’a pas étécapable d’apporter. l Copyright: Project Syndicate, 2010. www.project-syndicate.org

« Les 20 % les plusriches de la

population mondialereprésentent

75 % des revenusmondiaux »

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En décembre 2006, le président Felipe Calderón anommé Juan Rafael Elvira Quesada à la tête dusecrétariat fédéral de l’environnement et desressources naturelles (Secretaría del MedioAmbiente y Recursos Naturales, SEMARNAT).Fort d’une longue et éminente carrière dans ledomaine de la protection environnementale auMexique, le Secrétaire a également été maire de laville d’Uruapan dans l’état du Michoacán.

À la direction du SEMARNAT, Elvira estchargé de l’extension des zones protégées, dudéveloppement forestier, de l’amélioration del’accès à l’eau potable et du traitement des eauxusées, du développement de l’irrigation et durenforcement des mesures de préservation del’eau. Il conduit également la réponse dugouvernement mexicain face aux changementsclimatiques.

« Notre objectif principal est de travailler avecla société, car notre réussite dépend en grandepartie de son implication et de son inclusion.Nous renforçons nos actions à l’aide d’unenseignement sur les thèmes de l’environnementet d’une puissante politique de mise enconformité avec la loi et de mise en application decelle-ci », explique Elvira.

Il ajoute que : « Le gouvernement fédéralapplique une politique environnementale danslaquelle les ressources naturelles et la stabilité duclimat sont considérées comme des biens publicsqui doivent être préservés. »

Deuxième puissance économique d’AmériqueLatine, le Mexique a été durement frappé par lacrise économique mondiale et l’effondrement deséchanges internationaux survenus au cours dudernier trimestre 2008 et du premier trimestre2009. À présent, l’économie du pays commence àse ressaisir, grâce à un sursaut de l’activitééconomique au second semestre 2009 et unpuissant redémarrage début 2010.

Lorsqu’on demande à Juan Rafael Elvira

Quesada si le Mexique est engagé à muter vers une‘économie écologique’, sa réponse est précise : « Pour atteindre un développement durable il fautdiriger les investissements vers des technologiespropres, des énergies renouvelables, une gestion del’eau et un traitement des déchets, afin que chaquesecteur de l’économie devienne ‘écologique’. Celacomprend la création d’emplois écologiques, parceque l’un des principaux objectifs de cetteadministration est d’augmenter l’emploi. »

Elvira continue : « Rendre l’économie plusécologique signifie reconfigurer les activités et lesinfrastructures afin de fournir de meilleursretours sur investissements en capitaux naturels,humains et économiques, tout en réduisant lesémissions de gaz à effet de serre, l’utilisation desressources naturelles, la production de déchets etles disparités sociales. »

Atténuer les changements climatiques est aucœur de la politique nationale de développementdu pays. Le Mexique est le plus gros consommateurd’énergies fossiles d’Amérique Latine car lamajorité de ses émissions de gaz à effet de serreprovient de la production et de la consommationd’énergie. C’est pourquoi, on a introduit en prioritédes mesures d’éco-rendement.

Selon Elvira, le point crucial est d’améliorer lesperformances environnementales du secteurindustriel. « Nous avons collaboré étroitement avecle secteur industriel afin d’améliorer lesperformances environnementales : le registre desémissions et transferts de polluants est une based’informations publique qui évalue lesperformances du secteur industriel et des autressources de pollution et qui aide à identifier lesopportunités de réduction d’émissions et detransferts, tandis que le Programme d’auditenvironnemental évalue la conformité desdifférentes industries avec les loisenvironnementales et met en application lesmesures préventives et correctives. »

Le Mexique se prépare à accueillir la 16ème Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (COP16),qui se déroulera du 29 novembre au 10 décembre 2010 àCancún. À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec JUAN RAFAEL ELVIRA QUESADA, le Secrétaire fédéral de l’environnement et des ressources naturelles du pays.

RENDRE PLUSÉCOLOGIQUEL’ÉCONOMIEMEXICAINE

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Militants de la luttecontre le changementclimatique faisantcampagne contre leréchauffementplanétaire, Mexico.

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Certaines des industries de production dematériaux de base à grande échelle au Mexique,tels que le fer, l’acier et le béton, sont parmi lesplus efficaces au monde. Cependant, une grandepartie du secteur industriel du pays est composéede petites et moyennes entreprises avec desintensités énergétiques relativement élevées,utilisant souvent des équipements vétustes etn’ayant pas accès aux connaissances et auxmoyens financiers leur permettant de semoderniser. Pour répondre à ces défis,SEMARNAT met en place un Programme decompétitivité du leadership environnementaldans le but d’améliorer la compétitivité deschaînes d’approvisionnement des fournisseursindustriels de petite et moyenne taille à l’aide d’unmécanisme de gestion environnementale centrésur l’éco-rendement. Elvira est enthousiastequant à l’impact de ce programme.

« Les résultats sont très prometteurs : plus de1,7 million de mètres cubes d’économies d’eau,c’est à dire assez pour alimenter à demeure 3 400familles ; des économies d’énergie annuelles de190 millions kW h, soit l’équivalent del’approvisionnement en électricité de 66 000foyers ; et des réductions annuelles de presque 198000 tonnes de CO2 et de 62 000 tonnes dedéchets. Les industries participant au projet ontréalisé des économies de presque 69 millions dedollars US. »

Quant à l’approvisionnement énergétique, lademande en électricité au Mexique a augmentéplus rapidement que le produit intérieur brut aucours des dernières décennies et vaprobablement continuer de la sorte dans le futurproche compte tenu d’une augmentation de laconsommation associée à la croissance del’économie. Le développement des énergiesrenouvelables est une autre stratégie dediminution essentielle. « Nous nous sommesfixés un objectif de 1 957 MW de capacité de

production issu des sources renouvelables, cequi demandera des investissements du secteurprivé d’environ 3 milliard de dollars US »,explique Elvira. L’éolien constitue uneformidable source d’électricité, en particuliersur l’isthme de Tehuantepec situé au sud-est desEtats de Veracruz et d’Oaxaca où la haute qualitédes ressources éoliennes est en mesure defournir l’énergie éolienne la moins chère aumonde.

Sous la présidence de Felipe Calderón, leMexique a fait de nombreux efforts pour devenirune voix prépondérante dans les domainesenvironnementaux, notamment en organisant denombreux sommets internationaux sur leschangements climatiques et en invitant Al Gore, legourou du climat, à discuter des dangers del’inaction. Elvira déclare : « Dans les négociationsinternationales sur les changements climatiques,le Mexique est considéré comme un des leaders.Nous avons introduit le Fond multinational pourles changements climatiques, connu sous le nomde ‘fond vert’. C’est un système financier quicomplète les mécanismes existants et permet deréaliser la Convention sur les changementsclimatiques. »

Pendant la phase préparatoire du COP16, lesommet sur le climat de Cancún, le Mexiqueenvisage déjà les perspectives de résultats positifs,mais pour Elvira il faudra de nouvelles manièresde négocier si on veut aboutir à un accord avec desobjectifs et des actions bien définis. « Les partiesen route vers la Convention de Cancún doiventvenir avec du concret et pas seulement pourplanifier encore quelque chose. Nous devonstravailler avec des signes et des objectifs clairs :réduire les émissions causées par la déforestationet la dégradation des sols et financer à long termeavec des fonds rapidement mis à disposition desprogrammes d’adaptation dans les pays en voie dedéveloppement. »n

MakingIt 41

Juan Rafael ElviraQuesada, responsable dehaut rang du ministère de l'environnement duMexique.

« Les investissementsdoivent être orientésvers des technologiespropres, des énergiesrenouvelables ainsi quevers la gestion de l’eau etle traitement desdéchets, afin que chaquesecteur de l’économiedevienne ‘écologique’. »

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POLITIQUE EN BREF

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Par NOBUYA HARAGUCHI, responsable dudéveloppement industriel de la branchePolitique de développement et recherchestratégique chez l’ONUDI

L’avènement de l’industrie et le déclin del’agriculture est une manifestation bienconnue de la mutation structurelle associéeau développement économique d’un état.Mais que savons-nous des changements quis’opèrent au sein de l’industrie de fabricationau cours du processus de développementvécu par un pays ? Par exemple, à quelmoment le secteur de l’habillement est-ilsusceptible de décoller dans un pays donné ?À quelle vitesse peut-il croître, et pendantcombien de temps ? Quels sont les secteursles plus durables ?

Ce sont des questions particulièrementpertinentes pour les décideurs impliquésdans le développement économique mais,malheureusement, peu d’études empiriquessolides ont été menées sur les parcours dedéveloppement de différents secteurs de lafabrication.

Pour donner aux décideurs une vision plusdétaillée de ce sujet, l’ONUDI a examiné lesschémas de développement industriel ens’appuyant sur des statistiques disponiblesdepuis peu et couvrant les quelques 40dernières années. Ces recherches apportentdes informations utiles pour l’élaboration depolitiques.

Tout d’abord, contrairement à ce quesuggèrent les études existantes et les preuvesanecdotiques, qui tendent les unes commeles autres à sous-estimer le rôle de l’industrieagro-alimentaire dans le développementéconomique, les résultats indiquent que lesecteur des boissons et de l’alimentationconstituent en réalité la colonne vertébralede l’économie de nombreux pays.Généralement, il s’agit du secteur le plus

important au sein de l’industrie defabrication pendant l’essentiel de la périoded’industrialisation ; ensuite, même à unniveau de développement avancé, rares sontles secteurs susceptibles de dépasser sesniveaux de production.

Deuxièmement, les petits pays (c’est-à-direles pays plus petits que la moyennemondiale), qui constituent plus de 80 % detous les pays, tendent à faire face à un degréd’incertitude plus élevé que les grands aucours du développement de l’industrie defabrication. On trouve en effet dans ces pays

moins de secteurs capables de maintenir unecroissance rapide aux stades plus avancésd’industrialisation, tels que la chimie, lesmachines et équipements et les appareilsélectriques, et moins de secteurs d’échelle àforte consommation de capital, comme lesmétaux de base et les métaux fabriqués, àmême de conserver leur croissance aprèsavoir atteint le seuil de revenu de 10 000 $USpar habitant. D’autre part, dans les petitspays, plus de 30 % des modèles dedéveloppement de nombreux secteurss’expliquent par des caractéristiques localesautres que les niveaux de revenu, comme ladotation en ressources naturelles ethumaines, la taille du pays et les niveaux desalaire. L’influence des caractéristiqueslocales peut être telle que certains secteurs nedémarreront pas, et ce quel que soit le degréde développement du pays. Un état peutsimplement souffrir de l’absence de facteursde production essentiels pour ledéveloppement de ces secteurs, comme desressources naturelles, l’abondance decompétences spécifiques ou l’espace requispour réaliser des économies d’échelleindispensables. C’est pourquoi il est plus vitalencore pour les petits pays que pour lesgrands d’orienter leur industrie vers lessecteurs les plus susceptibles d’être avantagésd’après les caractéristiques locales. Lessoutiens gouvernementaux et internationauxdoivent faire consciemment l’effort de

Des résultatsde rechercherévélateurs

« Le secteur des boissons etde l’alimentation restegénéralement le plusimportant au sein del’industrie de fabricationpendant l’essentiel de lapériode d’industrialisation ;ensuite, même à un niveau dedéveloppement avancé, raressont les secteurs susceptiblesde dépasser ses niveaux deproduction. »

Pesage et conditionnement de produits à basede viande, Matadero Central S.A., Chontales,Nicaragua. Le secteur des boissons et del'alimentation constitue la colonne vertébralede l'économie de nombreux pays.

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Page 43: Making It: L'industrie pour le développement

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POLITIQUE EN BREF

Par KAREN ELLIS, chef du programmeCommerce et développement de l’OverseasDevelopment Institute

On prend de plus en plus conscience du faitque la contribution potentielle du secteurprivé au développement dépasse largementl’impact possible de l’aide humanitaire. Lademande croissante en produits éthiques etissus du commerce équitable estsymptomatique de cette sensibilisation aurôle potentiel du commerce. Mais onpourrait faire plus, notamment grâce à denouveaux outils qui permettent de mesurerl’impact du commerce sur ledéveloppement, de nouveaux modèlescommerciaux qui maximisent lacontribution du secteur privé audéveloppement et un meilleur cadreréglementaire pour régir l’implicationéconomique.

De nouveaux outilsL’année dernière, l’Overseas DevelopmentInstitute (ODI), le Department forInternational Development (DFID)britannique et Business Action for Africa ontorganisé une série de rencontres sur lethème du commerce et du développement,auxquelles ont participé de nombreusesentreprises désireuses d’obtenir des conseilspour l’amélioration et la communication deleur impact sur le développement. L’ODImet au point des outils dans ce sens, dont laproposition de nouveau label « Good forDevelopment », qui serait utilisable par lesentreprises obtenant un score suffisant pourun certain nombre d’indicateurs liés auxObjectifs du millénaire pour ledéveloppement. Le soutien de la part duDFID pourrait permettre à l’ODI de testercette initiative dès cette année.

Le label Good for Development pourrait

apporter un avantage commercial auxentreprises qui apportent une contributionsubstantielle et positive à la réalisation desObjectifs du millénaire pour ledéveloppement, à la fois par leur cœurd’activité et par leurs activités liées à laresponsabilité sociale. Il se distinguerait desautres programmes du genre en seconcentrant sur les contributions positivesapportées au développement économique(par la création d’emplois et ledéveloppement des compétences parexemple), plutôt qu’en sanctionnantsimplement le respect de normes minimalesen matière de main d’œuvre ou la réductionde l’impact environnemental.

De nouveaux cadres réglementairesDans le même temps, l’impact du commercesur le développement dans les pays endéveloppement dépend du cadre politiquedans lequel il s’exerce. Les recherchesconduites par l’ODI confirment qu’un bonclimat d’investissement et des marchésouverts et concurrentiels peuvent avoir unbon impact sur le développement, mais untel contexte est rare dans les pays endéveloppement. De nouvelles approchessont nécessaires pour contrer les distorsionséconomiques créées par des intérêts opposésaux réformes favorisant la croissance. Parexemple, l’ODI propose de nouvellesapproches pour mobiliser les intérêtscommerciaux favorables à des réformes pro-croissance, afin de lutter contre les droitsacquis qui s’y opposent.

Depuis la crise financière, on a mis enavant le rôle de l’état dans la régulation et lagestion des marchés. Dans les pays endéveloppement, les gouvernementsinterviennent lourdement sur le marché, parexemple par le biais de politiquesindustrielles qui bien souvent déforment

Le secteur privé etle développement

maximiser le potentiel de développement deces secteurs en renforçant leursinfrastructures, leurs institutions et leursressources humaines.

Troisièmement, les économies d’échelleaident la majorité des secteurs à augmenterses niveaux de production. Toutefois,l’agglomération, qui facilite les interactionsavec les clients, les fournisseurs et lesprestataires de services connexes situés àproximité, semble plus importante pour laproduction de produits chimiques(notamment les engrais et les savons), deplastiques, d’appareils électriques et deminéraux non métalliques (ciments, poterieet porcelaine). Cela suggère que pour cessecteurs, la formation de zones industrielles –qu’elle soit naturelle ou bien le fruit depolitiques visant à fournir une infrastructureappropriée aux producteurs et auxprestataires de services connexes – peutfaciliter la croissance de la production. Ledéveloppement en clusters et la promotiondes consortiums d’exportation peuventconstituer des approches adaptées pour lesproducteurs à fort besoin en main d’œuvrede ces secteurs.

Enfin, les résultats de recherche tendent àdémontrer que dans les petits pays, où lemarché national est généralement troprestreint pour soutenir une croissancesectorielle durable, et où le développementindustriel est trop souvent dépendant desexportations, il est essentiel de maintenir uncoût de main d’œuvre par unité bas parrapport aux producteurs concurrents.Préserver la compétitivité de la main d’œuvreest un facteur important pour la réussite ducommerce d’exportation. Pour y parvenir,deux moyens, à employer ensemble ouséparément : maintenir les salaires à unniveau bas et augmenter la productivité dutravail. Dans la mesure où, dans denombreux pays en développement, lessalaires des travailleurs de l’industrie sontdéjà bas, on cherche habituellement àaméliorer continuellement leur productivité.Faire le choix de l’augmentation de laproductivité pour produire des biens auxprix compétitifs peut avoir des retombéespositives gigantesques pour les petits paysqui peuvent avoir une échelle de productionaux dimensions disproportionnées, auservice des marchés internationaux. n ‰

Page 44: Making It: L'industrie pour le développement

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POLITIQUE EN BREF

les marchés et leur nuisent. Le temps estvenu d’imaginer une nouvelle génération depolitiques industrielles. Il ne s’agit plus desélectionner les gagnants, d’apporter dessubventions ou de protéger les importations.Il faut au contraire employer les politiquesgouvernementales de façon intelligente etsoigneusement hiérarchisée afind’encourager et de faciliter ledéveloppement du secteur privé dans desdomaines à forte croissance potentielle, dansle respect des mécanismes naturels desmarchés.

Propositions concrètesSi le Consensus de Washington a interdittoute discussion intelligente sur ce thème, lacrise a permis de rouvrir le débat. L’ODI ades propositions concrètes à faire en lamatière, qui s’appuient sur d’importantstravaux de terrain : l Consulter les entreprises pour identifierles secteurs de croissance qui présentent unpotentiel de transformation et peuventpermettre aux économies de passerd’industries de matières premièresemployant une main d’œuvre faiblementqualifiée, à des secteurs présentant unemarge de progrès technologique etfavorisant le développement d’un capitalhumain. l Aider ces secteurs à se développement enidentifiant, toujours par la consultation, lesdomaines à cibler en priorité par desréformes. l Travailler avec les entreprises pourencourager des modèles commerciauxfavorables au développement.

Le secteur privé a également un rôlestratégique à jouer en matière de croissanceà faible intensité de carbone dans les pays endéveloppement, mais il ne pourra réaliserson plein potentiel que si les bonnespolitiques sont en place. L’ODI a étudié lesstratégies de croissance à faible intensité decarbone et de réponse au changementclimatique d’un certain nombre de pays endéveloppement, et en a tiré desenseignements, dont l’importance d’uneapproche proactive dans l’identification etl’exploitation des nouvelles opportunités decroissance verte. Par contre, peu d’entre ellesfournissaient suffisamment de garanties etd’informations sur une orientation future

pour permettre au secteur privé d’investiravec confiance. L’ODI tient à faciliter ledialogue entre les gouvernements et lesecteur privé sur ces questions difficiles ;tout soutien en ce sens sera le bienvenu.

L’accès à la finance est indispensable pourle développement du secteur privé et pour laréduction de la pauvreté. Les recherches del’ODI montrent qu’un accès à l’épargne ouau crédit aide les individus de toutes lescatégories de revenus à investir dansl’éducation et la micro-entreprise, et ainsi desortir de la pauvreté. Si l’effort des donateursest souvent concentré sur les institutions demicrofinance, le secteur bancaire aégalement un rôle important à jouer. Nousavons également examiné des politiques quivont dans le sens des marchés et peuventencourager l’élargissement de l’offre deservices financiers par le secteur bancaire ;voici nos recommandations concrètes dansle domaine : l établir des objectifs d’élargissement del’accès aux services pour le secteur bancaire,puis surveiller et publier les résultats ;l faciliter la création de liens entre lesecteur bancaire formel et les institutionssemi-formelles qui touchent plus facilementles populations pauvres ;l soutenir les technologies et les modèlescommerciaux novateurs qui permettent deréduire les coûts. n

Par JACQUELINE NOVOGRATZ, fondatriceet PDG d’Acumen Fund, un fonds à capital-risque international à but non lucratif quiadopte les approches de la gestiond'entreprise pour résoudre les problèmesde la pauvreté dans le monde.

Un nouveau domaine de développementinternational a émergé au cours des dixdernières années et cherche à exploiter lapuissance des forces du marché. Lesinvestisseurs sociaux et les donateursutilisent des « capitaux patients » pourmiser sur des entreprises qui s'attaquentaux défis internationaux tels que la menacepersistante de la malaria, le manque d'eaupotable, la malnutrition chronique et lemanque de scolarisation. Les capitauxpatients comblent une importante lacunesur les marchés de l'aide humanitaire et descapitaux : ils permettent l'expérimentationet l'innovation et commencent à donnerdes résultats tangibles.

Alors que l'investissement de capital seconcentre traditionnellement sur lamaximisation des retours financiers, lescapitaux patients tiennent compte des défisspécifiques rencontrés dans lescommunautés à faibles revenus : nécessitéde créer l'acceptation des nouveauxproduits, fonctionnement avec desinfrastructures médiocres, clients à faiblesniveaux de revenus et de confiance, etc. Lescapitaux patients présentent une toléranceau risque plus élevée et un horizond'investissement à plus long terme que lescapitaux traditionnels ; en outre, ils sontsouvent accompagnés d'une importanteaide à la gestion et ils se concentrentessentiellement sur l'impact social.

Acumen Fund a été créé en 2001 pour

Le pouvoirdescapitauxpatients

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POLITIQUE EN BREF

technologies agricoles d'importancestratégique. En 2001, Amitabha Sadangi amis au point une technologie d'irrigation àla goutte à goutte à la fois abordable et utilepour les agriculteurs les plus pauvres dumonde. Son organisation, InternationalDevelopment Enterprises – India (IDE-I),s'est d'abord appuyé sur des subventionspour construire un prototype et apprendreà aborder les paysans à faibles revenus de labonne manière. Les capitaux patientsd'Acumen Fund lui ont permis deconstituer une entreprise commerciale,Global Easy Water Products (GEWP), pourtirer parti des recherches et des atoutsmarketing d'IDE-I et se consacrer àl'extension de la distribution et l'entrée surles marchés d'exportation. Plus de 250 000agriculteurs ont acheté des produitsd'irrigation auprès d'IDE-I et de GEWP, etnombre d'entre eux ont vu leurs revenusannuels doubler voire tripler.

Comme je l'ai écrit dans mon livre, TheBlue Sweater : Bridging the Gap between Richand Poor in an Interconnected World (Le pullbleu : combler l'écart entre riches et pauvres dansun monde interconnecté), « J'ai appris qu'unegrande partie des réponses à la pauvreté setrouvent dans l'espace qui sépare marchéset charité, et que ce qui fait le plus défaut estun leadership moral déterminé àdévelopper des solutions issues du point devue des pauvres eux-mêmes, et non à leurimposer de grands projets bâtis sur desthéories. » Les capitaux patients sontinvestis dans les entreprises qui mettent aupoint ces solutions.

Le monde a besoin d'une nouvelle visionde l'aide au développement. À l'heure où lessystèmes d'aide font l'objet d'une grandeattention et de critiques de plus en plusvives, la communauté internationale a lapossibilité de renforcer les programmesd'assistance en leur associant une approchecomplémentaire centrée sur l'innovationsociale et l'entreprenariat.n

opposer ce modèle de développement auxgrands défis mondiaux, en se concentrant àl'origine sur l'Inde, le Pakistan et l'est del'Afrique. Depuis lors, nous avons investienviron 40 millions d'USD dans 40entreprises qui ouvrent une voie nouvellepour apporter des produits et des servicesessentiels à des millions de personnes, et cede façon durable à long terme. Leportefeuille d'Acumen Fund réunit desentreprises telles que Water HealthInternational en Inde, qui régit 285 systèmesde purification d'eau de village et fournitainsi à 240 000 personnes à faibles revenusun accès à une eau saine, ou bien D.LightDesign, présente en Inde et en Tanzanie, quia vendu plus de 200 000 lampes LEDsolaires à bas coût, fournissant ainsi uneénergie sûre et abordable à plus d'unmillion de personnes.

Chacune de ces entreprises représente unnouveau modèle pour un changementdurable à grande échelle. Le défi consiste àrenforcer les modèles commerciaux qui ontfait leurs preuves et à les étendre pourfournir des produits et des services dequalité à des dizaines de millions depersonnes qui veulent avoir une chanced'améliorer leur vie. Surtout, ces idéesn'auront un impact maximal que par le biaisde partenariats avec les grandes institutionsdu secteur privé comme les banques et lesmultinationales, ainsi qu'avec lesinstitutions gouvernementales qui sont enmesure de mettre en place unenvironnement favorable audéveloppement de ces innovations.

Aujourd'hui, je constate que lesfinancements manquent pour faire germerles idées prometteuses et accélérer lacroissance de celles qui ont commencé àfaire leurs preuves mais dont les modèlesfinanciers ne sont pas encore attractifs pourle marché des capitaux traditionnels.

Dans de nombreux cas, les entrepreneursapportent un point de vue très précieuxdans la mesure où ils ont pour obligation derester à l'écoute des besoins de leurs clients.Prenons un exemple en Inde. Dans ce pays,plus de 75 % des agriculteurs cultiventmoins de deux hectares de terre maispendant des décennies, les programmesd'aide ainsi que les marchés ont négligé lespetits paysans et limité leur accès à des

« Ce qui fait le plus défautest un leadership moraldéterminé à développer dessolutions issues du point devue des pauvres eux-mêmes, et non à leurimposer de grands projetsbâtis sur des théories. »

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LE MOT DE LA FIN

MICHEL SIDIBÉ, le Directeur générald'ONUSIDA, est convaincu que le lieu detravail a un rôle vital à jouer dans la luttecontre la propagation et les effets del'épidémie du SIDA

La grande majorité des 33 millions depersonnes atteintes du VIH sont âgées de 15 à 49 ans et sont à l'apogée de leurs viesprofessionnelles. Cela a des conséquencescruciales pour les entreprises et leséconomies nationales, ainsi que pour lestravailleurs individuels et leurs familles.

Le SIDA est un problème pour lesentreprises à de nombreux égards. Lastigmatisation et la discrimination sontsusceptibles de menacer les droitsfondamentaux des employés atteints du VIH.La perte des travailleurs, ainsi que la perte deleurs compétences et de leur expérience,risque de provoquer une augmentation de lacharge de travail sur le personnel restant, unebaisse du moral et une diminution de laproductivité.

L'impact économique est particulièrementimportant dans les pays les moins avancés(PMA), où les conséquences combinées del'absentéisme lié au VIH, le déclin de laproductivité, les dépenses de santé ainsi queles dépenses relatives au recrutement et à laformation, provoquent une baisse desbénéfices. Parce que deux personnes vivantavec le VIH sur trois se rendent au travailchaque jour, le lieu de travail constitue l'undes cadres les plus efficaces pour luttercontre l'épidémie. Le monde de l'entreprise aun rôle vital à jouer pour limiter lapropagation du VIH et l'impact del'épidémie, et de plus en plus d'entreprises,même dans les pays les plus pauvres, relèventle défi.

Que peuvent faire les entreprises ?Chaque entreprise peut apporter sa proprecontribution à la lutte contre le SIDA, selonsa taille, son type de main-d'œuvre, sasituation géographique, sa santé financière etses compétences clés. Les activités se classentsouvent en cinq catégories principales :programmes de lutte contre le VIH sur le lieude travail, défense des intérêts, aidefinancière, contributions en nature (ycompris assistance technique) et recherche.

Programmes de lutte contre le VIH sur le lieu detravail : ces programmes permettentd'étendre l'accès à la prévention du VIH et defournir des services de traitement, de soins et

de soutien directement aux employés.L'Organisation internationale du travail etONUSIDA travaillent auprès des entreprisespour promouvoir des politiques et desprogrammes de lutte contre le VIH au travail.

Défense des intérêts : les entreprises peuventainsi diffuser des informations cruciales surle VIH aux médias de masse. Elles sontégalement en mesure de participer audialogue politique et au lobbying pour despolitiques anti-VIH plus efficaces.

Dons monétaires : des ressources financièressont nécessaires en urgence pour soutenir laprévention du VIH ainsi que les services detraitement, de soins et de soutien. Lesentreprises apportent leur contribution à lalutte contre le SIDA en procurant desressources financières aux programmes pourla lutte contre le VIH et aux programmes desanté.

Contributions en nature : l'expertise, lesservices et la documentation des entreprisessont nécessaires dans chaque aspect de lalutte contre le SIDA. Les contributions ennature des entreprises peuvent consister enune offre de services d'aide et de conseil, depersonnel détaché, d'impressions, debureaux, d'équipements, de fournitures etd'accès aux réseaux de distribution. Lesentreprises peuvent proposer un soutien etun réseau logistiques pour la distribution demarchandises telles que des préservatifs etdes antirétroviraux.

VIH/SIDA : unepréoccupationdans l’entreprise

Prise de conscience des travailleurs à Djibouti. LeSIDA est un problème pour les entreprises nonseulement car il affecte les conditions de travail etla productivité mais aussi parce que le lieu detravail constitue l’un des cadres les plus efficacespour lutter contre l’épidémie.

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LE MOT DE LA FIN

Recherche : l'ONUSIDA soutient lespartenariats public-privé et travaille àaccélérer le développement destechnologies de prévention du VIH,comme les microbicides (une substancesynthétique ou naturelle sous forme degel, de crème, de suppositoire ou depellicule capable de tuer ou neutraliserles virus et les bactéries) ; le programmecherche également à perfectionner lepréservatif féminin, à développer unvaccin et à trouver de meilleurstraitements, comme des médicamentsnouvelle génération plus simples et plusefficaces.

L'ONUSIDA travaille en étroitecollaboration avec des entreprises et desfondations dans chacun de ses domainesprioritaires, en particulier la baisse de latransmission du VIH par voie sexuelle, laprévention de la transmission du VIH dela mère à l'enfant (PTME), la diminutionde la co-infection tuberculose/VIH etl'émancipation des femmes et des jeunesfilles. Parmi les exemples de partenariat,nous pouvons citer la contributionfinancière de Chevron pour la PTME enAngola et la campagne mondialeONUSIDA Body Shop lors de la journéemondiale de lutte contre le SIDA.

Après vingt ans d'épidémie, noussommes en mesure d'affirmer avecconfiance que les premiersinvestissements réalisés dans la luttecontre le SIDA ont eu des bénéfices à longterme. Par exemple, nous avons ainsi puconstater comment les investissementsréalisés dans l'éducation et la préventiondu VIH au Sénégal ont permis d'obtenirl'un des taux d'infection les plus bas del'Afrique subsaharienne.

Les coalitions d'entreprises ONUSIDAont soutenu le développement d'uncertain nombre de coalitionsd'entreprises nationales dans les régionsles plus touchées par l'épidémie de VIH.ONUSIDA collabore actuellement avecplus de 30 coalitions d'entreprisesnationales afin d'aider le secteur privé àlutter contre le SIDA.

En Tanzanie, la coalition d'entreprisescontre le SIDA a accompli des progrèsconsidérables en matière de mobilisationdes entreprises pour lutter contre le VIH.

Elle a soutenu l'instauration deprogrammes adaptés au lieu de travaildans plusieurs entreprises, a organisédivers ateliers et formations à laprévention et au traitement du VIH, et adéveloppé une politique commune enmatière de VIH qui devra être observéepar toutes les entreprises. En tout justedouze mois, le nombre de ses membres aaugmenté de 91 %.

La coalition d'entreprises éthiopiennescontre le VIH/SIDA, créée en 2004 aégalement encouragé les entreprises à neplus simplement fournir desinformations à ses employés, mais à leurfournir également des services. Celacomprend notamment des conseilsbénévoles et des tests de dépistage duVIH, des soins apportés aux personnesatteintes du VIH, un accès simplifié auxantirétroviraux et des recommandationslocales. Certaines entreprises sont alléesau delà du lieu de travail et ont étenduleur soutien aux familles des employésséropositifs.

Au Bangladesh, l'organisationaméricaine Pathfinder travaille avec desorganisations non gouvernementales(ONG) pour fournir des services de santéencadrés par l'usine aux travailleurs dusecteur textile, dont la majeure partiesont des jeunes femmes célibataires. Lesprogrammes instaurés sur les lieux detravail font partie d'un grand programmenational visant à fournir des servicessanitaires délivrés par les cliniques et lacommunauté, en partenariat avec 41 ONGlocales et nationales.

Le message est clair : si les PMAsouhaitent booster leur économie, lesemployeurs doivent faire du VIH leurpréoccupation. En protégeant leurssalariés du VIH, les entreprises privéescomme le secteur public pourrontbénéficier d'une hausse de leurproductivité et recueillir des gainsfinanciers.n

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Un magazine trimestriel pourstimuler le débat sur les problèmesdu développement industriel global

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