Locarno _ Paul Vecchiali Et Pedro Costa Éclairent Une Compétition en Demi-teinte

18/8/2014 Locarno : Paul Vecchiali et Pedro Costa clairent une comptition en demi-teinte

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A Locarno, Paul Vecchiali et PedroCosta clairent une comptition endemi-teinteLE MONDE | 15.08.2014 08h53 |

Par Mathieu Macheret (Locarno (Suisse))

Lors de ce 67 Festival du film de Locarno (h ttp://w w w .pa r doliv e.ch /) , engag

dsormais dans le sprint final du dernier week-end, s'est produit un

phnomne climatique remarquable comme dcrit dans Sils Maria,

d'Olivier Assayas (prsent en sance spciale sur la Piazza Grande) : de

longs nuages serpentins ont gliss sur les pentes des monts environnants,

plongeant la valle dans une brume filandreuse travers laquelle le soleil

d't ne perait que ponctuellement.

Il en fut globalement de mme pour une slection en demi-teinte, flottant

dans la grisaille d'un cinma d'auteur sans surprise, mais dont le brouillard

fut dispers par les claircies sporadiques d'une poigne de films

incandescents.

Astrid Adverbe et Pascal Cervo dans "Nuits blanches sur la jete", de Paul Vecchiali.

| FESTIVAL DEL FILM LOCARNO

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DEUX DOGMES APPAREMMENT OPPOSS

Beaucoup de films rpondaient l'alternative de deux dogmes

apparemment opposs, mais qui sont les deux facettes d'un mme

acadmisme contemporain : soit l'image tremblotante d'une camra porte

qui croit pouser les sursauts de la vie ; soit l'image verrouille qui se

complat dans d'pais blocs de dure, entrecoups d'ellipses aussi brutales

qu'inquisitrices. L'un comme l'autre signalrent avant tout l'intervention

narcissique de l'auteur, qui tente de s'imposer par-dessus son sujet.

Ainsi, le style frmissant de la Suisse Andrea taka dans Cure : The Life of

Another (Comptition internationale), histoire de fantmes adolescents au

lendemain du sige de Dubrovnik, se montre incapable de saisir la

manifestation traumatique des revenants. Dans Ventos de agosto

(Comptition internationale), la distance imposante qu'installe la mise en

scne du Brsilien Gabriel Mascaro noie les actes de ses personnages deux

amants employs d'une plantation de cocotiers dans un petit village ctier

au rang d'un arbitraire abscons.

Une scne du film suisse d'Andrea Staka "Cure: The Life of Another". | FESTIVAL

DEL FILM LOCARNO



DEUX FILMS PLUS INTRESSANTS

Autrement plus intressants, deux films en comptition firent preuve d'une

relle ncessit, entrave toutefois par des nergies contre-productives. Le

plus tonnant d'entre eux est probablement Fidelio, l'odysse d'Alice,

premier long-mtrage de la Franaise Lucie Borleteau. Son principe

hawksien consiste plonger une jeune femme dans un milieu d'hommes, un

vieux cargo de la marine marchande dont l'pre machinerie insuffle rigueur

et prcision une mise en scne attentive la comptence virile de son

hrone (Ariane Labed, trs convaincante). Mais la trame sentimentale du

film le ramne au naturalisme ordinaire, ruminant son discours

sempiternel : aux pulsions comme aux patrons, il n'est jamais possible de

rsister.

L'Abri, dernier documentaire du Suisse Fernand Melgar, suit pendant un

hiver le terrible mange qui se joue tous les soirs aux portes d'un centre

d'hbergement Lausanne : trier les pauvres , comme l'entre d'une

bote de nuit. L'acuit dramaturgique est indniable, mais force de se tenir

des deux cts de la barrire, Melgar dilue son ancrage politique et finit par

exprimer le contraire de ce que supposaient ses intentions gnreuses,

savoir que la Suisse ne peut dcemment accueillir toute la misre du monde.

La ralisatrice franaise Lucie Borleteau au 67 e Festival du film de Locarno

(Suisse), le 14 aot 2014. | AP/URS FLUEELER



DEUX UVRES EXTRAORDINAIRES

Enfin, deux uvres extraordinaires ont illumin les derniers jours du

festival. Avec Nuits blanches sur la jete, adapt d'une nouvelle de

Dostoevski, on retrouvait le Paul Vecchiali des grands jours, celui

sentimental et audacieux des films tourns en dcor unique, dans l'lan d'un

geste primordial (Femmes femmes ou C'est la vie !) par ce franc-tireur du

cinma franais, aujourd'hui octognaire. A son couple de noctambules

changeant quatre soirs conscutifs dans les recoins btonns d'un port

silencieux, Vecchiali sculpte une langue prcieuse, d'une lgance inactuelle

mais propre recueillir les battements des curs, ainsi qu'un thtre de

lumire bouleversant de simplicit (un phare, des lueurs lointaines) taill

sur fond d'obscurit nocturne. Sur le fil d'une pure fragile, il porte la

prestation sans filet de deux comdiens funambules, les merveilleux Astrid

Adverbe et Pascal Cervo.

Le ralisateur franais Paul Vecchiali au 67 e Festival du film de Locarno (Suisse), le

14 aot 2014. | AP/URS FLUEELER



C'est un mme miroitement qui palpite dans le magnifique Cavalo Dinheiro,

du Portugais Pedro Costa, troisime volet d'un ensemble tourn avec une

petite camra numrique et les habitants du bidonville de Fontainhas,

Lisbonne. Ventura, ancien ouvrier, erre dans l'hpital militaire de Lisbonne,

entre les fantmes de la rvolution des illets et ceux de la

dsindustrialisation. Costa plonge plus avant dans un hiratisme spectral

dont la puissante potique ouvre au regard de nouveaux horizons, au-del

des notions cules de fiction et de documentaire. Ses images refltent la

condition ouvrire partir d'une notion peut-tre dsute, mais qui manque

encore beaucoup : une morale.

Mathieu Macheret (Locarno (Suisse))

Journaliste au Monde

Une scne du film portugais de Pedro Costa, "Cavalo Dinheiro". | FESTIVAL DEL

FILM LOCARNO

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