L'operation Epervier,RAIDS N°278,2009.júli.

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Les légionnaires affectés à Faya-Largeaupatrouillent dans le parking de l'aéroport quandun avion français y est stationné. Lors du poser,

le contrôleur en tour est secondé par uneéquipe française positionnée en seuil de piste.

En marge de la Mission des Nations uniesen République centrafricaine et au Tchad

RCAT) et du bouillonnement permanent désfrontières du Grand Est tchadien, les éléments

*—incais du théâtre continuent d'assurer uneission essentielle à la stabilité du pays.

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Les événements de février SOOSDu 2 au 10 février 2008, lors des événements, l'évacuation des ressortissants français et étran-

gers a été déclenchée par le ministère des Affaires étrangères. Les éléments français au Tchad(EFT) ont mis en œuvre un centre d'évacuation de ressortissants (CENTREVAC) par lequel1750 personnes de 78 nationalités différentes ont transité. 1400 personnes ont été évacuéesvers Libreville (Gabon) par les avions de transport tactique Transall et Hercules de l'armée del'air, en dix-neuf rotations.

Pendant cette même période, le groupement santé des EFT a assuré un soutien santé sous desformes variées. Le soutien des forces EFT engagées sur le terrain s'est traduit par l'évacuationde deux blessés légers vers le centre médico-chirurgical (CMC). Celui des ressortissants s'esttraduit par le déploiement d'un poste de secours, pour l'ambassade de France et pour deux pointsde regroupement. 123 d'entre eux ont bénéficié de consultations médicales au CMC, lors de leurarrivée au CENTREVAC, sur la base de Kosseï. 50 militaires et cinq civils tchadiens, blessés lorsdes combats, ont été opérés par la 7e antenne chirurgicale parachutiste. Les équipes médicales ontréalisé une mission EVASAN par hélicoptère, au profit de quatre blessés tchadiens. Lorganisationd'un rapatriement sanitaire médicalisé pour un enfant de ressortissant, sur un avion tactique del'armée de l'air à destination de Libreville, a été la dernière action menée.

Le 2 avril 2008, un des trois Transall de l'opération Eperviera évacué 35 blessés de l'arméenationale tchadienne (ANT) entre Abéché et N'Djamena. La veille, des combats avaient opposéTANT aux rebelles dans la ville d'Adé, à la frontière du Soudan, au sud-est d'Abéché. 29 blessésont été transportés à l'hôpital de N'Djamena et six autres ont été pris en charge par l'antennechirurgicale des EFT.

Le 18 juin 2008, les EFT ont apporté un soutien médical à la suite des combats entre militairestchadiens et rebelles dans l'est du Tchad. 66 blessés ont été évacués grâce aux hélicoptères Pumades EFT vers Abéché, où ils ont été pris en charge par les équipes médicales françaises du campCroci. Neuf d'entre eux ont été transférés au groupe médico-chirurgical italien de l'EUFOR.

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Passage d'un bac et reconnaissance d'unpassage du Chari, par des élémentsdu1" REG. Nous sommes dans le sud-est dupays, un secteur qui offre une possibilité depénétration aux rebelles.

Fin d'après-midi. Tandis que la base aé-rienne Sergent-chef-Adji-Kosseï émerge desa léthargie, deux Mirage F1-CR se posent.Il a fait 45° aujourd'hui ; c'est le Tchad danstoute sa splendeur.

Agitation chez les pilotes : le « Com Det » estlà. Même si le colonel Christophe de Cugnacest un ancien pilote de chasse, il est assezinhabituel de voir le grand patron des élémentsfrançais au Tchad (EFT) se déplacer pourassister au débrief ing.

Nous sommes le 30 avril. Dans l'Est, lesrebelles se regroupent et passeront laf rontièredès le lendemain pour tenter l'offensive de ladernière chance avant la saison des pluies. Etce remue-ménage n'a pas échappé aux yeuxd'aigle, à la fois électroniques et humains, dela « reco » française.

C'est l'un des leviers d'Epervier ; l'OPEXfrançaise la plus lourde après l'Afghanistan.Elle fonctionne sur la base d'accords decoopération qui remontent déjà à l'année1976 (affinés en 1990 et 1998) et qui prévoientjustement une mission d'aide à l'Etat tcha-dien, à la fois sur le plan logistique et celui durenseignement.

Une dansesur une pointe d'aiguille

En annexe, les EFT ont une mission de sou-tien aux populations par le biais des moyensde lutte anti-incendie de l'aéroport et desservices de santé. De leur côté, agissant enprofondeur, les acteurs des actions civilo-militaires œuvrent dans la cadre de leurs mis-sions traditionnelles de contacts et de projetsmilitaro-humanitaires.

Mais pour tous ces hommes, 1 200 envi-ron, Epervier, c'est une danse sur une pointed'aiguille. Stationnés dans un pays qui compteparmi les cinq plus pauvres du monde et dontle gouvernement vit sous la menace perma-nente d'une rébellion unifiée abritée par leSoudan, les militaires français doivent aider,protéger... et tâcher de rester neutres.

Pour le colonel de Cugnac, il s'agira, en casd'invasion ou d'émeutes, de laisser passer lamenace, tout en garantissant l'intégrité desempreintes militaires françaises et la vie desressortissants tricolores présents sur le terri-toire. Pour un soldat, c'est un peu déroutant.« Je suis seulement là pour observer, affirmele colonel de Cugnac, conserver la situationla meilleure possible et donner aux décideursfrançais une vision affinée non seulement duTchad, mais aussi de la "sous-région": la Libye,le Cameroun, le Nigeria, la République cen-trafricaine et le Soudan ; ces deux dernièresnations étant intéressantes à suivre car on yobserve des mouvements de rébellion. Maisen tout état de cause, je ne suis pas là pourmener une action à caractère offensif. D'autrepart, il est bon de souligner qu'il n'y a pasd'accord de défense avec le gouvernementtchadien, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'auto-matismes qui peuvent jouer en cas de crise.C'est la raison pour laquelle le renforcementrécent des moyens de l'aviation de combattchadienne n'entraînera pas l'allégement dudétachement Air français. Ce sont deux entitésqui n'ont rien à voir. »

En haut, à gauche.Abéché est une emprise d'importance, dontla garde est assurée par des postes fixesmais aussi par des patrouilles. Sur l'ensemblede l'effectif présent à Abéché, on peutcompter une petite centaine de combattants.La compagnie Proterre vient du 3e RAMa et leséléments qui se relèvent viennent du 1" REG,du 1" Spahis ou du 2e REI.

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Bien que faible, la menaceexiste néanmoins pour leséléments cŒpervier. Autourdu bivouac d'une section du1er REG en MR, la garde estassurée par des moyens devision nocturne.

Dans certains cas pourtant, le renseignementfourni par les avions français peut bénéficier auxTchadiens. « Cependant, là encore, il n'y pasd'automatisme, répète le colonel. Ils peuvent expri-mer des demandes, auxquelles nous répondonsau cas par cas ».

Epervier n'est pas qu'une force à vocationintra-théâtre. Ce détachement agit comme unréservoir propre à soutenir les forces françaisesprésentes sur le pourtour africain du pays. « J'aicomme mission la stabilité de la sous-région.Je suis donc à même d'intervenir dans un paysfrontalier. Exemple : s'il se passe quelque choseen RCA, Epervier peut recevoir des renforts sur saplate-forme de N'Djamena. C'est très conjoncturelet ça dépend des accords de défense et de lasituation. »

Pour résumer, Epervier stabilise autant qu'ilaide le Tchad, observe les pourtours instables etpeut éventuellement se transformer en hub mili-taire destiné à défendre nos intérêts sur un pointchaud voisin. Un volet de missions complexe etpermanent dont le point central est la base aé-rienne de N'Djamena et le camp militaire attenant,deux entités séparées par un corridor de quelque200 mètres.

Le reste du décor est un pays grand commedeux fois la France : 1 284 000 km2.

Relativement verdoyant, le Sud-Est fait l'objetd'une surveillance constante par missions dereconnaissance, un peu comme le faisait le LongRange Désert Group britannique au cœur du dé-sert libyen lors de la Seconde Guerre mondiale.Les sections qui mènent ces missions à longuedistance visent plusieurs buts : le contact avecles autorités locales et les ressortissants françaisperdus ça et là, mais aussi la reconnaissance desaxes et des points de passage du grand fleuve

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Ci-contre.Reconnaissance dans le Sud-Est avec une sectionProterre du 1er REG. Les pistes sont relativementbonnes sur la majorité du parcours.

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Les équipes cynophiles de l'armée de l'airdétachées pour Epervier font partie des élémentsles plus sollicités de l'OPEX.

La criminalité qui sévit à N'Djamena est uneconstante étonnante. Lorsque l'on quitte les camps,les consignes parlent d'elles-mêmes : verrouillage desportières et remontée des vitres, pas de marche à pieddans les rues de la capitale, ne jamais descendre deson véhicule en cas d'accident, etc.

Entre le poste de garde de l'aéroport et le campfrançais, 200 mètres d'une route bordée de casernestchadiennes. Il est interdit d'y marcher à pied le soir,viols et attaques y sont fréquents.

Lenceinte gardée de la base militaire n'est donc paschose à impressionner toute cette « faune crimino-gène ». Les Français ont déjà été victimes de vols àl'intérieur même des bâtiments ; il arrive que plusieursdizaines de mètres de grillage disparaissent de tempsà autre par magie, dans la nuit.

Les malandrins doivent toutefois compter avecun adversaire de qualité : les chiens du groupe deprotection et d'intervention.

Travaillant de concert avec les commandos de l'Air,les équipes cynophiles protègent non seulementl'enceinte militaire, mais elles pourraient aussi pren-dre en charge l'aéroport civil si la situation obligeait àl'évacuation générale des ressortissants français.

En cas d'intrusion, les chiens se transforment enpistards, et pour les voleurs, gare aux crocs de cesmâchoires non muselées !

Issues des escadrons de protection de toutes lesbases aériennes ou CPA, les équipes cynophiles sontspécialisées dans la patrouille/éclairage et le pistagesommaire. Elles sont indissociables : si un chien estrapatrié, le maître rentre avec lui ; et maître commechien prennent leurcachet « antipalu » tous les jours.Contrairementàce que l'on pourrait penser, les chienss'adaptent assez rapidement au climat, en perdantleurs sous-poils en moins de huit jours. Malgré tout,leur régime de travail exige au moins trois douchespar jour et des baignades ... parfois en compagniede leur maître. Le détachement de protection af-fecté à Epervier compte 95 personnels répartis surN'Djamena, Faya-Largeau et Abéché.

A leur crédit : cinq individus interpellés du débutjanvier à la fin avril 2009.

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Le voile atmosphérique de la saison chaudeconstitue un handicap assez net qui diminue

les capacités des capteurs.

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Ravitaillement en point central pour cettepatrouille de Mirage F1 en mission de

reconnaissance dans l'Est. Nous sommesle 30 avril, et ces avions décèleront lesmouvements rebelles à la frontière du

Soudan.

Un « Det Air » de première importanceLe détachement Air rattaché à Epervier est l'un des plus importants déployés par la France en OPEX.Selon les circonstances, il est bien souvent LE plus important. C'est cette touche « aviation » qui placeEpervier sous le commandement d'un aviateur.

« COTAMXX, vous ne faites pas ce qu'on vousdit de faire ! » A bord du Transall qui vient dequitter la piste de N'Djamena, le commandantde bord proteste mollement : « Vous m'avezdemandé de faire un virage à gauche après ledécollage pour éviter la présidence, et c'est ceque je viens de faire... »

Au Tchad, le contrôle aérien est un poil folklori-que. .. quand il y en a. Mis à part les approches, lanavigation au-dessus du territoire se fait surtouten « auto-info » avec les yeux grands ouverts.

Le transport tactique prend ici toute l'impor-tance dont on a l'habitude de le parer. Avec desdistances courantes de plus de 600 km entreles principales implantations françaises, lesavions-cargos ne cessent de tourner, et lorsquel'un d'entre eux est immobilisé, cela pose devrais problèmes. C'était le cas en avril quandun Transall fut sérieusement endommagé parun coup de vent magistral sur le parking deN'Djamena.

Si l'on ne cesse de pointer le vieillissement dubiturbopropulseurfranco-allemand, on ne cessepas non plus de louer ses qualités. « Ce que j'ob-serve sur ce théâtre, c'est la force de nos moyensde projection, et du Transall, en particulier. Il sepose sur des pistes en latérite de 1000 mètres,

Ci-contre.Le retrait de l'EUFOR oblige à un rapatriement

de fret très important. Les parkings del'aéroport de N'Djamena en témoignent :

Antonov 124 etAntonov 12, Herculeset C-135 FR français.

c'est une qualité considérable par rapport auxautres nations ; nous l'avons d'ailleurs constatédurant l'EUFOR. Les Espagnols ont déployéleurs avions de transport tactique sur des ter-rains sommaires après un cycle de discussionparticulièrement long. Les Hercules grecs ouautrichiens n'y sont jamais allés. Seul le Transallfrançais allait dans tous les coins. Ce n'est passeulement l'avion, mais les vingt ans d'Epervierqui amènent cette compétence », souligne legrand patron d'Epervier, le colonel Christophede Cugnac.

Le colonel David Desjardins, commandant dugroupement air, confirme : « On n'a pas encoretrouvé de remplaçant dans sa capacité "terrainssommaires", et sa soute est plus moderne quecelle du Hercules. Dans un C-160, on fait entrerdes charges qui n'entrent pas dans un C-130. »

D'ailleurs, la perspective de l'éventuelleacquisition de C-130J laisse froide la majoritédes aviateurs concernés. Ceux-ci voient d'unœil plus favorable le prolongement de la flotteTransall, annoncé dans l'attente éternelle del'Airbus A400M.

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Poing armé du « Det Air >> : les Mirage F1.Détail amusant, on les considère désor-mais comme de « vieux africains », alorsqu'il fut une époque où les pilotes deJaguar voyaient d'un œil amusé l'arrivéede cet élégant chasseur-bombardier surun théâtre aussi rigoureux. Il faut se mé-fier des préjugés technologiques. « Nousn'avons pas plus d'indisponibilité qu'en

/ métropole, constate le colonel Desjardins,l malgré des contraintes très difficiles. Les

mécanos travaillent par 40° à l'ombre et nousn'avonsque 140 personnels pour faire tourner

le détachement, même si nous avons un bonsoutien logistique de métropole. »Outre leur mission de « reco », les F1 sont suscep-

tibles d'appuyer les troupes au sol, françaises ouautres, selon les demandes et ordre de Paris. Ilsdélivrent des bombes lisses ou guidées laser parle biais de contrôleurs aériens avancés.

CAS ou « reçu » ?Fin avril, le rythme des sorties était plutôt

soutenu, activité rebelle oblige. Pour les pilo-tes, il s'agissait de veiller au point de rupture.« Normalement, nous tournons avec huit pi-lotes pour six avions. En ce moment, noussommes cinq, ce qui est un peu tendu. Ausol, et dès que nous atteignons les 40°, c'estassez pénible, et nous veillons à bien gérerl'aspect résistance physique. D'autre part, etc'est nouveau, les pilotes savent désormaisdire non et ils se font remplacer en cas defatigue excessive », souligne le commandantpar intérim du détachement F1, le capitaineNicolas Marsault.

« II n'y a pas de menace aérienne, poursuit lecapitaine Marsault à propos des missions versl'est, sauf une menace potentielle qui pourraitvenir de l'aviation soudanaise si nous nousapprochons trop de la frontière, laquelle estassez floue. Celle-ci vient d'ailleurs de tirerdeuxpick-up de l'EUFOR, chacun prétendant êtredu bon côté de la barrière... La seule menaceà prendre en compte est celle des Kalachnikovou des armes de 12,7 mm ou 14,5 transpor-tées sur certains pick-up rebelles. A priori, //n'existe pas actuellement de missiles sol-air.

Ci-contre et ci-dessus.Certes, le Transall vieillit, mais est-il vraimentremplaçable sur les terrains sommaires qui nesupportent guère les trains monotraces desHercules ?

Ci-contre, au centre.Largage de petits colis pour le ravitaillementd'une section de légionnaires en mission dereconnaissance.

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Ravitaillement d'un Mirage F1-CR équipé de lanacelle PRESTO.

Théoriquement, nous n'entrons jamais dansle domaine des armes légères, sauf pour fairedes show of forces ou mieux appréhender ceque l'on doit observer. »

Le pod PRESTO permet à la fois de nepas descendre trop bas et de couvrir unegrande parcelle de terrain. Mais, dès que lesrebelles entendent un aéronef, ils se cachent.« La meilleure parade pour eux est de s'ar-rêter de bouger, et ça marche relativementbien. C'est la raison pour laquelle la photo estessentielle. »

L'armée de l'air française est l'une des derniè-res travaillant encore avec un support argenti-que. Le numérique n'arrivera qu'avec le RafaleF3, car le Mirage F1 est un vecteur en fin devie pour lequel on n'engagera pas de rétrofit.On parle maintenant de lui comme on parlaitjadis du Jaguar. « Je ne sais pas si un Rafalebourré d'électronique supportera aussi bienl'humidité et les écarts de température que noussubissons ici, s'interroge le capitaine. En hautealtitude, nous descendons à - 50°, soit desécarts de parfois 100 degrés. »

La mission « reco » est très particulière etdemande des qualités à part. Y ajouter le CASest-il un bon choix ? « Le CAS est compliqué,explique la capitaine, car il évolue constam-ment. Il est déjà très différent de ce qui sepassait il y a un an, et je suis certain que, dansun an, ce sera encore autre chose. Les stan-dards évoluent avec les menaces, le cas typeétant l'Afghanistan. La "reco" est une scienceconstante, avec un matériel qui n'évolue pasénormément. Si le pilote de "reco" a tendanceà voir plus rapidement certains détails, il sefocalisera peut-être un peu trop dessus, tandisque le pilote CAS restera en éveil; il verra l'arbre

Ci-contre.Pour les mécanos, le travail par 45° à l'ombre

est un challenge constant.

en boule avec la maison et la patte d'oie, maisidentifiera le vrai objectif, un peu plus loin, et quiprésente les mêmes caractéristiques visuelles.En revanche, il fera une "reco" moyenne. »

Au Tchad, les distances sont énormes. Achaque mission, c'est comme si les pilotes tra-versaient la France. Constamment « bidonnés »,les Mirage F1 peuvent assurer seuls mais avecdes limites. La présence d'un Boeing C-135FRest plus que souhaitée. Mais pour celui-ci, lescontraintes liées aux températures ne sont pasà négliger. « Nous décollons le matin à 40°, celanous oblige, pour une mission dans le Sud-Est,à un emport de carburant limité à 55 tonnes autotal pour trois ravitaillements de deux avions,soit 12 tonnes livrées environ », explique lecapitaine Jean-Yves Pacalet, navigateur com-

mandant de bord du « Vautour novembre »1,rencontré après une mission.

Le C-135 FR n'est pas fait pour cela, maisson plancher renforcé - contrairement aumodèle américain - l'amène souvent à assurerdes missions de transport de fret, parfois desmissions allers-retours vers la métropole ou lespays voisins. Vétéran de la guerre froide, il estencore loin de la retraite : « // est donné pourdurer jusqu'en 2025 avec quelques rétrofits :planche de bord, moyens de communication,etc. Certains sont déjà en cours.»

Les tankers restent environ quarante jours surle théâtre. Les équipages arrivent et repartentavec leur avion.

1. Tous les tankers sont des « vautours » à la radio.

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Soldats du 1" régimentétrangers de génieen mission de ^ ,reconnaissance dans le -jSud-Est tchadien.

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Même si elles sont équipéesde téléphones satellites,les sections en grandereconnaissance restentattachées aux jjÊfsmissionspar graphie. Le fffbrse demeureun moyen de communicationquasiment infaillible.

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Chari qui court de Centrafrique au lac Tchad,au nord-est de la capitale. Débutant vraimentaux environs de la ville de Kyabé, un axe routierconstitué aux trois quarts d'une piste relative-ment bonne peut vite devenir un moyen depénétration valable vers N'Djamena.

Le Sud-Est ne possède pas d'emprisesfrançaises. On y trouve des militaires et gen-darmes tchadiens dans la plupart des grandesvilles - au Tchad, il faut utiliser ce terme aveccirconspection -, allongés dans leur caserneou patrouillant à toute allure, juchés sur despick-up avec de l'armement léger. Il est difficilede se faire une idée précise de leur valeurguerrière tant les histoires qui courent sur leurcompte sont multicolores1. Cela dit, suite aucoup d'Etat de février 2008 durant lequel lesrebelles avaient bien failli repartir avec sa tête,on parlait beaucoup de la défense en profon-deur établie par le président Idriss Déby, et ilsemble que celle-ci ait bien fonctionné lors del'attaque avortée de début mai. Nous serionsdonc avisés de ne pas porter de jugementstrop caricaturaux sur les stratèges de ce pays.N'oublions pas non plus qu'ils sont soutenuspar des mercenaires payés pourtenir les com-mandes d'une demi-douzaine d'aéronefs decombat expressément conçus pour la contre-guérilla (Mi-35, Mi-171 et Su-25).

Un point d'ancrage sensibleSi le Sud demeure un secteur sensible sur

lequel il faut garder un œil à tout hasard, cen'est rien en regard de la zone qui fait face auSoudan, pays où s'abrite la rébellion de l'Union

1. Par exemple, l'une des rumeurs prétend que lesgrades se gagnent au combat... en ramassant lesgalons d'un mort.

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des forces de la résistance (UFR). Située pleinest, c'est le point délicat du moment. C'est parlà que les rebelles ont attaqué en février 2008,puis en mai dernier.

Deuxième ville, en importance, du Tchad,Abéché est plantée à 130 km environ de lafrontière. L'aéroport possède une piste en durcapable d'accueillir des gros-porteurs, maisaussi des avions de combat. Abéché est unverrou qui, s'il saute, ouvre la route menantdirectement à N'Djamena à 700 km à l'ouest.Cerise sur le gâteau : le président Déby estoriginaire du coin.

C'est à partir d'ici qu'opèrent la MINURCATet la plupart des organisations humanitairesagissant sur les camps de réfugiés venus duDarfour.

Dès l'arrivée sur le parking, changementd'ambiance : des hélicoptères tchadiensarmés dorment au soleil, tandis que l'Hercu-les de l'aviation gouvernementale débarquedes « huiles » venues haranguer une troupealignée sous le soleil. Il s'agit de motiver ceuxqui devront faire face, dès le lendemain, à lanouvelle attaque rebelle - qu'ils mettront endéroute en quatre jours.

Au milieu de ce chaudron en puissance, deséléments français sont postés sur l'aéroportmême ; le camp Capitaine-Croci.

On y compte 270 personnels. A leurtête (aumoment du reportage) : le lieutenant-colonelChristophe Roux ; en France, commandanten second du premier régiment de spahisde Valence, un régiment qu'il connaît depuis1993.

« En réalité, si l'on considère le détachementpermanent d'Abéché, nous sommes moins de30, précise le lieutenant-colonel Roux. Le resteest constitué d'éléments de renfort venant parrotation de N'Djamena pour des périodes desix à douze jours ; une durée à privilégier car

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Ci-contre et page de droite.La présence de nombreux vecteurs dans un

théâtre relativement calme permet de monterdes exercices qui seraient difficiles à mettre

sur pied en France. Ici le débarquement d'unesection de tireurs d'élite du 1" REG, par un

hélicoptère Puma, bête de somme étemelle del'ALAT en Afrique.

les consignes sont particulièrement délicatesà appliquer : qui entre, qui n'entre pas, dansquelles conditions, etc. Les procédures sontcomplexes. Sur l'ensemble de l'effectif, on peutcompter une petite centaine de combattants.La compagnie Proterre vient du 3? RAMa et leséléments qui se relèvent viennent du 1er REG,du 1er Spahis ou du 2e REI ; trois unités de la& brigade légère blindée. Notre situation estcomplexe, car nous avons 21 civils de l'éco-nomat des armées, tandis que 80 personnelscivils de recrutement local (PCRL) viennenttravailler tous les jours, auxquels il faut ajouterde petits artisans qui proposent leur productionlocale sur le camp. »

Pour ajouter à la difficulté, un régimenttchadien est stationné, lui aussi, sur l'aéroport.

Le lieutenant-colonel Roux doit organiser ladéfense de la plate-forme de concert avec lui.« Des patrouilles sortent régulièrement pourprendre la température de la ville en tempsréel, explique Christophe Roux. S'il y a desmontées en pression, si les gens changentd'attitude, nous le notons immédiatement.En cas de crise, les secteurs sont répartis. Jeme défends sur le camp Capitaine-Croci etles Tchadiens ne doivent pas entrer sur monentité pour y faire la guerre. Je dois préserverla zone de transit [le parking de l'aéroport]avec des plans de feu qui complètent ceux dela MINURCAT, implantée au bord de celui-cidans sa partie nord. Le régiment tchadienprotège la piste elle-même [2 800 mètres] etla tour de contrôle. On se parle et on établit la

Les effectifs Cavril 20093Epervierse compose d'un état-major interarmées, d'une base de soutien et de trois groupe-

ments : Terre, Air, santé.Le groupement Terre comprend 350 personnels et près de 70 véhicules répartis, comme suit :

- à N'Djamena, un état-major tactique, une compagnie motorisée (COMOTO), deux compagniesProterre à deux sections chacune ;

- à Faya-Largeau, un détachement autonome ;- à Abéché, une unité Proterre à deux sections.

Les unités présentes au moment du reportage, en avril 2009, étaient les suivantes :- 2e régiment étranger d'infanterie ;- 1er régiment de spahis ;- 1er régiment étranger de génie ;- 3e régiment d'artillerie de marine.

Composé de 140 aviateurs, le groupement Air se déclinait comme suit :- six Mirage F1 (3 CT et 3 CR) des bases aériennes 132 (Colmar) et 112 (Reims). Un format

ramené fin avril à quatre F1-CR ;- trois C-160 Transall, dont un ravitailleur (BA105 Evreux et BA123 Orléans) ;- quatre SA 330 Puma (5e RHC de Pau et 3e RHC d'Etain) ;- un C-135 FR (BA 125 Istres).

On y ajoute des aéronefs de passage selon la demande : principalement Hercules C-130 ouBreguet Atlantic.

Fort d'une cinquantaine de personnels, le groupement « santé » compte un centre médico-chirurgical, un laboratoire et une section de ravitaillement sanitaire, à N'Djamena, ainsi qu'unposte de secours, à Abéché, et un dispensaire, à Faya-Largeau.

protection au mieux. J'organise beaucoup depatrouilles mobiles avec des postes de combatprêts à être mis en œuvre au moyen de sacs desable prépositionnés. Nous avons aussi uneQflF[Quick Reaction Force] et quatre mortiersde 120mm. Mais, encore une fois, tout emploiest délicat, car nous n'avons pas d'officierde liaison avec les Tchadiens. En revanche,nous en avons un avec la MINURCAT carnos secteurs de tir s'opposent. Le reste, c'estde la conduite. »

Et toute cette imbrication se fait sur une sur-face de 20 hectares de terrain pour 1 600 mè-tres de clôture.

Lors de la dernière attaque rebelle réussie(celle de février 2008), ceux-ci étaient par-venus à la porte du camp pour signifier auxFrançais qu'ils n'avaient rien contre eux et nefaisaient que passer. La situation sera-t-ellela même en cas de récidive ? Nul ne peutle dire.

Un lieu chargéd'histoires endormies

Plus calme est la situation dans le deuxièmeposte d'importance qu'Eperw'ercompte sur lethéâtre. Il s'agit de Faya-Largeau, très au norddu pays, face à la Libye.

En pleine zone désertique, Faya est unendroit chargé d'histoires endormies. Laplus belle reste sans nul doute la victoire deKoufra, puisque c'est de ce trou perdu quepartit le général Leclerc pour conquérir l'oa-sis alors italienne et prononcer son fameuxserment.

Lieu plus qu'agité dans les années 1980(lors de l'occupation libyenne), Faya-Largeauretrouva son calme à la reprise des relationsdiplomatiques entre le Tchad et la Libye,en octobre 1988. Mais, même si le colonelKadhafi est aujourd'hui blanchi de ses crimespar la scène internationale, « la confiancen'exclut pas le contrôle » et Faya reste un point

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d'ancrage certes minuscule, mais bien réel destroupes françaises d'Epervier.

Le fort crénelé aux allures coloniales abriteneuf personnels permanents (soldats du1er REG, plus un officier administratif, unmédecin et un transmetteur) complétés d'uneéquipe de protection de six ou sept personnelsqui viennent en rotation d'environ dix jours àpartir de la capitale.

Comme cadre, rien de moins qu'un com-mandant de Légion, le commandant RonanQuiniou, issu du 1er REG. « Oui c'est un peuspécial, reconnaît-il. // ne s'agit pas d'unequestion de commandement, mais de rang,vis-à-vis des autorités locales. »

En fait, il est indispensable de posséder l'en-tregent suffisant pour comprendre et discuteravec les responsables autochtones. Et auTchad, ce n'est pas une mince affaire, commele souligne le colonel Jean-Philippe Artur,second du dispositif Epervier, en visite à Payapour l'occasion : << Passer quatre mois dansce poste confirme une aptitude au comman-dement dans une situation très particulière.C'est un poste isolé, à 10OOkmdeN'Djamena,avec une représentation que l'on peut presquequalifier de diplomatique. Posséder cette re-présentation nous donne l'ambiance généraledu Nord tchadien. »

Avoir le diplôme d'état-major augmentéd'une expérience « Afrique >> est un minimumpour assurer cette tâche inattendue. Elle nesera que de trois mois pour le commandantQuiniou, car au moment où seront publiéesces lignes, ce dernier sera déjà transféré àl'état-major OTAN de Naples. Beau parcourspour un homme qui avait commencé sa car-rière comme sous-officier dans les batteries« Roland ».

A Paya, ses hommes ne patrouillent pasà l'extérieur et se contentent de garder la« concession » (partagée avec la directionlocale du matériel de l'armée tchadienne) oule parking de l'aéroport lors des passages

d'avions. Ils assurent, en outre, des tâchesde formation et de soutien logistique au profitdes Tchadiens.

Autre off ic ier supérieur affecté àFaya-Largeau : le médecin-colonel BrunoSicard. Seul toubib à des centaines de kilo-mètres à la ronde, sa tâche est énorme : il luifaut veiller tant bien que mal sur une popula-tion qui s'étend sur un secteur de 80 km2 dedésert, une étendue sans rien en matière desoins, ou presque. « J'ai remarqué des brû-lures sur le dos de certains enfants. En fait, ils'agit de traitements "thérapeutiques" infligéspar des marabouts. Cela ne semble pas trèsefficace, car les gens viennent me voir aprèsça, constate le médecin-colonel Sicard. Dansla saison chaude, les scorpions constituent de

loin la menace principale ; cinq morts rien quela semaine dernière ! Quinze minutes après lapiqûre, c'est le coma et l'état de choc, tandisque la température peut chuter à moins de 34 °.Les autochtones ont des traitements tradition-nels. Ils font des lacérations et appliquent despierres ponces pour absorber le venin. Pourma part, j'ai réussi à sauver plusieurs enfantspiqués, mais c'est difficile. »

Ce tour de piste rapide d'Epervier donnele ton sur la mission : elle reste sur le modedormant avec un volet de surveillance et deremontée de renseignements vitaux, soute-nues pas des forces toujours prêtes aux coupsde chaud.

Et ceux-ci restent, et pas seulement au Tchad,le trait commun du continent africain. O

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