Los Padres Dans La Direction de La Cure

10
Accueil Los padres dans la direction de la cure Jacques-Alain Miller La psychanalyse, ses partenaires, et ses structures élémentaires. Du traumatisme à l ’axiome. La substitution du principe de réalité au principe de plaisir, et son reste. Heidegger J ’y reviens avec insistance. *Ce n’est pas en raison du débat qui fait rage autour de son nom, même si ce débat y est pour quelque chose. Ce débat, que l’on pourrait formuler par le titre de Diderot Est-il bon, est-il méchant ?, me paraît laisser place à ce que l’on montre d’abord en quoi Heidegger est utile pour avoir pensé l’histoire de la philosophie à une profondeur inégalée de notre temps. Il a mis en valeur, construit, sur les auteurs de la tradition philosophique, en particulier sur Kant et sa théorie de la causalité, des articulations qui avaient échappé aux exégètes. Heidegger s’est aussi, que cela plaise ou non, inscrit dans l’enseignement de Lacan, où un débat avec lui se poursuit, à beaucoup de tournants, en contrepoint. Il n’est pas difficile de montrer comment la lecture des textes les plus récents de Heidegger induisait Lacan sur des pistes. Il figure éminemment parmi les références de Lacan. On ne peut donc en faire l’impasse. J’ai rappelé la dernière fois l’expression que forge Heidegger, à partir de Kant, des partenaires au jeu de la vie. Il s’agit aussi de savoir quels sont ces partenaires pour la psychanalyse. Les partenaires par rapport auxquels Lacan joue sa partie, c’est la science et aussi la philosophie. Lorsqu’on saisit la psychanalyse au niveau clinique, sans doute y a-t-il lieu de jouer la partie avec la psychiatrie, et nous n’y répugnons pas. Mais lorsqu’elle est saisie au niveau de son savoir, la psychanalyse doit jouer sa partie avec la science pour partenaire, et lorsqu’elle est saisie au niveau de l’éthique, la philosophie est là son partenaire. C’est rappeler que la psychanalyse comme pratique ne peut nullement se réduire à un savoir-faire avec l’autre comme patient. L’accent que j ’ai été conduit à mettre sur la clinique n’est certainement pas fait pour que l’on rabatte la psychanalyse au rang d’une technique. D’où le rappel que j ’ai fait il y a déjà plusieurs années de la connexion de la clinique et de l’éthique. L’éthique surplombe la clinique et se la subordonne. Il y a lieu de ne pas oublier que l’enseignement de Lacan, à son début, s’est annoncé explicitement commeune restauration de la vraie valeur de la psychanalyse, alors dégradée en technique. Il en va de même pour la pratique du contrôle dans la psychanalyse. Définir le contrôle au niveau de la technique est aussi bien une dégradation de la pratique, même s’il comporte un tel aspect technique. Ce qu’il y a lieu de contrôler, c’est le niveau auquel un psychanalyste définit son partenaire, et à quel niveau un analyste dans sa pratique se définit lui-même comme partenaire, c’est-à-dire comment il joue la partie analytique, ce qui conditionne qu’il soit en mesure, lui, d’apporter à l’autre les réponses qui s’imposent, qui font effet à un moment donné. C’est la même question que celle de savoir avec qui l’on veut que la psychanalyse joue sa partie. La psychanalyse joue-t-elle sa partie avec d’autres pratiques thérapeutiques ? Sans doute, mais elle la joue, chez Freud et chez Lacan, avec la science et la philosophie. Il ne faut pas croire qu’elle pourrait durer dans son inspiration initiale si elle cessait de jouer cette partie-là. J’ai été amené à faire, au cours de ce second trimestre, dans d’autres lieux, des interventions que j ’espérais glisser ici à un moment ou à un autre, pour rétablir le fil que je suis. Il va en fait falloir que je laisse cela derrière moi. Je rappelle pour mémoire que, dans le cours de ce que je suis, j ’ai effectivement fait une place à Heidegger, dans un lieu suffisamment écarté pour être à peu près tranquille, à savoir Liège en Belgique, lors de Journées sur la culpabilité. J’ai fait valoir que le fameux être-pour-la-mort de Heidegger se complémente aussitôt, dans son Sein und Zeit, de l’être-endette ou de l’être-enfaute, qui a été occulté dans ce qu’il veut dire par la célébrité de l’être-pour- la-mort. Cela nous indique que le manque-à-être a là deux valeurs distinctes. 11 se répartit sur deux versants qui permettent de penser, sur le deuxième, le manque à un niveau qui est proprement celui de la jouissance. Il était notable que Heidegger fasse sa place, dans son analytique du Dasein, à la voix intérieure, cette voix intérieure à laquelle on donne des formules différentes dans les philosophies, mais qui se rapporte foncièrement à cet être-endette ou en faute qui conduit le sujet à vouloir se transformer, à vouloir transformer ce qu’il est. J’aurais pu aussi bien introduire et développer par là ce que j’ai rappelé à un colloque sur la voix, qui 4

description

Psicanálise, suas parcerias e suas estruturas elementares

Transcript of Los Padres Dans La Direction de La Cure

  • Accueil

    Los padres dans la direction de la cureJacques-Alain Miller

    La psychanalyse, ses partenaires, et ses structures lmentaires.Du traumatisme l axiome.La substitution du principe de ralit au principe de plaisir, et son reste.Heidegger J y reviens avec insistance. *Ce n est pas en raison du dbat qui fait rage autour de son nom, mme si ce dbat y est pour quelque chose. Ce dbat, que l on pourrait formuler par le titre de Diderot Est-il bon, est-il mchant ?, me parat laisser place ce que l on montre d abord en quoi Heidegger est utile pour avoir pens l histoire de la philosophie une profondeur ingale de notre temps.Il a mis en valeur, construit, sur les auteurs de la tradition philosophique, en particulier sur Kant et sa thorie de la causalit, des articulations qui avaient chapp aux exgtes.Heidegger sest aussi, que cela plaise ou non, inscrit dans lenseignement de Lacan, o un dbat avec lui se poursuit, beaucoup de tournants, en contrepoint. Il n est pas difficile de montrer comment la lecture des textes les plus rcents de Heidegger induisait Lacan sur des pistes. Il figure minemment parmi les rfrences de Lacan. On ne peut donc en faire limpasse.J ai rappel la dernire fois lexpression que forge Heidegger, partir de Kant, des partenaires au jeu de la vie. Il s agit aussi de savoir quels sont ces partenaires pour la psychanalyse.Les partenaires par rapport auxquels Lacan joue sa partie, cest la science et aussi la philosophie. Lorsquon saisit la psychanalyse au niveau clinique, sans doute y a-t-il lieu de jouer la partie avec la psychiatrie, et nous n y rpugnons pas. Mais lorsquelle est saisie au niveau de son savoir, la psychanalyse doit jouer sa partie avec la science pour partenaire, et lorsquelle est saisie au niveau de lthique, la philosophie est l son partenaire.C est rappeler que la psychanalyse comme pratique ne peut nullement se rduire un savoir-faire avec l autre comme patient. L accent que j ai t conduit mettre sur la clinique n est certainement pas fait pour que lon rabatte la psychanalyse au rang dune technique. D o le rappel que j ai fait il y a dj plusieurs annes de la connexion de la clinique et de l thique.L thique surplombe la clinique et se la subordonne. Il y a lieu de ne pas oublier que lenseignement de Lacan, son dbut, sest annonc explicitement

    commeune restauration de la vraie valeur de la psychanalyse, alors dgrade en technique.Il en va de mme pour la pratique du contrle dans la psychanalyse. Dfinir le contrle au niveau de la technique est aussi bien une dgradation de la pratique, mme sil comporte un tel aspect technique. Ce quil y a lieu de contrler, cest le niveau auquel un psychanalyste dfinit son partenaire, et quel niveau un analyste dans sa pratique se dfinit lui-mme comme partenaire, cest--dire comment il joue la partie analytique, ce qui conditionne quil soit en mesure, lui, d apporter lautre les rponses qui simposent, qui font effet un moment donn. C est la mme question que celle de savoir avec qui l on veut que la psychanalyse joue sa partie.La psychanalyse joue-t-elle sa partie avec d autres pratiques thrapeutiques ? Sans doute, mais elle la joue, chez Freud et chez Lacan, avec la science et la philosophie. Il ne faut pas croire quelle pourrait durer dans son inspiration initiale si elle cessait de jouer cette partie-l.J ai t amen faire, au cours de ce second trimestre, dans d autres lieux, des interventions que j esprais glisser ici un moment ou un autre, pour rtablir le fil que je suis. Il va en fait falloir que je laisse cela derrire moi.Je rappelle pour mmoire que, dans le cours de ce que je suis, j ai effectivement fait une place Heidegger, dans un lieu suffisamment cart pour tre peu prs tranquille, savoir Lige en Belgique, lors de Journes sur la culpabilit. J ai fait valoir que le fameux tre-pour-la-mort de Heidegger se complmente aussitt, dans son Sein und Zeit, de ltre-endette ou de l tre-enfaute, qui a t occult dans ce quil veut dire par la clbrit de ltre-pour- la-mort.Cela nous indique que le manque--tre a l deux valeurs distinctes. 11 se rpartit sur deux versants qui permettent de penser, sur le deuxime, le manque un niveau qui est proprement celui de la jouissance. Il tait notable que Heidegger fasse sa place, dans son analytique du Dasein, la voix intrieure, cette voix intrieure laquelle on donne des formules diffrentes dans les philosophies, mais qui se rapporte foncirement cet tre-endette ou en faute qui conduit le sujet vouloir se transformer, vouloir transformer ce quil est.J aurais pu aussi bien introduire et dvelopper par l ce que j ai rappel un colloque sur la voix, qui

    4

  • Accueil

    sest tenu, lui, dans la rgion parisienne. Mais je laisse cela derrire moi.Je vais reprendre ici une troisime intervention de ce trimestre que j ai prsente dimanche dernier Barcelone. Cela ferait manque si je ne le produisais pas dans le fil de ce que je suis ici. J avais dailleurs corrig le titre de ces Journes pour linscrire dans la continuit de ce cours. Comme je n ai pas eu le temps de tout dire l-bas, cela me permettra de poursuivre. Bien que le point de dpart soit trs diffrent, cela se noue avec le point o j en suis ici. J en dis tout de suite le titre, quil faut dire en espagnol - Los padres dans la direction de la cure. Los padres, c est la fois les parents et les pres aussi bien.Ce sujet, que nos amis espagnols avaient accept, a paru surprenant. J ai d le motiver, la fin de ce Colloque. Ils ne m avaient pas dit tout de suite quil leur avait paru surprenant. J aurais aussi bien fait de le motiver il y a un an. Cela aurait clarifi lorientation des choses.Je voudrais, avant d en venir aux padres, faire une petite mise au point sur ce que j ai rappel la fois dernire du laisser-tre heideggero-lacanien. L analyse de ce sein lassen se trouve dans L'essence de la vrit, de 1954, qui est la rfrence de Lacan quand il voque en termes propres ce laisser-tre heideggerien.Pour Heidegger, en ce sens, lessence de la vrit, cest la libert, une libert qui n est pas une causalit. Il soppose par l Kant qui pense la libert comme une autre causalit par rapport la causalit que reconstitue la science comme tant lordre du monde, la chane ininterrompue des causes et des effets. La libert sen distingue, mais comme une causalit d un autre type, comme une causalit inconditionne, comme une causalit par libert. La chane causale reste bien, par l mme, sa rfrence.Quand Lacan, sur la forclusion, dtermine en dfinitive un acte du sujet qui envoie balader l imposture paternelle, il est clair quil fait du sujet le tenant, lagent d une autre causalit qui sappelle la libert. Il se distingue de Heidegger par un autre point encore, qui est que ce que Heidegger nomme le monde le statut de lantprdicatif, de lantconceptuel, de lantsignifiant. Le structuralisme de Lacan, le structuralisme comme tel, cest la ngation de lantprdicatif.La question se formule dans les termes suivants. Le sujet laisse-t-il tre le signifiant ou non ? C est l que trouve sa place le refus du sujet comme principe de la forclusion. Forclusion, c est le contraire, linverse de louverture, non pas ltre, de

    l aprit, comme sexprime Heidegger, mais de l aprit au signifiant.Lacan en est venu inverser ce qui, encore dans sa Question prliminaire, renvoie un laisser-tre le signifiant ou non. Ce qui transforme videmment la question mme de la forclusion. Il a invers la question en celle de savoir si le signifiant laisse tre le sujet. Cette remarque elle seule indique ce qui doit tre rajust du concept mme de forclusion.Le concept de forclusion doit tre rajust si l on tient compte de la priorit du signifiant sur le sujet. La question est de savoir si la chane signifiante dterminante pour un sujet se prte ou non assurer la reprsentation du sujet, c est--dire si le couple S1-S2 comporte ou non un espace, un intervalle ncessaire la reprsentation du sujet. C est exactement en ce point que la question de lholophrase sinscrit puisquest dsigne par ce terme une chane signifiante qui ne laisse pas place leffet sujet, qui ne permet pas la reprsentation du sujet. Pour formuler les choses ainsi, il faut dj tre dans l espace o cest le signifiant qui a laisser tre le sujet.Cette considration n est pas une mauvaise introduction aux parents dans la direction de la cure. J anticipe l sur ce que je vais amener. Le couple Si- S2 est minemment une reprsentation signifiante du couple parental. La formule dterminante pour le statut du sujet, Freud la cherche et la formule rgulirement en termes parentaux, et, plus largement, en termes familiaux.J ai commenc l-bas, dimanche, par un court- circuit que j avais prsent dans une discussion dailleurs informelle la veille, et qui visait replacer les parents dans lespace o on les rencontre, cest-- dire la famille.La famille est un ensemble de relations biologiques qui sont sublimes par la relation sociale. Ce point de vue, loin dtre tranger la psychanalyse, est tout fait fondamental. Quand Lacan a eu traiter des complexes familiaux, avec les moyens quil avait lpoque, il a commenc par Durkheim, c est--dire par le rapport du biologique au social comme tant un ordre de ralit propre. Cette rflexion du social est prsente chez Lacan jusqu son laboration des discours comme lien social. Que lon ne simagine pas que lon est dans la sociologie ds que lon prononce cet adjectif, ou alors cest une sociologie qui comporte la psychanalyse elle-mme, le discours de l analyste comme lien social. Aprs tout, ce que veut dire le social ici, cest le rapport lAutre. Cela comporte que le rapport l Autre est fondamental pour toute dfinition de l homme , pour toute dfinition du sujet.

    5

  • Accueil

    Au moment o il a commenc son chemin, dans la psychiatrie dj, puis dans la psychanalyse, quand Lacan dit le social, il vise une premire faon dapprocher, de mettre en question le rapport lAutre comme originaire pour le sujet. Ce rapport ne sera jamais tant originaire, videmment, que lorsquon arrive au point de donner priorit au signifiant sur le sujet. Ce serait dire certainement que le social anticipe sur ce que l on croit tre lindividuel.Il ne nous vient pas l ide de nier la base biologique de la famille - nous ne sommes pas des idalistes - , mais cest en mme temps, sur ce support, une institution sociale qui est en effet variable selon les civilisations et selon les poques. Ce que nous appelons le pre et la mre est dpendant d une tradition. Lvi-Strauss a dmontr, dans ses Structures lmentaires de la parent, que, dans ce quon appelle les civilisations primitives, le social a comme cellule matricielle le familial, les lois de la famille, qui comportent en particulier lchange entre les familles.Lorsquon parle des parents dans la direction de la cure, il sagit du dplacement d un lien social dans un autre, des structures lmentaires de la parent aux structures lmentaires de la psychanalyse.On comprend que Lacan, qui est entr dans la psychanalyse par Durkheim, le matre de la sociologie franaise, tait tout fait prdispos tre commotionn par lapparition de Lvi-Strauss et des Structures lmentaires de la parent. C est tout de mme ce livre de Lvi-Strauss et ce qui va avec, le structuralisme, qui a t le dclencheur thorique de lenseignement de Lacan partir de 1953. Comme Kant pouvait dire que ctait Hume, avec son analyse de la causalit comme a-conceptuelle, qui l avait rveill de son sommeil phnomnologique. Ces structures de la parent sont bien sr un point de passage oblig pour aller jusqu la structure du discours analytique.Je peux ajouter une parenthse que j ai faite l-bas sur les rapports de parent quil y a entre la parent et la psychanalyse. Ces deux liens sont fonds tous les deux sur une interdiction de la relation sexuelle. Les transgressions quil peut y avoir n en mettent que plus en valeur cette interdiction.C est un fait que l histoire de la psychanalyse est obsde par les questions de filiation. On peut d ailleurs parler de la fin de la psychanalyse en termes de nouvelle naissance, de renaissance du sujet, comme sil y avait en effet, dans le cours de lanalyse, une mort imaginaire du sujet et une nouvelle naissance. Ce sont des mtaphores qui sont celles de Lacan.

    Le cours mme du dlire du prsident Schreber obit cette logique qui passe par un moment de mort du sujet et par une renaissance dans le consentement la volont divine, si pervertie soit-elle. Le sujet renat nouveau sous les espces d une femme, une femme venir pour le cot divin, c est--dire quil renat avec un que ta volont soit faite !Pour ce qui est de la naissance, on peut distinguer la naissance biologique qui doit tre sanctionne par une naissance dans le lien social, la dclaration, la pr-dclaration, et sous quelles espces, sous quel nom - comme on nous laisse maintenant un peu de choix l-dessus, on s aperoit du caractre arbitraire de la chose - , une naissance dans le lien social du matre. Il y en a un certain nombre qui ne sont pas contents de ces deux naissances et qui en veulent une troisime l intrieur du lien social de l analyse. Ils veulent renatre, et renatre suppose en effet de mourir soi-mme. La mort soi-mme est un moment que lon traverse dans une analyse suffisamment pousse, le moment o lon n est plus chez soi en soi. On traverse un moment, et pas quun seul, de Unheimlichkeit.Le rsultat, c est que cela donne un analyste, que lon pourrait dire bom again - comme les sectes protestantes amricaines les multiplient. On nous a rendu fameux ces divers condamns qui se dpchent, dans les procs amricains, avant de comparatre devant leurs juges, de renatre nouveau, de telle sorte que l on peut les condamner, mais on ne condamne jamais que ce quils ont t.Le bom again, lanalyste, entre dans une nouvelle famille, la famille analytique... qui a beaucoup de rapports avec la famille des Atrides. Dailleurs, pour des Journes nationales comme celles de Barcelone, des gens arrivaient de tous les coins de l Espagne. Ils ont d ngocier leur venue avec leur famille. Ce n est pas seulement, quand il sagit de la psychanalyse, un conflit entre lexistence qui serait prive et les obligations du travail de l existence publique, mais cest plutt comme sil y avait deux types d existence prive, deux familles qui sont en conflit.Le groupe analytique est aussi une famille, d une certaine faon. Comme ces Journes se plaaient sous lgide de la Fondation du Champ freudien, je n ai pas pu ne pas signaler ce trait qui fait que lAssociation Internationale fonde par Freud sest fonne autour de la famille de Freud, la famille biologique, naturelle, adoptive. Il faut constater que le rseau de lenseignement de Lacan qui s appelle la Fondation du Champ freudien sest forme autour de la famille de Lacan. C est comme si lhistoire de la famille bgayait, comme sil y avait une

    6

  • Accueil

    rptition. On peut se demander de quel ct est le tragique et de quel ct est le comique. Mais le savoir n enlve rien lefficacit de la loi inconsciente qui est l luvre. On espre, videmment, que l on n oubliera pas que cette Fondation du Champ freudien, qui stend maintenant, est ne comme une rsistance lorthodoxie, non pas seulement l orthodoxie des autres, de l autre famille, celle de Freud, mais une rsistance ce qui pourrait tre notre propre orthodoxie, celle de la famille Lacan, qui pourrait surgir si lon entendait rduire un enseignement, celui de Lacan, l ceuvre dun auteur.Je ne me suis pas tendu davantage sur ce sujet dlicat. Il me suffisait de lavoir signal. On peut d ailleurs vrifier que cela n empche rien.Revenons lespace social de la famille. Cest l que lon rencontre les parents, avec l interdiction de les rencontrer sexuellement. Cette interdiction va en effet trs loin dans l inconscient.J avais appel ma confrence Observations sur parents et couses, Observacin sobre padres y causas. On constate le rle tout fait fondamental, en mme temps que surprenant, dans la psychanalyse, de lobservation des parents, prcisment de lobservation des organes gnitaux. Pour se rfrer lhomme aux loups, tout le cas est centr par Freud sur l observation de lacte sexuel entre les parents comme traumatisme, qui, une fois repris aprs coup dans le rve des loups, dtermine le destin de la libido pour ce sujet. C est l que surgit la castration comme problme. On peut apprendre de ce cas en quoi le sujet ne peut pas se rsigner la castration de la mre comme manque de pnis, et que, de l, il ne peut pas se rsigner la sienne propre comme symbolique.Les observations du sujet sur les parents, sur lacte sexuel, sur les gnitoires, sur les signifiants du dsir, des signes de leur jouissance, ont une importance fondamentale sur le fond de linterdiction sexuelle.Si l on crit la famille comme un ensemble d objets, ils sont barrs comme objets sexuels, et il sagit ds lors pour le sujet de trouver ses objets l extrieur de cet espace.

    A A A0 0 0

    Lvi-Strauss appelle structures lmentaires de la parent un ensemble de rgles trs contraignantes, qui comporte comme premire loi quil faut trouver

    ces objets l extrieur de la famille. Les structures lmentaires de la parent laborent les conditions algbriques du choix d objet.De la mme faon, Freud sefforce, dans les cas quil traite, de faire apparatre les conditions trs prcises qui dterminent le choix rotique de lobjet. C est ce quil appelle la condition d amour, die Liebesbedingung. Amour doit tre ici entendu avec toute sa force pulsionnelle. Il le met en valeur propos de l homme aux loups o le choix d objet se fait compulsivement. A partir du moment o les conditions se trouvent runies pour un objet donn dans la ralit, savoir une femme quatre pattes en train de travailler une tche humble, aussitt il tombe amoureux. Le terme que Freud emploie pour compulsion est bien Zwang. Cela opre avec un caractre de contrainte sur le sujet - Il faisait une promenade travers le village et il vit, au bord de l'tang, une jeune paysanne agenouille, occupe laver du linge dans cet tang, Il s'prit instantanment de la blanchisseuse, avec une violence irrsistible, bien que n 'ayant pas pu encore voir son visage du tout. Voil, la limite, ce que vise Freud quand il parle de la condition d amour. C est une formule de lnamoration qui agit avec le caractre mme, avec le Zwang, de l automatisme de rptition. On peut, loccasion, parler des choix d objets ddoubls. C est ce que Freud a examin dans le ravalement de la vie amoureuse.En quoi Freud corrige-t-il le schma lvi-straussien ? Il montre que ce sont les objets situs dans l espace familial comme interdits qui sont libidinaliss de faon primaire par la libido. Cela nous indique dj la connexion quil y a entre la jouissance et linterdiction de la jouissance. La clinique de Freud est faite pour nous montrer que c est au sein de la famille que slaborent pour un sujet le ou les conditions d amour qui seront dterminantes de son choix d objet. Il ne faut pas croire que Lacan invalide quoi que ce soit de ceci.C est tout de mme insens. Nous en sommes au point que si l on avait mis comme titre pour ces Journes L'Autre, le savoir et la jouissance dans la direction de la cure, tout le monde aurait dit - Bien entendu ! Mais lorsquon dit Les parents dans la direction de la cure, c est la surprise gnrale. Cela dit tout de mme que, dans le ronron de notre vocabulaire, il n est justement pas mauvais de saisir o se fondent lAutre, le savoir, la jouissance, et le reste, j ajoute une notation en passant. Ce qui est justement souvent omis dans la problmatique de lentre en analyse, cest la question du choix de lobjet. On parle du transfert la psychanalyse en tant que tel, de la rencontre avec le sujet suppos

    7

  • Accueil

    savoir, mais il y a aussi, plus secrte, la question du choix de l analyste comme objet particulier, cest-- dire celui-ci et pas un autre, et qui est dtermin par la prsence de traits qui font partie de la condition inconsciente d amour. Ce choix dun analyste est dj dans un rapport certain, mme sil ne peut tre quanticip, avec la condition damour.Ce sont des facteurs que lanalyste doit connatre pour savoir leurs valeurs, loccasion pour les soustraire de la direction de la cure, et ventuellement pour les neutraliser ou pour les utiliser. Cela demande en tout cas, non seulement quil rduise son dsir un x - le dsir de lanalyste c est son nonciation, cest--dire ce quil veut dire comme x - , mais il doit encore rendre nigmatique sa jouissance. La jouissance de l analyste n est que celle que lui transfre le patient, dans le discours analytique et dans la sance analytique elle-mme, au moment mme o il jouit en train de parler. Cela nous indique bien le statut de la jouissance de lAutre. Foncirement, par une raison de structure, la jouissance de lAutre est muette. La structure mme du discours analytique est faite pour le faire valoir, pour le dnuder.Quand on parle de la jouissance fminine comme la jouissance de lAutre, par exemple, on peut dire, pour rire, comme Lacan, que malheureusement les femmes n en disent pas grand-chose de convaincant. Il y a cela une raison de structure qui tient la corrlation entre la jouissance de lAutre et le mutisme. Cela se lie cette nouveaut qui a t introduite par Freud comme tant lanalyste, qui est un nouvel objet offert l amour, pour permettre d lucider la formule mme de la condition d amour, et par l d lucider la position du sujet au regard de la jouissance.Si l on pense cette condition d amour qui est labore au sein de la famille, elle tient, si lon prend lexemple de lhomme aux loups, toute sa force compulsive que lui soit transfr le Zwang issu de la scne originaire, c est--dire de l acte sexuel des parents. Ce qui dtermine la formule de la condition d amour, c est l acte sexuel entre les parents, dont linfluence se trouve ventuellement remanie par la suite de l histoire, et que Freud, avec une certitude entire, installe cette place de cause. C est partir de l que surgit la condition d amour qui va gouverner tous les choix rotiques du sujet.Cela a conduit Freud ensuite sinterroger si cette observation avait bien eu lieu ou non. 11 a d abord t catgorique, puis il en a dout. Ensuite, les analystes se sont partags sur la question de savoir si la cause de la nvrose ne serait pas d avoir laiss dans une trop grande proximit des parents les

    enfants qui auraient pu ainsi tre exposs des scnes traumatisantes.Mais en quoi y a-t-il traumatisme ? C est tre tout fait fidle Freud que de dire quil n y a traumatisme quaprs coup, cest--dire en rtroaction avec un second terme. La pure observation ne serait pas traumatisante en tant que telle, mais aprs coup.J ai dj fait valoir que ce qui est, pour Freud, thoris comme traumatisme, lest ensuite, par Lacan, comme une dtermination de structure.Quelle est la dtermination de structure ? Le sujet ne peut pas trouver coder en termes de rapport sexuel cette observation de la relation sexuelle entre les parents. Il ne peut pas en faire une vritable formule. Au fond, la seule chose quil vaudrait la peine dobserver chez les parents, ce serait le rapport sexuel, sil existait.Ce qui est traumatisme chez Freud est axiome chez Lacan, l axiome il n y a pas de rapport sexuel. Ce qui veut dire aussi que la sexualit est toujours traumatisante.C est plus compliqu que cela encore. Cette scne, pour Freud, devrait tre traduite en termes de castration, codifie en tenues de pnis. Le pnis vaut ici comme symbole. C est ce que nous appelons le phallus, c est--dire le pnis en tant qulment dun code. Ce qui devrait sortir de l observation de la relation sexuelle entre le pre et la mre, Freud le dit clairement, ce devrait tre le savoir de ce que c est un homme et une femme.C est bien par l que lon peut faire valoir ce thme des parents dans la direction de la cure, en rflchissant la relation quil y a entre la relation pre-mre et la relation homme-femme.Nous savons que le phallus, pour les deux sexes, comme symbole, est pour le sujet une condition de sexuation ou de sexualisation. C est la surprise que lon a lorsque Lacan dit que le sujet, en un certain sens, choisit son sexe, ce quil appelle la sexuation. Le sujet peut choisir sous quelle formule sexuelle il sinscrit.On trouve cela un peu excessif. Mais, ds les dbuts de la psychanalyse, et avant mme lobservation psychiatrique, on sest aperu quil y avait, pour des sujets, un sexe biologique, physique, et puis quil y avait ce que lon appelait un sexe psychique. La famille peut bien tre base sur des relations biologiques, cela n empche pas que ce soit une institution sociale. Il en va de mme pour le sexe, qui, bien sr, a des conditions biologiques, mais on admet trs bien quil doive tre socialis.Parler de sexualisation ou de sexuation indique que doit se raliser une implication subjective du sexe.

    8

  • Accueil

    La castration, cest ainsi que Freud formule ce qui permet l implication subjective du sexe.Dans le champ o nous sommes, le choix n a de sens quen relation avec la contrainte d une condition. Quand Lacan parle de choix forc, il rduit en une seule expression le doublet freudien de la condition damour et du choix d objet.Une condition damour est particulire un sujet. C est ce qui tient lieu de rapport sexuel dans l espce humaine. Dans les espces animales, il y a un rapport sexuel au niveau de lespce, et, dans lespce humaine, le rapport sexuel est particulier chacun et non pas l humanit en tant que telle. Quest-ce que la condition d amour, la Liebesbedingung ? C est la formule de la relation du sujet la jouissance. En ce sens, elle est quivalente au fantasme fondamental et mrite de scrire (S. (> a). Le fantasme avec son mathme - l il y a un rapport que lon ose crire - , le fantasme comme rapport, ce n est pas un rapport sexuel, puisque ce n est pas un rapport avec lAutre sexe en tant que tel. C est un rapport proprement pervers. Ce n est pas un rapport entre lhomme et la femme. Le seul rapport sexuel, le seul rapport o entrerait comme signifiant l homme et comme signifiant la femme, le seul rapport que le sujet puisse rencontrer, ce pourrait tre - cest ce que Freud attendait - le rapport sexuel entre pre et mre. C est mme pourquoi Lacan pouvait dire que le rapport sexuel, qui n existe pas, existe seulement dans la famille, entre les parents ou avec les parents, sous une forme videmment particulire, sous la forme dune formule contraignante particulire un sujet.Mais sagit-il d un rapport sexuel ? Sil y a rapport entre pre et mre, est-il sexuel ? On peut en douter. Et ce doute-l, cest le doute du sujet lui-mme, pour lequel, rgulirement, il parat incroyable quil peut y avoir un rapport sexuel entre les parents. La rvlation de la sexualit parentale peut tre l occasion signale comme traumatisante par le sujet lui-mme. Cela fait en tout cas lobjet dune observation minutieuse.Freud a constat - ce qui fait toute l animation du cas de lhomme aux loups - que le couple parental ne peut pas fonder le rapport sexuel de l homme et de la femme, et que, bien plutt, le rapport la mre fait obstacle l accs la femme, et loccasion le pre fait obstacle l accession lhomme, et que, mme, la femme n existe pas, mais, si elle existait, ce serait la mre.Cela ne veut pas dire quil n y a pas de rapport entre pre et mre, quil n y a pas un rapport au sens que nous donnons ce terme, c est--dire au sens d un mathme, d une formule dterminante, mais c est un

    rapport qui n est pas sexuel, qui n est pas superposable ce que serait la formule de lhomme et de la femme. Freud essaie d ailleurs de fonder le couple parental en termes d activit et de passivit. Activit de l homme, du pre en tant quhomme, passivit de la mre comme femme.Tout le cas de lhomme aux loups tourne autour de la question de savoir qui il sidentifie le plus vraiment. Il faut, en effet, dans son choix d objet, une femme accroupie, qui est le dclencheur presque thologique de son instinct sexuel. Dans cette scne, il est, lui, dans une position active ou suppose telle, identifi au pre, et toute l analyse de Freud montre comment, plus profondment dans le fantasme, il est identifi sa mre. Il y a un rapport d inversion entre son identification fondamentale et le rle, toujours souponn dartifice par Freud, le rle viril quil joue dans cette compulsion sexuelle.Soyons clair. Activit et passivit, ce n est que la forme ple de ce qui doit tre formul en termes de distribution de pouvoir. Il faut l se rappeler que la famille est constitue dans l espace social, c est-- dire dans le lien social du matre. Ce qui fait que, foncirement, le couple parental est symbolis partir du couple signifiant S1-S2 o, dun ct, nous avons le signifiant-matre, et, de lautre ct, le signifiant-esclave. C est plus joli en espagnol, o matre se dit amo, et lexpression chef de famille emploie le mme terme, amo de familia. On saisit donc bien en quoi le pre se propose comme le signifiant-matre de la famille. Je ne me suis pas tendu sur le thme de l esclavage de la mre, qui a dj t abondamment mis en valeur par le fminisme moderne.C est sur ce codage extrmement simple que peuvent se superposer les signifiants de la castration. On inscrit dun ct llment pour lequel ne vaut pas la fonction de la castration et, de lautre ct, le ou les lments pour qui cette fonction opre.

    Si s 2Sa malre Sa esclave

    x X

    Rien n assure, videmment, que la fonction de gauche soit, dans telle famille, assure par la personne du pre. Cest bien ce qui oblige dj distinguer plusieurs pres, le pre, et au moins le pre rel et le pre symbolique. Le couple de la mreet de l enfant par rapport au pre est dj l fond.L enfant est du mme ct que la mre en relation au signifiant-matre. Ou bien on inscrit cet enfant de ce ct, on linclut avec la mre comme S2 , ou on l crit comme a , et il reste aussi du mme ct.

    9

  • Accueil

    Si S2

    x X (fl)

    Ce couple signifiant S 1.S2 est l analogue de ce que serait le rapport sexuel, sauf que ce n est pas un rapport sexuel. C est un rapport qui est tout entier dans lordre du matre.Cela permet de comprendre quelles sont les origines signifiantes de la dcadence de limago paternelle. Ce qui fait problme, dans la famille moderne, c est que le pre travaille. Le pre qui travaille n est pas un pre adquat aux ncessits structurales du signifiant-matre. Il n y a pas de doute que la dcadence du statut du matre antique, laquelle se rfre Lacan daprs Hegel, la gnralisation du salariat, tout cela touche en effet une structure tout fait fondamentale, lmentaire. C est en mme temps concomitant, dans notre monde, des progrs de la bourgeoisie, qui fait loccasion de la mre, comme le signale Lacan en passant, la bourgeoise de la famille, qui tient les cordons de la bourse et tient de ce fait la place du chef de famille.Cette sociologie un peu facile permet de comprendre le rapport quil y a entre cette gnralisation du travail du pre et la psychanalyse. L analyste, lui, au sens de la structure, ne travaille pas. Il n occupe pas la place du matre, mais il se met la place du matre qui fait travailler. Il ralise tout de mme cette condition de gagner sa vie par sa prsence, en produisant la manifestation de son tre. Il faut videmment aussi quil fasse quelques autres choses. Mais il n est pas abusif de rapporter cette structure si simple et sa mise mal le fait que la psychanalyse ait pu se frayer une voie parmi les discours.L analyste ne doit certainement pas occuper la position du pre, partir du moment o le sujet est hystris. Sil loccupe, il sera conduit proposer des interprtations ncessairement inadquates, pour des raisons de structure.Il est clair, en revanche, que Freud avait accept cette position. Son uvre, dans laquelle on ne cesse pas de puiser, est mme le rsultat du fait que, lui, dans lanalyse et dans son travail de thoricien, acceptait la position du pre en face de lhystrique. Nous sommes beaucoup plus malins que lui aujourdhui. Nous n acceptons plus d occuper la position du pre, mais peut-tre est-ce aussi en lien avec le fait que, du ct de lceuvre, on ne fait pas tout fait le poids par rapport Freud.Les analystes se sont trs gnralement aperus quil ne convenait pas d occuper cette place et ils en ont conclu, par approximation, quils devaient occuper

    la place de la mre. On a vu, de fait, se multiplier l ide que le transfert maternel tait vraiment la clef de la psychanalyse. En situant lanalyste comme objet a, Lacan a dit la vrit de cette apparence. Mlanie Klein, qui a fait beaucoup dans ce sens, transcrit la psychanalyse comme un don du sein au patient. Aprs tout, Lacan admettait bien quil faut que lanalyste ait des mamelles...Je reviens au couple parental dont j ai dit quil prsentait au sujet un rapport qui pourrait paratre tre le seul rapport sexuel qui existe, mais qui est beaucoup plus srement rapport que sexuel. Question. Si c est vrai, comment scrit, comme rapport, et mme comme rapport non sexuel, la relation du pre et de la mre ?A partir du moment o l on pose bien la question, on arrive donner une valeur tout fait nouvelle quelque chose que l on croit un truc remch que l on cracherait comme un vieux chewing-gum, la clbre mtaphore paternelle de Lacan, qui crit en effet le mathme du rapport parental en termes signifiants, qui ne sont, en effet, nullement sexuels. C est une fonnule tout fait dtermine, et que j abrge en crivant le plus simplement possible cette mtaphore entre le signifiant de la mre et le signifiant du pre.

    N P _P_

    D M M

    Par rapport ceci qui est un rapport, nous n avons en revanche aucune formule comparable pour le signifiant de l homme et le signifiant de la femme. La mtaphore paternelle, quil y a, est un rapport entre deux signifiants. Le cas de lhomme aux loups est justement fait pour faire valoir ce rapport-ci sans que lon ait pour autant un rapport entre le signifiant homme et le signifiant femme. Toute lapsychanalyse, toute la direction de la cure est base sur le dcalage entre ces deux signifiants et ce que serait ce rapport entre ces deux signifiants.Sans doute, dans cette fonnule, le pre entre en tant que nom, Nom-du-Pre, la mre entre en tant que Dsir. Je fais remarquer que le dsir scrit l avec un D majuscule. C est trs prcis dans les mathmes de Lacan. Ce n est pas le petit d du dsir que Lacan oppose la demande comme tant la place du signifi. Il sagit bien du dsir en tant que signifiant qui obit la loi d tre l ou de ne pas tre l, et que Lacan illustre par les va-et-vient de la mre qui n ont pas d explication jusqu ce que surgisse la signification du phallus.Autrement dit, repartons de ce qui est le rapport entre pre et mre, rapport de substitution dans les termes de Lacan, cest--dire qui suppose en effet une barre porte sur ce signifiant.

    10

  • Accueil

    _p_

    > r

    Cela traduit, en une formule, ldipe freudien. Il n hsite pas traduire comme un mathme la fonction du pre comme interdiction. On a toujours reconnu l dipe comme une structure fondamentale pour la direction de la cure. La formule dveloppe implique un rapport entre l enfant, la mre et le pre comme barre, tant entendu que le sujet proprement parler ne sidentifie aucun de ces termes et que, pour pouvoir s identifier ces termes, il faut bien quon lui donne un signifiant propre. Le sujet, nous le savons, est susceptible de sidentifier lenfant quil est, de sidentifier au pre, la mre, ce qui demande que lon crive le sujet comme pouvant sidentifier la quatrime place.

    Vous avez ici la matrice du schma de Lacan de la Question prliminaire quil met, pour troubler les esprits, comme un carr. C est la forme d dipe qui vaut supposment pour le mle, qui fait du pre l obstacle, et de la mre foncirement le signifiant de lobjet primordial. C est le schma robuste de ldipe freudien.Pour la fille, la logique voudrait que ce soit le pre qui soit en position d objet et la mre en position d obstacle. C est bien l que lon voit, chez Freud lui-mme, quil sagit de signifiants, puisque, bien sr, en dpit de ce que cette configuration puisse se poser pour la fille, cela reste pourtant le pre comme signifiant qui est lobstacle, et la mre qui est foncirement le signifiant de lobjet primordial.

    M obstacle

    Fille: E ~ h P objet

    g

    Ceci ouvre, dans chaque cas, des conditions qui sont exactement modules. Il peut se faire que la mre relle vienne assumer la fonction d interdiction, et les ravages connus de la relation mre-fille sont dautant plus forts que cela a t le cas. Ils supposent souvent la complaisance du pre rel au rle d objet. Mais mme lorsque le pre est lobjet, il assume en mme temps la fonction d obstacle. Pour les deux sexes, le Nom-du-Pre est une fonction qui, dans tous les cas, reprsente cet obstacle, et la Mre est le signifiant de lobjet primordial.Le sujet, videmment, n est pas lenfant. Le sujet n est jamais un enfant. Le sujet coordonn au

    signifiant n est pas un enfant. Le sujet doit situer sa position entre ces trois signifiants et se raliser dans sa position. Il a en mme temps un lien tout fait particulier avec le pre, que Freud lui-mme a essay de situer de faon nigmatique.Ce n est pas par hasard si lcrit de Lacan La direction de la cure suit immdiatement son crit de la Question prliminaire. Il a fallu passer par la thorie de l dipe en tenues signifiants pour pouvoir formuler une thorie de la direction de la cure galement en termes signifiants.Pourquoi l histoire familiale reste-t-elle inoubliable pour le sujet ? C est un mystre pour le sujet en tant que tel, c est--dire pour le sujet du signifiant. C est le sujet du signifiant qui peut se demander pourquoi il se trouve ne pas parler de mathmatiques, de posie et d art dans la cure analytique, mais parler du roman familial. Lorsquil arrive au sujet de parler d art, de critique littraire, dit Lacan, il peut m'enchanter de ses analyses des romans de Dostoevski, ce que j'en attendais c 'tait qu 'il me produit son fantasme de grossesse.Quest-ce que raconte cette histoire familiale, cette histoire entre ce qui a lieu entre pre et mre et tout ce qui va avec dans la famille ? C est la faon dont le sujet a t spar de lobjet primordial, comment il a t affect de cette perte, travers quel traumatisme, souffrance, et ce qui a surgi pour lui de cette perte, quel fantasme en a surgi, quelle jouissance a t rcupre de cette catastrophe.Nous crivons ce rapport sous une forme ainsi abrge pour pouvoir la gnraliser ou voir son homologie fondamentale. Il n y a nullement besoin que lanalyste fasse le pre comme interdicteur. C est une mconnaissance de ce que veut dire ce schma mme que de vouloir que lanalyste souligne ce que lon simagine tre cette position. Le sentiment dinterdiction quil y a dans lexprience analytique ne vient d aucune dclaration de lanalyste, mais de limpratif de parler.La mtaphore paternelle dans lanalyse n implique pas du tout que l analyste occupe une position paternelle. Tout au contraire, c est la loi de lassociation libre qui accomplit, qui rpte cette sparation de lobjet primordial, c est--dire lobligation de symboliser la jouissance dans le langage. Le pre, cest la parole. Et sans doute le sujet est fils de la parole.C est videmment un peu surprenant de parler en tenues de famille. Vous vous y retrouvez dj mieux si l on dit le signifiant c 'est la cause.C est bien parce que le pre c est la parole que ce qui saccomplit sous les espces de la mtaphore paternelle saccomplit chaque fois quune parole se

    11

  • Accueil

    dveloppe en analyse sous la loi de lassociation libre. C est bien en quoi le pre dans lanalyse, cest le pre mort, cest--dire le pre symbolique. Il sidentifie la langue.On parle tort de langue maternelle, parce quon identifie le signifiant de la mre la signification de la vie, de la mme faon que l on associe le signifiant du pre la signification de la mort, et que lon simagine que la langue est anime par la vie des mots. Illusion que Lacan dnonce dans les termes que toute langue est une langue morte. C est en quoi elle vhicule la loi du pre. Sans doute, la signification de la mort est distincte de celle de la vie comme associe la mre.A quoi tend ce discours, sinon vous montrer comme homologue ce schma le schma suivant qui installe l Autre de la langue par rapport la jouissance et qui traduit la formule dipienne que le pre interdit la mre. C est la parole qui interdit la jouissance. Lacan formule ce niveau que la jouissance est interdite qui parle. C est la formule dipienne transpose.

    P_ A J

    L homologie entre ces deux formules est fondamentale. La clef pour dchiffrer les dits de Lacan sur la jouissance, cest l homologie entre la thorie de l dipe et cette articulation qui concerne la jouissance.Au-del, je peux revenir une formule freudienne qui est celle du rapport entre le principe de ralit etle Lustprinzip.

    Realitit

    Lustprinzip

    C est bien en termes de substitution que Freud parle de la domination qui simpose du principe de ralit par rapport au principe de plaisir.Les termes de Lacan, sils n taient faits que pour compliquer ceux de Freud, n auraient que peu d intrt, mais ils permettent de faire communiquer la thorie de ldipe et la mtapsychologie freudienne. Ils montrent que, loin d tre deux chapitres distincts de luvre de Freud, ils se rfrent une structure centrale, celle des rapports du langage et de la jouissance auxquels nous avons affaire d une faon tout fait pratique dans la direction de la cure.Cela n en reste pas ce point, videmment. Il faudrait que je choisisse un petit quelque chose pour terminer. Eh bien, ce petit quelque chose, cest sans doute la chose la plus importante du rapport entre le Lustprinzip et le principe de ralit.

    Quest-ce quune mtaphore ? C est une substitution. Freud parle de ces deux principes en termes de substitution, une substitution qui comporte que le principe de ralit se substitue au principe de plaisir.C est ce qui a enchant les analystes anglo-saxons. Cela leur semblait promettre lducation du sujet. Freud dit en effet que la substitution du principe de ralit au principe de plaisir est la clef mme du processus de l ducation. Cela paraissait donner ladaptation comme finalit l analyse, et invitait l analyste sidentifier au principe de ralit.C tait oublier ce qui est dit en toutes lettres par Freud. Mme sil y a substitution de lun lautre, le principe de ralit reste au service du Lustprinzip. Il le dit dans Formulation sur les deux principes de la structure psychique - La substitution du principe de plaisir par le principe de ralit n'est pas une vacuation du principe de plaisir, mais une sauvegarde du principe de plaisir.On peut crire quau Lustprinzip est substitu le Realittsprinzip. Ceci dit, il y a une diffrence entre les deux, qui est celle-l mme que nous appelons a.

    Realitit : = (a)Lustprinzip

    Loin que le principe de ralit annule le principe de plaisir, il est au contraire son service et ne cesse pas de rpercuter ce qui est l rest irrsolu et foncirement vit.J avais donn un peu rapidement Barcelone la conclusion que l analyste ne doit pas se prendre pour le reprsentant du principe de ralit. C est une bonne formule pour conclure avant Pques.23 mars 1988* *Ce texte, tabli par Catherine Bonningue, reprend la quinzime leon de

    Cause et consentement, L orientation lacanienne 7, enseignement prononc dans le cadre du Dpartement de Psychanalyse de Paris VIII. Il est publi avec laimable autorisation de J.-A. Miller.

    12

  • Q u a r t oR e v u e de p s y c h a n a l y s e

    63A U T O M N E 1997

    PUBLICATION DE L'ECOLE DE LA CAUSE FREUDIENNE - ACF EN BELGIQUE