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Ce texte a été présenté lors du Colloque international, Recherche qualitativeet gestion, qui s'est tenu à l'École desHautes Études Commerciales, à Montréal, le 26 octobre 1996. M Paul Prévost est professe.urà la Faculté d'administration, UniversiJé de Sherbrooke. Copyright Q /996. École des Hautes Études Commerciales (HEC), MooJréaJ. Tousdroits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sousquelque forme que ce soit est interdite. Les oexres publiés dans la urie des Cahiers th recherche HEC n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. La publication de ce Cahier de recherche a été re~ possible grdce à des subventions d'aide à la publication et à la dijJusion de la recherche prcwenant des fonds de t'École des HEC. Direction th la recherche, École des HEC, 3000. chemin de la Côte-Sainte-Catherine,Montr{}al (Qu.fbec) Canada H3T 2A7. , ' , , ' """ ,,:,' ~ L'intervention support à la recherche en gestion par Paul Prévost, Ph.D. Cahier de recherche n° 96-11-10 Novembre 1996 ISSN : 084Q-853X ....

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Ce texte a été présenté lors du Colloque international, Recherche qualitative et gestion, quis'est tenu à l'École des Hautes Études Commerciales, à Montréal, le 26 octobre 1996.

M Paul Prévost est professe.ur à la Faculté d'administration, UniversiJé de Sherbrooke.Copyright Q /996. École des Hautes Études Commerciales (HEC), MooJréaJ.Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit estinterdite.Les œxres publiés dans la urie des Cahiers th recherche HEC n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.La publication de ce Cahier de recherche a été re~ possible grdce à des subventions d'aide à la publication età la dijJusion de la recherche prcwenant des fonds de t'École des HEC.Direction th la recherche, École des HEC, 3000. chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montr{}al (Qu.fbec) CanadaH3T 2A7.

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L'intervention support à larecherche en gestion

par Paul Prévost, Ph.D.

Cahier de recherche n° 96-11-10Novembre 1996

ISSN : 084Q-853X

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INTRODUCTION

La production de savoirs nouveaux en sciences de la gestion s'est toujours heurtée à lacomplexité de l'objet d'étude, à sa difficile isolation dans un cadre expérimental rigoureux et àl'implacable test d'une réalité en perpétuel mouvement. Les méthodes importées des sciencesnaturelles'ant certes des succès notables, mais il faut l'avouer, des succès surtout limités aux sujetsqui se plient facilement aux contraintes de l'expérimentation ou de l'échantillonnage statistique,D'autre part, à l'extérieur des canaux réguliers de la recherche, des administrateurs et des consultantsont produit avec régularité des oeuvres remarquables qui ont marqué sinon les sciences de la gestiondu moins sa pratique. Qu'on pense aux principes de gestion de Fayol, un administrateur à succès dusiècle passé, ou encore, plus près de nous, aux réflexions de Peters et Waterman, des consultants, surles entreprises gagnantes et l'excellence organisationnelle.

Étant donné la complexité du sujet étudié et la multiplicité des paradigmes pour l'aborder, n'yaurait-il pas en science de la gestion~ plus qu'ailleurs, des voies multiples à la production des savoirs?Des voies qui, à l'occasion, s'opposent, s'interpellent ou même se complètent.

Ce court essai tente d'explorer une des voies alternatives de recherche se présentant auxchercheurs en gestion, soit la recherche-actioD. L'objectif de cette présentation n'est vas de fairele tour d'un débat déjà riche surtout en sciences sociales et en éducation des adultes, mais plutôt d'enretenir des éléments qui pourraient être utiles pour utiliser, à l'occasion, l'intervention commesupport, voir comme "moteur de recherche" en gestion. Toutefois, avant de plonger dans cetteréflexion exploratoire, revenons sur quelques concepts fondamentaux.

1. LA RECHERCHE

Dans ce système global en perpétuel mouvement qu'est la réalité, le processus scientifique derecherche amorce et concrétise la production et la transformation des savoirs. C'est par un cycled'opérations inductives et déductives qu'il appréhende le réel pour en construire des modèles et desthéories qu'il retourne ensuite à ce même réel pour les valider. Quelqu'éloignés qu'ils soient del'action quotidienne, les produits de la recherche scientifique finissent presque toujours, à plus oumoins long terme, par s'incorporer à l'ensemble des données sur lesquelles s'appuient les acteurs dela société pour éclairer leurs décisions de transformation de la réalité.

Ce texte a été développé au début des années '80 à l'Université du Québec à Chicoutimi par le groupe de recherche-action. . .

qui comprenait alors Adam Lapointe, Michel Belley, Rolland Charboneau, Paul Prévost, Marcel Roy, Rita Roy et P.R.Simard. fi voulait satisfaire aux dernières exigences du Ministère de l'éducation pour pennettre le lancement de la Maîtriseen gestion des PMO, un programme qui voulait susciter l'usage de méthodes de recherche-action. Il a été publié unepremière fois en 1983 dans le no 1 voL 1 de la défunte Revue des PMO.L'auteur, en 1989, l'a adapté et présenté lors d'un midi-recherche à la Faculté d'administration de l'Université deSherbrooke pour offiir un cadre de recherche aux interventions effectuées en entreprise par les professeurs d'administration.Après plus d'une quinzaine d'années, étrangement, le sujet semble toujours d'actualité. Même si ce sont d'importantessources de développement de savoir, en fait, j'ai l'impression que très peu de progrès ont été réalisé depuis pour structurerconune activité de recherche les interventions en entreprise dans les facultés d' administration. Voilà pourquoi je resoumetà la réflexion le présent document.

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Bien que relevant toutes du même processus scientifique,se sont précisées au cours de l'histoire.

C'est ainsi que la recherche "fondamentale" est associée plus particulièrement à la pro-duction d~s savoirs théoriques. On lui attribue la fonction de validation et de généralisation desthéories, laquelle se fait de la façon la plus rigoureuse possible, (par voie d'expérimentation parexemple).

La recherche "appliquée" est associée pour sa part à la production des savoirs techniques etpratiques. C'est à la recherche appliquée qu'on attribue alors, par une application technique à desphénomènes particuliers de découvertes faites par la recherche fondamentale, la fonction de contrôlepratique des effets, en dehors d'une fonction heuristique ou d'investigation.

Le Conseil des sciences du Canada, pour sa part, définit ces mêmes concepts en ces termes;la recherche fondamentale est une investigation originale entreprise en vue d' acquérir de nouvellesconnaissances scientifiques et une meilleure compréhension des phénomènes. La recherche appliquéeest également une investigation originale mais elle est entreprise en vue d' acquérir de nouvellesconnaissances scientifiques pour la résolution de pI:oblèmes techniques ou pratiques. (21)

Ces deux types de recherche ne sont pas séparés par des cloisons étanches, l'un interpellel'autre et ils vont même jusqu'à se confondre à leurs frontières.

2. LA RECHERCHE-ACTION

La recherche-action, pour sa part, relevant du même processus scientifique, en est encore àpréciser ses contours et à définir sa mission spécifique dans le champ de 1) enrichissement des savoirs.Cette conception de la recherche scientifique pourrait se révéler pour la gestion, d'un apport nonnégligeable pour rapprocher encore plus la science, de l'action et, enrichir ainsi les théoriesscientifiques des chercheurs aussi bien que la pratique des acteurs du milieu organisationnel.

La recherche-action est un processus dans lequel les chercheurs et les acteurs, conjointe-ment, investiguent systématiquement un donné et posent des actions, en vue de solutionnerun problème immédiat vécu par les acteurs et d'enrichir le savoir cognitif, le savoir-faireet le savoir-être, dans un cadre éthique mutuellement accepté. (1)

Cette définition qui recoupe plusieurs énoncés retrouvés dans la littérature (2) sur le sujet ale mérite de ramener la recherche-action à son expression la plus simple, sans évacuer pour autant soncontenu valoriel. La recherche-action implique donc l'existence simultanée d'une recherche et d'uneaction et la participation conjointe de chercheurs et d'acteurs.

La recherche, comme nous l'avons vu, est une investigation originale entreprise en vue deproduire de nouveaux savoirs d'ordre théorique et de les généraliser ou) en vue d'appliquer dessavoirs théoriques à des phénomènes particuliers pour solutionner des problèmes techniques ou

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formes de recherchesdifférentes

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pratiques. Le chercheur est celui qui possède un certain bagage de connaissancesexpérience méthodologique de la recherche et entreprend une recherche.

L'action est un ensemble de gestes produits en we de transformer de façon intentionnelle unesituation 'p'ré-existante, dans le but normalement de l'améliorer. L'acteur est un membre del'organisation (3) (formelle ou informelle) qui rencontre un problème immédiat ou une opportunitéet décide d'entreprendre une action.

La recherche-action constitue un type de recherche intermédiaire entre la recherchefondamentale et la recherche appliquée. Tout en constituant un lieu privilégié de l'applicationpratique de la connaissance scientifique, interpellée par l'action, la recherche-action pourra àl'occasion modifier au cours de son processus les formalisations théoriques qui l'ont inspirée pourà la limite en créer de nouvelles. La démarche n'en est toutefois plus une de validation à l'intérieurde schémas expérimentaux contrôlés, mais d'apprentissage dans le veu de l'action ou, la théoriemodifiera des pratiques problématiques et la pratique en fera de même de la théorie. La pertinencepraxéologique y remplace la répétitivité expérimentale comme facteur de contrôle.

Les contenus théoriques nouveaux générés par une démarche de recherche-action peuventse présenter comme des hypothèses généralisables à valider dans un cadre expérimental classique sila réalité s'y prête, ou encore, comme des savoirs spécifiques ou intennédiaires pouvant être réinvestisdans la boucle d'apprentissage de recherche-actions subséquentes du même type.

3. UN PROCESSUS DE LA RECHERCHE-ACTION

Le processus de la recherche-action (voir graphique) est un ensemble d'activités effectuéesconjointement par chercheur(s) et acteur(s) ou. la science se trouve enrichie par l'action et l'actionpar la science.

Le chercheur et l'acteur entrent dans le processus de recherche-action avec un bagage desavoirs cognitifs (intellectuels), de savoirs faire (expériences, habiletés spécifiques) et de savoirs être(caractéristiques personnelles, attitudes, valeurs comportementales) dont une partie seulement estcommune aux deux types de participants. La recherche-action nécessite une mise en commun destrois types de savoirs spécifiques à chacun des participants et pertinents à l'activité envisagée.

C> est par cette interaction des savoirs que sont élaborés les cadres théoriques, méthodologi-ques et éthiques de la recherche-action> cadres soumis. grâce à la rétroaction, aux variationsoccasionnées par l>acquisition de nouveaux savoirs, tout au long du processus.

Le cadre théorique détermine le champ scientifique, les modèles et les théories pertinents àla solution du problème. Le cadre méthodologique spécifie les méthodes à être utilisées au cours dela recherche-action. Le cadre éthique permet une entente sur les attentes, les fins et les moyens dela recherche-action, en conformité avec les caractéristiques et les valeurs personnelles des

participants.

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théoriques et une

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Savoir homologué

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LE PROCESSUS DE RECHERCJlE..ACTION

Savoir non homologué

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Chacune des étapes subséquentes de la recherche-action (diagnostic, choix de solution ou destratégie, implantation du changement et évaluation des résultats) demande la participation conjointedu chercheur et de l'acteur et fait appel aux savoirs respectifs, savoirs qui évoluent aussi tout au longdu déroulement de la recherche-action. La dernière étape, soit celle de l'évaluation globale de larecherche-flction, doit aussi être faite par chercheur( s) et acteur( s) ensemble.

Au cours de chaque étape, le chercheur comme l'acteur peuvent avoir recours aux savoirsextérieurs en puisant soit dans le bagage scientifique (autres chercheurs, travaux antérieurs.

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publications, etc.), soit dans le bagage de rH action" (environnement, autres organisations, autressecteurs, etc.).

Les résultats de la recherche-action ont, par la suite, un impact sur l'enrichissement dessavoirs scientifiques par la communication des fruits de la recherche-action à la communautéscientifique, et un impact sur la réalité ou le vécu par la transformation d'une réalité et l'accumu-lation de nouveaux savoirs pour les acteurs. La recherche-action devient donc le lieu d'interpéné-tration des savoirs "homologués" (Le. reconnus par une communauté scientifique) et des savoirs"non-homologués"; une iristance de diffusion des savoirs scientifiques et d'intégration et de validationdes savoirs des praticiens.

Comme la recherche fondamentale et la recherche appliquée, la recherche-action procède parinduction de ses observations pour construire de nouveaux modèles ou pour "vérifier" des théories.Elle déduit aussi du champ théorique des alternatives de transformation de la réalité. .

Elle diffère cependant des autres modes de recherches par l'intégration des acteurs dans leprocessus de recherche. De plus, le chercheur ne s'y conçoit plus uniquement comme un observa-teur des phénomènes mais il devient conscient d'être un "intervenant" dans le processus même del'action. Cette interaction des chercheurs et des acteurs permet, c'est là une hypothèse de larecherche-action, la cueillette de données plus pertinentes à la problématique et l'élaboration dethéories mieux adaptées au monde de l'action. L'adéquation entre théorie et pratique se trouveégalement renforcée du fait de l'application immédiate des nouvelles connaissances acquises; larecherche-action est une recherche "nécessairement appliquée".

"Le sujet a un rôle actif dans le processus de connaissances et dans la construction de sesobjets de recherche; le sujet existenciel est reconnu tant du côté de l'objet observé que ducôté de l'observateur. L'ouverture à la subjectivité en sciences débouche sur une conceptioncomplexe de la réalité objective; du côté de {'objet, sa description, sa compréhension, sonexplication, sa transformation sont conçues comme complexes;" (22)

La diffusion "possiblement" instantané des connaissances acquises permet une vérificationrapide de la pertinence des hypothèses et accélère de ce fait le processus scientifique d'induction etde déduction présidant à la formulation des théories, à leur vérification et à leur application.

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4. LAPRATIQUE

Malgré la définition que nous en donnons, nous pouvons cependant constater que larecherche-action peut aussi bien être une pratique solitaire que collective. La recherche-action estsolitéÙre lor.squ'un acteur entreprend une recherche sur sa propre action ou qu'un chercheur se meten action sur sa propre recherche; elle est collective lorsqu'elle implique un ou des chercheurs et unou des acteurs dans une recherche commune, sur une action commune.

Les rôles peuvent se confondre lorsqu'il y a une unité de personne, ou se distancer, laissantà l'acteur l'apport de données internes à l'action et à l'organisation et au chercheur l'apport dethéories et de données externes. Mais ces rôles ne peuvent se distancer à l'extrême car l'interactiondoit être constante entre chercheur( s) et acteur( s) à toutes les étapes de la recherche-action. Commeles acteurs doivent chercher avec les chercheurs, ceux-ci doivent agir avec les acteurs.

5. LES DILEMMES

C'est de cette association de deux types de participants qui ont, lorsqu'ils sont pris-Ïsolément,des valeurs, des objectifs et des rôles distincts que naissent les principaux "dilemmes" de la recherche-action.

Nous pouvons en effet constater qu'en plus des différences existant entre les valeursauxquelles adhèrent les participants, du simple fait de l'individualité de leur être, il existe un bagagede valeurs propres aux chercheurs et un autre ensemble de valeurs propres aux acteurs. Ainsi, lescepticisme, le sens critique, la logique, l'objectivité et le détachement sont des valeurs propres à lascience, valeurs auxquelles adhèrent les chercheurs. De plus, ceux~ci accordent une importance aufait que les résultats d'une recherche soient généralisables. Les acteurs, par contre, accordent plusde poids à rutilité de la solution pour résoudre leurs problèmes; les acteurs peuvent se contenter derésultats spécifiques. Pour les acteurs, le fonctionnement, la réalisation, la transformation effectivede la réalité, la rapidité de la prise de décision sont des valeurs propres qui peuvent à l'occasionpercuter les valeurs propres à la science.

De ce dilemme des valeurs à concilier découle aussi une certaine problématique face auxobjectifs à poursuivre.

"Les objectifs de fa recherche sont de contribuer à la solution de problèmes auxquels sontconfrontés les intéressés tout en contribuant à l'élaboration de modèles théoriques. Cetterecherche doit donc faire face à deux objectifs. c'est-à-dire être à la fois une investigationsystématique d'une donnée et un facteur d'action, double objectif dont l'un ne saurait sefaire au détriment de l'autre" (4).

Les chercheurs veulent effectivement atteindre des objectifs propres à la science alors que lesacteurs visent ceux de leur organisation. La recherche-action tente de concilier ces deux typesd'objectifs mais en fait, r"empirisme" de l'acteur ne risque-t-il pas de déteindre sur les résultats de

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la recherche ou, au contraire, le "perfectionnIsmede l'action?

Dans cet entrecroisement des objectifs à atteindre, l'équilibre des rôles constitue aussi un"dilemme~': de la recherche-action.

"Excès d'identification par défaut de distanciation; excès de distanciation par défautd'identification (..). Dans les deux cas, risques complémentaires: récupération deschercheurs par les acteurs; manipulation des acteurs par les chercheurs. Dans ce secondcas, les acteurs deviennent main-d'oeuvre des chercheurs et leur pratique sociale est"succursa/isée" par idéologies ou méthodologies dominantes. Dans le premier, leschercheurs deviennent les intellectuels fallacieusement organiques des acteurs (leurs"intellectuels de service ") et leur épistémologie s'aplatit dans des stéréotypes ou sloganssous alibi qu'ils sont "endogènes" (5).

Comportement de "flic" qui recueille ses informations ou comportement de "gang" quiapporte une "auto-légitimation" au groupe, l'équilibre fragile reste toujours à trouver dans les rôlesjoués par les deux types de participants à la recherçhe-action.

Autour de cet équilibre. des rôles, s'articule aussi la problématique de l'initiative. Quidemande la formation d'un groupe de recherche-action? Les chercheurs qui perçoivent un problèmedans le cadre de leurs investigations scientifiques ou les organisations à la recherche de solutions àleurs problèmes pratiques? Et lorsque la recherche-action est en marche, qui prend l'initiative desrencontres, de leur contenu, du passage d'une étape à l'autre de l'activité, du type de publication desrésultats?

C'est en ayant conscience de ces différents dilemmes de la recherche-action que Robert N.Rapoport nous en donne sa définition:

"Action research aims to contribute both to the practical concern of people in an Immediateproblematic situation and to the goals of social science by joint collaboration within amutually acceptable ethicalframework" (6). .

C'est en effet par ce contrat négocié de façon continue, par ce cadre éthique mutuellementaccepté que la "cogestion" de la recherche-action sera établie, que seront clarifiés les rôles de chacunet les objectifs de la recherche-action. Le cadre éthique sera sous-tendu par l'énoncé des valeursmutuellement acceptées par les participants. La recherche-action implique donc que le chercheurrenonce à sa position de neutralité ou de stricte "objectivité scientifique" et qu'il adhère minimalementaux valeurs et objectifs du groupe tout en clarifiant ses propres valeurs (personnelles ou scientifiques)face au groupe. Une convergence minimale des objectifs réciproques est nécessaire. De la qualitéde rengagement du chercheuT face aux valeurs, aux objectifs et aux actions du groupe-acteurdépendra une large part de la richesse des solutions envisagées et des résultats de leur application;comme la richesse des données de leur analyse et des transformations du savoir scientifique dépendrade la qualilté de l'engagement du groupe-acteur dans la recherche.

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" du chercheur ne risque-t-il pas de ralentir le rytlune

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6. CLASSIFICATION DE LA RECHERCHE-ACTION

Comme nous pouvons le constater, en réalité, la recherche-action n'est pas chose facile àpratiquer ni à cerner. TI n'est donc pas étonnant qu'aient surgi, depuis l'énoncé de concept par KurtLewin (7) ,dans les années quarante, de nombreuses pratiques différentes. Plusieurs auteurs, pourmettre un peu d'ordre et permettre d'y voir clair, ont tenté d'établir une classification (8) du sujet.Henri Desroche, pour sa part, propose une typologie de la recherche-action en définissant trois

catégories:- une recherche-sur l'action mais sans action. C'est une recherche explicative de

l'action.

la recherche-pour... c'est la recherche d'une action à proposer aux acteurs. Desrochel'appelle la recherche d'application.

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la recherche-par. Il peut s'agir d'une implication des chercheurs dans l'action desacteurs ou d'une implication des acteurs dans la recherche des chercheurs. Les deuxtypes de cette catégorie ne seraient pas mutuellement exclusifs.

Selon Henri Desroche, toujours, la recherche-.action intégrale se compose de l'interaction destrois catégories. Comme elle n'est pas toujours "intégrale", ce sociologue construit un tableauindiquant les combinaisons possibles des catégories par la présence ou l'absence de chacune. Cetableau binaire donne 23 = 8 types de participations possibles. (22)

Gélinas (9), de son côté, recadre la recherche-action en regard de certains paramètres soit,le pouvoir du chercheur, la dimension du changement et les représentations du réel des chercheurset des acteurs. Cest ainsi qu'il a reconnu cinq (5) types de recherches-actions.

La recherche-action objectivante

La recherche-action y est redéfinie comme une "entreprise" où le chercheur devient l'êtreobjectivant par excellence. Sur le terrain, il tente avec les acteurs de rationaliser l'action de cesderniers, tout en se référant à un cadre conceptuel donné. On met ici l'accent sur l'aspect recherche.Le chercheur est reconnu comme le détenteur d'un savoir homologué et le décideur de la réalité. Larecherche-action objectivante permettrait donc aux acteurs d'avoir une explication de leur agir. Lesenquêtes "feedback" utilisées lors de démarches de diagnostiques organisationnelles peuvent êtreclassées dans ce type de recherche~action.

La recherche-action müitante

Ici on ne réfère plus, comme dans la recherche-action objectivante à un savoir scientifiquemais à un système de valeurs cohérentes, jugées comme valables. Même si la terminologie change(prise de conscience, mobilisation), la dynamique reste la même, c'est-à-dire que le chercheurdétenteur d'une idéologie déclenche une prise de conscience chez les acteurs sociaux en we de

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favoriser une lecture de la réalité. L'action du chercheur est principalement orientée vers laredistribution du pouvoir, en faveur des groupes minoritaires. C'est une approche souvent favoriséepar les animateurs sociaux.

La ,recherche-action politique

Cette dernière se différencie de la recherche-action militante, selon l'auteur, sur la questiondu pouvoir. Dans ce type de recherche, les chercheurs concernés possèdent le pouvoir et cherchenten déclenchant une prise de conscience chez les acteurs sociaux à implanter des innovations, deschangements politiquement souhaitables, avec l'aide de la connaissance scientifique. Les Sommetséconomiques organisés par le gouvernement du Québec pourraient s'inscrire dans ce type derecherche-action.

La recherche-action technologique

Elle est centrée SUT les découvertes technologiques et l'implantation d'innovations, deprocédures particulières. Par exemple, à l'heure actuelle, on assiste en éducation, à l'implantationde nouveaux programmes. Les schèmes d'implantation ressemblent à des processus de recherche-action. Le changement est alors pré-défini

La recherche-action interprétative

Dans les quatre types de recherches précédentes, le pouvoir de recherche comme celui duchangement est accordé aux chercheurs, dans un contexte d'implantation de solutions optimales. Lesproblèmes y sont très souvent assimilés à des réalités objectives insatisfaisantes que l'observation etl'analyse des faits permettent de mettre en lumière.

La recherche-action interprétative pose comme postulat que les problèmes (10), (11) desorganisations sont des représentations subjectives, des constructions mentales que se fait un acteurlorsqu'il est conftonté à une réalité perçue par lui comme insatisfaisante. Ce type de recherchereconnaît l'existence de visions multiples du monde chez les acteurs et l'émergence de changementsorganisationnels sans établissement préalable des innovations et des objectifs poursuivis. Le pouvoirde recherche et de changement y est accordé aux acteurs et le chercheur y jouera désormais un rôlede synthèse, de conception et de support.

La recherche-action de type interprétative met l'accent non pas sur les contenus (solutions)mais sur les processus. Les travaux de P.B. Checkland (12) en Angleterre sur l'application de lasystémique à la solution des problèmes organisationnels et sur la méthode des sytèmes souples enparticulier s'inscrit dans ce type de recherche-action.

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7. L'INSTRUMENTATION

Le terme instrumentation réfère à 1 ~ ensemble des moyens que se donne le chercheur pour

atteindre ses objectifs. L'instrumentation est donc l'appareillage matériel et conceptuel qui permetde passer: .du niveau des informations non significatives sur le plan épistémique à des donnéessignificativés, pertinentes par rapport à une problématique de recherche. Comment les données sont.elles recueillies, transformées, interprétées en recherche-action?

Selon Goyette et Lessard-Hébert qui ont fait une rewe de littérature exhaustive sur le sujet(13), l'ensemble des méthodes utilisées en recherche-action se caractérisent par une souplesseméthodologique consentie pa,r le chercheur, souplesse ou marge de non contrôle qui varie selon lesa priori et les finalités du chercheur. Les auteurs prétendent qu'il ne faut pas opposer la recherche-action à la recherche expérimentale sur le plan instrumentale. Le savoir scientifique peut se construiresur d'autres modes que le mode expérimental et la recherche-action n'est pas la seule à explorerd'autres avenues. Ses méthodes ne peuvent donc être définies strictement par opposition à ce dernier.

"la méthode de recherche est un moyen au service du chercheur et des autres personnesdirectement impliquées par la recherche, il n y a pas de méthode unique, absolue, ensciences humaines comme le soutien le langage positiviste. " (22)

La souplesse méthodologique que nous posons comme caractéristique de la recherche-actiondifférents niveaux et à différents degrés à l'intérieur d'un niveau.manifester àpeut se

Au IÙveau du mode d'investigation, si nous nous référons au modèle de Paul de Bruyne (14),les recherches-actions se situeraient, selon les problématiques étudiées, sur un continuum s'étendantde l'étude de cas à l'expérimentation sur le terrain en excluant évidemment l'expéri-mentation en laboratoire et la simulation. Dans le cas par exemple où la recherche-action, commeon la voit souvent en gestion, vise à évaluer, à décrire, souvent par modélisation ou à comprendre unesituation particulière concrète en tenant compte de la vision qu'en ont les acteurs, l'expérimentationne conviendrait pas aux chercheurs. Le mode d'investigation choisi serait alors l'étude de cas ou

l'analyse comparative (multicas).

La souplesse méthodologique est également observée au rnveau de l'utilisation destechniques de recueil de données. Ainsi l'enquête informative se doublera ou encore setransformera en une enquête feedback, une enquête participative ou une enquête conscientisante.Une place plus importante pourra aussi être donnée aux informations qualitatives par rapport auxinformations quantitatives.

Quand un chercheur professionnel entreprens une recherche-action avec un groupe depersonnes-acteurs, clients, practiciens -, le choix de la méthode ou des techniques et desinstrumentations peut être prédéterminé par celui-ci. Il assurera alors une souplesse méthodologiqueà un autre niveau - les techniques elles-mêmes, le mode d'investigation ou la définition de l'objet

problème de recherche -. Ce choix peut aussi être semi-déterminé et être le résultat d'une négociationou d'une participation des acteurs à la sélection ou à l'élaboration des instrumentations.

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Enfin il est aussi possible de reconnaître une souplesse méthodologique au ruveau de ladimension temporelle de la recherche-action. En recherche, la méthode est souvent considéréecomme un ensemble d'opérations conscientes et plus ou moins systématiques - phases, étapes -,s'inscrivant linéairement dans le temps et dont le rôle est de permettre l'atteinte des objectifs fixés.En recherçhe-action, les méthodes s'ouvrent sur une conception non linéaire du temps. Leurdémarche devient une sorte de spirale, une boucle d'apprentissage où le retour des informations entreles différentes phases est recherché et accepté comme une source possible de modifications quant audéroulement de la recherche ou de l'action.

8. DES LIM:ITES

Notre étude nous a amené à constater certaines limites ou conditions spécifiques de la pratiquede la recherche-action, dimensions nouvelles que nous caractériserons en terme d'objet d'étude et enterme d'évaluation des résultats.

En terme d'objet d'étude

Le "mode" de recherche pratiqué en recherche-action n'est pas universel en ce qu'il ne peutêtre applicable à tous les domaines scientifiques. Il nécessite l'existence d'une action et d'acteursparticipatifs, ce qui n'est pas le cas dans la plupart des sciences pures telles la chimie ou lamathématique. La recherche-action s'adresserait donc spécifiquement aux sciences dirigées vers lesactivités humaines (sociologie, éducation, gestion, etc.). Mais tout en s'adressant à un type descience spécifique, on peut constater que la pratique de la recherche-action, dans la diversité et lacomplexité de son objet d'étude, appelle, peut-être plus souvent que dans d'autres types de recherche,la participation de chercheurs de disciplines variées ou pour le moins, d'un chercheur multidiscipli-naire, afin d'éclairer tous les aspects du vécu des acteurs, dans la problématique qu'ils rencontrent.La pratique de la recherche-action exige un effort d'interdisciplinarité (15) chez les chercheursparticipants. De la même manière que chercheur( s) et acteur( s) doivent s'entendre sur des valeurscommunes et des objectifs mutuellement acceptés, les chercheurs de différentes disciplines doiventaussi conjuguer leur vision propre et leurs théories ou pratiq~es spécifiques.

U ne autre limite à son universalité: la recherche-action ne peut porter sur tous les typesd'actions vécues par les groupes ou organisations. Ainsi, une action de très courte durée peut plusdifficilement faire l'objet d'une recherche-action, celle-ci nécessitant un temps d'ajustement et surtoutun prohlème donnant matière à la recherche.

À la question de savoir qui seront les acteurs impliqués dans la recherche-action, la réponseidéale serait: toutes les personnes touchées par le problème rencontré. Mais il est rarement possiblede convier à une même table de travail toutes les personnes vivant directement ou indirectement unproblème donné ou étant touchées par les changements effectués au cours de la recherche-action.Aussi, est-il nécessaire de définir clairement les acteurs qui participent directement à la recherche-action et de situer la limite que constitue la restriction faite à la participation d'autres personnes,touchées mais non présentes.

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En terme d'évaluation

TI s'avère que la recherche-action est une activité difficilement planifiable. On ne peut prévoirà quel moment un besoin surgira du milieu ni quand le chercheur trouvera un groupe ou uneorganisation ressentant assez vivement un problème, perçu d'abord par lui, pour s'engager dans unprocessus de recherche de solution et de changement organisationnel. De plus, lorsque le processusest engagé, il est difficile de planifier son déroulement car celui-ci est trop dépendant de l'action elle-même. La recherche-action ne doit donc pas se construire ou s'évaluer en terme de calendrier maisen terme de phases successives (phases délirnitatives, descriptives, évaluatives et décisionnelles) (16).

La diffusion des résultats de la recherche-action aux premiers intéressés que sont les acteurs,dans un langage qui leur est accessible, ne devrait pas poser de problème si la phase d'évaluationglobale de la recherc~e-action est effectuée conjointement par acteur(s) et chercheur(s) et si ledocument à diffuser est accepté et signé par les partenaires. Cependant, les résultats doivent aussiêtre diffusés à la "communauté scientifique" afin d'être é~alués critiqués et réutilisés par d'autreschercheurs ou d'autres groupes de recherche-action.

C'est au rùveau de cette diffusion que se situe le problème de la reconnaissance scientifiquede la recherche-action. Le style et le vocabulaire de la publication, escamotant parfois certainesformes ou un 'Jargon" propre à la science appliquée, peuvent dévaloriser la présentation des résultatsaux yeux des tenants d'une recherche plus "classique" dont la forme et le vocabulaire sont plusfamiliers à la communauté scientifique.. L'objectivité des chercheurs peut aussi être mise en doutedu fait de leur engagement dans l'action. L'adhésion à l'action peut entraîner une mirùmisation dusens critique du chercheur. La recherche portant sur des activités humaines, il peut être difficile auchercheur de cerner toutes les variables et il lui est virtuellement impossible de les isoler. Aussi, ilpeut s'avérer que les résultats d'une recherche-action soient difficilement généralisables et nepermettent pas, en soi, de constituer ou de valider un modèle ou une théorie, la solution au problèmese révélant être trop spécifique.

Si une recherche-action ne permet pas nécessairement une généralisation, il peut cependants'avérer qu'un recoupement de plusieurs recherches-actions permette de dégager de nouveauxmodèles et, dans le prolongement du processus, d'élaborer de nouvelles théories. La validité"scientifique" de la recherche-action doit pourtant être établie et, pour ce faire, la communication desrésultats doit définir les théories, les modèles, les hypothèses et les méthodes de la recherche ainsi queleurs modifications survenues au cours de la recherche-action. Les résultats doivent être présentésde façon à permettre l'évaluation et l'insertion dans le bagage du savoir homologué.

La recherche-action ne peut être évaluée sur les mêmes critères qu'une recherche "enlaboratoire", En conséquence, Fernand Gauthier nous propose d'autres critères d'évaluation:l'évaluation devrait porter sur la validité interne de la recherche-action (correspondance des donnéesavec le problème défini) et la validité externe (extrapolation entre l'étude et les actions à venir). Larecherche-action ne devrait pas être évaluée sur sa capacité de répéter les mêmes résultats dans lesmêmes conditions (17), mais sur la pertinence pratique de ses résultats. La méthodologie peut être

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évaluée sur les critères suivants: objectivité de la méthode, pertinence de la solution face auproblème, importance du produit nouveau de la recherche, exhaustivité, crédibilité aux yeux dumilieu, opportunité (en terme de temps) des résultats, diffusion (18).

F açe aux limites et aux problèmes de la reconnaissance de la recherche-action en tant quemode de 'recherche scientifique, il serait facile de conclure négativement sur son utilité enadministration. Toutefois, ce serait reconnaître trop rapidement que le développement de la sciencede la gestion est sans problème et ainsi nous priver d'une avenue de recherche différente et, il faut ledire, "conviviale" avec certaines pratiques d'expertise.conseil dans le milieu universitaire et le mondedes affaires.

"The crisis in organizational science if reflected ln a conception of research as anaccumulation of social facts that can be drawn on by practitioners when theyare ready toapply them. This conception encourages a separation of theory from practice becausepublished research is read more by producers ofresearch than by practitioners". "Theprincipal symptom of the cr/sis is that as our research methods and techniques have becomemore sophisticated, they have also become increasingly less useful for solving the practicalproblems that members of organizations face (.. .). The crisis ln organizational science isalso reflected in the failure to recognise latent values behind the daim to neutrality abouthow knowledge is generated" (19).

La science de la gestion n'a pas, par exemple, comme la médecine développé de liensorganiques fort avec la recherche telle qu'on la pratique généralement dans nos institutions. Lesadministrateurs, les praticiens attendent rarement comme les médecins les percés de la rechercheuniversitaire pour résoudre leurs problèmes les plus importants. Dans ce contexte, la recherche-action peut s'avérer, malgré ses faiblesses apparentes, un mode de recherche scientifique fort utilepour faire le pont entre le monde de la pratique et de la recheche.

9. UNE PRATIQUE UNIVERSITAIRE

Les professeurs d'administration en contexte universitaire vivent un dilemme permanent entreles attentes professionnelles des étudiants et du milieu des affaires et les attentes scientifiques de lacommunauté universitaire.

UL 'observation démontre que (...) la collaboration université-milieu a été largementassumée entre autres, par les facultés d'administration (...) On ne compte plus lesnombreuses demandes de consultations et de sessions de formation (...) Malgré cessollicitations, (...) l'appareil universitaire continue d'imposer ses exigences qui seconcrétisent notamment par des critères d'évaluation lors des processus d'évaluation durendement et d'attribution de promotions. Cette situation provoque ce que Thoenig aappellé de véritables "états schizofréniques" où le professeur de gestion vit deux vies quirisquent de ne plus communiquer entre elles:" (20).

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Devant ces sollicitations souvent incompatibles, on assiste à une sorte de polarisation desprofesseurs autour des pôles vocationnels et académiques comme si l'un n'était pas essentiel à l'autrepour assurer la mission fondamentale des écoles de gestion.

La recherche-action telle que décrite dans cet essai pourrait se présenter, moyennant desmodifications dans les pratiques universitaires entourant la recherche, comme une méthode capableen certains cas de fournir aux tenants de l'implication professionnelle, les fondements méthodologi-ques d'une réflexion scientifique rigoureuse et pertinente avec le comportement organisationnel qu'ils

privilégient.

Ainsi, pour s'inscrire en tant que méthode de recherche universitaire, la recherche-actiondevrait pouvoir être reconnue et évaluée à trois niveaux: celui des chercheurs, celui de 1) Adminis-tration universitaire et celui des organismes de financement de la recherche.

Des colloques, des conférences annuelles devraient être aménagés où les intellectuelsimpliqués dans la recherche-action pourraient se rencontrer et s'évaluer afin d'en perfectionner lesméthodes et de diffuser les nouveaux savoirs qui en sont issus.

Pour sa part, l'Administration universitaire devrait se donner les moyens d'évaluer larecherche-action afin de juger de la pertinence de son insertion dans les tâches de recherche,d'enseignement et de service à la collectivité des professeurs impliqués.

Les organismes de financement de la recherche universitaire devraient aussi se donner lescapacités d'évaluer la recherche-action pour ses mérites propres afin de lui allouer les fondsnécessaires à sa survie et à son épanouissement.

Pour les besoins de l'avancement de la recherche en sciences humaines, principalement ensciences économiques et administratives, en ce qui nous concerne, il nous a semblé que le débatsoulevé par la recherche-action pouvait être à la fois utile pour questionner nos pratiques de rechercheet, pour encadrer un certain type d'activité peu valorisé dans nos écoles de gestion, soit l'interventiondans l'entreprise. Les hypothèses et les prétentions de la recherche-action demandent certes degrandes précautions et, probablement que son adaptation à la gestion requièrent des ajustements etdes développements significatifs. N'est-ce toutefois pas là une partie de la mission des écoles de

gestion?

Enfin dans le contexte d'une université qui se veut au service de son milieu, la recherche-action pourrait devenir un outil fort intéressant. Elle permettrait à l'université de mettre sescompétences scientifiques au service du développement de son milieu tant par la diffusion de sonsavoir que par l'organisation et la structuration du savoir empirique des acteurs. Enfin, une pratiquede la recherche-action bien institutionnalisée pourrait offrir aux tenants du pôle vocationnel dans lesécoles de gestion une base plus juste pour évaluer leur contribution au développement scientifiqueet au développement de la collectivité.

CONCLUSION

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BmLIOGRAPHIE

1. Cette définition s'inspire des travaux de Rapoport, R.N. sur la recherche-action. Voir enpar#culier "Three Dilemmas in Action Research" in Human relations, voL 23, no 6, TavistockInstitute ofHuman Relations 1970.

GOYETTE, Go Et LESSARD-HÉBERT, Mo, "La recherche-action: ses fonctions, sesfondements et son instrumentation", Gouvernement du Québec, Conseil québécois de larecherche sociale, juin 19850

2.

3. Dans le sens dm organisme".

GRELL, P. Et WERY, A, "Problématiques de la recherche-action", in La recherche-action enjeuxet pratiques, Rewe internationale d'action communautaire, 5/45, Québec, 1981, p. 124.

DESROCHE, Henri, "La pensée coopérative et ses pratiques sociales", document non publiéprésenté en conférence à l'Université du Québec à Chicoutimi, en octobre 1981, p. 226.

RAPOPORT, R.N., "Three Dilemmas in Action Research" in Ruman Relations, vol. 23, no 6,

4.

5.

6.

7.

Tavistock Institute ofHuman Relations 1970. p. 499.

LEWIN, K., "Action research and minority problems" in Resolving social conflicts, New York,Harper and Row, 1948.

La recherche-action: enjeuxet pratiques. Revue internationale d'action communautaire 5/45,Québec 1981. Ce numéro consacré entièrement à la recherche-action contient quelqus articlestraitant de classification et typologie.

8.

GÉLINAS, S., Arthur, "Systémique, recherche-action et méthodologie des systèmes souples",Conférence présentée au GRIR, UQAC, 14 janvier 1983.

9.

10. LANDRY, Maurice, "Doit-on concevoir ou analyser les problèmes complexes?", AngewandteSystem analyse/ Applied Systems Analysis/ Analyse des systèmes appliqués", band 2/Heft 2,1981.

1 L LANDRY, Maurice, "Qu'est-ce qu'un problème?", INFOR, vol. 21, no 1, février 1983.

12. CHECKLAND, P.B., "Systems Thinking and Systems Practice", Wiley, UK, 1976.

13. GOYETTE, G. et LESSARD-HÉBERT, M., "La recherche-action: ses fonctions, sesfondements et son instrumentation", Gouvernement du Québec, Conseil québécois de larecherche sociale, juin 1985.

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16

140 de GRUYNE, Po, de HERMAN, J. et de SCHODTHEETE, Mo, "Dynamique de la recherche ensciences sociales, Vendôme, Presses universitaires de France, p. 210, 1984.

15. Une recherche peut être multidisciplinaire lorsqu'elle rassemble des chercheurs de différentesdisçiplines autour d'une même problématique. Cependant, elle ne devient "interdisciplinaire"que lorsque ces mêmes chercheurs intègrent leurs disciplines les unes aux autres, mettant àprofit leur complémentarité, pour mieux résoudre un problème.

16. GAUTHIER, Fernand, Intervention au Colloque sur la recherche~action, Université du Québecà Chicoutimi, 8 et 9 octobre 1981.

17. Le concept de répétitivité a peu de sens en recherche-action, parce que les problèmes qu'elletraite ont peu de chance de se reproduire dans les mêmes conditions. Il n'y a pas deuxorganisations qui vivent exactement les mêmes réalités et, la même organisation n'est jamaisexactement deux fois la même dans le temps.

18. GAUTIllER, Fernand, op. cit.

19. Gerald & EVERED, Roger,Research", in Administrative Science Quartely,

SUSMAN,

20. F ABI, B. et JACOB> R., "'De la situation particulière des professeurs d > administration en contexte

universitaire", in La revue canadienne d'enseignement supérieur, voL XVI-l> 1986, p. 91-92.

21. Selon les définitions du Conseil des sciences du Canada, in : "La recherche fondamentale", étudespéciale no 21, décembre 1971,'p. 27 et "Objectifs d'une politique canadienne de la recherchefondamentale", Rapport no 18, septembre 1972, p. 19.

220 GOYETTE, Go, LESSARD-HÉBERT, Mo, La recherche~action, Québec, Presses de l'Universitédu Québec, 1987.

"An Assessment of the Scientific Merits of Actionvol. 23, December 1978, p. 582.