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2 Atelier 1 LITTORAL

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Atelier 1

LITTORAL

PREMIERE PARTIE

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LITTORAL

EVOLUTION DE L’URBANISATION SUR LE LITTORAL,

GESTION DE LA SURFRÉQUENTATION TOURISTIQUE ET POLITIQUES DE PROTECTION

Le développement touristique du littoral a procédé durant ces 30 dernières années, tant en France qu’en Espagne, d’une logique de croissance continue de l’offre (essentiellement de l’offre d’hébergement) qui fait du littoral la première destination touristique française (35 % des nuitées, 320 millions de nuitées, 7 millions de lits) et espagnole.

Ce développement est essentiellement centré autour d’un produit, celui du tourisme balnéaire, estival, à destination des familles françaises et étrangères qui y trouvent plage, soleil, repos et convivialité, dans des bonnes conditions de desserte et d’hébergement.

La stagnation de la fréquentation, et des effets de concurrence de plus en plus vifs mettent en question ce modèle de développement : concurrence de l’habitat permanent qui pèse de plus en plus sur le littoral ; concurrences internes, d’une part entre produits (campings/location…) et d’autre part entre destinations et stations, qui conduisent à des besoins importants d’investissement ; enfin concurrence des destinations étrangères.

Les impacts environnementaux répétés de ce développement touristique sont de plus en plus mal supportés par la population et paraissent de nature à mettre en question ce modèle. Les attentes « citoyennes », exprimées par les touristes eux-mêmes, pourraient constituer autant d’opportunités pour repenser une activité touristique plus en phase avec son environnement (naturel, économique ou social) et constituer un puissant moteur pour la préservation de son attractivité.

L’atelier s’attachera à faire le point sur ces questions : - Quelles sont les dynamiques à l’œuvre et comment peuvent-elles peser sur le

développement du tourisme littoral ? - Comment peut-on évaluer l’efficacité des actions engagées depuis quelques années ? - Quelles démarches pionnières peut-on identifier ? - L’évolution de la demande est-elle de nature à infléchir les modes de développement

traditionnels ?

Coordonnateur : Christophe Lauriol, AFIT

Animateur : Claude ALLET, Président du directoire de BRL, Compagnie Bas-Rhône Languedoc

Déroulement de l’Atelier et Intervenants :

1) Dynamiques à l’œuvre

Christine Bouyer, chargée de mission littoral DATAR Evolutions et perspectives du tourisme littoral en France

Fernando Prats Palazuelo, Architecte urbaniste De la croissance à l’excellence touristique : vers un nouveau paradigme touristique sur le littoral méditerranéen espagnol

Ramon Cerrat Mulà, Consultant de CETTConsultors Catalogna

ATELIER ESPACE LITTORAL

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Crise du tourisme catalan. Quelles directions ?

Jean Rieucau, Géographe, Université de Lyon II Des stations balnéaires aux villes-stations, sur le littoral de l’Arc méditerranéen français et espagnol.

2) Démarches pionnières, évaluation des outils mis en place.

Christophe Lauriol, AFIT Espaces naturels et fréquentation touristique

Vincent Vlès, Aménagement, Université de Pau Les résidences secondaires, un casse-tête pour le tourisme littoral français ?

Fernando Prats Palazuelo, Architecte urbaniste Présentation de la Charte agenda 21 de Calvià ( Baléares)

3) Synthèse et questionnement

Nacima Baron, Géographe, Université de Marne-la-Vallée Urbanisation littorale en France et en Espagne : problématiques transversales

Rapporteur : Claude Allet

PREMIERE PARTIE

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EL LITORAL

EVOLUCIÓN DE LA URBANIZACIÓN EN EL LITORAL,

GESTIÓN DE LA SOBRE-FRECUENTACIÓN TURÍSTICA Y POLÍTICAS DE PROTECCIÓN.

El desarrollo turístico del litoral se ha conducido a lo largo de los últimos 30 años tanto en Francia como en España, con una lógica de crecimiento continuo de la oferta (especialmente de la oferta de alojamiento) que hace del litoral el primer destino turístico francés (35% de pernoctaciones) y español (320 M pernoctaciones, 7 M de camas).

Este desarrollo está principalmente centrado alrededor de un producto, el turismo de sol y playa, de verano, como destino de familias francesas y extranjeras que encuentran en el litoral, playa, sol, descanso y convivencia, en buenas condiciones de servicio y de alojamiento.

El estancamiento de la frecuentación y los efectos de la competencia cada vez más intensos, suscitan una reflexión sobre este modelo de desarrollo: la competencia de la segunda residencia afecta cada vez más al litoral, y la competencia interna entre productos (campings, apartamentos de alquiler, etc ...) y entre destinos y estaciones exigen importantes inversiones; por último, también hay una fuerte competencia con otros destinos en el extranjero.

Los impactos ambientales repetidos de este desarrollo turístico son cada vez peor soportados por la población y parece legítimo interrogarse sobre este modelo. Las expectativas “de la ciudadanía”, expresadas por los turistas mismos, pudieran constituir enormes oportunidades para reflexionar sobre una actividad turística que esté en mayor armonía con su ambiente (natural, económico o social) y constituir un potente motor para evitar que pierda su atractivo.

El taller pondrá en claro las siguientes preguntas: - ¿Cuáles son las dinámicas de trabajo y cuál es su peso en el desarrollo del turismo de litoral? - ¿Cómo se puede evaluar la efectividad de las acciones acordadas después de algunos años? - ¿Cuáles son las acciones pioneras a seguir que pudieran ser identificadas? - ¿La evolución tiene la naturaleza de modificar los modos de desarrollo tradicionales?

Coordinador : Christophe Lauriol, AFIT

Animador : Claude Allet, BRL/ Compañía Bas-Rhône Languedoc

Desarrollo del Taller y Ponentes :

1) Dinámicas de trabajo

Christine Bouyer, DATAR La evolución de la urbanización sobre el litoral, la gestión de la sobre-frecuentación turística y las políticas de protección del medio ambiente

Fernando Prats Palazuelo, Arquitecto urbanista Por un nuevo "paradigma turístico" sobre el litoral mediterráneo y las islas en España

Ramon Cerrat Mulà, Consultor de CETTConsultors Catalogna La crisis del turismo catalán ¿ Qué direcciones a seguir?

ATELIER ESPACE LITTORAL

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Jean Rieucau, Universidad Lyon II De las estaciones balnearias a las estaciones-ciudades, sobre el litoral del arco mediterráneo francés y español

2) Acciones pioneras, evaluación de las herramientas puestas en marcha Christophe Lauriol, AFIT Espacios naturales y frecuentación turística

Vincent Vlès, Universidad de Pau ¿Son las residencias secundarias, un rompecabezas para el turismo litoral francés?

Fernando Prats Palazuelo, Arquitecto urbanista La agenda local 21 de Calvià en las islas Baleares

3) Síntesis y cuestionamientos

Nacima Barón, Universidad de Marne la Vallée Urbanización litoral en Francia y en España: problemáticas transversales

Relator : Claude Allet

PREMIERE PARTIE

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Intervention 1

EVOLUTIONS ET PERSPECTIVES DU TOURISME LITTORAL EN FRANCE

LA EVOLUCIÓN DE LA URBANIZACIÓN SOBRE EL LITORAL, LA GESTIÓN DE LA SOBRE-FRECUENTACIÓN TURÍSTICA Y LAS POLÍTICAS DE PROTECCIÓN DEL MEDIO AMBIENTE

Christine BOUYER

Résumé

Le littoral est toujours pour la destination France, un pôle d’attractivité important pour une majorité de clientèles touristiques, qu’elles soient françaises ou étrangères, en séjour marchand ou en résidences secondaires, et le séjour balnéaire et estival est encore le principal mode de consommation majoritaire de cet espace touristique.

Cependant, l’évolution globale des modes de consommation touristique, amorcée depuis la fin des années 80 se confirme et s’accentue ; malgré l’importance encore accordée au modèle « vacances familiales estivales bord de mer » on constate désormais sur le littoral, comme dans les autres destinations touristiques, un raccourcissement des séjours, un fractionnement des vacances, ainsi qu’une exigence accrue des consommateurs sur l’ensemble des éléments de leur séjour.

Rapport qualité - prix, services adaptés à des pratiques de tourisme et de loisirs de plus en plus diversifiées, rapidité d’accès à l’information, qualité de l’environnement et des espaces, lisibilité et diversité de l’offre, constituent désormais les éléments indispensables d’une politique de développement touristique sur le littoral comme dans les autres destinations.

Les stations littorales doivent s’adapter à la demande de touristes de plus en plus exigeants et avertis ; de nouveaux modes de consommation de tourisme et de loisirs se développent ; aux vacanciers villégiateurs de la période estivale, viennent s'ajouter des touristes plus itinérants, des excursionnistes qui viennent pour y découvrir des espaces naturels préservés et les richesses culturelles du patrimoine maritime.

Dans le même temps, les façades maritimes françaises connaissent de profondes mutations, conséquence de leur forte attractivité, les littoraux français sont soumis à une forte pression démographique et urbaine. Les territoires, les milieux et les espaces se transforment rapidement et ces évolutions viennent parfois bouleverser une offre touristique qui s’accommode parfois difficilement de sites devenus trop urbains

Pour l’ensemble des espaces touristiques littoraux les enjeux sont donc multiples, il leur faut à la fois : élargir leurs offres et leurs saisons, s’adapter aux évolutions de leurs clientèles « traditionnelles » estivales balnéaires, les conserver et les fidéliser, répondre aux attentes de nouvelles clientèles soucieuses de découvrir un autre littoral et pour cela préserver leurs espaces naturels, leur patrimoine et leur identité, maîtriser enfin un développement, une attractivité qui lorsqu’elle engendre une surfréquentation accompagnée d’une forte pression démographique et résidentielle et estivale, porte potentiellement en elle les germes de sa destruction.

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Resumen

El litoral sigue siendo para el destino Francia, un polo de atracción importante para la mayoría de las clientelas turísticas, sean francesas o extranjeras, tanto en estancia hotelera o de pago como en residencias secundarias. El turismo de sol y playa es aún el principal en este espacio turístico.

Sin embargo, la evolución de la forma de consumo turístico, iniciada a finales de los años

80 se confirma y se acentúa; a pesar de la importancia aún concedida al modelo de "vacaciones familiares estivales a la orilla del mar ", se constata tanto en las playas como en otros destinos turísticos, un acortamiento de las estancias, un fraccionamiento de las vacaciones, así como una mayor exigencia de los consumidores sobre el conjunto de los elementos de su estancia.

La relación precio – calidad, servicios adaptados a prácticas turísticas y ocios cada vez más diversificados, rápido acceso a la información, calidad del medio ambiente y espacios, legibilidad y diversidad de la oferta constituyen en adelante los elementos indispensables de una política de desarrollo turístico sobre el litoral así como en los otros destinos.

Las estaciones litorales deben adaptarse a las demandas de turistas cada vez más

exigentes e informados; se desarrollan nuevos modos de consumo del turismo y de ocios; a los veraneantes del período estival vienen a añadirse turistas de paso, excursionistas que vienen para descubrir espacios naturales preservados y las riquezas culturales del patrimonio marítimo.

Al mismo tiempo las fachadas marítimas francesas encuentran profundos cambios,

consecuencia de su fuerte capacidad de atracción, las costas francesas están sometidas a una fuerte presión demográfica y urbana. Los territorios, los medios y los espacios se transforman rápidamente y esta evolución viene a veces a alterar una oferta turística que se adapta a veces difícilmente a espacios que se han convertido en demasiado urbanos.

Para el conjunto de los espacios litorales turísticos, es mucho lo que está en juego, les es

necesario al mismo tiempo: ampliar sus ofertas y sus temporadas, adaptarse a evoluciones de sus clientelas "tradicionales" estivales balnearias, conservarlos y de fidelizarlos, responder a las esperas de nuevas clientelas preocupadas por descubrir otro litoral y para a eso preservar sus espacios naturales, su patrimonio y su identidad, controlar finalmente su desarrollo, su poder de atracción que una vez que genera una sobre frecuentación esta siempre acompañada de una fuerte presión demográfica, residencial y estival, que lleva potencialmente en ella los gérmenes de su destrucción.

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1. L’espace littoral : un linéaire côtier important

Le littoral français représente un linéaire côtier important qui permet un développement et une offre touristique diversifiés (5.533 km pour la métropole et 1.180 km pour l’outremer). En regroupant sur un territoire restreint (4% du territoire métropolitain) 10% de la population, l’espace littoral se révèle être un espace attractif et convoité. Cet engouement pour le littoral est en hausse puisqu’on dénombre un rythme de croissance de la population des communes littorales de +5,7% d’habitants entre 1990 et 1999 (contre 3,6% pour la moyenne nationale). Il en résulte une densité de population deux fois et demi supérieure à la densité nationale (272 hab. /km2 contre 108 hab. /km2).

Linéaire côtier important Espace attractif et convoité Métropole : 5.533 km dont 766 km d’estuaires 3.800 km pour la façade occidentale 1.700 km pour la façade méditerranéenne 35% de plages, 25% de marais, 40% de côtes rocheuses Outremer : 1.180 km dont Antilles Guyane 720 km, Réunion 460 km

Population des communes littorales France métropolitaine : 5.826.199 Outremer : 1.494.526 Ensemble : 7.320.725 Ensemble France Métropole : 58.518.395 Ensemble France : 60.185.831 Source : Insee RGP 1999

De plus, un scénario prospectif reposant sur la continuité des migrations observées entre

1990-99 souligne que cette tendance s’accentuera. Selon les estimations, pour 2030, le littoral compterait 3,4 millions d’habitants supplémentaires. Une pression démographique qui se répartirait entre les départements littoraux et les communes littorales de la manière suivante : en 2030, ces départements pourraient accueillir 58% de l’accroissement de la population et les communes littorales 15%.

Par ailleurs, il faut souligner que ce renforcement croissant de la population littorale se conjugue avec un développement urbain intense. Avec déjà 76% de la population littorale résidant dans un pôle urbain (moyenne nationale 61%), l’étalement urbain s’accentue (+13% d’augmentation de la population dans les couronnes périurbaines entre 1990-99 contre +2% dans les pôles urbains littoraux) et la pression de la construction est toujours importante (10 millions de m2 neufs construits chaque année). L’urbanisation croissante concernera l’ensemble des façades littorales françaises : le littoral méditerranéen aujourd’hui le plus urbain (88%) enregistre une urbanisation encore plus soutenue. L’urbanisation gagne la quasi-totalité de la façade atlantique (du Morbihan aux Pyrénées Atlantiques). Toutefois, celle-ci est plus ponctuelle en Bretagne nord et Mer du Nord-Manche.

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Valeur ajoutée maritime en 2001 : 18,5 milliards d'euros

Tourisme

44%

Produits de la

mer

11%

Construction

navale

12%

Transport

maritime

10%

Parapétrolier

offshore

9%

Autres branches

4%

Secteur public

10%

Emploi maritime en 2001 : 442 100

Tourisme

43%

Produits de la

mer

11%

Construction

navale

12%

Transport

maritime

12%

Parapétrolier

offshore

5%

Autres branches

3%

Secteur public

14%

Graphique : Une pression démographique qui s’accentue

2. L’économie touristique littorale : les données clés

− Le tourisme : première activité économique du littoral Avec 20 milliards d’euros de chiffres d’affaires et 190.000 emplois directs, le tourisme constitue la première activité économique du littoral. L’activité touristique est de premier ordre sur le littoral puisqu’elle concerne plus de 50% de l’ensemble des emplois directs. Les résultats enregistrés par cette activité, tant au niveau de la valeur ajoutée que de l’emploi maritime, sont près de quatre fois plus élevés que ceux comptabilisés par les activités des produits de la mer, de la construction navale et le transport maritime. Graphiques : Le tourisme première activité économique du littoral

Source IFREMER données maritimes

− L’offre touristique

Le littoral est le premier espace d’accueil touristique et son offre d’hébergement continue de croître. Si les hôtels et les campings sont très présents sur la zone littorale (respectivement

Source : TEC/ DATAR, d’après Insee

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22% et 46% de l’offre nationale), les résidences secondaires qui comptent cinq millions de lits (dont 3 millions en location) dominent l’offre d’hébergement touristique sur le littoral :

Répartition de l’offre touristique littorale par type d’hébergement Hôtels 267.404 lits soit 22% de l’offre nationale

4.570 établissements (22%), 133.702 chambres (22%) Campings 1.262.910 lits (46% de l’offre nationale)

2.733 terrains (33% des terrains classés), 420.970 emplacements (51% des emplacements)

Résidences secondaires 5 millions de lits dont 3 millions mis en location

Graphique : Répartition par façade de l’offre nationale

Par ailleurs, l’offre touristique littorale s’enrichit sous toutes ses facettes. Les destinations

comme les hébergements continuent à développer leurs offres produits et leurs niveaux d’équipements. On constate une croissance du nombre de parcs récréatifs et de musées, de palais des congrès et de centres de thalassothérapie. Les hébergements de plein air avec l’implantation de mobil-homes à demeure, de piscines ou de restaurants contribuent à une artificialisation progressive. Cette évolution de l’offre qui conduit à un tourisme littoral de moins en moins vécu dans « un espace naturel » pose à fois la question de la préservation de l’espace et des milieux,et celle pour les destinations touristiques du coût de plus en plus élevé des équipements touristiques publics et privés de plus sophistiqués − La demande touristique

Le littoral constitue la première destination touristique française (en tous cas, la première destination de vacances) : les touristes français réalisent 280 millions de nuitées sur le littoral sur un total de 813 millions en 2002 (soit 34,4% des nuitées) contre 92 millions pour les touristes étrangers sur 330 millions de nuitées (soit 35%).

Si la mer est le premier espace touristique, ce marché ne connaît cependant qu’une faible progression de la fréquentation et une forte saisonnalité de cette dernière. Dans un premier temps, la fréquentation est globalement stable malgré une progression de 9% des séjours entre

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1992 et 2001 et une légère croissance de la part de marché de l’espace mer (+4,3%). Le nombre de nuitées passées par les touristes français sur le littoral est quasi stationnaire au cours de la décennie avec une évolution annuelle qui oscille entre +4% et -4% par an. De plus il est intéressant de noter que la fréquentation se maintient grâce aux étrangers avec un taux de progression supérieur à celui observé sur l’ensemble des autres espaces.

Comme nous l’avons souligné précédemment, la fréquentation est encore fortement saisonnière. Les « grandes vacances » de juillet-août concentrent 53% des nuitées et 65% si l’on englobe le mois de septembre. Le seul mois d’août dépasse les 100 millions de nuitées, soit 38% des nuitées. Le printemps (avril, mai, juin) représente à lui seul en 2002 55 millions de nuitées, soit 19% de la fréquentation française du littoral. La saisonnalité peut être toutefois nuancée, car l’avant et l’après saison d’été représentent aujourd’hui 99 millions de nuitées (35% des nuitées), soit presque autant que le seul mois d’août.

Finalement, les clientèles littorales, élément clé de la demande touristique, ont connu une mutation de leurs besoins et attentes. Les touristes sont d’une part devenus exigeants et avertis. Les années 1990 confirment les évolutions amorcées à la fin des années 1980, incluant : le raccourcissement de la durée des séjours, le fractionnement des vacances, l’exigence accrue des consommateurs sur l’ensemble des éléments d’un séjour touristique (prix, services, informations). D’autre part, les touristes souhaitent désormais passer des vacances littorales « actives ». C’est sur le littoral que les touristes pratiquent en plus grand nombre des activités telles que le vélo, le VTT, aux côtés d’activités plus maritimes que sont le bateau, la voile, les sports nautiques (dont la plongée) et la pêche.

Par ailleurs, le littoral compte de plus en plus sur une clientèle diversifiée. Aux vacanciers villégiateurs de la période estivale, viennent s’ajouter d’autres clientèles : - Les populations résidant à l’année dans les communes littorales ou dans les communes

proches, notamment dans les villes, - Les doubles résidents « préretraités et retraités », - Les « RTT », - Les touristes itinérants qui viennent découvrir les espaces et les richesses culturelles du

patrimoine. Avec de nouveaux modes de consommation, le littoral est vécu comme un espace de

loisirs et de proximité.

3. Les enjeux majeurs et les pistes d’action

Face à ces évolutions, l’économie touristique littorale française doit faire face à cinq enjeux majeurs : - Maintenir la compétitivité sur les produits de base, - Ouvrir la gamme d’offre de produits, - Allonger les temps de consommation, - Protéger les espaces fragiles, - Intégrer la dimension territoriale.

De plus, l’immobilier n’étant plus le moteur de développement, les stations balnéaires doivent gérer en priorité un développement qualitatif de leur offre dont la conquête de nouvelles clientèles est capitale. L’attraction de ces clients nouveaux s’appuie sur une série d’actions, incluant : - L’élargissement de leurs offres et leurs saisons, - L’adaptation aux évolutions de leurs clientèles « traditionnelles » estivales balnéaires et

leur fidélisation,

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- Le développement d’une réponse aux attentes de nouvelles clientèles soucieuses de découvrir un autre littoral,

- Enfin, la maîtrise d’un développement, d’une attractivité qui lorsqu’elle engendre une sur-fréquentation accompagnée d’une forte pression démographique résidentielle et estivale porte potentiellement en elle les germes de sa destruction.

Sur le terrain, le développement touristique littoral passera par la mise en place de trois

objectifs opérationnels : préserver la vocation de tourisme marchand, élaborer des stratégies globales au niveau des destinations, professionnaliser l’activité. La professionnalisation de l’offre touristique sera une étape clé pour conserver l’attrait touristique de l’espace littoral.

Chacun de ces trois objectifs peut être détaillé comme suit : 1) Préserver la vocation marchande des hébergements D’un point de vue économique, la vocation marchande des hébergements devra être

conservée car ils sont créateurs d’emplois. D’un point de vue social, ils permettent de répondre au « désir de rivage des populations urbaines ». Les évolutions en cours montrent que les hébergements les meilleurs marchés (campings et centres de vacances) sont les plus menacés par la spéculation immobilière résidentielle. Et, d’un point de vue environnemental, la préservation de la vocation marchande permet une meilleure efficacité dans l’occupation de l’espace littoral.

2) Elaborer des projets de station et des stratégies globales Au-delà du problème de l’adaptation des hébergements de loisirs aux attentes actuelles,

les stations doivent engager des démarches globales d’amélioration de l’ensemble de leur offre. L’objectif de la mise en place de ces projets est de restaurer ou de créer une véritable qualité urbaine et touristique grâce à une politique d’aménagement global (espaces publics, plan de circulation, qualité de l’habitat).

3) Professionnaliser l’activité La persistance d’une « économie de cueillette », basée sur des petites et moyennes

entreprises et l’offre des propriétaires individuels, fonde en partie l’attrait de la diversité de l’offre touristique française. Par contre, en parallèle, elle limite souvent les possibilités de développement à l’échelle d’une station ou d’un territoire. Cette professionnalisation du secteur touristique repose à la fois sur le développement des formations initiales et continues, l’augmentation du niveau de qualification du personnel saisonnier et la prise en compte d’activités supplémentaires.

Le secteur du tourisme, première activité économique du littoral, pèse lourd dans l’activité économique de cet espace et joue donc un rôle clé dans le développement local durable. Par rapport aux autres activités économiques du littoral, le tourisme pèse douze fois le chiffre d’affaires de la pêche, quinze fois celui des ports et huit fois celui de la marine marchande. Finalement, le développement d’un tourisme littoral de qualité passe par : 1) une meilleure intégration de l’économie et de l’activité touristique dans le littoral, 2) la prise en compte de la diversité des activités économiques et des usages, 3) la mise en valeur, la préservation et la promotion des ressources patrimoniales du littoral et de son identité, 4) la relation avec l’espace maritime et l’arrière-pays.

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Intervention 2

DE LA CROISSANCE À L’EXCELLENCE TOURISTIQUE : VERS UN NOUVEAU PARADIGME TOURISTIQUE SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN ESPAGNOL

POR UN NUEVO "PARADIGMA TURÍSTICO" SOBRE EL LITORAL MEDITERRÁNEO Y LAS ISLAS EN ESPAÑA

Fernando PRATS PALAZUELO

Résumé

De nombreux symptômes traduisent la perte de compétitivité du littoral méditerranéen espagnol : évolution à la baisse de la fréquentation touristique contrairement aux destinations intérieures ou atlantiques, baisse des revenus du tourisme, opinion des entrepreneurs…. Ce retournement de tendance oblige à examiner en profondeur les causes du phénomène qui tiennent notamment à l’excès d’urbanisation, de pression humaine. L’exemple de différentes destinations espagnoles (Baléares, Canaries…) montre qu’il est inutile de penser à une revitalisation touristique sans l’articuler à une réhabilitation complète du littoral.

Les destinations matures du littoral méditerranéen doivent donc évoluer vers un nouveau modèle de développement basé sur le renoncement à une croissance illimitée, sur la valeur à donner à l’expérience touristique, sur la durabilité et la qualité de vie de la destination et la rentabilité socio-économique (maximum de résultat par unité de charge). Le développement passe dès lors par la recherche de rentabilité, de qualité, de diversification des produits et de différenciation des destinations, et donc par la mise en place de nouveaux axes de travail : préservation des zones non urbanisées, réalisation d’agenda 21, recherche de la qualité intégrale, participation des entreprises et des citoyens….

Resumen

Después de un recordatorio de principales datos calculados del turismo español, y de su importancia económica, que ponen de relieve el peso esencial del turismo litoral, la presentación tiene por objeto mencionar los síntomas que traducen la pérdida de competitividad del litoral mediterráneo y de las islas (análisis de las tendencias, evolución de la frecuentación extranjera por destino de 1999 a 2002, dinámica comparada del crecimiento del PIB turístico y del PIB nacional español, análisis de los gastos, evolución de la ocupación del parque hotelero...).

A continuación, se abordan las causas de esta pérdida de competitividad (saturación del producto turístico llegado a su madurez, crecimiento de la competencia, cambio del comportamiento de los turistas... ).

Ilustraciones sobre varios destinos litorales se presentan a través de un análisis que incluye 7 ámbitos temáticos y 25 campos de referencia claves (ejemplo de Lanzarote, de las Canarias y de las Baleares). El análisis de la frecuentación de los distintos métodos de alojamiento muestra como evidencia la importancia del fenómeno de la residencia secundaria durante el período 1999-2002 y la necesidad de considerar el desarrollo sostenible en los destinos turísticos.

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Por último, se presenta un nuevo "paradigma" que se basa en el abandono del crecimiento ilimitado, sobre un nuevo concepto de excelencia, y sobre la recomendación de ejes de trabajo basados en el control del crecimiento, y la rehabilitación íntegra del litoral y los destinos turísticos.

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Quelques chiffres pour rappeler l’importance du tourisme dans l’économie espagnole. Le tourisme espagnol, c’est, pour 2003, 52,3 millions de touristes étrangers et 120 millions de voyageurs nationaux, près de 228 millions de nuitées hôtelières, une dépense moyenne par touriste de 702 euros soit plus de 36 millions d’euros dépensés par les touristes étrangers et autant par les touristes nationaux. Le tourisme représente 11,8% du PIB et fait vivre directement ou indirectement 2 millions de personnes (données 2002). Il faut cependant signaler que toutes les régions espagnoles ne profitent pas de la même manière de l’activité touristique, puisque 90 % du tourisme est concentré sur le littoral méditerranéen et les îles. Jusqu’à une époque récente, ces espaces étaient très attractifs, mais aujourd’hui on remarque un certain ralentissement.

1. Les symptômes de perte de compétitivité touristique du littoral méditerranéen et de ses îles

Une mutation des tendances rend le littoral méditerranéen espagnol et ses îles moins compétitifs. Ceci est lié au comportement des destinations littorales par rapport à l’intérieur, au marché international, à l’incidence macroéconomique du tourisme, au tourisme étranger face au national, aux revenus du tourisme étranger, au comportement du tourisme hôtelier et à l’opinion des entrepreneurs.

Il faut tout d’abord noter l’évolution à la baisse de la fréquentation touristique de ces zones balnéaires contrairement aux destinations intérieures ou atlantiques.

Certaines destinations du littoral espagnol de la Méditerranée et les îles spécialisées dans

le produit soleil et plage ont vu leurs nuitées s’effondrer. Alors que les destinations du littoral méditerranéen et des îles espagnoles enregistrent en temps normal 90,9% du total des nuitées des touristes étrangers en Espagne contre 9,1% pour les destinations intérieures et atlantiques, les taux de variation des nuitées hôtelières des touristes étrangers en Espagne enregistrés entre 1999 et 2002 montrent une perte de compétitivité du littoral méditerranéen espagnol. Parmi les Communautés Autonomes du littoral méditerranéen et des Iles Canaries, seule la Communauté Autonome de Murcia enregistre un taux de variation de nuitées hôtelières positif (22,2%). Pour le reste, les taux de variation sont négatifs et atteignent même des taux négatifs à deux chiffres aux Baléares (-20%) et aux Canaries (-12,4%). Par contre, la part des nuitées enregistrée par les Communautés Autonomes de la péninsule intérieure et de la Cordillère Cantabrique se trouve dynamisée par des taux de variation positifs. La Navarre a connu entre 1999 et 2002 un « boom » avec une hausse de 27,6% de nuitées hôtelières, suivie de la Galice, la Rioja, la Castille et le Léon, la région Cantabrique et l’Aragon avec des taux variant entre 18,4% et 16,7%. Finalement, le Pays Basque et les Asturies enregistrent encore des taux à deux chiffres avec 12,8% et 11,7%, et en queue de peloton la Castille-la Manche (9,2%), l’Extremadure (6,4%) et Madrid (3%).

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Pernoctaciones hoteleras de extranjeros en España por CC.AA. de

destino

(1999-2002)

-0,1

-20,0

-12,4

-0,4

-3,7

22,2

16,7

11,7

16,8

9,2

17,2

6,4

18,4

3,0

27,6

12,8

17,2

-30,0 -20,0 -10,0 0,0 10,0 20,0 30,0

Andalucía

Baleares

Canarias

Cataluña (* )

Co. Valenciana

Murcia

Aragón

Asturias

Cantabria

Castilla -La Mancha

Castilla y León

Extremadura

Galicia

Madrid

Navarra

País Vasco

La Rioja

(Tasa de variación en %)

Destinos del Litoral

Meditarráneo y Canarias

Destinos de interior y de la

Cordillera Cantábrica

atlánticos

90,9% del total

(* ) No se incluye

9,1% del total

Graphique : Classement des nuitées hôtelières des étrangers en Espagne par Communauté Autonome de destination (1999-2002)

Par ailleurs, l’incidence macroéconomique du tourisme peut être analysée en comparant la croissance du PIB touristique par rapport à celle du PIB espagnol et en étudiant l’apport du tourisme à la croissance de l’économie espagnole. D’après le premier graphique ci-dessous, on peut tout d’abord distinguer que la croissance des ventes en 2003 n’a pas été suffisante pour récupérer les taux de croissance qu’a connu le PIB touristique en 1999 (+6%).1

Globalement, le PIB touristique évolue selon les mêmes tendances que le PIB espagnol. Toutefois, les estimations enregistrées depuis 2001 soulignent une perte de compétitivité du tourisme par rapport au taux de croissance du PIB espagnol. Le tourisme a souffert plus que l’économie espagnole d’un ralentissement de l’activité, alors qu’habituellement lorsque le PIB se porte bien (par exemple, entre 1999 et 2001), le PIB touristique enregistre des taux sensiblement égaux ou supérieurs.

Le PIB touristique aurait varié entre 1% et 1,5% pour l’année 2003 : meilleurs résultats que ceux de 2002 alors négatifs mais loin derrière ceux de 1999 (+6%). L’apport du tourisme à la croissance de l’économie espagnole, régulier depuis 1996, s’est considérablement réduit en 2001. Depuis l’année 2000, la part du tourisme dans la croissance économique du pays n’a cessé de diminuer pour représenter en 2002 et 2003 un apport quasi nul.

1 ISTE est un indicateur élaboré par EXCELTUR et reflète à court terme le PIB touristique.

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Dinámica comparada del crecimiento del

PIB turístico (ISTE) y el PIB español

-2

-1

0

1

2

3

4

5

6

7

1999 2000 2001 2002 2003

(En %)

ISTE PIBFuente: Exceltur e INE

Graphique : Dynamique comparée de la croissance du PIB touristique (ISTE) et du PIB espagnol 1999-2003.

La dépense moyenne par touriste a été très inégale entre 1999 et 2003. Cette période fut

principalement marquée jusqu’à 2001 par une hausse de la dépense moyenne et de son taux de variation annuel positif (730.68€ en 2001), puis une chute des taux de variations positifs de 1999 et 2000 (5.3% et 8.4% respectivement) pour atteindre -6.9% en 2002. En 2003, on peut distinguer une certaine reprise de la consommation avec une dépense moyenne de 701.81 par rapport à 680.32 en 2002, soit + 3.2%. Graphique : Dépense moyenne par touriste 1999-2003.

Le marché de l’hôtellerie est marqué par une croissance continue de son offre et une

baisse de sa demande. Le parc hôtelier espagnol ne cesse de s’étendre depuis 1999 pour offrir chaque année un nombre total de lits toujours plus important (en 2003 + 10 points par rapport à 1999). Toutefois, le faible nombre de nuitées réalisées entre 1999 et 2003 n’a pas permis d’atteindre des taux d’occupation égaux ou supérieurs à 1999 (53.9% en 2003 contre 58.9% en 1999).

PREMIERE PARTIE

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Graphique : Evolution du marché de l’hôtellerie (Données Janvier-Novembre) 1999-2003

2. Les causes de perte de compétitivité touristique sur le littoral méditerranéen

et les îles

La perte de compétitivité du littoral méditerranéen espagnol et de ses îles est tout d’abord liée à la lassitude de la demande pour ce type de produit arrivé à maturité et non diversifié. Le non renouvellement de l’offre a intensifié la perte de compétitivité face à ses concurrents qui sont de plus en plus nombreux.

Par ailleurs, le modèle initial de croissance illimitée est arrivé à épuisement. Le dépassement de la capacité de charge, la perte de qualité intégrale, la saturation, la « rébellion » de la population locale et l’usage incontrôlé des ressources en sont les manifestations. Ce qui se passe dans les îles de Lanzarote, Baléares, Canaries et Mallorca illustre tout à fait la situation actuelle :

2.1. 1er exemple : L’île de Lanzarote.

En comparant la situation de référence de l’île de Lanzarote (sur la base de 7 domaines et 25 champs) par rapport au scénario de tendance 1997-2017, on peut noter la situation critique des ressources de l’île. L’augmentation de 70.5% du nombre de touristes et le développement de la population résidente (+46.8%) par rapport à la situation de référence jouent un rôle déterminant sur la transformation de l’île. En situation de référence, à l’exception des deux domaines (identité culturelle et patrimoniale et secteurs environnementaux clés : énergie, transport insulaire, déchets), les autres étaient satisfaisants (organisation sociale, économie et tourisme, système urbain et écologie insulaire). Mais, le scénario pour 1997-2017 est plutôt pessimiste : tous les domaines empirent et seuls quelques champs se stabilisent (7 champs sur un total de 25 contre 5 satisfaisants et 12 pouvant être améliorés en situation de référence). L’île ne compte aucun critère en situation d’amélioration.

2.2. 2ème exemple : Les îles Baléares.

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20

Crecimiento en el número de turistas por tipología de

alojamiento

1999-2002

10,9

3,0

35,941,5

9,4

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

TOTAL Hoteles Vivienda Vivienda

gratuita alquilada Otros

(Tasa de variación en %)

Fuente: Frontur, IET.

Entre la situation actuelle et les tendances prévues pour l’avenir, à l’exception des espaces naturels protégés, tous les autres domaines enregistrent des résultats critiques ou moyens. Il s’agit de l’indice de pression humaine, la saisonnalité touristique, la stabilité du travail, l’évolution des salaires, l’accès à l’habitat, le parc automobile, les plages (fréquentation et saturation touristique), la capacité de logement, la consommation urbaine d’eau, l’émission de CO², la consommation d’énergie brute et le recyclage des déchets.

2.3. 3ème exemple : les îles Canaries et Mallorca.

Deux articles sélectionnés dans la presse locale « La Provincia Canarias » et « Diario de Mallorca » soulignent la révolte des citoyens face à la croissance incontrôlée du tourisme insulaire pour une durabilité des destinations touristiques. Dans le premier périodique, on note que « huit Canariens sur dix souhaitent que des limites à la croissance touristique soient introduites ». En première page du second, les grands titres sont dédiés à une manifestation ayant réuni plus de 20.000 manifestants exigeant un arrêt du développement urbain.

Pour terminer, les comportements des touristes ont changé. Nous nous trouvons désormais confrontés à une diversification de la demande globalement marquée par les tendances suivantes : réduction des périodes de vacances, « tout inclus », changement du mode d’organisation du voyage, utilisation des compagnies aériennes à bas coût. Il est à noter la croissance des résidences principales et secondaires détenues par les étrangers qui ne fait que renforcer cette baisse de compétitivité touristique des destinations du littoral méditerranéen et de ses îles (car perte de clientèle pour les hébergements de location et les hôteliers). Entre 1999 et 2002, l’acquisition de résidences secondaires enregistre un taux de croissance de 35.9%, soit plus du triple du total des types de logements confondus (10.9%), tandis que la location compte 41.5% de croissance et l’hôtellerie 3%. Graphique : la croissance débordante de résidences secondaires entre 1999 et 2002

3. Vers un nouveau paradigme touristique sur le littoral méditerranéen et les îles

Devant ces résultats critiques, l’idée de croissance illimitée appliquée jusqu’alors sur le littoral méditerranéen espagnol et ses îles a désormais atteint ses limites. En développant un nouveau concept d’excellence, les acteurs travaillent pour la réhabilitation intégrale et la capacité de charge du littoral et des destinations touristiques tout en maintenant leur croissance. Les trois axes du nouveau concept sont les suivants :

- La valeur de l’expérience touristique

PREMIERE PARTIE

21

- La durabilité environnementale, la qualité de vie (capacité de charge) de la destination - La rentabilité socio-économique (résultats maximum/ unité de capacité de charge)

3.1. Le cercle vicieux de dévalorisation des destinations matures du littoral

La croissance de l’offre de logement entraîne une augmentation de la pression humaine qui finit par détériorer les systèmes naturels et par entraîner des problèmes de saturation. Ces détériorations concourent à faire baisser la qualité intégrale de la destination et donc à freiner l’arrivée de touristes. Les résultats économiques marqués par la perte de valeurs d’actifs sont insuffisants pour développer les investissements nécessaires à l’amélioration de la qualité, ce qui a pour conséquence sur le moyen et long terme une chute des revenus touristiques globaux.

3.2. Le cercle vertueux de la revalorisation des destinations matures du littoral

Le maintien de la croissance de l’offre de logement et les investissements réalisés dans un équipement de diversification et d’identification permettent de récupérer l’environnement puis d’augmenter la qualité de la destination. Les valeurs des actifs sont ainsi revalorisées et attirent à nouveau des investisseurs privés pour en améliorer la qualité. Cette hausse de la qualité donne plus d’attraits à la destination et entraîne une arrivée de touristes aux plus grands effets multiplicateurs et contribue ainsi à augmenter les revenus touristiques.

Comme nous l’avons vu ci-dessus en exposant le nouveau concept d’excellence touristique du littoral méditerranéen espagnol et ses îles, la revalorisation des destinations touristiques demande un travail de fond qui passe par les trois axes principaux : expérience touristique, préservation des ressources et développement économique. Pour la région de Doñana, le Plan de Développement Durable peut être exposé comme suit :

OBJECTIFS STRUCTURE LOGIQUES CONTROLE Expérience touristique Conservation des ressources Développement économique

Analyses des marchés Produits/Activités Logement Excellence

Qualité

Rentabilité

Durabilité

Diversification + Désaisonnalisé

Différenciation

Institutionnels Entreprises Structures sociales Gestion intégrale

Source : F. Prats (AUIA) Avace Temática de Turismo 2º Plan de Desarrollo Sostenible de Doñana

Les nouvelles lignes de travail découlant de ce nouveau concept incluent les points suivants : - Passage de la croissance illimitée à l’excellence intégrale et capacité de charge - Préservation des zones non urbanisées - Impulsion des Agendas Locaux 21 combinant le maintien de la croissance, la

réhabilitation et la diversification - Qualité intégrale : environnements et services - Observatoires locaux/touristiques - Information, innovation et intelligence économique - Leadership institutionnel et participation des entreprises et des structures sociales

ATELIER ESPACE LITTORAL

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Intervention 3

CRISE DU TOURISME CATALAN. QUELLES DIRECTIONS ?

LA CRISIS DEL TURISMO CATALAN ¿QUÉ DIRECCIONES A SEGUIR?

Ramon CERRAT MULÀ

Résumé

Sur le littoral catalan, mieux connu sous les noms de Costa Brava et Costa Daurada, s’est développé un modèle touristique basé sur une urbanisation intensive.

Jusqu’au début des années 1990, ce modèle a eu un effet positif sur l’économie de la région. Toutefois, les résultats en baisse de cet été, tant au niveau du nombre de visiteurs que des recettes enregistrées, montrent que le modèle a atteint un seuil critique. Tous les acteurs impliqués dans le secteur du tourisme catalan sont conscients qu’il faut agir. Des forums et débats s’organisent pour réfléchir à la possibilité de crise du modèle « soleil et plage » et pour mettre au point un consensus généralisé qui réorientera l’avenir touristique de la région.

Resumen

El modelo turístico del litoral catalán basado en una ocupación masiva del territorio y puesto en cuestión en los últimos años nos sirve de base para la reflexión sobre la urbanización del litoral.

La costa catalana, básicamente bajo las denominaciones de Costa Brava y Costa Daurada, se encuentra en un momento de replanteamiento de su futuro. Sobre la base de la reducción del número de visitantes o la reducción de los ingresos en determinados establecimientos de alojamiento y la restauración de este verano, se ha hablado con insistencia de la posible crisis del modelo “sol y playa”. Foros como el reciente Debate Costa Brava, muestran la inquietud de los diversos actores respecto al porvenir de un modelo que durante muchos años ha proporcionado crecimiento y bienestar al territorio. El objetivo de estos foros y debates es reflexionar sobre la posible crisis del modelo “sol y playa”, y organizar un consenso generalizado que reoriente el futuro turístico de la región.

PREMIERE PARTIE

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Le modèle touristique du littoral catalan, basé sur une occupation massive du territoire et remis en question ces dernières années, sert de base pour notre réflexion sur l’urbanisation du littoral.

La côte catalane, plus connue sous le nom de « Costa Brava » ou « Costa Daurada », réfléchit en ce moment à son avenir. Les forums comme le récent « Débat Costa Brava », montrent l’inquiétude des divers acteurs vis-à-vis de l’avenir d’un modèle qui pendant des années a procuré croissance et bien-être au territoire.

Cet été, à la suite de la réduction du nombre de visiteurs et des recettes de certains hébergements et établissements de restauration, un débat a été organisé autour de la question : « le modèle « soleil et plage » est-il en crise ? ». La divergence des avis a montré la complexité du sujet, qui fut déjà initié aux débuts des années 1990, mais que l’instabilité politique de certaines destinations concurrentes avait laissé temporairement de côté.

Deux questions de base interfèrent : la crise du tourisme dans la zone et le modèle du territoire. Existe-t-il une relation entre les deux thèmes ? Cette crise existe-t-elle vraiment ? Et, si cette crise est bien réelle, est-elle due au modèle d’urbanisation intensive du territoire ? Est-ce que le fait de retenir l’urbanisation sur ce qui reste de côte va améliorer la situation du tourisme sur le littoral ? Une fois le littoral détruit, va-t-on étendre ce même modèle dans les zones intérieures ?

Sur la côte catalane, nous sommes arrivés à un point critique où tous les acteurs impliqués paraissent savoir clairement qu’il y a quelque chose à faire : financement local, résidences secondaires, occupation du territoire, offre de services, problèmes de personnel, mauvaise image, etc. Beaucoup de choses ont été mal faites. Toutefois, il semblerait que nous ayons l’avantage d’être arrivés avant les autres à ce stade critique.

Il existe un consensus généralisé sur les points déterminés suivants : - Freiner nécessairement la croissance urbaine des dernières années sur la côte, la

destruction effrénée du territoire qui nous a conduit au paradoxe de détruire le territoire lui-même alors qu’il constitue l’attrait touristique le plus important de la zone. Parier sur la réhabilitation, sur les zones urbaines structurées, sur une concentration des services, la préservation des noyaux historiques (Planification supra municipale : Plan Directeur du littoral qui protégera 24.500 ha de manière définitive).

- Ralentir le binôme tourisme-construction, en renforçant l’amélioration de l’offre de services et en transférant une partie de la main d’œuvre en excès du secteur de la construction au secteur des services, via un processus de formation adaptée.

- Reconvertir l’usage des résidences secondaires, en transformant une partie de celles-ci en résidence principale et en augmentant le séjour moyen sur le reste (Florida).

- Améliorer le système de financement municipal afin d’éviter que les autorisations de permis de construire se convertissent en sources de revenus indispensables pour équilibrer les budgets municipaux.

- Parier clairement sur l’élévation de l’offre basée sur le patrimoine culturel et naturel du territoire, en incorporant de nouvelles activités touristiques comme le tourisme culturel, le tourisme de nature, de santé, industriel, actif, etc.

- Construire un produit basé sur l’identité du territoire, qui fonde son universalité sur ce qui le rend unique et singulier (Barcelone, par exemple).

- Aller vers une politique de protection du paysage dans la ligne de la Directive Européenne du paysage.

ATELIER ESPACE LITTORAL

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- Impliquer tous les acteurs du territoire pour essayer de concilier les intérêts des entrepreneurs, les besoins des touristes et les demandes des résidents.

- Eviter l’extension du modèle littoral aux zones intérieures. Finalement, parier résolument sur la qualité de l’offre face à l’impossible lutte des prix

des destinations concurrentes. Mais, la qualité repose sur du concret et non sur une étiquette sans contenu. Il faut avancer et ne pas attendre à nouveau que les circonstances externes sauvent la situation.

Le littoral catalan doit réviser son modèle touristique car il n’existe pas de crise du tourisme balnéaire. Ce qui s’offre aux touristes actuellement ne peut simplement pas être identique à ce qui s’offrait il y a vingt ans. Et ce que peut accepter le résident n’est pas non plus semblable. Tout n’est pas perdu. Une action décidée doit être initiée afin d’affronter les problèmes avec courage, avec des idées novatrices et avec une notion de développement territorial claire, loin des intérêts particuliers et des conjonctures politiques.

PREMIERE PARTIE

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Intervention 4

DES STATIONS BALNÉAIRES AUX VILLES-STATIONS, SUR LE LITTORAL DE L’ARC

MÉDITERRANÉEN FRANÇAIS ET ESPAGNOL

DE LAS ESTACIONES BALNEARIAS A LAS ESTACIONES-CIUDADES, SOBRE EL LITORAL DEL ARCO MEDITERRÁNEO FRANCÉS Y ESPAÑOL

Jean RIEUCAU

Résumé

Le littoral de l’Arc méditerranéen, en raison de son climat, parce qu’il est densément équipé en moyens de transport modernes qui le connectent en permanence à la Mégalopole européenne, constitue la principale région européenne concernée par l’émergence de formes complexes de mobilité résidentielle. La mobilité croissante des populations et le développement de la multirésidentialité, favorisée par la souplesse du travail à distance, par la tendance à la désaisonnalisation des fréquentations touristiques, entraînent un déclin relatif de la fonction de loisir au profit de nouvelles activités permanentes de services.

Certaines stations conçues initialement pour la seule fonction touristique et récréative, à des périodes différentes de l’histoire, en France, deviennent aujourd’hui des villes : la Baule, Biarritz, la Grande-Motte. Si cette évolution tend à se généraliser en Europe, elle apparaît plus avancée sur les espaces touristiques littoraux de l’Arc méditerranéen, en particulier en Espagne.

La planification de l’aménagement du littoral touristique en Languedoc-Roussillon, comme l’analyse de la mise en place en Espagne d’un continuum littoral touristifié et urbanisé, seront ainsi analysés, notamment à l’aide de modélisations graphiques des évolutions en cours.

Resumen

El litoral del arco mediterráneo, debido a su clima, y ya que está densamente equipado con medios de transporte modernos que lo conectan permanentemente con la Megalópolis europea, constituye la principal región europea afectada por la aparición de formas complejas de movilidad residencial. La movilidad creciente de las poblaciones, el desarrollo de multi - residencias, favorecido por la flexibilidad del trabajo a distancia, por la tendencia a la desestacionalización de las frecuentaciones turísticas, conllevan una relativa decadencia de la función de ocio en favor de nuevas actividades permanentes de servicios.

Algunas estaciones concebidas inicialmente con una única función turística y recreativa, en períodos diferentes de la historia, en Francia, son hoy ciudades: la Baule, Biarritz, la Grande-Motte. Si esta evolución tiende a generalizarse en Europa, aparece más desarrollada sobre los espacios turísticos litorales del Arco mediterráneo, en particular en España.

De esta forma se analizarán tanto la planificación del desarrollo del litoral turístico en Languedoc-Roussillon, como la puesta en marcha en España de un “continuum litoral

ATELIER ESPACE LITTORAL

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26

turístico” y urbanizado, y en particular, con ayuda de modelos gráficos para las evoluciones que se producen.

PREMIERE PARTIE

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1. De la station touristique à la ville

Le littoral de l’Arc méditerranéen, en raison de son climat, parce qu’il est densément équipé en moyens de transport modernes (train à grande vitesse, aéroports internationaux, réseau autoroutier) qui le connectent, en permanence à la Mégalopole européenne, constitue la principale région européenne concernée par l’émergence de formes complexes de mobilité résidentielle. Celles-ci sont caractérisées par une interpénétration entre tourisme, double résidence, double activité, jusqu’au transfert d’activité (partiel ou complet).

Certaines stations conçues initialement pour la seule fonction touristique et récréative, à

des périodes différentes de l’histoire, en France, deviennent aujourd’hui des villes : la Baule, Biarritz, la Grande-Motte. Si cette évolution tend à se généraliser, en Europe, elle apparaît plus avancée sur les espaces touristiques littoraux de l’Arc méditerranéen, en particulier en Espagne (combinaison de l’héliotropisme et de l’haliotropisme). La mobilité croissante des populations, le développement de la multirésidentialité, favorisée par la souplesse du travail à distance, par la tendance à la désaisonnalisation des fréquentations touristiques, entraînent un déclin relatif de la fonction de loisir au profit de nouvelles activités permanentes de services.

2. La planification de l’aménagement du littoral touristique en Languedoc-Roussillon

En Languedoc-Roussillon, à partir des années 1970, sont aménagées de vastes stations, en particulier les deux premières de France par la capacité d’accueil (le Cap d’Agde avec 160

000 places et la Grande-Motte2 proche de 110 000 places). Cette dernière est la seule à être devenue un véritable organisme urbain, en raison de son statut de commune depuis 1974, d’une forte notoriété appuyée sur une architecture originale (pyramides alvéolées et conques, forte «végétalisation» du site), grâce à la proximité de la capitale régionale Montpellier, du fait de l’excellence de sa connexion avec le faisceau autoroutier sud-rhodanien.

Cette station, édifiée ex nihilo à partir de 1966, s’organise jusqu’en 1980, autour de deux

composantes spatiales : le port de plaisance enveloppé d’un ensemble résidentiel. Au début du XXIe siècle, un axe de dissociation/réassociation, d’orientation nord-sud, partage l’espace urbain en deux entités : une «ville saisonnière» à l’ouest, une «ville permanente» à l’est, au fonctionnement pérenne (60 à 70% des commerces ouvrent toute l’année). Les centralités urbaines des années 1970, articulées sur le port de plaisance, tendent, en 2001, à glisser vers les nouveaux équipements de loisirs situés au nord et à l’Est.

Cette ville active, en cours de débordement sur la première, est spatialement la plus

étendue. Elle regroupe la majorité des résidents permanents, reçoit les nouveaux équipements touristiques (institut de thalassothérapie, terrain de golf, centre aquatique…), juxtapose des quartiers différenciés par leurs fonctions et leur composition sociale.

3. La touristification désordonnée du littoral méditerranéen de l’Espagne 2 Rieucau (J.), la Grande-Motte, ville permanente, ville saisonnière, Annales de Géographie, Paris, n°616, novembre-décembre 2000, pp 631-654.

ATELIER ESPACE LITTORAL

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Sur la côte méditerranéenne espagnole, à l’aide de la modélisation graphique, cette communication vise à analyser la mise en place, depuis les années 1990, d’un continuum

littoral « touristifié »3 et urbanisé. En Espagne, les années 1960 sont marquées par un dédoublement casco antiguo/playa,

par une tendance à l’alignement urbain en front de mer. Les années 1970 se caractérisent par l’urbanisation des zones comprises entre les bourgs ruraux (casco antiguo) et les stations balnéaires (playa). Sur le front de mer, se poursuit l’alignement urbain en lignes parallèles vers l’intérieur. L’aménagement des voies autoroutières sublittorales entraîne un bourgeonnement urbain (multiplication des « urbanizaciones ») le long des voies de communications et la construction de résidences secondaires partant à l’assaut de l’arrière pays (postpaís).

Depuis 1990 jusqu’à aujourd’hui, on note la mise en place d’un véritable continuum

urbain côtier, par tendance à la contiguïté entre stations littorales qui deviennent polynucléaires. La saturation urbaine et touristique du littoral repousse les nouveaux aménagements distractifs, de plus en plus planifiés, vers le rétrolittoral (ports de plaisance sur le cours amont des fleuves côtiers, aménagements golfiques, parcs thématiques, zones hôtelières)

Sur la Costa del Azahar, la ville de Cullera4, située sur l’embouchure du rio Júcar, dans la

province de Valence, vit jusque dans les années 1960, de la pêche côtière, de la commercialisation du riz et des agrumes. Progressivement, à partir de 1965, le déferlement du tourisme de masse (dit « de sol y playa »), en l’absence de toute planification urbaine, fait émerger une «ville balnéaire permanente» qui se greffe sur le bourg historique (casco urbano). Au début du XXIe siècle, le cœur de cette cité récréative s’impose comme le quartier central de la «ville globale» de Cullera, actif toute l’année (commerces, animation nocturne), supplantant par ses services le vieux centre historique. Cette figure urbaine post-moderne remet en question le classique binôme bourg (casco antiguo)/doublet balnéaire (playa), le premier concentrant la vie permanente en basse saison.

Ces replis d’activité sur la ville historique, en saison hivernale, qui étaient la règle jusque

dans les années 1990, en France et en Espagne (Port-Gruissan/Gruissan-village dans l’Aude, Benicasim-Oropesa del mar sur la côte du Levant espagnol) tendent eux aussi à évoluer vers le premier type de configuration urbaine.

4. Des stations méditerranéennes marquées par la diminution de la fonction touristique

Au sein de ces villes émergentes, tant françaises qu’espagnoles, la fonction touristique n’est plus exclusive mais demeure prééminente. Services et activités s’étoffent progressivement : enseignement, santé, vie culturelle toute l’année, création de zones d’activités économiques. La création d’emplois in situ tend à rééquilibrer lentement les migrations pendulaires de travail au profit de ces villes nouvelles, aux dépens des grandes

3 Rieucau (J.), Invention et création de lieux touristiques dans la dynamique de la diffusion urbaine littorale, au nord de la Costa del Azahar, Cahiers de Géographie du Québec, Québec, N° 127, avril 2002, p 25-48 4 Rieucau (J), Dualisme urbain et glissement du centre décisionnel, de la cité prétouristique à la ville touristique, dans l’Espagne méditerranéenne du début du XXIe siècle, Cahiers de Géographie du Québec, Québec, N° 133, avril 2004, p 47-70.

PREMIERE PARTIE

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métropoles régionales proches (Montpellier, Béziers, Valence, Alicante). Ainsi, les déplacements professionnels des grands-mottois s’effectuent, jusqu’en 1990, très majoritairement en direction de Montpellier (150 personnes en 1975, 250 en 1982, 300 en 1990). Inversement la capitale régionale émet depuis trente ans un nombre croissant d’actifs vers la ville-station (129 actifs en 1975, 142 en 1982, 178 en 1990).

5. Sociétés mobiles et multirésidentes sur l’Arc méditerranéen

Le développement du travail à distance (ou télétravail) crée de nouveaux modes de vie, par un désengagement de l’emprise du lieu sur la personne et son indépendance à l’égard du temps. De cette révolution des formes de travail, de la transformation du rapport travail/loisir, naissent de nouvelles populations, dites «multirésidentes», pratiquant, toute l’année, un « zapping spatial » et temporel. Grâce à la mobilité généralisée des populations, l’existence de chacun se fonde sur des « lieux de vie multiples » (Dehoorne, 2002), faisant naître chez les personnes une forme de multirésidentialité (ou polyrésidentialité).

Les populations « multirésidentes », plus mobiles qu’auparavant, séjournant à l’étranger

de longues périodes, sont originaires de foyers émetteurs situés dans l’Europe du nord-ouest. Les espaces touristiques récepteurs sont principalement les régions littorales de l’Arc méditerranéen (îles Baléares, Toscane, côtes méridionales de l’Espagne), dont les flux migratoires, longtemps déficitaires, se sont inversés à partir des années 1980. Ce phénomène de « lieux de vie multiples » déborde sur la rive méridionale de la Méditerranée (Maroc, Tunisie, Egypte).

Les villes touristiques du littoral de la communauté valencienne, du nord au sud :

Peñíscola, Alcossebre, Benicasim, Cullera, Dénia, et la Grande-Motte en Languedoc ; sont, de manière croissante, marquées, depuis le début des années 1990, par ce phénomène de mobilité résidentielle.

6. De la station à la ville : l’émergence de sociétés complexes

Au sein de ces villes post-industrielles récentes, l’espace vécu s’organise largement autour de la consommation et du jeu. Mais, citoyens et décideurs politiques, à partir des années 1990, ressentent également la nécessité de raccorder leur ville, jusque là dépourvue d’identité, à l’histoire nationale et le besoin de donner un sens aux lieux de vie du quotidien (places, parcs, avenues, promenades littorales). Dans ces organismes urbains, des sociétés complexes s’élaborent depuis 30 ans. Le poids des actifs résidents s’accroît. La part des retraités continue de progresser. Ces deux groupes de populations côtoient quotidiennement les «usagers ordinaires» du littoral (véliplanchistes, plongeurs mais également promeneurs…) issus des grandes villes proches, les «villégiateurs hivernaux» en progression régulière, les résidents secondaires, présents les fins de semaine, pendant les vacances scolaires ainsi qu’en basse saison, enfin, les touristes estivaux.

Certaines villes mettent en place de véritables «stratégies résidentielles» (faible fiscalité,

gratuité des moyens de transports municipaux pour les jeunes et les retraités) pour attirer de nouveaux habitants (la Grande-Motte, Torrevieja dans la province d’Alicante…).

ATELIER ESPACE LITTORAL

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Intervention 5

ESPACES NATURELS ET FRÉQUENTATION TOURISTIQUE

ESPACIOS NATURALES Y FRECUENTACIÓN TURISTICA

Christophe LAURIOL

Résumé

L’engouement des touristes pour les espaces naturels du littoral est important. Toutefois, la qualité de ces sites est à la fois mise en danger par des problèmes liés à la fréquentation humaine et à l’érosion marine qui chaque année réduit la bande littorale.

Dans cet exposé, trois exemples serviront de support à la présentation des problèmes que peuvent connaître les sites naturels littoraux à usage touristique. La Mission Interministérielle d’Aménagement du Littoral Languedoc Roussillon étudie pour chacun d’entre eux quelles seraient les réponses les plus adaptées pour améliorer leur protection. Ces projets, qui incluent l’application des méthodes des opérations Grands Sites, vont au-delà des mesures réglementaires ou foncières. Elles intégrent la gestion, la prise en compte de la population locale et la valorisation du site dans sa globalité.

Resumen

El entusiasmo de los turistas por los lugares de la costa es importante. Sin embargo, la calidad de estos espacios está puesta en peligro por los problemas de degradación derivados de la sobre frecuentación humana y por los problemas de degradación de la erosión marina que cada año reduce la banda litoral.

En esta presentación, tres ejemplos servirán de apoyo a la presentación de los problemas que pueden tener los lugares naturales de la costa por el uso turístico. La Misión interministerial de ordenación del litoral Languedoc Roussillon estudia para cada uno de estos casos cuales serian las respuestas más adaptadas para mejorar su protección. Estos proyectos, que incluyen la aplicación de los métodos de las “Operaciones Grandes Lugares”, superan las medidas reglamentarias. Estas operaciones integran la gestión, la toma en cuenta de la población local y la valorización del lugar en su globalidad.

PREMIERE PARTIE

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On connaît l’importance d’un point de vue touristique des grands espaces naturels, ressource majeure. Sur le littoral, ils prennent une valeur plus particulière : l’offre touristique est d’abord la conjonction d’une offre d’hébergement et de la plage mais la qualité des sites reste importante : une étude récente de l’AFIT sur l’offre montre qu’en règle générale les communes les plus touristiques ont une proportion d’espaces naturels classés ou inventoriés en ZNIEFF beaucoup plus forte que les autres communes littorales. Toutes les études montrent l’importance des espaces naturels, de la qualité de l’environnement, dans le choix de la destination. C’est encore plus vrai dans le contexte actuel de développement de l’urbanisation, où ces sites prennent une valeur emblématique pour contrecarrer le sentiment de « bétonnisation » du littoral.

La plage déserte reste bien l’idéal de vacances que mettent en avant les magazines et la carte postale idéale. Il faut bien constater qu’elle est de plus en rare et que se posent sur nos côtes de gros problèmes de surfréquentation !

La préservation des sites naturels a fait l’objet d’une attention particulière en France : la loi de 1930 crée la notion de site classé ; action par exemple de la Mission Racine en Languedoc qui identifie les zones de développement mais aussi les zones à protéger ; la loi littoral en 1986 crée les notions d’espaces remarquables ou de coupures d’urbanisation ; enfin, l’action du Conservatoire du Littoral qui détient aujourd’hui environ 11% des côtes françaises ambitionne d’atteindre 30% en 2030.

Cette politique a permis de préserver de nombreux espaces littoraux de la prédation immobilière. Toutefois, elle atteint aujourd’hui ses limites. En effet, l’intégrité de ses sites est de plus en plus menacée :

- par des modifications de leurs écosystèmes, modification le plus souvent d’origine anthropiques : les algues vertes en Bretagne, l’ensablement de la baie du Mont St Michel, à peu près partout l’érosion côtière qui rogne parfois plusieurs mètres de plages par an sur certains sites,

- par la surfréquentation qui crée d’importantes perturbations : stationnement sauvage, piétinement, déchets, dégradations qui mettent en péril la qualité du site, son intégrité écologique et sa valeur touristique.

Au-delà de la seule protection contre l’urbanisation, il y a nécessité de mettre en œuvre

des dispositifs de gestion adaptée de ses sites qui posent un certain nombre de questions : - celle du coût, du financement (qui prend en charge la gestion, qui va payer ?) mais

aussi des recettes possibles pour limiter ces coûts, - celle du type de gestion : quelle capacité de charge peut accepter le site ? comment la

réguler ? quelle gestion des accès, des pratiques ? quelle politique de nettoyage ?, - celle de leur aménagement in fine, car dans de nombreux cas, la gestion de la

fréquentation, la remise en valeur du site va passer par la mise en œuvre de solutions d’aménagement.

En guise d’illustrations rapides, quelques cas sur lesquels travaille actuellement la Mission Interministérielle d’Aménagement du Littoral Languedoc-Roussillon, et qui sont assez représentatifs des problèmes que l’on peut avoir sur des sites naturels littoraux.

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1. Le site de Paullilles

Cas exceptionnel de désurbanisation sur nos côtes, ce site est situé dans les Pyrénées Orientales, proche de la Catalogne espagnole, sur la seule partie rocheuse du littoral Languedoc Roussillon, que l’on appelle la Côte Vermeille entre Port Vendres et Banyuls, tout proche de Collioure. Avec les Pyrénées qui tombent dans la Méditerranée et une des rares plages sableuses, Paullilles jouit d’un cadre magnifique à cheval sur 2 sites classés, en zone Natura 2000. Mais c’est surtout historiquement une importante usine de Dynamite ayant appartenu à Nobel et aujourd’hui à l’abandon depuis 1984. Après avoir suscité la convoitise de nombreux promoteurs le site a finalement été acquis par le Conservatoire du Littoral en 1998.

Bien qu’il soit aujourd’hui totalement protégé, le site, abandonné et pollué, pose de réels problèmes de sécurité à tel point qu’il a dû être fermé au public.

Il nécessite une intervention publique forte pour être remis en état, et permettre une vraie ouverture au public dans des conditions de sécurité et d’accueil convenable : modification des accès sur la RN, création de stationnements à l’arrière du site, traitements paysagers Mais au-delà, l’ouverture du site suscite naturellement des questions :

- Quel niveau de fréquentation peut être considéré comme acceptable ? donc quelle taille pour les parkings par exemple?

- Comment protéger les secteurs les plus vulnérables ? - S’agit t-il d’organiser seulement l’accès à une plage ou peut-on lui donner plus

d’ampleur ? - Comment peut-il contribuer à renforcer l’attractivité touristique de la côte Vermeille ? - Comment peut-on répondre aux attentes fortes des habitants pour conserver la

mémoire du site, son identité ? Les études sont actuellement en cours.

2. Le lido entre Sète et Marseillan

Le lido entre Sete et Marseillan sépare la lagune de Thau de la mer. C’est une fine bande de sable et de terre de près de 11km de long sur quelques centaines de mètres de large avec au Nord les franges de l’étang très riche mais fragile d’un point de vue écologique, puis la voie ferrée qui lie la vallée du Rhône à l’Espagne, le vignoble de Listel et une ancienne route nationale en bord de plage. Ce lido est soumis à deux agressions majeures :

- celle de la mer d’abord puisque l’érosion côtière a fait disparaître plus de 45 hectares en 50 ans et attaque de plus en souvent la route,

- celle de la fréquentation touristique estimée à près de 1 million de personnes par an, avec un stationnement anarchique le long de la voie, quasiment sur la plage, et parfois un véritable mur de camping-cars.

Au rythme où va l’érosion, il faudrait protéger complètement la route par des

enrochements, ce qui se traduirait par la suppression quasi complète de la plage et une artificialisation très forte. C’est une autre option qui a été choisie : celle du recul de la route de

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quelques centaines de mètres, contre la voie ferrée, de la reconstitution du cordon dunaire et d’une large plage.

Cette option permet dès lors de revoir complètement le fonctionnement du site pour lui restituer son caractère naturel (« retrouver la plage de notre enfance » disait le maire de Sete), et valoriser sensiblement l’offre touristique :

- suppression du stationnement le long de la voie et organisation du stationnement en quelques endroits,

- aménagement de la route à des fins touristiques plutôt que de transit, - différenciation des secteurs de plage avec des plages bien équipées aux extrémités et

une plage sanctuarisée au centre accessible seulement à pied ou à vélo, - ouvertures de fenêtres sur l’étang permettant de donner aux visiteurs quelques aperçus

de sa richesse.

Il s’agit d’un projet très lourd, de près de 50 millions d’euros, mais qui pourrait rendre à ce site, sa vocation de grande plage naturelle dans l’agglomération.

3. Le site du Petit et du Grand Travers

Troisième site un peu similaire au précédent, il s’agit là aussi d’une plage naturelle de 3km de long située entre les stations de Carnon et de La Grande Motte, et entre la mer et l’étang de l’Or, qui est un site classé exceptionnel en terme écologique (convention Ramsar par exemple). C’est un secteur dunaire très riche qui a fait l’objet de nombreuses protections dès la mission Racine (en bonne partie propriété du Conservatoire du Littoral). Mais c’est sans doute dans le secteur du Languedoc où les problèmes de fréquentation sont les plus aigus :

- La présence d’une route en bord de plage la rend très accessible et encourage le stationnement anarchique de près de 15.000 véhicules par jour en plein été.

- Son caractère encore naturel et sa forte accessibilité en font « la » plage naturelle de l’agglomération de Montpellier fréquentée pour la baignade ou la simple promenade hors saison par près de 3 millions de personnes par an.

A ce stade de fréquentation, la plage est autant un site naturel qu’un véritable « parc

urbain » où l’on va se promener en famille dès qu’il y a un rayon de soleil. Cela pose plusieurs types de problèmes :

- le débordement d’usages « parasites » sur certains secteurs : prostitution, stationnement des semi-remorques, dégradation des dunes par le piétinement ou vandalisme,

- plus généralement une pression très forte en termes de gestion : nettoyage des plages, gestion des poubelles, sécurité, gestion du stationnement, entretien des dunes, etc. Les communes gestionnaires sont engagées dans des dépenses de gestion de plus en coûteuses et une sorte de fuite en avant dans les dispositifs de gestion.

Petit à petit, l’organisation du secteur conduit à une artificialisation de plus en plus forte

pour maîtriser le stationnement, la sécurité des deux roues, faciliter l’entretien. On a un scénario tendanciel où on installe des lampadaires, on crée des trottoirs, on installe des dispositifs de gestion de stationnement, voire des parcs-mètres…et l’on multiplie les guinguettes sur la plage pour financer tout ça.

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Au total, le risque est grand d’aller vers une dégradation complète de ce qui fait la beauté de ce site, et sa valeur patrimoniale.

Là aussi, les choses sont toujours en cours de discussion, les réflexions actuelles tournent autour d’une modification complète de l’accès au site et du stationnement, voire à une suppression complète de la voie littorale qui pose en plus des problèmes d’érosion. Ces quelques exemples, qui sont encore à l’état de projets même si nous espérons bien sûr les mener à bien, ont surtout vocation à illustrer ici les problématiques particulières des sites naturels littoraux à usage touristique : - Ils montrent d’abord les limites de la seule protection réglementaire ou foncière. A un

certain niveau de fréquentation une gestion active des sites est nécessaire car les qualités paysagères, naturelles, esthétiques qui sont à l’origine de leur réputation sont mises en danger. Cela induit a minima des coûts de fonctionnement et va souvent nécessiter de revoir les modes d’accueil sur le site. Le niveau de fréquentation dépend fortement de leur accessibilité routière et des possibilités de stationnement, de la place faite aux circulations douces, et donc des choix faits en la matière.

- La surfréquentation n’est pas seulement d’origine touristique : ce sont bien les sites naturels les plus proches des agglomérations littorales qui sont les plus exposés, car ils sont bien sûr très fréquentés aussi par la population locale. Le problème n’est pas tant touristique que celui de l’acceptation par la population locale.

- Enfin, dans de nombreux cas, c’est l’occasion de mettre en valeur sur un site d’autres aspects que la seule plage, la beauté d’un étang, le patrimoine historique…et donc de renforcer son attractivité au-delà de la seule fonction balnéaire, dans une logique de fréquentation toute l’année.

Sur tous ces points, l’application des méthodes des opérations Grands Sites, menées par le

Ministère de l’Environnement depuis 1989, constitue une réponse intéressante que nous essayons de développer sur les sites cités. Elles ont en effet l’avantage de placer le site au cœur de la réflexion, sans à priori dans les solutions proposées. Elles ont pour objectifs : - D’assurer la préservation du site et de ses caractéristiques paysagères, environnementales,

culturelles avec un travail particulier sur son identité ; - De maîtriser la fréquentation et les usages, en introduisant la notion de capacité

d’accueil ; - D’améliorer l’accueil des visiteurs et usagers ; - De définir une politique de gestion et d’entretien pérenne ; - De permettre que les mesures adoptées profitent au développement local des communes,

supports de ces opérations.

Elles rejoignent largement les principes de Gestion Intégrée des Zones Côtières prônées par la DATAR et l’Europe.

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Intervention 6

LES RÉSIDENCES SECONDAIRES, UN CASSE-TÊTE POUR LE TOURISME LITTORAL

FRANÇAIS ?

¿SON LAS RESIDENCIAS SECUNDARIAS, UN ROMPECABEZAS PARA EL TURISMO LITORAL FRANCÉS?

Vincent VLES

Résumé

Les résidences secondaires ont été au centre des politiques de développement du littoral français des années 1960 aux années 1985. Elles ont permis de satisfaire rapidement l’accroissement de la demande d’hébergement touristique et ce à moindres frais pour la collectivité nationale. Cette demande est aujourd’hui globalement satisfaite. Ces résidences ont vieilli pour la plupart et ne répondent plus ni aux exigences du marché touristique international ni à la nécessité d’allonger la saison. L’enjeu est bien aujourd’hui de concevoir des politiques de développement durable sur le littoral qui tournent résolument le dos aux politiques sectorielles des trente glorieuses dont on hérite aujourd’hui la difficile gestion. Celles-ci étaient sans doute adaptées à la situation économique et sociale de l’époque : un pouvoir politique fort, une demande touristique solvable. Les politiques que l’on attend aujourd’hui doivent tenir compte du caractère éparpillé du pouvoir politique et de la stabilisation de la demande touristique.

Resumen

Las residencias secundarias han sido el núcleo de las políticas de desarrollo del litoral francés desde los años sesenta al año 1985. Permitieron satisfacer rápidamente el aumento de la demanda de alojamiento turístico a menores gastos para la colectividad nacional. Hoy en día, esta demanda está globalmente satisfecha. Estas residencias han envejecido mayoritariamente y no responden ya ni a las exigencias del mercado turístico internacional ni a la necesidad de alargar la temporada. El reto ahora es concebir políticas de desarrollo sostenible sobre el litoral que den la espalda con determinación a las políticas sectoriales de los gloriosos treinta, de los que se tiene hoy la herencia de una gestión difícil. Dichas políticas estaban seguramente adaptadas a la situación económica y social de la época: a un poder político fuerte, a una demanda turística solvente. Las políticas que se esperan actualmente deben tener en cuenta el carácter disperso del poder político y de la estabilización de la demanda turística.

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Ce texte souhaite introduire le débat de la nécessaire et urgente intervention des collectivités locales dans la réhabilitation de l’immobilier de loisir, sa mise sur le marché et la

requalification des espaces publics touristiques en station littorale. Ces différents points seront présentés et étudiés en Atelier.

Les résidences secondaires ont été au centre des politiques de développement de

l’hébergement touristique des années 1960 aux années 1985. Elles ont permis de satisfaire rapidement l’accroissement de la demande d’hébergement touristique et ce à moindres frais pour la collectivité nationale. Cette demande est aujourd’hui globalement satisfaite. Ces résidences ont vieilli pour la plupart et ne répondent plus ni aux exigences du marché touristique international ni à la nécessité d’allonger la saison5.

Une résidence secondaire est une maison ou un appartement occupé temporairement et à n’importe quel moment de l’année par son propriétaire ou locataire, seul ou avec sa famille ou des amis, à des fins de loisirs. Cette définition exclut les résidences secondaires marchandes, en particulier les résidences de tourisme ainsi que les mobile homes installés à l’année sur des parcelles privées6.

Dans les trente glorieuses, l’Etat et les communes ont organisé le développement touristique du littoral en ouvrant à l’urbanisation des espaces naturels sur lesquels les promoteurs ont édifié des immeubles composés essentiellement de petits studios touristiques privés et les particuliers des maisons secondaires en lotissement7. Les résidences secondaires ne sont occupées en moyenne que 44 jours, soit environ 6 semaines, par an. Si elles étaient occupées plus souvent, leurs retombées économiques locales seraient plus élevées sans qu’aucune augmentation du stock net de capital fixe n’intervienne. Depuis la loi Littoral, l’Etat, les régions et les professionnels du secteur touristique défendent désormais un mode de développement à plus faible intensité capitalistique, c’est-à-dire un développement qui cherche à augmenter la valeur ajoutée produite par unité de capital existante ou créée. L’augmentation de la durée d’occupation des résidences secondaires peut être la conséquence soit d’une plus grande fidélité des propriétaires, soit d’un renouvellement de l’occupation par des populations multiples. Mais les deux politiques que l’Etat et les collectivités locales ont mis en œuvre pour allonger la durée d’occupation des résidences secondaires existantes, l’une par l’incitation, l’autre par la contrainte, ont échoué.

Pour autant, de nombreux élus locaux veulent encore développer l’offre de résidences secondaires qu’ils considèrent comme la seule voie de développement possible pour leur commune.

5 V. VLES, « Diversification économique en station touristique : puissance de séduction, organisation urbaine et aménagement au service de l’entreprise, » communication au colloque AGEST 1992, Bordeaux, Conseil Régional d’Aquitaine /Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, 16 octobre 1992, multigraphié, p. 12 à 16 6 La définition officielle donnée par l’INSEE en 1999 précise : « les résidences secondaires sont des logements utilisés pour les week-ends, les loisirs ou les vacances pour des saisons touristiques dans les stations touristiques, dans les stations balnéaires, de sport d’hiver, etc. On y classe également les logements meublés, loués ou à louer. Sont inclus dans cette catégorie de logements les cas de multipropriétés ainsi que les gîtes ruraux, les villages de vacances « en dur » et les hôtels résidences de tourisme. Est exclu le logement mobile sédentarisé, caravane ou mobile home installé à demeure sur un terrain ». 7 B. GUITARD, Les résidences secondaires littorales : le renouvellement des politiques d’aménagement, thèse de doctorat en aménagement de l’espace-urbansime, Université Rennes 2, UMR CNRS 6590, 8 septembre 2004.

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1. Des objectifs de politique touristique ambitieux atteints grâce à un urbanisme fordiste8

Deux dates symboles ont marqué les politiques d’aménagement touristique du littoral en France : le 18 juin 1963 avec la création de la Mission interministérielle pour l’aménagement touristique du Languedoc-Rousssillon, qui marque le début des politiques économiques de croissance de l’offre d’hébergement touristique mises en œuvre par l’Etat sur le littoral et qui vont induire la création de plusieurs centaines de milliers de résidences secondaires, et le vote de la loi du 3 janvier 1986 sur l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral qui marque la fin des politiques touristiques fondées sur la production de résidences secondaires :

- Au moment de sa plus forte croissance, dans les années 1975-1982, le nombre de résidences secondaires dans les 884 communes littorales a augmenté de plus de 30.000 unités par an, soit trois fois plus que l’augmentation annuelle sur la totalité de l’espace français. En 1977, il se vend certains jours plus de 200 résidences secondaires sur le seul littoral Languedoc-Roussillon.

- Des trois opérations d’aménagement touristique (Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Corse) menées par l’Etat sur le littoral, c’est celle du Languedoc-Roussillon qui fut la plus ambitieuse en nombre de création de lits touristiques. C’est également celle qui fait l’objet aujourd’hui d’un projet de réhabilitation. Du point de vue national, il s’agit de satisfaire l’accroissement de la demande touristique. Le nombre de vacanciers français était de 2 millions en 1937, 9,7 millions en 1958 et 14,6 millions en 1965. La Côte d’Azur, déjà très occupée, n’offrait plus de possibilités de développement à la dimension des besoins. L’Espagne créait des hébergements touristiques par milliers sur la Costa del Sol et la Costa Brava. Entre 1958 et 1968, tandis que les recettes touristiques de la France ne progressaient que de 128 %, elles s’accroissaient de 190 % en Italie, 251 % en Grèce et de 1.474 % en Espagne9. « Un flot ininterrompu de touristes de tous pays déferlait par millions sur l’Espagne sans s’arrêter sur [la côte Languedoc-Rousssillon]10. En 1962, seulement 2 % des touristes du Languedoc-Roussillon étaient étrangers. Du point de vue régional, les enjeux étaient d’abord économiques : il s’agissait de créer 80.000 emplois hôteliers nouveaux et un nombre au moins égal d’emplois indirects dans le commerce, les transports, l’artisanat et la petite industrie pour retenir sur place une jeunesse contrainte, jusque là, à la migration. Du point de vue national, l’aménagement touristique du Languedoc-Roussillon devait contribuer au rééquilibrage du territoire français et s’inscrivait dans la logique des six premiers Plans où prédominaient les objectifs productivistes sectoriels. Sur la création des 500.000 lits touristiques prévus (dont la moitié dans cinq stations nouvelles), les résidences secondaires représentaient 71,4 % de la capacité totale prévue à l’achèvement de La Grande-Motte, 65,1 % à Cap d’Agde, 91,7% à Port Camargue. Avant même que les préoccupations de protection de la nature n’apparaissent, l’aménagement du littoral Languedoc-Roussillon a été conduit avec le souci de respecter la nature et de la restaurer là où les hommes l’avaient déjà dégradée11. La superficie de chaque station est fixée à 600-800 hectares, leur densité moyenne à 100 lits par hectare, et chaque station est séparée des autres par 6.000 hectares de zone rurale laissée en l’état, reboisés ou restaurés (avec élimination des cabanons ou des campings

8 Plus exactement un « urbanisme fordo-keynésio-corbusien », F. ASCHER, Les nouveaux principes de l’urbanisme, la fin des villes n’est pas à l’ordre du jour, ed. de l’Aube, 2001. 9 G. CAZES, « Réflexions sur l’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon », L’Espace Géographique, n° 3, 1972. 10 P. RACINE, Aménagement touristique du Languedoc-Roussillon, Urbanisme n° 86, 1965. 11 P. RACINE, op. cit.

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sauvages). Cette alternance entre construction et verdure va se répéter au sein de chaque station touristique, l’assainissement et les rejets en mer sont sévèrement contrôlés, la démoustication ne compromet ni la faune ni la flore, 23.000 hectares sont classés. La voirie automobile est constituée d’une voie à grand débit en retrait de la frange littorale et d’une voirie en doigts de gant qui dessert les villes créées. Le même dispositif est prévu au sein de chaque station nouvelle, aucune rue ne débouche sur la mer, la circulation reste parallèle au rivage, des dents en peigne aboutissent aux parkings. Le mur quasiment ininterrompu de résidences et d’hôtels de la Côte d’Azur sera évité.

- Dans les autres secteurs littoraux, les programmes d’aménagement restent très en deçà de l’exemple espagnol. Le littoral aquitain, aménagé très tardivement (la MIACA naît en 1967 mais commence réellement les travaux d’urbanisme en 1974), est resté globalement préservé. Avec une densité de population de 83 habitants au km2, c’est-à-dire trois fois inférieure à la densité de l’ensemble du littoral français, la construction de logements récents traduit un faible dynamisme par rapport à l’ensemble du littoral français. Le parc de résidences secondaires (26 au km2 en 1990) reste également très en retrait par rapport à la moyenne du littoral français (41 au km2).

- Les stations touristiques nouvelles qui résultent de cette période répondent aux principes urbains qui dominaient dans les années 60-70 : standardisation et massification de la production. Ces villes ordonnancées, directement inspirées par la Charte d’Athènes, regroupent les résidences secondaires en immeubles de grand gabarit séparés les uns des autres par des espaces de verdures, hiérarchisent les circulations et différencient les espaces consacrés à l’automobile et aux piétons. La part des journées de vacances des Français dans la région Languedoc-Roussillon passe de 12 % en 1967 à 20 % en 1985. Ces touristes n’appartiennent pas aux classes les plus favorisées et leur départ en vacances confirme la réussite du volet social de la politique touristique engagée. Parallèlement, l’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon a permis un accroissement du PIB régional de 10 %12.

Cependant, la production en masse de petites résidences secondaires atténue le caractère positif des Missions Racine et de la MIACA. En Languedoc-Roussillon, sur 293.000 lits nouveaux créés, 223.000 lits sont en résidences secondaires. L’aménagement des Zones d’Aménagement Concerté de la Côte aquitaine représente 65.000 lits dont 63 % en résidence secondaire (43 % en collectif et 20 % en individuel). Ce déséquilibre que l’on retrouve sur les deux littoraux, qui ignore les lits locatifs (30 % seulement dans les programmes de la MIACA), résulte du montage économique des opérations : l’Etat a conçu l’aménagement, réalisé les routes nationales, les ports, le reboisement, la démoustification en Languedoc-Roussillon, l’adduction d’eau, l’assainissement. Les collectivités locales et leurs sociétés d’économie mixte ont viabilisé les sols des futures stations dans le cadre de plan masse établi puis les ont vendus aux promoteurs. Ceux-ci ont réalisé toutes les constructions exception faite des bâtiments administratifs. Ils ont donc cherché à construire le moins cher possible pour vendre le plus rapidement possible. Les petits studios résidentiels étaient ce qui se vendait le mieux et le plus vite. Le système n’a donc assuré que la fonction de production immobilière et a ignoré les fonctions de commercialisation des locations et de gestion du parc immobilier. Il s’ensuit une saisonnalité très marquée qui limite la création d’emplois permanents.

L’Etat est directement responsable de ce déséquilibre : les POS littoraux ont distribué du

droit à construire avec pour finalité du développement touristique et plus particulièrement de

12 GAMA, Université Paris X Nanterre

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la résidence secondaire. La production de celle-ci en nombre était une solution idéale permettant le développement du secteur du bâtiment, puis d’emplois induits notamment dans le commerce local car une fois implanté, le propriétaire est prisonnier de sa résidence secondaire. En 1976, les surfaces non construites ouvertes à l’urbanisation dans les communes littorales de Basse-Normandie pouvaient, à raison de 1.000 m2 par résidence, recevoir trois fois plus de résidences secondaires qu’il en apparaissait dans le solde de la croissance du parc français de 1968 à 197513 ! En Vendée, les surfaces ouvertes à l’urbanisation dans les communes littorales étaient souvent dix fois supérieures à celles des communes de l’intérieur ayant des surfaces et des dynamiques démographiques voisines14.

Rares sont donc les communes littorales qui dans les années 1960-1980 ne misent pas sur

la croissance immobilière et l’Etat les y pousse. D’abord en prenant en compte les résidences secondaires dans le calcul de la population retenue pour attribuer la Dotation Globale de Fonctionnement (D.G.F.), d’autre part par l’introduction dans les critères d’éligibilité à certaines dotations de l’Etat de paramètres spécifiques aux communes touristiques (Dotation touristique, taxe de séjour, taxe locale d’équipement15). Aussi les élus du littoral qui ont très bien intégré dans leur ensemble la logique de la fiscalité locale ont compris que, s’ils veulent agir sur leur matière imposable, il leur faut recourir au développement immobilier de leur commune.

De 1968 à 1990, 582.147 résidences secondaires ont été créées en France. Elles génèrent

chaque année 3,56 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit en 1997 l’équivalent de 57.700 emplois directs ou indirects. Cependant, derrière ces estimations effectuées à partir des données de l’INSEE, « pour les économistes, le parc de résidences secondaires a encouragé l’immobilisation d’un énorme capital improductif qui aurait certainement gagné à être investi dans l’industrie16 ». A l’extrême lourdeur de l’investissement en résidence secondaire s’ajoute la concentration sur les deux mois d’été de son occupation. Si les résidences secondaires ont généré relativement peu d’emplois, elles ont par contre consommé beaucoup d’espaces naturels et agricoles au point de pouvoir réduire l’attractivité du littoral. Sur une bande côtière de 500 m de profondeur, la part du linéaire côtier naturel a été réduit entre 1960 et 1990 de 12% à 1 % dans les Alpes-Maritimes, de 47 % à 22 % dans les Côtes d’Armor, de 66 % à 26% dans l’Hérault17. Au total, sur l’ensemble du territoire métropolitain français, la part du linéaire côtier naturel sur une bande de 500 mètres de profondeur est passée de 61 % à 39 % en 30 ans.

13 D. CLARY, Stations balnéaires, banlieues urbaines : la fonction résidentielle permanente des stations du littoral normand , département de Géographie, Université de Caen, 1981, 251 p. 14 J. RENARD, « Bref historique du rôle des collectivités locales dans l’aménagement touristique du littoral vendéen », Cahiers nantais, n° 17, 1980, p. 7 à 20. 15 La dotation touristique a été gelée au moment de la réforme de la DGF du 31 décembre 1993. Les communes qui en bénéficiaient avant la réforme continuent de la percevoir. La taxe de séjour généralisée en 1988 aux communes désireuses de développer leur promotion touristique est votée par les communes dans le but de faire contribuer les touristes aux charges d’entretien d’aménagement entraînées par leur fréquentation. La taxe locale d’équipement votée par la Loi d’Orientation Foncière du 30 décembre 1967 est perçue par la commune auprès des bénéficiaires d’un permis de construire en vue de permettre de financer les équipements induits par l’urbanisation. 16 T. RENUCCI « Les résidences secondaires en France », Revue de Géographie de Lyon, n° 1-2, 1984 17 Octant, n° 73, mars 1998.

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2. La loi Littoral, une loi anti-résidence secondaire ?

Mais tandis que le nombre de résidences secondaires autorisé avait crû de 11% par an entre 1970 et 1976, en quelques années, de 1981 à 1984, le nombre d’autorisations en France tombe de 40.000 à 24.800. La progression exponentielle du nombre de résidences secondaires qui avait marqué les années 60 et surtout 70 est rompue ; la réalisation et le bouclage de certaines opérations sur le littoral connaissent de graves difficultés. Dans les Landes, par exemple, où les prévisions de la MIACA ne sont réalisées qu’à 50 %, les lenteurs dans la commercialisation des terrains sont imputables au dynamisme du marché18. Aux stratégies de développement quantitatif qui avaient multiplié par trois le nombre de résidences secondaires sur le littoral succèdent bientôt des stratégies de valorisation qui les ignorent :

- A la chute de la demande s’ajoute, en 1986, le vote de la loi Littoral qui limite progressivement les possibilités d’augmentation du nombre de résidences secondaires dans les communes concernées. Dès 1973, les grandes lignes de la loi Littoral étaient dessinées dans le rapport Piquard19, mais cette loi n’entrera en vigueur que par les circulaires de 1989 sur la détermination des espaces sensibles remarquables et de 1991 sur la « détermination de la capacité d’accueil », « coupure d’urbanisation », localisation et nature de « l’extension de l’urbanisation », détermination des « espaces proches » et identification des « espaces à préserver ». Les explications avancées pour expliquer ce retard sont bien connues : confusion des rôles au sein des Directions Départementales de l’Equipement (d’une part mises à disposition auprès des communes souvent soucieuses d’autoriser la création de nouvelles résidences secondaires et d’autre part application des prescriptions protectrices de la loi Littoral pour le compte de l’Etat ), pressions multiples induites par la spéculation et scepticisme à l’égard d’un texte flou avec, en corollaire, un certain attentisme vis à vis des tribunaux administratifs, souvent saisis par les associations de protection de la nature. C’est donc progressivement que loi Littoral rompt avec les politiques d’aménagement des années 1960-1980.

- Un changement dans le rôle d’un certain nombre d’acteurs accompagne cette évolution : les services de l’Etat qui avait joué un rôle important dans l’équipement du littoral (Ministère de l’Equipement) s’investissent dans sa protection, le Secrétariat d’Etat au tourisme, les Comités Régionaux et les Comités départementaux du tourisme, de nouveaux opérateurs (comme Pierre et Vacances) développent des stratégies désormais peu consommatrices d’espace.

- Les professionnels du tourisme, hôteliers et agences de voyage considèrent que les occupants des résidences secondaires leur échappent et sont donc de peu d’intérêt.

Ce revirement dans la politique publique d’aménagement, qui accompagne une période de

difficulté économique, doit beaucoup aux problèmes rencontrés par l’Espagne dans son tourisme littoral. Pour la première fois en 1989, une bonne année pour le tourisme international, l’Espagne enregistre un recul du nombre d’estivants. Les élus littoraux de France s’en inquiètent. Le Maire de Carnac déclare au colloque « Tourisme et Environnement » des 13 et 14 mai 1991 : « ce qui se passe depuis quelques années sur le littoral espagnol nous fait beaucoup réfléchir20 ». En écho, la circulaire du 22 octobre 1991 déclare « l’expérience de certains pays méditerranéens dont les façades maritimes ont, plus que les nôtres, fait l’objet d’urbanisations massives, illustre les risques encourus ». Dans le 18 V. VLES, Politiques publiques d’aménagement touristique, Pau : Université de Pau et des Pays de l’Adour, SET UMR n° 5603, 2004, p. 427. 19 P. PIQUARD, Littoral français. Rapport au gouvernement, La Documentation française, 1973. 20 Actes parus à la Documentation Française, 1992, p. 164.

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même temps, on assure que, d’une activité de type quantitatif et standardisé, le touriste, comme l’individu des années 1990, oriente ses besoins en divertissements vers une activité plus qualitative et plus distrayante. La destruction des espaces littoraux par le grignotage de l’urbanisation linéaire tue « la poule aux œufs d’or 21».

La loi Littoral, loi protectrice, interdit ou limite la construction de nouvelles résidences

(principales ou secondaires) dans les communes littorales : la bande des cent mètres à compter de la limite haute du rivage (article L 146-4-III) et les espaces remarquables (article L 146-6) deviennent inconstructibles. L’urbanisation sur tout le reste du territoire des communes littorales est limitée, à l’exception des espaces déjà urbanisés. Les espaces proches du rivage ne peuvent être l’objet que d’une extension limitée (article L 146-4-II), l’extension de l’urbanisation doit ménager des coupures d’urbanisation (article L 146-2) et se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement (article L 146-4-I). Enfin, la jurisprudence précise les notions d’espaces proches du rivage et d’urbanisation limitée22.

La protection du littoral s’est améliorée aux dépens de la construction des résidences

secondaires. Globalement, le littoral paraît plus protégé que dans les années 1960-1980. A l’inverse, les activités économiques paraissent s’être peu développées depuis 1990 dans les communes littorales. D’autre part, « pendant la protection, l’urbanisation continue 23». Le nombre de résidences secondaires a augmenté en moyenne annuelle de 17.600 entre 1990 et 1999 dans les communes littorales, contre 28.400 de 1982 à 1990. C’est encore beaucoup, même si la baisse est attribuée à la mauvaise conjoncture économique. En d’autres termes, tous les travaux scientifiques montrent que la conjoncture économique a eu, jusqu’en 1996 tout au moins, au moins autant d’effets sur le rythme de l’urbanisation que la loi Littoral, qui agit plus sur la répartition infra-communale et intercommunale que sur son volume24.

Malgré la loi Littoral, le nombre de résidences secondaires continue d’augmenter sur le littoral. Cette augmentation est même supérieure à celle observée dans les autres espaces. La croissance annuelle du nombre de résidences secondaires sur le littoral a été de 1,9 % contre 1,2 % dans les stations de montagne. Ce nombre a baissé de 0,7 % par an dans les autres espaces.

3. Désaisonnaliser l’occupation des résidences secondaires

Le problème de la saisonnalité est lié au type de fréquentation du littoral français : si 20 millions de touristes y séjournent par an (soit 47 % des journées de vacances des Français), l’offre directe est trop concentrée sur la brève saison estivale, trop limitée à l’hébergement. L’offre s’adressant aux Tour-opérateurs est sous-représentée, notamment à destination des clientèles étrangères25.

21 G. DUPUY, « Des lézardes dans le béton du tourisme espagnol » Libération, 8 août 1989. 22 Conseil d’Etat, 12 février 1993, n° 128 251 et 129 406, Lebon p. 26. 23 M. ROBIN, F. VERGER, Pendant la protection, l’urbanisation continue, Annales 1996, Les Ateliers du Conservatoire du littoral, Conservatoire du littoral, 1997. 24 B. GUITARD, Les résidences secondaires littorales : le renouvellement des politiques d’aménagement, thèse de doctorat en aménagement de l’espace et urbanisme, Université Rennes 2, UMR CNRS 6590, 8 septembre 2004. 25 V. VLES, op. cit., p. 451

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Ayant mesuré la faible durée d’utilisation du parc privé immobilier de vacances, l’Etat et quelques collectivités locales ont imaginé transformer les résidences secondaires non marchandes en résidences secondaires marchandes pour en augmenter les retombées économiques, puis amener leurs propriétaires à les mettre en location en dehors des périodes où ils les occupent.

La taxation fut un premier outil initié en 1982 par un groupe d’experts dirigé par un ancien Directeur régional de l’équipement ; cette taxe ne touchait que les résidences secondaires situées dans les communes classées touristiques (soit environ 600.000 résidences secondaires en 1982) et seulement si ces résidences n’étaient pas en location auprès de professionnels de l’immobilier la majeure partie de la haute saison. C’était ignorer que la majorité des résidants secondaires ne veulent pas mettre leur résidence en location bien qu’ils l’utilisent une faible partie de l’année. Le droit d’usage est constitutif de l’identité individuelle et le propriétaire se dote avec sa résidence d’une capacité d’extension de soi et de son corps qui ne peut être menacée d’intrusion sans être vécue comme une intrusion26. La vision moderne de la propriété, qui la considère comme uniquement un bien économique, rend la taxation socialement acceptable. Et, dans ce projet, les planificateurs ont assimilé l’habitat à un objet purement fonctionnel. Or, « l’autre résidence » n’est pas une marchandise parmi d’autres. Tout comme chaque logement habité par le passé, elle est aussi le lieu de réunions familiales à forte valeur symbolique et le réceptacle d’objets – meubles hérités, jouets usagés, etc., auxquels sont associés de nombreux souvenirs.

Les propositions du rapport « sur la banalisation des hébergements touristiques » commandé par le Ministre de l’urbanisme et du logement parurent dans le journal Le Monde le 28 juillet 1982. Le 30 juillet, son rapporteur était déchargé de la mission de réflexion sur les conditions de développement de l’hébergement touristique et le groupe qu’il présidait était dissous27.

Après le rejet des propositions coercitives du rapport, le gouvernement a cherché à mettre en place des incitations à la construction de résidences à usage locatif. Cela s’est traduit par la reconnaissance juridique et fiscale des résidences de tourisme. Par ailleurs, une petite dizaine de collectivités locales ont expérimenté dans les années 1990 différents montages juridiques et financiers pour relancer leur parc d’hébergements locatifs touristiques : La Plagne, Tignes, Les Deux-Alpes, Les Ménuires, Orcières-Merlette en montagne et Saint-Jean-de-Monts, Cap d’Agde, la région Languedoc-Roussillon sur le littoral. Selon une enquête de la SOFRES réalisée en 1995 à La Plagne, un appartement de quatre lits, rénové et géré par un professionnel rapporterait par an 12.960 € au commerce local contre 5.640 € pour un appartement ancien mis en location de façon occulte28.

Trois types de montages ont été expérimentés : avec des aides directes en Languedoc-Roussillon et à Orcières-Merlette dans lequels le propriétaire perçoit une subvention publique pour réaliser les travaux ; des aides indirectes à Tignes, Les Deux-Alpes où un intermédiaire prend en charge totalement le coût des travaux et verse un loyer réduit au propriétaire après location, ou c’est un crédit bailleur qui finance l’acquisition de l’immobilier et reçoit en contrepartie un loyer du propriétaire à La Plagne et Saint-Jean-de-Monts.

26 D.A. KRUECKEBEY, « La propriété foncière un concept difficile, », Etudes foncières, n° 69, décembre 1995 27 Le Figaro, 31 juillet 1982 et Le Monde, 20 août 1982. 28 I. BERTHIER, « Les stations n’ont plus la cote », Diagonal, n° 139, septembre et octobre 1999.

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Pour limiter les obstacles juridiques liées à ces expérimentations notamment par rapport au droit sur les aides directes ou indirectes déterminées par l’article L 1515-1 du code général des collectivités locales aux primes à l’emploi et à la création d’entreprises, le législateur a créé un dispositif unique dans le cadre de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain : les Opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs (ORIL)29 et les Villages résidentiels de tourisme (VRT)30. La loi permet ainsi aux propriétaires de récupérer la TVA sur le montant des travaux réalisés et confirme la compétence des collectivités locales dans le domaine de la réhabilitation de l’immobilier touristique.

Cependant, si l’amélioration généralisée de la qualité des logements et des équipements

urbains entraîne sans coup férir une augmentation de la fréquentation, rien ne dit que cela soit suffisant pour atteindre l’équilibre financier qui se situe entre 6 semaines de location (bas de gamme) et 13 semaines de location (haut de gamme)31. D’autant que l’augmentation du nombre de logements mis sur le marché locatif génère d’autres problèmes, en particulier celui de diminuer la durée moyenne de location de chaque logement. « Le marché de la location touristique [est] peu élastique32 » et les clients susceptibles de venir pendant les mois de mai, juin ou septembre, en particuliers les étrangers, ont comme critère principal la présence d’une piscine dans la résidence, alors que neuf sur dix d’entre elles (par exemple à La Grande-Motte) n’en possèdent pas33.

En France, les pouvoirs publics ont essayé, afin d’augmenter les retombées économiques des résidences secondaires existantes, de convaincre leurs propriétaires d’être prioritairement des acteurs économiques de leur station. Dans le cas des mesures coercitives, l’Etat est impuissant à remettre en cause le droit d’usage par une taxation qui est jugée « abusive ». Dans le cas des mesures incitatives, les aides octroyées ne répondent pas aux attentes des propriétaires des « pied-à-terre » qui ne cherchent absolument pas à « rentabiliser » leur « hébergement second ».

La solution est plutôt dans le renouveau de la production touristique locale et le travail autour de sa qualité, comme l’indique clairement l’exemple des Baléares. La politique hôtelière des Baléares est longtemps restée synonyme d’urbanisation touristique anarchique. Le développement touristique des Iles a longtemps reposé sur l’augmentation quantitative du nombre de lits touristiques, mais d’autres destinations plus lointaines, aussi chaudes et ensoleillées sont venues les concurrencer. Le cercle vicieux de la qualité est apparu : la clientèle aisée a commencé à préférer d’autres destinations, obligeant les hôteliers à baisser leurs prix pour attirer des touristes moins solvables, puis, faute d’une rentabilité suffisante, à réduire leur budget consacré à l’entretien. La chute des recettes touristiques espagnoles à la

29 Article 186 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000. Les opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir ont pour objet l’amélioration du parc immobilier touristique et l’aménagement des espaces publics, du stationnement, des équipements d’infrastructures et du traitement de l’environnement. 30 Décret n° 2001-343 du 19 avril 2001. Le village résidentiel de tourisme est un établissement commercial d’hébergement classé qui s’inscrit dans le périmètre d’une ORIL. Il est constitué d’un ensemble de locaux d’habitation meublés et est doté d’équipements de services communs dans des locaux situés à proximité. Le VRT est géré par une seule personne, dans le cadre d’un contrat de location d’une durée au moins égale à 9 ans. Durant cette période, les propriétaires des locaux peuvent bénéficier d’un droit à la réservation prioritaire pour une durée limitée dans l’année. 31 D. ALLAMAN, I. BERTHIER et al., « Mission littoral : passé, présent, futur », Diagonal, n° 159, janvier-février 2003, p. 28 à 52. 32 J-L. MICHAUD et al., Les conditions d’amélioration de l’hébergement touristique en montagne et sur le littoral, Inspection générale du Tourisme, Conseil général des Ponts et Chaussées, affaire n° 96-162, 1997, p. 7. 33 M. ALLAMAN, op. cit.

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fin des années 1980 indique qu’en France les risques d’un tel mode de développement sont réels sur certains littoraux où la qualité des hébergements diminue (côte aquitaine, notamment). Dès 1988, le gouvernement des Baléares commence à réorienter sa politique touristique pour se distinguer des destinations concurrentes par la qualité de ses hébergements, la maîtrise de son urbanisme, la protection de son environnement et la diversité des activités proposées. L’objectif n’est plus de créer plus de richesses avec toujours plus de touristes mais d’en créer plus sans augmenter le nombre de touristes en haute saison.

Deux stratégies sont mises en place : l’amélioration de la qualité des produits touristiques

pour reconquérir une clientèle d’habitués et leur diversification pour allonger la saison34. La création de nouveaux produits permettent un meilleur taux de remplissage en dehors de la haute saison : tourisme sportif (golf, cyclisme), tourisme nature, tourisme professionnel (congrès). Cette politique s’est traduite par des aides du gouvernement autonome à la réalisation de travaux. La loi de juin 1990 pour l’amélioration des infrastructures des zones touristiques prévoit ces travaux dont le coût est pris en charge à 60 % par le gouvernement autonome et à 40 % par les communes. Cette loi a permis de rajeunir de nombreuses plages, de créer des promenades maritimes, par exemple celle de l’Arsenal de Palma pour 11,5 millions d’euros en 2000. Elle assure également la protection de tout le littoral non bâti (55 % du littoral est désormais protégé). L’amélioration des hébergements touristiques est obtenue par l’élimination de l’offre hôtelière d’origine ancienne commercialisée à bas prix et la mise en place de normes exigeantes. A Palma, des hôtels ont été transformés en résidences pour personnes âgées et des appartements touristiques ont dû se soumettre à des normes plus exigeantes. Dès 1988, l’autorisation à bâtir un hôtel implique une surface de terrain minimum de 60 m2 par lit et la construction d’une piscine (0,75 m2 par lit). La construction d’hôtel de moins de quatre étoiles ou d’appartements touristiques de moins de trois clés est interdite. En 1999, la loi générale du tourisme reprend ces principes et limite définitivement le nombre de lits aux Baléares : pour avoir l’autorisation d’en créer de nouveaux, il faut acheter de « vieux lits ». Les touristes ont apprécié cette rénovation qualitative : 67 % reconnaissaient la qualité de leur séjour en 1994, 75 % en 1997, 82 % en l’an 200035. Dès 1992, le Président du gouvernement autonome des Baléares a reçu à Londres le prix européen du tourisme attribué par les groupes écologistes et les autorités touristiques britanniques. En 1997, la commune de Calvià est récompensée pour son action en faveur du développement durable. Les raisons du succès du renouveau du tourisme aux Baléares apparaissent les mêmes que celles du développement des résidences de tourisme : des opérateurs qui ont une bonne connaissance du volume et des attentes des touristes et qui y répondent, un pouvoir politique conscient des enjeux qui facilite la production de cette offre en fixant des règles du jeu claires et en mettant en place des aides.

Dans la mesure où le maintien et le développement de l’emploi sont les premières préoccupations des élus locaux, réfléchir avec eux à de nouveaux modes de développement du tourisme, comme le prévoit l’article 1 de la loi Littoral, doit être une priorité de l’Etat, d’autant que les succès des résidences de tourisme ou de la politique hôtelière des Baléares montrent que le développement touristique et la protection du littoral ne sont pas systématiquement antinomiques36. 34 B. GUITARD, op. cit., p. 77 35 J. BUSTAMANTE, « Sustainable development for nature tourist towns : the Calvià model », Les sommets du tourisme, Chamonix, 2 décembre 1999, 30 p. 36 En France, on estime à plus de 2.500 le nombre d’emplois créés en 4 ans (1996-2000) sur le littoral, dont 1.000 l’ont été grâce aux avantages Périssol. Chaque logement en résidence de tourisme y est occupé 145 jours en moyenne, contre 44 dans une résidence secondaire « traditionnelle » (C. ROUSSEL, Les résidences de tourisme, Ed. BPI, 1991, 464 p.

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L’accroissement quantitatif des résidences secondaires n’est plus considéré par l’Etat, les

régions et les professionnels du tourisme comme un moyen de développement touristique des communes littorales. L’évaluation de cette politique est plus que mitigée : le montant des investissements réalisés sous forme de résidences secondaires est très élevé par rapport à leurs retombées dans l’économie locale. En 30 ans, sur l’ensemble du territoire métropolitain français, la part du linéaire côtier naturel sur une bande de 500 mètres de profondeur est passée de 61 % à 39 %. Aujourd’hui, le développement touristique ne peut plus venir du chiffre d’affaires généré par de nouvelles résidences secondaires, mais d’un accroissement de la valeur ajoutée générée par unité d’investissement. Ce changement de stratégie touristique pose naturellement la question de la place des résidences secondaires existantes.

4. Quelques pistes de travail

La première piste de travail concerne l’attraction de jeunes retraités au bord de mer par la transformation de résidences secondaires en résidences principales. Elle n’est pas sans effets pervers. Cette solution, particulièrement étudiée par Baudouin Guitard37, est fondée sur l’idée que les deux tiers des retraités rencontrés dans l’enquête « bord de mer 1980 38» sont venus à la mer dans les six mois qui ont suivi la prise de retraite, tandis que 16 % seulement étaient retraités depuis plus de trois ans lors de leur installation. Dans l’enquête « Côte d’Azur 85-92 39», 57 % sont venus à la mer dans les deux ans qui ont suivi la prise de retraite. La croissance du nombre de retraités, l’augmentation de leurs revenus, l’existence d’un parc de logements désirables expliquent ce phénomène. La très grande majorité des retraités s’est installée dans une commune qu’ils connaissaient déjà. Seulement 24 % des retraités installés en bord de mer n’avaient passé aucune de leurs vacances dans la commune même ou les environs. Dans l’enquête « bord de mer 1980 », si 13 % ont vendu leur résidence secondaire pour s’installer dans un autre logement de la même commune, 40 % tout de même ont transformé leur résidence secondaire en résidence principale.

Cependant, de nombreux facteurs viennent limiter cette solution pour la transformation

des résidences secondaires. D’abord, six retraités migrants sur dix ne s’installent pas dans une résidence secondaire existante. Ensuite, l’installation diminue avec l’âge : d’après les enquêtes de Françoise Cribier, seulement 28 % des nouveaux habitants permanents de plus de 60 ans s’installent dans une résidence secondaire qui leur appartenait. Enfin, ce sont les régions les plus attractives qui reçoivent le plus de retraités : ce sont donc les stations du littoral qui continuent à attirer des touristes qui recevront les nouveaux retraités. Sur ce plan, les stations sont autant en concurrence entre elles qu’avec les centres urbains. Les habitants des communes touristiques situées dans une aire urbaine bénéficient déjà de l’ensemble des équipements et services qui répondent à ces besoins. Dans les communes touristiques isolées du littoral, les habitants disposent certes d’un bon niveau d’équipements et de services. Mais dans de nombreux cas, ces équipements et services ne sont pas adaptés aux 60-80 ans. Leur

37 op. cit., 2004, p. 91 à 135 38 F. CRIBIER avec la collaboration de M-L DUFAU, F. ZIMMERMAN, La retraite au bord de mer, CNRS, Université de Paris VII, 1981-1984 (exemplaire unique), p. 218. 39 F. CRIBIER, A. KYCH, M-L DUFAU, F. ZIMMERMAN, La Côte d’Azur, région d’accueil des retraités. Deux enquêtes récentes auprès des retraités arrivés dans les trois stations des Alpes-maritimes en 1976-1984 et en 1985-1993, tome 1 et 2, CNRS, 1994.

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adaptation a un coût. La sécurité et l’adaptation des espaces publics aux personnes âgées nécessitent l’intervention d’urbanistes et exige des élus une volonté politique forte40.

Les analyses sur la mobilité et l’installation des jeunes retraités posent deux questions

pour la transformation des résidences secondaires, questions non résolues à ce jour. La première porte sur les stations touristiques des années 60-80 dont une part importante n’a qu’une pièce. Plus de la moitié des logements de La Grande-Motte sont trop petits pour accueillir des populations permanentes. Que faire? Avec quels moyens financiers ? La seconde question est celle du vieillissement de la population des communes littorales. Est-ce souhaitable ? Ne risque-t-on pas de laisser ces communes se transformer en stations de « personnes âgées » dont les touristes d’été se sentiront exclus ? Le vieillissement du littoral pose la question du maintien et du développement d’avantages accordés aux retraités dès 55 ou 60 ans et l’augmentation des dépenses sociales et de santé dans certains départements. Les autres écueils sont d’ordre social : la concentration volontairement exclusive des personnes âgées dans des « gates communities41 » (dont l’entrée pour les enfants est même parfois interdite !), le développement de politiques locales en direction de l’électorat âgé (actions sécuritaires, obligation de fermeture des restaurants dès 23 heures,...) au détriment des politiques locales en faveur des familles ou de l’économie pose de nouveaux problèmes d’aménagement du territoire. L’accroissement de la division sociale qui résulte de ces nouveaux quartiers rend impossible « l’engagement des différents groupes sociaux dans une action politique visant à définir les objectifs communs et à négocier des solutions42 ». L’exemple caricatural des « gate communities » est tout de même conforté par des enquêtes informelles effectuées en Grande-Bretagne, dans les Pays-de-la-Loire et dans le Midi qui montrent la réglementation par les mairies des fermetures des restaurants à 23 heures, l’opposition des retraités au développement des zones artisanales, etc.

Mais inversement, peut-on socialement encourager des mesures qui tendraient à entériner l’exclusion des plus de 60 ans de la vie sociale ?

Les autres pistes étudiées par la recherche en urbanisme touristique apparaissent bien fragiles. Le télétravail est actuellement faible (moins de 2 % de la population active française ayant un emploi) et ne croît au plus que de 40.000 personnes annuellement43. Il s’entend également en fonction de facteurs qui écartent bon nombre de littoraux : la logique de l’extension du télétravail est celle de l’aire métropolitaine et de la très grande ville où s’organisent les réseaux de compétences et le tissu relationnel44.

40 F. GUYON, « Aménagements et qualité des espaces publics, Table ronde », in J. YERPEZ (coord.), La ville des vieux, recherche sur une ville à humaniser, Ed. de l’Aube, 1998, p. 454. 41 L’exemple le plus connu est la « gate community » de Sun City, près de Phœnix dans l’Arizona où tous les habitants de la ville ont plus de 55 ans ! Ce phénomène ne cesse de s’accroître et touche maintenant la Californie, la Floride, l’Amérique Latine, l’Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne, l’Egypte et même, en France, des villes comme Toulouse ou Bergerac. 42 C. GHORRAN-GOBIN, « Etats-Unis : gated communities et private cities », Urbanisme, n° 312, mai-juin 2000. 43 T. BRETON, Le télétravail en France. Situation actuelle, perspectives de développement et aspects juridiques, La Documentation Française, 1994, p. 15. 44 C. POIRIER, Technologies de l’information et de la communication et nouveaux modes de travail : le cas du télétravail, Thèse de Sciences Economiques, Université Paris IX, p. 307.

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L’impact de ce qu’il peut rester des 35 heures est à prendre avec d’infinies précautions45 : de 1995 à 1999, contrairement à ce qu’on croit habituellement, le nombre de nuitées en court séjour a régulièrement diminué46. D’autre part, le marché des courts séjours au sens statisticien47 est nettement moins important que celui des vacances (5 fois plus de nuitées en vacances qu’en courts séjours), leur part à la mer est faible (18,7 %) et celle en résidence secondaire encore plus et chute même à 7,6 % en 1999 contre 11 % en 1993 !

L’ensemble des conclusions des travaux étudiés conduise à favoriser, dans les outils de planification spatiale (Directives Territoriales d’Aménagement, Schémas de Cohérence Territoriale, Plans Locaux d’urbanisme), les offres d’hébergements les mieux adaptés aux demandes des jeunes ménages (touristes ou résidants permanents) au détriment des offres d’hébergements plus adaptés aux demandes des résidants secondaires et des jeunes retraités mobiles. Les jeunes ménages à la recherche d’un logement en accession ou en location ont actuellement de plus en plus de difficultés à se loger, ce qui est paradoxal dans un espace qui compte autant de logements inoccupés pendant une grande partie de l’année ! L’enjeu est bien aujourd’hui de concevoir des politiques de développement durable qui tournent résolument le dos aux politiques sectorielles des trente glorieuses dont le littoral hérite aujourd’hui la difficile gestion. Celles-ci étaient sans doute adaptées à la situation économique et sociale de l’époque : un pouvoir politique fort, une demande touristique solvable. Les politiques à définir aujourd’hui tiendront compte du caractère éparpillé du pouvoir politique actuel et de la stabilisation de la demande touristique.

45 J-Y. BOULIN, C. DU TERTRE, L’impact du temps de travail sur les usages du temps : conséquences pour les loisirs et le tourisme, Rapport final pour le Secrétariat d’Etat au tourisme et le Commissariat général du Plan, février 2001. 46 Observatoire National du Tourisme, Suivi des déplacements touristiques – Nombre de nuitées en courts séjours des Français de 1994 à 1999, 2001. 47 F. POTIER, Evolution de la mobilité de week-end, INREST, Collection rapport INREST n° 109, 1989 ; F. POTIER, Les voyages de courte durée des Français, INREST, Collection les cahiers de l’Observatoire, n° 8, Observatoire National du Tourisme, 1993 ; M. BLACODON, Les courts séjours personnels des Français 1993-1999, Les Essentiels du Tourisme, n° 16, juillet 2001.

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PRÉSENTATION DE LA CHARTE AGENDA 21 DE CALVIÀ ( BALÉARES)

LA AGENDA LOCAL 21 DE CALVIÀ EN LAS ISLAS BALEARES

Fernando PRATS PALAZUELO

Résumé

Avec plus de 150.000 lits et 50.000 habitants, Calvià, dans l’île de Majorque, est une des stations les plus importantes du littoral méditerranéen. Son développement touristique a commencé avec le début du tourisme international en Espagne dans les années soixante. Ensuite, et particulièrement pendant les années 1960-1980, le modèle de développement touristique a été basé sur le court terme, avec une urbanisation illimitée, qui n’était pas en harmonie avec les conditions locales, et une exploitation ne respectant pas les ressources naturelles exceptionnelles, mais fragiles. Avec pour conséquence de tout ceci, une pression humaine qui s’est multipliée par cent, dépassant la capacité de charge de ce littoral.

Initiés au cours des années 90, en collaboration avec le ministère du Commerce et du Tourisme, et le conseil municipal, conscients de l’inadaptation du modèle de croissance touristique illimité, dans un premier temps un Plan d’Excellence et en 1995 un Agenda local 21 ont été conçus suivant les orientations du Sommet de Rio et du 5ème Programme de l’Union Européenne. En 1997, a été approuvé et mis en pratique un plan d’actions avec 10 lignes d’actions et 40 initiatives concrètes. Un observatoire du développement durable et de la qualité de vie locale a évalué le travail réalisé pendant la période 1997-2000.

Ainsi, une méthode a été mise en œuvre : la conception de Calvià comme un système local intégré a été élaborée ; dans cette perspective, une représentation du système local de Calvià, basée sur 6 domaines thématiques clés, 27 champs de référence et plus de 750 indicateurs a permis de réaliser une analyse complète de la situation actuelle et d’établir les scenarii possibles du futur.

Resumen

El desarrollo turístico de Calvià, en la isla de Mallorca, comenzó con el principio del turismo internacional en España en los años sesenta. A continuación, y especialmente durante los años 1960-1980, el modelo de desarrollo turístico se basó en el corto plazo, con una urbanización ilimitada, que no estaba en armonía con las condiciones locales, y una explotación que no respeta los recursos naturales excepcionales, pero frágiles.

Además a consecuencia de todo esto, una presión humana que se multiplicó por cientos, superando la capacidad de carga de este litoral.

Iniciados durante los años 90, en colaboración con el Ministerio de Comercio y de Turismo, y la comisión municipal, conscientes de la inadaptación del modelo de crecimiento turístico ilimitado, en primer término se concibieron un Plan de Excelencia y en 1995 una

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agenda local 21 según las orientaciones de la Cumbre de Río y del 5to Programa de la Unión Europea. En 1997, se aprobó y se llevó a la práctica un plan de acción con 10 líneas de acciones y 40 iniciativas concretas. Un observatorio del desarrollo sostenible y de la calidad de vida local evaluó el trabajo realizado durante el período 1997-2000.

Así pues, se aplicó un método: la concepción de Calvià como un sistema local integrado; en esta perspectiva, una representación del sistema local de Calvià, basada en 6 ámbitos temáticos clave, 27 campos de referencia y más de 750 indicadores permitió realizar un análisis completo de la situación actual y de establecer los escenarios posibles del futuro.

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1. Calvià, exemple d’une municipalité mature en Méditerranée occidentale

Sur la côte occidentale de Majorque, île située à l'Est de la mer Méditerranée, Calvià compte 50.000 habitants répartis sur 145 km2. Avec 150.000 lits, divers noyaux de population touristique, 5 ports de plaisance, bords de mer, 4 terrains de golf, centres de loisirs variés, Calvià en attirant chaque année 1,6 million de visiteurs est devenue la destination touristique principale des Baléares et l'une des plus importantes du littoral méditerranéen.

Le développement touristique de Calvià a débuté dans les années 1970, période marquée par le début du tourisme international en Espagne. Ensuite et plus particulièrement au cours des années 1960-80, le tourisme s'est développé selon un modèle à court terme et peu soucieux de l'environnement (urbanisation illimitée en contradiction avec les conditions locales et exploitation ne respectant pas les ressources exceptionnelles, mais fragiles).

Ce développement incontrôlé a engendré une pression humaine qui s'est multipliée par

cent, dépassant la capacité de charge de ce littoral. De plus, à la fin des années 1980, un processus de détérioration globale de la zone a été observé à partir des signes suivants : dégradation environnementale et paysagère, saturation des zones touristiques, perte d’attrait pour rénover les installations existantes, décadence de l’environnement insulaire…, et menace de déclin de l’avenir du tourisme et du développement de Calvià. Au début des années 1990, le Ministère du Commerce et du Tourisme avec le Conseil Municipal, tous deux conscients de l’infaisabilité du modèle de croissance touristique illimitée, ont conçu tout d'abord un Plan d’Excellence puis l’Agenda local 21 en 1995 (suivant les orientations du Sommet de Rio et du 5° Programme de l’Union Européenne). En 1997, à la suite d'un large processus de participation sociale, a été approuvé et mis en place le Plan d’actions, incluant 10 lignes d’actions et 40 initiatives concrètes : ce document est principalement centré sur le bilan 1997-2000 de l’Observatoire portant sur le développement durable et la qualité de vie à Calvià. Il existe une autre publication, plus large, qui traite des objectifs, contenus et méthodes de l’Agenda local 21.

Six années après le début de l’Agenda local et trois années après l’approbation de son Plan d’actions, ce document présente les grandes lignes du processus d'une part, l’Observatoire du développement durable et de la qualité de la vie locale d'autre part, et enfin le bilan du travail réalisé sur la période 1997-2000.

2. La méthode : la vision de Calvià comme un système local intégré

Depuis le départ, nous nous sommes préoccupés de mener une démarche globale en intégrant les variables économiques sociales et environnementales. Ce travail loin de la vision parcellaire de la réalité est la condition fondamentale pour préserver le patrimoine exceptionnel national de Calvià, moderniser et améliorer la qualité de vie de ses habitants.

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Schéma: la vision de Calvià comme système intégré.

A partir de ces objectifs, une représentation du système local de Calvià a été faite sur la

base de 6 Aires thématiques, 27 Champs de référence et plus de 750 indicateurs, des éléments qui ont permis de réaliser une analyse assez complète de la situation actuelle et d'établir des approximations et des comparaisons qualitatives entre plusieurs scénarii possibles d'avenir. L’analyse de la situation actuelle et la recherche de scénarii pour le futur

L’avenir de Calvià étant au centre de nos préoccupations, une méthodologie de scénarii alternatifs a été utilisée pour sa capacité descriptive et sa possibilité de discussion ouverte avec les habitants de Calvià sur l’évolution à moyen et long terme de leur municipalité. L'Agenda local nous a permis d'analyser et de comparer les situations et scénarii suivants :

- l La situation actuelle : avec en référence la situation de 1995 (situation en début de processus), la poursuite des politiques du Plan d’Excellence et l’incorporation des propositions suggérées pendant l’élaboration de l’Agenda local 21 ont conduit en 1998 à une amélioration.

- l La situation de tendance : une approche de la situation de Calvià en termes de génération (deux décennies) nous a paru fondamentale à partir du moment où il y a un maintien du modèle de croissance touristique et d'urbanisation illimitée, encore en vigueur dans de nombreuses zones du littoral balnéaire et méditerranéen.

- l Le scénario de réhabilitation intégrale : un avenir alternatif au précédent a été synthétisé en un scénario qui pourrait être atteint sur plusieurs générations à partir du moment où on arrive à contenir la croissance urbaine (immobilier et population), à réhabiliter le patrimoine naturel et patrimonial et à intégrer le développement durable aux politiques locales.

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3. Un processus ouvert et participatif : le travail des experts, la participation à un forum citoyen et l’opinion de la population

Entre 1995 et l’évaluation du Plan d’actions de 2001, s’est développé un processus ininterrompu de travail, de participation et d'action, dont les jalons principaux ont été les suivants : le document initial de 1995, le document pour le Débat de 1997 et la même année le Plan d’actions correspondant, l'évaluation de l’Observatoire et le second Plan d'actions en 2001.

Dès le début, la participation sociale, constituant un des paris fondamentaux de l’Agenda local 21, a été marquée par une constante interaction entre les acteurs sociaux tout au long du processus :

- l Le Comité de Direction de la Municipalité, qui exprime la volonté politique de conduire l’Agenda local 21 comme l’axe central de l’action municipale.

- l Le Groupe d’Experts, qui a apporté une méthodologie et une rigueur scientifique aux rapports, débats thématiques et agents sociaux. Il est à souligner que l'échange experts - citoyens a été très positif tout au long du processus.

- l Le Forum citoyen et ses commissions thématiques, qui ont constitué l’axe participatif de l’Agenda local 21. Alors que le Forum agit en conseil consultatif ouvert à une assistance de 150 citoyens de Calvià pour débattre et échanger leur opinion sur toutes les questions liées à la stratégie locale, les Commissions thématiques, avec une trentaine de personnes en moyenne, préparent et évaluent les questions à caractère thématique ayant une incidence sur les divers espaces de la Municipalité.

- l Les Consultations populaires, qui ont complété l’action participative du Forum et ses Commissions thématiques. Celle de 1997 sous le slogan “ Mission impossible ” a inclus la visite et la remise d'information à toutes les familles de Calvià puis la collecte d’un questionnaire d’évaluation sur les 10 Lignes d’actions et sur les 40 Initiatives du Plan d’actions.

- l La coopération régionale, nationale et internationale avec les Institutions correspondantes et les organismes compétents dans les domaines traités par l’Agenda.

4. Les ambiguïtés de la situation initiale

L'analyse de la situation en phase initiale du processus (statistiques de 1995 et travaux de terrain de 1996-97) met en exergue une réalité remplie de contradictions de fond. Le graphique ci-dessous représentant le système local intégré de Calvià souligne la bonne situation économique et sociale ainsi que les bons résultats obtenus grâce à l’action des administrations publiques pendant les dernières années. Il indique également un environnement détérioré et une destination touristique mature qui s'est fragilisée. Les principales limites ayant besoin de mesures correctives sont les suivantes :

- l L’excès de pression humaine sur le milieu, en particulier dans certaines zones littorales produites où la densité de population s’est multipliée par 60 en 30 ans pour atteindre 3.000 hab./km2.

- l La problématique socioculturelle dérivée de l’intégration fragile entre une population de 50.000 résidants, un niveau de vie élevé, et les potentialités et risques engendrés par sa propre richesse et complexité : jeunesse, origines diverses, langue et culture, taux de croissance élevés, dispersion spatiale, etc.

- l La détérioration lente et l'insuffisante préservation d’un patrimoine naturel splendide (80% de la municipalité), qui est soumis à de fortes érosions du sol, à des risques

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élevés d’incendies, et à la pression d’un processus d’urbanisation croissante dont les impacts sont déjà considérables sur les écosystèmes côtiers et le milieu physique (sous-exploitation des aquifères, etc.).

- l Un entretien et une mise en valeur limités d'un patrimoine historique et culturel important (40 gisements archéologiques identifiés) dont une bonne partie est menacée de disparition.

- l Le vieillissement progressif d’une destination mature aux ressources naturelles excellentes : renouvellement insuffisant d'une industrie touristique ancienne, dynamisme et diversification limités d'une économie puissante.

- l La difficile réhabilitation d’un système urbain sous-dimensionné et vieilli, ralentie par l'insuffisance de soutien des acteurs privés aux actions de réhabilitation entreprises par la Municipalité.

- l L’inefficacité évidente du réseau des transports publics et la consommation incontrôlée de certaines ressources fondamentales (eau, énergie), et un recyclage et un traitement des déchets inadaptés.

5. L’infaisabilité du scénario initial

Dans le futur, qu’est-ce qui pourrait succéder dans l’avenir à Calvià si, au lieu d’approfondir les changements initiés ces dernières années, on continue le développement sur une base traditionnelle encore en vigueur dans de nombreuses zones du littoral méditerranéen (poursuite de l’expansion touristique et résidentielle) ?

Les experts et citoyens ont apporté à cette question la même réponse : dans le passé, l'urbanisation abusive de Calvià a au moins permis d’améliorer les conditions de vie de sa population. Mais, si on continue dans ce scénario expansif, la pression environnementale explosera, Calvià comme destination touristique deviendra de moins en moins compétitive, sa revitalisation locale sera mise en difficulté, et en conséquence de sa forte population, le risque de détérioration économique et de l'emploi, et le risque de perte de qualité de vie augmenteront.

Le graphique ci-joint représente cette situation en mettant en valeur l'évolution prévisible de chacun des Aires et Champs de référence qui définissent le Système Local Intégré de Calvià. Les principales caractéristiques de ce scénario peuvent être ainsi synthétisées :

- l Le dépassement de la capacité de charge locale en raison d'une hausse de 66% de la pression urbaine sur le milieu.

- l L’augmentation des difficultés d’intégration sociale due à la vitesse des processus d’expansion et de dispersion de la population.

- l La poursuite de la détérioration du patrimoine naturel à cause de l’urbanisation de 1.350 ha d’espaces naturels et ruraux supplémentaires d'une part, la création de nouvelles infrastructures, l’augmentation de la pression humaine sur le milieu naturel et les ressources locales d'autre part.

- La perte de compétitivité de Calvià en tant que destination touristique en conséquence de son incapacité à articuler les forces sociales nécessaires pour impulser la modernisation et s'adapter aux demandes d’un marché touristique de plus en plus exigeant.

- La massification urbaine et la détérioration progressive de ses noyaux de population, induites par la croissance urbaine et par les difficultés rencontrées en termes de modernisation et de réhabilitation d'un espace et un parc touristique de près de trente années d’ancienneté.

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- Une détérioration des secteurs environnementaux clé (consommation incontrôlée de ressources fondamentales, traitement des déchets, etc.) qui deviendrait ingérable.

6. Parier sur la réhabilitation de Calvià : 10 lignes d’actions, 40 initiatives et 15 actions immédiates

Toute personne s'étant trouvée impliquée dans l'élaboration de l'Agenda Local 21 est convaincue que le fait de revitaliser Calvià, en préservant et améliorant ses attraits résidentiels et touristiques, ou en surmontant les risques de déclin local détectés au début des années 1990, nécessite l’approfondissement du travail initié, axé sur le développement local innovateur et durable.

Développé dans l’Agenda local comme “ Scénario de Réhabilitation Intégrale ”, ce concept est convaincu que l'amélioration de l'avenir de Calvià doit porter sur les efforts suivants : préservation du patrimoine naturel, modernisation du secteur touristique, réhabilitation et valorisation du patrimoine culturel et enrichissement de ses ressources humaines en connaissance. Le défi de l'Agenda local 21 a été de traduire ces objectifs en un ensemble d’actions qui, en concertation avec la société civile, permettent d’atteindre des résultats significatifs dans de nombreux domaines au cours de la prochaine décennie. Les 10 grandes Lignes d’actions et les 40 Initiatives pour une orientation plus durable de l’évolution de Calvià

Les 10 grandes Lignes d’actions représentent les idées force pour avancer vers le scénario proposé par l’Agenda local 21. Synthétisant de manière claire des concepts clé pour une large assimilation et collaboration sociale, ces lignes d’actions ont été traduites à travers 40 initiatives qui concrétisent leurs contenus.

Les Lignes d’actions comme les Initiatives ont surgi du processus de participation exposé précédemment : elles furent présentées au sein des Commissions Thématiques du Forum Citoyen comme résultat du débat d’ensemble entre les représentants municipaux, les experts, les acteurs économiques et les citoyens et furent approuvées par la Mairie et l’assemblée plénière du Forum.

Chaque Initiative possède un degré de définition qui permet de préciser, après consultation de la population, objectifs et orientations qui serviront à la définition des Programmes d’Action Municipale des prochaines législatures. Les dix lignes d'actions sont donc les suivantes: 1) Contenir la pression humaine, limiter la croissance et favoriser la réhabilitation

intégrale du territoire et de son littoral. La capacité de charge de la population est dépassée et il est impératif de freiner la croissance : il est donc prévu de réviser le Plan Général d’Urbanisme (élargir les mesures de protection sur le milieu naturel, limiter drastiquement l’urbanisation en déclassifiant 1 330 hectares de sol urbanisable, réduire dans la mesure du possible la construction sur le sol urbain et réduire les impacts environnementaux sur le milieu urbain par la création de nouvelles organisations économico-responsables). Ce travail doit se faire en concertation avec le secteur touristique pour diminuer l’offre de logement et mieux répartir les flux de touristes tout au long de l’année.

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2) Favoriser l’intégration, la cohabitation et la qualité de vie de la population résidente.

Le pari pour un futur attractif à Calvià sera seulement possible dans la mesure où se concrétise un projet collectif d’une communauté ouverte et intégrée. Développer les potentialités de la société de Calvià tout en réduisant les risques de fracture sociale constitue un des objectifs centraux de l’Agenda local 21 et conduit à mener les actions suivantes : favoriser l’établissement de la population et l’intégration culturelle plurielle des différents collectifs de population, développer la cohésion sociale à travers des initiatives permettant l’intégration des groupes sociaux les plus défavorisés (jeunes, femmes, chômeurs de longue durée, etc.), impulser la communication et la participation directe des citoyens avec la Municipalité, par exemple à travers le Forum Citoyen. 3) Préserver le patrimoine naturel terrestre et maritime et impulser la création d’une

taxe écologique touristique-régionale destinée à l’environnement. Conscients que l’implication des habitants de Calvià dans la préservation et la valorisation de ses ressources naturelles est un de ses grands défis, Calvià à travers l’Agenda local 21 propose d’agir sous diverses formes : la préservation des systèmes naturels et ruraux, la biodiversité et les espaces les plus emblématiques comme Galatxó et Na Burguesa, la restauration et la gestion responsable du littoral terrestre et marin, plus spécialement la limitation de nouvelles actions aux forts impacts (urbanisations, ports, etc.), la réduction de la contamination de la mer, la préservation des “ herbiers de posidonies ”, le développement de toute une série d’actions pour corriger les principaux impacts écologiques et paysagers produits au cours des dernières décennies. 4) Réhabiliter le patrimoine historique, culturel et naturel.

La réhabilitation du patrimoine historique, culturel et naturel constituant un élément clé pour le développement de l’identité culturelle de Calvià, une série d’initiatives ont été formulées autour de trois objectifs : 1) améliorer la préservation des ressources uniques et fragiles ; 2) favoriser sa mise en valeur et insertion dans la vie et les dynamiques culturelles de Calvià (Parc archéologique de Puig de Sa Morisca, Musée de Calvià, réhabilitation de sentiers divers, etc.) et la constitution d’un patrimoine public historico-naturel (acquisition de Galatxó) ; 3) en faire la promotion comme ressource touristique pour favoriser la diversification des attraits traditionnels et contenir ses coûts de maintenance. 5) Impulser la réhabilitation intégrale des noyaux de population résidente et touristique.

L’application des politiques de redressement et d’amélioration des noyaux urbains est complexe, difficile et coûteuse. Pourtant, un des objectifs fondamentaux est de réhabiliter et de valoriser les attraits résidentiels et touristiques de Calvià. L’Agenda local 21 a donc, en plus du Plan d’épongement urbain, incorporé sa riche expérience dans ses nouvelles propositions. L’initiative centrale dans cette ligne d’actions se concentre sur la réalisation de plans directeurs pluriannuels pour la réhabilitation environnementale et paysagère de tous les noyaux de population. Ces actions auraient pour objectifs : réorganiser la mobilité interne en réduisant l’usage des voitures et le trafic, élargir des opérations de “ réhabilitation urbaine ” à tout l’espace public pour le convertir en une maille de qualité environnementale à prédominance piétonnière (avec des arbres en abondance et un paysage attractif), revaloriser l’image urbaine des axes commerciaux et des zones centrales, et instaurer des plans d’amélioration environnementale en lien avec la consommation d’eau et d’énergie, à la pollution sonore, la propreté et les déchets. 6) Améliorer Calvià comme destination touristique : substituer croissance par qualité

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durable, chercher à élever la dépense par visiteur, et viser à équilibrer la saison touristique.

Calvià doit renoncer à la croissance et parier sur la qualité, l’innovation et la hausse de la productivité du secteur touristique. Pour cela, elle compte sur un patrimoine naturel exceptionnel et une expérience de plus de trente années d’activité touristique. A partir de l’Agenda local 21, nous proposons d’agir dans les directions suivantes : investir en continu dans la qualification professionnelle pour améliorer le positionnement de Calvià sur le marché national et international, actualiser et enrichir l’offre d’activités complémentaires pour diversifier le produit et équilibrer la saison touristique (l’hiver européen à Calvià), compléter la réhabilitation urbanistique par la modernisation du parc touristique, le commerce et l’offre complémentaire, et développer la qualité et “ l’écoqualité ” dans les installations et services touristiques, en apposant l’étiquette “ Ecotur ” à toutes les décisions. 7) Améliorer le transport public et favoriser les déplacements piétonniers et en vélo entre

et à l’intérieur des noyaux de population. Devant l’impossibilité, d’un point de vue social et environnemental, de maintenir davantage le manque d’efficacité du transport public et le développement de “ l’hypermotorisation ” de la mobilité à Calvià, l’Agenda local 21 a initié une réflexion sur la reconversion du service actuel du transport public. Cette initiative inclut le remplacement du service actuel et la réorientation essentielle du modèle de mobilité locale. En diminuant l’usage des voitures, la contamination atmosphérique s’en trouvera logiquement réduite (cela empêcherait les augmentations de 50% dans les émissions de CO², prévues dans le scénario initial). 8) Introduire une gestion durable dans les secteurs environnementaux clé : eau, énergie

et déchets. La situation actuelle n’étant plus possible, l’entreprise Calvià 2000 a permis d’établir à partir de l’Agenda local 21 une série d’initiatives à l’échelle locale tout en se dirigeant vers les institutions régionales impliquées dans ces domaines : 1) par rapport à l’eau, impulsion de son économie en améliorant l’efficacité et la réutilisation de cette ressource afin de ne pas dépasser en dix ans les débits de 1997 ; 2) pour l’énergie, intervention locale sur trois plans : développement de l’économie à travers des campagnes d’éducation et de collaboration citadine, expérience pilote dans des installations hôtelières et résidentielles, et développement de normes environnementales et climatiques pour les nouvelles édifications ou réhabilitations (systèmes constructifs, usage d’énergies alternatives, etc.) ; 3) finalement, pour les déchets, une ligne de travail basée sur la réduction, le compostage et le recyclage. 9) Investir dans les ressources humaines et de la connaissance, dynamiser et diversifier

le système économique. L’investissement en ressources humaines et en ressources de connaissances est la clé pour impulser une évolution économique, sociale et environnementale, et est le meilleur moyen pour stimuler le dynamisme et la diversification de l’économie locale. En pleine phase de maturité touristique, Calvià a besoin de travailler selon deux axes : la modernisation de son secteur touristique d’une part, et le développement de nouvelles activités liées aux services des entreprises, résidents et aux secteurs émergents impliqués dans l’environnement d’autre part. A partir de l’Agenda local 21, on a orienté l’IFOC, en collaboration avec des agents économiques et sociaux, comme l’Agence pour le développement durable de Calvià, dont les missions sont : la formation, le développement de nouveaux projets d’entreprise, des outils pour redynamiser le milieu rural en récession.

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10) Réorganiser le management municipal et augmenter la capacité d’investissement concertée public - privé.

A côté de la participation sociale fondamentale pour formuler les éléments du développement local durable, la volonté politique municipale est là pour impulser l’ensemble du processus et gérer de nouvelles propositions, réflexion et initiatives de l’Agenda local. Cet engagement demande une réorganisation municipale plus adaptée, en restructurant certains services et systèmes de travail. Parallèlement, il serait opportun de dynamiser la capacité d’investissement, non pas en demandant un effort supplémentaire aux municipalités, mais en sollicitant les autres sources de financement et en faisant appel à l’initiative privée pour la réhabilitation et la modernisation des entreprises et infrastructures.

7. L’observatoire du développement durable et de la qualité de vie locale

Les crises environnementales sont également liées au manque d’information sur l’évolution des paramètres qu’exprime la situation des divers systèmes écologiques. Et, bien que dans une moins grande mesure, on arrive au même besoin pour pouvoir évaluer les principaux problèmes sociaux et économiques du cadre local.

L’Observatoire élaboré à partir de l’Agenda local propose de réunir et offrir de manière simple une information synthétique, régulière sur les cadres social, économique et environnemental, en prenant comme référence le développement durable et la qualité de vie locale. L'Observatoire communique une information qui perçoit Calvià comme un Système Local Intégré. Il s’est donc logiquement construit sur la base de ses six Domaines, ses Champs et Indicateurs de référence.

L’Observatoire de Calvià évalue sur une échelle de 1 à 10 les 45 références locales. Cette représentation graphique permet de visualiser facilement l’état de chaque référence et de percevoir également une vision d’ensemble afin que les acteurs impliqués (institutions, agents économiques, population et touristes) puissent avoir accès directement à cette information et à son évolution.

L'évaluation des 45 références est faite tous les deux ou trois ans, et chaque année est réalisée une analyse d'une sélection de variables et d'indicateurs les plus représentatifs et les plus faciles à obtenir.

8. Le bilan de l’Agenda local 21, période 1997-2000

Trois années après l’approbation du Plan d’actions de 1997, nous avons procédé à l'évaluation, à partir de l’Observatoire de l’Agenda local, de l’ensemble des transformations ayant eu lieu dans la Municipalité, et du niveau d’exécution atteint par les 10 Lignes d’actions et ses 40 Initiatives.

La méthode utilisée a été similaire à celle mise en place en 1997 pour définir le Plan d’actions : rapports préalables d’experts indépendants, présentation, débat et évaluation de ces rapports dans les Commissions Thématiques correspondantes et enfin session générale dans le Forum Citoyen. Les principales conclusions ont été synthétisées en six points : 1) Une croissance de la pression humaine difficilement assimilable Ce point a représenté une des principales conclusions du bilan. La croissance de la

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pression humaine s’est produite, malgré tous les efforts municipaux déployés pour la contenir, compromettant le rendement du Plan d’actions. Le climat économique favorable, l'attrait continu du tourisme dans les Baléares, le retard et la difficulté d’acceptation et d’approbation des mesures établissant les limites maximales annuelles pour l’obtention des permis de construire ont conduit à une croissance excessive de la population résidente et des touristes qui visitent au quotidien la localité (24% et 9% respectivement entre 1995 et 2000).

Pour comprendre l’incidence de cette hausse de la pression humaine sur l’environnement, il suffit de prendre comme référence une série de questions clé portant sur : la consommation d’eau, l'énergie, les déchets, la mobilité, les émissions de CO2, etc., des espaces où se sont produites des augmentations de 15% à 20% entre 1997 et 2000. Et, en gardant les mêmes tendances, nous atteindrions le doublement de ces flux en seulement 15 ou 20 ans.

En conclusion, l’adéquation de la pression humaine à des niveaux assimilables se convertit en une question de premier ordre. Il faut essayer par tous les moyens de réduire les rythmes de croissance de l’offre de lits touristiques et résidentiels, et à la fois, avancer en parallèle sur la réduction de la charge générée par habitant ou touriste. 2) Une action municipale très intense sur tous les fronts Globalement, l'action municipale dans la mise en place du Plan d’actions a été très

intense. Elle s’est orientée selon le Plan d’actions et a obtenu des résultats significatifs dans divers domaines : par exemple, en travaillant sur 30 à 40 Initiatives du Plan, la Municipalité atteint pour 20 d’entre elles un pourcentage de travail proportionnel à celui envisagé pour un scénario de 10 ans. De plus, il s'avère que les méthodes et systèmes de travail sont visiblement améliorables puisque seuls 25% des Initiatives comptent sur une méthode de travail adaptée, un pourcentage qu'il est nécessaire d’améliorer par l'instauration de plans de travail systématiques, avec des objectifs partiels et clairement évaluables. 3) Les ambiguïtés du développement durable et la qualité de vie locale Un premier bilan général de la situation nous permet d’affirmer que même si la situation

de Calvià s’est globalement améliorée (l’évolution globale de référence est passée de 4,9 à 5,3 sur 10), des problèmes significatifs subsistent dans des thèmes importants pour l’avenir. Des 46 Indicateurs de l’Observatoire, 9 se sont améliorés et seul un a empiré par rapport à la situation de 1997, et le bilan global de 2000 reflète que 17 indicateurs (37%) s’améliorent, 13 (28%) ne varient pas et 16 (35%) continuent d’évoluer négativement. La cohésion sociale et culturelle. La bonne conjoncture touristique et l’amélioration de la compétitivité de Calvià a favorisé ces dernières années l’investissement, l’emploi et le niveau de vie, mais en même temps la fragilité de l’intégration sociale persiste sous trois aspects très importants : 1) la précarité de l’emploi liée à la saisonnalité et l’expulsion des personnes âgées de plus de 50 ans, 2) la cohésion sociale d’une population très complexe de par la disparité de ses origines, de ses niveaux socio-économiques, et le manque d’une identité collective stable, 3) l’échec dans la formation des jeunes générations. Ceci nous a conduit à lancer le nouveau programme “ Elan Citoyen ”. L’environnement urbain et les systèmes naturels. La qualité de l’environnement urbain continue de s’améliorer. Entre autres : la mise en valeur du Paseo de Calvià est perçue comme une action d’intégration puissante. Nous avons obtenu plus spécialement des avancées significatives pour la réhabilitation du patrimoine culturel, en relation avec les travaux

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développés dans le Parc Archéologique de Puig de sa Morisca. Cependant, nous n’avons pas réussi à retenir la détérioration soutenue des systèmes naturels, liée tout spécialement à 3 questions clé : le littoral, l’érosion du sol, et la situation des ressources hydriques naturelles et ses aquifères. Cela a également donné lieu au lancement de nouveaux plans de travail. Le métabolisme urbain et le transport. L’amélioration importante de la gestion des déchets urbains (le tri sélectif est passé de 1,90% à 12,65%) contraste avec la difficulté de contenir la consommation d’énergie (la demande d’eau en particulier), et contraste aussi avec la situation insoutenable du transport public, qui a forcé le Gouvernement des Baléares à implanter à court terme une solution intégrée pour l’accès à Palma. 4) La participation sociale comme axe stratégique du développement durable à Calvià

La participation sociale se confirme, pour quelques acteurs locaux, comme une étape inévitable pour avancer dans l’intégration sociale et culturelle, le développement durable et la qualité de vie locale. Au cours des débats du Forum Citoyen qui évalua le bilan 1997-2000 et dans les réunions postérieures de l’équipe municipale, nous avons considéré, entre autres, les questions suivantes:

- l Valoriser la collaboration des citoyens et des opérateurs touristiques dans les programmes développés par Calvià 2000, liés à la gestion de l’eau et des déchets urbains.

- l Transférer le concept de participation à tous les cadres de la gestion de la ville. - l Etudier comme approfondir la participation démocratique du Forum Citoyen en

mettant en jeu des thèmes où “ le vote consultatif ” concret serait motivant pour les citoyens.

- l La nécessité de mettre en place de nouvelles voies de communication sociales et d’étudier de nouvelles voies adaptées à la culture participative des jeunes.

- l Approfondir les systèmes de “ participation et responsabilité active ” pour les fonctionnaires et employés de la Mairie.

- l Mettre en jeu de nouvelles formes de sensibilisation des touristes avec la collaboration des hôtels et tour opérateurs.

5) Calvià durable et solidaire dans le monde A Calvià, au cours de ces dernières années, un effort intense de transformation interne a

été réalisé pour reformuler une politique touristique locale avec des objectifs plus durables. Le discours s’est renforcé en développant une participation sociale. Et un extraordinaire effort innovateur a été réalisé pour mettre en pratique les nouvelles politiques.

Tout ce travail s’est vu récompensé par l’amélioration de la viabilité du développement touristique et local d'une part, et par une reconnaissance importante d'autre part : au cours de ces années, Calvià a reçu de nombreux prix et mentions. Et la Municipalité a été invitée à échanger sur son expérience dans le cadre de réunions et forums divers (Commission de Développement Durable des Nations Unies, réunions de municipalités et destinations touristiques du monde entier). La page Web est très fréquentée, et il existe une demande importante des visiteurs extérieurs pour connaître l'expérience de Calvià.

Cet intérêt indique que les politiques de développement durable avancent dans le monde et que le défi actuel pour l'application de nouvelles politiques au niveau local se situe dans la volonté d'un binôme politique - instrumentation de nouvelles orientations de développement.

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Pour optimiser ces échanges d'expériences avec d'autres localités intéressées par

l'expérience de Calvià, Calvià abandonne son approche volontariste actuelle inefficace et réfléchit à synthétiser le travail en réseaux de “ coopération et transfert de connaissance ”. 6) Le Bilan 1997-2000 : quelques réflexions finales A partir du processus d’évaluation et du débat qui s’est développé à Calvià pour réaliser le

bilan 1997-2000, et dans le cadre d’une valorisation du travail réalisé ces trois années, nous nous avons fait les constats suivants :

- l La nécessité d’être tenace et savoir travailler à moyen terme et à contre-courant pour améliorer le développement durable et la qualité de vie locale. Le caractère décennal du Plan d’Action continue d’être une référence valable pour l’Agenda Local 21.

- l Il est important de maintenir le pari du “ changement intégral ” - économique, social et environnemental -, proposé dans le Plan d’Action de 1997. Ce caractère intégral rend l’action complexe, mais en même temps c’est le seul moyen pour faire un travail à caractère durable.

Il est indispensable de réussir à contenir de nouveau la croissance et l'offre immobilière d'une part, et de réduire l’impact induit par chaque citoyen résident d'autre part. Ainsi, l’application des “contingents annuels de croissance”, la recherche de solutions pour la déclassification du sol urbanisé, et la sensibilisation à des “styles de vie” plus durables constituent des objectifs fondamentaux.

- l Prévenir le risque de déstructuration sociale et culturelle constitue un des principaux défis stratégiques pour la stabilité et le bien-être de la vie sociale. N’importe quelle crise économico-sociale pourrait produire des tensions intra-communautaires aujourd’hui amorties par une conjoncture économique favorable.

- l Pour continuer à avancer, il parait nécessaire de maintenir le leadership politique, de stimuler l’ambition innovatrice et créative, d'enrichir les systèmes de participation démocratique dans la vie locale, d'impliquer la jeunesse, de fortifier les équipes humaines et les systèmes de travail municipaux, et d'améliorer la coopération avec le Gouvernement Baléares.

- l Il faut appuyer les projets en marche et apporter une attention particulière aux nouveaux :

• “ L’élan citoyen ” en matière de cohésion sociale, • Les Plans du Littoral, de la Terre (lutte contre l’érosion) et des Ressources

Hydriques Naturelles et Aquifères, • Le Plan de Qualité Intégrale de l’offre touristique, • Le Plan de Transport public et d'amélioration de la mobilité locale, • Les Plans de Gestion de la demande dans les Champs de l’eau et de l’énergie.

- l La réhabilitation des systèmes naturels continue de constituer un défi local-insulaire

régional urgent, et les fonds générés par la taxe écologique représentent une opportunité historique pour impulser des actions ambitieuses dans ces domaines.

- l Finalement, c'est le moment d’initier un saut qualitatif dans la coopération extérieure

avec d’autres destinations et localités intéressées par l’expérience de Calvià et son modèle d'orchestration des nouvelles politiques pour le développement durable tant à l'échelle touristique que locale.

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Synthèse de l’Atelier « Espace Littoral »

Nacima BARON

Résumé

Au-delà des différences institutionnelles entre la France et l’Espagne, ces deux pays sont bien confrontés aux même transformations globales qui orientent l’aménagement des côtes et rendent de plus en plus difficile la maîtrise de son urbanisation :

- Développement des mobilités qui transforment les littoraux en systèmes spatiaux hiérarchisés.

- Interpénétration du tourisme et de l’urbanisation dans une logique de métropolisation qui engendre des effets complexes de spécialisation des lieux : la valorisation des espaces naturels relève de plus en plus d’une approche urbaine.

- Transformations sociales, démographiques et culturelles qui interagissent avec les formes d’urbanisation et peuvent constituer les indices d’une transition post-touristique.

Dans ces conditions l’enjeu n’est plus seulement de produire de la norme et des lois, ni même d’innover en ingénierie institutionnelle pour piloter des systèmes de décision éclatés (décentralisation), mais de réinterroger notre capacité à se situer dans une nouvelle complexité et à orienter des processus d’une autre ampleur.

Resumen

Más allá de las diferencias institucionales entre Francia y España, estos dos países se enfrentan a las mismas transformaciones globales que guían el desarrollo de las costas y dificultan cada vez más el control de su urbanización:

- Desarrollo de las modificaciones que transforman los litorales en sistemas espaciales jerarquizados.

- Interpenetración del turismo y de la urbanización en una lógica de metrópolización que genera efectos complejos en la especialización de los lugares: la valorización de los espacios naturales adolece cada vez más de un enfoque urbano.

- Transformaciones sociales, demográficas y culturales que interactúan con las formas de urbanización y pueden constituir los índices de una transición post turística.

En estas condiciones el reto ya no es solamente la elaboración de normas y leyes, ni tan siquiera el de innovar en ingeniería institucional para pilotar sistemas de decisión múltiples (descentralización), sino interrogarse de nuevo sobre nuestra capacidad para situarnos en una nueva complejidad y para orientarnos a procesos de otra magnitud.

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Il ressort des interventions présentées ci-dessus différents points forts et points faibles relatifs au devenir de l’urbanisation du littoral, mais, plus encore, une impression persistante. Si l’urbanisation du littoral par le tourisme était un crime, (ce qui est aller un peu vite en besogne), on cherche encore l’arme du crime : le tourisme.

Le tourisme est en crise, à la fois dans l’Université, en tant qu’objet de connaissance, et dans le monde « réel » en tant qu’objet social, spatial et politique. Cette double crise découle en partie au moins d’une principale difficulté : plus on veut le tenir, plus il s’évapore. Les institutions veulent du solide, des chiffres qui révèlent des arrivées, des départs, des recettes et des nuitées. Les statisticiens traquent le tourisme littoral, de montagne, d’affaires, de thalassothérapie et de parcs de loisirs …Cela dit bien quelque chose sur le tourisme, sûrement pas tout. De leur côté, les universitaires tentent de catégoriser des réalités subtiles, le lien tourisme-loisir, tourisme-travail, tourisme-résidence, et explorent l’évolution des rapports de nos concitoyens avec leurs lieux de vie. Cela éclaire à coup sûr quelques aspects de l’urbanisation comme processus continu d’appropriation matériel et imaginaire du littoral par nos concitoyens. Est-ce suffisant ? N’essayons plus de distinguer artificiellement la réalité touristique des autres réalités politiques et géopolitiques, au Nord comme au Sud de cette Méditerranée qui est bien loin de n’être qu’un « lac de vacances » : la métropolisation du littoral, les mouvements migratoires (du sud vers le nord, du nord vers le sud) et les affrontements politiques qu’ils déclenchent, la cosmopolitisation sociale et culturelle des rivages, et la montée des vulnérabilités physiques et économiques forment un complexe d’enjeux et de défis à la Méditerranée. L’ « urbanisation sur le littoral », titre de l’atelier, n’est qu’une entrée pour aborder ce tout.

Les efforts dispersés des chercheurs, des représentants des services centraux et des collectivités, et des consultants (puisqu’il n’y a pas de recherche cohérente sur ces sujets fondamentaux dans nos deux pays) révèlent la difficulté croissante qu’il y a à saisir et analyser l’évolution de l’urbanisation sur le littoral en France et en Espagne. Les communications présentées dans la table ronde et débattues avec la salle ont mis en avant trois points essentiels.

1. Un littoral urbanisé et un tourisme de flux

Deux grands changements sont intervenus dans la réalité territoriale des littoraux de France et d’Espagne. Le premier correspond à l’évolution des conditions de l’accessibilité des côtes. Première dimension de l’accessibilité : l’accessibilité physique (train, puis avion, puis automobile généralisée). Deuxième forme d’accès, qui prend le relais aujourd’hui, l’accessibilité mentale, la disponibilité et la circulation des images par des médias conventionnels (magazines etc…) et par des supports virtuels (Internet). De ce fait, le littoral français et espagnol n’est plus ce qu’il était dans les années 1950, a fortiori au début du XXe siècle. Il n’est plus un bout de ligne de chemin de fer, il n’est plus une fin de terre : le littoral n’appartient plus au domaine des confins, il est urbanisé, il est un centre. Nous sommes passés des « bords de mer », entité entendue comme une collection de périphéries mal connues, au littoral comme unité conceptuelle (le terme s’impose dans les années 60 et 70) et comme objet focal des projections imaginaires de la société occidentale. La mise en circulation du corridor méditerranéen par les autoroutes et la grande vitesse ferroviaire bouleverse les anciennes modalités d’accès aux rivages. Aujourd’hui, la mobilité est brownienne, les itinéraires des touristes se compliquent, le nomadisme prévaut. Les technologies du transport et les choix individuels font donc du littoral un système de contiguïtés relatives mesurées en temps de

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trajet plus qu’en kilomètres. Au cœur d’un littoral devenu réseau, on retrouve les problématiques urbaines.

En effet, le deuxième facteur qui rend difficilement « isolable » le phénomène touristique est lié aux transformations de l’urbanisme et de l’urbanisation. La table ronde a montré la transformation progressive des stations matures en organismes urbains, en ville stations (Jean Rieucau). Bien des chercheurs soulignent cependant le caractère décisif de la métropolisation, notamment sur les côtes densément habitées. Si on prend l’exemple catalan développé par Ramon Cerrat Mula, la croissance de Barcelone engendre des effets territoriaux complexes : transformation et spécialisation fonctionnelle physique et sociale de la station de Sitges, depuis qu’elle est reliée par le métro barcelonais, valorisation des sites protégés de l’Empurda dans le parc naturel du Maremme : autant de phénomènes d’enclavement, d’emboîtement des espaces urbains, ruraux, de loisirs.

Ce dernier exemple nous rappelle que le souci récent de la nature et des parcs résulte également d’une logique, qui a déjà une quarantaine d’années, de la nature comme ressource dévolue aux citadins. Cette pensée, hier liée à une démarche « conservatrice » à l’égard de l’environnement et productrice d’espaces muséifiés, aboutit aujourd’hui à l’émergence (et la multiplication) d’espaces hybrides. Les parcs et zones naturelles soumises à des règlements protectionnistes de tous ordres (Natura 2000, parc, réserve, etc.) sont de manière croissante intégrés par le tourisme pour une consommation effectuée par des urbains. Le maintien ou la reconstruction d’une « apparence » naturelle et patrimoniale est une des formes de spécialisation de l’espace métropolisé : cela pose des problèmes de gestion de la fréquentation analysés par Corinne Snabre. Ces « parcs à thème de nature » ne manquent pas d’interroger également l’espace du point de vue du devenir de la ruralité.

C’est d’abord les facteurs techniques et urbanistiques qui paraissent marquer les transformations de l’organisation du littoral dans les deux pays. Au-delà de l’opposition entre des côtes « aménagées » (par le Prince, dans ses missions interministérielles des années 1960 - 1970) et des côtes qui ne l’ont pas été, la tendance à la métropolisation écrase tout. Le manque d’organisation spatiale, l’impression de chaos urbain et de mutation tendancielle du secteur touristique (maturité – sénescence des espaces touristiques) conduit à une réflexion en terme de durabilité (Fernando Prats-Palazuelo). Les démarches pionnières mettent toutes l’accent sur les acteurs.

2. Le littoral, avant-garde de transformations culturelles et de civilisation

A force de parler de mètres carrés et d’urbanisation du littoral, on court le risque d’en oublier les occupants. Les habitants sont directement déclencheurs des programmes d’urbanisation quand ils vendent leurs champs et leurs vergers au bord de la mer. La question se posait dans la Vendée ou la Costa del Sol des années 1970 (à Mijas, comme l’explique Francisco Jurdao dans son livre España en Venta). La question se posera encore demain, notamment si la sécheresse persistante de 2005 et le changement climatique contraignent les exploitants des serres de Murcie et d’Almeria à renoncer à l’agriculture irriguée d’exportation : l’accès à l’eau douce va être déterminant dans les décennies à venir.

Les dimensions sociales du fait touristique ouvrent également sur des problématiques culturelles et identitaires. Les habitants du littoral de France et d’Espagne vivent partout, même dans l’arrière-pays, sous le regard de l’extérieur et ce regard participe de l’invention de

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nouvelles synthèses identitaires. La Provence vend l’image de la Provence, Marseille plonge dans son passé et singe Marseille.

Identités, communautés, citoyennetés urbaines sont en jeu : il arrive de plus en plus souvent que les habitants du littoral soient d’anciens touristes, vieillis et installés à demeure. Certains font le choix de ne plus équiper leur commune, le choix de ne plus recevoir de classes moyennes vacancières et de jeunes à sac à dos, le choix de ne plus payer des impôts pour financer des équipements surdimensionnés pour pouvoir fonctionner l’été et donc coûteux (assainissement, décharges etc…) ! Les portions de côte où le tourisme se résidentialise, où l’hébergement non-marchand (résidences secondaires analysées par Vincent Vlès) est dominant, montrent les indices d’une transition post-touristique. Dans d’autres secteurs, le brassage des classes sociales et des origines culturelles et ethniques, le mélange des vrais touristes et des bi- ou multi-résidents produit des modèles sociaux et culturels intéressants : les métropoles méditerranéennes ont de l’avenir. Les dimensions culturelles du melting pot (dont les mariages mixtes issus des brassages touristes – sociétés locales) jouent leur rôle dans un processus, sous-jacent mais bien présent, d’intégration européenne. Where is home ? demande le géographe Russel King aux Anglais installés sur la Costa del Sol. Here, lui est-il répondu.

Pour que le littoral soit non seulement urbanisé, mais habitable, il convient d’en recoller les environnements (remarquables, comme les Grands Sites, et ordinaires), d’en surmonter les crises écologiques, d’en conjurer les risques. Comme le montre Christine Bouyer, les tensions s’attisent entre l’appétit foncier des opérateurs touristiques et la nécessaire préservation du trait de côte, pour des motifs écologiques, esthétiques, mais aussi sociaux (l’accès de tous au rivage et la notion de Domaine Public Maritime se rapportent à des dimensions de justice environnementale). Si les complémentarités sont évidentes entre la protection d’un patrimoine naturel et l’attractivité touristique des côtes, la formule juridique de cet équilibre harmonieux n’a pas encore été trouvée par les décideurs. Le littoral est plutôt le théâtre d’un drame écologique, social, et moral. Voyons le traitement humain et juridique de l’immigration illégale sur les côtes andalouses. Etudions le suivi par les gouvernements français et espagnols du naufrage de l’Erika, puis du Prestige : les populations locales ont-elles le sentiment d’avoir été comprises par leurs responsables politiques ?

D’autres problématiques, comme celle du réchauffement climatique et des conséquences financières de l’érosion dans les secteurs urbanisés, n’ont pas été présentées dans l’atelier. Elles réclament un courage politique rarement présent, et non pas moins mais plus de planification, plus de concertation, plus de prospective de long terme … une nécessité à laquelle ce colloque a néanmoins tenté de répondre avec un certain mérite.