LIBERES DE NOS BLESSURES

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David ALLEN

Libérés de nos blessures

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Table des matières

Remerciements

Préface

Première partie: Le chemin vers notre cœur

1. En route vers la découverte spirituelle

2. Notre parcours douloureux

3. Se libérer de la colère réprimée

4. Notre «carte d’autorité»

5. Notre histoire d’amour

Deuxième partie: Les dispositions du cœur

6. Un esprit de grâce: l’amour

7. Un esprit d’unité: la communion

8. Un esprit de puissance surnaturelle: l’engagement en dépit de l’adversité

9. Un esprit de dépouillement: l’humilité

10. Un esprit d’harmonie à l’intérieur comme à l’extérieur: la simplicité

11. Un esprit de bénédiction: être disposé à servir et à être servi

12. Un esprit d’éternité: une perspective transcendante

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Remerciements

Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à toutes les personnes blessées qui, par leur vie, m'ont tellement appris sur moi-même et m'ont poussé à entreprendre le chemin menant vers mon propre cœur. Ces personnes ont contribué à la construction de mon existence sur le fondement de la foi que mes parents avaient posé et que des conseillers spirituels rencontrés tout au long de mon parcours m’ont aidé à consolider.

Cet ouvrage n'aurait pas vu le jour sans la compétence et les conseils éclairés de Janet Thoma, mon éditrice, et de son équipe dont le travail soutenu m’a aidé à exprimer par écrit les sentiments et les pensées de mon cœur. Je serai toujours reconnaissant pour la patience et l'encouragement de Janet.

Mes distingués remerciements vont aussi à Rita Schweitz qui a contribué à l'organisation et à la présentation de l'ouvrage.

Merci également à Cherry Sharrer dont l'enthousiasme et le soutien constants m’ont encouragé à mener à bien ce projet.

Enfin, je souhaite remercier ma femme, Vicky, ainsi que mes enfants, Marie et David, dont l’amour et le soutien spirituel ont fait de ce livre une réalité bien avant sa rédaction.

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Je dédie ce livre à la mémoire de mes parents décédés,

Bessie et Fred Allen, qui m'ont beaucoup appris

au sujet de notre nature profonde, je veux parler du cœur.

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Préface

C’est une grande joie pour moi que de rédiger l’introduction de cet ouvrage très stimulant de David Allen intitulé Libérés de nos bles-sures. J'ai fait la connaissance de David à l'époque où j'enseignais à Yale Divinity School, et j'ai découvert en cet homme un psychia-tre doté d'une grandeur d’âme exceptionnelle.

J'ai rarement rencontré quelqu'un qui, en plus d’être un mé-decin éminent, est aussi un être qui possède un véritable cœur de pasteur. Son ouverture d’esprit, son honnêteté et son profond amour pour Dieu caractérisent sa façon de communiquer, d’abor-der ses patients et d’entourer ses étudiants. David a su réellement intégrer sa formation médicale et psychologique à sa marche per-sonnelle avec Dieu.

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Libérés de nos blessures est le fruit d'une vie vécue dans l'obéissance à Dieu conjuguée à une sollicitude profonde envers les autres. David a saisi à la fois la complexité des émotions hu-maines et l’action puissante de l'Esprit de Dieu exercée dans no-tre vie au quotidien. Je suis particulièrement touché par ce livre car je peux sentir au fil des pages battre le cœur d’un homme qui cherche à nous communiquer son affection et à nous faire rencontrer ce Dieu qui désire nous inonder de son amour dans tous les domaines de notre vie. Il le fait non à la manière d’un prédicateur, mais en sa qualité de psychiatre, à la manière d’un homme de cœur qui s’exprime avec clarté et précision. David nous relate ainsi maintes histoires concernant nos luttes et nos victoires; il nous fait part sans crainte de ses propres joies et de ses propres souffrances dans son cheminement auprès des autres. Je suis profondément convaincu que cet ouvrage appor-tera réconfort et consolation à de nombreuses personnes. Ce livre très stimulant est aussi et avant tout un ouvrage rempli d'espoir.

Dr Henri NouwenAuteur de The Wounded Healer

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Première partie

Le chemin vers notre cœur

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Chapitre 1

En route vers la découverte spirituelle

A nita était une jeune femme charmante et séduisante de vingt-neuf ans. Mais en dépit de son apparence décontrac-tée, elle était, de façon alarmante, profondément lasse de la

vie. «Ma vie est à un croisement. Si rien ne se passe rapidement, je vais sombrer», m’a-t-elle dit en essuyant ses larmes. «Je ne peux plus supporter le stress. J’aimerais juste pouvoir m’endormir et ne plus jamais me réveiller.»

Anita m’a décrit son mari comme un être froid, distant et qui ne lui était d’aucun soutien. En raison de son travail irrégulier, il ne contribuait que très partiellement aux besoins financiers de la famille. Le désir d’Anita de s’en aller pour ne jamais revenir la conduisait à des pensées suicidaires.

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Pour compliquer la situation, l’un des enfants d’Anita avait des problèmes à l’école. Ne pouvant compter sur le soutien de son mari, Anita devait se charger seule d’aider sa petite fille dans son travail scolaire. Anita se levait très tôt le matin pour préparer le petit-déjeuner, déposer les enfants à l’école, pour ensuite se ren-dre à toute hâte au travail. Après sa journée de travail, elle devait répondre aux besoins de ses enfants et effectuer les diverses tâ-ches pratiques de la vie quotidienne. Rien de très surprenant alors qu’elle se sente épuisée, déprimée et accablée par une santé de plus en plus vacillante.

Anita n’était pas très différente de la majorité des patients que je traitais. Elle n’était pas non plus si différente de vous ni de moi. J’ai commencé à prendre conscience de cela en 1972, lors de ma troisième année en tant qu’interne en psychiatrie à Harvard. J’ai passé une partie de cette période dans une clinique spécialisée pour les toxicomanes, située dans la partie est de Boston.

J’avais toujours été sidéré de voir combien les gens pouvaient se détruire en introduisant dans leur corps des substances chimi-ques. Beaucoup de toxicomanes dans cette clinique étaient dro-gués à l’héroïne et suivaient un traitement à base de méthadone (une substance utilisée pour neutraliser le manque d’héroïne); pourtant, même à ce stade-ci, ils continuaient à se piquer à l’hé-roïne ou prenaient de l’alcool.

Je trouvais le travail passionnant mais extrêmement frustrant. Parfois, j’étais content des progrès notables d’un patient, mais la semaine suivante, il se présentait à nouveau à la clinique, en état avancé d’ébriété ou sous l’emprise de drogues ou encore forte-ment affecté par une overdose de méthadone.

John est un des patients qui m’a particulièrement exaspéré. Il était alors âgé de trente-cinq ans et avait commencé à prendre de la marijuana ainsi que de l’alcool dès l’âge de treize ans, pour

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ensuite passer à l’héroïne. Sa famille était pauvre; son père était alcoolique et avait abusé de lui et de sa mère.

Nous avons beaucoup travaillé avec John dans le cadre d’une psychothérapie individuelle, mais aussi en thérapie de groupe et en thérapie familiale avec les membres de sa famille. Nous avons même essayé une nouvelle forme de thérapie au cours de laquel-le John devait s’allonger dans un cercueil dans le but de lui faire prendre conscience que ses abus d’héroïne et de méthadone fini-raient rapidement par le tuer. Mais cela non plus n’est pas parvenu à faire changer son comportement.

Cet échec dans la tentative d’aider John m’a conduit à me poser la question suivante: «Est-ce qu’un psychiatre est réellement utile dans le traitement de telles addictions? Est-ce là un bon usage de mon temps en tant que médecin spécialiste?» John m’a permis de prendre la mesure de mon incapacité à appliquer les modèles traditionnels de thérapie auprès de personnes à la dérive comme lui et ayant perdu tout espoir pour une vie meilleure.

Je m’étais déjà posé ces mêmes questions lorsque j’avais com-mencé à exercer. Je m’étais demandé si ma formation serait utile à la population des Bahamas d’où je suis originaire. J’avais même songé à réintégrer la médecine générale pour me former davan-tage sur la guérison des maladies physiques, plus répandues sur mon île. En raison de mon éducation judéo-chrétienne reçue au sein d’une famille remplie d’amour, j’avais du mal à faire l’amal-game entre la psychiatrie et ma foi chrétienne. Ce tiraillement très pénible me causait bien des tourments tant émotionnels qu’intel-lectuels.

Mon dilemme a pris fin lorsqu’un professeur m’a dit un jour: «Allen, tu cherches juste à fuir la psychiatrie par tes questions, pourquoi n’essaies-tu pas d’être créatif au sein même du domaine de la psychiatrie?»

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Lorsque je me suis mis à penser à John, toutes mes questions d’alors ont ressurgi. Mon sentiment d’échec voire d’incompétence vis-à-vis de lui était tel que j’en arrivais à nourrir des sentiments négatifs à son sujet, au point de m’en vouloir moi-même de m’être autant investi dans sa vie.

Je n’oublierai jamais ce mercredi après-midi alors que je l’atten-dais à l’extérieur de la clinique. Nous étions censés nous retrouver là et, comme cela arrivait régulièrement, il n’était pas au rendez-vous. J’avais une fois de plus l’impression d’être la victime d’un de ses stratagèmes.

De guerre lasse, je m’étais mis à observer la rue tranquille de ce quartier résidentiel. Elle était bordée d’immeubles en mauvais état et de maisons quelque peu délabrées. Soudain, John a fait son appari-tion et s’est dirigé vers moi. Ses cheveux blonds ébouriffés entouraient son visage sale et ses yeux hagards, et une barbe grossière couvrait son menton; son T-shirt marron délavé flottait sur un jean déchiré. Il marchait en titubant; de toute évidence, il était ivre ou drogué.

Quand je l’ai vu dans cet état, j’étais presque révolté et me suis dit en moi-même: «Non, pas encore!» John a dû sentir ma frustration. Il a marmonné et prononcé des paroles que je ne pour-rais jamais plus oublier: «Tuuuu sais, Doc Allen, toi et moi on est pareils. Tuuuu vois… Je me pique àààà l’héro... et toi, tuuuu te piques à l’ego.»

Ces mots ont eu l’effet d’une flèche qui m’a frappé en plein cœur. Pour la première fois, je prenais conscience en effet que John et moi étions semblables dans bien des domaines. Nous étions tous deux des êtres humains créés à l’image de Dieu. Nous cherchions tous les deux à être aimés et, l’un comme l’autre, nous désirions autant être respectés. Lui et moi étions remplis de profondes bles-sures. John atténuait sa souffrance au moyen de l’héroïne. L’ego ne soulageait-il pas la mienne?

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Le fait de m’occuper de la vie de John n’était-il pas une façon pour moi d’étouffer ma propre souffrance? Loin de mon île paisible des Bahamas, je cherchais d’une façon quelque peu désespérée la réussite professionnelle dans le domaine de la psychiatrie et ce, dans un cadre des plus stériles. Or, plus j’essayais de me perfec-tionner et d’aider mes patients, plus je me rendais compte de mon inaptitude.

John avait en lui-même une bombe à retardement prête à ex-ploser et à le détruire, lui et son entourage. Je renfermais en moi-même un explosif similaire, susceptible de se déclencher à tout moment et de me détruire, moi et ma famille. Je crois qu’il en est de même pour chacun d’entre nous.

Nous sommes des êtres humains et nous avons tous des blessu-res; nous avons tous un certain sentiment d’incompétence, et nous agissons de différentes manières pour pallier cette incompétence. Nous nous droguons à l’héroïne ou à l’ego pour tenter de nous convaincre que nous sommes à la hauteur, que nous possédons une quelconque connaissance supérieure. J’ai pris conscience que l’or-gueil de mon cœur m’empêchait d’être tout simplement humain et d’éprouver une compassion naturelle pour John.

La flèche qu’il m’avait lancée par ses mots avait profondément touché mon cœur. En effet, comment pouvais-je, moi qui avais dans le cœur mes propres blessures non guéries, soulager le cœur blessé de John? J’avais besoin d’affronter ma propre douleur afin de pouvoir comprendre la sienne.

A la recherche de notre cœurLe célèbre pédopsychanalyste Bruno Bettelheim, qui avait lui-mê-me souffert dans des camps de concentration allemands, regrettait que l’approche freudienne des phénomènes psychiques (l’étude

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de la psyché) se soit transformée en une technique par trop rigide et distante. Cette approche consiste à travailler avec des patients en vue de les aider à entrer en contact avec la partie profonde de leur être (leur moi intérieur, leur inconscient) pour qu’ils trouvent un sens à la vie. «Freud considérait son approche comme quel-que chose de sacré. Ce dont nous avons le plus besoin dans le travail d’aide auprès de personnes qui souffrent, c’est d’une com-passion spontanée avec la partie inconsciente de leur être», dit Bettelheim.1

En travaillant avec des enfants profondément perturbés, il avait découvert qu’une proximité émotionnelle résultant d’une compré-hension compatissante de l’âme de l’enfant était nécessaire. Ce dont nous avons besoin, dit-il, c’est d’un écho émotionnel d’une âme à l’autre, d’un cœur à l’autre.

Cette perspective a trouvé un écho dans mon travail, étant donné que j’avais passé la majeure partie de mon temps à œuvrer auprès de personnes mentalement retardées ou handicapées (y compris des toxicomanes tels que John) et dont les vies avaient été dévastées par la misère, le crime ou la drogue. J’en étais moi-même amené à comprendre cette nécessité de compassion, de connexion de cœur à cœur, au-delà de toutes les modes et mé-thodes en psychologie ou des théories les plus avancées sur le comportement.

Que pouvais-je dire à un enfant mentalement retardé qui me disait: «Répare-moi»? Que dire à une personne mentalement ma-lade qui me demandait: «Pourquoi dois-je tant souffrir»? Que ré-pondre à la fillette de douze ans dont la mère avait été violée sous ses yeux et dont la préoccupation était de savoir si, disait-elle, «l’homme allait revenir pour me tuer moi et ma famille»?

1 Bruno Bettelheim, Freud and Man’s Soul, Vintage, New York, 1984, p. 5.

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Leur souffrance faisait avorter toutes les solutions que j’avais apprises au cours de ma formation classique en psychiatrie. A la suite de ces questions et de la flèche reçue par John, je me suis re-trouvé littéralement catapulté dans une recherche visant à décou-vrir la raison profonde de mon existence ainsi que la compassion naturelle que je pouvais éprouver à l’égard des autres et qui était enfouie. Cette quête m’a conduit à reconnaître ma propre souf-france intérieure associée à une incapacité et une impuissance.

J’appelle cette démarche «le voyage vers le chemin de son cœur».

Le cœur est une métaphore pour désigner l’être intérieur, la partie profonde de l’être où convergent toutes les dimensions de la personne: physique, émotionnelle, intellectuelle et spirituelle. Le cœur est la quintessence de ce que l’on est vraiment: corps, âme et esprit.

Il est certain que je peux prendre des décisions sur le plan intel-lectuel, mais lorsque je fais passer mon raisonnement par le chemin de mon cœur, je fais alors le lien entre ce que je pense et ce qui se passe dans tous les aspects de ma personne. De façon similaire, lorsque je regarde avec mes yeux, j’ai la capacité de voir; mais lors-que je regarde avec les yeux de mon cœur, je dépasse la vision physique pour accéder à une réelle compréhension des choses, car j’établis un lien avec les autres parties de moi-même. Christ nous a mis en garde à propos de ceux qui, bien «qu’en voyant, ils ne voient pas et qu’en entendant, ils ne comprennent pas.»2

Le cœur est à la fois le lieu le plus personnel et le plus intime qui soit et aussi le plus universel puisque c’est par lui que nous parvenons à toucher émotionnellement les autres. Il est aussi le lieu où résident nos valeurs, notre amour, notre engagement et nos rêves. Il est la source de nos attitudes, de nos intentions et de

2 Luc 8.10.

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notre comportement. Le cœur est le réceptacle du bien et du mal, de l’amour et de la haine, le lieu où nous touchons au divin.

Le roi Salomon avait raison lorsqu’il disait: «Garde ton coeur plus que toute autre chose, car de lui jaillissent les sources de la vie.»3

Notre défi est de devenir le missionnaire de notre propre cœur. Nous oublions si souvent les émotions douloureuses enfouies au plus profond de nous-mêmes – la colère, la crainte, la culpabilité – ainsi que les expériences que font naître ces émotions. Le cœur est le réceptacle de ces sentiments douloureux et enfouis; il est aussi comme une éponge, il ne peut contenir ces émotions qu’en quantité limitée. Une fois saturé, il ne reste que très peu de place pour l’amour, la joie et l’harmonie.

De même, nous possédons tous une énergie psychique limi-tée. Si nous permettons à ces émotions enfouies d’accaparer notre énergie, il ne nous reste que peu ou pas d’énergie pour exprimer ou ressentir l’amour. Ainsi, face à la beauté par exemple, nous pouvons demeurer indifférents. De la même manière, lorsque nous sommes aimés, nous pouvons nous voir incapables de ressentir l’amour qu’on nous prodigue.

John Bowlby a observé ce détachement émotionnel chez des enfants hospitalisés. Lorsque leurs mères ne revenaient pas les voir après une longue période, ces enfants pleuraient et protes-taient pendant les semaines d’absence maternelle. Si l’absence de leurs mères se prolongeait, ils basculaient alors dans le désespoir. En effet, passée une certaine limite ils désespéraient et finissaient par se détacher émotionnellement des infirmières, des docteurs, ainsi que des autres enfants présents. Ils devenaient émotionnel-lement indifférents, coupés, séparés de leurs émotions. Lorsque leurs mères revenaient, ils ne leur manifestaient aucune émotion

3 Proverbes 4.23.

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particulière. Ils leur offraient éventuellement un sourire, le même qu’ils auraient offert à des étrangers.4

Lorsque notre cœur implore et ne reçoit pas ce dont il a be-soin, il finit par se fermer ou se détacher émotionnellement. Il est ensuite difficile de ressentir, non seulement notre propre douleur, mais aussi celle des autres. J’ai connu des parents dont l’indiffé-rence était telle qu’ils ignoraient les problèmes de drogue de leurs enfants alors qu’ils vivaient sous le même toit. Pour moi, ces gens-là sont un peu comme des «morts vivants», et je crois qu’ils sont beaucoup plus nombreux qu’on le pense. Un politicien m’a confié: «Je ne ressens plus rien, docteur. Avant, le sort des gens m’im-portait. D’ailleurs, c’est pour les aider que j’ai fait de la politique. A présent, je suis devenu indifférent. J’ai l’impression d’être détaché de ma propre sensibilité, de ma propre humanité.» Le surmenage et la vie mouvementée qu’il menait avaient fait de cet homme un automate. Son cœur était devenu froid.

Il n’est pas rare qu’un patient déclare au cours d’une thérapie: «Personne ne m’aime.» Or, ceci est tout simplement un menson-ge, la vérité est que son cœur est en quelque sorte «saturé» de blessures qui l’empêchent de ressentir l’amour autour de lui.

Mais lorsqu’une personne en souffrance a le courage de faire face à sa douleur et d’évacuer les sentiments négatifs qui habitent et enchaînent son cœur, le résultat est comparable à une éponge que l’on serre et que l’on relâche: le cœur peut s’ouvrir à nouveau pour accueillir l’amour, la joie et l’harmonie.

Lorsque j’ai entrepris le parcours menant vers les profondeurs de mon cœur, j’ai suggéré à mes patients qu’ils entreprennent la même démarche laquelle vise, au-delà du rétablissement physi-que, une découverte d’ordre spirituel.

4 John Bowlby, «Loss, Sadness, and Depression», Attachment and Loss, 3, London, 1980, p. 442.

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Au-delà du rétablissement: la découverte spirituelle

Anita avait de sérieux problèmes financiers. Elle ne se sentait pas bien physiquement et, tout comme John, elle avait l’impression que la vie était sans espoir et dépourvue de sens. Lorsqu’une personne comme Anita entre dans mon bureau en présentant des signes de dépression clinique et d’instabilité émotionnelle, certaines étapes médicales doivent être considérées. Dans le cas d’Anita, le suicide ou l’homicide était une réelle possibilité. Aussi, dans un premier temps, les déséquilibres chimiques devaient être corrigés avant qu’elle puisse être en mesure d’entreprendre un travail sur elle-même sans se mettre en danger.

Lorsqu’une personne blessée est amenée aux urgences, l’ur-gentiste doit tout d’abord arrêter l’hémorragie. Une fois la situation d’urgence du patient passée, le médecin peut procéder à un exa-men plus approfondi. De façon similaire, une personne présentant de graves blessures émotionnelles doit dans un premier temps être stabilisée comme si elle avait une hémorragie du cœur. Une fois son équilibre physique, chimique et émotionnel rétabli, le pro-cessus de guérison intérieure, à savoir un travail en profondeur sur elle-même, peut commencer. Anita se trouvait précisément dans cette situation.

Le rétablissement ou la guérison intérieure n’est autre que la ré-cupération de ce que vous avez perdu au cours d’une maladie ou d’un événement afin de retrouver la condition dans laquelle vous étiez avant de souffrir. Ceci implique la décision de révéler à une tierce personne le secret de votre souffrance. Ces dernières an-nées, la guérison intérieure a connu un réel engouement devenant parfois presque une sorte de mode, qu’il s’agisse de problèmes émotionnels, de problèmes d’addictions ou de tensions familiales.

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Des milliers de gens comme Anita ont cherché conseil et soutien auprès de groupes œuvrant dans le domaine de la guérison et de la relation d’aide pour toutes formes de déséquilibres et de dé-pendances. A l’issue des séances, les participants se sentent plus à l’aise avec eux-mêmes et découvrent une motivation intérieure suffisante leur permettant d’abandonner le comportement ou le symptôme destructeur et, le cas échéant, de choisir l’abstinence. Le rétablissement ou la guérison intérieure aide la personne à re-trouver la capacité de fonctionner face aux diverses responsabili-tés et situations auxquelles elle est confrontée dans la vie de tous les jours.

La restauration d’Anita a commencé par une thérapie de sou-tien en vue de l’aider à faire face aux tensions dans son maria-ge, à la frustration qu’elle éprouvait dans son rôle de mère et à l’imminence d’une crise compte tenu de sa dépression et de ses tendances suicidaires. Parallèlement, un collègue spécialisé en pédopsychologie a commencé à travailler avec la fille d’Anita, ce qui l’a soulagée partiellement du fardeau que cela représentait à ce moment-là. A la suite de plusieurs séances, Anita a retrouvé confiance en elle et a mobilisé son énergie pour apporter un chan-gement constructif dans sa vie. Dès que la vie et l’équilibre d’Anita ont été stabilisés, elle a souhaité parler de blessures intérieures qui continuaient de l’affecter. Elle a évoqué en particulier une ex-périence traumatisante.

Son mari l’avait trompée au début de leur mariage. Elle fut alors amenée à confronter la maîtresse de son époux. La confiance d’Anita ainsi que ses convictions morales avaient été profondé-ment dévastées par la trahison de son mari. Dix ans plus tard, elle souffrait encore de cette expérience qu’elle avait réprimée et en-fouie dans son cœur. Beaucoup de questions restaient aujourd’hui encore sans réponse. Comment pouvait-elle ne pas en vouloir à

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son mari et ne pas détester la maîtresse de son époux? Comment pouvait-elle avoir du respect pour elle-même en restant avec son mari? Comment pouvait parvenir à pardonner sa passivité ou son laisser-aller dans son mariage qui peut-être avait poussé son mari à chercher ailleurs?

Anita a fini par mettre en lumière sa colère refoulée. Elle est alors devenue plus apaisée, ses habitudes de sommeil se sont améliorées et sa dépression s’est atténuée pour laisser place à plus d’enthousiasme dans son travail. De façon étonnante, elle a commencé à ressentir plus d’émotions positives envers son mari. C’était, sans aucun doute, une réussite.

La thérapie mise en œuvre dans le processus de rétablisse-ment et de guérison nous permet de ramasser les morceaux brisés de notre vie et de rompre les chaînes de dépendances ou d’habi-tudes destructrices dans les relations. Néanmoins, si le processus de rétablissement s’arrête là, nous allons peut-être ressentir un vide et nous sentir happés dans un tourbillon de perfectionnisme, de frustration et d’isolement. C’est ce qui est arrivé à Anita. «Je suis la personne rétablie la plus vide qui soit», disait-elle. Ou, pour reprendre l’expression d’un alcoolique abstinent: «J’ai abandonné l’alcool et les drogues mais à présent, je me sens vide et sans but. Au moins quand j’étais alcoolique, on se retrouvait entre copains et on rigolait bien. Je n’en peux plus, docteur. Vous m’avez aidé à abandonner l’alcool et les drogues, mais je me sens malheureux. Je vais reprendre ma vie d’avant.»

Ce comportement m’a accablé maintes fois. Un aristocrate dis-tingué qui ne cessait de retomber dans la drogue, l’alcool et la dépression, m’a confié ceci: «J’ai suivi le processus de rétablisse-ment et de guérison maintes fois. Je connais les douze étapes par cœur. Mais je finis toujours par ressentir un vide. Quelque chose me manque.»

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En 1982, les Bahamas, ma terre natale, ont été contaminés par ce qu’on pourrait appeler une épidémie de cocaïne. En tant que président du conseil national sur les drogues, j’étais très impliqué et œuvrais auprès de centaines de patients drogués au crack et à la cocaïne. Ces jeunes gens (hommes et femmes) étaient durs, violents et à la dérive. Ils étaient prisonniers de puissantes dro-gues. Beaucoup d’entre eux parvenaient à un certain rétablisse-ment et restaient sobres pendant six à huit mois. Mais ce stade de rétablissement leur faisait connaître d’insupportables états de manque et de solitude qu’ils décrivaient comme une sensation de vide et d’abîme intérieur. Toutefois et sans aucune exception, du moins dans mon programme, les personnes qui parvenaient à ce stade de rétablissement et à se passer de drogue pendant deux ans ou plus, progressaient vers une recherche de type spirituel.

La quête intérieure et la découverte spirituelle

«Je suis à l’étape de la quête intérieure, et toi?» se disaient mes patients entre eux. En disant cela, ils exprimaient simplement qu’ils se trouvaient à une étape différente de celle du rétablissement et de la libération de leurs dépendances. En réalité, cette recherche est possible à quiconque est en quête d’un sens plus profond de la vie: la quête intérieure ou la quête de son cœur.

Ainsi que je l’ai déjà mentionné, c’est au cours de mes premiers travaux de recherche auprès de patients drogués ou mentalement perturbés, que j’ai pris conscience de mon propre besoin de quête spirituelle. Cette prise de conscience émerge en chacun de nous de façon différente. Pour certains parfois, cela ne passe pas par un rétablissement ou une restauration, ils recherchent désespéré-ment un sens plus profond à leur existence. Ted, un homme d’af-

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faires blasé, est entré un jour dans mon bureau en me lançant: «Vous voyez docteur, je devrais être satisfait de ma vie. Je gagne beaucoup d’argent. Je possède des biens immobiliers qui me rap-portent des revenus supplémentaires substantiels. Je possède un pouvoir non négligeable. Ma famille se porte bien. Pourtant ma vie ne semble aller nulle part. Je me sens vide.» En fait Ted était en recherche de quelque chose qui lui manquait, il était sur le chemin menant à la découverte spirituelle.

Mon travail met en relief le fait que cette quête implique de dépas-ser le stade du rétablissement. Cela suppose de casser la coquille épaisse qui recouvre la blessure refoulée et qui est constituée des fausses protections qui entourent notre cœur (notre autoprotection), et de laisser émerger la perle qui se trouve à l’intérieur. En faisant face à nos blessures et en acceptant nos cassures, nous découvrons quelque chose situé au-delà de notre mémoire défaillante et de ce que nous croyons. Nous trouvons une personne animée d’un esprit vivant à l’identité unique, dotée d’une immense capacité d’aimer et d’être aimée puisque chacun de nous est créé à l’image de Dieu.

Le mot découverte en latin est composé du préfixe dis qui signi-fie «briser en morceaux» et du verbe cooperire, «couvrir, cacher». Dans ce processus, la recherche passe alors par une découverte qui consiste à briser la fausse protection afin de permettre au moi réel – le cœur – bien que souffrant et blessé, de connaître le repos de l’amour de Dieu. Il y a en chacun de nous un espace destiné à Dieu. Certains le traduisent par la recherche de la plénitude, le désir d’être aimé ou le pressant besoin de paix intérieure. Saint Augustin l’a exprimé ainsi: «Tu nous as créés pour toi-même et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en toi.»5

Cette recherche et cette découverte spirituelles ancrent la person-ne dans la réalité de l’amour et de la paix, de la foi et de la confiance.

5 Saint Augustin, Les confessions, Paris, Flammarion, 1973.

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Qu’en est-il de vous?Il se peut que vous vous demandiez: «Où en suis-je dans ce pro-cessus?» Je demande souvent à mes patients de cocher les dé-clarations suivantes qui correspondent à leur situation.

— Je redoute parfois de nouer des relations trop proches avec une personne car elle pourrait m’abandonner.

— Je n’aime pas être seul. Je préfère me trouver en com-pagnie d’autres personnes qui me valorisent.

— J’ai plutôt tendance à réagir très fortement face aux événements.

— J’essaie de plaire aux autres, ce qui peut être ma façon d’affirmer mon identité et de donner un sens à ma vie.

— J’aime mon époux(se) ou mon ami(e) mais j’ai aussi tendance à le(la) détester. (Les psychiatres appellent cela des «attitudes d’ambivalence rapprochée», c’est-à-dire de désirer et de rejeter en même temps une personne).

— Je suis fatigué et découragé la plupart du temps.

— Je me sens parfois très déprimé.

— J’ai souvent peur de faire confiance à quelqu’un.

— Je n’ai pas de but dans la vie.

— Je mets souvent un terme à une relation parce que j’ai l’impression que l’autre personne cherche à me contrô-ler (nous appelons cela la peur «d’être englouti»).

— J’ai besoin de boire de l’alcool le soir pour m’apaiser.

— J’utilise la nourriture pour trouver un soulagement.

— Je me drogue lorsque je suis déprimé.

— Je me culpabilise énormément pour les problèmes de ma famille.

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— Ma vie semble vide et ennuyeuse.

— Je n’ai souvent pas beaucoup de motivation pour faire quoi que ce soit.

— Je me sens vide à l’intérieur de moi.

Si vous avez coché une ou plusieurs de ces déclarations, il se peut que vous soyez en quête de découverte spirituelle, d’un sens plus profond à l’existence.

Le processus de la découverte spirituelle

La découverte spirituelle dont il est question ici n’est pas chose facile. Il s’agit en effet d’un processus qui se développe avec le temps en s’étalant sur des mois, voire des années. Il ne s’agit pas d’un quelconque état spirituel élevé qui serait susceptible de nous conduire à un état de conscience supérieur ou à un détachement intérieur face à la vie. Il ne s’agit pas non plus d’une méthode scientifique particulière qui serait applicable à tout individu dans n’importe quelle situation. La découverte dont il est question se développe de façon unique pour chacun d’entre nous car c’est no-tre être intérieur qui est sollicité dans ce processus. Cette décou-verte peut se produire, par exemple, lorsque nous savourons la paix que procure un coucher de soleil dont la douce clarté souligne le mouvement rassurant des vagues de l’océan, ou encore lorsque nous écoutons une prédication à l’église. La quête spirituelle et la découverte qui l’accompagne peuvent se produire à l’issue d’une psychothérapie ou au cours d’une expérience tragique qui vous force à réexaminer votre vie. Le dénominateur commun est toute-fois ce même sentiment d’amour, de paix et de joie qui persiste en dépit de la douleur et du doute inhérents aux épreuves de la vie. Cette découverte éclaire les yeux de notre cœur de sorte que nous

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sommes réellement en mesure de connaître la foi, l’espérance et l’amour.6

La découverte spirituelle comprend quatre étapes: la prise de conscience, la confrontation, l’engagement et la vocation. Tou-tefois, ces étapes ne se déroulent pas obligatoirement selon cet ordre-là.

La prise de conscienceAvant de nous lancer dans cette quête spirituelle, nous devons nécessairement prendre conscience de notre besoin d’approfondir notre raison d’être dans l’existence ou encore notre engagement avec Dieu. Cette prise de conscience se traduit par un état d’hu-milité qui nous permet de reconnaître l’authenticité des besoins de notre cœur, malgré la souffrance que nous avons connue. Compa-rable à une personne affamée et assoiffée en quête de nourriture et d’eau, un cœur brisé est enclin à trouver une réponse à ses besoins profonds. C’est la raison pour laquelle les personnes en-gagées dans un processus de guérison intérieure et qui admettent leurs faiblesses, leurs limites et leurs souffrances, sont parfois plus empressées à trouver un sens plus profond à l’existence que cel-les qui nient leurs problèmes.

Quand bien même la vie d’Anita semblait s’améliorer grâce aux éclaircissements qu’elle avait reçus au cours de la thérapie, sa sensation de vide était toujours présente. La thérapie lui avait certes permis de maîtriser son mode de vie destructeur, mais elle n’avait fait que revenir à son point de départ: le vide. Sa vie n’avait pas plus de sens qu’auparavant. C’est alors qu’Anita a commencé à se poser des questions auxquelles elle devait trouver elle-même les réponses:

6 Ephésiens 1.18.

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— A quoi mène mon existence?

— Quel est le but derrière tous ces efforts?

— L’amour vaut-il la peine?

La confrontationUne fois libéré de l’emprise des drogues et du manque qui y est associé, ainsi que d’autres sensations et émotions destructrices, l’individu rétabli se retrouve face à un choix. C’est là où je me trou-vais lorsque j’avais commencé à me sentir vaincu par le désespoir face aux problèmes récurrents de mes patients. C’est aussi à ce moment-là que John m’avait envoyé sa fameuse flèche.

Malgré un système de défense psychologique très élaboré ou même de base, la question du choix moral nous est posée. A ce chapitre, nous pouvons nous comporter comme des enfants qui comprennent bien les règles du jeu mais qui, malgré leur aptitude à agir correctement, choisissent d’agir autrement.

Nous nous trouvons alors dans une position similaire à celle d’un esclave des temps anciens qui aurait été autrefois enchaîné à un poteau. Il marchait de façon monotone autour du poteau, dé-sirant ardemment recouvrer sa liberté. Sa seule échappatoire à sa condition de souffrance consistait à s’imaginer libre, en train de courir et de gambader ici et là. En rêve, il cultivait les champs sur une terre luxuriante et vivait avec sa femme dans une paisi-ble demeure. Selon une légende, un ange se serait approché de lui pendant son sommeil et aurait brisé ses chaînes. A son réveil, l’esclave se serait aperçu que ses chaînes étaient brisées. Il s’est alors levé d’un bond et est parti à la conquête des contrées lointai-nes. Soudain, son cœur s’est rempli de crainte à l’idée du danger qui le guettait dans ces terres inconnues. «Il y a peut-être là-bas des animaux féroces ou des guerriers hostiles qui ne m’aimeront

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pas et chercheront à me blesser. Et si je me perds? De plus, je n’ai jamais cultivé quoi que ce soit auparavant. Comment dois-je m’y prendre?»

Terrifié par la perspective de l’inconnu, l’esclave a fait alors marche arrière, a repris sa chaîne si familière et a recommencé à tourner autour de son poteau comme auparavant. Alors qu’il mar-chait péniblement en formant un cercle continu, il s’est mis à se justifier: «Ici au moins, je sais à quoi m’attendre. J’ai toujours vécu ici. Après tout, ce n’est peut-être pas si mal.»

Les êtres humains peuvent s’adapter à la souffrance aussi bien qu’à la joie; aussi, la souffrance peut devenir une compagne. Une personne qui a une mentalité d’esclave choisira toujours la servi-tude, même si elle peut bénéficier de sa liberté. Il arrive souvent que notre propre cœur imprégné de cette mentalité d’esclave nous limite beaucoup plus que des restrictions imposées par l’extérieur. De la même manière, si notre cœur est libre et sans entraves, alors même lorsque nous nous trouverions emprisonné physi-quement, nous serions néanmoins libres intérieurement. Dans un camp d’emprisonnement nazi, l’auteur Victor Frankl a expérimenté beaucoup plus de liberté intérieure que ses gardiens de prison.7

Le but ultime n’est pas de retrouver simplement la capacité de faire des choix sains, en étant libéré de toute influence destructrice. Ce n’est pas non plus de composer avec une vie que l’on pourrait trouver détestable. L’objectif est de franchir le seuil du choix d’un cheminement qui nous permet d’entrer pleinement dans la vie.

Alors qu’Anita dépassait le stade du rétablissement pour s’en-gager dans la quête spirituelle, elle s’est dépouillée de sa souffran-ce, tout d’abord au cours de la thérapie qu’elle avait suivie avec

7 Victor Frankl, Man’s Search for Meaning, figurant dans l’ouvrage de Stephen Covey, The Seven Habits of Highly Effective People, New York, Simon and Schuster, 1989, p. 69.

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moi, puis dans la prière avec Dieu, le médecin suprême. La quête et la découverte spirituelles, c’est l’étape de l’engagement.

L’engagementAlors qu’Anita remontait son parcours de vie douloureux, elle voulait avoir mon avis sur la prière. Elle m’a questionné sur mes croyances personnelles: «Comment votre foi en Dieu vous donne-t-elle la force de continuer à vous occuper de personnes telles que moi et à partager leur douleur?»

Il n’est pas du tout souhaitable qu’un patient imite la commu-nion que son thérapeute entretient avec Dieu dans la prière; en effet cette relation doit être personnelle. Aussi lui ai-je expliqué: «Il n’y a pas de recette, mon approche n’est pas celle que vous devez adopter. Anita prie comme Anita. David prie comme David. Il n’y a pas de formule toute faite; ma manière peut seulement vous servir d’exemple.» Je l’ai donc encouragée à suivre son propre chemine-ment spirituel.

Un dimanche, alors que j’enseignais un cours pour adulte à mon église, Anita était assise au fond de la salle. A la séance de thérapie suivante, je lui ai demandé: «N’étiez-vous pas dans ma classe dimanche dernier?»

«Oui» a-t-elle répondu. «J’ai beaucoup travaillé sur ma souf-france avec vous, et je vous en ai beaucoup parlé. A présent, j’ai besoin de traiter certaines choses que je ne peux même pas vous révéler. Malgré tout ce que j’ai pu déjà vous raconter, je sens qu’il y a tellement de choses encore enfouies en moi.» Anita m’a regardé droit dans les yeux: «J’ai commencé à prier. Je veux parler à Dieu à propos de ces choses-là. Alors, lorsque j’ai appris que vous ensei-gniez un cours le dimanche, j’ai décidé d’y assister. J’ai expérimenté exactement ce que vous avez dit à propos de la vie spirituelle.»

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Dès lors, Anita avait dépassé le stade de l’engagement pour m’exprimer ce qu’elle ressentait. Elle avait commencé à s’engager ouvertement envers Dieu. Voici ce qu’elle semblait dire intérieure-ment: «Oui, il y a de la souffrance dans ma vie. J’ai traité quelques-unes de ces émotions. Mais il y en a d’autres que je ne peux même pas toucher. Alors, Seigneur, je t’ouvre mon coeur maintenant pour te demander de me soutenir, de me guider et de m’aider.» Elle s’était abandonnée à Dieu et lui avait donné son cœur, ses blessures et son être entier. Mais elle n’avait pu le faire qu’après avoir fait face à ses émotions (certaines au cours du processus de rétablissement et d’autres pendant le processus de découverte d’ordre spirituel).

Il existe plusieurs niveaux ou stades dans la souffrance hu-maine; j’appelle l’un d’eux le stade du silence. Il correspond à la douleur profonde, aux sentiments inexprimables. En dépit de la détermination que nous pouvons avoir à soigner cette douleur et cette souffrance et de la qualité du thérapeute, l’aide de Dieu se fait alors sentir comme un besoin impératif. Le chirurgien peut cou-per. Le docteur peut prescrire. Le psychiatre peut écouter. Mais seul l’amour de Dieu peut guérir. En tant que médecins ou thé-rapeutes, nous pouvons être des outils de guérison, si du moins nous sommes suffisamment humbles pour permettre à l’amour de Dieu (la force curative de l’univers) de nous utiliser pour toucher et soulager les patients.

La découverte spirituelle est le processus qui consiste à remet-tre continuellement à Dieu notre moi blessé – le cœur – pour qu’il soit transformé et qu’il s’élargisse. Il s’agit là d’une révolution to-tale (une metanoia) au cours de laquelle nous nous éloignons de notre égocentrisme (ou de notre cœur égoïste) pour nous ouvrir à l’amour de Dieu. Alors que la croissance se poursuit, les cho-ses réprimées émanant de notre inconscient sont abandonnées à Dieu. Il en résulte une régénération spirituelle – la création d’un

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cœur nouveau – ou ce que je qualifierais de développement de la personne mature.

Anita a commencé à assister à une réunion de femmes avec une amie et a trouvé que cela lui était d’un grand soutien. Un jour, elle est passée à la clinique et m’a annoncé: «J’ai à présent une nouvelle perspective sur la vie.»

Je lui ai demandé ce qu’elle entendait par là.

«J’ai pris la décision de me soumettre entièrement à l’amour de Dieu et j’ai reçu son pardon», dit-elle. «J’ai fait de Jésus-Christ ma source de puissance la plus élevée. Cela m’a donné un nouveau sentiment d’espoir dans ma vie et une compassion plus profonde pour les autres.»

Anita était devenue une missionnaire dans sa propre vie. Sa vie spirituelle était-elle réelle ou s’agissait-il seulement d’un autre mé-canisme passager qui l’aidait à surmonter les maux de son cœur? Les semaines suivantes, je suis resté attentif aux signes extérieurs des changements internes dont elle m’avait parlé, et j’ai été parti-culièrement frappé de voir le sens et l’esprit de partage et de com-munion fraternelle qu’elle exprimait envers celles et ceux de son groupe de prière. De plus, le sentiment d’espoir avait remplacé sa litanie habituelle: «Rien ne va aujourd’hui avec ma vie.»

La vocationCette intimité avec Dieu aboutit en fin de compte à un nouveau sens de la vocation qui s’exprime par le développement d’une nou-velle relation avec nous-mêmes et avec les autres. Je crois que Jésus-Christ désire que notre relation avec les autres soit similaire à celle qu’il a eue lui-même avec ses disciples au cours de son dernier repas avec eux (la Sainte Cène): une relation empreinte d’amour, de communion, d’engagement malgré l’opposition, d’hu-

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milité, de simplicité, de disposition à servir et à être servi, ainsi que d’une perspective vers l’au-delà. Ces sept attitudes du cœur sont développées dans les sept derniers chapitres de ce livre.

Elles ne sont pas une panacée quelconque, elles sont simple-ment des guides qui m’ont aidé dans ma propre recherche d’un sens plus profond de l’existence. Elles m’ont également été utiles dans mon travail avec des patients désireux de quitter une vie su-perficielle pour entrer dans les profondeurs spirituelles d’une mar-che avec le Dieu très saint. J’espère que ces qualités de cœur vous encourageront et vous donneront des directives dans votre recherche d’identité authentique, d’intimité et de sens de la vie, tout comme cela fut le cas pour Anita.

Je l’ai observée dans la progression de son cheminement. Auprès des personnes de son entourage, elle a commencé à évo-quer les principes d’une vie plus profonde, celle qu’elle savourait désormais. Elle a cessé de prendre des antidépresseurs et a mis un terme à sa thérapie.

J’étais fier d’Anita. Elle avait fait face à sa souffrance, elle avait abandonné la douleur liée à ses blessures et elle était à présent en mesure de s’ouvrir pour recevoir l’amour de Dieu et des autres. La découverte de ce bien-être intérieur lui a permis d’améliorer ses relations avec sa propre famille et d’accroître son amour pour ses amis ainsi qu’à l’égard des membres de son entourage.

Il est évident qu’Anita devra relever d’autres défis. La quête spirituelle est une attitude permanente d’ouverture en vue de croî-tre et d’être transformé tout au long de notre vie. Ce processus d’ouverture est un éveil en douceur à la vie abondante. Ce n’est en aucun cas une solution toute faite ou une dépendance vis-à-vis d’un thérapeute et de ses conseils.

Entretenir des pensées et des sentiments négatifs dans notre cœur nous prive de voir croître tout ce qu’il renferme de positif,

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faute d’espace, comme nous l’avons dit. Toutefois, pour germer, l’amour a besoin de soin et d’attention. Notre capacité à apprécier la beauté, à accueillir les bénédictions, à recevoir et à exprimer l’amour, doit être alimentée à la source. Cette source se trouve en notre cœur. C’est par lui que nous touchons émotionnellement l’autre. Si notre cœur est enchaîné par les blessures, l’amertume et les regrets, nous sommes incapables d’accéder aux autres, à moins d’être libérés de ces chaînes émotionnelles destructrices.

Il s’agit donc d’un cheminement intérieur et extérieur vers l’amour; et je souhaite ardemment que chaque lecteur puisse faire l’expé-rience de ce cheminement. Les exemples et les exercices présentés dans cet ouvrage sont destinés à vous aider dans le parcours de cette découverte. Ils ne sont en aucun cas des outils ou des straté-gies de manipulation qui auraient pour fonction de vous rendre plus heureux, un peu à la manière d’une «recette miracle».

Ma confrontation avec John m’a conduit à une passion toute nouvelle pour mon métier. J’ai pris conscience que ma foi et mon travail pouvaient s’intégrer de façon dynamique. Tous les êtres hu-mains sont créés à l’image de Dieu avec une dignité et une valeur propres. Mais nous avons aussi des manquements et des défauts. Conscients de cette réalité, nous pouvons nous aider les uns les autres. Les problèmes que nous avons chacun sont au fond, assez semblables; nous avons tous besoin de l’amour, de la protection et des directives de Dieu.

Au chapitre 2, nous allons examiner comment les blessures du passé peuvent nous paralyser dans notre vie présente. Pour illustrer le processus de guérison des émotions qui ont été endom-magées et qui nous permet malgré tout d’aller de l’avant, je pré-senterai, dans ce chapitre, le chemin que j’ai moi-même emprunté et qui m’a ramené jusqu’aux expériences vécues dans ma jeune enfance.

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Chapitre 2

Notre parcours douloureux

J’avais huit ans. C’était un dimanche matin. J’allais sortir de l’église quand notre pasteur m’a fait signe d’approcher. Ce petit homme trapu m’a parlé de choses et d’autres, puis il m’a

dit: «Tu sais que tu n’es pas le vrai David Allen, n’est-ce pas?»

J’ai levé alors les yeux pour dévisager cet homme qui était no-tre pasteur depuis tant d’années. Il souriait comme s’il plaisantait et, étant donné que je connaissais son caractère aimable, j’avais confiance. Pourtant, je n’étais pas sûr de bien saisir ce qu’il voulait me dire. Aussi, je l’ai laissé poursuivre.

«Nous avons enterré le vrai David Allen il y a des années de cela», dit-il de façon catégorique. «Il était né deux ans avant toi

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