LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122....

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AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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  • AVERTISSEMENT

    Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]

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    UNIVERSITE NANCY 2

    Facult de Droit, Sciences Economiques et Gestion

    Volume 1

    Thse en vue de lobtention du grade de

    DOCTEUR EN DROIT

    (Doctorat Nouveau Rgime, mention Droit International Public)

    Prsente et soutenue publiquement le 25 Septembre 2009

    Par

    M. Arthur BENGA NDJEME

    Le 25 Septembre 2009

    JURY

    M. Jean CHARPENTIER, Professeur mrite, Nancy Universit

    (Nancy 2)

    M. Rahim KHERAD, Professeur, Universit dAngers

    Mme Isabelle BOSSE-PLATIERE, Professeur, Universit du

    Littoral Cte d'Opale

    Mme Batyah SIERPINSKI, MC HDR, Nancy Universit (Nancy 2),

    Directrice de thse

    UNIVERSITE NANCY 2

    LA CONTRIBUTION DE LEUROPE AU PROCESSUS DE

    RESOLUTION DE LA CRISE DE LETAT EN AFGHANISTAN

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    Facult de Droit, Sciences Economiques et Gestion

    Volume 2

    Thse en vue de lobtention du grade de

    DOCTEUR EN DROIT

    (Doctorat Nouveau Rgime, mention Droit International Public)

    Prsente et soutenue publiquement le 25 Septembre 2009

    Par

    M. Arthur BENGA NDJEME

    Le 25 Septembre 2009

    JURY

    M. Jean CHARPENTIER, Professeur mrite, Nancy Universit

    (Nancy 2)

    M. Rahim KHERAD, Professeur, Universit dAngers

    Mme Isabelle BOSSE-PLATIERE, Professeur, Universit du

    Littoral Cte d'Opale

    Mme Batyah SIERPINSKI, MC HDR, Nancy Universit (Nancy 2),

    Directrice de thse

    LA CONTRIBUTION DE LEUROPE AU PROCESSUS DE

    RESOLUTION DE LA CRISE DE LETAT EN AFGHANISTAN

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    La Facult nentend donner ni approbation, ni improbation aux opinions mises dans la thse,

    celles-ci devant tre considres comme propres lauteur.

  • - 3 -

    L E C O R P S E N S E I G N A N T d e l a F a c u l t d e D r o i t ,

    S c i e n c e s E c o n o m i q u e s & G e s t i o n

    A n n e U n i v e r s i t a i r e 2 0 0 8 -2 0 0 9

    DOYEN M. Olivier CACHARD

    DOYENS HONORAIRES MM. TALLON, GROSS, JAQUET, CRIQUI

    PROFESSEURS MRITES M. VITU, Professeur de Droit Pnal

    M. CHARPENTIER, Professeur de Droit public

    M. JAQUET, Professeur de Droit Public

    M. COUDERT, Professeur d'Histoire du Droit

    Mme GAY, Professeur dHistoire du Droit

    M. BORELLA, Professeur de Droit Public

    Mme MARRAUD, Professeur de Droit Priv

    M. GROSS Bernard, Professeur de Droit Priv

    PROFESSEURS

    M. RAY Jean-Claude Professeur de Sciences conomiques

    M. SEUROT Franois Professeur de Sciences conomiques

    M. SEUVIC Jean-Franois Professeur de Droit Priv

    M. MOUTON Jean-Denis Professeur de Droit Public

    M. BUZELAY Alain Professeur de Sciences conomiques

    M. JACQUOT Franois Professeur de Droit Priv

  • - 4 -

    M. CRIQUI Etienne Professeur de Science Politique

    M. BILLORET Jean-Louis Professeur de Sciences conomiques

    M. PIERR-CAPS Stphane Professeur de Droit Public

    M. GOSSEREZ Christian Professeur de Droit Public

    M. GARTNER Fabrice Professeur de Droit Public

    M. EBOUE Chicot Professeur de Sciences Economiques

    M. MAZIAU Nicolas (Dtachement) Professeur de Droit Public

    M. DEREU Yves Professeur de Droit Priv

    M. BISMANS Francis Professeur de Sciences Economiques

    M. ASTAING Antoine Professeur d'Histoire du Droit

    M. STASIAK Frdric Professeur de Droit Priv

    M. CACHARD Olivier Professeur de Droit Priv

    M. GRY Yves Professeur de Droit Public

    M. LAMBERT Thierry Professeur de Droit Priv

    M. HENRY Xavier Professeur de Droit Priv

    M. PLESSIX Benot Professeur de Droit Public

    Mme LEMONNIER-LESAGE Virginie Professeur dHistoire du Droit

    Mme SPAETER-LOEHRER Sandrine Professeur de Sciences Economiques

    Mme UBAUD-BERGERON Marion Professeur de Droit Public

    M. TAFFOREAU Patrick Professeur de Droit Priv

    M. PARENT Antoine Professeur de Sciences Economiques

    M. PERREAU-SAUSSINE Louis Professeur de Droit Priv

    Mme TUFFERY-ANDRIEU Jeanne-Marie Professeur dHistoire du Droit

    Mme GRAMAIN Agns Professeur de Sciences Economiques

    M. FONCEL Jrme Professeur de Sciences Economiques

    M. PETIT Yves Professeur de Droit Public

  • - 5 -

    MATRES DE CONFERENCES

    M. BOURGAUX Claude Matre de Confrences de Droit Priv

    M. PELLISSIER Dominique Matre de Confrences de Sciences

    conomiques

    Mme CHARDIN France Matre de Confrences de Droit Priv

    M. GERMAIN Eric Matre de Confrences de Droit Public

    M. LUISIN Bernard Matre de Confrences de Droit Public

    Mme MANSUY Francine Matre de Confrences de Droit Priv

    M. VENANDET Guy Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme TILLEMENT Genevive Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme GANZER Annette Matre de Confrences de Droit Priv

    M. OLIVIER Laurent Matre de Confrences de Science Politique

    M. DIELLER Bernard Matre de Confrences de Sciences

    conomiques

    M. GUIGOU Jean-Daniel Matre de Confrences de Sciences

    conomiques

    M. GASSER Jean-Michel Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme JANKELIOWITCH-LAVAL Eliane Matre de Confrences de Sciences

    conomiques

    M. AIMAR Thierry (Dtachement) Matre de Confrences de Sciences

    Economiques

    Mme KUHN Nicole Matre de Confrences de Droit Public

    Mme DAVID-BALESTRIERO Vronique Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme ETIENNOT Pascale Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme DANTONEL-COR Nadine Matre de Confrences de Droit Public

    Mlle BARBIER Madeleine Matre de Confrences dHistoire du Droit

    M. FOURMENT Franois Matre de Confrences de Droit Priv

    M. ANDOLFATTO Dominique Matre de Confrences de Science Politique

    Mme DEFFAINS Nathalie Matre de Confrences de Droit Public

  • - 6 -

    Mme SIERPINSKI Batyah Matre de Confrences de Droit Public

    M. MOINE Andr Matre de Confrences de Droit Public

    Mlle LEBEL Christine Matre de Confrences de Droit Priv

    Mlle LE GUELLAFF Florence Matre de Confrences dHistoire du Droit

    M. PY Bruno Matre de Confrences de Droit Priv

    M. EVRARD Sbastien Matre de Confrences dHistoire du Droit

    M. FENOGLIO Philippe Matre de Confrences de Sciences

    Economiques

    Mme BOURREAU DUBOIS Ccile Matre de Confrences de Sciences

    Economiques

    Mlle GARDIN Alexia Matre de Confrences de Droit Priv

    M. KLOTGEN Paul Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme DERDAELE Elodie Matre de Confrences de Droit Public

    M. DAMAS Nicolas Matre de Confrences de Droit Priv

    M. GICQUEL Jean-Franois Matre de Confrences d'Histoire du Droit

    Mme LELIEVRE Valrie Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. PREVOT Jean-Luc Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. WEBER Jean-Paul Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mme CHAUPAIN-GUILLOT Sabine Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. CHOPARD Bertrand Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mlle PIERRE Nathalie Matre de Confrences de Droit Priv

    M. PIERRARD Didier Matre de Confrences de Droit Public

    Mme HOUIN-BRESSAND Caroline Matre de Confrences de Droit Priv

    M. ZIANE Ydriss Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. GABUTHY Yannick Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mlle BLAIRON Katia Matre de Confrences de Droit Public

    M. FEREY Samuel Matre de Confrences de Sciences

    Economiques

    M. MULLER Franois Matre de Confrences de Droit Public

  • - 7 -

    Melle ABALLEA Armelle Matre de Confrences de Droit Public

    M. THIERRY Jean-Baptiste Matre de Confrences de Droit Priv

    MATRES DE CONFERENCES ASSOCIES

    M. FERRY Frdric Matre de Confrences associ de Droit Priv

    Mme MOUKHA Stphanie Matre de Confrences associ de Droit Priv

    M. GAUDEL Pierre-Jean Matre de Confrences associ de Droit Public

    M. GUENOT Jacques Matre de Confrences associ de Droit Priv

    M. GREGOIRE Christian Matre de Confrences associ de Sciences

    Economiques

    M. BERNARDEAU Ludovic Matre de Confrences associ de Droit Priv

    ASSISTANTS - PRAG

    M. ECKERSLEY David (Convention) Assistant d'Anglais

    M. LOVAT Bruno PRAG de Mathmatiques

    Mme DIEHL Christel PRAG dAnglais

    M. PERRIN Yves PRAG dEconomie et Gestion

  • - 8 -

    A toi, mon cher oncle. Jean-Rmi MBONDAZOKOU

    Jaurais tant aim que tu me lusses.

  • - 9 -

    Ce que le juriste nomme les faits, cest--dire la ralit sociologique, historique, politique, conomique, humaine soumise au droit, ne peut tre oubli par lui lorsquil tente danalyser une thorie de lOrganisation internationale. Les exigences dune saine mthode juridique lui imposent, au contraire, dy porter la plus grande attention et il ne saurait le faire, dans ltat actuel de dveloppement des sciences sociales, sans tenir compte de ce que ces sciences ont lui enseigner: pour le juriste plus que pour tout autre spcialiste, ltude des Organisations internationales prsente ncessairement un caractre inter-disciplinaire.

    [ Michel VIRALLY ]

    Despite these facts, the work and contribution of the EU for the reconstruction of Afghanistan is hardly ever mentioned in assessments by experts, whereas the EU has been noticeably absent from these reports. This is more than regrettable given its major contributions.

    [ Klaus-Peter KLAIBER ]

    Un monde secret

    Des oiseaux, las de chercher quelques graines, Se posrent sur les fils du tlphone.

    Les uns faisaient des confidences aux amis, Les autres avaient ferm les yeux.

    Certains avaient cach la tte sous leurs ailes, Quelques autres avaient lenvie de chanter, Dautres encore piaient le moment propice

    Pour dire leurs secrets leurs amants.

    L o ils taient poss, sous leurs pieds, Etait un monde de choses caches:

    Menaces des puissants, Cajolerie des aims.

    Dans ce fil sec du tlphone Circulait un fleuve de mystres

    Dont chaque instant tait rempli de combats, Chaque tourbillon, diffrent de lautre.

    Je contemplais les oiseaux sur le cble, Ma pense sen est alle au loin:

    Nous aussi, sans doute, comme ces oiseaux, Sommes poss quelque part sur un fil.

    Nous volons au loin, nous voyons lunivers Sous laile de notre minuscule pense.

    Peut-tre est-ce un monde plein de mystres Ce fil o nous dormons.

    Nous sommes sans doute des oiseaux innocents Au regard superficiel.

    Ce que nous voyons, nest peut-tre pas. Et de nombreux mystres sans doute se cachent nos yeux.

    [ Mohamad Sediq PASARLAY ]

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    Remerciements

    Un merveilleux malheur ! Voil le titre-phare dune tude que Boris CYRULNIK consacre

    lun de ses livres ddis au concept de rsilience. Il sagit, globalement, de la capacit quont certains

    tres et nombre de peuples transformer leurs traumatismes personnels en un fagot de forces

    dterminant dans la prise en main de leur destin. On peut voir dans ce concept autant un succdan de

    linstinct de survie, quune opinitre volont de dpasser quelque exprience douloureuse.

    Loxymore de ce titre illustre bel et bien un chemin, un long chemin parsem dembches.

    Mais par-del limage quelle vhicule, la puissance vocatrice de cette figure de style rside surtout

    dans la gnrosit dun vnement susceptible de transformer un malheur potentiel en quelque

    chose de tolrable, et mme en source de fiert (Barack OBAMA).

    Plutt quune capitulation devant les preuves auxquelles ils sont confronts, les sujets en

    prsence apprennent dvelopper un sens dadaptation et de sublimation la hauteur des accidents

    vcus. Ainsi, fondent-ils rsolument leur existence sur la ferme conviction quune preuve peut

    positivement influencer une vie. Le destin tragique du Peuple afghan et la dlicate construction de

    lEurope politique se rapprochent ds lors du tortueux cursus dun jeune chercheur en sciences

    juridiques. En effet, autant lintervention internationale conscutive aux attentats du 11 Septembre

    2001 constitue une sismothrapie pour lAfghanistan, quant son appropriation des valeurs de

    dmocratie, de lEtat de droit et des Droits de lHomme ; autant le passage par trois directeurs de thse

    aura jamais forg mon attachement aux valeurs dhumilit et de sobrit quexige dailleurs toute

    tude scientifique.

    Lesprit de temprance qui claire les analyses relatives aux mcanismes internationaux de

    rglement du conflit afghan, de recration dune Souverainet viable et de consolidation de la paix

    durable dans une socit aussi imprvisible quoptimiste, est tout entirement tributaire de ces

    prcautions. La disposition consistant toujours rechercher la conciliation dans ce parcours ma ainsi

    permis de surmonter quelques obstacles, qui auraient pu contraindre au dcouragement voire

    labandon.

    Puissent Celles et Ceux -nombreux- qui auront contribu avec altruisme promouvoir cet

    esprit veuillent trouver, travers ce travail de nophyte, mes bien sincres remerciements ; la rdaction

    dune thse de doctorat tant, incontestablement, le fruit dun effort collectif. Quil sagisse de

    lassistance matrielle ou de lappui intellectuel et affectif. Quil sagisse galement de laide active ou

    de soutiens spontans dont aujourdhui je mhonore.

    Je tiens, tout particulirement, remercier M. le Professeur F. STAZIAK, dont le soutien actif,

    en sa qualit de Directeur de lEcole doctorale des Sciences juridiques, politiques, conomiques et

    gestion maura permis de surmonter un certain nombre de difficults, qui auraient pu constituer un

    obstacle laboutissement de ce travail. La soutenance de cette thse naurait pas pu tre possible non

  • - 11 -

    plus, sans lappui soutenu de M. le Professeur S. PIERR-CAPS travers les conditions de travail

    mises en place au sein de lInstitut de Recherches sur lEvolution de la Nation Et de lEtat

    (I.R.E.N.E.E.) de lUniversit Nancy 2.

    Raison pour laquelle je suis particulirement reconnaissant envers mon oncle Emmanuel F.

    ISSOZE-NGONDET et mon cousin Jean-Calvin MOUEMBE, sans qui je naurais pu financer mes

    tudes en France. Et ce propos, jai le devoir de remercier Mme Anne STELLA, Directrice de la cit

    Universitaire Monbois pour mavoir aid surmonter des fins de mois difficiles. Mes penses vont

    galement ma tante, Mme le Professeur ZEBADI, pour sa contribution lobtention de mon

    baccalaurat et ses chaleureux encouragements: nimo, te falta poco !

    La rdaction dun travail de recherche ncessitant toutefois un regard extrieur, il mest

    indispensable dexprimer ma profonde reconnaissance M. HELALI, qui ma honor de ses remarques

    avises et de sa chaleureuse amiti.

    A M. le Professeur Nicolas MAZIAU, je dois une riche collaboration sur la dfinition et le

    dbroussaillage des prsents cas dtude. Sans oublier lincessant combat intrieur quil maura inspir

    pour amliorer au mieux mon style journalistique .

    De M. le Professeur Auguste MAMPUYA, je retiens une mthode dencadrement des travaux

    base sur des discussions de vive voix sur tous les points de la problmatique, ainsi quune ferme

    volont dorienter le choix et la disposition des matriaux exploits.

    En me gratifiant de sa bienveillante sollicitude dans lapprofondissement, le dveloppement et

    lclaircissement de mes rflexions, Mme SIERPINSKI maura apport la rigueur mthodologique

    ncessaire un travail fort sinistr . Je dois donc ma Directrice de Thse leffort damlioration

    du texte final, surtout lattnuation des encastrements de Droit communautaire menaant parfois

    dtouffement la critique de Droit international public que vise la prsente tude.

    Nanmoins, loppos des rsilients traditionnels, systmatiquement agits par une

    persvrante obligation de rsultat, je me limite, dans les pages qui suivent, minterroger sur une

    question qui pourrait ouvrir une spcialisation : les mutations substantielles de lEtat et de la Nation,

    en Europe comme en Afghanistan. Une Thse rpond certes une problmatique, mais une tude

    scientifique est aussi une tape de la vie qui enseigne que la meilleure manire daborder un problme

    aussi complexe que le rtablissement de la paix, cest de ne pas croire savoir ce que lon ignore, et

    de chercher toujours sinstruire (COLUMELL).

    En consquence, je crois savoir quil ne mest pas excessif de ne chercher qu mriter

    lindulgence de mon pre, Joachim-Serge NDJEME BENGA et de ma mre, Caroline ILAZABEWA-

    MEKOWA. Puissent-ils trouver dans cette trame juridique mes remerciements pour le sacrifice

    permanent quils consentent me pousser. Leur parole est ma Ligne dhorizon :

    Tu fais ce que tu peux !

  • - 12 -

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    AELE.Association Europenne de Libre Echange

    AIA.Autorit Intrimaire dAfghanistan

    AID...lAssociation internationale de dveloppement

    AMGI.Agence multilatrale de garantie des investissements

    ARTF...Afghanistan reconstruction Trust Fund

    BATFRA...Bataillon Franais

    BFA..Brigade Franco-allemande

    BM...............................................................................................................................Brigade Mcanise

    CERIC.Centre dEtudes et de Recherches Internationales et Communautaires

    CIDAL.Centre dInformation de lAmbassade dAllemagne Paris

    CIISE..Commission internationale de lintervention et de la souverainet des Etats

    CIRDI...Centre international pour le rglement des diffrends sur les investissements

    CMUEComit militaire de lUnion europenne

    CNRS.Centre National de la Recherche Scientifique

    COPS.Comit politique et de scurit

    COREPERComit des Reprsentants permanents

    CPJICour Permanente de Justice Internationale

    CPE..Coopration politique europenne

    CREMOCCentre de Recherche sur lEurope et le Monde Contemporain

    CSP.Document stratgique individuel ( ou Country Strategy Paper)

    DDR.....Dsarmement-Dmobilisation/Dmilitarisation-Rinsertion

    EEE.Espace conomique europen

    EMUE..Etat-major de lUnion europenne

    EUPOLPolice de lUnion europenne (ou European Union Police)

    EUROCORPS...Corps Europen de Dfense

    FIAS...Force internationale dassistance la scurit en Afghanistan (De langlais : ISAF)

    GTDIPGrands textes de droit international public

    HRF.Force haute disponibilit

    IATA...International Air Transport Association

    IEE.Institut dEtudes Europennes

    JAI...Justice et Affaires Intrieures

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    LOTFA..Law Order Trust Fund of Afghanistan

    MANUA.Mission dassistance des Nations unies en Afghanistan

    MINUKMission dadministration intrimaire des Nations unies au Kosovo

    MSNUAMission Spciale des Nations unies en Afghanistan

    NORDEM...Norwegian Centre for Human Rights

    NRF..Force de raction rapide de lOTAN ( ou Nato Response Force)

    OACI.........................................................Organisation de lAviation Civile Internationale

    OCIOrganisation de la Confrence islamique

    ONUDC.Organisation des Nations unies contre la drogue

    OPLAN..Plan dopration (ou Operation Plan)

    OPOCE.Office des publications officielles des Communauts europennes

    OSCE..Organisation pour la scurit et la coopration en Europe

    PESC.Politique trangre et de scurit commune

    PESDPolitique europenne de scurit et de dfense

    PRT.Equipe provinciale de reconstruction (ou Provincial Reconstruction Team)

    RSUE...Reprsentant spcial de lUnion europenne

    SACEURCommandement Suprme des Forces allies en Europe

    SHAPE..Quartier Gnral du Commandement alli en Europe

    TUETrait sur lUnion europenne

    UEO..Union de lEurope Occidentale

  • - 14 -

    SOMMAIRE

    TITRES PAGES

    INTRODUCTION GENERALE16

    PREMIERE PARTIE : LE ROLE DE LEUROPE DANS LA GESTION DE LA GUERRE CIVILE

    DAFGHANISTAN ET DE SES REPERCUSSIONS INTERNATIONALES 38

    TITRE I : LA COLLABORATION AU TRAITEMENT DE LA CRISE AFGHANE

    ANTERIEUREMENT AUX ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001.40

    CHAPITRE I : LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE LA SITUATION POLITIQUE ET

    MILITAIRE EN AFGHANISTAN... 40

    SECTION 1 : LES FONDEMENTS DU PROBLEME AFGHAN APRES LE RETRAIT DES

    FORCES SOVIETIQUES. 41

    SECTION 2 : LES CONSEQUENCES DU CONFLIT INTER-AFGHAN SUR LA PAIX ET LA

    SECURITE INTERNATIONALES...59

    CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT DES SANCTIONS DERIVEES DE LARTICLE 41 DE LA

    CHARTE DES NATIONS UNIES.81

    SECTION 1 : LIMPOSITION A LAFGHANISTAN DUN EMBARGO SUR LES

    ARMEMENTS...82

    SECTION 2 : LES SANCTIONS RIGOUREUSES PRISES A LENCONTRE DES TALIBAN ET

    LEUR PORTEE REELLE99

    TITRE II : LE POSITIONNEMENT DES ETATS MEMBRES DE LU.E. FACE A LA LEGITIME

    DEFENSE EXERCEE CONTRE LAFGHANISTAN123

    CHAPITRE I : LA REVITALISATION DU POUVOIR NORMATIF DES RESOLUTIONS 1368 ET

    1373 DU CONSEIL DE SECURITE...124

    SECTION 1 : LAPPUI DES ACTEURS EUROPEENS A UNE INTERPRETATION EXTENSIVE

    DE LA LEGITIME DEFENSE125

    SECTION 2 : LAPPORT DUN DISPOSITIF DE REPRESSION ET DE PROTECTION

    JUDICIAIRE DES DROITS DE LHOMME DANS LA LUTTE INTERNATIONALE CONTRE LE

    TERRORISME.154

    CHAPITRE II : LES SOUTIENS LOGISTIQUES A LA COALITION MULTINATIONALE ET

    LETHICITE DES MODALITES DE LA GUERRE..178

  • - 15 -

    SECTION 1 : LES INITIATIVES DES PUISSANCES EUROPEEENS AUPRES DES FORCES

    AMERICAINES...179

    SECTION 2 : LIMPACT DES RESOLUTIONS DU PARLEMENT EUROPEEN SUR LA

    REDYNAMISATION DE LETHIQUE DU DROIT INTERNATIONAL187

    DEUXIEME PARTIE : LA DOUBLE STRATEGIE DE LEUROPE DANS LEFFORT DE

    STABILISATION EN AFGHANISTAN.204

    TITRE I : LENGAGEMENT DES MEMBRES DE LUE AU TRAVAIL DE LA MANUA..212

    CHAPITRE I : UNE PARTICIPATION DECISIVE AU PARRAINAGE DE LINGENIERIE

    CONSTITUTIONNELLE ET DEMOCRATIQUE..212

    SECTION 1 : LA POSITION COLLECTIVE DES ETATS EUROPEENS DANS LA

    REACTIVATION DU POUVOIR CONSTITUANT NATIONAL213

    SECTION 2 : LA CONSOLIDATION DE LETAT DE DROIT ET DE LELAN

    DEMOCRATIQUE..235

    CHAPITRE II : LAGENCEMENT DUN MECANISME DE PREVENTION DES CONFLITS260

    SECTION 1 : LAGENDA POLITIQUE DE LA RECONSTRUCTION AFGHANE...260

    SECTION 2 : LINVESTISSEMENT DE LU.E. DANS LA PREVENTION DES CONFLITS

    ENTRE FACTIONS AFGHANES...282

    TITRE II : LA CONCERTATION DES PARTENAIRES EUROPEENS AUX FINS DE

    PARTICIPATION A LA FORCE INTERNATIONALE DASSISTANCE A LA SECURITE336

    CHAPITRE I : LA CLE DE REPARTITION DES TACHES ENTRE LES DIFFERENTS ACTEURS

    DE LISAF336

    SECTION 1 : LE TRIPTYQUE ONU-OTAN-UE DANS LA STABILISATION POST-

    TALIBAN.337

    SECTION 2 : LAPPUI DE LEUROPE AUX MISSIONS DE LA FORCE INTERNATIONALE DE

    PAIX.343

    CHAPITRE II : LEVALUATION DES CAPACITES DE LENGAGEMENT EUROPEEN EN

    AFGHANISTAN..364

    SECTION 1 : LAPPUI AU SYSTEME NOVATEUR DES EQUIPES PROVINCIALES DE

    RECONSTRUCTION..365

    SECTION 2 : LA CONSECRATION DU NOUVEAU PARTENARIAT UE-AFGHANISTAN,

    REEVALUATION DU SENS DE LA PUISSANCE?.........................................................................379

    CONCLUSION GENERALE...398

    BIBLIOGRAPHIE406

    LISTES DES ANNEXES.440

    GLOSSAIRE448

    TABLE DES MATIERES..450

  • - 16 -

    INTRODUCTION GENERALE

  • - 17 -

    Le phnomne des Etats en dliquescence1 trouve en cho une pratique exalte, que daucuns2 considrent dailleurs comme une idologie : la gestion des crises et la prvention des conflits3. Au regard des rapports publis par les Nations Unies, lAfghanistan montre les signes typiques dun Etat en dcomposition, o les factions armes sont peu dsireuses dopter pour la paix, et, de leur ct, les grandes puissances se sont tenues lcart du conflit depuis la fin de la guerre froide. 4 Certains nhsitent pas voir en ce pays, non plus un Etat en drliction, mais un Trou noir 5 creus de toute part, au cur de lAsie Centrale et qui effraie, tant par son opacit que par limprobabilit de son fond si menaant pour la stabilit des territoires limitrophes et pour la paix et la scurit internationales. La dfaite successive des armes grecque, romaine, mongole puis britannique et sovitique fait firement porter lAfghanistan le pseudonyme flatteur de Cimetire des empires6.

    Comme lOrganisation des Nations Unies (ONU), dont le Chapitre VII de la Charte sert de creuset la gestion des crises7, lUnion europenne et ses Etats membres semploient apporter la contribution de lEurope aux deux dynamiques complmentaires qui sarticulent dsormais autour de la restauration de lEtat (State building) et du relvement de la Nation (Nation building). Il sagit, pour les acteurs europens, de contribuer la (re-)construction ou la rhabilitation dEtats ayant subi de graves troubles et ntant plus en mesure dassurer la scurit de leurs populations, ni de leur fournir les services de base normalement assums par tout Etat moderne. 8 Plutt quune action prcise et marque, il sagit dun ensemble de tches dinstitutionnalisation comprenant llaboration dune Constitution dmocratique, renforce par les principes de lEtat de droit et la revitalisation des structures

    1 CHOMSKY Noam, Failed States : The Abuse Of Power And the Assault On Democracy, Metropolitan Books, 2006, 311 p. ; Egalement, DIDIER Anne-Line et MARNET Jean-Luc, Etats chous , mgalopoles anarchiques, PUF, Paris, 2001, 173 p. 2 DELCOURT Barbara, MARTINELLI Marta, KLIMIS Emmanuel (Dir.), LUnion europenne et la gestion de crises, Institut dEtudes Europennes, Editions de lUniversit de Bruxelles, Bruxelles, 2008, pp. 9-11. 3 MARRET Jean-Luc, La fabrication de la paix : nouveau conflits, nouveaux acteurs, nouvelles mthodes, Fondation pour la Recherche stratgique, Editions Ellipses, Paris, 2001, 158 p. ; PEIGNEY Pierre (Textes recueillis et prsents par), La gestion des sorties de crise. Actions civilo-militaires et oprations de reconstruction, colloque organis par lUnion des associations dauditeurs de lInstitut des Hautes tudes de Dfense nationale (UAIHEDN) et par la Fondation pour les tudes de dfense (FED-CREST), le 17 Dcembre 1997 lEcole militaire de Paris, La Documentation franaise, Collection Perspectives stratgiques , Paris, 1998, 157 p. 4 Rapport du Secrtaire gnral sur La situation en Afghanistan et ses consquences pour la paix et la scurit internationales, 19 Juin 1998, Document A/52/957-S/1998/532, paragraphe 50. 5 LAfghanistan est-il ainsi compar une sorte de trou noir gographique, tnbres prives de ces festons lectriques qui scintillent joyeusement ds le crpuscule travers tout le reste du monde . BARRY Michael : Le Royaume de lInsolence. LAfghanistan (1504-2001), Flammarion, Paris, 1996, 2002, p. 317. 6 Expression emprunte M. Manuchehr MOHAMMADI, vice-ministre iranien des Affaires trangres. Documentaire Culture infos, Iran : une puissance dvoile , Arte, 17 Juin 2009, 01h30. 7 Il sagit des dynamiques inhrentes l Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et dacte dagression , in DUPUY Pierre-Marie, Les grands textes de droit international public, 2e dition, Dalloz, Paris, 2001, pp. 12-14. 8 DELCOURT Barbara, MARTINELLI Marta, KLIMIS Emmanuel (Dir.), LUnion europenne et la gestion de crises, Editions de lUniversit de Bruxelles, Op. cit., p. 9 10 ; NKUNDABAGENZI Flix, PAILHE Caroline et PECLOW Valrie : LUnion europenne et la prvention des conflits. Concepts et instruments dun nouvel acteur, rapport du GRIP (Groupe de recherche et dinformation sur la paix et la scurit) 2002/2, Bruxelles, 72 p.

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    de lUnit nationale telles que les institutions publiques, les structures de scurit et de dfense et les infrastructures publiques.

    En somme, la gestion de crise est une dynamique qui consiste colmater les brches que la mutation inexorable de lEtat ne cesse douvrir dans le concept dEtat-nation, sujet dintarissables contestations depuis le mouvement de dcolonisation qui rythme encore aujourdhui les relations entre les anciennes puissances imprialistes europennes et les jeunes Etats dAmrique Latine9, dAfrique10 et dAsie et du Proche et Moyen-Orients11. Plus quaux partenaires de lONU, il est important de souligner que le dfi de la faillite des Etats, pour lorgane des Nations Unies, auquel lArticle 24 de la Charte confre la responsabilit fondamentale de la paix et de la scurit internationales, est fort exaltant12.

    LAfghanistan est un Etat qui repose sur trois piliers tout aussi vitaux que complmentaires. Le fait ethnique, avec la domination des Pachtounes ; la religion, travers llvation de lIslam au rang de coutume ancestrale puis le monarque, institution fdratrice dune socit composite. Or, ces trois lments sont concomitamment mis mal par le coup dEtat du 17 Juillet 1973. En renversant le dernier monarque, les pourfendeurs de cette tradition donnent naissance une instabilit politique qui sattaque successivement et invitablement aux bases sociales, politiques et spirituelles de lEtat. Lchec successif des rgimes rpublicain, communiste et islamiste instaurs entre 1977 et 1996 est le rsultat dune crise profonde de la notion dEtat-nation en Afghanistan13. Une notion laquelle lEurope elle-mme tend de plus en plus relativiser et affaiblir leffectivit au gr de lapprofondissement de la construction europenne14.

    Le cycle de violences politiques et linstabilit gouvernementale qui en rsulte sont si peu favorables la stabilit des pays limitrophes, que lOrganisation des Nations Unies finit par considrer la situation en Afghanistan comme une menace contre la paix et la scurit internationales15. Ds lors, la remise sur pied dinstitutions viables et dun corpus normatif effectif en Afghanistan devient une mission de maintien de la paix et de la scurit internationales. Et, Pour quune paix juste et durable puisse sinstaurer, il faut notamment que la communaut internationale adopte une stratgie cohrente o les objectifs politiques et les objectifs en matire dassistance se renforcent mutuellement et qui lui permette de parler dune mme voix sur les principes et les questions de politique gnrale. A partir de l, il a t possible dlaborer un cadre stratgique pour lAfghanistan, qui rpond la ncessit dune coopration sensiblement renforce au sein des organismes des Nations Unies, et de

    9 GARIBAY David, La dmocratie prescrite par les autres : lAmrique centrale ou les lections tout prix , Critique internationale n 24, pp. 125-137. 10 SUR Serge, Europe-Afrique : deux continents qui sloignent , Revue Questions internationales n 33, Septembre-Octobre 2008, La Documentation franaise, p. 4 5 ; Egalement, BANGAS Richard, Enjeux et paradoxes de la dmocratie en Afrique , Questions internationales n 33, Op. cit., pp. 51-57. 11 ZAHAR Marie-Jolle, Les risques du nation building sous influence: les cas de lIrak et du Liban , Critique internationale n 28 Juillet-Septembre 2005, pp. 153-168. 12 TEIXEIRA Pascal, Un nouveau dfi pour le Conseil de scurit : comment traiter les Etats dliquescents ou dchirs par des conflits internes ? , A.F.R.I., 2005, Vol. VI, pp.104-115. 13 BACHARDOUST Ramazan, Afghanistan : Droit constitutionnel, histoire, rgimes politiques et relations diplomatiques depuis 1747, LHarmattan, Paris, 2002, pp. 262-299. 14 VERCAUTEREN Pierre, La crise de ltat dans lUnion europenne. Une sortie de crise par une refondation du sens ? , A.F.R.I. 2001, Volume 2, pp. 293-315. 15 KHERAD Rahim, La paix et la scurit internationales lpreuve du rgime des Tlebn , in MEHDI Rostane (Dir.), Les Nations unies et lAfghanistan, Colloque des 17-18 Janvier 2003, Aix-en-Provence, Pedone, Paris, 2003, pp. 57-76

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    dfinir une nouvelle organisation des travaux entre lONU et ses partenaires en matire dassistance, dont les Afghans, les organisations non gouvernementales et les donateurs. 16

    La contribution de lEurope au processus de rsolution de la crise de lEtat en Afghanistan sinscrit dans cette perspective17. Tel quil est indiqu plus en amont, on entendra ici par Europe, un concept fdrant sous forme dacteur stratgique, laction conjugue de la Communaut europenne puis de lUnion europenne et des Etats membres dans lordre public international.

    On sinterrogera demble sur un fait tout fait remarquable. Pourquoi, la diffrence dautres crises politiques et militaires de mme intensit, la situation en Afghanistan constitue-t-elle unanimement un risque de menace voire une menace la paix et la scurit internationales ? En quoi rside la qualit de lEurope agir dans ce processus, qui relve du rtablissement de la paix dans ses principaux axes que sont le rglement des conflits et la reconstitution des bases de lEtat ? Par ailleurs, la lumire des arrangements politiques conclus en Allemagne sous les auspices des Nations Unies aprs la dfaite des Taliban18, sur quels fondements lEtat est-il reconstruit en Afghanistan ? Est-il permis de savancer sur lexprimentation dun modle afghan, laune de la tentative de synergie qui est opre par la Constitution du 4 Janvier 2004 en juxtaposant les principes dmocratiques et rpublicains la religion, institue comme norme suprme de lEtat?19

    Une perspective historique permet de restituer les faits dont la qualification juridique fait de la crise de lEtat afghan un danger avr aux principes universels inhrents lHumanit, ainsi quun risque permanent aux principes dquilibre et de lgalit souveraine des Etats instaurs par les instruments conventionnels et la coutume internationale. Il est fondamental, ce niveau, de souligner que lhistorique des grandes dates du droit lies la crise de lEtat en Afghanistan nimplique pas un agencement mcanique et linaire des diffrents vnements. Il ne sagit pas de suivre un chronogramme dordre volutif ; mais plutt une sorte de chane de montagnes russes . Ainsi, est-il loisible de produire un cheminement articul des actes et principes internationaux et europens, puis des outils propres aux institutions constitutionnelles afghanes constituant le canevas dune analyse juridique claire par lapport de disciplines complmentaires tels que les Sciences politiques20 et le Droit constitutionnel21.

    Aussi, convient-il de rappeler quau prisme des rivalits franco-britanniques puis russo-britanniques des XIXe et XXe Sicles, les diplomaties europennes exportent leurs pratiques imprialistes en Asie Centrale22. LAfghanistan chappe visiblement une

    16 Rapport du Secrtaire gnral sur la situation en Afghanistan et ses consquences pour la paix et la scurit internationales, 19 Juin 1998, Document A/52/957 - S/1998/532, paragraphe 55. 17 HAQUANI Zalma, LUnion europenne et la reconstruction de lAfghanistan , Les Cahiers du CREMOC (Centre de Recherche sur lEurope et le Monde Contemporain), N 36, Fvrier 2003, pp. 35-41. 18 Lettre du 5 Dcembre 2001 du Secrtaire gnral de lONU au Prsident du Conseil de scurit et qui porte sur lAccord dfinissant les arrangements provisoires applicables en Afghanistan en attendant le rtablissement dinstitutions tatiques permanentes, Document S/2001/1154 du 5 Dcembre 2001. 19 ENCEL Frdric, La dmocratie lpreuve de lislamisme, Flammarion, Paris, 2002, 203 p. 20 WOODWARD Susan L., Construire lEtat: lgitimit internationale contre lgitimit nationale? , Critique internationale n 28 Juillet-Septembre 2005, pp.139-152. 21 CARCASSONNE Guy, Militant de la dmocratie , Critique internationale n 24, Op. cit., Entretien avec Catherine PERRON, pp. 177-192 22 Les Anglais, tablis en Inde ds 1600 avec lorganisation East India Company et les Franais, aurols par les victoires de NAPOLON en Egypte et en Syrie, rivalisent dinfluence au XIXe Sicle pour le contrle des

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    colonisation dment tablie, mais la socit et les institutions tatiques afghanes ne portent pas moins les stigmates de limprialisme europen. En effet, laffrontement entre lEmpire britannique des Indes et la Russie tsariste conduit la cration dune forme dEtat-tampon, que la doctrine dsigne sous le nom d Afghanistan , Le Pays des Hommes Libres23. Lenclavement de ce pays et les luttes de domination auxquelles se livrent les Nations expansionnistes attires par les immenses richesses naturelles de la sous-rgion, font de lAfghanistan le champ des rivalits des Puissances.

    Cest ce complexe enchevtrement dinfluences par territoire tiers interpos, de manipulations dEtat que Rudyard KIPLING appelle The Big Game ou Le Grand Jeu .24 Ces querelles de leadership entre acteurs externes, en qute de dbouchs sur les rgions prospres en ressources naturelles des Indes, prennent lAfghanistan en otage25 au point dtre aujourdhui considr comme le Ventre mou de cette rgion aux dlimitations improbables, quon appellera globalement Asie Centrale. La porosit des frontires afghanes, notamment avec le Pakistan, successeur de lEmpire britannique des Indes dans cette partie de lAsie Centrale dlimite par la Ligne Durand26, en est la preuve la plus tangible. Laffrontement indirect entre les Etats-Unis dAmrique et lUnion des Rpubliques Socialistes Sovitiques (U.R.S.S.), linstigation de la Guerre froide, aggrave cette situation, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, o la recherche de nouveaux marchs et de champs de conqute idologique est son apoge.

    Les consquences de ce nouvel antagonisme, sur le dos de lAfghanistan, sont dsastreuses quant la viabilit des institutions tatiques afghanes et la stabilit des Relations internationales. Bien quapparemment loignes de notre sujet, il importe nanmoins de souligner que les effets de linfluence du communisme sur le systme politique de lAfghanistan puis linvasion et loccupation de lU.R.S.S. font de la crise de lEtat afghan lune des questions qui convoquent avec insistance le respect des principes de Droit international tablis par la Charte des Nations Unies et la coutume. La question afghane met donc en lumire : la souverainet, lindpendance politique, la neutralit, lintgrit territoriale et le droit des peuples disposer librement deux-mmes, dune part27 ; et dautre part, le principe dquilibre, la lutte contre le terrorisme et linstrumentalisation des enfants

    richesses immenses dont regorgent les Indes. ZIKRIA Habib et MISSEN Franois, Pour mieux comprendre lAfghanistan, Edisud, Aix-en-Provence, 2002, p. 53. 23 Daucuns diraient Yghestn , Le Pays de limpertinence ou Le Royaume de lInsolence . BARRY Michael, Le Royaume de lInsolence. LAfghanistan (1504-2001), Flammarion, Op. cit., pp. 456-460 ; Egalement, DESSART Laurent, Les Pachtounes : Economie et culture dune aristocratie guerrire (Afghanistan-Pakistan), Editions LHarmattan, Collection Recherches Asiatiques , Paris, 2001, 606 p. 24 Il apparat ailleurs, que lexpression The Great Game provienne de Lord CURZON avant dtre propage par KIPLING ; lequel laurait, son tour emprunte John KAYE, History of the War in Afghanistan, Londres, 1851-1857. In BARRY Michael, Le Royaume de lInsolence, Flammarion, Op. cit., p. 89, p. 433. Une autre analyse de ces luttes dinfluence note : Afghanistan has endured a long history of foreign intervention and domestic turmoil. , GREGORY Derek, The Colonial Present, Chapitre 3: "The land Were Red Tulip Grew", Blackwell Publishing, 2004, p. 30. 25 CLERC Jean-Pierre : LAfghanistan, otage de lHistoire, les Essentiels Milan, Toulouse, 2002, 63 p. 26 Baptise du nom de son administrateur Sir Mortimer DURAND, elle est le fruit dun trait anglo-afghan de Novembre 1893 prvu pour durer 98 ans. Cette ligne de dmarcation sur laquelle vivent des tribus pachtounes rtives toute autorit administrative, constitue aujourdhui un no mans land entre lAfghanistan et le Pakistan, successeur de lEmpire britannique aprs lindpendance et la partition de lInde en Aot 1947. ZIKRIA Habib et MISSEN Franois, Pour mieux comprendre lAfghanistan, Edisud, Op. Cit. 2002, p. 68-69. 27 MEHDI Rostane (Dir.), Prface, in Les Nations unies et lAfghanistan, Colloque des 17-18 Janvier 2003, Pedone, Op. cit. Paris, 2003, p. 15.

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    dans les combats28 ; sans oublier les questions des droits de lHomme et du droit humanitaire international29.

    Lors mme que les rsolutions du Conseil de scurit30 et de lAssemble Gnrale31 des Nations Unies usent de circonvolutions pour dnoncer les agissements de lUnion sovitique, le Reprsentant de lItalie lONU condamne la violation du statut de Pays Non-align et dEtat neutre de lAfghanistan, au nom des Etats membres de la Communaut europenne en dsignant explicitement lagresseur32. Mme si les mesures conomiques et les dclarations politiques prises cet effet ont un impact fort limit sur le comportement de lU.R.S.S. jusquaux Accords de paix signs Genve le 14 Avril 198833, lEurope donne rgulirement sa position sur laction illgale dont lAfghanistan fait lobjet. Toutefois, alors que le retrait des Forces doccupation promet un retour la paix en Afghanistan34, lincapacit des acteurs internes mettre en place un projet de gouvernement dUnion nationale dbouche sur une guerre civile catastrophique ds 1992.

    La fin de la Guerre froide et la dissolution de lU.R.S.S. au profit de la Communaut des Etats Indpendants (CEI)35 sont les principaux lments qui incitent les Etats europens instaurer enfin une Organisation politique dnomme Union europenne (UE)36. Afin

    28 Voir Rapport du Secrtaire gnral sur les enfants et les conflits arms, Document S/2002/1299 du 26 Novembre 2002 ; Rapports du Secrtaire gnral sur les enfants et les conflits arms, Document A/59/695-S/2005/72 du 9 Fvrier 2005 ; Les enfants et les conflits arms. Rapport du Secrtaire gnral, Document A/62/609-S/2007/757 du 21 Dcembre 2007. 29 A cet gard, lAssemble gnrale y Condamne les frquentes violations et atteintes dont font lobjet le droit humanitaire et les droits de lhomme, dont les droits la vie, la libert et la sret de la personne, le droit dtre labri de la torture et dautres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, ainsi que la libert dopinion, dexpression, de croyance religieuse, dassociation et de mouvement, et en particulier les graves violations des droits fondamentaux des femmes et des filles . Rsolution A/RES/53/165 du 25 Fvrier 1999. Situation des droits de lhomme en Afghanistan, paragraphe 4. 30 Dans cette rsolution brve, le Conseil de scurit constate sa paralysie assumer sa mission dans le domaine du maintien de la paix et de la scurit internationales. Aussi, convoque-t-il une session extraordinaire de lAssemble gnrale pour discuter des consquences internationales de la situation en Afghanistan dans une instance o le vote ngatif de lUnion sovitique et de la Rpublique dmocratique dAllemagne nauront aucune prise. Rsolution n 462 (1980) du Conseil de scurit. Paix et scurit internationales, 2190e sance, 9 Janvier 1980. 31 Voir rsolution ES-6/2 du 14 Janvier 1980 : Rsolutions et Dcisions adoptes par lAssemble gnrale au cours de la Sixime session extraordinaire durgence, 10-14 Janvier 1980. Assemble gnrale, Documents officiel :sixime session extraordinaire, Supplment n 1 (A/ES-6/7), p. 2. 32 M. La ROCCA relaie la voie des neuf Etats membres (ou des Neuf) des Communauts europennes. Les Neuf sont convaincus de la ncessit du retrait immdiat des troupes sovitiques et raffirment le droit du peuple afghan de dcider dans le respect de la souverainet, de lindpendance et de lintgrit territoriale, de sa propre forme de gouvernement, en entire libert de toute interfrence extrieure. YAKEMTCHOUK Romain, La politique trangre de lUnion europenne, LHarmattan, 2005, 2005, p. 225. 33 Voir Documents officiels du Conseil de scurit, quarante-troisime anne, Supplment dAvril, Mai et Juin 1988, S/19835, annexe I. 34 BACHELIER Eric, LAfghanistan en guerre. La fin du grand jeu sovitique, 1992, Presses universitaires de Lyon, Lyon, 1992, 135 p. 35 La Dclaration dAlma Ata du 21 Dcembre 1991 rapporte la preuve de la succession de lUnion sovitique par la Communaut des Etats indpendants (CEI) : LUnion des Rpubliques Socialistes Sovitiques cesse dexister avec la cration de la Communaut des Etats indpendants . cette Communaut regroupe, pour mmoire, lAzerbadjan, lArmnie, la Bilarus, la Kazakhstan, le Kyrghyzstan ainsi que la Moldova, la Fdration de Russie, le Tadjikistan, le Turkmnistan, lOuzbkistan et lUkraine qui vient daccder la pleine souverainet internationale. In DUPUY Pierre-Marie, Les grands textes de droit international public, 2e dition, Op.cit., p. 57. 36 ZORGBIBE Charles, Laprs-guerre froide en Europe, PUF, Collection Que sais-je ? , Paris, 1993, 127 p.

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    dattribuer celle-ci les moyens de fabriquer puis de consolider son identit sur la scne internationale, lArticle 30 de lActe Unique Europen (AUE)37 codifie les pratiques longuement prouves de la coopration europenne dans le domaine de la politique trangre. Cette impulsion juridique permet au Trait de Maastricht (Pays-Bas)38 de crer lUnion europenne et doter celle-ci dune Politique trangre et de scurit commune (PESC)39. Lexprimentation des instruments juridiques de la PESC dans les guerres qui causent leffondrement de la Rpublique Fdrative de Yougoslavie (RFY) est lacte dengagement politique le mieux connu de lUE sur la scne internationale. Lentreprise de rglement du conflit interne en Afghanistan et luvre de reconstruction des bases dun Etat souverain ruin par de longues annes de guerres ont pourtant la singularit de montrer combien lAfghanistan est un test dcisif pour la Politique extrieure de lEurope.

    LArticle J.1, 2 du Trait sur lUnion europenne confre prcautionneusement la dimension diplomatique de cette Organisation un certain nombre dobjectifs relatifs la cohsion des relations diplomatiques entre Etats membres ainsi qu la coopration internationale. Ladite disposition, devenue Article 11, est raffirme par le Trait dAmsterdam (Pays-Bas)40. Celui-ci consolide les missions confies la PESC en raffirmant sa contribution au maintien de la paix et de la scurit internationales, la scurisation des frontires extrieures et des valeurs fondatrices de lUE. On dnombre enfin, comme autres effets essentiels du Trait dOctobre 1997, le renforcement des vocations de la PESC propager les principes de la dmocratie, promouvoir les efforts de (re) construction de lEtat de droit et garantir le respect des Droits de lhomme et des liberts fondamentales41.

    37 Celui-ci dispose, en son paragraphe 1, que les Etats membres des Communauts conomiques europennes sefforcent de formuler et de mettre en uvre en commun une politique trangre europenne . Acte Unique Europen (AUE) : sign en dernire intention le 28 Fvrier 1986 et entr en vigueur le 1er Juillet 1987, Bulletin des Communauts europennes, Supplment 2/86, Office des publications officielles des Communauts europennes, Luxembourg, pp. 5-26 ; Egalement, LABOUZ Marie-Franoise, LActe unique europen , Revue qubcoise de droit international (1986), Volume III, pp. 133-168. 38 Trait sign le 7 Fvrier 1992 et entr en vigueur le 1er Novembre 1993. 39 TERPAN Fabien, La politique trangre et de scurit commune de lUnion europenne, Bruylant, Bruxelles, 2003, 540 p. 40 Ce Trait propose une autre numrotation, qui participe la consolidation des dispositions antrieures. Il est sign le 2 Octobre 1997 et entre en vigueur le 1er Mai 1999. Selon lArticle 12 (ex-art. J.2), lUE poursuit les objectifs noncs lArticle 11 : -En dfinissant les principes et les orientations gnrales de la politique trangre et de scurit commune ; -en dcidant des stratgies communes ; -en adoptant des stratgies communes ; -en adoptant des positions communes ; -et en renforant la coopration systmatique entre les Etats membres pour la conduite de leur politique. In DUBOUIS Louis, GUEYDAN Claude : Les grands textes du droit de lUnion europenne : Traits Institutions Ordre juridique, Tome 1, 6e dition, Dalloz, Paris, 2002, p. 8, p. 9. En outre, lArticle 12 dispose que la fonction de lUnion est galement assure travers les principes et les orientations gnrales de la politique trangre et de scurit commune ainsi que le renforcement de la coopration systmatique entre les Etats membres pour la conduite de leur politique. Versions consolides du Trait sur lUnion europenne et du Trait instituant la Communaut europenne (JO C 325 du 24.12.2002), Luxembourg : Office des publications officielles des Communauts europennes, 2003, Op. cit. p. 14. 41 Il en est ainsi du paragraphe premier de lArticle 11 (ex-art. J.1) : LUnion dfinit et met en uvre une politique trangre et de scurit commune couvrant tous les domaines de la politique trangre et de scurit, dont les objectifs sont :

    - la sauvegarde des valeurs communes, des intrts fondamentaux, de lindpendance et de lintgrit de lUnion, conformment aux principes de la Charte des Nations unies ;

    - le renforcement de la scurit de lUnion sous toutes ses formes ;

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    La question de droit quil convient dlucider, cest de savoir comment les acteurs europens, Union et Etats membres, collaborent-ils avec les Nations Unies aux missions internationales ou multilatrales de gestion de crises. Au nombre des actes non-lgislatifs adopts par lEurope cet effet, il importe de noter quau lendemain des tragiques attentats du 11 Septembre 2001, le Conseil Relations extrieures se propose de renforcer le rle de lUnion europenne au sein de lONU42. Sur fond des participations dcisives aux oprations de paix conduites par lUnion europenne en Bosnie-Herzgovine et en Rpublique dmocratique du Congo (RDC), le Conseil Affaires gnrales et Relations extrieures entend fermement dvelopper les capacits civiles et militaires de lUE en matire de gestion des crises de manire ce que lUE puisse rellement apporter sa contribution laction des Nations Unies dans ce domaine. 43 Une pratique de contacts rguliers au niveaux des structures stratgiques des deux Organisations est alors recommande pour consolider cette coopration.

    La recommandation de la Commission europenne44 sur lapprofondissement des relations multilatrales dfinissant les liens entre lUE et les Nations Unies invite concrtiser ces conclusions, dans un mouvement de renforcement de la coopration conomique par une action plus cohrente et plus efficace de lEurope aux missions de paix et de scurit internationales. Aussi, la Commission appelle-t-elle les institutions communautaires et les Etats membres rendre effectif et visible lapport de lEurope la prvention des conflits et la gestion des crises, domaines situs lintersection des agendas "dveloppement" et "scurit" de la Communaut internationale. 45 Le rapport de M. A. LASCHET arrive donc point nomm pour proposer aux structures comptentes au Conseil, la Commission, aux Parlement ainsi quaux Etats, les voies et moyens dune volution de la coopration UE-ONU en un partenariat encourageant en matire de paix et de scurit internationales46.

    Aux termes de la rsolution du Parlement europen, qui en restitue les principaux lments47, on note que lEurope entend transmettre aux autres rgions du globe son exprience de la paix et de lintgration aprs avoir vcu des commotions historiques dune

    - le maintien de la paix et le renforcement de la scurit internationale, conformment aux principes de la Charte des Nations unies, ainsi quaux principes de lActe final dHelsinki et aux objectifs de la Charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontires extrieures ;

    - la promotion de la coopration internationale ; le dveloppement et le renforcement de la dmocratie et de lEtat de droit, ainsi que le respect des droits de lhomme et des liberts fondamentales. In DUBOUIS Louis, GUEYDAN Claude : Les grands textes du droit de lUnion europenne : Traits Institutions Ordre juridique, Tome 1, Op. cit., p. 8. 42 Il sagit, globalement, damliorer lefficacit de laction de lUE sur la scne internationale. Conseil Affaires gnrales de lUE, 18-19 Fvrier 2002, Document 6247/02 (Presse 30). 43 Conseil Affaires gnrales et Relations extrieures , Bruxelles le 21 Juillet 2003. Conclusions du Conseil (Relations extrieures) sur le Dveloppement de la coopration entre l'UE et les Nations Unies en matire de gestion des Crises, paragraphe 1, Document 11439/03 (Presse 209). 44 Communication de la Commission au Conseil de lUE et au Parlement europen Union europenne et Nations unies : le choix du multilatralisme , Bruxelles, le 10 Septembre2003, COM(2003) 526 final. 45 Idem, paragraphe 2.2. 46 LASCHET Armin, Rapport sur les relations entre l'Union europenne et l'Organisation des Nations Unies (2003/2049(INI)), Commission des affaires trangres, des droits de l'homme, de la scurit commune et de la politique de dfense du Parlement europen, Document A5-0480/2003 du 16 Dcembre 2003. 47 Les deux principales rsolutions consistent en un Renforcement du rle de lUE au sein dune organisation des Nations unies plus forte ainsi quau Renforcement de la coopration entre les institutions de lUE et le systme des Nations unies. Rsolution (P5_TA(2004)0037) du Parlement europen sur les relations entre lUnion europenne et lOrganisation des Nations unies (2003/2049(INI)), 29 Janvier 2004, Journal officiel de lUnion europenne C 96 E du 21 Avril 2004, p. 81, 85.

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    extrme gravit48. Cest pourquoi, le partenariat que poursuit lUE lendroit de lOrganisation universelle a pour buts de prserver, promouvoir, consolider le rle central des Nations Unies, instance de protection dun multilatralisme effectif ; outil de garantie des droits fondamentaux de la personne ; cl de voute incontestable de la stabilit globale et dune gouvernance mondiale quitable49. A travers les trois principales institutions que sont le Conseil, la Commission et le Parlement europen, uvrant en matire de gestion civile des crises, il importe de faire, brivement, un point de situation sur ce partenariat en profonde volution, rcemment conclu entre lUnion et les Nations Unies, institutions la fois caractrises par une volont mutuelle de se complter et dexprimer chacune sa spcificit50.

    Les relations entre les deux organisations sont dtermines par une plate-forme thorique base sur une coopration rationnelle somme positive des avantages comparatifs de la collaboration par rapport une dynamique de concurrence, qui noffre pas aux partenaires agissant sur un mme crneau des dividendes similaires ceux relevs dans la communication prcite de la Commission au Conseil et au Parlement europen en vue dun partenariat plus dvelopp avec les Nations Unies51. Le caractre asymtrique de cette relation, o lUE, premier contributeur aux activits de dveloppement52, de paix et de scurit de lONU, est en position de force vis--vis de son partenaire repose donc sur linteractivit et linterdpendance. Une pratique sans cesse renouvele de partage rgulier dinformations capitales entre les deux sujets internationaux permet dasseoir cette relation et de limiter au mieux les tensions et les apptits de comptition.

    Bien que cette corrlation soit empreinte dun sentiment dexclusivit en cartant, dlibrment ou intuitivement tout accroissement du nombre dacteurs, de crainte de voir limites les possibilit dchanges, la coopration entre lUE et lONU dans le domaine de la gestion des crises est galement domine par le caractre multiple, multiforme et imprvisible de leurs relations53. Mais si au plan systmique54, le caractre composite de chacune des deux organisations55 peut affecter la volont dun tte--tte exclusif et clairement identifi, une

    48 Voir paragraphe 3 de la rsolution du Parlement europen (P5_TA(2004)0037), prcite. 49 Idem, paragraphes 6 9. 50 TARDY Thierry, LUnion europenne et lONU : quel partenariat dans la gestion civile des crises? , in DELCOURT Barbara, MARTINELLI Marta et KLIMIS Emmanuel (Ed.), LUnion europenne et la gestion de crises, Editions de lUniversit de Bruxelles, Op. cit., pp. 157-174 51 Au paragraphe 2.1, alina 1 dudit document, la lgitimit universelle des Nations unies, allie au poids conomique et politique de l'UE, apporte des avantages incontestables la coopration et a donn lieu la fois des contacts priodiques de haut niveau et une vaste collaboration sur le terrain. Document COM (2003) 526 final, Op. cit., p. 12 52 La rsolution (P5_TA(2004)0037) du Parlement europen, prcite, relve en son paragraphe 5 une contribution de plus de 50% au budget de fonctionnement et des forces de maintien de la paix pour 60% dappui laide internationale au dveloppement. 53 Ces dividendes, multiplication et imprvisibilit des changes dans la coopration UE-ONU quivalent aux notions de payoff structure et d ombre du futur thorises par OYE K (Dir.), Cooperation under Anarchy, Princeton N.J., Princeton University Press, 1986. Cit par TARDY Thierry, LUnion europenne et lONU : quel partenariat dans la gestion civile des crises? , Op. cit., p.158. 54 TELO Mario, The EU as a Incipient Civilian Power. A Systemic Approach , in LAVENEX Sandra et MERAND Frdric (Dir.), Scurit extrieure de lUE : Nouveaux territoires, Nouveaux enjeux, Politique europenne, n 22, printemps 2007, LHarmattan, Paris, pp. 36-54. 55 Cette disparit dacteurs lintrieur des deux institutions est dailleurs perue comme un facteur de comptition et daffrontement entre leurs champs opratoires. TARDY Thierry, The European Union and The United Nations : Global versus Regional Multilateralism, Studia Diplomatica. Brussels Journal of International Relations, Vol. LX : 2007, N1, pp. 191-209; PILEGAARD Jess et RASMUSSEN Niels Aadal, Global Power Europe ? EU 25 between Internationalism and Parochialism, Studia Diplomatica, Vol. LIX, 2006, N 1, pp. 119-127.

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    approche pragmatique cre une communaut de conception sur les principes fondamentaux et les valeurs universelles dfendues au sein de la Socit internationale. Autrement dit, outre le souci daccrotre leurs bnfices et leurs influences rciproques en matire de paix et de scurit internationales, lUnion europenne et les Nations Unies ont des interprtations convergentes des notions de souverainet et dindpendance ; de non-ingrence dans les affaires intrieures des Etats ; du droits des peuples disposer librement de leur destin et du multilatralisme. Aussi, lUnion europenne semploie-t-elle se constituer en une force dentranement , capable dinfluer sur les outils de la ngociation internationale et lexcution des instruments de lONU56, celle-ci bnficiant du soutien de lEurope car rsolument considre comme instrument de relations internationales fondes sur le droit. 57

    Sur le plan institutionnel, la coopration en matire de gestion civile des crises est dautant plus facilite entre lUE et lONU quelle nimplique pas des frictions lies aux susceptibilits de restrictions de souverainets contingentes aux questions militaires. La collaboration en matires dassistance humanitaire, de conseil et de formation des personnels locaux dans les domaines de la scurit et des lections ; daide au dveloppement conomique et financier affecte moins la confiance et la solidarit que la gestion des situations caractre militaire. Renforce par linstauration du Mcanisme dalerte rapide58, on note qu lendroit de lONU, la Commission europenne tient les rles implicites de bailleur de fonds et de coordinateur auprs des organismes du systme des Nations Unies ; notamment dans les activits lies la rforme du secteur de scurit (RSS)59. A la Commission choient notamment certains aspects des activits militaro-humanitaires telles que celles composant les programmes de dsarmement, dmobilisation ou dmilitarisation et rinsertion, plus communment dnomms DDR60. Quant aux mcanismes comptents en matire de gestion des crises, relevant du Titre V du Trait consolid, les relations quentretiennent le Conseil de lUE et lOrganisation mondiale sont caractrises par un dveloppement continu, dont il convient dindiquer nanmoins les principaux instruments de coopration.

    Passes les phases de construction des capacits civiles de la Politique europenne de scurit et de dfense avant les attentats du 11 Septembre 200161 et des recommandations du

    56 Communication de la Commission europenne au Conseil et au Parlement europen Union europenne et Nations unies : le choix du multilatralisme , COM (2003) 526 final, Op. cit. paragraphe 1.1, p. 5, 6. 57 Conseil europen de Bruxelles, 16-17 Juin 2005. Conclusions de la Prsidence, Document 10255/05, paragraphe 21. 58 Lun de ses instruments est adopt par la Commission europenne en faveur de lAfghanistan : "Rapid Reaction Mechianism End of Programme Report. Afghanistan", European Commission Conflict Prevention and Crisis Management Unit, December 2003, Public Document, Programme adopt le 13 Dcembre 2001. 59 TARDY Thierry, LUnion europenne et lONU : quel partenariat dans la gestion civile des crises? , Op. cit., p. 161. 60 Pour une vue densemble des comptences de la Commission : SANTOPINTO Federico, LUE et la gestion de crises: le rle de la Commission europenne , in DELCOURT Barbara, MARTINELLI Marta et KLIMIS Emmanuel (Ed.), LUnion europenne et la gestion de crises, Editions de lUniversit de Bruxelles, Institut dtudes europennes, Bruxelles, 2008, pp. 47-64. 61 On note, cet effet, quau Conseil europen de Cologne, lune des Dclarations engage lEurope rendre compatibles les missions de Petersberg (activits de lUE en matire de prvention des conflits, de gestion de crises avres y compris missions de combat) avec les engagements de lUnion europenne vis--vis de partenaires internationaux telles que lOTAN et lONU. Conseil europen de Cologne, 3, 4 Juin 1999, annexe III sur la Dclaration relative au renforcement de la PESD, paragraphe 1 alina 2. Ainsi, aux dires de la Prsidence du Conseil europen dHelsinki, lUnion sengage cooprer, conformment aux textes internationaux qui la lient, dans un esprit de synergie, la promotion de la stabilit, l'alerte rapide, la prvention des conflits, la

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    Conseil europen de Nice62, il importe de ne retenir ici que limpulsion donne aux relations entre les deux acteurs par les changes raliss dans la relve de lONU en matire de gestion civile en Bosnie-Herzgovine et de gestion militaire dans la stabilisation du Congo (Opration Artmis et EUFOR RD-Congo). Trois lments de contribution concrte de lUE et ses Membres aux activits de gestion civile des crises, partir de ces tests, apparaissent trs clairement. Il sagit des fournitures de contingents nationaux une mission place sous mandat du Conseil de scurit, dans le respect dune circulation dinformations au sein de lUE ; ltablissement dun Steering Committee, Comit de pilotage et de suivi , dont les runions annuelles assurent une valuation rgulire de la coopration dans le traitement conjoint des crises par les deux organisations puis la dsignation par lUnion dofficiers de liaisons comptence mixte auprs des Nations Unies63. Tel que lavait prvu et prdit le Conseil europen de Gteborg, lex-Yougoslavie et lAfrique font effectivement partie des plus hautes priorits de ce partenariat renforc, dautant plus quaux yeux de la Prsidence, les capacits militaires et civiles de lUnion europenne, en cours de constitution, apportent une valeur ajoute relle aux actions de gestion des crises dployes par les Nations Unies. 64 Dans cette veine, le volet civil de lUE en matire de gestion de crise comprend, en somme, les quatre (4) outils complmentaires que sont la coopration policire, la consolidation de lEtat de droit puis ladministration et la protection civiles65. Des engagements conjoints, tels que ceux conclus sur le Congo et le Darfour66, contribuent formaliser puis cimenter cette coopration en perptuelle progression.

    Pour la clart des principales articulations du cadre conceptuel et de la collaboration interinstitutionnelle qui rapprochent lUE et les Nations Unies, on ne manquera pas de mentionner lapprobation de lObjectif global civil (OGC) 2008 confirmant lengagement de lUnion et des Etats membres saffirmer comme acteurs et partenaires de premier ordre en

    gestion des crises ainsi qu'aux efforts de reconstruction aprs-conflits. Rapports de la Prsidence pour le Conseil dHelsinki des 10 et 11 Dcembre 1999, relatifs au renforcement de la PESD et au traitement civil des crises par lUE, annexe IV in fine ; Egalement, conclusions de la Prsidence, section II paragraphes 25 et 26 et surtout annexe 2 lannexe IV portant sur les perspectives damlioration des capacits de lUE en matire de gestion civile des crises. Il convient dadjoindre ces avances, les ides mises au Conseil de Santa Maria da Feira des 19, 20 Juin 2000. La Prsidence conclut cette occasion, que les Europens sont dtermins laborer un instrument stratgique capable de renforcer laction extrieure de lUnion en crant une capacit de gestion des crises, militaire et civile, dans le plein respect des principes de la Charte des Nations Unies. Conclusions de la Prsidence sur la PESD, section I, point C paragraphe 6. Lannexe I aux conclusions de la Prsidence se flicite de la mise en place de structures politiques et militaires permanentes de lUE en matire de gestion des crises, ainsi que des dbuts dapplication de l Objectif global fix par le Conseil dHelsinki. 62 Selon le rapport fait par la Prsidence sur la PESD: Le dveloppement des capacits europennes de gestion de crise largit l'ventail des instruments de rponse aux crises la disposition de la communaut internationale. Les efforts engags permettront notamment aux Europens de rpondre de manire plus efficace et plus cohrente des demandes d'organisations chef de file telles que l'ONU ou l'OSCE. Ce dveloppement fait partie intgrante du renforcement de la politique trangre et de scurit commune. Conseil europen de Nice des 7, 8, 9 Dcembre 2000, Annexe VI, Introduction, alina 5. 63 TARDY Thierry, LUnion europenne et lONU : quel partenariat dans la gestion civile des crises? , Op. cit., pp. 164-166. 64 Conseil europen de Gteborg, 15-16 Juin 2001, conclusions de la Prsidence sur la Coopration UE-Nations Unies, paragraphe 53 in fine. 65 La police civile est constitue par des contributions nationales volontaires de 5000 personnes affectes aux missions internationales de prvention des conflits et de gestions de crises ; un millier de ces policiers pouvant tre dploy dans un chance dun mois. Voir Conseil europen de da Feira, Op. cit., conclusions de la Prsidence, section I paragraphe 11 ; Annexe I, section III et appendice III, pour un expos complet des quatre instruments susmentionns. 66 Il est ici question des dclarations conjointes UE-ONU respectivement signes les 24 Septembre 2003 et 7 Juin 2007.

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    matire de paix et de scurit internationales, sous leffet des rgles gnrales poses par la Charte de San Francisco67.

    Plutt quun concept prcis, la gestion de crise dont lAfghanistan constitue notre cas dtude invite faire parler les faits, afin de mettre en relief le rle de lEurope dans leffort de traitement global des incidences internationales de la guerre civile post-sovitique et de la politique des Taliban. Dans le cadre de la Coopration politique europenne (CPE), outil dengagement diplomatique informel des Etats membres des Communauts conomiques europennes (CEE), lEurope adopte un certain nombre de dclarations sur lAfghanistan entre 1992 et 1996. Ces dclarations visent soutenir leffort fourni par lONU travers lAssemble gnrale et le Secrtariat. La violence arme qui menace lAfghanistan deffondrement aprs le retrait de lU.R.S.S. et cre de graves dangers sur la stabilit de lAsie Centrale doit donc tre contenue par un effort dassistance internationale.

    Faute dune rsolution, le Prsident du Conseil de scurit sexprime cet effet au moyen de dclarations qui marquent la proccupation de lorgane prdominant des Nations Unies face la situation en Afghanistan. Etant en capacit de se dterminer plus aisment, lAssemble gnrale adopte un certain nombre de rsolutions tirant toutes les consquences de la question afghane sur la paix et la scurit internationales. Llection de M. BOUTROS-GHALI laissant apparatre le nouveau Secrtaire Gnral comme un outil diplomatique dcisif pour la gestion de la guerre civile afghane, lAssemble Gnrale recommande celui-ci de mettre en place un organe subsidiaire consacr la rsolution de cette crise aussi meurtrire quinutile68. Ainsi nat la Mission Spciale des Nations Unies en Afghanistan (UNSMA), que lancien ministre des Affaires trangres de Tunisie, Mahmud MESTIRI est charg de conduire partir de Janvier 199369.

    Les tches dvolues cette Mission sont visiblement ambitieuses. Aprs consultation des principaux responsables politiques afghans et des pays intresss, le Chef de la Mission rend un rapport intrimaire en Juin 1994 prsentant les observations des Nations Unies sur la situation ; avant de tirer les conclusions de la situation et de sessayer quelques conclusions. Au titre des observations, linstabilit afghane apparat comme en grande partie due lobstination des factions privilgier lusage de la force et une ingrence trangre devenue systmatique. Sagissant des conclusions, la Mission MESTIRI souligne la ncessit dappliquer une solution trois volets pour aider les Afghans recouvrer la paix : ngocier un accord de rconciliation nationale ; dsigner un gouvernement de transition reprsentant tous les segments de la socit et reconstruire le pays aprs tant de souffrances et de destructions.

    Toutefois, si le diagnostique est objectif, la thrapeutique peut laisser dubitatif. Alors quon sattendait ce quune rponse vigoureuse ft donne ce sujet, le diplomate tunisien

    67 Dans le cadre de lOGC 2008, le Conseil europen dclare que l'Union europenne s'est affirme comme un acteur politique l'chelle mondiale. Elle a assum des responsabilits croissantes, comme en tmoignent ses oprations civiles et militaires, de plus en plus ambitieuses et diversifies, au service d'un multilatralisme efficace et de la paix. Conseil europen de Bruxelles, 11-12 Dcembre 2008, conclusions de la Prsidence : annexe II, paragraphe 1, Document 17271/08. 68 Rsolution A/RES/48/208 du 10 Mars 1994, 4. alina a). Elle est rellement adopte par lAssemble gnrale le 21 Novembre 1993. 69 Voir notamment : Note du Secrtaire gnral sur le Rapport intrimaire de la Mission spciale en Afghanistan, Document S/1994/766 du 1er Juillet 1994 ; Rapport du Secrtaire gnral de lONU, le 22 Novembre 1994, document A/49/688 ; Voir aussi le rapport du Secrtaire gnral en date du 11 Aot 1994, S/1994/766.

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    recommande dinsister sur laide humanitaire et la reconstruction et, surtout, de ne point dployer quelque prsence internationale en Afghanistan. Car, pense-t-il (de bonne foi sans doute), que lide dun engagement militaire en vue de rtablir la paix dans ce pays est tout fait infructueuse. Son travail est aussitt enrichi, complt si ce nest tout simplement remplac par un autre rapport rendu en Novembre 1994 par les soins du Secrtaire Gnral lui-mme. Loption de mise en place dune structure internationale charge dencadrer les efforts de ngociations est retenue.

    Cest ainsi quest constitu un espace de discussion appel Groupe Six plus Deux, auquel se joindra plus tard le Groupe des Soixante-et-Un, dont la tche est daccompagner les parties belligrantes dans la qute dune solution politique ce conflit fratricide. Outre la part individuelle prise dans ce processus par les Etats, lUnion europenne joue, un rythme rgulier, sa partition par lentremise des dclarations prises au titre de la CPE70 puis des actes et outils diplomatiques relevant de la Politique trangre et de scurit commune. Il sagit tout dabord de dclarations de lUnion europenne et des dclarations faites au nom de lUnion par la Prsidence71, soutenant les efforts de la Mission Spciale des Nations Unies et appelant les Etats tiers renforcer son travail pour lAfghanistan. Ces outils hrits de la coopration politique des membres de la CEE sont galement renforcs par les positionnements des Etats vis--vis des administrations afghanes dans le cadre de la coopration bilatrale ou des groupes ad hoc crs sous limpulsion de la MSNUA.

    Pour ce qui concerne la mise contribution des instruments juridiques de la PESC en Afghanistan, on note qu compter du 17 Dcembre 1996, le Conseil de lUE adopte la position commune 96/746/PESC sur lembargo contre les armes et les quipements militaires destination de lAfghanistan72, conformment la rsolution 1076 (1996) du Conseil de scurit. Face limprieuse ncessit damener toutes les parties belligrantes un cessez-le-feu, pralable toute initiative de reconstruction post-conflit, le Conseil de lUnion fixe travers la position commune 98/108/PESC du 26 Janvier 1998 le cadre global de la coopration bilatrale entre lUE et lAfghanistan. Le dialogue politique et la qute de la paix deviennent les lments de la conditionnalit de lassistance europenne au dveloppement et laide humanitaire en Afghanistan.

    Conjointement laction mene lencontre des belligrants, les objectifs de la PESC vont se diriger plus spcifiquement vers la faction fondamentaliste constituant le mouvement des Taliban73 ; du nom des jeunes sminaristes musulmans qui accdent au pouvoir en

    70 Dclaration des Douze pour une solution politique de la question afghane, Bruxelles le 30 Avril 1992, Documents dActualit Internationale, 186, p. 223 ; Dclaration des Douze sur la reprise des combats en Afghanistan, Bruxelles le 14 Aot 1992, Documents dActualit Internationale, 364, p. 413 ; Egalement, dclaration des Douze relative au plan des Nations Unies pour une solution pacifique de la question afghane, Bruxelles le 16 Avril 1992, Documents dActualit Internationale, 169, p. 205. 71 Dclaration de la prsidence au nom de lUnion europenne, Bruxelles et Paris, 30 Janvier 1995, Bulletin UE 01-1995, point 1.4.4. ; Egalement, Dclaration de la Prsidence au nom de lUnion europenne sur la situation afghane du 28 Octobre 1996 ; Dclaration de la prsidence au nom de lUE sur le regroupement des ONG Kaboul, Vienne et Bruxelles, le 28 Juillet 1998, Bull UE 7/8-1998, point 1.4.3. ; Dclaration de la prsidence au nom de lUnion europenne sur la situation en Afghanistan, Bruxelles et Paris le 14 Juillet 2000, Bull. UE 7/8-2000, point 1.6.4. 72 Position commune 96/746/PESC du 17 Dcembre 1996 imposant l'Afghanistan un embargo sur les armes, les munitions et les quipements militaires, Journal Officiel des Communauts Europennes N L 342 du 31 Dcembre 1996, p.1. 73 Position commune 1999/727/PESC du Conseil du 15 Novembre 1999 relative aux mesures restrictives lencontre des Taliban, Journal Officiel des Communauts Europennes, n L 294 du 16 Novembre 1999, p.

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    Septembre 1996 en infligeant une cuisante dfaite aux anciens rsistants loccupation sovitique (Moudjahidin) et en venant bout des derniers vestiges du rgime communiste74. De limprialisme communiste, lAfghanistan bascule inexorablement dans un intgrisme dont les consquences sont tout aussi ravageuses pour lordre public interne que pour la stabilit de larchitecture institutionnelle internationale75.

    Le rapprochement constat entre les Taliban et les membres de lorganisation Al-Qada, rseau promoteur dun terrorisme aveugle et apocalyptique, provoque ladoption dune srie de rsolutions du Conseil de scurit des Nations Unies dailleurs restes inappliques. Une lecture attentive de ces rsolutions laisse nettement apparatre le lien existant entre la crise de lEtat en Afghanistan, lessor du terrorisme partir du territoire afghan et la transformation radicale que leffort dlimination de ce phnomne opre dans la gestion internationale et multilatrale de la situation politique et militaire qui perdure dans ce pays. Des groupuscules dactivistes autrefois instrumentaliss par les Etats-Unis au nom de la Guerre Sainte (Jihad) dcrte contre lUnion sovitique en Afghanistan76 se retournent contre ladministration amricaine, pour son soutien inconditionnel aux rgimes antidmocratiques du Proche et Moyen Orients, dont la plupart des membres de ces rseaux sont ressortissants.

    Lintolrance de ces mouvements est globalement centralise par lorganisation Al-Qada, dont le chef fut, justement, un alli des services de renseignement amricains dans leurs multiples soutiens militaires aux groupements uvrant contre loccupation sovitique en Afghanistan. Au nom de la Nation musulmane (Oumma) qui leur sert daiguillon, ces mouvements tentent par tout moyen de mettre mal la stabilit des gouvernements locaux quils jugent corrompus et de perturber la tranquillit des Puissances trangres qui les soutiennent au dtriment dinnombrables populations trangles par la pauprisation et dautres mfaits de la mauvaise gouvernance tels que la corruption, le clientlisme et le patrimonialisme.

    Le lien fait entre lexploitation des immenses ressources nergtiques dont dispose la plupart des pays musulmans et la confiscation des liberts publiques et des droits des citoyens, incite ces entits commettre ou commanditer un certain nombre dattentats contre les rgimes mis en cause et les intrts de leurs partenaires occidentaux travers le monde77. Cest ainsi que sont perus les actes de sabotage et de destruction perptrs contre des btiments amricains et franais appareillant dans cette sous-rgion. Le double attentat commis Nairobi (Kenya) et Dar es Salaam (Soudan) contre les ambassades des Etats-Unis

    unique ; Position commune 2001/154/PESC du Conseil, 26 Fvrier 2001: reconduite des mesures restrictives supplmentaires l'encontre des Taliban, Journal Officiel des Communauts Europennes, n L 57, 27 Fvrier 2001, p.1, 2. 74 Selon DUPAIGNE, Les groupes de paysans arms refusent daffronter ces jeunes hommes qui parcourent les villages en brandissant le Coran et en exhortant les villageois dposer leurs armes. Le 15 fvrier 1995, ils sont aux portes de Kaboul . DUPAIGNE Bernard, Afghanistan, rve de paix, Buchet Chastel, Collection au fait , Paris, 2002, p. 105. Par ailleurs, Le prsident Rabbani et Masud abandonnent la capitale sans combat, en septembre 1996. La campagne est mene avec brio , ETIENNE Gilbert, Imprvisible Afghanistan, Presses de Sciences Po, Paris, 2002, p. 97. 75 GLINA Sylvie, Afghanistan. Du communisme au fondamentalisme, LHarmattan, Paris, 1997, 255 p. 76 COOLEY John K., CIA et Jihad 1950-2001 : contre lURSS, une dsastreuse alliance, Trad. De langlais par Laurent Bury, Prface dEdward W. Sad ; Collaboration dEdward Wadie, Bury Laurent, Editions Autrement, Collection Frontires , Paris, 2002, 286 p. 77 JACQUARD Roland : Les archives secrtes dAl-Qaida : Les hritiers de Ben Laden, Jean Picollec, Paris, 2002, passim.

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    en Afrique de lEst78 entre vraisemblablement dans le registre de ces revendications par le biais dactes de violence illicites.

    Or, alors que le Conseil de scurit condamne les attentats perptrs sous le prtexte des revendications anticapitalistes ou anti-imprialistes et demande aux Etats de livrer les personnes souponnes den tre responsables ou coupables aux instances comptentes, les intresss trouvent prcisment refuge en Afghanistan. Dabord protg par le Gouvernement de lEtat islamique dAfghanistan dirig par les anciens Moudjahidin, le principal leader du rseau Al-Qada dcide ensuite de sallier la faction puis au gouvernement de fait des Taliban. Leur interprtation rigide des prceptes religieux et le rejet de toute forme de domination extrieure constituent des centres dintrts visiblement inbranlables. Des dcrets (Fatwa) appelant cote que cote la destruction des symboles de cette domination sont subsquemment pris par les membres de ces diffrentes entits et professs comme agenda politique auprs des partisans. Il devient, ds lors, difficile de ne pas voir dans cette radicalisation de la politique des Taliban quelque influence de leurs invits dhonneur .

    LEurope nest pas pargne par ces menaces qui sont globalement diriges contre les porte-flambeaux du systme capitaliste, dnomination contemporaine de limprialisme. Outre le fait dtre lune des premires destinations des migrants dorigine afghane, lEurope constitue galement le premier march des drogues illicites que lconomie de la guerre fait prosprer partir du territoire afghan. Ainsi, des milliers de personnes dplaces par la violence arme et le dveloppement de lconomie criminelle en Afghanistan influent-ils directement sur la scurit des pays europens. Les positions communes de la Politique trangre et de scurit commune de lUnion europenne sont explicites ce propos.

    On lit notamment dans le visa de la position commune 98/108/PESC79 que le terrorisme et les drogues illicites quexporte la guerre portent gravement prjudice aux Etats membres de lUnion, ainsi qu dautres pays . Le mme acte dispose en outre, que lUnion est dtermine jouer un rle effectif dans les efforts visant mettre un terme aux combats et rtablir en Afghanistan la paix, la stabilit et le respect des droits de lhomme et des principes reconnus internationalement . Entre temps, les rsolutions 1189 (1998), 1193 (1998) et 1214 (1998) du Conseil de scurit appellent sans succs les Taliban lextradition des personnes recherches par les instances internationales et la cessation du recel des groupes terroristes dans les zones places sous leur contrle80.

    Face au refus dobtemprer manifest par le gouvernement fondamentaliste dAfghanistan, le Conseil de scurit adopte la rsolution 1267 (1999) qui invoque alors le Chapitre VII de la Charte de lONU pour raffirmer ces exigences. Dans cette veine, le Conseil de scurit rappelle que les actes de terrorisme sont un risque datteinte la paix et la scurit internationales. Deux consquences se dgagent de cette observation. Tout dabord, le Conseil considre que la lutte contre les actes de terrorisme constitue une mission de maintien de la paix et de la scurit internationales. Ensuite, lorgane principal des Nations Unies constate que le refus persistant des Taliban de ne pas donner suite au paragraphe 14 de

    78 Rsolutions n S/RES/1189 (1998) du 13 Aot 1998 du Conseil de scurit. 79 Position commune 98/108/PESC du 26 Janvier 1998, Journal Officiel des Communauts europennes, n L 32 du 6 Fvrier 1998, p. 14. 80 Rsolutions n S/RES/1189 (1998), prcite ; N S/RES/1193 (1998) du 28 Aot 1998 ; Rsolution n S/RES/1214 (1998) du 8 Dcembre 1998. Egalement, KEPEL Gilles, Les liens complexes de lIslam et du terrorisme , entretien avec Marie-Pierre RICHARTE, Le Trimestre du monde, n 34, 2e trimestre 1996, pp. 9-17.

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    la rsolution 1214 (1998) exigeant larrt du recel des groupes terroristes est une menace la paix et la scurit internationales.

    En effet, toute obstination ne pas appliquer les rsolutions pertinentes du Conseil de scurit invitant les Etats sacquitter de ce devoir constitue en elle-mme un danger pour la stabilit des Relations internationales. La rsolution 1333 (2000) du Conseil de scurit81, ragissant galement sous leffet du Chapitre VII lintensification des hostilits et lchec des ngociations de paix, ritre les exigences des dcisions prcdentes. En effet, cette dcision demande nouveau au gouvernement de facto de rcuser lasile aux personnes accuses dactes de terrorisme international dfaut de les livrer aux Etats et organismes internationaux qui les rclament pour les traduire immdiatement en justice.

    Afin de donner successivement corps ces rsolutions de lorgane des Nations Unies charg de la responsabilit fondamentale de lquilibre international, le Conseil de lUnion europenne adopte la position commune 1999/727/PESC en Novembre 199982. Cette dernire dcrte des mesures de restriction spcifiques aux Taliban et leurs complices des rseaux terroristes oprant en Afghanistan. Au nombre de ces mesures figure linterdiction des vols des aronefs grs ou contrls par les Taliban entre le territoire de la Communaut europenne et les rgions tenues par le rgime fondamentaliste. Cet acte pris au titre du second pilier de lUnion europenne mobilise les procdures communautaires qui sont finalement matrialises par le rglement dapplication n 337/2000, arrt par la Commission europenne. Le renforcement des mesures internationales de restriction contre les Taliban et assimils via la rsolution du Conseil de scurit en date du 19 Dcembre 2000 et les positions communes pertinentes de la PESC donne lieu une adaptation rgulire des rglements communautaires.

    Toutefois, il nest pas contradictoire de relever quen dehors des consquences humanitaires prjudiciables aux populations civiles et en sus de lactivisme diplomatique de lUE ds Dcembre 1996 en Afghanistan, les sanctions internationales soutenues par lEurope restent inadaptes la situation politique et militaire de lAfghanistan. La preuve la plus vidente, cest quen dpit de ces sanctions, les hostilits se poursuivent et sintensifient entre les factions belligrantes au point de relguer longtemps la crise afghane au rang des conflits identitaires auxquels la Communaut internationale finit par saccommoder.

    Bien plus proccupant encore que la guerre civile post-sovitique, le phnomne terroriste est considr comme la menace la plus grave dont llimination requiert la mobilisation de la Communaut des Etats ayant en partage les valeurs de libert, de justice et de dmocratie. Outre les actes perptrs contre les intrts des Etats-Unis en Afrique de lEst, la destruction systmatique et spectaculaire des uvres de mmoire classes au patrimoine mondial de lhumanit traduit la drive obscurantiste des Taliban et des membres dorganisations criminelles qui les soutiennent83.

    81 Rsolution n S/RES/1333 (2000) du 19 Dcembre 2000. 82 Position commune 1999/727/PESC du Conseil du 15 Novembre 1999 relative aux mesures restrictives lencontre des Taliban, Journal Officiel des Communauts Europennes N L 294 du 16 Novembre 1999, p. unique. 83 LOrganisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture sen proccupe ouvertement lors dun Colloque organis Paris. BOINET Alain et al., Afghanistan. La mmoire assassine, Colloque Patrimoine dAsie centrale UNESCO, le 2 Mars 2001, Editions Mille et une nuits, Collection Les petits libres , N 39, Octobre 2001, Evreux, 141 p.

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    La situation gopolitique de lAfghanistan fait quune guerre chronique lintrieur de ce territoire est un risque potentiel de dflagration de lensemble de la sous-rgion. En considrant les rivalits latentes qui opposent les cinq (5) Puissances nuclaires que sont la Russie, la Chine, lInde, le Pakistan et les Etats-Unis, on peroit clairement lautre justification de la menace que peut reprsenter un conflit interminable ou insuffisamment rsolu dans un pays qui sert de carrefour toute lAsie Centrale. Le nouvel engagement amricain en Afghanistan et au Pakistan, puis la guerre larve que se livrent le Pakistan et lInde propos du Cachemire montrent quel point cette ventualit est loin dtre une hypothse acadmique.

    LAfghanistan est un territoire situ dans une poudrire entoure de braises84. Avec les risques de dstabilisation des pays voisins par des flux de rfugis et lexportation dun irrdentisme islamique85 coupl de terrorisme ; avec le danger de propagation de la violence jusqu laffrontement entre les Puissances nuclaires intresses, le lien entre la crise de lEtat afghan et la stabilit internationale est nettement tabli. Lessor du terrorisme, qui prend en capture un appareil tatique dsorganis ds 1996, atteste de limprieuse ncessit den restaurer durablement les bases.

    Cependant, ni la cessation relative des hostilits inter-afghanes ni lengagement des principaux courants politiques afghans un processus de ngociations favorables la paix durable et la dmocratisation de lEtat ne rsultent des initiatives entreprises par les Nations Unies et leurs partenaires. Cette situation qui peut tre perue comme un chec des Nations Unies rtablir la paix en Afghanistan puise les justifications dun engagement global de la Communaut internationale dans la prise en capture de lappareil tatique par des rseaux terroristes disposant de r