Livre - Georges Vieillard : L’AFFAIRE BULL

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Georges Vieillard : LAFFAIRE BULL(Texte intgral du livre) Annexe 22Retour liste des annexes Histoire Bull et Aussedat

Ce livre, paru en fvrier 1969, avait t rdig durant lt 1965 par lun des principaux dirigeants de la Compagnie des Machines Bull, et lun des principaux acteurs de cette affaire . Directeur Gnral de la Compagnie Bull pendant 30 ans, Georges Vieillard tait la retraite depuis peu lorsquclate la crise que la presse de lpoque nomma l affaire Bull . En tant que lun des meilleurs experts de la situation, Georges Vieillard accepte de sortir de sa retraite la demande du Prsident Joseph Callies, pour participer en direct toutes les ngociations qui vont aboutir la cession partielle de lentreprise au groupe amricain General Electric. La lecture de son livre est donc, encore aujourdhui, indispensable qui veut comprendre cet pisode fondamental de lhistoire de linformatique franaise, europenne et mondiale. A ce titre, il tait souhaitable de le rendre accessible sur la partie de ce site qui est consacre lhistoire commune des Papeteries Aussedat et de la Compagnie des Machines Bull. Bien sr, ce livre, tmoignage chaud dun tmoin et acteur de premier plan, a les qualits et les limites dun tel exercice. Remarquablement document, il est en revanche possible quil focalise parfois lattention sur ses interventions personnelles et sous-estime le rle de tel ou tel autre acteur. De mme, certaines phrases connotation polmique peuvent reprsenter plus le point de vue de lauteur quune analyse objective. Mais son rle lautorise parfaitement mettre ce point de vue personnel. Aujourdhui encore, les passions concernant lhistoire rebondissements multiples de Bull ne sont pas tout fait apaises, et les historiens peinent encore dmler lcheveau des tmoignages et commentaires. Sans doute nous manque-t-il encore quelques pices du puzzle, tmoignages, documents et points de vue. Lexploitation des archives des Papeteries Aussedat, commence par Franois Paturle, peut apporter des lments intressants, notamment le point de vue Callies. Mais les archives du Ministre des Finances, du Premier Ministre, de la CGE, la CSF, la Banque de Paris et des Pays-Bas, voire de General Electric devront galement faire lobjet de recherches.

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Alain Aussedat 30 dcembre 2004

SOMMAIREAvertissement Avant-propos Chapitre 1 Chapitre 2 : Chapitre 3 : Chapitre 4 : Chapitre 5 : Chapitre 6 : Chapitre 7 : Chapitre 8 : Chapitre 9 : Chapitre 10 : Chapitre 11 Chapitre 12 La Compagnie des Machines Bull. La Banque de Paris et des Pays Bas. La General Electric Company Le Gouvernement Franais Lalternative La C.S.F. et la C.G.E. Convocation lAssemble Gnrale Le coup de thtre Les actionnaires se prononcent Commentaires et ractions Le revirement LAssemble Gnrale Extraordinaire

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Chapitre 13 : Chapitre 14 : CONCLUEZ Annexe 1 : Annexe 2 : Annexe 3 : Annexe 4 : Annexe 5 : Annexe 6 : Annexe 7 : Annexe 8 : Annexe 9 :

Les accords La ratification

Renseignements financiers Augmentations de capital Lettre de General Electric du 18.12.1963 Lettre de General Electric du 30.12.1963 Information sur lexercice 1963 Assemble Gnrale du 14 avril 1964 : discussions et vote des rsolutions Assemble Gnrale du 12 mai 1964 : rapport des commissaires aux avantages particuliers Assemble gnrale du 12 novembre 1964 : rapport du Conseil dAdministration Assemble gnrale du 12 novembre 1964 : vote des rsolutions

Retour liste des annexes Histoire Bull et Aussedat

AVERTISSEMENT Ces pages ont t crites au cours de l't 1965 et lorsque fut venu le moment de les publier dbutait, plus tt que prvu, le second acte de l'affaire Bull. C'est en effet au dbut de 1966 que 5 ad!ministrateurs faisant partie du groupe

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minoritaire des actionnaires et qui, suivant les "directives" du gouvernement formaient la majorit au Conseil d'Administration de la Compagnie des Machines Bull, durent abandonner leurs siges ainsi que ceux qu'ils occupaient aux Conseils de la Cie Bull-General Electric et de la Socit Industrielle BullGeneral Electric. C'est aussi la mme poque que l'on commenait de parler du Plan Calcul et de la cons!titution d'une Socit d'Informatique qui devait tre 100 % franaise. Il parut alors prfrable de surseoir l'di!tion de ce Livre. Mais aujourd'hui le Plan Calcul est n, la Compagnie Internationale de l'Informatique (C.I.I.) a t constitue et vient de prsenter ses premires ralisations avec - comme l'crivait Mr Nicolas Vichney dans le journal Le Monde du 19/9/ 1968 - !"une aide amricaine discrte." Il n'y a donc plus de raisons pour retarder la publication de ces pages qui sont restes telles qu'elles avaient t crites il y a 3 ans. On y re!trouvera le rcit des vnements de 1964, la repro!duction des lettres changes avec les Pouvoirs Publics, le texte des protocoles intervenus, ainsi que les procs-verbaux des Assembles Gnrales. Ces documents, mieux que tout commen!taire, permettront au lecteur d'avoir une meilleure comprhension de cette affaire Bull laquelle on se rfre encore ds qu'il est question d'accords industriels internationaux dans des domaines sou!vent bien diffrents de celui de l'Informatique. Dcembre 1968 Retour sommaire

AVANT-PROPOS

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"Ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien". DESCARTES. Discours de la Mthode

Au mois de Dcembre 1964 le "Washington Post" annonait que le Gouvernement Amricain avait t saisi d'une demande fran!aise en vue de l'achat d'un ordinateur d'un modle spcial, trs puissant et trs perfectionn, pour tre utilis lors des expriences nuclaires. Sa vente, un prix voisin de 8 mil!ions de dollars, sou!levait le problme de savoir si celle-ci tait ou non contraire aux clauses du trait de Moscou sur l'arrt limit des essais nuclaires et contre la dissmination de ces armes dans le monde. Le "Washington Post" ajoutait que si la Commission de l'Energie Atomique (A.E.C.) semblait favorable cette vente, par contre le Pentagone y voyait des inconvnients. Cette information paraissait dans les journaux franais au mois de Janvier 1965 mais elle aurait aussi bien pu paratre au prin!temps 1963 car dj cette date la rponse des autorits amricaines avait t ngative. Ce refus devait tre l'origine de ce que l'on devait appeler: "L'AFFAIRE BULL" Il tait logique de penser que si l'on ne pouvait trouver en France un matriel rpondant aux exigences techniques requises, que si, d'autre part, on ne pouvait obtenir du seul pays capable de le fournir les autorisations ncessaires son exportation vers la France, il ne restait plus qu' essayer de le fabriquer avec les moyens nationaux. Les seules Socits auxquelles on pouvait songer pour cela, taient la "Compagnie Gnrale d'Electricit"(CGE), la "Compagnie Gnrale de Tlgraphie sans Fil" (CSF) et la "Compagnie des Machines Bull" ; mais aucune d'elles, prise sparment, ne dispo!sait des moyens techniques et financiers, ni de l'exprience, nces!saires pour mener seule bien l'tude et la ralisation d'un tel matriel. Le Gouvernement n'ignorait pas qu'il lui faudrait financer la plus grande partie des travaux dont il dsirait la ralisation et il lui paraissait plus facile de passer des marchs d'tudes portant sur des sommes considrables un

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organisme commun a plusieurs socits plutt qu une seule d'entre el!es qu'il aurait eu l'air de favoriser au dtriment des autres. C'est ainsi que prit corps dans les sphres gouvernementales l'ide de runir les dirigeants des trois socits CGE - CSF - et Bull et de leur demander d'envisager la cration d'une filiale com!mune laquelle le Gouvernement pourrait s'adresser pour l'tude et la ralisation des projets importants - et souvent confidentiels - !qu'il envisageait. Il revenait Monsieur Gaston Palewski, Ministre d'Etat, charg de la Recherche Scientifique et des Questions Atomiques et Spatiales, de provoquer cette confrontation et le 7 Aot 1963, assist de Monsieur Malavard, son conseiller technique, il runissait djeuner son Ministre, Mr Ambroise ROUX, Directeur Gnral de la CGE, Mr Maurice PONTE Prsident-Directeur Gnral de la CSF, et Mr. Joseph CALLIES, Prsident-Directeur Gnral de la Cie des Machines Bull. Il tait de notorit publique qu' cette poque ces trois per!sonnalits n'taient pas spcialement prtes s'entendre, que bien des questions les sparaient et que l'appartenance de leurs socits des groupes financiers diffrents ne pouvait faciliter leur rappro!chement. On tait la veille des vacances : on pouvait esprer, qu'loigns pendant quelques semaines de leurs soucis habituels, ces trois industriels auraient le loisir de rflchir dans le calme et de trouver les bases d'une entente. Rendezvous fut pris pour le dbut du mois de Septembre et c'est en effet le 19 de ce mois qu'ils devaient se rencontrer de nouveau, Mr Joseph Callies s'tant alors fait accompagner par Mr Georges Vieillard, l'ancien Directeur Gn!ral de Bull qui avait pris sa retraite au dbut de 1962 aprs avoir rempli ces fonctions pendant 30 ans. Rien ne devait sortir de cette runion. On serait mme tent de dire qu'il tait prvisible que rien n'en pouvait sortir. L'Affaire Bull Commence Retour sommaire

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CHAPITRE I LA COMPAGNIE DES MACHINES BULL

Chaque industrie est la plus difficile de toutes Propos de Mr. BARENTON recueilli par Monsieur DETOEUF

Pour dbuter il parait indispensable d'exposer la situation de la Cie des Machines Bull telle qu'elle se prsentait au moment o va s'ouvrir pour elle une priode critique ; trop de renseigne!ments errons ont t rpandus son sujet. N'avait-on pas t jusqu' prtendre que de graves fautes de gestion avaient t com!mises alors que la socit avait surtout t victime d'abord de l'in!diffrence des Pouvoirs Publics, puis ensuite d'une sollicitude en!vahissante. Que n'avaient-ils compris plus tt l'importance que re!prsentait pour la France une industrie nationale aussi primordiale que celle des calculateurs lectroniques ! Qu'est-ce donc que la Compagnie des Machines BULL ? C'est une socit anonyme, fonde en Mars 1931 au capital de 3.600.000 francs anciens qui tait devenue en 1963 une des plus grandes socits franaises. Son capital social a t progressive!ment augment par des souscriptions en espces, par des apports (immobiliers pour la presque totalit) et par la transformation en actions de rserves et de primes d'mission, pour dpasser 140 mil!lions de nouveaux francs. A fin 1962, sa capitalisation boursire atteignait 1 milliard 169 millions de NF, ce qui la plaait au 17me rang des socits franaises cotes la Bourse de Paris. Il ne peut tre question de raconter ici l'histoire passion!nante de cette compagnie qui groupait moins de 50 personnes en 1931 et qui, en 1963, russissait tant en France que dans ses suc!cursales et agences rparties dans 27 pays trangers, prs de 18.000 collaborateurs.

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Dveloppement rapide, extraordinairement rapide, mais aussi peut-tre trop rapide, surtout dans cette priode difficile o la mon!naie subissait des dvaluations dangereuses, o la technique se modifiait avec une vitesse vertigineuse et o elle avait lutter contre une concurrence trangre aussi puissante qu'agressive. En juillet 1950, la Cie des Machines Bull avait pu conclure un accord de"crosslicence" avec la socit amricaine Remington! Rand (qui, aprs absorption, tait devenue en 1955 la socit Sperry-Rand). Non seulement la Cie des Machines Bull n'eut aucun moment besoin d'utiliser les licences amricaines, mais Remington! Rand prfra, plutt que d'utiliser pour ses fabrications les licences pour lesquelles elle payait nanmoins d'importantes redevances, importer des machines Bull construites en France par Bull, et qu'elle revendait aux Etats-Unis sous sa propre marque. Les machines Bull trouvaient un large dbouch en France comme l'tranger et Monsieur Lemaire, ancien Ministre du Com!merce et de l'Industrie pouvait dire en 1957 : "La Cie des Machines Bull avait t fonde pour faire quelque chose de national, pour li!brer la France d'un monopole tranger et aujourd'hui on doit cons!tater que sur son chiffre d'affaires qui se monte 12 milliards, la socit exporte 45 % de ce chiffre. Je voudrais bien savoir qui dit mieux ? " Lorsqu'en Juillet 1960 arriva la premire chance du contrat avec Sperry-Rand, la Cie des Machines Bull refusa de le reconduire, une entente n'ayant pu se faire sur les conditions de son renouvel!lement. Elle chercha alors un autre correspondant aux Etats-Unis et en octobre 1961 signait un accord technique et commercial avec la "Radio Corporation of America" plus connue sous le vocable de RCA. Par cet accord, Bull pouvait immdiatement disposer de cer!tains modles de machines dont elle avait alors le plus urgent besoin pour s'opposer la concurrence, comme il le sera expos la fin de ce chapitre. Elle dut au dbut importer quelques dizaines de ces machines en attendant qu'elles fussent fabriques dons l'usine qu'elle venait de faire construire Angers. Malheureusement RCA avait conclu des accords analogues avec la socit concurrente anglaise ICT (International Computer & Tabulating Cy) et la socit japonaise Hitachi, et, satisfaite par les 3 accords qu'elle avait ainsi signs, elle ne poursuivit pas comme elle s'y tait pourtant contractuellement engage, son effort de recherches, ce qui aurait pu et d soulager le service des tudes de la Cie des Machines Bull. Or dans le domaine des tudes il ne pouvait tre question de s'arrter.

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Le march dans lequel Bull travaillait avait connu au cours des dix annes prcdentes et devait connatre dons les annes sui!vantes une trs rapide expansion. L'opinion des experts amricains (Rapport Diebold), euro!pens (Rapport hollandais la C.E.E., Fvrier 1963), franais (Livre Blanc du Commissariat au Plan, de Mai 1963) est unanime sur ce point. L'Europe du March Commun doit avoir, en 1970, un nombre d'ensembles de gestion de l'ordre de celui des ensembles actuelle!ment installs aux U.S.A., soit environ 10.000, chiffre comparer aux 1.500 existant en 1963. Ce chiffre devrait tre multipli par 1,5 pour tenir compte des pays europens non compris dons la C.E.E. Cette expansion est particulirement onreuse car il s'agit d'une technique de pointe, trs nouvelle, trs volutive et qui fait appel des disciplines trs diverses (mcanique, lectronique, physique, chimie, mathmatiques appliques, sciences de l'organi!sation...). Les frais d'tudes sont donc particulirement levs. La Cie des Machines Bull y avait consacr environ 13% de son chiffre d'affaires en 1963 ce qui reprsentait cependant bien peu par rapport aux sommes consacres par les socits amricaines. En dehors mme des tudes et des recherches, cette activit ncessite un trs grand nombre de techniciens d'emploi. Le rapport hollandais mentionn plus haut, prvoyait que le nombre des spcialis!tes directement attachs aux machines (directeurs de centres de calcul, analystes, programmeurs, ingnieurs de mthodes, ingnieurs et mcaniciens d'entretien) devait passer, pour la C.E.E., de 20.000 300.000. Les personnes indirectement concernes par l'automation administrative seraient au moins dix fois plus nombreuses, soit environ trois quatre millions d'individus. Ces techniciens de divers niveaux doivent tre, encore au!jourd'hui, recruts, choisis, forms essentiellement par les socits. Leur apprentissage ncessite l'assimilation de connaissances tech!niques nouvelles, laquelle doit s'ajouter une exprience prolon!ge, et doit tre, sans cesse, remis jour pour tenir compte des techniques nouvelles. Ces spcialistes sont rares et doivent tre engags des niveaux de rmunration levs. La formation des quipes ncessaires la vente et la bonne utilisation des machi!nes constitue donc un lourd et continuel investissement. Pour ce faire, la Cie des Machines Bull ne pouvait compter que sur elle mme, alors qu'aux Etats-Unis, le Gouvernement Amricain consent chaque anne l'industrie prive des contrats de plu!sieurs centaines de millions de dollars pour

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l'tude et la ralisation de matriels, certes destins aux services de la Dfense Nationale, mais qui constituent en ralit de vritables subventions. Ce fut l une des causes principales des difficults finan!cires que la Cie des Machines Bull rencontrait depuis plusieurs annes. On ne peut non plus ngliger de signaler la diminution pro!gressive des marges bnficiaires rsultant de l'augmentation continuelle des salaires alors que les prix restaient bloqus par la rglementation officielle. Mais il est une autre cause tout aussi importante qui rsulte du phnomne" location". L'usage tabli dans la profession, et que tous les constructeurs doivent respecter, est que les clients louent le plus souvent leur machine au lieu de les acheter. Le pourcentage des locations par rapport aux ventes varie suivant les lieux et les annes ; il tend augmenter et s'tablir partout prs de 80 %. Bull n'tait donc pas seulement un industriel et un commerant, il devait aussi avoir une activit de banquier ou plus exactement, de socit de "leasing" car il devait conserver et financer le matriel lou ses clients. Pour allger les charges rsultant des locations en France, une socit spciale fut constitue en 1963 (Locabull) dont le capi!tal avait t souscrit par moiti par la Cie des Machines Bull et l'autre moiti par un groupe de banques et de compagnies d'assuran!ces dont la Banque de Paris et des Pays-Bas tait le chef de file. Mais pour ses filiales trangres, la Cie des Machines Bull dut gar!der une part importante du financement du matriel mis en location par celles-ci, et cela en consentant de larges facilits de paiement pour le matriel qu'elle leur fournissait. On peut suivre sur le tableau de l'annexe I la progression du poste du bilan "Matriel de location" de 1954 1963 et on pourra constater que laugmentation annuelle de ce poste, qui n'tait que de 37 millions en 1960, est passe 100 millions en 1961 pour at!teindre 136 millions en 1962. Pour l'exercice 1963, ce poste n'a augment que de 58 millions grce l'aide de la Socit Locabull ; sans elle l'augmentation aurait t de 138 millions. Le rapport hollandais cit plus haut prvoit que d'ici 1970 les constructeurs, pour faire face l'accroissement du parc prvu, auront investir environ 20 milliards de florins, soit 30 milliards de nos francs actuels. Pour l'Europe entire, ce chiffre devrait tre augment de 50 %. Ceci montre bien l'ampleur du problme financier qui se trouve pos. Pour le financement de ses immobilisations industrielles et du matriel mis en 1ocation, la Cie des Machines Bull avait du con!tracter diffrents emprunts

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obligataires de 1954 1962 pour un mon!tant de 212.360.000 francs (voir le dtail l'annexe I) et obtenir des prts court et moyen terme dont le total se montait au 31 dcembre 1963 365 millions (voir le tableau de l'annexe I). Grce au cours lev de ses actions la Bourse de Paris, l'acquisition des usines nouvelles ncessites par l'extension des activits industrielles de la compagnie avait pu tre faite par voie d'apports dans des conditions particulirement avantageuses. Il s'est d'abord agi d'usines dj construites qui ont t achetes diffrentes socits, mais pour l'usine d'Angers construite sur un terrain achet nu par la Cie des Machines Bull, une socit spciale (L'Auxi1iaire Industrielle) fut constitue sous l'gide de la Banque de Paris et des Pays-Bas par divers organismes financiers. Une fois construite, l'usine dAngers fut apporte la Cie en 1963. Le total des augmentations de capital rsultant de ces diffrents apports s'lve 9.624.500 francs. On en trouvera le dtail dans l'annexe Il. D'autres augmentations de capital eurent lieu pendant cette mme priode de 10 ans, soit par souscription en espces (pour une valeur de 73.843.150 NF plus 163.406.190 NF de primes d'mission, au total 237.249.340 NF) soit par distribution d'actions gratuites. (Voir l'annexe II). En rsum, au cours de cette priode de dix annes de 1954 1963, la trsorerie de la socit a d avoir recours : - des emprunts obligataires pour 212 millions - des prts court et moyen terme pour 355 millions - ses actionnaires pour 237 millions Soit au total 804 millions

Les nouvelles usines ayant pu tre acquises par voie d'apport. Mais ces moyens n'ont pas t suffisants, l'augmentation de capital de 1962 n'a pas t assez importante, et il aurait d tre fait appel encore aux actionnaires en 1963. Cela n'avait pas paru pos!sible au Conseil d'administration de la Compagnie qui devait tenir compte du caractre familial de la socit. Le groupe Callies!-Michelin qui possdait en effet une part trs importante du capital, dsirait maintenir sa position et conserver le caractre unitaire de la Socit. Ce groupe tait largement reprsent au Conseil par :

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. Mr. Joseph Callies, gendre de Mr. Edouard Michelin, qui avait succd comme Prsident Directeur Gnral un de ses frres, Mr. Jacques Callies dcd en Novembre 1948. . Mr. Pierre Callies, son frre, qui avait succd comme Vice-!Prsident leur frre an, Mr. Jean Callies lui aussi gendre de Mr. Edouard Michelin, dcd en janvier 1961. . Mr. Jacques Callies, fils de Mr. Jean Callies et donc petit-fils de Mr. Michelin. . La socit des Papeteries Aussedat, reprsente par leur cousin Mr. Franois Paturle, socit dont MM. Pierre et Joseph Callies sont administrateurs. Dj pour souscrire l'augmentation de capital de 1962, le groupe Callies et certains autres gros actionnaires avaient du rali!ser en Bourse un assez grand nombre d'actions de la Cie, ce qui avait lourdement pes sur les cours de bourse. Il semblait donc dif!ficile de recommencer pareille opration en 1963 ; c'est ce que devait dire Mr. Joseph Callies dans l'allocution qu'il fit, comme Prsident, au cours de l' Assemble Gnrale des actionnaires du 5 Juin 1963. A ces raisons permanentes de besoins financiers - tudes, mise en location d'une partie importante du matriel, dveloppement industriel et commercial - devaient s'ajouter partir de 1961 deux autres rai- sons techniques et accidentelles. Il s'agit d'abord de la mise au point des grands ensembles lectroniques "Gamma 60" qui, en dpenses comme en temps, devait largement dpasser les prvisions. Malgr tout ce que la concurrence a pu dire ce sujet (et elle a sur ce point outrageusement dpass les bornes de la loyaut) au point de vue technique, le Gamma 60 a t et est encore aujourd'hui un succs. Si maintenant, par suite des progrs technologiques de ces dernires annes, des modles plus perfectionns ont t mis sur le march, il n'en reste pas moins que le Gamma 60 prsentait lors de sa mise en service, des perfectionnements originaux et importants et qu'encore l'heure actuelle ses utilisants reconnaissent qu'ils en tirent de trs grands services dpassant leurs prvisions les plus optimistes. Succs technique certain, mais le Gamma 60 n'a pas eu le mme succs commercial ; pour amortir les frais d'tudes d'un tel matriel il aurait fallu que les commandes fussent plus nombreuses. Or les Administrations d'Etat, les Services Publics et les Socits Nationalises se dtournrent de lui, prfrant s'adresser des fir!mes trangres et privant ainsi la Cie des Machines Bull d'un d!bouch sur lequel elle tait d'autant plus en droit de compter qu'elle avait financ seule ses tudes et n'avait reu aucune aide de l'Etat.

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Ecrivant dans le Figaro (21 Novembre 1964) un article sur "La puissance scientifique amricaine et l'Europe" voici ce que disait Monsieur Raymond Aron : "Il importe donc que l'Etat ait une politique de la science et cette politique ne concerne pas seulement l'Enseignement Sup!rieur ou les Instituts de recherche, mais le soutien aux entreprises. Pour plus des trois quarts les commandes des Administrations Pu!bliques allaient IBM et non la Cie des Machines Bull. L'Etat Amricain accorde, pour des milliards de dollars des contrats de recherche. LEtat Franais, dans la limite de ses moyens, pourrait et devrait faire de mme. S'il l'avait fait dans le cas des calcula!teurs, peut-tre n'aurait-il pas eu besoin d'intervenir, vainement d'ailleurs, au dernier moment." A cot de l'effort qu'elle avait d faire pour la sortie du Gam!ma60, la Cie des Machines Bull avait d surmonter une seconde diffi!cult rsultant de son chec dans le lancement d'une nouvelle gam!me de machines, la srie 300. Ce nouveau matriel offrait pourtant de trs rels avantages de souplesse, de capacit, de flexibilit malgr une certaine difficult de programmation. Mais il arrivait trop tard sur le march au moment o la concurrence amricaine lan!ait un matriel lectronique nouveau, plus moderne et plus mania!ble. Pour employer un langage sportif, on pourrait dire que Bull "tait prise contre-pied et devait cder le point". Le mise au point des machines de la srie 300 avait t longue et coteuse, son insuccs commercial devait causer la Cie une perte importante ; certes il y avait bien alors l'tude un autre matriel (le Gamma 10), mais on ne pouvait esprer le mettre sur le march avant un dlai encore assez long. C'est ainsi que Bull fut amene conclure fin 1961 un accord avec RCA qui devait lui per!mettre de prsenter sans plus attendre et avec un grand succs le Gamma 30 (qui n'est autre que le modle 301 RCA). Les premires machines furent importes des Etats-Unis pendant que la fabrication en tait lance dans l'usine d'Angers. Il rsulte de tout ceci que Bull occupait sur le march la fin de 1963, une place la fois privilgie et vulnrable. Les avantages acquis par Bull taient les suivants : 1- Son anciennet dans la profession, Bull ayant commenc ses activits en 1931 ; son calculateur Gamma 3 a t, en 1952, en avance sur ceux de ses concurrents. Elle s'tait mise, avec le Gamma 60, au niveau des plus grands ensembles lectroniques. Elle avait donc une connaissance longuement et

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solidement ac!quise des possibilits des diverses machines aussi bien que des problmes des clients. Une telle exprience ne peut tre rapidement rattrape. 2- L'tendue et la solidit de ses rseaux commerciaux. Grce une croissance trs rapide (environ 20% par an), Bull avait pu, depuis les annes 1950, s'installer trs solidement en France, o elle dtenait environ le tiers du march, et acqurir des posi!tions fortes dans la plupart des pays industriels, notamment en Europe o elle reprsentait 10% du march. Le personnel de ses filiales ou agences tait d'environ 4.000 personnes. Le montant de ses ventes l'tranger atteignait 160 millions de francs en 1963. Dans un mtier o la confiance du client dans la solidit et la permanence de son fournisseur jouent un rle ca!pital, cette situation acquise constituait un atout essentiel. Ces avantages valaient d'ailleurs Bull d'tre considre comme un partenaire intressant par nombre d'autres importantes socits ; soit comme un partenairefournisseur pour les firmes sus!ceptibles d'utiliser ses machines avec leur propre matriel - c'est le cas de socits amricaines comme Burroughs et National Cash Register dont les contrats prenaient progressivement une ampleur considrable soit comme un partenaire-associ pour les socits qui voyaient l' intrt que prsentait ce march mais en apercevaient aussi les difficults. L'accord pass en 1961 avec R.C.A, qui lui donnait accs ses tudes tout en lui laissant une entire libert commerciale, montrait l'avantage qui pouvait tre retir d'une telle position. Mais en contrepartie, la vulnrabilit de Bull tait indnia!ble. Elle tenait d'abord la concurrence, surtout reprsente par I.B.M. dont la puissance et la valeur sont bien connues. Les dimensions d'I.B.M. taient d'environ trente fois celles de Bull. La position financire d'I.B.M. est extrmement solide ; elle est due au fait que son portefeuille de locations est ancien et qu'une trs grande partie de ses matriels est amortie. Ses possibilits d'autofinancement sont considrables et tout en consacrant quelque 300 millions de dollars ses recherches (soit 3 fois le chiffre d'af!faires de Bull), elle pouvait annoncer pour 1962 un bnfice net, aprs impts, de 240 millions de dollars. Ajoutons encore qu I.B.M. bnficie des contrats passs avec l'administration amricaine, soit sous forme de contrats d'tu!des, soit sous forme de commandes de matriels de gestion, et notons qu'elle a l'avantage de pouvoir emprunter des fonds sur le march amricain avec des conditions de dure - 50 ans et plus - et de bon march - 3 3,5% - qui n'ont pas d'quivalent en Europe. La deuxime grande raison de la vulnrabilit de Bull tenait 1'ampleur des charges auxquelles elle devait faire face. Il faut souligner encore ici que le

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phnomne" location" a une double con!squence financire. La premire est celle qui a t voque plus haut: il faut emprunter les fonds ncessaires et les emprunter aux conditions du march qui sont, en France, onreuses. La seconde, moins vidente, tient au fait que les locations constituent, pendant les premires annes de leur existence, une charge du compte d'ex!ploitation et non un bnfice. Les frais qui naissent des locations nouvelles : - frais de mise en route dus la prsence d'quipes de techniciens nombreux et coteux - frais d'amortissements calculs sur une dure trs rapide: 5 ans - frais financiers dus l'ampleur et au cot des emprunts rendus ncessaires dpassent le montant des recettes pendant tout le temps que dure l'amortissement et spcialement pendant la premire anne. Au-del en revanche, les bnfices sont considrables. Mais quand le nom!bre des locations nouvelles dpasse trs sensiblement le nombre des locations anciennes, (ce qui tait le cas de Bull depuis 1960), le poids des charges, dans le domaine des locations considr isol!ment, l'emporte sur celui des bnfices. Tout ceci tait bien connu des Dirigeants de la Cie des Machines Bull qui s'en proccupaient grandement et qui ne manqu!rent pas d'en donner connaissance aux Pouvoirs Publics. Une note ce sujet fut rdige par Mr. Ginier-Gillet, ancien Inspecteur des Finances et Directeur-Gnral Adjoint de la Compagnie dont les pages qui prcdent ne sont souvent que la copie. Cette note fut remise en Octobre 1963 : d'abord au Ministre de lIndustrie, ministre de tutelle de la compagnie, auprs duquel la Compagnie avait toujours trouv beaucoup de comprhension et d'appui. puis au Ministre des Finances et des Affaires Economi!ques, la Direction du Trsor. au Gouverneur de la Banque de France, au cabinet de Monsieur le Premier Ministre, au Secrtariat Gnral de la Prsidence de la Rpublique. La conclusion de cette note faisait ressortir l' intrt qu'avait la Cie des Machines Bull profiter de son avance pour rechercher une alliance qui s'avrait

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indispensable, qu'il ne lui semblait pas qu'avec les seules ressources franaises puisse tre constitue une entreprise de taille suffisante ; les disponibilits offertes par la France, aussi bien sur le plan technique que celui des hommes et des capitaux, ne lui paraissaient pas la mesure des dveloppements ncessaires, et qu'enfin une telle solution devait intervenir aussi rapidement que possible. En effet les con!currents actuels ou potentiels de Bull tudiaient tous cette question d'entente de leur ct et si les dcisions n'taient pas prises avec Bull, elles seraient alors forcment prises contre elle. La Cie des Machines Bull n'avait pas nglig de prendre contact avec d'autres socits europennes avec lesquelles un accord de coopration aurait pu tre conclu. Mais, des conversa!tions engages dans ce sens il ressortait nettement que, si ces socits pouvaient lui apporter des appuis financiers, voire mme commerciaux, au point de vue technique, tant donn l'avance am!ricaine, on ne pouvait esprer avec eux trouver de solutions effica!ces aux problmes qui se posaient elle comme ses concurrentes. Retour sommaire

CHAPITRE II LA BANQUE DE PARIS ET DES PAYS-BAS

"Me voil bien chanceuse! Hlas, l'on dit bien vrai Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, Et service d'autrui n'est pas un hritage. MOLIRE - Les femmes savantes

Pour surmonter ses difficults de trsorerie du second se!mestre 1963, la Cie des Machines Bull avait prvu de contracter un emprunt obligataire de 100 millions de nouveaux Francs que diff!rentes banques europennes taient prtes souscrire ; cet emprunt aurait permis d'attendre le mois de Fvrier 1964, date laquelle devait avoir lieu l'augmentation de capital dont le principe avait t vot au cours de l'Assemble Gnrale du 5 Juin 1963.

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Un tel emprunt, fait hors de France, ncessitait l'autorisa!tion du Ministre des Finances, mais cette autorisation fut refuse. La Compagnie des Machines Bull se retourna alors une fois de plus vers le Crdit National auprs duquel fut dpose une demande de crdit long et moyen terme de 45millions de Francs. Cette deman!de remise en Octobre 1963 donna lieu aux enqutes et vrifications habituelles, le dossier fut mis rgulirement en tat mais, sur les indications du Ministre des Finances, la dcision d'octroi de ce crdit tait repousse de mois en mois. Pendant ce temps les pourparlers prconiss par Mr. Gaston Palewski au mois d'Aot furent entams ; aucun des interlocuteurs ne semblait avoir grand dsir d'aboutir tant les difficults taient grandes pour arriver un arrangement. Au cours d'une runion (19 Septembre 1963) qui groupait Mr. Ponte, Mr. Joseph Callies accom!pagn de Mr. Vieillard et Mr. Ambroise Roux, ce dernier dclarait qu'il tait bien dcid ne s'intresser la Cie des Machines Bull qu'au moment o celle-ci en serait l'heure du dpt de bilan ! Par contre les conversations entre la CSF et Bull se pour!suivaient dans un climat, qui pour n'tre pas spcialement cordial, tait cependant beaucoup moins tendu ; et sous la pression de Mr. Reyre, Vice-Prsident et Directeur Gnral de la Banque de Paris et des Pays-Bas, Messieurs Ponte et Joseph Callies signaient fin Septembre un projet de protocole d'association nonobstant les accords rcemment conclus par Bull avec SEA. La Banque de Paris et des Pays-Bas exerce une trs grande influence dans la CSF ; elle n'en possde pas la majorit mais sur les 11 membres de son Conseil d'Administration, il y a 3 adminis!trateurs communs (MM. Girardeau, Reyre et de Vitry, administrateur galement de la CGE) 2 Directeurs de la Banque (MM. Bricard et Rambaud) et un ancien directeur de la Banque (Mr. Julien). Il ne fait pas de doute que les buts de la Banque de Paris dpassaient large!ment ceux prvus dans le protocole que Mr. Reyre avait fait signer et qu'elle envisageait pour l'avenir, de faire reprendre la direction de Bull par la CSF. Jusqu'alors la Banque de Paris n'tait reprsente au Conseil d'administration de la Compagnie des Machines Bull que par son Directeur Gnral Adjoint, Mr. Louis Bricard. Ce dernier venait de subir au printemps 1963 une grave intervention chirurgicale dont il se remettait difficilement. Aussi Mr. Reyre exigea-t-iI comme condi!tion de la continuation de l'appui financier de sa banque qu'un second Administrateur vienne la reprsenter en la personne d'un de ses Directeurs, Mr. Roger Schluz, et qu'en mme temps soit dsi!gn comme Directeur Gnral Adjoint de Bull Mr. Jean Bigard, Directeur Gnral Industriel de la CSF.

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Et c'est ainsi que le 25 Octobre 1963, le Conseil d'Administration de Bull dut coopter comme administrateur Mr. Schulz en rem!placement de Mr. Philippe Brossollet dont la dmission avait du tre demande et dsigner Mr. Bigard comme Directeur Gnral Adjoint. Contrairement ce qui avait t convenu, Mr. Bigard ne rsilia pas, mme temporairement, les fonctions qu'il occupait la CSF, et son action Bull se limita uniquement la rdaction avec Mr. Schulz d'un rapport sur la situation technique et financire de la Compagnie. Aprs avoir dpos ce rapport entre les mains de Mr. Reyre en Dcembre 1963, il donnait sa dmission de la Cie des Machines Bull. Ce rapport de 28 pages reconnaissait que "sur le plan technique, la mise au point du calculateur Gamma 60, entirement fran!ais, et ralis sans l'aide de l'Etat, tait un succs" tout en no!tant "qu'il n'en restait pas moins que sur le plan commercial c'tait un chec". Etudiant la situation des nouvelles machines en cours de ralisation par les services d'tudes, MM. Bigard et Schulz devaient ajouter: "La srie Gamma 10, prsente au SICOB 1963, avait connu un succs commercial immdiat, que 100 quipements seraient commands en 1963, et que les prvisions de commandes de 1964 s'lveraient 200 appareils". Les prvisions de la Cie des Machi!nes Bull taient beaucoup plus optimistes et ont t depuis vrifies par les faits, puisque la 500me machine tait commande la fin de 1964 et la 1.000me fin 1965. Par ailleurs, sur le plan financier, ce rapport faisait de grandes rserves sur la faon dont les comptes taient tablis : par exemple il n'admettait pas que l'on fasse rentrer dans le prix de revient du matriel un certain pourcentage des frais d'tudes et des frais gnraux. Pour le matriel vendu cela n'avait pas de rpercus!sion sur le compte de rsultat, mais pour le matriel en location c'tait vouloir amortir dans l'anne tous ces frais au lieu de les amortir avec le reste du prix de revient de ces machines, c'est ! dire en cinq ans. Corrigeant de ce fait les rsultats des bilans de la Cie, ce rapport concluait que l'exploitation s'tait rgulirement dgrade depuis 1959 et qu'elle se trouvait dficitaire depuis 1961. Ceci en maintenant l'amortissement du matriel de location en 5 ans mais en amortissant tous les frais d'tude dans l'anne, et sans tenir compte alors d'une revalorisation l'actif du matriel lou entirement amorti (la dure moyenne du matriel tant d'envi!ron 10 ans) et dont la valeur tait certaine eu gard son rendement.

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Toujours d'aprs MM. Bigard et Schulz, il fallait procder l'assainissement de l'actif en faisant apparatre, principalement en ce qui concernait les approvisionnements destins au Gamma 60 et la srie 300, une dprciation de 54 millions pour les tudes et les stocks et de 25 millions environ sur les titres de participations dans les filiales trangres. C'tait mconnatre d'une faon complte la valeur de l'organisation commerciale de la Compagnie. Mais cela ne paraissait pas encore suffisent aux rdacteurs de ce rapport qui, tudiant les perspectives pour l'anne 1964, con!cluaient que le cumul des pertes, dprciations et provisions nu!mres, sans parler des filiales, conduirait une perte de 170 millions pour les exercices 1963 et 1964 et que si on voulait tablir les rsultats consolids du groupe Bull en intgrant les filiales, le chiffre s'lverait 206 millions. Aprs avoir encore tudi les diffrentes mesures prendre pour redresser la situation, le rapport concluait dans les termes suivants reproduits ci-aprs inextenso. CONCLUSIONS - Nous avons vu que les rsultats des exercices 1963 et 1964 doivent se traduire par une perte globale de 170 M pour la Compagnie des MACHINES BULL seule (3). Ce chiffre peut tre considr aujourd'hui comme un ordre de grandeur invitable en raison du dlai qu'exigera toute mesure de redressement. - Nous pouvons observer que ces pertes sont d'ores et dj acquises pour leur plus grande part, ce qui explique en partie les importants besoins de trsorerie et les charges financires qui en dcoulent ( 1 ). Un apurement de ces pertes par les rserves aurait pour effet de dsquilibrer le rapport de l'endettement au fonds propres, mon!trant la ncessit de couvrir une part importante des besoins nou!veaux de trsorerie valus 180 M en 1964, par une augmentation de capital (2). - En ce qui concerne l'avenir, nous pensons ncessaire de prciser tout d'abord que l'incidence du rgime des amortissements et des locations, pour importante qu'elle soit, n'est pas de nature modifier profondment la physionomie de l'exploitation en FRANCE. Les filiales rcentes, en expansion rapide souffrent par contre beaucoup de l'incidence des locations, en l'absence d'un parc an!cien entirement amorti.

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- En fait, pour la COMPAGNIE des MACHINES BULL, le vrai problme rside dans le niveau de ses prix de revient par rap!port aux prix de vente. Nous avons vu qu'il n'a cess d'augmenter depuis 1959 ; les analyses faites sur les matriels nouveaux rendent peu vraisemblable l'quilibre de l'exploitation en 1965, compte tenu des retours probables de certains matriels non entirement amor!tis (Srie 300). (1) Les charges financires globales en 1964 reprsenteront 42 M (2) Au 30.9.1963: Capital 140 M. Rserve 260 M. Endettement vis--vis des tiers 677 M dont endettement financier 574 M. 3) - Les filiales trangres accusent des pertes substantielles, notamment en raison de l'expansion rapide de certaines d'entre elles; mais la mise en place ventuelle de socits de leasing serait sans doute de nature amliorer considrablement leurs rsultats. Cette dgradation de l'exploitation s'explique essentiel!lement par la disproportion existant entre BULL et son principal concurrent I.B.M., qui l'oblige taler ses frais d'tudes sur une production trop limite et ses dpenses de fabrication sur des sries trop faibles. Cette opinion nous parait illustre par quatre constatations : - BULL, l'encontre de ses concurrents amricains, a toujours fi!nanc luimme ses tudes. - Le niveau des prix de revient usine d'I.B.M. serait de l'ordre de 30% de ses prix de vente; BULL est actuellement aux environs de 60% et ses meilleures perspectives (Gamma 10) se situent plus de 40%. - Les remises accordes par I.B.M. ses filiales trangres seraient de l'ordre de 50 %, alors que la remise normale de BULL est de 36,35. %, remise que la Compagnie n'arrive pas pratiquer saine!ment aujourd'hui. - Enfin, le principal concurrent europen de BULL, I.C.T., dont le chiffre d'affaires est trs voisin de celui de BULL, serait, selon de nombreux indices, dans la mme situation et aux prises avec les mmes problmes. - Dans le dlai qui nous a t imparti, nous avons esquiss un programme des conomies qui paraissent vraisemblables. Il n'est pas impossible, sans qu'on

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puisse l'affirmer, qu'une tude plus d!taille puisse conduire un effort plus grand. Dans l'tat actuel des choses, ces mesures, dont certaines risquent cependant de compromettre l'avenir long et mme moyen terme, risquent de ne pas tre l'chelle du problme rsoudre, malgr les effets favo!rables qu'on est en droit d'esprer de l'expansion rgulire du mar!ch (1). (1) - Il faut toutefois tenir compte de l'intention qu'auraient certains impor!tants groupes amricains de faire un effort considrable pour briser le quasi monopole d' I. B.M. dans le domaine des quipements de ges!tion. - Dans ces conditions, si l'on veut garder BULL son ca!ractre entirement franais, il semble que l'quilibre de l'exploita!tion de la Compagnie soit trs problmatique sans un appui dter!min des pouvoirs publics : - Financement d'une part importante des tudes ncessaires l'expansion de la COMPAGNIE des MACHINES BULL dans le sens du march et non selon les seuls voeux des services techni!ques de l'Etat. - Commandes importantes et suivies des Administrations et organis!mes publics franais (Ministres, Rgies, Socits nationalises), dans le cadre d'une politique de protection de cette industrie nationale. - Si cet appui ne pouvait tre acquis, il faudrait dans les dlais les plus courts tirer part de l'actif que reprsentent le r!seau commercial, les quipes techniques et le service aprs- vente de BULL pour procder de profonds accords internationaux. - Dans le cadre europen, un regroupement entre les princi!pales firmes intresses, I. C. T., Olivetti, et ventuellement Siemens, semble difficile raliser rapidement. Le plus ais serait probablement une mise en commun de certains moyens de BULL et d'I.C.T. Cependant la situation des deux Socits ne permet pas d'escompter les heureux effets de leur conjonction avant plusieurs annes. - Dans le cadre international, un accord serait sans doute possible avec une des puissantes socits amricaines intresses par cette activit, vraisemblablement sous la forme d'une certaine intgration, tant donne la disproportion des moyens des deux par!tenaires. Ce rapport, comme il l'avait t demand, tait tabli pour mettre systmatiquement en relief tout ce qui pouvait apparatre comme ngatif dans

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l'exploitation de la Cie des Machines Bull et o, pour reprendre l'expression employe par Mr. Giscard d'Estaing lors de la discussion du budget de 1966 (rponse Mr. Tony Larue) : on pouvait percevoir une sorte de dlectation morose l'numra!tion de ce qui ne marche pas. Sans mettre aucunement en doute la sincrit de ceux qui l'ont rdig, on peut cependant faire remarquer que ce rapport n'a pas tenu compte des ncessits du march, ni de la valeur commer!ciale qui, si elle n'apparat pas en chiffre dans le bilan, a une valeur trs importante comme il est d'ailleurs dit dans les conclu!sions cites plus haut et comme le prouveront les ngociations avec la General Electric Cy. On pourrait presque dire que ce rapport dressait un vritable bilan de liquidation. Comme devait le dclarer son destinataire Mr. Reyre, ce rapport ne signalait aucune faute de gestion, mais faisait ressortir les difficults d'une exploitation dlicate sans un appui dtermin des Pouvoirs Publics et contre une concurrence particulirement puissante. Mais les jours passaient, les chances devenaient de plus en plus difficiles, le crdit de la Compagnie diminuait ; la confiance de la clientle commenait s'branler, le personnel s'inquitait... c'tait la crise. Retour sommaire

CHAPITRE III LA GENERAL ELECTRIC

"Si c'est possible, c'est fait ; impossible, cela se fera. CALONNE

Pendant que se droulaient les vnements qui ont t rsu!ms au chapitre prcdent, et sans qu'il puisse apparemment y avoir corrlation avec eux, la General Electric demandait en Septembre 1963 la Cie des Machines Bull de

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reprendre les conversations en!tames depuis plus de deux ans et interrompues fin 1962. Il est inutile de rappeler ici la puissance de General Electric, qui fait un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards de dol!lars, qui emploie plus de 260.000 personnes et qui depuis 1956 tait entre dans le domaine des machines lectroniques traiter l'infor!mation. En 1963 le Dpartement des calculateurs lectroniques comprenait dj plus de 4.000 personnes, avait install en clientle environ 300 gros calculateurs et en avait plus de 100 en commande. Elle annonait pour 1964 le lancement commercial de nouveaux ma!triels (la srie 400) et laissait entendre la prsentation trs pro!chaine de matriels encore plus puissants (la srie 600). La Cie des Machines Bull avait pris contact avec la General Electric ds le dbut de 1961, aprs la fin du contrat qui la liait avec Remington-Rand et lui avait mme vendu quelques exemplaires de machines priphriques pour les connecter leurs calculateurs. Au mois de Juillet 1962, Mr. Strickland, Vice-Prsident de General Electric en charge du Dpartement lectronique venait Paris et demandait Mr. Joseph Callies si les pourparlers ne pour!raient pas s'engager d'une faon plus concrte en vue d'un accord ventuel entre les deux socits, sur le plan technique et commer!cial comme sur le plan financier, la General Electric dsirant pou!voir acqurir une participation dans le capital de la Cie des Machi!nes Bull, mme limite au besoin 20 %. Avant de poursuivre plus avant ces conversations, Mr. Joseph Callies dsirait tre plus renseign sur l'avancement des tudes de la General Electric dans le domaine des calculateurs et sur ses intentions commerciales en particulier en ce qui concernait la con!currence. C'est ainsi qu'il fut dcid que 2 ingnieurs du service des tudes de Bull partiraient en mission aux Etats-Unis ds le dbut de Septembre. Le rapport que firent ces deux ingnieurs leur retour Paris donnait tous les renseignements que l'on atten!dait, les techniciens de la General Electric ayant t trs prcis dans leurs rponses et trs ouverts sur la situation de leurs tudes comme sur leurs projets d'avenir. Sans doute le souci de rester dans le cadre des vues du Gouvernement poussaitil la Cie des Machines Bull n'avancer dans ces ngociations que trs prudemment, surtout aprs la con!clusion en 1961 de l'accord avec RCA ; enfin d'autres pourparlers taient alors en cours avec le groupe Schneider et la Compagnie financire de Suez au sujet de S.E.A., pourparlers qui devaient se concrtiser au dbut de 1963.

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Mais des bruits circulaient Wall Street concernant le rachat par General Electric de la branche des calculateurs lectroniques (Univac) du groupe Sperry-Rand. La chose paraissait d'autant plus vraisemblable qu'au mois de Mai prcdent, Monsieur Bibby, Vice-Prsident de Sperry-Rand et Directeur gnral de Remington! Rand dont dpendait le dpartement Univac, tait venu Paris pour proposer cet achat la Cie des Machines Bull. Une jonction General Electric Univac apparaissait comme pouvant tre trs dangereuse ; pratiquement elle interdisait tout es!poir d'accord Bull - General Electric et en mme temps pouvait de!venir rapidement une concurrence aussi puissante qu'I.B.M. C'est dans ces conditions que le Conseil d'Administration de Bull demandait Mr. Vieillard, bien qu'il eut pris sa retraite depuis plusieurs mois, de retourner une nouvelle fois New-York, de se renseigner aussi exactement que possible sur les bruits qui circulaient, et de reprendre avec General Electric les conversations qu'il avait lui-mme engages autrefois quand il tait encore Direc!teur Gnral de la Compagnie. Mr. Bibby devait lui affirmer que les bruits de cession du Dpartement Univac General Electric taient "purement fantaisis!tes", tandis que Mr. Vickers, Chairman de Sperry-Rand devait dclarer que "cette vente n a jamais t srieusement envisage" . De son cot Mr. Strickland, de General Electric, confirmait que les bruits qui circulaient taient faux, ajoutant que, mme si General Electric avait dsir faire une telle acquisition, elle n'au!rait pu le faire en raison des lois amricaines. De la conversation qui suivit sur l'ventualit d'un rappro!chement entre General Electric et Bull, il ressortait clairement des dclarations de Mr. Strickland : - que General Electric avait la ferme volont d'entrer en force dans le march du "data processing" ; que la dcision en avait t officiellement prise par le conseil d'administration, ce que Mr. Cordiner, Chairman et Mr. Grard Phillippe, President, taient prts confirmer Mr. Vieillard s'il le dsirait. - que General Electric connaissait l'existence de l'accord entre Bull et R.C.A. et tait prte examiner avec Bull dans quelles conditions il y aurait lieu d'en tenir compte. - qu'en cas d'accord, General Electric s'engagerait dvelopper les fabrications

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de Bull en France et intensifier ses exportations dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis. - qu'en demandant de participer au capital de Bull, General Electric n'avait d'autre but que de participer ainsi aux rsultats bnfi!ciaires qui ne manqueraient pas de se dgager la suite de l'ac!cord entre les deux compagnies. Mais quelques jours plus tard, la rencontre - dont taient convenus les deux interlocuteurs - de leurs avocats, Mr. Warfield pour Bull et Mr. Birdzell pour General Electric, devait montrer que pour l'avenir la socit amricaine avait d'autres prtentions au sujet de sa participation dans le capital de la Cie des Machines Bull. Et c'est pourquoi ces conversations prirent fin en Novembre 1962 pour ne reprendre, la demande de General Electric, que fin 1963. Mr. Joseph Callies en ayant alors accept le principe, Mr. John D. Lockton, Treasurer (c'est--dire un des membres impor!tants de l'Executive Office de General Electric) venait lui-mme Paris et les conversations se droulrent les 10, 11 et 12 Dcembre 1963 sous les auspices et dans les bureaux de Mr. Richard Klehe, reprsentant en France de Allen & Co, un des principaux Undewriters de New-York, et Adviser de General Electric pour l'Europe. Ds son retour New-York, Mr. J.D. Lockton rendait compte de ses conversations parisiennes son Conseil d'Administration et quelques jours plus tard, le 18 Dcembre, il adressait Mr. Joseph Callies une premire lettre dont on trouvera ci-aprs la traduction. (Voir la photographie de l'original l'annexe III). 18 Dcembre 1963 General Electric Company Mr Joseph Callies Prsident du Conseil d'Administration Compagnie des Machines Bull 92, Avenue Gambetta Paris 20me, France Cher Monsieur Callies, General Electric considre que l'automation est important facteur du dveloppement industriel un et

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commercial travers le monde. La cl de cette automation, tant dans le domaine de l'administration des entreprises, que dans celui de l'automation industrielle, rside dans le calculateur. Le march mondial pour les calculateurs connat une trs grande expansion. Les Etats-Unis ont une position dominante dans ce dveloppement, mais le potentiel europen est presque aussi grand et tout laisse prvoir que les possibilits du march vont se dvelopper en Europe encore plus rapidement qu'aux Etats-Unis. General Electric a investi des sommes considrables, dont l'ordre de grandeur dpasse 100 millions de dollars, dans la production, la fabrication et la location des calculateurs aux Etats-Unis. Son principal souci, aujourd'hui est de se dvelopper sur le march mondial et particulirement en Europe. Il y a pour General Electric plusieurs manires de dvelopper cette affaire en Europe. Actuellement General Electric vend ses calculateurs sur ce march par l'intermdiaire de son propre rseau de vente et est en mesure dy construire des usines pour y assurer ses propres fabrications. Cependant, aprs une tude approfondie de la question, nous sommes arrivs la conclusion que la manire la plus efficace de pntrer sur le march europen serait, grce une participation, de cooprer avec une socit europenne dj engage dans ce genre d'activit et ayant une base solide facilitant son expansion ainsi qu'une organisation locale approprie. General Electric a une longue tradition de tels investissements et d'une association avec des socits europennes. Les tudes faites sur les diffrents moyens de pntrer sur le march europen montrent que la meilleure chance de General Electric rside dans une association de General Electric avec les Machines Bull et qu'une telle association aurait de trs grands avantages pour chacune des socits. L'ide de cette mutualit d'intrts possible a t exprime plusieurs fois pans le pass ; elle est revenue, aujourd'hui, au premier

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plan du fait que General Electric a reu des offres de participation fondes sur l'ide de coopration, d'importantes socits installes dans d'autres pays d'Europe et qu'elle doit maintenant choisir, sans plus attendre entre elles. Les problmes d'exploitation et les difficults financires, auxquels nous savons que Bull doit faire face, nous semblent de nature tre surmonts avec l'assistance sur le plan technique, et l'appui financier que General Electric a sa disposition. Ceci ne nous semble donc pas de nature empcher une telle association. General Electric envisage de faire un investissement substantiel dans la Compagnie des machines Bull en raison du fait que Bull a des installations industrielles modernes en France et en Hollande, dans lesquelles il serait facile de dvelopper la fabrication de nouveaux produits. En outre, Bull a un rseau de vente et de service en Europe et dans d'autres pays qui est actuellement en place et prt fonctionner. Grce un travail de plusieurs annes, la rputation de Bull s'est affirme comme bonne, et ce bon renom serait d'un grand prix pour un effort commun. De plus, les services de recherches et de fabrication dont dispose Bull seraient disponibles pour la mise au point et la fabrication de nouveaux produits pour les deux socits; elles ont fait la dmonstration de leurs capacits en crant le Gamma 60 et le CMC 7. L'exprience de General Electric lui a dmontr qu'un investissement minoritaire important dans le capital des socits affilies constitue une base satisfaisante pour prendre place sur un march tranger et pour donner droit la socit filiale de bnficier de l'assistance et de la coopration de General Electric dans la solution des problmes qu'elle rencontre, ceci incluant les changes d'aide technique, de "know how" en matire de fabrication, et le droits aux brevets et licences. General Electric a le sentiment qu'une participation de l'ordre de 20%, en actions ayant le droit de vote, dans le total du capital de Bull, constituerait une base du

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genre recherch. Cela pourrait conduire la mise au point d'un accord pour une participation proportionnelle au Conseil d'Administration ainsi qu'aux dcisions de la Direction. Nous avons la plus haute estime pour vous personnellement, Monsieur Callies, en tant que Chef de l'entreprise; nous avons une haute apprciation pour les remarquables efforts que vous avez dploys pour diriger votre compagnie dans cette priode difficile et nous souhaiterions que vous continuiez dans vos fonctions de Prsident. Si vous donnez General Electric, grce de tels arrangements, la possibilit de faire un investissement immdiat dans le capital de la Compagnie, dans les conditions que nous venons d'exposer,General Electric donnerait tout l'appui possible au maintien et, s'il le peut, au dveloppement de la recherche et des tudes faites par Bull. General Electric vous aiderait renforcer et tendre votre rseau commercial et d'entretien en fournissant des produits nouveaux vendre, en donnant une assistance technique dans la mise au point des programmes et autres travaux du mme genre, et en vous aidant financer les augmentations de capital des filiales. Il est permis d'esprer que cela donnerait vos usines nouvelles et modernes en France un travail supplmentaire, ce qui aurait pour rsultat d'augmenter la productivit et d'obtenir des prix de revient meilleurs grce une meilleure rpartition des frais gnraux, ce qui provoquerait un dveloppement de l'emploi. General Electric se plait galement penser que ses recherches conduiront au dveloppement de la fabrication dans les usines Bull, de nouveaux types d'quipements et de composants destins aux EtatsUnis. Nous avons parfaitement conscience qu'une telle expansion, qui est envisage pour les Machines Bull, ncessitera un financement extrmement important et General Electric est dispos participer un tel financement, ou le faciliter, sur une base quitable. General Electric se rend compte que la conclusion d'un

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accord comme celui qui est propos Bull ne peut tre faite sans tre clairement fixe sur la position que le Gouvernement Franais serait susceptible de prendre son gard. Nous rpugnerions nous engager dans un tel investissement s'il n'est pas bien accueilli par votre Gouvernement et s'il ne reoit pas un accord de principe. Il est essentiel que nous soyons rapidement fixs sur ce point car nous devons dcider rapidement si nous poursuivons avec les Machines Bull ou si nous devons nous orienter ailleurs, en Europe; nous savons que d'autres gouvernements europens seraient tout fait dsireux de permettre une opration de ce genre. Nous sommes tout fait convaincus qu'il est pleinement de l'intrt, la fois, de la France et des Etats-Unis, de participer au dveloppement rapide de l'industrie des calculateurs sur le march europen. Dans la poursuite de cet objectif, nous croyons que nous pouvons apporter une contribution de relle valeur qui entranera une rapide croissance la fois de General Electric et de Bull. L'accroissement du potentiel technique de Bull lui permettra, nous en sommes conscients, d'tre mieux en mesure de satisfaire les besoins militaires du Gouvernements Franais et, bien entendu, General Electric respecterait le secret demand pour de telles fabrications, de mme que les Machines Bull auraient respecter le secret demand pour les propres fabrications de General Electric dans ce domaine pour les Etats-Unis. General Electric a t inform que Bull a un contrat avec R.C.A. qui porte sur les changes d'informations techniques et sur l'achat de certains calculateurs. General Electric ne connat pas tous les dtails de ce contrat mais elle comprend qu'il na pas un caractre exclusif. Nous aurons, naturellement, besoin dtudier plus fond la nature de ce contrat avant de conclure l'arrangement envisag, afin de nous assurer qu'il ne soulve pas de problmes inattendus sur le plan technique, lgal ou financier. Si le Gouvernement Franais est favorable ce projet, nous sommes disposs examiner la nature du contrat

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R.C.A. ; faire le point des oprations courantes et de la situation financire, fixer dans le dtail les conditions de l'investissement de General Electric et de sa participation, ainsi que de rgler toutes les questions lgales qui pourraient apparatre, et si ces points peuvent tre rgls de faon satisfaisante, faire promptement l'investissement dont il est fait mention dans cette lettre. Sincrement vtre. J.B. LOCKTON Il n'est pas douteux que General Electric dsirait pouvoir obtenir dans l'avenir une participation majoritaire dans la Cie des Machines Bull, mais comme elle savait qu'il ne pouvait en tre question, son offre tait rdige pour rpondre aux cinq conditions qui avaient t poses ds le dbut des conversations par Mr. Joseph Callies. - d'abord elle limitait la participation de General Electric 20 %. - elle garantissait le dveloppement des services d'tudes de Bull. - elle garantissait le plein emploi des usines de Bull. - elle prvoyait le dveloppement des exportations dans tous les pays y compris les U.S.A. - elle admettait que l'accord ne pourrait tre conclu sans l'approba!tion du Gouvernement Franais. Les propositions de General Electric du 18 Dcembre taient muettes sur les conditions dans lesquelles sa participation au capi!tal de la Cie des Machines Bull pourrait tre ralise. Ce renseigne!ment, demand New-York, fait l'objet de la lettre du 30 Dcembre, dont voici la traduction. (Voir la photographie de l'original l'an!nexe IV). General Electric Company Mr Joseph Callies

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14, Avenue de Breteuil Paris 7me, France

Cher Monsieur Callies, Cette lettre fait suite ma lettre du 18 Dcembre 1963 qui vous est adresse et qui dfinit les intrts de la General Electric Company investir dans son capital des actions de la Cie des Machines Bull comme base de la poursuite de notre participation dans le March Commun, et pour prter la Cie des Machines Bull le concours de ses services d'tudes, de fabrication et de ses connaissances techniques. General Electric Cy a bien l'intention de payer pour ces actions un prix raisonnable. A la date de ma lettre, le prix des actions de la Cie des Machines Bull sur le march, tait environ 40$ U.S. Il fut entendu que ce serait le prix de l'investissement de General Electric. Je suis certain que vous apprcierez que, comme je le dis dans ma lettre du 18 Dcembre, l'acquisition des actions par General Electric doit faire l'objet d'une rvision des conditions financires et des problmes de la Compagnie, un examen de la nature des accords avec R.C.A. et une solution tous les problmes qui peuvent en dcouler; une rvision des usines, de la gamme des produits et des projets de la Compagnie; l'tablissement des clauses finales des investissements et des participations de la General Electric et la solution toute autre question qui pourrait se poser. J'apprcie beaucoup votre dsir d'aboutir rapidement, et nous sommes prts vous envoyer nos spcialistes du traitement de l'information et nos experts financiers immdiatement aprs le 1er Janvier 1964. Sincrement vtre.

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CHAPITRE IV LE GOUVERNEMENT FRANCAIS

"Souvent la peur d'un mal vous conduit dans un pire." BOILEAU - L'art potique. Au milieu des difficults dans lesquelles se dbattait la Cie des Machines Bull, l'offre faite par la General Electric appa!raissait comme une heureuse solution. Non seulement elle permet!tait de surmonter la crise financire, mais l'appui technique de cette puissante socit amricaine offrait pour l'avenir des perspectives sduisantes puisqu'il permettait non seulement de rattraper le re!tard, mais aussi de remplacer l'aide que l'on avait espr trouver chez R.C.A. Il ne s'agissait nullement de poursuivre les pourparlers avec General Electric en dehors de la Banque de Paris et des Pays!-Bas, ni du Gouvernement Franais ; Mr. Joseph Callies l'avait d'ailleurs dit clairement Mr. Lockton au cours des conversations du mois de Dcembre. C'est pourquoi ds le 23 Dcembre 1963, Mr. Joseph Callies crivait Mr. Reyre pour le mettre compltement au courant des pourparlers en cours. En mme temps il demandait rendez-vous Mr. Giscard d'Estaing, Ministre des Finances et des Affaires Eco!nomiques qui le recevait le 27 Dcembre. Enfin il adressait le 2 Janvier 1964 Monsieur le Premier Ministre une lettre dont on trouvera la copie ci-aprs.

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PARIS, le 23 dcembre 1963 COMPAGNIE DES MACHINES BULL PARIS LE PRSIDENT DIRECTEUR GNRAL

Monsieur Jean REYRE BANQUE de PARIS et des PAYS-BAS 3, rue d'Antin PARIS (2me) Monsieur le Directeur Gnral, Cette lettre a pour objet de vous confirmer et de vous prciser le point de vue que je vous ai expos au cours de la conversation que nous avons eue jeudi dernier dans votre bureau. La Compagnie des machines BULL a t, vous le savez, frquemment sollicite par diverses socits trangres, de conclure, dans le domaine des machines traiter l'information, des accords plus ou moins troits. Les reprsentants de votre banque au Conseil de la Compagnie ont t tenus au courant de ces conversations. Ils en ont, gnralement, admis le principe, ayant conscience, comme nous, que de tels accords taient invitables dans le monde o nous vivons, spcialement pour une socit vocation internationale, comme la ntre. Il se trouve, cependant, qu'une grande socit

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amricaine qui a manifest plusieurs reprises, dans le pass, le dsir de s'entendre avec BULL, vient, nouveau, de marquer son dsir de conclure trs rapidement avec nous un arrangement de porte plus gnrale. Les circonstances l'ont incite faire cette offre sous la forme d'une lettre d'intention que je viens de recevoir et qui prcise formellement les bases d'un accord possible et le subordonne la seule autorisation du Gouvernement franais. En raison de l'extrme urgence et de la gravit des dcisions que nous devrons prendre dans les jours qui viennent, je tiens vous faire connatre immdiatement le texte de cette lettre malgr son caractre confidentiel. Pour ces mmes raisons, je dois vous faire savoir, sans la moindre ambigut, quelle est la rponse que j'estime souhaitable de faire cette proposition. Vous tes parfaitement au courant des problmes difficiles et nombreux que pose aujourd'hui l'avenir de la Compagnie. De faon immdiate, nous devons faire face une situation de trsorerie qui s'aggrave de jour en jour et restaurer auprs des banques, tant franaises qu'trangres, un crdit sans lequel nous ne pouvons continuer vivre et qui se dtriore avec une dangereuse rapidit. Il n'est pas exagr de dire que nous sommes menacs, chaque instant, d'incidents qui peuvent avoir les plus graves consquences. Dans un dlai de quelques semaines, noue devrons prendre des mesures pour rtablir de faon moins prcaire le situation de l'entreprise. Mais vous connaissez l'extrme difficult du choix devant lequel nous sommes placs. Si l'on veut ramener rapidement les dpenses au niveau des ressources, il faudra procder des sacrifices d'une telle ampleur que notre socit en sortirait trs profondment affaiblie. Certaines de ces mesures

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risquent, mme, de provoquer une grave crise de confiance chez les meilleurs de nos collaborateur et chez beaucoup de nos clients franais et trangers ; Cette crise entranerait, son tour, une diminution de nos forces de vente et un ralentissement de nos commandes, par consquent, une rduction de nos ressources. Si l'on renonce aux oprations chirurgicales les plus dangereuses, il faudra trouver des concours financiers massifs et stables nous permettant de faire face, autrement qu'au jour le jour, au dficit probable de l'exercice 1964. En supposant, mme, que l'on puisse rsoudre ce dilemme immdiat de faon satisfaisante, nous retrouverons immanquablement, dans l'anne 1965, les problmes que pose BULL sa croissance mme sous leur double aspect technique et financier. En face d'une concurrence qui sera demain beaucoup plus redoutable qu'aujourd'hui, il faudra ncessairement, pour survivre, prvoir des frais d'tudes nous permettant, techniquement, de ne pas tre trop dpasss. Leur montant sera incomparablement plus lev que celui qui, actuellement, excde dj nos forces. Il faudra aussi dvelopper de faon rapide les quipes qui assurent le bon service des machines. Nous connaissons le poids et le prix d'un tel investissement. A cela viendra s'ajouter la charge de location qui pse la fois sur la trsorerie et sur le compte d'exploitation quand le taux de croissance est lev. C'est au total, au moins 200 250 millions de francs qu'il faudra trouver annuellement pour faire face aux besoins de la seule socit franaise ; ce chiffre viendront s'ajouter les sommes rapidement croissantes, ncessaires pour les filiales trangres. Comment trouver des capitaux d'un tel ordre de grandeur, sachant que la moiti, au moins; devra l'tre sous forme de fonds propres et que la rentabilit qui permettrait de rmunrer ces fonds risque de ne pas

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tre assure avant longtemps ? L encore, nous serons en face d'un choix difficile : soit renoncer grandir c'est--dire se condamner disparatre plus ou moins brve chance, soit faire alliance avec d'autres socits, mais la Compagnie, affaiblie par d'incessantes difficults, ne sera plus, alors, un partenaire trs recherch. L'offre immdiate de la Socit amricaine doit tre apprcie en fonction de ces donnes qui ne peuvent tre contestes. Il est clair, mes yeux, qu'elle apporte nos problmes une solution extrmement positive. Dans l'immdiat, la nouvelle d'un tel accord, accompagn de l'annonce d'une augmentation de capital rserve cette Socit et qui serait aussitt souscrite sous la forme de 700.000 actions mises quatre fois le nominal, suffirait transformer instantanment, et du tout au tout, le climat financier de la Compagnie. L'effort qu'il faudrait faire, dans de brefs dlais, pour amliorer notre exploitation, serait lui aussi sensiblement transform. L'objectif que poursuit la Socit amricaine en proposant de devenir notre associ n'est pas de raliser le plus vite possible des bnfices trs importants, mais de dvelopper au maximum les forces d'un partenaire considr comme solide et dynamique. Ce qu'elle vise, c'est un dveloppement rapide sur le march europen. Pour ce faire, les forces que nous pouvons apporter dans ce travail commun ne constituent qu'un point de dpart utiliser au plus vite. A plus long terme, enfin, il est clair que la coopration tablie entre BULL, qui aurait retrouv sa pleine vitalit, et cet alli puissant, permettrait de rsoudre avec le maximum de chance tous les problmes, autrement insolubles, de sa croissance quelle qu'en soit sa rapidit.

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La conjonction de moyens qu'offrirait cette alliance sur le plan technique et financier mettrait, enfin, notre Socit l'chelle du march qui s'offre elle et la rapprocherait du niveau du plus important de ses concurrents. La seule objection que l'on puisse faire cette opration est que BULL y perdrait une partie de son indpendance actuelle. Croyez bien que j'ai longtemps rflchi cet aspect du problme. Les crateurs de BULL, dont je suis, ont, vous le savez, lutt pendant trente ans, par tous les moyens, souvent dans les pires conditions (notamment sous l'Occupation), au prix de multiples sacrifices imposs au personnel et aux actionnaires. Ils l'ont fait jusqu' une date rcente sans le moindre appui des pouvoirs publics, dans le seul dessein de sauvegarder l'indpendance totale de la Socit. Ils ne peuvent que trouver extrmement amre la perspective d'y renoncer. Mais il n'y a pas, aujourd'hui, pour BULL, d'autre alternative que de perdre ce qui existe ou de le valoriser par une aide venant de l'extrieur. L'ampleur et la dimension internationale du problme pos excluent, malheureusement, la possibilit de se contenter d'une aide qui serait fournie dans le seul cadre franais, moins que cette aide ne soit celle de l'Etat lui-mme. Le problme capital est donc d'examiner si l'offre qui nous est faite respecte ou non les intrts nationaux essentiels. Un premier fait doit tre soulign, c'est que si nous devions renoncer faire cette opration, elle serait faite sans nous et, par consquent, contre nous ; il n'y a pas le moindre doute garder sur la dtermination de cette Socit amricaine de pntrer en force sur le march europen avec tous les moyens dont elle dispose. Nous savons, de plusieurs sources, quel est le nom de l'autre Socit europenne sur laquelle elle s'appuiera si BULL, qui a aujourd'hui sa prfrence, devait tre carte. Ce partenaire nouveau

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n'est pas franais mais il appartient au March Commun. Non seulement, donc, dans cette hypothse, une socit franaise perdrait tous les bnfices attendus de cette alliance, mais nous serions srs de trouver en face de nous un nouvel adversaire non franais contre lequel il n'existerait aucune protection et qui sera rapidement un concurrent extrmement puissant. Cet argument ngatif me parat, lui seul, mais il faut aussi mesurer exactement avantages positifs que la Socit amricaine, d'obtenir la pleine adhsion du Gouvernement est prte assurer notre pays. dcisif : tous les soucieuse franais,

Le principal est la promesse de constituer en France, partir de nos services d'tudes, un centre de recherche du niveau le plus lev. Aucun spcialiste averti ne nie le retard que l'Europe a pris dans ce domaine sur la technique amricaine. Aucun ne s'illusionne, non plus, sur le temps, sur le nombre de techniciens encore former, sur l'normit des moyens qu'il faudra rassembler, pour combler ce retard. Cette Socit nous offre le raccourci susceptible de donner la France, dans ce domaine, une avance sur tout autre pays europen. Ce faisant, noue serions en mesure, dans les plus brefs dlais, et aux moindres frais pour la Communaut nationale, de rpondre au souci du Gouvernement d'avoir, dans un secteur jug fondamental, un instrument prdominance nationale. Il va de soi que cet objectif serait d'autant mieux atteint que les pouvoirs publics marqueraient davantage leur volont de maintenir avec notre Socit, ainsi largie, les rapports de coopration dont ils avaient accept le principe et que nous sommes prts faire accepter la Socit amricaine, eu gard aux intrts fondamentaux dont le Gouvernement la charge. Un autre bnfice, enfin, serait celui des devises que cette combinaison permettrait d'assurer l'entreprise.

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Les ventes actuelles de BULL hors de France dpassent dj 150 millions de francs. L'alliance envisage devrait accrotre rapidement cette somme en raison des ventes supplmentaires qu'elle permettrait, soit des filiales europennes devenues plus puissantes, soit au client considrable que deviendrait la Socit amricaine elle-mme. Que l'on fasse le bilan de l'opration sur le plan de la Compagnie ou sur le plan national, il apparat, avec une vidence aveuglante, qu'elle constitue, dans la situation o nous sommes, une chance inespre. Non seulement, elle consoliderait l'avenir immdiat de la Compagnie, elle sauvegarderait la situation de son personnel, de ses 35.000 actionnaires en France et hors de France, elle renforcerait le prestige d'une Socit franaise internationalement connue, mais elle lui donnerait les meilleures possibilits de prosprer. Non seulement, elle n'empcherait pas la France de garder dans un secteur essentiel l'avance que, grce BULL, elle avait prise, maie elle lui permettrait de consolider sa position et d'en assurer notre pays tous les bnfices, notamment sur le plan de la Dfense Nationale, dans des cadres dterminer avec les Administrations intresses. En tant que principal responsable de la Compagnie, je considre donc qu'il est de mon devoir de tout faire pour que cette solution soit retenue et mise en oeuvre dans les meilleurs dlais. Je ne me sens pas le droit de courir le moindre risque qu'une chance aussi exceptionnelle nous chappe, moins d'une intervention dcide trs massive et immdiate des pouvoirs publics, intervention dont on ne peut limiter la dure. Votre tablissement, vos principaux collaborateurs et vous mme, monsieur le Directeur Gnral, avez apport notre Compagnie, tout au long de son existence, et spcialement au cours de ces derniers mois, un appui si total et si comptent que j'ai, personnellement, la

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conviction que sans lui notre Socit n'aurait surmonter les difficults qu'elle a rencontres.

pu

C'est cette oeuvre commune que je vous demande de dfendre aujourd'hui en m'aidant, de toute votre autorit, faire aboutir, au mieux de l'ensemble des intrts franais, les ides que j'ai exprimes dans cette lettre. Je vous prie de croire, monsieur le Directeur Gnral, l'assurance de ma considration trs distingue. Joseph Callies ------------------------------------------------------------Paris, le 2 Janvier 1964. COMPAGNIE DES MACHINES BULL PARIS LE PRSIDENT DIRECTEUR GNRAL

Monsieur le Premier Ministre Htel Matignon 57, rue de Varenne Paris VIIme

Monsieur le Premier Ministre, Au moment o vous voulez bien vous saisir personnellement du problme de Bull, je souhaiterais porter votre connaissance deux documents qui me paraissent propres clairer le Gouvernement.

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Le premier est la lettre que nous a adresse le 18 Dcembre une trs grande socit amricaine. Elle contient une offre prcise et dfinit les principes d'une politique de coopration troite avec Bull. Elle appelle, certes, une mise au point minutieuse. Elle ncessite donc une ngociation complmentaire qui pourrait commencer immdiatement et s'achever bref dlai. Mais ni notre interlocuteur ni nous-mmes ne voulons l'aborder sans connatre la position des autorits franaises. Nous sommes assurs de la volont des dirigeants de cette socit d'aboutir un accord qui soit non seulement satisfaisant pour Bull mais agrable au Gouvernement dont les proccupations sont connues. Nous sommes certains, aussi, de leur dtermination de conclure sans retard une alliance de ce genre soit avec nous, soit avec un autre partenaire europen momentanment tenu en rserve. Le second est la lettre que j'ai adresse Monsieur Reyre, le 23 dcembre, pour prciser mon attitude en face de cette offre. Je n'aurais rien y ajouter aujourd'hui si Monsieur Reyre ne m'avait fait part du souci que vous avez marqu, au cours d'un rcent entretien, de voir Bull conserver un caractre aussi exclusivement franais que possible. Cette dclaration prcdait, il est vrai, la proposition concrte de la socit amricaine qui tient compte de cette proccupation. Elle me conduit, cependant, prciser mon opinion sur les chances et difficults d'une solution excluant cette offre. Cette opinion rsulte non de vues thoriques mais d'une exprience relle car cette solution est celle-mme qu'au su des pouvoirs publics j'ai essay de promouvoir. Mon but tait de faire de Bull, pralablement consolid en France et dans ses filiales, le centre d'un groupement europen plus vaste. Ce projet tait ambitieux et je n'en ai jamais sous-estim les difficults. Mais il me paraissait impos la fois par l'expansion prodigieuse du march, par l'ampleur des

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capitaux mettre en jeu, par le retard technique de l'Europe sur les Etats-Unis et, enfin, par la taille du principal concurrent. Cet objectif a t partiellement atteint. Bull possde aujourd'hui un rseau commercial qui est le second en Europe par son importance et par sa qualit. Elle a rassembl des quipes de recherches d'une valeur reconnue. Elle s'est dote d'usines modernes. Elle a aussi renforc en France ses liens avec des socits amies. Dans le mme temps, elle a entam, avec plusieurs grandes socits europennes qui partageaient ses vues, des conversations qui se sont rvles encourageantes. Malheureusement, depuis quelques mois la situation de 1a Compagnie s'est dgrade. Laisse ses seules forces en face d'un adversaire dmesur, elle paye aujourd'hui un dveloppement acclr et subit les effets d'une volution technique trop rapide. Elle connat donc, comme d'ailleurs la plupart de ses rivales europennes et amricaines, de srieuses difficults, en particulier sur le plan financier. Cette volution, jointe au fait nouveau redoutable que constitue l'entre sur le march de 1a grande socit qui nous sollicite, a considrablement affaibli les chances de succs de notre projet. Deux points mritent, au surplus, d'tre souligns : Le premier est qun groupement comme celui envisag est condamn devenir plus troit ou disparatre. Au dbut, il aurait, dans une trs large mesure, sauvegard l'indpendance de Bull, du moins sur son territoire national. Mais la mise en commun progressive et inluctable des forces d'tudes de chaque participant aurait fini par poser le mme problme que la participation amricaine. Le second est que, dans notre esprit comme dans celui de nos interlocuteurs, le groupement europen devait

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obligatoirement, dans un monde o les frontires conomiques tendent disparatre, dboucher sur le march des Etats-Unis qui reste prpondrant. Nous n'envisagions pas de le faire autrement qu'on nous appuyant sur une puissante socit amricaine. L'offre qui nous est faite aujourdhui pourrait donc renverser l'ordre des tapes sans modifier, ncessairement, le rsultat final. Bull et donc la France, restant le pivot de toute l'opration, ne pourraient que gagner ce changement. Si la proposition amricaine devait, pour des raisons qui dpassent notre niveau, tre refuse, c'est en tout cas l'autre approche qu'il faudrait reprendre. Aucune solution troitement franaise n'a de chances, j'en ai l'absolue conviction, de russir durablement faute des capitaux et surtout des ressources techniques ncessaires. On peut imaginer, dans cette hypothse, qu'une intervention massive et immdiate des pouvoirs publics, notamment sur le plan financier et administratif, puisse permettre Bull de retrouver une position assez solide pour poursuivre ce dessein ? Je voudrais le croire et je suis, naturellement, prt concourir de toutes mes forces ce redressement. Mon exprience me porte craindre que l'Etat n'prouve de grandes difficults exercer un tel rle. L'aide modeste qu'il nous avait, depuis quelques mois, laiss esprer - commandes d'tudes, contrats de gestion, appui financier - demeure d'application lente et incertaine. Il n'y a l, en y rflchissant, rien que de normal. L'Etat, c'est en fait les divers services qui ont faire appliquer une dcision. Ils doivent obir des rgles prcises. Ils possdent un pouvoir d'apprciation qu'ils ont le devoir d'exercer. Les techniciens se prvalent dans leur domaine propre d'une libert de jugement qu'on peut difficilement enfreindre. Enfin, le Gouvernement a bien d'autres problmes qui dpassent en importance le ntre et, parfois, le compliquent : par exemple, celui de la

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lutte contre l'inflation avec les restrictions de crdit, les suspensions de commandes qu'elle entrane. Comment garantir, dans ces conditions, que l'action ncessaire sera mene avec l'ampleur, la promptitude, la continuit voulues ? Or, la situation de la socit dont j'ai la charge est grave au point d'imposer, dans les tout prochains jours, une dcision pleinement efficace quelle qu'elle soit. Ce qui a t difi en France et hors de France a, encore aujourd'hui, une valeur considrable. L'offre amricaine, l'empressement des socits europennes le prouvent. Mais l'affaire Bull est plus vulnrable qu'une autre car elle repose sur une triple confiance : celle de nos cadres, sollicits de toutes parts ; celle de nos clients, lgitimement pris de scurit; celle de nos banquiers, lourdement mis contribution. Les signes de disparition de cette confiance commencent se multiplier de faon alarmante. Autant la construction a t lente, autant la dsagrgation peut tre rapide. L'difice entier risque de sabattre en entranant de grands dsordres en France et l'tranger. Ce serait sans profit pour personne sinon pour nos concurrents dont aucun n'est franais. Cette menace constitue pour moi l'unique proccupation. L'offre de la socit amricaine permet d'y faire face. Elle est concrte, positive et peut avoir un effet immdiat. Elle est respectueuse de l'intrt national. Elle est pleine de promesse pour l'avenir. Elie peut devenir dangereuse si l'Etat nous laisse agir en nous retirant tout appui. La disproportion des forces des deux partenaires deviendrait trop vidente. Si, au contraire, l'Etat nous apporte un soutien qui, dans ce cas, serait surtout moral, nous pouvons esprer maintenir durablement la position europenne prdominante que cette offre, fonde sur une participation minoritaire, nous assure au dpart. Combien plus prilleuse, mon avis, serait la

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situation o se trouveraient non seulement Bull mais toute l'industrie franaise des calculateurs si nous devions affronter demain, sans forces suffisantes, un nouvel adversaire gant, suscit par notre refus, et luttant contre celui qui existe dj ! La responsabilit qui m'incombe l'gard des quinze mille membres du personnel de la Compagnie, comme vis-vis de ses trente cinq mille actionnaires, m'oblige, en tout cas, faire connatre clairement