L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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L’oeuvre gravé de HENRI GOETZ 1909-1989 Stanko Josimov Mémoire de Master 2 Sous la direction de Mme Marianne Grivel professeur à Paris IV - Sorbonne Université PARIS IV – Sorbonne UFR Histoire de l’art et archéologie Histoire de l’estampe et de la photographie Session de septembre 2009 (version amandée juin 2016)

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Mémoire de Master 2 sur l'oeuvre gravé de Henri Goetz (1909-1989)

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L’oeuvre gravé deHENRI GOETZ

1909-1989

Stanko JosimovMémoire de Master 2

Sous la direction de Mme Marianne Grivelprofesseur à Paris IV - Sorbonne

Université PARIS IV – Sorbonne

UFR Histoire de l’art et archéologieHistoire de l’estampe et de la photographie

Session de septembre 2009 (version amandée juin 2016)

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A Jana, pour son amour et son soutien

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L’oeuvre gravéde Henri Goetz1909-1989

Copyright © ADAGP, Paris 2009 pour les oeuvres de Henri Goetz

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Henri Goetz dans son atelier de la rue de Grenelle à Paris© Photo Gaby Adrion, Paris

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SommaireAvant-propos 11

Introduction 15 Une vie, un oeuvre 29

29 | Les origines de Goetz30 | L’enfance aux États-Unis : 1909 – 193032 | Paris, les années de l’apprentissage : 1930 – 193533 | La découverte de l’art vivant : 1936 - 194036 | Les années de guerre : 1940 - 194538 | Vers l’abstraction : 1945 - 196042 | Imprégné du monde concret : 1960 – 197444 | Le théâtre des formes : 1974 – 1989

L’œuvre gravé de Henri Goetz 48

48 | Les débuts49 | Les premières publications49 | Le retour à l’estampe50 | Le groupe « Graphies »53 | Les années de recherches56 | La gravure de Goetz après 196861 | Les imprimeurs64 | Les estampes en feuille, les albums, les livres illsutrés68 | Les expositions de l’estampe

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71 | Les éditeurs et les marchands73| Les collections publiques et privées75 | La collection de la Bibliothèque nationale de France

La gravure au carborundumet la question de la technique chez Goetz 78

79 | La gravure au carborundum86 | Les plaques conservées à la Bibliothèque nationale de France93 | Le sucèss de la gravure au carborundum99 | Technique ou « cuisine » ?

L’enseignement de la gravure 103

104 | L’académie Goetz108 | L’enseignement de la gravure à l’académie Goetz

Conclusion 112

Entretiens 117

Supplémént au cataloguede l’oeuvre gravé de Henri Goetz 143

Sources 192

Bibliographie 198

Index des noms 201

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Avant-propos 11

L’idée de travailler sur Henri Goetz m’est venue de Madame Céline Chicha,

conservatrice au Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque

nationale de France. Je voulais travailler sur un graveur français contemporain, et

c’est Goetz qu’elle m’a proposé en me disant que c’était un artiste très intéressant

mais dont l’œuvre gravé n’a pas été très abordé. Après avoir vu quelques estampes

de Goetz dont j’ignorais complètement l’œuvre, et surtout après avoir compris qu’il

était un chercheur infatigable des procédés d’estampe, au point d’inventer une toute

nouvelle technique de gravure, j’ai été tout de suite séduit et j’ai accepté avec joie

la proposition de Madame Chicha. Je tiens à lui exprimer toute ma reconnaissance

car travailler sur Goetz m’a été d’un très grand plaisir.

Je dois admettre que mon choix n’a pas tout à fait été guidé par les questions

habituelles que se pose un étudiant de master, à savoir s’il s’agissait d’un bon

sujet dont la valeur justifiait deux années de recherches, s’il pourrait être une sorte

de tremplin pour ma carrière d’historien d’art, si le sujet pourrait éventuellement

attirer l’attention d’un éditeur par la suite… non. Je voulais travailler sur un sujet

que j’aimais, et j’aimais déjà Goetz sans vraiment le connaître. J’ai fait mes études

à Belgrade à l’École des Beaux-arts, section estampe. Je m’étais inscrit à la section

peinture, mais j’ai demandé un transfert pour étudier l’estampe. Chose vraiment

inhabituelle, car tout le monde fuyait cette section pour devenir peintre, si « libre »

dans son expression. Ce qui m’attirait dans l’estampe, ce côté technique, chimique,

un peu alchimiste, les faisait fuir. J’ai connu la peur et l’incompréhension des peintres

à l’égard de l’estampe très tôt. En commençant à travailler sur Goetz, j’étais déjà

ravi de travailler sur quelqu’un qui aimait l’estampe au point d’inventer de nouveaux

moyens d’en réaliser. C’est ainsi que mon travail sur Goetz a commencé. Cela fait

Avant-propos

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12 Avant-propos

donc plus de deux ans que je mène des recherches sur sa vie, son œuvre gravé

et sur son enseignement de la gravure. Cela fait deux ans que je suis plongé dans

l’univers magnifique de son œuvre, deux ans que j’ai l’impression de côtoyer cet

homme doux et cet artiste fin.

Un petit nombre de sources, archives et d’études disponibles sur son œuvre gravé

m’a amené à fonder mes recherches presque principalement sur les témoignages

des personnes qui le connaissaient, ses amis, ses élèves. Et cela n’est-il pas

exactement le rôle d’un historien d’art, apporter un témoignage sur son époque

par le contact avec les vivants pour les générations à venir ? Les archives sont là et

seront toujours là pour répondre silencieusement à nos questions, mais les gens

disparaissent et les souvenirs s’envolent, il faut donc les capturer avant qu’il ne soit

trop tard, pour faciliter le travail des futurs chercheurs.

Henri Goetz est mort il y a exactement deux décennies 1, ce qui est une période de

temps non négligeable. On s’attendrait à ne pouvoir rencontrer que très peu de ces

contemporains. Pourtant, il était de ces grands hommes jeunes d’esprit, toujours

entouré de gens plus jeunes que lui, avec lesquels il communiquait et partageait

toute son expérience et son savoir-faire en s’inspirant en retour de leur jeunesse,

de leurs idées fraiches. Il existe donc toujours un grand réseau de personnes qui

peuvent témoigner de première main de la personnalité, de la vie et de l’œuvre de

Henri Goetz, en particulier sur la seconde partie de sa vie artistique. Généreux et

attentif, Goetz était aimé de tous, et les gens ont répondu spontanément à mes

questions. En parlant de Goetz, ils avaient le sentiment de lui rendre une partie

de l’amour et du respect qu’il leur manifestait à tous. Je leur suis énormément

reconnaissant pour cela, car leurs témoignages ont pratiquement construit mon

travail. 1 Le 12 août 1989.

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Introduction 13

La liste des gens qui ont répondu à mes questions et ceux qui ont contribué

à mon travail d’une manière ou d’une autre s’est rallongée au cours de ces deux

dernières années. Je tiens d’abord à remercier très chaleureusement ceux qui

ont partagé avec moi leurs souvenirs de Goetz : Madame Hélène Laffly, Madame

Christine Leurent, Madame Hélène Trintignan, Madame Denise Zayan, Madame

Lorraine Bénic, Madame Marie-Geneviève Havel, Madame Evelyne Cail, Madame

Anne-Marie Leclaire et Monsieur Claude Raimbourg, Monsieur Jean-Pierre Geay,

Madame et Monsieur Claude Bourguignon, Monsieur Jean-François Aittouarès,

Monsieur Michel Melot, Monsieur Dikran Dadérian, et Monsieur Numa Hambursin.

Grâce à leurs témoignages, je me suis rapproché de l’artiste et de son œuvre. Je

leur dois toute ma gratitude.

Je tiens aussi à remercier les personnes sans qui mon travail n’aurait pas été

possible : Madame Marie-Cécile Miessner, conservatrice en chef au Département

des estampes de la Bibliothèque nationale de France, où j’ai passé beaucoup de

temps à regarder les estampes de Goetz, pour toutes les précisions qu’elles m’ont

apportées ; Monsieur Antoine Coron, directeur de la Réserve des livres rares de

la Bibliothèque nationale de France grâce à qui j’ai également pu répertorié les

livres illustrés de Goetz conservés dans ce département ; Madame Madeleine

Servera-Boutefroy ainsi que le personnel du Musée Goetz-Boumeester de

Villefranche-sur-Mer ; Monsieur Jean-Claude Rey, fils de Maître Rey, collectionneur

passionné et mécène attentif de Perpignan, ami de Goetz, pour m’avoir donné si

généreusement l’accès aux lettres que Goetz avait adressées à son père ; Monsieur

Carlo Kerg pour m’avoir ouvert les archives de Théo Kerg ; Madame Isabelle Cahn

de l’Institut national d’histoire de l’art pour ces précieux conseils ; Madame Corinne

Dutrou et Monsieur Dominique Guibert de l’atelier Dutrou à Métairie-Bruyère et à

Paris ; Monsieur José Aloy et Madame Pilar Roig des éditions Poligrafa à Barcelone ;

Madame Maryvonne Pesteil, conservatrice en chef de la Bibliothèque d’étude et

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14 Avant-propos

du patrimoine de la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice, ainsi

que sa collègue Madame Séverine Desclaux ; Monsieur William Cole de la librairie

Cole & Contreras Books à Barcelone ; Messieurs Pascal Gauvard et Nicolas du

Mesnil du Buisson de l’atelier Pasnic.

Tellement d’autres personnes auraient également pu parler de Goetz, mais je

n’avais hélas pas assez de temps pour tous les rencontrer. Je pense ici à Madame

Josiane Poquet, Madame Tugayé-Domela Lie, Monsieur Pierre Schneider, Madame

Osanne, Monsieur et Madame Roger et Françoise Bensasson, Monsieur Martin

Bouyr, Monsieur Tristan Bastit, Monsieur Jean Gout-Werner, Monsieur Sam Szafran,

Madame Aude de Kerros, Alain Resnais, Zao Wou-ki et d’autres, qui étaient ses

élèves, éditeurs, marchands ou amis.

Enfin, je tiens particulièrement à exprimer toute ma reconnaissance à mon

directeur de recherches, Madame Marianne Grivel, pour ses conseils précieux et

ses encouragements.

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Introduction 15

Henri Goetz est un artiste très connu dans le monde de l’estampe, en France

et en peu partout dans le monde. Son nom est associé d’emblée à sa plus grande

invention : la gravure au carborundum. On pourrait s’étonner d’apprendre que Goetz

se voyait d’abord comme un peintre et se considérait comme un mauvais graveur. Il

craignait également que sa notoriété de graveur nuise à ce qu’il considérait comme

la partie la plus importante de son art : sa peinture. Et c’est un peu ce qui s’est

produit. Si la gravure n’était pas pour lui le moyen d’expression le plus important,

Goetz gravait tout de même et il ne s’en privait pas. Et il a fait du domaine de la

gravure l’un de ces champs d’invention principaux : ces recherches techniques ont

été, en quelque sorte, couronnées par l’invention de la gravure au carborundum,

dont il explique les procédés dans un manuel publié chez Maeght éditeur, du moins

temporairement, car Goetz ne s’est pas arrêté là. Il a poursuivi ses recherches

jusqu’au dernier moment et a laissé derrière lui un œuvre gravé considérable, riche

de quelque six cent cinquante estampes, en feuille ou réalisées pour des livres

illustrés. C’est à cette activité de Goetz, qui n’est peut-être pas l’activité principale

au sein de son œuvre mais n’est en aucun cas marginale, que nous allons consacrer

le présent mémoire.

Curieusement, et malgré cette notoriété de graveur qui est, nous le dirons sans

exagération, mondiale, l’œuvre gravé de Goetz n’a pas fait l’objet d’importantes

études. Dans la première monographie sur Goetz, écrite par Jean-Roger Lorsky en

1952, il est beaucoup question de la peinture de Goetz, cette peinture d’esprit

surréaliste dans laquelle un grand changement était en train de s’opérer. À cette

époque, Goetz avait à peine repris la gravure après la guerre. Lorsky ne lui a pas

consacré beaucoup d’attention et n’a reproduit aucune de ses estampes. Cependant,

Introduction

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16 Introduction

il est le seul, parmi tous ceux qui ont écrit sur la gravure de Goetz, à avoir dit un mot

sur l’influence potentielle de la gravure sur sa peinture. En parlant de la peinture

de Goetz de la fin des années 1940, Jean-Roger Lorsky dit : « Sous l’influence de la

gravure, les rythmes s’étaient simplifiés. Goetz pouvait dès lors tenter l’éloquence,

inaugurer la magnifique série de pastels qu’il poursuit actuellement » 2. Dans la

deuxième monographie sur Goetz, celle de son ami Jean Bruller, alias Vercors,

publiée en 1958 aux éditions du Musée de poche, pas un mot sur la gravure, pas

une reproduction d’estampe. Il est, en revanche, beaucoup question de la technique,

et de ce que Vercors appelait « la quantité du métier », selon lui un grand problème

de l’art rarement débattu sur lequel il se penchera longuement dans son texte.

Quant aux questions techniques, il semble qu’à l’époque, d’après ce que disait

Vercors, Goetz était déjà connu, et non sans raison, comme le peintre qui « en

sait le plus sur la technique » 3. Mais Goetz échappait-il aux dangers d’une chute

de la « technique » vers une simple « cuisine » ? Oui, nous dit Vercors, car Goetz

se questionnait constamment sur la signification fondamentale de l’art et de la

peinture. Quatorze ans plus tard, Alexandre Galpérine écrira, également aux éditions

du Musée de poche, une nouvelle monographie sur Goetz. En 1972, Goetz avait

déjà derrière lui cette magnifique invention qui était la gravure au carborundum. Le

peintre « qui en sait le plus » sur la technique a mis au point une nouvelle technique de

la gravure, une invention qui allait surtout changer l’approche des peintres envers la

gravure. Cette belle monographie de Galpérine a déjà esquissé notre vision actuelle

de l’art de Goetz, un art qui évoluait naturellement, sans coupure, sans faille, un

art où la maîtrise des techniques apprises « se conjugue avec l’amour de la chose

peinte » 4. Goetz était un artiste qui réinventait, pour ses besoins particuliers, les

techniques oubliées : tempéra à l’œuf, à la caséine, à la cire, pointe d’or, pointe

d’argent. Goetz a épuisé les techniques existantes de la gravure et en a inventé

d’autres, comme la gravure au carborundum. Galpérine ne s’attardera pas plus

sur les gravures de Goetz, si ce n’est pour mentionner quelques points importants

du parcours de Goetz graveur dans la courte biographie à la fin de l’ouvrage. La

monographie reproduit huit estampes de l’artiste, réalisées entre 1957 et 1968,

ce qui représente exactement la période des recherches intenses sur le nouveau

procédé.

La raison pour laquelle la gravure est passée presque sous silence dans la

monographie de Galpérine pourrait résider dans le fait qu’en même temps, le

premier catalogue raisonné de l’œuvre gravé de Goetz était en préparation aux

éditions Sonet de Stockholm. Le catalogue a été publié en 1973. L’œuvre gravé de

Henri Goetz, 1940-1972, comporte en préface un texte de Christian Tisari 5 et un

catalogue de l’œuvre gravé de l’artiste, établi par Gunnar Bergström. Tisari nous

2 Lorsky, 1952.3 Vercors, 1958.4 Galpérine, 1972, p. 24.5 Christian Tisari est un graveur québécois d’origine française, né en 1941 à Paris. Elève de Goetz, il bénéficie des conseils de Jean Bertholle et s’initie à la gravure avec Lorrain Bénic, elle aussi élève de Goetz puis professeur à son académie, où elle enseignera la gravure entre 1965 et 1969. Tisari s’installe à Montréal en 1971, où il poursuit son travail de peintre et graveur.

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Introduction 17

parle d’un des aspects « les plus attachants » de l’abondante production du peintre

Goetz, la gravure, que Goetz arrivait à mettre au profit « d’une unité expressive

toujours égale et cohérente » 6. Il retrace ensuite rapidement le parcours de l’artiste,

en évoquant la diversité des matériaux que Goetz utilisait, puis le « cadre-reliure »,

une autre invention de Goetz qui touchait à la présentation de l’œuvre, un emboitage

qui contenait un nombre donné de gravures interchangeables au gré du possesseur,

et enfin le dialogue image-écrit qui attirait Goetz dans l’illustration des ouvrages

comme Explorations de Picabia. Il évoque ensuite sa maîtrise des techniques en

noir et blanc et l’entrée de la couleur dans l’œuvre gravé de l’artiste ainsi que son

don de communiquer généreusement la moindre découverte, en transmettant au

plus grand nombre les éléments de sa gravure au carborundum, cette technique

élaborée et « prometteuse d’un geste direct et spontané, davantage de liberté en

somme », contrairement à ceux qui voient l’originalité dans le secret des moyens.

Enfin, comme toujours lorsqu’on parle de la technique chez Goetz, Tisari souligne

que « fort de sa fidélité à un principe essentiel en art, il évitera au travers de cet

éveil vis-à-vis des moyens, l’écueil qu’ils sont lorsqu’on ne se fie qu’à eux » 7. Dans

ce catalogue bilingue anglais-français, nous retrouvons ensuite une biographie

de Goetz, suivi d’un extrait de son manuel Gravure au carborundum et d’un court

passage sur l’enseignement au sein de l’atelier Goetz. Nous apprenons que les

cours de gravure étaient dirigés par Lorraine Bénic et que Goetz enseignait aussi

ses procédés aux écoles nationales des arts décoratifs de Nice, de Grenoble et de

Paris, ainsi qu’en été à l’école d’Aigalier, assisté de Dikran Dadérian. Le catalogue

raisonné de l’œuvre gravé comporte cent soixante-sept numéros. Tous les numéros

sont illustrés par des reproductions en noir et blanc, très lisibles, dont quelques-

unes sont également reprises comme planches en couleurs. Les reproductions sont

accompagnées de notices, mentionnant le titre, la technique, la date, le tirage et le

nom de l’éditeur. À la suite du catalogue, l’ouvrage énumère et explique quelques

procédés que Goetz utilisait : la sérigraphie, l’eau-forte, l’aquatinte, la pointe sèche,

la meule électrique, la fraise électrique, le procédé au sucre, la manière noire, le

vernis mou, le papier de verre, le blanc plastique, l’encrage à la poupée, la gravure

sur plomb, au burin et à l’échoppe, le procédé Dutrou, la linogravure. Et à la fin de

l’ouvrage, Goetz explique que ses recherches l’ont amené à utiliser le carborundum

d’une toute nouvelle manière qu’il expose ici en guise de supplément à son manuel

précédent. Il faut dire aussi que la publication du catalogue de Sonet était précédée

d’une collaboration intense entre l’artiste et la maison d’édition, celle-ci ayant publié

pas moins de dix-huit estampes de l’artiste durant les années 1971 et 1972.

À peine quatre ans après, en mai 1977, un nouveau catalogue raisonné de

son œuvre gravé a vu le jour, publié cette fois-ci aux éditions Art Moderne à Paris.

6 Bergström, 1973, p. 5.7 Bergström, 1973, p. 7.

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18 Introduction

L’ouvrage est préfacé par Oscar Reutersvärd, et l’oeuvre gravé de Goetz présenté par

Michel Melot. Le catalogue général de l’œuvre gravé a été établi par Karl Masrour,

directeur de la Galerie Bellechasse à Paris, marchand de Goetz depuis 1974. Si ce

catalogue est sorti si peu de temps après le premier, son édition était justifiée : il

comporte déjà deux cent quatre-vingts numéros, soit cent treize nouvelles estampes

en deux ans ! Et cela ne peut nous étonner, car depuis la publication de son manuel

sur la gravure au carborundum en 1969 et de son premier catalogue raisonné en

1973, le nombre d’éditeurs de ses estampes a atteint un pic dans les années 1975

et 1976. En 1975, les estampes de Goetz étaient déjà éditées par treize éditeurs

différents ! Karl Masrour a très bien compris le potentiel de l’invention de Goetz et il

voulait l’exploiter au maximum, à tel point qu’il amenait chez Goetz tous les artistes

de sa galerie afin qu’ils y apprennent son nouveau procédé et puissent ensuite

s’en servir ou le faire connaître à d’autres artistes. Loin d’avoir l’exclusivité sur les

éditions des estampes de l’artiste, de ces cent treize nouvelles éditions, seulement

vingt-cinq étaient des éditions de la Galerie Bellechasse de Masrour. La plupart

de ces estampes ont été éditées avec d’autres galeries, comme la Galerie Hélène

Trintignan ou la Galerie Glemminge à Malmö, en Suède.

Auteur du préface du catalogue, Oscar Reutersvärd, professeur et historien d’art

suédois, était particulièrement intéressé par le mouvement impressionniste. Et

c’est justement en parlant de Monet qu’il commence son texte, en comparant la

perspective horizontale du grand maître, réglée toujours sur la surface du motif,

avec le regard de Goetz, orienté suivant un plan qui coupe en angle droit celui

des impressionnistes et réglé sur la profondeur. Il parle d’abord de la peinture de

Goetz, de ce « chercheur des trésors perdus », selon une métaphore empruntée à

Christine Boumeester. Avant de retracer son évolution, Oscar Reutersvärd s’arrêtera

sur la question du métier chez Goetz, en évoquant sa pratique de l’estampe. Il

voit dans les travaux graphiques de Goetz une preuve éloquente de l’unité et de

la continuité de sa création. La gravure occupait chez Goetz une place importante

sans toutefois se distinguer de la peinture. Goetz passait, sans difficulté, d’un

procédé à l’autre. Sa solide formation de technicien et d’artisan a surtout été

acquise en expérimentant les diverses techniques de gravure et leurs possibilités

d’expression. Souvent, ce que Goetz trouvait dans la gravure, il l’employait dans ces

tableaux. Et cela fonctionnait aussi dans l’autre sens : ses pastels étaient souvent

la première étape de ses gravures au carborundum. Discutant son invention, Oscar

Reutersvärd considère comme « presque une offense », que les critiques d’art

louent Goetz pour son habileté à appliquer les diverses techniques graphiques et

pour ses découvertes dans ce domaine, en faisant de l’invention de la gravure au

carborundum son apport principal. Cette vue simpliste de l’artiste gène Reutersvärd,

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Introduction 19

8 Masrour, 1977, p. 17.

car Goetz, nous dit-il, est avant tout un artiste. Enfin, l’auteur du texte constate que

cette tendance à exagérer et à surestimer l’importance d’une technique apparaît

plus clairement chez ceux qui glorifient « l’empressement de Goetz » à diffuser la

connaissance de son métier. Cependant, cet éloge ne correspond pas à l’idée que

Goetz se fait de l’enseignement et à sa conscience qu’au-delà de toute technique,

et au-delà de tout enseignement, il y ait une qualité incommensurable « qui échappe

à la section d’or, au microscope ou au verbe » 8, cette « essence mystérieuse »

qui ne s’enseigne pas.

Ce beau texte de l’historien suédois n’a cependant pas approfondi tous les aspects

de la création graphique chez Goetz. C’est ce qu’a proposé de faire dans le même

ouvrage Michel Melot, à l’époque conservateur au Département des estampes de

la Bibliothèque nationale, dans le texte intitulé « Henri Goetz et la gravure ». Il a été

aidé dans son tache par Denise Zayan, jeune graveur et assistante de Goetz dans

les années 1970. Michel Melot nous confronte à plusieurs paradoxes de l’œuvre

gravé de Goetz, qu’il voit comme un « véritable nœud de questions qui déterminent

les caractères de l’estampe contemporaine ». Avant de les aborder, notons que ce

texte de 1977 sera intégralement repris en 1981, avec quelques changements,

dans le catalogue raisonné de l’oeuvre peint de Goetz, publié aux éditions La Nuova

Foglio de Milan.

Et voici le premier « paradoxe » qu’a trouvé Michel Melot : ni le public ni l’artiste

lui-même ne voient aucune différence quant au résultat entre une estampe et

un pastel de l’artiste. Il semble que la gravure n’ajoute rien, sur le registre des

possibilités formelles, au répertoire du peintre. En voici un deuxième : le procédé

que Goetz utilise, et dont il est l’inventeur, est un procédé de peintre. Le principe de

la gravure en creux est inversé, ce qui permet de réaliser une « gravure » par addition

de matière sur support. Face à cette inversion, la question que s’est posée Michel

Melot est donc la suivante : pourquoi graver quand même ? Pourquoi inventer des

moyens nouveaux qui ne semblent avoir pour but que de rapprocher la gravure de

la peinture ? La première réponse qui était venue à l’esprit de Michel Melot était

évidemment la possibilité de diffusion que permet, seule, l’estampe. Mais il s’est

aperçu, en revenant sur les années du début de l’activité graphique de Goetz, qu’en

1940, les artistes ne pouvaient espérer grande chose de la diffusion, et qu’en période

de crise, il n’y avait pratiquement aucun espoir de vente ni d’édition. Goetz n’était

pas l’exception, et ses premières estampes ont été tirées à seulement quelques

exemplaires. La diffusion ne pouvait donc pas être la principale raison d’aborder ce

moyen d’expression. À ses débuts, seul le livre illustré offrait à Goetz la possibilité

d’être édité. Les lithographies, dont Goetz illustre La Femme facile de Georges

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20 Introduction

Hugnet et les Explorations de Francis Picabia, étaient une alternative au texte et son

contrepoint. Michel Melot voit la même situation dans le rapport entre sa peinture et

sa gravure. Pour se faire connaître, les graveurs de l’après-guerre se sont organisés

en groupe et ont exposé ensemble sous le nom de « Graphies ». Les recherches

techniques prononcées au sein de ce groupe, laissant au second plan la reproduction,

décloisonnaient les limites entre gravure et peinture, gravure et sculpture. La

gravure était donc principalement un moyen alternatif de manifestation artistique.

Les « explorations » de Goetz, techniques et expressives, mettent l’estampe dans une

optique où chaque épreuve doit compter, où l’artiste s’exprime autant par les voies

qu’il choisit que par les résultats qu’il obtient. Même sans espoir de publication, il

veut graver « quand même ».

Une autre facette de cette pratique de l’estampe qu’a distinguée Michel Melot

chez Goetz, était celle des « variations ». Avec l’essor de l’estampe des années 1960,

Goetz, qui ne faisait pas partie des nouveaux venus, a profité de ce mouvement de

commercialisation, sans toutefois modifier sa pratique. Il créait toujours pour les

mêmes raisons qu’à ses débuts. Son expression est également restée la même.

Mais au lieu d’expérimenter dans des directions différentes, l’idée de variation est

apparue. À l’intérieur d’une recherche qui signifiait désormais l’expression même,

Goetz utilisait la gravure comme un « multiple variable, alternative d’elle-même, par

ses formes renouvelables à partir d’une même matrice » 9. Michel Melot observe

que l’invention de la gravure au carborundum a stimulé et accru la production de

Goetz. Ses inventions étaient essentielles à son travail artistique, au point de définir

la pratique de l’estampe, sans avoir d’impact sur le contenu de l’œuvre. Mais la

peinture est restée son activité principale malgré la multiplication des éditions

dans les années 1970, et la gravure était toujours un moyen alternatif, une autre

façon de peindre. De la peinture, Goetz passait à l’estampe, de l’estampe pouvait

naître un pastel et inversement. En s’auto-corrigeant, par les mauvaises épreuves

rehaussées au pastel, Goetz corrigeait aussi l’idée de reproduction dans l’estampe.

Il retournait ce mouvement de l’image vers sa multiplication, où la gravure revenait

à la peinture.

Peintre dans la gravure, Goetz n’effectuait plus le travail spécifique de graveur.

Pourtant, il en est demeuré un. Ne cherchant pas à faire d’effet, Goetz avait horreur

du monotype, cette pratique des peintres-imprimeurs. Au contraire, Goetz cherchait

des procédés de gravure qui lui permettraient d’exprimer sur une plaque le travail

du peintre, complexe et longuement construit : et c’était la gravure qui lui offrait

ces possibilités d’invention. L’intérêt de Goetz pour l’estampe résidait dans les

possibilités de découverte, hors de toute quête de virtuosité, car il ne s’agissait 9 Masrour, 1977, p. 40.

Page 21: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Introduction 21

pas de subordonner la création à la technique, mais d’identifier le langage à la

technique qui devenait ainsi le langage même. Sa manière de pratiquer l’estampe,

ses capacités à reproduire la différence et à différencier la reproduction, a permis

à Michel Melot de conclure que c’est là que réside l’explication de cet œuvre

gravé d’un artiste qui se veut d’abord peintre, la raison pour laquelle Goetz

grave « quand même ».

Au-delà des questions techniques et de l’évocation des inventions et de

la gravure au carborundum, Michel Melot s’est penché, dans son analyse,

sur la question fondamentale qui s’impose tout naturellement dans le cas de

chaque artiste qui fait de l’estampe, et particulièrement lorsqu’il s’agit d’un

peintre-graveur : pourquoi grave-t-il, et quelle place occupe la gravure dans la

création globale d’un tel artiste ?

Nous avons remarqué au début de notre analyse du texte de Michel Melot, que le

même texte avait été, avec quelques changements, repris quatre années après, en

1981, dans une publication cette fois consacrée principalement à l’oeuvre peint de

Goetz, mais dont les textes, écrits par plusieurs auteurs différents, parlaient aussi

des estampes de l’artiste. Elles n’ont pas été toutefois ni reproduites ni répertoriées.

Nous constatons que la vision de l’auteur, en ce qui concerne l’œuvre gravé de

Goetz, n’a pas changé. Il souligne, au début de ce texte repeis, que l’œuvre de

Goetz en gravure n’est en aucun cas un catalogue de techniques, mais un langage

graphique et pictural exprimé par d’autres moyens que le dessin et la peinture

mais dans les mêmes termes. Pourtant, il ne s’agit jamais, précise Michel Melot,

d’une reproduction pure et simple. En voulant dire la même chose que dans la

peinture, les moyens employés se sont pourtant avérés irremplaçables. Et l’auteur

du texte constate, encore une fois, que l’estampe devient dans ce cas, au lieu d’une

reproduction du résultat déjà obtenu dans la peinture, un moyen alternatif.

Cette belle et juste analyse de l’œuvre gravé de Goetz par Michel Melot que

nous venons d’évoquer, précède dans l’ouvrage de 1977 le catalogue raisonné

des estampes de Goetz établi par Karl Masrour, dont la présentation matérielle est

tout à fait contestable. Tout d’abord, les reproductions en noir et blanc sont trop

petites, souvent sans suffisamment de contraste et dans nombre de cas, illisibles.

Deuxièmement, elles ne sont pas suivies immédiatement des notices, ce qui ne

facilite vraiment pas la consultation et contraint le lecteur à feuilleter sans cesse

l’ouvrage. Un certain nombre d’estampes n’est ni illustré ni accompagné, dans

quelques cas, des dimensions, ce qui rend impossible l’éventuelle identification

de certaines estampes. Ensuite, le n° 162 du catalogue est tout simplement omis

Page 22: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

22 Introduction

de la numérotation. Il est aussi difficile d’expliquer pourquoi quatre estampes

appartenant à la même édition portent les n°s 225, 225-A, 226 et 226-A, alors

que dans d’autres cas, les numéros se suivent normalement. Il est encore plus

difficile de comprendre le fait que certaines estampes (n°s 98, 119 et 163) soient

reproduites à la fin du catalogue, après avoir reçu de nouveaux numéros (n°s 278,

279 et 280) et que leurs notices soient répétées alors qu’elles existaient déjà. Si

nous prenons en compte toutes les erreurs contenues dans le catalogue de Karl

Masrour, il ne comporte en réalité que deux cent soixante-dix-huit numéros. Nous

tenons également à souligner la mauvaise qualité générale de l’édition, la mise en

page, la qualité du papier et du pelliculage de la couverture, et d’autres défauts

concernant la présentation physique de l’ouvrage. L’œuvre gravé de Goetz mérite

certainement une meilleure présentation, comme l’était celle du catalogue de

Sonet, et il faudrait un jour honorer Goetz d’un catalogue qui soit digne de la qualité

son œuvre gravé, où des reproductions en couleurs pourraient montrer toute la

splendeur de ses estampes.

Le catalogue de 1977 était aussi l’occasion pour Goetz de faire le point sur

ses dernières recherches dans le domaine de la gravure au carborundum. Dans le

catalogue de 1973, rappelons-le, il avait déjà expliqué une nouvelle façon d’utiliser

les grains du carborundum et de se servir des plaques d’aluminium anodisé.

Cette fois, il en profite pour présenter les nouveaux matériaux qu’il emploie, plus

pratiques ou plus efficaces, tout en gardant les mêmes principes. Nous avons aussi

l’impression que Goetz a aussi senti le besoin de simplifier et de clarifier la manière

d’expliquer ses procédés. Nous aborderons les détails de ces nouveaux procédés

simplifiés dans la partie de ce mémoire consacrée à son invention.

Si nous nous sommes longuement attardé sur le texte de Michel Melot, c’est

parce qu’il représente la seule étude approfondie de la pratique de l’estampe chez

Goetz jusqu’à présent. D’autres auteurs ne s’éloignent pas beaucoup des idées de

Melot dans leurs approches. Dans le catalogue de l’oeuvre peint de Goetz, publié

en 1981, que nous venons d’évoquer pour la deuxième publication du texte de

Melot, nous retrouvons aussi, rassemblés, quelques textes sur Goetz écrits par

différents auteurs. Provenant de divers catalogues d’exposition, hormis le fait de

traiter principalement sa création artistique en général ou uniquement sa peinture,

ils abordent parfois aussi la question de l’estampe dans son œuvre. Dans le texte

ouvrant cet ouvrage, Bernard Dorival remarque que la qualité de la matière chez

Goetz vient également de son « alchimie ». Et à cet égard, rien n’est plus significatif

que le procédé inventé par Goetz, grâce auquel il créé des effets inédits. Mais ce

serait une injustice, nous dit Bernard Dorival, de voir dans la magie de Goetz rien

Page 23: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Introduction 23

10 Goetz, 2001, p. 156.

d’autre qu’une « cuisine ». Voilà encore ce mot terrible qui surgit à chaque fois que

l’on parle de Goetz inventeur. Bernard Dorival nous assure pourtant qu’il n’en est

rien chez Goetz puisque même ses œuvres « les plus simples », ces dessins, pour

lesquels Goetz ne se sert pas « d’instruments compliqués », nous enchantent pas

moins que les merveilleux effets de ses gravures.

D’autres auteurs des textes de ce catalogue soulignent, comme Jean

Guichard-Meili, la générosité de Goetz de partager ses recherches techniques, ou

comme le fait Gérard Xuriguera, la place éminente qu’il a comme graveur, grâce à

son invention de « première importance ». Gérald Gassiot-Talabot s’accorde avec

Michel Melot sur le fait que Goetz ne modifie rien à son approche par rapport aux

moyens et aux particularités techniques de la gravure comme le font d’autres.

Toujours peintre, il place la gravure au centre de ses préoccupations. Elle est

pour lui une nécessité et elle participe, au même titre que la peinture, d’un large

mouvement d’appréhension du monde des formes. En renversant le principe de

la gravure en creux dans la gravure au carborundum, Goetz crée une dynamique

à l’intérieur d’un genre « particulièrement rigide ». La gravure au carborundum est

son apport le plus original et le plus profond. D’après Georg-W. Költzsch, et nous

sommes ici exactement dans la lignée de Michel Melot, Goetz invente des nouveaux

procédés pour différencier et multiplier les possibilités d’expression.

Une approche plus nuancée est apportée par Guy Sautter, qui trouve les

possibles origines de la maîtrise technique et de l’imagination créative de Goetz

dans son « atavisme alsacien », lui donnant, consciemment ou inconsciemment,

l’accès à cette tradition nordique où ces deux aspects étaient toujours féconds.

En effet, Goetz a situé sa « première rupture » dans son art après son premier

voyage en Hollande en 1935 : « La vue des vieux maîtres hollandais et flamands

me donna envie de m’exprimer avec des moyens plus méticuleux, plus précieux, et

l’art abstrait me libéra de certaines chaînes, tout en stimulant mon imagination » 10.

La démarche technique de Goetz, inclassable et sans frontières, est indissociable

de son expression et sa recherche qui priment sur tout le reste. Dans la peinture

de Goetz, dans laquelle il laisse une place importante aux techniques, Sautter

reconnaît le graveur dans l’accès à l’essentiel par la simplicité. Peintre en gravant,

Goetz ajoute aux correspondances entre le pastel et la peinture à l’huile, celles

entre le pastel et la gravure. Dans cette « technique sans mensonge possible », il

introduit des possibilités de liberté. Sautter voit dans ce fait l’apport essentiel du

procédé de Goetz dans l’évolution de la gravure. Goetz transcende les frontières

entre les techniques et les oppositions classiques et les distinctions reçues

Page 24: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

24 Introduction

sont brisées. « L’art de Goetz, c’est la maîtrise, celle de la technique et celle de

l’émotion » 11, conclut Guy Sautter.

Nous venons de voir que les écrits sur l’œuvre gravé de Goetz se limitent donc à

un seul texte entièrement consacré à cette question, celui de Michel Melot et une

suite de textes dans lesquels différents auteurs effleurent à peine cet aspect de

son travail. Tous ces textes datent du vivant de l’artiste et n’embrassent donc pas

la totalité de sa production. Pourtant, une monographie consacrée à la gravure de

Goetz a failli voir le jour en 1989. Cette année-là, Goetz a préparé, avec Jean-Pierre

Geay, une monographie sur sa peinture. Elle a été publiée après la mort de l’artiste

en août 1989, aux éditions du Cercle d’Art pour la version française et aux éditions

Poligrafa de Barcelone pour la version en langue espagnole. La publication d’une

autre monographie, également écrite par Jean-Pierre Geay et cette fois consacrée

uniquement à son œuvre gravé, était prévue par la suite. Mais cette publication n’a

jamais vu le jour, car, d’après les explications de son auteur, les éditeurs se sont

brusquement désintéressés de Goetz après sa mort. Jean-Pierre Geay en conserve

toujours les notes, environ deux cents pages de texte. Nous espérons qu’un jour, ces

notes seront effectivement publiées, accompagnées d’un catalogue raisonné des

estampes de Goetz. Après la mort de Goetz, Jean-Pierre Geay a continué à écrire

sur l’artiste, et notamment dans les catalogues de deux expositions rétrospectives

posthumes, à l’Issoire en 1993 et à Strasbourg en 1995. Dans ce dernier, Jean-

Pierre Geay aborde l’œuvre gravé de l’artiste. Dans un paragraphe de son texte, qui

porte le titre « Un magicien de la gravure », Jean Pierre-Geay parle de la gravure au

carborundum et de l’intérêt qu’elle a suscité chez les artistes, peintres d’abord. Il

souligne la maîtrise parfaite des techniques classiques de l’estampe chez Goetz et

nous rappelle que malgré elle, l’artiste est resté avant tout peintre, même dans la

gravure. Il la pratiquait toutefois régulièrement, avec un très grand passion.

Signalons ici également un texte de l’auteur italien Enzo di Martino publié après la

mort de l’artiste à l’occasion d’une conférence sur la nouvelle définition de l’œuvre

gravé original, en marge de la Biennale de Venise de 1991. Ce texte est l’un des

quatre textes parus dans une publication intitulée Oltre in Segno : quatro maestri

della grafica contamporanea 12, une publication présentant quatre artistes de la

gravure contemporaine, Friedlaender, Hayter, Goetz et Emilio Vedova. Le texte sur

Goetz est précédé d’une réflexion de l’artiste datant de mars 1977 et dans laquelle il

explique ses idées quant à l’invention de la gravure au carborundum. Goetz explique

qu’il n’avait aucune intention de remplacer par sa nouvelle technique les procédés

déjà existants. Par sa simplicité et sa rapidité, sa technique permet tout simplement

une expression plus directe. Elle s’ajoute aux procédés classiques, les complète

11 Masrour, 1981, p. 76.12 Au-delà du signe, quatre maîtres de la gravure contemporaine (notre traduction).

Page 25: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Introduction 25

et permet aux artistes de s’exprimer autrement tout en enrichissant la technique

par leurs apports personnels. Pour Enzo di Martino, Goetz a inventé cette nouvelle

technique personnelle pour pouvoir mieux « fixer » l’apparence mobile et flottante

de ses formes. Pour lui, Goetz ne peut pas être considéré comme graveur. Ce n’est

pourtant pas à cause du terme « graver » qui suppose que l’on creuse la planche,

alors que dans les techniques de Goetz, on ajoute de la matière, mais plutôt parce

la conception de la gravure chez Goetz est picturale, cohérente dans les recherches

formelles qui privilégient la couleur.

Nous pouvons également chercher l’explication de l’œuvre gravé de Goetz dans

les écrits de l’artiste. En général, Goetz a peu écrit sur son art. Le nombre des

préfaces qu’il a écrites pour les expositions de ses amis et ses élèves dépasse

largement la quantité de ses écrits sur sa propre activité. Il serait très intéressant,

dans une étude future sur son travail, de s’interroger sur la manière dont Goetz

voyait l’art des autres. Cela pourrait aider à encore mieux comprendre comment

il voyait son propre œuvre. Quand il dit, par exemple, en parlant des tableaux de

Philippe Charpentier : « Il est rassurant de penser qu’il peut exister une peinture

saine, naturelle, sans faux problèmes, une peinture instinctive, suffisamment sûre

de ses moyens pour nous parler un langage direct : une peinture qui nous atteint

sans que nous éprouvions le besoin de la situer ou de lui trouver une parenté » 13,

c’est aussi un peu de son art qu’il parle.

Ma vie, mes amis, son autobiographie, publiée dans son intégralité en 200114,

n’apporte que quelques réflexions sur l’évolution de sa peinture, ainsi que très

peu de remarques sur sa gravure. « Il m’est presque impossible de parler de

ma peinture », disait Goetz, en croyant ne pas pouvoir prendre suffisamment de

distance nécessaire pour en parler, car « ma démarche se confond trop avec ma

personne de tous les jours » 15. Retraçant sa vie avec Christine, Goetz consacre

plus de place dans sa propre autobiographie à leurs amis qu’à lui et Christine. Et

quand il écrit sur la gravure, c’est au côté technique qu’il s’intéresse. Ces quelques

réflexions sur le métier du graveur et sa pratique permettent toutefois de discerner

des grandes lignes de son rapport avec la gravure. Goetz accordait une place du

premier ordre au métier, dont la technique fait également partie intégrale, estimant

que son lui, le message qui est évidemment essentiel, ne pourrait prendre forme.

Son besoin de s’imprégner du métier correspondait aussi à son activité académique.

« J’apprends tous les jours, tant et si bien que je n’ai pas le temps ni l’envie d’aborder

des problèmes philosophiques, littéraires, voire déontologiques qui occupent un

certain nombre de mes collègues », disait Goetz dans le catalogue publié en 1966

à l’occasion d’une exposition des ses œuvres à la galerie Ariel à Paris.

13 Goetz, texte paru le 1er février 1981.14 Les extraits de cette autobiographie sont publiés pour la première fois en 1982, dans le n°82/10 des Cahiers du Musée national d’art moderne.15 Goetz, 2001, p. 155.

Page 26: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

26 Introduction

Chez Goetz, la question de la place de la technique s’est posée tôt dans

sa carrière de graveur. Pendant qu’il exposait avec les graveurs du groupe

« Graphies », Goetz a publié en 1950 un texte dans la revue artistique italienne

Numero, dans lequel il parle des recherches techniques actuelles à Paris. Dans

ce texte, Goetz dénonce le silence des critiques d’art à l’égard des recherches

techniques des graveurs et peintres parisiens : « A Paris, on parle beaucoup de la

peinture. On répète les mêmes paroles et on discute des tendances, en mélangeant

les considérations philosophiques, poétiques, sociales, mais aussi économiques.

La technique passe au second plan, car les écrivains d’art la connaissent très peu

et pensent l’élucider en la considérant comme de la « cuisine », ce qui ne signifie

rien » 16. Goetz a peut-être répondu ici aux « accusations » portées à l’encontre des

membres de ce groupe par rapport à l’excès de technicité dans leurs recherches,

comme dans un compte-rendu de l’exposition du groupe en décembre 1949 à

La Hune : « La tentative de « Graphies » est à suivre et la seule crainte que l’on

puisse avoir est que, par amour de l’originalité, ces gravures tombent dans une

recherche purement technique en oubliant le côté humain que doit posséder toute

œuvre cherchant une résonnance » 17. Dans Numero, Goetz évoque en premier les

recherches des graveurs membres du groupe « Graphies », Ubac, Courtin, Fiorini,

Flocon. Il explique ensuite le procédé de papyrogravure qu’a utilisé Anton Prinner,

artiste hongrois, pour illustrer notamment son Livre des morts. Goetz évoque

ensuite les recherches des peintres parisiens Fautrier, Vuillamy, Goebbel, Atlan,

Dubuffet, Brauner, Domela ou Marjorie Wallace. À cette époque, Goetz commençait

ses recherches sur le pastel et il ajoute dans ce texte une expérience personnelle

avec cette technique. Plus tard, Goetz a eu l’idée de publier ses recherches sur la

technique du pastel. Il a renoncé à ce projet devant l’immensité du sujet.

Toutefois, lorsqu’il parle de la gravure, ce n’est pas uniquement la technique

qui intéresse Goetz. « J’aime aussi la gravure pour ses moyens démocratiques de

diffusion », disait Goetz. Ce côté « démocratique » de l’estampe l’amène aussi à voir

dans l’estampe un moyen pour les non-voyants de « voir » une œuvre d’art. Dans

un texte écrit vers 1948 et publié enfin en 1969 dans le n° 2 des Nouvelles de

l’estampe, Goetz explique comment, par le biais des œuvres graphiques avec un

certain relief, les non-voyants pourraient apprendre à « voir » une œuvre d’art, en

commençant par les figures les plus simples puis en allant, petit à petit et avec un

entraînement de plusieurs années, vers des compositions plus complexes.

Enfin, la majorité des écrits de Goetz sont sur la gravure au carborundum,

son invention principale, en commençant par le manuel qui explique ce procédé,

16 Goetz, 1950 (texte en italien, ici notre traduction. Texte original : « A Parigi si parla molto di pittura. Si ripetono sempre le seste parole e si discute sulla qualità o sulla tendenza, mescolandovi considerazioni filosofiche, poetiche, sociali, ed anche economiche. La tecnica passa in seconda linea poichè gli scrittori d’arte la conoscono spesso tropo poco e credono di eluderla considerandola « cucina », il che non significa nulla ».17 Arts, 1949.

Page 27: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Introduction 27

publié chez Maeght en 1969. Comme nous l’avons déjà montré, Goetz saisit

chaque occasion de diffuser de nouvelles découvertes dans le domaine de son

propre procédé et les publie régulièrement. Il l’a d’abord fait dans les articles

qui annonçaient son premier catalogue raisonné, celui de Gunnar Bergström aux

éditions Sonet en 1973. Il l’a ensuite fait dans le catalogue lui-même et n’a pas

manqué l’occasion de le faire également dans le deuxième catalogue raisonné,

celui de Masrour en 1977.

Nous venons d’évoquer ici des sources disponibles pour se rendre compte de

toutes les facettes de la production graphique de Goetz. Il s’ensuit qu’une étude de

l’ensemble de son œuvre gravé fait aujourd’hui défaut, tout comme un catalogue

raisonné complet, ou au moins un complément pour ses douze dernières années

de travail. Nous constatons aussi avec regret que même le double anniversaire

qu’on marque cette année – centenaire de la naissance de Goetz et vingt ans de

sa mort, n’a pas motivé les institutions officielles d’entreprendre des recherches

importantes sur son œuvre gravé ni de montrer par la suite leurs résultats. Sauf

quelques initiatives honorables de côté des galeristes comme Hélène Trintignan,

Numa Hambursin ou Rémy Bucciali, qui ont consacré en cette année 2009 plusieurs

expositions magnifiques à l’œuvre peint et gravé de Goetz, nous déplorons le fait

que les institutions françaises concernées, y compris la Bibliothèque nationale de

France qui détient la plus grande collection d’estampes de Goetz, sont restées

silencieuses.

Nous proposons par ce mémoire d’essayer de combler cette lacune. Essayer,

car nous ne prétendrons pouvoir donner ici une étude exhaustive qui aborderait en

profondeur tous les angles de l’œuvre gravé de l’artiste. Nous avons également été

limité par le temps face à un sujet qui s’est avéré dépasser les limites d’un mémoire

de recherches. Ce n’est pas que nous pensons avoir mal défini notre sujet ; mais

avec la volonté d’apprendre toujours plus et de s’approcher toujours plus près de

l’artiste, nous avons découvert un univers immense, une source inépuisable qui

pourrait servir à étudier non seulement l’œuvre d’un artiste, mais aussi une époque

où la gravure a connu son plein essor.

Nous allons donc nous contenter de poser quelques bases à tout ce qui concerne

l’œuvre gravé de Henri Goetz. Nous allons d’abord esquisser, dans le premier

chapitre, la biographie de Henri Goetz. Retracer son parcours, de son enfance, en

passant par son arrivée à Paris où il a connu les tendances actuelles de la peinture

contemporaine et ses principaux protagonistes, aux dernières années de sa vie.

Nous examinerons également les principaux changements dans son art, qui débute

Page 28: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

28 Introduction

par une synthèse unique dans son genre du surréalisme et de l’abstraction, pour

finir dans une abstraction hésitante, construite avec un langage personnel des

signes abstraits.

Dans le deuxième chapitre, nous aborderons le parcours proprement dit de Goetz

graveur, en étudiant les cinq décennies de sa production graphique. Nous nous

servirons dans cette étude des catalogues raisonnés disponibles, ainsi que de celui

que nous venons d’établir. Nous verrons l’évolution des différents aspects de son

œuvre gravé, les techniques, les tirages, l’emploi de la couleur. Nous examinerons

aussi le côté « pratique » de son activité de graveur, à savoir les expositions, les

éditeurs, les imprimeurs, les marchands. Nous analyserons aussi la constitution de

la plus grande collection d’estampes de Goetz, celle du Département des estampes

et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France.

Ensuite, nous consacrerons un chapitre à la question de la gravure au

carborundum, l’invention de ce chercheur infatigable, dont la découverte a donné

un nouvel élan non seulement à l’œuvre gravé de l’artiste, mais aussi à la gravure

de l’époque. Nous nous pencherons sur la pratique de cette technique chez son

inventeur mais aussi chez ceux qui l’ont adoptée. Nous analyserons également les

raisons de son succès immédiat. À la fin de ce même chapitre, nous étudierons la

question de la place et du rôle de la technique chez Goetz.

Le quatrième et dernier chapitre de ce mémoire sera consacré à l’activité

d’enseignant que Goetz a pratiquée de 1949 à 1984, en essayant de déterminer, à

partir des sources rares constituées principalement des témoignages d’enseignants

et d’élèves de son académie, de quelle manière a été pratiqué durant ces trente

années l’enseignement de la gravure à l’académie Goetz.

Tout au long de notre mémoire, nous essayerons également de donner des

réponses possibles à quelques questions qui s’imposent lorsqu’on parle de l’œuvre

gravé d’un peintre, ou plutôt, d’un artiste exprimant un intérêt certain pour ce moyen

d’expression, à savoir ce que la gravure apporte à son répertoire et quelle est son

rapport avec sa peinture.

Page 29: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 29

En 1981, après avoir fait une importante donation au Musée national d’art

moderne à Paris, Henri Goetz s’est occupé d’une chose qui lui tenait également très

à coeur ; sur une vieille machine à écrire, il a commencé à taper le récit de sa vie et

de celle de ses amis 18. Goetz aimait les biographies : sa bibliothèque personnelle,

située dans une magnifique pièce de sa dernière demeure à Paris, rue de Grenelle,

remplie de livres et d’un calme extraordinaire, en était pleine. Comme Numa

Hambursin l’a très bien remarqué dans le catalogue des expositions rétrospectives

de Montpellier en 2009, au lieu de Ma vie, mes amis, son autobiographie aurait

pu porter le titre inverse de Mes amis, ma vie, tant il y est question des hommes

et femmes que le couple Goetz-Boumeester a connu durant sa vie plus que de sa

propre existence. « L’arbre sait qu’il ressemble à beaucoup d’autres dans l’immense

forêt qui l’entoure. Il n’a pas la prétention de se trouver plus important que les

autres », a expliqué Goetz modestement en parlant de sa position dans l’introduction

de son récit. Son dessein était, a-t-il précisé, « de créer un reflet fidèle de la vie

d’un peintre et de son entourage, telle que je l’ai vécue ». Ma vie, mes amis est un

témoignage personnel et précieux sur le temps artistique tourmenté de l’avant et de

l’après-guerre et sur quelques-unes des plus grandes figures de l’art du XXe siècle.

En s’appuyant sur ce récit détaillé de sa vie dont il n’est pas question ici de répéter

tous les éléments, nous ne donnerons que des repères chronologiques, enrichies

de quelques précisions, résultat des vérifications que nous avons pu effectuer au

cours de nos recherches.

Les origines de Goetz

La famille de Henri Goetz est d’origine française. Vers 1850, son grand-père

Bernard Goetz, alsacien de la région de Colmar, d’Oberschaeffolsheim 19, a

18 La donation de Goetz du 27 novembre 1981 comprend 47 oeuvres de sa collection privée (12 de Goetz, 10 de Christine et les oeuvres de leurs amis : Picabia, Picasso, Hartung, Miro, Charchoune, Françoise Gillot, Domela, Gonzalez, Nouveau, Tanguy, Ubac). Il a également fait une donation de nombreux documents artistiques concernant le XXe siècle. Une partie de sa donation a été exposée à partir du 9 octobre 1982, avec la donation de Nina Kandinsky. Ironie du sort, aucun tableau de Goetz n’est exposé actuellement dans l’exposition permanente du MNAM, alors qu’un tableau de Picabia donné par Goetz en fait partie. L’autobiographie de Goetz, Ma vie, mes amis, avait été publiée d’abord en extraits dans les Cahiers de MNAM, n°82/10 de 1982, puis en 2001 aux éditons Climats (toujours disponible sur Internet et à la Galerie Hélène Trintignan à Montpellier). Une des deux copies de ce manuscrit se trouve dans les archives Goetz conservées à la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou (voir ci-dessus la couverture du manuscrit). Il semble que Goetz ait aussi enregistré le texte.19 Lorsky, 1952.

Chapitre I

Une vie, un oeuvre

« Connaître la vie d’un peintre permet de mieux approcher sa peinture et partant celle des autres. (…) C’est en examinant une

feuille de près qu’on s’ouvre à la connaissance de l’arbre entier »Henri Goetz, dans Ma vie, mes amis

Page 30: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

30 Une vie, un oeuvre

quitté la France pour les États-Unis. Menuisier, après avoir servi dans l’armée de

Louis-Philippe, il est parti pour le Nouveau monde. Bricoleur, il a inventé une sorte de

réflecteur durant son long voyage afin de mieux éclairer sa lecture, son passe-temps

principal, dans sa cabine peu éclairée. Cette invention simple a suscité l’admiration

de ses compagnons de voyage et il a rapidement reçu une offre d’un voyageur

de première classe d’exploiter cette trouvaille dès leur arrivée à Philadelphie. En

1855, il a ouvert une société de fabrication de réflecteurs, The American Reflector

Company. Il a épousé une Américaine avec laquelle il a eu cinq enfants, dont le

père de Goetz. Plus tard, il s’est associé avec Frédéric Klemm, qui venait d’acheter

le bâtiment où la compagnie était située, à l’angle de la cinquième et de la rue

Cherry à Philadelphie 21. En 1887, le grand-père de Goetz a vendu la compagnie à

son associé et la famille a déménagé à New York, où son grand-père a fondé The

B. Goetz Manufacturing Company (fig. 1). Brusquement, il a quitté sa femme et

ses cinq enfants et a disparu pour toujours, laissant le commerce à son associé. À

l’âge de onze ans, le père de Goetz, Bernard, enfant cadet, a été renvoyé de l’école,

incapable d’apprendre l’orthographe et donc inapte à poursuivre des études plus

avancées. Devenu apprenti mécanicien dans une nouvelle industrie de bicyclettes, il

a participé à des courses cyclistes, avec un certain succès. Un début de tuberculose

l’a empêché de poursuivre cette carrière de cycliste. Durant les quelques années de

son séjour à l’ouest de l’Amérique, il s’est mis à écrire des contes, dans l’esprit de

Mark Twain, pour gagner sa vie. De retour dans l’Est, il s’est marié avec une jeune

fille qui sera la mère de Henri Goetz.

L’enfance aux États-Unis : 1909 – 1930

Henri Goetz, de son vrai nom Harry Bernard Goetz, est né le 29 septembre 1909

à New York où son père assumait le poste de directeur d’une entreprise de matériel

Fig. 1En-tête de lettre de

«The B. Goetz Manufacturing Company», août 1893.

http://beck-ramsay.com/Josiah_Allshouse/Vintage_Logos.htm

20 www.klemmreflector.com

Page 31: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 31

électrique. Fils unique, il a reçu une éducation stricte de sa mère, pour qui, comme

le raconte Goetz dans son autobiographie, les principes éducatifs remplaçaient

l’affection (fig. 2 et 3). Lorsqu’il avait sept ans, sa famille est partie de New York pour

s’installer en banlieue, à Far Rockaway, un des quatre quartiers de la péninsule de

Rockaway, dans le district du Queens. Goetz y a fait ses études à l’école primaire,

secondaire et au lycée. Son rêve de quitter le foyer familial s’est réalisé à l’âge

de dix-huit ans lorsqu’il est parti étudier à Boston, au Massachusetts Institute of

Technology en vue de préparer une carrière d’ingénieur électricien. C’est à cette

époque qu’il a commencé à s’intéresser à l’art et à fréquenter les cours de dessin

le soir. En 1929, il s’est inscrit à l’Université de Harvard où il suivait également

les cours d’histoire de l’art. Il a ensuite quitté l’université pour pouvoir suivre les

cours le matin, l’après-midi et le soir au Grand Central Art School de New York,

« pour rattraper le temps perdu » comme il disait. Un jour, une collègue lui a raconté

son séjour à Paris et l’ambiance de ses académies d’art. Cela a été suffisant pour

déclencher chez Goetz l’envie de partir pour la France.

Fig. 2 et 3Henri Goetz avec son père et avec sa mère.Photographies publiées dans Goetz, Cercle d’art, 1989.

Fig.4Ozenfant avec ses elèves, 1933.

Devant « Villa Ozenfant », 53 avenue Reille, dans le 14e

arrondissement.Henri Goetz est second

à partir de la gauche.www.laramee.fr/ozenfant/

amedee_ozenfant.htm

Page 32: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

32 Une vie, un oeuvre

Paris, les années de l’apprentissage : 1930 – 1935

Grâce à l’argent économisé comme caddie au club de golf local les dimanches

et jours fériés et comme apprenti électricien pendant les vacances d’été, Goetz a

pu financer son voyage à Paris. Il a embarqué sur un cargo au début du mois de

juillet 1930. À son arrivée au Havre le soir du 13 juillet, la veille de la fête nationale,

Goetz a été impressionné par les festivités. Il s’est rapidement installé à Paris,

dans une pension de famille recommandée par un ami de voyage. Deux jours plus

tard, sans connaître la langue, il cherchait déjà un lieu pour travailler, un endroit où

planter son chevalet. Durant les trois années qui ont suivi, il a fréquenté plusieurs

académies. D’abord l’académie Colarossi au 10, rue de la Grande Chaumière,

dans le 14e arrondissement, qui a très rapidement fermé ses portes. Ensuite,

l’académie de la Grande Chaumière, au numéro 14 de la même rue et en même

temps l’académie Julian, rue du Dragon, dans le 6e arrondissement. Durant deux

mois en 1933, il a été l’élève d’Amédée Ozenfant dans son académie de l’avenue

Reille dans le 14e arrondissement (fig. 4). Intéressé par le portrait et l’étude du

nu, Goetz cherchait le modèle vivant. À cette époque, son but était d’exprimer le

caractère de ses modèles par une ressemblance extérieure et intérieure au moyen

d’une facture expressionniste et très colorée. Il mélangeait hardiment le procédé

cubiste et les couleurs expressionnistes. Après un an passé à Paris, hormis un petit

voyage à New York pour récupérer ses affaires, Goetz a regagné l’Amérique après

que son père ait subi une attaque d’artériosclérose. Il est resté auprès de lui durant

toute une année avant de repartir pour Paris. Il a profité de son séjour pour exécuter

de nombreux portraits. Son père est mort quelques semaines après son départ.

Fig. 5Goetz dans son atelier de la rue Bardinet, 1934.Photographie publiée dans Cahiers de Musée national d’art moderne, n°82/10, 1982.

Page 33: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 33

Réinstallé en 1932 dans son atelier (fig. 5) au 16, rue Bardinet à Paris 21, dans le

14e arrondissement, Goetz n’a plus jamais remis les pieds en Amérique.

À Paris, Goetz s’est retrouvé plongé dans le milieu artistique de Montparnasse.

C’était une rupture totale, la première grande rupture de sa vie. Jusqu’à lors, Goetz

ignorait tout de la peinture après l’impressionisme. Son ami le peintre Victor Bauer,

ancien élève de Kokoschka, lui a ouvert l’esprit à la peinture vivante. « Je dois à

Victor Bauer le déclenchement du deuxième stade de mon évolution » 22. Grâce à

lui, Goetz a découvert les œuvres de Picasso, Braque, Matisse, Rouault, l’art de

Klee et de Kandinsky. En le fréquentant, il s’est aussi familiarisé avec le freudisme,

la politique de gauche, la sculpture primitive, la poésie et la musique d’avant-garde.

« Au début, je me suis consacré uniquement au portrait, car la figure humaine me

paraissait contenir une chaleur que je n’avais pas trouvée dans mes études où

je me préparais à une carrière d’ingénieur électricien. Durant ces six années, la

peinture apprise dans les académies me servait à créer des ressemblances et à

approfondir l’intimité du regard des autres » 23. En 1935, Goetz considérait que sa

période d’apprentissage était terminée et s’est senti prêt à se lancer dans l’aventure

de l’invention de sa propre peinture.

La découverte de l’art vivant : 1936 - 1940

À l’ été 1935, Goetz a déménagé au 19, rue Daguerre, dans le 14e arrondissement.

Il habitait un bâtiment avec des ateliers d’artistes qui se trouvait dans la cour, au

premier étage, quatrième porte au fond du couloir. Ce logement comportait une

entrée, un atelier, une cuisine, deux chambres et un débarras. Le loyer annuel

était de trois mille cinq cents francs par an 24. En septembre de la même année,

il a rencontré à l’académie de la Grande Chaumière Anna-Christina Boumeester,

qui deviendra sa femme. Hollandaise, Anna-Christina Boumeester est née en

1904 à Djakarta, en Indonésie. Sa famille, indonésienne depuis cinq générations,

trouvait ses racines aux Pays-Bas. Il s’est marié la même année à la mairie du

14e arrondissement de Paris. Cette année également, Goetz et Christine ont fait

Fig. 6Christine Boumeester et Hans Hartung dans l’atelier de la rue Daguerre.Photographie publiée dans Geay, Goetz, 1989.

21 Archives de Paris, Calepins des propriétés bâtie, D1P4 1278 (rue Bardinet 3-23).22 Goetz, 2001, p. 28.23 Goetz, 1975.24 Archives de Paris, Calepins des propriétés bâties, D1P4 1342 (rue Daguerre 5-21).

Page 34: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

34 Une vie, un oeuvre

Fig. 7Les Habitants de la mer, vers 1937.Huile sur toile, 54 x 65 cm,Galerie Hélène Trintignan,Montpellier.

la connaissance de Hans Hartung, leur voisin du palier 25, qui exposait lui aussi au

Salon des surrindépendants (fig. 6). Ils resteront liés par l’amitié toute leur vie. Hans

Hartung était le premier peintre abstrait que Goetz ait connu.

Un autre événement important de cette période de leur vie a été l’arrivée du

poète Juan Bréa dans l’ancien atelier d’Hartung. Bréa et sa femme, Mary Low,

faisaient partie du groupe surréaliste d’André Breton. Goetz a ainsi découvert le

surréalisme. Son ami, le peintre allemand Oelze Richard lui a parlé pour la première

fois de Dali. À partir de ce moment-là, Goetz et Christine allaient fréquenter les

surréalistes Raoul Ubac, Benjamin Péret et Oscar Dominguez. Les surréalistes

étaient déjà divisés en deux courants, mais Goetz n’a adhéré à aucun d’entre eux.

Pourtant, il allait subir l’influence du surréalisme grâce à ses fréquentations et aux

œuvres qu’il a découvertes.

Dès le mois de janvier 1936 26, Goetz a commencé à réaliser des tableaux de

moins en moins liés au monde réel (fig. 7). Il s’est lancé dans une peinture qui se

voulait abstraite, par laquelle il voulait créer un monde « inventé et autonome » 27,

pour exprimer son univers intérieur, en abordant les sujets non figuratifs. « Si je

choisis le monde non figuratif, c’est que je crois qu’il est plus vaste que l’autre.

Je crois qu’il y a plus à découvrir dans l’inconnu que dans le connu. Si la limite du

connu est l’inconnu, l’inverse ne me semble pas vrai » 28. Ce changement est resté

la seule fraction de son œuvre qui se développait lentement. La décision de rompre

avec le monde visible a marqué également la fin de sa période d’apprentissage. La

peinture de Goetz était désormais au cœur des courants actuels.

En peignant de façon abstraite, Goetz s’est lancé dans l’exploration de ses visions

intérieures. Indépendante du monde réel, sa peinture ne correspondait cependant

pas à la pratique courante de l’art abstrait, focalisée sur l’expression de la ligne et

25 Dans les registres du recensement de la population de 1936, on trouve les noms de Goetz, Christine et Hartung au numéro 19 de la rue Daguerre, dans le quartier du Petit Montrouge du 14e arrondissement. Henri et Anna Goetz (sic), déjà mariés, sont enregistrés comme artistes peintres, Hartung - sans profession (Archives de Paris, recensement de 1936, résidants ordinaires, 14e arr., Petit Montrouge, D2M8 618).26 Précision apportée par Goetz sur le questionnaire du Centre de documentation sur les artistes, Paris, Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, bibliothèque Kandinsky, fonds Goetz. 27 Goetz, 2001, p. 155. 28 Galpérine, 1972, p. 12.

Page 35: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 35

de la couleur. Dans ses tableaux, Goetz puisait en grande partie de son imagination

et pas seulement dans le langage formel. Lui, qui voulait peindre un monde

« inventé », s’est rapproché involontairement du monde surréaliste. Formellement

aussi : il a utilisé des procédés traditionnels, le glacis, le dégradé, le clair-obscur.

Comme chez les surréalistes, l’espace de Goetz était aussi tridimensionnel par une

séparation du fond et des formes qui le peuplaient. Sa peinture était proche de

celle de Tanguy, mais plus sombre et plus inquiétante, d’une lumière crépusculaire,

chargée d’angoisse (fig. 8). « Si Goetz inflige un démenti à notre faculté de concevoir,

ce n’est cependant qu’après l’avoir sollicité ; là réside le malaise que nous ressentons

devant ses œuvres surréalistes » 29, a expliqué très bien Jean-Roger Lorsky le

sentiment du spectateur devant le théâtre des formes viscérales qui peuplaient

les tableaux de Goetz. Cependant, la peinture de Goetz n’était jamais dirigée que

par le subconscient, c’était plutôt l’imagination qui l’emportait. « Je croyais pouvoir

créer des formes où mon inconscient rejoindrait ceux des autres. Cette démarche

n’était pas étrangère à celle des surréalistes, mais sa réalisation s’opérait dans un

univers des formes pour moi abstraites, mais évocatrices d’objets connus, parfois

organiques. Cette ressemblance ne m’intéressait guère, ce qui m’éloignait des

surréalistes. L’espace de mes tableaux ressemblait à celui des œuvres classiques.

Je n’étais pas considéré comme artiste abstrait et pourtant je me sentais plus près

d’eux » 30. « Goetz pourrait bien être le seul surréaliste abstrait dans les années 1930

et 1940 », écrivait Alain Bosquet dans L’œil en 1975. Son œuvre se développait

entre des courants opposés et c’est ce qui faisait son originalité.

L’esprit surréaliste qui imprégnait sa peinture a engendré des pièces comme

les Chefs-d’œuvre corrigés en 1938-1939, nommées ainsi par André Breton après

les avoir vues. Goetz appelait cela une « collaboration collective posthume ». Sur

29 Lorsky, 1952.30 Goetz, 1975.

Fig. 8Sans titre, 1935-1936.Huile sur toile, 80 x 71 cm,Musée Goetz-Boumeester,Villefranche-sur-Mer.

Page 36: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

36 Une vie, un oeuvre

Fig. 9Portrait de Bossuet, 1939.Tempera à l’œuf sur la reproduction du tableau de Hyacinthe Rigaud (1659-1743), conservé au Musée du Louvre.Série Chefs-d’œuvres corrigées,Musée Goetz-Boumeester,Villefranche-sur-Mer.

les fonds des reproductions de tableaux, Goetz laissait libre cours aux images

associatives que lui suggéraient des œuvres célèbres (fig. 9). Elles ont été exposées

dans leur ensemble pour la première fois des années plus tard, en 1975, à la Galerie

Jean-Claude Bellier à Paris, dans le cadre d’une exposition rétrospective 31.

Les années de guerre : 1940 - 1945

Le début de la guerre a retrouvé Goetz et Christine en Dordogne, où ils peignaient

et s’intéressaient à la préhistoire. Ils sont rentrés tout de suite à Paris. Grâce à sa

nationalité américaine, Goetz n’était pas mobilisable. À l’arrivée des Allemands à

Paris, en juin 1940, ils ont décidé d’y rester, puisque l’Amérique n’était pas encore

entrée dans le conflit. Mais Paris s’est rapidement vidé, et ils sont alors partis

pour Carcassonne rejoindre le groupe surréaliste belge de Magritte et Ubac. Deux

mois plus tard, ils sont revenus à Paris, dans leur nouvel atelier du 72, rue Notre

Dame des Champs, dans le 14e arrondissement, où ils ont fondé, avec Christian

Dotremont et Raoul Ubac La Main à plume, première revue surréaliste parue sous

l’occupation. C’est à cette époque que Christine et Goetz se sont engagés dans la

Résistance. Leur véritable activité était la fabrication de faux papiers, métier dont

les secrets leur avaient été révélés par Oscar Dominguez. Leur habileté de peintres

et leur connaissance des techniques d’impression ont été mises au service de la

lutte contre l’occupant. Avec leur petite imprimerie enfantine, ils imprimaient des 31 Bellier, 1975.

Page 37: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 37

tracts qu’ils distribuaient partout et des affiches qu’ils parvenaient à coller aux murs

en jouant les amoureux.

En 1942, l’Amérique est entrée en guerre et Christine et Goetz ont été contraints

de se cacher, habitant des petits hôtels de Paris. Grâce à Georges Hugnet, devenu

leur grand ami, Goetz a pu réaliser des aquarelles sur les pages blanches des

éditions de luxe pour les bibliophiles, tels Paul Eluard et Georges Hugnet. « Installé

dans une pièce minuscule située dans un ancien couvent, rue Lhomond, j’avais

l’impression d’être un moine du Moyen-Âge qui peignait ses enluminures » 32. Goetz

et Christine ont fourni aussi les illustrations lithographiées de La Femme facile de

Hugnet, plaquette de poèmes publiée par la galerie Jeanne Bucher en 1942. Grâce

à un autre projet de Hugnet sur Picasso, Goetz et Christine ont eu l’occasion de

rencontrer le grand maître dans son atelier rue des Grands Augustins.

Dénoncés par un poète surréaliste tchèque pour leur activité clandestine et

comme « membres importants de la Résistance », Goetz et Christine ont quitté

Paris précipitamment. Ils ont traversé la ligne de démarcation, aidés par leurs

amis résistants. Ils ont échappé de justesse aux patrouilles allemandes et se sont

réfugiés en zone libre. Sur la Côte d’Azur, ils ont rencontré Sonia Delaunay, Hans

Arp et sa femme Sophie Tauber. Ils se sont installés à Nice où ils ont loué une

chambre dans la vieille ville. À Nice, Goetz et Christine fréquentaient De Staël, qui

leur avait été présenté par Jacques Matarasso et sa femme. Avec De Staël et sa

femme Jeanine, ils ont peint un tableau non figuratif, terminé par De Staël, qui est

ainsi devenu son premier tableau abstrait. Introduits par De Staël, ils vendaient

régulièrement leurs œuvres à Monsieur Drey qui avait une galerie rue Pastorelli.

Longtemps après la guerre, son successeur, Paul Hervieu, est devenu un marchand

et un éditeur important de Goetz. Goetz et Christine vendaient leurs tableaux à

Monsieur Drey pour des petites sommes et sans carte d’alimentation ni d’argent,

ils vivaient une période difficile. Grâce à leur don d’aquarelliste, ils transformaient

les tickets d’alimentation de vingt-cinq grammes de pain en tickets de trois cents

grammes. La pauvreté, la faim, les difficultés administratives rendaient leur vie

pénible.

Goetz et Christine ont décidé de partir pour l’Amérique, mais ils ont été empêchés

par l’occupation allemande de la zone libre et la fermeture du consulat des

États-Unis. Dénoncés de nouveau à Nice, ils ont dû partir pour Cannes. Partis ensuite

pour le Cannet, ils ont loué une chambre à Rocheville. Germaine Everling a exposé

leurs œuvres dans sa galerie à Cannes. Ils y ont rencontré Francis Picabia qui vivait

à Golf Juan avec Olga. Déjà très compromis par leurs activités clandestines, ils 32 Goetz, 2001, p. 60.

Page 38: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

38 Une vie, un oeuvre

ont dû cesser tout contact avec les galeries. Jeanne Bucher à Paris avait déjà été

interrogée à leur sujet, ainsi que Germaine Everling, après leur seconde dénonciation

à Nice. Durant la guerre, leurs noms d’emprunt et leur adresse n’étaient connus de

personne, ce qui leur a permis de rester à l’abri de toute malveillance. De nombreux

petits emplois exercés à Cannes leur permettaient de survivre. Après l’explosion

chez eux d’une bombe à retardement, les Picabia les ont hébergés le temps de

trouver un nouveau logement. Pour Goetz, l’amitié avec Picabia « était stimulante,

pleine d’étincelles de génie ». Marie-Lluisa Borras, auteur d’une monographie

de référence sur Picabia en 1985, décrit les interactions créatives entre Picabia

et le couple Goetz-Boumeester : « Le retour à l’abstraction (de Picabia) dans la

seconde moitié des années quarante doit beaucoup aux conversations avec ce

jeune couple de peintres, Christine Boumeester et Henri Goetz, connu dans le Midi

en avril 1942, alors qu’ils fuyaient Paris après la nouvelle de l’entrée en guerre

des États-Unis. Ouverts et cordiaux, ils étaient amis avec de nombreux artistes de

leur génération, Hartung, Vieira De Silva, Domela, Atlan ou Raoul Ubac avec qui ils

avaient fondé La Main à plume, considérée comme l’organe de la seconde vague

surréaliste. […] Ces années d’après-guerre signifiaient pour eux aussi une rupture :

s’ouvrait une nouvelle étape dans leur activité artistique, du surréalisme on passait

à l’abstraction » 33.

Un emploi trouvé à la Mairie a permis à Goetz de ne pas partir en Allemagne pour

le travail obligatoire. Leurs activités dans la résistance étant terminées, ils sont

restés au Cannet jusqu’à la fin des hostilités. Pendant qu’il séjournait au Cannet,

Goetz a rendu plusieurs visites à Pierre Bonnard qui s’y trouvait pendant la guerre.

Bonnard a partagé avec Goetz son matériel lithographique pour lui permettre de

réaliser son projet d’illustration des Explorations de Picabia.

Vers l’abstraction : 1945 - 1960

À la libération, Christine et Goetz ont regagné Paris et retrouvé leur atelier rue

Notre Dame des Champs. Ils ont rejoint à Paris leurs vieux amis Raoul et Aguy

Ubac, Hans Hartung, les Picabia, Mme Bucher. Ils ont aussi fait de nouvelles

rencontres : Francis Bott, Jean-Michel Atlan, Charles Estienne, défenseur de la

peinture abstraite, ainsi que René Guilly. Guilly a invité Goetz à faire des reportages

pour la rubrique « peinture » de son émission radio hebdomadaire Le Domaine de

Paris, diffusée tous les mercredis à la Radiodiffusion française. Chaque semaine,

Goetz visitait un atelier d’artiste : Picasso, Picabia, Braque, Brancusi, Kandinsky,

Max Ernst, Gonzalez et beaucoup d’autres. Seule l’émission consacrée à Hartung

a été refusée, sous prétexte que l’artiste n’était pas assez connu ! Cette activité a 33 Picabia, 2002, p. 90.

Page 39: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 39

duré six mois. En 1945, pour la première fois après la libération, du 27 mars au 27

avril, Christine et Goetz ont exposé à la Galerie L’Esquisse, quai des Orfèvres. Leur

ami Picabia a écrit la préface du catalogue : « J’aime la peinture de Goetz, j’aime

ce qu’il dit, parce qu’il a foi en lui-même, il donne un nouveau style à la peinture,

ce qui se rencontre rarement, ses tableaux ravissent mon œil et aussi la qualité de

son goût, palais qu’il va construire et parcs qu’il va planter loin de l’égoïsme et de

l’envie, son infini personnel et sa qualité où la pauvreté du riche est enterrée par sa

nature dissipatrice loin des libéralités timides » 34. Un incident a cependant troublé

cette exposition : une seule œuvre de Goez était accrochée le matin du vernissage.

Furieux, Goetz a récupéré ses tableaux. La même année, Goetz a aussi repris sa

participation au Salon des Surindépendants. En juin 1946, la première exposition

personnelle de l’artiste, retraçant dix ans de sa peinture, a eu lieu à la Galerie René

Breteau, rue Bonaparte. À partir de 1947, il a commencé à exposer régulièrement

au Salon de Mai et dès l’année suivante à celui des Réalités nouvelles. Plus tard, à

partir de 1955, il a également participé au Salon des Comparaisons.

Fig. 11Hélice chagrinée, 1947.

Huile sur toile, 60 x 74 cm,Musée Goetz-Bumeester,

Villefranche-sur-Mer.

Fig. 10Henri Goetz dans le film d’Alain Resnais.

34 Plaquette de l’exposition à la galerie L’Esquisse, 1945.Paris, Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky, archives Goetz (voir ci-dessus la couverture de la plaquette).

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40 Une vie, un oeuvre

En 1947, après avoir vu à l’exposition à la Galerie Breteau les dix lithographies

des Explorations de Picabia, où chaque illustration explorait la précédente, Alain

Resnais, jeune cinéaste à l’époque, en permission lors de son service militaire,

a trouvé cette idée très cinématographique. Il a demandé à Goetz d’en faire un

court métrage. Resnais avait aussi à l’esprit les documentaires de Sacha Guitry

sur Monet ou Degas. Dans l’émission radio Les étoiles du cinéma, diffusée sur

France Inter le 8 janvier 1994, Alain Resnais se souvient avoir pensé que ce serait

« amusant de voir les peintres qui ont trente ou quarante ans avant qu’ils ne soient

célèbres » et qu’il a ensuite « frappé chez un peintre américain, Henri Goetz ».

Dans Portrait de Henri Goetz, tourné en 16 mm, Resnais a filmé pendant trois

semaines la lente genèse de l’Hélice chagrinée (fig. 11), fameux tableau de Goetz

exposé aujourd’hui au Musée à Villefranche-sur-Mer, de la toile blanche jusqu’à

la signature de l’artiste. Le tableau a été nommé ainsi par Resnais, car un motif

sur la toile lui rappelait une hélice. Dans ce film qui dure vingt et un minutes, on

voit aussi d’autres tableaux de l’esprit surréaliste de Goetz et dix lithographies

des Explorations. Resnais a gardé une très bonne impression de l’artiste et un

« souvenir de paradis de ce tournage ». Goetz l’a ensuite amené chez Kandinsky,

Félix Labisse, et Resnais a réalisé une série des petits documentaires sur le thème

« une journée – un peintre », où les peintres partaient d’une toile blanche pour arriver

à une toile finie. Resnais a par ailleurs filmé la même année des documentaires

sur Christine Boumeester, Hans Hartung, Oscar Dominguez, César Domela, Lucien

Coutaud et Max Ernst. L’estime déclenchée par ces films a valu à Resnais la

commande en 1947 d’un court-métrage sur Van Gogh, qui a été primé à Venise en

1948 et a reçu l’Oscar du meilleur court-métrage sur deux bobines en 1949.

Après la guerre, Goetz était peut-être le seul à croire à la possibilité d’une peinture

de synthèse : « Il m’avait semblé qu’une synthèse picturale sortirait de la thèse de

l’abstraction, hostile à toute figuration, et de l’antithèse surréaliste éminemment

réaliste. Mon art me semblait pointer vers cette finalité » 35. Mais les deux camps 35 Goetz, 2001, p. 100.

Fig. 12Sans titre, 1948.

Huile sur toile, 53 x 112 cm,Galerie Hélène Trintignan,

Montpellier.

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Une vie, un oeuvre 41

étaient farouchement opposés : celui des surréalistes d’un côté, celui des abstraits

de l’autre. Goetz a exposé, avec Christine, du 15 décembre 1945 au 15 janvier

1946 à la Galerie des éditions La Boëtie avec les surréalistes, à une exposition

organisée à l’initiative de Magritte afin d’affirmer et relancer le mouvement. Il a

également participé à l’exposition internationale surréaliste de la Galerie Maeght

en 1947 où il a exposé un tableau et des objets dans une vitrine. C’est la dernière

fois que Goetz a participé à une exposition d’un groupe surréaliste.

L’art de Goetz s’est détaché progressivement de l’influence surréaliste. Il s’est

orienté vers un graphisme où il donnait de plus en plus d’importance à la ligne,

devenue un élément important de la composition. Les constructions se sont

simplifiées, les figures monstrueuses ont disparu, pour être remplacées par des

formes de plus en plus géométriques et autonomes. Une fois de plus, le changement

s’est opéré lentement. Désormais, la ligne, la forme, la couleur étaient les sources

qui nourrissaient le tableau. Cette conquête de l’autonomie du tableau a été une

étape importante dans son art. La période abstraite de 1947 à 1960 a été une

période où Goetz a fait le point sur tous les moyens d’expression, il cherchait,

choisissait, essayait. Dans ses peintures, l’espace n’était plus le rideau de scène,

c’était une réalité sensible (fig. 12). De 1950 à 1960, une géométrisation de plus en

plus poussée s’est affirmée. Les formes se sont dépouillées et se sont distinguées

les unes des autres. Les couleurs se sont éclaircies et de nouvelles gammes sont

apparues. L’abstraction a détourné Goetz de l’approche technique traditionnelle

et lui a permis de découvrir le langage des éléments picturaux. La facture a aussi

changé. Le glacis a été remplacé par une gestualité. Son abstraction pourtant est

restée vivante et spontanée. Elle était employée pour construire le tableau mais elle

n’était pas un but en soi (fig. 13).

Fig. 13Sans titre, 1958.Huile sur toile, 38 x 46 cm,collection Paola Garnier, Milan.

Page 42: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

42 Une vie, un oeuvre

En 1949, Christine et Goetz sont naturalisés français. La même année, Goetz

a commencé sa carrière d’enseignant. D’abord au sein de son atelier, qui est

rapidement devenu insuffisant pour accueillir les nombreux élèves. Après avoir

enseigné dans plusieurs académies, il s’est installé dans les anciens locaux d’André

Lothe, où il a ouvert sa propre académie, l’académie Goetz.

Au début de l’année 1959, Goetz et Christine ont quitté leur atelier Notre Dame

des Champs, devenu trop petit pour deux artistes. Leur nouvel atelier se situait au

174 rue de Grenelle, dans le 14e arrondissement. C’était un grand pavillon avec un

vaste jardin. Ils y ont installé deux ateliers, un pour Goetz au rez-de-chaussée et l’autre

pour Christine à l’étage. Il y avait également suffisamment de place pour y installer

une presse en taille-douce. Les contrats avec les marchands leur permettaient

désormais de mener une existence matérielle plus aisée, et ils avaient enfin une

situation qui stimulait leur production artistique. Ils faisaient aussi beaucoup de

sorties à la campagne et passaient leurs étés au Cannet, dans leur cabanon sans

aucun confort, mais avec une vue magnifique sur la baie de Cannes. Ils y voyaient

presque tous les jours Picasso, définitivement installé à Vallauris.

Imprégné du monde concret : 1960 – 1974

En 1960, la démarche de Goetz a connu un nouveau changement. Goetz et

Christine peignaient partout où ils se trouvaient. Pendant l’une de ces sorties, il

lui est arrivé de peindre en plein air. De retour à la maison, il s’est aperçu que le

tableau était en rapport avec le paysage dans lequel il avait été peint, qu’il avait

été influencé par l’extérieur (fig. 14). Après avoir renouvelé cette expérience en

choisissant à chaque fois un lieu de travail différent, Goetz s’est rendu compte

que le paysage dans lequel il peignait s’infiltrait à son insu dans ses tableaux, qui

Fig. 14Menton, 1966.

Huile sur toile, 65 x 92 cm,collection Paul Hervieu, Nice.

Page 43: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 43

devenaient ainsi des tableaux abstraits d’après la nature. C’est de cette manière

qu’a débuté la période lyrique de Goetz où il a semblé trouver une réponse qui

convenait à son œuvre, par laquelle il a échappé aux dangers du formalisme. Tout a

changé : la composition, les couleurs, la technique. L’espace pictural, en corrélation

avec l’espace naturel, est devenu plus souple et allusif. Grâce à une ligne plus

vivante, les formes se sont assouplies et sont devenues plus légères. Elles baignaient

dans une nouvelle lumière et se déplaçaient dans l’espace. La facture classique a

été définitivement abandonnée et la touche est devenue presque impressionniste.

Les harmonies étaient de plus en plus riches et diversifiées. Durant cette période

se situant entre 1960 et 1974, le vocabulaire abstrait de Goetz s’est élaboré et

constitué. C’était aussi pour Goetz une période de grandes recherches techniques

dans le domaine de la peinture, où les nouvelles techniques intervenaient pour

stimuler l’expression.

En 1963, Goetz et Christine ont acheté à leurs anciens élèves les Croquin, une

maison à Villefranche-sur-Mer, une petite ville maritime à côté de Nice. Confortable,

elle est également devenue leur atelier. Cette maison était plus qu’une résidence

secondaire, car le couple y passait une bonne partie de l’année. D’autre part, la

scène artistique centralisée à Paris les obligeait à être également présents dans la

capitale.

Pendant l’hiver, Goetz a continué son expérience avec le monde réel qu’il

venait de redécouvrir. Il s’est aperçu petit à petit que certains objets, en particulier

dans un paysage, retenaient toute son attention. Goetz a compris qu’il suffisait

de confectionner lui-même des paysages dans son atelier, avec des branchages,

des rochers, des feuillages. Il réalisait des « natures mortes abstraites » d’après

des objets installés sur une table, sans toutefois les représenter (fig. 15). Les

Fig. 15Nature morte, 1966.

Huile sur toile, 60 x 92 cm,Galerie Paul Hervieu, Nice.

Page 44: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

44 Une vie, un oeuvre

natures mortes, minutieusement disposées au sein de son atelier, lui donnaient

des idées de tableaux. « Je trouve que chaque fois que l’on aborde une nouvelle

démarche picturale, quelle qu’elle soit, on élargit son vocabulaire, ce qui provoque

un enrichissement de l’expression même. C’est pour les mêmes raisons que j’aime

changer fréquemment de techniques, allant de la peinture à l’huile à la gravure,

et de la gomme de cerisier au pastel, ou du pastel à l’huile à l’acrylique » 36. Une

des plus importantes « trouvailles » de cette époque a été sans doute la mise au

point en 1968 de la gravure au carborundum, le résultat des recherches que Goetz

menait déjà depuis dix ans, avec l’aide de ses amis chimistes Erich Schaeffer et

Marc Havel. Nous reviendrons plus longuement sur la question de la gravure au

carborundum dans le chapitre consacré à ce procédé.

En 1971, une grande rupture est survenue dans la vie de l’artiste. Après une

maladie ayant duré pendant trois ans, Christine Boumeester est morte le 10 janvier.

Elle avait partagé la vie de Goetz pendant trent-cinq ans. « Elle était ce que je voulais

être, ce que j’étais un peu devenu. […] Ce déchirement fut ma dernière grande

rupture 37». Il semblait que Goetz avait désormais deux préoccupations dans sa

vie : travailler, comme il avait toujours fait, et faire connaître l’œuvre de Christine.

Jusqu’à la fin de sa vie, Goetz a organisé plus que trente expositions de l’œuvre de

sa compagne et fait publié de nombreux catalogues et une grande monographie sur

sa peinture, avant même de s’occuper de la sienne.

Le théâtre des formes 38 : 1974 – 1989

À partir de 1974, Goetz est revenu à une peinture d’atelier. « Je n’ai plus besoin de

regarder la nature : elle est en moi maintenant ». Après la mort de Christine, l’œuvre

de Goetz s’est confonu encore plus avec son existence. Les vingt dernières années

Fig. 16Sans titre, 1982.

Huile sur toile, 65 x 100 cm,Galerie Hélène Trintignan,

Montpellier.

36 Goetz, 2001, p. 155.37 Goetz, 2001, p. 161.38 Titre d’une gravure, éditée par la Galerie La Hune en 1988.

Page 45: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Une vie, un oeuvre 45

39 Issoire, 1993.

de sa vie, Goetz créait hors des nouveaux courants. Son art représentait désormais

une fusion entre le monde extérieur et son univers intérieur. Il s’est éloigné du

monde concret et sa sémantique picturale a atteint une dimension cosmétique et

planétaire (fig. 16). Le poète Jean-Pierre Geay, son ami, a appelé ce nouveau mode de

représentation de l’espace chez Goetz le « figuralisme ». Le figuralisme, qui s’oppose

à la figuration, est une métaphore du discours musical baroque. Le figuralisme

apparaît lorsque la ligne mélodique (l’écriture des notes) dessine visuellement ce

que la musique veut suggérer. La figuration puise son référent dans le réel dont elle

donne une image transposée, tandis que le figuralisme fait naître une image du réel

à partir d’un signifiant abstrait dépourvu de tout signifié. La figuration s’appuie sur

la réalité, alors que le figuralisme l’imagine. C’est exactement le cas de Henri Goetz

: chez lui, les formes abstraites et les constructions spatiales donnent l’illusion d’un

monde existant. Le figuralisme crée la vraisemblance lorsque la figuration veut

la ressemblance, l’identité avec ce qui existe. Un autre élément important de la

peinture de Goetz vers lequel Jean-Pierre Geay attire notre attention est le vide.

Dans ce vide statique ou animé se déploie le monde des formes, flottantes, filantes,

instables et se joue l’aventure de la matière. Immense ou réduit, clos ou illimité,

céleste, sous-marin ou souterrain, le vide chez Goetz est toujours un milieu actif

et peuplé. « Et ce monde invisible qu’il aura peint avec tant de sensibilité n’est-il

pas celui que la science, pour sa part, voudrait connaître et expliquer, n’est-il pas

une anticipation, une préfiguration de ce que d’autres générations, après nous,

pourront voir » 39 ?

En 1979, Goetz a exécuté ses premiers pastels chauffés sur papier. L’invention

de ce nouveau procédé était le résultat de ses recherches sur le pastel, dont Goetz

connaissait parfaitement l’histoire. La technique consiste à chauffer le support,

toile ou papier, au contact duquel le bâton du pastel fond. Goetz est parvenu ainsi

à peindre avec la matière même, une matière colorée, d’une manière directe et

sans aucun intermédiaire. « J’ai aussi créé une technique du pastel à l’huile faisant

chauffer le support. Et ce n’est qu’un début », s’est exclamé ce chercheur infatigable

dans Mes démarches, lettre publiée dans le catalogue de l’exposition à la Galerie

La Pochade en 1975. Goetz avait déjà derrière lui d’importantes inventions mais

qui éprouvait toujours le besoin d’aller plus loin. Une autre innovation technique

a donné un nouvel élan à l’art de Goetz au début des années 1980. Pendant un

de ses voyages, Goetz a visité la Côte d’Ivoire où il a vu comment on fabriquait

du papyrus. À son retour en France, il a retrouvé dans le Midi un cultivateur de

cette plante et s’est approvisionné en matière première. Il s’est mis à fabriquer ses

propres feuilles de papyrus dans son atelier parisien. Il s’en servait ensuite comme

support pour ses pastels et ses dessins. Assez curieusement, Goetz n’a jamais utilisé

Page 46: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

46 Une vie, un oeuvre

ce type de support pour ses estampes. À notre connaissance, il n’existe aucune

gravure de Goetz imprimée sur papyrus. La faible résistance du support en est-il la

raison ? Les feuilles de papyrus fabriquées par Goetz n’étaient sans doute pas assez

solides pour servir à l’impression des gravures au carborundum, leur impression

nécessitant les papiers forts et fiables du type vélin. Ou y avait-il peut-être une autre

raison, de l’ordre esthètique cette fois ? Goetz jugeait-il que la texture prononcée

du carborundum ne faisait pas le bon marriage avec la finesse du papyrus, mieux

approprié aux techniques fines, comme pastel ou aquarelle ?

Une des préocupations majeures de Henri Goetz était depuis toujours d’assurer

la durée à son œuvre et à celui de Christine, de faire en sorte qu’ils restes préservés,

témoin de leur existence. En outre la publication des ouvrages sur l’art de Christine

et l’organisation de nombreuses expositions de ses œuvres, Goetz a employé ses

forces à trouver un lieu permanent d’exposition. Un musée consacré à l’œuvre de

Goetz et de Christine a été ouvert le 27 décembre 1983 dans la citadelle renovée

de Villefranche-sur-Mer. Ce musée est composé de cinq salles, quatre consacrées

à Goetz et une consacrée à l’œuvre de Christine Boumeester. Il contient une

soixantaine d’œuvres de Goetz et autant de Christine ainsi qu’une trentaine de leurs

amis, Picasso, Villon, Miro, Gonzalès, Hartung, etc. Le musée retrace l’évolution

de la peinture de Goetz. Dans une des vitrines, une suite de photos de tableaux

de Goetz choisis par l’artiste lui-même, une pour chaque année de 1930 à 1983,

illustre les changements dans son œuvre. Hormis la brusque décision de 1936

d’orienter sa peinture vers la non figuration, vers la création d’un monde inventé, les

autres changements se sont opéré de façon lente et sans heurts. La présentation

Fig. 17Un des dernières oeuvres de Henri Goetz, un pastel chauffé, exposé au Musée Goetz-Boumeester à Villefranche-sur-Mer.A gauche, encadrée, on apperçoit une aquarelle sur papyrus.

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Une vie, un oeuvre 47

40 Témoignage d’Irène Herlich, dernière compagne de Goetz, dans l’émission radio de José Arthur A l’heure du pop, diffusé le 11 décembre 1989 sur France Inter et consacrée entièrement à Goetz. Bibliothèque nationale de France, archives de l’Institut national d’audiovisuel.

des œuvres est en cours de rénovation et le musée a fêté ses vingt-cinq ans en

décembre 2008. Une nouvelle brochure du Musée a été publiée à cette occasion.

Au rythme des vacances scolaires, même après avoir cessé d’enseigner

en 1984, Goetz passait son temps entre Paris et Villefranche-sur-Mer. Sa santé

s’est détériorée vers les dernières années de sa vie. Affaibli par la maladie qui

l’empêchait de peindre, et après avoir déjà été hospitalisé une fois, Goetz s’est

suicidé dans les dernières heures du 12 août 1989 en se jetant du cinquième

étage de l’hôpital Santa Maria de Nice où il était admis le 31 juillet. Ne pouvant

plus travailler, Goetz a choisi de mourir. Il est enterré le 23 août dans la 12e

division du cimetière Montparnasse à Paris, aux côtés de sa femme Christine

Boumeester, morte dix-huit ans plut tôt. Dans la note qu’il a laissée à ces proches,

Goetz a écrit : « Je crois que mes quatre-vingt ans n’étaient pas inutiles » 40.

Page 48: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

48 L’œuvre gravé de Henri Goetz

Chapitre II

L’oeuvre gravé de Henri Goetz

« Graveurs unis dans l’amour de leur métier, qui pensent que l’homme aux prises avec la matière est la raison d’être de leur art ».

Albert Flocon, dans A la gloire de la main

Les débuts

Goetz a commencé à graver en 1940. Le catalogue raisonné de Masrour

dénombre huit estampes cette année, quatre pointes-sèches et quatre eaux-fortes,

toutes de petit format, à peine douze centimètres pour le côté le plus long. Elles sont

tirées en noir, à deux, trois ou maximum cinq exemplaires. Même si les conditions

de production étaient plus que précaires, il est évident que ce n’était pas l’idée

d’une large diffusion ou d’une possibilité de multiplication qui intéressait Goetz au

début de sa carrière de graveur. Les possibilités esthétiques qu’offrait l’estampe

n’étaient pas non plus au cœur de sa décision d’essayer ce nouveau moyen

d’expression. Ses premières estampes transcrivaient ses dessins de l’époque où

son œuvre se développait en étant imprégné de l’esprit surréaliste. Ce n’était non

plus la popularité de l’estampe qui en était la raison, puisque c’est quelque chose

qui arrivera beaucoup plus tard.

À partir de 1938, Henri Goetz a reçu ses premières notions de lithographie et

de gravure de sa femme Christine, qui avait appris ces techniques en Hollande,

à l’Académie des Beaux-arts de la Haye. En outre, leur ami Monsieur Dutoit,

taille-doucier, les a incités à s’y essayer. En guise de presse, Goetz avait acheté un

curieux engin dont il ignorait le véritable usage. Avec quelques modifications, ils ont

réussi à tirer des épreuves acceptables. Comme la presse manquait de pression,

Christine s’asseyait sur une planche au-dessus des rouleaux pour l’augmenter. Plus

tard, en 1944, ils ont reçu en cadeau de Johnny Friedlaender une vraie petite presse

que l’artiste n’utilisait plus.

Page 49: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 49

Les premières publications

C’est grâce au livre illustré que Goetz a connu sa première grande publication. En

1942, avec Christine, Goetz a illustré La Femme facile de Georges Hugnet, publié

aux éditions Jeanne Bucher. Le texte a été lithographié par Hugnet lui-même sur

papier report. Deux lithographies de Christine occupaient des pages pleines, treize

de Goetz se mêlaient au texte, l’entouraient et le complétaient. Pendant la guerre,

Goetz a aussi connu sa deuxième publication. Refugié dans le Midi, au Cannet,

Goetz fréquentait Bonnard, dans sa villa du Bosquet, que celui-ci avait achetée en

1926 et où il s’était retiré pendant la guerre. Grâce aux crayons lithographiques et au

papier-report que lui offrait Bonnard, Goetz a exécuté dix lithographies pour illustrer

un livre de poèmes de Francis Picabia : Explorations (fig. 18). Les Explorations n’ont

été publiées qu’après la guerre, en juillet 1947, aux éditions Pro-Francia, dans la

collection Vrille, dirigée par Edvrard de Rouvre.

Le retour à l’estampe

Après la période difficile de la guerre, marquée par les deux publications que nous

venons d’évoquer, la véritable production gravée de Goetz a commencé en 1949.

L’année était particulièrement féconde : dix-neuf estampes. C’était comme si Goetz

voulait rattraper le temps perdu. Les estampes de cette année sont plus diversifiées

techniquement et sont d’un format plus grand. Six lithographies dont deux en couleurs

(une rehaussée et l’autre en technique mixte, avec linogravure), six eaux-fortes et

aquatintes, deux vernis mous et cinq eaux-fortes. En 1949, Goetz s’est attaqué à

une grande variété de techniques. Pourtant, après avoir fait six lithographies, Goetz

a abandonné cette technique au profit de la taille-douce et il ne fera par la suite

que quelques rares lithographies dans sa carrière de graveur. Les tirages de cette

année charnière dans sa carrière de graveur sont aussi plus importants, mais ils

ne dépassent pas trente exemplaires pour quelques lithographies et varient entre

Fig. 18Explorations, 1947.Trois de dix lithographies de Goetz illustrant le texte de Francis Picabia.

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50 L’œuvre gravé de Henri Goetz

deux et vingt-cinq exemplaires pour les eaux-fortes. Cette disparité des tirages entre

deux techniques, qui s’explique par le fait qu‘on efface d’habitude la pierre une fois

le tirage effectué, joue aussi son rôle. C’est à cette époque que Goetz a conçu une

invention qui touchait à la présentation de l’œuvre : le « cadre-reliure ». Plusieurs

estampes étaient présentées dans un emboîtage pourvu d’un plat transparent et

d’un crochet pouvant servir de cadre, avec la possibilité de changer l’estampe qui

apparaît dans l’encadrement. Entre 1940, et ses premiers essais dans l’estampe,

et 1949 où il a repris ce moyen d’expression, des changements importants se

sont opérés dans l’œuvre de Goetz, et ses estampes reflétaient fidèlement cette

métamorphose.

Le groupe « Graphies »

L’année 1949 a aussi marqué la naissance du groupe « Graphies ». Sans

aucune unité esthétique ni recherche commune, le groupe est fondé pour le simple

besoin d’une entre-aide entre les graveurs de toutes orientations et de tous âges.

Exposer ensemble et promouvoir l’estampe était le seul but de cette association

« démocratique » qui n’avait ni président ni comité. Pas de jury ni d’admission non

plus, tous les graveurs qui voulaient collaborer étaient acceptés. Albert Flocon, qui

était « l’âme » du groupe, assurait le travail du secrétariat. Néanmoins, il semble

que la volonté d’accepter diverses sensibilités artistiques avait ses limites. Goetz

a témoigné dans son autobiographie d’un conflit au sujet des œuvres de Georges

Mathieu, qui travaillait ses plaques en les frappant avec un marteau. Une telle

démarche ne plaisait pas à Flocon, merveilleux buriniste, qui a menacé de quitter

le groupe si Mathieu était accepté. Goetz, qui trouvait les résultats de Mathieu

excellents, a cédé face à Flocon, mais « non sans regrets » 41.

La première exposition collective du groupe, annoncée le 26 février 1949

dans le quotidien parisien Combat comme une « Exposition de jeunes graveurs

abstraits », a marqué la naissance du groupe. Elle s’est tenue à la Galerie de

Deux Îles, du 1er au 19 mars 1949. Un article paru dans le même quotidien le 3

mars, signé René Guilly, nous apporte des renseignements sur cette exposition.

Les « graphies » sur cuivre, plâtre, ardoise et verre de dix graveurs ont été exposées.

Les participants étaient : Christine Boumeester, Pierre Courtin, Roger Chastel,

Sylvain Durand, Albert Flocon, Henri Goetz, Léon Prébandier, Raoul Ubac, Gérard

Vuillamy et Albert-Edgar Yersin. Les différents procédés exposés mettaient en

œuvre les contrastes du noir et du blanc ; les ardoises gravées de Raoul Ubac, les

lithographies et les peintures à l’encre sur verre de Goetz, les dessins à la plume

de Christine Boumeester, jusqu’aux procédés plus classiques des autres. Guilly a 41 Goetz, 2001, p. 88.

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 51

conclu son texte en disant que l’exposition était « la sobre victoire du noir et blanc

sur la matière ».

Peu de temps après, le groupe a exposé pour la seconde fois à Lausanne.

L’exposition a ouvert ses portes le 28 mai 1949 à la Guilde du livre. Nous retrouvons

l’annonce de cette exposition de graveurs français dans la Gazette de Lausanne du

25 mai. L’auteur du texte a constaté que la floraison de la gravure était encore plus

prononcée en France, d’où venaient ces « graveurs (qui) tirent à la même corde ;

désireux de remettre en honneur contre le laisser-aller des procédés le plus souvent

en cours ». Outre les graveurs qui avaient déjà participé à la première exposition,

nous rencontrerons de nouveaux noms : Jacques Villon, Jean Signovert, Jean Fautrier,

Roger Vieillard, Jean Bertholle, Camille Bryen, Marcel Fiorini et Germaine Richier. La

prochaine parution d’un ouvrage collectif, À la gloire de la main, a également été

annoncée dans le même article.

Le 9 décembre 1949, la troisième exposition du groupe à la Galerie La Hune

était consacrée au seul ouvrage collectif du groupe, qui venait de paraître, À la

gloire de la main. L’ouvrage, tiré à cent soixante-quatre exemplaires et illustré

de seize lithographies, une de chaque participant au projet, est sorti le 15 juin

1949. Les seize artistes participants à l’exposition et au projet du livre étaient :

Boumeester, Chastel, Courtin, Durand, Fautrier, Fiorini, Flocon, Goetz, Prebandier,

Richier, Signovert, Ubac, Vieillard, Villon, Vuillamy et Yersin. La lithographie de Goetz

est répertoriée par Masrour sous le n° 10 de son catalogue. Flocon, qui a écrit

Fig. 19Graphies dessins, 1951.

Affiche originale de l’exposition à la Galerie Nina Dausset, Paris.Archives Théo Kerg.

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52 L’œuvre gravé de Henri Goetz

l’avant-propos, a très bien défini ce qui donnait l’unité à ce groupe : « Graveurs unis

dans l’amour de leur métier, qui pensent que l’homme aux prises avec la matière

est la raison d’être de leur art ». L’ouvrage contenait en outre les textes de Gaston

Bachelard, Paul Eluard, Jean Lescure, Henri Mondor, Francis Ponge, René de Solier,

Tristan Tzara et Paul Valery.

La quatrième exposition du groupe a lieu le 1er avril 1950, à la petite galerie

du Séminaire, à Bruxelles. Quelques nouveaux noms apparaissaient parmi les

participants : Johnny Friedlaender, Zao Wou-ki, Jean Le Moal, Jacques Duthoo, René

de Solier. Après l’exposition, Christian Dotremont a pu écrire : « Le groupe Graphies

est le seul groupe actif, vivant, que nous connaissons à Paris » 42. La cinquième

exposition du groupe s’est tenue le 22 avril 1950, à la Maison des loisirs de La

Louvière, en Belgique.

Parfois, le groupe n’exposait que des gravures. Dans leur sixième et avant

dernière exposition, du 12 avril au 5 mai 1951 à la Galerie Nina Dausset, au 19, rue

du Dragon à Paris, vingt-trois exposants se sont confiés au public par leurs dessins,

un moyen d’expression très dépouillé (fig. 19). C’est encore dans le quotidien

Combat du 17 avril que nous retrouvons un compte-rendu de l’exposition. Parmi les

dessins exposés, entendus ici dans le sens le plus large, il y en avait très peu où la

couleur intervenait, et la plupart des œuvres étaient très strictement graphiques.

Les membres du groupe étaient de plus en plus nombreux, et nous retrouvons aussi

chez Nina Dausset quelques nouveaux venus : Ocsar Dalvit, Silvano Bozzolini, Jean

Piaubert, Roberta Gonzalez, Théo Kerg, Jean Couy, Ferdinand Springer. « Graphies »

rassemble, sans autre préoccupation que celle d’une certaine qualité, des artistes

que, en dehors de lui, tout peut séparer », a souligné l’auteur du texte dans Combat.

Il a mentionné en particulier les envois d’Ubac et de Piaubert et a regretté que

Signovert ne soit représenté que par deux dessins.

La dernière exposition du groupe a eu lieu le 15 mars 1952 à la librairie Didier à

Nancy, dont elle était l’exposition d’ouverture. Aux participants actifs du groupe se

sont joints quelques nouveaux artistes : André Beaudin, Le Louarn et André Sahl.

L’invité d’honneur était Picasso, représenté par plusieurs œuvres.

Après quelques années d’existence et une activité intense, le groupe s’est

dissous en 1952, de même façon dont il était né trois ans plus tôt, modestement

et paisiblement.

42 Masrour, 1977, p. 38.

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 53

Les années de recherches

Les années 1950 étaient une période de reconstruction. L’économie ayant

repris son cours, l’intérêt pour l’estampe a suivi le développement du marché

d’art. Les techniques pratiquées étaient les techniques classiques, le bois gravé, la

lithographie, la taille-douce. L’estampe avait encore souvent le rôle d’accompagner

la peinture, et les galeries spécialisées uniquement dans l’estampe moderne étaient

encore très rares. Des galeries et des éditeurs comme Maeght, Kahnweiler et La

Hune soutenaient le renouveau de l’estampe en éditant et exposant des graveurs.

En 1950, Johnny Friedlaender a fondé avec Albert Flocon et Georges Leblanc sa

première école de gravure, l’Atelier de l’Ermitage, dans les locaux de la rue Saint-

Jacques. La même année, Stanley William Hayter est revenue des États-Unis et a

rouvert l’Atelier 17.

Cette décennie ne semble pas, à en juger par le catalogue de Masrour, des plus

fécondes dans l’œuvre gravé de Goetz. De 1950 à 1959, sa production n’a connu

que trente-trois estampes. Il y en avait de toutes les techniques, une sérigraphie,

exécutée et imprimée par son ami Vercors, deux lithographies, des eaux-fortes

et aquatintes, des aquatintes, des vernis mous, une manière noire, un procédé

au sucre et trois gravures sur plomb. Le plomb est facile à graver et à attaquer à

l’acide. Le dessin est aussi facile à corriger sur une plaque du plomb : on incruste

des petits morceaux de métal et on les fait ensuite chauffer à la lampe. En outre,

la plaque peut être réutilisée pour réaliser une nouvelle estampe. Il y a toutefois

un danger : le plomb est un métal hautement toxique. Goetz réussissait, malgré

la mollesse du métal, à en tirer vingt exemplaires, sans aciérage de la plaque.

Les gravures exécutées sur plomb ont marqué en quelque sorte le début de ses

inventions dans le domaine de la gravure, les inventions qui donnaient à chaque

fois un nouvel élan et relançaient la gravure chez Goetz. Les tirages des années

1950 étaient plus importants qu’auparavant, jusqu’à vingt-cinq, cinquante, voire

même cent exemplaires. En revanche, les estampes imprimées par ses soins ont

été tirées à un tirage plus modeste, une dizaine d’exemplaires tout au plus. Hormis

Jacques Goldschimdt, qui a édité ses estampes dans la décennie précédente, Goetz

avait quelques nouveaux éditeurs : Boutin à Angers, l’Atelier de Paris, le Musée de

poche, la Galerie Ariel, la Galerie-librairie La Hune, le collectionneur et marchand

Heinz Berggruen à Paris, la Galerie-librairie Jacques Matarasso à Nice et la Galerie

Cavalero à Cannes. Les années 1950 marquent aussi le moment où Goetz a

décidé d’introduire la couleur dans ses estampes. La première était le n° 32 du

catalogue de Masrour, une sérigraphie, unique dans l’œuvre de Goetz, éditée par

Jacques Goldschmidt en 1952 (fig. 20). Cette sérigraphie a été conçue par Goetz,

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54 L’œuvre gravé de Henri Goetz

mais a été exécutée et imprimée par son ami Jean Bruller, alias Vercors. Vercors,

ancien graveur et dessinateur, avait créé une entreprise de sérigraphie, technique

qu’il avait perfectionnée et nommée « Callichromie ». Il a réalisé de nombreuses

éditions d’estampes d’après des œuvres d’artistes célèbres, dont Picasso et Léger,

entre autres. Goetz a poursuivi l’utilisation de la couleur dans ses estampes et les

exemples suivants sont les n°s 35, 41 et 43 du catalogue Masrour.

En 1954, Goetz a tenu la première exposition consacrée uniquement à ses

gravures en Italie, à l’Institut français de Milan. La deuxième a eu lieu l’année

suivante, en 1955, à l’Art Center d’Atlantic City aux États-Unis. En 1950, pour les

éditions Boutin d’Angers, Goetz a partagé l’illustration du livre Inductives du jeune

poète Max Clarac-Sérou avec Christine, en faisant trois eaux-fortes en noir et blanc.

Six estampes du livre ont été tirées entièrement par Goetz et Chrisitine, sur la petite

presse qu’ils avaient reçue en cadeau de Friedlaender. Stylistiquement parlant, les

années 1950 représentaient la continuité des recherches formelles que Goetz avait

entreprises à la fin de la décennie précédente. Ses tableaux étaient depuis déjà

un certain temps d’une abstraction très poussée, où le tableau se nourrit de ses

propres sources. La ligne jouait un rôle très important au début de cette décennie

et lors de sa fin, s’esquissaient déjà les éléments d’un langage pictural propre à

Goetz, ce langage constitué des formes flottant dans un vide, si caractéristique de

cet artiste. La gravure suivait, comme toujours chez Goetz, les changements qui

s’opéraient dans sa peinture. Elle en était toujours le reflet fidèle, mais jamais une

simple reproduction mimétique : dans la gravure, Goetz explorait l’univers de son

art de la même façon, mais avec d’autres moyens techniques. La gravure est ainsi

devenue une partie importante du processus créatif.

Fig. 20Sérigraphie, 1951.Tirée à 300 épreuves par Vercors,édition Jacques Goldschmidt.

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 55

Les années 1960 ont marqué un point important dans l’œuvre gravé de Goetz.

Sa production augmentait, soixante-trois estampes en tout. Les tirages sont restés

relativement modestes, atteignant rarement cent exemplaires. Ce qui caractérisait

cette décennie, c’était l’emploi des couleurs et la diversité des techniques utilisées.

Aquatintes, mezzotintes, gravures à la fraise électrique, pointes-sèches, gravures à

la meule électrique, vernis mous, burins (certains en technique mixte), gravures sur

formica à la fraise, aquatintes brûlées, gravures à l’échoppe, cette liste témoigne de

la richesse de l’arsenal technique de Goetz. Certaines de ces techniques sont assez

conventionnelles, comme burin ou vernis mou, d’autres moins habituelles, comme

l’aquatinte brûlée, où il s’agit de brûler le grain d’aquatinte poser sur la plaque à

l’aide d’un chalumeau, afin d’obtenir certains effets. Dans les années 1960, Goetz

a atteint son apogée quant à la maitrise des techniques classiques de la taille

douce. En même temps, Goetz a activement cherché, durant toute cette décennie,

un nouveau procédé qui remplacerait ses anciens procédés et qui lui faciliterait la

tâche. Ainsi, les années 1960 étaient également pour lui les années des inventions

dans le domaine de l’estampe. Sa plus grande découverte a été, et nous reviendrons

longuement dans le chapitre qui lui est consacré, la gravure au carborundum. Cette

découverte a marqué la fin de toute une décennie de recherches, que Goetz menait

à l’aide de ses amis artistes et chimistes. À partir de 1967, où il a enfin réussi

à mettre au point son invention et en faire un système abouti, Goetz s’est lancé

dans l’exploration de sa propre technique. Couronnement de ses recherches sur la

gravure au carborundum, un manuel consacré à ce procédé, dont nous parlerons

également en détail plus tard, a été publié chez Maeght éditeur. Au cours de cette

décennie féconde, ses éditeurs se sont également multipliés. Lithograv, Zakarian,

Daberkow, Paul Hervieu, Empreinte, Arta, Mouvement de la paix, et quelques autres

se sont ajoutés à ses anciens éditeurs, La Hune, la Galerie Ariel, Jacques Matarasso.

Parmi les soixante-dix estampes répertoriées par Masrour entre 1950 et 1960,

quarante-huit ont été éditées, le plus grand nombre étant édité par La Hune, soit

douze estampes. En janvier 1966, à l’occasion de l’exposition Goetz, 13 ans de

peinture, 1952-1965, la Galerie Ariel a publié une plaquette illustrée de quelques

estampes de Goetz, exécutée sur métal par l’artiste (fig. 21). Cette suite d’estampes

se situe dans l’esprit de progression de l’œuvre à l’œuvre. Les planches en noir de

deux estampes de la plaquette ont servi d’invariant, les autres en couleurs étant

modifiées sur chacune des autres planches, créant ainsi une suite de variations.

Cette idée de variation fait fonctionner l’estampe comme variable multiple par ses

formes à partir d’une même matrice.

Page 56: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

56 L’œuvre gravé de Henri Goetz

La gravure de Henri Goetz après 1968

L’année 1968 a été l’année charnière de la production graphique de Goetz.

Désormais, il utilisait presque exclusivement son propre procédé, seul ou en

combinaison avec d’autres techniques classiques. Le chapitre des recherches

techniques s’était achevé, mais voilà qu’un autre avait déjà commencé. Si auparavant,

Goetz cherchait à inventer une technique qui lui serait adaptée, dorénavant, il

continue ses recherches à l’intérieur de ce nouveau système technique, afin de

l’améliorer.

Les années 1970 ont été une période où la production graphique de Goetz

a atteint son sommet. Le catalogue de Masrour répertorie pas moins de cent

quarante-huit estampes pour sept années de travail, et nous avons complété ce

nombre par soixante-huit estampes répertoriées jusqu’à la fin de la décennie. En

tout, deux cent seize estampes sont répertoriées pour cette seule décennie, soit un

tiers de la production totale de Goetz ! En outre, comme nous l’avons déjà mentionné,

le nombre d’éditeurs a aussi atteint son sommet en cette période productive. Cette

explosion s’explique sans doute d’abord par la popularité grandissante de la gravure

au carborundum et le succès de son manuel, qui est réédité en 1974, mais aussi par

la toute récente édition du premier catalogue raisonné de l’œuvre gravé, publié en

1973. Hormis les éditeurs avec lesquels Goetz avait collaboré auparavant, comme

Empreinte, La Hune, Paul Hervieu, Cavalero, ou encore Daberkow et son tout premier

éditeur Jacques Goldschmidt, les années 1970 ont surtout été marquées par un

grand nombre d’éditions pour Sonet, la maison d’édition suédoise de Stockholm,

la Galerie Bellechasse de Paris et la Galerie Hélène Trintignan de Montpellier.

Nous rencontrons aussi quelques nouveaux éditeurs : Vision nouvelle, Francony,

Giorgio Upiglio, Jacometti, Champvallins, Gelender, Le Damier, Hautot, Venezia Viva

de Venise, Galerie Christine Leurent de Lille, Tristan Bastit de l’atelier « Sauve qui

peut », M’Arte de Milan, Saint-Germain-des-Prés, Le Trait, le collectionneur et ami

Pépin, qui ont fait une ou plusieurs éditions de Goetz 43. Une autre caractéristique

de cette période était les nombreuses expositions consacrées uniquement à la

gravure, en France mais également à l’étranger.

Fig. 21Variations, 1966.Quelques gravures illustrant la catalogue de l’exposition Goetz, 13 ans de peinture, Galerie Ariel, Paris.

43 Répertoire des éditeurs, Nouvelles de l’estampe, n°6, 1971.

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 57

Par rapport aux années 1960, les tirages étaient plus importants. S’ils ne

dépassaient jamais cent exemplaires, ils descendaient maintenant rarement

au-dessous de cinquante. Les formats ont aussi augmenté, allant maintenant des

petits formats jusqu’au format B1 (70 x 100 cm) pour les éditions de la Galerie

Bellechasse (n°s 264, 265, 271, 272 de Masrour, ainsi que les n°s 79-19, 79-20

et 79-21 de notre catalogue) vers la fin de la décennie, en 1976 et 1977. En ce qui

concerne la couleur, elle faisait désormais partie intégrante de l’œuvre gravé de

Goetz, et il exécutait rarement une estampe uniquement en noir et blanc, sans avoir

ajouté au moins une planche de couleur, porteur d’un ou plusieurs tons, encrés « à

la poupée ». La principale technique utilisée dans cette période était la gravure au

carborundum et ses procédés, que Goetz mélangeait parfois avec les techniques

classiques de la taille-douce, et notamment la pointe sèche, le burin ou l’eau-forte. Il

les utilisait principalement pour exécuter les lignes. En revanche, comme la gravure

au carborundum facilitait énormément l’emploi de la couleur dans l’estampe, Goetz

ne la remplaçait jamais par une autre technique classique, comme l’aquatinte, pour

effectuer ses plaques de couleurs. Par ailleurs, les recherches techniques de Goetz

de cette période portaient aussi sur la possibilité d’imprimer à partir des textures

diverses, collées sur la plaque ou incorporées dans la matière. Il utilisait des papiers

peints adhésifs ou des papiers de verre, ou toute autre texture susceptible de

retenir l’encre. Toutefois, Goetz n’exagérait pas dans leurs applications qui restaient

efficaces mais modestes. Tout au long de cette décennie, Goetz a exploré son

propre procédé, trouvant d’autres manières d’employer le carborundum, ajoutant

de nouveaux matériaux à ces procédés, mieux adaptés, qui remplaçaient souvent

les anciens mais dont l’utilisation s’avérait finalement complexe ou inadaptée à

ses besoins. Nous reviendrons sur ces modifications dans le chapitre traitant de sa

principale invention, la gravure au carborundum.

L’idée de variations restait présente dans l’œuvre gravé de Goetz. En 1974,

il a exécuté une suite de variations pour illustrer le recueil de poèmes de Serge

Brindeau Le Même au centre aux éditions Empreinte (fig. 22). Cette série de quatre

gravures (n°s 225, 225 A, 226 et 226 A de Masrour) faisait varier les plaques de

couleurs (deux par estampe), tout en conservant la même plaque « de trait » pour

les quatre estampes de la suite. Quel bel exemple de la capacité de l’estampe à

« différencier la reproduction » dont parlait Michel Melot !

La cinquième décennie de l’activité graphique de Goetz a été elle aussi marquée

par une forte production. Notre catalogue recense plus de deux cents estampes pour

les années 1980. Pourtant, cette importante activité a été soutenue par un nombre

plus restreint d’éditeurs que dans la période précédente. Les plus importants

Page 58: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

58 L’œuvre gravé de Henri Goetz

étaient toujours la Galerie Bellechasse jusqu’à 1983 ainsi que les galeries Hélène

Trintignan, Jacques Matarasso et Paul Hervieu qui resteront fidèles à Goetz tout au

long de cette décennie. D’importantes éditions ont également été faites par Giorgio

Upiglio de Milan, Maurice Rousseau, Robert et Lydie Dutrou et Poligrafa de Barcelone.

Moins importants par le nombre d’estampes étaient les éditions de la Galerie

Anne Lettrée de Paris, Gravure actuelle, la Maison de la gravure, Martin Böhnke,

Jean-Michel Gout-Werner, Galerie Cuppilard, Dollé, Patirno-Tarel, Nahan Galleries

des États-Unis et M’Arte de Milan. Les formats et les tirages de cette époque ne

reflétaient pas tout à fait l’intensité de l’activité de Goetz : les formats étaient restés

réduits, ne dépassant que rarement cinquante centimètres et les tirages, quant

à eux, n’allaient jamais au-delà de cinquante exemplaires pour les estampes en

feuille, sauf dans le cas des éditions par Poligrafa et Robert et Lydie Dutrou. Goetz

gravait toujours avec son procédé, sauf à la demande de certains éditeurs, lorsqu’il

avait recours aux procédés classiques, l’aquatinte ou la lithographie. C’était par

exemple le cas de quatre estampes en couleurs exécutées en 1988 aux éditions

Robert et Lydie Dutrou, pour le livre de Jean-Pierre Geay Chemins de la forêt, créées

en aquatinte.

C’était également le cas d’une autre édition avec Dutrou au printemps 1989,

où Goetz a exécuté en aquatinte quinze estampes en couleurs pour illustrer ses

propres textes, intitulés L’Ithos et le pathos des choses. Cette série de quinze

estampes est restée inédite jusqu’aujourd’hui. Le livre comporte les textes

écrits par Goetz, « une sorte de témoignages presque journalier des choses,

promues au rang de l’événement, vécues et transformées par une imagination

un peu lyrique », comme Goetz dans l’avant-propos. L’ouvrage n’a été tiré qu’en

quelques exemplaires, d’un tirage planifié de cent trente-cinq au total (y compris

les exemplaires de chapelle, hors commerce et autres), car le projet a été annulé

à cause de la mort de l’artiste. La série a été présenté en 1990 à SAGA à Paris. Un

exemplaire, portant le numéro 4, est en possession de la fille de Robert et Lydie

Dutrou, Corinne Dutrou. Il est témoin silencieux de ce travail de Goetz, effectué

en printemps 1989 chez Robert Dutrou, dans son atelier de La Métairie Bruyère

en Bourgogne. Cette série est d’une beauté exceptionnelle, avec un coloris très

recherchés. Exécutées en aquatinte, ses plaques cherchent à imiter de façon

discrète les effets du carborundum, ce qui donne une facture particulière et presque

vibrante à ces pièces (fig. 23). L’ouvrage est tiré sur papier vélin Moulin de Pombié,

filigrané « RLD ».

Juste avant sa mort, durant l’ été 1989, la maison d’édition barcelonaise Poligrafa

a édité une suite de dix estampes de Goetz (n°s 89-01 à 89-10 de notre catalogue,

Fig. 22Le Même au centre, 1974.Procédé Goetz,33 x 42 cm chacune,édition Empreinte.Quatre gravures de Goetz illustrant le recueil de poèmes de Serge Brindeau.

Page 59: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 59

fig. 23). L’édition de Poligrafa représente un cas particulier dans son œuvre gravé

à plusieurs titres. Neuf estampes de cette suite étaient destinées à accompagner

la version espagnole de la monographie de Goetz dont nous avons déjà parlée et

dont la publication était prévue cette année-là. Une dixième gravure a été imprimée

par Poligrafa à la même occasion pour accompagner la version française de la

monographie, aux éditions du Cercle d’Art. Pour quelle raison cette édition était-elle

si spéciale ? Tout d’abord la technique : les dix estampes en question semblent

ont été exécutées avec une technique mixte de lithographie et de carborundum.

Les lignes et les surfaces colorées ont été exécutées en lithographie, tandis que le

relief a été obtenu par le gaufrage, à l’aide d’une plaque exécutée probablement

au carborundum et imprimée sans encrage en dernier. C’est ce que nous avons

pu constater lors de l’analyse des épreuves chez Poligrafa, située rue Balmes à

Barcelone. En outre, dans le catalogue de la maison d’édition, ces estampes

sont présentées comme étant exécutées en technique mixte. Or, nous avons déjà

observé au début de ce chapitre que Goetz avait abandonné la lithographie très

tôt, selon ses propres paroles dans Ma vie, mes amis, après quelques éditions pour

Jacques Goldschmidt dans les années 1950. Et l’utilisation ici d’une plaque de

carborundum pour le gaufrage est un cas unique dans l’œuvre de Goetz. Jamais

Goetz ne s’était servi du carborundum de cette manière, et si certaines estampes

de l’artiste marquent un relief important, ce relief n’est jamais le but en soi, mais

plutôt la conséquence d’une couche importante de matière sur la plaque, portant

un élément pictural, une couleur ou une ligne. Un troisième élément mérite aussi

notre attention : la planche « de trait » semble être exécuté avec le procédé Goetz

et ensuite transférée sur la pierre. Enfin, ce qui suscite également une certaine

curiosité, c’est le choix des couleurs. Comme jamais auparavant, Goetz a choisi des

couleurs vives, presque violentes.

Fig. 23Deux estampes de deux dernières séries de Goetz, exécutées en 1989. A gauche, L’Ithos et pathos des choses n°2 (n° 89-12), aquatinte en couleurs, édition Robert et Lydie Dutrou, et à droite, Sans titre (n° 89-01), lithographie et carborundum (?), éditée par Poligrafa à Barcelone.

Page 60: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

60 L’œuvre gravé de Henri Goetz

Devant ces nouveautés dans l’œuvre gravé de Goetz, certains connaisseurs

s’interrogent sur l’authenticité de cette série. Non sur le fait que les estampes soient

des faux, loin de là, mais sur l’éventualité qu’elles aient été achevées après la mort

de l’artiste, dans une technique inhabituelle pour Goetz, et donc pas entièrement

sous sa direction. Plusieurs choses, que nous venons d’évoquer, permettent

d’arriver à une telle conclusion : la technique employée, les couleurs, le fait que

la suite ait été commencée peu avant la mort de l’artiste. Certains marchands ont

également des doutes concernant la signature de l’artiste.

Pourtant, le travail de Goetz à Barcelone a été documenté en caméra par

Frédéric Nocéra, marchand de Goetz à l’époque (fig. 24). Les séquences de cet

enrégistrement ont été intégrés dans un entretien filmé avec Goetz, tourné par

Nocéra en 1989 dans l’atelier parisien de l’artiste, rue de Grenelle. Ce film est

actuellement disponible sur un site Internet consacré à Goetz, sur l’adresse

http://henrigoetz.com/. On y découvre Goetz travaillant sur cette série dans

l’atelier de Poligrafa à Barcelone et on y assiste également à l’élaboration d’une

estampe de la série, du dessin préparatoire (sans doute un pastel) au bon à tirer.

Goetz exécute des plaques de ses propres mains, mais il y a aussi un travail sur les

plaques effectué par les mains des taille-douciers. Mais ce qui nous étone dans ce

film, c’est que nous y voyons cette estampe executée entièrement en taille douce, à

partir de plusieurs plaques pour les couleurs, et une plaque en noir pour les traits,

ce qui ne correspond pas du tout à ce que nous avons pu observer sur les épreuves

vues à Poligrafa lors de notre visite. Dans le film, on voit les plaques posées dans

la boîte à grains, vernies, encrées et imprimées avec une presse en taille-douce.

Cet enrégistrement preuve néanmoins que cette série a été conçue par l’artiste lui-

même et élaborée au moins en partie sous sa direction. Est-ce que après la mort de

Goetz, la maison d’édition a trouvé que c’était mieux d’imprimer le tirage dans une

autre technique, la lihographie ? Pour quelle raison, nous ne savons pas, tout en

sachant que la maison d’édition Poligrafa est connue par ses nombreuses éditions

lithographiques.

Pour savoir plus sur cette édition, nous avons demandé des précisions aux gens

de Poligrafa. Le chef de l’atelier Poligrafa étant mort depuis deux ans, quelques

informations concernant cette édition, assez imprécises, nous ont été fournies par

le directeur de la maison, Monsieur Joan de Muga. Celui-ci nous a expliqué qu’ils

avaient travaillé à partir d’originaux envoyés par Goetz de France, et que l’artiste

avait fait de petites retouches sur les planches une fois sur place, lors de sa visite à

Barcelone. Cette visite se situe, d’après Jean-Pierre Geay, au mois de juillet 1989,

et donc, peu avant l’hospitalisation et la mort de l’artiste. D’après Monsieur de

Page 61: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 61

Muga, le tirage entier a été envoyé à Goetz à Villefranche, où il était à ce moment-là,

pour la signature. Il faut aussi signaler que l’éditeur a marqué l’année 1990 comme

l’année d’édition pour ces neuf estampes.

Quoiqu’il en soit, cette suite d’estampes reste un cas isolé et particulier dans

l’œuvre gravé de Goetz, peut-être une annonce tardive de changement de direction,

un changement dont nous ne verrons jamais, hélas, la suite.

Les imprimeurs

Nous avons constaté qu’en ce qui concerne les éditeurs, Goetz a vu ses

estampes éditées par des grands mais aussi par des petits éditeurs ou particuliers.

La situation concernant les imprimeurs était semblable. Goetz a travaillé avec des

imprimeurs professionnels, mais employait aussi de jeunes graveurs, leur donnant

l’occasion de gagner leur vie en imprimant ses estampes. Lorsqu’il s’agissait

d’éditions pour des maisons d’éditions importantes, telles que Vision Nouvelle ou

Francony, c’étaient les maisons d’édition qui imposaient leurs imprimeurs. Mais le

plus souvent, Goetz avait la liberté de choisir son taille-doucier. En règle générale,

il travaillait avec des imprimeurs expérimentés lorsqu’il était question de tirages

complexes. En revanche, pour les tirages plus simples, il invitait de jeunes graveurs

qu’il connaissait, leur montrait ses procédés et les payait pour effectuer le tirage

de ses gravures. Souvent, puisqu’il avait une grande confiance en ses protégés et

Fig. 24Henri Goetz

dans l’atelier de Poligrafa, à Barcelone, en

1989.

Page 62: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

62 L’œuvre gravé de Henri Goetz

pouvait estimait avec précision les qualités personnelles de chacun, il leur confiait

également des tirages importants.

Comme Goetz partageait son temps entre Paris et Midi, il avait équipé ses deux

ateliers, l’un à Paris et l’autre à Villefranche-sur-Mer, de presses pour la taille douce.

Il s’agissait de petites presses, que Goetz utilisait pour tirer des épreuves d’essai

ou des bons à tirer, mais qui étaient inappropriées pour effectuer de grands tirages

ou travailler avec de grandes planches. Une fois satisfait du résultat, Goetz signait

le bon à tirer et confiait le tirage à l’imprimeur. Il avait ses imprimeurs à Paris, mais

aussi dans le Midi, où il passait beaucoup de temps, d’abord toutes les vacances

scolaires lorsqu’il enseignait, puis encore plus de temps après avoir cessé cette

activité. Lorsqu’il travaillait sur une édition pour un éditeur qui se trouvait dans

le Midi, Paul Hervieu à Nice ou Hélène Trintignan à Montpellier par exemple,

ses tirages étaient toujours effectués par Maurice Rousseau (fig. 25), graveur et

taille-doucier. En 1968, Maurice Rousseau a fondé, avec Paul-André Richard (né en

1935) et Georges Alloro dir Goa (né en 1946) l’atelier « E » à Villefranche-sur-Mer,

au 6, rue Baron de Brès, dans la veille ville. Quelle chance, puisque la maison de

Goetz se trouvait tout près, au numéro 38 de la même rue ! Maurice Rousseau est

devenu aussi un ami. Il a participé activement à l’amélioration des procédés de

Goetz et publié lui aussi un manuel sur les procédés de Goetz dont nous parlerons

plus loin. Mais Maurice Rousseau n’imprimait que pour les éditeurs français, il était

également l’imprimeur de Goetz pour certaines éditions faites à l’étranger, par

exemple pour Grafica Uno de Giorgio Upiglio, ou encore la galerie parisienne de Karl

Masrour. Maurice Rousseau est resté le taille-doucier de l’artiste jusqu’à la fin de sa

vie. Et même lorsque l’atelier a déménagé à Nice en 1972, sur la Grande Corniche

tout près de Villefranche-sur-Mer, ils n’ont cessé leur collaboration. Il semble que

Fig. 25Ils ont imprimé pour Goetz : avec Maurice Rousseau en train d’élaborer l’édition d’une estampe (à droite). Denise Zayan dans son atelier parisien (à gauche).

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 63

l’’atelier « E » de Maurice Rousseau avait dans le Midi une sorte d’exclusivité sur

l’impression des gravures de Goetz.

À Paris, Goetz travaillait avec plusieurs imprimeurs. Selon la complexité du

tirage, l’imprimeur était soit un professionnel, comme Luc Moreau qui avait ouvert,

en 1973, son atelier au 42, rue Beaubourg à Paris, soit Denise Zayan, jeune artiste

à l’époque, pour les tirages moins complexes (fig. 25). Née au Caire, Denise Zayan

a résidé au Brésil de 1958 à 1970, où elle a étudié à l’Institut d’art et de décoration

de São Paulo. Dès 1968, elle a commencé à graver au Centre de gravure de São

Paulo. Elle est arrivée en France en 1970. Sous la direction de Jean Cassou, elle a

écrit un mémoire sur Edvard Munch et a étudié la sociologie d’art à la 6e section

de l’École pratique des hautes études. Elle a continué à graver chez elle, le bois à

cette époque. Intéressée par la gravure au carborundum, elle a envoyé une lettre

à Goetz lui demandant des explications. Goetz l’a invitée à venir chez lui, dans son

atelier, pour lui montrer sa technique. Peu de temps après, après avoir appris à

Denise Zayan à se servir de la gravure au carborundum, il lui a proposé de tirer des

estampes pour lui et de gagner ainsi sa vie. De 1973 à 1979, elle a tiré beaucoup

d’éditions de Goetz. Elle a commencé par tirer les estampes de Goetz sur la vieille

presse en fonte de celui-ci, sans doute celle offerte par Friedlaender. Pendant un

an, elle a travaillé dans une petite pièce de son atelier rue de Grenelle, donnant

sur une petite cour où, selon son témoignage, il faisait toujours froid. Après avoir

estimé qu’elle était sérieuse, Goetz a acheté une nouvelle presse, Lecornet, plus

grande que l’ancienne, et l’a installée dans son atelier. Il a construit et fabriqué une

table pour cette presse et a équipé l’atelier des encres et du matériel nécessaires.

Comme elle maitrisait maintenant ses procédés, Goetz l’a invitée à les enseigner

dans son académie. Nous évoquerons l’enseignement de Denise Zayan dans le

chapitre sur l’académie Goetz. Tout en enseignant, Denise Zayan a continué à tirer

des éditions pour Goetz. En 1979, elle est partie enseigner à l’École des Beaux-arts

d’Amiens et a cessé à ce moment-là de tirer pour Goetz. Après le départ de Denise

Zayan, c’est Catherine Sergent, élève et assistante de Goetz, qui a poursuivi le tirage

de ses estampes. Vers le milieu des années 1980, un couple de graveurs, Claude

Raimbourg et Anne-Marie Leclaire, sont devenus les taille-douciers de Goetz. C’était

maintenant à leur tour de tirer presque toutes les éditions de Goetz, surtout lorsqu’il

était à Paris. Ils vont aussi devenir des amis très proches de l’artiste. Les gravures

de Goetz étaient aussi imprimées par d’autres imprimeurs professionnels comme

Giorgio Upiglio à Milan, Robert Dutrou à la Métairie-Bruyère et à Paris, Polygrafa à

Barcelone, l’atelier Haasen, l’atelier Empreinte, Arte, Baviera, Bellini et d’autres 44.

Nous venons de retracer l’évolution de l’œuvre gravé de Goetz, l’œuvre qui s’est

développé pendant presque cinq décennies. Nous avons vu la production graphique

44 Répertoire des imprimeurs, Nouvelles de l’estampe, n°16, 1974.

Page 64: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

64 L’œuvre gravé de Henri Goetz

de Goetz s’élargir, s’agrandir et mûrir au fil des années, évoqué aussi ses éditeurs et

ses imprimeurs. Il nous reste maintenant à voir comment Goetz éditait et exposait

ses estampes. Enfin, nous évoquerons les collections, privées ou publiques, qui ont

la chance de compter parmi leurs œuvres des gravures de Henri Goetz.

Les estampes en feuille, les albums, les livres illustrés

Dans l’œuvre gravé de Goetz, la grande majorité des estampes appartient à

la catégorie des estampes isolées, ce que l’on appelle les estampes en feuille.

Parfois, elles forment une suite, imprimée en même temps pour un éditeur, mais pas

forcément avec un lien thématique ou formel strict entre elles. Dans ces cas, elles

sont plutôt liées par la technique et le format, par le tirage et le papier employé.

Quant aux albums d’estampes de Goetz, il est possible qu’il en existe au moins

un, voire deux. Le premier album, que Goetz mentionne à plusieurs occasions,

a été publié d’après lui en 1951 aux éditions des Nourritures terrestres dirigées

par Jacques Goldschmidt. Il s’agirait d’eaux-fortes, mais Goetz ne donne aucune

précision concernant le nombre d’estampes ni aucune autre information qui pourrait

nous aider à identifier les estampes qui appartenaient à cet album. En outre, aucun

catalogue raisonné, ni celui de Sonet ni celui de Masrour, ne répertorie un seul

numéro en 1951 !

La deuxième publication susceptible d’être un album est la fameuse édition

liée à l’invention du « cadre-reliure », un emboîtage contenant plusieurs estampes,

mentionnée d’abord par Tisari sans précision de date dans le catalogue de Sonet,

puis par Melot comme datant de 1949 dans le catalogue da Masrour. Cette fois

non plus, nous ne possédons aucune information sur l’éditeur, la technique, ou le

contenu de cette publication. En revanche, dans le catalogue de Masrour, parmi les

estampes datant de 1949, trois estampes one été éditées : le n° 10 de Masrour

a été exécuté comme illustration de l’ouvrage collectif du groupe « Graphies » À la

gloire de la main, et les n°s 26 et 27 ont été édités par Jacques Goldschmidt. Ces

deux dernières faisaient-elles partie de cette publication qui pourrait bien être un

album ? Ou peut-être que l’album de 1951 et l’édition de 1949 n’étaient en réalité

qu’un seul et unique album, publié au début des années 1950 et pour lequel Goetz

et Melot se trompaient sur la date ? Peu probable, l’existence de l’album de 1951

est aussi mentionnée dans la monographie que Jean-Roger Lorsky a consacrée à

Goetz en 1952 et donc, lorsque sa publication était toujours d’actualité.

Page 65: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 65

Le catalogue de Sonet apporte également à l’énigme de ces albums mistérieux. Il

répertorie une série de neuf eaux-fortes publiées en 1953 pour Jacques Goldschmidt

(du n° 33 au n° 41). À l’exception d’une, toutes ont été publiées en vingt-cinq

exemplaires et dix épreuves d’artistes. Leurs dimensions sont soit environ 24 x 18

cm soit environ 13 x 18 cm, 12 x 10 cm pour l’une d’entre elles. Elles sont toutes en

noir et blanc, hormis une, imprimée en couleur « à la poupée », toutes d’un format

vertical sauf deux. Se trouve-t-il parmi elles celles qui appartenaient à l’album en

question ? Masrour a divisé cette série dans son catalogue, datant deux estampes

de 1949 (n°s 26 et 27), une de 1950 (n°31), et les autres de 1953. Il a séparé par

exemple les n°s 31 et 40 par un intervalle de trois années, alors qu’il est évident

qu’il s’agit sur les deux estampes des mêmes recherches formelles. Malgré nos

efforts et les vérifications que nous avons effectuées auprès des connaisseurs,

nous n’avons pu résoudre cette énigme, ni identifier les estampes appartenant à

cet ou ces albums.

En outre des estampes en feuille et des albums, nous retrouvons chez Goetz les

estampes exécutées pour les livres illustrés. Nous avons vu que Goetz avait connu sa

première publication tôt dans sa carrière de graveur, en 1942 avec La Femme facile

de Georges Hugnet, dont il a partagé l’illustration avec Christine (fig. 26) et en 1943,

lorsqu’il a illustré les Explorations de Picabia. Goetz reviendra régulièrement à cette

activité aussi après la guerre, et jusqu’à la fin de sa vie, il illustrera d’une centaine

de ses estampes trente-six publications, livres, partitions et monographies. Entre

1949 et 1985, Goetz a illustré onze livres, en commençant d’abord par l’ouvrage

collectif du groupe « Graphies » À la gloire de la main. Il a ensuite illustré des livres

de ses amis poètes et musiciens Max Clarac-Sérou, Paul Mari, Michel Bohbot,

Emanuelle Riva, Serge Brindeau, Jean Guichard-Meili, Jorge Guillen et Nadine Cail.

À partir de 1985, une période de collaboration intense a débuté avec le poète Jean-

Pierre Geay, présenté à Goetz par Jean-Louis Meunier, pendant laquelle ils ont

Fig. 26La Femme facile, 1989 (n° 41-01).

Lithographie,16 x 23 cm (feuille).

Une des treize lithographies de Goetz illustrant le texte de Georges Hugnet.

Page 66: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

66 L’œuvre gravé de Henri Goetz

45 Ardèche, 1990, p. 16.46 Ardèche, 1990, p. 42.47 Ardèche, 1990, p. 34.

publié ensemble dix-sept livres, dont un avec participation. Certains contiennent

des textes et des essais de Jean-Pierre Geay sur l’artiste, poétiques ou explicatifs.

Ensemble, ils ont également conçu la grande monographie de Goetz, consacrée à

son œuvre peint. « Vous allez m’expliquer ma peinture », disait Goetz à Jean-Pierre

Geay, dont il appréciait les analyses « fines, subtiles et toujours précises » 45. Goetz

a également illustré de ses dessins quelques textes manuscrits de Geay. Le premier

texte de Jean-Pierre Geay illustré par Goetz s’intitulait Fin de course. Le dernier

texte achevé était Resté à part. Les deux derniers livres de Geay sur lesquels Goetz

travaillait encore au moment où la mort l’a emporté s’intitulaient respectivement

Habiter l’espace, pour lequel deux gravures avaient déjà été réalisées, et Le

geste qui délivre, pour lequel Goetz avait réalisé une eau-forte et une gravure au

carborundum en couleurs. Durant la même période, Goetz a également illustré ses

propres textes Picabia accuse en 1986 et L’Ithos et pathos des choses en 1989,

ainsi que deux ouvrages avec Pierre-André Benoît Notes hâtives et Dire… Redire…,

La Menthe religieuse avec Pierre Gaillard et Thesaurus avec Jean Guichard-Meili.

Dans le catalogue des livres que Goetz et Geay ont faits ensemble,

Jean-Louis Meunier explique très bien la façon dont Goetz approchait l’illustration d’un

texte : « Réaliser un livre avec Henri Goetz allait de soi. Il suffisait de lui demander

et la réponse était oui. Mais un oui donné avec la certitude que le texte à illustrer

lui plaisait, qu’il en avait parfois précisé certains points (comme dans ceux qui

touchent à son œuvre), ou qu’il savait y rencontrer des recherches esthétiques qui

correspondaient aux siennes. En un mot, il avait lu les textes pour lesquels il gravait.

Cette attention l’honorait et ne donne que plus de valeur émotionnelle et affective

à ses gravures » 46. S’il lisait les textes qu’il devait enrichir et s’en inspirait, ses

gravures ne les « illustraient » jamais proprement dit, dans le sens de la transcription

visuelle pure et simple d’un texte. Pour un artiste abstrait, qui puisait son inspiration

d’un monde invisible, il était peut-être plus facile d’échapper au « danger » d’être

asservi au texte. Mais avec son abstraction toujours hésitante entre le connu et

l’inconnu, il arrivait parfois que Goetz s’inspire directement du texte pour en donner

une interprétation visuelle. Dans ces cas, il s’agissait toujours de sa propre vision,

suggérée par le texte mais jamais entièrement définie et influencée par les propos

de son auteur, où Goetz racontait peut-être la même histoire, mais avec ses propres

mots qui appartenaient à son langage personnel. Dans ses illustrations, Goetz se

trouvait toujours « du même côté du miroir » 47 que l’écrivain. Il était peut-être son

semblable, mais jamais son simple reflet.

Nous n’entrerons pas dans une analyse détaillée des rapports entre les estampes

de Goetz et les textes pour lesquels elles ont été faites. Ce sujet pourrait être celui

Page 67: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 67

d’une étude à part, et nous laisserons cette tâche à des chercheurs particulièrement

intéressés par les relations entre la poésie et la peinture ou la gravure, qui trouveront

dans les livres illustrés par Goetz une source inépuisable de leurs observations.

Évoquons toutefois quelques beaux exemples de la collaboration de Goetz avec des

poètes.

Un véritable chef-d’œuvre du livre illustré est La Femme facile de Georges Hugnet,

dont le texte a été lithographié sur la pierre par l’auteur du texte, et l’illustration

partagée entre Goetz et Christine (n° 42-01 à 42-13 de notre catalogue). Goetz

a exécuté treize lithographies pour cet ouvrage publié en 1942 aux éditions de

Jeanne Bucher à Paris. Tandis que trois lithographies de Christine occupaient de

pleines pages, celles de Goetz entouraient le texte, le complétaient et l’exploraient.

Ici non plus, les illustrations ne sont pas une transcription visuelle du texte, mais

une libre construction d’un monde inventé dont certains détails peuvent rappeler

les idées de l’auteur comme un écho lointain. C’est comme si les lithographies

« illustraient » non seulement les sensations tactiles, visuelles, gustatives, olfactives

et sonores, plutôt que de donner une représentation visuelle exacte du texte mais

aussi les pensées de celui qui raconte l’histoire, ses sentiments, ses réflexions.

Un autre bel exemple est le livre de Francis Picabia Explorations, pour laquelle,

rappelons-le, Goetz a réalisé en 1943 dix lithographies hors texte (n°s 47-01 à

47-10 de notre catalogue). Alors que dans La Femme facile, les illustrations

exploraient véritablement le texte, dans Explorations, les lithographies s’explorent

elles-mêmes et c’est une démarche identique que Goetz a proposée à Picabia

pour son texte. Dix lithographies se succèdent dans le livre et chacune reprend,

en l’agrandissant et en le complétant un détail lointain et presque invisible de la

précédente. A l’instar des illustrations, chaque texte de Francis Picabia reprend

Fig. 27Littérarture, 1982.

Procédé Goetz,16,4 x 24,2 cm.

Une des huit estampes réalisées pour le livre de

Jean Guichard-Meili.

Page 68: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

68 L’œuvre gravé de Henri Goetz

un morceau de la dernière phrase du paragraphe précédent pour le developper à

la suite. Ainsi, le texte et l’illustration se rejoignent dans le même concept, sans se

refléter mutuellement. On a l’impression d’un voyage continu vers l’horizon à travers

les illustrations que l’on découvre en avançant vers de nouvelles perspectives.

Hormis ces deux ouvrages, nous retrouvons aussi de beaux exemples parmi

les livres illustrés réalisés plus tard. Ainsi, huit estampes (n°s 82-34 à 82-41)

réalisées au carborundum en 1982 pour illustrer l’ouvrage de Jean Guichard-Meili

Littérarture (sic)48 sont d’une beauté des couleurs et d’une richesse picturale et

d’une matière remarquables (fig. 27). Là aussi, Goetz s’est inspiré du texte, ce qui

a donné des œuvres présentant une relation curieuse avec le texte original. La

collaboration de Goetz avec Jean-Pierre Geay, dont nous avons déjà parlée, était

aussi particulièrement féconde. Dix-sept livres illustrés d’estampes que Goetz

et Geay ont publiés ensemble sont de vrais bijoux de bibliophilie. Les essais sur

l’artiste que certains d’entre eux contiennent sont des études très justes de son

œuvre, gravé ou peint. La monographie de l’artiste de 1989 reste jusqu’aujourd’hui

la seule analyse complète de son parcours artistique et de son œuvre peint.

Les expositions de l’estampe

Durant sa vie, Henri Goetz a connu plus de cent quarante expositions personnelles,

dont une cinquantaine consacrée exclusivement à sa gravure. Par ailleurs, Goetz

exposait régulièrement ses estampes à côté de ses tableaux, présentant aussi son

activité de graveur comme faisant partie intégrante de son art. Et même lorsqu’il

n’exposait que des estampes, elles étaient souvent accompagnées de ses dessins

ou de ses pastels faits à partir des épreuves d’essai, ces « gravures corrigées ». Sa

première exposition de gravures date de 1954 : elle a été présentée à l’étranger, à

l’Institut français de Milan. L’année suivante, également à l’étranger, ses estampes

ont été exposées à l’Art Center d’Atlantic City aux États-Unis. Sa première exposition

française a eu lieu à La Hune, du 17 au 24 juin 1958, sous le titre Œuvres nouvelles,

à l’occasion de l’ouvrage de Vercors consacré à l’artiste, aux éditions du Musée

de Poche. Quatre années plus tard, à partir du 12 janvier 1962, également à La

Hune, Goetz a montré ses estampes accompagnées de ses dessins. En 1965,

plusieurs expositions ont eu lieu : deux à l’étranger, à la Galerie Boisserée à

Cologne et à la Galerie Arta, à La Haye, et une troisième à la Galerie Paul Hervieu, à

Saint-Paul-de-Vence. En 1969, Goetz a présenté ses estampes en Suède, à la

Franska Galleriet à Malmö. L’année suivante, en 1970, une exposition a ouvert

ses portes à la Galerie Ostermalm à Stockholm et une autre à la Galerie Sylvaine

Garnier à Saint-Omer. En 1971 puis en 1972, Goetz a présenté ses estampes dans

48 Et non Littérature comme c’est très souvent « mal » orthographié.

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 69

la Galerie de Christine Leurent à Lille, galerie ouverte en 1969. Du 26 mars au 24

avril 1973, pour la dernière fois, Goetz a exposé ses gravures au carborundum et

ses gravures corrigées au pastel à La Hune, à l’occasion de la sortie du catalogue

raisonné de son œuvre gravé aux éditions de Sonet. La même année, il a également

présenté ses estampes à Lisbonne, à la Galerie San Franciso. Une autre exposition

a eu lieu chez Christine Leurent du 10 mai au 30 juin 1974. La même année, Goetz

a aussi exposé à Angers, à l’École régionale des Beaux-Arts, du 10 au 25 mai, à

Venise, à la Galerie Venzia Viva et la Galerie Segno Grafico à Udine. En 1975, ses

estampes ont été de nouveau présentées chez Christine Leurent, puis deux fois

en Italie, à La Stamperie à Livourne et au Centro d’Arte il Castello à Venise. En

1976, une exposition d’estampes a eu lieu chez Christine Leurent à Lille. La même

année, de nouveau en Italie, Goetz à exposé ses estampes au Centro Studi Reggio

de Calabria. L’année suivante, il a exposé ses gravures chez Jacques Matarasso à

Nice, à la Galerie Artcurial à Paris, ainsi qu’à la Galerie M’Arte à Milan. À partir de

20 mars 1979, le public de Colmar pouvait admirer les estampes de l’artiste à la

Galerie du cabinet des estampes de la Bibliothèque municipale de Colmar. Deux ans

plus tard, à partir du 9 juillet 1981, Goetz a exposé ses dessins à la pointe d’argent

et ses gravures chez Jacques Matarasso à Nice. En 1983, également chez Jacques

Matarasso, le livre Littérarture de Jean Guicahrd-Meili que Goetz avait enrichi de

ses gravures a été présenté. À la fin des années 1970 et dans les années 1980,

il semble que Goetz n’exposait plus ses estampes séparément, même si l’activité

dans ce domaine est restée forte. À cette époque, Goetz, chercheur inlassable, était

probablement plus intéressé par ces nouvelles découvertes : le pastel chauffé et

la fabrication du papyrus. Il n’empêche qu’il a continué à exposer ses estampes à

côté de ses œuvres peintes. En 1988, pour marquer les vingt ans de la naissance

de la gravure au carborundum, et à l’occasion du film Le Procédé Goetz que Jean

Réal avait tourné sur ce procédé, une exposition du même nom a été présentée

Fig. 28Exposition consacrée aux estampes de Goetz, rue Cabanel à Montpellier, 2009.

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70 L’œuvre gravé de Henri Goetz

du 1er au 19 mars à la Bibliothèque nationale de France. Hormis les estampes de

Goetz, les gravures d’autres artistes qui utilisaient activement ce procédé, Juan

Miro, Antoni Clavé, James Coignard, Max Papart et Pierre-Marie Brisson, étaient

également exposées. Depuis la mort de l’artiste en 1989, on voyait généralement

dans ses rétrospectives son œuvre peint et son œuvre gravé exposés ensemble.

Ce n’est qu’en 2009, lors du centenaire de la naissance de l’artiste, qu’une

exposition a été consacrée uniquement à ses estampes. Au printemps 2009, les

galeries Hélène Trintignan et Hambursin-Boisanté ont organisé à Montpellier trois

expositions retraçant l’œuvre de Goetz, dont une entièrement consacrée à son

œuvre gravé. Dans une galerie rue Cabanel à Montpellier (fig. 28), spécialement

préparée pour cette occasion, tous les aspects de la production graphique de

l’artiste ont été présentés : les premières estampes, des épreuves rehaussées, des

matrices originales, des épreuves rares et des bons à tirer ainsi qu’une sélection

de ses estampes de toutes les époques de son activité de graveur et quelques

dessins des années 1970. Il s’agit de ces fameux dessins que Goetz faisait d’après

la nature tout en étant un peintre abstrait, principalement ses autoportraits, pour

« se réchauffer » et rester en forme.

Pour célebrer la double anniversaire de Goetz, deux évènements se sont

déroulés aussi à Colmar, la ville capitale de la région d’où venait le fameux grand-

père de Goetz. C’est d’abord la Galerie Rémy Bucciali qui a organisé une exposition

retrospective, en partenariat avec la Galerie Hélène Trintignan. Du 15 mai au 12

septembre 2009, la Galerie a présenté des tableaux, des dessins, des pastels et

des estampes de l’artiste de toutes les périodes de sa création. Ensuite, du 31

octobre 2009 au 11 avril 2010, et après avoir acquis douze estampes de l’artiste

auprès de la Galerie Rémy Bucciali, le Musée d’Unterlinden se joigne pour rendre

à son tour l’hommage à Goetz. A ces douze premières oeuvres de l’artiste que

possède désormais le musée colmarien, Hélène Trintignan a rejoint par un don un

dessin et deux gravures supplémentaires, ainsi que l’acte de naissance du grand-

père de Goetz, le seul document sur sa famille que l’artiste a gardé précieusement

auprès de lui pendant toute sa vie. Disons aussi que, pour terminer cette année de

l’anniversaire en beauté, le Musée Fabre à Montpellier a acheté deux tableaux de

Goetz, accrochés désormais en face d’un Hartung et d’un Zao Wou-Ki, là où c’est

justement la place de Goetz, parmi les plus grands artistes du XXe siècle.

Nous venons d’évoquer quelques dizaines d’expositions de Goetz consacrées

uniquement à l’estampe. Il est difficile de connaître leur nombre exact, faute d’avoir

tous les catalogues d’exposition, qui, pour une grande majorité de ces événements

n’existaient sans doute pas. Par conséquent, il nous est difficile de savoir ce que

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L’œuvre gravé de Henri Goetz 71

Goetz exposait exactement et quand. Néanmoins, d’après quelques indications,

nous avons pu conclure ce que nous avons avancé au début de cette revue des

expositions : si Goetz exposait ses estampes, elles étaient sans doute toujours

accompagnées de ses dessins ou de ses épreuves rehaussées, marquant ainsi

les deux aspects principaux de sa production graphique. Premièrement, son lien

indéniable avec le dessin, et deuxièmement, le fait que Goetz considérait la gravure

comme une partie intégrante du processus créatif, un va-et-vient permanent entre

la gravure, la peinture et le dessin.

Les éditeurs et les marchands

Durant sa carrière de graveur, Goetz a connu un grand nombre d’éditeurs et

d’éditions. Nous les avons déjà évoqués en analysant son parcours de graveur, sans

toutefois parler de la nature de leur relation avec l’artiste. Précisons seulement ici

que ses principaux éditeurs étaient en même temps ses principaux marchands :

c’était le cas de Jacques Goldschmidt et des galeries Ariel, Bellechasse de Karl

Masrour et, tous à Paris. Dans le Midi, où Goetz passait beaucoup de son temps, il

avait également les marchands qui ont édité beaucoup de ses gravures : la Galerie

Paul Hervieu à Nice et la Galerie Hélène Trintignan à Montpellier. Après la guerre,

Goetz a établi une collaboration active avec Paul Hervieu, successeur de Monsieur

Drey à la galeire rue Pastorelli à Nice, que nos avons déjà évoquée dans la biographie

de l’artiste. En même temps, Goetz travaillait à Paris avec la Galerie Ariel de Jean

Pollac. Jean Pollac a demandé à Goetz de chosir entre deux galeries : Goetz est

resté fidèle à son marchand niçois. C’était au début des années 1960. A partir de

cette date-là, Goetz n’avait pas un marchand à Paris. En 1974, il a rencontré Karl

Masrour, qui sera son marchand parisien jusqu’à 1982. Quelques années avant sa

Fig. 29Giorgio Upiglio et son

atelier aujourd’hui.

Page 72: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

72 L’œuvre gravé de Henri Goetz

mort, Goetz a rencontré Jean-François Aittouarès qui restera son machand jusqu’à

la fin. Contrairement aux contrats d’exclusivité pour les peintures que Goetz avait

avec ses marchands, Paul Hervieu, Galerie Ariel ou encore Karl Masrour, il n’a

jamais signé de contrat d’exclusivité pour ses gravures. Ainsi, pendant la période

de son contrat avec Karl Masrour, d’autres galeristes ou marchands étaient libres

de solliciter l’artiste pour des éditions. Ainsi, nous retrouvons dans cette période

d’autres éditions en dehors de celles de la Galerie Bellechasse, notamment des

éditions d’Hélène Trintignan, Giorgio Upiglio et Paul Hervieu.

Goetz avait aussi d’autres éditeurs importants, comme la Galerie La Hune à Paris,

Galerie Cavalero à Cannes, ou encore Jacques Matarasso à Nice, mais ils n’étaient

pas à la fois ses marchands. Certains de ses éditeurs étaient à l’étranger, comme

Daberkow à Francfort, Sonet à Stockholm, Giorgio Upiglio (fig. 29) et M’Arte à Milan,

Venezia Viva à Venice. Disons aussi qu’en outre des maisons d’édition importantes

comme Vision nouvelle, Empreinte, Francony, Zakarian, Lithograv, Damier, Musée

de poche, Jacometti, Hautot, ou encore de Champvallins, les estampes de Goetz

étaient aussi éditées ponctuellement par des éditeurs plus modestes, souvent

des galeristes, quelquefois par ses imprimeurs ou par ses amis, ou encore des

associations de graveurs : citons le marchand Martin Böhnke, l’imprimeur Maurice

Rousseau à Nice, la Galerie Cupillard à Grenoble, la Galerie Anne Lettrée à Paris,

Christine Leurent à Lille, l’association Graveurs d’aujourd’hui - Le Trait, le peintre

et graveur Tristan Bastit, créateur de l’atelier de gravure « Sauve qui peut » (fig. 30),

Pépin, ami de Goetz et son collectionneur. Pour les livres illustrés, les éditeurs étaient

des maisons d’édition, des amateurs particuliers, parfois les poètes eux-mêmes :

Jeanne Bucher, Vrille, Boutin (Angers), Chambellan, M’Arte (Milan), Rovio (Suisse),

La Pochade (galerie des éditions Empreinte), Robert et Lydie Dutrou, La Balance

(Sauveterre-du-Gard), Calligrammes (Quimper), Porte du Sud, Saint-Germain-des-

Près, l’architecte Turbot ou encore le poète Michel Bohbot.

Fig.30L’Atelier « Sauve qui peut » de Tristan Bastit (à gauche sur la première et au premier plan sur la deuxième photo).

Page 73: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 73

Comment se passait la collaboration entre en graveur et un éditeur, c’est-à-dire,

l’édition d’une estampe, chez Goetz ? Goetz a raconté, dans Ma vie, mes amis,

qu’il avait trouvé un moyen très simple de trouver des éditeurs pour ses estampes.

Il a aussi déploré, que cette recette simple n’ait jamais été utilisée, malgré ses

conseils, par ses élèves ou ses amis. Goetz choisissait lui-même ses éditeurs, en leur

proposant des tirages gratuitement, à condition qu’ils payent les frais d’impression

(le matériel et le taille-doucier) et lui donnent un tiers de l’édition, qu’il vendait

ensuite lui-même, épreuve par épreuve, à ses collectionneurs. Ce principe simple

lui a permis d’éditer toutes ses planches. Pourtant, il semble que Goetz utilisait ce

principe plutôt dans les cas des éditeurs particuliers, qui n’avaient pas les moyens

financiers de racheter tout le tirage et de l’écouler. Ce principe simple a permis à

Goetz d’élargir le nombre de ses éditeurs, ce qui a sûrement contribué à une plus

grande diffusion de son œuvre gravé. D’après le témoignage d’Hélène Trintignan,

marchand et éditeur de Goetz à partir de 1975, une particularité des éditions avec

Goetz était qu’il ne se faisait jamais payer pour le travail effectué sur la planche,

contrairement à d’autres artistes, peintres ou graveurs. Elle nous a aussi confirmé

que pour ses propres éditions, le travail de taille-doucier, le matériel, le tirage et

les épreuves d’artiste étaient payés par l’éditeur, tandis que le graveur, c’est-à-dire

Goetz, était payé en épreuves d’artiste, en plus du coût de revient. Ses épreuves

d’artistes, Goetz les exposait ou les revendait aux collectionneurs. Les épreuves

d’artiste représentaient comme toujours environ dix pour cent du tirage, parfois

plus, lorsqu’il s’agissait des petits tirages.

En général, Goetz, qui travaillait beaucoup, avait toujours quelques estampes

prêtes à être éditées, dans l’état de bon à tirer, et les éditeurs n’avaient qu’à

simplement chosir celles qu’ils voulaient éditer. En revanche, pour les livres illustrés,

comme nous avons déjà eu l’occasion de voir, Goetz exécutait les illustrations

spécialement pour l’édition en question.

Les collections publiques et privées

Les œuvres de Henri Goetz se trouvent dans de nombreux musées en France et

à l’étranger, des États-Unis à Israël. Le plus souvent, il s’agit de dons de l’artiste.

Goetz, qui était soucieux de laisser une trace de son existence, donnait volontiers

avec la volonté de diffuser et faire connaître son œuvre au plus grand nombre.

La plupart des œuvres de Goetz présentes dans les collections des musées sont

des tableaux ou des pastels. Exceptionnellement, certains musées possèdent

aussi quelques estampes. C’est le cas, notamment, du Musée Château d’Annecy,

qui possède quatre estampes de Goetz, du Musée Picasso d’Antibes, du Musée

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74 L’œuvre gravé de Henri Goetz

Daubigny à Val-d’Oise, du Musée d’Unterlinden à Colmar, ou encore du Musée d’art

moderne de Toulouse, avec deux estampes dans sa collection. Quant à l’étranger,

le Centre de la gravure à La Louvière en Belgique possède deux estampes de

Goetz. Nous ne parlons pas ici du Musée Goetz-Boumeester à Villefranche-sur-Mer,

qui possède naturellement dans sa collection le plus grand nombre de gravures

de Goetz. Actuellement au nombre de quinze, la plupart des épreuves du Musée

Goetz-Boumeester sont des épreuves d’essai. La moitié de cette petite collection

d’estampes de Goetz est constitué d’un don d’Hélène Trintignan fait en 2000, ainsi

que quelques donations datant des années 1980, dont deux faites en 1985 par

Suzanne Croquin, ancienne élève de Goetz, à qui il a acheté en 1963, rappelons-

le, sa résidence d’été à Villefranche-sur-Mer. De son vivant, Goetz donnait

régulièrement ses gravures à son musée, afin que celui-ci les vende et améliore

ainsi son financement.

Avant de parler de la plus grande collection publique des estampes de Goetz,

celle de la Bibliothèque nationale de France, évoquons d’abord de quelques

collections privées des estampes de Goetz. Ces collections sont celles des anciens

marchands et galeristes de Goetz, de ses amis, ses élèves, ses taille-douciers ou

de ses collectionneurs. Il est bien sûr difficile de toutes les identifier et de toutes les

connaître. Nous ne parlerons ici que des plus importantes à notre connaissance. Tout

d’abord, la collection d’Hélène Trintignan, qui était, nous en avons parlé, l’éditeur,

le galeriste et le marchand de Goetz. Outre ses éditions des années 1970 et 1980,

elle possède dans sa collection, en tant qu’héritier universel de l’œuvre de Goetz,

les estampes provenant des cartons de Goetz que celui-ci n’a pas léguées à la

Bibliothèque nationale de France. Le deuxième plus grande collection d’estampes

de l’artiste est probablement celle de Jean-François Aittouarés, qui avait racheté le

fonds de Karl Masrour avant son départ au Brésil dans les années 1980. Hormis

ce fond, Jean-François Aittouarès possède dans sa collection des estampes de

la période surréaliste de Goetz ainsi que quelques-unes de ses propres éditions

d’estampes de Goetz. Viennent ensuite les collections des imprimeurs de Goetz,

comme celle de Maurice Rousseau, de Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire,

de Denise Zayan et d’autres taille-douciers particuliers ou professionnels de Goetz

qui ont beaucoup tiré pour lui. Ils gardaient naturellement les épreuves hors de

commerce, toujours destinées à l’imprimeur. Il ne faut pas oublier non plus les

collections de ses amis, en particulier de ses amis poètes, avec qui il a fait des livres

illustrés. Nous pensons ici bien sûr d’abord à Jean-Pierre Geay, qui a eu la chance

d’être illustré par Goetz à de nombreuses reprises et qui a eu une collaboration

peut-être courte, mais très féconde avec l’artiste. Outre les épreuves de leurs

livres illustrés, Jean-Pierre Geay a dans sa collection d’autres estampes de Goetz,

Page 75: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 75

données par l’artiste ou achetées auprès de ses marchands. Mentionnons enfin

une collection formée autour d’une période particulière de l’œuvre de Goetz, celle

du libraire Emmanuel Hutin, amateur de la période surréaliste de l’artiste. Mais

la plus importante collection de ses estampes, cette fois publique, et qui couvre

la quasi-totalité de l’œuvre gravé de Goetz, reste naturellement la collection de

la Bibliothèque nationale de France. Nous allons maintenant en parler, à travers

l’histoire de sa constitution.

La collection de la Bibliothèque nationale de France

L’œuvre gravé de Henri Goetz est considérable. Le nombre de ses estampes

s’élève à environ six cent cinquante, dont celles réalisées pour les livres illustrés.

Les collections de la Bibliothèque nationale de France conservent la quasi-totalité

de son œuvre gravé. Les estampes individuelles, en feuille, sont conservées au

Département des estampes, rue Richelieu. La collection compte quatre cent

vingt-cinq estampes différentes ainsi que de nombreux doubles. La Réserve des

livres rares, site François Mitterand, conserve les deux tiers des livres illustrés par

Goetz. Il s’agit des Explorations avec Picabia de 1947, de deux livres avec Jean

Guichard-Meili, L’avant sommeil et Littérarture de 1979 et 1982 respectivement,

d’un livre de Goetz, Picabia accuse de 1986, et de quinze livres écrits en collaboration

avec Jean-Pierre Geay. La partition d’Arma Paul, Trois Transparences, illustrée d’une

gravure de Goetz est conservée au Département de la musique, site Richelieu. La

collection de la BNF est la collection la plus importante d’estampes de Goetz et

nous ne retrouverons nulle part ailleurs un aussi grand nombre de ses gravures.

L’enrichissement de la collection de la BNF par les gravures de Goetz peut être

suivi dans les registres du dépôt légal des dons et des acquisitions conservées au

Département des estampes. Nous y remarquerons une dynamique d’enrichissement

de la constitution de la collection actuelle assez variable, qui dura trente-huit ans.

Fig. 31Sans titre, juillet 1989.Procédé Goetz,11,5 cm x 20,5 cm,édition Galerie Hélène Trintignan, Montpellier.Don d’Hélène Trintigan à la Bibliothèque nationale de France en 2009.

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76 L’œuvre gravé de Henri Goetz

Les premières gravures de Goetz sont entrées dans la collection du Département

des estampes en décembre 1962. Il s’agit d’un dépôt légal effectué par la Galerie

La Hune. Elle dépose quarante-sept eaux-fortes, dont quatre estampes de Goetz

(n°s 70, 66, 77 et 79 de Masrour). En 1968, le 26 septembre, c’est encore La Hune,

mais également les éditions Empreinte qui ont déposé chacune deux gravures de

Goetz (n°s 116 et 117, et les n°s 110 et 118 de Masrour respectivement). Les

estampes de La Hune sont deux gravures réalisées au carborundum, le nouveau

procédé de Goetz. L’une des deux se nomme L’Éveil et est la première estampe

au carborundum répertoriée par Masrour (n° 116). C’est un titre symbolique qui

marque un grand changement dans la production graphique de Goetz. Le 13

décembre de la même année, une acquisition de quatre estampes (n°s 13, 47, 85

et 96 de Masrour) a eu lieu auprès de l’artiste pour un prix de deux cent soixante

francs. À cette occasion, Goetz a également fait un don de cinq gravures (n°s

89, 98, 99, 122 et 129 de Masrour). Le dépôt légal et les acquisitions de 1970 à

1979 ont apporté vingt-quatre autres estampes à la collection. Le 24 septembre

1970, éditeur Hautot a déposé deux estampes (n°s 140 et 142 de Masrour).

Le 25 mars 1971, La Hune a déposé ses éditions, dont une estampe de Goetz

(n° 132 de Masrour). Le 10 décembre de la même année, la Bibliothèque nationale

a achèté deux estampes de l’artiste : Ensoleillée, éditée par La Hune et Chute

immobile, éditée par Sonet (n°s 143 et 152 de Masrour). Deux ans après, La Hune

a remis encore une estampe de l’artiste à la collection, Vent d’automne (n° 196 de

Masrour). Le 30 mai 1973, Le Trait a déposé une estampe de Goetz, intitulée Noyau

rouge sur fond orange (n° 200 de Masrour). En 1974 a commencé la collaboration

intense, aussi bien pour la peinture que pour l’estampe, de Goetz et Karl Masrour,

son nouveau marchand à l’époque. Et déjà en novembre 1975, la galerie parisien

de Karl Masrour, Bellechasse, a déposé en dépôt légal trois estampes de Goetz

(n°s 204, 205 et 264 de Masrour). L’année suivante, en juillet 1976, La Hune a

enrichit la collection de deux estampes de l’artiste (n°s 170 et 177 de Masrour),

ainsi qu’en mai 1978, avec encore dux estampes (n°s 77-02 et 78-11 de notre

catalogue). Et pour finir en succes cette décennie, l’imprimeur Luc Moreau a fait

une déposition de dix estampes de Goetz, toutes éditées en 1979 par la Galerie

Bellechasse de Karl Masrour (n°s 79-04, 79-05 et de 79-11 à 79-18 de notre

catalogue).

Mais c’est entre 1980 et 1983 que la collection s’est enrichie le plus rapidement.

La Galerie Bellechasse a déposé en novembre 1980 à elle seule quarante et une

estampes (seulement dix ont été répertoriées dans le catalogue raisonné de

Masrour). Goetz lui-même fera un don de treize estampes le même mois, toutes

éditées par la Galerie Bellechasse. C’est encore Goetz qui a effectué en 1982

Page 77: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’œuvre gravé de Henri Goetz 77

et en 1983 deux dépôts légals de vingt-huit estampes au total, comprenant les

éditions de la Galerie Bellechasse, mais aussi de Giorgio Upiglio de Milan, de la

Galerie Trintignan de Montpellier, de la Galerie Matarasso de Nice et une édition par

Maurice Rouseau, le taille-doucier de Goetz.

Après cette date, le rythme de l’enrichissement s’est ralenti. Il n’y a plus eu

aucun dépôt légal après 1983, ni de la part des éditeurs ni de la part de Goetz

lui-même. La raison possible en était l’absence d’un éditeur important sur

place, à Paris, la collaboration avec Masrour ayant cessé à cause de la mort de

ce dernier. Deuxièmement, les éditeurs que Goetz avait dans le Midi, à Cannes,

Nice, Montpellier, ou ailleurs en province, ne semblaient pas effectuer leur dépôt

obligatoire à la Bibliothèque nationale. En outre, les éditeurs situés à l’étranger n’y

sont pas, naturellement, soumis. Cette situation ne changera qu’en 2000, onze ans

après la mort de Goetz, lorsque la Bibliothèque nationale de France a enfin réussi à

obtenir par exécution testamentaire les gravures que Goetz lui avait léguées. Ce don,

très important par son nombre (trois cent soixante-seize estampes), a complété la

collection qui présente aujourd’hui de manière quasi complète quarante-neuf ans

de carrière de graveur de l’artiste. Enfin, en 2001, un don important de Mme Lie

Tugayé-Domela de la Galerie L’Œil dense, ainsi qu’une acquisition en 2006 de deux

estampes datant de 1940 auprès de la Galerie Hélène Trintignan et le don d’une

estampe effectuée en 2009 (fig. 31) par la même galerie ont enrichi récemment

la collection des estampes de Goetz. L’acquisition de quelques estampes de la

dernière série, celle éditée par Poligrafa en 1989, ainsi que de l’unique exemplaire

de quinze estampes de Goetz, imprimé par Dutrou en 1989, est actuellement en

considération par le Département des estampes.

La période du plus grand enrichissement de la collection, de 1980 à 1983,

durant laquelle elle s’est agrandie de quatre-vingt-douze estampes, a été la

conséquence d’une productivité graphique accrue de l’artiste entre 1972 et 1977,

période où les estampes de Goetz ont été éditées par de nombreux éditeurs. C’était

aussi la conséquence d’une grande attention que l’on portait à l’estampe à cette

époque-là. Nous ne nous étonnons pas de cet intérêt à l’égard de son œuvre gravé

car il est survenu après 1969, l’année de la mise au point de la nouvelle technique

qui a intéressé tant d’artistes, ce nouveau procédé qui l’a rendu célèbre dans le

monde de la gravure. Disposant enfin d’une technique convenant parfaitement à sa

sensibilité, Goetz gravait de plus en plus. Comme nous l’avons dit précédemment,

hormis de très rares acquisitions, la collection est principalement construite de

dépôts légaux d’éditeurs et d’imprimeurs, dont Goetz lui-même. Mais c’est avant

tout Goetz qui a assuré lui-même l’accroissement de la collection de ses estampes,

notamment par le legs devenu effectif en 2000.

Page 78: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

78 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

Lorsque nous parlons de la gravure chez Goetz, une question s’impose : celle

de la technique. Ses recherches techniques dans la gravure lui ont valu la notoriété

d’un grand graveur. La gravure au carborundum représente en quelque sorte

l’aboutissement de ses recherches dans le domaine, bien que Goetz ait continué à

chercher et trouver d’autres inventions, en améliorant ou simplifiant ses procédés.

Nous avons déjà évoqué, dans les parties précédentes, la multitude des techniques

graphiques que Goetz maitrisait et utilisait. Il a tout essayé : la taille-douce avec

tous ses procédés, et la lithographie, qu’il a abandonnée très rapidement. Il s’est

même essayé à la taille d’épargne, mais ce n’était qu’une expérience passagère.

C’est surtout la taille-douce qui a retenu l’attention de Goetz. Sa carrière de graveur,

nous l’avons vu, a commencé par des petites pointes sèches. La pointe sèche est

une technique immédiate, dans laquelle on attaque le métal directement avec une

pointe en métal qui creuse des sillons dans la plaque. Rien d’étonnant dans le fait

que Goetz ait commencé par cette technique, comme de nombreux graveurs l’ont

fait avant lui, car ce procédé simple nécessite peu de moyens. Elle convenait très

bien à un artiste qui était jusque-là un peintre cherchant un contact direct avec la

matière. Avec la pointe sèche, à moins que la plaque soit aciérée, on ne peut tirer

que très peu d’épreuves. Goetz, que les tirages allongés n’intéressaient pas au

début, voulait également essayer d’autres techniques. Ces techniques permettaient

des plus grands tirages et offraient d’autres moyens d’expression. Il a alors exploré

l’eau-forte, l’aquatinte, le vernis-mou et leurs variantes, et quelques procédés moins

conventionnels, allant jusqu’à graver dans le plomb. Goetz a même essayé des

techniques que l’on ne pratique presque plus aujourd’hui, parce que trop lentes ou

trop complexes : le burin et la manière noire.

Chapitre III

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

« Seul peut inventer quelque chose celui qui sait se dire : ceci n’est pas bon ».

Francis Picabia, dans Lettres à Christine

Page 79: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 79

Toutes ces techniques, Goetz les maitrisait parfaitement. En même temps, il

cherchait de nouveaux moyens de s’exprimer en estampe. Paradoxalement, il ne

se considérait pas comme le maitre de la taille-douce. S’il a inventé la gravure au

carborundum, disait Goetz, c’est parce qu’il était mauvais graveur. « En vérité je

n’ai pas la caractère d’un vrai graveur, car il me manque la patience nécessaire

et un esprit méthodique. C’est probablement pour cette raison que je me suis mis

à la recherche de procédés différents, plus en rapport avec ma propre nature,

produisant des résultats immédiats » 49.

La gravure au carborundum

En 1959, après avoir déménagé dans son atelier rue de Grenelle, Goetz n’arrivait

pas à dégraisser ses plaques. Goetz était persuadé que c’était la qualité de l’eau de

son nouveau quartier qui en était la cause. Il n’arrivait pas à tirer de bonnes épreuves

avec ces plaques qui étaient par conséquent mal préparées et mal nettoyées. Il s’est

alors mis à chercher un moyen de graver plus adapté aux conditions de son atelier,

un procédé qui n’utiliserait pas l’eau. Mais Goetz ne cherchait pas uniquement une

nouvelle technique, il était également à la recherche d’un procédé mieux adapté à

sa sensibilité.

De nombreuses années de recherches ont abouti à une invention majeure : la

gravure au carborundum, que nous appelons aussi « le procédé Goetz » et nous

verrons pourquoi ce nom convient peut-être finalement mieux à cette technique.

Toutefois, Goetz ne travaillait pas seul sur cette invention. Il faut dire qu’il n’était

pas de ceux qui gardaient jalousement leurs inventions jusqu’à la fin de leurs jours.

Il partageait sans hésiter ses trouvailles avec ses amis artistes, ses élèves et les

imprimeurs professionnels. Il collaborait avec des chimistes qui travaillaient sur les

matériaux pour les peintres et les graveurs. Ainsi, beaucoup de gens ont participé

à la mise au point de cette nouvelle technique. Un des principaux contributeurs a

été Éric Schaeffer, chimiste chez Rhône-Poulenc et graveur amateur, qui l’a aidé

dans cette magnifique découverte en ayant l’idée de fixer le carborundum sur la

plaque avec du Rhodopas, un polymère acéto-vinylique. Un autre ami chimiste,

Marc Havel 50, ingénieur en chef du laboratoire de Lefranc-Bourgois, qui a passé

toute sa carrière dans cette société à travailler sur de nouveaux matériaux pour

les artistes, a inventé, parmi d’autres produits, la fameuse peinture vinyle Flashe,

à laquelle Goetz attribuera un nouvel usage dans son procédé. Réputé pour son

génie et sa passion des arts, Marc Havel était en contact avec beaucoup artistes

qui venaient chercher ses conseils et lui parlaient des problèmes auxquels il tentait

ensuite de trouver des solutions. Connaisseurs des procédés anciens, Havel était

49 Goetz, 2001, p. 129.50 Marc Havel est auteur et coauteur des ouvrages sur les techniques de peinture, et notamment La Technique du tableau, aux éditions Dessain et Tolra, 1974.

Page 80: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

80 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

la personne parfaite pour Goetz, qui était lui aussi amoureux des procédés et des

techniques d’autrefois. Goetz a exprimé à plusieurs occasions sa reconnaissance

envers ces deux hommes pour leur collaboration, sans laquelle, ce procédé n’aurait

pu voir le jour. Hormis ces deux personnages qui ont joué un rôle très important,

d’autres ont y également participé. C’est le cas de Lorraine Bénic, artiste québécois

enseignant à l’époque la gravure à l’académie Goetz et dont nous parlerons plus

tard dans le chapitre consacré à l’enseignement. Elle a pris une participation active

dans l’élaboration du procédé. Elle nous a apporté son témoignage sur les séances

de travail dans l’atelier de Goetz, pendant lesquelles Marc Havel, Éric Schaeffer,

Goetz et Bénic discutaient de solutions techniques.

Ainsi, après une décennie de recherches, et grâce à des échanges fructueux, au

début de l’année 1967, Goetz a développé une technique autour de ce matériau

curieux qui était le carborundum (fig. 32). Le carborundum est une poudre abrasive

à base de carbure de silicium. Il a été inventé par d’Edward Goodrich Acheson

(1856-1931), un inventeur américain autodidacte. Goodrich cherchait un moyen

de synthétiser un diamant artificiel lorsqu’il a observé une curieuse poudre qui se

déposait sur les carbo-électrodes de son four. En constatant vite ses propriétés

abrasives, il a nommé cette substance d’après le corundum, un composant majeur

de l’émeri. Il a obtenu le brevet de fabrication le 28 février 1893. Le carborundum est

aujourd’hui indispensable dans l’industrie de précision. Ce matériel nous est surtout

connu par les outils de bricolage. Goetz, chose amusante, a connu ce matériau bien

avant, dès son enfance, lorsqu’il a cru avoir inventé, avec son ami Bernard Wager,

le four électrique qui existait déjà depuis longtemps. Et il l’a redécouvert, tout à fait

par hasard, un demi-siècle plus tard en descendant les marches du métro 51. Son

attention a été retenue par le revêtement antidérapant qui les bordait. Il a pensé

tout de suite que sa dureté pourrait résister à une forte pression et que ses grains

pourraient retenir l’encre d’imprimerie. C’était de cette façon que Goetz a eu l’idée

d’utiliser le carborundum, en apercevant ses petites particules brillantes par terre.

Il s’est ensuite adressé à ses amis chimistes pour s’en procurer.

Dès qu’il s’est rendu compte de l’intérêt de son invention, Goetz a tout de suite

annoncé la nouvelle. Il a appelé son ami James Coignard pour l’aider à effectuer le

tirage de la toute première plaque préparée au carborundum. Il n’a pas tardé non

plus à appeler Françoise Woimant, conservatrice au département des estampes de

la Bibliothèque nationale, pour l’inviter dans son atelier rue de Grenelle à prendre

connaissance de la technique qu’il venait d’inventer 52. Il a également appris sa

découverte à Robert Dutrou, à l’époque imprimeur et taille-doucier chez Maeght, qui

a immédiatement montré le nouveau procédé à Juan Miro. Ce dernier a écrit à Goetz

51 Strasbourg, 1995, p. 16.52 Woimant, Françoise, « Hommage à Goetz », Nouvelles de l’estampe, octobre 1989, n°107, p. 48.

Page 81: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 81

deux lettres, dans lesquelles il a exprimé son enchantement pour cette nouvelle

technique. Goetz et Miro se connaissaient déjà auparavant, car ils avaient des amis

en commun, mais se fréquentaient peu, car Goetz était, comme il l’a expliqué dans

son autobiographie, un peu « intimidé par la timidité » de Miro. Par l’intermédiaire

de Dutrou, Goetz a proposé à Miro de publier les deux lettres de l’artiste comme

préface53 dans le manuel de la nouvelle technique qui était en préparation, ce que

Miro a accepté avec plaisir. Goetz expliquera son procédé à de nombreux amis,

peintres et graveurs, qui ont mis par la suite cette merveilleuse découverte en

pratique, comme Antoni Clavé, Max Papart, Hartung, Bazaine, Dikran Dadérian,

Denise Zayan, chacun l’adoptant à sa guise, à sa sensibilité personnelle.

Un manuel consacré à ce nouveau procédé a été publié pour le grand public en

1969, chez Maeght éditeur. La première édition a connu un tel succès que cinq

ans après, en 1974, une nouvelle édition complétée a vu le jour. Cette deuxième

édition a connu un succès identique et a été, elle aussi, presque épuisée, quelques

exemplaires restant récemment encore disponibles chez l’éditeur, rue du Bac. Ce

petit manuel illustré d’une cinquantaine de pages explique le procédé en sept

chapitres, en commençant par les matériaux utilisés jusqu’aux mises en garde, en

passant par toutes les possibilités techniques du procédé et tous les effets que l’on

peut obtenir avec. Un chapitre y est même consacré à la possibilité d’imprimer sans

la presse, à l’aide d’une simple brosse à chaussures.

Voyons par quel moyen et comment Goetz a expliqué son invention.

Dans l’introduction, Goetz rappelle que ce sont les difficultés techniques et

les connaissances profondes qu’exigeait de l’artiste le métier de graveur

qui ont empêché certains d’aborder la gravure, « ce moyen d’expression si

merveilleux ». C’est pour cette raison qu’il a proposé d’autres moyens qui avaient

pour but d’obtenir des résultats analogues ou très différents. Ces « méthodes

faciles », qui ne demandaient pas une longue initiation ou un matériel compliqué,

53 Les deux lettres ont été finalement publiées comme postface et non comme préface du manuel.

Fig. 32La poudre scillante du carborundum.

www.artrealite.com/pasnicatelier.htm

Page 82: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

82 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

pouvaient s’ajouter aux procédés classiques ou être employées seules, ce qui

donnait souvent aux gravures un aspect plus pictural que graphique. Ces nouveaux

procédés, comme Goetz le répétait souvent, n’étaient pas conçus pour remplacer

les procédés classiques : avec eux, « on peut s’exprimer, mais autrement », précisait

toujours Goetz. Goetz a tout de même utilisé les termes de la taille-douce classique,

comme le vernis-mou, l’aquatinte ou le mezzotinte pour mieux faire comprendre

le caractère de ces nouvelles techniques. Cela a certainement aidé les graveurs

confirmés à mieux comprendre la nouvelle technique, mais représentait une difficulté

pour les novices, peintres non initiés à la gravure, à tel point que ceux pour qui

c’était le premier contact avec la gravure se plaignaient de ne rien comprendre au

manuel de Goetz 54. Nous verrons comment ils ont toutefois pu retenir le principe de

base qui était le principal responsable du succès de la gravure au carborundum.

Mais arrêtons-nous un instant pour expliquer en plus amples détails la technique

que Goetz a proposée, technique fondée sur l’utilisation du carborundum. Dans la

gravure classique, l’encre d’imprimerie, qui sert à l’impression, pénètre dans les

parties que l’on a creusées dans la planche par un moyen mécanique ou chimique.

Sous les rouleaux de la presse, ces creux rendent leur charge d’encre au papier.

Au contraire, dans les procédés que Goetz décrit dans son manuel, la technique

consiste à fixer sur la surface de la planche des matières résistantes, telles le

carborundum, ou un vernis synthétique, ou encore les deux. Les sillons pratiqués

dans le vernis et les interstices entre les grains de carborundum retiennent l’encre

d’imprimerie de la même façon que les creux dans les procédés classiques.

Quels sont ces matériaux que Goetz utilise dans son procédé, le carborundum,

les vernis ? Le carborundum est donc une poudre plus ou moins fine, disponible en

grains de différents calibres. Il est utilisé pour recouvrir partiellement la plaque, fixé

à l’aide d’un vernis. Ce grain, une fois fixé sur la planche, retient l’encre comme le

font les creux dans la taille-douce classique. On obtient ainsi, selon le calibre et le

nombre des grains sur la plaque, des tons plus ou moins intenses, allant du noir

jusqu’aux dégradés les plus fins. En revanche, pour obtenir des lignes, on peut tout

simplement vernir la plaque et graver directement dans le vernis, à l’aide d’une pointe

ou d’un autre outil. L’effet est semblable à celui de l’eau-forte ou de la pointe sèche,

selon l’épaisseur du vernis et l’outil utilisé. On peut également graver directement

dans le support, qui peut être une plaque de cuivre ou du métal. Cependant, étant

donné qu’on ne creuse pas la plaque pour obtenir des tons, l’utilisation du métal

n’est pas obligatoire, et on est libre d’utiliser n’importe quel support, à condition

qu’il soit assez solide et résistant pour ne pas se déformer lors du passage sous la

presse Le plexiglas, le perspex, le celluloïd, les laminés, les plaques offset usagées 54 Réal, 1987.

Page 83: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 83

ou même du simple carton, tout est bon comme support pour faire une gravure au

carborundum. De manière identique, hormis le vernis ou la résine qui durcissent

au séchage, on peut utiliser des liants acryliques, des colles acryliques, des colles

vinyliques ou des colles synthétiques. Là également, le choix du matériel est vaste

(fig. 33). L’encrage de la plaque achevée s’effectue plutôt au pinceau, en raison de

l’aspect très rugueux de la planche. De même, l’essuyage ne se fait absolument pas

avec la paume de la main, mais en utilisant de la tarlatane, et éventuellement à la

fin, si le calibre du carborundum est plus fin, avec du papier de soie. L’impression se

fait sur une presse taille-douce mais avec un habillage plus souple, composé d’un

ou deux caoutchoucs-mousses et de deux feutres. La pression est en général un

peu moins forte que pour la taille-douce classique (fig. 34).

Notre intention n’est pas de raconter le manuel de Goetz, mais nous passerons

tout de même rapidement en revue quelques-unes des possibilités de cette

technique, obtenues grâce aux nombreuses combinaisons des matériaux utilisés.

Nous avons déjà dit que Goetz se servait des termes de la taille-douce classique

pour nommer ses procédés. De même, il se servait de la distinction classique entre

Fig. 33Plaques travaillées au procédé Goetz.www.artrealite.com/pasnicatelier.htm

Fig. 34La presse en taille douce et le tirage d’une gravure au procédé Goetz dans l’atelier Pasnic.www.artrealite.com/pasnicatelier.htm

Page 84: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

84 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

les éléments composant la matérialisation de l’expression picturale ou graphique,

à savoir la ligne, la tache, et la variation de matière, pour répartir ses procédés

en plusieurs groupes. Ainsi, Goetz divise ses procédés entre ceux qui servent à

obtenir des lignes et ceux servant à obtenir des tons. Dans la partie concernant les

lignes, Goetz propose une dizaine de façons de travailler la surface. On obtient des

résultats semblables à l’eau-forte, à la pointe sèche ou au vernis mou classique.

Les principaux matériaux utilisés sont le Rhodopas, la peinture acrylique Flashe,

la pointe de pyrogravure, l’encre typographique, le carborundum, le pastel à l’huile.

Plus loin, dans la partie consacrée aux tons, le carborundum, les vernis, les colles

et les différentes textures sont employés de différentes façons pour obtenir soit

des tons uniformes ou avec les variations de valeurs, soit des surfaces d’une

matière picturalement très riche. Goetz propose notamment pas moins de dix-huit

manières d’obtenir des effets semblables à l’aquatinte classique. Ces différentes

façons de procéder se basent sur les différents matériaux utilisés. En combinant

les matériaux, Goetz obtient des effets de tons très intéressants. Les tons peuvent

donc être uniformes, de valeurs variées ou on peut y incorporer des matières, faire

des empreintes des textures, graver à la manière noire en allant du noir au blanc,

dessiner en blanc sur fond noir, animer des surfaces foncées, etc (fig. 35).

D’après ce que nous venons de dire, il est évident que dans cette nouvelle technique,

le choix des matériaux est très vaste. Les matériaux utilisés sont interchangeables

et leur utilisation varie chez les différents praticiens. Chez certains artistes qui ont

adopté cette technique, même son composant principal, le carborundum, a été

remplacé par d’autres matériaux. Maurice Rousseau, par exemple, graveur et taille-

doucier de Goetz dont nous avons parlé dans la partie précédente, a fini par utiliser

la colle pour carrelage à la place du mélange Rhodopas-carborundum. Ce matériel

réunit en un même produit les deux caractéristiques : une colle séchant rapidement

et donnant une surface rugueuse qui retient l’encre. Un autre avantage de la colle

est le suivant : Maurice Rousseau, qui vivait dans le sud, connaissait des problèmes

avec le Rhodopas qui se ramollissait à cause de la chaleur. Il a publié en 1985

son propre manuel sur la gravure au carborundum, qui a eu un grand succès et a

connu une seconde édition en 1991. L’artiste a réussi, dans son manuel bilingue,

en français et en anglais, un petit fascicule d’initiation à la technique, à très bien

résumer en une trentaine de pages le principe de ce procédé, en expliquant, pas à

pas et à l’aide de belles illustrations, toutes les étapes de la création d’une gravure

au carborundum et, un par un, tous les matériaux utilisés dans cette technique. Il

a également abordé les questions des papiers utilisés pour l’impression, du tirage,

etc. Le manuel de Maurice Rousseau complète celui de Goetz, en apportant les

acquis d’une dizaine d’années de recherches personnelles sur ce procédé. Il n’était

Fig. 35Illustrations provenant du manuel de Goetz, montrant quelques possibilités formelles de cette nouvelle technique.

Page 85: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 85

pourtant pas le seul à perfectionner constamment la technique. Goetz lui-même

a remplacé plus tard le carborundum par le verre pilé, un matériel encore plus

accessible et moins cher. Mais bien avant cela, il avait déjà commencé à utiliser

le carborundum tout autrement et a expliqué ce principe à plusieurs occasions et

notamment dans ces catalogues raisonnés. Au lieu d’employer le carborundum

mélangé à une résine sur la surface de la plaque, il l’emploie pour creuser cette

surface sous la pression des cylindres d’une presse à taille-douce. Ensuite, il utilise

l’acide pour mordre des impressions.

Mais qu’est-ce qui fait alors de cette technique un procédé abouti, quand même

les matériaux utilisés sont interchangeables ou peuvent être employés différemment

chez chaque artiste ? Pourquoi ce « procédé » a-t-il eu un tel succès auprès des

artistes ? Comment, dans toute cette diversité de matériaux possibles, les artistes

s’y sont retrouvés ? Et là, nous revenons sur la question du nom, posée au début de

notre histoire sur cette technique, à savoir pourquoi l’expression « procédé Goetz »

convient mieux à cette invention. Goetz avait l’habitude de plaisanter avec le terme

« carborundum ». « C’est tellement drôle comme nom : carborundum. Si je l’avais

appelé « gravure au verre pilé » je suis sûr que ça n’aurait pas eu le moindre succès.

Verre pilé, c’est un nom tellement banal, tandis que carborundum… », racontait

l’artiste dans Le Procédé Goetz, film de Jean Réal tourné en 1987 sur cette

technique et son usage chez des artistes comme Antoni Clavé, James Coignard ou

Max Papart.

Carborundum, verre pilé, colle pour carrelage, ou même sable ou émeri,

les matériaux changeaient mais ce qui restait, et ce qui était d’une importance

capitale, c’était le principe même, le principe de base : ajouter au lieu de creuser,

additionner de la matière sur le support qui va engendrer le dessin ou la surface

que l’on imprime. C’est là que réside, nous pouvons le dire ainsi, toute l’ingéniosité

de son invention. C’est ce principe, appliqué par chacun de la manière qu’il a trouvé

la plus conforme à son esprit et à sa créativité, qui a conquis tant d’artistes. À partir

de ces principes de travail, chacun pouvait inventer et construire son propre arsenal

de matériaux et d’effets produits. C’est pour cette raison que nous considérons qu’il

vaut mieux désigner la technique de Goetz par le terme de « procédé Goetz » et non

comme « gravure au carborundum », le nom qui sous-entend trop l’utilisation de la

poudre brillante. Pour faire la différence avec la taille-douce, que l’on nomme aussi

« la gravure en creux », James Coignard, un de ceux qui adapteront la technique de

Goetz et l’utiliseront avec une originalité propre, a inventé l’expression « gravure en

charge », terme qui la définit parfaitement.

Page 86: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

86 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

Les plaques conservées à la Bibliothèque nationale de France

Si chaque artiste utilisait ce procédé à sa guise, en l’adaptant à sa pratique de

graveur, il convient maintenant d’analyser ce que ces principes de travail ont donné

comme résultat, d’abord chez Goetz, et de comparer son usage à celui d’autres

artistes. Pour ce faire, nous allons nous servir des plaques matrices de Goetz qui ont

survécu et qui sont conservées au département des estampes de la Bibliothèque

nationale. Les plaques d’artistes sont toujours des documents précieux qui en

disent beaucoup sur la façon dont un graveur procède. Très souvent, hélas, les

plaques sont détruites, entièrement ou partiellement. Cela est très souvent fait par

l’artiste à la demande de l’éditeur, qui s’assure ainsi que le tirage restera limité.

Heureusement, les plaques ne sont parfois que rayées ou percées, ce qui nous

permet de les analyser par la suite. Nous parlons ici principalement de la taille-

douce ou de la gravure sur bois, où on réutilise rarement la plaque pour faire une

nouvelle estampe. Cependant, dans le cas de la gravure sur bois, le graveur efface

et polie parfois la surface gravée, mais uniquement si le bois est assez épais pour

pouvoir être gravé à nouveau. Quant à la lithographie, les pierres sont presque

toujours réutilisées, car trop coûteuses pour être mises de côté et conservées après

un seul tirage.

En ce qui concerne les plaques de Goetz, ils ne les conservaient pas

précieusement. Un certain nombre de ces matrices circulent toujours sur le marché

et suscite chez les collectionneurs un très grand intérêt, de par leur matière picturale

riche et intéressante. On admire souvent la beauté des plaques chez les graveurs, et

c’est aussi le cas de Goetz. À ce propos, Goetz disait: « Ces plaques qui sont si belles

donnent parfois, au tirage, de mauvaises gravures, et c’est bien dommage » 55 ! Et

il avait raison, car il n’existe pas toujours de parallèle entre la beauté d’une gravure

et sa matrice. Une autre raison explique le petit nombre des plaques de Goetz

ayant survécu : les supports et les matériaux qu’il utilisait étaient pour la plupart

réutilisables. Économe, et ayant vécu des moments durs et précaires, Goetz ne

55 Geay, Goetz, 1989, p. 175.

Fig. 36Sans titre, 1989.Procédé Goetz en couleurs, 20 x 28 cm,édition de la Galerie Anne Lettrée, Paris.

Page 87: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 87

gaspillait rien dans sa vie. Il soulignait la possible réutilisation du matériel employé

dans ce procédé comme un atout majeur. Par conséquent, beaucoup de choses

ont été réutilisées : les mélanges de Rhodopas et de carborundum, les plaques de

métal utilisées comme supports pour les minces films de celluloïd, et ainsi de suite.

Il suffisait de nettoyer la plaque par exemple à l’alcool, pour la préparer ainsi à un

nouvel emploi.

Certaines plaques de Goetz ont cependant été conservées. Un certain nombre

des plaques se sont retrouvées en la possession d’Hélène Trintignan, ami et

marchand de Goetz, qui en à fait don à la Bibliothèque nationale de France en

2006. Elles sont au nombre de quatorze et correspondent à dix estampes. Nous

avons réussi à identifier certaines gravures de Goetz pour lesquelles ces plaques

ont été utilisées. À travers l’analyse de ces quatorze plaques, nous allons évoquer

la manière dont Goetz pratiquait la gravure au carborundum.

Commençons avec trois plaques correspondant à une gravure éditée en 1989

par la Galerie Anne Lettrée à Paris (n° 89-26 de notre catalogue, ici fig. 36). Elle est

en couleurs et les dimensions des planches sont d’environ 20 x 28 cm. Elle a été

tirée en trente-cinq exemplaires (dont trois épreuves d’artiste et deux épreuves hors

commerce) sur vélin d’Arches. La première plaque (fig. 37 a), que nous pouvons

qualifier de plaque « de trait », montre bien le vaste choix des supports utilisés. Ici,

c’est un mince film plastique transparent, collé sur un carton pour donner de la

solidité au tout. Le film est recouvert d’une épaisse couche de peinture acrylique,

probablement Flashe que Goetz utilisait abondamment, travaillée avec un objet

pointu en lignes croisées. Le dessin est fait avec un mélange de carborundum

et de Rhodopas, appliqué au pinceau. Cette plaque a servi à imprimer les traits

rouges. Les résidus de l’encre d’imprimerie sont toujours visibles. Ce qui retient

aussi notre attention, ce sont les lignes qui ne servent pas ici pour l’impression,

mais sont tracées pour marquer les éléments à ajouter à l’aide de deux autres

plaques utilisées. Tout devient plus clair lorsque nous nous apercevons que les deux

autres plaques sont faites elles aussi sur des films transparents, ensuite collés sur

Fig. 37 a, b, cTrois plaques de l’estampe précédente.

Page 88: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

88 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

des plaques offset usagées. Nous comprenons ici une autre grande convenance

d’utilisation les films transparents qui permettent de voir et mieux contrôler le travail

sur les planches de ton. Goetz obtient ainsi sans difficulté le bon repérage des

éléments dessinés sur trois plaques. Il laisse en blanc les parties dans les cercles

bleus sur la deuxième plaque (fig. 37 b) où s’incrusteront les lignes de la première

planche. Cette deuxième planche sera imprimée en couleur bleue, dont les résidus

sont toujours visibles sur la planche. Il faut dire aussi que le film transparent permet

un essuyage propre des parties laissées en blanc. La troisième planche (fig. 37 c)

utilisée pour cette estampe montre un type d’encrage que Goetz utilisait souvent,

l’encrage dit « à la poupée ». Il s’agit d’encrer, sur la même plaque, des éléments de

couleur différente. Cette pratique, souvent utilisée chez les graveurs, permet d’avoir

plus de passages avec moins de planches. Cela est bien sûr possible uniquement

lorsque les éléments encrés ne sont pas en contact les uns avec les autres. Goetz

a presque toujours eu recours à cette pratique lorsqu’il s’agissait d’estampes d’au

moins trois couleurs.

Nous avons déjà évoqué auparavant le fait que le procédé Goetz, ou la gravure

au carborundum, est une technique dont les matériaux et leur usage changent

constamment. Chaque artiste apporte ses innovations, en adoptant la technique à

sa sensibilité. Nous avons constaté que Goetz ne faisait exception et que lui aussi

a été amené à utiliser le carborundum tout autrement, et il n’a pas manqué de

faire part de son expérience dès que l’occasion se présentait. Nous avons déjà

rapidement évoqué le fait que Goetz a aussi utilisé le carborundum pour creuser

des plaques sous les rouleaux d’une presse. Nous allons maintenant commenter

cette nouvelle application à l’aide d’une des quatorze planches de la Bibliothèque

nationale de France.

Il s’agit d’une plaque relativement petite, faisant 14 x 19,3 cm, et qui a été utilisée

recto et verso (fig. 38 a et b). C’est une plaque d’aluminium anodisé. On retrouvait

ces planches toutes prêtes dans le commerce, avec une couche d’anodisation de

différentes épaisseurs. L’anodisation est un traitement de surface qui permet de

Fig. 38 a, bPlaque d’aluminium anodisé (recto et verso).

Page 89: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 89

protéger ou de décorer une pièce en aluminium par oxydation anodique. L’opération

consiste en une succession de bains suivis de rinçage : un premier pour préparer la

surface, un second pour produire l’oxyde, un troisième pour la couleur éventuelle et

enfin le dernier pour stabiliser. Cet oxyde d’aluminium (alumine), très pur, est d’une

dureté très élevée (il s’agit de corindon, utilisé dans les abrasifs). L’anodisation

forme une couche de cristaux. Goetz utilisait des plaques dont la couche était

d’environ deux microns. Nous avons déjà mentionné que cette nouvelle utilisation

consistait à creuser la plaque à l’aide du carborundum posé sur la planche. Lors

du passage sous presse, les grains de carborundum pénètrent la mince couche

protectrice. La plaque est ensuite mordue à l’acide. Pour dessiner le motif, on

procède de la façon suivante. On prépare d’abord une encre d’huile de lin diluée dont

on ajoute quelques gouttes à du trichloréthylène. On colore tout d’encre noire pour

stylo-feutre, pour pouvoir contrôler le travail. On dessine avec un pinceau ou avec

une plume directement sur la plaque, talquée au préalable. Ensuite, on saupoudre

le tout de carborundum. On enlève le carborundum des parties non couvertes par

l’encre. On pose la plaque côté gravé sur une planche d’acier inoxydable poli et on

passe le tout sous presse. L’acier étant résistant et dur, les grains de carborundum

pénètrent la couche d’anodisation et creusent l’aluminium. Après avoir nettoyé avec

du trichloréthylène, on encre et on imprime. Ce nouvel usage permet également des

variations : on peut aussi graver directement avec une pointe en acier et ensuite

mordre ses lignes pour obtenir un résultat semblable à l’eau-forte classique, on

peut ajouter du carborundum mélangé avec de la colle vinylique, faire imprimer

des textures, ou imaginer d’autres applications. Comme toujours, c’est à chacun

d’élargir les possibilités de la technique.

Les quatre plaques suivantes nous aideront à commenter le choix des supports

dont nous avons déjà constaté que les possibilités offertes étaient également

vastes. D’abord, une plaque de plexi (fig. 39), apparemment gravée au burin et à la

pointe. En outre, elle comporte aussi des traits épais de mélange de carborundum

et de colle. Cette plaque, datant de 1986, correspond au n° 86-09 de notre

Fig. 39 Plaque de plexi. Fig. 40 Plaque de plexi.

Page 90: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

90 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

catalogue. Une autre plaque, non identifiée (fig. 40), est aussi une plaque de plexi,

mais gravée cette fois avec une pointe de pyrogravure chauffée. L’effet obtenu

est caractéristique. La même technique est utilisée sur une autre plaque de plexi

(fig. 41), qui correspond au n° SD-27 de notre catalogue. La plaque suivante

(fig. 42) est, elle aussi, travaillée à la pyrogravure, mais sur un mince film de

rhodoïd ensuite collé sur une plaque d’offset usagée pour donner plus de rigidité à

l’ensemble. Cette plaque est une des trois plaques utilisées pour imprimer la gravure

n° 89-27 de notre catalogue. S’il utilisait beaucoup le plexi ou le rhodoïd, Goetz

n’a pas complètement écarté les matériaux traditionnels. Il a continué à utiliser les

plaques de cuivre, comme le montre l’une des plaques de la Bibliothèque nationale

de France (fig. 43), ou cette autre plaque (fig. 44), également en cuivre, une des

trois plaques destinées à une gravure jamais achevée (fig. 45 a). Les deux autres

plaques de couleurs sont des plaques d’offset usagées (fig. 45 b et c). La blancheur

du mélange appliqué suggère que les plaques n’ont jamais été imprimées, puisque

Fig. 45 a, b, cTrois plaques d’une estampe non achevée.

Fig. 41 Plaque de plexi. Fig. 42 Film de rhodoïd collé sur une plaque d’offset.

Fig. 43 Plaque de cuivre. Fig. 44 Plaque de cuivre.

Page 91: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 91

si c’était le cas, des résidus des encres en couleurs seraient toujours visibles sur le

mélange de carborundum. Le dernier cas (fig. 46) que nous proposons d’analyser

ici montre représente un autre bon exemple de l’encrage dit « à la poupée » que

Goetz utilisait abondamment. La plaque correspond au n° 210 du catalogue de

Karl Masrour et a été encrée avec au moins trois couleurs. D’après les témoignages

de ses taille-douciers, nous savons que pour certaines estampes de Goetz il falait

préparer jusqu’à vingt-deux encres en couleurs différentes ! Evidemment, la gravure

au carborundum a rendu l’application de la couleur dans l’estampe plus facile. Ce

n’est pas avec la gravure au carborundum que la couleur entre dans l’œuvre gravé

de Goetz, mais c’est avec elle que l’œuvre gravé de Goetz devient en majorité un

œuvre en couleurs.

Au début, nous avons parlé de la beauté de certaines plaques chez Goetz et

d’autres artistes. Les exemples de la Bibliothèque nationale de France ne viennent

peut-être pas appuyer notre propos. C’est pourquoi nous allons chercher un exemple

ailleurs, dans une plaque exposée récemment à l’exposition consacrée à l’œuvre

gravé de Goetz rue Cabanel à Montpellier, exposition organisée par la Galerie Hélène

Trintignan pour célébrer le centenaire de la naissance de l’artiste (fig. 47). Elle

représente en elle-même une œuvre d’art. On aperçoit aussi des textures obtenues

Fig. 46Encrage « à la poupée »

Fig. 47Plaque exposée en 2009 à la galerie rue Cabanel à Montpellier.Cuivre et carborundum, 33 x 46 cm.

Page 92: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

92 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

par le collage, une technique souvent utilisée par Goetz dans ses gravures. Cette

plaque correspond au n° SD-03 de notre catalogue. Dans le cas de cette estampe,

nous pouvons dire qu’ici, l’estampe ainsi que la plaque sont d’une beauté égale.

Après avoir analysé certaines des plaques de Goetz ayant survécu, ce qui nous

a permis de mieux cerner la façon dont il travaillait, surtout avec le procédé dont

il est l’inventeur, ajoutons par la suite quelques observations supplémentaires. En

regardant bien toute la production graphique de Goetz depuis 1940, nous nous

rendons vite compte que le dessin est très important chez Goetz. Il est, comme l’a

bien remarqué Jean-Pierre Geay, une des constantes de son art qui « poursuit un

chemin parallèle à sa peinture et à sa gravure dont il se trouve, tout naturellement,

à l’origine » 56. Depuis les premières pointes sèches, le dessin joue un rôle

fondamental. C’est lui qui définit les formes et la composition. Dans la pratique,

cela se traduit toujours par l’existence obligatoire d’une planche « de trait » pourles

gravures de couleurs. À cette planche, qui définit et détermine les formes et sur

laquelle Goetz imprime des fois des textures diverses, s’ajoutent jusqu’à quatre

planches de couleurs. Le rôle de la couleur n’est pas moins important. C’est elle

qui définit le registre, comme dans la musique, et chaque planche devient ainsi une

harmonie complète, un accord musical composé de tons rigoureusement choisis.

Ces harmonies peuvent être adoucies et restreintes d’un côté, et fraiches et presque

choquantes de l’autre. Goetz accordait une grande attention au choix des couleurs.

Ce coloriste subtil était souvent capable de changer une combinaison qu’il venait

de trouver avec son imprimeur, pour en essayer une autre. Exigeant, travailler avec

Goetz était parfois un défi et nécessitait une grande patience. Concernant la couleur,

nous avons déjà évoqué le fait que Goetz se servait beaucoup d’encrage « à la

poupée ». L’encrage « à la poupée » permettait à Goetz d’utiliser jusqu’à six ou sept,

voire plus de couleurs dans une estampe, juste avec une planche de trait et deux

planches pour les couleurs. Néanmoins, dans des exemples plus rares, les tons

obtenus par superpositions sont aussi présents dans les estampes en couleurs.

Leur rareté est sans doute la conséquence du fait que Goetz choisit avec soin ses

tons, sans laisser rien au hasard, mais aussi que dans la gravure, Goetz procède

en peintre.

Nous avons déjà un peu parlé du matériel que Goetz utilise, les supports, les

vernis, les colles vinyles. Tous ces matériaux ont été introduits par Goetz dans

l’estampe alors qu’ils appartiennent, pour la plupart, à d’autres domaines bien

étrangers à la gravure et à la pratique artistique. Goetz, ingénieur de formation,

cherchait ailleurs que dans le domaine de l’estampe les solutions adaptées à son

expression personnelle. Son esprit inventif l’a conduit à trouver un nouvel usage 56 Geay, Mutations, 1989.

Page 93: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 93

artistique des matériaux tels que les colles acryliques ou vinyliques, le Rhodopas,

les plaques offset, les plaques de plexi ou de celluloïd, en enfin le carborundum.

Parfois, il détournait les matériaux artistiques de leur usage habituel et les employait

autrement. C’est le cas de la peinture vinylique Flashe, que nous avons déjà évoquée,

une des toutes premières peintures acryliques sur le marché, dont Goetz a trouvé

une nouvelle application dans son procédé. Hormis le fait qu’ils étaient étrangers

à l’art, ces matériaux étaient souvent peu coûteux. En outre, Goetz ne cherchait

pas à travailler avec des matières « nobles » et n’exigeait pas des matériaux de très

haute qualité. Ainsi, Goetz démocratisait en quelque sorte encore plus l’estampe,

un mode d’expression déjà largement « démocratisé ». Cette fois, il la rendait plus

accessibles aux artistes, peintres et graveurs, par l’utilisation des matériaux peu

coûteux. Il disait à ses élèves de travailler à moindre frais. Il ne les poussait pas à

acheter du matériel qu’ils n’allaient utiliser qu’une seule fois. Il faisait comprendre

aux gens qu’on peut arriver à faire de la gravure sans dépenser énormement.

Si nous ajoutons à cela la simplicité de ces méthodes, nous comprenons mieux

pourquoi la gravure au carborundum a eu un large succès auprès des amateurs et

des professionnels.

Le succès de la gravure au carborundum

La gravure au carborundum a connu un grand succès. Même si nous ne pouvons

mesurer avec précision sa popularité, nous nous rendons vite compte de sa

popularité en constatant qu’elle est toujours pratiquée aujourd’hui par un grand

nombre d’artistes à travers le monde. Il suffit d’entrer sur Internet des mots clés

comme « gravure au carborundum », « procédé Goetz » ou d’autres, pour obtenir

des milliers de réponses. On se retrouve avec un grand nombre de noms d’artistes,

plus ou moins connus, français et étrangers, qui ont appris et qui utilisent toujours

le procédé de Goetz. Certains sont des graveurs de longue date qui ont ajouté

cette technique à l’arsenal des procédés qu’ils utilisent d’habitude, d’autres sont

des artistes qui se sont lancés dans l’aventure de l’estampe grâce à la gravure au

carborundum.

Quelles sont les principales raisons de cette popularité ? Elles sont multiples. Tout

d’abord, il ne faut pas oublier le fait que les années 1960 sont les années de l’essor

de l’estampe en France et en Europe. De nombreux ateliers de gravure, éditeurs,

galeries, salons, biennales internationales en témoignent. L’époque était aussi

ouverte aux découvertes de procédés nouveaux. Avec toute cette attention portée

sur l’estampe, la nouvelle technique de Goetz ne pouvait pas passer inaperçue.

Deuxièmement, avec son manuel publié chez Maeght et le besoin qu’il ressentait

Page 94: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

94 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

de partager son invention avec ses amis artistes, puis avec ses élèves, Goetz a

contribué à la propagation de son invention. Ces deux premières raisons sont non

négligeables, mais nous avons le sentiment que la véritable cause réside dans les

caractéristiques mêmes du procédé. Hormis les graveurs, ses particularités ont tout

d’abord attiré un grand nombre d’adeptes particuliers : les peintres. Pourquoi ?

Le métier de graveur est considéré depuis longtemps comme un métier dur et

pénible, où l’une des choses les plus importantes est la maitrise de la technique, qui

nécessite de nombreuses années de travail. Les procédés de l’estampe sont réputés

pour être lents, compliqués et pour demander un grand savoir-faire, de la patience

et de la précision. Car dans l’estampe, la méconnaissance de la technique conduit

à l’échec. En outre, on considère que les techniques de l’estampe présentent des

possibilités restreintes et ne permettent pas de s’exprimer en toute liberté. Tout cela

est donc diamétralement opposé au concept de l’inspiration, à la vision romantique

de l’artiste qui crée de manière spontanée, directement et dans l’instant, en toute

liberté, dans le feu de la création. Il n’est pas nécessaire de montrer combien cette

vision est fausse et trompeuse, mais telle est bien trop souvent l’image dont les

artistes peintres ont de l’estampe. À tout cela s’ajoute bien évidemment le fait que

l’estampe est souvent restée, aux yeux du public mais également à ceux des artistes,

étroitement liée à la reproduction, l’illustration, au livre. Même après les grands

noms du renouveau de l’estampe du début du vingtième siècle ou des années

de l’entre-deux-guerres, l’estampe est demeurée peu appréciée comme moyen

d’expression artistique originale. À cette incompréhension de l’essentiel dans

l’estampe s’ajoute aussi la méconnaissance générale des techniques graphiques.

On ne fait toujours pas bien la différence entre les procédés artistiques et les

procédés de reproduction photomécanique ou industrielle. Et donc, même à une

époque où l’on s’intéressait de plus en plus à ce moyen d’expression, les préjugés

sont restés forts.

Pour toutes ces raisons que nous venons d’évoquer, bien des peintres cultivaient

une certaine antipathie envers l’estampe. Ils faisaient tout de même appel pour

répandre leur œuvre, mais comme qu’une sorte de reproduction des résultats

obtenus dans la peinture. Ils ne voyaient pas forcément dans l’estampe un moyen

de création original, qui offre des possibilités immenses d’expression artistique.

D’une part, parce qu’ils ne connaissaient pas les techniques et les jugeaient trop

complexes, lentes et indirectes. Ils les considéraient aussi comme un obstacle à la

liberté d’expression. Mais face à un procédé comme la gravure au carborundum,

les peintres se sont sentis à l’aise, prêts à se lancer dans l’aventure.

Page 95: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 95

La simplicité des techniques que proposait Goetz en était la principale raison.

C’était aussi dû au fait, très important, qu’avec la gravure au carborundum, on créait

plus directement, sans l’intermédiaire de longs processus chimiques, en contact

direct avec la matière, ce qui convenait mieux aux peintres. C’est exactement pour

cette raison que la gravure au carborundum était considérée comme une gravure

de peintres, un procédé qui leur a permis de s’exprimer dans la gravure comme ils

s’expriment sur une toile. Dans le procédé de Goetz, la partie technique s’effectue

très rapidement et on obtient immédiatement les plaques gravées, prêtes à être

encrées et tirées sous presse. Le fait d’obtenir un résultat en si peu de temps,

presque immédiatement, a conquis les peintres. Quant à Goetz, nous pourrons dire

que c’était exactement son intention. Il voulait un procédé simple et efficace qui

conviendrait à sa sensibilité de peintre. Il voulait plier la technique à ses besoins, à

sa façon de travailler, à sa vision. Et il a fini par inventer une technique que chacun

pouvait adapter à sa guise.

La deuxième caractéristique qui a, à notre avis, attiré les peintres, c’est l’aspect

pictural prononcé. Ce nouveau procédé permettait, plus que jamais avant dans la

gravure, l’utilisation des collages, des empreintes de différentes textures, des ajouts

de matières, des animations des surfaces. La gravure au carborundum possède un

aspect presque sculptural, puisqu’elle permet des gaufrages et des textures qui

pénètrent dans le papier profondément. Il va de soi que dans ces cas, l’utilisation

de papiers plus résistants s’imposait. Goetz lui-même est resté très modeste quant

à l’usage de toutes les possibilités picturales et sculpturales qu’offrait son procédé,

bien qu’il les ait toutes explorées et essayées, montrant ainsi la voie aux autres.

La troisième caractéristique est elle aussi très importante pour un peintre. La

gravure au carborundum a énormément simplifié l’application de la couleur dans

la gravure. Il était, dans le procédé Goetz, beaucoup plus simple de multiplier

rapidement les passages de couleurs. En jouant avec la transparence des

supports, le graveur pouvait plus facilement contrôler les passages de couleur. Il

manipulait les plaques et faisait des essais avec un résultat presque immédiat, ce

qui permettait de créer plus librement et d’explorer les variations. Les corrections

des passages de couleurs étaient elles aussi plus faciles et plus rapides dans le

procédé Goetz que dans la taille-douce classique. Liée à la création des tons et à

l’utilisation des couleurs, une quatrième caractéristique vient s’ajouter : avec le

procédé Goetz, lorsque l’on dessinait les surfaces destinées aux couleurs, on ne

le faisait pas comme dans l’aquatinte classique où l’on « épargne » les surfaces

destinées à l’impression. Ici, on dessinait « en positif », comme c’est le cas dans la

Page 96: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

96 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

lithographie. Le geste est « enregistré » sur la plaque et fidèlement reproduit lors de

l’impression.

Citons ici, comme une très belle illustration de notre propos, des extraits de

la lettre de Miro, adressée à Goetz et reproduite en postface dans son manuel.

Miro était émerveillé par les possibilités de ce nouveau procédé. Dans sa lettre

du 4 juillet 1967, il disait : « L’artiste peut s’exprimer avec davantage de richesse

et de liberté, lui donnant une belle matière et une plus grande puissance du

trait ». Il écrivait également dans une seconde lettre du 18 janvier 1968 : « […] je me

rends de plus en plus compte de la richesse et du nouvel horizon que votre procédé

apporte à la gravure. Jamais on n’avait obtenu de matière avec une puissance

pareille. Pour en ce qui me concerne directement, je peux m’exprimer sans aucune

entrave, d’un seul élan de l’esprit, sans être paralysé, ni ralenti par une technique

dépassée qui risquerait de déformer la libre expression et la pureté et la fraicheur

du résultat final. Une gravure pareille peut avoir toute la beauté et dignité d’un beau

tableau ». Aux yeux de Miro, Goetz a levé la gravure au noble niveau de la peinture,

avec la même liberté de l’expression. Ces quelques phrases de Miro résument

bien la position d’un peintre vis-à-vis de la gravure et montrent exactement quels

étaient à leurs yeux les avantages du procédé Goetz par rapport aux techniques

classiques.

Si nous avons constaté que les peintres étaient plutôt enchantés par l’invention

de Goetz, qu’en était-il des graveurs ? Quel accueil a été réservé à la gravure

au carborundum dans les cercles des graveurs et imprimeurs ? Il faudra dire en

premier lieu que la gravure au carborundum était pour de nombreux graveurs le

premier contact avec le monde de l’estampe, la première technique apprise. Ceux

qui sont entrés dans ce monde par le biais du procédé Goetz, c’est tout au moins

notre impression, ont eu tendance à y rester sans vouloir forcément élargir leurs

connaissances sur les procédés classiques de l’estampe. Il paraît que la gravure

Fig. 48Cadres du film de Jean Réal : Goetz filmé dans son atelier rue de Grenelle, Max Papart et James Coignard filmés dans l’atelier Pasnic.

Page 97: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 97

au carborundum était largement suffisante pour combler leur besoin d’une œuvre

riche à la fois graphiquement et picturalement. Ils sont aujourd’hui, vingt ans après

la mort de Goetz, toujours aussi nombreux à s’initier à la gravure en passant d’abord

ou uniquement par le procédé Goetz. Une deuxième catégorie était représentée par

les graveurs confirmés qui ont ajouté la gravure au carborundum aux techniques

classiques dont ils possédaient déjà la maitrise. Le procédé Goetz et ses matériaux

peu conventionnels s’ajoutaient bien aux procédés classiques de la taille-douce.

Goetz en était conscient et soulignait toujours ce lien qui reliait son procédé aux

techniques établies. Il en faisait d’ailleurs, comme nous avons déjà eu l’occasion

de le constater, souvent le mélange, surtout en ce qui concerne ses planches de

trait, où il gravait et mordait la plaque de métal de façon traditionnelle, au vernis

et à l’acide. Avec la possibilité de fusionner le procédé de Goetz avec les procédés

classiques de la taille-douce, les graveurs ont pu donner à leurs impressions plus

de matière, plus de reliefs, plus de textures, bref, un aspect pictural plus prononcé.

La gravure est ainsi devenue un moyen d’expression plus complet, qui satisfait un

grand nombre d’artistes, qu’ils soient peintres ou graveurs.

Nous avons déjà évoqué le film de Jean Réal, Le Procédé Goetz, tourné deux

ans avant la mort de l’artiste (fig. 48). Ce documentaire raconte d’abord l’histoire

de la gravure au carborundum et montre ensuite son usage chez Goetz et chez

quelques-uns de ses amis qui ont adopté son procédé : James Coignard, Pierre-

Marie Brisson, Max Papart et Antoni Clavé. Nous y voyons Goetz travaillant dans son

atelier, couvrant ses plaques de mélanges de carborundum et de vernis, tirant ses

épreuves d’essai sur sa vieille presse. Le réalisateur nous montre ensuite Coignard,

Brisson et Papart travaillant dans l’atelier Pasnic, dans le 20e arrondissement

de Paris, l’atelier qui perpétue encore aujourd’hui la tradition de la gravure au

carborundum (fig. 49). Deux taille-douciers, Pascal Gauvard et Nicolas du Mesnil

Fig. 49Dans l’atelier Pasnic : Pascal Gauvard (à gauche) et Nicolas du Mesnil du Buisson (au deuxième plan).www.artrealite.com/pasnicatelier.htm

Page 98: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

98 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

du Buisson, y popularisent le procédé de Goetz depuis l’ouverture de l’atelier en

1978, à l’initiative de James Coignard, initialement peintre, ami de Goetz, initié par

celui-ci à la gravure au carborundum dès 1968. Leur formation dans le domaine

de la gravure se résume à quelques jours de cours chez Goetz à la faculté de

Vincennes. C’est en fait James Coignard, ami de la famille de Pascal Gauvard, qui

a transmis la passion du métier aux deux jeunes gens, qui décident d’ouvrir un

atelier de gravure. Depuis, Nicolas Gauvard et Pascal du Mesnil du Buisson agissent

en quelque sorte comme des enseignants, apprenant le procédé aux artistes de

l’atelier. Et comme c’est toujours le cas, chaque artiste interprète l’enseignement

à sa façon. Ils montrent tout simplement les possibilités techniques, après quoi

les artistes font leur propre choix. Curieusement, Goetz n’a jamais travaillé ni tiré

ses estampes dans l’atelier Pasnic. En revanche, la liste de ceux qui y ont connu

son procédé est longue et impressionnante : hormis les noms déjà cités, Antonio

Segui, Didier Hagege, Emmanuelle Renard, Hervé Dirosa, Jean-Pierre Pincemin,

José-Maria Cicilia, Michel Haas, Miguel Barceló, Miguel-Angelo Campano, Monique

Tello, Sandro Chia, Sophie Sainrapt, et beaucoup d’autres ont travaillé avec les deux

taille-douciers de la rue Pixérécourt.

Le film de Jean Réal constitue un témoignage précieux des manières différentes

et très variées dont d’autres ont pratiqué la gravure au carborundum. Pierre-Marie

Brisson travaillait ses plaques comme il travaillait ses toiles. Il ne changeait rien

au niveau de l’expression, et le principe du procédé Goetz lui permettait d’utiliser

les mêmes matières et d’employer le même geste comme dans ses tableaux. Il

a réinterprété le principe de Goetz en utilisant la colle à carrelage pour enduire

la plaque, avant d’y tracer en creux des lignes. Il apportait un soin particulier au

choix et au mélange des couleurs. Coignard (fig. 50), de l’autre côté, travaillait

ses plaques de façon très chaotique, avec une approche de la matière plutôt

agressive. Il ajoutait, supprimait, brûlait et enflammait la matière sur la plaque,

grattait, détruisait et construisait de nouveau, créant des accidents à partir

desquels s’élaborait la gravure. Chez Coignard, le rapport entre ses peintures et

ses estampes était interactif, la gravure au carborundum l’a amené à commencer à

utiliser d’autres matières sur ces tableaux et à avoir une approche différente après

son expérience avec le procédé Goetz. Peintre et sculpteur, Coignard a débuté un

œuvre gravé reconnaissable en 1968, grâce au procédé de Goetz qui lui disait :

« Pour toi qui ne veux pas te plier à la discipline de la gravure classique, j’ai trouvé une

technique qui doit te correspondre » 57. Le procédé Goetz a aussi permis à Max Papart

(fig. 51) de pousser très loin les possibilités de la gravure en couleur. Sa technique

était particulière, et ses gravures, composées de dizaines de morceaux tels de

véritables puzzles, étaient imprimées avec jusqu’à vingt-quatre couleurs en un seul

57 www.mchampetier.com/biographie-James-Coignard.html

Page 99: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 99

passage ! Papart mélangeait les techniques, il utilisait la linogravure, l’eau-forte, le

gaufrage, les textures et enfin le procédé de Goetz. Il a complètement plié le procédé

à son propos, en le rapprochant de son travail de peintre. Par son inventivité, les

procédés de Goetz convenaient très bien à Antoni Clavé (fig. 52), qui s’est laissé

tenter par cette nouvelle technique après une démonstration de Goetz dans son

atelier. La peinture de son ami Clavé se caractérisait par la force, la liberté et par

des qualités parfois dramatiques. Il a réussi à transposer toutes ces qualités dans la

gravure, en jouant avec les textures et les empreintes de diverses matières. Il était

peut-être le plus audacieux de tous dans l’utilisation de ce procédé. Il a tout essayé,

tout objet pouvant recevoir l’encre et déposer leur trace sur le papier. Hormis ces

quatre artistes de l’atelier Pasnic, de nombreux autres artistes ont embrassé cette

nouvelle technique.

Technique ou « cuisine » ?

Nous venons de consacrer un certain nombre de pages à la gravure au

carborundum, en essayant de dégager son principe de base et de voir comment

il a réussi à séduire les artistes de l’époque. La gravure au carborundum, nous

l’avons déjà évoqué, ne représente qu’un aboutissement temporaire des années de

recherches que Goetz a menées en vue de l’invention d’un technique qui conviendrait

mieux à sa propre sensibilité. Par la suite, Goetz a continué ses recherches, en

améliorant constamment son nouveau procédé. En se servant de son principe de

base, il y introduisait de nouvelles matières ou de nouvelles façons d’utiliser les

matériaux déjà en utilisation.

Fig. 50James Coignard,Animal, 2003.Gravure au carborundum,56 x 76 cm,édition atelier Pasnic, Paris.

Fig. 51Max Papart, Homme sourriant, 1989.Gravure au carborundum, 57,0 x 75,5 cm.

Fig. 52Antoni Clavé, Guerrier au grand G, 1970.Gravure au carborundum, 62,5 cm x 92 cm,édition Vision nouvelle, Paris.

Page 100: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

100 Le côté pratique de l’estampe

Cependant, la gravure chez Goetz était loin d’être le seul champ d’inventions.

Goetz inventait sans cesse et possédait un vrai arsenal de trouvailles dans le

domaine de la peinture à l’huile, du pastel et d’autres techniques anciennes et

presque oubliées, telles le tempéra à l’œuf, à la caséine, à la cire, la pointe d’or, la

pointe d’argent, la gomme de cerisier… Goetz était un inventeur par nature et, nous

pouvons bien le dire, par tradition familiale, dont Goetz était, semble-t-il, très fier.

Nous avons déjà évoqué au début de ce mémoire son grand-père alsacien, parti pour

le Nouveau monde où il inventera et fabriquera les réflecteurs « Goetz ». Henri Goetz

n’oubliera jamais son illustre ancêtre, même s’il n’a jamais connu, et l’évoquera

à chaque fois que la conversation touchera à la question de l’invention dans son

œuvre. Ingénieur électricien de formation 58, formation du reste abandonnée

pour étudier la peinture, Goetz ne se contentait pas d’inventer seulement dans le

domaine des techniques de la peinture. Intéressé par la démarche abstraite de son

voisin Hartung, Goetz suivait le chemin de l’abstraction, car il voulait « inventer un

monde », à l’instar de son grand-père inventeur…

Ce qui nous intéresse ici, c’est d’essayer de comprendre quelle place occupe

la technique dans l’œuvre gravé de Goetz. Avec l’invention de la gravure au

carborundum et ses divers procédés, Goetz a en effet gagné une notoriété de

graveur et d’habile technicien. Il a lui-même, nous l’avons vu, contribué à cette

notoriété croissante en enseignant et en propageant ses inventions. Son activité

de graveur menaçait sérieusement d’éclipser son travail de peintre, et cette

célébrité malgré lui le mettait souvent mal à l’aise. Goetz attachait beaucoup plus

d’importance à sa peinture. Il soulignait que ses inventions avaient uniquement

pour but de le libérer des contraintes qui perturbaient l’expression de sa sensibilité.

En effet, chaque artiste essaye de plier la technique à sa sensibilité et non l’inverse.

On doit d’abord maîtriser une technique afin de pouvoir l’oublier et s’abandonner à

la pure création. Un procédé mal adapté à sa sensibilité artistique est une grande

source de frustration chez un artiste. Goetz était de ceux qui ne se contentaient pas

d’être limités par des contraintes techniques ou des règles rigides. Il élargissait les

possibilités techniques afin d’élargir son expression artistique.

Autre point important : la technique porte en soi un danger d’effets gratuits.

Comme le dit Vercors dans la monographie consacrée à Goetz en 1958, l’idée est

répandue qu’il n’y a pas loin, en peinture, et nous rajoutons ici en gravure, de la

« technique » à la « cuisine ». Dès 1958, Goetz avait donc déjà cette notoriété d’un

artiste qui en sait beaucoup sur la technique. Goetz s’est-il laissé prendre au piège

de la technique ? Quelle est la frontière entre la peinture et la cuisine ? Vercors

a proposé une réponse, et nous ne pouvons qu’être d’accord : ce qui distingue

58 Et non ingénieur chimiste, comme nous avons pu trouver parfois.

Page 101: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz 101

la technique de la cuisine, c’est « la signification même de la peinture, et de son

rôle dans l’épopée humaine » 59. Pour Vercors, les « moyens nécessaires » à cette

épopée ne peuvent être de la cuisine. Mais au contraire, les moyens qui servent aux

effets gratuits « d’une peinture qui ignore son but » ne sont rien d’autre que de la

cuisine. Chez Goetz, il n’y avait jamais d’effets gratuits. Son œuvre, tant gravé que

peint, était tissé avec patience et calme. Il était discret à une époque où beaucoup

vociféraient. Tout effet gratuit lui était étranger. La peinture de Goetz, comme sa

gravure, était le résultat de ce que son ami Vercors appelait une grande « quantité

de métier ». Il s’agit de ne pas se contenter des premiers résultats mais de pousser

le travail toujours et encore plus loin, quitte à échouer parfois.

Chez Goetz, la technique n’est pas une cuisine, et elle ne sert pas à produire des

effets faciles. Quel et donc son rôle au sein de son œuvre, et dans son œuvre gravé

en particulier ? La réponse vient de Goetz lui-même. « Mes curiosités de techniques

diverses, dont certaines créées par moi, contribuèrent à renouveler mon expression,

que je crois fidèle à moi-même », a écrit Goetz dans son autobiographie 60. Et il

a expliqué plus loin pourquoi il changeait constamment ses moyens techniques

d’expression : « Il m’arrive pourtant de me lasser d’une technique, ou de sentir

comme un vide en moi. Il suffit à ces moments d’aborder un autre mode d’expression

pour reprendre le fil, ce qui explique pourquoi j’éprouve le besoin de me servir de

moyens toujours différents » 61. La curiosité était aussi une constante de son art :

« Je reste ouvert à chaque occasion de m’engager dans les sentiers qui me sont

encore inconnus » 62, disait Goetz en parlant de ses œuvres qui deviennent parfois,

dans les mains de ses amis artistes, des tapisseries, des sérigraphies, des œuvres

en verre soufflé, des vitraux, des tapis ou des assiettes en céramique.

Nous nous souvenons ici de Picasso, lorsque celui-ci, en 1943, en pleine guerre,

disait à Brassaï, en lui montrant ses nouveaux dessins : « Par chance, j’ai pu

mettre la main sur un stock de splendide papier japon. Ça m’a coûté les yeux de la

tête ! Mais sans ça, je n’aurais jamais fait ces dessins… Ce papier m’a séduit... » 63.

Oui, la séduction de la matière, une question rarement abordée, qui échappe à la

logique et à l’explication. La séduction de la matière était, comme pour Picasso, une

partie importante de la création de Goetz. Nous avons déjà évoqué la production

du papyrus qu’il avait installée dans son atelier. Enchanté par ce support ancien

et magique, Goetz l’utilisait pour dessiner, faire des pastels, des aquarelles…

Avec l’émerveillement de la matière, la production de Goetz trouvait toujours un

nouvel élan.59 Vercors, 1958. 60 Goetz, 2001, p. 156.61 Idem. 62 Idem.63 Brassaï, Conversations avec Picasso, p. 95.

Page 102: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

102 La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

Pourtant, d’après ses propres mots que nous venons de citer plus haut, dès

qu’il avait maitrisé une technique, dès que l’enchantement est passé, Goetz sentait

un vide en lui. C’est la raison pour laquelle il était constamment à la recherche

de nouveaux procédés. Nous avons l’impression qu’il explorait lentement chaque

technique, comme il explorait lentement chaque période stylistique de son œuvre,

où les changements s’opèraient toujours lentement et sans heurts. Une fois

l’exploration finie, il était temps de changer de cap. Avant l’invention de la gravure

au carborundum, Goetz était arrivé à une maîtrise parfaite des procédés classiques

de la taille-douce. Il suffit de feuilleter le catalogue raisonné de Masrour pour

s’en rendre compte. Si nous regardons les n°s de 15 à 50 du catalogue, nous

voyons comment l’expression et la maîtrise technique de Goetz se développaient

parallèlement, en donnant parfois des résultats très divers, dont certains peuvent

paraître peu habiles ou gracieux, témoins d’une évolution permanente. D’abord noir

et blanc, l’œuvre gravé de Goetz n’était prêt à recevoir la couleur qu’à partir du

n° 32 du catalogue de Masrour, première gravure en couleurs dans l’œuvre de

Goetz. D’abord discrète, la couleur joue un rôle de plus en plus important. Les

n°s 80 à 115 témoignent d’une haute maîtrise technique. À partir du

n° 116, première gravure au procédé Goetz répertoriée pas Masrour, créée en

1968, l’évolution se répète : Goetz a abandonné les sentiers battus des techniques

classiques qui lui ne suffisaient plus et s’est lancé dans l’exploration des moyens

stylistiques de sa propre invention. Et nous devons attendre un certain temps

pour que Goetz arrive à plier la nouvelle technique à sa sensibilité créative. Les

résultats étaient toujours aussi divers et diversifiés. Goetz rajoutait, expérimentait,

compliquait, simplifiait, essayait, abandonnait, validait. Un langage propre à l’artiste

se développait, poussé par des recherches techniques. Mais ce langage n’était en

aucun cas réduit aux problèmes techniques. Comme l’a bien remarqué Michel Melot

en 1977 dans son texte du catalogue de Masrour, il ne s’agit pas ici de subordonner

le langage à la technique, de ne devenir qu’un virtuose technique et rien d’autre :

« Ici le langage ne passe pas par la technique, il s’identifie à elle, et c’est la technique

qui devient le langage » 64.

64 Masrour, 1977, p. 47.

Page 103: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’enseignement de la gravure 103

Chapitre IV

L’enseignement de la gravure

La carrière d’enseignant de Goetz a débuté en 1949. À la suite d’un projet non

réalisé de devenir professeur de peinture à l’atelier d’Albert Flocon, Goetz accepte

la proposition d’une amie de Roger Rimbault, Pierrette Bloch, aujourd’hui artiste

reconnue, de la prendre comme première élève. D’autres ont suivi et Goetz fu

bientôt obligé de transférer en 1951 son cours de peinture à l’Académie Ranson.

Goetz y a également établi un cours du soir pour ceux qui travaillaient le jour. Il y

était assisté par Sélim, artiste turc. Goetz est resté à l’académie Ranson jusqu’à sa

fermeture, en 1955 65. Les cinq années suivantes, Goetz a enseigné à l’Académie

de la Grande Chaumière, où il s’occupait de deux ateliers et du cours du dimanche

matin pour les amateurs.

À partir de 1953, Goetz a aussi enseigné à l’École des Beaux-arts de Fontainebleau,

où il a dirigé un atelier, dans l’Ancienne Comédie du château. Goetz a accepté ce

poste à l’appel d’André Remondet 66, directeur de l’école à l’époque. Le Conservatoire

américain a été fondé à Fontainebleau en 1921, afin d’offrir la meilleure éducation

musicale française aux jeunes musiciens américains prometteurs. L’École des

Beaux-arts de Fontainebleau a été fondée à son tour en 1923, et avait la même

mission que le Conservatoire, mais dans le domaine de la peinture, de l’architecture

et de la sculpture. Goetz y a enseigné jusqu’à 1966. Avant d’ouvrir, en 1965, sa propre

académie, Goetz enseignait parallèlement dans plusieurs académies : de 1960 à

1963 à l’Académie Raspail, jusqu’à qu’un incendie lui fasse quitter les lieux, de 1962

à 1964 à l’Académie Notre-Dame-des-Champs et de 1962 à 1965 à l’Académie

Malebranche au Quartier latin. Son unique enseignement officiel a été celui à la faculté

de Vincennes, de 1969 à 1971. Goetz a d’abord accepté la proposition qu’on lui a faite

de reprendre l’ancien atelier de Legueult 67 à l’École des Beaux-arts. Ce projet est

65 Alexandra Charvier, L’Académie Ranson, creuset des individualités artistiques, 1919-1955, Mémoire, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris, 2003.66 André Remondet, architecte français, né en 1908 et décédé en 1989.67 Raymond Legueult, né en 1898 et mort en 1971, peintre français et professeur à l’Ecole des Beaux-arts.

Page 104: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

104 L’Enseignement de la gravure

resté sans suite en raison des événements de mai 68, et peu de temps après, Goetz

a accepté l’invitation de monter un cours de peinture à la toute nouvelle Université de

Vincennes. Aidé par Sachiko Hasada, une jeune peintre japonaise, il a dirigé à partir

de 1969 un atelier de peinture de deux cent cinquante-six élèves. Cet enseignement

officiel n’a duré que deux ans, jusqu’à 1971, en parallèle avec l’enseignement dans

sa propre académie. Jusqu’à 1965, Goetz n’enseignait que la peinture. Ce n’est qu’à

sa propre académie que Goetz a introduit un cours de gravure.

L’académie Goetz

L’Académie Goetz a été établie en 1965, dans les anciens locaux de l’école

qu’avait autrefois dirigée André Lhote, à côté de la gare Montparnasse, au 18, rue

d’Odessa. L’atelier se trouvait en réalité dans le fameux passage du Départ, dont

l’une des entrées se situait entre les numéros 16 et 18 de la rue d’Odessa d’un

côté, et entre les numéros 21 et 23 de la rue du Départ de l’autre (fig. 53). L’atelier

qu’occupait désormais l’académie Goetz, et où s’était jadis trouvée celle d’André

Lhote, était au premier et dernier étage d’un bâtiment construit en 1908 (fig. 54

et 55). Ce bâtiment, qui s’appuyait sur celui du 18, rue d’Odessa, se trouvait à

gauche en entrant dans le passage du Départ du côté de la rue d’Odessa (fig. 56).

L’entrée dans l’atelier se faisait par un escalier latéral en bois. Au premier étage se

trouvait un vaste atelier, surmonté d’une mezzanine, avec deux petites pièces de

côté. L’atelier était carré et il faisait environ cent mètres carrés. Au plafond, il y avait

une verrière avec une ventilation. Deux pièces à côté, un bureau et un débarras,

faisaient ensemble environ cinquante mètres carrés. C’était une construction

typique de l’époque à l’usage des ateliers que nous trouvons toujours à Paris.

Fig. 53La flèche blanche montre l’emplacement

de l’académie Goetz dans l’ancien passage du Départ, photographie en noir

et blanc datant de 1972. Archives de Paris, permis de construire

1963-1980, 1178 W 1573, 1920, 2020 et 2032.

Page 105: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’enseignement de la gravure 105

Le grand atelier était consacré à l’enseignement de la peinture, tandis que dans les

deux autres pièces était installé un atelier de gravure. Les gens venaient apprendre

la peinture ou la gravure, et étaient nombreux à venir s’intéresser aux deux moyens

d’expression artistique. Pour l’enseignement de la peinture, Goetz était assisté par

Marie-Louise Hardy. C’était elle la « massière », elle s’occupait de tous les détails

organisationnels et administratifs concernant l’académie, ainsi que des modèles.

Il n’existait aucune procédure spéciale d’admission, ni aucun critère de sélection.

L’atelier était ouvert à tout le monde, tous ceux qui voulaient apprendre étaient

admis. L’ambiance de l’atelier était chaleureuse et cordiale. On peignait surtout

d’après un modèle vivant. Goetz venait deux fois par semaine, le mardi et le jeudi

après-midi. Il commençait toujours par corriger le travail de ceux qui travaillaient

sur le modèle et continuait ensuite par regarder les dessins ou les tableaux que

les élèves lui apportaient. Souvent, des anciens élèves venaient lui apporter leurs

tableaux, recherchant avis et conseils. L’argent que les élèves donnaient servait à

financer le loyer et le modèle, alors que Goetz assurait l’enseignement gratuitement.

Il n’en a jamais fait son gagne-pain. C’était apparemment si peu courant et étrange,

qu’il était contraint de se justifier auprès des autorités fiscales qui n’y croyaient pas.

Goetz trouvait tout simplement dans l’enseignement une source d’enrichissement.

Ses élèves, qui étaient de presque tous les pays, lui apportaient beaucoup.

« Un vieil adage italien nous dit que le meilleur moyen d’apprendre est d’enseigner.

Je le pense aussi : par mon expérience personnelle, je sais que l’enseignant est

le premier à profiter de ses cours, car plus on possède de connaissances plus

Fig. 54La coupe transversale du bâtiment où se trouvait l’académie Goetz.Archives de Paris, VO11 973 et 974.

On voit très bien l’escalier en bois en bas à droite qui menait au premier étage où se trouvait l’atelier. A gauche, la porte au fond condusait dans deux pièces ou il était installé l’atelier de gravure.

Page 106: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

106 L’Enseignement de la gravure

on est à même d’en apprendre d’autres. Je dois donc beaucoup à mes activités

de professeur sur un plan strictement personnel » 68. Pour Goetz, ce qui comptait

dans l’enseignement, c’était le contact « d’un être vivant avec les êtres vivants ».

Cela a été l’une des principales motivations de son enseignement pendant plus de

trente-cinq années.

Certaines « scolies de l’atelier », réflexions de l’artiste sur la peinture prononcées

lors des corrections, ont été conservées grâce à la monographie d’Alexandre

Galpérine. D’après le témoignage de Claude Bourguignon, peintre et élève de Goetz

dans les années 1960, lors de la correction, Goetz trouvait toujours au moins un

détail bien fait dans le tableau d’un élève. En partant de ce détail, il expliquait

la direction à prendre pour tout le tableau. Goetz avait le don de reconnaître

dans chacun de ses élèves sa qualité propre, et son enseignement consistait à

essayer tout simplement de mettre l’élève sur le bon chemin, son chemin, sans

l’influencer. Voici une des « scolies » de Goetz qui montre bien son attitude vis-à-vis

de l’enseignement : « Le professeur de la peinture qui influe son orientation de

la tendance de l’élève est comme le passant à qui on demande où se trouve

l’Opéra mais qui répond : pourquoi aller à l’Opéra, je vais à la Madeleine, venez

avec moi » 69. Tout ce qu’il faisait, c’était révéler à chacun ses talents et lui

donner le sens et la rigueur du travail.

Les élèves de l’académie étaient un véritable éventail des différents profils :

graveurs professionnels, élèves des écoles d’art, amateurs, dames âgées… Ses

élèves étaient de toutes nationalités, de tous âges, de toutes sensibilités artistiques.

La liberté la plus complète était laissée aux élèves pour la création. Si l’atelier était

Fig. 55Le plan du premier étage du bâtiment

où se trouvait l’académie GoetzArchives de Paris, VO11 973 et 974.

Deux pièces à gauche arbitaient l’atelier de gravure.

68 Geay, Goetz, 1989.69 Galpérine, 1972, p. 44.

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L’enseignement de la gravure 107

parfois dans « un désordre créatif », on y travaillait sérieusement. Certains de

ses élèves sont aujourd’hui des artistes reconnus : Pierrette Bloch, sa première

élève, Marie-Geneviève Havel, fille de Marc Havel, son ami chimiste, Aude de

Kerros, Roger Bensasson, Sam Szafran, puis Évelyne Cail, qui est devenue, avec

son mari Alexandre Galpérine, très proche du couple Goetz-Boummester, Claude

Bourguignon, qui a enseigné à l’académie Goetz après avoir été son élève dans

les années 1960, Dikran Dadérian, artiste libanais, qui y a enseigné également,

après avoir été lui aussi à son tour l’élève de Goetz. Denise Zayan, qui elle aussi a

enseigné à l’académie Goetz, n’a jamais été proprement dit l’élève de Goetz, mais

elle a profité de sa présence et de ses conseils durant les quelques années où elle

tirait ses estampes.

Pour Goetz, il n’existait aucune différence entre ses élèves et des artistes

plus connus et affirmés. Il était respectueux du travail de chacun. Il s’investissait

beaucoup dans les relations humaines avec ses élèves. Depuis qu’il enseignait,

Goetz avait organisé de nombreuses expositions des élèves de son académie.

Entre 1957 et 1977, il en a organisé vingt-trois, la plupart à Paris, dans différentes

galeries de la capitale, mais aussi à Grenoble, Fontainebleau, Vincennes,

Auvers-sur-Oise, Saint-Paul de Vence, et même à l’étranger, en Suède, à Venise,

ou encore à Francfort-sur-le-Main. Goetz a écrit de nombreuses préfaces pour

les catalogues de ces expositions, ainsi que pour les expositions particulières de

ses amis peintres et graveurs. Il a également acheté les œuvres de plusieurs de

ses élèves, et non pas par obligation quelconque. Pour certains, il était le premier

acquéreur de leurs œuvres.

Il est extrêmement difficile de repérer les nombreux élèves qui sont passés par

l’académie Goetz. Étudier le rayonnement et l’influence de l’académie Goetz sur la

Fig. 56Entrée du passage du Départ,

côté rue d’Odessa, photographie en noir et blanc datant de 1972.Archives de Paris, permis de

construire 1963-1980, 1178 W 1573, 1920, 2020 et 2032.

Page 108: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

108 L’Enseignement de la gravure

pratique de l’art de l’époque mériterait une étude à part. Pour le présent mémoire,

nous ne nous sommes pas lancés dans cette analyse. Néanmoins, nous pouvons

conclure qu’il n’existait pas vraiment « d’écoles » qui se formaient autour de cette

académie, mais que l’enseignement bienveillant de Goetz a offert beaucoup de

liberté aux jeunes générations de l’époque. Aujourd’hui, presque deux décennies

après que l’académie Goetz ait cessé d’exister, il suffit d’effectuer des recherches

sur Internet pour se rendre compte du nombre et de la diversité des gens qui ont

fréquenté son atelier. Si un grand nombre de ses élèves ne sont pas aujourd’hui des

noms très connus dans le monde de l’art, l’enseignement de Goetz a permis à de

nombreux artistes d’approcher ce monde sans aucune mystification. Et cela grâce

à un grand amour de Henri Goetz pour le métier de l’artiste, mais aussi pour celui

de l’enseignant.

L’enseignement de la gravure à l’académie Goetz

Nous serons très étonnés d’apprendre que Goetz, ce « grand graveur » comme on

l’appelle parfois, n’a jamais enseigné directement la gravure dans son académie.

Curieusement, cet artiste qui maitrisait toutes les techniques de l’estampe, et qui

en a inventé d’autres, ne se sentait pas apte à l’enseignement de l’estampe. Selon

ses propres mots que nous avons déjà cités ici, il se croyait manquer de l’esprit

méthodique nécessaire à tout vrai graveur. Nous croyons que c’est pour cette

même raison qu’il a préféré confié à d’autres l’enseignement de la gravure dans

son académie. Goetz s’est contenté d’expliquer ses procédés à ses amis et élèves,

qui étaient par la suite « promus » professeurs de gravure de son école.

Dès l’ouverture de l’académie, l’enseignement de la gravure a été confié à

Lorraine Bénic, peintre et graveur canadien de Montréal, venue en France en 1963.

Avant d’arriver à Paris, elle a déjà entendu parler de l’enseignement de Goetz à

Montréal. Après avoir fréquenté des académies de Montparnasse, elle s’est inscrite

dans l’atelier de l’artiste. À cette époque-là, Lorraine Bénic ne connaissait rien à

la gravure en creux. Dans les locaux de l’académie Goetz, qui a ouvert ses portes

passage du Départ, il y avait une presse abandonnée que Lorainne Bénic et Goetz

ont remise en état. C’est en la pratiquent, que Lorraine Bénic a appris la gravure.

Goetz lui a demandé par la suite d’être la responsable de l’atelier de gravure au

sein de son académie. Elle a accepté et c’est de cette façon que l’enseignement de

la gravure a commencé pour la première fois à l’académie Goetz.

Le tout nouvel atelier de gravure a été installé dans les deux pièces qui se situaient

à côté du grand atelier de peinture. Dans une des pièces, on gravait et faisait les

Page 109: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’enseignement de la gravure 109

bains d’acide tandis que l’autre était consacrée à l’impression. Elle était équipée

d’une presse de taille-douce, celle remise en état par Lorraine Bénic et Goetz. C’était

une presse de taille moyenne, avec laquelle on pouvait imprimait jusqu’au format

raisin (50 x 65 cm). La somme que les élèves payaient était modique, et ceux-ci

apportaient leur propre matériel.

L’académie étant principalement destinée à l’enseignement de la peinture,

les élèves s’habituaient peu à peu au fait d’avoir aussi l’occasion d’essayer la

gravure. Les premièrs élèves de Lorraine Bénic étaient d’abord ceux inscrits au

cours de peinture. Au fur et à mesure que l’on faisait circuler le mot qu’il existait

désormais un atelier de gravure à l’académie Goetz, les gens venaient de plus en

plus uniquement pour l’enseignement de la gravure. Plus tard, il y a aussi eu ceux

qui s’inscrivaient d’abord en gravure, pour ajouter ensuite à leur enseignement

celui de la peinture. Comme pour le cours de peinture, aucun critère particulier

n’existait pour l’admission à l’atelier. Étaient admis ceux qui débutaient dans le

domaine de l’estampe comme les graveurs qui connaissaient déjà le métier. Il

n’y avait aucun programme d’enseignement, Lorraine Bénic montrait les bases

de la gravure à chaque élève qui venait. Avec ceux qui avaient déjà une certaine

expérience de l’estampe, elle essayait et discuter de nouvelles approches et de

nouvelles possibilités d’expression. Lorraine Bénic expliquait les principes de la

gravure à ses élèves, en leur laissant une liberté absolue sur le plan de l’image.

Elle s’occupait principalement du côté technique de la gravure, d’expliquer les

possibilités d’expression des procédés graphiques, menant toutefois avec ses

élèves des réflexions sur le côté artistique, mais sans jamais discuter la valeur de

l’image qu’ils voulaient réaliser. Lorraine Bénic travaillait seule, elle n’avait jamais

d’assistant. Goetz ne s’occupait pas de l’atelier de gravure. Les élèves de l’atelier

de gravure étaient eux aussi, à l’instar de l’atelier de peinture, très mélangés en

âge et en savoir. Les conditions de travail n’étaient pas idéales, et l’atelier pas tout

à fait adapté, mais l’enseignement y était très sérieux. En 1969, Lorraine Bénic

est partie à Saint-Paul de Vence, où elle a été responsable de l’atelier de gravure

à la fondation Maeght jusqu’à 1971. Avant de rentrer au Canada, Lorraine Bénic a

aussi, rappelons-le, aidé Goetz à mettre au point son procédé.

À partir de 1969, il est probable que l’atelier de gravure a été confié pour un

certain temps à Ricardo Licata, alors également professeur et chef de l’Atelier

de mosaïque à l’École Nationale supérieure des Beaux-arts et professeur d’Arts

plastiques à la Sorbonne, l’information que nous n’avons pas réussi à vérifier.

Après Ricardo Licata, Dikran Dadérian, ancien élève de Goetz, a continué d’assurer

l’enseignement de la gravure. En 1975, tout le passage du Départ a été démoli, y

Page 110: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

110 L’Enseignement de la gravure

compris le bâtiment qui abritait l’académie Goetz. L’académie a alors déménagé

au 14, rue des Lyonnais, dans le 5e arrondissement, dans les anciens locaux de

l’Académie Port Royal, dirigée par Claude Schürr.

À cette époque, peu avant le déménagement de l’académie, Denise Zayan,

dont nous avons parlé dans les chapitres précédents, a rejoint Dikran Dadérian

pour enseigner la gravure. À l’académie Goetz, elle a enseigné jusqu’à 1977 la

gravure au carborundum qu’elle avait apprise de l’artiste. De 1977 à 1979, elle est

partie de l’académie pour donner des cours de gravure à l’Académie américaine

de Paris, avant de partir enseigner à Amiens en 1979. Dikran Dadérian a continué

d’enseigner la gravure à l’académie Goetz, et envoyait régulièrement à Denise

Zayan les personnes qui voulaient apprendre la gravure au carborundum.

Les nouveaux locaux comprenaient eux aussi deux ateliers : un consacré à

l’enseignement de la peinture et l’autre à celui de la gravure. L’atelier de peinture

était plus important et occupait la plus grande salle, d’environ trente mètres carrés.

Hormis Goetz et Marie Louise-Hardy qui l’assistait, il y avait également de nouveaux

enseignants en peinture : Claude Bourguignon, ancien élève des années 1960,

a commencé à y enseigner en 1975. Il est resté à l’académie jusqu’à la mort de

Goetz, en 1989. En 1986, est également venu Roger Bensasson, qui restera jusqu’à

la fermeture de l’académie.

L’atelier de gravure, dirigé donc par Denise Zayan et Dikran Dadérian, était équipé

d’une presse de taille-douce Lecornet, dont les dimensions du plateau étaient de

120 x 80 cm. Dikran Dadérian y enseignait les procédés classiques deux fois par

semaine, le vendredi et le samedi, tandis que Denise Zayan montrait aux élèves le

procédé Goetz, le jeudi. Les cours fonctionnaient du 15 septembre au 30 juillet. La

participation était à l’époque de 1975 de vingt-cinq francs la journée, le matériel

et les principales fournitures étant payés par les élèves. Beaucoup plus tard, en

avril 1989, à l’invitation de Goetz, Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire, qui

étaient les taille-douciers de l’artiste et dont nous avons déjà parlé, se sont joints

à Dikran Dadérian dans l’enseignement des techniques classiques et de la gravure

au carborundum. Ils y resteront jusqu’à la fermeture de l’académie.

Après la mort de Goetz, Dikran Dadérian lui a succédé à la tête de l’académie,

dont le nom était désormais l’académie Goetz-Dadérian. L’académie a fermé ses

portes en 1997. Les propriétaires des locaux avaient quasiment donné à Dadérian

un ultimatum : soit il rachetait les locaux et y continuait à enseigner, soit il restait

locataire, mais sans pouvoir y recevoir d’élèves. Ne sachant quoi faire et n’ayant

Page 111: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

L’enseignement de la gravure 111

suffisamment de moyens pour racheter les locaux, Dadérian a fermé les portes de

l’académie.

Hormis les cours de gravure dans sa propre académie, Goetz donnait des cours

sur son procédé aux Écoles nationales des Arts Décoratifs de Nice, de Grenoble et

de Paris. Entre 1973 et 1975, aidé par Dikran Dadérian, il a enseigné en été à l’École

d’Aigaliers, une petite commune de l’Uzège, dans les pays du Gard Provençal. Goetz

donnait aussi des cours à l’étranger, et notamment en Italie, à Scuola Internazionale

di Grafica à Venise. En 1974, dans une lettre adressée à Maître Rey, collectionneur et

amateur d’art de Perpigan, avec qui il entretenait une vraie amitié, Goetz a expliqué

qu’à Venise « ils y travaillent avec beaucoup d’application et d’acharnement ».

A part l’enseignement dans son académie et les divers cours qu’il donnait,

Goetz montrait ses procédés directement à ses amis artistes confirmés ou aux

jeunes artistes voulant apprendre sa technique. Nombreux ont donc été les

jeunes, peintre ou graveurs, ayant reçu l’enseignement de Goetz de la même

manière que Denise Zayan, au sein de son atelier, qui leur était toujours ouvert.

Goetz a également révélé à ses amis peintres et graveurs confirmés, sans le

moindre secret, ses procédés et ses inventions. Nous pensons ici notamment à

James Coignard, Antoni Clavé, Pierre-Marie Brisson et Max Papart, qui ont profité

de sa plus grande invention, mais aussi à Pierre Schneider, Jean Bertholle et

François-Xavier Fagniez, à qui Goetz a également montré son nouveau procédé.

Pour les trois derniers, artistes de la Galerie Bellechasse à l’époque, nous avons

déjà évoqué le souhait de Karl Masrour, qui voulait que tous les artistes de sa galerie

aprennent le carborundum. Parmi les artistes les plus connus qui fréquentent

l’académie de Goetz, nous trouvons aussi les noms de Zao-Wu Ki et de Richard

Davies, qui s’y sont également initiés à la gravure.

Page 112: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

112 Conclusion

Nous venons de passer en revue tous les aspects de l’œuvre gravé de Goetz. Nous

avons analysé, pas à pas, son parcours de graveur, l’évolution de ses estampes, vu

les tirages augmenter et les formats s’agrandir, nous avons vu comment et quand

la couleur est intervenue. Ce qui caractérise son parcours, c’est la richesse des

techniques employées. Avant d’opter pour la taille-douce, Goetz a essayé toutes les

techniques de l’estampe. Il explorera tous ces procédés avant d’en inventer d’autres.

Une sorte de couronnement, et le sommet de ses recherches, est l’invention de

la gravure au carborundum, ce procédé qui va relancer la gravure chez Goetz et

donner un nouvel élan à la gravure de l’époque. Cette influence est sans doute

énorme, mais reste encore à être évaluée. Nous n’avons pas pris cette direction

dans ce mémoire qui reste une étude générale de tous les aspects sans toutefois

rentrer dans leurs détails. Il faudra analyser le travail des principaux artistes de ces

années-là pour arriver à une conclusion sur l’importance de cette découverte pour

la gravure de l’époque.

Il faudra aussi un jour analyser le rayonnement de l’enseignement de Goetz, qui

est sans aucun doute conséquent dans le domaine de la peinture et celui de la

gravure. Pour ce faire, les futurs chercheurs devront connaître les noms des artistes

qui sont passés par les académies où Goetz enseignait, et principalement par

l’académie Goetz. Cette influence sera certainement difficile à mesurer, car nulle

« école » aisément identifiable ne s’est formée autour de l’enseignement du maitre.

Goetz a offert à ses élèves dans un enseignement ce qu’il y avait de plus précieux :

une liberté totale, mais qui ne se traduit nullement par une négligence. Au contraire,

cet enseignant talentueux qui connaissait bien « le miracle de la communication »

savait préserver la fraicheur de chacun de ses élèves, en les guidant discrètement

Conclusion

Page 113: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Conclusion 113

sur leur propre chemin, sans jamais leur imposer le sien. Comment mesurer les

conséquences d’un tel enseignement qui n’avait pas comme résultat de fidèles

imitateurs mais des artistes libres dans leur choix, qui reconnaissait à chacun sa

propre force ?

Nous avons aussi abordé le « côté pratique » de la production graphique de Goetz,

vu qui étaient ses éditeurs, dont il avait un très grand nombre à cette époque où

les éditeurs fleurissaient en peu partout, ses imprimeurs, souvent ses élèves et les

jeunes artistes en début de carrière, quand et comment Goetz exposait ses estampes,

et dans quelles collections elles sont actuellement les mieux représentées.

Il nous reste peut-être, en guise de conclusion à ce mémoire, à essayer de voir

si nous pouvons ajouter quelques réponses aux questions légitimes qui s’imposent

quand il s’agit d’un artiste peintre s’aventurant dans l’estampe. Ces mêmes questions

ont déjà été posées en 1977 par Michel Melot. Devant le résultat similaire que Goetz

obtient dans une peinture et une gravure, où la gravure devient un équivalent de

la peinture, une alternative technique mais identique quant à l’esthétique, Melot

s’était demandé, en toute légitimité, pourquoi graver quand même ? Et il avait

proposé, rappelons-le, plusieurs réponses possibles. Les possibilités esthétiques

propres à l’estampe, la possibilité de multiplication et de diffusion qui caractérise

l’estampe, l’envie de chaque graveur et artiste de « creuser », « laisser la trace »,

toutes ces raisons n’ont pas fourni selon Melot des explications justifiant de manière

suffisante la pratique de l’estampe chez un peintre. Après avoir analysé les deux

pôles distincts de l’œuvre gravé de Goetz, les explorations du début et les variations

qui sont devenues la constante de son œuvre gravé, Melot avait trouvé l’explication

de cet œuvre gravé, rappelons-nous dans cette jolie formulation : « dans la capacité

de l’estampe à reproduire la différence et à différencier la reproduction » 70.

Une des possibles explications de l’œuvre gravé de Goetz repose également

dans l’idée d’inventer qui imprègne tout son œuvre. L’idée d’inventer était une partie

essentielle de son travail qui justifiait de façon suffisante sa pratique de l’estampe,

alors même qu’il n’y avait aucune différence plastique ou esthétique entre une

estampe et une œuvre obtenue avec d’autres techniques, la peinture, le pastel. Au

lieu de les servir, Goetz essayait de plier chaque technique à ses besoins, à sa propre

sensibilité. Il passait du pastel à la peinture et à la gravure ou inversement. Même

une mauvaise épreuve rehaussée devenait un tableau, un pastel, un motif parfois

entièrement recouvert, une nouvelle œuvre. Goetz rendait réversible ce mouvement

de l’estampe vers la multiplication et la reproduction. La gravure revenait à la

peinture, et les deux devenaient interchangeables, équivalentes.

70 Masrour, 1977, p. 46.

Page 114: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

114 Conclusion

Dans la découverte de nouveaux procédés ou dans la création esthétique, l’idée

d’inventer était au cœur de on art. Goetz se revendiquait toujours l’héritier de son

grand-père inventeur. Une simple anecdote de famille à première vue, cette idée

d’inventer est responsable de son œuvre gravé au même titre que les explorations

et les variations dont parle Michel Melot. Si Goetz grave, c’est parce que la gravure

offre des possibilités d’inventions créatrices. C’est un vaste champ permettant des

découvertes permanentes, techniques et esthétiques. Pour Goetz, c’était aussi un

pont entre les principales facettes de son art. La peinture, le pastel, le dessin et la

gravure formaient ainsi un cercle interminable de sa création artistique, dans lequel

son art se renouvelait sans cesse. Une fois intégrée à son art, la gravure ne quittera

jamais ce cercle où chacun des moyens artistiques avait sa place et représentait

une source inépuisable d’inspiration. À la fin des années 1980, Goetz s’est confié à

Jean-Pierre Geay : « J’ai encore tellement à apprendre de la gravure. Si j’ai cherché à

inventer de nouveaux procédés, c’est parce que j’étais mauvais graveur. Mais je crois

que j’ai fait quelques progrès. En tout cas, il me semble que chaque découverte me

réconcilie avec la gravure » 71.

Inventions, explorations, variations. Si cela explique le fait que Goetz gravait,

il reste encore une chose à déterminer : la place de la gravure parmi les autres

moyens d’expression qu’il utilisait, l’’importance et le rôle de la gravure dans son

art. Goetz a commencé à graver en 1940, et ses premiers pas ont pratiquement été

faits pendant la guerre, dans la publication. À ce moment, le dessin jouait un rôle

important dans ses estampes, comme toujours chez lui lorsqu’il s’agissait d’une

démarche expérimentale, comme l’a très bien montré Jean-Pierre Geay 72. Lorsqu’il

a repris l’estampe en 1949, après la guerre, elle reflétait les changements qui

s’opéraient dans tout son œuvre, et la gravure se rapprochait de plus en plus de sa

démarche dans la peinture. Et elle restera ainsi jusqu’à la fin : la gravure traduisait

et suivait l’évolution de son œuvre peint. Mais contrairement à d’autres peintres,

la gravure chez Goetz n’a jamais été un moyen de reproduire un tableau. Parfois,

Goetz reprenait effectivement un tableau, souvent après un certain temps, qu’il

considérait sans doute réussi, pour le traduire en estampe. Des fois, la ressemblance

formelle était évidente, mais il s’agissait toujours d’une variation, et le résultat était

toujours différent, la gravure servant comme moyen de varier la production, avec

un moyen d’expression alternatif. Si la gravure était donc parfois faite « d’après »

un tableau, la plupart du temps, il s’agissait d’œuvres indépendantes, traduisant

la même démarche que la peinture, mais dans un autre moyen d’expression, avec

des résultats différents, et non pas quant à l’esthétique, mais quant aux possibilités

formelles. 71 Geay, Goetz, 1989, p. 170.72 Ardèche, 1995, p. 13.

Page 115: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Conclusion 115

Goetz se disait d’abord peintre. Il attachait, selon ses propres dires, plus

d’importance à son œuvre peint, donc à ses tableaux. La gravure, le pastel, le dessin,

ne représentaient pour lui que d’autres moyens de dire la même chose. La production

considérable dans ces trois autres domaines prouve toutefois que la gravure n’était

pas non plus pour cet artiste quelque chose d’accessoire, mais qu’elle était au

contraire au centre de ses préoccupations. Elle était en effet une nécessité. Et

comme le disait Gérald Gassiot-Talabot, elle participait « d’un large mouvement

d’appréhension du monde des formes » 73. Mais le nombre d’estampes que Goetz

a fait durant sa vie ne suffit pas à lui seul à expliquer le statut qu’avait à ses yeux

la gravure, même s’il est clair qu’il s’agissait d’une activité sans doute quotidienne.

Le fait que Goetz exposait à l’occasion ses estampes séparément de ses tableaux,

souvent accompagnées, d’ailleurs, de ses dessins, pastels ou gravures rehaussées,

« corrigées », montre qu’il considérait la gravure comme un moyen autonome de

création, qui pouvait avoir, au sein de son art, une place à elle seule. Mais en même

temps, le fait que ces expositions de peintures étaient toujours accompagnées de

quelques estampes montre également que la gravure avait aussi une place réservée

au sein de son art, en tant que partie intégrante du processus créatif global.

La chose qui surprend, c’est le fait que Goetz n’enseignait pas directement

la gravure dans son académie. Il ne l’enseignait que par le biais de son manuel

La Gravure au carborundum mais ce, au plus grand nombre, bien sûr. Il montrait

sans le moindre secret son procédé à ses amis et à tous ces jeunes artistes qui

le sollicitaient. Mais dans son académie, Goetz préférait s’occuper de l’atelier de

peinture et inviter d’autres, jeunes artistes au début de leur carrière, souvent ses

anciens élèves, à prendre en charge l’atelier de gravure qui fonctionnait au sein

de l’académie Goetz. Nous nous souvenons que, paradoxalement, cet artiste qui

maitrisait toutes les techniques de l’estampe et qui publiait des manuels de gravure

se sentait « peu apte » à l’enseignement de la gravure. Il semble que pour ce graveur

habile mais modeste, le but n’était pas de s’assurer une place importante dans la

gravure par les publications sur ses procédés, de dire « je suis un grand graveur

», mais réellement de divulguer, avec une impatience qui lui était propre, ce qu’il

avait découvert. La notoriété de « grand graveur » qu’il a gagnée malgré lui le gênait

parfois, et comme nous l’avons déjà souligné, il craignait que son activité de graveur

occulte celle qu’il considérait la plus importante : sa peinture. Dans cette lumière, le

fait de dire de soi qu’il était « mauvais graveur » pourrait nous sembler être une pose,

une fausse expression de modestie, pourtant derrière cette déclaration se cachait

un grand respect envers le métier de graveur. Goetz a mainte fois répété que son

intention n’était pas de remplacer par son invention les procédés classiques de la

taille-douce, mais d’inventer des procédés plus directs et plus faciles, d’abord pour 73 Masrour, 1981, p. 98.

Page 116: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

116 Conclusion

convenir à sa propre sensibilité, et ensuite pour servir à d’autres. Nous pensons

que Goetz n’avait jamais songé que ses procédés connaîtraient une telle popularité

parmi les artistes de l’époque. Si, venant d’inventer le procédé, il a appelé sur le

champ la conservatrice de la Bibliothèque nationale Françoise Woimant pour lui

montrer sa découverte, ce n’était pas pour rechercher une quelconque gloire, mais

pour partager la joie de cette invention comme un enfant qui a envie de partager

avec autrui la découverte du monde qu’il fait tout les jours.

Cette question de savoir si Goetz était d’abord peintre ou graveur, graveur ou

peintre, s’assimile peut-être à une tentative de classifier l’inclassifiable, puisque

l’on a toujours besoin de placer les artistes dans les tiroirs étiquetés de différents

« ismes », pour croire mieux les appréhender. L’œuvre de Goetz et l’homme lui-même

résistent à toute classification, et c’est peut-être la raison d’un certain oubli dont

souffre aujourd’hui son œuvre. Par cet oubli, ou plutôt cette mise à l’écart, on a

tendance à l’exclure de l’Histoire, ce qui s’oppose à une classification. Goetz était un

homme qui cherchait partout, au risque de perdre ses amis et de se perdre lui-même.

À soixante-deux ans, face au besoin qu’éprouvaient certains critiques de l’intégrer

à tel ou tel mouvement, telle ou telle école, Goetz répondait avec un humour bien à

lui : « Je suis très content que l’on a du mal à me classer. Je crois que l’on classe des

monuments historiques et que je ne tiens pas à en être un » 74 ! Goetz est sans doute

devenu un monument, une figure incontournable de la peinture et de la gravure

française du XXe siècle. Et si l’on classe les monuments pour les mieux préserver,

dans le cas de Goetz, il vaudrait mieux laisser la question de son classement ouverte,

car c’est seulement de cette façon que l’on pourra parfaitement comprendre sa

démarche.

Enfin, avons-nous répondu à la question de la place de la gravure dans son

œuvre et à la question de savoir pourquoi il gravait ? Le fait que Goetz ait trouvé

dans l’estampe un domaine d’action favorable à ses recherches est peut-être tout

simplement une conséquence toute naturelle qui aurait découlé tout ou tard du

besoin de ce chercheur et trouveur infatigable de toucher à tout, d’utiliser tout moyen

susceptible de l’aider dans la libre construction de son monde pictural inventé.

74 Emission radio Forum des arts, diffusé le 5 février 1972 sur France Culture.

Page 117: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 117

Entretiens

Cet annexe comporte les transcriptions de quelques entretiens que nous avons

pu effectuer avec des gens qui étaient proches de Henri Goetz. Seules sont ici

données leurs réponses qui concernent l’oeuvre gravé de Goetz, la gravure au

carborundum et l’enseignement de la gravure à l’académie Goetz.

Hélène Laffly, entretien du juillet 2008

« C’était à un moment donné à Montparnasse, dans l’ancien atelier d’André

Lhote. Et c’était vétuste pas croyable, mais c’était formidable. Après, le cours est

allé rue des Lyonnais, mais ce n’était pas la même chose. Le premier atelier, je vois

où c’est, on tournait à droite, on montait, un escalier en bois… Il y avait des élèves

de toutes les nationalités. Il y avait des élèves qui ont fait de très belles choses. Au

point de vue carrière, au point de vue travail… Au point de vue gravure, alors là, je

crois que tout Paris a défilé chez lui ».

« J’ai connu Goetz à son cours, j’étais son élève. C’était en 1971 - 1972. Je venais

avec ce que je faisais le jour de la correction. Il m’a appris le carborundum, mais chez

lui, dans son atelier rue de Grenelle. A cette époque-là, j’avais commencé de faire

de la gravure, mais j’avais des petits ennuis. Goetz m’a dit, puisque c’est comme ça,

tu viens chez moi samedi, on va faire de la gravure ensemble. Donc, j’allais chez lui,

le samedi et le dimanche, faire de la gravure. Et j’avais plus d’ennuis. Il m’a appris

le principe de son nouveau procédé. Mais Goetz faisait aussi de l’aquatinte et de

l’eau-forte et il a fait tirer ces estampes-là par Dutrou ».

Page 118: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

118 Annexe

« C’est-à-dire que ça a plus beaucoup à certains graveurs, parce que pour avoir

un atelier il faut des certains moyens. Avec du carborundum, vous pouvez le faire

partout. Puisqu’on ne fait pas de bain. Je sais qu’un moment donné où je faisais

du carborundum, je saupoudrais mon carborundum dans les couloirs des caves,

puisque j’avais installé ma presse dans ma cave. Et une voisine m’a dit, vous avez

vu, devant votre cave il y a des choses qui scintillent parfois ! Mais il y avait des

gens qui étaient déçus. Parce que moi, j’ai compris tout de suite que pour que ça

marche bien, il fallait attendre pour que ça soit bien séché. Mais il fallait avoir la

patience d’attendre que ça sèche. Goetz avait un système à séchoir électrique.

Après il y avait de nouvelles techniques que je ne connaissais pas, mais moi je me

suis toujours accrochée à l’ancienne méthode, puis essayé d’en trouver quelques-

unes à moi. A un moment donné, je suis passé à l’aquatinte ».

« Henri Goetz rencontrait beaucoup de gens. Il avait son cours, et puis il avait

cette générosité d’ouvrir son atelier à des gens qui venaient l’écouter. Même

parler, parce qu’il connaissait beaucoup de choses. Il avait connu toute l’époque de

Montparnasse. Il connaissait beaucoup de monde ».

« Il y avait peut-être une petite période où il était presque plus connu comme

graveur dans le monde entier. Parce que ça défilait. Mais quand même, comme

peintre il était connu. Il a fait tout un œuvre en pastel. Parce qu’il avait inventé un

truc. Henri Goetz avait fait des études d’ingénieur. Ce qui donne un esprit inventif.

Il avait inventé le pastel chauffé. Et les bâtons, ça fondaient un peu. Et il a fait de

très belles choses, très, très belles choses. Et il disait à ses élèves, il faut que vous

travailler à moindre frais. Dans certains cours, on pousse les élèves, il faut acheter

ci et ça… Et il disait, n’achetez pas ça, vous allez l’utiliser une fois, et puis vous

allez réaliser qu’avec un autre appareil ça fait même effet. C’était très important de

faire comprendre aux gens qu’on peut arriver à faire une œuvre intéressante sans

dépenser des sommes folles à acheter n’importe quoi ».

« La gravure, oui, c’était important pour lui, je pense que quand il avait fini

un tableau, il avait envie de faire une gravure. C’était un très grand travailleur. Il

travaillait beaucoup ».

« Ca l’ennuyait, et je trouve ça normal, on pensait souvent à lui comme graveur. Il

aimait qu’on pense à lui en tant que peintre. Et ce qui était vrai, d’ailleurs ».

« Goetz ne jetait jamais les gravures qui étaient ratées. Il ne les jetait pas, il

dessinait par-dessus ».

Page 119: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 119

Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire,entretien du 9 février 2009

Les taille-douciers de Henri Goetz

C.R. : « On a commencé à être les taille-douciers de Goetz en 1985 ou 1986 je

crois. Dans les années 1980, on a pris la succession de l’enseignement à cette

académie qu’il avait fondée, et qui était moitié peinture, moitié gravure. Donc j’ai

enseigné un certain nombre d’années et puis Anne-Marie a pris la suite aussi. C’est

à la demande de Goetz que j’ai commencé à enseigner ».

A-M. L. : « On était amis avec Maurice et Christine75 qui imprimait beaucoup

pour Goetz. Puis Maurice voulait interrompre ce travail. Et comme nous étions

sur Paris, il nous a proposé de devenir les taille-douciers de Goetz à Paris. On

connaissait Goetz déjà auparavant puisque Claude exposait beaucoup dans Midi,

juste au-dessus de Nice. Il a écrit à Goetz, plusieurs années avant, pour savoir s’il

lui fait une préface et Goetz avait écrit un petit texte pour lui. Ensuite on est allé le

voir, et on a donc commencé à se rencontrer un peu comme ça. Et puis il nous a

demandé si on accepterait de travailler pour lui quand il était à Paris. Et ça nous

a tout à fait intéressé. Et voilà, on a fait quelques années. A l’époque, c’était ici

notre atelier » 76.

« Goetz nous apportait les plaques, souvent avec un pastel. Il donnait des

indications avec du pastel pour les couleurs, et puis on se mettait d’accord pour les

couleurs. Ensuite, on faisait un bon à tirer et on tirait ».

« Sur sa presse rue de Grenelle, Goetz faisait des essais. On faisait ensemble

un bon à tirer, mais il faisait lui-même des essais. Il était toujours un peu dans

l’invention, dans la découverte. De temps en temps il nous appelait, à six heures

du soir, en disant, ça serait bien si vous passiez parce que je viens de découvrir

quelque chose. Alors, on lui disait demain, mais il disait : « Bien sûr demain, mais

pourquoi pas tout de suite » ? Et comme on était en train de travailler à la presse, on

se lavait les mains, et on partait rue de Grenelle en métro. C’était quelquefois une

toute petite chose qu’il voulait nous montrer ».

C.R. : « Je voudrais surtout insister sur son caractère consciencieux par rapport

à la gravure. Il n’a jamais fait réaliser des gravures par quelqu’un. Goetz a toujours

gravé, et avec passion, on peut dire, et il a toujours réalisé ses essais lui-même. Il

tirait merveilleusement, d’une façon très acrobatique… C’était un grand spectacle

75 Maurice et Christine, Leurent-Rousseau, taille-douciers de Goetz à Nice. 76 Avenue de St-Ouen, dans le 17e arrondissement.

Page 120: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

120 Annexe

de voir Goetz encrer et réaliser des tirages, et changer son papier, personnellement

pour moi c’était un numéro de haute voltige. C’était tout à fait étourdissant. Et

Maurice Rousseau-Leurent avait un peu cette technique. Nous, on n’a jamais réussi

ça, être aussi virtuose ».

A-M. L. : « Il prenait la plaque, le papier et retourner, et alors ça marchait, mais

nous, on avait des systèmes des repères sur notre presse. On faisait d’une manière

très différente. Ce qu’il faisait Goetz, pour moi c’était effectivement de l’acrobatie.

J’ai essayé une fois ou deux… ».

C.R. : « Ce qui est très intéressant dans notre travail de taille-doucier, c’est que

nous avions aussi une formation de graveur. C’était très intéressant notre dialogue,

on avait appris beaucoup avec Goetz. Mais il y avait une chose qui était assez

difficile, c’est que d’abord il y avait quelques fois des estampes qui avaient quatre

ou cinq planches, la dernière étant la planche noire. Souvent Henri Goetz faisait ses

essais avec des couleurs qui n’étaient pas des encres, par exemple avec du pastel,

pour indiquer. Alors vous aviez un bleu de Prusse au pastel, mais ce n’était pas

du tout la même chose quand c’étaient des encres. Nous avons fait énormément

d’aller-retour, Montmartre – rue de Grenelle, parce que ce n’était pas évident ».

A-M. L. : « Ou alors on changeait tout, comme une fois, je me rappelle, c’était

terrible… Je vais chercher une planche chez lui. Il avait fait un essai au pastel, donc

on cherche les encres, les couleurs qui se rapprochent le plus possible. On fait un

ou deux tirages d’essai, on réajuste, j’étais assez contente de ce qu’on avait fait…

Et donc il vient un soir ici, c’était une petite gravure heureusement, et il me dit :

« Qu’est-ce que vous en pensez ? Et si à la place de l’encre là on mettait du bleu,

et si on inversait tout, si la couleur du fond on la mettait pour la couleur… Et qu’on

mettait ce petit bleu là pour le fond, et que l’orange qui est là on faisait… ». Donc

on repartait sur tout à fait autre chose. C’était hallucinant. Mais ce qui était très

intéressant, c’est qu’on participait, on était dans le travail de création. Et on a

fait beaucoup de tirages de gravures… Ça permet d’entrer, d’une façon physique,

sensuelle, et intellectuelle aussi, vraiment dans le travail créateur de la personne

en question. Et je trouve que c’est tout à fait passionnant ».

C.R. : « Au demeurant, on peut dire que les impressions des estampes de Goetz,

c’était pour les taille-douciers quand même un travail monumentale, parce que

vous aviez des estampes où il avait six planches et des formats qui approchaient de

raisins. Le plus difficile c’était l’encrage du carborundum quand c’était des surfaces

extrêmement petites, et les superpositions… On en a eu, on avait travaillé des nuits

entières ».

Page 121: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 121

A-M. L. : « Quand on a commencé, Maurice Rousseau nous a expliqué le principe.

Puis après, on fabriquait nos encres nous-mêmes à partir des pigments et des

différentes sortes de l’huile, et puis on a trouvé une technique qui nous allait bien

pour encrer, qui n’était pas forcement la même que d’autres. On avait des pinceaux

qu’on coupait presque à ras, et puis on encrait comme ça sur le carborundum. On

détourait après à la planche noire où on encrait d’une façon classique avec de la

tarlatane. C’était toujours assez difficile de passer de l’un à l’autre. Et la planche

noire, si on l’a raté, alors toutes les estampes étaient à déchirer et à mettre à la

poubelle. C’était quelques fois un peu difficile ».

« Après, même très rapidement, Goetz nous a fait rentrer en contact avec ses

éditeurs. Il nous disait : « Voilà, je vous donne ces planches, et un éditeur va passer

chez vous, et il va choisis quelle planche il va éditer ». Et c’était aussi intéressant

pour nous de rentrer en contact avec ses éditeurs et de voir comment Goetz se

débrouillait avec cette question ».

A-M. L. : « Il n’a pas pu signer [ses dernières estampes] pour la Bibliothèque

nationale. A chaque fois qu’on faisait un tirage, on faisait une ou deux épreuves

d’atelier, pour nous, annoté « h.c.» , et toujours un exemplaire pour la Bibliothèque

nationale, qu’il dénommait « dépôt légal »… Mais les dernières, il nous a donné tout

un lot des planches qu’on devait lui tirer pour septembre (Goetz est mort en août) ...

Nous avons encore quelques planches que nous n’avons jamais touchées ».

C.R. : « C’était un homme qui mettait bien facilement en relation, il ne gardait

pas pour lui. Il y avait à l’époque une conservatrice à la Bibliothèque nationale,

elle s’appelait Françoise Woimant. Goetz l’appelait joliment Francette… C’était

une femme extrêmement proche des graveurs, un peu comme Michel Melot, ce

sont des gens qui sont très intéressés par la création… Je garde aussi un très bon

souvenir du passage de Marianne Grivel ici… Je pense que c’était une des meilleurs

responsables des Nouvelles de l’estampe. Elle était très, très proche des graveurs

aussi. Et après il y a eu Madame Gautrot, qui était très bien aussi. C’étaient des

gens qui ne sont pas entourés d’une cour, ce sont des gens qui ont un regard... Ils

cherchent enfin, c’est assez rare ».

« A chaque salon de l’estampe qu’on organisait dans une banlieue parisienne, il

y avait au moins une ou deux estampes de Goetz, au moins une estampe de Flocon,

toujours une image de Vieillard… A l’époque, le salon s’appelait « le groupe Corot ». Il

a été créé en 1982 - 1983, et nous nous sommes retirés en 1992, je crois ».

Page 122: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

122 Annexe

A-M. L. : « Ça existe toujours, le groupe de graveurs est resté, mais leurs statuts

se sont modifiés, ils fonctionnent comme beaucoup d’associations de graveurs en

France ».

C.R. : « Nous, nous avions un comité d’honneur, et parmi les membres il y avait

bien sûr Goetz, Flocon, Hélène de Beauvoir, Avati, Michel Ciry, des gens qui étaient

toujours extraordinairement présents. On a vraiment eu de la chance ».

A-M. L. : « On a eu de la chance de rencontrer des graveurs de très haut niveau,

mais qui acceptaient d’exposer et de soutenir un petit salon de banlieue. Au départ

c’était vraiment… C’était quelques graveurs amis, qui se sont regroupés autour

d’une dizaine de très jeunes débutants, amateurs dans une banlieue de Paris, à

Ville d’Avray et Chilly-Mazarin ».

L’académie Goetz rue des Lyonnais

C.R. : « Pour revenir à l’enseignement et à l’académie rue des Lyonnais,

dans le 5e arrondissement, nous avions remarqué qu’il y avait un certain nombre

d’étudiants, sinon tous les étudiants, qui venaient pour apprendre le carborundum.

Une espèce de fascination par rapport à une technique… Et Goetz nous a toujours

mis en garde en disant, n’apprenez le carborundum, ne permettait le carborundum

que lorsque vous avez devant vous des graveurs déjà confirmés dan les différentes

techniques, pointe sèche, eau-forte, etc. On s’est employé à retarder un petit peu

ce goût chez les étudiants pour cette technique, et je pense qu’il avait tout à fait

raison, parce qu’en fait, mon point de vue très intime c’est que, avec des procédés

tels que dit « au carborundum », on peut faire très rapidement de « belles » images…

Et que la gravure ce n’est pas, quelque soit la technique, ce n’est pas forcement

tout de suite qu’on fait de belles images, on ne fait peut-être même pas du tout de

belles images… Donc là il fallait trouvé un équilibre… Je pense que cette invention,

en quelque sorte, du carborundum, pouvait les desservir. Chez d’autres ça était un

plus, mais ça pouvait desservir des artistes qui n’avaient pas cette intelligence de

la matière si vous voulez ».

A-M. L. : « C’est-à-dire que pour certains ça risquait de devenir un procédé. Et pas

une aide à une créative. Mais Goetz a raconté qu’il avait inventé ça pour ses amis

peintres. Donc, pour que les peintres puissent faire des gravures. Le carborundum

permettait des aplats de couleurs, ça permettait des surfaces, ça permettait plein

de chose, donc il avait vraiment inventé ça pour ses amis peintres ».

Page 123: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 123

C.R. : « L’Académie, c’était la pagaille, la pagaille intégrale. C’était une académie

libre, qui était sous la responsabilité d’un confrère77, absolument adorable, mais

c’était très, très mal rangé, c’était très pagailleux... Il y avait sous le même toit

l’académie de peinture et l’académie de gravure, et personne ne rangeait rien.

Ce qui fait que les bains d’acide n’étaient pas forcément très propres... Pour les

enseignants, pour Anne-Marie et moi-même, il fallait arriver de bonne heure pour tout

nettoyer. Dikran Dadérian était la responsable de l’atelier, il faisait la correction de

la peinture et avait abandonné la gravure… Et quelques fois ça nous est arrivé aussi

de faire la correction de la peinture, parce que les deux activités étaient vraiment

dans même espace. C’était, malgré ce côté un peu bordélique, assez sympathique.

Il y avait des gens de talent, et ce qui était remarquable, je crois, c’est que dans la

pensée héritière fidèle de Goetz, aussi bien de Dadérian que nous, nous ne disions

pas ce qu’il fallait faire, mais nous essayions d’amener les étudiants à réfléchir,

si vous voulez. Ça demandait de la part des personnes qui venaient une certaine

maturité, et une réflexion. Cela sur le plan de la peinture. En revanche, sur le plan

de la gravure, il est évident qu’on était peut-être beaucoup plus exigeants, non pas

par rapport à la créativité, à l’aspect créatif, mais par rapport à la technique, on

ne peut pas transiger sur la technique. On essayait de ne pas trop engagé l’idée

du carborundum dans la tête de gens, on essayait de freiner un tout petit peu, de

façon à ce qu’ils aient, quand même un peu le goût des techniques classiques. En

revanche, nous n’avons, parce que ce n’était pas notre technique, jamais enseigné

le burin ».

A-M. L. : « Les jeunes graveurs qui venaient chez Dadérian, ils venaient parce que

ils trouvaient un atelier où ils pouvaient travailler, tirer leurs estampes, donc ils ne

venaient pas uniquement chercher l’enseignement du carborundum ».

C.R. : « Personnellement, je suis arrivé en fin de parcours à recevoir pratiquement

cinquante pourcent des étudiants pour réaliser des tirages des plaques qu’ils

avaient fait ailleurs. Mais sans enseignement ».

A-M. L. : « Il y avait deux salles. Il y avait une salle, la principale, quand on entrait,

et ce sont surtout des peintres qui se mettaient là, parce qu’il avait souvent le

modèle vivant. Et puis dans le fond, il y avait une deuxième pièce, avec donc une

presse, les bacs pour les papiers, et la gravure se faisait plutôt dans cette deuxième

pièce ».

C.R. : « Il y avait une très belle presse, mais avec un plateau relativement

étroit ».

77 Dikran Dadérian

Page 124: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

124 Annexe

A-M. L. : « Ce qu’on pourrait dire à propos de l’enseignement, d’une façon un peu

à l’écart, c’est que Goetz a participé à des Salons, et il regardait beaucoup le travail

des jeunes graveurs. Il était sans concession, mais il disait quelques fois un mot ou

deux. C’était d’une justesse et ça faisait avancer vraiment. Une année, une jeune

femme qui était à l’époque une jeune graveur, nous a demandé si un jour nous

pouvons la présenter à Goetz. Donc on est allé avec elle, et puis avec une autre

amie graveur, on avait chacune un petit carton à dessins. Et Goetz a tout regardé, il

a pris beaucoup de temps pour regarder le travail, et il a dit à cette jeune fille : « Vous

savez, la gravure il y a aussi du blanc ». C’est tout. Parce qu’elle faisait un travail

très noir, très compact. Et il lui a dit : « Vous savez c’est l’art du noir et du blanc ».

Et c’était d’une force, cette phrase, quelque mots à peine, juste ça… Ça lui a fait

beaucoup réfléchir, elle est sorti de là un peu abasourdie… Goetz regardait tout, il

était très attentif au travail des autres ».

C.R. : « Les soirs de vernissage, il passait un temps fou à regarder, et il apprenait

vraiment par cœur tous les graphismes, sans concession ».

A-M. L. : « Il disait ça avec beaucoup de gentillesse, jamais il a démolie quelqu’un,

jamais. Au contraire, il essayait de sortir ce qu’il avait et donner un tremplin à celui qui

travaillait. Moi, je trouvais ça formidable parce qu’il trouvait toujours quelque chose,

en vrai pédagogue, qui permettait de trouver une petite marche. Et contrairement

à certains artistes qui donnent un enseignement, et les gens font de sous un tel

ou un tel, lui jamais. C’est surtout en gravure, avec les techniques, que ça risque

d’arriver... Mais lui, jamais il n’a dit fait comme ci come ça, et personne ne faisait

de sous Goetz ».

C.R. : « Il avait ce à quoi nous croyons fortement, c’est-à-dire à la nécessité

fondamentale de la passation du savoir. Je crois qu’à partir du moment où vous aimez

votre travail, ou technique, si vous avez l’envie de la distribuer, c’est extrêmement

enrichissant, mais c’est enrichissant dans les deux sens.

C.R. : « Dans l’académie rue des Lyonnais, on avait vraiment un brassage, il y

avait par exemple des très jeunes gens, qui préparaient une école d’art par exemple,

donc il venaient s’initier. Vous aviez des professionnels, qui venaient apprendre la

gravure, et puis vous aviez aussi quelques dames aux chapeaux… Il y avait donc

une population très, très variée. Pendant cinq ans, j’en ai eu qui sont restés tout le

temps. Et puis il y en avait qui passaient, ils rentraient dans une école d’art et on

les voyait pas. Il y en avait même qui ont connu Goetz en tant qu’enseignant. C’était

Page 125: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 125

assez varié, mais il y a eu des gens qui ont, sur le plan de la création, à mon avis il

y avait des grands noms, du bon boulot ».

Goetz et la gravure au carborundum

C.R. : « On pourrait même penser, à l’extrême limite, que cette technique du

carborundum est de l’anti-gravure, puisque ce sont des aplats…. Pour Goetz, ça

se situe aussi à une période de l’entre deux guerres, et qui a vu l’estampe se

développer en dehors des techniques fondamentales, eau-forte, pinte sèche… Et

on voit parallèlement à peu près à la même époque, Fautrier par exemple, cherchait

et finalement inventait aussi une façon de multiplier des originaux… Je crois que ça

correspond aussi à une autre vision l’estampe moins classique telle quelle nous

venait depuis des siècles. Et dans prolongement de cela, notre génération, nous

avons vu un autre tournant avec les technologies contemporaines. Et j’ai freiné

personnellement vraiment des quatre fers, comme on dit, pour garder vis-à-vis

des étudiants ou des stagiaires que nous avions dans notre atelier, pour garder

une certaine idée, très dix-huitième siècle, enfin, de l’estampe, originale, et je ne

sais pas si on a raison ou tort, on ne peut pas empêcher le progrès, et l’image,

l’image unique, l’image multipliée, la défense de l’estampe classique, ce sont

des problèmes que nous avons vécus. Maintenant, je suis tout à fait en dehors

de cela, et c’est du passé pour nous, mais, nous l’avons vécu avec une certaine

inquiétude… Sans doute parce que nous étions nous formés de façon très, très

classique et que toute évolution, tout progrès, fait peur je crois… Par rapport à

l’histoire de l’estampe, je crois que là il y a des tournants, on va dire des évolutions,

qu’on ne peut que constater, qu’on était d’accord ou pas. Donc, Goetz, ça s’inscrit là

dans une recherche qui historiquement se situe bien entre les deux guerres. Cette

première partie du XXe siècle a été très, très riche avec en ossature toujours les

grand noms du surréalisme, du dadaïsme avant et du surréalisme après… Goetz

s’y inscrit vraiment. Tout en nous disant, et ça il nous l’a fait remarqué très tôt, tout

en nous disant, il y a eu une littérature surréaliste, mais il n’y a pas eu de peinture

surréaliste. Il y a eu des peintres surréalistes. Et ça, ça me semble extrêmement

intéressant, parce quand on voit maintenant, en ce début du XXIe siècle, la peinture,

ça vieillit, il y a un procédé, si vous voulez… et je pense qu’il avait raison par rapport

à cela ».

A-M. L. : « Goetz gravait sur des matériaux qu’il trouvait. Il n’avait pas cette rigueur,

comme certains graveurs, où tout est calculé, millimétré, tout en pile juste… C’était

un peu approximatif. Ce qu’il trouvait important c’était le fond de l’œuvre. Mais les

petits détails techniques… ».

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126 Annexe

C.R. : « Il n’était pas excessivement méticuleux. J’ai travaillé à la même époque

avec Roger Vieillard, pendant trois bonnes années, en particulier pour le relevé

photographique de l’ensemble de son œuvre gravé. Donc j’ai approché aussi

là Vieillard très, très intimement, et c’était très amusant pour moi de passer de

chez Goetz à chez Roger, deux personnages tout à fait différents. Goetz nous a

fait connaître donc Roger Vieillard, qui était pour moi un personnage très, très

important... Il nous a fait connaître aussi Albert Flocon, avec lequel nous avons eu

une très, très belle relation, puisqu’il a participé à de nombreuses expositions que

nous montrions. Il nous a fait connaître Hélène de Beauvoir, la sœur de Simone

Beauvoir, qui était buriniste, pour laquelle nous avons eu une grande tendresse et

une très belle relation. Goetz était donc aussi un homme de contact. Je crois qu’à

partir du moment où il donnait son affection, ça débordait largement. C’était un

homme généreux et c’est intéressant de le savoir ».

A-M. L. : « Ce qui était important pour lui, c’était de peindre, de peindre… et

graver. Tout le temps. De travailler beaucoup. Ce qui l’intéressait c’était de peindre

du matin au soir ».

C.R. : « Goetz et Robert Dutrou ont décidé de réaliser le plus grande gravure

du monde. Goetz nous a dit, il faut venir... C’était en Bourgogne78, et on est allé le

voir. On a passé de longtemps avec lui, il était en résidence là. Alors il nous avait

montré, l’un et l’autre, une boîte, on aurait dit une cathédrale, pour passer le grain

de l’aquatinte… Je n’ai jamais su s’il y avait une réalisation » 79.

A-M. L. : « Il y avait des bacs immenses pour les bains d’acide, et ça faisait un

effet terrible, parce qu’il ne couvrait pas le dos, tellement elle était grand la plaque…

Il voulait que l’on vient le rencontrer, parce qu’il était en résidence en Bourgogne, en

mai - juin 1989, et il avait souhaité qu’on vient le voir. Et donc bien sûr nous étions

allés, avec un grand plaisir. Et il nous a dit : « Regardez, c’est le paradis ici, et je vais

faire la plus grande gravure du monde ».

C.R. : « Sa grande question, souvent il me prenait la main comme ça et il me

disait : « Raimbourg, suis-je un vrai ou un faux naïve » ?

Les livres illustrés

C.R. : « Une question qui était intéressante aussi, dont on pouvait discuter mais

sans qu’on arrive à comprendre, c’était la notion du livre illustré. Je me suis toujours

posé la question qu’est-ce que c’est qu’une ligne de poème ou de texte illustré par

78 Centre d’Art Graphique, La Métairie Bruyère, Parly, Yonne - Bourgogne.79 D’après monsieur Dominique Guibert, taille-douciers chez Dutrou à l’époque (et également aujourd’hui, dans l’atelier parisien de la maison), ce projet n’a jamais abouti. Une presse gigantesque a été également construite en vue de cette édition.

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Annexe 127

un tel ? Est-ce que c’et une image qui est en rapport avec le texte, ou est-ce que

c’est l’invers… c’est très difficile… et Goetz, quand il illustrait, quel que soit le texte,

vous trouviez ça ».

A-M. L. : « Sauf qu’il disait souvent, pour des estampes anciennes, je me souviens

une fois, il nous avait montré une petite estampe en noir et blanc, et il me disait :

« Vous voyez là, j’ai illustré littéralement » ! Pour lui c’était évident que le texte et

l’illustration c’était une transcription littérale, dans sa gravure, mais moi je voyais

rien… Mais pour lui, c’était d’un clarté absolue ».

C.R. : « Il faut le voir, peut-être, comme un bonheur, une nécessité de la

collaboration, peut-être. Goetz a fréquenté beaucoup de poètes. Parce qu c’était

un homme qui lisait énormément. D’une façon extrêmement discrète. Jamais

il disait, j’ai lu une telle chose. Par exemple, mon père était comédien. Et Goetz,

quand on est rentré en relation avec lui, aussitôt il a fait le rapprochement, Claude

Raimbourg avec Lucien Raimbourg, il connaissait toutes les pièces que mon père

avait jouées. Il ne se ventait jamais de rien, mais il avait une culture absolument

époustouflante. Et il écrivait très bien. Il avait des petits bouts de papier, et il sortait

un truc énorme en quatre lignes, c’était percutant et dans un français extrêmement

précis ».

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128 Annexe

Denise Zayan, entretien de juillet 2008

La gravure au carborundum

« La gravure au carborundum est la raison pour laquelle j’ai rencontré Goetz.

J’avais acheté son livre sur la gravure au carborundum, j’arrivais d’Amérique latine,

et tout ce qui concerne la gravure m’intéressait ».

En fait, je suis tombée sur un des marchands de Goetz dans le Midi. J’ai rencontré

plusieurs de ses marchands et j’ai vu des choses. C’est là que j’avais acheté ce livre.

Un de ces marchands m’a donné l’adresse de Goetz à Paris. C’était Paul Hervieu

à Nice, il est décédé maintenant. Il y avait aussi Albert Hervieu à Saint-Paul-de-

Vence. J’ai vu beaucoup de choses de Goetz, si bien des pastels, des peintures, des

gravures… Je ne connaissais pas du tout son œuvre avant ».

« Je ne connaissais non plus la gravure au carborundum, et tout ce que je ne

connaissais pas m’intéressait. J’ai entendu parlé de ce procédé, c’était relativement

récent. Je l’ai découvert en 1972, et le livre est de 1969… Et comme j’avais l’adresse

de Goetz, je l’avais écrit. Et il m’a répondu, et c’est comme ça que je l’ai rencontré.

Et puis il m’a demandé si je voulais tirer ses gravures, j’ai dit j’avais jamais fait ça,

il m’a dit tout ça s’apprenait… ».

« La gravure au carborundum, c’est un certain nombre de possibilités dans la

gravure qui ont amené une utilisation assez grande da la couleur. Et ce sont en

général des peintres qui s’en sont servi. Pas de graveurs au sens traditionnel du mot.

Toutes les techniques traditionnelles de la gravure sont des techniques beaucoup

plus graphiques et il y a peu d’utilisation de la couleur. On voit mal une pointe sèche

tirée en rose, ou en vert, c’est du noir ou du sépia… L’aquatinte permettait de la

couleur, la manière noire aussi, mais c’est une technique extrêmement rigoureuse,

extrêmement ascétique je dirais, et Goetz tenait beaucoup au plaisir dans le travail…

Et puis c’est vrai qu’il était très inventeur, il adorait l’invention, il était inventeur en

général, dans sa vie, dans son attitude en général par rapport aux choses. Il avait

voulu inventer des techniques en gravure. Et ça a servie vraiment à des peintres,

surtout des peintres. Parce que le peintre utilise la couleur ».

« Le fait d’avoir inventé cette technique l’a fait quand même connaître comme

graveur. D’autant qu’à un moment, il y a trois graveurs qui sont importants à

Paris. Friedlaender, Hayter et Goetz. Friedlaender, c’est la gravure traditionnelle,

il est très connu et il est très cher, il a un atelier aussi, il enseigne, puis il a Hayter,

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Annexe 129

c’est le procédé d’encrage, plus ou moins profond, et Goetz, c’est la gravure au

carborundum. Donc, tout le monde qui s’était intéressé à la gravure, forcement ont

entendu parler de Goetz. S’il n’avait pas inventer ces procédés de gravures, je ne

pense pas que son nom dans la gravure soit resté si connue ».

Imprimer pour Goetz

« D’imprimer pour lui, il me l’a proposé assez vite. On s’est vu plusieurs fois, une

ou deux fois, et comme lui il cherchait quelqu’un, depuis un moment déjà, il me l’a

proposé. Il avait déjà eu une première expérience qui n’a pas abouti, et donc il m’a

demandé: « Est-ce que ça vous intéresserait de tirer mes gravures » ? Je lui ai dit

que oui, mais je ne l’ai jamais fait… ».

« Il était un extraordinaire pédagogue, et j’ai beaucoup appris. Pour tout. J’avais

une formation d’architecte d’intérieur, j’avais pas fait une école des beaux-arts, et

comme j’ai travaillé avec lui pendant six ou sept ans, tous les jours dans l’atelier, j’ai

vraiment beaucoup, beaucoup appris ».

« Pour les tirages, il n’y avait pas que moi. Car Goetz gravait énormément et

il adorait ça. Et il était vraiment un inventeur, il adorait inventer des choses, ça

l’amusait… En fait, il aimait graver pour différentes raisons : d’abord parce qu’il

aimait ça, mais aussi parce que pour lui la gravure c’était un moyen de diffusion. Ça

permettait, en ayant des épreuves à droite et à gauche qui circulaient, d’accéder à

beaucoup plus de public, par rapport à la peinture. Et il tenait beaucoup à cet aspect

de la gravure qui permettait de diffuser l’œuvre, d’être beaucoup plus accessible et

d’ouvrir à un public plus large. Et puis il aimait graver, beaucoup, ça l’amusait, ça le

détendait par rapport à la peinture ».

« Donc, à part moi, il y avait aussi l’imprimeur Luc Moreau, mais il n’a plus son

atelier à Paris. Il a fait beaucoup de petits livres d’artistes, il a même édité des

gravures de moi. Et avec beaucoup d’autres personnes. Goetz travaillait aussi avec

Robert Dutrou, l’ancien imprimeur chez Maeght, jusqu’à la fin de sa vie. Dutrou

s’était installé dans Yonne, je crois. Goetz faisait de très, très grandes gravures, et

il allait travailler chez Dutrou, et il l’imprimait ça. Il en avait probablement d’autres.

Je sais qu’il avait travaillé en Italie, il avait un imprimeur à Milan, Giorgio Upiglio.

Goetz aimait vraiment beaucoup graver et il avait toujours beaucoup de gravures…

Imprimer pour Goetz, ça me permettait de gagner ma vie, et je ne faisais que ce qu’il

me fallait pour gagner ma vie. Et puis je travaillais dans son atelier, avant d’avoir cet

Page 130: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

130 Annexe

atelier ici 80. J’ai travaillé à l’atelier de Goetz rue de Grenelle pour moi-même. C’était

un accord amical, et pas un statut… ».

« Quand j’ai commencé à travailler avec lui, comme il ne savait pas si j’allais

me débrouiller, si j’étais sérieuse ou pas, j’étais dans un petit atelier au fond d’une

cour. Et parce que cette maison était très grande, il faisait très froid. C’était au mois

de février. Il avait une petite presse en fonte qui était trsè lourde. J’ai travaillé un

an sur cette presse. Et quand il a vu que j’étais sérieuse, et que ça se passait bien

entre nous, il m’a dit : « On va acheter une plus grande presse, on va t’installer dans

mon atelier ». Et là je m’en souviens encore, c’est lui qui avait construit la table,

sur laquelle j’allais travailler, et on a installé la presse… Je travaillais tous les jours,

et Goetz était là. Il y avait deux ateliers dans cette maison, parce que la femme de

Goetz était aussi peintre, Christine Boumeester. En fait, cette maison appartenait

jadis à un sculpteur qui faisait des monuments aux morts, et les monuments aux

morts, c’est très, très grand, et très haut… C’est Goetz lui-même qui avait construit

le deuxième atelier, ça faisait douze mètres de haut, à peu près. Lui était en bas

et Christine avait été en haut. Et nous, on travaillait tous les deux en bas. Et il avait

des amis de lui qui travaillaient en haut, des anciens élèves. Moi, je n’ai pas connu

Christine. Elle est morte en 1971 et moi j’ai commencé en 1972 ».

« Il m’est arrivé de tirer des gravures de Goetz où il y avait vingt-deux couleurs

à préparer, à retrouver quand elles étaient épuisées, quand je n’avais pas préparé

suffisamment de couleur. Il y avait quatre ou cinq plaques, et donc rien que l’encrage

était assez complexe, ensuite l’essuyage… Le support utilisé, les matériaux utilisés,

étaient différents de la gravure traditionnelle, mais tout le reste était semblable à la

gravure traditionnelle. Donc il fallait quand même un métier, on ne pouvait pas faire

n’importe quoi, simplement parce que c’était du carborundum ».

Les éditeurs et les marchands

« Il y avait beaucoup d’éditeurs, beaucoup… Il y avait la Galerie Bellechasse… La

première édition que j’avais faite pour Goetz c’était pour La Hune. Il y avait Vision

nouvelle, j’ai fait des éditions, c’était beaucoup d’exemplaires je m’en souviens…

J’ai fait aussi trois éditions pour la Suède, pour Sonet. J’ai tiré aussi la suite des

quatre gravures pour Le Même au centre de Serge Brindeau ».

« Karl Masrour avait, dans la période où Goetz a travaillé avec lui, pratiquement

l’exclusivité de tout. Il était son marchand pendant cette période-là, mais Goetz a

toujours gardé Hervieu, toujours… Masrour s’occupait de beaucoup de choses, des

80 Rue Javelot, dans le 13e arrondissement .

Page 131: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 131

expositions à l’étranger, éditait des gravures, expositions à sa galerie, La Galerie

Bellechasse… Frédéric Nocéra, moi je ne le connais pas, pas du tout. Goetz m’en

avait parlé, mais je ne l’ai pas connu. Je voyais surtout Masrour, il venait beaucoup

chez Goetz, je voyais aussi Paul Hervieu, à chaque fois quand il montait à Paris il

venait, puis Hélène Trintignan, plusieurs fois, Christine Leurrent aussi, quand elle

avait sa galerie à Lille… J’en ai vu d’autres passer, mais qui étaient beaucoup moins

importants. Je me rappelle d’une exposition rue la Boétie, chez Bongers, à la Galerie

Jean-Claude Bellier, c’était les Chefs-d’œuvre corrigées ».

« En général, Goetz avait beaucoup de gravures qui étaient déjà prêtes, jusqu’au

bon à tirer. Puis les éditeurs pouvaient choisir dans ce qu’il avait. Sauf si quelqu’un

venait lui demander quelque chose de particulier, comme pour les variations sur

un thème de Brindeau… Les commandes proprement parler, c’était plutôt pour

des petits livres, associées à un texte. A ce moment-là Goetz faisait en fonction

du texte ».

« Je suis allé avec Goetz au Brésil en 1980. Karl Masrour avait organisé une

exposition de Goetz à Rio. Il a prévu aussi un cours de gravure, une semaine

dans l’atelier du Musée de Rio. Et comme je parlais portugais et je connaissais

les techniques de Goetz, et ma famille est là-bas, Goetz m’avait proposé

d’assurer le cours de gravure, et il a payé le voyage. Karl Masrour et mort dans

cette décennie-là ».

L’œuvre gravé de Goetz

« Goetz était très organisé en ce qui concerne son œuvre. Comme avec la gravure,

on peut toujours garder un exemplaire de chaque gravure qu’on a faite, Goetz avait

un exemplaire de chacune de ses gravures. Et pour les tableaux, il faisait lui-même

les photos de chacun de ses tableaux, il était vraiment très organisé pour ce genre

des choses. Son œuvre et celui de Christine, il y tenait énormément, il voulait que ça

reste. C’est pour ça qu’il a fait ce musée 81, parce qu’il croyait vraiment au musée, et

c’est pour ça aussi qu’il a donné à la Bibliothèque nationale de France. Il savait que

là s’allait resté, que les marchands, les galeries, ça va, ça viens, ça disparaît… ».

« Par rapport à d’autres, Friedlaender ou Hayter, qui n’étaient que graveurs,

Goetz était aussi peintre. La gravure pour lui c’était vraiment la diffusion. Il voulait

que l’imprimeur soit payé, puisque c’est son gagne-pain, mais lui… Et c’était pareil

pour l’enseignement. Goetz n’était jamais payé pour enseigner. Il voulait que le 81 Musée Goetz-Boumeester, Villefranche-sur-Mer.

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132 Annexe

modèle soit payé, que le massier soit payé, le loyer de l’atelier, mais lui ne voulait

pas d’argent. Il n’a jamais voulu d’argent pour enseigner. Sa peinture lui suffisait. Et

de tout façon il ne s’intéressait pas à l’argent, il avait ce qui lui fallait. Par contre, il

tenait à la diffusion, il tenait à ce que l’œuvre reste, à ce qu’elle ait une place… ».

« Il y avait toujours chez Goetz, en tout cas pendant le temps où j’étais là et

pouvais le voir travailler, une espèce de glissement entre les choses. Quand il faisait

une gravure, parfois il partait d’un tableau, et donc il simplifiait pour les besoins de

la gravure. Puisqu’il allait avoir quatre plaques, et tant de couleurs... En peinture

on fait ce qu’on veut, on met une touche, on recouvre… alors qu’en gravure, on

est obligé à simplifier, d’ordonner, pour pouvoir avoir ensuite un certain nombre de

plaques qu’on peut encrer d’une certaine façon, de façon à pouvoir multiplier. Et

le mouvement inverse est vrai aussi. Parfois il partait presque d’une gravure, s’il

n’était parti d’un tableau, pour faire un tableau » .

« Et la peinture de Goetz, est-ce qu’elle s’est vraiment simplifiée sous l’influence

de la gravure ? Je pense qu’il y a plusieurs aspects. L’âge aussi. Dans le parcours

d’un artiste, il me semble que d’une façon générale, il y a toujours une épuration de

travail au fur et à la mesure du parcours de l’artiste. Sauf exception, Picasso sautait

d’une chose à l’autre, ça se compliquait, ça se simplifiait, ça se recompliquait, fin,

c’est un cas un peu spécial… Mais d’une façon générale, je crois qu’il y a quand

même, dans l’art moderne, une épuration de travail. Quand on voit une rétrospective

d’un artiste, on voit souvent que ça s’est nettoyé, ça s’est dépouillé, s’est simplifié…

En général, ça va vers plus de légèreté. Dans le cas de Goetz, disons qu’il y avait

l’âge, et le parcours derrière lui, le fait qu’il passait d’une technique à une autre,

pas seulement d’ailleurs entre la gravure et la peinture, mais entre la peinture et le

pastel et la gravure aussi. C’est vrai que c’est un œuvre qui est complexe à saisir,

mais c’était un être qui était complexe à saisir. L’invention est vraiment au centre de

la façon de procédé de Goetz. Il a inventé un monde, c’est complètement inventé ce

monde flottant de Goetz, et c’était vraiment un choix d’être non figuratif. A l’époque

où il est devenu figuratif, c’était vraiment une grande bagarre chez les artistes.

Aujourd’hui on peut être ce qu’on veut, figuratif ou non figuratif, les deux à la fois…

A l’époque c’était vraiment un choix, et une espèce de bataille… Donc il avait choisi

d’être non figuratif, de s’éloigner de la représentation, il a complètement inventé ce

monde qui flotte… Il a inventé ses techniques de gravure, il a inventé tout ce dont il

avait besoin au service de la peinture, en fait, de l’expression… ».

Page 133: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 133

Sur l’artiste

« C’était quelqu’un qui était connu, il était connu de tous les artistes, en tant

qu’artiste, mais aussi en tant qu’enseignant, puisqu’il a enseigné toute sa vie.

C’était un merveilleux enseignant. Mais il n’était pas connu de grand, grand public.

Bien qu’il ait développé la gravure, qu’il les souhaitait diffuser, c’était pas quelqu’un

qui était connu de très, très grand public… ».

« Il était aussi très, très curieux des gens, et il avait rencontré pratiquement

tout le monde. Vraiment, il connaissait énormément de gens. J’ai rencontré une

foule d’artistes par Goetz, qui passait dans sont atelier, certains chez qui j’avais

l’occasion d’aller avec lui, il connaissait vraiment beaucoup de monde ».

« Il était très curieux, c’était un bricoleur, il adorait bricoler. Chez lui, dans la

maison, c’est lui qui faisait tout, il bricolait tout, l’électricité, les vitres, c’est lui qui

changeait, qui mettait en place… Il faisait des encadrements… C’était un homme

très intelligent, extrêmement intelligent. Tout ce qu’il pouvait suivre en recherches

scientifiques il lisait, il s’y intéressait beaucoup, il s’intéressait beaucoup à tout

ce qui était psychique… Je me souviens bien de sa bibliothèque, parce que j’ai

passé beaucoup de temps dans cette bibliothèque. Il y avait toutes les biographies

d’artistes qu’on peut imaginer, d’écrivains aussi, il s’intéressait aussi aux autres

formes d’art, à la musique, au roman, à la poésie, au cinéma… Il avait tout œuvre

de Vercors, avec qui il était très amis. Il avait beaucoup de choses médicales, des

choses sur la psychologie, des choses sur la psychanalyse, sur l’histoire aussi… Il ne

s’intéressait pas beaucoup à la politique. Il était de gauche, il avait décidé d’être de

gauche toute sa vie, mais il ne s’intéressait pas beaucoup à la politique… Autrement,

c’était un esprit très, très curieux de beaucoup de choses. Il était ingénieur lui-

même de formation. Il avait fait Massachusetts Institut of Techology. Il m’avait dit

qu’il avait décidé, très jeune, d’être comme son grand-père, inventeur. Et français,

comme lui, qui était alsacien ».

Page 134: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

134 Annexe

Denise Zayan, entretien du 17 avril 2009

L’académie Goetz

Qui enseignait la gravure chez Goetz ?

« Goetz n’enseignait pas la gravure en fait. Lui, il s’est contenté d’inventer, d’écrire

son livre. Et puis, à son académie il y avait Lorraine Bénic, ensuite il a eu Dikran

Dadérian, qui ont enseigné les techniques classiques. Et moi-même j’ai enseigné la

gravure au carborundum ».

Vous avez commencé à enseigner lorsque l’académie était située rue

d’Odessa ?

« Oui, je me souviens vraiment du toit qui était très, très abimé, il y avait des

trous, des pigeons… C’était dans l’ancien atelier d’André Lhote, dans le passage du

Départ, à gauche, il y avait un escalier en bois. L’atelier était au premier étage. Il y

avait aussi une mezzanine ».

L’atelier de la gravure, était-il dans la même pièce ?

« L’atelier de la gravure était dans une petite pièce sur le côté. Oui, nous étions

dans une petite pièce à côté, une ou deux, je ne sais plus. Je ne sais même pas

combien de temps j’ai enseigné, je ne sais plus à partir de quand ».

Le bâtiment était démoli en 1974, 1975…

« Oui, alors après Goetz a pris une autre académie, rue des Lyonnais, où j’ai

également enseigné ».

Vous avez enseigné en même-temps que Lorraine Bénic ?

« Lorraine Bénic enseignait la gravure d’une façon globale, je ne sais pas si

elle a enseigné aussi les techniques de Goetz. J’ai jamais été avec Lorraine, je l’ai

rencontré à Paris, mais je pense qu’elle venait du Canada en fait, elle n’était plus à

l’académie. Je n’ai jamais vu son enseignement. Dadérian a connu Lorraine ».

Page 135: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 135

Et qui enseignait la peinture ?

« Il y avait Marie-Louise Hardy, qui était la massière et qui s’occupait des modèles,

qui s’occupait de la partie administrative, de tous ça? Goetz venait deux fois par

semaine, le mardi et le jeudi, à partir de 16 heures ou 17 heures. Il commençait par

regarder le travail de ceux qui faisaient le modèle et ensuite il y avait des gens qui

travaillaient à l’académie, mais qui lui apportaient aussi les tableaux qu’ils faisaient

chez eux… J’ai assisté à certains nombre des corrections, j’aimais beaucoup ça,

j’aimais beaucoup écouter Goetz faire des commentaires… ».

Comment ça se passe ensuite rue des Lyonnais ?

« Moi et Dadérian, on enseignait la gravure et c’était toujours Marie-Louise Hardy

qui assistait Goetz pour la peinture. Il y avait un atelier de peinture central, et puis

il y avait des petites pièces aussi. Là je m’en souviens davantage parce que j’y

suis restée plus longtemps que rue d’Odessa. Il avait donc une toute petite pièce

où il y avait des bacs d’acide et puis une pièce où il y avait une presse et où on

travaillait. Ce n’était pas très grand, moins grand que rue d’Odessa. Mais je ne

suis pas restée très longtemps... Ensuite, Goetz a réussi à convaincre le directeur

de l’Académie américaine de Paris de créer un cours de gravure, et donc moi j’ai

enseigné à l’Académie américaine de Paris les techniques de Goetz pendant un an

ou deux. C’était à Paris, à Port-Royal. Il y avait un directeur qui s’appelait Monsieur

Roi et que Goetz connaissait. Il lui avait dit : « Pourquoi est-ce que vous ne faites

pas un atelier de gravure, moi j’ai quelqu’un pour vous... «. Et j’ai enseigné là-bas

pendant un an ou deux ».

Vous connaissez d’autres ateliers de gravure où on enseignait à l’époque les

techniques de Goetz ?

« Non ».

Qui a enseigné la gravure au carborundum à l’Académie Goetz après votre

départ ?

« Je crois qu’il y avait personne. Moi je l’enseignais par la suite à Port Royal, et

donc les personnes qui voulaient en faire, Dadérian les envoyais, en fait… ».

Page 136: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

136 Annexe

Quand est-ce que l’Académie Goetz a fermé ses portes ?

« Je ne sais pas, après le décès de Goetz, en quelle année ça s’est arrêté… En

fait, après 1979, je ne sais plus du tout ce qui s’est passé. A ce moment-là, je suis

partie enseigner à l’Amiens… J’ai continué à voir Goetz, mais pour ce qui et de

l’académie, je ne sais pas du tout ce qui s’est passé… Et je ne sais pas jusqu’à

quand ça a duré… ».

Qui étaient les élèves de l’Académie ?

« Moi j’avais connu Aude de Kerros, c’était déjà passage d’Odessa qu’elle est

venue faire de le carborundum. Il n’y a qu’elle dont je me souvienne. Je viens de

recevoir une invitation d’une personne qui était justement chez Goetz. Claude

Bourguignon. Chez Goetz il y avait tout le temps des artistes. Je sais que Szafran

parle de Goetz, Sam Szafran, il avait travaillé avec Goetz. Mais il y a eu énormément

de monde et beaucoup de gens dont on peut dire qu’ils étaient des amateurs.

C’était des gens qui vraiment aimaient ce qu’ils faisaient et ils le faisaient avec tout

leur cœur, ce qui ne correspond pas beaucoup au marché ».

Vous aussi vous étiez son élève dans l’académie ?

« Non, j’étais son élève mais chez lui. Je veux dire, j’ai beaucoup bénéficié de son

enseignement parce qu’il m’avait proposé de tirer ces gravures. Et donc j’étais là

tous les jours, et tout ce que Goetz disait c’était en général sur la peinture, peinture

ou gravure, et c’était ça l’enseignement. Donc, j’en ai beaucoup, beaucoup bénéficié.

Vraiment beaucoup tous les jours... Et j’ai beaucoup appris en étant que professeur

aussi. J’ai eu quand même la chance d’être auprès de Goetz pendant cinq, six,

sept ans, je ne sais plus, et il m’a appris beaucoup, beaucoup de choses. On allait

dans des musées ensemble, on voyait beaucoup d’expos, on voyageait ensemble,

on a fait beaucoup de choses. Et donc c’était tout le temps la peinture, la gravure…

J’ai été formée, mon esprit a été quand même très, très formé par Goetz, mais

sans que j’ai été l’élève. D’ailleurs c’est lui qui m’a proposé d’enseigner. Il m’avait

dit : « Ecoute, je n’ai personne... Tu es là auprès de moi, tu connais mes

techniques mieux que personne, je n’ai personne qui les enseigne, tu veux les

enseigner » ? Et je lui ai dit oui.

Page 137: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 137

Sur pastel :

« Goetz était un grand, grand spécialiste du pastel. Il connaissait très, très bien

l’histoire du pastel sec. Je me souviens encore d’une histoire qu’il m’avait racontée,

sur l’histoire du pastel. Au XVIIIe siècle, on avait le fixatif, mais on n’avait pas le

moyen de fixer. Comme il était lui-même très bricoleur et très inventeur, tout ça le

passionnait… Et il m’avait raconté que quelqu’un avait pris une grosse brosse et

il avait mis au point un mécanisme pour ramener tous les poils de la brosse, qui

étaient bloqués, qui étaient chargés de fixatif, et ensuite il y avait ce mécanisme,

on pouvait lâcher tout en même temps et ça partait… Il m’avait raconté d’autres

choses que j’ai oubliées. Mais il connaissait vraiment bien toute l’histoire du pastel.

Et puis ensuite il a lui mis au point sa technique de pastel chauffé ».

Sur les artistes qui ont appris la gravure au carborundum :

« Je me souviens une fois quand Pierre Schneider était venu chez Goetz, qui lui

montrait des trucs au carborundum. Il y avait aussi un artiste qui était à la galerie

chez Masrour, qui s’appelle François-Xavier Fagniez, que Masrour avait fait venir

aussi parce qu’il voulait que tous les artistes de sa galerie fassent du carborundum

pour faire connaître les techniques, je suppose… J’avais rencontré aussi Jean

Bertholle, qui était venu une fois. Mais les conditions de l’académie n’étaient pas

merveilleuses, il faut vous dire, donc moi j’avais un peu de scrupules, à ce que les

gens comme ça soient soumis à ces conditions, qui n’étaient pas extraordinaires…

C’était un peu vétuste, c’était un peu pauvre, c’était désordre, ce n’étaient pas

des conditions idéales pour faire un boulot bien propre… Mais l’enseignement était

sérieux. C’étaient les conditions de travail qui n’étaient pas parfaites ».

Les gens venaient plutôt pour la gravure au carborundum ou pour les techniques

classiques ?

« Les deux. Il y avait du monde pour les deux ».

Pour les gens qui n’étaient initiés aux techniques classiques, est-ce qu’il fallait

d’abord passer par ces techniques-là pour arriver au carborundum ?

« Non ».

Page 138: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

138 Annexe

On enseignait d’autres procédés à part la taille douce, taille d’épargne,

lithographie ?

« Non. Pas de gravure en relief ni de lithographie ».

Est-ce que les gens qui venaient apprendre le carborundum inventaient d’autres

possibilités sur place ? Ou est-ce que c’était appris selon le manuel de Goetz ?

« Vous savez, la gravure au carborundum, ce sont les principes de travail. Je veux

dire, on peut inventer à partir de ça, et Goetz a inventé la gravure au carborundum,

mais il y avait la gravure au sable, la gravure à l’émeri… A partir du moment où on

considère que ce sont des principes, des façons de travailler, vous pouvez très bien

inventer et adapter à vos propres besoins, ça dépend de l’esprit… L’essentiel pour

Goetz, c’était beaucoup plus l’esprit. Je me souviens quand j’ai voulu peindre à

l’huile, et je n’avais jamais peint à l’huile. Je lui ai demandé et il m’a dit : « Tu sais,

ce n’est pas très important… ». Je lui ai demandé comment est-ce qu’on prépare

la toile, et il m’avait dit : « Il y a tellement de techniques aujourd’hui, l’important

c’est l’esprit du travail ». Pour lui c’était l’esprit du travail, ce n’était pas tellement

d’être un virtuose de la technique. Donc, ce qu’il avait inventé, c’était une façon de

travailler. D’abord il disait qu’il avait inventé ça parce que son eau était très calcaire

et qu’il n’arrivait pas à dégraisser ces plaques. Il y avait toutes sortes de choses

comme ça qu’il racontait. Mais je crois que c’est surtout parce que c’était un esprit

très inventif, il avait besoin d’inventer des choses, Goetz, tout le temps. Et il n’a pas

inventé qu’en gravure, il a inventé dans ses pastels. A une époque il avait été invité

en Afrique noir, je ne sais plus dans quel république, dans une école des Beaux-arts,

et là il fabriquait du papier. C’était à partir de plantes du papyrus. Revenu en France,

il a voulu trouver du papyrus et il a fini par en trouvé dans le Midi, dans une grande

propriété, et il s’est mis à fabriquer du papier dans l’atelier, ça je m’en souviens

très, très bien. Des plantes du papyrus qu’on faisait bouillir, qui étaient d’un très

beau rouge, il mettait de l’eau de javel, ça blanchissait, on préparait la pate… Il a fait

énormément de peinture sur papyrus, jusqu’à la fin de sa vie. C’est toujours à partir

d’une invention, de quelque chose, ça l’a stimulé. Moi je comprends très bien ça, parce

que j’aime bien changer de technique. Pour Goetz, c’était une stimulation pour son

esprit, d’inventer des choses. Il était en plus très, très bricoleur. Chez lui il faisait tout

lui-même. Son chauffage, son électricité… ».

Page 139: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 139

Comment se passait l’admission dans l’atelier ?

« C’était complètement ouvert. Il n’y avait aucun critère de sélection. Les gens

qui voulaient apprendre quelque chose étaient admis à l’atelier. Goetz n’a jamais

été payé pour son enseignement, c’était le loyer qu’il fallait payer, les modèles et

puis le matériel, mais c’est tout. Et tout le monde était vraiment admis. Tout le

monde. Et Goetz était extrêmement respectueux du travail de tous. Quand c’était

sincère, quand les gens vraiment travaillaient avec le cœur, Goetz était vraiment

respectueux, il n’y avait aucune différence pour lui entre Picasso ou quelqu’un qui

était un débutant. D’ailleurs il m’avait dit une fois, je me souviens : « Si on me

demandait quels étaient les dix peintres que je trouve les meilleurs et que je préfère

vous serez surpris de mes choix. Ce n’est surement parmi les gens très, très connus

que je choisirais ». Et il achetait beaucoup de choses à des élèves. C’était mon

premier acheteur. Avant que je n’aie ma première exposition, en 1976, à la Galerie

Maître Albert à Paris, Goetz m’avait dit qu’il amait m’acheter quelque chose, et il

m’avait acheté deux gravures. Et c’étaient les deux gravures qui s’étaient le plus

vendu à l’exposition. Et il achetait à ses élèves parce que vraiment il aimait ».

« L’ambiance dans l’atelier était cordiale, chaleureuse, Goetz aimait ça, comme

une famille. Pour lui l’art c’était vraiment tout, vraiment toute sa vie. On ne faisait

des natures mortes, ceux qu’ils les faisaient, les faisaient chez eux, à titre personnel,

et les amenaient… A l’académie, c’était vraiment le modèle. Il avait un modèle, elle

s’appelle Josiane Poquet, elle était modèle aux Beaux-arts et à l’académie Goetz,

elle est peintre, un très bon peintre. Elle expose de temps en temps à Paris. Je

vais pratiquement toujours voir ses expositions. Je vois très bien l’endroit où elle

habitait, la première fois que je l’ai rencontré on est allé diner chez elle avec Goetz.

Elle était en train de peindre dans sa cour, rue des Gravilliers. Mais elle n’a jamais

fait de gravure. Elle était modèle pour gagner sa vie. Il y en avait plusieurs. Quand

moi je travaillais avec Goetz, comme il y avait deux ateliers dans la maison, il y avait

deux femmes qui venaient peindre, dans l’atelier de Christine. Il y avait Sachiko

Hosoda, une artiste japonaise qui a bien connu Goetz. Et il y avait à l’époque une

autre femme qui travaillait, elle s’appelle Dominique Bertrand. Elles étaient peintres.

Goetz préférait que la maison soit occupée, qu’il y a des gens qui en profitaient des

ateliers. Donc moi j’étais en bas, et comme Goetz était beaucoup dans le Midi,

presque six mois par an, Dominique, Sachiko et moi on déjeunait ensemble, on

se voyait dans la maison. Et quand j’ai commencé à travailler avec Goetz, Sachiko

peignait en haut déjà. Goetz ne voulait pas que la maison reste vide ».

Page 140: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

140 Annexe

« Il y avait son atelier, puis il y avait une petite cour, toute petite, c’était plutôt

un passage qu’une cour, et une toute petite pièce. Et dans cette petite pièce, il

y avait sa presse de l’époque, qui était une vielle presse en fonte, pas grande.

Et c’est là que j’ai commencé, pendant un an j’ai travaillé dans cette pièce-là.

Comme j’ai commencé à travailler en février, je peux vous dire que j’ai eu froid,

je n’oublierai jamais à quel point j’ai eu froid. Pendant un an j’ai travaillé dans

cette pièce et ensuite Goetz m’a dit : « Ecoute, nous allons acheter une plus grande

presse, je vais t’installer dans mon atelier ». Et il a lui-même construit la table,

ça je m’en souviens, il y avait des poutres en chêne, je montais sur les poutres,

lui, il pillait… Et puis il avait commandé une presse Lecornet, c’était une plus

grande presse, il avait acheté des encres, etc. C’est vraiment comme dans les

anciennes académies, où un apprenti nettoyait des pinceaux et après il avait des

promotions, il pouvait toucher aux tableaux. C’est un peu ce que j’ai vécu, si vous

voulez. Ca, c’était ma formation en quelque sorte. Quand il a vu que j’étais sérieuse

et que ça se passait bien, il a décidé que j’allais travailler dans de meilleurs

conditions ».

« D’abord, à travers d’une porte vitrée, en entrait dans le jardin. Ensuite on entrait

dans l’atelier qui était très grand quand même. Puis il y avait une porte au fond de

l’atelier à droite qui donnait sur une toute petite cour. On passait cette cour, et il y

avait cette toute petite pièce qui communiquait avec un salon qui était une pièce

immense. En fait il y avait deux entrées : une porte d’entrée comme dans toutes

les maisons, et cette porte d’entrée on arrivait dans un couloir, un hall, où il y avait

un tableau d’Hartung, un dessin de Picasso, et il y avait un escalier qui partait

de ce hall. Et en allant tout droit dans ce hall, on arrivait dans ce très, très grand

salon, où on n’entrait jamais parce qu’il était glacial. La maison était vraiment très

grande, c’était très froid, ce n’était pas chauffé partout. Je me souviens très bien

qu’il y avait un piano, et qu’il y avait un grand tableau de Picabia. Un très grand

tableau de Picabia avec un couple recouvert de fleurs. Et ce salon donc, avait une

porte au fond du salon qui donnait sur cette petite pièce où il avait la presse. La

verrière de l’atelier en bas était latérale. Et donc il y avait une porte qu’on pouvait

ouvrir là et rentrer directement dans l’atelier de Goetz. Donc il y avait un rentré

pour la maison et une entré directe dans son atelier. Et à mi-étage, avec l’escalier,

il y avait la bibliothèque, qui était une pièce extraordinaire où j’ai passé beaucoup,

parce que moi-même je faisais mon mémoire sur Munch. Jai tapé mon mémoire

dans cette bibliothèque. A côté il y avait une cuisine. Ensuite on montait quelques

marches, il y avait la chambre de Goetz, et puis on montait encore et on descendait,

et on arrivait dans l’atelier de Christine. C’était une maison de contes de fées. Des

tableaux partout, avec des gravures partout… ».

Page 141: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Annexe 141

« Dans sa bibliothèque, il y avait toutes les biographies des peintres. C’était

vraiment une pièce très, très agréable… C’était vraiment une bibliothèque, parce

qu’il y avait des livres partout, sur tous les murs. Il y avait aussi tous les numéros de «

Minotaure », des vieux magazines d’art, en noir et blanc encore. J’aimais beaucoup,

beaucoup cette pièce. Et il y avait une grande table, c’est tout. Et un poile, qui

chauffait. D’ailleurs Goetz adorait venir ici, dans mon atelier 82, parce qu’il faisait

chaud. A ses yeux, il y avait deux qualités : le dix-septième étage, et Goetz adorait

monter à pieds, et puis il faisait chaud ».

« Il y avait tous les livres de Jean Vercors, qui était un ami à lui, que j’avais

la chance de rencontrer aussi, plusieurs fois. Il y avait beaucoup de choses que

lui étaient envoyées par des amis qui écrivaient ou des livres avec les gravures

dedans ».

« Goetz, c’était vraiment la peinture… Puis les promenades, les voyages… Il

allait aux expositions. Ce qu’il aimait énormément c’étaient les chansonniers. Ça il

adorait, les chansonniers. C’était un homme qui aimait beaucoup rire et qui faisait

rire. On a beaucoup rit avec lui et lu même riait beaucoup. Et les chansonniers ça

lui faisait rigoler et il adorait faire ça. Quand il connaissait les gens, il allait voir leurs

concerts, mais ce n’était pas un curieux de l’histoire de la musique, ou d’aller à

concert comme des mélomanes. C’était au départ quand même un scientifique. Il

était à MIT, il était ingénieur, et il a gardé une grande curiosité pour tout ce qui était

scientifique. Ce qui concernait le fonctionnement de l’être humain l’intéressait.

Physique, biologie, le fonctionnement de toutes choses ».

« Aujourd’hui, cet acte de fois, choisir l’abstraction, n’a pas beaucoup de sens.

Mais à l’époque de Goetz c’était vraiment une conviction profonde. Vraiment un

acte de fois, c’était le début de la non-figuration. Aujourd’hui, on peut être figuratif,

non-figuratif, mélanger les choses, être à la limite des choses, ça n’a plus de sens

de se battre ni pour l’un ni pour l’autre d’ailleurs, je pense. Parce que l’ensemble

est vrai. Je veux dire, c’est vrai que plus on part dans l’univers, plus c’est infini. Si

on a une vision cosmique des choses, du monde, de l’univers, c’est infini. Alors si

on a qu’une vision terrestre, c’est fini. Mais ce n’est pas, à mon sens, entre ce qui

est figuratif et non-figuratif. Il est très probable, si on était en mesure de voir ce

qu’il y a dans l’univers, et je pense qu’il y a énormément de choses dans l’univers,

qu’on pourra en faire des figures. Les visionnaires font les choses qui existent dans

l’univers. Mais à l’époque, et Goetz lui avait une vision, je pense, il n’y avait pas une

vision cosmique. Peut-être qu’il l’a portait. Parce que c’est une sorte de cosmos, de

mini cosmos, ce qu’il représentait. Mais, il ne l’avouait pas en tout cas, en termes

82 Rue Javelot, dans le 13e arrondissement .

Page 142: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

142 Annexe

rationnels. Il ne croyait pas à une vie au-delà de la vie, ce n’était quelqu’un qui

croyait ».

« La première gravure que j’ai tiré pour Goetz c’était pour La Hune. Ça je me

souviens très, très bien, parce que j’étais morte de peur, on est allé avec le tirage,

et Gheerbrant était difficile, et il a regardé épreuve par épreuve. Et puis j’ai tiré pour

beaucoup d’éditeurs ».

Page 143: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz 143

Comme nous l’avons déjà précisé dans l’introduction de ce mémoire, le présent

catalogue a aussi pour but de répertorier la deuxième partie de la production

graphique de Henri Goetz, le catalogue de Masrour ne couvrant que sa production

jusqu’au mois de mai 1977. Nous avons toutefois décidé d’y inclure les estampes

datant d’avant mai 1977 ayant échappé à l’attention de Masrour, et notamment les

estampes exécutées pour des livres illustres, qui n’étaient pas systématiquement

incluses dans le catalogue de 1977.

Pour constituer ce catalogue, nous nous sommes appuyé, d’abord et surtout,

sur la collection de la Bibliothèque nationale de France, qui est donc, nous l’avons

vu, la seule collection importante en ce qui concerne l’œuvre gravé de Goetz. Après

avoir répertorié cette collection, nous nous sommes tourné vers la Galerie Hélène

Trintignan et la Galerie Aittouarès, qui possèdent de grandes collections d’estampes

de Goetz. Là, nous avons retrouvé un nombre conséquent de gravures de l’artiste

que nous ne connaissions pas encore. Nous avons également utilisé Internet pour

compléter nos recherches et avons réussi à trouver quelques estampes par ce

biais. Nos recherches ont été complétées dans à réserve des livres rares de la

Bibliothèque nationale de France, où nous avons répertorié les estampes exécutées

pour des livres illustrés. Nous avons retrouvé quelques livres illustrés manquant à

la collection de la Bibliothèque nationale de France chez Hélène Trintignan et à la

Bibliothèque municipale de Nice. Nous avons également pu vérifier les informations

sur de nombreuses gravures chez Maurice Rousseau à Nice.

Comme tout catalogue raisonné n’est jamais vraiment raisonné, le nôtre ne le sera

sûrement pas non plus, mais nous allons essayer de combler quelques lacunes que

Supplément au cataloguede l’œuvre gravé de Henri Goetz

Page 144: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

144 Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz

présente le catalogue de Masrour. Le principal défaut de son catalogue est qu’il n’a

pas répertorié toutes les gravures que Goetz a faites pour illustrer des livres illustrés.

Nous allons donc remédier à cela en incluant ces estampes dans notre répertoire.

Il s’agit tout d’abord des lithographies pour la Femme facile de Hugnet et pour les

Explorations de Picabia. Ensuite, nous allons aussi compter les variations publiées

dans la plaquette de la Galerie Ariel en 1966, puisqu’il s’agit d’estampes originales,

gravées par l’artiste, et non de simples reproductions. Vient ensuite le frontispice

oublié pour la partition de Paul Arma en 1970. En ce qui concerne les gravures pour

le Domaine pointillé de Michel Bohbot en 1972, Masrour n’a répertorié dans son

catalogue qu’une seule des trois estampes pour cette édition. Nous allons inclure

ici les deux estampes oubliées et répéter la troisième déjà répertoriée par Masrour,

afin d’assurer une meilleure lisibilité. Viennent ensuite quelques estampes datant

d’avant mai 1977, mais absentes du répertoire de Masrour. Une date probablement

de 1969, deux de 1973 et trois de 1976. Les trois dernières ont été éditées par la

Galerie Bellechasse, dont le directeur était Masrour, et le fait qu’elles ne se sont

pas retrouvées dans son catalogue est d’autant plus étonnant. Deux gravures de

1973 ont été éditées par la Galerie Paul Hervieu de Nice. Elles étaient dans les

cartons que Goetz gardait dans son atelier et sont entrées dans la collection de la

Bibliothèque nationale de France par le don de 2000. Il serait donc aussi intéressant

d’apprendre comment elles ont pu échapper à l’attention de Masrour. En ce qui

concerne celle datant probablement de 1969, elle est entrée à la collection de

la Bibliothèque nationale sous le numéro D 1983 01800, avec quarante autres

estampes d’auteurs divers, grâce à un don effectué le 10 décembre 1983, portant

la remarque « Tiroirs XXe siècle reliquat 1973 – 1983, 40 estampes (la plupart de

doubles), dessins, photographies d’artistes... ». Nous n’avons pas réussi à connaître

ni l’éditeur ni le tirage de cette estampe.

Les datations

Il convient de préciser ici que contrairement aux « cahiers noirs », ces registres

que Goetz tenait pour ces peintures, où il répertoriait depuis 1936 chaque tableau

peint, d’abord seulement avec le nom de son propriétaire et ensuite avec les

dimensions et en ajoutant toujours une photo de l’œuvre, rien de tel n’existait pour

ses estampes. Pourtant, toutes les épreuves que Goetz gardait dans ses cartons

d’estampes et qui ont été par la suite versées dans la collection de la Bibliothèque

nationale de France avaient la date, l’éditeur, le tirage et parfois le titre inscrits

au dos. Ces informations ont été fournies par l’artiste à la suite d’un inventaire

des estampes qu’il a effectué avec l’aide de Jean-Pierre Geay entre novembre

1988 et décembre 1988. Nous avons utilisé ces informations comme base pour

Page 145: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz 145

la datation de la plupart des estampes de notre catalogue. Certaines informations

ont pu être complétées dans d’autres collections. Enfin, nous avons marqué par

un point d’interrogation toutes les estampes non datées et pour lesquelles nous

avons nous-mêmes estimé la date, en nous appuyant sur des similarités formelles

ou autres.

Les techniques

Goetz maitrisait et a utilisé à différentes époques toutes les techniques de

l’estampe et surtout de la taille-douce, mais à partir de la mise au point de la

gravure au carborundum, il n’utilisera presque exclusivement que ce procédé dont

il était l’inventeur, seul ou en combinaison avec d’autres techniques de la taille-

douce, le plus souvent la pointe sèche, le burin, l’eau-forte. Nous connaissons

très peu de lithographies de Goetz, car il a abandonné très tôt cette technique

pour se consacrer entièrement au métier de graveur. Nous ne connaissons qu’une

sérigraphie, exécutée par Vercors, et au moins une taille d’épargne et quelques

utilisations de ce procédé en combinaison avec d’autres techniques.

Les tirages

Les tirages variaient selon l’époque. Au début, ils étaient très restreints,

les premières gravures n’étant tirées qu’à quelques exemplaires. Les tirages

augmentaient progressivement mais atteignaient rarement 100 exemplaires, et

cela principalement dans les années 1970 et 1980.

Goetz a réussi à éditer presque toutes ses estampes (à l’exception de celles

d’avant 1950) grâce au système particulier que nous avons décrit. Dans le cas

d’une édition, Goetz exécutait l’estampe jusqu’au « bon à tirer » et l’imprimeur

s’occupait du reste. En revanche, il tirait les estampes non éditées lui-même, à

quelques exemplaires seulement pour la plupart.

Goetz numérotait et signait ses épreuves au crayon. Le justificatif de tirage se

trouve toujours à gauche et la signature toujours à droite. La forme de la signature

variait selon l’époque (fig. 57), mais Goetz signait toujours tout en minuscules.

Les tirages sont numérotés en chiffres arabes, les chiffres romains étant réservés

aux suites spéciales. Les épreuves d’artistes et les épreuves hors commerce sont

numérotées en chiffres arabes avec la mention « e.a. » ou « h.c. », selon le cas. Les

estampes ne sont jamais signées dans la planche, sauf à quelques exceptions dans

Fig. 57Signatures de Goetz datant de 1949, 1981 et 1987

Page 146: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

146 Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz

les années 1940. Les estampes, en feuille ou dans les livres illustrés, sont toujours

tirées en toutes marges.

Les papiers

Les papiers utilisés sont presque toujours des vélins : Arches (Bellechasse, La

Hune) ou BFK Rives (Bellechasse), Moulin de Larroque, Carta Goya de la Cartiere

Filicarta (Upiglio), Filicarta di Brughiero (M’Arte), Guarro (Poligrafa), Fabriano. Il existe

aussi des rares épreuves sur papier japon, volant ou appliqué, surtout au début de

sa carrière et pour des exemplaires spéciales des éditions de livres illustrés.

Les épreuves d’essai, d’état, les bons à tirer

Grâce à la façon dont Goetz travaillait, il n’est pas resté derrière lui un grand

nombre d’épreuves d’état ou d’essai. Goetz travaillait de manière directe, surtout

lorsqu’il utilisait la gravure au carborundum. Il utilisait beaucoup les films transparents

qui permettaient de prévoir avec précision les superpositions des couleurs, ce qui

simplifiait énormément son travail et évitait les corrections. Goetz avait tendance à

réaliser toutes les plaques avant d’essayer les couleurs, ce qui laissait sans doute

un certain nombre d’épreuves d’essai, car il était connu pour son exigence quant

au coloris. Toujours économe, Goetz ne jetait pas ces épreuves. Elles devenaient

des « gravures corrigées », des œuvres nouvelles à part entière, situées quelque

part entre la gravure et la peinture. Dans la collection de la Bibliothèque nationale

de France, il n’y a qu’une seule épreuve d’essai. En revanche, il existe un certain

nombre des bons à tirer, que Goetz imprimait avant de passer l’exécution du tirage

à un imprimeur.

Les estampes non retrouvées

Malgré tous nos efforts, les exemplaires des estampes suivantes, dont nous

connaissons l’existence ou parfois même le tirage ou les dimensions, n’ont pas pu

être retrouvés. Il s’agit des estampes illustrant les livres suivants :

- Gaillard, Pierre, La Menthe religieuse, 1986 - 1 gravure.

- Benoît, Pierre-André, Notes hâtives, 1981 - 1 gravure.

- Geay, Jean-Pierre, Chemins de la forêt, 1988 - 1 gravure exécutée pour 15

exemplaires de tête.

Page 147: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz 147

Nous les avons tout de même toutes incluses dans notre catalogue, parfois sans

aucune information, de manière à ce qu’elles ne soient pas oubliées.

Explications des rubriques du catalogue

Le système de numérotation de notre catalogue, sans doute inhabituel, à été

emprunté à Daniel Morane, l’auteur de nombreuses catalogues raisonnés des

graveurs. Il l’a utilisé dans son catalogue raisonné de l’œuvre gravé d’Adolphe

Beaufrère. Ce type de numérotation présente plusieurs avantages : d’abord, les

deux premiers chiffres donnent tout de suite l’année de création. Ensuite, les deux

dernières donnent le numéro de l’estampe dans l’année concernée et permettent

de rajouter facilement une estampe retrouvée ultérieurement sans perturber l’ordre

du catalogue.

Goetz ne donnait pas toujours de titre à ses estampes. Certaines avaient leur

nom, d’autres étaient connues comme Composition, Abstraction, etc., suivi d’un

numéro. Dans notre catalogue, les titres en oblique sont ceux donnés par l’artiste,

sauf dans le cas des livres illustrés. Dans ce dernier cas, nous avons utilisé le titre

du livre suivi ou non d’un numéro : ce sont donc des titres factices, d’après les titres

des ouvrages dans lesquels se trouvent les estampes, sauf dans le cas de L’Avant-

sommeil de Jean Guichard-Meili. Les estampes ornant cet ouvrage portent toutes

un titre, tiré de la première ligne de chaque poème. Autre exception, la plaquette de

la Galeire Ariel de 1966 : il s’agit là des titres donnés dans la publication originale.

Les titres entre crochets sont les titres sous lesquels les estampes sont classées

dans la collection de la Bibliothèque nationale de France, sauf dans le cas de

l’annotation « sans titre ». Il s’agit ici d’estampes dont, à la fois, on ne connaît pas

le titre et qui ne se trouvent pas à la collection de la Bibliothèque nationale de

France, et pour lesquelles nous nous sommes abstenu de les inventer. Un jour,

lors de l’établissement d’un catalogue raisonné définitif des estampes de Goetz,

il faudra peut-être reprendre toutes les estampes non titrées par artiste et leur

donner des titres avec les numéros qui se suivront, en utilisant des termes comme

abstraction ou composition.

En ce qui concerne les termes techniques, nous avons préféré l’expression

« procédé Goetz » à la « gravure au carborundum ». Comme nous l’avons déjà expliqué,

nous considérons l’invention de Goetz plutôt comme des principes de travail qu’une

technique bornée par des procédés bien définis et limitée par les matériaux qu’elle

utilise. Au lieu d’appeler « gravure au carborundum » une estampe réalisée

d’après les principes de Goetz mais pas forcément avec du carborundum, nous

Page 148: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

148 Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz

avons préféré désigner les procédés que Goetz utilisait sous le nom générique

de « procédé Goetz ». Lorsqu’il s’agit des procédés classiques de taille-douce, ils

sont nommés selon les termes habituels. En revanche, dans le cas des mélanges

de certains procédés classiques, souvent l’eau-forte sur métal, avec ceux de Goetz,

nous avons préféré garder la dénomination « procédé Goetz ». Nous considérons

que le fait que Goetz mélangeait quelques techniques classiques dans la réalisation

de ces estampes faisait partie du principe de son procédé, et étant donné que cela

ne représente qu’un pourcentage mineur par rapport à toutes les interventions sur

les plaques d’une estampe, nous avons décidé de ne pas préciser à chaque fois le

procédé classique utilisé dans le mélange.

Les dimensions des planches sont données en centimètres, au coup de planche,

la hauteur précédant la largeur. Les lithographies de La Femme facile font exception

à cette règle, étant donné qu’elles ne sont pas clairement délimitées et se mêlent

au texte. Dans leur cas, nous avons donné les dimensions de la feuille.

Dans la rubrique « Tirage », ex. signifie exemplaire(s), e.a. – épreuve d’artiste, h.c.

- hors commerce, d.l. – dépôt légal, B.N. - Bibliothèque nationale (de France).

La rubrique « Collections » donne le nom d’une ou plusieurs collections où se

trouve l’estampe en question.

La rubrique « Ouvrage illustré » donne le nom de l’ouvrage dans le cas des

estampes réalisées pour les livres illustrés.

La rubrique « Commentaire » comporte des commentaires sur certaines

estampes.

Page 149: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

149

Date

Technique

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Imprimeur

Ouvrageillustré

Commentaire L'Ithos et pathos des choses,

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Commentaire L'Ithos et pathos des choses,

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Femme facile

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Ouvrageillustré Femme facile,

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Femme facile

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Variation sur un thème n°2

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Variation sur un thème n°3

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Variation sur un thème n°4

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Variation sur un thème n°5

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Goetz, 13 ans de peinture,

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2e variation sur un thème n°1

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Goetz, 13 ans de peinture,

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2e variation sur un thème n°2

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Trois transparences

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Trois Transparences, pour flûte ou hautbois ouviolon et alto,

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Domaine pointillé

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Domaine pointillé,

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Page 153: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Domaine pointillé

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Domaine pointillé,

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Domaine pointillé

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Domaine pointillé,

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Échappé du mur

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Page 154: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Joies Siderales

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Page 158: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Nocturnos e altre poesie

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Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie

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Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie

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Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie

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Nocturnos e altre poesie.

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Page 159: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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L'Avant sommeil

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L'Avant-sommeil

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Ce noeud qui se dénou...

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L'Avant-sommeil

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J'ouvrirai une fenêtre...

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L'Avant-sommeil

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Humus

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L'Avant-sommeil

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Il n'est pas trop difficile

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L'Avant-sommeil

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Cette suite de labyrinthe...

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L'Avant-sommeil

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Là où s'arrête la trace...

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L'Avant-sommeil

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Un mauvais lieu

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L'Avant-sommeil

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Il y a, caché...

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L'Avant-sommeil

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Titre

Page 160: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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L'araignée dévore sa victime...

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L'Avant-sommeil

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Titre

Impossible tôle

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L'Avant-sommeil

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Petite nocturne II

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Titre

Petite nocturne I

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Titre

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Titre

Page 161: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Carrée

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Titre

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Titre

Obsession I

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Titre

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Titre

Nocturne II

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Titre

Gai

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Titre

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Titre

L’Eté

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Titre

Diurne I

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Titre

Page 162: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

162

Nocturne I

Date

Technique

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Editeur

Imprimeur

Ouvrageillustré

Commentaire

Collections

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Nocturne III

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Intérieur

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Formes blanches

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Formes sur bleu

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Formes volantes

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Verte

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Formes flottantes

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Forme estivale fond jaune

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Gravure fond rose

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Echo ornage

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Au-delà des frontières

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Page 176: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Les Fonds de la nuit

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Fin de course

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Fin de course

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Page 177: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Envol de l'arbre amer

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Envol de l'arbre amer

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Page 178: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Picabia accuse

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Picabia accuse,

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L'alphabet de Henri Goetz

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L'Alphabet de Henri Goetz,

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Page 179: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Sans illustration

La Menthe religieuse

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La Menthe religieuse,

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L'Invisible demeure

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Page 180: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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L'Invisible demeure

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L'Invisible demeure

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Le Regard et son double

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Le Regard et son double

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Le Regard et son double

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Le Regard et son double

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Dire... redire...

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A la croisée des regards

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Carte de visite

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Théâtre des formes

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Sans illustration

Chemins de la forêt

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Page 181: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

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Chemins de la forêt

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Chemins de la forêt

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Chemins de la forêt

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Chemins de la forêt

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Page 192: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

192 Sources

Sources manuscrites

Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky

Dossier Henri Goetz

- Centre national d’art contemporain, fiche individuelle remplie par

Goetz, non datée (datant probablement de 1968).

- Centre de documentation sur les artistes (Maison des artistes),

questionnaire rempli par Goetz, non daté (datant probablement de 1966).

Fonds Henri Goetz

- Ma vie, mes amis, texte dactylographié de l’autobiographie de Henri

Goetz, annoté de l’auteur.

Fonds Constantin Brancusi

- Une visite de l’atelier, texte tapuscrit de Henri Goetz, non signé, non

daté (datant probablement d’entre 1947 et 1957).

- Visite de l’atelier, texte tapuscrit de Henri Goetz, signé, non daté (datant

probablement de 1945).

Archives privées de la famille Rey, Perpignan

- Dix-huit lettres envoyées entre 1967 et 1987 par Henri Goetz et

Christine Boumeester à Maître Rey, collectionneur et amateur d’art de

Perpignan.

Sources imprimées

Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky

Dossier Henri Goetz

- Documents divers : catalogues, cupures de presse, invitations.

Sources

Page 193: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Sources 193

ARTS, 1949 - J. B., « Graphies », Arts, n° 241, Paris, 1949.

ARTS, 1951 - G.B., « Graphies », Arts, n° du 4 mai, Paris, 1951.

BOSQUET, 1975 – Bosquet, Alain, « Goetz surréaliste abstrait », L’Oeil, n° 239,

p. 46-47, Paris, 1975.

COMBAT, 1951 - « Le groupe Graphies », Combat, n° 2117, Paris, 1951.

GAZETTE DE LAUSANNE ET LE JOURNAL SUISSE, 1949 - R. de C., « Une exposition de

graveurs français », Gazette de Lausanne et le journal suisse, n° 123, Lausanne,

1949.

GOETZ, 1950 - Goetz, Henri, « A Parigi nuove technice », Numero n°1, année 2,

31 janvier – 31 mars, Florence, 1950.

GOETZ, 1969 - Goetz, Henri, La Gravure au carborundum : nouvelle technique de

l’estampe en taille douce, postface par Joan Miro, Paris, Maeght, 1969, 39 p.

GOETZ, 1974 - Goetz, Henri, La Gravure au carborundum : nouvelle technique de

l’estampe en taille douce, postface par Joan Miro, Paris, Maeght, 1974, 52 p.

GOETZ, 1982 – Goetz, Henri, « Ma vie, mes amis », Cahiers de Musée national

d’art moderne, n° 82/10, p. 296-315, Paris, 1982.

GOETZ, 2001 - Goetz, Henri, Ma vie, mes amis, Paris, Climats, 2001, 180 p.

GOETZ, 1975 - Goetz, Henri, « Mes démarches », lettre manuscrite datée de 10

juin 1975, reproduite dans Xuriguera, Gérard, Henri Goetz, catalogue d’exposition,

Paris, Galerie La Pochade, 1975.

GUILLY, 1949 - Guilly, René, « Graphies », Combat, n° 1449, Paris, 1949.

ROUSSEAU, 1985 - Rousseau, Maurice, La Gravure au carborundum, préface par

Henri Goetz, Monte-Carlo, Maurice Rousseau, 1985, 31 p.

Page 194: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

194 Sources

Sources iconographiques

Département des estampes et photographie de la Bibliothèque nationale de France

DC-2875(1)FT2, DC-2875(2)FT2, DC-2875(3)FOL, DC-2875(4)FOL, DC-2875(1)

FT4, DC-2875(3)FT4, DC-2875(6)FT4 - œuvres montées de Henri Goetz.

DG-1 (Goetz, Henri Bernard) BOITE FOL (boîtes hors catalogue), DG-1 (Goetz,

Henri Bernard) BOITE FOL (boîtes catalogue), DG-1 (Goetz, Henri Bernard) FT5

(boîtes hors catalogue), DG-1 (Goetz, Henri Bernard) FT5 (boîtes catalogue), DH-1

(Goetz, Henri Bernard) FT6 – œuvres non montées de Henri Goetz.

GEAY, Mutations, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Mutations, une gravure et vingt dessins

reproduits, Bussy-le-Repos, Porte du Sud, 1989, 5 p.

SNR AFF-3 (Goetz, Henri Bernard) – affiches d’exposition.

YB3-5000 (Goetz, Henri Bernard)-BOITE PET FOL - recueil de diverses pièces.

Livres illustrés

Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France

CLARAC-SÈROU, 1950 – Clarac-Sérou, Max, Inductives, trois gravures, Angers,

J.Boutin, 1950, 25 p.

GRAPHIES, 1949 - À la gloire de la main, ouvrage collectif, une lithographie, Paris,

Groupe Graphies, 1949, 53 p.

GEAY, Au-delà des frontières, 1985 – Geay, Jean-Pierre, Au-delà des frontières, une

gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1985, 2 f .

GEAY, Bords perdus, 1989 - Geay, Jean-Pierre, Bords perdus, deux gravures,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 5 p, 2 f.

GEAY, Brusquement affranchi, 1988 - Geay, Jean-Pierre, Brusquement affranchi,

une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1988, 2 f.

Page 195: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Sources 195

GEAY, Carte de visite, 1987 – Geay, Jean-Pierre, Carte de visite, une gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987, non paginé (4 f.).

GEAY, Ce qui m’emporte, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Ce qui m’emporte, trois gravures,

Nice, Librairie Jacques Matarasso, 1989, 32 p.

GEAY, Chemins de la forêt, 1988 – Geay, Jean-Pierre, Chemins de la forêt, quatre

gravures et une gravure supplémentaire pour quinze exemplaires de tête, Paris,

Robert et Lydie Dutrou, 1988, 21 p, 4 f.

GEAY, Fin de course, 1985 - Geay, Jean-Pierre, Fin de course, deux gravures,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1985, 4 p, 2 f.

GEAY, Les Fonds de la nuit, 1985 – Geay, Jean-Pierre, Les Fonds de la nuit, une

gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1985, 3 p, 1 f .

GEAY, L’Invisible demeure, 1987 – Geay, Jean-Pierre, L’Invisible demeure, deux

gravures pour trente-sept exemplaires et trois gravures pour seize exemplaires,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987, 22 p.

GEAY, La Ligne d’en face, 1989 - Geay, Jean-Pierre, La Ligne d’en face, deux gravures,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 5 p, 2 f.

GEAY, Le Regard et son double, 1987 – Geay, Jean-Pierre, Le Regard et son double,

deux gravures, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987, non paginé (15 p.).

GEAY, Relèvement, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Relèvement, une gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 24 p.

GEAY, Resté à part, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Resté à part, une gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 24 p.

GOETZ, 1986 - Goetz, Henri, Picabia accuse, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La

Balance, 1986, non paginé (5 p, 1 f.).

GUICHARD-MEILI, 1979 – Guichar-Meili, Jean, L’Avant-sommeil, onze gravures,

Paris, Coprah 3, 1979, 24 p, 11 f.

Page 196: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

196 Sources

GUICHARD-MEILI, 1982 - Guichard-Meili, Jean, Littérarture, huit gravures, Nice,

Jacques Matarasso, 1982, 38 p.

HUGNET, 1942 - Hugnet, Georges, La Femme facile, treize lithographies, Paris,

Galerie Jeanne Bucher, 1942, 14 p.

PICABIA, 1947 - Picabia, Francis, Explorations, dix lithographies, Paris, Pro Francia,

1947, non paginé (44 p).

Bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice

MARI, 1969 - Mari, Paul, L’Emploi du temps, une gravure, Paris, Chambelland, 1969,

352 p.

Galerie Hélène Trintignan, Montpellier

BENOIT, 1987 - Benoît, Pierre-André, Dire... Redire..., une gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987.

CAIL, 1985 – Cail, Nadine, Envol de l’arbre amer, deux gravure, Lagrasse, Verdier,

1985, 41 p.

RIVA, 1975 - Riva, Emmanuelle, Le Feu des miroirs, une gravure Paris, Libraire

Saint-Germain-des-Prés, 1975, 79 p.

Lydie et Robert Dutrou, La Métairie Bruyère, Yonne

GOETZ, 1990 - Goetz, Henri, L’Ithos et le pathos des choses, Paris, Robert et Lydie

Dutrou, 1990.

Cole & Contreras Books / Sylvan Cole Gallery, Sitges, Barcelone

GUILLÉN, 1979 – Guillén, Jorge, Nocturnos e altre poesie, quatre gravures, Milan,

M’Arte Edizioni, 1979.

Livres non localisés

BENOIT, 1989 - Benoît, Pierre-André, Notes hâtives, une gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989.

Page 197: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Sources 197

BRINDEAU, 1975 - Mari, Serge, Le Même au centre, quatre gravures, Paris,

Empreinte, 1975.

GAILLARD, 1986 - Gaillard, Pierre, La Menthe religieuse, une gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1986.

GUICHARD-MEILI, 1987 - Guichard-Meili, Jean, Thesaurus, dix-huit dessins

originaux pour dix-huit exemplaires de tête, Quimper, Calligrammes, 1987, 60 p.

Sources filmographiques

RESNAIS, 1947 - Resnais, Alain, Portrait de Henri Goetz, 1947.

REAL, 1987 - Réal, Jean, Le Procédé Goetz, film avec participation de Brisson,

Clavé, Coignard, Papart et Goetz, 1987.

Sources radiophoniques

Bibliothèque nationale de France, archives de l’Institut national d’audiovisuel

- Arthur, José, A l’heure du pop, émission radio diffusée le 11 décembre 1989 en

direct sur France Inter et consacrée entièrement à Henri Goetz.

- Périnaud, andré, Forum des arts, émission diffusée le 5 février 1972 en direct

sur France Culture, avec la participation de Henri Goetz.

Archives

Archives de Paris

- D1P4 1342, calepins des propriétés bâties (rue Daguerre 5-21).

- D1P4 1278, calepins des propriétés bâties (rue Bardinet 3-23).

- 1178 W 1573, 1920, 2020 et 2032, permis de construire 1963-1980 (passage

du Départ).

- D2M8 618, recensement de 1936, résidants ordinaires, 14e arrondissement,

quartier de Petit Montrouge.

- Voirie, VO11 973 et 974 (passage du Départ).

Page 198: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

198 Bibliographie

ARDECHE, 1990 – Geay, Jean-Pierre et Goetz, Henri, Livres et manuscrits, catalogue

d’exposition, Ardèche, Fédération des œuvres laïques de l’Ardèche, 1990, 117 p.

ARIEL, 1966 - Goetz, 13 ans de peinture, 1952-1965, janvier 1966, Paris, Galerie

Ariel, 1966, 16 p.

BELLIER, 1975 - Henri Goetz, catalogue d’exposition, mai - juin 1975, Paris, Galerie

Jean-Claude Bellier, 1975, non paginé.

BERGSTRÖM, 1973 - L’Oeuvre gravé d’Henri Goetz 1940-1972, texte de Christian

Tisari, catalogue par Gunnar Bergström, Stockholm, Sonet, 1973, 126 p.

DEUX ILES, 1949 - Henri Goetz, œuvres récentes, catalogue d’exposition, Paris,

Galerie des Deux Iles, 1949.

DI MARTINO, 1991 – Di Martino, Enzo, Oltre il segno, quattro maestri della grafica

contemporanea : Johnny Friedlaender, Henri Goetz, Stanley Hayter, Emilio Vedova, La

Biennale di Venezia, Archivio storico delle arti contemporane, Milano, Fabri, 1991,

95 p.

DUROZOI, 1997 – Durozoi, Gérard, Histoire du mouvement surréaliste, Paris,

Hazan, 1997, 759 p.

FAURÉ, 1982 - Fauré, Michel, Histoire du surréalisme sous l’Occupation,

Les « Réverbères », « La Main à plume », Paris, La Table ronde, 1982, 467 p.

GALPÉRINE, 1972 - Galpérine, Alexandre, Goetz, Paris, Le Musée de poche, 1972,

109 p.

GEAY, Goetz, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Goetz, Paris, Cercle d’art, 1989, 208 p.

GHEERBRANT, 1988 - Gheerbrant, Bernard, À La Hune : histoire d’une librairie-

galerie à Saint-Germain-des-Prés, Paris, A. Biro ; Paris, Centre Georges Pompidou,

1988, 199 p.

Bibliographie

Page 199: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Bibliographie 199

ISSOIRE, 1993 - Geay, Jean-Pierre, Goetz, catalogue d’exposition, 3 avril - 9 mai

1993, Issoire, Centre culturel d’Issoire, 1993, non paginé (28 p).

LALANDE, 1998 - Lalande, Françoise, Christian Dotremont, l’inventeur de Cobra,

Paris, Stock, 1998.

LORSKY, 1952 - Lorsky, Jean-Roger, Henri Goetz, Paris, Presses littéraires de

France, 1952, 19 p.

MASROUR, 1981 - Henri Goetz : peinture, pastel, dessin, gravure, 1930-1980, textes

de Bernard Dorival, Jean Guichard-Meili, Gérard Xuriguera, Guy Sautter, Gérald

Gassiot-Talabot, Gerg W. Költzsch et Michel Melot, répertoire de l’œuvre par Karl

Masrour, Pollenza-Macerata, La nuova Foglio editrice, Paris, Art Moderne, 1981,

211 p.

MASROUR, 1977 - L’Œuvre gravé de Goetz, catalogue général de l’oeuvre gravé

préface d’Oscar Reutersvärd, texte de Michel Melot et Denise Zayan, catalogue

par Karl Masrour, avec « Gravure au carborundum et autres techniques » par Henri

Goetz, Paris, Art Moderne, 1977, 143 p.

MELOT, 1981 - Melot, Griffits, Fields, Béguin, L’Estampe : histoire d’un art, Genève,

Skira, 1981, 285 p.

MUSEE PAUL VALERY, 1978 - Henri Goetz, Christine Boumeester, catalogue

d’exposition, mai - juin 1978, Ville de Sète, Musée Paul Valéry, 1978, 18 p.

Nouvelles de l’estampe, revue publiée par le Comité national de la gravure

française et le Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, dix fois par an de

1963 à 1971, bimestriel depuis 1972. Nouvelles de l’estampe n° 2 et n° 4 (1969),

1972, n° 8 (1973), n° 13 et n° 14 (1974), n° 34/35 (1977), n° 42 (1978), n°

54 (1980), n° 97 et n° 100 (1988), n° 107 (1989), n° 114 (1990).NOCÉRA, 2001

- Nocera, Frédéric, Catalogue raisonné : peintures – œuvres sur papier, Tome I, 1930-

1960, Paris, éditions Garnier-Nocera, 2001, 311 p.

PICABIA, 2002 - Francis Picabia : singulier idéal, catalogue de l’exposition

présentée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 16 novembre 2002 - 16

mars 2003, Paris, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 461 p.

Page 200: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

200 Bibliographie

PINIES, 2003 - Piniés, René, Francis Picabia : écritures et dessins, rencontres avec

Pierre-André Benoît, Henri Goetz, Christine Boumeester, Michel Sima, Carcassonne,

Centre Joë Bousquet et son temps, 2003, non paginé.

ROUBAIX, 1979 - Henri Goetz, 30 œuvres de Henri Goetz à Roubaix, catalogue

d’exposition, 7 décembre 1979 - 20 janvier 1980, Rubaix, salle d’exposition du

Forum, 1979, 4 p.

SEUPHOR, 1962 – Seuphor, Michel, La Peinture abstraite, sa genèse, son

expansion, Paris, Flammarion, 1962, 327 p.

STRASBOURG, 1995 - Geay, Jean-Pierre, Henri Goetz, rétrospective, catalogue

d’exposition, 31 août - 29 septembre, Strasbourg, Chambre de commerce et

d’industrie de Strasbourg ; Paris, éditions Garnier Nocera, 1995, 78 p.

TRINTIGNAN, 2009 – Henri Goetz, catalogue d’exposition, texte de Numa

Hambursin, Montpellier, Galerie Hélène Trintignan, 2009, 63 p.

VERCORS, 1958 - Bruller, Jean, alias Vercors, Goetz, Paris, Le Musée de poche,

1958, 63 p.

ZAYAN, 1999 - Zayan, Denise, La Place et le rôle de la gravure dans l’œuvre de

Henri Goetz, catalogue d’exposition, « Carborundum Printmaking: Henri Goetz and His

Legacy », Boston, Boston University Art Gallery, 2003.

Page 201: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Index des noms 201

Index des noms

AAcadémie Colarossi, Paris 32Académie de la Grande Chaumière, Paris 32, 33, 103Académie Julian, Paris 32Académie Ranson, Paris 103Aittouarès, Jean-François 13, 70, 73, 143Alloro dir Goa, Georges 61Aloy, José 13Arp, Hans 37Atelier Pasnic, Paris 14, 83, 96, 97, 98, 99Atlan, Jean-Michel 26, 38BBachelard, Gaston 52Bastit, Tristan 14, 56, 71, 72Beaudin, André 52Bénic, Lorraine 13, 16, 17, 80, 108, 109, 134, 201Bensasson, Roger 14, 107, 110Bergström, Gunnar 16, 17, 27, 198Bertholle, Jean 16, 51, 111, 137Bloch, Pierrette 103, 107Bohbot, Michel 65, 71, 144Bonnard, Pierre 38, 49Borras, Marie-Luisa 38Bosquet, Alain 35, 49, 193Bott, Francis 38Boumeester, Christine 13, 18, 33, 35, 36, 38, 40, 44, 46, 47, 50, 51, 73Bourguignon, Claude 13, 106, 107, 110, 136Bozzolini, Silvano 52Brancusi, Constantin 38Braque, Georges 33, 38Brauner, Victor 26Bréa, Juan 34Breton, André 34, 35Brindeau, Serge 57, 58, 65, 130, 131Brisson, Pierre-Marie 69, 97, 98, 111Bruller, Jean, alias Vercors 16, 53, 54, 68, 100, 101, 145Bryen, Camille 51

CCahn, Isabelle 13Cail, Évelyne 107Cail, Nadine 13, 65, 107Charpentier, Philippe 25Chastel, Roger 50, 51Chicha, Céline 11Clarac-Sérou, Max 54, 65Clavé, Antoni 69, 81, 85, 97, 99, 111Coignard, James 69, 80, 85, 96, 97, 98, 99, 111Cole, William 14Coron, Antoin 13Courtin, Pierre 26, 50, 51Coutaud, Lucien 40Couy, Jean 52DDadérian, Dikran 13, 17, 81, 107, 109, 110, 111, 123, 134, 135Dali, Salvador 34Dalvit, Oscar 52Davies, Richard 111Degas, Edgar 40Delaunay, Sonia 37Desclaux, Séverine 14De Silva, Vieira 38De Staël, Nicolas 37Domela, César 26, 29, 38, 40, 76Dominguez, Oscar 34Dorival, Bernard 22, 23Dotremont, Christian 36, 52Dubuffet, Jean 26Durand, Sylvain 50, 51Duthoo, Jacques 52Dutrou, Corinne 13Dutrou, Robert 13, 17, 58, 63, 71, 80, 81EEditions Art Moderne, Paris 17Editions Cercle d’Art, Paris 24, 58Editions du Musée de poche, Paris 16, 53, 71Editions La Nuova Foglio, Milan 19

Page 202: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

202 Index des noms

Editions Maeght, Paris 15, 27, 41, 53, 55, 80, 81, 93, 109, 129Editions Musée de poche, Paris 16, 53, 71Editions Poligrafa, Barcelone 13, 24, 58, 59, 76, 146Editions Robert et Lydie Dutrou, La Métairie Bruyère 58, 71Editions Sonet, Stockholm 16, 17, 22, 27, 56, 63, 64, 68, 71, 75, 130Eluard, Paul 37, 52Ernst, Max 38, 40Estienne, Charles 38Everling, Germaine 37FFagniez, François-Xavier 111Fautrier, Jean 26, 51, 125Fiorini, Marcel 26, 51Flocon, Albert 26, 48, 50, 51, 53, 103, 122, 126Friedlaender, Johnny 24, 48, 52, 53, 54, 62, 129, 132GGaillard, Pierre 65, 146Galerie Hambursin-Boisanté, Montpellier 69Galerie Anne Lettrée, Paris 58, 71, 86, 87Galerie Ariel, Paris 25, 53, 55, 56, 70, 144, 147Galerie Bellechasse, Paris 18, 56, 57, 58, 70, 76, 144, 146Galerie Cavalero, Cannes 53, 56, 71Galerie des Deux Îles, Paris 50Galerie Glemminge, Malmö 18Galérie Hélène Trintignan, Montpellier 18, 29, 34, 40, 44, 56, 58, 69, 75, 76, 91Galerie Jean-Claude Bellier, Paris 36, 131Galerie Jeanne Bucher, Paris 37, 38, 49, 66, 71, 196Galerie La Hune, Paris 26, 44, 51, 53, 55, 56, 68, 71, 74, 75, 130, 142, 146Galerie L’Oeil dense, Paris 77Galerie La Pochade, Paris 45, 71Galerie Nina Dausset, Paris 51, 52Galerie Paul Hervieu 43, 58, 68, 144Galerie Rémy Bucciali, Colmar 27, 70Galerie René Breteau, Paris 39, 40Galpérine, Alexandre 16, 34, 106, 107Gauvard, Pascal 14, 97, 98Geay, Jean-Pierre 13, 24, 33, 45, 58, 60, 65, 67, 74, 86, 92, 106, 114, 144, 146

Goldschmidt, Jacques 53, 54, 56, 58, 63, 64, 70Gout-Werner, Jean-Michel 14, 58Grivel, Marianne 14, 121Groupe Graphies 8, 20, 26, 50, 51, 52, 64, 65Guibert, Dominique 13Guichard-Meili, Jean 23, 65, 67, 74, 147Guillen, Jorge 65Guilly, René 38, 50HHambursin, Numa 13, 27, 29Hardy, Marie-Louise 105, 110, 135Hartung, Hans 29, 33, 34, 38, 40, 46, 81, 100, 140Havel, Marc 13, 44, 79, 80, 107Havel, Marie-Geneviève 107Hayter, Stanley 24, 53, 129, 132Hervieu, Paul 37, 42, 55, 56, 61, 70, 128, 131Hugnet, Georges 20, 37, 49, 64, 65, 66, 144KKandinsky, Vasili 33Kerg, Carlo 13Kerg, Théo 13, 51, 52Kerros, Aude de 14, 107, 136Klee, Paul 33Költzsch, Georg-W. 23LLabisse, Félix 40Laffly, Hélène 13, 117La Main à plume 36, 38Leblanc, Georges 53Leclaire, Anne-Marie 13, 63, 73, 110, 119Léger, Ferdinand 54Le Moal, Jean 52Lescure, Jean 52Leurent, Christine 13Licata, Ricardo 109Lorsky, Jean-Roger 15, 16, 29, 35, 64MMaeght éditeur 15, 27, 41, 53, 55, 80, 81, 93, 109Magritte, René 36, 41Maître Rey 13, 111Mari, Paul 65Martino, Enzo di 24, 25Masrour, Karl 18, 20, 21, 22, 24, 27, 48, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 61, 63, 64, 70, 73, 75, 91, 102, 111, 113, 115, 143, 144

Page 203: L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2013)

Index des noms 203

Matarasso, Jacques 37, 53, 55, 58, 68, 69, 71, 76Matisse, Henri 33Melot, Michel 13, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 57, 64, 102, 113, 114Mesnil du Buisson, Nicolas du 14, 97Meunier, Jean-Louis 65, 66Miessner, Marie-Cécile 13Miro, Juan 29, 46, 69, 80, 81, 96Mondor, Henri 52Monet, Claude 18, 40Morane, Daniel 147Moreau, Luc 62, 75, 129Munch, Edvard 62, 141OOzenfant, Amédée 31, 32PPapart, Max 69, 81, 85, 96, 97, 98, 99, 111Péret, Benjamin 34Pesteil, Maryvonne 13Piaubert, Jean 52Picabia, Francis 17, 20, 29, 37, 38, 39, 40, 49, 64, 65, 66, 67, 74, 78, 144Picabia, Olga 37Picasso, Pablo 29, 33, 37, 38, 42, 46, 52, 54, 73, 101, 132, 139, 140Poquet, Josiane 14, 139Prébandier, Léon 50Prinner, Anton 26RRaimbourg, Claude 13, 63, 73, 110, 119, 127Réal, Jean 69, 82, 85, 96, 97, 98Resnais, Alain 14, 39, 40Reutersvärd, Oscar 18Rey, Jean-Claude 13, 111, 192Richard, Paul-André 34, 61, 111Richier, Germaine 51Rimbault, Roger 103Riva, Emanuelle 65Roig, Pilar 13Rouault, Georges 33Rousseau, Maurice 58, 61, 62, 71, 73, 84, 120, 121, 143Rouvre, Edvard de 49SSahl, André 52Salon de Mai 39

Salon des Comparaisons 39Salon des Surindépendants 39Sautter, Guy 23, 24Schaeffer, Eric 44, 79, 80Schneider, Pierre 14, 111, 137Schürr, Claude 110Segui, Antonio 98Servera-Boutefroy, Madeleine 13Signovert, Jean 51, 52Springer, Ferdinand 52Szafran, Sam 14, 107, 136TTanguy, Yves 29, 35Tauber, Sophie 37Tisari, Christian 16Trintignan, Hélène 13, 27, 61, 70, 72, 73, 87, 131, 143Tugayé-Domela, Lie 14, 77Tzara, Tristan 52UUbac, Raoul 26, 29, 34, 36, 38, 50, 51, 52Upiglio, Giorgio 56, 58, 61, 63, 70, 71, 76, 129, 146VValery, Paul 52Vedova, Emilio 24Vieillard, Roger 51, 122, 126Villon, Jacques 46, 51Vuillamy, Gérard 26, 50, 51WWallace, Marjorie 26Wou-ki, Zao 14, 52YYersin, Albert-Edgar 50, 51ZZayan, Denise 13, 19, 62, 63, 73, 81, 107, 110, 111, 128, 134, 141