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L'imaginaire de Tigditt Dans Gens de Mosta de Habib Tengour 1 L'imaginaire de Tigditt dans Gens de Mosta de Habib Tengour LES MARABOUTS ET L'UNIVERS RELIGIEUX .................................. 4 LES DEUX ÉCOLES.................................................................... 6 LE CINÉ LUX............................................................................ 8 L'ÉROTISME ET LE RAPPORT À LA FEMME .................................. 10 L'ULYSSE D'HOMÈRE ET L'ULYSSE DE JOYCE ........................... 13 TIGDITT ET LA CENTRALITÉ DANS L'IMAGINAIRE.......................... 14 LE TEMPS DÉLIQUESCENT ET LES URGENCES DE L'HISTOIRE ....... 17 CONCLUSION ......................................................................... 19 GLOSSAIRE ........................................................................... 20 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................... 21 Les deux générations se rencontrèrent finalement, elles visitèrent un cimetière où elles eurent un mal fou à retrouver les tombes. Puis, dans la Suika voisine, point emblématique de tant de rencontres, elles ne croisèrent personne. Ainsi se termine le roman- poème Gens de Mosta de Habib Tengour 1 . Le texte, errance sans fin, traîne sans règle apparente à travers temps et espace. Malgré une référentialité à fleur de mots, il échappe, au dernier moment et toujours, à l'anecdote locale. La texture se présente comme un agencement significatif pris à l'insignifiance quotidienne d'un quartier. Cependant il s'en dégage une telle symbolique que l'écriture, dans une manière de condensation, atteint quelque part une dimension universelle. Le vieux quartier de Tigditt 2 imprime un cachet qui se retrouve chez chacun des personnages. Gens de Mosta est l'histoire d'une bande de jeunes dans un quartier populaire de la ville de Mostaganem, Tigditt. Ce lieu, perçu comme centre, est lui-même incarné par une place nodale, La Suika. 1 Tengour, Habib, Gens de Mosta , édition Sindbad/Actes Sud, Paris 1997, 142p 2 Tigditt (prononcez "tijdite") est un quatier populaire de Mostaganem, ville côtière de l'ouest algérien.

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L'imaginaire de Tigditt Dans Gens de Mosta de Habib Tengour

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L'imaginaire de Tigditt dans

Gens de Mosta de Habib Tengour

LES MARABOUTS ET L'UNIVERS RELIGIEUX .................................. 4 LES DEUX ÉCOLES .................................................................... 6 LE CINÉ LUX ............................................................................ 8 L'ÉROTISME ET LE RAPPORT À LA FEMME .................................. 10 L'ULYSSE D'HOMÈRE ET L'ULYSSE DE JOYCE ........................... 13 TIGDITT ET LA CENTRALITÉ DANS L'IMAGINAIRE .......................... 14 LE TEMPS DÉLIQUESCENT ET LES URGENCES DE L'HISTOIRE ....... 17 CONCLUSION ......................................................................... 19 GLOSSAIRE ........................................................................... 20 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................... 21

Les deux générations se rencontrèrent finalement, elles

visitèrent un cimetière où elles eurent un mal fou à retrouver les tombes. Puis, dans la Suika voisine, point emblématique de tant de rencontres, elles ne croisèrent personne. Ainsi se termine le roman-poème Gens de Mosta de Habib Tengour1. Le texte, errance sans fin, traîne sans règle apparente à travers temps et espace. Malgré une référentialité à fleur de mots, il échappe, au dernier moment et toujours, à l'anecdote locale. La texture se présente comme un agencement significatif pris à l'insignifiance quotidienne d'un quartier. Cependant il s'en dégage une telle symbolique que l'écriture, dans une manière de condensation, atteint quelque part une dimension universelle. Le vieux quartier de Tigditt2 imprime un cachet qui se retrouve chez chacun des personnages.

Gens de Mosta est l'histoire d'une bande de jeunes dans un quartier populaire de la ville de Mostaganem, Tigditt. Ce lieu, perçu comme centre, est lui-même incarné par une place nodale, La Suika.

1 Tengour, Habib, Gens de Mosta, édition Sindbad/Actes Sud, Paris 1997, 142p 2 Tigditt (prononcez "tijdite") est un quatier populaire de Mostaganem, ville côtière de l'ouest algérien.

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Le roman est représentation d'une centralité. La bande de La Suika est fondamentalement le produit de cet espace. Elle va se comporter selon un code qui va déterminer les personnages, mêmes lorsque ces derniers seront sous d'autres cieux, en d'autres lieux. Ce sont des péripéties d'un groupe marqué à jamais par un lieu. L'imaginaire qui va modeler la perception du temps et de l'espace, qui va dicter la parole et le geste, est engendré par un lieu , Tigditt, point de départ et aboutissement d'une narration spiralaire. La centralité qui confine au mythe est une donnée permanente de l'imaginaire des personnages.

Le roman ne peut être considéré ni comme une autobiographique, ni comme une pure fiction. L'écriture s'intègre dans le mythe universel d'un Ulysse bourlingueur, héros aux innombrables capacités, entre autres celle de fabuler3. Cité une douzaine de fois, le personnage d'Ulysse semble plus appartenir aux mythes obsédants propres à l'auteur que constitutif de l'imaginaire commun aux personnages de Tigditt4.

Le récit débute par l'affirmation de l'appartenance de la ville à un marabout5 et finit sur la place centrale de Tigditt, la Suika. Entre ce commencement et cette fin, l'écriture ne cesse de naître et de renaître de cet endroit matriciel pour expliquer ou dévoiler une histoire ou une anecdote qui se sont déroulées, parfois ailleurs, à Paris, Alger, Oran ou Schöppingen en Allemagne. En tout état de cause, pour les personnages, le méridien de Mostaganem (107)6, c'est à dire le méridien de Greenwich qui passe juste à côté de la ville en fait un centre de l'universel. C'est ce qui justifie et conforte l'imaginaire fortement rattaché à ce lieu, centre des parties et du tout. Cette centralité qui s’installe dés le début, ne fait que s’enraciner au fil d'une expérience systématiquement ramenée à l’univers tigdittien et/ou au souvenir commun. Si au début elle peut être assimilée à un égocentrisme juvénile, par la suite, elle se déploie dans toutes les directions spatiales, dans toutes les strates temporelles comme références d'un imaginaire. C’est la source et la ressource des personnages. Cette notion de centralité constituée

3 " Ce fieffé menteur " pour reprendre l'expression du peintre Mohamed Khadda en 4ème de couverture de L'arc et la cicatrice, éd. ENAL, Alger 1983 4 Voir paragraphe Ulysse et la bande de La Suika 5 Bâtisse en forme de coupole (koubba) qui abrite parfois le mausolée d'un saint de l'hagiographie musulmane 6 Les numéros en parenthèses renvoient aux pages de l'édition citée

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par un espace, Tigditt, et par un temps, élabore un nœud identitaire. Elle constitue le roman.

La bande de la Suika (11, 94,) évoque à la fois la tribu solidaire autour d'un nom, toponyme7 dans la pure tradition maghrébine mais aussi la bande de la cité en ce qu'elle se donne de repères communs et sécurisants pour ses membres. Des repères d'autant plus marqués symboliquement qu'ils peuvent la marginalité ou le refus de la norme admise. Cette bande se révèle être un clan avec ses règles. On relève le cérémonial du manger à l'entre acte du Ciné Lux8 : des morceaux de karantika9 ou des cornets de pois chiches au cumin (88);

Les rituel de baignade : il se rua vers la mer en se battant la poitrine et en poussant le cri de guerre de Tarzan...Toute la bande de la Suika plongeait comme ça... (94);

Les interdits : ne jamais faire intervenir la police dans les affaires, ainsi Habib escroqué, quoique involontairement, par son ami Larbi l'emmène sans lui dire mot jusqu'à un endroit désert où il le roue de coups sans autre forme de procès (111) et même la tenue de prédilection : l'exemple à suivre était celui de Harrag, un docker très respecté, aux traits burinés, toujours en bleu de chauffe et foulard à carreaux (27).

Le narrateur s'identifie et se fond dans cette entité socio-culturelle qui, à travers ses pratiques, va mettre en évidence l'idée qu'elle se fait d'elle-même, sa vision des choses. Ainsi les "gens de Mosta" sont d'abord et surtout la bande de la Suika dont l'écriture dévoilera les traits de caractère, les croyances et les mythes, l'imaginaire.

L'imaginaire s'élaborera toujours à partir de cette atmosphère spéciale de la Suika (140). Il s'articulera autour d'habitudes qui font le quotidien des personnages et des lieux emblématiques comme le Ciné Lux, salle de quartier qui fait partie intégrante des décors et des lieux. L'imaginaire aura pour arrière fond des conflits sociaux (66, 67 et70, 71), idéologiques (90).

7 Dans certains cas, les membres de la tribu portent un nom patronymique : les "Ben Ali", les "Ouled Henni". Ils peuvent avoir un toponyme du lieu qu'ils habitent : les "Seddaoua" portent le nom de leur région faite de "sed" (haie, retenue colinaire,..) 8 Nom de la salle de cinéma du quartier 9 Sorte de pizza à base de pois chiche, spécialité culinaire de la ville, la "karantika" est d'origine espagnole, et a été introduite à Mostaganem vers la fin de 2° guerre mondiale.

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Les marabouts et l'univers religieux

Le roman s'ouvre sur une phrase-clé : Mostaganem est la ville de Sidi Saïd et se termine au cimetière de Sidi Mazouz, mitoyen à la Suika. Le narrateur cite pêle-mêle Sidi Kaddour (11), Sidi Mansour (12), Sidi Abdellah (13), Sidi Bou Abdallah (14), Sidi Amar (14), Sidi Abderrahamane (16), Sidi Abdelkader (16), Sidi Al Houari (17), Sidi Boumédiène (17). Par la suite il sera fait mention de bien d'autres personnages religieux. Ainsi l'imaginaire des personnages se révèle tissé autour de ces marabouts, autour d'habitudes votives. Le culte des saints est une manifestation fondamentale de l'imaginaire maghrébin 10. Dans Gens de Mosta , la relation est existentielle, la bande vit dans le culte des saints. Le quotidien représenté se déroule entre coutumes et croyances. Très jeune, le narrateur est traîné chaque jour à une koubba (mausolée) que sa mère allait visiter : la plupart des femmes … se rendaient à Sidi Mansour... (12).

Certaines pratiques ont marqué le narrateur. Ainsi, pour faire cesser les cauchemars ma mère, précise-t-il, plaça un couteau sous mon oreiller (30). Cette "thérapeutique" se rattache à un réseau de croyances qui assistent les personnages face à la difficulté et aux problèmes quotidiens. Elle trahit une pensée magique qui enveloppe les protagonistes et dictent leur conduite.

Nous remarquons également le rituel ordonnancé qui accompagne tout départ : les parents du passager ne disaient mot. Ils versaient de l'eau sur le quai .... C'était la maman qui était chargée d'accomplir le geste. Elle pouvait être remplacée par l'épouse ou la sœur, un enfant parfois; en aucun cas par un homme.....Le baquet d'eau écarte le mauvais œil....il ramènera à sa famille, sain et sauf, l'aventurier repenti. (55). La superstition se traduit par un rituel dans lequel chaque détail compte. La précision tatillonne du rituel justifie l'éventuelle inefficacité en l'attribuant à une application imparfaite. Les ratés alors incombent seulement à l'erreur humaine. Récitée en oubliant un mot, Ayate El Koursi 11 (verset du Trône) perd son efficacité absolue et ne protège plus son récitant que partiellement (22).

10 cf. Le culte des saints dans l'islam maghrébin , Emile Dermenghem, éd. Gallimard, Paris 1954 11 Ayate El Koursi, verset du Trône , Coran, édition bilingue traduction de Salah Eddine Kechrid, Ed. El Gharb El, Islami, Beyrouth 1983, Sourate II, aya 254

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Les parents craintifs interdisaient (à leurs enfants) d'aller se

baigner tant que les génies marins n'avaient pas encore assouvi leur appétit pédophile rituel en engloutissant dans la jubilation les sept victimes de l'été... (87). Dans ce cas, les croyances imposent un calendrier et une date à partir de laquelle les baignades deviennent licites et surtout sans danger. Dans l'imaginaire propre à Tigditt, chaque année estivale débute par un nombre magique12 de noyés. Ce rituel comportemental régule les habitudes des personnages en installant une date à partir de laquelle on peut se baigner sans danger. Il est manifestation d'un imaginaire qui attribue à la mer des propriétés mythologiques et installe une saison.

Dans l'écriture de Habib Tengour, les marabouts apparaissent comme des relais entre les personnages et l'Entité divine. Cette dernière étant perçue comme omniprésente et omnipotente, les protagonistes se laissent régir par des "intermédiaires de proximité" qui se chargent d'une intercession efficiente. Les marabouts fonctionnent comme des tuteurs du vœux de chaque personnage dans la singularité de son rapport à la Providence universelle : J'avais, prenant à témoin Sidi Kaddour dans sa tombe, juré à Dieu. le Très Haut... (27).

La bande évolue dans une ambiance maraboutique. Un maraboutisme tranquille qui permet de faire face aux maladies et aux difficultés de tous les jours, qui introduit les doléances personnels auprès d'un Dieu Universel, protecteur et référent. Ce sont les koubbas13 qui, le plus sûrement, délimitent les lieux et les répartissent en espaces bénis ou pas, balisent l'imaginaire lui-même, établissent des aires d'influences où règne la baraka de tel ou tel marabout. Leur fréquentation est surtout le fait des mères qui y emmènent souvent leurs enfants en bas âge et développent chez ces derniers au moins une habitudes des rites, des mythes et de la pensée magico-religieuse. Ainsi appréhendant un malheur le narrateur pose comme augure qu' un lévrier noir aurait hurlé la veille, au point du jour, du côté de la koubba de Sidi Maazouz....la pleine

12 Le chiffre sept se retrouve dans beaucoup de rites à travers les religions. Il est "le sens d'un changement après un cycle accompli et d'un renouvellement positif" (J. Chevalier et A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Laffont/Jupiter, 1982; art. sept, p.860) 13 Coupole qui est soit la tombe soit l'indice de la baraka d'un marabout. Elle prend dans ce dernier cas le nom de maqam

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lune avait des taches de sang en son milieu....l'épée bifide de l'imam Ali avait brillé dans le ciel à l'ouest (61). On peut citer le cas du jeune conscrit qui assure à des oreilles prêtes à le croire qu'il a vu le président Boumédiène14 ressusciter dans la caserne où il accomplit son service national (80). Sa mère non seulement le croit mais diffuse avec conviction la nouvelle : c'est la croyance au retour du héros mort15.

Les deux écoles

L'école communale est perçue comme un lieu de rencontre privilégié des membres de la bande. Aux yeux des enfants, certains instituteurs sont des personnages positifs M. Martin nous chouchoutait. J'aimais M. Martin (21). Il y a aussi des enseignants algériens tels Monsieur Henni dont on précise, comme il se doit, qu'il est originaire de Mazouna. Mais le plus craint par la bande c'est bien M. Chérik. Son véritable nom est accompagné du qualificatif monsieur dans l'enceinte de l'école. Par contre, dans l'usage quotidien, il est surnommé Cheikh16 zouaoui (pour rappeler son origine kabyle). Cette manière de toujours lier un individu à sa lignée, sa tribu ou sa région d'origine est ordinaire dans l'univers représentée. Cependant, et par opposition, les jeunes de la bande n'ont que des prénoms. De plus, ils agissent et réagissent sans tenir compte des origines rurales de chacun. Les tribus ne comptent plus : être "fils de Tigditt" suffit très largement ; il est même plus valorisant aux yeux de la bande.

Les enseignants Français ne sont pas décrits dans leur pratique pédagogique mais en tant qu'entités appartenant à un monde parallèle. Ils ne sont pas pour autant assimilés au colonialisme dans la mesure où ils sont souvent très proches des personnages écoliers M. Martin m'incitait à développer mes aptitudes (27) et où ils peuvent être, eux aussi, victimes d'une injustice Mais je n'ai jamais tenu M. Martin pour responsable de notre élimination. Le pauvre maître, je l'imaginais plus dépité d'avoir été berné que je ne pouvais l'être moi-même (29). Cependant dans

14 Il fut président de l'Algérie de juin 1965 à sa mort en décembre 1978. 15 Donnée naturelle au monothéisme qui pose la mort comme une étape. La possibilité d'une résurrection est constitutive d'un imaginaire articulé autour d'un triptyque : le monde puis l'au-delà avec le paradis et l'enfer. 16 Cheikh veut dire littéralement vieux mais avec une notion de vénérabilité, il évoque la sagesse, le savoir, le respect. C'est aussi le titre d'enseignant dans le parler populaire de l'ouest algérien.

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l'imaginaire des enfants, c'est Cheikh Zouaoui qui présente les caractéristiques des héros de leurs films et bandes dessinées préférés. Il est courageux, rude et tient la dragée haute à ses collègues européens. Ainsi, suite à l'injonction levez le nez de Cheikh Zouaoui qui corrige le levez la tête de Monsieur Esclapez, le narrateur précise que Cheikh Zouaoui n'était pas un plaisantin. Le Directeur s'éclipsa sans prononcer un mot.. (29).

Mais cette école républicaine est laïque (20), comme le précise le directeur, n'a pas le monopole de l'instruction. En effet, il existe une structure complémentaire mais incontournable : l'école coranique de Cheikh Adda (18). Cette dernière est le lieu de la résistance linguistique. On y met en garde contre toute désaffection pour l'arabe classique (19). Dans l'imaginaire des personnages, elle a le mérite d'exister sans plus. Selon Cheikh Adda ,elle présente tous les aspects de la lutte identitaire et culturelle que mène le pays. La bande de la Suika fréquente les deux institutions, mais sans conviction, et l'assiduité y est plus que médiocre car Un garçon de Tigditt ne devait être ni studieux ni soigné de sa personne comme une fille ou un fils à maman des beaux quartiers. Il fallait être cancre (27)

Se situant de part et d'autre de la même rue, l'école et le

cinéma ont chacun leur personnage mythique : sur l'écran, le cow-boy, héros du Ciné Lux, et dans la cour de Jeanmaire 17 Cheikh Zouaoui, sans peur et sans reproche. Les deux endroits sont des lieux d'activités intenses mais très différentes. On va à l'école parce qu'on y est obligé par les parents. Elle permet toutefois de rencontrer les copains, d'échafauder toutes sortes de plans pour la journée ou la semaine. On va au cinéma juste en face quand on peut se le permettre. C'est l'endroit des tractations les plus folles, des rêves. Entre Ciné Lux et Jeanmaire, les jeunes fantasment sur les stars hollywoodiennes ou projettent soit de se venger comme les Indiens — c'est le cas de l'élève Moumen on se vengera de tout ça! On les exterminera jusqu'au dernier! (21) — soit de réussir le jeu scolaire comme le narrateur : je jurais que je serais sage et bon élève (27).

17 Nom de l'école communale du quartier

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Dans l'imaginaire de la bande, l'école de M. Esclapez, le directeur, est un passage obligé. L'école coranique du Cheikh Adda l'est aussi, mais à moindre titre. Ce sont d'abord des lieux-prétextes de rencontres et de vie. L'un et l'autre diffusent des vérités graves que les enfants ne prennent pas tellement au sérieux. Les adultes qui dirigent ces institutions sont "déphasés" aux yeux des enfants la bande. L'un jure que les superstitions ne franchiront jamais le portail de l'école.. (20) pour un médaillon que les enfants se disputent, l'autre prêche qu' ils (les Français) poursuivaient des intentions sataniques (19). Finalement, pour les enfants, l'école reste un moyen de se voir plus longtemps, de fomenter des coups. Elle contribue surtout à la cohésion du groupe.

Le Ciné Lux

Le cinéma du quartier, le Ciné Lux, occupe une place prépondérante dans l’imaginaire de ceux de La Suika. Il se révèle repère et lieu d'ancrage des personnages je m'imaginais dans un rôle joué par Burt Lancaster ou Kirk Douglas. J'imitais souvent la dégaine de mes deux acteurs favoris... (27). C'est un lieu de rencontre, de rêves, de complicités entre les éléments de cette bande de jeunes, d'autant plus qu'il est situé en face de l'école Jeanmaire qu'ils fréquentent quotidiennement. Plus tard alors que les personnages évolueront ailleurs ou auront perdu leur qualité d'habitués de cette salle, elle restera toujours, avec les films qui y auront été vus, une référence à travers les joies, les peines. La salle de ce cinéma restera étalon d'appréciations.

Le cinéma constitue un critère de progrès. Ainsi, le narrateur constate, désappointé, que dans un village allemand il y avait beaucoup de signes de développement mais il n'y avait pas de cinéma... (103). Le cinéma permet de juger et de comparer des statuts socio-économiques, par exemple la superficie d'un appartement: il avait une de ces piaules, je vous dis pas ! L'espace du Cinémonde ! 18(103) Le cinéma peut être un lieu-refuge : un pauvre bougre éploré qui avait payé sa place afin de s'apitoyer dans le noir sur son sort ou sur quelque drame obscure qu'il devait porter comme un fardeau... (34). C'est aussi le lieu des connivences et des

18 Cinémonde est la plus grande salle de cinéma de Mostaganem, bâtiment imposant de 1700 places, il aurait eu le plus grand écran d'Afrique du Nord à son ouverture en 1958. Il est situé dans la partie européenne de la ville.

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tractations : Hmida19 avait payé cash. Cinquante douro20s au boiteux, le caissier du Cinélux pour avoir la photo (de Sivana Mangano) ... (87). Les films, quant à eux, constituent une véritable fenêtre sur le monde : ...ces noirs américains de la Louisiane – il l'avait vu au Cinélux... (114). Les paysages proposés par cette salle obscure transportent les personnages vers d'autres horizons et aiguisent les fantasmes de la bande.

L'imaginaire est alimenté, non seulement par les films du

Cinélux, mais aussi par la lecture des bandes dessinées. Les deux pratiques contribuent à forger un comportement élaboré autour d'un modèle de personnage et d'une conduite typique. Ces deux activités proposent l'exemplarité d'un idéal basé sur le courage, l'adresse, la solitude de l'être d'exception, à travers des personnages de cow-boys sans peur et sans reproche que racontent les films L'homme qui n'a pas d'étoile (14) et Vera Cruz (21). L'équivalent en bandes dessinées est Kiwi (116), qui met en scène un "Ranger" orphelin, très jeune et épris de justice ou Rodéo (116) dont le héros est aussi un "Ranger" redresseur de tort, taciturne et indien d'adoption. Autre référence à la B.D., Pim Pam Poum (116) retrace les facéties de turbulents triplés qui ne cessent de poser pièges et attrapes à des adultes tournés en bourriques. Pour la bande de La Suika c'est une revanche sur les adultes.

Dans cet univers de l'image, il faut faire une place à part à Ulysse (88)21. C'est est un film qui met en valeur l'obstination, la force, la communion avec la nature mais aussi le nécessaire "coup de pouce" des Dieux. Ce type de héros se retrouve quelque part dans la bande dessinée Tarzan et Akim (20) qui présentent elles aussi un personnage courageux, généreux, maître des bêtes, luttant contre les méchants avec la "baraka"22 des sombres dieux de l'Afrique profonde.

19 Ce prénom en soi est indice spatial; il ne se rencontre comme prénom masculin qu'à Mostaganem sous la forme H'mida. Partout ailleurs en Algérie c'est un prénom de fille Hamida, plus conforme au demeurant à la grammaire arabe. 20 Appelation de monnaie héritée des Espagnoles, un douros est une pièce qui vaut cinq centimes. 21 Ulysse, film italien de Mario Camerini, avec Kirk Douglas, 1954 22 La baraka, la bénédiction, est omniprésente dans le Maghreb. Recherchée auprès des vieux, au terme d'une bonne conduite ou d'une bonne action, elle régit le quotidien de manière permanente. Elle est évoqué à tout propos et dans les situations les plus inattendues.

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Le mythe de Tarzan est celui de l'homme naturel; par sa force et son intelligence, il parvient à affirmer sa supériorité absolue sur les animaux, mais il se montre aussi capable de l'emporter sur l'homme social, "civilisé" 23.

Le combat social, aisément confondu avec le nationalisme ambiant, transparaît dans la référence au film Rome ville ouverte24 (74) où la lutte des Romains contre le fascisme se superpose à l'évocation de Blek le Roc (88) un trappeur américain indépendantiste qui combat les anglais colonialistes Ceci n'est pas sans rappeler la lutte de libération vécue par les personnages. Le film Riz amer25 (87) traite de passions, de sentiments et de questions sociales, de l'histoire du peuple et en même temps du destin des individus. Cependant il est évoqué surtout pour la vedette féminine, Silvana Mangano, qui incarne une dimension érotique que nous reverrons plus loin.

Dans le chapitre intitulé La fusillade, le narrateur raconte la panique de la population lors d'une fusillade au centre de Mostaganem : une brouette avec un balai – je ne l'invente pas, ma cinéphilie ne me jouerait pas un tel tour - dévalait toute seule les larges escaliers de la mairie. (66). Il s'agit d'un pastiche de la célèbre séquence du monument cinématographique Octobre26. L'imaginaire du narrateur convoque alors ouvertement un film célèbre, superposant l'évènement local à une symbolique universelle.

L'érotisme et le rapport à la femme

Dans Gens de Mosta, l'imaginaire est fortement bridé par l'environnement social. De ce fait la dimension érotique est rarement représentée. Elle se décline, à l'occasion, atténuée par l'énonciation, surtout si elle implique le milieu "indigène". C'est le cas de Safa le savetier, assagi après une jeunesse tumultueuse, et de Lebia la veuve digne et réservée. Cette femme se présente pour faire confectionner une paire de chaussures à son fils. Le cordonnier tombe sous le charme : il ne pouvait se dominer; il était subjugué

23 Encyclopédie® Encarta 2000, article "Tarzan" 24 Rome, ville ouverte film italien de Roberto Rossellini, 1945 25 Riz amer, film italien de Giuseppe De Santis, 1949 26 Film soviétique de Sergueï Eisenstein, réalisé en 1927. Il raconte les premiers jours de la Révolution Bolchévique.

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par l'élégance hautaine qui émanait de la présence de la jeune femme.....Il rêvait: la mère doit être douce et blanche, et belle aussi!...Elle a une voix caressante et chaude ...splendide...Ah! disait-il, Comme je brûle de la contempler dévoilée...Ne suis-je pas en train de me séparer de moi-même (46). Le sentiment est comme décuplé par la distance imposée par les conventions sociales et établie selon des paramètres de bienséance. Car dans l'espace romanesque de Tigditt, véritable espace insulaire, tous les personnages sont comme enserrés dans un code comportemental rigide. Cette distance procède d'une attitude dictée par la religion et les coutumes. Ainsi, le savetier est subjugué par la seule présence féminine. Il a l'impression d'un rêve, son but ultime est de contempler cette femme dévoilée — dévoilée veut dire dans le contexte culturel représenté, sans le voile blanc que les femmes portent. Il voudrait seulement la regarder en tant que personne sans ce voile qui cache et magnifie, qui efface et impose la femme. Il veut l'adorer sans la toucher. Safa, au passé sulfureux, aux relations féminines innombrables, Safa le repentie, Safa le célibataire endurci plie devant cette image de réserve et de retenue. Il s'en dégage un désir, un attrait indicible. L'artisan finit par se demander s'il n'est pas en train de se séparer de lui-même. Par la suite, son échoppe restera fermée, fait rarissime et dont l'explication ne sera fournie que par Touati, un garnement fureteur adepte de l'école buissonnière. Il affirme avoir vu ensemble, dans un endroit retiré, Safa enlaçant Lebia (48). Son allégation est tellement inadmissible qu'il n'en récoltera que des corrections: Lebia était la veuve la plus honnête de la ville...Quant à Safa c'était un saint (48). Touati refusera de se dédire pour autant.

L'imaginaire représenté élude, occulte ou rejette violemment tout discours qui dérange ou menace l'ordre établi, les préjugés et les certitudes. L'imaginaire érotique se déploie dans une dimension essentiellement fantasmagorique. Il se borne au constat de la disparition de l'homme Safa et ne cherche nullement à tirer au clair les véritables raisons de l'éventuelle fugue de la femme Lebia. Les informations la concernant appartiennent à la sphère privé de sa famille, au cercle intime de ses proches qui cachent, camouflent le fait pour autant qu'il soit vrai. L'univers féminin est soigneusement dissimulé, il ne peut être que potentiellement dévalorisant, honteux et tabou.

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La situation est différente dès lors qu'il s'agit des marabouts. A titre d'exemple, il est fait état de l'empoignade de Sidi Abdallah avec la femme de Sidi Bou Abdallah .(15). L'histoire est raconté par une femme à une autre femme. mais ce qui me laissa dans l'embarras fut le naturel avec lequel la femme relatait l'incident comme si la séparation des sexes ne touchait pas ces gens-là. Dans son récit les hommes et les femmes se rencontraient, se parlaient normalement; ils manifestaient en public leurs sentiments sans en être gênés (15). Ainsi, dans le cadre des croyances traditionnelles, l'imaginaire refréné des personnages accepte que les oualis27 soient dispensés des convenances et des interdits. Ces personnages composent une catégorie à part, ils sont eux mêmes éléments de cet imaginaire. . Le texte confirme la séparation des sphères féminine et masculine, deux mondes à part, avec chacun son système, son réseau de communication, ses lieux de rencontre28.

L'imaginaire de la bande ne se permet de brefs et torrides insinuations que lorsqu'il s'agit de personnages étrangers au monde indigène comme les stars de cinéma: il y avait Silvana Mangano! Elle était pulpeuse et savait aguicher les hommes. Ils en bavaient devant l'écran (87). L'érotisme est alors explicite. Il évoque la femme en provocatrice de dépassements Il détailla longuement la photo (de Silvana Mangano)....elle lui rappelait...les sensations excessives Désespoir et enthousiasme se mêlaient quand se manifestait un remous étrange dans le ventre. Les premiers éveils blêmes à la moiteur du corps, le cliché lancinant du paradis perdu... (87). L'imaginaire est ainsi tourmenté par ses propres contradictions, ses tabous, ses fantasmes. Mais, dans son évocation du désir, le texte est clair et sans ambiguïté ni euphémisme car le personnage ciblé est étranger à la communauté. Dés qu'il s'agit de personnages de Tigditt, l'implicite reprend le dessus et la relation redevient distante : Benchaa qui allait encore au hammam avec sa mère, jura qu'il avait vu le sosie de Silvana Mangano et qu'il avait frôlé son pagne dans la chambre chaude (87) Sur le plan érotique, l'imaginaire représenté fait ainsi une distinction nette entre étrangères et autochtones. Pour les unes, un certain degré de l'explicite est admis dans l'expression du désir. Pour les autres il ne peut se révéler qu'à travers un voile de décence imposée par la

27 ouali est le dénominatif arabe de marabout 28 cf Pierre Bourdieu, Sociologie de l'Algérie , PUF, Que sais-je? Paris 1958

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culture et la relation de groupe au sein d'un système de valeurs donné. Donc au niveau de l'énonciation afférent à l'érotisme, on constate une expression relativement explicite en direction des personnages étrangers à Tigditt et une autre, feutrée relative aux gens des lieux. Cet érotisme à deux vitesses installe une démarcation spatiale qui annonce l'effet d'insularité que nous verrons.

L'Ulysse d'Homère et l'Ulysse de Joyce

Ulysse est d'abord un héros incarné par un acteur prestigieux, Kirk Douglas. Sa dimension d'homme courageux et d'aventurier est d'autant plus grande qu'elle est présentée par Hmida — qui est supposé avoir vu le film à Oran. Hmida acceptait de nous raconter le film, entremêlé de ses aventures personnelles, dont beaucoup étaient fictives (88). La bande intègre ainsi le mythe dans son imaginaire collectif. Le texte pose d'autre part le héros Grec en tant que mythe obsédant et personnel du narrateur–auteur dans un rapport à l'insularité (pour l'Ulysse Grec) mais aussi dans un rapport à l'écriture pour ce qui est de l'Ulysse de James Joyce29

Cette référence constante à Ulysse, aventurier courageux, voyageur ayant quitté son attache, superpose Ithaque à Tigditt, points de départ et de retour au bout de pérégrinations interminables. Ithaque comme Tigditt, sont origines des personnages, références majeures et points d'aboutissements escomptés au bout de l'errance, de l'exil. Tigditt perçu dans ses particularités, Tigditt tellement différent du reste du monde, présente un effet d'insularité maintes fois confirmé par le texte. Il y a vingt ans que j'ai quitté l'île (98).dit un personnage pour raconter son exil du quartier natal. Cette insularité est perçue comme une marque qui détermine l'appartenance. Les spécificités de cet espace sont revendiquées par les personnages : je connaissais mon île (100).

Au fil du texte, le personnage d'Homère et le personnage de Joyce alternent ou se superposent. L'un au niveau du fond, des événements et l'autre dans la forme narrative. Il s'agit, dans cette deuxième lecture, d'un Ulysse promeneur égaré, harassé, dans un espace où la symbolique renvoie aux mythes universels Il s'agit de

29 James Joyce, Ulysse ,éd. Gallimard, Paris (1ère édition 1922)

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dire les Gens de Mosta, toutes proportions gardées car Hasni répétait souvent que Mostaganem n'est pas Dublin (57).

Ulysse le Grec, vu au CinéLux, c'est l'aventure, le voyage, le courage. C'est l'homme tel que défini par le code d'honneur de la bande de La Suika. C'est aussi celui qui n'oublie pas ses racines et met dix ans d'obstination à les retrouver, une quête identitaire. Ulysse l'Irlandais, connu du seul narrateur-auteur, est un flâneur urbain, une errance écrivante. Ainsi se confondent l'écriture d'une aventure au quotidien et l'aventure d'une écriture. C'est l'ivresse de l'irrationnel ; c'est la poésie dans sa liberté, dans son expression jouissive. Il y a deux Ulysses, l'un illustre un critère fondamental de la littérature algérienne dans son angoissante problématique identitaire, l'autre incarne l'offensive formelle de cette même littérature dans sa négociation avec la modernité. En fait, la recherche d'une nouvelle manière d'écrire et d'exprimer en français une situation hors normes françaises.

Il y a un Ulysse pour la bande. Il est incarné par la dégaine mythique du héros hollywoodien, raconté par Hmida et adulé par tous, un Ulysse Grec explorateur d'architectures ensoleillées, d'espaces géographiques lointains, avec son seul courage et son lancinant désir de retourner à son origine, Ithaques. .Il y a aussi l'Ulysse du narrateur, un Ulysse Irlandais explorateur d'espace langagier et créateur d'architectures textuelles. C'est ce personnage qui transparaît dans l'écriture romanesque à travers une écriture qui semble déambuler à travers des histoires articulée autour d'un centre. . D'un paragraphe à l'autre, Tigditt se retrouve. Point de départ, point d'arrivée, évocation, référence, il est omniprésent dans la sinuosité signifiante de l'écriture. Lorsque les personnages évoluent hors de l'espace central qu'est le quartier, l'imaginaire propre à Tigditt continue à se manifester comme un label. . Présence/absence, thème obsédant, narration spiralaire, renvois récurrents, l'esprit de l'Ulysse de Joyce est dans l'écriture du roman Gens de Mosta.

Tigditt et la centralité dans l'imaginaire

A chaque fois, au détour d'un paragraphe, le narrateur se situe à Paris, Alger, Oran ou en Allemagne. Et c'est en changeant de paragraphe que les protagonistes se retrouvent de nouveau, encore

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et toujours à Mostaganem, dans l'atmosphère spéciale de la Suika (140). Le roman est une suite de boucles qui partent et reviennent sur Tigditt et l'ensemble n'est qu'une grande boucle avec toujours le même point d'envol et le même point d'aboutissement. Sadeq énonce un fondement de l'imaginaire du roman : nous autres, gens de Mosta....nous ne supportons pas de vivre loin de notre ville...nous manquons d'air partout ailleurs (137). L'histoire est fondamentalement agencée autour d'un ailleurs auxiliaire et d'un ici vital.

Le narrateur pose systématiquement l'ailleurs par rapport à Tigditt comme n'étant que le théâtre d'actions inspirées par le souvenir de la bande, par sa manière d'agir, par un imaginaire constitué dans et en fonction de l'atmosphère spéciale de la Suika . L'histoire qui se passe en Allemagne commence d'abord à Mostaganem, à la terrasse d'un café avant de se déployer dans un flash-back à Schöppingen pour finalement revenir au lieu de départ. Le narrateur pose une "qualité d'être" qui serait propre à Tigditt et qui transparaîtrait dans toutes les péripéties des personnages toujours pris comme appartenant à la bande de la Suika. L'ailleurs peut être témoin de tragédies dont les répercutions aboutiront à Tigditt. L'écriture consacre un centre inamovible et des sites de circonstances, une constante éternelle et des occurrences éphémères. L'ailleurs est toujours le prolongement du lieu de la permanence onirique, Tigditt. Ce lieu, sans lien apparent avec cet ailleurs, a les propriétés d'une île isolée dont l'influence est constante à travers la relation dialogique et l'imaginaire des personnages, quel que soit l'endroit où ils sont. Tigditt, a également une fonction synecdotique en ce sens que partie, elle représente un tout. Ce fragment de Mostaganem est le lieu de départ mais aussi l'aboutissement de la vie. C'est le début et la fin de tout. Ainsi, le personnage-narrateur n'aimerait être enterré nulle part ailleurs que dans Tigditt (114).

A travers des va-et-vient incessants entre l'enfance et l'âge

adulte, entre l'origine de toute pensée, Tigditt, et le lieu, plus ou moins lointain, où se situe éventuellement l’action, se profile, malgré les analepses multiples, un déroulement chronologique qui fait basculer l'histoire dans une actualité pleine de drames. Il y a une

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première séparation entre époque coloniale et indépendance, une autre séparation entre enfance et maturité des personnages. Ces repères temporels se superposent dans une énonciation qui installe au fur et à mesure du temps une déliquescence. Le récit établit alors un "âge d'or" défini par l'insouciance, la convivialité d'une société faite de quiétude sans opulence, d'une effervescence en vase clos. Cet avant où tout allait bien en dépit des conséquences de la colonisation (très atténuées dans le texte) s'oppose à un après fait de fusillade, de cercueils, marqué par les séquelles de l'intrusion frénétique d'un ailleurs qui se signale par des morts ou des violences. Cet après raconte surtout le temps de la dispersion pour la bande de la Suika qui ne fait que se rencontrer sporadiquement dans la commémoration de souvenirs communs mais dans des lieux désormais méconnaissables.

Cependant demeurent les règles comportementales instaurées par l'imaginaire spécifique au quartier. Ils régissent les personnages en tout lieu et en tout temps. Ceci accentue la singularité des personnages et accentue leur sentiment d'insularité.

Tigditt se singularise également à travers une manière bien à lui de marquer l'espace. Ses rues portent des numéros contrairement au reste de la ville : rue 21 (20) ou rue 33 (21). Cette situation est due à une initiative des services psychologiques de l'armée française30 confrontée à la complexité topographique et architecturale de ce quartier frondeur. Une fois les initiateurs de cette organisation partis et la logique des numéros dévoyée par un usage anarchique, ce souci de contrôle et d'embrigadement de l'autorité militaire coloniale s'est transformé en un savoir d'initié démarquant celui qui est de celui qui n'est pas de Tigditt. De ce fait, seuls les indigènes perçoivent le sens d’une continuité spatiale à travers la discontinuité des numéros de rues et de maisons. Ces continuités perçues à tour de rôle par les divers protagonistes se combinent ensemble et construisent l’espace-temps des personnages qui est la réalité vivante du quartier : de places en rues, de lieu-dits en encoignures pour initiés. Des numéros pêle-mêle désignent officiellement chaque rue. Ne s'y retrouvent que les personnages du roman.

30 Ce sont les SAS (Section de l'Armée Spécialisée) qui ont travaillé dans la proximité, ont fait l'îlotage et ont dressé des plans urbains pour contrer l'activité clandestine des nationalistes.

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Le temps déliquescent et les urgences de l'histoire

L'imaginaire des personnages perçoit le temps comme un facteur de dégradation. Plus on remonte dans la chronologie et plus les valeurs étaient conformes au code des gens de Mosta31. Plus le temps avance et plus se profile une déliquescence des relations sociales accompagnée d'une dispersion des acteurs sociaux (ceux de la bande de la Suika). Dans les années d'avant-guerre (mondiale), le narrateur évoque deux condottieri, mi-coupeurs de routes, mi-bandits d'honneur et qui incarnent le mythe du faible dépassant sa situation pour devenir justicier. Amar32 et Bouziane33 sont des personnages dont la vie mouvementée a donné lieu à la constitution d'une véritable mythologie locale qui se retrouve dans l'imaginaire des gens de Mosta. Pour la bande de la Suika, ils s'apparentent fortement aux héros de bandes dessinées, et en particulier à Blek le Roc dans sa lutte contre la soldatesque anglaise pour l'indépendance de son pays, l'Amérique. A la même période — il y eut le typhus...On disait que la guerre allait éclater... (51) — l'amitié telle qu'imaginée par les personnages, trouve sa pleine réalisation dans la relation du savetier Safa, assagi après une jeunesse sulfureuse, avec l'imam34 incarnation de la quiétude. Pour ce qui est de la décennie 1950-1960, le conflit oppose certes les patriotes de Tigditt (26) aux soldats français, mais l'univers de la bande de la Suika se présente comme en décalage par rapport à la tragédie nationale. Il constitue un monde assez hermétique qui enregistre, de temps à autre, en échos, les répercussions de ce qui se passe à côté de la vie de la bande.

Ce n'est qu'après l'indépendance — dont on ne perçoit pas la marque dans l'imaginaire des personnages — que commence la dispersion : Habib et Larbi en Allemagne (102 et sq.), Hasni vivant l'exil à Paris (54). Vient ensuite le chapelet des drames : la guerre au Sahara, l'enfer des sables (60), le conflit social représenté par la fusillade (66 et sq.). Puis c'est l'explosion populaire d'octobre 88, suivie par la représentation d'un mal qui ronge le pays (l'intégrisme). Comme nous l'avons vu plus haut, la bande de la Suika persiste,

31 Cette décadence temporelle est aussi très présente dans l'écriture de Rachid Mimouni, notamment dans L'honneur de la tribu, éd. Laphomic, Alger, 1990, 213p 32 De son vrai nom Amar Benguella, bandit d'honneur, mort au maquis vers 1945 33 De son vrai nom Bouziane El Kaali, véritable mythe mostaganémois 34 Ce personnage est l'unique ami du mystérieux Safa. Cet imam aurait été à la tête de la petite zaouia dite de Sidi Hamou Cheikh mitoyenne à La Suika

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mais essentiellement dans l'imaginaire des personnages devenus adultes et qui ne se rencontrent plus que de temps à autre. Les nouvelles contradictions qui seront à l'origine de la rupture sociale en Algérie ne les impliquent que partiellement. Ce viatique identitaire basé sur le souvenir commun maintient la vie du groupe, même si ses éléments ne sont plus ensemble. Dès qu'ils se rencontrent, l'évocation fait figure d'identification, d'affiliation au groupe, de démarcation vis-à-vis des autres. Elle présente un aspect sécurisant d'appartenance à un ensemble, un aspect gratifiant — être un ancien de la bande, un initié possédant le bon code.

L'écriture tout en évoquant des faits historiques dramatiques tels que la colonisation puis l'explosion sociale après l'indépendance, atténue pourtant dans son énonciation la dimension idéologique. Le chapitre La parade met en évidence une inégalité inhérente au colonialisme, une injustice socio-politique mais la confine dans un espace restreint, l'école, qui au demeurant n'occupe qu'une importance relative dans l'imaginaire enfantin. Certes, les adultes s'affrontent par le biais de termes dont les signifiés posent l'existence de deux imaginaires identitaires opposés ( levez la tête! dit M. Esclapez; levez le nez! (29) lance Cheikh Zouaoui) mais la bande observe et prend parti, sans plus.

Après 1962, le sentiment d'être un opprimé qui doit se conduire en courageux redresseur de tort à l'instar des héros du Cinélux, s'estompe pour laisser place à un constat face à une situation de dégradation qui s'installe dans le quotidien altéré des personnages devenus adultes. La bande n'est plus là. Les lieux sont un ailleurs par rapport à Tigditt : la guerre se déroule au Sahara35, la fusillade au centre de la ville36, l'explosion populaire37 à Oran. Tigditt se contente "d'encaisser" les drames venus d'ailleurs — Bientôt chaque maison du bas quartier eut sa caisse38(64). Tigditt se constitue en victime propitiatoire. Rien ne dérange sa tranquille innocence. Il est clos, déphasé et serein. C'est un univers autonome, vivant en autarcie dans une effervescence bon enfant, dans un

35 Il s'agit d'un conflit algéro-marocain au désert du Sahara Occidental (extrême sud marocain). L'Algérie soutenait le mouvement nationaliste Polsario 36 Il s'agirait d'émeutes de lycéens en 1982 37 L'allusion renvoie à l'émeute populaire généralisée d'octobre 1988 38 Il s'agit du cercueil de conscrits morts pour une cause mal admise par le peuple

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quotidien qui s'auto-suffit à travers la rumeur de ses cafés, des ses hammams, de son marché et surtout de sa place, la Suika.

Conclusion

Gens de Mosta est un roman qui met en scène un groupe de personnages, la bande de la Suika, évoluant dans un espace circonscrit. C'est leurs relations, leur perception, leurs pratiques et leurs souvenirs qui font la trame et déclinent un imaginaire dont les points forts sont les marabouts, l'école, le cinéma de quartier, les événements historiques et finalement la dispersion et l'exil. Vers la fin quand le narrateur et un ami de son père n'arrivent pas à retrouver les tombes, le constat tombe : Mosta est mort (118) pense le narrateur; Adieu, fils de Khlouf... (122 et 128) égrène la chanson39. L'imaginaire du narrateur apparaît alors conservateur, refusant la nécessaire négociation avec les mutations sociales. L'imaginaire de Gens de Mosta présente des aspects particulièrement attachants mais il s'inscrit sans aucun doute contre l'innovation, le changement. Il se cantonne dans un passé qui fait des lieux un espace fermé et fige le temps historique en un mythe personnel imaginé après coup. Le narrateur finalement se reconnaît une certaine versatilité : c’est la mémoire (qui)…nous fait défaut (124)

Gens de Mosta est finalement un constat poétique du souvenir

heureux d’antan opposé aux réalités éclatées actuelles. Ce passé commun s’avère être le meilleur refuge contre un temps que les personnages vivent mal. L’imaginaire reste vivace nourri de réminiscences auréolées d’une immunité magique, sûr de son fait : Mostaganem demeure sous la protection des saints…C’est notre particularité ! (137)

Mansour Benchehida

Mostaganem, mai 2001

39 voire glossaire

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Glossaire

Adieu fils des Khlouf : c'est un célèbre poème de la tradition orale, composé par Sidi Lakhdar Ben Khlouf. Son originalité tient au fait qu'il constitue un véritable code de conduite sous forme de testament. Chanté de nos jours par les chanteurs populaires, il oppose, sur le mode de la résignation douloureuse, l'exemplarité des Anciens à la déliquescence supposée des temps présents.

Cheikh : veut dire littéralement "vieux" mais avec une notion de vénérabilité. Il évoque la sagesse, le savoir, le respect. C'est aussi le titre d'enseignant dans le parler populaire de Mostaganem et de nombreuses régions d'Algérie

Koubba : il s'agit ici de la bâtisse en forme de coupole (koubba) qui abrite parfois le mausolée d'un saint de l'hagiographie musulmane. Cette construction est soit la tombe réelle, soit l'indice de la baraka du saint et alors elle prend le nom de mqam

Suika : place du quartier de Tigditt. Elle est bordée par la totalité des cafés de Tigditt. Sert de marché et de lieu de rencontre. Il existe deux suika, une basse (suika tahtania) et une haute (suika fougania). Seule Suika "la haute" est connue et citée dans le roman. Haut lieu de la "Fida", organisation de guérilleros urbains, elle a été surnommée "El Qahira", Le Caire, vers la fin de la guerre de libération. Elle occupe une place prépondérante dans l'imaginaire des gens de Tigditt, représentés dans le roman.

Marabout (Ouali, en arabe algérien) : saint homme qui marqué son époque et dont la bénédiction serait toujours efficace pour ceux qui le visitent et le sollicitent.

Sidi : marque de déférence qui précède le nom d'un saint : Sidi Boumédiène, Sidi Saïd, etc.

Sidi Lakhdar : de son vrai nom Abou Mohamed Lakhal Ben Abdellah Benkhlouf El Maghraoui. Né dans la tribu des Zaafria vers 899 H./1479, mort à l’âge de cent vingt cinq ans vers 1024 H/1585. Il vécut longtemps à Mazagran. Un des poètes majeurs de la littérature orale traditionnelle, il est surnommé "Le laudateur du Prophète".

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