L’utilité de la musique - RBC

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Publiépar La BanqueRoyaledu Canada L’utilité de la musique La musique estle seul enivrement bon marché etimpuni sur la terre, a dit unsage. Elle est bien plus encore. C’est unréconfort dans lavie, unbouclier contre ledésespoir, untriomphe del’es- prit humain. Ilest surtout question ici de la nature de la musique... [] « A quoisert la musique? » demandait un jour un illustre magistrat. La question est d’impor- tance, mêmes’ilest permis de soupçonner l’hono- rable juge de ne l’avoir posée que parce qu’il n’avait pas d’oreille. La musique nous estutile sous tant de rapports que l’ona peine à imaginer la vie sans elle. Ce quiestcurieux, c’est qu’on y pense si peu souvent en tantqueforce vitale dans les affaires humaines. Il estclair que la musique répond à un besoin des profondeurs de l’âme. Ce phénomène se manifeste peuaprès la naissance. Il suffit d’une berceuse pour calmer le poupon qui pleure. Longtemps avant de comprendre le langage parlé, l’enfant est vivement influencé parla mélodie, le rythme et le tonde la voix. La possibilité de créer de la musique paraît être un trait fondamental de l’espèce humaine. L’homme apparaît sur la terre avecles propriétés d’un instrument de musique autonome; il est capa- ble de chanter, de fredonner, de siffler, de danser et de battre des mains. Comme l’art de faire du feu et l’usage des armeset des outils, la faculté de produire de la musique compte parmi les activités qui à l’origine distinguent l’homme des animaux inférieurs. Elle contribue plus que tout le reste à en faire un êtreà part et prédominant. Allumer des feux, construire des abris, chasser avec d’autres moyens que ses mains et ses dents étaient des conditions indispensables à la survie d’unecréature à la peau minceet relativement faible. Maisinventer la musique, c’était s’élever des nécessités élémentaires de l’existence à une dimension inconnue des autres habitants de la terre, celle de l’esprit etde l’âme. C’est surtout dansl’art que s’exprime l’esprit humain, et la musique fut très probablement la première forme d’artdans le monde. Il se peut aussi qu’elle ait étéla première manifestation de la science. Toute science ne suppose-t-elle pas la curiosité, l’ingéniosité et le désir de mieux faire ou de mieux connaître les choses? C’estgrâce à ces qualités que les humains ont appris à faire de la musique pardesprocédés artificiels. On croit généralement que le premier instru- ment de musique comme tel fut un roseaucreux dans lequel quelqu’un eut l’idée de souffler. Mais l’hommene se contentapas d’en tirer un son agréable. Il voulut voir ce qui adviendrait en perçant des trousgradués dans ce roseau. Il en résulta un vocabulaire articulé de notes musicales. Dèsavant les temps historiques, les précurseurs de la flûte, du cor, du tambour, de la maraca, de la harpe et de la guitare sont déjà inventés (selon la légende, la première caissede résonance d’une guitare futunecarapace de tortue). L’idée d’écrire la musique apparaît presque aussitôt que celle d’écrire le langage. On relève des signes musicaux grossiers sur destablettes du Moyen-Orient datant du second millénaire av.J.-C. Pourquoi tous ces efforts pour une chosenon essentielle à la survie? Sansdoute parce que les hommes primitifs réalisent que la musique n’est pas si inutile qu’elle le semble. Même si elle échappe à leursens du toucher, ils savent qu’elle offre d’intéressantes applications. Elle accomplit une chose d’une grande valeur à leurs yeux, quiest d’alléger le poids dela vie. Ellea le pouvoir de changer l’humeur des gens, le plus souvent en mieux. Comme le savent depuis

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Publié par La Banque Royale du Canada

L’utilité de la musiqueLa musique est le seul enivrement bonmarché et impuni sur la terre, a ditun sage. Elle est bien plus encore.C’est un réconfort dans la vie, un boucliercontre le désespoir, un triomphe de l’es-prit humain. Il est surtout question icide la nature de la musique...

[] « A quoi sert la musique? » demandait un jourun illustre magistrat. La question est d’impor-tance, même s’il est permis de soupçonner l’hono-rable juge de ne l’avoir posée que parce qu’il n’avaitpas d’oreille. La musique nous est utile sous tant derapports que l’on a peine à imaginer la vie sanselle. Ce qui est curieux, c’est qu’on y pense si peusouvent en tant que force vitale dans les affaireshumaines.

Il est clair que la musique répond à un besoin desprofondeurs de l’âme. Ce phénomène se manifestepeu après la naissance. Il suffit d’une berceuse pourcalmer le poupon qui pleure. Longtemps avant decomprendre le langage parlé, l’enfant est vivementinfluencé par la mélodie, le rythme et le ton de lavoix.

La possibilité de créer de la musique paraît êtreun trait fondamental de l’espèce humaine.L’homme apparaît sur la terre avec les propriétésd’un instrument de musique autonome; il est capa-ble de chanter, de fredonner, de siffler, de danser etde battre des mains. Comme l’art de faire du feu etl’usage des armes et des outils, la faculté deproduire de la musique compte parmi les activitésqui à l’origine distinguent l’homme des animauxinférieurs. Elle contribue plus que tout le reste à enfaire un être à part et prédominant.

Allumer des feux, construire des abris, chasseravec d’autres moyens que ses mains et ses dentsétaient des conditions indispensables à la survied’une créature à la peau mince et relativementfaible. Mais inventer la musique, c’était s’éleverdes nécessités élémentaires de l’existence à unedimension inconnue des autres habitants de laterre, celle de l’esprit et de l’âme.

C’est surtout dans l’art que s’exprime l’esprithumain, et la musique fut très probablement lapremière forme d’art dans le monde. Il se peutaussi qu’elle ait été la première manifestation de lascience. Toute science ne suppose-t-elle pas lacuriosité, l’ingéniosité et le désir de mieux faire oude mieux connaître les choses? C’est grâce à cesqualités que les humains ont appris à faire de lamusique par des procédés artificiels.

On croit généralement que le premier instru-ment de musique comme tel fut un roseau creuxdans lequel quelqu’un eut l’idée de souffler. Maisl’homme ne se contenta pas d’en tirer un sonagréable. Il voulut voir ce qui adviendrait enperçant des trous gradués dans ce roseau. Il enrésulta un vocabulaire articulé de notes musicales.

Dès avant les temps historiques, les précurseursde la flûte, du cor, du tambour, de la maraca, de laharpe et de la guitare sont déjà inventés (selon lalégende, la première caisse de résonance d’uneguitare fut une carapace de tortue). L’idée d’écrirela musique apparaît presque aussitôt que celled’écrire le langage. On relève des signes musicauxgrossiers sur des tablettes du Moyen-Orient datantdu second millénaire av. J.-C.

Pourquoi tous ces efforts pour une chose nonessentielle à la survie? Sans doute parce que leshommes primitifs réalisent que la musique n’estpas si inutile qu’elle le semble. Même si elleéchappe à leur sens du toucher, ils savent qu’elleoffre d’intéressantes applications. Elle accomplitune chose d’une grande valeur à leurs yeux, qui estd’alléger le poids de la vie.

Elle a le pouvoir de changer l’humeur des gens,le plus souvent en mieux. Comme le savent depuis

toujours les soldats, elle remonte le moral. Dans lesdiff~ciles circonstances des âges préhistoriques, ildevait être merveilleux de disposer d’un moyen dese redonner courage lorsqu’on ployait sous lesépreuves. La musique fait oublier les soucis etréjouit le c�ur de l’homme bien avant que l’onsonge à faire du vin.

Comme par miracle, un chant ou une mélopéerythmique semble accélérer le travail. Cela faitoublier ses muscles endoloris à celui qui creuse untrou ou moissonne un champ. Puis, quelqu’un re-marqua qu’une certaine musique pouvait pousser àaffronter la mort, au combat, avec un fougueuxmélange de confiance, de bravoure et de férocité.Celui qui composa le premier chant patriotique (ouplutôt tribal en ce temps-là) forgea assurément unepuissante arme politique: « Confiez-moi la compo-sition des chants nationaux, a écrit le patrioteécossais Andrew Fletcher, et peu m’importe quifait les lois. »

La musique a contribué à perpétuer le folkloredes peuples en facilitant la mémorisation des motsdes poèmes et des ballades. Elle devait s’allieraisément au théâtre et à la comédie. La culture,telle que nous la connaissons, a progressé au pascadencé.

La musique a joué dans l’union humaine un rôlequ’elle conserve encore aujourd’hui. Il fallaït certesêtre civilisé pour composer la première chansond’amour. Elle a aussi servi, comme elle le faittoujours, à rendre hommage aux dieux. Ce n’estpas étonnant, car les hommes primitifs croyaientque la musique était un don des cieux.

Des hommes aussi instruits que les philosophesgrecs des Ve et IVe siècles av. J.-C. ont égale-ment soutenu que la musique était d’origine di-vine. Ne l’ont-ils pas considérée comme l’une desdisciplines auxquelles présidaient les muses, nomdont dérive d’ailleurs le mot musique. Mais cela neles a pas empêchés d’en scruter la nature. Ils étaientnettement conscients du pouvoir qu’elle exerce surla conduite des gens par son influence sur leurssentiments.

A l’instar de Confucius, Platon regarde la musi-que comme un élément critique dans l’ordre uni-versel des choses. Selon lui, le rythme et la mélodiedevraient idéalement être en harmonie avec lemouvement des corps célestes, qui règlent le dérou-lement des affaires humaines.

Comme bien des critiques sociaux depuis,Platon eût volontiers interdit les genres de musi-que qu’il jugeait corrupteurs. A ses yeux, la musi-que excentrique constitue une menace pour l’État.« L’innovation musicale, nous avise-t-il, est pleinede danger pour le corps social, car lorsque lesmodes de musique changent, les lois de l’État chan-gent toujours elles aussi. » Sur ce point, ce philo-sophe ancien ressemble peut-être à nos traditiona-listes modernes qui fulminent contre l’abâtardisse-ment de la musique rock ou disco, ou bien contreses ancêtres le boogie-woogie et le jazz.

Le monde intellectuel s’est toujours divisé,semble-t-il, entre ceux qui surestiment l’effetsocial de la musique et ceux qui en rejettent tota-lement l’importance. Le philosophe grec Démocriteappartient à cette dernière école, car il affirme quela musique est un luxe inutile. Deux mille deuxcents ans plus tard, il se trouvera des spécialistesdes sciences sociales de cette opinion pour écrirede gros volumes sur la situation actuelle ou futuredu monde sans accorder la moindre attention à lapuissante influence de la musique sur les senti-ments et les actions de l’homme.

La musique offre au mondeun langage unique

Si les hommes ont toujours associé la musiqueaux dieux, c’est en partie parce qu’ils l’envisa-geaient comme une forme de communication entrela terre et l’au-delà. La grande musique sacréepossède une « divinité » qui lui est propre. C’est ceque l’Abbé Angelo Grillo exprime fort bien, audébut du XVIP siècle, dans une lettre qu’il adresseà Claudio Monteverdi pour le remercier d’un exem-plaire de son dernier recueil de madrigaux. « Jepuis vous assurer, écrit-il, de l’éminente valeur devotre mélodieux cadeau; il me paraît appartenirnon pas tant à la terre sur laquelle je l’acceptequ’au ciel dans lequel je l’écoute. »

Cela se passait durant la Renaissance, époque oùnombre des idées directrices étaient empruntées àla Grèce antique. Entre autres la théorie de Platonselon laquelle il importait de réglementer la musi-que de crainte qu’elle ne mène à la volupté et àl’immoralité. Les chefs religieux- et la musiquesérieuse se joue en majeure partie dans les églises--se méfient des effets de la musique sur les

m�urs établies. Ils lui assignent un rôle nettementsecondaire par rapport aux paroles de la liturgieet apportent des restrictions à la liberté d’innoverdes compositeurs.

Mais en dehors des églises, la musique demeureflorissante. Les ménestrels attirent les foules parleurs ballades. Aucune cérémonie profane nesaurait être complète sans musique, et il y a tou-jours des danses dans les réunions de ffete. Lesreprésentations théâtrales sont souvent des « con-certs musicaux », dont le clergé condamne l’im-piété.

Pourtant la musique brise les liens qu’on tentede lui imposer. Les airs populaires s’infiltrentparmi les subtilités du chant grégorien. Poursuivre les progrès de plus en plus riches del’orchestration, il faut bientôt ouvrir l’église à ces« instruments du diable » que sont la flûte de Pan,le violon et le cornet. Les restrictions de formedisparaissent graduellement.

Le progrès le plus remarquable de cet art pen-dant la Renaissance est celui de l’écriture musi-cale, appelée notation. Pour la première fois, uncompositeur est en mesure d’envoyer une trans-cription de son �uvre à quelqu’un qui peut la jouerplus ou moins fidèlement à son intention originale.Vers 1320, l’évêque français, compositeur et théori-cien de la musique, Philippe de Vitry ajoute lessignes de mesures au système des notes disposéessur des lignes parallèles imaginé 200 ans aupara-vant. D’après La Musique, Larousse, 1965, « à cemoment, les compositeurs se trouvent nantis d’uneséméiographie capable de se plier à toutes lesexigences et assez proche de notre conceptionmoderne. »

La musique avait donné au monde un nouveaulangage, unique en son genre, un langage pouvantêtre compris mutuellement par des personnes delangues différentes. On a répété à satiété que lamusique est une langue internationale. C’est lit-téralement vrai dans le cas de la notation musi-cale.

Après la Renaissance, la musique connaît auXVIII ~ siècle un âge de grand éclat. La musique dechambre et l’opéra conquièrent leur autonomie.Des compositeurs comme Jean-Sébastien Bach etGeorge-Frédéric Haendel jettent les bases du style

propre à la musique classique, telle que nous laconnaissons. Les progrès réalisés dans la formemusicale s’accompagnent de l’essor de ce que nousappellerions aujourd’hui la « technologie maté-rielle ». Pendant que Bach et les autres composentleurs immortels chefs-d’oeuvre, Godefroy Silber-mann fabrique ses magnifiques orgues. Stradiva-rius et les luthiers italiens portent la facture desinstruments à cordes à un sommet jamais atteintpar la suite.

La technique au servicede la beauté

Il est intéressant pour un contemporain de consi-dérer les priorités techniques de cette époque. Laguerre se fait encore avec des épées, des mousquetset des canons qui n’ont guère changé depuis 300ans. Le transport au long cours reste la chassegardée des bêtes de somme et des navires à voiles.L’industrie repose avant tout sur le travailmanuel. Et pourtant dans la poursuite du beau enmusique, les progrès sont spectaculaires.

Par son admirable souplesse, la famille du violona éclipsé tous les instruments à archet antérieurs.L’invention du piano, en 1710, marque une percéedans la recherche d’un instrument de concert fixe,réunissant force d’expression, résonance et éten-due. De grandes orgues, comptant jusqu’à 5 cla-viers et 50 jeux de tuyaux, trônent dans les cathé-drales. Elles sont, comme les satellites artificielsd’aujourd’hui, les merveilles de leur temps.

Le cercle des instruments d’orchestre modernesse complète au début du XIXe siècle, alors quel’apparition des soupapes permet de tirer toutesles possibilités des cuivres et des bois. Le pianodevient bientôt l’appareil usuel de divertissementdans les foyers bourgeois d’Europe et d’Amérique,un peu comme le téléviseur à l’heure actuelle.

Pendant la seconde moitié du siècle, tout lemonde semble faire ou écouter de la musique,chanter et danser; la musique est la grande préoc-cupation du public. Sa vogue soulève une nouvellevague de conjectures sur ce qu’elle signifie pourl’humanité.

Les philosophes allemands, qui explorent alorsle tréfonds de la pensée humaine, y attachent uneimportance considérable. Hegel estime que la

musique existe à l’état latent chez l’auditeur, d’oùelle est extraite par les sons extérieurs. Schopen-hauer enseigne qu’elle est le seul art qui agitdirectement sur les sentiments, sans l’intermé-diaire de la pensée, et que par conséquent elletouche dans notre être quelque chose de plus subtilque l’intelligence.

L’intelligence à elle seule, toutefois, n’a jamaissuffi pour faire un grand musicien ou un grandcompositeur. Le génie de la musique consiste dansune large mesure à avoir ce que les spécialisteseux-mêmes appellent « le don ». L’un des nom-breux mystères de l’art est que ses prodiges par-viennent à maîtriser la déroutante complexité dela musique avant même que les autres enfantsaient appris l’alphabet; plus encore, à l’interpréterd’une main sûre.

Mais le talent seul ne suffit pas non plus. Jouerou écrire de la bonne musique exige de l’abnéga-tion, de la discipline et beaucoup d’effort. Desannées après avoir acquis le titre de plus grandpianiste du monde, Paderewski se levait tôt tousles matins pour faire plusieurs heures d’exercices.Tchaïkovsky jugeait Brahms « peu doué ». Si c’estvrai, Brahms a su combler la prétendue faiblessede son talent par son ardeur légendaire au travail.

En musique, le bonheur des unsfait le malheur des autres

Y a-t-il équipe plus laborieuse qu’un orchestresymphonique. Un bon orchestre en pleine actionest presque un miracle de précision, de collabora-tion et d’unité de style. Ce résultat ne s’obtient quepar un rigoureux régime d’exercices et de répé-titions, qui portent la technique des musiciens àson maximum de finesse. On traite souvent leschefs d’orchestre de tyrans, mais ils savent qu’ilsdoivent s’acharner à exercer les exécutants pourrendre justice à l’oeuvre qu’ils interprètent.

Peut-être pensera-t-on que cette passion de laprécision est très bien pour les intellectuels de lasalle de concert, mais qu’elle n’est pas de mise chezles esprits libres de la musique populaire. Beau-coup d’artistes pop ou de jazz se font presque gloirede leur manque de connaissances et de discipline

musicales, qui, croient-ils, détruiraient leur spon-tanéité. D’autre part, certains des artistes popu-laires les plus en vogue, y compris les Beatles, sontdes musiciens singulièrement consciencieux. Cen’est pas par simple coïncidence que celui qui atoujours été considéré comme le soliste de jazzle plus inventif, le clarinettiste Benny Goodman,s’est aussi distingué par les longues heures d’exer-cices et de répétitions qu’il s’est imposées de mêmequ’à son orchestre.

Pour ce qui est des différents genres de musique,c’est là un domaine où le bonheur des uns fait lemalheur des autres. On a vu des fervents de lamusique classique se sentir physiquement maladespour avoir écouté du rock. Le débat sur ce qui estmusique et ce qui n’est que bruit couvera toujourstant qu’il y aura des gens pour ouvrir la radio oufaire tourner un disque, surtout s’ils sont de géné-rations différentes et habitent la même maison.Les puristes de l’art feraient bien de se rappeler àce propos les paroles du compositeur américainAaron Copland: « La musique qui est complexepar essence n’est ni meilleure ni pire en soi quecelle qui est simple par essence. »

Copland dit aussi de la musique qu’elle est unlangage sans dictionnaire, dont les symboles sontinterprétés par l’auditeur d’après un espérantosans paroles des émotions. Ce qui nous ramène ì lathéorie de Hegel, selon qui la musique est danscelui qui écoute. Et alors il s’ensuit que diversgenres de musique pourraient éveiller des émo-tions différentes chez différentes personnes suivantleurs conditions de vie du moment.

Les émotions que suscite la musique sont pres-que toujours bonnes: amour, joie, espoir, gaieté,mélancolie. Même si elle a servi à exciter l’hommeà la guerre, elle s’adresse plus souvent aux douxsentiments que l’on connaît lorsqu’on est en paixavec soi-même et avec le monde.

Pourquoi la musique nous est-elle nécessaire?Parce qu’elle contribue de tant de manières àrévéler ce qu’il y a de meilleur dans l’homme etla femme. En dépit de ses idées aberrantes,Nietzsche avait raison de dire: « Sans la musique,la vie serait une erreur ».