Le vin dans l'imaginaire

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ACTES DU COLLOQUE"COMMUNIQUER AUTREMENT?

Le vin dans l’imaginaire"13 novembre 2015, à Ferrals-Les-Corbières

universitéD E L A V I G N E A U V I NL’ É C O L E B U I S S O N I È R E D U L A N G U E D O C

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AvertissementCes actes sont une retranscription des interventions orales

de l’Université de la Vigne au Vin qui s’est dérouléeà Ferrals-les-Corbières le 13 novembre 2015

Directrice de la publicationNadine Franjus-Adenis

Conception du colloqueLa Buissonnière du Vin,Nadine Franjus-Adenis

CoordinationSonia Cassaigne, CIVL, CCRLCM.

Prise de son et numérisationClaude Rubio

Régie vidéoAlexandre Pachoutinsky - La Onzième Toile

Transcription et rédaction des actesIsabelle Briat-Souveton

PhotographiesAlexandre Pachoutinsky, Jean-Benoît Roubinet

Mise en formeJean-Benoît Roubinet

CIVL6, Place des Jacobins

11100 Narbonnewww.universitevignevin.fr

© CIVL/CCRLCM - août 2016

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Sommaire

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2015 : l’année des changements...................................................................................................5Note d’intention .........................................................................................................................7

Les représentations du vin Savoir parler du vin ................................................................................................. 14 Myriam Huet, auteur oenologue-conseil pour la Maison Richard Les signfications de la dégustation............................................................................. 22 Kilien Stengel, Université Rabelais à Tours, auteur Le paradoxe de la communication sur le vin .............................................................. 36 Arnaud Terrisson, responsable des affaires publiques, Vin et société Le vin au goût de Dieu .............................................................................................. 37 Georges Ferré, Historien La révélation des Sciences. Evolution des outils ......................................................... 38 Gordy Pleyers, professeur-chercheur Université de Louvain Les grands témoins. .................................................................................................. 42 De la marque à l’AOC : Jean-Claude Mas, Domaine Paul Mas Le succes story des vins Brumont : Alain Brumont, Château Montus et Bouscassé Communiquer autrement Evolution de la communication ................................................................................ 45 Hervé Hannin, directeur Institut des Hautes Etudes de la Vigne et du Vin, Montpellier Supagro Evolution des stratégies ............................................................................................ 56 Sébastien Narjoud, consultant formateur L’effet lobby auprès des prescripteurs ....................................................................... 62 Elodie Le Dréan-Zannin, Sud de France développement L’influence du web : Les précurseurs ......................................................................... 68 Michel Remondat, Directeur fondateur de Vitisphere Miss Vicky Wine et les starts up du vin en communauté ............................................ 76 Anne-Victoire Monrozier, bloggeuse pour l’Express, fondatrice de «Vinocamp» Echanges avec le public ............................................................................................ 82 Introduction à la dégustation .................................................................................. 102 Les vins d’altitude : Myriam Huet, oenologue-conseil pour la Maison Richard

Dégustations Pause vigneronne, «Les vins des paroles vigneronnes» ........................................... 108 Dégustation thématique, Vins d’altitude ................................................................ 108

Culture vigneronne Volèm dire al país, Six vignerons s’expriment sur et dans leur pays. ................................... 110 Vidéos avec La Onzième Toile Chronique occitane, « Le vin pour délier les langues », Alan Roch .....................................113 Echappées musicales, Les Jardiniers d’Epicure .............................................................. 120 Exposition photos, La Vigne de la Fraternité ................................................................. 121

Remerciements ...................................................................................................................... 131Présentation de l’équipe ......................................................................................................... 132

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2015 : L’année des changementsChangement de gouvernance :Une organisation professionnelle et un ancrage de proximitéSuite à la disparition du Pays Corbières & Minervois, le Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL) et la communauté de communes de la région lézignanaise Corbières et Minervois (CCRLCM) se sont associés pour maintenir la manifestation qui réalise ainsi sa dixième éditionLa commune de Ferrals-les-Corbières est toujours le partenaire privilégié de l’Université de la Vigne au Vin. Elle met tout en œuvre pour accueillir chaleureusement la manifestation ainsi que tous les participants.

Une communication connectée :Changement d’organisation et d’outils.Compte tenu de l’évolution des moyens techniques de communication et de l’importance grandissante des réseaux sociaux, La Buissonnière du Vin, toujours à la conception et l’organisation de l’UVV met en place une disposition interactive et participative pour dynamiser et valoriser la journée du colloque. Ce changement se fera sur trois années. Le colloque de 2015 est celui de la mutation. On peut noter que cette mutation répond aux objectifs d’ouverture de la manifestation ainsi qu’à l’amélioration de son impact. Vitisphere, est désormais partenaire de l’Université de la Vigne au Vin pour développer la communication sur le Net et le réseau des professionnels.

Une réflexion interactive :Streaming et site wikiCette nouvelle organisation permet à tout public de participer à la manifestation bien avant le jour du colloque. Le thème est présenté sur le site wiki, nourri des informations au fur et à mesure de la construction de la journée et des discussions. Les vignerons et les intervenants peuvent poser des questions avant le jour J, ils auront des réponses sur ce site wiki. Certaines questions seront

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reprises pendant le colloque. Le jour même, il sera également possible de poser des questions en direct via les réseaux sociaux. La table ronde de l’après-midi sera diffusée en streaming, les conférences, témoignages, table ronde seront diffusés sur le site en différé.Après le colloque, le thème pourra toujours être débattu sur le site wiki de l’UVV. Les vignerons pourront poser des questions et les intervenants s’engagent à leur répondre. On peut imaginer, dès 2016, l’implication des vignerons et des universitaires dans la future construction du colloque qui permettra de mieux évaluer les besoins de la profession.L’Institut des Hautes Etudes de la Vigne et du Vin est toujours le partenaire universitaire privilégié de l’Université de la Vigne au Vin.

Pour en savoir plus :

Site historique et espace presse :www. universitevignevin.fr (devient site interactif en 2016)

Site interactif :http://vigneauvin.net/

sur les réseaux sociaux : @univvin #uvv2015

Université de la vigne au vin

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Note d’intentionParlez-moi de vin, je bois vos paroles...

La communication autour du vin est en train de changer. Les consommateurs s’intéressent à l’univers du vin autant qu’à son goût. Les supports et le contenu de la communication doivent évoluer. Le temps de la seule fiche technique comme argumentaire est révolu. Il faut répondre à une autre demande, plus sensible et plus humaine, une envie de prendre des distances avec les conventions des experts. Le vin porte en lui de nombreuses représentations qui abreuvent la mémoire collective. Ce thème est une invitation à comprendre la puissance de l’imaginaire dans le désir de vin afin d’adapter son discours et sa communication.

Il y a deux sujets d’actualités qui motivent ce colloque quant à leurs influences pour l’avenir de la production et la culture vigneronne. 1. L’évolution de la réglementation pour la reconnaissance d’une différence entre information et publicité sur le Vin. (loi Evin) 2. Les trente ans des appellations d’origine contrôlée en Languedoc.

Et deux changements de fond qui conduiront toutes les tendances à venir 1. L’essor d’Internet qui engendre l’interactivité des consommateurs devenus prescripteurs et la disponibilité des informations précises sur les vins et vignobles 2. L’émergence d’une nouvelle génération de consommateurs « décomplexés » qui approche le vin sous l’angle du plaisir et de la convivialité plutôt qu’une science.

Le thème de cette année réagit à ces actualités en posant une question fondamentale« Comment représenter et savoir parler du vin ?»On étudiera les exemples de représentation du vin au travers de communications individuelles ou collectives. On verra comment les valeurs se déplacent dans le

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temps et vers quelle direction elles s’orientent. On découvrira les derniers outils des neurosciences pour mesurer l’impact psychologique du marketing sur l’acte d’achat.

La représentation est un sujet à la fois visuel et attractif. Il soulève des questions sur le pouvoir communiquant de la mémoire collective et son principal moteur : l’imaginaire.

La communication joue avec la mémoire consciente et inconsciente. Elle anime les souvenirs et promet d’en créer. Le plaisir et la convivialité sont les axes favoris de la communication. Ce sont aussi les meilleurs arguments du vin.

Nous utiliserons différents mode d’expression pour illustrer ces sujets : Conférences, témoignages, table ronde, vidéo, dessins animés, musique, images et dégustations.

Exceptionnellement cette année, des intervenants n’ont pas souhaité voir leur présentation publiée dans ces actes. La sensibilité de l’information liée à l’actualité et/ou sa valeur marchande sont les principales raisons.C’est le privilège du public dans la salle que de profiter de l’intégralité du programme.

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Michel Maïque,président de la Communauté de Communes de la Région LézignanaiseCorbières et Minervois

Xavier de Volontat,président du Conseil interprofessionnel des vins du Languedocet président de l’AOC Corbières.

Henri Garino,vice-président de la région Languedoc-Roussillon

Valérie Dumontet,vice-présidente du conseil départemental de l’Aude

Ouverture de l’Université

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Nadine Franjus-Adenis : Merci Madame et Messieurs, les politiques qui soutenez la production et la culture vigneronne. Vous avez d’emblée prouvé que le vin développe l’imaginaire chez ceux qui l’apprécient, Merci.

Communiquer autrement c’est :Savoir parler du vin sans le nommerCommuniquer autrement c’est :Choisir des mots qui font rêverCommuniquer autrement c’est :Savoir écouter les battements du Monde et l’envie de son voisin.

Mais Communiquer c’est d’abord avoir quelque chose à dire en plus de quelque chose à vendre. C’est l’objet de ces journées de l’Université de la Vigne au Vin.Nous allons commencer cette version écrite par « Les mots du vin » racontés par une oenologue-conseil pour la Maison Richard, Myriam Huet. Elle a animé la chronique Vin sur France Inter pendant plusieurs années auprès de Jean-Pierre Coffe dans l’émission « ça se bouffe pas ça se mange ». Myriam Huet y était remarquée pour la sincérité de ses commentaires et la qualité de ses choix.

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Savoir parler du vin :évolution des commentaires

Y a-t-il une objectivité ?Myriam Huet

Œnologue pour la Maison Richard

Faut-il être oenologue pour savoir parler du vin ?Voici un court extrait du livre de Myriam Huet « Le vin pour tous » aux éditions Dunod, c’est dans le Glossaire :C’est un heureux mélange entre le scientifique et l’amateur de vin.C’est aussi la preuve que Myriam Huet aime les mots autant que le vin.Myriam est-ce qu’on ne se prive pas d’un certain plaisir quand on se limite à dire d’un vin « j’aime ou j’aime pas ? »

Myriam HuetSavoir parler du vin ! Vaste programme. Et vous croyez que j’ai la solution ? Que je vais vous transmettre le secret du langage ? J’en serais ravie, si je le possédais.

Si l’on parle de communication, il serait bon de savoir déjà ce qu’on veut communiquer, et à qui. Que recherche la personne en face ? Elle recherche un vin pour frimer ? surprendre ? rassurer ? se régaler ? garder ? revendre ? partager ? Évidemment, on ne s’adresse pas de la même façon à un découvreur et à un buveur d’étiquettes. Une chose est sûre : un vigneron pourra souvent répondre à plusieurs envies. Et il doit formuler clairement les caractères et les points forts de chacune de ses cuvées.

Amélie, qui travaille pour des domaines viticoles à l’export, m’a parlé d’une méthode très utilisée dans les grands groupes anglo-saxons : « Tu prépares trois présentations de ton domaine, selon que tu auras trois minutes, dix minutes ou trente

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minutes pour le présenter à un acheteur. C’est efficace. »

Pour ces choses-là, bien carrées, ne me demandez pas. Je ne sais pas faire. Je déborde toujours ! Au mieux, je peux vous raconter ma façon à moi de voir les choses… une façon extrêmement personnelle. Et qui varie selon mon humeur. Bref. De la subjectivité à l’état pur !

« De toute façon, parler du vin, ce n’est jamais objectif… » Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Patrick Mac Leod, célèbre neurophysiologiste : « les goûts et les odeurs perçus par chaque individu dépendent autant de son génome que des molécules odorantes ou sapides qui le stimulent. » Ainsi, on ne percevrait pas tous la même chose ! Contrairement à la vision ou à l’audition, il n’existe pas d’observateur standard et chaque individu, en fonction de son patrimoine génétique, de son état physiologique, de ses expériences et de son environnement, a une perception différente des produits.

S’il n’existe pas de référentiel sensoriel commun à tous, difficile donc de communiquer, d’échanger…

Lorsqu’on s’attache à des descripteurs, comme sur les fiches de dégustation des Wset, on trouve toujours une majorité de gens à peu près d’accord sur les mots à employer… C’est comme les Qcm. C’est très cadré, et on ne laisse nulle place à des perceptions ou à des émotions non homologuées. Mais si on se laisse aller dans un champ totalement ouvert, si tous les mots sont possibles, alors gageons que nous n’en aurons pas tant que ça en commun !

Et oui. Comme le dit Patrick Mac Leod, nous sommes tous des « daltoniens du goût ». Rappelons-le, on ne perçoit pas tous la même chose ! Et les professionnels vont chercher le consensus uniquement pour se rassurer.

Mais alors ? La dégustation ne serait pas une science exacte ? Il n’y aurait pas d’objectivité dans la dégustation ? C’est sûr que non ! Chacun se laisse influencer par ses goûts, ses habitudes, sa mémoire…

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Par exemple, que vous évoque l’odeur du clou de girofle ? Le même vin, élevé en barriques et qui sent le clou de girofle, sera perçu comme très mauvais pour qui se souvient des rendez-vous chez le dentiste, alors qu’il séduira le voyageur qui revient de Bali enchanté, et il saura émouvoir le nostalgique du pot-au-feu de la grand’mère… Tout cela parce que la mémoire fonctionne par simultanéité. Une odeur vous a marqué. Elle s’inscrit dans votre cerveau, associée au plaisir ou au déplaisir que vous aviez, à ce moment-là, même si ces deux facteurs n’étaient pas liés.

Si on veut une objectivité dans la description des vins, si l’on en croit Patrick Mac Leod, il faut s’appuyer sur les sens physiques. La vue est généralement un sens très sûr. Tellement, qu’il peut modifier totalement vos perceptions et même votre comportement. Par exemple, une ambiance verte est apaisante… Elle évoquera la fraîcheur dans un verre de vin alsacien, au pied coloré. Une ambiance bleue est un peu froide, et dans tous les cas peu alimentaire. Elle fait ressortir l’amertume des tanins. Bref…, pas conseillée pour le décor d’un restaurant. Enfin, le rouge est euphorisant, excitant. Tout est meilleur, dans l’ambiance rouge… mais aussi un peu énervant, pour éviter que vous y restiez trop longtemps, et optimiser ainsi la rotation de la clientèle. Pensez-y lorsque vous irez manger une côte de boeuf chez… Tuttttt !

Le pire exemple fut une dégustation organisée par Frédéric Brochet avec des professionnels. Une fiche avec des descripteurs. Un premier vin, blanc… Un second, rouge. Les descripteurs étaient pour près de 80% des dégustateurs différents d’un vin à l’autre. C’était pourtant le même vin, auquel il avait rajouté un colorant inodore… Donc méfiez-vous de vos sens, lorsqu’ils sont trop sûrs !

On peut toujours se rabattre sur l’analyse du vin : décrire un vin autour de son degré, l’acidité totale, la volatile, l’indice de tanins… et se rendre compte que la même analyse pourra s’appliquer à des vins très différents dans leur pouvoir hédonique ! Car les notions d’équilibre et d’harmonie ne se mettent pas en équation.

Pour s’adresser à des consommateurs, à des néophytes, il faudra trouver

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les mots, faire passer des émotions. Et l’analyse n’est pas ce qu’il y a de plus poétique ! Déjà, pour décrire les odeurs, on va parler par analogie, avec toute l’imprécision que cela implique. On parle de rose, et pas de phényléthanol, de clou de girofle et pas d’eugénol, de pamplemousse et pas de mercapto-méthyl-pentanone ! Mais n’oubliez pas que nous sommes tous des daltoniens du nez.

Au-delà de la simple description, qui, comme on l’a vu, est très subjective, moi, j’aime bien planter le décor : raconter le vigneron dans ses vignes, parler du nord qui souffle, des vieux ceps de carignan qui s’enracinent dans la caillasse et résistent à la sécheresse, de la pluie qu’on attend encore…, et parfois, emportée par mon élan, j’évoque même la procession à Saint-Siméon, qui va jusqu’à la chapelle de Gasparets, lorsqu’on n’espère plus l’orage du 15 août !

Jacques Puisais déjà racontait que le chenin sentait la pêche de vigne parce qu’il y en avait dans le vignoble concerné. Et puis, on parle à tout va de minéralité alors même que souvent les notes dites minérales de pierre à fusil seraient dues au benzenemethanethiol, qui est d’une dimension empyreumatique et non pas lié à la présence de silex dans le sol !

C’est pourtant une jolie façon de redonner des racines, d’ancrer le vin dans son pays. La vigne n’est plus une plante, mais une façon de goûter le terroir. Et si les termes qu’on utilise ne sont finalement pas toujours exacts, ils nous permettent toutefois d’exprimer nos émotions et de les partager ! Cela dit, j’estime qu’il ne faut pas faire du faux. Le vin est suffisamment magique en soi, pour qu’on n’ait pas besoin d’inventer du rêve !

Je pense même que « la connaissance augmente le plaisir », comme le disait Jean-Paul Kauffmann à l’Amateur de Bordeaux. Donc, en expliquant le vin, en traduisant ce que l’on perçoit en bouche, on aide le néophyte à mieux comprendre. Et on lui donne envie d’aller plus loin, de se faire sa propre opinion, de trouver lui-même ses mots.

J’estime notamment qu’on ne peut apprécier totalement un vin si on ne peut pas le replacer dans son contexte géoculturel. Je rejoins en cela Pierre Casamayor,

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qui avait fait toute une conférence autour du tableau des Ménines, de Vélasquez. Qui s’est régalé d’un retsiné, sur l’île de Zante, avec les pieds dans l’eau, comprendra ce que je veux dire lorsqu’il le regoûte dans un restau parisien, sous une pluie de novembre… Le vin jaune du Jura ? Pouah ! il est complètement oxydé ! Les Bourgognes ? Ils n’ont ni couleur ni tanins !

Le pire, pour moi, étant le concours des Vinalies : on goûte et on juge sans rien savoir de l’origine, au nom de l’objectivité totale ! Quelle ineptie ! Peut-on juger un rouge de Loire de cépage cabernet de la même façon qu’une syrah rhodanienne ou qu’un grenache languedocien ? Doit-on en attendre la même chose ?

Je voudrais raconter les profils climatiques des vins, bel exemple de pédagogie, que je dois à mon mentor, Jean Verger, avec qui j’ai monté le Pavillon des vins à Charenton, il y a bientôt trente ans !... La France est partagée en deux par le 45e parallèle, à équidistance entre le pôle nord et l’équateur. Plus on s’approche du pôle, plus il fera frais. Plus on va vers le sud, plus les températures augmentent. Il ne faut pas oublier l’influence océanique à l’ouest, qui donne un climat tempéré, aux hivers doux et aux étés frais et humides, et l’influence continentale à l’est, aux hivers très froids et aux étés secs et chauds. C’est certes caricatural, mais ça peut aider à la compréhension générale, et ça permet d’expliquer rationnellement ce que je n’ai pas pu faire entendre aux oenologues des Vinalies : le contexte géoclimatique !

Mais en partant de cette France coupée en quatre, on peut faire un focus sur chaque région.

Par exemple, en Languedoc, où le Civl a bien découpé les différentes entités : l’Ouest, les Cévennes, le Littoral, la Montagne Noire, les Corbières… De la même façon, on fera un focus sur la vaste région des Corbières, avec les vins de l’Alaric, qui ont plus de tension, ceux de la montagne, plus de puissance, ceux de la zone maritime, plus de tendresse et ceux de Boutenac, plus d’élégance… Ne me demandez pas d’être objective !

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Pour arriver à passer le message, il faut donner les clefs, ce qui permet d’aller du général au particulier, du grand à l’infiniment petit. Et de progresser toujours.

Mais revenons aux mots. J’aime bien utiliser le triangle de Vedel, Tourmeau et Charnay. Rappelez-vous dans quelles conditions il a été créé. C’était lorsqu’on a décidé de faire déguster les vins avant de leur donner l’appellation. En 1970.

Je l’ai un peu simplifié, en évoquant les trois dimensions du triangle de Vedel… J’aime bien parler avec les mains. Décrire les tanins longilignes du cabernet sauvignon, les rondeurs charnues d’un marselan, la puissance robuste d’un Corbières et le côté anguleux des vins qui ont manqué de soleil !… trois dimensions ? Patrick Mac Leod me dit qu’il y en a au moins dix ! Je n’aurai plus assez de mains !

Mais attention à ne pas vouloir tout mettre en équation. Car, dans le vin, il y a aussi, parfois, l’émotion, la perception qui vous fait vibrer… certains l’appellent « minéralité ». Et d’autres l’« harmonie »…, l’impression que tout est à sa place. Les mots sont impuissants, dans ces cas-là, pour décrire l’émotion.

Alors, il faut savoir se taire et laisser le vin s’exprimer.

N. F.-A. : Nous allons continuer dans la dégustation et les mots du vin avec Kilien Stengel, venu de Tours par le train de nuit — il nous a raconté que ses voisins avaient parlé toute la nuit, donc encourageons-le pour mener une intervention bien nerveuse…

Kilien Stengel est l’auteur d’un très beau livre sur les poètes du vin - « Poêtes du vin Poètes divins » aux éditions écriture - dont j’aimerais vous lire un petit extrait : « la langue française a ceci de commun avec le vin d’être un fleuron immatériel du patrimoine national »… Kilien, à toi la suite !…

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Les significationsde la dégustation

Comment transmet-on la représentation du vin ?Quel avenir offre-t-on à ce capital culturel,

sachant que les pratiques alimentaires changent de statut à chaque génération ?

Kilien StengelUniversité Rabelais à Tours, auteur

Merci bien !… La notion de patrimoine est très à la mode de nos jours, et la patrimonialisation du vin vient répondre à ouvrir les frontières des différents discours territoriaux qu’on avait dessinées jusqu’à présent, et moi-même étant en partie alsacien, bourguignon, et maintenant tourangeau, je suis ravi d’être accueilli dans le Languedoc, et je vous en remercie beaucoup.

Pour ma part, en tant qu’ancien sommelier, je suis venu à cette Université de la Vigne au Vin pour vous parler. J’ai bien compris qu’il était écrit dans l’intitulé de l’université « de la Vigne au Vin », et cela me perturbe un peu, car finalement, il serait peut-être utile d’évoquer non pas uniquement la prescription du produit, mais également et surtout le consommateur, « de la vigne jusqu’au dégustateur, en passant par le vin » voilà qui m’aurait plu dans l’intitulé, pour souligner que le vin est une notion d’émission et de réception d’imaginaires. Pour ma part, je vais évoquer les utilisations paradigmatiques, des termes un peu ronflants, de la discursivité de la dégustation.

Entrons dans le vif du sujet avec des images un peu plus parlantes, où l’on s’aperçoit qu’en observant les différentes dégustations existantes — vous voyez sur la gauche diapo 2, K.S_presentation, par exemple, une dégustation hédonistique,

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et sur la droite, une dégustation analytique ou comparative, on s’aperçoit que le discours et les terminologies référentes utilisés dans les différents moments de dégustation amènent à des termes très différents. Autre situation de dégustation, la dégustation commerciale, celle sur laquelle je vais davantage m’attarder : ici,

deux illustrations, où l’on voit sur la gauche un personnage utilisant des valeurs communicationnelles, à travers sa tenue, son béret, sa façon de porter la bouteille; la dimension des produits présentés en nombre limité afin de laisser entendre une production tout aussi limitée. Et puis, l’on voit aussi des éléments communicatifs à ses côtés, où la personne amène sur un support des valeurs autour de la santé, autour du rattachement sur un domaine particulier, autour d’un label potentiel d’agriculture biologique. Je pense que la surdimension de ces différentes valeurs conduit à une perte d’identité, où une personne polycompétente n’est plus dans une situation d’expertise. En vis-à-vis, à droite, on a un autre acteur de la commercialisation du vin, qui jadis tenait un discours très poétique, ou lié au terroir ; aujourd’hui, on laisse entendre que les sommeliers ont fait évoluer leur discours et qu’ils se rapprochent plus d’un rapport au plaisir et à la sensibilité.

Ce qui est original, dans la dégustation, c’est qu’elle est souvent utilisée dans son organisation — qu’elle soit hédonistique, comparative, analytique ou commerciale —avec des mots clés, des verbes directeurs, et quand on observe

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ces verbes directeurs, il faut d’abord penser, ensuite émettre une hypothèse sur la viabilité du vin, puis émettre un argumentaire sur le vin et enfin conclure — autant d’éléments verbifiés qui viennent se rapprocher de la pure démarche scientifique, comme le font les scientifiques en laboratoire.

Alors, intéressons nous aux mots. Pour une dégustation, il faut utiliser les mots. Je m’appuierai d’abord sur ce que vous a dit Myriam précédemment, avec toute sa sensibilité, les mots que l’on pose nous ont toutefois été transmis par quelqu’un. Ces mots ont été plus ou moins choisis, sont venus par des biais divers, or, ils sont là pour codifier le discours que l’on porte, pour signifier les saveurs et les arômes.

D’où viennent-ils ? Des différents patois des différentes régions, des patois de vignerons ; ils nous viennent également des échansons — parfois on dit « échanzons », j’ignore pourquoi !… —, qui étaient là, non pas pour définir une qualité ou un discours qualitatif, mais pour observer la dangerosité du vin, c’est-à-dire qu’un « échanson mort », c’était un mauvais vin, s’il était encore vivant on pouvait le boire. Ensuite, le discours s’est construit par les courtiers, puis au XIXe siècle par des acteurs plus nombreux : les journalistes et auteurs gastronomiques tels que Raoul Ponchon et autre Bertall, qui sont venus argumenter un discours en direction du grand public. C’est ce qui m’intéresse véritablement, ces transmetteurs du discours envers le grand public.

Il faudra attendre le XXe siècle pour que les vignerons aient un contact commercial avec le consommateur comme on l’entend aujourd’hui, tandis que les courtiers et les oenologues n’ont jamais eu de contact avec les consommateurs. En dehors des auteurs ici présents, le dernier maillon en contact direct du client est celui des sommeliers (et cavistes), qui ont apporté une codification non pas régionalisée, mais nationalisée. Il faut attendre les années 1950, époque à laquelle ont été créées les formations de sommeliers, et les premiers référentiels d’enseignement comportant les éléments de langage du discours du vin. Pour ce prescripteur à destination du consommateur, à cette époque, les obligations d’acquisition de langage se présentent alors en une ligne : « connaître les vins de France ». En 1980, à la réforme du référentiel, on demande aux sommeliers de

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« connaître les Aoc » et de savoir classer et distinguer les vins. En 1990, les Aoc sont tellement nombreuses et diversifiées que ce pauvre gamin sommelier de 18 ans n’est plus capable de les apprendre par coeur…, donc, on lui demande de « connaître les appellations les plus courantes », — et là on entre dans le domaine de la subjectivité des connaissances du sommelier ou du serveur faisant fonction de sommelier. Et les cavistes ? vous me direz « Pourquoi ne parlez-vous pas des cavistes ? » !… Les cavistes, de nos jours, au contact direct des consommateurs, sont beaucoup plus prescripteurs que ne le sont les sommeliers, cependant, les cavistes sont, en grande partie, des sommeliers reconvertis — un peu comme moi, « sommelier défroqué », comme disait Myriam, j’aime bien ce terme !…

Ce qui est original, c’est d’observer ces prescripteurs, mais aussi tout ce qui est à disposition des consommateurs (les récepteurs).

Sur Internet, quand vous entrez « vocabulaire du vin » dans Google, voici le premier site, que vous trouvez : abcduvin.com, qui référencie environ 6 500 termes se rapportant au vin. Pour un consommateur, désireux d’aller acheter sa bouteille chez Nicolas, mais qui ne voudrait pas venir « la bouche vide », c’est-à-dire sans avoir de prérequis, inévitablement, il est perdu ! il est perdu face à cette liste de termes à retenir !… Alors, bien entendu, les sites sont organisés, les termes sont classés par catégories, termes visuels — que je ne vous apprendrai pas —, les termes olfactifs, — que je ne vous apprendrai pas non plus ! —, eux-mêmes catégorisés par famille et sous-famille… Et puis, les termes gustatifs qu’on organise en deux catégorisations : non seulement le moment gustatif, la temporalité gustative, c’est-à-dire la « longueur en bouche », les « fins de bouche », etc, et puis la notion de perception individuelle et de sensibilité. Alors, l’aspect sensoriel joue derrière cette notion de sensibilité, la racine « sens » est commune aux deux mots, et naturellement, la symbolique s’applique ici.

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Vous avez pu le voir dans ces trois tableaux, la présence des termes olfactifs est beaucoup plus prégnante que les autres, pourquoi ?… Là, je n’ai aucune réponse pour argumenter ce fait ; si quelqu’un savait m’éclairer sur ce point, je ne demanderais pas mieux… Par contre, il est intéressant de s’appuyer sur

certaines études telles que celles de Martine Coutier et Rachel Reckinger, respectivement linguiste et sociologue. Elles sont auteures de deux ouvrages nous éclairant sur le vocabulaire du vin, où elles laissent transparaître que le vocabulaire du vin utilisé à notre époque est avant tout chargé de valeurs symboliques ; et en second temps, d’approches historiques, déclinables en quatre époques : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1950, les journalistes gastronomiques tels que Curnonsky n’hésitait pas — c’était leur rôle d’après-guerre ! — à valoriser les régions au travers des « appellations régionales », tout juste nouvellement nées ; alors que dans les années 1970, on est davantage dans une culture de l’hygiénisme, avec un discours qui tournait plus autour de « l’hygiène des chais », « l’hygiène des cuves » ; dans les années 1980, on est dans la préparation politique de la décentralisation, des « régionalisations », on constate que les appellations d’origine contrôlées sont de nouveau fortement servies au gré du discours commercial : on nous parle d’appellation et surtout de « terroir » ; tandis que les années 1990 — comme vous le savez — sont le moment où l’on s’est rendus compte que la France était un peu « à la bourre » sur les nouvelles technologies par rapport aux États-Unis, et qu’il fallait se rattraper ; on profite alors d’un discours empreint de « thermorégulation », de « cryoconcentration », ce qui a complètement largué le consommateur, raison pour laquelle aujourd’hui, au début de ce XXIe siècle, nous parlons de « patrimonialisation », au point d’inscrire le repas gastronomique des Français à l’Unesco et le discours de la dégustation du vin à l’intérieur de cette inscription.

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Pour revenir à nos deux ouvrages universitaires, ils soulignent que les discours du vin prennent des nuances aux origines liées à l’environnement, liées à la

linguistique, liées au raffinement de l’excellence, liées aussi à des termes localisés très identitaires. Pour exemple, sur l’échelle de colorimétrie, le fameux « oeil-de-perdrix », que l’on évoque en Val de Loire ou en Bourgogne, prend la dénomination d’« oeil-de-gardon » du côté de Marseille, où j’ai travaillé, ou bien d’« oeil-de-gougeon », cela dépend donc

des régions…

On s’aperçoit que si l’identité est intéressée, en France, on aime bien la métaphore aussi, puisqu’on aime bien s’appuyer sur une dimension culturelle ; ces auteures ont mis en exergue que les terminologies du vin correspondent à des notions de formes : on parle d’un vin « rond », ou « aigu » —, à des notions de temporalité avec un vin « court » ou « long », à des notions d’architecture car pour davantage souligner l’excellence on parle d’un vin « charpenté » ou « structuré », et puis également à des notions de textile : Rabelais nous parlait de vin de « taffetas », un autre célèbre hédoniste du vin, Louis de Funès, nous parlait du vin de « velours », et les sommeliers de nos jours parlent de vin « soyeux » ; on est toujours sur une notion de douceur, mais avec une légèreté qui s’approfondit.

Autre élément remarquable : l’esthétisme. On nous a parlé de « bouquet » pendant très longtemps, maintenant on nous parle d’« harmonie ». Le bouquet, alors qu’il est une valeur olfactive pour l’amateur débutant, c’est avant tout une valeur visuelle, avant d’être secondairement olfactive ! Il est amusant de pointer ces « nuances », où la dimension artistique est également soulignée par « gammes » de vins. La dimension anthropomorphique est très usitée dans les années 1980, avec les « jambes », la « cuisse », et bien d’autres termes. Pour en

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finir avec la goujaterie, ces terminologies tendent à disparaitre du jargon du vin. Il est aussi amusant d’observer la dimension sociale : au XIXe siècle, on parlait de « vin bleu », cela vous dit-il quelque chose ? On est ici, en Languedoc, dans une région ayant malheureusement subi cette terminologie…, le vin bleu étant le vin des ouvriers, en référence au bleu de travail, ni plus ni moins. Le vin ouvrier, dénommé plus tard le « vin de table », provenant souvent malheureusement du Languedoc-Roussillon. Il venait en opposition du « vin bourgeois » pour lequel on créera un classement. Tandis que dans les années 1950, on parlait de « vin vulgaire » en opposition au « vin généreux ». De nos jours, les sommeliers ont complètement effacé ces deux dimensions paradoxales, et utilisent un seul terme, le « vin racé » ; alors, on aime ou l’on n’aime pas, dans une époque où l’on tente d’effacer la notion de race, utiliser ce terme n’est peut-être pas très approprié…

Ce qui m’intéressait aussi particulièrement, ce sont les années 1980, où l’on voulait rattraper les Américains : on s’est mis à parler de vin « foxé », de « flaveur » et de vin « bodybuildé »… Aujourd’hui, quand je fais déguster un vin à mes étudiants en Licence du vin à l’université de Tours — en dehors du fait que comme tout dégustateur néophyte ils me disent « hum ! il est bon »… — quand ils font appel à leur sensibilité profonde, ils me disent qu’il est « kiffant » !… c’est un vin « kiffant », du verbe « kiffer »…, à ne pas confondre avec le « Fendant suisse du Valais », qui n’a rien à voir !…

Forts de cela, il y a lieu que les prescripteurs de la codification et de sa transmission (les universitaires, l’Éducation Nationale) s’organisent pour structurer notre vocabulaire pluridisciplinaire, pour le faire évoluer afin qu’il ne se limite pas qu’à cette seule terminologie du « bon ». Je vous indique ici un ouvrage qui me plaît énormément, d’un éditeur, Le Moutard, qui publie cet ouvrage sur le vin pour enfants de moins de 10

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ans : c’est un grand-père qui raconte avec ses mots le vocabulaire du vin, et l’enfant essaie de réinterpréter le vocabulaire du grand-père avec les mots de sa génération, en s’appuyant avant tout sur une notion de territoire.

Si hier les prescripteurs d’éléments de discours nous donnaient l’occasion de construire notre vocabulaire de dégustation d’une certaine manière, on peut se demander ce que les prescripteurs régionaux (par exemple les élus) nous apporteront pour parler du vin demain. Demain, il y aura peut-être des subventions régionales ou gouvernementales (dans le cadre de programmes de valorisation) qui demanderont d’appuyer un discours sur le vin via des valeurs artistiques, ou sur des valeurs littéraires — on pense à Pompidou, qui dans tous ses discours nous livrait une citation littéraire… Demain, nous aurons peut-être des politiques qui seront absolutistes, qui estimeront qu’un seul vin est bon. Demain nous profiterons peut-être des valeurs politiques qui nous demanderont d’introduire dans tous nos discours commerciaux du vin des références historiques, pour montrer que le Vieux Continent profite d’une compétence viticole au travers de son historicité… Tout est envisageable !… Dans tous les cas, notre discours à venir parmi les différentes formes de dégustation et de discursivité placera toujours le dégustateur au centre, acteur de la dégustation avec une fonctionnalité ; il profitera de son éducation familiale, de son éducation culturelle, de son éducation cultuelle évoquée, pour créer une présence du vin inscrite dans son identité, parce qu’il l’aura construite. Tout le monde n’a pas été éduqué avec la présence du vin dans sa famille. Dans certaines familles, pour les amateurs se trouvant parmi vous, le vin n’était pas obligatoirement admis, et malgré tout, à travers les rencontres, à travers les voyages, à travers les apprentissages que chacun a pu faire, chacun a construit sa propre identité, sa propre singularité, une éducation que chacun transforme avec un discours qu’il souhaite mettre en valeur pour créer sa personnalité, mais aussi pour transmettre aux générations à venir. L’ensemble de tous ces éléments identitaires s’appelle aujourd’hui un « oenologisme ».

Un oenologisme, qui, quel qu’il soit, vient prêter à ce qu’on sait faire le mieux — communiquer pour échanger, échanger pour pouvoir interpréter, pour pouvoir représenter un paradigme de la qualité. Cette représentation de la qualité

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existe parce qu’elle est démontrée par le discours, quelquefois même jouée, quelquefois même surjouée — on voit parfois des commerciaux du vin, voire des sommeliers, qui pour pouvoir vendre un produit n’hésitent pas à se mettre en scène, comme des acteurs, comme des comédiens. Car finalement quand on déguste, on est quoi ? un individu dans un contexte particulier, un

individu qui en fonction de son statut donnera valeur ou pas à ce qu’il dit. Si c’est un serveur dans un resto à 12 euros ou un chef sommelier dans un trois-étoiles Michelin, vous n’aurez pas la même attention à ses propos et argumentations,inévitablement. Donc, en fonction de son statut, en fonction du contexte, en fonction de la temporalité dont on dispose pour parler, en fonction du regard que l’on captera des personnes présentes, on n’utilisera pas le même jeu théâtral. On va créer une sorte de formalisation de la représentation du bon vin que l’on maîtrisera ou que l’on ne maîtrisera pas en fonction de cette triangulation : le statut du locuteur, les outils à sa disposition et l’attention des récepteurs.

Dans les années 1980, on n’hésitait pas à représenter la valeur d’un bon vin à travers une dimension de sensualité, à travers un peu de provocation et puis comme il faut faire évoluer les choses, de nos jours, on nous sert un discours plus patrimonialisant, à travers une notion de conformité (une conformité dans la continuité de ce qu’on a créé à travers les appellations contrôlées). Pour autant, on peut trouver, aujourd’hui sur le marché, quelques contradicteurs : voici une agence de com’ qui travaille pour des viticulteurs et

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qui propose des packagings avec des codes complètement cassés, avec l’image de la femme encore mise en avant, avec la sensualité qu’on tente de rappeler…

Personnellement je contredis habituellement toute définition normalisée valorisant un « bon vin ». Je souligne sans cesse « qu’un bon vin » n’est pas possible, il n’existe pas UN « bon vin », le vin ne peut pas être « bon » dans l’absolu, il ne l’est qu’individuellement ! Chacun d’entre vous a sa propre définition d’un « bon vin » !

Et c’est là qu’il serait sans doute intéressant pour aider les futures générations de construire un répertoire expliquant que la définition d’un « bon vin » peut évoluer en fonction d’une région ou d’une autre : à Nantes, un bon vin dépend beaucoup de son cépage, alors que dans d’autres régions de France, il dépendra de son terroir. Dans les pays du Nouveau Monde, un bon vin dépend beaucoup de sa marque — pas chez nous !… Les générations n’ont pas la même représentation. Pour mon beau-père, un bon vin est encore un Bordeaux supérieur, c’est-à-dire qu’il doit titrer à « 13 degrés ». Lui et moi ne nous faisons pas la même représentation du degré d’alcool. En fonction des finances aussi, un jeune qui n’a pas les mêmes moyens qu’un amateur averti plaçant une partie de son salaire dans l’achat de bonnes bouteilles et dans la valorisation de sa cave, par cette différenciation de niveaux sociaux, ne définit pas universellement ce qui est un « bon vin ».

Cela nous conduit donc à une définition impossible de la qualité absolue et universelle d’un vin aujourd’hui. En outre, si l’on s’appuie sur des profondeurs historiques, on s’aperçoit que, dans le discours, la définition d’un « bon vin » a largement évolué : à la période médiévale, le regard s’appuyait déjà sur la notion de cépage et de terroir, avec l’exemple du gamay déloyal aux Bourguignons qui fut bouté hors de la Bourgogne, et fit son nid au sein du Beaujolais. Tandis qu’à la Révolution française, on a brûlé les grimoires monastiques qui dictaient les techniques de viticulture et de vinification, pourtant écrits par des prescripteurs d’un certain savoir-faire, on a créé une certaine forme de libéralisme du vin, sans se soucier de la nouvelle qualité, le nouveau « bon vin » qu’on allait réécrire via ce libéralisme. On a certainement effacé à ce moment-là le discours qualitatif du

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vin préalable pour reconstruire un discours d’une nouvelle époque. Tandis que le discours du XIXe siècle versait davantage dans la valorisation des produits de colonies, on trouve alors sur les cartes des restaurant des produits argumentés assez « exotiques » tels que les Xérès, Portos, Alicante, « vin de Constance » (autrement dit « Constantia ») d’Afrique du Sud tels qu’on les trouve sur la carte du restaurant parisien Véry en 1810. Le XXe siècle, comme vous le savez, a plus été porté sur une notion normative. Normativité d’un bon vin dans laquelle jouent deux acteurs : le prescripteur et le consommateur. Le prescripteur (autrement dit le viticulteur) a deux temporalités de cette représentation du bon vin : le moment où le viticulteur est interrogé en amont des vendanges sur la qualité de son vin, il va tenir un discours, mais si j’écoute le même viticulteur interviewé après les vendanges, voire au moment de la mise sur le marché, il n’a plus du tout le même discours, et pour autant, il estime toujours que c’est un bon vin. Quant au client, qui prend une bouteille, et qui n’a comme seul élément de lecture qu’une étiquette et une contre-étiquette et ses propres compétences et propres prérequis culturels, il va argumenter la qualité d’un vin de manière archaïque. Ce même client, une fois qu’il aura payé le vin, qu’il l’aura consommé, qu’il l’aura accordé à des mets, qu’il aura été dans une ambiance particulière pour déguster ce vin, aura alors une seconde représentation du « bon vin ». Ce qui distingue en tout et pour tout quatre représentations du « bon vin ». Je ne vous apporterai donc pas de potentiel discours d’un bon vin universel, il n’y en a pas !…

Pour conclure, la qualité d’un vin ne peut s’appuyer que sur deux éléments : l’humain et le produit. Les frontières qu’il dessine, frontières qu’il peut estimer locales — certains d’entre vous estiment que le seul vin qui est « bon » est celui du viticulteur voisin, d’autres vont en référer à une région (l’Alsace, par

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exemple), d’autres encore à un pays (le Luxembourg, par exemple), voire encore à d’autres élargissements possibles pour se représenter et estimer la qualité d’un vin. Quelles que soient les estimations portées sur le vin, le vin est là pour nous nourrir le corps et l’esprit. Merci beaucoup !…

[Applaudissements]

N. F.-A. : Merci bien !…

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CONFÉRENCESNON

RETRANSCRITES

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Le paradoxe de lacommunication sur le vin

Quel lien entre le cadre réglementaireet l’image que les français ont du vin ?

Arnaud TerrissonResponsable des affaires publiques, Vin et société

L’association Vin & Société réunit et représente les 500 000 acteurs de la vigne et du vin en France : production, négoce et interprofessions (28 membres, 7 organisations professionnelles nationales, 21 interprofessions régionales). Vin & Société a pour but de donner sa juste place à un savoir-faire traditionnel et à un secteur d’activité qui contribue à la fois à la vitalité économique et au rayonnement de la France. Transmettre les valeurs du vin, promouvoir une consommation qualitative et responsable, entretenir un dialogue permanent avec les institutions et les représentants de la société civile sont ses principales missions.En savoir plus : www.vinetsociete.fr

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Le vin au goût de DieuCommunication symbolisme et spiritualité

des les trois religions monothéistesGeorges Ferré

Historien, auteur

Le vin occupe une place très importante dans les grandes religions révélées que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam. Il est réminiscence de la Terre promise lors de la bénédiction du shabbat juif, l’une des deux espèces sous lesquelles le Christ se fait chair, la boisson divine réservée aux élus dans le paradis d’Allah.“En s’appuyant sur les différents textes sacrés, la théologie, l’exégèse, l’histoire sainte et l’histoire tout court, j’ai choisi d’ appréhender l’influence du fruit de la vigne, tant dans l’imaginaire religieux que dans les rituels et la vie quotidienne. Dans cette aventure historique, religieuse et viticole, j’ai choisi un cheminement chronologique, de Noé au XXIe siècle, où je mets en scène les grands personnages de la Bible, du Coran et de la cité – patriarches, prophètes, théologiens, évêques, moines, rois, princes, califes, imams, mais aussi la grande foule des anonymes – à travers les banquets, les liturgies, les moeurs. Le jus de la treille apparaît ainsi comme la boisson qui favorise une culture de métissage, susceptible de créer rapprochement avec l’autre, dépassement de soi et, pour certains, fusion avec l’Ailleurs.”

L’intégralité de la conférence est sur le sitehttp://vigneauvin.net/ et www.universitévignevin.fr

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Evolution des outilsComment exploiter les influences inconscientes via le packaging grâce aux progrès des neurosciences.

En exclusivité les dernières révélations confidentiellesréservées au public présent dans la salle.

Gordy PleyersProfesseur-chercheur Université de Louvain,

département de Marketing et Sciences cognitives

Gordy Pleyers, professeur-chercheur Université de Louvain, département de Marketing et Sciences cognitives Grâce à de nombreuses années de recherche scientifique et à des ressources scientifiques uniques, MIND INSIGHTS est l’organisme qui :- Centralise et développe continuellement les connaissances et les méthodes scientifiques liées au marketing et à l’influence des consommateurs- Transforme et applique cet énorme ensemble de données de façon pragmatique, fiable et utile pour des responsables marketing.

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Les approches innovantes de MIND INSIGHTS :- Permettent de dépasser les limites et les biais inhérents aux pratiques courantes- Reposent sur les outils scientifiques les plus pointus (neuromarketing, mesures physiologiques, etc.)- Sont ajustées aux spécificités de chaque projetL’exploitation optimale des avancées scientifiques, complexes mais fascinantes permettent de :- Analyser et comprendre le public-cible (aux niveaux conscient et non-conscient)- Optimiser les impacts marketing (en considérant l’ensemble des paramètres)Pour en savoir plus : http://www.mind-insights.org/

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Les grands témoinsà voir et entendre sur les sites :

http://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr

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De la marque à l’AOCInterrogations, stratégie

et volonté.La réussite d’une des grandes entreprises

du Languedoc.

Jean-Claude MasDomaines Paul Mas, Vins du Languedoc-Roussillon

Jean-Claude Mas est un enfant du Languedoc vigneron. Très jeune, il développe une passion pour le vin mais sa famille l’encourage à quitter le monde agricole. Très tôt, il aime le luxe et la vitesse, il étudie l’économie et la publicité. C’est l’art de l’assemblage qui va le pousser à entrer dans la production. En 1995, il ouvre la voie du « Luxe rural » avec lui, le vin du Languedoc n’aura plus jamais le même goût.Pour en savoir plus : http://www.paulmas.com/

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La success story des vins Brumont ou comment créer

un vin icône en 30 ans.Comment la réflexion, la science et la volontéont fait émerger un style, un goût et du vin ?30 ans d’expérience avec un vigneron, aussi artiste qu’épicurien et grand entrepreneur.

Alain BrumontChâteaux Montus et Bouscassé, Vins du Sud-Ouest

Elu premier vinificateur français et mondial dans les années 80 par Gault et Millau et meilleur vigneron de l’année en 1995 par La Revue du Vin de France. Son Château Montus a été élu meilleur vin du sud-ouest en 2015 à Prowein. Il a réhabilité d’anciens terroirs abandonnés depuis près de 50 ans. La première phase de la vinification est, selon Alain Brumont, philosophique.Pour en savoir plus : http://www.brumont.fr/

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TABLE RONDE«COMMUNIQUER AUTREMENT»

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Nadine Franjus-Adenis : entrons dans le vif du sujet : « La communication, et comment communiquer autrement ».

Pour introduire cette table ronde, tournons-nous vers notre partenaire de la première heure : l’Institut des hautes études de la vigne et du vin (Ihev), par la voix d’Hervé Hannin, son représentant, qui est notre participant privilégié depuis le début — ce n’est peut-être pas le seul, mais il est unique! Il va entamer cette réflexion sur « Communiquer autrement » avec une question pas si simple : « Quelles sont les grandes tendances de l’évolution de la communication aujourd’hui ? ». Et on ne s’en sort pas avec des néoconsommateurs, des néovins, des néojeunes… Hervé ! à toi !…

Hervé Hannin : Merci Nadine de m’avoir invité ! bien que je ne sois pas sûr de devoir remercier d’avoir à traiter un tel sujet en cinq minutes !… enfin, parfois, avec les étudiants, on exige bien pire !…

Alors, lançons le diaporama, com_Herve Hannin.pptx…, pour exposer les grandes lignes du sujet.

En tout cas, merci à toutes et à tous : je reconnais des têtes fidèles, aussi fidèles qu’à Montpellier SupAgro. On est toujours ravi d’être avec vous. On essaie d’apporter un petit éclairage un peu universitaire.

Alors, c’est un peu moins « Success Story », c’est un peu moins exaltant en général que tout ce que nous venons d’entendre : c’est extraordinaire ces vies de gens passionnés, qui en plus ont réussi, ou sont en train de réussir ! On se sent un peu « petite souris » dans tout ce monde-là, mais on va essayer d’apporter un peu le fruit de notre réflexion.

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« Communiquer autrement aujourd’hui », ça veut dire quoi ? « Autrement » par rapport à quoi ? Par rapport à, probablement, ce qui se faisait avant ? Je voudrais évoquer quelques idées préliminaires.

La première idée, c’est que dans la communication le monde du vin s’est toujours tenu à l’écart du reste ; on a toujours revendiqué des spécificités. Cela dit, on peut reconnaître qu’on ne s’est pas contenté de vivre en marge du reste du monde : on a aussi beaucoup appris du reste du monde de la communication.

Deuxièmement, la communication dans le vin comme dans d’autres secteurs est un élément du marketing, du marketing-mix ; et en ce sens, elle s’est développée de plus en plus professionnellement à mesure que le marketing a été mieux accepté.

La troisième idée est que cette évolution a conduit à quelque chose d’un peu difficile : comme les outils de communication ne se sont pas vraiment succédés, mais plutôt surajoutés sans enterrer les précédents, aujourd’hui, le « mix-communication » devient un peu compliqué ; de nos jours, on dispose d’une richesse extraordinaire d’outils de communication, mais aussi un peu plus complexes à manier avec cohérence et intelligence.

La quatrième idée réside dans le fait que la communication, tant en amont qu’en aval de la filière, tant dans son message que dans ses outils, est intimement liée à l’innovation. Tant pis pour les gens qui pensent que le monde du vin est arriéré, échappant à l’innovation : eh bien, non ! là encore, on va voir que c’est une fausse idée !

Enfin, la cinquième idée : des grands changements s’amorcent, illustrés par tous nos participants, notamment dans la faculté d’expression des consommateurs.

Alors, la communication d’avant — du XXe siècle, —, c’était quoi ? C’était le modèle directement issu de l’après 1945. Les militaires américains, reclassés après la Seconde Guerre mondiale, ont inventé le marketing. Pour eux, c’était simple, la communication c’était de la transmission, cela consistait en un émetteur et un récepteur ; un message à faire passer ; un média, un tube pour faire passer le

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message ; et un effet produit. C’est ce qu’on a enseigné pendant longtemps, parce que la communication, c’était cela.

Par exemple, ici et maintenant, nous faisons de la communication : l’émetteur, c’est moi, le récepteur, c’est vous ; le média, c’est le micro ; le message, c’est celui que je suis en train de faire passer. Et

l’effet ? eh bien ! j’espère que vous aurez compris ce que je vous raconte, que les quelques minutes de mon discours vous auront intéressés.

Dans un contexte de développement du marketing, dans un monde en reconstruction, et sur fond de consommation croissante, cela permettait d’avoir des gros tuyaux, de faire passer de la communication de masse. C’est aussi l’époque où la grande distribution se développe. C’est l’avènement de la publicité qui permet de faire passer un seul message en force ; fondée sur le fait avéré — ça, c’est la magie ! — que lorsqu’on diffuse le même message à tout le monde, plusieurs fois par jour et pendant longtemps, par extraordinaire, les ventes augmentent. Alors, cela ne rassure pas sur l’humanité, mais ça marche !… Et c’est ce qui explique que, depuis les années 1960-1970, vous entendez des messages abrutissants, à grands renforts de télévision, de grands médias ; et, ça marche ! Évidemment, ça marche, parce qu’améliorer la notoriété et l’image des produits, même artificiellement, favorise les ventes : en effet, vous et moi, nous achetons plus facilement des produits que nous connaissons et sur lesquels nous avons une bonne opinion, plutôt que des produits que nous ne connaissons pas, ou sur lesquels nous avons une mauvaise opinion. Et cela finit toujours par porter ses fruits, même si ce n’est pas très malin !

Dans le même temps, on a fait appel à des prescripteurs qui ont essayé de faire passer un message un peu plus instruit, un peu plus élaboré, plus expert, auquel

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le grand public pouvait se fier, et vous en connaissez dans le monde du vin, des éditeurs de guides plus ou moins suivis… Voilà pour le grand développement de la communication de masse.

À partir des années 1980, on a vu apparaître de nouveaux outils qui ont permis de créer des bases de données, et finalement à conserver une sorte d’historicité de la relation nouée entre producteur et consommateur, avec cette idée que l’on pouvait un peu plus connaître son consommateur isolément, et faire à grande échelle ce que l’épicier du coin pratiquait depuis toujours : avoir une relation personnalisée

avec chacun de ses clients, qu’il ne traitait pas tous de la même façon. Nous l’avons vu ce matin avec Myriam Huet, il faut adapter le message à ses clients. (C’est ce qui est omis à travers la publicité… — : par exemple, quand on vous parle de la Matmut, le matin, le même message est diffusé à tout le monde…). Cette période a été la grande ère de ce qu’on appelle la Consumer Relashionship Management, la Crm, — je fais juste un clin d’oeil à Nadine, pour voir si elle suit…, et pour qu’elle traduise en occitan !— grâce à l’avènement des bases de données. L’idée qu’on avait intérêt à fidéliser le client et à avoir une relation plus personnalisée avec lui s’est imposée…

N. F.-A. : … la « relation client »…, c’est Sébastien qui me l’a soufflé…

H. H. : … la « gestion de la relation client » ? le « management de la relation client » ? oui, mais alors il manque des mots… la « gestio de la relatio clienn-té ! »… — je suis Normand, d’origine, alors vous me pardonnerez sans doute mon piètre niveau en occitan !

Donc, … on a essayé aussi d’introduire un peu de pédagogie : on s’est dit que si l’on avait la possibilité de mieux connaître isolément nos clients, on pouvait tenter de

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comprendre quelles étaient leurs attentes en matière d’achat et de consommation de vin.

Alors, la troisième phase, plus récente, dès les années 1990, c’est la naissance d’Internet. Et là, on a vu apparaître effectivement non seulement la publicité, les ventes en ligne, mais aussi le développement des websites, les « sites Internet ». Et des blogs, alors comment tu traduis, Nadine ?… Ah ? les « blogs » !… d’accord !… Donc, en tout cas, il était évident qu’il fallait renvoyer les consommateurs vers ces moyens : les sites Internet et les blogs. Non seulement on avait le mailing, c’était le publipostage à la française, mais également on passait à l’e-mailing, c’est-à-dire au publipostage via Internet. Et l’on s’aperçoit, à ce moment-là, que cet e-mailing n’avait pas renvoyé complètement aux oubliettes le mailing ; c’est l’avènement du multicanal, parce qu’en définitive un média ne chassant pas l’autre, il devenait possible et surtout utile de travailler avec tous les outils disponibles. Donc, on avait gagné en rapidité : envoyer un e-mail ou un message par Internet c’est toujours plus rapide, ça ne coûte pas cher, en plus ça donne l’impression d’être écolo, puisqu’on n’abat pas des arbres, sauf à imaginer que les gens fassent des impressions au bout de la chaîne, on fait en même temps des économies.

Et, on arrive effectivement à cette période, depuis 2000 — depuis quelques années le temps s’accélère paraît-il —, où la communication s’est véritablement accélérée ; on parle de « temps réel », ça ne veut absolument rien dire, mais on a fini par s’y habituer, c’est-à-dire qu’il n’y a plus d’espace entre le temps de l’émetteur et le temps du récepteur. On va même faire passer des messages à des consommateurs qui sont en situation, c’est-à-dire que l’on va les géolocaliser : vous passez près d’un magasin et là, on vous cible : « Êtes-vous sûrs que vous n’avez pas besoin de produits vendus ici, ou de vins en particulier ? »

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On a encore mieux que le réel, il existe pour cela une dénomination magique, c’est la réalité « augmentée » : c’est un mot qui fait peur, parce qu’il sous-entend que c’est encore mieux que la réalité : l’étiquette, c’est sympa, mais derrière l’étiquette, on peut trouver des tas de choses expérientielles, on pense avoir « plus » à travers son Smartphone

qu’en regardant le produit physique. Certains penseront que c’est absurde ! Cela dit, il arrive souvent de considérer qu’on voit parfois mieux le match à la télé que du bout du stade, où que l’on voit mieux le chanteur à la télé que du fond de la salle de concert. De la même façon, je me demande si je profiterais moins bien, également ou mieux de cette université si je la suivais depuis Montpellier SupAgro avec les médias modernes, comme le streaming… Là, je suis très partagé parce que Nadine me pousse vers la modernité en associant les étudiants de Montpellier en streaming, mais alors comment partager quand même le verre de l’amitié, le repas en streaming ? saura-t-on faire cela bientôt ?… En tout cas, on est confronté à cette situation dans laquelle la réalité augmentée — ni pire ni meilleure que la réalité elle-même — apporte une nouvelle dimension « expérientielle » en plus. Les leaders d’opinion, naguère guides des uns et des autres Français, qui étaient passés par Parker, deviennent des blogueurs qui étaient parfois un peu dans l’ombre, mais qui ont des ascensions extraordinaires — on aura l’occasion de présenter tout à l’heure une blogueuse à l’ascension très rapide, qui nous expliquera tout cela. En tout cas, fait très nouveau et très intéressant, ce petit schéma assez banal (l’émetteur – le récepteur) que je vous présentais tout à l’heure, est actuellement complètement remis en question : il n’y a plus vraiment de communication unidirectionnelle comme cela, mais voyez plutôt le consommateur-récepteur s’invite dans la communication et il communique dorénavant tout autant vers les autres récepteurs et même vers l’émetteur.Une publication récente — dans le secteur du tourisme — explique bien le nouveau comportement des consommateurs, par exemple si un hôtel communiquait

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naguère sur la qualité et le prix de sa chambre d’hôtel, désormais, le consommateur a cessé d’être un simple lecteur : il se « préfigure » sa nuit d’hôtel, ensuite il la « configure » pour l’adapter à son besoin, puis il va la « figurer » puisqu’il va visiter cette chambre (virtuellement) ; s’il la loue, il en prendra des photos, des selfies, lors de son passage ; et surtout, il n’oubliera pas de raconter sur Booking.com, ou sur quelques sites spécialisés, son expérience, qu’il accompagnera d’une note d’évaluation, afin d’expliquer aux autres consommateurs qu’il feraient bien de s’y rendre eux aussi ou au contraire de ne surtout pas y aller. Tout cela explique que l’information unidirectionnelle a vécu, et ces nouveaux outils permettent à chacun des consommateurs d’exprimer la part de prescripteur, du petit « Parker » qui est en lui ! Et cela va nous être exposé par nos valeureux participants de la table ronde, que je vais laisser Nadine vous présenter. J’ai été un peu long, mais tout de même, pardonnez-moi, présenter soixante ans de communication en cinq minutes !… Merci, j’espère que vous vous « figurez » un peu mieux ces évolutions...

[Applaudissements]

N. F.-A. : Monsieur le professeur, vous avez bien travaillé !

H. H. : Je te remercie, Nadine !

N. F.-A. : Je pense qu’on ne peut pas te mettre de notes, parce que ça ne se fait plus, on ne peut pas mettre de lettres, parce que c’est pas bien… aujourd’hui, on peut attribuer des couleurs, moi, j’aime bien le rouge, mais je pense que c’est le vert le plus élevé…

H. H. : Tu me fais des compliments !…

N. F.-A. : Allez, si tu le permets, je te fais la bise ! Pour te remercier d’être venu ici nous gratifier de ta présence physique…

H. H. : … tu ne la fais pas en « streaming » !…N. F.-A. : Voilà !Le streaming évidemment, — la diffusion sur Internet —, on l’adresse en tout

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premier lieu à ceux qui ne peuvent pas être présents ! On préfère bien entendu que la salle soit pleine. Quand on aura un succès phénoménal et qu’on ne pourra plus entrer dans la salle, on mettra un écran dans le hall pour que les gens qui viennent de loin afin de participer en direct voient le direct d’ici sur l’écran, ça s’est pour la « réalité augmentée » décrite par Hervé. Quant aux autres, ils auront leur téléphone et Internet.

C’est une vraie question, vaut-il mieux être physiquement présent ou attentivement téléspectateur ? On retient aussi, l’accélération du mouvement qui est induit par la communication et les outils de communication ; je pense qu’on reviendra sur cette notion de l’accélération.

Donc rapidement, les intervenants de la table ronde vont présenter ici leur apport à cette réflexion avant d’échanger avec le public. Pour rester dans le domaine de la communication, on va pousser une autre porte : « communiquer, c’est savoir s’adapter ». Tout à l’heure, Jean-Claude Mas disait « il faut avoir toujours une longueur d’avance, sinon on est dépassé, sinon on est perdu sur le marché ».

Communiquer c’est savoir s’adapter, suivre l’air du temps et sentir les tendances. C’est une règle dans la pub, c’est essentiel dans le travail de conseil.On va écouter un exemple avec Sebastien Narjoud qui a travaillé pour le négoce puis la grande distribution, puis les particuliers et qui se spécialise aujourd’hui dans le développement durable. Un parcours plein de cohérence et d’intuition.Sébastien Narjoud !… En direct, et sans support ! D’où vous viennent ces antennes pour flairer l’air du temps ?

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Evolution des stratégiesSavoir s’adapter aux besoins de l’image,

de la marque au développement durable.

Sébastien NarjoudConsultant formateur

Sébastien Narjoud : En direct, et sans support ! « en streaming !… ». Donc tout d’abord merci Nadine, merci de l’invitation. Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui ! Alors je suis un petit peu flatté, parce que Nadine a déclaré que j’avais un parcours emblématique des tendances sociétales, et un peu impressionné aussi parce que je vais vous livrer un témoignage et des témoignages comme M. Brumont ou M. Mas. Je vous le dis tout de suite : je ne suis ni viticulteur ni vigneron, mais je travaille depuis le début de mon activité professionnelle dans la filière du vin. C’est ce que je vais humblement et rapidement vous raconter. Puis surtout, les enseignements, ou ce qui m’a permis d’évoluer et fait évoluer dans cette filière. Je me sens un peu représentant des salariés de cette filière, puisque comme je vous le disais ni viticulteur ni vigneron mais très concerné, et aussi quelqu’un qui réalise ses rêves au quotidien. Parce que travailler dans la filière vin, et en France de surcroît, c’est déjà une chance et c’est un rêve tout simplement.

OEnologue de formation, j’ai ensuite suivi une spécialité en assurance qualité. J’ai commencé ma carrière chez des gens que j’apprécie toujours beaucoup, qui ont une identité et une culture fortes : les Catalans. J’ai commencé à faire de très gros volumes de vin, dans une énorme coopérative à Perpignan : les Vignerons catalans. Là, j’ai essayé de participer à la mise en place et à l’amélioration des processus, dans le monde du vin, c’était l’époque des années 1990 et des normes ISO 9000. Ce n’était pas toujours très rigolo, mais c’était intéressant parce que cela nous permettait de nous améliorer, de progresser. Et puis, d’un point de vue commercial, — j’ai toujours été sur la partie avale de la filière — c’était le développement du hard discount. C’était le début des marques de vin, et je vais

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en citer une, qui n’a jamais eu une notoriété colossale, mais qui mérite l’attention, c’était une marque élaborée par Jean Meyer et qui s’appelait « Les saveurs oubliées ». C’était une marque intéressante. Ce que je retiens de cette première expérience, c’est qu’on était au début de la construction des marques. Bon, je dois vous avouer qu’à cette époque-là, j’aspirais à vivre d’autres expériences, car, — et les Catalans m’excuseront si je suis un peu provocateur — je me rendais alors compte qu’il était difficile de porter l’image de produits en lesquels les viticulteurs et les vignerons eux-mêmes ne croyaient pas. Pour illustrer mon propos : je vinifiais en cave coopérative, où les viticulteurs, eux-mêmes vendeurs de vins doux naturels, faisaient l’apéritif au Ricard ! Je vous assure qu’en terme d’exemplarité, jeune et fidèle que j’étais, c’était difficile à comprendre et c’était difficile à suivre tout simplement. Par la suite, des évolutions ont vu le jour, dont un grand renouveau du vignoble du Roussillon. Mais moi, j’avais envie d’aller ailleurs, d’aller voir d’autres pratiques. Et puis, c’était l’époque des Flying Wine Makers. Vous avez dû en entendre parler aussi, de ces oenologues qui allaient vinifier dans le Nouveau Monde. Évidemment étant jeune, je voulais moi aussi voir le Nouveau Monde, découvrir ce qui s’y passait.

Je suis donc parti vinifier en Australie. Expérience fantastique en terme de découverte des cépages, expérience fantastique en terme de découverte de l’image que nous donnions au monde des vins français. Je vous assure que les Australiens, à la fin des années 1990, idéalisaient complètement le vignoble français dans son ensemble. Ils avaient une connaissance du vignoble français qui parfois me faisait rougir ! En général, ils étaient tous allés en Europe vinifier et s’enrichir d’une expérience dans le monde du vin. Personnellement, cette démarche m’était indispensable pour apprendre à mieux parler anglais, car, n’en déplaise à nos Occitanistes, on a besoin aussi de parler des langues étrangères, et si l’on veut que nos vins rayonnent à travers le monde, c’est tout simplement une nécessité. Cela ne nous empêche pas d’adorer notre pays, et même de faire du très local, comme on l’a vu tout à l’heure.

Ensuite, je suis rapidement revenu en France, parce que très attaché à mon pays. Je me suis dit : « il faut que j’utilise d’autres moyens pour faire évoluer cette filière et pour participer à son développement » Et naturellement, — vous savez

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que la France est un pays très centralisé ! — quand on veut cela, on se rend à Paris !… Et donc, expérience parisienne, expérience de plus de sept ans dans la grande distribution, à la centrale d’achats d’un groupe bien connu en France (Intermarché, pour ne pas le citer !). Pendant sept ans, j’ai acheté les spiritueux et les vins pour cette centrale. Là aussi, expérience très riche d’enseignements, parce qu’on a continué à construire des marques, dont les plus fortes du secteur sont aujourd’hui, à mon sens, les marques de distributeur. Tout simplement. En France, même des acteurs comme les groupes Castel et Grands Chais de France ont du mal à rivaliser avec les marques de distributeur des enseignes. Sachez qu’une marque de distributeur comme Expert Club, chez Intermarché, représente 35 millions de bouteilles. Cela porte aussi l’image de nos vins, il faut en avoir conscience. Ces marques de distributeur, nous oeuvrions à leur donner du contenu, à leur donner du sens, à leur donner de la valeur ajoutée, — l’enjeu étant pour les acteurs de la grande distribution de créer de la valeur ajoutée et de vendre un peu plus cher.

Que faisions-nous ? à l’époque, nous avons d’abord travaillé avec Jacques Puisais, pour définir l’origine — Expert Club regroupant des dizaines de références de marques de distributeur— et être capable d’illustrer à la fois l’origine du produit, et le rapport avec le contenu de la bouteille et sa provenance. Sur cet enjeu, la collaboration avec Jacques Puisais s’est avérée particulièrement enrichissante. Ce n’était pourtant pas suffisant en terme de valeur ajoutée. Parallèlement, l’avènement des foires aux vins nous apportait, nous obligeait à développer toutes les gammes de produits plus valorisés. Toutes les gammes de domaines, toutes les gammes de châteaux et domaines connus. On voit bien aussi que pour le distributeur — et là je parle simplement en business-to-business, je parlerai après des consommateurs — le besoin de monter en gamme émergeait. Donc il y avait des marques, il y a toujours des marques, bien sûr, mais il y a une montée en gamme illustrée par cet adage que vous connaissez : « Boire moins, mais mieux ! ». Voilà ce que nous vivions au quotidien dans la grande distribution. Encore une expérience enrichissante. Et puis, j’ai repris espoir concernant le développement du vin, quand je rencontrais les gros acteurs des spiritueux qu’étaient Bacardi Martini, Pernod Ricard, je négociais avec eux. Ils me disaient : « Nous, on fait de la prospective, et on sait que dans les quinze ou vingt ans à

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venir notre principal concurrent ce sera l’eau. Aujourd’hui, le vin est consommé à table ; mais demain, le vin sera consommé à tout moment de consommation. » On parlait de la consommation en France ; à l’étranger, c’est déjà le cas depuis très longtemps. Voilà comment j’ai repris espoir. Et puis, je me suis dit : « il faut qu’on aille travailler avec des gros acteurs français, pour développer ce secteur du vin, en France mais aussi à l’étranger. »

La suite de mon parcours c’est Jeanjean et AdVini. Là, j’ai participé au développement de l’entreprise, au développement d’une expérience fabuleuse, où nous vendions d’abord la carafe pour nous attacher ensuite à vendre des marques-maison de vin. Nous avons développé l’agriculture biologique. M. Brumont disait : « l’agriculture biologique, il y en a qui la font, il y en a qui en parlent », et il avait parfaitement raison sur ce point. Nous, nous parlions de l’agriculture biologique, nous essayions de la mettre en pratique, et nous avons participé à son développement.

Aujourd’hui, j’ai voulu aller plus loin, et surtout revenir aux fondamentaux. Ce qui manquait un peu dans un nouveau groupe comme AdVini, c’est l’humanité, et c’est l’identité-produit. Des entreprises comme Brumont, comme Paul Mas sont des entreprises qui incarnent les produits. C’est plus difficile pour de grosses entreprises.

À présent, le temps est venu de travailler avec son identité, de travailler avec la diversité des vins français, avec la complexité des vins français, et je pense que désormais, c’est devenu un atout. Pendant longtemps, j’ai cru que concentrer le secteur allait être la seule solution, mais bien au contraire aujourd’hui c’est devenu un atout. Pourquoi c’est devenu un atout ? On a 35 000 metteurs en marché en France, tandis que dans n’importe quel autre pays, il y en sept ou dix fois moins. On a plus de 350 appellations, plus de 1 300 dénominations. C’est difficile à comprendre pour le consommateur, mais l’immense atout, c’est que le monde a évolué, et que la communication — les acteurs de la table ronde vont vous en parler — n’est plus du tout ce qu’elle était il y a vingt ans, ou même il y a quinze ans. De nos jours, on peut cibler les consommateurs, on peut travailler simplement avec quelques acteurs. Voici un exemple : je conseille un domaine

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assez réputé dans les terrasses du Larzac, il a pour clients essentiels 350 de ses consommateurs. Il peut travailler avec ces 350 consommateurs de façon très précise, de façon très ciblée. Voilà ce que les nouveaux médias actuels nous permettent.

Cependant, ce qu’il faut avoir à l’esprit, et c’est pour cela que je me suis orienté vers le développement durable, c’est que les consommateurs ne sont plus des consommateurs passifs. Hervé Hannin en parlait tout à l’heure, les consommateurs communiquent et nous font des retours ; donc, ça va dans les deux sens. Et puis les consommateurs ne sont pas seulement des consommateurs, ce sont des « consomm’acteurs ». Et ça, c’est la réalité du XXIe siècle.

N. F.-A. : Voilà qui est bien pour terminer ton intervention. Des « consomm’acteurs » !

S. N. : Exactement ! Si vous voulez, je développerai plus tard…

N. F.-A. : Très bien ! Bravo ! Si tu veux bien laisser la place à Élodie Le Dréan-Zannin, qui va aborder un autre sujet — oui, on peut l’applaudir ! [Applaudissements] — un autre volet de la communication — décidément la communication est très amatrice d’anglicismes ! puisqu’Élodie va nous présenter le phénomène de lobby, traduisez « groupe d’influences ». Et son activité qu’on appelle le lobbying, c’est-à-dire comment on parvient à modifier une opinion, en utilisant des meneurs d’opinion — leaders d’opinion, pour qui ne sait pas parler français ! C’est fréquent, sur la place du « marketing », et des choses comme ça !…

Élodie Le Dréan-Zannin représente ici Sud de France Développement, elle va nous expliquer cet effet « lobbying », avec un exemple concret à l’appui.

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L’effet lobby auprèsdes prescripteurs

Comme catalyseur d’image et de business,l’exemple du Top 100 des vins du Languedoc

Roussillon-Sud de France à Londres etTop 50 Sud de France à Shangaï

Elodie Le Dréan-ZanninSud de France Développement

Élodie Le Dréan-Zannin : Je vais rebondir sur la remarque de Jean-Claude Mas, à savoir, placer le consommateur au centre des démarches de marketing, et donc lui parler. Ce n’est pas toujours facile, et surtout, c’est très coûteux. Dans le vin, la réalité économique est telle que si l’on ne dispose pas de milliers de millions d’euros pour parler au consommateur, le chemin le plus direct et le plus efficace est alors de s’appuyer sur des relais d’opinion. Si moi, Élodie Le Dréan, je proclame que la région Languedoc-Roussillon est la région montante, et que les vins du Languedoc-Roussillon sont les meilleurs du monde, autant vous dire que l’impact est proche de zéro, et donc négligeable. Alors que si c’est écrit par un Robert Parker, une Jancis Robinson, ou un Bettane et Desseauve et que ça se retrouve dans un Guide Hachette, autant vous dire cette fois que ce sont des millions de consommateurs qui vont en être convaincus !

Je voudrais revenir sur un schéma qui complète bien celui qu’Hervé Hannin a présenté tout à l’heure, ce schéma classique « émetteur vers la cible », l’effet lobbying, l’effet relais de communication pourra effectivement s’appuyer sur un intermédiaire pour élargir la possibilité de parler à des milliers, des millions de consommateurs. À la différence de la conviction directe, on parle d’une démarche d’influence indirecte qui va utiliser les leaders d’opinion comme une caisse de résonnance. Et dans le vin, la réalité économique fait qu’on ne peut pas

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s’en passer.S’il est vrai que dans le lobbying on entend habituellement une définition liée à des groupes de pression surtout liés à la politique, dans le vin, — il s’agit toujours de la communication d’influence —, il va être question de créer des relations de proximité, des relations de connivence fondées sur la confiance et la transparence de personnes clés du milieu du vin, nous permettant de transmettre un message au consommateur, notre cible finale. Donc, les effets induits du lobbying, de cette communication d’influence, s’exercent sur l’image, sur le développement du business ; cela permet de vendre davantage, de valoriser la production, de valoriser l’image d’un vin, d’une région, d’une appellation.

Les enjeux du lobbying : toucher les bons relais ; parler aux bonnes personnes, — je vous en ai cité quelques unes, il n’en existe pas trente six mille dans le milieu du vin ! C’est également convaincre pour influencer, il ne s’agit pas juste de leur passer un message pour qu’ils le retransmettent, l’objectif est qu’ils s’approprient le message, qu’ils en soient acteurs eux aussi, de manière à devenir nos ambassadeurs et nos relais. Et puis, il y a un aspect important pour convaincre l’interlocuteur — on est face à des personnalités qui ont un certain ego, de fait, puisqu’ils ont eux-mêmes une réputation en tant que leaders d’opinion, en tant que plumes sur le vin, en tant qu’experts du vin, et donc ce message, ils doivent l’incorporer, se l’approprier de manière à aussi valoriser leur métier.

Voilà, je trouve ce message très parlant. Je voulais rebondir sur une phrase intéressante, de Claude Fischler dans son ouvrage Du Vin, — il est également l’auteur d’Homnivore — : « le bon vin se déguste et s’avale entier, du sensoriel à l’imaginaire, avec arôme et saveur, domaines et reliefs, nom et réputation. » C’est dire si dans le vin la réputation a tout son enjeu, j’ai mis un Robert Parker à 91, j’aurais pu mettre une citation du Guide Hachette, un extrait du blog de Jancis Robinson, etc. La spécificité de notre monde du vin, c’est que la réputation compte parfois plus que la dégustation, — je lance un pavé dans la mare, mais on en est tous très conscients…

L’effet lobbying comme levier d’image et de business au travers de deux exemples, dont un qui est le Top 100 à Londres, que nous avons remis au goût du jour avec

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le Civl il y a trois ans. En réunissant les plus grands leaders d’opinion dégustateurs du marché britannique, l’objectif était de travailler l’image de marque des vins du Languedoc-Roussillon en s’appuyant sur ces personnes clés bénéficiant d’une aura, d’un respect et d’une écoute sur le marché britannique. En créant une reconnaissance et de la considération de la part des consommateurs, l’objectif est d’influencer leurs préférences, d’influencer leur acte d’achat et bien entendu de créer de la fidélisation : de la fidélité vis-à-vis des vins du Languedoc-Roussillon. Comme une image vaut mieux que mille mots, voici une vidéo de deux minutes qui résume bien à la fois l’ambiance de l’organisation du Top 100, ce que les prescripteurs en pensent, c’est en anglais…

Vidéo disponible avec la totalité de cette intervention sur les sites : http://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr

N. F.-A. : … Oui, mais vous allez traduire !…

É. L. D.-Z. : Oui, il n’y a pas beaucoup de verbatim…

[Lancement de la vidéo en anglais] traduction simultanée

Alors : « 650 vins ont été dégustés pour 100 gagnants » Voici Tim Atkin, c’est un grand critique du marché britannique, il écrit également pour Decanter, Rosemary George ici qui a son blog éminemment respecté, on a l’acheteur de Majectic, Matthews Stubbs, qui explique : « grâce à cette variété énorme du Top 100, nous avons pu démontrer aux consommateurs et aux leaders d’opinion toute l’immense diversité des vins du Languedoc-Roussillon. » Tim dit qu’on a ici les meilleurs dégustateurs d’Angleterre, et que ça crée une émulation au sein du réseau. Charles Metcalf, jury de l’International Wine Challenge ; il a une émission sur la BBC sur Food & Wine ; il dit que la qualité des vins du Languedoc-Roussillon depuis des années s’est largement améliorée, et que ce genre de manifestation est là aussi pour le démontrer. Ici, l’acheteuse de Tesco affirme que pour les consommateurs, c’est une démarche capitale : le consommateur a peu de temps en rayon pour choisir, il a besoin de signe de réassurance, et un repère Top 100 le rassure dans son acte d’achat. Tim insiste sur le côté excitation et émulation

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que crée ce genre d’événement au sein du réseau des plus grands prescripteurs des leaders d’opinion du marché britannique.

N. F.-A. : Merci !… Nous allons rester avec la vidéo, et retrouver nos vignerons dans leurs vignobles pour aborder le dernier volet de cette journée sur la communication. Nous leur avons bien sûr posé la question : « Comment utilisez-vous Internet pour faire la promotion et la communication de vos produits et de vos domaines ? » Leurs réponses !…

[Lancement de la vidéo]

Vidéo « Volem dire al pais » disponibles sur le sitehttp://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr

On ne les a pas choisis pour ça, mais cette vidéo montre un florilège assez juste des avis sur l’usage du Net et des réseaux sociaux chez nos vignerons. On remarque aussi que ça provoque quelques onomatopées bizarres : on se fait des « bam », des « bim », des « clac », et on « like », etc. Pour aborder cette partie Internet, nous avons choisi deux acteurs qui travaillent avec et sur le Net, en premier Michel Remondat, directeur de Vitisphere —cette entreprise influente qui ne travaille que sur le Net depuis sa création en 2000. Pour la première fois, cette année, l’Université de la Vigne au Vin a signé un partenariat avec Vitisphere : « on a un site interactif, on veut que les gens viennent sur le Net, comment pourrait-on faire pour toucher le maximum de personnes ? »…, et bien voilà, on a passé un accord avec Vitisphere : ils ont envoyé une communication via leurs tuyaux, et nous, on a vu — dans les statistiques du site Internet — un pic immédiat en réponse à cet envoi de courrier (e-mailing) via Internet ; donc comme on disait tout à l’heure, ça va très vite, ça coûte pas cher, ça semble miraculeux ; il y a des limites, probablement, mais tellement d’intérêt… Michel Remondat nous fait une présentation de cet univers-là.

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L’influence du WebLa communication de demain se fera

sur le net ou ne se fera pas!Point de vue du précurseur en Languedoc.

Michel RemondatDirecteur Vitisphere.com

Michel Remondat : Bonsoir, Dans la vidéo précédente, les vignerons ont parlé et ont dit beaucoup de choses justes sur le développement d’Internet ! Après seize ans d’expérience avec Vitisphere, j’essayerai de faire un point d’étape, par un regard arrière sur 16 années d’Internet, un parcours plein d’opportunités, et de fausses routes aussi.

On vit une révolution technologique. Tout à l’heure, on parlait technique, nous restons dans la technique. A l’école, on vous a parlé de la Révolution Française, de la Révolution industrielle, de la Révolution bolchevique aussi. Je vais évoquer une nouvelle révolution, celle d’Internet !

Internet a modifié radicalement l’information, la communication, et aussi les activités de vente (prospection, fidélisation, etc). En parallèle, s’est construit une industrie d’une puissance considérable, énorme. On sait rarement qui c’est ! Si je cite: Google, Amazon, Facebook, Apple, et d’autres… vous mesurez l’énormité de l’enjeu.

Le vin est parmi les activités les plus concernées, de la même façon que la mode, que les produits de luxe, les voyages… qui passionnent blogueurs, rédacteurs, dégustateurs, influenceurs. Le vin est bien dans la vague de la révolution Internet ! On écrit moins de choses sur la sidérurgie ! Avec le temps, l’utilisation du numérique augmentera, il sera au coeur de vos systèmes d’information, il portera votre communication, il sera le moteur de la relation avec vos clients…

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Tout à l’heure d’autres intervenants ont évoqué : le marketing.Marketing et vin, voilà deux mondes qui s’ignorent, deux mondes qui ont rarement fonctionné ensemble ! Mais ça va changer ! Grâce au numérique… Rappelez-vous vos cours de marketing et la règle des cinq « P ». Impossible de faire entrer le vin, dans cette règle ! C’est un produit réglementé rigoureusement défini. Quasi impossible de sortir de LA définition.Le deuxième P, le positionnement est codifié par la Loi : le vin est IGP, ou AOP. Il n’y a rien à faire ! Seule la catégorie des vins sans IG donne des marges de manoeuvre au marketing et les initiatives foisonnent pour les vins sans IG..Heureusement, le 3ème élément du marketing, le packaging était un élément de liberté (étiquettes, formes des bouteilles, outres à vins….) et ça marche ! Aujourd’hui, 37 % des vins sont vendus en Bag-in-Box ® ! Le marketing du vin s’exprime essentiellement dans le packaging.La 4ème composante du marketing est la promotion. Pas facile à faire pour le vin : Encadrée par la loi Evin, les opérations de communication et de promotion sont généralement initiées par les acteurs institutionnels (Interprofessions, syndicats de producteurs, associations de promotion. Les initiatives de promotion au niveau d’un négociant, d’un vigneron sont rares. C’est un handicap ! Et dernier élément d’une stratégie le prix. Le prix du vin est libre… Sous le mot Vin, les écarts de prix d’une bouteille à l’autre sont quasi illimités.

Alors que va-t-il se passer avec l’arrivée et le développement du numérique ?

Dès le début des années 2000, de nouvelles formes de marketing émergent : on

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entend parler de marketing territorial. Exemple le plus évident, la Champagne. La marque se confond avec le territoire, avec le terroir !Autre exemple reconnu : La ville de Lyon (only Lyon) construit une politique de communication en déclinant un marketing territorial mettant en valeur tous les « points forts » du territoire y compris les vins…Et puis, dès les années 2000 arrive le marketing digital. Le digital qu’on réunit encore sous le sigle NTIC, Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication. Les NTIC donne une nouvelle dimension à l’information, à la communication, bouscule les médias, révolutionne le marketing, démocratise l’informatique … il a fallu 15 ans à peine pour que le numérique s’étende partout dans le monde, et concerne presque toutes les activités humaines. A cette vitesse, on peut avoir l’impression d’avoir raté le train… Pas grave ! Si vous avez sauté des étapes, on peut encore prendre le train en marche !

Je vais rappeler quelques étapes de cette révolution technologique… Internet commence en 1993, en détournant des applications militaires. En 1995, apparaissent les premières applications professionnelles en France. C’était il y a 20 ans. En 1998, lancement de Google, et probablement le véritable commencement

d’Internet ! A partir des années 2000, généralisation de l’internet grand public. Tout va très vite, à partir de 2005, la SNCF vend plus de billets sur Internet qu’aux guichets.

En 2008, ouverture de Facebook. Le premier réseau social grand public ! Le développement des réseaux sociaux est concomitant à la généralisation des Smartphones.

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Dans la foulée, apparaissent les tablettes ! A partir de 2012, les utilisateurs peuvent programmer leurs smartphones, c’est le succès des applications. Un nouveau pas est franchi, avec l’accumulation des données, et donc le besoin de stockage de ces informations : c’est le big data et le cloud computing… Cet aspect a des déclinaisons vitivinicoles. Exemple, l’application VIVINO : on scanne l’étiquette de la bouteille dégustée, on note le vin, on garde une image, on la classe, on la transmet, on accède aux notations d’une communauté de 3 millions de personnes… à toute vitesse ! Ce type d’applications se multiplie.

Depuis quelques mois, on parle beaucoup des objets connectés ! Ces objets pourraient bien intégrer nos tracteurs, nos chais pour des utilisations très professionnelles.

Et le monde du vin n’est pas en retard ! Ici, présents dans la salle, des vignerons avaient un site dès 1998. Quasiment comme Google ! Nous avons lancé, Vitisphere, en 2000. On dit que nous étions des pionniers. Vitisphere est un site de services dédiés aux professionnels du vin (salon virtuel, vitijob, marketing digital, agenda…). Nous avons très vite ajouté la production de contenu (actualité de la filière, dossiers techniques et économiques…). Contenus que nous diffusions sur une e-lettre hebdomadaire depuis 2001. Les bons contenus font les bons référencements, et les bonnes audiences : Vitisphere et ses sites de services, c’est plus de 150 000 visiteurs uniques chaque mois et 500 000 pages vues chaque semaine.

Beaucoup de sites apparaissent au début des années 2000 surtout des cavistes en ligne comme l’historique Chateauonline.com… Chateauonline a disparu, mais les ventes de vin en ligne augmentent chaque année et deviennent un canal significatif pour le commerce des vins. Une centaine de sites de ventes en lignes existent en France.

En 2006, c’est le phénomène blogs du vin : des amateurs passionnés, des producteurs, des journalistes créent leurs blogs pour s’exprimer ! Ces blogs créent une rupture dans l’art de communiquer sur le vin. Ça change tout ! André Glucksmann, décédé cette semaine, expliquait que la télévision était un des plus

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grands changements de notre époque parce qu’elle donnait accès à la culture. De « culture », vous avez beaucoup parlé aujourd’hui. Le vin est un produit de culture. Internet accélère l’accès à l’information, à la connaissance, à la culture…

L’année 2008, met officiellement fin à la fracture numérique vécue par les campagnes française avec le plan Numérique, qui doit apporter le haut débit à tous les français.

Haut débit, smartphones, réseaux sociaux, le numérique prend une ampleur considérable et incontournable à partir de 2010 ! Cette étape donne un nouvel essor à la vente en ligne. Pour beaucoup de vignerons le canal vente en ligne peut être un atout complémentaire : accroitre les ventes directes, donner de la notoriété, vendre des nouveaux services (oenotourisme,…)

La transition numérique est rapide, et elle est aussi progressive. La première phase que j’évoque souvent, est une phase de transfert des savoirs faires. Exemples :- le fax est remplacé par l’email,- les petites annonces papiers sont remplacés par des annonces en ligne. Voyez le succès du boncoin.com, plus modestement celui de vitijob.com qui a transformé le recrutement vitivinicole, par sa facilité d’utilisation, son coût réduit, sa rapidité- on lit son journal sur un écran.

C’était le Web 1.0, et ça fonctionne toujours bien !Dans un objectif de marketing direct, un e-mailing est plus efficace qu’un envoi de fax : une enquête réalisée en 2015, indique que 39 % d’internautes disent aimer recevoir des messages commerciaux et que 49 % de ces internautes achètent après avoir reçu un e-mail commercial. L’e-mailing est, probablement, un des outils les plus efficaces pour prospecter, vendre ou annoncer une nouveauté.

Passons au Web 2.0 et parlons des réseaux sociaux. C’est cette notion de réseaux sociaux qui caractérisent le web 2.0Le Web 2.0 est l’évolution du Web vers l’interactivité « avec plus de simplicité d’utilisation, les connaissances techniques et informatiques n’étant pas indispensables pour les utilisateurs ».

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Pour mesurer l’influence des réseaux sociaux dans l’industrie du vin, Vitisphere propose chaque trimestre un indicateur. « Qui a eu le plus de fans sur Facebook ?». On y constate que les vins de Bordeaux, les vins d’Alsace sont les interprofessions qui ont le plus de fans. Les vins du Val de Loire, les Armagnac, les Bourgueil, sont dans le peloton de tête. Beaujolais, Languedoc, Vallée du Rhône, Bourgogne, Champagne, suivent un peu plus loin. Il est difficile de montrer une corrélation entre développement des ventes commerciales et nombre de fans sur Facebook !

Toutefois, en devenant « fan » d’un vin, d’un vignoble, d’un vigneron, on crée un lien affectif… qui comptera au moment du choix dans le point de vente ! En 2013, avec l’équipe du Civl, et de l’Aoc Languedoc, nous avons proposé un site éphémère dédié à la qualité du Millésime. Cette année-là, les conditions climatiques sont mauvaises et seul le Languedoc a bénéficié de bonnes conditions favorables. La plupart des régions françaises ont eu un millésime difficile. Alors que chaque vignoble, par la voix de son attaché de presse, affirme que 2013 est un grand millésime. Difficile pour le Languedoc de faire entendre sa différence, aussi réelle soit-elle et de faire entendre sa voix.

Pour essayer de faire comprendre la situation particulière du Languedoc, il a été proposé, tout simplement de donner la parole à ceux qui font le vin en Languedoc (vignerons, oenologues, négociants et autres professionnels) pour qu’ils expriment naturellement spontanément leurs

espoirs, les potentialités, les particularités de LEUR millésime. L’idée n’est pas neuve ! On peut penser à la révolution de Mao ou les étudiants écrivaient sur les murs leurs attentes, leurs espérances, leurs rêves. En chinois, on appelle ces écrits dazibaos… Notre dazibao du Languedoc c’est le www.millesimelanguedoc.com, c’est la possibilité pour tous les vignerons de s’exprimer… et cette

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expression collective est bien plus forte, plus authentique, plus sincère que le message lisse de la meilleure attachée de Presse. Cela fait, trois ans que ce site est mis en ligne au début des vendanges et mis en veille au Printemps. Il y a beaucoup de richesses dans les contenus. L’analyse sémantique du vin, permettrait de caractériser, de personnaliser autrement chaque millésime. La première année, il y a eu 100 témoignages, il faudrait plus de mobilisations... Vignerons du Languedoc, appropriez-vous cette espace, donnez votre avis sur le millésime 2015 !…

N. F.-A. : Merci !…

M. R. : Je voudrais finir en prodiguant quelques conseils : surtout, ne vous dispersez pas ! Vous avez des objectifs : Internet, c’est une stratégie, vous ne pouvez pas faire autrement ! Autour de votre site, qui demeure le coeur du système, — et j’inciterai tout le monde à avoir un site, c’est un travail de plus en plus facile à mener pour l’animer et le compléter, ou bien vous pouvez le faire sous-traiter — faites vous recenser par les moteurs de recherche, ce travail-là peut avoir des retombées spectaculaires, c’est relativement simple à faire. Un moteur de recherche représente 40% du trafic ! C’est, dommage de s’en priver !

Ensuite, créez votre base de données : pas la peine d’écrire des kilomètres, notez l’adresse mail, le nom de la personne, son métier, et ça suffit ! créez votre base de données et vous aurez rapidement, 100, 200, 350…, et bientôt

1 000 ou 2 000 clients ! ensuite à chaque fois que vous pouvez, envoyez leur un petit mail…

Bien sûr, donnez de vos nouvelles sur les réseaux sociaux… — un réseau social, c’est l’endroit où l’on donne de ses nouvelles, où l’on lit celles

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des autres ! Voilà ! C’est simple!… Donnez de vos nouvelles en créant des alertes ; c’est simple ! Le futur, c’est la création d’alertes automatisées… Et ce sera aussi simple !

J’espère vous avoir convaincus !

[Applaudissements]

N. F.-A. : Merci ! On a les conseils avant de les avoir demandés ! Alors avant de passer à la discussion, on va écouter le témoignage d’Anne-Victoire Monrozier, plus connue sous le nom de « Miss Vicky Wine » ; elle est aussi l’organisatrice d’une manifestation, Vinocamp — on n’aura pas le temps de développer le thème des start-up du vin, mais vous pourrez visiter ce site si vous voulez en savoir plus : vinocamp.fr

Que faut-il annoncer « Anne-Victoire Monrozier », ou « Miss Vicky Wine » ?… La question est celle-ci: « Internet est-il un bon outil pour faire travailler l’imaginaire ? »

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La force des réseaux sociauxMiss Vicky Wine

et les starts up du vin en communauté

Anne-Victoire Monrozier, alias Miss Vicky Wine : Bonjour ! Je suis la dernière, et j’ai entendu beaucoup de choses, des mots de vocabulaire que je vais réutiliser ici, je les ai réappris !

Avant tout, je vous parlerai d’imaginaire. Miss Vicky Wine est née de l’idée d’un monde imaginaire, comme on en possède tous, ou comme on en a tous eu un, au moins quand on était petits, et qu’on a pu conserver au fond de soi ! Souvent chez les filles, il y a du rose.

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J’ai fini mes études en 2008, mon père est vigneron à Fleurie, je m’appelle Anne-Victoire Monrozier, et aujourd’hui on m’appelle Miss Vicky, et j’ignore si les gens savent vraiment ce que je fais. J’ai 32 ans, Miss Vicky est née il y a six ans, au moment de la montée de Facebook et de Twitter, en pleine crise économique. Et mon père — mes grands-parents avaient un domaine — s’est lancé en tant que vigneron. De mon côté, j’ai ouvert un compte Twitter, un compte Facebook, j’ai commencé le blog missvickywine.com. Je n’y connaissais rien au vin — ayant étudié la psychologie pendant cinq ans et beaucoup voyagé — je me suis dit : « je vais aider mon père à vendre son “ Fleurie ”, une appellation du Beaujolais. Comme je n’y connais rien, mais que je parle bien l’anglais, je vais aller à la découverte du vin dans le monde entier, apporter cette connaissance à mon père, je vais la partager, et elle sera ma valeur ajoutée dans ma famille !… »

Tout ce qui est e-mailing, pour moi, ça n’existe pas ; je ne sais pas ce que c’est, — je ne sais toujours pas ce que c’est, et c’est dommage, parce qu’en effet, ça marche toujours !… je ne connais que les réseaux sociaux, et je me suis fait connaître grâce à eux, quasiment ! j’ai donc quelques trains de retard sur le passé, il me faudrait un professeur, mais en attendant, je joue avec mon langage ; mon langage de fille de trente ans qui pratique le Web, pour qui tout est facile — on apprend vite, quand on ne connaît rien d’autre ! et l’on comprend vite le pouvoir que cela nous confère, surtout quand on est premier sur la ligne de départ.

En résumé : mon père, le domaine, mon blog, et tous les réseaux, voilà comment j’ai commencé ; j’étais loin d’imaginer alors que plus tard — aujourd’hui — j’aurais une marque, avec huit vins ; un message assez détendu : « I’m cool, and drink wine », en anglais, puisque ma communication a longtemps été exclusivement en anglais. C’est une vision détendue du vin, avec un packaging plus moderne,

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reprenant la silhouette de mon blog — reconnaissable, déclinable. Voici aussi une nouvelle gamme, vous la voyez en haut : Beaujolais blanc, Bordeaux clairet, un peu plus éloignée de l’image d’origine, mais qui reste dans mon univers imaginaire. Cet univers, je l’ai créé avec l’aide des gens qui me suivaient, on les appelle des « fans ». Ma « communauté », c’est la base de la communication d’aujourd’hui. Avant, on envoyait un message, la seule réponse des consommateurs se lisait grâce aux courbes des ventes dans les magasins, on n’avait pas d’autre indicateur d’évaluation ; aujourd’hui, on envoie un message et on a une réponse immédiate du consommateur, et en plus, le consommateur peut lui-même envoyer un message à sa marque, qui peut à son tour le repartager… C’est un peu un cercle « virtueux » !

Ce que je dis souvent quand je parle de mon modèle — qui n’est pas vraiment un modèle figé, que j’ai créé, qui est toujours en mouvement —, c’est qu’on a tous des objectifs dans la vie. Disposant de technologies sans cesse en évolution — même moi j’ai parfois du mal à suivre ! —, ce qu’il faut avant tout déterminer, c’est pourquoi on utilise ces outils, et utiliser ces outils pour servir ses objectifs. Ensuite, il faut être sur le terrain : vous le savez tous, il est difficile de vendre quand on est dans son rang de vignes, donc il faut voyager, rencontrer des gens. Et, quand on participe à un salon, comme on n’a pas forcément l’occasion de rencontrer tout le monde au salon, le fait de voyager et de partager toute cette expérience sur Internet permet de créer une espèce de cercle vertueux, qui contribue à l’élargissement de votre communauté et qui répercute l’écho de vos actions.

Bien sûr, on peut faire tout cela en s’amusant : le vin, c’est le plaisir, c’est la vie, c’est la nature, c’est la rencontre, et finalement, la vie est belle !… mais, ce n’est pas pour autant qu’on est riches !…

Le modèle que j’ai créé, avec mes vins — je n’avais que le vin de mon père, un Fleurie ; il fait aussi du Moulin-à-vent, mais c’est du rouge, c’est du gamay, ce ne sont pas des appellations très faciles, je me suis dit que comme j’étais blogueuse et que je rencontrais énormément de vignerons, j’allais partager le vin de certains vignerons sous mon nom. Ce que vous voyez, sur l’image en bas à gauche, c’est mon jury de dégustation, qui regroupe des professionnels du vin et des grands amateurs dégustant à l’aveugle des cuvées que je suis allée chercher dans une appellation.

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Cette dégustation à l’aveugle est relayée sur le Web, ensuite, parmi tous ces vins, on en choisit un qui devient le vin de Vicky. Par exemple en Bourgogne, c’est le Mâcon de Vicky. Une fois que le Top 3 est sélectionné, je vais voir le vigneron — vous voyez ici Olivier Fichet. Je suis allée voir les vignerons présélectionnés,

j’en ai choisi un ; ensuite, j’ai co-créé l’étiquette avec mes amis sur Facebook. Là, pour le Provence, vous voyez en haut le choix du Pantone ; je procède à des votes pour choisir mon étiquette. En haut à gauche, ce sont les échantillons de Côtes-de-Provence, tous les ans, j’essaie d’aller voir les vignerons pour choisir les cuvées. Voilà ! Je partage tout cela au fur et à mesure, et à la fin, ça se solde par une grande dégustation, retransmise une fois encore sur les réseaux par moi et les convives, ce qui fait que le contenu est continuellement enrichi au cours de mon aventure qui grandit, et qui amène à chaque fois des clients potentiels de plus en plus importants.

J’arrive à la fin. Là, vous voyez, on partage, on utilise les outils pour localiser ses produits en ligne, pour échanger avec nos importateurs qui partagent eux-mêmes les produits avec leur communauté. Et comme on est dans le monde de Vicky, après la silhouette, est arrivée la robe : l’année dernière, pendant le Beaujolais primeur, les gens qui ont goûté mon vin ont pu dessiner la robe sur l’étiquette, ce qui fait que le Beaujolais-Village 2015 affiche cette robe, reprise par

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mon imprimerie. Ça évolue, c’est toujours en mouvement, en tension, que ce soit le vin, le packaging, les voyages, le reste…

En lien avec tout cela, j’ai voulu aider les vignerons à utiliser ces outils, en créant le Vinocamp, il y a cinq ans. Cet événement regroupe les vignerons, les commerçants, les journalistes, tous ceux qui s’intéressent au vin et à la communication, et permet de réfléchir aux pratiques actuelles, de repenser le futur, de rencontrer des gens qui peuvent nous aider dans nos projets, et d’avancer ensemble pour une meilleure communication sur le vin à l’avenir. Je vous donne donc rendez-vous dans le Languedoc, pour la 22e édition de Vinocamp, le 27 mai 2016, à Montpellier.

[Applaudissements]

N. F.-A. : Merci !… On entend bien, et pas en demi-teinte, que c’est une réussite commerciale !… Je dis cela, car on ne fait pas souvent le lien entre les réseaux sociaux et un développement commercial…

A.-V. M. : Je pense que non, je pense qu’on pourrait faire beaucoup mieux ! la réussite commerciale est encore à venir, même si je vends déjà du vin ! Cela a demandé beaucoup d’énergie, beaucoup de temps. Je n’en suis qu’au début, je ne peux pas dire que je sois devenue comme, comme… je ne sais pas, comme Paul Mas !… mais voilà, c’est mon échelle, et chacun a sa façon d’avancer. En tout cas, c’est positif, c’est une création de valeur, c’est sûr.

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ECHANGES AVEC LE PUBLIC

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N. F.-A. : Bien ! Nous passons aux questions… Nous allons commencer par les questions arrivées par Internet (je sonde mes collègues responsables du domaine interactif) : avons-nous des questions ?… oui !…

Juste avant d’enchaîner, je rappelle que les questions peuvent être posées directement sur notre site interactif ! Vous pouvez aussi envoyer vos messages via Twitter avec le mot clé : « #uvv2015 » et sur l’adresse mail [email protected]. Voilà, je vous ai tout dit, j’ai l’impression d’être un panneau publicitaire vivant !

Mesdames, Messieurs, vous allez vous installer ici pour qu’on puisse vous passer le micro facilement, en fonction des questions. Commençons immédiatement par une question arrivée par Internet. Hervé !… tu as le rôle délicat de déterminer les questions importantes…

H. H. : Nous avons une question arrivée par Internet, qui ne doit surtout pas priver les participants ici présents de leur volonté de poser directement leurs questions. Cette question : « Dans l’Aoc Corbières et pour les vignerons, les réseaux sociaux s’inscrivent-ils vraiment dans notre culture ? »… Nous allons laisser Michel Remondat et Anne-Victoire Monrozier y répondre…

M. Remondat. : Les réseaux sociaux sont des phénomènes très récents. Les utilisateurs sont très jeunes ; c’est effectivement plutôt une culture, un engouement de gens extrêmement jeunes. Mais les réseaux sociaux, sont utiles et utilisés par des personnes de tout âge, et pas exclusivement les filles de 32 ans ! La technique est relativement simple à maîtriser. Anne-Victoire a évoqué cet aspect. L’important est de définir ce que vous attendez de votre présence sur les réseaux sociaux. Quel est votre objectif ? Privé ? professionnel ? On peut y dépenser beaucoup de temps. A moins d’une passion… A vous de déterminer si vous avez mieux à faire ailleurs ou pas…Ayez une stratégie, vous pourrez y gagner des relations commerciales, une notoriété personnelle, de nouvelles relations !…Pour ce qui est de la culture…, Je ne sais pas… le monde du vin n’est pas en retard dans le domaine d’Internet. Il est même en avance ! mais on peut vivre sans Internet … et sans réseau social !… et être très cultivé !

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N. F.-A. : Anne-Victoire…, Miss Vicky Wine !…

A.-V. M. : J’ai pris conscience assez récemment que les jeunes ne sont pas forcément bons en réseaux sociaux. Je m’en rends compte, notamment quand je donne des cours dans des écoles, où je crois pouvoir commencer par le niveau le plus élevé, et en fait… : non !… Je pense que c’est lié davantage à un état d’esprit, à une manière d’être, à un type de personnalité, de personne qui va s’adapter vite et apprendre, plus qu’à un âge ! On a davantage affaire à des blocages, l’argument de l’âge reflète peut-être une sorte de blocage… « on a l’impression que… » ; mais si vous tripatouillez un peu, vous allez peut-être découvrir que c’est votre « truc » !…

N. F.-A. : « Tripatouiller » !… Au moins, c’est du français !…

H. H. : Tu ne sais pas comment traduire « tripatouiller » en anglais ? ah ! bien, d’accord !… [Rire]

A.-V. M. : Non, mais attendez ! Il existe une différence entre avoir un compte Facebook, et savoir utiliser intelligemment un réseau social ! Les jeunes sont assez nuls dans ce domaine. À la maison, j’ai des garçons de 10 et 13 ans : lorsqu’ils utilisent Instagram, ils postent des photos nulles, ils rédigent des commentaires nuls, ils ont une manière bien particulière de créer des like ; ils ont beau être nés avec, il n’en ont pas forcément l’intelligence. Donc, il s’agit bien d’autre chose !

N. F.-A. : Après les vieux, les jeunes !…

A.-V. M. : Non, mais, ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas inné !

N. F.-A. : Oui, absolument ! ce n’est pas inné !… c’est de la culture. Hervé ?…

H. H. : Plusieurs questions pour Élodie Le Dréan : « À quelle condition ça marche, le lobbying ? », « Quels sont les facteurs clés de succès de ces techniques de communication ? »

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É. L. D.-Z. : Les facteurs clés de succès résident dans le fait qu’on ne se borne pas à organiser une dégustation avec des gens prestigieux : cela implique aussi des actions en direction du circuit traditionnel, des consommateurs, la participation à sept salons (le Wine Gang, des salons professionnels, nous tenons un stand à la London Wine Fair, où 800 professionnels viennent déguster les vins…) ; nous établissons des partenariats — avec Majectic, avec des indépendants, Wine Merchants, pardon !… des cavistes indépendants.

Donc, il ne suffit pas d’une dégustation ; la dégustation est juste le pivot de la mécanique, avec une vingtaine de jurés présents, dont des acheteurs (Tesco, Coop, Majectic…), et des grands leaders d’opinion, mais on ne s’arrête pas là. On met en place un plan d’action qui, sur les 120 producteurs, va en toucher 80 : certains sont en phase de prospection, n’étant pas encore importateurs, ils sont désireux de se développer et de pénétrer le marché ; d’autres, déjà implantés, cherchent à rayonner auprès du consommateur.

N. F.-A. : Merci ! Je rappelle aux personnes présentes dans la salle : levez la main si vous avez une question, afin qu’on vous fasse passer le micro.

M. R. : Je crois déceler un autre aspect derrière cette question, il s’agit de l’influence du gourou. En effet, les grands dégustateurs, les critiques des vins, les journalistes gastronomiques, des écrivains ont joué, jouent un rôle important dans la notoriété, la réputation, la diffusion, le prix d’un vin… Le plus connu est Robert Parker, à la retraite désormais. La question se pose de savoir qui va succéder aux « gourous » actuels, car ils semblent que leur influence diminue. Par contre, parmi les gens cités par Elodie Le Dréan, que je ne classerai pas parmi les gourous, une partie vient du monde d’Internet : des blogueurs aguerris, des réseauteurs actifs…

Et puis, il faut prendre en compte les nouveaux systèmes de notation : mettre un « like » sur un vin, une notation, c’est rapide et facile, ça peut peser lourd en terme de réputation. C’est déjà le cas pour les hôtels, pour les restaurants… Des questions essentielles se posent ? Ces notations sont-elles fiables ? Ces

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classements sont-ils justes ? Faut-il être un professionnel pour juger ?…

N. F.-A. : Belle hypothèse !… Ce matin, on a entendu que la dégustation était subjective… Myriam, si tu veux te joindre à nous pour répondre aux questions, tu peux participer… Les intervenants du matin sont aussi présents, et comme on ne posait pas de questions ce matin, c’est le moment !… On a d’autres chaises…

Concernant le vin, et cette évolution de l’opinion de « celui qui sait »… De nos jours, c’est extrêmement diffus ; de, on ne peut plus parler seulement de « spécialiste » pour « celui qui sait ce qui est bon dans le vin », le spécialiste est devenu une opinion quasi d’un niveau scolaire, universitaire. Alors que dans la vraie vie, comme on dit, dans la « vraie vie améliorée », tout le monde peut donner son opinion !

Que penses-tu de cela, Myriam ? Toi qui es bien amenée à porter un jugement sur les vins ? comment positionnes-tu ton opinion par rapport à cette intelligence collective que l’on trouve sur Internet ?

M. Huet : Je crois que beaucoup de gens s’accordent avec l’opinion collective, même si je trouve cela plutôt angoissant… surtout quand je goûte certains vins ! C’est comme pour les vins médaillés : ils ne me donnent pas forcément du plaisir !

C’est un outil, et c’est super ! certains y seront très sensibles pour faire leur choix de vins, d’hôtels ou de restaurants. Ça dépend des gens ! moi, je ne suis peut-être pas assez branchée sur Internet, je conserve du recul par rapport à cela, une certaine méfiance… je suis un peu trop vieille !…

N. F.-A. : C’est bien d’avoir fait le parallèle avec les concours, rappelons que seuls les vins participant à un concours peuvent être jugés. Sur Internet, c’est la même chose : s’il existe l’avis de l’intelligence collective, l’avis de Robert Parker restera toujours l’avis de Robert Parker ; le Guide Hachette restera le Guide Hachette ! Chacun donnant ses préférences qui deviennent des références, et ces références peuvent peut-être se cumuler.

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H. H. : Une question dans la salle ?

N. F.-A. : Une question du public ?…

Jules Lamon : Bonjour à tous ! Jules Lamon Je suis responsable de la communication chez Wine Making, un réseau visant à rapprocher les vignerons autour des savoir-faire de la vinification, comprendre comment ça marche, échanger les bonnes pratiques.

Pensez-vous que les réseaux sociaux peuvent être au coeur, pour les vignerons, d’un travail plus fin dans le goût du vin, et d’adaptation à des niches de consommateurs ? Souvent, on prétend que le vigneron fait le vin qu’il aime, mais vendre le vin qu’on aime peut parfois s’avérer un peu compliqué ! surtout quand on n’a pas les terroirs les meilleurs du monde, ou que l’on n’a pas le millésime qui va… Les réseaux sociaux peuvent-ils être au coeur d’une recherche non verticale — pas dans la communication, mais dans la fabrication du vin — mais horizontale : telle niche de consommateurs cherche tel style de vin, par exemple, du vin titrant moins en alcool, on en parle beaucoup ; du vin contenant un peu plus de sucres résiduels…

Précisément, ces réseaux peuvent-ils être au coeur d’un échange avec les consommateurs, un échange transparent sur la façon dont on fait le vin et dont on valorise son produit, ses raisins, pour améliorer le style de son vin, tout au moins l’adapter à des consommateurs ? En bref, passer d’un vin vertical, un vin d’artiste à un vin pour les consommateurs qui ne négligent pas le savoir-faire et la touche artistique entrant dans son élaboration.

N. F.-A. : Oui ! la réponse est : oui !

Jules Lamon : … Mais comment ?

N. F.-A. : L’outil est là ! le « comment » s’organisera… Il ne faut pas oublier que les réseaux sociaux et Internet sont des outils. Des outils permettant un véritable échange entre le consommateur et le producteur, que ce soit dans le milieu du

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vin ou ailleurs. Ensuite, les producteurs qui souhaitent répondre, s’adapter aux consommateurs s’adressant à eux peuvent le faire évoluer. L’exemple donné plus tôt par Miss Vicky Wine concernant la sélection de ses vins répond à cette question.

Faudrait-il que les blogueurs soient des oenologues pour pouvoir donner une réponse très pointue sur la vinification : est-ce le propos de votre question ?…

Hervé Hannin : Pardon, j’ai peut-être un élément de réponse, et une résonnance avec une question arrivée par Internet sur des questions de prospective : je crois qu’on est à l’aube de grandes révolutions — Michel évoquait tout à l’heure les objets connectés — dont on a du mal à évaluer les enjeux et les perspectives. On a tendance à imaginer les consommateurs, connectés sur booking.com, communiquant entre eux. On peut aussi communiquer directement avec son caviste, avec son distributeur. Or, le vigneron est parfois distributeur, il est aussi producteur de vin et même de raisin. Jusqu’à présent, il existe encore une frontière entre le monde du vigneron dans sa vigne et les préoccupations des consommateurs, mais cette frontière est ténue… On peut imaginer que les questions sur ce point se fassent de plus en plus pressantes, même vis-à-vis des vignerons, et c’est pour cela que j’interpelais Sébastien Narjoud dans cette logique de développement durable.

À ce propos, j’ai une information d’actualité : à SupAgro, nous réfléchissons à la mise en vitrine permanente d’un MAS, le Mas numérique, c’est-à-dire tout ce qui peut se faire en matière de capteurs, de viticulture numérique, un peu de viticulture de demain avec énormément d’utilisation de modèles mathématiques, de capteurs qui nous renvoient à une viticulture plus propre — ce n’est pas de la science-fiction, ça commence à se mettre en pratique !… et puis ça va prendre encore quelques mois si ce genre de choses se développe, on voit bien qu’avant même qu’on prenne des décisions, ça peut entrer dans le domaine à travers les réseaux sociaux, à travers les préoccupations des consommateurs qui diront : « Taratata !… ce vigneron-là a un nom très ronflant et très réputé, mais moi, je peux voir exactement comment il traite sa vigne, et s’il est plus durable ou pas »… Alors, je ne sais pas si c’est de la science-fiction, Sébastien ?…

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N. F.-A. : Oui, le développement durable est-il poussé par les consommateurs sur les réseaux sociaux ?

S. Narjoud : Je vous parlais plus tôt de « consomm’acteurs », et à Sup de Co, nous sommes très attachés à ces sujets-là, nous qui complétons le travail de SupAgro sur la dimension de l’aval et du commercial, et nous sommes éminemment convaincus que la création de ces communautés permet non plus seulement de communiquer sur des vins d’auteurs pour lesquels on se contente de suivre l’avis de quelqu’un. Désormais, on va pouvoir cibler, créer des communautés, animer des communautés. Ces communautés peuvent avoir des objectifs très divers, et l’objectif dont tu parles peut en être un. Je peux exposer d’autres exemples, dans cet esprit de développement durable : il s’agit des financements participatifs. Vous voyez la façon dont cela se développe sur Internet, et dans le monde du vin, beaucoup de modèles actuellement utilisent le financement participatif. Un exemple particulièrement intéressant en Languedoc, terrahominis.com, où des consommateurs décident d’investir quelques centaines ou milliers d’euros dans un pied de vigne. En terme d’approche, ce qui est intéressant c’est qu’en guise de retour sur investissement, ils sont payés en vin. Et surtout, ils sont les clients, ils sont les associés ; ils sont non seulement les investisseurs, mais aussi les consommateurs et les ambassadeurs du produit. On voit bien que dans ce domaine Internet est l’outil qui va permettre de dupliquer, de diffuser…, et puis, imaginez le gars qui pose sa bouteille sur la table, et qui dit à ses amis : « C’est MON vin ! », cela prend du sens, et je suis sûr qu’il a une influence colossale vis-à-vis des amis auxquels il le propose à la dégustation. Voilà donc bien un nouveau modèle, qu’Internet et le développement durable contribuent à faire émerger.

N. F.-A. : Michel ! tu voulais réagir sur le sujet des profils organoleptiques influencés par le Web…

M. Remondat : Une précision à la question de Jules LAMONT de « Wine Making » : une étude vient d’être réalisée aux Etats-Unis sur la consommation des vins effervescents. En décryptant les messages qui circulent sur les réseaux sociaux, on s’est aperçus que les consommateurs américains consomment les

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vins effervescents (Prosecco notamment) en famille, lors de fêtes familiales et avec des amis. Tandis que le Champagne, lui, est de plus en plus consommé par le monde de la nuit (night-club, soirées musicales, évènements…) ! Les nouveaux packagings de Champagne, souvent de grandes marques, ont glissé vers des tendances graphiques qui évoquent le monde de la nuit (couleur noir), notamment celles qui sont exportées aux Etats-Unis. Ecouter le bruit, le bruissement des réseaux sociaux c’est la possibilité de repérer les signaux faibles qui feront les tendances de demain…

L’influence des réseaux sociaux est grandissante. De plus, l’écoute, l’analyse et l’interprétation des messages qui y circulent est source d’informations stratégiques !

N. F.-A. : Merci !… Hervé ?… une question dans la salle ?…

H. Hannin : Une question tout près de moi !…

N. F.-A. : Ah ! Laurent a une question…

Laurent Marseault : Non, ce n’est pas vraiment une question… Certaines personnes me disent spécialiste de l’intelligence collective, en conséquence, j’aimerais partager deux ou trois réflexions…

N. F.-A. : … Laurent Marseault, spécialiste de l’intelligence collective !…

L. M. : Oui…, c’est ma mère qui dit ça !… — c’est pas moi !…

N. F.-A. : Et moi aussi désormais!…

L. M. : Oui !… Je travaille dans de nombreux domaines, et pas spécialement le domaine viticole, or, il me semble que ce qu’on voit actuellement, avec ce qu’on appelle la révolution Internet, c’est deux logiques en train à la fois de se confronter et de se tricoter : des logiques d’intention — en envoyant de l’information à des milliers de personnes, j’ai l’intention de faire passer des messages —, et des

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logiques d’attention — je peux être attentif en effet à une quantité de personnes qui se manifestent et donnent un avis sur des sujets. Je pense qu’on oppose trop souvent ces deux tendances, — d’intention et d’attention —, or, il me semble que l’enjeu va être de tricoter tout cela.

Et puis autre chose, déjà évoqué : c’est la notion d’expertise individuelle et d’intelligence collective. Jusqu’à présent, on avait quelques experts individuels qui, entre guillemets, « faisaient la loi ». Maintenant, on voit des milliers, voire des millions de personnes qui prennent une information et la font circuler, faisant intelligence collective. Cela fait très, très peur aux experts individuels. Et là encore, à mon sens, l’idée est d’éviter d’opposer ces deux mondes, et voir comment on va tricoter intelligence collective et expertise individuelle. Ces deux experts-là, l’expert collectif et l’expert individuel, apportent chacun leur contribution. Et envisager comment on va tricoter cela représente des chantiers soient très angoissants, soient fabuleux !

N. F.-A. : Et l’on a bien compris qu’expertise individuelle et avis collectif ne s’opposent pas. C’est bien de le répéter !

H. Hannin : Si je peux glisser une question… il me semble qu’au rang de l’expertise individuelle et de l’intelligence collective figure une grande absente : c’est la bêtise collective. J’ai une vraie question sur ce point…

N. F.-A. : Tant que tu ne dis pas « démocratie », ça va !…

H. H. : … la bêtise individuelle, j’en prends ma part, je traite directement avec elle ; mais la bêtise collective m’inquiète davantage !… je vois comment Internet peut apporter de l’intelligence, on est très séduits par ces modèles, mais on sait bien aussi à quel point c’est long. Ici, dans une université, où l’on est entre nous, on essaie d’avoir de l’écoute, de chercher des explications, là on mobilise de l’intelligence, et c’est un vrai plaisir, mais on voit bien aussi que lorsqu’on a besoin d’une réponse rapide, Internet nous la donne rapidement ! sur toutes les questions ! Il y a toutes sortes de réponses ! et avec les Smartphones, c’est encore plus rapide ! et tout cela avec une grande absente : la méthodologie

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d’obtention des réponses.

Aujourd’hui, cela fait partie de notre tâche d’attirer l’attention des étudiants : « Méfiez vous ! une donnée n’a de sens qu’avec l’information sur la méthodologie par laquelle elle a été obtenue, sinon, c’est la porte ouverte à toutes les mystifications » Concernant le vin, quand on voit la complexité de ce produit, pour peu qu’un expert parle via l’expertise individuelle, via l’expertise collective ou l’intelligence collective, on peut tout d’un coup être mystifié pour des tas de raisons.

Comment peut-on se prémunir contre des déviances du système ? les bêtises collectives existent, on sait bien que l’humanité est capable de cela !…

N. F.-A. : Je vais ajouter une remarque personnelle : en mon temps, j’ai fait une école de journalisme ; un vrai journaliste, c’était quelqu’un qui s’imposait systématiquement de vérifier une information en croisant deux sources différentes avant de pouvoir la communiquer. De nos jours, on ne sait plus très bien quelle est la différence entre un journaliste et un blogueur.

La différence, si c’est un journaliste professionnel, c’est qu’il aura pris le temps de vérifier son information ; c’est qu’il prend le temps, et du recul, pour traiter une information. Le blogueur réagit dans l’immédiateté. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas des blogueurs travaillant comme des journalistes, et des journalistes travaillant pire que des blogueurs ! on est d’accord ! on est juste dans une théorie…

H. H. : Je voyais Anne-Victoire dire : « Ce n’est pas vrai nécessairement ! » Ce serait bien de lui donner la parole, car il existe quantité de situations où les blogueurs ne vont pas plus vite ou plus mal…

A.-V. M. : Non, mais je n’ai pas envie d’épiloguer sur cette guerre !…

H. H. : Non, ce n’est pas une guerre !…

A.-V. M. : Non, mais ça dure depuis dix ans, donc vraiment, je n’en peux plus

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!… Les blogueurs sont des blogueurs ; généralement, leur caractéristique c’est qu’ils ne sont pas payés, ils ne sont pas professionnels, ils n’ont pas fait d ‘école de journalisme ; pourtant, il existe des journalistes blogueurs ; certains blogueurs — un pour mille — gagnent quelques euros par article ; et certains blogueurs mettent trois semaines pour pondre un article, tandis que certains journalistes doivent le pondre pour le lendemain quand le sujet est chaud, et qu’ils n’ont pas forcément le temps de vérifier leur source ! En plus, aujourd’hui, les journalistes twittent…, c’est compliqué !…

H. H. : La question n’était pas d’opposer les blogueurs aux journalistes…

A.-V. M. : Le blogueur c’est quelqu’un qui donne une opinion personnelle ; le journaliste aussi, évidemment, il est subjectif, mais… par exemple, ce journaliste du vin, Nicolas de Rouyn, écrit dans son blog ce qu’il ne peut pas écrire dans le journal qui l’embauche, lorsqu’il sait que c’est sujet à polémique ; il va endosser un avis en son nom, sur son blog personnel, c’est aussi une manière de faire… La barrière est très complexe, les ponts sont nombreux… L’aspect financier pourrait faire la différence, bien que les journalistes ne gagnent pas tous bien leur vie !… C’est compliqué !

H. H. : C’est la crise pour tout le monde !…

N. F.-A. : Bon, Hervé !… tu n’as pas de questions ?

H. H. : Des questions arrivent un peu dans le désordre… par exemple, une question qui relève du modèle économique des blogs. Anne-Victoire veut-elle en parler davantage ? c’est quoi le modèle économique ?

A.-V. Monrozier : C’est comme l’utilisation des réseaux sociaux, c’est un outil, le blog ; on en fait ce qu’on veut. On peut le concevoir comme un carnet de voyage, donc il n’existe pas vraiment de modèle économique, sauf si à la fin vous publiez un livre, ou si vous faites payer une newsletter avec vos idées de voyage. Mon modèle économique est le suivant : je me suis dit qu’en étant plus cultivée, en en sachant plus et en étant plus connue, j’aurais des chances de vendre davantage,

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puisque j’aurais plus les capacités d’adapter le produit au consommateur, de faire un meilleur produit, et de le vendre, étant plus visible. C’est difficile de prouver tout ce que j’avance, même si je sais que les importateurs que j’ai rencontrés, je les ai rencontrés grâce à Twitter — ça, c’est direct. Voilà pour mon modèle.

Par ailleurs, je dirais que vous aurez autant de modèles que de blogueurs ; il n’existe pas de recette miracle ! C’est comme pour le vin : comparé à d’autres boissons, c’est une boisson de niche ! c’est déjà beaucoup plus compliqué que pour le voyage ou la gastronomie, plus de gens s’intéressant davantage aux recettes de cuisine qu’aux accords mets et vins… Voilà pourquoi il est très difficile de gagner 100% de rémunération avec son blog ! Je pense…

N. F.-A. : Je pense… On a une question dans la salle ?… Au fond…

Bertrand Cros-Mayrevielle : Oui, bonjour ! Bertrand ! simple curieux ! je voudrais poser une petite question, car depuis ce matin j’entends parler de choses très techniques, très concrètes, très pragmatiques, pourtant, quand je lis le titre sur l’affiche : « Le vin dans l’imaginaire », je me dis : « bon, d’accord, j’ai compris quels étaient les moyens, quels sont les outils pour pouvoir communiquer, mais du coup, pour les faire rêver, mes clients, et vendre mon vin, je dis quoi ?… »

Et puis seconde question, j’en profite, tant que j’ai le micro : depuis ce matin on entend beaucoup qu’on est presque obligés de s’opposer les uns les autres, d’entrer en concurrence pour arriver à vendre son vin — le Languedoc est meilleur que le Bordeaux, etc, j’en suis convaincu, bien sûr ! — mais suis-je toujours obligé d’entrer dans ce rapport de forces, systématiquement, ou bien naïvement, ne puis-je pas espérer vendre mon vin en faisant justement rêver les gens ; est-ce que l’imaginaire, c’est juste un rêve ou une réalité ?

N. F.-A. : En ce qui concerne l’imaginaire, et pour avoir des idées, il faut aller sur le site http://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr , pour revoir les présentations de la journée, pour mieux comprendre la force de l’histoire dans l’imaginaire avec la mémoire collective, revoir la description des vins et l’évolution des commentaires, ou réécouter combien la mémoire et les sensations sont

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importantes pour faire rêver les gens sur le vin et combien la dégustation est liée à l’expérience individuelle.

Concernant ta seconde question sur la concurrence et la place des uns des autres, Bertrand, Monsieur Minervois, — tu es repéré, tu n’es pas si anonyme que cela ! —, Sébastien Narjoud va répondre…

S. Narjoud : Merci pour votre question ! en effet, je pense qu’il ne faut surtout pas opposer les uns les autres à l’intérieur de l’appellation, et même au sein des appellations françaises. Je vous ai parlé de mon expérience, et je crois qu’on a déjà un atout incroyable : c’est l’image que la France donne dans le monde ! il est essentiel d’exploiter cela à titre individuel, ou à titre collectif pour une appellation ou pour une gestion collective de projet. Il faut avoir quelque chose à dire, choisir une stratégie et un positionnement. Et puis, il n’existe pas un seul marché du vin ; il existe beaucoup de marchés du vin !

Par ailleurs, dans l’univers du vin français, vous avez des gros opérateurs, vous avez des petits opérateurs — et pour illustrer mon propos : on ne boit pas du Montus quand on commence à boire du vin !… Soyons clairs ! On a besoin de commencer par boire des vins simples, par boire des vins blancs et rosés, car quand on commence à boire du vin, généralement, on n’aime pas les tanins. On a besoin d’évoluer dans sa consommation du vin, et il se trouve que dans l’évolution de sa propre consommation, on peut avoir accès à de nombreux produits, et à de nombreux producteurs qui se positionnent sans s’opposer.

N. F.-A. : Château Montus 2002, cité en référence, que l’on pourra le goûter tout à l’heure, lors de la dégustation thématique des vins d’altitude!… Myriam, veux-tu compléter par ta réponse ?… sur la concurrence ?…

M. Huet : Juste, par rapport à Bordeaux, précédemment… quelque chose m’a hum !… m’a heurtée !… Autant je ne supporte pas qu’on attaque le Languedoc-Roussillon, autant je trouve dommage que le Languedoc ait besoin pour se grandir de dénigrer le Bordelais, Dire qu’à Bordeaux, sur les 112 600 hectares, il y aurait 60 000 hectares de vignes dans les paluds ! cela n’est pas vrai ! en

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revanche, qu’ils aient planté, dans les années 1970, des cabernets-sauvignons dans des sols gélifs, où ils ne mûrissent pas, ça c’est vrai ! Donc en effet, on ne grandit pas en critiquant ses concurrents ! Quand j’étais acheteuse au Club français du vin, et que des producteurs me disaient : « Oh ! vous avez Untel, il est pas bon ! »…, la seule chose que j’avais envie de répondre c’était : « Oui, vous avez raison, je suis nulle !… je ne vois pas ce que vous viendriez faire chez moi, parce que je suis trop nulle pour vous choisir !… » Ne cassons pas les autres, cela ne sert à rien, je le pense sincèrement.

N. F.-A. : Merci !…Oui !… Laurent Marseault, spécialiste en intelligence collective !…

L. Marseault : Merci ! Sur cette notion-là, pour travailler beaucoup dans les réseaux, nous incitons vivement les gens à réfléchir à des notions d’archipels, imaginant que nous sommes tous des petites îles, puis à travailler sur deux notions : l’identité-racine et l’identité-lien. L’identité-racine c’est : « qu’est-ce que je suis ? qu’est-ce que j’assume profondément, et qu’est-ce qui me différencie de l’autre ? » Cela peut concerner une cuvée, cela peut concerner un domaine ; ensuite, il faudra aussi travailler l’identité-lien : « Qu’est-ce qui me relie aux autres ? qu’est-ce qui fait qu’on va partager ensemble des informations, des rêves communs ? »

Bien souvent on s’aperçoit que les gens travaillent beaucoup sur l’identité-racine — « ce que je suis » —, se construisant souvent contre l’autre, alors… encore une fois, n’opposons pas ces deux notions-là : travaillons l’identité-racine ET l’identité-lien ! sur ce point, on pourrait très bien imaginer que sur une appellation, sur un Sud de France, sur un « Pays », on puisse affirmer et partager des rêves communs ! Bien souvent, on est trop centrés sur nos identités-racines !…

H. Hannin : Si je peux ajouter quelque chose qui va dans ce sens, et dans le sens de ce qui a été dit sur ces identités. On constate plusieurs évolutions : une évolution socio-politique — la France est en train de se raisonner en régions, dotées d’autonomie un peu croissante ; et puis, au plan viticole, chacune des régions viticoles est en train de développer une gamme de vins assez complète.

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Ce qui change relativement le schéma des concurrences entre régions.

Et en effet, l’écueil serait d’investir toute l’énergie dans une concurrence exacerbée entre régions, qui pourrait être congruentes avec ce que les pouvoirs publics pourraient nous pousser à faire — que notre région soit plus grande et plus belle que celle d’à côté ! on en verrait les limites, notamment à l’export ! puisque désormais le marché est mondial ! se bagarrer dans les années 1950, entre Bourgogne et Bordeaux, avec une consommation estimée à 120 litres par habitant et par an, peut-être cela avait-il du sens, mais aujourd’hui, se faire la guerre entre Montpellier, Bordeaux et Dijon ! sur fond de marché mondial représentant 40% de la consommation. J’aimerais bien entendre les avis d’Élodie et de Sébastien, même si je m’attends à peu près à ce qu’il vont dire, puisque, me semble-t-il, ce serait un piège énorme !

É. Le Dréan-Zanin : Si je suis ici, c’est pour représenter la marque Sud de France, mais on ne nous entend jamais casser Bordeaux, ou d’autres ; on joue groupé, sur les marchés internationaux. On ne se bat pas contre Bordeaux ou Bourgogne, et face à des Australiens, des Chiliens et autres, au contraire, on fait corps !… Nos produits sont complémentaires, nos valeurs sont différentes, les terroirs que nous avons à valoriser sont très divers. Nous devons tenir compte de cette diversité et la faire valoir sur les marchés internationaux, plutôt que de faire les Gaulois qui se taperaient les uns sur les autres !…

N. F.-A. : Miss Vicky Wine doit nous quitter car elle a un train à prendre. Merci pour votre participation !

[Applaudissements]

On continue, on a encore le temps pour une ou deux questions avant de terminer cette table ronde. Notre public est un peu fatigué — on n’a pas fait de pause cet après-midi —, on sent comme un « coup de mou » ! [Rires] Ils ont soif !… il va falloir attendre un petit peu pour boire !… Hervé, on a encore une question ?H. H. : Oui, une question dans le public !

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Sébastien Mas : Oui, bonjour ! Sébastien Mas, agence Avina Conseil, à Béziers.

Je voulais revenir sur les nouveaux outils de communication. Vous parliez tout à l’heure de réalité augmentée, j’ai l’impression qu’au lieu de profiter directement au vigneron, cela ajoute encore un élément entre le produit et le consommateur. Quelques années en arrière, on utilisait les QR Codes sur les contre-étiquettes, et l’on s’est aperçus que ça marchait très bien sur certains marchés, notamment sur les marchés chinois, que ça pouvait aller jusqu’à 10 000 flashes sur une production de 30 000 bouteilles. Dans certains secteurs, ça marche moins bien, où c’est même complètement interdit — je pense à la Scandinavie.

On est à l’aube de 2016-2017, la réalité augmentée va arriver jusqu’au grand public, elle va être totalement vulgarisée. Quel est votre retour sur ce genre d’outil ? Nous, cela fait trois ou quatre ans que nous y travaillons. On a lancé les premières réalités augmentées sur les étiquettes du Château Puech Haut, on le fait sur des Bag-in-Box destinés à l’international, mais il est vrai que le marché français est assez frileux pour l’instant sur ce type de communication, donc, j’aimerais avoir votre retour !

H. Hannin : C’est à moi que cette question s’adresse ?… Vous avez raison, j’en ai parlé tout à l’heure. Toutefois, j’aurais su me donner l’occasion de redresser une idée si elle était mal passée.

On travaille dans ces domaines de la viticulture numérique, de l’agriculture numérique sur ces notions-là. Nous sommes totalement en phase avec cette évolution. Je vais vous livrer une réflexion, une interrogation personnelle un peu similaire à celle que je me fais quand je vois mon voisin de bureau passer un mail, ou m’envoyer un mail — le mail, c’est très pratique quand on est éloignés de 300 kilomètres, mais on finit parfois par s’envoyer un mail entre voisins de bureau ! Et au supermarché, si je suis tenté d’avoir de l’information sur l’étiquette, je bénis alors la réalité augmentée de pouvoir me la donner. Cependant, si je finis par aller visiter le domaine se trouvant à 500 mètres de chez moi via cette réalité augmentée, alors je me demande dans quel projet de société j’évolue…

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Cela me ramène à la question que je posais tout à l’heure à Nadine : « est-ce que l’année prochaine j’assisterai à l’Uvv en streaming en restant chez moi, ou bien est-ce que je viendrai ? »— c’est une vraie question ! Je ne sais pas quoi faire, j’ai un petit doute philosophique !…

Dans le public : Pour aller dans votre sens, il y a quinze ans, je travaillais sur des sommeliers virtuels utilisés en grande distribution, la réalité augmentée, pour moi, est l’avenir de ce genre de sommelier virtuel qui est statique, en bout de rayon, utilisé par un consommateur sur cinquante. Par contre, ça peut être aussi sympa d’utiliser la réalité augmentée pour un produit que l’on apprécie et que l’on veut partager et déguster entre amis de façon conviviale. Mais on ne doit pas y substituer un moyen de communication physique ou du streaming, vous avez raison.

N. F.-.A : Rappelons que la communication, c’est tout d’abord d’avoir quelque chose à dire. Nous pourrions sans doute terminer par une question que tu devais poser, Hervé, à savoir : « Peut-on communiquer sur tout ? »

H. H. : Oui, aujourd’hui, on dispose de tous les moyens, de tous les médias, communiquer sur le vin, c’était déjà complexe. De nos jours, s’ajoutent des concepts de plus en plus compliqués — le développement durable…, même les spécialistes essaient de commencer à comprendre ce que ça veut dire ! Et les consommateurs veulent en savoir encore plus, y compris sur le changement climatique, y compris sur les clones — on a parlé de clones ; tout le monde ne sait pas très bien ce que sont les clones, certains savent parfaitement ce que c’est, d’autres moins bien… Et c’est là, à mon avis, que les risques d’imbécillité collective surgissent : lorsqu’il existe cette polysémie, c’est-à-dire quand les mots évoquent des choses extrêmement différentes pour les gens, soit par inculture, soit parce que ce sont des mots-valises.

Alors peut-on communiquer sur tout ? sur le développement durable, sur… ? au fond, cela rejoint une autre question assez proche : dans les années 1990-2000, on a pris conscience d’un manque de pédagogie, la filière se flagellait : « Ah ! mais, on n’a pas expliqué le vin ! le consommateur ne comprend rien au vin ;

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on fait des enquêtes, c’est dramatique : il ne sait pas ce qu’est une appellation, il ne sait pas comment on fait du vin, il ne sait rien des levures, il ne sait rien !… on lui demande de citer une appellation, il ne sait citer rien d’autre que “Bordeaux”, on lui demande de citer un cépage, il répond : “Bordeaux”… » Ce que révélaient les enquêtes était dramatique ! Alors, on s’est dit : « oh ! là ! là !… le consommateur est nul », jusqu’à s’avouer : « on a simplement oublié de faire de la pédagogie » À partir de là, dans la communication, on n’avait plus que ce mot à la bouche : « pédagogie » !

Et de nos jours, quand on prononce ce mot, qu’est-ce que cela veut dire ? a-t-on tourné la page ? en a-t-on abandonné l’idée ? ou bien au contraire, n’a-t-on encore que cela en tête ? Regardons Wikipedia et autres Wiki, on va peut-être enfin avoir une pédagogie à travers les réseaux sociaux, à travers le lobbying, à travers toutes ces démarches plus interactives, plus transversales, et non plus seulement (excuse-moi, Nadine !) top down, ou bottom up !…

N. F.-.A : Ça veut dire quoi ?…

H. H. : Sébastien veut continuer ?…

S. Narjoud : Communiquer sur tout ?… Certains concepts sont plus ou moins simples : le développement durable, c’est un bon exemple, on en entend beaucoup parler, mais on ne sait pas vraiment ce que c’est. Et c’est difficile de communiquer sur ce point. Il faut d’abord que ça intéresse le consommateur. Je vous parlais de « consomm’acteur », je pense que c’est lié, puisque le consomm’acteur ne se limite pas simplement à acheter un produit, il se préoccupe de bien d’autres choses : il se soucie de la provenance de ce produit, il s’occupe de savoir comment il est fait, il s’occupe de savoir si ce produit est bon pour sa santé. Il consomme de plus en plus équitable, il consomme de plus en plus biologique. S’il ne s’agit que de tendances, et cela ne signifie pas que la majorité consomme de cette façon-là, il faut néanmoins en tenir compte, et nourrir cette demande d’idées simples, mais valorisantes, avérées.

Continuer à communiquer, mais en effet, quand on a des choses à dire, c’est

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important, même essentiel ! Je vous parle de stratégie d’entreprise ; aujourd’hui, je fais du conseil et je constate que la plupart des entreprises veulent « faire des choses », mais manquent de stratégie. Avoir une stratégie, savoir où l’on veut se placer et se positionner à long terme n’empêche pas d’être habile. Cela donne juste un cap, une vision élargie dans le temps. Cela permet ensuite de louvoyer, d’évoluer tout en sachant où l’on va.

N. F.-.A : Merci Mesdames et Messieurs ! nous allons clore cette table ronde avec nos vignerons dans leurs vignes et dans leurs caves, avec cette question : « Que volèm dire al país ? » : « Que voulez-vous dire à votre pays, à votre région ? »… Leurs réponses… :

Les vidéos « Volèm dire al país » sont disponibles sur le sitehttp://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr

[Applaudissements]

N. F.-.A : Voilà : « Être heureux ! »… Nous allons présenter la dégustation de ce soir sur le thème des vins d’altitude. Pour rappel, nous avons invité la région viticole des vins du Sud-Ouest à participer à cette dégustation : une sélection particulière vous sera présentée, dont le Château Montus, d’Alain Brumont ici présent, millésime 2002, on peut donc dire « prêt à boire » ! comme tu le racontais plus tôt, n’est-ce pas Myriam ?

Le thème des vins d’altitude vient illustrer celui de l’imaginaire ; les vins d’altitude, cela fait rêver, sans doute à cause de la hauteur ! Et derrière cette notion d’altitude se profile une réalité quasi scientifique dans l’univers de la vigne et du vin.

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Présentation de ladégustation thématique :

Les vins d’altitudeMyriam Huet

Œnologue pour la Maison Richard, auteure

Myriam Huet : Nadine m’a demandé de présenter les vins, mais je m’arrêterai volontiers sur cette notion d’« altitude ». L’altitude peut-elle véritablement apporter quelque chose ? Je me suis dit : « écoute, c’est simple : les cépages donnent toujours le meilleur à la limite nord de culture ».

Pour que les raisins donnent le meilleur il faut une maturation lente, il faut que ça mijote ; il faut que vous ayez une maturité phénolique au top, avec notamment des températures fraîches pendant les nuits, afin que les tanins soient les plus soyeux ; il ne faut pas que cela mûrisse trop vite. Vous voyez, c’est comme en cuisine : vous préparez un beurre blanc, si votre casserole chauffe trop vite, tous les arômes s’en vont ! Pour le raisin, c’est pareil, il faut une maturation lente, une maturation jusqu’au bout, une maturation parfaite, mais pas trop vite. C’est pour cela que l’on dit que les cépages donnent toujours le meilleur à la limite nord de culture.

Or, on peut compenser la latitude par l’altitude. Un pinot noir à Gevrey-Chambertin, c’est sûr que c’est hyper fin ! en Alsace, les belles années, cela donne des rouges superbes, mais souvent, on fera des vins un peu plus légers. Dans le Sud, c’est vrai que les pinots noirs sont souvent un peu lourds. En revanche, il suffit de monter en altitude, vers Limoux, où la fraîcheur prime, pour goûter des pinots noirs tout de même assez fabuleux ! Voilà ce que je voulais dire : l’altitude a compensé la latitude, dans la fraîcheur on a gagné l’élégance, et surtout ces tanins qui ont besoin de nuits fraîches.

[Applaudissements]

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N. F.-.A : Pendant la dégustation, la librairie reste présente dans cette grande salle. Entre-temps, et pour vous divertir, nous vous proposons un spectacle avec une des animatrices, Marie-Pierre Loncan, que vous avez déjà vue, et avec Éric Guérini. Ils vous proposeront des poèmes en musique du poète languedocien Joseph Delteil, qui nous racontent le vin.

Nous allons finir avec la présentation du générique. Et tout d’abord, en vidéo, avec les vignerons sollicités et mis à l’honneur pour cette journée, et un petit « making off » — ouaiiiis ! je peux parler anglais !… [Rires]

Les vidéos « Volèm dire al país »] sont disponibles sur le sitehttp://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr

[Applaudissements]

N. F.-.A : Alexandre Pachoutinsky, à la vidéo !… J’enchaîne avec un générique de remerciements que Xavier de Volontat viendra compléter avant de clore cette journée.

Je remercie les bénévoles en formation « OEnotourisme » de l’Infa de Narbonne, pour leur participation, depuis trois jours, à la préparation de cette journée ! — ils ne sont pas avec nous, car ils sont en train de préparer la suite, dans l’autre salle… Je veux citer aussi pour leur aide précieuse les bénévoles de La Buissonnière du Vin, dont Gaëlle, Yolande et Jo, Véronique, de Promaude, qui a pris sa journée et demie pour venir travailler avec nous. Éric, du Civl.

L’équipe technique, bien sûr, avec Claude Rubio à la lumière et à la régie générale là-haut ; JB Roubinet, graphiste et photographe, le talentueux créateur de nos affiches ; Alexandre Pachoutinsky — je peux le dire sans faire de faute ! — à la vidéo, derrière, au streaming, et à tout ce qui est image et son; à ma gauche, Bertrand Fritsch, qui a mis en place avec nous le site interactif ; à ma droite, Laurent Marseault, spécialiste de l’intelligence collective, faut-il le rappeler. Et d’ailleurs, pendant cette journée, Laurent a trouvé une solution pour que notre site interactif ait un vrai nom, facile à trouver sur Internet — cette journée nous a

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bien permis de comprendre que « site-cop.net/uvv », ce n’est pas facile à retenir, même si on l’a écrit partout, cela ne semble pas facile à retenir ! Notez donc que désormais le site s’appellera universitevignevin.fr. Nous aurons une adresse : en 2016, le site historique universitevignevin.fr sera remis en service; voilà, c’est tout nouveau, ça vient de sortir !

Je cite aussi les vignerons des Celliers d’Orfée, où vous étiez à midi. Ils participent activement à cette journée, ils installent le décor de la salle et le défont ; ils s’occupent également de la mise en place de la dégustation, comme vous le verrez dans quelques instants. Ils sont toujours prêts et toujours présents.Enfin, un remerciement tout particulier à Sonia Cassaigne, mon assistante, l’assistante de l’Université de la Vigne au Vin, infatigable, et terriblement efficace ; Sonia, vous l’avez tous vue, c’est elle qui vous a accueillis.

[Applaudissements]

Merci !… Xavier, je n’ai pas remercié nos partenaires, je te laisse le soin de le faire, et clore cette seconde partie.

Xavier de Volontat : C’est difficile de clore une telle journée !

Tant qu’on en est aux remerciements, j’aimerais en profiter pour remercier l’ensemble des intervenants pour la qualité de leurs prestations, qui enrichit les vignerons présents à Ferrals-les-Corbières, et tous ceux qui ont pu suivre et qui suivront les interventions cette journée, en tout ou partie, en se connectant sur le site, — cette qualité contribue à rendre notre événement encore plus crédible.

La communauté de communes de la région lézignannaise Corbières et Minervois ainsi que le Conseil Interprofessionnel des vins du Languedoc qui sont les co-organisateurs de cette Université, remercient également la Région Languedoc-Roussillon Sud de France et le conseil départemental de l’Aude qui participent chaque année à son financement.

Et puis merci à toi, Nadine, qui depuis dix ans, avec La Buissonnière du Vin,

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construit, anime et fait vivre cet événement. Je crois qu’on peut t’applaudir, tous vous applaudir !

[Applaudissements]

C’est normal, c’est le moindre des mérites que l’on puisse te rendre !

Alors, il est difficile de conclure une telle journée, tant c’était riche, tant on va pouvoir en tirer d’enseignements, et pouvoir les mettre en application dès demain, d’un « clic » ou d’un « clac » sur le clavier de l’ordinateur…

Merci pour l’importante matière donnant à réfléchir à l’ensemble des acteurs de la filière du vin, que l’on soit professionnel ou simple amateur. Ce matin, les discussions portant sur l’histoire, la technique, la dégustation, les consommateurs et leur évolution — car je le disais ce matin, dans mon introduction, nous sommes en évolution permanente ; les consommateurs changent, la manière de consommer change, et par delà, les moyens évoluent également. Si, nous vignerons, la tête dans le guidon, nous ne le voyons pas, nos consommateurs sont friands, sont des juges à bon escient — à mauvais escient parfois, cela fait partie de la règle du jeu, il faut savoir l’accepter ; les dangers sont partout, dans l’excès, c’est pourquoi nous devons nous adapter pour savoir rectifier, faire passer les bons messages.

Je crois que l’avenir de nos vins, du Languedoc-Roussillon, jusqu’au 31 décembre 2015, et aussi ceux du Sud-Ouest à compter du 1er janvier 2016, puisque cette région, déjà leader en matière d’Aop et d’Igp, va agrandir cette représentativité, cette richesse, cette diversité, cette complémentarité… Demain, nous pourrons être fiers, en partant de Irouléguy, tout à l’ouest, jusqu’à Sommières, à l’est si je ne me trompe, cela offrira un panel d’une richesse géographique de cépages, de personnages et de terroirs, qui renforcera nos atouts. Il faut croire à notre produit, à notre vin, et rassurer le consommateur.

Merci à vous tous d’avoir participé à cette journée !

[Applaudissements]

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Dégustations

LA PAUSE VIGNERONNE :Avec les participants des « Volèm dire al país»Dégustation de cuvées emblématiques de leur travail, de leur histoire et de leur terroir, en présence des vignerons.

LA DÉGUSTATION THÉMATIQUE :VINS D’ALTITUDE

Avec les AOC Cabardès, Corbières, Faugères, Fitou, Irouléguy, Languedoc, Limoux, Marcillac, Madiran, Minervois, Minervois-La Livinière, Saint-ChinianAvec les IGP suivantes : Haute Vallée de l’Aude et Haute vallée de l’Orb

La fraîcheur, la finesse et la précision sont des qualificatifs qui reviennent souvent pour définir les particularités des vins produits en altitude.Le Languedoc viticole n’est pas réputé pour ses terroirs d’altitude, situés entre la côte méditerranéenne, les contreforts du Massif central et ceux des Pyrénées, mais il est soumis à des influences climatiques significatives comparables à l’effet d’altitude.Pour cette journée qui explore l’imaginaire, il est opportun de mêler la science au plaisir. Les vins sont proposés par les vignerons se reconnaissant dans la notion de vins d’altitude.

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CULTURE VIGNERONNE

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« Volèm dire al país »Une création vidéo intitulée « Volèm dire al país » pour donner la parole au Vin et aux vignerons.

Les vidéos sont disponibles sur le site :http://vigneauvin.net/ et www.universitevignevin.fr

Entretiens vignerons avec :

François BoudouIl est né à Montpeyroux, il y a ses vignes, il y vit, il y aime, il est coopérateur avec tous les autres à Castelbarry.

Jean-Marc de Crozals : Troisième génération sur le vignoble, il creuse la question du terroir et en sort le meilleur. Vigneron indépendant, il développe, en famille, les salons professionnels.

Eric Fabre : Amoureux du mourvèdre, il achète une propriété dans le Languedoc. C’est le bourboulenc qui va révolutionner son métier et l’enraciner au terroir de La Clape.

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Sylvain Fadat : Fou, pape ou chantre du carignan, il est celui qui le défend le mieux. Il a créé un vignoble gagné sur le plateau de garrigue : la terre des Cocalières, celle qui le fait chavirer. Presqu’autant que Désirée.

Pascale Rivière : Elle a recommencé à vivre quand elle a pu planter ses racines dans celles des vignes. Toute en sensibilité, elle a cette force féminine qui pourrait faire changer le monde. Elle le démontre avec d’autres : les Vinifilles.

Alexandre They : Génération Y, il est pourtant Bio à la cave comme à la vigne. Le smartphone dans une main, le tire-bouchon dans l’autre, c’est le vigneron hyperconnecté.

Entretiens : Nadine Franjus-Adenis, La Buissonnière du VinRéalisation : Alexandre Pachoutinsky, La Onzième Toile

Réalisation La Onzième Toile.http://laonziemetoile.wordpress-hebergement.fr/

http://onziemetoile.midiblogs.com

Toutes les vidéos sont disponibles sur le site www.universitevignevin.fr

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Chronique OccitaneAlan Roch

Animator cultural (Institut d’Estudis Occitans-Aude)

LO VIN PER DESLIGAR LA LANGA(le vin pour délier la langue)

Pour ouvrir mon propos, et me désaltérer, auriái plan begut un còp e per beure occitan, res non val... una cervesa.

E òc ! boire une bière e m’unchar lo gargamèl amb una cervesa Ciutat (la darrièra nascuda a Carcassona), una A vista de nas (Marselheta) o una Dòna Carcas (Peiriac de Menerbés) ! Amb lo regret de las Parpalhòlas e Manhagas du Pré en Bulles (Quilhan) (1).

Je pose cette question : comment des brasseurs, la plupart venus d’ailleurs, trouvent logique d’utiliser la langue d’Oc pour nommer leur production et que cela ne vienne que très-très marginalement à l’esprit pour le vin qui est, par ailleurs, ressenti comme une valeur constitutive de la personnalité des pays d’Oc ?

On arrive toujours à trouver quelques exemples. À Limoux, un blanc s’appelle Consolament : belle référence, mais le petit problème c’est que le Cathare (ou la Cathare) consolée ne devait plus consommer de vin ou était au point de mort. (Le même producteur propose des cuvées Melhorier et Caretas, mais aussi un vin «Inquisition » !!!)

Me voilà drôlement embarqué pour répondre au sujet de mon intervention qui est sensée aborder la question suivante : « Lenga d’Òc, Lengadòc, lenga del vin ? Cossí articular lo plaser, la coneissença e lo mercat del vin amb la lenga e la cultura d’Òc ? Qun sosten pòdon portar las referéncias a la cultura, a l’istòria e al biais de viure del país a la part d’imaginari ? Una part qu’acompanha la dobertura d’una cantina al son

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del tiratap, la vision del veire e la davalada dins la gargamèla ? A la revèrsa, cossí lo vin pòt contribuir a una expression renfortida de la paraula d’Òc ?Languedoc, langue d’Oc, langue du vin ? Comment langue et culture d’Oc apportent leur poids de plaisir et d’imaginaire dans le marché du vin ? Quel rôle peuvent tenir les références à la culture, à l’histoire et à la manière de vivre autochtones ? Quel cheminement des mains partenaires du tire-bouchon au gosier où descend le vin ? Et, réciproquement, comment le vin contribue-t-il au renforcement de l’expression occitane ? »

L’IMAGINARI ES LA REALITAT(L’imaginaire du réel)

Me cal dire, en primièr, qu’aicí, l’imaginari de fait es la realitat :- las gaspas de rasim- las colors de la vinha (e aquí, en novembre, son plan polidas)- lo barbarós que seguís lo podaire- una familha de perdigals- lo cant de las cigalas- e puèi : lo son del tiratap, del vin que raja dins lo veire- e tanben, lo nom de las pèças de vinha (2): il y a une véritable source de dénominations à puiser dans la micro-toponymie.

Encore, faut-il avoir une volonté affichée de faire quelque chose de concret et de dynamique de cette identité occitane, ne pas se contenter de référence au détour d’une phrase ou de semblants de bout de croix occitane retravaillée et relookée comme le logo du CIVL. Au-delà avec le vin d’ici ?

Ont es passat lo temps de las grandas afichas « Avèm lo solelh de mai » : le soleil s’est-il éteint sur la viticulture languedocienne ? Quoique j’ai cru comprendre que nous étions vers une phase « Avèm lo solelh de tròp » (3), avec les questions sur l’avenir de la vigne posées par le réchauffement climatique.

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LO SILENCI OCCITAN E LA CAÇA AL TRESAUR(Le silence occitan et la chasse au trésor)

Non seulement, la dimension occitane est sous-estimée et sous-utilisée, mais on pourrait parler d’une véritable occultation qui mène à faire des parodies, des ersatz d’ailleurs au lieu d’affirmer une personnalité forte :- prenètz una fèsta de vilatge en Menerbés : una serada en castelhan e l’autra en anglés e punt ! (4)

- je n’argumenterai pas sur la fausse Espagne d’une fausse tradition tauromachique importée de toute pièce

- Terra Vinea a eu une idée originale pour le 31 octobre, non, pas una fèsta del vin novèl, mais Halloween

- ont son los grops occitans, los aires d’aicí (5) dans les programmations musicales à Toques & Clocher, dans les manifestations estivales des caves des Corbières e dins plan d’autres endreits ? Quelle muraille infranchissable empêche les viticulteurs d’écouter et de faire écouter, par exemple, la bodega (une outre à vin (a) !!!) et lier culture et viticulture au lieu de céder à quelque mode passe-partout qui ne mène nulle part ?

Des propositions diverses faites par des associations occitanes sont restées lettre morte.

E digatz-me, per la fèsta del vin novèl a Carcassona, qual me dirà cossí un fals-semblant d’Elvis Presley pòt èsser portaire de l’imaginari del vin ?

(Vos vesi sorire : mas pensatz a vòstras programacions culturalas e musicalas dins las fèstas de la vinha e del vin. Qun esfòrç o causida avètz fait — o pas — per l’expression del país ?) (6).

Les fusions de caves ont d’abord repris des noms latins pour faire ultra-enraciné ;

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dans la deuxième vague, c’est le terme anglais qui prend les devants e que senhoreja : atal « Les Languedoc Wines vous convient à des happy Wines dans les Languedoc Wines Bar » : se poiriá pas tot simplament beure un còp (7) !!!!!!

Après, j’entends parler avec des trémolos dans la voix, des liens que font entre langue, culture et économie les Basques, les Bretons, les Catalans ou les Corses ; mais la culture d’Oc recèle elle aussi des trésors à exploiter, à faire connaître et à partager. Qual(a) entre vosaus sauprà venir caçaire/caçaira de tresaur e un davantièr per seguir aqueste camin d’un ligam tant evident coma lo nas al mitan del morre ? Los culturals coneissèm los benfaits del vin. Mas, vos, coneissètz los benfaits de la cultura ? (8)

LA MESCLANHA(La confusion)

Cresi que se fa una mesclanha d’un pauc tot e qu’una gata i tornariá pas trapar sos gatons (9) : l’anglais, comme les réseaux prétendument sociaux sont des outils à utiliser à bon escient : ils peuvent transporter notre identité, notre imaginaire, marquer nos façons d’être, de boire, de proposer les vins mais ils ne doivent pas se substituer à notre être profond, nous devons rester nous-même pour exister. Podèm dire nòstra occitanitat e la fòrça de nòstres vins dins totas las lengas del monde (10). Si l’anglais n’est pas considéré comme un outil, mais comme le précepteur, nous sommes condamnés à court/moyen terme à l’anonymat : un point lambda égaré dans un grand conglomérat gloubi-boulga.

Lo meteis rasonament se pòt téner per la tatiranha : anatz prene unas bravas susadas per sortir en primièr dins las referéncias d’una maquinassa genre Grand-Fraire e d’unas societats que vòlon tot chapar e transformar en moneda, moneda, moneda (per elas, pas per vos !). Alara, vos cal capitar a passar dins lo monde virtual e gardar a l’encòp los pès (los dos s’es possible, sens parlar dels pès de socas) sus tèrra (e los pès dels veires de tasta sus la taula, abans de los levar). (11)

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CAUSIR L’UMAN E DESLIGAR LA LENGA(Choisir l’humain et délier la langue)

Per èsser modèrne, cal causir l’uman. Lo vin es una cantina pausada sus la taula, quicòm a manjar, quicòm a se dire : i aurà pas de drink mob de vins virtuals (a l’imatge de las flash mob) per remplaçar aqueles moments de convivéncia. E aquí la paraula ven reala, vertadièra e non pas estèrla. L’imaginari pren son vam :Lo vin desliga la lenga ! (12) (b)

Soyons nous-même et non pas ce que l’on nous a empêché d’être !

Coma a Nevian, contunham de cridar : Viva lo vin ! (c) Atal siá ! (13) (d)

* Traductions :(1) Pour boire occitan, j’aurais bien bu... une bière, humecté mon gosier avec une bière Ciutat (la dernière née à Carcassonne), une A vista de nas (Marseillette) ou une Dòna Carcas (Peyriac-Minervois) ! Avec le souvenir des Parpalhòlas et Manhagas du Pré en Bulles (Quillan).

(2) Ici, en fait, l’imaginaire, c’est la réalité : les grappes de raisin, les couleurs de la vigne (comme actuellement en novembre), le rouge-gorge qui suit le tailleur de sarments, une famille de perdreaux, le chant des cigales et puis le son du tire-bouchon, du vin qui coule dans le verre, sans oublier les noms des pièces de vigne...

(3) Où est passé le temps des grandes affiches « Avèm lo solelh de mai »/Nous avons le soleil en plus. « Avèm lo solelh de tròp »/ Nous avons le soleile n trop. (4) Telle fête de village du Minervois, propose une soirée espagnole, l’autre anglaise

(5) Où sont les groupes occitans et les musiques d’ici ?

(6) Prenons l’exemple de la fête du vin primeur de Carcassonne : comment un sosie d’Elvis Presley peut-il transporter l’imaginaire du vin ?(Je vous vois sourire : mais pensez à vos programmations culturelles et musicales

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lors des fête de la vigne et du vin. Quel effort ou quel choix avez-vous fait— ou pas — pour l’expression du pays).

(7) On ne pourrait pas tout simplement boire un coup !

(8) Qui d’entre vous saura devenir un chasseur de trésor et un précurseur pour prendre cette voie d’un lien qui paraît si évident ? Les culturels, nous connaissons les bienfaits du vin. Mais, vous, connaissez-vous les bienfaits de la culture ?

(9) Je crois qu’on confond un peu tout

(10) Nous pouvons dire notre occitanité et la force de nos vins dans toutes les langues du monde.

(11) On peut tenir le même raisonnement pour le Net : vous allez attraper de sacrées suées pour passer en tête dans les référencements d’une machine genre Big-Brother et de sociétés qui veulent tout transformer en monnaie, en sous, en dollars (pour elles, pas pour vous!). Alors, il vous faut réussir le passe dans le monde virtuel et garder simultanément les pieds (les deux si possible, sans parler des pieds de souches) sur terre (et les pieds des verres de dégustation sur la table, avant de les lever).

(12) Pour être moderne, il faut choisir l’humain. Le vin, c’est une bouteille posée sur la table quelque chose à manger, quelque chose à se dire : il ne doit pas y avoir de drink mob de vins virtuels (à l’image de las flash mob) pour remplacer ces moments de convivialité Et là, la parole devient réelle, authentique et non pas stérile. L’imaginaire prend son envol : Le vin délie la langue !

(13) Comme à Névian, continuons de crier : Viva lo vin !-Vive le vin ! Ainsi soit-il !

* Notes :(a) Pour les fêtes, le bodegaire était payé en vin qu’il transportait dans sa boudègue. On comprend ainsi l’importance de l’instrument, même si « l’évaporation » faisait

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qu’il rentrait souvent chez lui sans une seule goutte de vin !

(b) : Contactez l’IEO-Aude ([email protected]) pour vous procurer des verres à dégustation avec cette formule.

(c) : Bibo lou bi !, titre de la pièce de Paul Albarel (1904)

(d) : Atal Sia : un Corbières du Château Ollieux-Romanis

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Impromptus musicauxet poético-bachiques

DE 14 à 17h, quelques respirations musicales pour le public et les conférenciersDE 18 à 19h Les jardiniers d’Epicure

Spectacle gratuit pour le public de l’UVV

Un chanteur-sommelier, Éric Guerrini, et une accordéoniste-épicurienne, Marie Pierre Loncan se retrouvent pour glorifier le vin, chanter, parler philosophie et évoquer plusieurs poètes languedociens tels que Joseph Delteil… De l’occitan au français en passant par l’italien, les « jardiniers d’Epicure» baladent le public au pays du vin et du plaisir de déguster.

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Expositions photos, La vigne de la Fraternité

La vigne de la Fraternité a été plantée en 1989 à Ferrals-les-Corbières pour lutter contre la morosité générale et la dépréciation de la viticulture. Elle en a vu passer des crises. Depuis les vignerons bénévoles se sont succédés pour prendre soin d’elle. Chaque année, les enfants de l’école viennent partager un moment de la taille puis la vendange. Dans ces moments d’échanges, toutes les générations se retrouvent autour des ceps. Ce sont ces instants de partage qui sont montrés à l’Université de la Vigne au Vin.

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Librairie et dédicacesPrésente sur la scène de l’UVV, la librairie de l’Université de la vigne au vin est ouverte à chaque pause et permanente le temps de la dégustation de 19h à 21h.

La Maison du Banquet est partenaire de l’Université de la Vigne au Vin, avec la présence de sa librairie. Ce centre de rencontres et d’études autour du livre et de la pensée, qui organise le festival de notoriété nationale, « le Banquet du Livre », veut être un lieu ouvert à tous où « le goût du vin se mêle à celui de la parole », où les joies de l’esprit se conjuguent aux plaisirs de la table et du vin.La librairie généraliste à Lagrasse propose environ 7000 livres et 6000 références différentes dans tous les domaines : littérature, essais, poésie, polars, beaux livres, nature, jeunesse, etc. La librairie propose sur place une sélection d’ouvrages spécialisés pour accompagner le thème de la journée mais aussi une littérature sur le vin et tout ce qui peut enrichir la culture vigneronne.

Sélection de livres ayant servi à la préparation de l’UVV 2015« Traité du bon usage du vin », de François Rabelais, éditions Allia«Le vin pour tous» de Myriam Huet éditions Dunod« Partager le goût du Vin » de François Martin, éditions Féret« Poètes du vin, poètes divins » de Kilien Stengel, Éditions Archipel, 2012« Histoire divertissante et curieuse de la gastronomie”, Éditions Grancher, 2013 .“Traité du vin en France : Traditions et Terroir”, Éditions Sang de la Terre, 2013· “Dictionnaire du Bien Manger et des Modèles Culinaires”, collection «les dictionnaires», Éditions Honoré Champion, 2015“Hérédités alimentaires et identité gastronomique”, L’Harmattan, 2014 (ISBN 978-2-343-02096-9)« Florilège de discours savants sur le vin» deAzélina Jaboulet-Vercherre éditions Féret« Le vin sur le divan » de Céline Simonnet-Toussaint, éditions Féret« Histoire de la vigne et du vin » de Roger Dion, éditions CNRSDes dédicaces sont organisées lors des pauses avec les intervenants et auteurs présents au colloque.

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RemerciementsLes organisateurs de l’Université de la Vigne au Vin remercient chaleureusement les intervenants universitaires et professionnels du colloque pour leur participation, et pour avoir gracieusement autorisé la publication de ces actes.

Un merci tout particulier aux vignerons qui se sont associés à cette journée. Qu’ils soient remerciés pour leur disponibilité lors des tournages et pour la présentation de leurs vins. Qu’ils soient remerciés pour leurs cuvées mises à disposition des dégustations.

Merci aux syndicats des crus des AOC Cabardès, Corbières, Faugères, Fitou, Languedoc, Limoux, Minervois, Minervois-La Livinière et Saint-Chinian. Avec les IGP de la Haute Vallée de l’Aude et de la Haute vallée de l’Orb. Ainsi que les représentants de leur interprofession Civl pour leur présence et leur participation.

Merci à l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest et ses appellations Irouléguy, Marcillac, et Madiran qui ont apporté un regard différent à la culture vigneronne.

Merci à la Mairie de Ferrals-les-Corbières qui, comme chaque année, facilite la mise en place de ces rencontres.

Merci à tous les bénévoles de l’Université de la Vigne au Vin sans qui cette journée ne pourrait pas se faire. Nous citerons pour leur discrète mais énergique participation :Les stagiaires en formation « Œnotourisme » de l’Infa de NarbonneGaëlle, Yolande et Jo de La Buissonnière du Vin, Véronique de Promaude.Un merci particulier à Éric, du Civl pour sa patience, sa compréhension et sa disponibilité.Merci aux vignerons des Celliers d’Orfée qui participent à la mise en place du décors et mettent à disposition leur cellier dans le village.Merci à Alan Roch, Institut d’Etudes occitanes de l’Aude, pour ses chroniques occitanes et apéritives.

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Présentation de l’équipeL’équipe technique est composée de Claude Rubio à la lumière et à la régie générale là-haut ; Jean-Benoît Roubinet, graphiste et photographe, Alexandre Pachoutinsky, la Onzième Toile pour la vidéo, Bertrand Fritsch de Notesingamme qui a permis la réalisation du site interactif ; Laurent Marseault, outils réseaux pour l’interactivité.

A la régie générale, Sonia Cassaigne, CCRLCM.

A la conception et l’animation, Nadine Franjus-Adenis

Avec le parrainage de l’Institut des Hautes études de la Vigne et du Vin

Avec l’aimable collaboration de Vitisphere

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