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Corneille Médée Classiques Contemporains & LIVRET DU PROFESSEUR établi par NATHALIE L EBAILLY et MATTHIEU G AMARD professeurs de Lettres

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CorneilleMédée

Classiques Contemporains&

LIVRET DU PROFESSEURétabli par

NATHALIE LEBAILLY et MATTHIEU GAMARD

professeurs de Lettres

SOMMAIRE

DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIREOvide, Les Métamorphoses ................................................................... 3Corneille, Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique ................................................................................ 5Corneille, Discours de la tragédie et des moyens de la traiter selon le vraisemblable ou le nécessaire ............ 10Corneille, Discours des trois unités d’action, de jour et de lieu .......................................................................................... 11

POUR COMPRENDRE :quelques réponses, quelques commentaires

Étape 1 Préparation à la lecture .................................................. 13Étape 2 La langue classique .......................................................... 16Étape 3 L’exposition .............................................................................. 17Étape 4 Deux amours malheureuses ........................................ 19Étape 5 La confrontation de Jason et de Médée.............. 20Étape 6 Les charmes de Médée.................................................... 21Étape 7 L’infanticide.............................................................................. 23Étape 8 Synthèse.................................................................................... 24Étape 9 Médée ou les métamorphoses d’un mythe ..... 25

Conception : PAO Magnard, Barbara TamadonpourRéalisation : Nord Compo, Villeneuve-d’Ascq

DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE

Ovide, Métamorphoses, livre IX (trad. de G. T. Villenave, 1806)La mort d’Hercule se déroule selon un schéma qui ressemble beaucoup à celui de la

mort de Créuse, tant par les motivations (vengeance d’une femme amoureuse) que par lemodus operandi (une robe empoisonnée).

Les grands travaux d’Alcide (= Hercule) avaient rempli la terre de sa gloire et fati-gué la haine de Junon. Vainqueur du roi d’Oechalie, le héros préparait un sacrifice àJupiter, quand la déesse aux cent voix, qui se plaît à mêler la fiction à la vérité, et s’ac-croît par ses mensonges, messagère indiscrète, vient t’annoncer, ô Déjanire, que tonépoux infidèle est retenu auprès d’Iole par un indigne amour.

Déjanire aimait, elle fut crédule. Effrayée du bruit de ces nouvelles amours, ellepleure, et ses larmes nourrissent d’abord sa douleur. Mais bientôt : « Pourquoi pleu-rer, dit-elle ? Ma rivale triomphera de mes pleurs. Elle approche : hâtons-nous.Employons, tandis qu’il en est temps, quelque moyen nouveau ; et qu’une autre n’oc-cupe pas encore le lit de mon époux. Dois-je me plaindre ou me taire, retourner àCalydon, ou rester en ces lieux ? Abandonnerai-je ce palais pour n’être pas un obs-tacle à des feux criminels ? Non, je dois me souvenir, ô Meléagre ! que je suis ta sœur.Peut-être préparé-je un crime ! peut-être, en perçant le sein de ma rivale, ma ven-geance y montrera-t-elle ce que peut dans sa fureur une femme outragée ! »

Son âme flotte incertaine entre mille projets ; elle s’arrête enfin à celui d’envoyerau héros la robe que le Centaure a teinte de son sang, et qui rallumera des feux peut-être mal éteints. Elle confie ce tissu à Lichas, qui n’en connaît point le danger.Imprudente ! Elle ignore elle-même qu’il doit bientôt rouvrir la source de ses pleurs.Infortunée ! Elle ordonne à Lichas, elle le prie de porter à son époux ce funeste pré-sent. Il le reçoit sans défiance, et du venin de l’hydre il couvre ses épaules. Il versaitsur des feux nouvellement allumés l’encens qui montait, avec sa prière, au trône deJupiter ; il faisait des libations de vin sur le marbre de l’autel. Soudain les feux sacréséchauffent le venin qui circule dans ses veines, et pénètre tout son corps. Quelquetemps la grande âme d’Alcide souffre sans gémir un mal si violent ; mais enfin, vaincupar la douleur, il repousse l’autel, et remplit de ses cris terribles les forêts de l’Oeta.

Il veut soudain rejeter cette robe fatale ; mais partout où il la déchire, il déchire sachair ; et, sans horreur, peut-on le raconter ! Ce tissu s’attache à son corps, il se colleà sa peau ; Alcide ne peut l’arracher sans dépouiller ses muscles, sans laisser à nu ses

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grands ossements. Son sang frémit et bouillonne comme l’onde froide où l’on plongeun fer ardent. Un poison brûlant le consume. Toujours agissants, des feux avidesdévorent ses entrailles. De tous ses membres coule une sueur livide. On entendpétiller ses nerfs ; la moelle de ses os se fond et s’évapore. Enfin, levant au ciel ses bras :« Ô Junon, jouis, s’écrie-t-il, jouis de mon malheur. Barbare ! Vois du haut del’Olympe ces horribles tourments, et repais de mes douleurs ton cœur impitoyable.Ou, si je puis être un objet de pitié pour mes ennemis même (car je sais trop que tume hais), achève ; arrache-moi une vie qui m’est odieuse, qui fut destinée à tant detravaux, et toujours par toi si cruellement poursuivie ! La mort est un bienfait que jete demande ; il sera digne de ta haine pour moi. » […]

Hercule évoque alors les travaux qu’il a accomplis pour JunonJ’ai lassé la haine de Junon sans me lasser jamais. Mais enfin elle m’envoie un

nouvel ennemi que mon courage ne peut dompter, contre lequel mes traits sontimpuissants. Un feu dévorant erre dans mon sein, s’allume dans mes veines, et meconsume tout entier. Et cependant le cruel Eurysthée est heureux ! et les mortels osentcroire qu’il existe des dieux » ! Il dit, et prend sa course dans les bois de l’Oeta, telqu’un tigre qui porte en ses flancs le javelot qui le déchire, et dans sa furie cherche lechasseur tremblant qui l’a blessé. Tantôt vous l’eussiez vu gémissant de douleur, oufrémissant de rage ; tantôt s’efforçant d’arracher ses funestes vêtements ; tantôt déra-cinant, brisant les arbres dans sa colère, et s’irritant contre les monts qui retentissentde ses cris ; tantôt enfin, levant des bras suppliants vers le ciel où règne son père. […]

Toi cependant, illustre fils de Jupiter, tu prépares ton bûcher, tu rassembles cesantiques troncs que ton bras a déracinés. Tu remets au fils de Péan ton arc, tonimmense carquois, et tes flèches, qui doivent une seconde fois trouver les destinsd’Ilion ; et tandis que cet ami fidèle allume par ton ordre les feux qui vont te consu-mer, tu te places sur ce lit funèbre qu’ils embrasent, où tu étendis la peau du lion deNémée, où ta tête repose sur ta forte massue : et ton air est serein, comme si, cou-ronné de fleurs, tu venais, heureux convive, prendre la coupe du festin.

Déjà de toutes parts la flamme pénètre le bûcher. Elle s’anime, éclate, se déploie,attaque le héros insensible à sa fureur. Tous les dieux tremblent pour le vengeur dumonde. […] Cependant les feux du bûcher ont consumé tout ce qu’ils pouvaientdétruire. Il ne reste d’Alcide rien qu’on puisse reconnaître, rien de ce qu’il tenait desa mère ; il ne conserve que ce qu’il a reçu de Jupiter. Tel qu’un serpent semble avecsa peau dépouiller sa vieillesse, et, sous une nouvelle écaille, se ranime et brille d’unéclat nouveau, tel le grand Alcide, de l’humanité déposant la faiblesse, vit dans la

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meilleure partie de lui-même, devient plus grand, et paraît revêtu de plus de majesté.Jupiter l’emporte dans les nues, sur un char attelé de quatre coursiers, et le place aurang des immortels.

Nous reproduisons ici des extraits des Trois discours sur le poème dramatique quipeuvent éclairer la lecture de Médée.

Extrait 1 : Corneille, Discours de l’utilité et des parties dupoème dramatique, 1660

Dans l’extrait suivant Corneille, après avoir rappelé les principales règles classiques,définit la notion de vraisemblance, non en fonction de la vérité des faits mais de leurconformité à la source antique qui les rapporte.

Bien que, selon Aristote, le seul but de la poésie dramatique soit de plaire auxspectateurs, et que la plupart de ces poèmes leur aient plu, je veux bien avouer tou-tefois que beaucoup d’entre eux n’ont pas atteint le but de l’art. Il ne faut pas pré-tendre, dit ce philosophe, que ce genre de poésie nous donne toute sorte de plaisir,mais seulement celui qui lui est propre ; et pour trouver ce plaisir qui lui est propre,et le donner aux spectateurs, il faut suivre les préceptes de l’art, et leur plaire selon sesrègles. Il est constant qu’il y a des préceptes, puisqu’il y a un art ; mais il n’est pasconstant quels ils sont. On convient du nom sans convenir de la chose, et on s’ac-corde sur les paroles pour contester sur leur signification. Il faut observer l’unité d’ac-tion, de lieu, et de jour, personne n’en doute ; mais ce n’est pas une petite difficultéde savoir ce que c’est que cette unité d’action, et jusques où peut s’étendre cette unitéde jour et de lieu. Il faut que le poète traite son sujet selon le vraisemblable et le néces-saire, Aristote le dit, et tous ses interprètes répètent les mêmes mots, qui leur sem-blent si clairs et si intelligibles, qu’aucun d’eux n’a daigné nous dire, non plus que lui,ce que c’est que ce vraisemblable et ce nécessaire. Beaucoup même ont si peu consi-déré ce dernier, qui accompagne toujours l’autre chez ce philosophe, hormis uneseule fois, où il parle de la comédie, qu’on en est venu jusqu’à établir une maxime trèsfausse, qu’il faut que le sujet d’une tragédie soit vraisemblable ; appliquant ainsi auxconditions du sujet la moitié de ce qu’il a dit de la manière de le traiter. Ce n’est pasqu’on ne puisse faire une tragédie d’un sujet purement vraisemblable : il en donnepour exemple la Fleur d’Agathon, où les noms et les choses étaient de pure invention,

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aussi bien qu’en la comédie ; mais les grands sujets qui remuent fortement les pas-sions, et en opposent l’impétuosité aux lois du devoir ou aux tendresses du sang, doi-vent toujours aller au-delà du vraisemblable, et ne trouveraient aucune croyanceparmi les auditeurs, s’ils n’étaient soutenus, ou par l’autorité de l’histoire qui persuadeavec empire, ou par la préoccupation de l’opinion commune qui nous donne cesmêmes auditeurs déjà tous persuadés. Il n’est pas vraisemblable que Médée tue sesenfants, que Clytemnestre assassine son mari, qu’Oreste poignarde sa mère ; maisl’histoire le dit, et la représentation de ces grands crimes ne trouve point d’incrédules.Il n’est ni vrai ni vraisemblable qu’Andromède, exposée à un monstre marin, ait étégarantie de ce péril par un cavalier volant, qui avait des ailes aux pieds ; mais c’est unefiction que l’antiquité a reçue ; et comme elle l’a transmise jusqu’à nous, personne nes’en offense quand on la voit sur le théâtre. Il ne serait pas permis toutefois d’inven-ter sur ces exemples. Ce que la vérité ou l’opinion fait accepter serait rejeté, s’il n’avaitpoint d’autre fondement qu’une ressemblance à cette vérité ou à cette opinion.

Extrait 2 : Corneille, Discours de l’utilité et des parties dupoème dramatique, 1660

Corneille dans ce second extrait aborde la question de la représentation du monstre etévoque l’exemple du personnage de Médée. Comment justifier que de tels vices puissent êtreportés à la scène ?

La seconde utilité du poème dramatique se rencontre en la naïve peinture desvices et des vertus, qui ne manque jamais à faire son effet, quand elle est bien ache-vée, et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne les peut confondre l’un dansl’autre, ni prendre le vice pour vertu. Celle-ci se fait alors toujours aimer, quoiquemalheureuse ; et celui-là se fait toujours haïr, bien que triomphant. Les anciens sesont fort souvent contentés de cette peinture, sans se mettre en peine de faire récom-penser les bonnes actions, et punir les mauvaises. Clytemnestre et son adultère tuentAgamemnon impunément ; Médée en fait autant de ses enfants, et Atrée de ceux deson frère Thyeste, qu’il lui fait manger. Il est vrai qu’à bien considérer ces actionsqu’ils choisissaient pour la catastrophe de leurs tragédies, c’étaient des criminels qu’ilsfaisaient punir, mais par des crimes plus grands que les leurs. Thyeste avait abusé dela femme de son frère ; mais la vengeance qu’il en prend a quelque chose de plusaffreux que ce premier crime. Jason était un perfide d’abandonner Médée, à qui ildevait tout ; mais massacrer ses enfants à ses yeux est quelque chose de plus.Clytemnestre se plaignait des concubines qu’Agamemnon ramenait de Troie ; mais iln’avait point attenté sur sa vie, comme elle fait sur la sienne ; et ces maîtres de l’art

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ont trouvé le crime de son fils Oreste, qui la tue pour venger son père, encore plusgrand que le sien, puisqu’ils lui ont donné des Furies vengeresses pour le tourmenter,et n’en ont point donné à sa mère, qu’ils font jouir paisiblement avec son Egisthe duroyaume d’un mari qu’elle avait assassiné.

Notre théâtre souffre difficilement de pareils sujets : le Thyeste de Sénèque n’y apas été fort heureux ; sa Médée y a trouvé plus de faveur ; mais aussi, à le bienprendre, la perfidie de Jason et la violence du roi de Corinthe la font paraître si injus-tement opprimée, que l’auditeur entre aisément dans ses intérêts, et regarde sa ven-geance comme une justice qu’elle se fait elle-même de ceux qui l’oppriment.

Extrait 3 : Corneille, Discours de l’utilité et des parties dupoème dramatique, 1660

Corneille précise ici ce que sont de « bonnes mœurs » pour un personnage de tragédie :celles qui sont portées au plus haut point de perfection, fût-ce dans le mal… Médée trouveévidemment sa place dans ce passage :

[…] je viens à la seconde partie du poème, qui sont les moeurs. Aristote leur pres-crit quatre conditions, qu’elles soient bonnes, convenables, semblables, et égales. Cesont des termes qu’il a si peu expliqués, qu’il nous laisse grand lieu de douter de cequ’il veut dire.

Je ne puis comprendre comment on a voulu entendre par ce mot de bonnes, qu’ilfaut qu’elles soient vertueuses. La plupart des poèmes, tant anciens que modernes,demeureraient en un pitoyable état, si l’on en retranchait tout ce qui s’y rencontre depersonnages méchants, ou vicieux, ou tachés de quelque faiblesse qui s’accorde malavec la vertu. Horace a pris soin de décrire en général les moeurs de chaque âge, etleur attribue plus de défauts que de perfections ; et quand il nous prescrit de peindreMédée fière et indomptable, Ixion perfide, Achille emporté de colère, jusqu’à main-tenir que les lois ne sont pas faites pour lui, et ne vouloir prendre droit que par lesarmes, il ne nous donne pas de grandes vertus à exprimer. Il faut donc trouver unebonté compatible avec ces sortes de mœurs ; et s’il m’est permis de dire mes conjec-tures sur ce qu’Aristote nous demande par là, je crois que c’est le caractère brillant etélevé d’une habitude vertueuse ou criminelle, selon qu’elle est propre et convenableà la personne qu’on introduit. Cléopâtre, dans Rodogune, est très méchante ; il n’y apoint de parricide qui lui fasse horreur, pourvu qu’il la puisse conserver sur un trônequ’elle préfère à toutes choses, tant son attachement à la domination est violent ; maistous ses crimes sont accompagnés d’une grandeur d’âme qui a quelque chose de sihaut, qu’en même temps qu’on déteste ses actions, on admire la source dont elles par-

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tent. J’ose dire la même chose du Menteur. Il est hors de doute que c’est une habi-tude vicieuse que de mentir ; mais il débite ses menteries avec une telle présence d’es-prit et tant de vivacité, que cette imperfection a bonne grâce en sa personne, et faitconfesser aux spectateurs que le talent de mentir ainsi est un vice dont les sots ne sontpoint capables.

Extrait 4 : Corneille, Discours de l’utilité et des parties dupoème dramatique, 1660

De bonnes mœurs sont aussi celles qui correspondent à ce que doit être le type de per-sonnage représenté. On peut à ce propos se souvenir d’Egée, personnage de vieillard amou-reux…

En second lieu, les moeurs doivent être convenables. Cette condition est plus aiséeà entendre que la première. Le poète doit considérer l’âge, la dignité, la naissance,l’emploi et le pays de ceux qu’il introduit : il faut qu’il sache ce qu’on doit à sa patrie,à ses parents, à ses amis, à son roi ; quel est l’office d’un magistrat, ou d’un générald’armée, afin qu’il puisse y conformer ceux qu’il veut faire aimer aux spectateurs, eten éloigner ceux qu’il leur veut faire haïr ; car c’est une maxime infaillible que, pourbien réussir, il faut intéresser l’auditoire pour les premiers acteurs. Il est bon de remar-quer encore que ce qu’Horace dit des moeurs de chaque âge n’est pas une règle donton ne se puisse dispenser sans scrupule. Il fait les jeunes gens prodigues et les vieillardsavares : le contraire arrive tous les jours sans merveille ; mais il ne faut pas que l’unagisse à la manière de l’autre, bien qu’il ait quelquefois des habitudes et des passionsqui conviendraient mieux à l’autre. C’est le propre d’un jeune homme d’être amou-reux, et non pas d’un vieillard ; cela n’empêche pas qu’un vieillard ne le devienne : lesexemples en sont assez souvent devant nos yeux ; mais il passerait pour fou s’il vou-lait faire l’amour en jeune homme, et s’il prétendait se faire aimer par les bonnes qua-lités de sa personne. Il peut espérer qu’on l’écoutera, mais cette espérance doit êtrefondée sur son bien, ou sur sa qualité, et non pas sur ses mérites ; et ses prétentionsne peuvent être raisonnables, s’il ne croit avoir affaire à une âme assez intéressée pourdéférer tout à l’éclat des richesses, ou à l’ambition du rang.

La qualité de semblables, qu’Aristote demande aux moeurs, regarde particulière-ment les personnes que l’histoire ou la fable nous fait connaître, et qu’il faut toujourspeindre telles que nous les y trouvons. C’est ce que veut dire Horace par ce vers :

Sit Medea ferox invictaque…Qui peindrait Ulysse en grand guerrier, ou Achille en grand discoureur, ou Médée

en femme fort soumise, s’exposerait à la risée publique. Ainsi ces deux qualités, dont

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quelques interprètes ont beaucoup de peine à trouver la différence qu’Aristote veutqui soit entre elles sans la désigner, s’accorderont aisément, pourvu qu’on les sépare,et qu’on donne celle de convenables aux personnes imaginées, qui n’ont jamais eud’être que dans l’esprit du poète, en réservant l’autre pour celles qui sont connues parl’histoire ou par la fable, comme je le viens de dire.

Extrait 5 : Corneille, Discours de l’utilité et des parties dupoème dramatique, 1660

Corneille présente ensuite l’utilisation de personnages protatiques et fait allusion àPollux dont il a développé le rôle dans sa pièce :

Plaute a cru remédier à ce désordre d’Euripide en introduisant un prologue déta-ché, qui se récitait par un personnage qui n’avait quelquefois autre nom que celui dePrologue, et n’était point du tout du corps de la pièce. Aussi ne parlait-il qu’aux spec-tateurs pour les instruire de ce qui avait précédé, et amener le sujet jusques au pre-mier acte où commençait l’action.

Térence, qui est venu depuis lui, a gardé ses prologues, et en a changé lamatière. Il les a employés à faire son apologie contre ses envieux, et pour ouvrir sonsujet, il a introduit une nouvelle sorte de personnages, qu’on a appelés protatiques,parce qu’ils ne paraissent que dans la protase, où se doit faire la proposition et l’ou-verture du sujet. Ils en écoutaient l’histoire, qui leur était racontée par un autreacteur ; et par ce récit qu’on leur en faisait, l’auditeur demeurait instruit de ce qu’ildevait savoir, touchant les intérêts des premiers acteurs, avant qu’ils parussent sur lethéâtre. Tels sont Sosie dans son Andrienne, et Davus dans son Phormion, qu’on nerevoit plus après la narration, et qui ne servent qu’à l’écouter. Cette méthode est fortartificieuse ; mais je voudrais pour sa perfection que ces mêmes personnages servis-sent encore à quelque autre chose dans la pièce, et qu’ils y fussent introduits parquelque autre occasion que celle d’écouter ce récit. Pollux dans Médée est de cettenature. Il passe par Corinthe en allant au mariage de sa soeur, et s’étonne d’y ren-contrer Jason, qu’il croyait en Thessalie ; il apprend de lui sa fortune, et son divorceavec Médée, pour épouser Créuse, qu’il aide ensuite à sauver des mains d’Egée, quil’avait fait enlever, et raisonne avec le Roi sur la défiance qu’il doit avoir des présentsde Médée. Toutes les pièces n’ont pas besoin de ces éclaircissements, et par consé-quent on se peut passer souvent de ces personnages, dont Térence ne s’est servi queces deux fois dans les six comédies que nous avons de lui.

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Extrait 6 : Corneille, Discours de la tragédie et des moyens dela traiter selon le vraisemblable ou le nécessaire, 1660

Corneille distingue ici quatre types de tragédie en fonction du lien entre le « persécu-tant » et le « persécuté » :

La proximité entre les protagonistes renforce l’effet sur le spectateur. C’est doncun grand avantage, pour exciter la commisération, que la proximité du sang et les liai-sons d’amour ou d’amitié entre le persécutant et le persécuté, le poursuivant et lepoursuivi, celui qui fait souffrir et celui qui souffre ; mais il y a quelque apparenceque cette condition n’est pas d’une nécessité plus absolue que celle dont je viens deparler, et qu’elle ne regarde que les tragédies parfaites, non plus que celle-là. […]

Dans ces actions tragiques qui se passent entre proches, il faut considérer si celui quiveut faire périr l’autre le connaît ou ne le connaît pas, et s’il achève, ou n’achève pas. Ladiverse combination de ces deux manières d’agir forme quatre sortes de tragédies, à quinotre philosophe attribue divers degrés de perfection. On connaît celui qu’on veutperdre, et on le fait périr en effet, comme Médée tue ses enfants, Clytemnestre sonmari, Oreste sa mère ; et la moindre espèce est celle-là. On le fait périr sans le connaître,et on le reconnaît avec déplaisir après l’avoir perdu ; et cela, dit-il, ou avant la tragédie,comme Œdipe, ou dans la tragédie, comme l’Alcméon d’Astydamas, et Télégonus dansUlysse blessé, qui sont deux pièces que le temps n’a pas laissé venir jusqu’à nous ; et cetteseconde espèce a quelque chose de plus élevé, selon lui, que la première. La troisièmeest dans le haut degré d’excellence, quand on est prêt de faire périr un de ses prochessans le connaître, et qu’on le reconnaît assez tôt pour le sauver, comme Iphigénie recon-naît Oreste pour son frère, lorsqu’elle devait le sacrifier à Diane, et s’enfuit avec lui. Ilen cite encore deux autres exemples, de Mérope dans Cresphonte, et de Hellé, dontnous ne connaissons ni l’un ni l’autre. Il condamne entièrement la quatrième espèce deceux qui connaissent, entreprennent et n’achèvent pas, qu’il dit avoir quelque chose deméchant, et rien de tragique, et en donne pour exemple Hémon qui tire l’épée contreson père dans l’Antigone, et ne s’en sert que pour se tuer lui-même. Mais si cettecondamnation n’était modifiée, elle s’étendrait un peu loin, et envelopperait non seu-lement Le Cid, mais Cinna, Rodogune, Héraclius et Nicomède.

Extrait 7 : Corneille, Discours de la tragédie et des moyens dela traiter selon le vraisemblable ou le nécessaire, 1660

Comment respecter l’histoire initiale et représenter l’irreprésentable ?L’autre question, s’il est permis de changer quelque chose aux sujets qu’on

emprunte de l’histoire ou de la fable, semble décidée en termes assez formels par

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Aristote, lorsqu’il dit qu’il ne faut point changer les sujets reçus, et que Clytemnestrene doit point être tuée par un autre qu’Oreste, ni Eriphyle par un autre qu’Alcméon.Cette décision peut toutefois recevoir quelque distinction et quelque tempérament.Il est constant que les circonstances, ou si vous l’aimez mieux, les moyens de parve-nir à l’action, demeurent en notre pouvoir. L’histoire souvent ne les marque pas, ouen rapporte si peu, qu’il est besoin d’y suppléer pour remplir le poème ; et même il ya quelque apparence de présumer que la mémoire de l’auditeur, qui les aura luesautrefois, ne s’y sera pas si fort attachée qu’il s’aperçoive assez du changement quenous y aurons fait, pour nous accuser de mensonge ; ce qu’il ne manquerait pas defaire s’il voyait que nous changeassions l’action principale. Cette falsification seraitcause qu’il n’ajouterait aucune foi à tout le reste ; comme au contraire il croit aisé-ment tout ce reste quand il le voit servir d’acheminement à l’effet qu’il sait véritable,et dont l’histoire lui a laissé une plus forte impression. L’exemple de la mort deClytemnestre peut servir de preuve à ce que je viens d’avancer : Sophocle et Euripidel’ont traitée tous deux, mais chacun avec un noeud et un dénouement tout à fait dif-férents l’un de l’autre ; et c’est cette différence qui empêche que ce ne soit la mêmepièce, bien que ce soit le même sujet, dont ils ont conservé l’action principale. Il fautdonc la conserver comme eux ; mais il faut examiner en même temps si elle n’estpoint si cruelle, ou si difficile à représenter, qu’elle puisse diminuer quelque chose dela croyance que l’auditeur doit à l’histoire, et qu’il veut bien donner à la fable, en semettant en la place de ceux qui l’ont prise pour une vérité. Lorsque cet inconvénientest à craindre, il est bon de cacher l’événement à la vue, et de le faire savoir par unrécit qui frappe moins que le spectacle, et nous impose plus aisément.

C’est par cette raison qu’Horace ne veut pas que Médée tue ses enfants, niqu’Atrée fasse rôtir ceux de Thyeste à la vue du peuple. L’horreur de ces actionsengendre une répugnance à les croire, aussi bien que la métamorphose de Progné enoiseau et de Cadmus en serpent, dont la représentation presque impossible excite lamême incrédulité quand on la hasarde aux yeux du spectateur.

Extrait 8 : Corneille, Discours des trois unités d’action, de jour,et de lieu, 1660

Corneille aborde enfin la question du dénouement et cite encore Médée en exemple.Dans le dénouement je trouve deux choses à éviter, le simple changement de

volonté, et la machine. Il n’y a pas grand artifice à finir un poème, quand celui qui afait obstacle aux desseins des premiers acteurs, durant quatre actes, en désiste au cin-quième, sans aucun événement notable qui l’y oblige : j’en ai parlé au premier

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Discours, et n’y ajouterai rien ici. La machine n’a pas plus d’adresse quand elle ne sertqu’à faire descendre un Dieu pour accommoder toutes choses, sur le point que lesacteurs ne savent plus comment les terminer. C’est ainsi qu’Apollon agit dansl’Oreste : ce prince et son ami Pylade, accusés par Tyndare et Ménélas de la mort deClytemnestre, et condamnés à leur poursuite, se saisissent d’Hélène et d’Hermione :ils tuent ou croient tuer la première, et menacent d’en faire autant de l’autre, si on nerévoque l’arrêt prononcé contre eux. Pour apaiser ces troubles, Euripide ne cherchepoint d’autre finesse que de faire descendre Apollon du ciel, qui d’autorité absolueordonne qu’Oreste épouse Hermione, et Pylade Electre ; et de peur que la mortd’Hélène n’y servît d’obstacle, n’y ayant pas d’apparence qu’Hermione épousâtOreste qui venait de tuer sa mère, il leur apprend qu’elle n’est pas morte, et qu’il l’adérobée à leurs coups, et enlevée au ciel dans l’instant qu’ils pensaient la tuer. Cettesorte de machine est entièrement hors de propos, n’ayant aucun fondement sur lereste de la pièce, et fait un dénouement vicieux. Mais je trouve un peu de rigueur ausentiment d’Aristote, qui met en même rang le char dont Médée se sert pour s’enfuirde Corinthe après la vengeance qu’elle a prise de Créon. Il me semble que c’en est unassez grand fondement que de l’avoir faite magicienne, et d’en avoir rapporté dans lepoème des actions autant au-dessus des forces de la nature que celle-là. Après cequ’elle a fait pour Jason à Colchos, après qu’elle a rajeuni son père Eson depuis sonretour, après qu’elle a attaché des feux invisibles au présent qu’elle a fait à Créuse, cechar volant n’est point hors de la vraisemblance ; et ce poème n’a point besoin d’autrepréparation pour cet effet extraordinaire. Sénèque lui en donne une par ce vers, queMédée dit à sa nourrice :

Tuum quoque ipsa corpus binc mecum avebam ;et moi, par celui-ci qu’elle dit à Egée :« Je vous suivrai demain par un chemin nouveau. »Ainsi la condamnation d’Euripide, qui ne s’y est servi d’aucune précaution, peut

être juste, et ne retomber ni sur Sénèque, ni sur moi ; et je n’ai point besoin de contre-dire Aristote pour me justifier sur cet article.

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POUR COMPRENDRE : quelques réponses,quelques commentaires

Étape 1 [Préparation à la lecture, pp. 118-119]1 Il faut se référer à l’ensemble du tableau pour répondre à cette question. Il est

disponible à l’adresse suivante :http://www.topofart.com/artists/Anthony_Frederick_Augustus_Sandys/art_repr

oduction/861/Medea. phpOn constate alors que Médée prépare le poison dont elle va imprégner la robe

qu’elle offre à Créuse.2 On peut faire remarquer aux élèves la présence d’éléments du mythe à l’arrière-

plan : à gauche, le navire des Argonautes ; à droite, pendue entre deux arbres, la toi-son d’or sur laquelle se trouve l’image du bélier. On discerne aussi une partie du dra-gon dans le ciel.

3 L’illustration correspond à l’acte IV, scène 1. Dans la pièce de Corneille, Médéeest alors dans sa grotte magique.

4 Voici le tableau de présence scénique de la pièce :

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I, 1 I, 2 I, 3 I, 4 I, 5 II, 1 II, 2 II, 3 II, 4 II, 5 III, 1 III, 2 III, 3 III, 4

Créon X X

Égée X

Jason X X X X X X X

Pollux X

Créuse X X X X

Médée X X X X X X

Cléone X X X

Nérine X X X X X X X

Theudas

Gardes X X

Domestiques

On peut faire plusieurs remarques à la lecture de ce tableau :Médée et Nérine restent ensemble sur scène malgré le changement d’actes entre I

et II, et III et IV. Or, dans le théâtre classique, les changements de scène correspon-dent à l’entrée ou la sortie de personnages.

Jason est présent dans dix scènes et il prononce deux monologues au début et à lafin de la pièce. Le dernier monologue marque la solitude totale du héros qui a toutperdu. À noter qu’à l’acte IV et au début de l’acte V, Jason a complètement disparude la scène.

Médée est présente dans onze scènes et prononce deux monologues, ce qui faitd’elle le personnage principal de la pièce.

Quant à Créuse, le fait qu’elle n’apparaisse que cinq scènes montre son échec àévincer Médée. De même, sa gouvernante (Cléone) est bien moins présente sur scèneque la suivante de Médée (Nérine) qui, de plus, prononce un monologue en III, 1,ce qui lui confère une certaine importance.

6 Arbre généalogique de Médée :

14IV, 1 IV, 2 IV, 3 IV, 4 IV, 5 V, 1 V, 2 V, 3 V, 4 V, 5 V, 6 V, 7

Créon X X X X

Égée X X

Jason X X X

Pollux X X

Créuse X X

Médée X X X X X

Cléone X X X

Nérine X

Theudas X X

Gardes X

Domestiques X

Soleil Océan

Minos

Ariane Phèdre Thésée Absyrtos Médée Jason

2 enfants 2 enfants

Pasiphaé Circé Aétès Idiya

Épître7 Comme l’ensemble des auteurs du XVIIe siècle, face aux théoriciens pointilleux,

Corneille défend la prééminence du plaisir du spectateur sur toute autre considéra-tion. D’ailleurs, les propos de Corneille l. 7 à 11 sont très proches de ceux de Racinedans la préface de Bérénice : « La principale règle est de plaire et de toucher : toutesles autres ne sont faites que pour parvenir à cette première ».

8 Corneille s’explique sur la vraisemblance dans les lignes 28 à 35 (p. 16). Aprèsavoir évincé la question en affirmant que l’explication serait trop longue, il avancecependant deux arguments pour défendre l’utilisation du surnaturel dans sa pièce :les actes de magie de Médée sont conformes à la tradition du mythe et Euripide etSénèque n’ont pas déplu au public en utilisant le surnaturel dans leur pièce.

Examen9 Il existait deux Médée antiques, celle d’Euripide (Ve siècle av. J.-C.) et celle de

Sénèque (Ier siècle ap. J.-C.) mais c’est surtout de la seconde dont Corneille s’est ins-piré. Cf. extraits reproduits dans le volume n° 94 de la collection (p. 146 sq.).

19 Jason et les Argonautes avaient pour mission de récupérer la Toison d’or qui setrouvait alors en Colchide mais ils se heurtèrent au roi Aiétès, père de Médée et gar-dien de ce précieux trésor. Médée, séduite par Jason, leur apporta son aide. Experte enmagie, elle offrit à Jason un onguent pour se protéger des flammes du dragon qui pro-tégeait la Toison et une pierre qui, une fois jetée au milieu des hommes armés nés desdents du dragon, eut pour effet de les faire s’entretuer. Grâce à cela, Jason réussit àvoler la Toison d’or et, pour remercier Médée, il l’épousa et s’enfuit avec elle. Aiétès selança à leur poursuite mais Médée, pour le ralentir, tua son frère Absyrtos, le dépeçaet lança ses membres derrière eux afin que Aiétès cherche à les récupérer. À Iolcos enThessalie où elle fut très bien reçue, elle commit plusieurs crimes. Elle incita, parexemple, les filles de Pélias à tuer leur père, leur faisant croire qu’elles allaient pouvoirle rajeunir en le découpant en morceaux et en le faisant bouillir dans un chaudron.Acaste, le fils de Pélias, chassa alors Jason et Médée de Thessalie et les deux époux seréfugièrent à Corinthe où Médée eut deux fils : Phérès et Merméros. Mais, aprèsquelque temps, Jason abandonna Médée pour Créuse (la fille du roi Créon). Médéese vengea en offrant à Créuse une tunique qui la brûla et incendia le palais puis, pourpunir Jason, elle égorgea ses deux enfants. Après ces nouveaux crimes, elle s’enfuit àAthènes sur un char tiré par deux dragons ailés et fut accueillie par le roi Egée quil’épousa et auquel elle donna un fils. Mais Médée tenta ensuite de tuer son mari. Ellefut donc à nouveau bannie et revint chez son père en Colchide. Selon la tradition, ellefinit par descendre aux Enfers où elle s’unit à Achille.

15

21 L’unité de lieu est rompue par deux fois au cours de la pièce : acte IV, scène 1,et acte IV, scène 4 puisque l’action se situe respectivement dans la grotte magiquepuis dans la prison d’Egée comme l’indiquent les didascalies. On voit bien ici quedeux règles classiques entraient en concurrence : soit Corneille respectait l’unité delieu au détriment de la vraisemblance (comment Médée pourrait-elle en effet prépa-rer son poison au vu et au su de tous ? Comment de même faire parler Egée ailleursque de la prison où il est enfermé ?) soit il faisait le choix inverse en faisant fi alors dela vraisemblance. Cette situation est intéressante car elle montre que les règles clas-siques ne se sont pas imposées d’emblée, et qu’il y a eu une mise en place plus oumoins aisée, comme en témoignent d‘ailleurs les sourdes luttes qui opposèrent lescréateurs aux doctes. On peut préciser rapidement aux élèves que ces règles ont étéremises en cause par les romantiques justement au nom de la vraisemblance et duplaisir du spectateur. On peut à cet effet leur faire lire quelques passages très expli-cites de la préface de Cromwell de Victor Hugo.

Étape 2 [La langue classique, pp. 120-121]

1 Les mots « étonnée » au v. 5 (p. 25) et « fatale » au v. 1046 (p. 83) avaient unsens beaucoup plus fort au XVIIe siècle qu’actuellement et se sont donc fortementdésémantisés. On pourrait étudier avec les élèves, par exemple en aide individualisée,l’évolution sémantique de certains mots afin qu’ils comprennent le fonctionnementde l’évolution de la langue.

2 On peut citer le v. 134 (p. 32) « allait se faire », le v. 302 (p. 41) « dois-je » et lev. 552 (p. 56) « a pu faire » où les temps n’ont pas leur valeur actuelle.

4 La langue classique utilise souvent la métaphore de la flamme et du feu pourparler du sentiment amoureux (cf. dans la pièce « flamme » aux v. 161 (p. 34), 182(p. 35), 822 (p. 70) et « feu » au v. 633 (p. 60)) ou la métaphore des fers qui associel’amour à une prison. Mais, dans cette pièce, les occurrences du mot « fers » ne ren-voient pas tant au sentiment amoureux qu’à un réel emprisonnement : le vers 1190(p. 92) « Puisqu’à bien comparer mes fers avec ma flamme » prononcé par Egée tan-dis qu’il est en prison est d’ailleurs très intéressant à ce titre.

7 Les mots suivants permettent au dramaturge de gagner une syllabe : v. 588 (p. 57) « presques », v. 602 (p. 58) « jusques », v. 991 (p. 80) et 1423 (p. 105)« avecque ». Le mot suivant permet de lui en faire perdre une : v. 966 (p. 79) « encor ».Ces licences poétiques correspondent à l’addition d’un phonème à la fin d’un mot(c’est une paragoge) ou à la troncation d’une finale (c’est une apocope).

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11 On repère d’autres d’enjambements aux vers suivants : v. 95-96 (p. 30),v. 127-128 (pp. 31-32), v. 131-132 (p. 32), v. 331-332 (p. 43), v. 429-430 (p. 49),v. 1213-1214 (p. 93).

12 Voici trois maximes : v. 860 (p. 72) : « Celui-là fait le crime à qui le crimesert » ; v. 1147-1148 (p. 90) : « Où le péril égale et passe le plaisir,/Il faut se faire forceet vaincre son désir » ; v. 1609 (p. 115) : « À qui sait bien aimer il n’est rien d’impos-sible ».

14 Le mot « charme » est issu du latin carmen, qui signifie dans le langage juri-dique « formule rythmée, magique ». Dans la langue littéraire, ce mot prend le sensplus large de « chant ». Le mot en français se désémantise peu à peu : « formulemagique » puis « puissance magique » puis « objet magique » (XVIe s.). En françaismoderne, on retrouve ses sens dans les expressions « sous le charme de », « état decharme » et « se porter comme un charme ». Le mot s’est ensuite banalisé en « attrait »(XVIIe s.), le mot au pluriel désignant les attraits physiques de la femme. On constateque l’usage moderne joue souvent de l’ambiguïté du mot (sens moderne et sens éty-mologique). (D’après le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey).C’est ainsi le cas de Paul Valéry pour son recueil Charmes.

Le mot « fureur » vient du latin furor qui signifie « folie », « égarement ». Au XIIIe s.,le mot évoque la folie et la colère mais aussi la passion. Au XVIIe s., il conserve sonsens de folie mais signifie aussi « colère folle, sans mesure ». On parle aussi de fureurpoétique pour désigner l’inspiration. (D’après le Dictionnaire historique de la languefrançaise d’Alain Rey).

Étape 3 [L’exposition, pp. 122-123]1 Cette scène d’exposition permet de découvrir le lieu de l’action (Corinthe), le

mariage prévu entre Jason et Créuse, le passé de Jason (mention de sa premièrefemme Hypsipyle), l’exil de Jason à cause de Pélie, l’accueil de Médée et de Jason parCréon.

2 Jason se montre ici infidèle (p. 25, v. 8), misogyne (pp. 25-26, v. 9-16), machia-vélique et intéressé (p. 27, v. 29-44).

4 Les deux derniers vers de la tirade permettent de justifier l’exposition, en faisantde Pollux ce que Corneille appelle un personnage protatique dans l’examen de lapièce (cf. p. 19, l. 64 sq.) et documentation complémentaire : Discours de Corneille,extrait 5.

5 Pollux est le seul vraiment lucide dans cette pièce, le seul à redouter la terriblevengeance de Médée (cf. pp. 31-32, v. 148-149, v. 150-152). Jason est aveuglecomme le montre sa réplique des vers 9 à 16 (p. 26).

17

6 Jason prétend que c’est pour sauver ses enfants qu’il se marie avec Créuse (p. 32,v. 137-140).

14 Médée s’adresse d’abord aux « souverains protecteurs des lois de l’hyménée »(p. 36, v. 201), puis aux Furies (p. 37, v. 210), puis à Jason (p. 38, v. 241) et enfinau Soleil, son ancêtre (p. 39, v. 259-261).

16 La colère de Médée s’exprime notamment par les procédés suivants : l’excla-mation, les questions rhétoriques ou encore les accumulations.

17 Jason a fait injure à Médée et aux dieux du mariage en ne respectant pas la foiengagée.

18 Médée rappelle à Jason qu’elle n’a pas hésité à sacrifier son propre frère pourpouvoir s’enfuir. Ce vers annonce également ce qu’elle fera subir à ses propres enfantssous les yeux de Jason.

19 L’expression « éclairs avortés dans la nue » (p. 40, v. 286) rend bien compte desparoles de Médée à la scène 4. L’interpellation des dieux et des Furies est inutilepuisque c’est à Médée de prendre sa vengeance en charge, ce qu’elle ne manquerad’ailleurs pas de faire.

20 Nérine élude les questions de Médée (p. 40, v. 273-277) probablement pourne pas échauffer sa colère.

21 Les conseils de Nérine à Médée se trouvent aux vers suivants : p. 40, v. 281-282 ; pp. 41-42, v. 305-317 ; pp. 43-44, v. 330 et 337. Son seul objectif est de pro-téger Médée.

22 Les propos de Médée qui sont les plus ironiques se trouvent vers 302 à 304(p. 41). Cette ironie, déjà présente chez Sénèque, prend la forme de questions rhé-toriques qui sont autant d’expressions de la colère de l’héroïne.

23 Aux vers 322-324 (p. 43), l’utilisation de la polysyndète (c’est-à-dire la répé-tition insistante de la conjonction de coordination « et ») permet d’exhiber l’hybris deMédée qui se sent toute-puissante.

24 Corneille soigne les liaisons entre certaines scènes : par exemple, à la fin de lascène 2 les vers 173-176 (p. 34) annoncent la scène suivante et à la fin de la scène 3,ce sont les vers 197-200 (p. 36) qui remplissent cet office.

26 Pollux et Nérine redoutent particulièrement la fureur de Médée, contraire-ment à Jason qui s’aveugle.

30 Corneille dans l’Examen (p. 19, l. 64 sq.) explique la fonction dévolue à Polluxdans cette première scène.

31 Phaëton est un adolescent qui se rendit un jour au palais du Soleil pour luidemander s’il était bien son père. Le Soleil reconnut tout de suite sa paternité et luiaccorda la réalisation de l’un de ses vœux. L’adolescent demanda à conduire le char

18

du Soleil pour donner à son tour la lumière au monde. Le Soleil regretta alors sa pro-position car un mortel ne pouvait conduire son char sans mourir. Il essaya de dis-suader son fils mais en vain. Phaëton conduisit donc le char de son père et connutune brève extase en arrivant au firmament mais ensuite les chevaux prirent le contrôleet allèrent où bon leur semblèrent. Phaëton s’évanouit et laissa tomber les rênes. Leschevaux plongèrent alors vers la terre et incendièrent le monde. Jupiter saisit safoudre et la lança sur le conducteur du char : il l’enflamma, fracassa le char, et préci-pita les chevaux dans la mer, sauvant ainsi le monde. Phaëton tomba dans le fleuveEridan. Ce furent les naïades qui ensevelirent le corps et gravèrent sur sa tombe : « Icirepose Phaëton, qui conduisit le char du Soleil/Il échoua grandement mais il avaitgrandement osé ». Ses sœurs vinrent pleurer sur sa tombe et furent changées en peu-pliers au bord du fleuve Eridan. Ovide a raconté cette histoire dans ses Métamorphoses(chant II).

Ce sont les vers 261 à 265 (p. 39) qui font allusion à la légende de Phaéton.

Étape 4 [Deux amours malheureuses, pp. 124-125]3 Des vers 366 à 371 (pp. 45-46), on apprend que Médée souhaite faire

mourir Créuse et Créon tout en épargnant Jason.4 Le mot « tragédie » est évidemment très intéressant ici car il désigne à la

fois le sort fatal que Médée réserve à Créon et à sa fille et le genre de la pièce.C’est donc à la fois Médée qui s’adresse à Nérine et Corneille qui s’adresse auspectateur (double énonciation). On peut aussi parler de métathéâtre puisquele théâtre parle de lui-même. Ce procédé est assez novateur pour le théâtre clas-sique mais sera beaucoup utilisé et développé dans le théâtre moderne où l’onpeut par exemple entendre des personnages de Beckett parler d’eux-mêmes ences termes : « Nous sommes servis sur un plateau » (En attendant Godot), le pla-teau renvoyant bien évidemment ici à la scène.

7 Les passages suivants sont particulièrement ironiques et utilisent l’anti-thèse : p. 47, v. 384 à 386 ; p. 49, v. 435 ; p. 52, v. 489 et p. 53, v. 505.

14 Créon se montre prudent et fait montre d’un sens politique certain,quand Jason est vindicatif et se comporte comme un va-t-en-guerre.

15 Les périphrases désignant Égée (p. 54, v. 521 « ce vieux roi d’Athènes »et p. 55, v. 538 « un vieillard amoureux ») insistent sur son âge et sur sa qualitéd’amoureux éconduit, ce qui en fait un personnage un peu ridicule, plutôtpropre à la comédie qu’à la tragédie. Cf. documentation complémentaire :Discours de Corneille, extrait 4.

19

16 On pourrait penser que l’unité d’action est rompue ici puisqu’unedeuxième intrigue amoureuse (Égée-Créuse) voit le jour, mais la tragédie clas-sique autorisait une deuxième action à condition qu’elle soit fortement reliée àl’action principale. Ce sera le cas dans la suite de la pièce car les deux actionsvont finir par se rejoindre : Égée, emprisonné après avoir tenté d’enleverCréuse, deviendra l’adjuvant de Médée en lui proposant de l’accueillir après safuite.

21 Jason prétend que sa seule crainte est que le courroux de Médée allumele sien et que cela compromette l’obtention, de la robe. Le spectateur est endroit de se demander si Jason n’a pas tout simplement peur de Médée.

23 Créuse essaye d’abord la flatterie (p. 60, v. 625-630) puis elle expliqueque l’on n’est pas maître de ses sentiments (pp. 60-61, v. 631-646). Maisdevant l’inutilité de cet argumentaire, elle refuse de battre plus longtemps sacoulpe et se réfugie dans l’orgueil et le mépris (pp. 61-62, v. 653-678). Créusen’a donc pas suivi jusqu’au bout les conseils de son père (p. 55 v. 535-544).

25 Cf. question 15. Dans un théâtre aussi codifié que le théâtre classiqueun personnage de tragédie, surtout un roi, ne doit pas être ridicule. Une foisde plus, Corneille ne respecte donc pas scrupuleusement les règles que veulentimposer les doctes.

Égée conserve néanmoins son statut tragique puisqu’en fin de scène ilretrouve les accents du chef de guerre et qu’il dispose effectivement des forcesarmées qu’il évoque.

29 « Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite » : c’est Phèdre qui, chezRacine, se désigne ainsi à l’acte II, scène 5, vers 701.

Étape 5 [La confrontation de Jason et de Médée, pp. 126-127]1 Cette scène permet d’insister sur la toute-puissance de Médée et donc

d’accroître pour le spectateur la tension dramatique. Elle permettra en outre auspectateur de savoir que Nérine ment à la scène suivante (cf. réponse 5).

2 Les quatre éléments sont en effet cités par Nérine des vers 702 à 705(p. 64) : « le foudre » (c’est-à-dire le feu), « les mers » (l’eau), « la terre » et« l’air ».

3 Nérine semble habitée par le sentiment de la peur. C’est d’ailleurs ainsiqu’elle explique sa complicité : elle craint pour sa propre vie (pp. 64-65, v. 709à 716).

4 Nérine est certes un personnage secondaire mais son monologue est cen-tré sur le personnage principal. De plus, c’est un des seuls moyens pour le spec-

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tateur d’être au courant du véritable pouvoir de nuisance de Médée car lesautres héros de la pièce (excepté Pollux) s’aveuglent tous et préfèrent penserque Médée ne représente plus aucun danger.

5 Le spectateur est en surplomb car il connaît des éléments que Jasonignore : il en sait donc plus que l’un des deux personnages sur scène et sait parconséquent que Nérine ment à Jason lorsqu’elle affirme que la colère de Médéeest apaisée (p. 65, v. 724-727).

7 La robe a été mentionnée pour la première fois dans la pièce à l’acte II,scène 4, v. 568 (p. 56).

8 Jason trouve toujours une bonne raison d’éviter Médée, ne s’avouant pasà lui-même sa lâcheté (cf. v. 770 p. 67).

13 Jason cherche à susciter la compassion de Médée en invoquant l’amourpaternel comme raison de son mariage avec Créuse. Par ailleurs, il se présentecomme le sauveur de Médée (p. 70, v. 829-832). Cette dernière n’est pas dupeet répond de façon ironique aux vers 833-834.

Médée a l’idée de sacrifier ses propres enfants pour atteindre Jason là où ilest le plus sensible (cf. v. 945 à 948 p. 77).

24 Les autres tragédies de Corneille à sujet mythologique sont Œdipe(1659), La Toison d’or (1660) et Psyché (1671).

Étape 6 [Les charmes de Médée, pp. 128-129]1 Corneille lui-même s’est expliqué sur le choix du lieu dans l’examen p. 17

l.11 à 18.3 Nous apprenons comment Médée empoisonne la robe et que, pendant ce

temps, Égée a tenté mais en vain d’enlever Créuse.4 C’est toujours la peur qui habite Nérine comme en témoignent les vers

1049 à 1052 (pp. 83-84).5 Des vers 1011 à 1018 (pp. 81-82), il s’agit d’un présent de narration que

Nérine utilise pour rendre son récit plus vivant.6 Les deux intrigues amoureuses se rejoignent ici car l’échec d’Égée est une

bonne nouvelle pour Médée qui veut voir Créuse morte et non exilée, maisaussi parce que Médée comprend immédiatement qu’en aidant Égée à s’enfuirde prison, elle s’offre une retraite sûre pour l’avenir. Égée et Médée s’apprêtentdonc à devenir complices ici.

7 L’enlèvement de Créuse est évoqué par un récit car il a lieu dans le hors-scène. Cela permet en outre de ne pas interrompre le déroulement de l’actionprincipale, à savoir la vengeance de Médée.

21

9 On peut parler d’ironie tragique dans cette scène car Créon se réjouit dufait que Pollux ait empêché l’enlèvement de sa fille mais le spectateur sait,quant à lui, que Créuse risque désormais un danger bien plus grand : la mort.

10 Les différentes apostrophes qui désignent Pollux sont v. 1059 (p. 84)« invincible héros », v. 1081 (p. 85) « auteur de la victoire », v. 1085 (p. 85)« brave guerrier » et v. 1089 (p. 86) « digne sang de leur roi, demi-dieu magna-nime ». Toutes ces apostrophes sont évidemment positives et sont une manièrepour Créon de remercier et de glorifier celui qui a sauvé sa fille.

11 Créon et Pollux n’ont pas la même conscience du danger comme suffità le prouver la confrontation des répliques suivantes : p. 86, v.1093 et v.1095« Appréhendez », « Je crains »/pp. 86-87, v. 1103-1106 « mon esprit n’est plusinquiété », « j’ai fait ma sûreté » et p. 87, v. 1108/v. 1110 où Créon sous-estimeencore les pouvoirs de Médée contrairement à Jason. Là encore le spectateurest en surplomb et sait par avance que c’est Pollux qui est dans le vrai. On peutencore parler d’ironie tragique dans cette scène car Créon exprime uneconfiance en l’avenir que le spectateur sait être injustifiée.

12 Créon pense que ce délai d’un jour accordé à Médée avant son exil esttrop court pour qu’elle puisse tenter quoi que ce soit contre lui. Aussi utilise-t-il les expressions suivantes : « en si peu de temps » v. 1106 (p. 87) et « unjour » v. 1107 précédé de la négation restrictive « n’[…] qu’ » qui minimise làencore ce délai. Pollux, lui, est tout à fait conscient au contraire que les pou-voirs de Médée sont tels que même un délai aussi court lui laisse l’entière pos-sibilité de nuire.

14 Cléone interprète le don de la robe comme le signe de l’apaisement deMédée. Cette erreur d’interprétation, le spectateur ne la commet pas : c’estencore un cas d’ironie tragique.

15 Les mises en garde de Pollux sont partiellement efficaces puisque la robesera testée sur une criminelle, mais inutiles car Médée avait prévu le strata-gème.

16 Au vers 1146, « brûler » est utilisé dans son sens figuré (« brûler d’envie »signifiant « désirer fortement ») mais on peut aussi y lire une annonce du sortde Créuse que cette robe qu’elle désire tant va brûler (cette fois-ci au senspropre). Comme le verbe joue sur les sens propre et figuré du verbe, on peutparler de syllepse. À noter aussi que, d’une certaine façon, Créuse périt par oùelle a péché : elle brûle au sens propre pour avoir brûlé d’amour pour Jason.

18 Égée s’adresse d’abord au lieu dans lequel il se trouve (p. 90, v. 1161),puis à lui-même (p. 91, v. 1177), puis au destin (p. 91, v. 1185), et enfin à

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l’amour (p. 92, v. 1193). La diversité des récepteurs permet de souligner letrouble du personnage et d’éviter la monotonie que pourrait introduire unrécepteur unique.

20 Des vers 1201 à 1208, Égée prononce des malédictions contre Jason.L’ordre des malédictions est intéressant à commenter car, pour Égée, il s’agit àl’évidence d’une gradation alors qu’on est en droit de penser que voir sesenfants mourir sous ses yeux (p. 92, v. 1206) est bien pire que d’être unvieillard éconduit (p. 93, v. 1207-1208). Égée manifeste par là un certain égo-centrisme : rien n’est pire à ses yeux que son sort actuel.

25 L’emploi du possessif « nos » apposé au nom « ennemis » au vers 1291(p. 97) est une preuve supplémentaire de la réunion des deux intrigues : Médéeet Égée sont désormais complices et unis contre Créon et Jason. (Cf. réponse16 de l’étape 4.)

27 Corneille donne lui-même sa propre conception de la vraisemblancedans l’épître (p. 16, l. 28-35) : la fidélité à l’histoire d’origine prime sur l’exi-gence d’une stricte vraisemblance. Médée est une magicienne, donc on peututiliser le surnaturel.

30 La question comporte une erreur de vers. Il fallait comparer le vers 538de l’acte II, scène 3 et le vers 1191 de l’acte V, scène 4.

31 Cf. réponse 19 de l’étape 1.32 L’anneau d’invisibilité apparaît au moins dans deux textes célèbres :

Chrétien de Troyes l’utilise dans Yvain ou le chevalier au lion (v. 1005 sq.) ainsi queJ. R. R. Tolkien dans Bilbo le Hobbit (chap. V « Énigmes dans l’obscurité »).

Étape 7 [L’infanticide, pp. 130-131]8 On peut s’étonner que Corneille livre ici le monologue d’un homme en

train de mourir car la souffrance de Créon en train de brûler est telle qu’elledevrait lui interdire tout discours construit. Ce monologue est donc invrai-semblable. D’autre part, il s’agit d’une mort sur scène, ce que les théoriciensdu théâtre classique refusaient à toute force. Sans doute Corneille a-t-il vouluaccentuer l’effet spectaculaire de cette scène.

9 Le mot « Médée » est phonétiquement présent dans le vers !10 Aux vers 1419-1423 (p. 105), Créon se tue pour ne pas assister à l’ago-

nie de sa propre fille. Créon demande à Jason de les venger (p. 105, v. 1427).12 « Il se tue avec un poignard » : cette didascalie finale pose le problème de

la représentation de la violence sur scène, théoriquement bannie de la scèneclassique.

23

13 Jason est d’abord tenté par le suicide, puis par le meurtre de ses enfants.18 Médée s’adresse à Jason dont elle a entendu les paroles à la scène 5 puis-

qu’elle était en haut du balcon comme nous en informe la didascalie au débutde la scène 6 (p. 111).

22 La périphrase « les restes de nos flammes » désigne les enfants de Jasonet de Médée.

26 Contrairement aux prédictions de Médée (p. 46, v. 369 à 371), la tra-gédie s’achève sur le suicide de Jason. Créon et Créuse n’ont pas été les seuls àpayer.

31 La mort d’Hercule, dans les Métamorphoses d’Ovide (chant IX) se trouveen documentation complémentaire.

32 Voici quelques exemples de suicide sur scène : Ajax de Sophocle ; Phèdrede Racine ; Roméo et Juliette de Shakespeare.

Étape 8 [Synthèse, pp. 132-133]10 On peut repérer les difficultés de mise en scène suivantes :– l’acte IV se passe successivement dans la grotte magique (scène 1), puis

dans le lieu habituel, et enfin dans la prison d’Égée (scènes 4 et 5) ;– l’acte V scène 3 propose un monologue d’un homme en train de brûler ;– l’acte V scène 6 fait quitter la scène à Médée sur un char ailé tiré par des

dragons.Des mises en scènes traditionnelles auraient pu privilégier des effets spé-

ciaux et faire de la scène le lieu d’une représentation mimétique. Aujourd’hui,on s’appuiera davantage sur les ressources propres au langage dramatique, enprivilégiant une économie de moyen. On peut également imaginer des misesen scènes que l’on pourrait appeler archéologiques, visant à reconstituer lespectacle dans les conditions d’origine, avec les machineries qui permettaientl’envol du dragon par exemple.

16 La folie au théâtre se trouve notamment dans Andromaque de Racine(personnage d’Oreste), dans Hercule furieux de Sénèque, dans Saül le furieux deJean de la Taille, dans Le Roi Lear de Shakespeare, et dans Les Bonnes de Genet.

17 La longue expérience de Corneille dramaturge a donné lieu à une théo-risation à l’occasion de l’édition de ses œuvres théâtrales en volume en 1660.Cf. Présentation p. 7. Nous proposons en documentation complémentaire desextraits des Trois discours sur le poème dramatique.

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Étape 9 [Médée ou les metamorphoses d’un mythe, pp. 134-135]

3 Chez Corneille, l’idée de l’infanticide germe dans l’esprit de Médéeacte V, scène 2, après qu’elle a regretté que Créuse n’ait pas d’enfants sur quiexercer sa vengeance. Chez Rouquette, l’idée apparaît beaucoup plus tôt, auxscènes 12 et 13 (p. 82 sq). La pièce de Corneille ménage une forme de suspens,la pièce repose sur des effets de surprise, et le spectaculaire est très présent.Retarder le plus possible l’annonce de l’infanticide participe à cette volonté desurprendre la spectateur. La pièce de Rouquette repose au contraire sur unevision du tragique plus proche de l’antiquité grecque. Il y a une lente maisinexorable progression vers le meurtre. L’annonce précoce de ce dernier permetde dessiner une Médée d’autant plus impressionnante dans sa déterminationinébranlable.

4 Médée rencontre d’abord Créon puis Jason que ce soit chez Corneille (II, 2) ou chez Rouquette (scène 6).

7 Ce qu’il est intéressant de remarquer chez Corneille, c’est que c’est Créuseelle-même qui demande cette robe, et non Médée qui décide de la lui offrir.Cette innovation de Corneille renforce la vraisemblance puisque dans cesconditions Créuse n’a pas lieu de se méfier. Corneille s’en explique dansl’« Examen » (p. 18, l. 26-33). L’empoisonnement de la robe se passe dans lagrotte magique (IV, 1) et le surnaturel est souligné. Dans la pièce deRouquette, Médée n’exprime pas explicitement sa volonté d’empoisonner latunique. Elle se lamente sur des souvenirs de sa jeunesse sortis d’un coffre puiselle transforme sa chemise de jeune fille en robe de noces fatale (sc. IX, pp. 146-147). Le spectateur qui connaît le mythe comprend l’action à traversles allusions de Médée.

11 La différence fondamentale est que ces deux morts ont lieu sur scènechez Corneille alors que Rouquette en passe par un récit (sc. XVI). C’estCarnal, le vieillard, qui ayant assisté à la scène vient la rapporter à sa maîtresse.Une fois encore, il y a un refus du spectaculaire dans la pièce moderne. La tra-gédie de Corneille, quant à elle, s’appuie souvent sur des effets très marqués.

12 Le premier extrait de Jean de La Péruse (pp.142-143) constitue l’ouver-ture de la pièce tandis que le second (pp.143-144) se situe à la fin de la pièceavant que Médée ne sacrifie ses enfants. Le premier extrait de Clément(pp.144-145) se situe à l’acte III après le sacrifice des enfants. Enfin, l’extraitde Rouquette (pp.146-147) se situe à la scène IX quand Médée s’en prend àCréuse au moment où elle imagine ses noces avec Jason.

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17 Le mythe de Médée est l’un des plus prolifiques tant littérairementqu’artistiquement. La figure de la mère infanticide et de la « jalouse en fureur »semble fasciner les auteurs comme le public. La bibliographie du volume 93donne les références les plus connues.

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