Livres sur le Maroc de M6

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18 | 09 | 2009 LeTemPs. 61 60 LeTemPs. 18 | 09 | 2009 1. Officieux Au style assez emprunté, cette com- pilation de notes d’analyses se veut indépendante et critique. Pourtant, sous la houlette de Driss Alaoui M’Daghri, ancien ministre de Has- san II, universitaire et chaperon de l’Association marocaine d‘intelli- gence économique (AMIE), la luci- dité dont elle se targue fini par s’es- tomper derrière le halo d’expertise de ses contributeurs, au point qu’au final, la radioscopie des différents chantiers engagés sous le règne de Mohammed VI ne retient que la thèse officielle de la dynamique politique, économique sociale et culturelle que connaît le Maroc depuis 1999, date de l’intronisation du roi. Elle se veut aussi une contri- bution au débat sur la nouvelle société marocaine en devenir, mais là, les sujets qui font réellement débat sur la nature du régime sont minutieusement contournés au nom d’une volonté de ne pas céder aux clichés et à la polémique. Les auteurs avancent la thèse d’une réforme en cours sous l’impulsion d’une « monarchie de proximité » avec la sacro-sainte voie d’équilibre calée entre maintien d’un traditio- nalisme au pouvoir et une moder- nisation des mœurs sociales. Nous ne sommes pas loin du chemin de traverse proposé par le Parti Authenticité et Modernité : l’adap- tation au monde globalisé sans remise en cause du logiciel makh- zénien du pouvoir central. Educa- tion et développement économique étant la clé de voute du modèle. Un peu court. 2. Académique Voici donc le second volet sur la transition marocaine signé Pierre Vermeren, professeur à La Sor- bonne et ancien enseignant du Lycée Descartes de Rabat. Prévu ini- tialement en avril, le livre, très docu- menté et bien charpenté, n’était dans les rayons des librairies qu’à la veille des festivités marquant le 10 ème anniversaire du règne de Mohammed VI, La Découverte ayant décidé de ne pas le télescoper avec celui d’Ali Amar, tout en aban- donnant son titre initial « Le Nou- veau Maroc ». Abondamment sourcé à partir de la presse maro- caine, l’ouvrage propose d’expliquer pour quelles raisons le royaume n’a pas réussi à passer le cap de l’inter- règne malgré les transformations en profondeur qu’a connue sa société. Le tour de vis sécuritaire après les attentats de 2003 et 2007, le choix technocratique de Moham- med VI, le maintien d’une classe politique laminée étant finement décryptés. Le pavé est cependant difficile à lire d’une traite. Il s’adresse essentiellement aux découvreurs du Maroc et non à un public averti. C’est sans conteste un ouvrage de bibliothèque à compul- ser au besoin. Un livre aussi de réfé- rence pour les étudiants de Sciences-Po, tant les séquences s’enchaînent sur le modèle d’une thèse. 3. Polémique Une bonne centaine d’articles au Maroc et dans la presse internatio- nale ont été consacrés à l’essai du journaliste Ali Amar, sans parler d’une couverture radiotélévisée exceptionnelle en Europe et dans la blogosphère. C’est sans aucun doute le livre événement de l’année, déjà best-seller en France, où il s’est écoulé à plus de 30 000 exemplaires grâce à une campagne guerrière de sa puissante maison d’édition affi- liée au groupe Lagardère. Mais, c’est aussi l’ouvrage qui a provoqué le plus de remous dans le landernau politico-médiatique marocain. Son ton acerbe, ses anecdotes bien sen- ties et ses révélations ad hominem, souvent critiquées, lui ont valu d’être indisponible dans les librai- ries du pays. Sa thèse épouse la ligne éditoriale offensive dont se récla- mait l’auteur lorsqu’il dirigeait Le Journal Hebdomadaire. Elle pêche pour ses détracteurs d’un parti-pris jugé manichéen sur l’évolution du Maroc depuis l’accession au trône du roi Mohammed VI et d’un défi- cit d’exhaustivité. Mais, était-ce le but d’un essai qui ne prétend nulle- ment à la performance acadé- mique ? Un livre de journaliste en somme, qui se lit comme un polar au style incisif, le genre étant inha- bituel au Maroc, sauf lorsqu’il s’agit d’auteurs étrangers qui font de cet exercice une spécialité. 4. Diplomatique Un air de déjà vu qui confine à la propagande d’une autre époque pour cet ouvrage qui reprend les communications du colloque orga- nisé le 29 juin dernier au Sénat sous le thème « le développement politique, social et économique du Maroc : réali- sations (1999 -2009) et perspectives ». Il réunit les études d’une quinzaine d’universitaires, dont des juristes, politologues, sociologues, écono- mistes, philosophes et experts sur le développement politique, social et économique du royaume. On y retrouve les communications léchées et convenues de Christian Cambon et Jean Roatta, présidents respectivement des groupes d’ami- tié France-Maroc au Sénat et à l’As- semblée nationale, du doyen Michel de Guillenchmidt, professeur à l’Université Paris Descartes, de Dominique de Courcelles et Olivier Galland, directeurs de recherche au CNRS, de Florence Jean, professeur de droit ou encore de Charles Saint- Prot, directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques (OEG). Ce dernier, proche des milieux monar- chistes français a été chargé d’en faire la promotion sur les ondes françaises et dans Le Figaro avec le soutien affiché de l’ambassade du Maroc. Une opération de marketing institutionnel et de réseaux diplo- matiques qui souffre en raison de sa complaisance de l’étiquette « livre de commande ». Saint-Prot co-directeur du livre avait signé en 1988 un livre dans la même veine sur Saddam Hussein qu’il comparait à Charles De Gaulle. 5. Neutre Passé presque inaperçu, sauf sur le site communautaire Agoravox qui en a fait une fiche de lecture signée par l’auteur lui-même, universitaire basé en Belgique, le livre a adopté un ton neutre sur des sujets gal- vaudés. S’il a l’avantage de poser les bonnes questions sur le mode de gouvernance choisi par le nouveau règne, l’ouvrage déçoit par une absence dommageable de proposi- tions pour l’avenir. « Mohammed VI a-t-il réussi son pari, celui de faire entrer son pays dans l’ère de la moder- nité ? A-t-il réussi, comme il s’était engagé à le faire, à instaurer un véri- table État de droit ? », promet la jaquette alléchante de l’éditeur. Mais dans ce travail d’une facture inégale, Jebri ne fait pas au final la part des choses entre espoirs et doutes. Son analyse sur les dix pre- mières années de règne de Moham- med VI demeure contenue et rétive à la critique directe. Trop de non- dits auront dévalué un essai pour- tant prometteur. Le rôle du monarque est sublimé et les tares du système sont réduites à l’in- constance des efforts consentis dans les domaines sociaux. Une belle bande-annonce sur les inquié- tudes nées de la disparition de Has- san II, sans plus. 6. Culturaliste Voilà un livre qui risque de rester en travers de la gorge des Marocains. 100% décalé par rapport aux écrits classiques sur la monarchie alaouite, le livre qui nous vient tout droit de Floride se propose d’expli- quer la longévité et la stabilité du régime marocain par …les papilles. Non, ce n’est pas un énième beau livre sur les délices de la cuisine marocaine, mais une tentative sur- prenante d’expliquer la politique. LIVRES La bibliothèque idéale pour briller en soirée intello cet automne Dix opus pour dix ans de règne 1. Une ambition marocaine. Des experts analysent la décennie 1999- 2009 , Collectif, Koutoubia/Le Serpent à plumes, juillet 2009 2. Le Maroc de Mohammed VI, une transition inachevée, Pierre Vermeren, La Découverte, juin 2009, 320 p. 3. Mohammed VI, le grand malentendu », Ali Amar, Calmann- Lévy, avril 2009, 340 p. 4. Le Maroc en marche », Collectif, CNRS éditions, juin 2009 4. Le Maroc en marche, Collectif, CNRS éditions, juin 2009 5. Mohammed VI, une décennie de règne , Youssef Jebri, Editions du Cygne, juin 2009, 140 p. 6. Politics of food in modern Morocco, Stacy E. Holden,University Press of Florida, Août 2009, 256 p. 7. Le prince qui ne voulait pas être roi, Ferran Sales Aige, Editions Catarata, Avril 2009, 224 p

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Page 1: Livres sur le Maroc de M6

18 | 09 | 2009 LeTemPs. 6160 LeTemPs. 18 | 09 | 2009

1. OfficieuxAu style assez emprunté, cette com-pilation de notes d’analyses se veutindépendante et critique. Pourtant,sous la houlette de Driss AlaouiM’Daghri, ancien ministre de Has-san II, universitaire et chaperon del’Association marocaine d‘intelli-gence économique (AMIE), la luci-dité dont elle se targue fini par s’es-tomper derrière le halo d’expertisede ses contributeurs, au point qu’aufinal, la radioscopie des différentschantiers engagés sous le règne deMohammed VI ne retient que lathèse officielle de la dynamiquepolitique, économique sociale etculturelle que connaît le Marocdepuis 1999, date de l’intronisationdu roi. Elle se veut aussi une contri-bution au débat sur la nouvellesociété marocaine en devenir, maislà, les sujets qui font réellementdébat sur la nature du régime sont

minutieusement contournés aunom d’une volonté de ne pas céderaux clichés et à la polémique. Lesauteurs avancent la thèse d’uneréforme en cours sous l’impulsiond’une «!monarchie de proximité!»avec la sacro-sainte voie d’équilibrecalée entre maintien d’un traditio-nalisme au pouvoir et une moder-nisation des mœurs sociales. Nousne sommes pas loin du chemin detraverse proposé par le PartiAuthenticité et Modernité!: l’adap-tation au monde globalisé sansremise en cause du logiciel makh-zénien du pouvoir central. Educa-tion et développement économiqueétant la clé de voute du modèle. Unpeu court.

2. AcadémiqueVoici donc le second volet sur latransition marocaine signé PierreVermeren, professeur à La Sor-bonne et ancien enseignant duLycée Descartes de Rabat. Prévu ini-

tialement en avril, le livre, très docu-menté et bien charpenté, n’étaitdans les rayons des librairies qu’à laveille des festivités marquant le10ème anniversaire du règne deMohammed VI, La Découverteayant décidé de ne pas le télescoperavec celui d’Ali Amar, tout en aban-donnant son titre initial «!Le Nou-veau Maroc! ». Abondammentsourcé à partir de la presse maro-caine, l’ouvrage propose d’expliquerpour quelles raisons le royaume n’apas réussi à passer le cap de l’inter-règne malgré les transformationsen profondeur qu’a connue sasociété. Le tour de vis sécuritaireaprès les attentats de 2003 et 2007,le choix technocratique de Moham-med VI, le maintien d’une classepolitique laminée étant finementdécryptés. Le pavé est cependantdifficile à lire d’une traite. Ils’adresse essentiellement auxdécouvreurs du Maroc et non à unpublic averti. C’est sans conteste unouvrage de bibliothèque à compul-ser au besoin. Un livre aussi de réfé-rence pour les étudiants deSciences-Po, tant les séquencess’enchaînent sur le modèle d’unethèse.

3. PolémiqueUne bonne centaine d’articles auMaroc et dans la presse internatio-nale ont été consacrés à l’essai dujournaliste Ali Amar, sans parlerd’une couverture radiotéléviséeexceptionnelle en Europe et dans lablogosphère. C’est sans aucundoute le livre événement de l’année,déjà best-seller en France, où il s’estécoulé à plus de 30 000 exemplaires

grâce à une campagne guerrière desa puissante maison d’édition affi-liée au groupe Lagardère. Mais, c’estaussi l’ouvrage qui a provoqué leplus de remous dans le landernaupolitico-médiatique marocain. Sonton acerbe, ses anecdotes bien sen-ties et ses révélations ad hominem,souvent critiquées, lui ont valud’être indisponible dans les librai-ries du pays. Sa thèse épouse la ligneéditoriale offensive dont se récla-mait l’auteur lorsqu’il dirigeait LeJournal Hebdomadaire. Elle pêchepour ses détracteurs d’un parti-prisjugé manichéen sur l’évolution duMaroc depuis l’accession au trônedu roi Mohammed VI et d’un défi-cit d’exhaustivité. Mais, était-ce lebut d’un essai qui ne prétend nulle-ment à la performance acadé-mique!? Un livre de journaliste ensomme, qui se lit comme un polarau style incisif, le genre étant inha-bituel au Maroc, sauf lorsqu’il s’agitd’auteurs étrangers qui font de cetexercice une spécialité.

4. DiplomatiqueUn air de déjà vu qui confine à lapropagande d’une autre époquepour cet ouvrage qui reprend lescommunications du colloque orga-nisé le 29 juin dernier au Sénat sousle thème «!le développement politique,social et économique du Maroc!: réali-sations (1999 -2009) et perspectives!».Il réunit les études d’une quinzained’universitaires, dont des juristes,politologues, sociologues, écono-mistes, philosophes et experts sur

le développement politique, socialet économique du royaume. On yretrouve les communicationsléchées et convenues de ChristianCambon et Jean Roatta, présidentsrespectivement des groupes d’ami-tié France-Maroc au Sénat et à l’As-semblée nationale, du doyen Michelde Guillenchmidt, professeur àl’Université Paris Descartes, deDominique de Courcelles et OlivierGalland, directeurs de recherche auCNRS, de Florence Jean, professeurde droit ou encore de Charles Saint-Prot, directeur de l’Observatoired’études géopolitiques (OEG). Cedernier, proche des milieux monar-chistes français a été chargé d’enfaire la promotion sur les ondesfrançaises et dans Le Figaro avec le

soutien affiché de l’ambassade duMaroc. Une opération de marketinginstitutionnel et de réseaux diplo-matiques qui souffre en raison desa complaisance de l’étiquette«!livre de commande!». Saint-Protco-directeur du livre avait signé en1988 un livre dans la même veine surSaddam Hussein qu’il comparait àCharles De Gaulle.

5. NeutrePassé presque inaperçu, sauf sur lesite communautaire Agoravox quien a fait une fiche de lecture signéepar l’auteur lui-même, universitairebasé en Belgique, le livre a adoptéun ton neutre sur des sujets gal-vaudés. S’il a l’avantage de poser lesbonnes questions sur le mode de

gouvernance choisi par le nouveaurègne, l’ouvrage déçoit par uneabsence dommageable de proposi-tions pour l’avenir. «!Mohammed VIa-t-il réussi son pari, celui de faireentrer son pays dans l’ère de la moder-nité ? A-t-il réussi, comme il s’étaitengagé à le faire, à instaurer un véri-table État de droit ?! », promet lajaquette alléchante de l’éditeur.Mais dans ce travail d’une facture

inégale, Jebri ne fait pas au final lapart des choses entre espoirs etdoutes. Son analyse sur les dix pre-mières années de règne de Moham-med VI demeure contenue et rétiveà la critique directe. Trop de non-dits auront dévalué un essai pour-tant prometteur. Le rôle dumonarque est sublimé et les taresdu système sont réduites à l’in-constance des efforts consentisdans les domaines sociaux. Unebelle bande-annonce sur les inquié-tudes nées de la disparition de Has-san II, sans plus.

6. CulturalisteVoilà un livre qui risque de rester entravers de la gorge des Marocains.100% décalé par rapport aux écritsclassiques sur la monarchiealaouite, le livre qui nous vient toutdroit de Floride se propose d’expli-quer la longévité et la stabilité durégime marocain par …les papilles.Non, ce n’est pas un énième beaulivre sur les délices de la cuisinemarocaine, mais une tentative sur-prenante d’expliquer la politique.

LIVRES

La bibliothèque idéale pour briller ensoirée intello cet automneDix opus pour dix ansde règne

1. Une ambitionmarocaine. Desexperts analysentla décennie 1999-2009!,Collectif,Koutoubia/LeSerpent à plumes,juillet 2009

2.Le Maroc deMohammed VI, unetransitioninachevée, Pierre Vermeren, LaDécouverte, juin2009, 320 p.

3.Mohammed VI,le grandmalentendu »,Ali Amar, Calmann-Lévy, avril 2009,340 p.

4.Le Maroc enmarche!», Collectif, CNRSéditions, juin 2009

4.Le Maroc en marche, Collectif, CNRSéditions, juin 2009

5.Mohammed VI,une décennie derègne!, Youssef Jebri,Editions du Cygne,juin 2009, 140 p.

6.Politics of foodin modernMorocco, Stacy E.Holden,UniversityPress of Florida,Août 2009, 256 p.

7.Le prince qui nevoulait pas êtreroi, Ferran Sales Aige,Editions Catarata,Avril 2009, 224 p

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Holden suggère, tenez-vous bien,que le fond du problème n’est assu-rément pas de gloser sur l’avantaged’un régime démocratique sur celuid’un potentat autoritaire. Sans s’ex-cuser des travers nés des abus depouvoir d’une dictature aussi éclai-rée fut-elle, l’auteur prétend que lamonarchie exécutive chère àMohammed VI est la forme logiqued’un gouvernement d’une nation auclimat semi-aride appartenant aumonde arabe et musulman. Pourétayer sa thèse pour le moins cul-turaliste (pour ne pas dire raciste),Holden propose une nouvelle inter-prétation de l’histoire récente duMaroc en arguant que la Francecoloniale avait failli à sa missioncivilisatrice lorsqu’elle n’a pas puendiguer la montée du nationalismepopulaire pendant les périodes desécheresses sévères. Aussi, à l’ins-tar de l’époque du Protectorat, l’in-stabilité du pays ne pourrait êtreprovoquée qu’en période de famine.Le premier des droits de l’hommeest de manger à sa faim avait dit Chi-rac à Tunis. Les élites marocainesne pensent-elles pas aussi que lepeuple est immature!? Faut-il y ajou-ter que le Marocain n’est qu’un tubedigestif!? Indigeste, ce livre!!

7. Biographique«!Le prince qui ne voulait pas être roi!»(El principe que no queria ser rey),paru en Espagne le 23 avril, dressele portrait de Mohammed VI. Un

livre dur, qui n’échappe pas aux rac-courcis, écrit par un vétéran du jour-nalisme au Maghreb et au Moyen-Orient. Sa parution cette année estdue à un simple hasard de calendriertant l’ouvrage est loin d’être unexercice de bilan du règne deMohammed VI. Et pour cause, l’au-teur qui a exercé pendant delongues années au Maroc, a quittéle royaume au soir du règne de Has-san II. Il évoque en fait l’adoles-cence d’un prince héritier sous latutelle d’un père jupitérien.Quelques anecdotes croustillantesque l’on dit très romancées agré-mentent le récit. Le point culminanten est l’interview accordée au jour-naliste par Sidi Mohammed, racon-tée avec nostalgie et piquant. Unebonne moitié du livre est franche-ment sans intérêt! : Sales analysesans relief les réalisations politiquesdu nouveau roi et l’évolution dupays depuis dix ans. Pour les besoinsde la rédaction du livre, le journa-liste est retourné au Maroc en 2008pour rencontrer d’anciens contactsqu’il avait à la fin des années 90,pour la plupart des acteurs poli-tiques qui ne jouent plusaujourd’hui de rôle majeur. Lapresse espagnole, pourtant friandedes affaires marocaines n’en a faitqu’un maigre compte-rendu.

8. SubjectifL’idée est certainement finaude deproposer un florilège de témoi-gnages d’acteurs de divers horizonssur les dix ans qui viennent des’écouler. Mais l’exercice n’a pasréussi à éviter un écueil de taille!:celui de présenter une fois de plusles opinions blanchies d’une bro-chette de personnalités trop sou-vent vues, lues et entendues. A ladécharge des auteurs, la livraisonde commentaires intimistes par-lants qui arrivent parfois à toucherpar leur émotion non feinte. Lagrandiloquence de certains, lemaniement de la langue de bois etla réserve perceptible de notabili-tés bien en Cour est à l’inversedécourageante pour un lectoratenvahi et excédé par les écrits insi-pides de la presse officielle. La lisi-

bilité des transformations dans lepays par la voix des personnesnominés par la journaliste NarjisRehraye et la professionnelle desrelations publiques d’Etat LaïlaOuachi, tient plus de la professionde foi pour le régime actuel que dela diversité attendue. Les «!regardscroisés!» demeurent trop consen-suels et emprunts d’un satisfecittrop criard pour être totalement

crédibles, et ce, malgré des relentsde sincérité avérés. Il manque assu-rément à cette douce musique desvoix plus dissonantes qui auraientdonné à cette compilation plusd’harmonie avec la réalité des opi-

nions publiques.

9. Iconoclaste«!Les voix francophones du ‘NouveauMaroc’ dans le cinéma et l’écrit»décortique le sens des messages dela société à travers la littérature, lejournalisme et la production ciné-matographique au Maroc depuis1999. Une idée rafraîchissante eticonoclaste que l’on aurait vouluêtre dénichée par un auteur maro-cain. Certes la presse indépendantea souvent voulu croire en uneMovida marocaine, mais pas aupoint d’en déchiffrer totalement lecontenu .Valérie K. Orlando acceptepour postulat que le renouveau cul-turel et intellectuel perceptible chezla jeune génération d’écrivains, dejournalistes, de poètes et de met-teurs en scène a été encouragé par lenouveau règne. L’exploration socioculturelle, la prise de parole et ledébat politique sont sans contesteplus foisonnants que sous HassanII, mais l’auteur, professeur asso-ciée de littérature française à l’Uni-versité du Maryland, confond sansle vouloir, changement de règne etchangement de régime. Elle esca-mote une vérité bien crue!: la libertéde certains artistes et intellectuelsn’a pas été octroyée, mais arrachéeau prix de bien des sacrifices. Aussi,le ‘Nouveau Maroc’ qu’elle dépeintsemble quelque peu fantasmé. Lethème du passage de la tradition àla modernité est simpliste sous saplume et se résume trop superfi-ciellement à la vision très améri-caine des clivages entre Orient etOccident après le 11 septembre.

10. HagiographiqueProfesseur à l’université anglaise deSurrey, Guy Arnold est un spécia-liste des questions africaines etcelles relatives à la coopérationNord-Sud. Il est l’auteur de plu-sieurs ouvrages, traitant notam-ment du continent africain, dont«! Africa, a Modern History! », quitraite de l’histoire contemporainedu continent de 1960 à 2000. Ceci

étant avancé, le reste, c’est à direson dernier livre n’est qu’une vastereprise de la version officielle del’état du Maroc. Tout y passe, del’INDH au plan d’autonomie duSahara, des autoroutes à TangerMed, de l’islam tolérant du royaumeau CCDH, jusqu’à la thèse éculée duMaroc «!passerelle entre le monde occi-dental, le monde arabo-musulman etl’Afrique de par sa position géogra-phique stratégique!». Arnold, vieuxroutier et stakanovitch de ce genrede livraisons a déjà commis «!LeNigéria moderne!» en 1977, «!Le Kenyamoderne! » en 1981, «! La nouvelleAfrique du Sud!» en 2000 et surtoutune hagiographie de Kadhafi en1997. Son ouvrage au tirage confi-dentiel n’a plus disponible. Sansregrets.

11. A venirPour nombre d’observateurs, leMaroc demeure un mystère écritJames N. Sater dans son livre àparaître en novembre. Cet ancienprofesseur à l’Université Al-Akha-wayne qui enseigne aujourd’hui à laFaculté de Sharjah aux Emirats,signe son deuxième ouvrage sur leroyaume après son essai très docu-menté sur les droits de l’hommeparu en 2007. Il revient sur lescontradictions qui écartèlent lasociété marocaine!: des intellectuelsprogressistes qui critiquent l’auto-ritarisme du régime face à ce qu’ildéfinit comme «!une singularité etune authenticité!» qui empêchenttoute démocratisation véritable.L’auteur force le trait sur le gouffresocial entre la classe des entrepre-neurs nantis et l’immense pauvretéde la majorité de la population tan-dis que la classe politique élue faitallégeance sans conditions à unemonarchie attachée à ses traditions.Un chapitre entier est dédié auregain de religiosité chez une jeu-nesse désabusée par le manque deperspectives et de débouchés. Riensous le soleil que le commun desMarocains ne sache.

LIVRES

8.Vivre lechangement.Regards croiséssur le Maroc 1999-2009, Sous la direction deNarjis Rehraye, LaïlaOuachi, Aoùt 2009

9.Francophonevoices of the“ new” Morocco infilm and print,Valérie K. Orlando,Palgrave McMillan,juillet 2009, 284 p.

10.Morocco in the21th century, Guy Arnold, NorthSouth Books, juillet2009, 220 p.

11.Morocco,challenges totradition andmodernity, James N. Sater,Routeledge, 208 p.A paraître ennovembre 2009