L'île des cocotiersAu milieu de cet éden, le moindre incident prend des proportions d'événement...

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L'île des cocotiers Roman d'aventures inédit

par CHARLES RICHEBOURG

CHAPITRE PREMIER

L'arrivée du « Shamrok » dans les mers du Sud provoqua un sentiment d'intense curiosité qui se pro- pagea d'atoll en atoll, d'île en île, et d'archipel en archipel, avec la rapidité classique de la légendaire traînée de poudre.

Les sujets de conversation sont rares dans le Paci- fique ; les colliers d'hibiscus que les Polynésiennes accrochent au cou des navigateurs font régner dans ces régions bénies une atmosphère perpétuelle de carnaval sentimental, et c'est peut-être pourquoi la joie de vivre est la souveraine absolue de ce paradis terrestre recouvert d'une coupole d'azur, où s'agitent en bruissant les palmes énormes des cocotiers.

Au milieu de cet éden, le moindre incident prend des proportions d'événement mondial et suscite d'in- tarissables commentaires. On se réjouit d'une nais- sance, on fête un mariage, on y déplore un décès à

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des milliers de kilomètres à la ronde. On n'a jamais vu les nouveaux mariés ni le défunt, bien entendu ; mais tout le monde les connaît car on en a vague- ment entendu parler. Cela suffit ; et au fond, n'est-ce pas là le principal ?

La mer d'autre part constitue l'unique moyen de communication entre ces dizaines de milliers d'îlots rocheux, coralliens ou volcaniques, qui forment la partie du monde la plus étendue en superficie. C'est pourquoi l'apparition du « Shamrok », étoile nouvelle au firmament de la navigation locale, fut saluée comme un fait d'une importance considérable. ,

Tout le monde en discutait ; les blancs à la ter- rasse des bars ou des factoreries, en sirotant un verre de whisky ; les canaques, en se passant la calebasse de tafia, dans l'ombre mauve des cases des villages indigènes ; et les Maoris pêcheurs de perles, sous le gréement primitif de leurs pirogues à balanciers.

Il est vrai que la nouvelle dépassait de beaucoup les limites des commérages habituels ! Pensez donc.: d'un instant à l'autre, que ce soit dans dix minutes ou dans six mois, peut-être verrait-on apparaître le « Shamrok » au large des vastes horizons marins, dans le double cercle bleu des jumelles prismatiques !

Mais qu'était-ce au juste que le « Shamrok » ?... Un transatlantique géant, dont les ponts, pointillés de guirlandes de lumière, incendiaient la nuit tropi- cale ? Un clipper à sept mâts, gracieux comme une mouette et plus rapide que l'albatros, destiné à la course du thé entre les côtes de Chine et San Fran- cisco ? Le yacht de quelque nouveau milliardaire épris de solitude et d'espaces inviolés ?... Rien de tout cela ! L'histoire du « Shamrok » était à la fois plus modeste, plus compliquée, et plus glo- rieuse. Construit à Bremen en 1904 et muni de blin- dages spéciaux, le bâtiment avait été immatriculé comme torpilleur dans la flotte de guerre allemande sous le nom prosaïque de T.B. 207.

Coulé devant Zeebrugge en 1916 et renfloué trois ans plus tard, le service belge de récupération, l'avait vendu à un agent de change anversois qui l'avait transformé en un yacht rutilant lambrissé

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d'acajou, et aux cabines décorées d'appliques de cuivre doré.

Le navire perdit sa destination de bateau de plai- sance à la suite du krach de 1929 ; liquidé en même temps que le restant des biens de son fastueux pro- priétaire, un petit armateur ostendais en fit l'acqui- sition pour une croûte de pain, et sous le nom de « Van Artevelde », il servit pendant plusieurs années à approvisionner Londres en choux-fleurs de Ma- lines, et à ramener sur le continent des tonneaux de stout et de pale ale, ainsi que des fardes de cigarettes anglaises.

Saisi à la suite d'une faillite frauduleuse, dégringo lant d'échelon en échelon, l'Amirauté britannique affecta le pauvre bac au ravitaillement des îles du Nord de l'Ecosse au cours de la seconde guerre mon- diale. C'est ainsi que, atteint en plein fouet par une torpille de Stuka en janvier 1944, il sombra corps et biens au large d'Aberdeen, par douze mètres de fond. La mer du Nord semblait donc devoir lui servir de tombeau définitif, en dépit d'une carrière bien rem- plie mais inégale ; cependant, le destin capricieux n'avait pas dit son dernier mot ! Après sept années de marinade dans les flots saumâtres qui avaient tapissé sa coque d'une carapace d'algues et de coquillages divers, on l'avait renfloué pour la seconde fois, car une drague innocente, errant dans ces parages, avait subi des avaries graves en accrochant ses godets à l'épave.

Les restes du T.B. 207 furent donc vendus à l'en- can et acquis, au poids du vieux fer, par deux hono- rables gentlemen. Ils baptisèrent l'innommable car- casse au moyen d'une bouteille de porter afin de sacrifier à la tradition, puis ils l'immatriculèrent sous le nom de « Shamrok ». Des efforts surhumains et des trésors de bricolage rendirent une fois de plus le T.B. 207 navigable, et ses propriétaires l'amenèrent dans les mers du Sud, nourrissant l'intention de s'y livrer au trafic du coprah.

L'opération était-elle bonne ou mauvaise ? C'est précisément ce que discutaient les deux associés sur le pont de leur sabot, sans se soucier de la présence,

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