Madame F. 78 ans - MF Vaud

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20.01.2015 1 Troubles du sommeil et psychiatrie Dresse Hedi Decrey Wick Association vaudoise des médecins de famille et Dr Jean-Frédéric Mall Médecin associé Service Universitaire de Psychiatrie de l’Age Avancé 15 janvier 2015 Madame F. 78 ans

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Troubles du

sommeil et

psychiatrie

Dresse Hedi Decrey Wick

Association vaudoise des médecins de famille

et

Dr Jean-Frédéric Mall

Médecin associé

Service Universitaire de Psychiatrie de l’Age Avancé

15 janvier 2015

Madame F. 78 ans

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• Mme F., 78 ans, en bonne santé mis à part HTA bien

contrôlée sous traitement.

• Arrive en urgence accompagnée d’une voisine. Elle est

en pleurs, les traits tirés.

• A brutalement perdu son mari d’un infarctus il y a 2

semaines.

• Le couple était marié depuis 60 ans et était très uni.

Madame F. 78 ans

• Mme F. se sent très seule, est très angoissée, surtout à

la tombée de la nuit, et a beaucoup de peine à

s’endormir, pense beaucoup à son mari et voit sa place

vide dans le lit.

• Elle est très fatiguée, n’a plus d’appétit.

• Sa fille unique a pu rester quelques jours avec elle mais

a dû retourner chez elle à Zurich.

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• Episode dépressif

• Trouble anxieux

• Stress post-traumatique

• Deuil

Quel est votre diagnostic ?

• Episode dépressif

• Trouble anxieux

• Stress post-traumatique

• Deuil

Quel est votre diagnostic ?

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• Symptômes dépressifs ≠ épisode dépressif

• Pas de critères pour un épisode dépressif ici

• Toutefois : le deuil n’est plus un critère d’exclusion

dans le DSM-5

• Les symptômes dépressifs associés au deuil répondent

aux mêmes traitements psychosociaux et

pharmacologiques que ceux non liées au deuil

Episode dépressif majeur ?

Au moins 5 symptômes dont obligatoirement 1 et/ou 2 ≥ deux

semaines

1. Humeur dépressive

2. Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes ou

presque toutes les activités

3. Perte ou gain de poids significatif ou diminution ou augmentation de

l'appétit

4. Insomnie ou hypersomnie

5. Agitation ou ralentissement psychomoteur

6. Fatigue ou perte d'énergie

7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou

inappropriée

8. Diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision

9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir),

idées suicidaires récurrentes

Episode dépressif majeur (DSM-5)

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Deuil non compliqué Episode dépressif majeur

Sentiment de vide et de perte Humeur durablement déprimée Incapacité d’anticiper de la joie ou du plaisir

Dysphorie qui diminue avec le temps, survient par vagues associées avec des pensées ou souvenirs au sujet du défunt

Humeur dépressive persistante non liée à des pensées ou préoccupations spécifiques

Douleur pouvant être accompagnée par des émotions et une humeur positives

Tristesse et insatisfaction permanentes caractéristiques de l’EDM

Contenu des pensées de l’endeuillé associées aux pensées et souvenirs du défunt

Autocritique et ruminations négatives

Estime de soi préservée En cas d’idéation autocritique, concerne les manques et échecs vis-à-vis du disparu

Sentiment d’inutilité, dégoût de soi

Idées de mort focalisées sur le fait de rejoindre le disparu

Idées de mort dans l’optique de mettre fin à sa propre vie par sentiment d’inutilité, absence de mérite ou impossibilité à faire face à la douleur de la dépression

Episode dépressif majeur (DSM-5)

• Symptômes anxieux ≠ trouble anxieux

– Tableau ne correspond à aucun trouble anxieux

spécifique

– Critère de durée

Trouble anxieux ?

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Etat de stress post-traumatique critères précis

• Critère A : Exposition à un événement traumatique

• Critère B : Ré-expérience du traumatisme

• Critère C : Évitement

• Critère D : Altérations négatives cognitives et de l’humeur

• Critère E : Symptômes persistants d’activation neurovégétative (commencées ou aggravées après l'événement)

• Critère F : Durée > 1 mois

• Gritère G : Atteinte fonctionnelle (sociale, occupationnelle)

• Critère H : Non lié aux médicaments ou substances

PTSD ?

Insomnie

Fatigue

Perte de poids

Ralentissement Prise de poids

Episode dépressif

Troubles de la concentration

Deuil non compliqué

Deuil compliqué

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• Deuil non compliqué

– Grande variabilité interindividuelle et interculturelle

– Limite des théories qui mettent en avant des étapes dans le

deuil

– Pas de définition simple…

• Deuil compliqué

– Chez 10% des sujets

– Syndrome de deuil prolongé

– Altération du fonctionnement professionnel, personnel et social

– Problème de passage du deuil aigu au deuil intégré

– Comportements maladaptatifs de surinvestissement dans des

activités liées au disparu, et évitement excessif simultané

Deuil

Sidney Zisook, Katherine Shear. Grief and bereavement: what psychiatrists need to know. World Psychiatry 2009;8:67-74

• Je lui prescris un Temesta® Expidet® 1mg

pour le soir

• Je lui prescris un antidépresseur

• Je lui prescris un Stilnox® au coucher

• Je favorise les mesures non

pharmacologiques

Que faites-vous ?

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• Je lui prescris un Temesta® Expidet® 1mg

pour le soir

• Je lui prescris un antidépresseur

• Je lui prescris un Stilnox® au coucher

• Je favorise les mesures non

pharmacologiques et lui explique que ce

qu’elle vit fait partie du deuil

Que faites-vous ?

• 3 semaines plus tard, la patiente revient.

• Elle s’endort assez bien avec le Stilnox® donné par sa

fille mais se réveille toutes les nuits vers 3 heures du

matin et ne peut que difficilement se rendormir, pense à

son mari.

• Toujours très triste et très lasse, elle a perdu 2 kg depuis

le décès de son mari il y a 5 semaines.

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1. Je renouvelle l’ordonnance de Stilnox®

2. Je renouvelle l’ordonnance de Stilnox® et

rajoute un Temesta® Expidet® 1mg à

prendre en réserve la nuit si elle se réveille

3. J’arrête le Stilnox® et prescris un

antidépresseur.

4. Je lui propose de voir un psychiatre

Votre attitude ?

1. Je renouvelle l’ordonnance de Stilnox®

2. Je renouvelle l’ordonnance de Stilnox® et

rajoute un Temesta® Expidet® 1mg à

prendre en réserve la nuit si elle se réveille

3. J’arrête le Stilnox® et prescris un

antidépresseur à discuter

4. Je lui propose de voir un psychiatre

à discuter

Votre attitude ?

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Shah SM, Carey IM, Harris T, DeWilde S, Victor CR, et al. (2013) Initiation of Psychotropic Medication after Partner Bereavement: A Matched Cohort Study. PLoS ONE 8(11): e77734. doi:10.1371/journal.pone.0077734

Tous patients en deuil Sans psychotropes avant le deuil Patients non endeuillés Patients non endeuillés non traités

Pourquoi arrêter le Stilnox®

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• Les traitements hypnotiques doivent être aussi brefs

que possible, et ne devraient pas dépasser 4 semaines.

• La prescription d’un hypnotique quel qu’il soit impose les

précautions suivantes

– La cause de l’insomnie doit si possible être identifiée, et les éventuels facteurs

sous-jacents traités avant la prescription d’un hypnotique.

– La persistance de l’insomnie après 7 à 14 jours de traitement peut

indiquer la présence d’une pathologie psychiatrique ou physique sous-

jacente.

– En particulier, une dépression préexistante peut être révélée au cours d’un

traitement par le zolpidem, l’insomnie pouvant être un symptôme témoin d’une

dépression.

Pourquoi arrêter le Stilnox®

• En cas d’épisode dépressif majeur

• En cas de trouble anxieux

• Off-label pour les troubles du sommeil

Pourquoi prescrire un antidépresseur ?

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• Poser un diagnostic

• Psychothérapie comme alternative au traitement

pharmacologique

• Sevrage de l’inducteur de sommeil

• Suivi de la prescription des psychotropes

Pourquoi voir un psychiatre ?

Troubles psychiatriques et sommeil

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• 60 à 90 % des patients ont des troubles du sommeil

selon la sévérité de l’épisode

• 3 types de modifications visibles à la polysomnographie

chez les patients dépressifs

Episode dépressif majeur

Adam Wichniak, Aleksandra Wierzbicka & Wojciech Jernajczyk. Sleep as a biomarker for depression International Review of Psychiatry, October 2013; 25(5): 632–645

• prolongation de la latence d’endormissement

• augmentation du nombre de réveils, réveils trop précoces

• augmentation du temps de réveil après l’endormissement et avant le réveil final

• raccourcissement du temps total de sommeil

• diminution de l’efficacité du sommeil

Troubles de la continuité du sommeil

Diminution du sommeil à ondes lentes

• raccourcissement de la latence de sommeil REM

• augmentation de la quantité de sommeil REM, de l’activité REM (mouvements oculaires rapides) et de la densité (fréquence des mouvements) surtout pendant la 1e période de sommeil paradoxal

Augmentation du sommeil paradoxal (REM)

Episode dépressif majeur

Adam Wichniak, Aleksandra Wierzbicka & Wojciech Jernajczyk. Sleep as a biomarker for depression International Review of Psychiatry, October 2013; 25(5): 632–645

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• Episode maniaque (trouble bipolaire)

– Besoin de sommeil diminué

– Souvent sans fatigue

Autres troubles affectifs

Elliott Kyung Lee, Alan B Douglass, Sleep in Psychiatric Disorders: Where Are We Now? Can J Psychiatry. 2010;55(7):403–412.

• Troubles du sommeil souvent retrouvés chez

– Trouble anxieux généralisé (44%)

• Latence d’endormissement augmentée

• Plus de réveils (sommeil fragmenté)

• profil polysomnographique différent de celui de la dépression

(Pas de réduction de la latence REM systématique)

• Troubles du sommeil à ondes lentes et REM variables

– Trouble panique (61%)

• Latence d’endormissement augmentée

• Attaques de panique nocturnes (50% des patients)

Rechercher autre cause somatique (SAS…)

Troubles anxieux

Elliott Kyung Lee, Alan B Douglass, Sleep in Psychiatric Disorders: Where Are We Now? Can J Psychiatry. 2010;55(7):403–412.

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• Réveils fréquents, sommeil fragmenté

• Cauchemars

• Augmentation de l’activité motrice

• Augmentation du sommeil de stade 1 (transition entre

l’éveil et le sommeil)

• Moins de sommeil à ondes lentes

• Altérations du sommeil REM : Augmentation de la

densité et de la latence

• Troubles du comportement en sommeil paradoxal

Post Traumatic Stress Disorder (PTSD)

Elliott Kyung Lee, Alan B Douglass, Sleep in Psychiatric Disorders: Where Are We Now? Can J Psychiatry. 2010;55(7):403–412.

• Insomnie sévère

– Non spécifique

– Prodrome d’un épisode psychotique

– Signe de rechute après arrêt de traitement

• Schizophrénie

– Insomnie fréquente

– Temps de latence REM court

– Déficit en sommeil à ondes lentes

Troubles psychotiques

Elliott Kyung Lee, Alan B Douglass, Sleep in Psychiatric Disorders: Where Are We Now? Can J Psychiatry. 2010;55(7):403–412.

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• Somnolence excessive diurne

• Sommeil fragmenté la nuit

• Manque d’exposition à la lumière du jour +++

• Altération de certains rythmes (siestes, activités)

• Exposition à des bruits ambiants trop importants la nuit

• Autres causes : – Douleur

– Médicaments

– Trouble primaire du sommeil : SAS, jambes sans repos, mouvements

périodiques des jambes

• Importance des mesures non pharmacologiques

Sujet dément

Neikrug AB, Ancoli-Israel S. Sleep Disturbances In Nursing Homes. The Journal of Nutrition, Volume 14, Number 3, 2010

• Utilisation aiguë de l’alcool

– Diminution de la latence d’endormissement, légère augmentation du sommeil à

ondes lentes, réduction du sommeil REM en début de nuit

– Bon profil d’hypnotique a priori

MAIS

– Rebond de sommeil REM en seconde partie de nuit, rêves intenses et des

cauchemars

sommeil fragmenté et perte d’efficacité du sommeil

• Utilisation chronique

– Tolérance à l’effet hypnotique après 3 à 9 nuits si utilisation quotidienne

– Augmentation de la latence d’endormissement, diminution de l’efficacité du

sommeil, diminution du sommeil à ondes lentes, diminution du sommeil REM et de

la durée totale de sommeil

– Persistance des troubles possible plusieurs mois après l’arrêt de l’alcool (jusqu'à 2

ans)

– Exacerbations possibles : SAS, Mouvements périodiques des membres, syndrome

des jambes sans repos, somnambulisme

Troubles du sommeil et alcool

Elliott Kyung Lee, Alan B Douglass, Sleep in Psychiatric Disorders: Where Are We Now? Can J Psychiatry. 2010;55(7):403–412.

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Ce qu’il faut retenir

• Poser un diagnostic (ou pas)

– Rechercher une maladie psychiatrique sous-jacente

• Traitement de la pathologie psychiatrique

– L’insomnie n’est qu’un symptôme !

• Mesures non pharmacologiques

• Pas de benzodiazépines ni d’inducteurs de sommeil

• Antidépresseurs si nécessaire

Principes généraux

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• Ariel B. Neikrug Sonia Ancoli-Israel, Sleep Disorders in the Older Adult – A Mini-Review Gerontology

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• Lauren D. Asarnow, Adriane M. Soehner, and Allison G. Harvey, Circadian Rhythms and Psychiatric Illness

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2010;55(7):403–412.

• Timothy H. Monk, Anne Germain, Charles F. Reynolds III, Sleep Disturbance in Bereavement Psychiatr Ann.

2008 October ; 38(10): 671–675.

• Sidney Zisook, Katherine Shear, Grief and bereavement: what psychiatrists need to know. World Psychiatry

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Partner Bereavement: A Matched Cohort Study. PLoS ONE 8(11): e77734. doi:10.1371/journal.pone.0077734

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• Neikrug AB, Ancoli-Israel S. Sleep Disturbances In Nursing Homes. The Journal of Nutrition, Volume 14,

Number 3, 2010

Références

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