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L’angoisse du prof à la fin de l’année COLLÈGE Septembre 2010. David S., 25 ans, prof d’histoi- re-géo débutant, est jeté sans filet dans l’arène d’un collège. Comme 8000 autres nouveaux enseignants du secondaire, il n’a pas eu de véritable prépa- ration professionnelle. Pour Libération, il accepte de tenir un journal de bord. Nous en publions aujourd’hui l’épilo- gue. «Dernier jour. J’ai la cin- quième D de 16 à 17 heures. […] J’écris le titre de la dernière par- tie du cours quand, soudain, un élève se lève et m’apporte un pa- quet. C’est une boîte de choco- lats et une carte signée par toute la classe: “Merci pour cette belle année.” […] Je suis ému et dés- tabilisé. A la fin du cours, je re- ferme la porte […] passablement ébranlé.» PAGES 22-23 Suicides chez France Télécom: la police doute Les procès- verbaux, que «Libération» s’est procurés, semblent minimiser le harcèlement moral. PAGE 14 LUIS GRAÑENA FMI Lagarde prend la suite PAGES 2-4 La ministre de l’Economie a été nommée hier à la tête du Fonds monétaire international, pour succéder à DSK. CINÉMA «TRANSFORMERS 3» LANCE LA SAISON DES BLOCKBUSTERS ET TOUTE L’ACTUALITÉ DU CINÉMA, HUIT PAGES CENTRALES 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9370 MERCREDI 29 JUIN 2011 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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L’angoisse du profà la fin de l’annéeCOLLÈGE Septembre 2010.David S., 25 ans, prof d’histoi-re-géo débutant, est jeté sansfilet dans l’arène d’un collège.Comme 8000 autres nouveauxenseignants du secondaire, iln’a pas eu de véritable prépa-ration professionnelle. PourLibération, il accepte de tenirun journal de bord. Nous enpublions aujourd’hui l’épilo-gue. «Dernier jour. J’ai la cin-

quième D de 16 à 17 heures. […]J’écris le titre de la dernière par-tie du cours quand, soudain, unélève se lève et m’apporte un pa-quet. C’est une boîte de choco-lats et une carte signée par toutela classe: “Merci pour cette belleannée.” […] Je suis ému et dés-tabilisé. A la fin du cours, je re-ferme la porte […] passablementébranlé.»

PAGES 22­23

Suicideschez FranceTélécom: lapolice douteLes procès-verbaux, que«Libération» s’estprocurés, semblentminimiser leharcèlementmoral.

PAGE 14 LUIS

GRA

ÑEN

A

FMILagardeprend lasuite

PAGES 2­4

La ministre de l’Economiea été nommée hier à la têtedu Fonds monétaire international,pour succéder à DSK.

CINÉMA«TRANSFORMERS 3»LANCE LASAISON DESBLOCKBUSTERS

ET TOUTE L’ACTUALITÉDU CINÉMA,

HUIT PAGES CENTRALES

• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9370 MERCREDI 29 JUIN 2011 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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La Française a été nommée, hier,à la tête de l’institution financièremondiale à la suite de la démissionde DSK et dans un contextede crise mondiale.

FMI, Lagardereprendle flambeau

C hristine Lagarde peut dès à présentpréparer ses valises. La ministrefrançaise de l’Economie a en effetété choisie, hier, pour occuper le

poste de directrice générale du Fonds moné-taire international laissé vacant depuis le19 mai par Dominique Strauss-Kahn. Réunisau douzième étage du bâtiment du FMI, surla prestigieuse Pennsylvania Avenue à deuxpas de la Maison Blanche, les 24 membres duconseil d’administration se sont décidés plusvite que prévu. Ils avaient en principe jus-qu’au 30 juin pour trancher entre ChristineLagarde et Agustín Carstens, président de laBanque centrale du Mexique. Mais la candi-date française avait dès hier recueilli suffi-samment de voix pour l’emporter.

COULEUVRES. C’est donc contre toute at-tente, au lendemain de l’arrestation de DSK,la France qui décroche le poste de directeurgénéral du FMI pour la cinquième fois del’histoire. Les Français semblaient pourtantne plus avoir la cote de ce côté-ci de l’Atlan-tique. A coup sûr, Nicolas Sarkozy va y voirun succès de sa diplomatie, dont il espère ti-rer quelques dividendes. A peine Lagardeétait nommée à la tête du FMI, l’Elysée a sa-lué «une victoire pour la France». «La prési-dence française se réjouit qu’une femme accèdeà cette importante responsabilité internatio-

Par VITTORIO DE FILIPPISet CÉLIA SAMPOL (à Washington)

ChristineLagarde, au siègedu FMI, àWashington,le 23juin.PHOTO GETTYIMAGES. AFP

ILS ONT DIRIGÉLE FMIDominique Strauss­Kahn(France), Rodrigo Rato(Espagne), Anne Krueger(Etats­Unis ­ par intérim),Horst Köhler (Allemagne),Stanley Fischer (Etats­Unis),Michel Camdessus (France),Jacques de Larosière(France), Johan Witteveen(Pays­Bas), Pierre­PaulSchweitzer (France).

REPÈRES

«Si j’ai un messageà faire passer surla Grèce, c’est unappel à l’oppositionpolitique grecque pourqu’elle rejoigne dansune entente nationalele parti actuellementau pouvoir.»Christine Lagarde hier soir

FMI187 pays sont membres decette institution créée en 1944et dont la mission premièreest de «promouvoir la coopé­ration monétaire internatio­nale, de garantir la stabilitéfinancière». Elle a aussi pourfonction de gérer les crisesmonétaires et financières.

19 maiC’est la date de la démissionde Dominique Strauss­Kahnde son poste de directeurgénéral du FMI. Dans sa lettrede démission, DSK écrit : «[…]C’est avec une immensetristesse que je me senscontraint de présenter auConseil d’administration madémission du poste de Direc­teur général du FMI.»

«Excepté sonengagement pendantla crise, elle n’a paseu d’impactintellectuel majeur,contrairement parexemple à un Balladurou un Strauss-Kahnavant elle.»Christian Saint­Etienneprofesseur à Paris Dauphine

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Par VINCENT GIRET

Puissance

L’histoire retiendra qu’enl’espace de vingt-quatreheures, deux femmes ontpris tout l’espacequ’occupait DominiqueStrauss-Kahn il y aquelques semaines encore.Ce mardi 28 juin, MartineAubry s’est lancée dans lacourse présidentielletandis que ChristineLagarde ravissait ladirection générale duFonds monétaireinternational. Fermez leban. Qui aurait misé uneuro sur les chances de laFrance de hisser unenouvelle fois l’un des siensà la tête de la pluspuissante organisationinternationale, après lescandale DSK ? Il fautsaluer l’habileté du campfrançais dans ce tour deforce diplomatique et enretenir la leçon politique :quand l’Europe parled’une seule voix, elle sedonne toutes les chancesde faire prévaloir sesintérêts. Y compris dansles bataillesinternationales les plussophistiquées. Les grandspays émergents en ont faitl’amère expérience :incapables d’afficher lamoindre unité et des’accorder rapidement surune candidature, ils ontruiné leurs chances, endépit de leur rôle dans lastabilisation de la crisefinancière et de leursnouvelles responsabilitésdans la mondialisation. An’en pas douter, ilsméditeront eux aussil’épisode cuisant de cemois de juin. Lanomination de ChristineLagarde vient ainsiutilement rappeler lapuissance de la zone euro.La ministre des Financesn’a pas gagné parce qu’elleest française, mais bienparce qu’elle a incarnél’union monétaireeuropéenne. Mêmeviolemment secoué parune crise de la dette, l’europarticipe au tout premierplan à la stabilité, certesdifficile, de la planètefinancière. Il était bon quecela soit réaffirmé. A Pariscomme à Washington.

ÉDITORIAL

nale», ajoute le communiqué. Mais sur TF1,hier soir, Christine Lagarde a surtout eu desmots chaleureux pour François Fillon, qui l’atoujours soutenue, y compris dans les mo-ments difficiles de ses débuts au gouverne-ment (lire ci-contre). «J’ai avalé beaucoup decouleuvres», a-t-elle même reconnu. Elle apar ailleurs ajouté qu’elle souhaitait pouvoirs’entretenir avec Dominique Strauss-Kahn,qui a «été un directeur général admiré» et quia fait «un bon travail».Les choses se sont précipitées lorsque lesEtats-Unis ont annoncé tôt dans la matinéequ’ils soutenaient Lagarde. En tant que pre-mier actionnaire du Fonds, ils compta-

Après des débuts en politique calamiteux,la ministre s’est imposée à partir de 2008.

E lle est la preuve vivante que le yoga adu bon. Car il lui en a fallu, des séan-ces de respiration ventrale, pour sur-

monter les quolibets et les rumeurs assas-sines des premiers temps du sarkozysme,puis les nuits blanches à tenter de sauverle monde, et surtout l’Europe, de l’apoca-lypse financière. Indubitablement, cettefemme-là a un bon karma. Ou peut-êtreun talent: celui d’être toujours au bon en-droit au bon moment. Sauf si la patronnedu FMI devait se faire rattraper par laqueue de comète de l’affaire Tapie (lirepage suivante).Sa vie bascule en juin 2005 quand Domini-que de Villepin l’appelle à son bureau deChicago où elle dirige Baker & McKenzie,un des plus grands cabinets d’affaires amé-ricains. Il lui propose de rejoindre son gou-vernement au poste de ministre déléguéeau Commerce extérieur. Lagarde lui de-mande si elle peut réfléchir. Ré-ponse de Villepin: «Vous avez toutvotre temps mais vous me donnez uneréponse avant la fin de ce coup defil.» Le lendemain, elle prend unavion pour Paris.Pour être honnête, celui qui l’a dé-couvert le premier, c’est Jean-Pierre Raffarin. En 2004, alors Premier mi-nistre, il croise cette avocate brillante lorsd’une réunion des Français de l’étranger.Il en parle à Chirac qui la fait appeler parson secrétaire général, Frédéric Salat-Ba-roux. Le coup de fil ne donnera rien. Mais,dit un proche, «l’idée qu’elle a envie de ser-vir son pays va faire son chemin». Sanscompter qu’en disant «oui» à Villepin, ellerejoint ses deux fils à Paris. Depuis six ansqu’elle était aux Etats-Unis, ils n’avaientjamais vécu avec elle. Christine Lagarde estalors inconnue du grand public mais ausside la classe politique française.Natation synchronisée. Elle est née Lal-louette le 1er janvier 1956 à Paris (IXe), deparents universitaires. Prof de latin, samère sera même la professeur au Havre deCatherine Pégard, actuelle conseillère cul-turelle de Nicolas Sarkozy (ce qui aura sapetite importance plus tard). Elève stu-dieuse, à l’éducation irréprochable, catho-lique pratiquante (elle l’est toujours), elleest aussi sportive. A 15 ans, elle obtient lamédaille de bronze de natation synchroni-sée aux championnats de France. Deux ansplus tard, elle perd son père et, grâce à unebourse, part étudier aux Etats-Unis. Ellerevient à Paris pour y passer l’ENA, qu’elleloupe à deux reprises. Elle sera avocate.En 1981, inscrite au barreau de Paris, ellerejoint le cabinet parisien de Baker & Mc-Kenzie dont elle va gravir tous les échelons.Vingt-quatre ans durant. En 2002, alorsqu’elle a pris la tête de ce cabinet quicompte 4600 collaborateurs dans 35 pays,le Wall Street Journal Europe la classe5e femme d’affaires européenne. Elle a déjàfait de Davos, le forum mondial où politi-que et business se mêlent chaque annéesous la neige, un de ses terrains de jeu et dechasse favoris. C’est là qu’elle se constitueun carnet d’adresses incroyablement richeet surtout très mondialisé.

Ses premiers pas en politique sont calami-teux. A peine nommée au Commerce exté-rieur, elle critique le droit social français,qu’elle juge «compliqué, lourd» et qui«constitue un frein à l’embauche». Cejour-là, c’est l’avocate libérale et améri-caine qui parle. Rappelée à l’ordre par Vil-lepin, elle entame un laborieux chemin decroix pour apprendre les us et coutumes dela politique française. Même sacrée minis-tre de l’Economie (une première pour unefemme), elle enchaîne les bourdes. Deuxperles désormais historiques : en pleinehausse des prix du carburant, en novem-bre 2007, elle recommande de «prendre sonvélo»; et à l’été 2008, elle répète en boucleque «le plus dur de la crise est derrièrenous». De ses années d’entraînement à lanatation synchronisée, elle a gardé une de-vise : «Serre les dents et souris.»Nous sommes à la rentrée 2008 et il ne fait

plus guère de doutes que Christine Lagardeva être débarquée. Sarkozy ne la supporteplus et ses porte-flingue la déstabilisentdans la presse. A l’Elysée, seule Pégard, savieille copine, essaie de sauver ce qui resteà sauver. La faillite de Lehman Brothers etle cataclysme financier mondial vontchanger la donne. Quand elle débarque enoctobre 2008 à son premier G20 Finances,à Washington, une nouvelle rumeur an-nonce sa sortie du gouvernement. Et, de-puis Colombey-les-Deux-Eglises, Sarkozy,pour la première fois, lui rend un hommageappuyé. En pleine crise, il a besoin de sonanglais impeccable et de sa connaissancedu système américain. Il compte sur ellepour séduire les Américains, notammentHenry Paulson, le secrétaire au Trésor etex-responsable de Goldman Sachs, qu’elleconnaît bien. D’un coup, la grande dudu-che à collier de perles devient, dans latourmente, la carte maîtresse de Sarkozy.Décalage. De fait, elle effectue depuis unsans-faute. C’est là le paradoxe de Lagarde.Elle, la libérale convaincue, se transformeen avocate de la régulation. C’est peu direqu’elle est en décalage avec les diatribes duchef de l’Etat contre les excès de la financemondialisée. Peu importe, elle devientmême première ministrable quand Sarkozyenvisage de remplacer Fillon. Elle qui dé-nonçait cette manie politicienne d’«avoirà annoncer des choses différentes toutes lessemaines» n’a jamais été très à son aiseavec la carrière politique. D’ailleurs sonparachutage à Paris dans le XIIe, aux muni-cipales de 2008, a été un cuisant échec. LeFMI tombe donc à point nommé. Saufpeut-être pour son compagnon, XavierGiocanti, entrepreneur à Marseille. Qui sevantait dans la presse de s’occuper du«plaisir intérieur brut» de la ministre…

GRÉGOIRE BISEAUet ALEXANDRA SCHWARTZBROD

Une libérale contrariée,révélée par la crise

L’ESSENTIEL

LE CONTEXTEChristine Lagarde, 55 ans, a étédésignée hier pour cinq ans directricegénérale du FMI, en remplacement deDominique Strauss­Kahn.

L’ENJEUSa désignation, qui ne faisait plus dedoute depuis le soutien hier des Etats­Unis, est une victoire pour NicolasSarkozy, le choix d’une personnalitéeuropéenne étant contestée par denombreux pays émergents.

«Vous avez tout votre temps maisvous me donnez une réponse avantla fin de ce coup de fil.»Dominique de Villepin à Christine Lagarde enjuin 2005, lui proposant d’entrer au gouvernement

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La ministre des Finances est sous la menace d’une mise en examenpar la Cour de justice de la République, qui pourrait être décidée le 8 juillet.

Affaire Tapie et GDF-Suez,des casseroles sur le feuL e sacre de Christine La-

garde pourrait être gâ-ché par la Cour de jus-tice de la République

(instance habilitée à juger lesministres ou ex-ministres pourdes faits commis dans l’exercicede leurs fonctions). Deux dos-siers mijotent dans les coursivesde la Cour de cassation (qui hé-berge la CJR), pouvant aboutirà sa mise en examen dans lessemaines ou les mois prochains.Crâne. Le premier concerne ladésormais célèbre affaire Tapie.Pour avoir assumée crânementla procédure d’arbitrage (l’ac-ceptation initiale de son prin-cipe puis la non-contestation desa sentence), Lagarde se re-trouve en première ligne à de-voir justifier les 400 millions dedommages et intérêts accordésen 2008 à Bernard Tapie poursolde de tout compte de ses dé-mêlés avec le Crédit lyonnais -même si, après compensationbancaire et fiscale, il ne lui res-terait que 200 millions en net.Affaire la plus médiatique maisaussi la plus urgente: la com-mission des requêtes de la CJRdoit décider le 8 juillet de

l’ouverture ou pas d’une procé-dure pénale. Son avocat général,Jean-Louis Nadal, milite en cesens, mais ce plus haut procu-reur de France, classé à gauche,part en retraite cette semaine etpourrait être remplacé par Jean-Claude Marin, actuel procureurde Paris et classé à droite.Si la CJR décide d’ouvrir for-mellement le processus, la miseen examen de Lagarde seraautomatique, ne serait-ce quepour lui donner accès au dos-sier avant interrogatoire. Chris-

tine Lagarde sera alors en pre-mière ligne d’un dossierpourtant sous haute sur-veillance de l’Elysée, où Ber-nard Tapie a ses entrées. Mais lapatronne du FMI traîne commeun boulet cette estimation, plusque sommaire, faite en 2009devant une mission d’enquêteparlementaire, du solde final

devant revenir à l’homme d’af-faires: 30 millions à peine…Alchimie. Le deuxième dossiermijotant au sein de la CJR estmoins avancé, l’avocat généralayant simplement acceptéd’instruire la plainte déposéepar un petit actionnaire. Mais ilest tout aussi curieux. Il y estquestion de GDF-Suez et du sa-cré coup de pouce que vientd’accorder la Caisse des Dépôts,bras armé de l’Etat français, àce géant de l’énergie désormaisprivatisé. Au printemps der-

nier, la CDCachetait 25%du réseau dedistribution degaz de GDF-Suez, une filialenommée GRT-Gaz. Le prix

payé, un milliard d’euros, avaitaussitôt fait tiquer le groupe PSà l’Assemblée. En 2001, lorsd’une première réforme deGDF, accélérant son autonomie,l’Etat lui avait concédé le réseaude transport de gaz pour120 millions d’euros. Dix ansplus tard, l’Etat, via la CDC, re-met au pot sur une base de qua-

tre milliards… «Quarante foisplus cher», s’indigne le députésocialiste François Brottes.Une explication de cette cu-rieuse alchimie est fournie parJean-Marie Kuhn, à l’origine dela saisine de la CJR pour «abusde pouvoir». Depuis cinq ans, ilpiste les faveurs de la CDC auprofit d’Albert Frère, hommed’affaires franco-belge bien encour à l’Elysée et premier ac-tionnaire privé de GDF-Suez.En 2006, la Caisse rachetait àFrère la chaîne Quick pour800 millions d’euros: outre leprix amical, on voyait mal ceque l’Etat français venait fairedans les fast-foods. Rebelote en2011 ? C’est la conviction deKuhn qui y voit un «nouvelachat à prix d’or d’actifs inutiles,prétexte pour offrir un milliard àGDF-Suez.» Toujours bravache,prenant sur elle ce qui relève duChâteau, Lagarde a défendu ledeal devant l’Assembléecomme une «stratégie de l’Etatqui consiste à renforcer de grandsacteurs.» Quitte à donner unchèque en blanc à Albert Frère?La CJR tranchera.

RENAUD LECADRE

bilisent 17% des voix au conseil d’ad-ministration. Les sept membres représentantl’Union européenne constituent, eux, 32%des voix. La ministre française avait donc endébut de matinée 49% des votes en sa faveur.Si l’on ajoute les Bric (Brésil, Russie, Inde,Chine) qui, les uns après les autres, ont an-noncé leur soutien à Lagarde, la décision nepouvait plus attendre. L’opération séductionmenée par la ministre dans la plupart despays émergents aura donc porté ses fruits.Mieux que son adversaire mexicain, ellesemble les avoir convaincus de ses capacitésà représenter leurs intérêts au sein du FMI.Selon les rumeurs à Washington, le poste denuméro deux du Fonds, qui sera bientôt li-béré par l’Américain John Lipsky, pourraitrevenir à un pays émergent afin de rééquili-brer la balance.

MAUVAISES LANGUES. Le FMI a donc pour lapremière fois élu à sa tête une femme, alorsque l’institution multinationale reste domi-née par les hommes (le conseil d’administra-tion ne compte qu’une seule femme). Lesmauvaises langues affirment que Lagarde ajoué cette carte durant sa campagne. D’autrespréfèrent croire qu’elle avait les qualités re-quises pour le poste, notamment une trèsbonne expérience des Etats-Unis après avoirdirigé le prestigieux cabinet d’avocats Baker& McKenzie. Elle devra s’attaquer d’entréede jeu à de lourds dossiers. Car l’époqued’une institution internationale moribondeest révolue. La crise est passée par là. Et leFonds est sollicité comme jamais.En avril 2008, à l’occasion des assemblées deprintemps du FMI et de la Banque mondiale,DSK répétait: «IMF is back!». «Le FMI est unami des faibles, qui contribue à la paix mondialeen défendant la stabilité monétaire», récitel’ancien ministre socialiste, d’est en ouest etdu sud au nord. Dans un premier temps, leFMI exhorte les Etats qui en ont les moyensde mettre le paquet en consacrant une partiede leur PIB dans la réanimation de la de-mande. Adieu donc les budgets en équilibre.Oubliée même la primauté du privé, puisquele Fonds se fera (comme aux Etats-Unis) undéfenseur des nationalisations, comme dansle secteur bancaire. Mais voilà, 2008 n’estpas 2011. Terminée l’époque de la relance parla dépense publique. Place à la rigueur.Avec comme dossier prioritaire : la Grèce.Malgré un plan de soutien de 110 milliardsd’euros, le pays ne parvient toujours pas às’en sortir. Hier soir, Christine Lagarde en aappelé à l’union nationale. «Si j’ai un messageà faire passer ce soir concernant la Grèce, c’estun appel à l’opposition politique grecque pourqu’elle rejoigne dans une entente nationale leparti qui est actuellement au pouvoir. Il y vavraiment du destin d’un pays», a-t-elle dé-claré sur TF1. Les cures d’austérité passentde plus en plus mal dans les populations dontle mécontentement semble proportionnelaux exigences des bailleurs de fonds. Mêmes’il est question pour le Fonds de consentirà Athènes un nouveau plan d’aide de 30 à60 milliards d’euros conjointement avecl’Union européenne.Un peu partout en Europe, le FMI, et doncChristine Lagarde, devrait sonner la retraitede l’Etat. Avec à la clé un risque de taille.L’enclenchement d’une spirale de récessionlà où tout est déjà extrêmement fragile. Lanouvelle directrice du Fonds devra aussi ser-vir de pivot pour organiser une aide finan-cière à la Tunisie et à l’Egypte. Pas compliquépour une institution requinquée sur le planfinancier par ses actionnaires. A ceci près qued’autres pays du monde arabe en pleine révo-lution démocratique pourraient prochaine-ment, à leur tour, frapper aux portes duFonds pour solliciter une aide. •

Lagarde doit justifier les400 millions de dommages etintérêts accordés en 2008 à Tapiepour solde de tout compte de sesdémêlés avec le Crédit lyonnais.

François Baroin, mais aussi Valérie Pécresse ou Bruno Le Mairepourraient récupérer dès aujourd’hui le ministère de l’Economie.

Remaniement, le minimum vitalN icolas Sarkozy doit pro-

céder, après le Conseildes ministres, ce matin,

à ce qui sera sans doute le der-nier remaniement de son quin-quennat. En fait, il s’agit plutôtd’un nouvel ajustement imposépar les circonstances, comme ila en a effectué une bonne dou-zaine depuis 2007. Il s’agitaujourd’hui de remplacerChristine Lagarde à Bercy,comme il fallait remplacer Mi-chèle Alliot-Marie aux Affairesétrangères en février.Quelques minutes après l’élec-tion de Christine Lagarde à latête du FMI, Nicolas Sarkozy etFrançois Fillon ont eu hier soirun entretien à l’Elysée. Laquestion du remplacement de laministre de l’Economie devraitdonc être tranchée dès la fin duConseil des ministres de ce ma-tin. Parmi les successeurs po-tentiels, François Baroin parais-sait hier mieux coté que sescollègues Valérie Pécresse etBruno Le Maire. Le ministre du

Budget et porte-parole du gou-vernement a d’ailleurs été reçupendant une vingtaine de mi-nutes à Matignon en débutd’après-midi. Pour Fillon, lasolution Baroin a notammentl’avantage de ne pas trop bous-culer la stabilité gouvernemen-tale. Le Premier ministre n’a ja-mais caché que la valse desministres et les remaniementspour convenances personnelleslui paraissaient incompatiblesavec le fonctionnement d’uneRépublique moderne.Même s’il ne s’est pas interditde faire un usage très politiciendes nominations ministérielles(Michel Mercier en 2009 pouraffaiblir Bayrou, Georges Tronen 2010 pour isoler Dominiquede Villepin et peut-être, ce ma-tin, Marc-Philippe Daubressepour gêner Jean-Louis Borloo),Nicolas Sarkozy aura finale-ment plutôt donné raison à sonPremier ministre.Objet d’infinies spéculationssur les entrants et les sortants,

la plupart des «aménagements»décidés par le chef de l’Etat ontété très limités.En mars 2008, après les élec-tions municipales, les nomina-tions d’Yves Jégo, Alain Joyan-det et Nadine Morano devaientdémontrer que les sarkozystesn’étaient pas oubliés. En dé-cembre 2008, la promotion deBruno Le Maire était un premiersigne d’ouverture aux chiraco-villepinistes. En janvier 2009,le départ de Xavier Bertrand àla direction de l’UMP a provo-qué un jeu de chaises musicalesdont Eric Besson, ministre del’Immigration, sera l’un desprincipaux bénéficiaires.En juin 2009, après les euro-péennes, Sarkozy a parié surXavier Darcos au ministère duTravail. Il en a profité pour fairemonter la jeune génération dansla hiérarchie gouvernementale– Chatel à l’Education natio-nale, Le Maire à l’Agriculture–,et confier à son ami Hortefeuxle poste de ministre de l’Inté-

rieur dont il rêvait depuis long-temps. En mars 2010, après lesdésastreuses élections régiona-les, les conditions étaient réu-nies pour le profond boulever-sement.A mi-mandat, l’heure du rem-placement de Fillon allait enfinsonner, avait maintes fois an-noncé l’entourage de NicolasSarkozy. Il n’en fut rien. LePrésident a choisi de renforcerles chiraquiens avec la nomina-tion de François Baroin au Bud-get, tout en confiant à EricWoerth, nouveau ministre duTravail, le soin de conduire laréforme des retraites.Après quoi, promis, devait in-tervenir le Big One, le grand re-maniement tant de fois re-poussé. On sait ce qu’il enadvint : le 14 novembre, NicolasSarkozy a fait le choix de la«professionnalisation», enmaintenant François Fillon, enappelant Alain Juppé et en lais-sant partir Jean-Louis Borloo.

ALAIN AUFFRAY

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 20114 • EVENEMENT

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La«flottilledelaliberté»surledépart, IsraëlsurlepontPressions diplomatiques, plan com, préparation militaire: l’Etat hébreu usede tous les procédés pour tenter de décourager le convoi propalestinien.

L a grève générale en Grèce(lire en page 15) n’est pas laseule à empêcher le départvers Gaza des na-

vires de la deuxième «flot-tille de la liberté», dontplusieurs sont bloqués dans desports grecs. Les organisateurs duconvoi maritime, qui s’apprêtepour la deuxième année consé-cutive à tenter de briser le blocusisraélien de la bande de Gaza, ontannoncé lundi que l’hélice et l’ar-bre de transmission d’un paquebotgréco-suédois avaient été sabotés.Peu avant, ils avaient dénoncé les«procédures administratives» impo-sées par les autorités grecques pourtenter de retarder leur départ. Et

accusé Israël de faire pression surAthènes. Une accusation dont ne sedéfend pas l’Etat hébreu, qui amultiplié les efforts diplomatiquespour éviter un nouveau fiasco aprèsle tollé international provoqué l’an

dernier par l’assaut meur-trier des commandos demarine contre une pre-

mière flottille.

«BATAILLE». Le but : réduire auminimum l’ampleur du convoi,dont les organisateurs avaientprévu qu’il approcherait des côtesgazaouies en fin de semaine. «Nosdiplomates ont mené des centaines dediscussions, et en fin de compte, lenombre de navires et de passagers estmoindre que prévu», s’est félicitéhier Avigdor Lieberman, le chef dela diplomatie israélienne.

Alors qu’un millier de militantspropalestiniens devaient initiale-ment participer au convoi, ils nesont plus qu’environ 350, en prove-nance de 22 pays, à attendre surune dizaine de bateaux de mettre lecap sur Gaza. Ils ont embarqué3 000 tonnes d’aide humanitaire,contre 10 000 l’an dernier. Plu-sieurs pays, dont la France, laGrèce, le Canada et les Etats-Unis,ont déconseillé toute participationà leurs ressortissants. Deux bateauxfrançais participent à l’expédition.«Les efforts israéliens ont été en par-tie couronnés de succès. Pas complè-tement, car l’idéal pour Israël auraitété une annulation pure et simple decette flottille. Mais plusieurs payseuropéens ont apparemment comprisqu’il ne s’agissait pas simplementd’une initiative humanitaire et que

cela s’inscrivait dans une bataille po-litique contre Israël», estime MarkHeller, directeur de recherche àl’Institut pour les études de sécuriténationale, dépendant de l’univer-sité de Tel-Aviv.Les responsables israéliens se sontsurtout réjouis de la défection duMavi Marmara, affrété par l’organi-sation turque IHH, une associationcaritative proche de l’AKP, le partiislamo-conservateur au pouvoir enTurquie. C’est à bord de ce ferryqu’avaient éclaté des violences l’andernier, durant lesquelles neuf pas-sagers –huit Turcs et un América-no-Turc – avaient été tués.Le Mavi Marmara devait de nouveauservir de navire amiral à la flottillecette année. L’IHH a prétexté des«problèmes techniques», mais l’ab-sence de participation du navire est

en fait un signe de bonne volontéd’Ankara à l’égard d’Israël. Lesdeux anciens alliés tentent en effetde rétablir leurs relations, mises àrude épreuve par l’assaut sanglantde l’an dernier. La Turquie craintpar ailleurs les critiques de la com-mission de l’ONU, qui devrait re-mettre sous peu ses conclusions surles violences lors de l’arraisonne-ment du Mavi Marmara. Selon desfuites publiées dans la presse israé-lienne, le rapport critique le soutiendu gouvernement turc aux organi-sateurs de la flottille et ses liensavec l’IHH.Le gouvernement israélien s’estégalement lancé dans une offensivemédiatique, après avoir largementperdu la guerre des images qui avaitfait rage en juin dernier suite à l’ar-raisonnement du Mavi Marmara.Contrairement à l’an passé, desphotographes de l’armée israé-lienne seront prêts à retransmettredes images en temps réel depuis lesbâtiments militaires chargés del’interception.

«HONNEUR». Alors que l’arrivéedes bateaux se précise, Israël multi-plie les déclarations visant à calmerle jeu. Son cabinet de sécurité, quiregroupe les principaux ministres,a ainsi affirmé lundi que ses forcesarmées auront pour consigne«d’éviter autant que possible l’af-frontement avec ceux qui sont à borddes bateaux». L’Etat hébreu a aussidécidé d’autoriser les activistes àdécharger leur cargaison à Ashdod,en Israël, ou El-Arish, en Egypte, ets’est engagé à transférer la totalitéde la cargaison à Gaza après ins-pection.Mais en maintenant l’option mi-litaire d’une interception en pleinemer si les organisateurs de laflottille s’obstinent à accoster àGaza, l’Etat hébreu prend fatale-ment le risque de dérapages vio-lents. Tsahal multiplie d’ailleursdepuis plusieurs semaines lesentraînements pour faire face àcette éventualité. «Un an après lefiasco de la première flottille, Israëlmontre qu’il s’en tient, envers et con-tre tout, à l’option militaire. Commesi c’était le moyen de sauver son hon-neur», estimait récemment l’édito-rialiste du quotidien Haaretz. Etd’ajouter : «Israël n’est pas prêt àabandonner une démonstration deforce, contribuant ainsi, de façoncertaine, à gonfler l’importance decette flottille.» •

Par DELPHINE MATTHIEUSSENTCorrespondante à Jérusalem

ANALYSE

Conférence d’activistes,à Athènes, le 27 juin.PHOTO J.P. KSIAZEK. AFP

3000tonnes d’aide humanitaire ontété embarquées à bord de laflottille vers Gaza. 10000 tonnesavaient été transportées l’anpassé.

Athènes

El-Arish Ashdod

GRÈCE

ÉGYPTE

ISRAËL

LIBYE

IRAK

SYRIE

TURQUIE

GAZA

Le 31 mai de l’an dernier,le ferry Mavi Marmara avait étéarraisonné par les commandosdes Forces de défense israélien­nes (FDI). Neuf passagers, donthuit Turcs et un Américano­Turc,avaient été tués lors de l’assaut.Cette année, le bateau ne parti­cipe pas à la flottille vers Gaza.

REPÈRES

A lire et à écouter le blog«Destination Gaza» de notreenvoyé spécial Quentin Girard,en direct de l’un des deuxbateaux français de la flottille.

• SUR LIBÉ.FR

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

MONDE • 5

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LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

L es vannes de la contes-tation sont ouvertes auSénégal, où la situation

apparaît hautement imprévi-sible. Hier, au lendemain descènes de guérilla urbaine àDakar, mais aussi en pro-vince, l’armée a été déployéeaux abords de plusieurs mi-nistères, tandis que des blin-dés ont fait leur apparitionautour de la présidence.Comme un symbole d’unecoupure irrémédiable entrele président Abdoulaye Wadeet son peuple.Jeudi, les jeunes étaient des-cendus massivement dans la

rue pour protester contre unprojet de réforme électoraleconçu pour permettre la réé-lection du chef de l’Etat, âgéde 85 ans, et favoriser le pas-sage de témoin à son fils, Ka-rim Wade. Le régime a dû re-culer face à la déterminationdes manifestants.«Bougie». Cette fois, il ris-que d’avoir du mal à éteindrecette nouvelle va-g u e d econtestation, liéeà des problèmesde vie quoti-dienne. Lundisoir, des foules dejeunes s’en sontpris violemment aux bureauxde la compagnie nationaled’électricité, la Senelec. Dixde ses agences ont été détrui-tes à Dakar et dans ses fau-bourgs, ainsi qu’à Keur Mas-sar, Mbour et Thiès, à l’est dela capitale. Le ras-le-bol estgénéral face aux délestages

de plus en plus fréquents etde plus en plus longs.«On ne peut avoir aucun loi-sir, on doit s’éclairer à la bou-gie et on ne peut pas faire lacuisine, témoigne un univer-sitaire installé à Dakar, qui atenu à garder l’anonymat (1).Il y a aussi le problème de laconservation des aliments. Ondoit jeter tout ce qui ne peut se

garder qu’au frais. C’est dra-matique pour des familles en-tières qui doivent jeter, alorsque le coût de la vie est déjàtrès élevé dans le pays.»Dans certains cas, les coupu-res peuvent durer quarante-huit heures. Toute l’activitéen pâtit. Un mauvais mana-

gement, conjugué à l’ab-sence d’investissements suf-fisants, serait à l’origine deces délestages qui empoison-nent le quotidien des Séné-galais au point de les obsé-der. Les plus aisés ont acquisdes générateurs.«Explosion». Est-on à laveille d’un soulèvement gé-néralisé au Sénégal ? Ma-rianne, une habitante de Da-kar, en est persuadée: «Celane va pas s’arrêter ! On est enétat de survie, on n’en peutplus !» La semaine dernière,plusieurs bureaux du parti aupouvoir, le PDS, ont été sac-cagés. Tous les regards setournent désormais vers laCour constitutionnelle quidoit dire si le vieux président,élu en 2000 et réélu en 2007,peut se représenter au scru-tin prévu en février 2012.Théoriquement, la Constitu-tion ne permet que deuxmandats. «Si elle l’autorise àconcourir, cela sera l’explo-sion !» ajoute Marianne.Le mouvement de contesta-tion est né spontanémentdans les rangs de la jeunesse,prenant au dépourvu despartis d’opposition jugéstrop timides et critiqués pourleur incapacité à s’unir afinde présenter une alternativecrédible au pouvoir en place.Fer de lance de la protes-tation, les rappeurs du col-lectif Y’en a marre ont de-puis été rejoints par deschanteurs célèbres, telsYoussou N’Dour et DidierAwadi. «Il n’y a pas d’électri-cité dans les prises, mais il y ade l’électricité dans l’air !»lançait hier soir Marianne,alors que le courant était ànouveau interrompu.

THOMAS HOFNUNG(1)Lire son interview sur Libe.fr

LesSénégalaiscomptentlesheurtsAFRIQUE L’armée a été déployée à Dakar après les émeutes de lundimenées par des jeunes qui demandent le départ du président Wade.

Le sous­sol mexicain regorge de richesses plus ou moinsnaturelles. Lundi, le ministère de la Défense a annoncéque des militaires avaient découvert, lors d’une patrouilledans l’Etat de Sinaloa (nord­ouest), un laboratoire souter­rain de drogues synthétiques. Le bâtiment est creusé sur10 mètres de profondeur et est large de 12 mètres. Il com­prend un étage aménagé comme une habitation et undeuxième étage organisé «comme une cave avec deux piè­ces», comprenant le matériel nécessaire à la fabrication dela drogue. Après avoir sécurisé les lieux, l’armée a mis lamain sur 260 kilos de méthamphétamines, 180 litres deméthamphétamines liquides et 450 kilos de soude causti­que. Le ministère de la Défense n’a pas précisé comment ilavait été mis au courant de l’existence de ces installations,ni si les soldats avaient procédé à des interpellations.

L’ARMÉE MEXICAINE DÉMANTÈLEUN LABO DE DROGUE SOUTERRAIN

L’HISTOIRE

Dans la banlieue de Dakar hier, après les émeutes de lundi. PHOTO SEYLLOU. AFP

Le prince Charles a coûté près de 18%de plus aux contribuables britanni-ques l’an dernier qu’en 2009, ont an-noncé ses services comptables hier.Cette information a immédiatementsuscité la colère des antimonarchistes,qui ont rappelé qu’en parallèle, unevéritable cure d’austérité a été impo-sée par le gouvernement à la popula-tion. «Pourquoi les contribuables conti-

nuent-ils à payer pour ce train de viesomptueux à un moment où les servicespublics subissent des coupes budgétai-res?» s’est notamment indigné Gra-ham Smith, porte-parole de l’associa-tion Republic.La hausse des subsides publics accor-dés au fils de la reine Elizabeth II se-rait en grande partie due à l’envoléede ses frais de voyages officiels

(+ 56%). Charles et son épouse, Ca-milla, ont en effet parcouru près de55000km dans le monde en 2010. Siles revenus du prince, notammentceux tirés de son duché de Cor-nouailles (sud-ouest), ont progresséde 4%, ses impôts auraient en revan-che bondi de plus de 25% par rapportà l’année précédente, toujours selonles services officiels de sa majesté.

E COUP DE SANG DES PARTISANS BRITANNIQUES DE LA RÉPUBLIQUE

Pendant l’austérité, la monarchie dépense

Lundi soir, le siège dela compagnie nationaled’électricité a été attaquépour protester contreles coupures de courant.

Par MARC SEMO

Turquie: les députésde l’opposition refusentde prêter serment

L a séance inaugurale duParlement turc, élu 0ledu 12 juin, a été boy-

cottée par la principale forcede l’opposition de gauche etpar les députés kurdes. Do-minée pour la troisième foisconsécutive par l’AKP, leparti issu du mouvement is-lamiste de Recep Tayyip Er-dogan (50% des voix), cettelégislature s’annonce sous demauvais auspices.

Pourquoi ce boycott ?Les 135 députés du CHP(Parti républicain du peuple)ont emboîté le pas des35 députés kurdes du BDP(Parti pour la paix et la dé-mocratie), qui avaient priscette décision pour protestercontre l’invalidation pour«propagande terroriste» del’élection d’Hatip Dicle, unedes figures de proue empri-sonnée du mouvementkurde. Le refus de plusieurstribunaux, contre la juris-prudence habituelle, de re-mettre en liberté six autresnouveaux élus kurdes a en-core accru la rage du BDP. Lemême problème s’est posépour deux députés du CHP, lejournaliste Mustafa Balbay etl’universitaire Mehmet Ha-beral, emprisonnés pour leurrôle présumé dans un com-plot visant à déstabiliser lepouvoir de l’AKP. «Tant quenos camarades députés serontempêchés de prêter serment,nous, élus du CHP, ne prête-rons pas serments non plus»,a martelé Kemal Kilicdaro-glu, président du parti jadisfondé par Mustapha Kemal,en annonçant cette décisionsans précédent.Que révèle cette crise ?

Certains éditorialistes pro-ches de l’AKP assurent quele Premier ministre esttombé «dans un piège judi-ciaire». L’indépendance dela justice turque est pourtanttrès théorique. «L’AKP s’estpiégé lui-même en ne menantpas jusqu’au bout la réformedu code pénal ou de la loi an-titerroriste», souligne AhmetInsel, universitaire et chro-niqueur au quotidien Radi-kal, rappelant que «la ques-tion des libertés individuellesest l’enjeu politique centraldes prochaines années».Avant même ce nouveautriomphe électoral, Erdoganétait de plus en plus critiquépour son autoritarismecroissant et beaucoup s’in-quiétaient d’une «poutini-sation» du régime, alorsqu’il souhaite l’instaurationd’une république présiden-tielle.

Que va fairele Parlement ?Le grand défi pour lenouveau Parlement est l’éla-boration d’une constitutionafin de remplacer celle im-posée après le coup d’Etatmilitaire de 1890. L’AKP araté de peu la majorité réfé-rendaire (330 sièges sur 650)qui lui aurait permis d’élabo-rer seul un projet à soumet-tre à référendum. Au soir desa victoire, Erdogan annon-çait: «Nous allons agir dans leconsensus.» C’est ce quesouhaitent les Européenscomme les organisations dela société civile turque. Maiscela commence mal, à moinsd’un geste fort de RecepTayyip Erdogan pour déblo-quer la situation. •

DÉCRYPTAGE

75 km

SÉNÉGAL

GUINÉE

MALI

MAURITANIE

GUINÉE�B�GUINÉE�B�GUINÉE�B�

Dakar

6 • MONDEXPRESSO

Page 7: Liberation Du 29 06

PAKISTAN Trois ministres ontdémissionné, hier, après queleur mouvement eut annoncéla veille rejoindre l’opposi-tion au gouvernement fédéraldu président, Asif Ali Zardari,dénonçant sa gestion «dicta-toriale» du pays. PHOTO AFP

YÉMEN Les trois humanitai-res français enlevés il y a unmois ont été «localisés» etsont «en vie». C’est cequ’ont affirmé, hier, lesautorités yéménites.

TUNISIE Une trentaine depersonnes ont été interpel-lées, hier, à Tunis, lors d’unemanifestation de salafistesvenus réclamer la libérationde leurs camarades arrêtésaprès le saccage d’un cinémaqui présentait un film sur lalaïcité dans le pays.

ÉGYPTE Un tribunal du Cairea ordonné, hier, la dissolu-tion des conseils municipauxélus du temps du présidentHosni Moubarak, renverséen février, a-t-on appris desource judiciaire.

«Envions-nousles peuples deTunisie et d’Egypte?Oui, nous envionsleur transitionrapide et pacifique.Les Birmans sontaussi excités parces événements queles autres peuples.»Aung San Suu Kyiopposante birmaneet Prix Nobel de la paix

14C’est le nombre de missi­les balistiques à courte etmoyenne portées tiréspar l’Iran, hier, lors d’un deses traditionnels exercicesde «défense» destinés àmontrer sa force. Cesmanœuvres sont égale­ment destinées à dissuaderIsraël et les Etats­Unis des’en prendre militairementà la République islamique.

D epuis plus d’un mois,les manifestations semultiplient au Chili.

Les étudiants et les élèves dusecondaire réclament uneéducation publique, gratuite,de qualité. «L’éducation chi-lienne n’est pas à vendre, elleest à défendre.» C’est un desslogans scandé dans denombreuses manifestationsd’élèves. La semaine der-nière, un défilé a réuni80 000 personnes. Du ja-mais-vu depuis la fin de ladictature d’Augusto Pino-chet, en 1990. Il faut dire queles jeunes qui protestent sontnés après et qu’ils n’ont paspeur de faire valoir leursdroits.Par ailleurs, plus d’une cen-taine d’universités sont engrève, et 500 collèges et ly-cées sont occupés par les élè-ves. «L’éducation ne doit plusêtre synonyme de profit, souli-gne Matias Arancibia, 16 ans,qui marche dans son uni-forme bleu de lycéen. L’édu-cation est un droit, pas un pri-vilège.» Le Chili est un despays où l’éducation est laplus chère du monde, alorsque dans les années 60 elleétait gratuite. Sous la dicta-ture (1973-1990), Pinochet aouvert les portes au privé etl’Etat a drastiquement baisséson enveloppe budgétaire.«Ceux qui financent l’éduca-tion aujourd’hui, expliqueMarcel Claude, économiste àl’université de Santiago, cesont en grande partie les fa-milles. Dans le primaire et lesecondaire, elles paient enmoyenne 30% du coût del’éducation de leurs enfants. Al’université, elles paient 85%de ce coût! L’Etat est pratique-ment absent du système, mêmedans les universités publiques,qui coûtent presque autant queles privées.»Quand il parvient à finir sesétudes, un étudiant est géné-ralement endetté jusqu’aucou. «Mon université coûte220 euros par mois, ce qui cor-respond au salaire minimumque gagne mon père, souligneTamara Carrasco, 20 ans, quisuit des études d’infirmière.J’ai dû prendre un crédit ban-caire, ça veut dire que je finiraipar payer mes études trois foisleur coût.» En moyenne, lesétudiants chiliens doiventrembourser, à leur arrivéesur le marché de l’emploi,30000 euros. L’équivalent du

prix d’une maison. HarryPalacios, 22 ans, a trouvé lasolution. «D’ici un mois, ex-plique cet étudiant en musi-que, je pars étudier au Brésil.Là-bas, l’éducation est gra-tuite.» Si le Chili est le paysqui a le revenu par habitant leplus élevé d’Amérique latine,il est le seul à avoir un ensei-gnement aussi privatisé. «Et

aussi mauvais, ajoute MarcelClaude. Car l’augmentationdu coût est allée de pair avecune dégradation de la qualité.»Le ministre de l’Education,Joaquín Lavín, a présentéune série de propositions auxélèves du secondaire. Sansréussir à les démobiliser.

De notre correspondanteà Santiago CLAIRE MARTIN

LecoûtdesangdesélèveschiliensAMÉRIQUE DU SUD Des milliers d’écoliers et d’étudiantsmanifestent pour réclamer la gratuité de l’éducation.

Nouveau doute sur la pro­bité du gouvernement Kar­zaï: Abdul Qadir Fitrat, legouverneur de la Banquecentrale afghane, s’est réfu­gié aux Etats­Unis. Cettefuite est un rebondisse­ment dans l’affaire desdétournements massifsd’argent de la Kabul Bank,un établissement détenuen partie par des prochesdu pouvoir. «Ma vie était endanger, notamment depuisque j’ai parlé au Parlementet donné le nom de certai­nes personnes qui sont res­ponsables de la crise de laKabul Bank», a déclaré legouverneur. Cette banqueprivée, la première du pays,était au bord de la faillitelorsqu’elle a été placéesous le contrôle de la Ban­que centrale fin 2010, sesdirigeants étant soupçon­nés de détournements defonds, de l’ordre de780 millions d’euros. Parmises propriétaires, un frèredu Président, et un frère duvice­président, MohammadQasim Fahim. PHOTO AFP

LE GOUVERNEURDE LA BANQUECENTRALEAFGHANE EN FUITE

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LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 MONDEXPRESSO • 7

Page 8: Liberation Du 29 06

parler de «logement intergénérationnel» àRennes. Le lien entre les Français, toujours.

«CHEMISES». A Lille, «trop émue», l’amieMarylise Lebranchu cache son trouble enprêtant main-forte au service d’ordre pour(tenter de) canaliser les caméras qui bour-donnent autour de la candidate. «Il faudratrois chemises par jour», prédit en connais-seur François Lamy, conseiller de la premièresecrétaire en passe de devenir son directeur

de campagne. Avec lui, les deux autres hom-mes de l’ombre d’Aubry – son directeur decabinet, Jean-Marc Germain, et son attachéde presse, François Rousseaux– doivent s’ac-commoder de la lumière médiatique. Mais lesairs de conspirateurs perdurent. Les mee-tings, l’équipe de campagne, la future direc-tion collégiale du PS, le sort réservé au cabi-net Aubry ? «Aujourd’hui, vous êtes aurestaurant, temporise Lamy. Pour la cuisineet l’arrière-cuisine, attendez demain !» •

Aubryvisel’ElyséeenprimaireligneLa première secrétaire du PS a officialisé sacandidature à la présidentielle, hier à Lille.

Par LAURE BRETTONEnvoyée spéciale à LillePhoto AIMÉE THIRION

L ever de rideau présidentiel. Lille,11 h 27 hier. Martine Aubry écarteune tenture noire, dans la gare Saint-Sauveur, l’un de ses lieux culturels

préférés au cœur de «sa» ville. Trois petitspas serrés et la voilà sur une tribuneplus élyséenne que nature: fond bleupâle – «c’est le bleu Martine, à chaquefois qu’elle a été candidate, c’était cette cou-leur», confie un de ses proches –, pupitreblanc où se cachent trois verres d’eau et,dressés en arrière-plan, deux drapeaux, fran-çais et européen, dont un factotum a remisles plis en place jusqu’à la dernière minute.«Mes chers compatriotes», se lance MartineAubry, un peu émue après trente secondesd’applaudissements qui lui parviennent dufond de la salle, où se massent des «forces vi-ves» de Lille, habitants, collaborateurs, artis-tes, associatifs, venus assister à l’envol prési-dentiel de leur maire. Celle qui est encorepremière secrétaire du PS attaqued’emblée Nicolas Sarkozy, sans ja-mais le nommer: «Derrière l’appa-rence de l’énergie, trop souvent con-fondue avec l’agitation, ce pouvoir asurtout une réalité : une politique in-juste, exclusivement menée au profitdes privilégiés.» «Il est temps, il estgrand temps que cela change vraiment», dit-elle, la voix plus posée. Elle ne lit plus sontexte, elle regarde au loin. «Je veux rendre àla France sa force, sa sérénité, son unité. Je veuxredonner à chacun le goût de l’avenir et l’envied’un destin en commun. Aussi, j’ai décidé deproposer ma candidature à l’élection présiden-tielle.» Elle l’a dit. Déterminée, sérieuse, maissouriante, Martine Aubry enjambe la pri-maire. Elle est déjà dans l’étape d’après.

PARAVENT. Resserrée, ciselée, la déclarationde treize minutes n’échappe pas à la languede bois du parfait candidat. Elle promet une«vision claire, une action cohérente et un lan-gage de vérité». Dans les mots au moins, lelien personnel entre Aubry et les Françaiscommence à se nouer. Oublié ce «nous» dontelle truffait ses discours de première secré-taire abonnée au jeu collectif. Désormais c’est«je», Martine, qui parle à «vous», les Fran-çais. Mais la déclaration est tellement solen-nelle –«solide», précise Pierre de Saintignon,

son premier adjoint à Lille– qu’elle fait unpeu paravent. Personne ne doute du sérieuxde l’ex-ministre, mais on ne sait toujours pasqui elle est. On retrouve sa patte dans les in-terstices, quand elle veut «mettre la culture enavant pour nous faire grandir et nous réunir»et, surtout, quand elle parle de sa famille.L’ombre de Jacques Delors plane sur la gareSaint-Sauveur. Elle rend hommage à celui qui

présida la Commission européenneavant de renoncer à briguer l’Elysée.L’ancien ministre de Mitterrand lui a

transmis «la morale, le sens de la justice et legoût des autres». Et puis, la seule fois où ellesort de son texte, c’est pour assurer qu’elleporte l’idée européenne «presque dans [ses]gènes». On oublie le non de son père en 1994,en route pour 2012. Elle veut être «une prési-dente qui préside» et surtout, elle veut ras-sembler. C’est, selon ses proches, son grandatout dans la primaire : elle fait la jonctionentre gauche et droite du PS, elle dirige à Lilleavec des élus du Modem, elle a de bonnes re-lations avec les autres dirigeants de la gau-che… Rassembleuse encore quand elle prend

«l’engagement de la victoire en 2012». Autre-ment dit, si elle perd la primaire, elle œuvrerapour le succès de tout autre prétendant socia-liste. Elle lance «vive la République, vive laFrance», plonge dans un bain de foule, saluelonguement Pierre Mauroy, dont elle a prisla succession à Lille, embrasse furtivementson époux et file au soleil, dans la cohue.A Paris, Benoît Hamon a branché i-Télé dansson bureau de porte-parole. Avec lui, les se-crétaires nationaux David Assouline, RazzyHammadi et Pouria Amirshahi, égalementacquis à la cause Aubry, écoutent en silence.Elle est candidate. «Ouf… soupire Hamon,tout sourire, ça me fait bizarre de l’entendre,ça fait tellement longtemps [qu’il l’attendait].»Fin du discours, Hamon tape sur la table :«Allez c’est parti!» Premier meeting de sou-tien ce soir dans les Yvelines puis conseil po-litique demain matin au siège du PS. A l’issueduquel Martine Aubry doit faire une déclara-tion pour se mettre, comme promis, en congéde ses responsabilités au PS. Avant d’aller

RÉCIT

Oublié ce «nous» dont elle truffaitses discours de première secrétaireabonnée au jeu collectif. Désormaisc’est «je», Martine, qui parle à«vous», les Français.

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 20118 • FRANCE

Page 9: Liberation Du 29 06

Après le dépouillement des premiers bulletins,l’ex-juge est en tête de la primaire écologiste.

EE-LV: Joly tientla corde face à Hulot«C’ est pas Eva dans le mur, c’est

Eva gagner !» se réjouissaithier un ami d’Eva Joly. Au

même moment, les proches de NicolasHulot, donné favori de la primaire éco-logiste, évoquaient «un scénario noir»pour leur champion. A mesure que ledépouillement des 10 000 votes parcourrier des militants et sympathisantsd’Europe Ecologie - les Verts (EE-LV)progressait, l’ex-juge de l’affaire Elfconsolidait son avance. Et nettement.«C’est une énorme surprise», réagissaitle député François de Rugy. Certes, ilfaudra attendre le résultat dudépouillement des 15000 votes électro-niques, cet après-midi à 17 heures. Maissur les 2000 premiers votes papier, Jolyétait créditée de 55% des voix contre35% à l’ex-animateur d’Ushuaïa. «Sur4 000 bulletins, on est à 52%, avec uneavance de 15 à 20 points sur Hulot. A l’is-sue du dépouillement du courrier, Eva de-vrait être autour de 50%», estimait, enfin d’après midi, Yannick Jadot, sonporte-parole. Qui précisait que le dé-pouillement électronique ne «pouvaitpas inverser la tendance, mais faire passerJoly sous la barre des 50%, en rééquili-brant le score au profit de Hulot». Enclair, soit Eva Joly remporte aujourd’huila primaire au premier tour. Soit il yaura un second tour, début juillet, pourlequel elle partira favorite.Elle peut en effet escompter demeilleurs reports de voix des deuxautres «petits candidats» : StéphaneLhomme, qui a fait de la primaire unecroisade anti-Hulot, «le candidat dessondages et de TF1», et l’Alsacien HenriStoll. «Les électeurs de Lhomme se repor-teront massivement sur Joly. Et ceux deStoll de façon plus aléatoire», jugeait hierJean-Vincent Placé, conseiller spécialde Cécile Duflot. Qui jouait lui aussi lamontre pour ménager les équipes: «Les15 000 personnes qui ont voté par Inter-net, je ne les connais pas. Moi, j’ai votépapier et Cécile aussi.» Jean-Paul Besset,plume de Hulot, ne cachait pas sa dé-ception: «C’est le jeu, mais l’écart sur lespremiers bulletins me stupéfie. Cela indi-que une tendance. C’est peut-être un votede rejet de Hulot: on vote Joly pour ne pasavoir Hulot et tout ce qu’il incarne.»Un vote Joly par défaut? «Il y a un choixentre une forme de repli doctrinaire ou unedynamique d’ouverture», assurait Hulotà Libération à la fin de la campagne. Ex-pliquant s’être «enrichi» et avoir «briséles préjugés et les mensonges» lors de sesrencontres avec les militants dans unedouzaine de villes. Chez Joly, on prenaitgarde hier de ne pas humilier l’adver-saire. «Ce n’est pas un vote de rejet de Ni-colas. Il a su s’expliquer. Les sondages neles ayant par départagés, Eva a porté uneécologie plus proche de celle d’EE-LV etplus en phase avec la crise actuelle», ana-lysait Jadot. Verdict de Jean-VincentPlacé: «Hulot a été bon, mais il est partitrop tard en campagne.»Hier soir, les proches de l’ex-animateur

entouraient leur candidat pour éviter lecoup de blues. Tandis qu’Eva Joly se di-sait «surprise comme tout le monde».«Mais elle n’a jamais considéré que c’étaitperdu», raconte un de ses amis. L’ex-magistrate se montrait sous un jour trèspolitique et loin de l’ébullition électo-rale d’EE-LV en twittant, à 20 h 17 :«Christine Lagarde nommée au FMI…C’est l’illustration que l’impunité est unmode de gouvernance !»

MATTHIEU ÉCOIFFIER

Martine Aubryà la gare Saint­Sauveur de Lille,hier.

REPÈRES

Nous sommes tous dépendants les uns des autres.La dépendance des personnes âgées est un sujet trop sérieux pour revenir aux vieilles tentations du «chacun pour soi». La dépendance c’est «tous ensemble» qu’on doit y faire face.

“ Répéter que la dépendance coûte trop cher à la société fi nira par coûter cher à la société.”

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LA PRIMAIRE SOCIALISTEw Depuis hier et jusqu’au 13 juillet: dépôt des candidaturesofficielles à la primaire.w Du 25 au 27 août: université d’été du Parti socialiste àLa Rochelle.w 9 octobre: premier tour de la primaire.w 16 octobre: éventuel deuxième tour.w 5 ou 6 novembre: convention d’investiture du ou de la can­didat(e) du PS à l’Elysée.

Eva Joly, 66 ans, a la double natio­nalité française et norvégienne.De 1990 à 2002, elle est juge d’ins­truction au pôle financier du tribu­nal de grande instance de Paris.D’abord tentée par le Modem deFrançois Bayrou, elle rejointEurope Ecologie en 2008. L’annéesuivante, elle est élue eurodéputée.A

FP

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 FRANCE • 9

Page 10: Liberation Du 29 06

AEvry,faceàl’incuried’unbailleursocial, lemairesaisit lajusticeDans le quartier des Pyramides, les habitants de deux résidences HLM affrontent seuls dégradationset trafics. L’édile de la ville, Manuel Valls, accuse le gestionnaire de laisser pourrir la situation.

D ans la nuit du 6 au 7 juin,la voiture de Yolande La-place a été incendiée. Desinconnus ont arraché la

porte de son box et mis le feu à sonvéhicule, stationné dans le sous-solde la résidence HLM Mallarmé,dans le quartier des Pyramides àEvry (Essonne). «Il était deux heuresdu matin. Les fumées ont gagné lescages d’escalier», racontent les ha-bitants. Réveil en panique. Plu-sieurs locataires ont dû évacuer

leurs loge-ments et ontfini la nuit à

l’hôtel. Intoxiqué par les fumées,un homme a passé plusieurs heuresà l’hôpital. L’enquête a été confiéeà la PJ de Versailles.Il s’agit clairement d’un acte d’inti-midation. D’un nouvel avertisse-ment à l’encontre de Yolande La-place, qui a déjà fait l’objet d’autresmenaces. Cette femme est respon-sable de l’amicale des locataires desgroupes d’immeubles Mallarmé etLouis-Aragon appartenant à la so-ciété de HLM Antin Résidences.Elle se bat pour améliorer le quoti-dien des habitants confrontés à desproblèmes récurrents de propretédes parties communes et des espa-ces extérieurs, d’étanchéité de cer-tains logements et surtout de sécu-rité. Les sous-sols et les halls decertains bâtiments sont devenusdes zones de non-droit où ont lieudes trafics. Lassés, les habitants sesont tournés vers leurs élus pourqu’ils interviennent auprès dubailleur afin de sécuriser le site.

GROSSE ARTILLERIE. «Au cours desderniers mois, nous avons organiséune dizaine de réunions avec les res-ponsables d’Antin Résidences, enprésence du directeur de cabinet dupréfet et du commissaire, raconteManuel Valls, député-maire (PS)d’Evry. Mais les engagements prislors de ces réunions par le bailleurn’étaient pas tenus.» Fin mai, l’élua sorti la grosse artillerie : il a dé-posé une plainte au pénal contreAntin Résidences pour «mise endanger de la vie d’autrui par man-

quement à une obligation de prudenceou de sécurité». Et aussi pour «abs-tention volontaire de prendre les me-sures propres à empêcher un crime ouun délit». Il reproche au bailleur de«laisser filer» la situation et de fairepreuve d’«irresponsabilité à l’égarddes habitants, dont certains subissentdes menaces».Cette plainte est rarissime, voireunique. Généralement, mairies etbailleurs sociaux travaillent la maindans la main. Les élus ont besoindes HLM pour loger des famillesmodestes, les jeunes actifs, ou lespersonnes en difficulté. Et les HLMdu soutien des maires pour cons-truire, réhabiliter, assurer la tran-quillité dans les immeubles.Mais à Evry, la relation élus-HLMs’est envenimée. Le directeur gé-néral d’Antin Résidences, Jean-Luc

Liabeuf, se dit «surpris» et «cho-qué» par la plainte. Pour lui, les ré-sidences Mallarmé et Aragon ontsubi «un déplacement des trafics».«Avant, cela se passait à la Cara-

velle», un immeuble du quartierdémoli dans le cadre d’une opéra-tion de renouvellement urbain. Ledirigeant de la société de HLM ré-fute aussi l’idée d’un laisser-aller.«On dépense en entretien deux foisplus dans ces deux résidencesqu’ailleurs, à cause du vandalisme etdes dégradations.»Mais sur le terrain, les locatairescontestent ses dires. A Mallarmé et

à Aragon, prédomine un sentimentd’abandon, voire de maltraitance.«Cela fait dix ans que j’habite ici.C’est devenu immonde», lâche unehabitante au bas d’un immeuble.

Une autre locataire,qui paye «plus de800 euros par mois deloyer et charges pour unF4», dit qu’en «vingtans, jamais le bailleur

n’a fait de travaux. C’est nous quiavons changé l’évier de la cuisine, lescarrelages, le WC».

EAU DE PLUIE. Dans le même im-meuble, on monte au troisième etdernier étage. Une dame avec unepetite fille dans les bras ouvre etnous conduit illico dans son séjour.Elle nous montre le plafond fissurépar lequel s’infiltre l’eau de pluie.

Le toit du bâtiment n’est plus étan-che. De nombreux locataires subis-sent ces désordres. «On l’a signaléà l’agence locale d’Antin Résidences,raconte la dame du troisième. Ilsnous répondaient “oui oui, on s’enoccupe”. Et après, plus rien. Il a falluenvoyer une lettre recommandée pourqu’ils viennent voir.» Les habitantsde cet appartement ont refait àleurs frais le parquet, les peintures,et la décoration. «Mon mari est dumétier», poursuit-elle. Mais ils sesentent déconsidérés par unbailleur qui ne répond pas quand lapluie s’infiltre. «On est écœurés. Onse barre», ajoute la locataire. Pourexpliquer l’état lamentable des im-meubles, Antin Résidences mettout sur le compte du vandalisme.Mais les infiltrations d’eau sont lapreuve de son incurie. •

ParTONINO SERAFINI

REPORTAGE

«Cela fait dix ans que j’habite ici.C’est devenu immonde.»Une locataire

2500C’est le nombre de logementsdans le quartier des Pyramides àEvry, qui date des années 70 etest classé Zone urbaine sensible.

ESSONNE

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YVELINES

SEINE-ET-

MARNE

LOIRET15 km

Évry

DES CHAMPS AU BÉTONDans les années 50, Evry était unvillage à 25km de Paris. En 1965,le gouvernement décide d’y créerune ville nouvelle. Préfecture del’Essonne, pôle économique etuniversitaire, Evry compteaujourd’hui 52800 habitants.

REPÈRES MANUEL VALLSLe maire (PS) d’Evry, élu en 2001et réélu en 2008 avec 70,28%des voix, est député de l’Essonnedepuis 2002. Candidat à la pri­maire pour la présidentielle de2012, il est classé à la droite du PSpour ses positions sur la sécurité.

Photos prises par des locataires des résidences HLM du quartier des Pyramides, à Evry. PHOTOS DR

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 201110 • FRANCE

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C’est pourquoi, nous appelons solennellement les parlementaires et le gouvernement à ne pas réduire davantage le taux de la cotisation versée par les employeurs territoriaux au CNFPT pour la formation professionnelle de leurs agents.

APPel Pour lA déFeNse du droiT à lA FormATioN ProFessioNNelle dANs lA FoNCTioN Publique TerriToriAleLe parlement, lors de l’adoption de la loi de finances rectificative 2011 risque, avec le soutien du gouvernement, d’approuver un amendement sénatorial mettant gravement en cause le droit à la formation professionnelle dans la fonction publique territoriale (FPT).Il prévoit que le taux de la cotisation au Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) assise sur une partie de la masse salariale de l’ensemble des collectivités territoriales et fixé à 1 % depuis 1987, soit réduit à 0,9 %, dès 2012.Cette forte baisse serait injustifiée. Elle porterait atteinte au droit à la formation professionnelle garanti aux fonctionnaires territoriaux. Elle remettrait en cause les efforts entrepris pour améliorer la qualité du service public territorial.

L’existence d’un établissement public national et dé-concentré, unique et paritaire, présent sur tout le terri-toire métropolitain et ultramarin garantit un accès éga-litaire de toutes les collectivités quels que soient leur taille, leur situation géographique ou leurs moyens financiers. Le CNFPT représente, à maints égards, une chance pour la fonction publique territoriale en raison de la mutualisation de ses ressources, de la qualité de son offre de formation et de ses coûts de revient recon-nus comme étant modérés.Dans son rapport public annuel 2011, la Cour des comptes, sur la base d’un examen rétrospectif des an-nées 2004 à 2008, avait constaté un excédent – excep-tionnel et conjoncturel – explicable par l’augmentation rapide des effectifs territoriaux liée aux transferts de compétences de 2004 et par les bouleversements ré-sultant de la réforme de la formation professionnelle adoptée en 2007.

Une mesure injustifiée Or, la situation constatée au titre de 2008 n’est plus celle de 2011 et sera encore moins celle des années sui-vantes.En effet, en 2009 et 2010, l’activité du CNFPT a consi-dérablement progressé : + 23 % en deux ans.Aujourd’hui, ses recettes se stabilisent : + 1,5 % en 2011 au lieu de 5,8 % en moyenne entre 2003 et 2009. Le fonds de roulement a été ramené à seulement 1,5 mois de fonctionnement, ce qui est conforme aux standards de bonne gestion. C’est pourquoi, en 2011, les dépenses de l’établissement public seront égales à ses recettes. La situation a donc été rééquilibrée en moins de deux ans.Pour les années à venir, la croissance annuelle des re-cettes du CNFPT évoluera autour de + 1 %, du fait des évolutions démographiques à venir. Réduire le taux de cotisation au titre de la formation professionnelle de la FPT n’est donc pas justifié.

Une mesure qui porte fortement atteinte au droit à la formation et à la qualité des services publics locauxLa fonction publique territoriale repose, aujourd’hui, sur un droit à la formation et des dispositifs qui per-mettent à ses 1,8 million d’agents de construire de véri-tables parcours d’évolution statutaire et de développe-ment de compétences.Les actions de formation organisées par le CNFPT contribuent fortement à moderniser les services pu-blics locaux placés sous la responsabilité des 55 000 employeurs territoriaux. Les 2,7 millions de journées de formations stagiaires organisées en 2011 apparais-sent d’autant plus nécessaires que nous traversons une période de profonde réforme territoriale et de crise persistante des finances publiques qui génèrent d’in-tenses besoins de formation. La qualité des services publics locaux reconnue par toutes les enquêtes d’opinion tient pour une part à la qualité du dispositif de formation propre à la FPT.Pourquoi dès lors abaisser le taux de cotisation au CNFPT lorsque l’on sait que le montant des dépenses obligatoires de formation pour la fonction publique territoriale est déjà très inférieur à celui de tout autre secteur professionnel ?

En effet :g dans le secteur privé (entreprises de plus de 20 sa-

lariés), l’obligation de financement de la formation professionnelle s’établit à 1,6 % du montant des sa-laires ;

g dans la fonction publique hospitalière, les établisse-ments doivent consacrer au financement des actions de formation 2,1 % minimum des rémunérations ins-crites à leur budget ;

g l’État ne s’impose aucune règle, mais le poids des dépenses de formation professionnelle au profit de ses salariés est estimé à plus de 3 %.

Une mesure qui remet en cause les efforts entrepris pour dynamiser le droit à la formationLe CNFPT a pour objectif le développement du droit à la formation.Les défis à relever sont identifiés : conforter les for-mations statutaires et réglementaires ; réduire les iné-galités d’accès à la formation ; favoriser la promotion professionnelle ; contribuer à améliorer la qualité de la gestion publique locale ; faire vivre les valeurs du ser-vice public local ; développer de nouveaux champs de coopération ; promouvoir le développement durable dans la formation et la gestion.Ces intentions se concrétisent comme en témoignent les évolutions qualitatives et la très forte croissance d’activité des deux dernières années, le développement des formations pour les fonctionnaires des zones ru-rales, l’amélioration de l’accès à la formation des agents de la filière technique, etc.Dans une fonction publique constituée aux trois quarts d’agents de catégorie C, la formation tout au long de la vie a un double rôle d’ascenseur social (prépara-tion aux concours) et de promotion individuelle (lutte contre l’illettrisme).Réduire la formation des fonctionnaires territoriaux c’est aussi mettre en cause la deuxième chance donnée aux fonctionnaires les plus modestes.Si le taux de cotisation était abaissé de 10 %, le CNFPT perdrait 32 millions d’euros de ressources par an. Il se-rait, en conséquence, obligé de supprimer 20 % de son activité soit 40 000 journées de formation (ce qui re-présente 500 000 à 600 000 journées/formations/sta-giaires). Ceci serait durement ressenti par les agents et leurs employeurs.Certes, les collectivités les plus importantes auraient peut-être les moyens de compenser cette perte en ache-tant plus cher des stages payants. Il n’en demeure pas moins que, en ce cas, le droit à la formation serait remis en cause pour le plus grand nombre. Les communes rurales et les villes de banlieue seront prioritairement frappées, mettant ainsi en cause un aménagement du territoire équilibré et solidaire.

François DELUGA, président du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)

Claudy LEBRETON, président de l’Assemblée des Départements de France (ADF)

Alain ROUSSET, président de l’Association des Régions de France (ARF)

Daniel DELAVEAU, président de l’Assemblée des Communautés de France (ADCF)

Martin MALVY, président de l’Association des petites villes de France (APVF)

Claude DILAIN, président de l’Association des maires Ville et Banlieue de France

Baptiste TALBOT, secrétaire général de la Fédération des Services Publics CGT (FSP-CGT)

Marie-Odile ESCH, secrétaire générale de la Fédération INTERCO-CFDT

Didier ROSEZ, secrétaire général de la branche Services Publics de la Fédération Santé-Services Publics CGT-FO

Antoine BREINING, président de la Fédération Autonome de la Fonction Publique Territoriale (FA-FPT)

Catherine GUERIN, secrétaire générale de l’UNSA-Territoriaux

Gilles DEBIAIS, président de la Fédération nationale des agents des collectivités locales (FNACT-CFTC)

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Page 12: Liberation Du 29 06

POULAILLER Le chef de l’Etat et le Premier ministre visitaient hierune ferme de la Sarthe. Tout rapport avec 2012 est purement fortuit.

SarkozyetFillon,deuxoiesblanchesencampagne

L a consigne est ferme :«Le Président va des-cendre tout seul dans le

champ, j’ai bien dit tout seul,donc pas de journalistes !»L’équipe d’organisation desdéplacements du chef del’Etat est un peu tendue. Per-sonne n’avait prévu autantde journalistes. Et trop de

journalistes, c’est forcémentplus de soucis. «Le but, c’estde ne pas s’écarter du thème.Aujourd’hui, le Président veutparler d’agriculture.» Et doncpas de Martine Aubry, entrain de se déclarer à la pri-maire socialiste (lire page 8).Nous sommes dans un éle-vage de poulets, à Sablé-sur-

Sarthe, le bastion de Fran-çois Fillon. Pour la premièrefois, Nicolas Sarkozy et sonPremier ministre sont desortie commune pour parlersécurité alimentaire. Et ac-cessoirement brouiller lacandidature de la premièresecrétaire. Il est 11 heures.Un convoi de 12 voitures dé-pose le chef de l’Etat et sonchef de gouvernement.Coquille. On les positionneà l’entrée du poulailler, justedevant les photographes.L’éleveur tourne la manivelleet les 4000 poulets sortent deleur hangar. L’air légèrementpaniqué de voir tant demonde. Le Président : «Lescours sont comment en ce mo-ment ?» On file en directiond’une couveuse échouée enplein champ. Quatre pous-sins sont nés ce matin.Sarkozy: «Ils mettent combiende temps à casser leur co-quille ?» L’éleveur: «Deux àsix heures.» Le Président, ca-ressant un poussin :«Qu’est-ce que c’est doux !»Puis se penchant sur la cou-veuse: «Parfois il y en a cer-tains qui empêchent les autresde sortir [de leur coquille,ndlr]?» Deuxième arrêt, de-vant un enclos. L’éleveur :«Ce sont des pintades d’Afri-que.» Puis devant les quatreoies, le Président interroge:«Elles viennent de France ?»Descente vers le pré. Sarkozyet Fillon devisant sur unpaysage d’affiche électorale.Il ne manque que le clocher.Que se disent-ils? Parlent-ilsdu prochain remaniement?De la candidature de MartineAubry ? Sarkozy pointe sondoigt à plusieurs reprises surFillon, sur le mode : «Jecompte sur toi.» On n’ensaura pas plus.

Destination, un buffet ins-tallé dans la cour de la ferme,pour une dégustation de ci-dre. Un journaliste s’aven-ture: «Martine Aubry vient dese déclarer, une réaction,monsieur le Président ?»Sarkozy : «Non. Mais Fillonpeut vous proposer du pou-let…» Fillon, devant le platde poulet rôti : «Quand vousaurez la bouche pleine, vous neposerez pas de question !»Quelques minutes plus tard,un œuf coque à la main, lePremier ministre se lâche :«Je disais tout à l’heure auprésident de la République quemes parcours de jogging sontjuste à côté dans les bois.» Ah,c’était donc cela leur sujet deconversation…Table. Une heure plus tard,lors de la table ronde organi-sée dans le gymnase de Sa-blé-sur-Sarthe, Sarkozy dé-crypte le sens caché de savisite : «Vous pourriez vousdire que c’est curieux que lesdeux têtes de l’exécutif soientréunies ensemble pour partici-per à une table ronde sur l’in-dustrie agroalimentaire. Onpourrait se dire, “vous n’êtespas dans l’actualité”. Mais jepense au contraire qu’on estdans la vraie actualité desFrançais.» Il est à peine midi.Et les poulets viennent de re-trouver leur regard idiot ha-bituel.

Envoyé spécial à Sablé-sur-Sarthe GRÉGOIRE BISEAU

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Sablé-sur-Sarthe

Marine Le Pen peaufine son dispositif de campagne. Laprésidente du Front national a choisi ses futurs locaux decampagne, bien éloignés du siège du parti à Nanterre(Hauts­de­Seine). Ils seront situés dans le VIIIe arrondis­sement de Paris. La candidate à la présidentielle a déjàretenu celui qui dirigera sa campagne: il s’agit de NicolasCrochet, un ancien du FN, aujourd’hui commissaire auxcomptes. Le reste de l’équipe devrait être nommé aucours de l’été. L’entrée en lice de la candidate se fera offi­ciellement en novembre, lors d’une grande conventionprésidentielle à Paris.

POUR SA CAMPAGNE, MARINE LE PENCHOISIT LE VIIIE ARRONDISSEMENT

CONFIDENTIEL

Un an avant les législatives, Axelle Lemaire, secrétaire dela section du PS au Royaume­Uni, vient de lancer sa cam­pagne pour la 3e circonscription des Français de l’étran­ger. Créée en 2009, celle­ci couvre dix pays d’Europe duNord, dont le Royaume­Uni, l’Irlande, les pays baltes etscandinaves. Pour la première fois, les Français del’étranger, estimés à environ 2,2 millions, seront représen­tés en 2012 à l’Assemblée par 11 députés. Depuis 1982, ilsélisent 12 sénateurs. En 2007, Nicolas Sarkozy était arrivélargement en tête chez les Français de l’étranger. Mais auRoyaume­Uni, qui regroupe 80% des électeurs de la3e circonscription, avec environ 400000 Français, l’écartavec Ségolène Royal n’avait été que de 142 voix. Ce quifait dire à Axelle Lemaire que cette circonscription estsans doute l’une des seules qui soit «tout à fait gagna­ble» pour le PS. S.D.­S. (à Londres) PHOTO DR

AXELLE LEMAIRE VISELE PALAIS BOURBONDEPUIS LONDRES

LES GENS

Vendredi1er juillet

LIBÉRATIONDONNECARTEBLANCHEAUX

GÉOGRAPHES

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LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 201112 • FRANCEXPRESSO

Page 13: Liberation Du 29 06

Par PATRICIA TOURANCHEAU

Meurtre de la policière deVilliers: Redoine Faïd arrêté

L e braqueur fugitif Re-doine Faïd a été arrêtéhier du côté de Lille,

dans l’enquête sur le meurtrede la policière municipaleAurélie Fouquet, tuée à Vil-liers-sur-Marne le 20 mai2010, lors d’une fusilladeavec un commando.

Qui est Redoine Faïd ?Fils d’un ouvrier algérien,âgé de 39 ans, ce gaillardd’1,83 m passe pour une«petite frappe» des cités deCreil (Oise), «montée dans legrand banditisme». Cet élèvede terminale du lycée Jean-Rostand à Chantilly a plongéen 1999 sans décrocher sonbac. Surnommé «Doc»comme Steve McQueen dansGuet-apens, il se dit «autodi-dacte» du braquage et s’estinspiré de Heat, le film deMichaël Mann (1995), pourl’attaque ratée d’un fourgonblindé à Villepinte en 1997.Blessé par la police, «Doc» acavalé longtemps puis a étérattrapé. Il a été condamné àvingt ans pour ce vol à mainarmée et d’autres hold-up. Ilen a fait dix puis a été libéréen 2009. «Repenti» soi-di-sant, il a publié, fin 2010, lelivre Braqueur, avec JérômePierrat, puis a figuré dans ledocumentaire de ce journa-liste sur les «caïds» des citésdiffusé sur Canal+.

Quel fut son rôle supposéà Villiers­sur­Marne ?La brigade de répression dubanditisme (BRB) à Paris «nedispose pas d’indices de saprésence à bord du Trafic» quiemmenait des bandits munisd’armes de guerre vers l’at-taque d’un fourgon sortantde la Banque de France deCréteil (Val-de-Marne) et quiont tiré sur la policière. Maisils ont trouvé sur place l’ADNde son «copain d’enfance» deCreil, Olivier Tracoulat, gra-vement blessé au visage etflairent que «Faïd ne devaitpas se trouver loin des lieux del’attaque programmée du con-voi de fonds». Il a échappé le11 janvier au coup de filet quia abouti à sept mises enexamen.

Comment a­t­il été pisté?La police judiciaire de Lille,qui couvre Creil, suivait«deux voyous de 30 et 35 ansqui préparaient un coup» lors-qu’ils ont vu «fleurir» hier à14h30 à la terrasse d’un caféde Villeneuve-d’Ascq un«lascar». Ils ont reconnuRedoine Faïd malgré «sabarbe et sa casquette» et «onteu le réflexe d’interpeller ce fu-gitif et ses deux associés quin’étaient pas armés», selonun commissaire : «Il a com-mis l’erreur de revenir au con-tact de mecs de sa région.»•

DÉCRYPTAGE

MONACO La malédiction va-t-elle s’abattre à nouveau surla famille du Rocher? Char-lene la sirène a-t-elle tentéde s’enfuir pour échapper aumariage vendredi avec sonprince Albert, comme le pré-tend Lexpress.fr? Archi faux,

affirme le palais: tout baigneon the rocks. A suivre.

BETTENCOURT La procé-dure issue des enregistre-ments chez la milliardaire aété validée hier par la courd’appel de Bordeaux.

L’Assemblée nationale aadopté hier le projet de loisur l’entrée de jurés popu­laires en correctionnelle etla refonte de la justice desmineurs. Le texte, présentéen urgence (une lecturepar chambre) et voté par leSénat en mai, devrait êtredéfinitivement adopté d’iciau 14 juillet. Il y aura, à titreexpérimental, jusqu’en 2014et dans certaines coursd’appel, des tribunaux cor­rectionnels ouverts à des«citoyens assesseurs», quipourront participer aujugement des délits punisd’une peine égale ou supé­rieure à cinq ans d’empri­sonnement. Les délitsfinanciers sont exclus dupérimètre de la réforme.L’Assemblée a aussi décidéde réduire le nombre dejurés des cours d’assisesde 9 à 6 en première ins­tance et de 12 à 9 en appel.Le second volet du texte,sur la justice des mineurs,comprend notamment lacréation d’un tribunal cor­rectionnel pour les récidi­vistes de plus de 16 ans,pour des délits passiblesde plus de trois ans deprison.

L’ASSEMBLÉE DITOUI AUX JURÉSPOPULAIRES

L’HISTOIRE

Le dernier procès à l’encontre de fau-cheurs anti-OGM, depuis le début deleurs actions en 1997, s’est soldé hierà Poitiers par la relaxe de José Bové etde sept autres personnes pour raisonde procédure. «C’est une très belleconclusion pour ces quinze années decombat, a réagi le député européen. Etc’est ma première relaxe, pour le dernierprocès.» Pour Bové, «l’heure n’est plus

à faucher des champs»: «Une premièremanche a été remportée avec l’arrêt descultures OGM dans une majeure partiedes pays européens. Aujourd’hui […], onessaie de mettre en place des barragesréglementaires au niveau européen.»Les huit faucheurs étaient poursuivispour avoir arraché deux parcelles ex-périmentales de maïs OGM Mon-santo, le 15 août 2008, à Civaux et

Valdivienne (Vienne). «Quand on afauché ce champ, le Conseil d’Etat quenous avions saisi n’avait pas encore sta-tué, explique Bové. Et ce n’est qu’enoctobre 2008 qu’il a déclaré ce champillégal», en raison du moratoire sur lesOGM. «Ce procès n’avait plus de sens.»Mais cette «victoire» ne tient qu’à unproblème de procédure et un nouveauprocès est possible.

A RETOUR SUR LES HUIT MILITANTS ÉCOLOGISTES JUGÉS À POITIERS

Fauchages anti-OGM: José Bové relaxé

U ne obligation à quit-ter le territoire alorsqu’elle espérait être

régularisée: la préfecture duPas-de-Calais vient de briserles espoirs de RigoberteM’Bah, footballeuse came-rounaise, vice-championned’Afrique, qui joue depuistrois ans en France, sans pa-piers, sans statut, sans sa-laire. Au motif qu’elle a deuxenfants au Cameroun, «cequ’elle a caché, sciemment oupar omission, estime la pré-fecture, pour qui on ne peutpas demander un titre de sé-jour quand on présente de telséléments erronés».«Carrière». Me Emma-nuelle Lequien, l’avocate dela footballeuse, ironise : «Ily a des dizaines de footballeursrégularisés à qui on n’a jamaisdemandé s’ils avaient desenfants dans leur pays d’ori-gine. Ce que dit la préfecture,c’est qu’une mère ne peut pasprivilégier sa carrière profes-sionnelle par rapport à sa viefamiliale.»Surtout, elle estime l’argu-ment hors sujet, alors qu’«ily a eu utilisation de son ta-lent», ce qui vaut dépôt deplainte à l’encontre du foot-ball club féminin (FCF)d’Hénin-Beaumont, pour«exploitation d’un état de vul-nérabilité afin d’obtenir unservice pour un prix déri-soire». Le président du FCF,Bernard Dumortier, ne dé-colère pas: «Le football fémi-nin est un sport amateur, lesgens ne sont pas payés pourjouer.» Pourtant, une de sesjoueuses, avant-centre enéquipe de France, est souscontrat fédéral, un contrat detravail réservé aux semi-professionnels.Rigoberte M’Bah est arrivéeà Brive (Corrèze) en 2008

avec un visa court séjour,dans un club de troisième di-vision, alors que le rabatteurlui avait fait miroiter le hautniveau. Elle part un an aprèspour Hénin-Beaumont, enLigue 1. «Je devais avoir500 euros par mois, un con-trat, un logement et une régu-larisation», se souvient Rigo-berte M’Bah. Promesses quedément le club. Elle touche50 euros par semaine, «à ti-tre humanitaire», loge àdroite et à gauche et a man-qué d’être expulsée en fé-vrier. Mais le tribunal admi-nistratif avait cassé l’arrêt dereconduite à la frontière et la

préfecture lui avait accordéun titre de séjour temporaire,avec droit de travailler.Attente. Rigoberte M’Bah setrouve un boulot d’éduca-trice sportive, continue à ali-gner ses matchs et croit à lasortie du tunnel. «Elle apassé des essais dans plusieursclubs, mais ils étaient en at-tente de sa situation adminis-trative», affirme ArmandNwatsock, membre de soncomité de soutien. Me Le-quien va déposer un recourscontre la décision de la pré-fecture cette semaine.De notre correspondante à Lille

STÉPHANIE MAURICE

RigoberteM’BahbutecontrelapréfectureSANS­PAPIERS Parce qu’elle a deux enfants au Cameroun,la footballeuse a reçu une obligation à quitter le territoire.

Rigoberte M’Bah, en février, à Lille. PHOTO FRANÇOIS LO PRESTI.AFP

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 FRANCEXPRESSO • 13

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SuicidesàFranceTélécom,l’instructions’entientauminimum

les virer s’ils n’acceptaient pas les chan-gements, ce genre de choses. Lui qui tra-vaillait dans la technique, il m’a dit “tu terends compte, moi je vais devoir travaillerdans le commercial”. Il avait peur de nepas y arriver. Il était stressé, il ne dormaitplus, mon père a dit que ça devenait dan-gereux et en février 2008, il lui a proposéde venir vivre avec nous. Mon père avaitremarqué que R. avait peur en allant autravail […]. Il avait toujours mal au ventre.Il prenait des médicaments pour dormir etmalgré cela il ne dormait que deux heures[…]. C’est le travail qui l’a tué. C’était de-

venu une obsession pour lui.» Jusqu’à ceNoël 2007, tout allait bien pour lui,poursuit sa sœur, lors de son audition:«Il était consciencieux, sa hiérarchie nes’était jamais plainte. Et d’un seul coup,on lui dit qu’il ne peut plus être en brigade[petite équipe qui travaille en horairesdécalés, ndlr], on lui fait comprendre qu’ilva déménager d’endroit pour aller àXXXX et que s’il n’est pas content, il n’aplus qu’à partir. Il n’a pas supporté.»Dix-huit auditions ont lieu concernantce cas et autant de procès-verbaux sontrédigés. Il en résulte une note synthéti-

que, adressée au directeur interrégionalde la police judiciaire, que Libérations’est également procurée.Cette note insiste sur les témoignagesconcordants du frère de la victime et deses camarades de travail. Le frère relateainsi que «depuis plusieurs mois, chaqueemployé était convoqué régulièrement pourun entretien individuel lors duquel il luiétait demandé de penser à son départ, no-tamment en prenant un poste dans uneautre administration». Quatre des an-ciens collègues de R. P. témoignent que«pendant plusieurs mois, voire quelquesannées, en plus d’un entretien mensuel,lors duquel il leur était demandé de prépa-rer leur départ, ils recevaient quotidienne-ment des mails leur proposant divers pos-tes dans d’autres administrations. Ilsn’appréciaient pas ces incitations qu’ilsconsidéraient comme un harcèlement».Pour tout expert du sujet, la descriptionde cette pression extrême mise sur lesindividus peut relever du harcèlementmoral. Mais ce n’est pas l’avis du lieute-nant de police, auteur de la note, dontla conclusion est lapidaire: «Au vu desauditions et même si le managementn’était pas exempt de tout reproche aveccette volonté de supprimer 22000 emploisen trois ans, et la façon d’y arriver mal vé-cue par beaucoup d’employés, il paraîttoutefois difficile de lier sa dépression etson suicide à du harcèlement moral, R. P.n’ayant pas fait l’objet d’un traitementparticulier ayant conduit à une dégrada-tion de ses conditions de travail.»

INFLEXIONS. Les avocats des parties ci-viles (SUD-PTT, CFE-CGC, CFDT, CGT,FO et des familles de victimes), inquietsde la tonalité des procès-verbaux qui re-montent depuis plusieurs semaines,examinent quelles inflexions il convientde donner à la procédure, cette instruc-tion pouvant s’étaler sur plusieurs an-nées. Certains, dont Me Teissonnière,souhaitent que le motif de l’informationjudiciaire soit élargi, et que la qualifica-tion de mise en danger d’autrui soit re-tenue. Les avocats des parties civilesvont demander également que des «ex-perts», sur le sujet du harcèlement,comme Christian Dejours, soient enten-dus. Commentaire d’un avocat: «C’estcomme si on se contentait d’inculper celuiqui roule à 250km/h sur une départemen-tale pour un simple excès de vitesse…»•

L’enquête en cours fait l’impasse sur les pressions générées par les méthodes de management.

L’ instruction judiciaire sur lessuicides chez France Télécom– 68 recensés à ce jour de-puis 2008–, prend-elle le bon

chemin? A lire les procès-verbaux queLibération s’est procurés, les enquê-teurs, peu au fait des formes que peutprendre le harcèlement moral, tirentdes conclusions limitatives de leurs

auditions, au risque depasser à côté du sujet:ils semblent enclins àréduire le harcèlement

au comportement agressif d’un respon-sable hiérarchique direct sur son subor-donné. Or, cette forme de violence a étépeu dénoncée chez l’opérateur.Comme l’ont soulevé les experts quisont intervenus chez France Télécomdès l’automne 2009 pour ausculter lessalariés, la souffrance au travail peutnaître d’une organisation pathogènemise en place par le haut management.Et elle est de nature à mettre en causela responsabilité pénale de France Télé-com pour harcèlement moral. Une pre-mière en France.

MÉDICAMENTS. Reprenons les faits. Le8 avril 2010, le parquet de Paris ouvreune information judiciaire contre Xpour harcèlement moral. A cette date,40 suicides ont été recensés par l’Ob-servatoire du stress et des mobilités for-cées, créé dès 2007 par les syndicatsSUD-PTT et CFE-CGC. La décision duparquet fait suite au rapport que lui aremis trois mois plus tôt l’inspectrice dutravail Sylvie Cathala et à la plainte dé-posée par SUD. Deux juges d’instruc-tion du pôle de santé publique sontnommés. Sur la trentaine de commis-sions rogatoires lancées dans toute laFrance, une vingtaine sont remontéesau parquet.Parmi les cas examinés, celui de R.P.,qui s’est suicidé avec une arme à feu le17 mai 2008, à 57 ans. Dans les extraitsdu procès-verbal de l’audition de sasœur (lire ci-contre, en illustration), il estrelaté: «Aux environs de Noël 2007, monpère me disait qu’il trouvait R. bizarre. Ilnous a dit qu’il était hypernerveux, qu’ilprenait des médicaments à cause de ça[…]. Il nous a raconté que ça n’allait pasau travail […], qu’on les avait menacés de

Par CATHERINE MAUSSION

ANALYSE

62C’est le nombre de suicides recenséschez France Télécom depuis 2008, parl’Observatoire du stress et des mobilitésforcées. Trente­huit tentatives ont égale­ment été comptabilisées.

2005: Didier Lombard devientPDG. Il lance le plan «Next» pré­voyant 22000 départs.Septembre 2009: médiatisationdes suicides (33 fin septembre).Automne 2009: un audit estlancé auprès des salariés.

Février 2010: Stéphane Richardremplace Didier Lombard.Avril 2010: le parquet de Parisouvre une information judiciairecontre X pour harcèlement moralet lance des commissions rogatoi­res sur les cas de suicide.

REPÈRES «Je suis plus que jamais engagéet déterminé pour rebâtirune entreprise avec un véritablelien social.»

Stéphane Richard PDG de France Télécom,après l’immolation par le feu d’un cadre,à Mérignac (Gironde) en avril

Extraits duprocès­verbalde l’auditionde la sœur d’unedes victimes.

SIX ANNÉES DE MALAISE

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 201114 • ECONOMIE

Page 15: Liberation Du 29 06

aujourd’hui –, de la gaucheet des syndicats, la loi-cadredevrait être adoptée par unemajorité de députés socialis-tes. Davantage par «devoirpatriotique» que par convic-tion. Avec le concours dequelques représentants de ladroite en désaccord avec laligne officielle de la NouvelleDémocratie, dont le chef An-tonis Samaras est resté sourdaux pressions de ses amispolitiques européens en fa-veur d’un consensus.Banqueroute. Des Euro-péens qui soulignaient, hierencore, qu’il n’y avait pas deplan B: à savoir pas d’autressolutions que ce second pland’austérité pour éviter labanqueroute. Son adoptionpermettrait en tout cas àl’Eurogroupe, qui se réunitdimanche, d’examiner lesmodalités d’un nouveau pland’aide. Sur les bases peut-être des propositions fran-çaises qui allégeraient le pro-blème de la dette et qui ontété bien accueillies par legouvernement grec.

Correspondance à AthènesDIMITRIS SIDIROPOULOS

8,5%de trains de plus, c’est queprévoit la SNCF pourles week­ends cet été, afinde faire face à la hausse«nette» de la demandedes voyageurs. Selonla SNCF, suite aux événe­ments géopolitiques,les Français voyagent moinsà l’étranger. Le prix élevéde l’essence joue aussi enfaveur du rail.

I ndispensable et inévitablepour les uns, inefficace etdangereux pour les

autres : le plan plurian-nuel 2012-2015, sur lequelsont appelés à se prononcerles députés grecs, suscite unelevée de boucliers sociale etpolitique. Nouvelles mesuresd’austérité, privatisationsd’entreprises publiques pour50 milliards d’euros et possi-bilité de licenciements defonctionnaires : un cocktailnégocié avec les bailleurs defonds du pays (Union euro-péenne, Banque centraleeuropéenne et Fonds moné-taire international) et dontl’adoption est jugée indis-pensable par la troïka pour ledéblocage de la cinquièmetranche du prêt de 110 mil-liards d’euros consenti l’andernier. Mais surtout pourun nouveau plan d’aide des-tiné à assurer le financementdu pays à partir de 2012.Grève générale. La Grèceest en effet incapable de faireappel aux marchés en raisond’une dette colossale de350 milliards d’euros. Ceplan provoque donc l’hosti-

lité d’une population déjàlargement mise à contribu-tion. Ce front du refus s’ex-prime par le mouvement desIndignés qui campe depuis le25 mai devant le Parlement.Des manifestations qui seterminent par des affronte-ments avec la police, commehier encore. Et par des arrêtsde travail qui affectent diverssecteurs de l’économie.Hier, c’est une grève géné-rale de deux jours qui a com-mencé à l’appel des syndi-cats en signe de refus du pland’austérité. A ce méconten-tement populaire vients’ajouter la grogne d’unegrande partie des députéssocialistes qui a contraint lePremier ministre, GeorgesPapandréou, à remanier songouvernement. C’est son an-cien rival Evangélos Véni-zélos, propulsé «tsar» des fi-nances grecques qui est ainsichargé de faire passer unepilule qu’il reconnaît «amèreet injuste».Au dernier décompte, mal-gré l’opposition des Indignés– qui projettent d’encerclerà nouveau le Parlement

GrecsrageursetplanderigueurFINANCES Les députés s’apprêtent à voter de nouvellesmesures d’austérité conditionnant l’aide européenne.

Du cash pour Owni. Né il ya deux ans, dans le sillagede Rue89 et Mediapart, lesite d’info en ligne dédiéau «data­journalisme» etaux cultures numériquesboucle sa deuxième levéede fonds: 500000 eurosau total, après en avoirréuni 370000 en octobredernier. Xavier Niel (Iliad­Free) et Marc Simoncini(Meetic) ont déjà remis aupot à hauteur de leur pre­mière mise: soit respecti­vement 100000 et20000 euros. Mais NicolasVoisin, le jeune bossd’Owni, a fait rentrer denouveaux noms qui buz­zent dans le tour de tablede 22Mars (société éditricedu site) : Bernard­HenriLévy et le PDG de Renta­biliweb, Jean­Baptiste Des­croix­Vernier, ont misé20000 euros chacun.BHL, qui a apparemmentapprécié la couverture desrévolutions tunisiennes etlibyennes par Owni.fr, aaussi fait jouer son carnetd’adresses pour réunir dela «love money». Le tour detable devrait être bouclécet été. La «Soucoupe», quia notamment développéune application pour Wiki­leaks, va utiliser ce carbu­rant pour financer sesnouveaux projets internet:une «radio augmentée» etla toute nouvelle filiale cali­fornienne, Owni Inc, baséeà Palo Alto. J­C.F

«OWNI» PREND DEL’ALTITUDE GRÂCEÀ L’ENTREMISEDE BHL

L’HISTOIREPar LUC PEILLON

Le chômage repartà la hausse

P atatras. A peine quatremois de baisse et déjàle chômage repart à la

hausse. En mai, la Francemétropolitaine a compté2686800 demandeurs d’em-ploi en catégorie A, un chif-fre en progression de 0,7%par rapport à avril, soit17 700 chômeurs en plus.Toutes catégories confon-dues (A, B et C), c’est-à-direavec ceux ayant exercé uneactivité réduite, le nombre dedemandeurs d’emploiss’établit à 4 078 500(4341400 avec les DOM), enaugmentation de 1% sur unmois et de 3,8% sur un an.

Ce bond efface­t­illa récente baisse ?Cette hausse est un vrai coupdur pour le gouvernement,qui ne cessait ces dernierstemps de vanter la diminu-tion du chômage depuis qua-tre mois. Pour la seule caté-gorie A, cette augmentationannule un tiers de la baisseenregistrée entre le pic dedécembre (2722500 deman-deurs d’emplois) et le moisde mai. Mais l’indicateur leplus pertinent, qui regroupel’ensemble des trois catégo-ries (A, B et C) et qui corres-pond aux demandeurs d’em-plois obligés d’effectuer desactes positifs de recherched’emplois, est encore pluscruel. Le chiffre de mai cor-respond ainsi à un record de-

puis au moins quatorze ans(la refonte des modes de cal-culs ne permettant pas deremonter plus avant).

Qui est le plus touché ?Les chiffres de mai font étatd’une remontée du chômagedes jeunes, avec +1,3% pourles moins de 25 ans en caté-gorie A, alors que leur situa-tion s’améliorait nettementdepuis un an (-6,6% surdouze mois). Le chômage desseniors est également orientéà la hausse (+0,9%), notam-ment pour les femmes deplus de 50 ans (+1%). Quantaux motifs d’entrée à PôleEmploi, pour l’ensemble descatégories A, B et C, les li-cenciements économiquessont en baisse (-7%), alorsque les fins de missions inté-rim augmentent de 7,5%. Enforte hausse également, lespremières inscriptions, quibondissent en mai de 15,7%.

Quelle est la réactiondu gouvernement ?Assez discret hier, le minis-tre du Travail, Xavier Ber-trand, s’est tout de mêmefendu d’un communiqué enfin de journée, expliquantqu’«après quatre mois consé-cutifs de recul du chômage, [il]prend acte de cette augmenta-tion, qui ne remet cependantpas en cause le mouvement debaisse enregistré depuis le dé-but de l’année». •

DÉCRYPTAGE

La grève générale, d’une durée deux jours, a commencé hier. PHOTO ANGELOS TZORTZINIS. AFP

+1,46 % / 3 851,89 PTS3 534 379 363€ +42,23%

ACCORCREDIT AGRICOLELVMH

VEOLIA ENVIRON.FRANCE TELECOM

+0,94 %12 156,52+1,13 %2 718,68

+0,78 %5 766,88+0,74 %9 648,98

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 ECONOMIEXPRESSO • 15

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CINEMA •

LA NUIT FILIPINO FEVER

SÉRIES Z,SAVEURMANILLEpages VI­VII

LIBÉRATIONMERCREDI 29 JUIN 2011

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MACHINESÀ SOUSCAMION Toujours plus débridédans l’art pyrotechnique,«Transformers 3» est le grosjouet rutilant qui lance ledébut des hostilités estivales.

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TRANSFORMERS 3: LA FACE CACHÉEDE LA LUNE (3D) de MICHAEL BAYavec Shia LaBeouf, Rosie Huntington­Whiteley, JohnTurturro, Josh Duhamel… 2h35.

Il aura fallu trois films à Michael Bay pour commencerà exprimer quelque chose d’intéressant et de person-nel avec ses robots. Elève lent et appliqué, le cinéasten’aura conclu qu’au troisième rendez-vous avec lesgrosses bestioles transformistes qui l’occupent depuisle premier Transformers, en 2007, puis la Revanche,en 2009. Nul ne doit s’imaginer cependant que la Facecachée de la Lune, sous-titre de cet opus 3, touche deprès ou de loin au chef-d’œuvre, ni même puisse pré-tendre au statut parfois confortable de grande ma-chine hollywoodienne malade et à ce titre attachante,comme on a pu l’éprouver avec Speed Racer ou le ré-cent Tron. Mais il y a indéniablement un progrès ac-compli par Bay au fil de sa trilogie machinale: sur cepodium également la troisième marche est, à ce jour,la plus haute.Chômage. Cela tient à des raisons en partie mécani-ques. Beaucoup d’huile a été injectée dans le scénario,par exemple, dont les articulations paraissent moinsgrossières et plaquées que dans les deux premiers vo-lets. Il n’est pas plus léger, au fond, que ses prédéces-seurs, mais mieux fondu dans une Amérique quasicontemporaine, plus sûr de sa propre candeur commede sa propre ironie: le héros, Sam, ne peut plus pré-tendre à une parfaite juvénilité, traîne au chômage etfait des sarcasmes sur sa propension à sauver le monde– mais le sauvera encore une fois.La maîtrise technique de son sujet finit aussi par don-ner un avantage à Michael Bay dans la pure manipula-tion des objets, décors, créatures et engins de guerrefuturistes, dont le spectacle et la pyrotechnie fondenttout de même la promesse majeure de ce genre de pro-duit. C’est comme si cette autorité enfin conquise per-mettait à Bay d’atteindre le degré minimal de synergieavec son sujet. Cet épisode prend également de la con-sistance grâce à son effort de casting. Les habitués,

au bord du pantouflage dans la Revanche (Shia LaBeouf– lire ci-contre –, John Turturro, Josh Duhamel), sevoyant peut-être électrisés ici par le renfort de JohnMalkovich ou, surtout, de Frances McDormand en di-rectrice sadique des services secrets.Atomique. Reste le cas épineux de la substitution deMegan Fox par Rosie Huntington-Whiteley dans lerôle de girlfriend et de femme-trophée. La très forteimprégnation érotique de la première sur la psychépost-ado contemporaine rend difficile la comparaisonavec la seconde, nouvelle venue britannique dont labeauté rappelle plutôt un style Angelina Jolie. Maispour le reste, c’est-à-dire la fonction du personnage,le tour de passe-passe est indolore. C’est là toute lacruauté des rôles de poupée atomique: leur interchan-geabilité. Les belles femmes, dans les blockbusters de

cette trempe, sont elles aussi des jouets, qui n’ont pasplus d’espoir que les Transformers d’atteindre un vé-ritable statut de personnage.Car le plus intéressant dans cette affaire, c’est bien lesTransformers eux-mêmes. C’est-à-dire à la fois cescréatures polymorphes qui n’accéderont jamais à unétat du vivant ou de l’humanité, mais aussi l’idée, leconcept, la mythologie sur laquelle elles se dressent,le pays d’enfance et de marketing d’où elles nous pro-viennent. Comme il existe des films-objets ou desfilms-jeux, Transformers 3 est un film-jouet. Inspirésà l’origine par les automates Diaclone nés au Japonvers 1980, puis reformulés par l’américain Hasbro quien fit des robots se transformant en véhicules, lesquelsdevinrent à leur tour les héros d’une série animée puisde comic books, les Transformers occupent depuis unvaste territoire de l’imaginaire des garçons globalisés.Et pour la première fois, Michael Bay donne le senti-ment de s’amuser lui aussi, notamment avec les se-

conds rôles de créatures transformistes. A l’occasionde quelques scènes, particulièrement avec de trèsamusants vautours de ferraille, on devine même laperspective iconoclaste à la Small Soldiers qu’auraitdonné à ce film un réalisateur déchaîné comme JoeDante.Crime calorique. Dans le même ordre d’idées, il seratoujours oiseux de chercher à déterminer la positionet l’influence exactes de l’hyperactif coproducteurSteven Spielberg dans ce projet. Si l’on s’en tient àHollywood et à l’ouverture de sa juteuse saison esti-vale, c’est peut-être à Cars 2 que ce Transformers 3mériterait d’être aussi comparé. La production frap-pée du prestigieux blason Disney-Pixar sortirale 27 juillet. C’est un «vrai» film d’animation là oùTransformers relève d’un cinéma électronique mimant

encore la prise de vues réelles, mêmesi plus personne n’y croit sérieuse-ment. L’un provient de l’industrie dujouet, l’autre voudrait en lever une à sasuite (Cars 2 est déjà le roi du produitlicencié 2011, selon Variety). Cars est unfilm en images de synthèse dites «3D»,

et Transformers 3 développe un relief avec lunettes quicompte parmi les plus inventifs et convaincants quel’on ait vu depuis Avatar. Bien sûr, les standards et lesqualités d’une production Pixar sont hors d’atteintede Michael Bay (Armageddon, Pearl Harbor, BadBoys II, que du lourd viriloïde), mais ces films sontcomme des projets miroirs dont les gestes seraient in-versés, les mondes antagonistes et le public commun,motivations comprises.Au final, Transformers 3 est trop long (2 h 35) et parconséquent écœurant comme un McFlurry, ce crimecalorique où des particules de bonbons de marquesont projetées dans une crème glacée. Délicieux, maisintenable. C’est la même recette pour Transformers,qui donne ce sentiment d’une pulvérisation désor-donnée et tourbillonnante de matières premières va-leureuses et enfantines, engluées dans la mélasse d’unmonde guerrier et adulte.

OLIVIER SÉGURET

Pour la première fois, Michael Bay donnele sentiment de s’amuser lui aussi, notammentavec les seconds rôles de créaturestransformistes.

Dans un tonnerre mécanique, l’Amérique se découvre victime d’une invasion de blattes géantes et pistonnées. PHOTOS PARAMOUNT PICTURES

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011II • CINÉMA À L'AFFICHE

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E n 2010, le magazine économique Forbesclassait, pour la deuxième annéeconsécutive, Shia LaBeouf au sommet

des acteurs les plus rentables d’Hollywood.Pour chaque dollar misé sur sa jolie fri-mousse, il en rapporte 81 de plus. Cela induitque jusqu’à présent il a plutôt été moinsgourmand que d’autres confrères surpayéspour des films qui n’ont pas fait recette aubox-office. Or LaBeouf, devenu le protégé deSteven Spielberg, enchaîne les blockbustersà succès depuis Paranoiak, Transformers(2007), suivi par sa prestation au côté d’Har-rison Ford dans Indiana Jones et le royaume ducrâne de cristal ou de Michael Douglas dansWall Street 2.Shia LaBeouf n’est pas un pseudo, choisi unsoir de cuite à la tequila. C’est son vrai nom.Il est né en juin 1986 à Los Angeles, quartierd’Echo Park, d’un père cajun, Jeffrey La-Beouf, ex-clown à San Francisco, vétéran duVietnam tombé dans la dope, et d’une mèrejuive, d’abord ballerine puis vendeuse de bi-jou. Les parents divorcent et le petit Shia estembauché dès l’âge de 13 ans sur une série deDisney Channel, Even Stevens (il tourne prèsde 70 épisodes). Profilé pour être le hérospost-ado de l’Amérique blanche, sans aspé-rité comme pouvait l’être avant lui le jeuneTom Cruise, l’acteur sent qu’il lui faut gagneren épaisseur s’il ne veut pas être lessivé parle système, qui le remplacera demain par unautre gamin moins coûteux, plus malléable.

Car LaBeouf n’a pas sa langue dans sa poche,il n’a pas hésité à se dire déçu de l’épisode 4d’Indiana Jones et à parler à une journalistedu Los Angeles Times des tensions sur le pla-teau avec son «ami» Michael Bay. L’articleraconte comment l’acteur, dans une scèned’émotion, a branché son iPod et diffusé dansles haut-parleurs une chanson de Feist queBay a remplacé par les roulements d’orches-tre de la BO de The Dark Knight. L’acteur atenu bon en affirmant qu’il ne pouvait pas seconcentrer au milieu de ce raffut, Bay a quittéle plateau et c’est le chef op qui a tourné lascène. Comme Megan Fox a été viré du cas-ting parce qu’elle avait eu la mauvaise idéede comparer Bay à Hitler, on peut supposerque la star masculine ne tient pas à continuerl’aventure.Il a tourné avec John Hillcoat (la Route) unfilm sur les bootleggers dans l’Amérique dela Dépression, un scénario écrit par NickCave d’après le roman de Matt Bondurant,The Wettest Country in the World, son premiervrai rôle négatif, un type féroce, aîné d’unefratrie criminelle. Face à des acteurs à l’intel-ligence redoutable comme Jesse Eisenberg(Social Network) ou James Franco (qui est àla fois dans la superproduction sur la Planètedes singes : les origines et dans un biopic surun poète pédé), LaBeouf doit inventer saplace et sortir de l’usine à fabriquer et broyerles acteurs.

DIDIER PÉRON

Archi rentable, le frêle Californien de 25 ansveut s’essayer aux rôles plus «sombres».

L’EFFET LABEOUF

Shia Labeouf s’accroche pour ne pas être remplacé par un acteur plus jeune.

À L’AFFICHE CINÉMA • III

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Dans la bande à salaud plein écran, bienvenue au rosbifpourri Barry Weiss, dit Blitz, comme le film de flics an-glais de ce nom. Aidan Gillen, au civil, flicopathe du jourselon le prétexte, est un spécimen représentatif d’ordurecarabinée.Bouffi et torché comme une serpillière au sortir d’une les-siveuse entartrée de poudre (blanche), malfaisant parprincipe et manie, cet archétype de blaireau punk junkiebièreux, sale gueule grêlée à nez et dents tordus, bouchebavant l’ordure comme il en sort de celle des mauvaisessœurs de contes, c’est l’archifélon archibritish en promo.Croisement à vue de Johnny Rotten (moins beau) et SidVicious (moins cireux) et un peu tout ce que le rock peutproduire de plus ordinairement fétide, bourré et lunatique,ce gendre idéal à la lippe amère évoque d’ailleurs RayLiotta ou Gary Oldman, voire, d’un rien, Borloo l’ex-mi-nistre.«Il a dû être pas mal, mais il s’est gâché», comme l’observela covedette Paddy Considine, Nash dans l’histoire. Profiléflic d’élite pédé zen, en alter-ego contrasté de Jason Sta-tham, ici déplorablement caricatural (beauf homophobejusticier tueur), au fait, le type Nash est proche du Blitz.Chez ces deux Anglais pur jus, un même cheveu foncéchiffonné, teint livide et cockney brouillé idem. Dans lecontexte cinéphilique délicat (image floue terne et malcadrée, pellicule russe sale –ne réservant qu’un instantsauvable, de peep-show smart de grosses putes noiresdandinées cul à cul, entre deux vifs «crossages» de GrantStatham –, dialogue, psychologie, morale et script fafs,niveau Dirty Harry-Justicier dans la ville), Nash eût pu êtreBlitz et Blitz Nash.En attendant, Weiss l’ennemi public keuficide est en étatde coma fumier dépassé. Il tue par hobby, avec ou sanslunettes et capuche, à coups de marteau ou de feu enpleine tête et pleine rue, ricaneur torve vomissant sa bilesur une de ses victimes, en saint chrême, avant de suivreun jeu TV en rotant. Immonde avec délectation, il se repaîtde chips, de biture et d’hypocrisie; c’est une entité pure-ment dépravée.A part cela, on ne l’a jamais tant vu: 43 ans torse nu (à toutpropos, glabre, berk), prématurément flappi mais encorepoupon, le rosâtre Aidan Gillen, en rotation depuis 1995,a traversé six nanars à la Shangai Kid 2 dans l’indifférencegénérale, et «hallebardé» dans autant de dramatiques TVsans effet. Son premier rôle, aux avant-postes de Queeras Folk, l’avait certes signalé, en 1999 ; puis The Wire…En fait, le mec est vraiment mauvais. Y compris dans songrand numéro du mauvais en promo, très loin des as dugenre (Tim Roth sublime dans Rob Roy, Willem Dafoe dansPolice fédérale Los Angeles, Kevin Spacey dans Seven…).Encore que ledit genre (salopards) ait son chic cabot. Dontla nullité la plus bidon même fait aussi partie. Tête de lard,tête d’affiche. •

AIDANGILLEN

Par BAYON

BOBINES

Blitz (Aidan Gillen) coursé par Jason Statham (Brant). DR

NAOMI, UNE JEUNE ETBELLE ÉPOUSE d’EITANZUR avec Yossi Pollak, MelaniePeres, Orna Porat… 1h42.

Régulièrement, le cinéma is-raélien parvient à s’extirper

du contexte politique envi-ronnant pour privilégier unaxe social abordé tantôt avecâpreté (Mon trésor, Zion etson frère), tantôt avec unepointe de fantaisie (A cinqheures de Paris). Titré d’unefaçon spécieusement naïve,

Naomi, une jeune et belleépouse appartient à la pre-mière catégorie, tout enayant la particularité de dou-bler l’étude de caractèred’une intrigue policière quiménage ses effets.Sur une base peu originale, lepropos – adapté par EdnaMazya de son propre ro-man – développe une rela-tion à trois, entre un brillantprofesseur plus très éloignéde la retraite, sa fort jeuneépouse («une friandise de27 ans», ironise la mère dumari) et un amant bohème,peintre installé au bord de lamer. D’un tempérament mé-fiant, le premier ne tarde pasà découvrir que ses craintessont fondées, ce qui l’amèneà croiser le chemin du troi-sième.Drame de la jalousie, Naomise veut donc, selon le réali-sateur Eitan Zur, «un thrillerpsychologique autour d’unerelation ambiguë basée sur desnon-dits, des secrets, des sus-picions et des silences». Ja-mais ennuyeux et, pour toutdire, assez curieux, malai-sant et, in fine, puissammentamoral (la pirouette conclu-sive en laissera plus d’unpantois), le long métrageautopsie une débâcle intimeen veillant à ne pas porterl’estocade pour, au con-traire, observer le fruit duparjure pourrir de l’inté-rieur.A défaut de maestria – lamise en scène ne fera pasdate –, le dispositif est sou-tenu par une interprétationirréprochable, à commencerpar celle de Yossi Pollak enpersonnage cartésien qui,amoureux bafoué, voit laterre se dérober sous sespieds.

GILLES RENAULT

L’AMOUR TRAITREAMORAL «Naomi» ou la dérive criminelle d’unprofesseur israélien jaloux de sa jeune épouse.

Melanie Peres, «friandise de 27 ans». PHOTO DR

A dix moix de l’élection présidentielle, la culturereste-t-elle un enjeu politique majeur? Dans le cadre du festival d’Avignon,«Libération» met face à face artistes et responsables politiques.

MartineAubry, Aurélie Filippetti, FrançoisHollande, ChristopheHonoré, Jean-LucMélenchon, MathildeMonnier, Stanislas Nordey, François Le Pillouër, Olivier Poivre d’Arvor, Manuel Valls, Michel Vauzelle,Jean-PierreVincent.

RENDEZ-vous vendredi 15 juilletpour une journée de débats à l’université d’avignonentrée libre et gratuitedans la limite desplaces disponibles

AvignonAux arts citoyens !

Avignon_AuxArts_2011 2:Avignon_2011_noms 28/06/11 16:01 Page1

A ce degré d’hommage àM. Hulot, l’auteur de BDPascal Rabaté et son NIÀ VENDRE, NI À LOUERlaissaient dubitatifs. Or,ce film muet qui passeen revue les archétypesdes vacanciers moder­nes fait preuve d’uneférocité parfois salutaire.WHEN YOU’RESTRANGE, de TomDiCillo, emmène JohnnyDepp à la recherche duchampignon qui fait rire.DELHI BELLY, de Abhi­nay Deo, est une comé­die policière indienne etLA PRIMA COSA BELLA,de Paolo Virzi, fait unsaut dans l’Italie desannées 70, quand il étaitmal vu d’être une joliefemme frivole. Emir Kus­turica partage la vedettede NICOSTRATOS,d’Olivier Horlait, avec unpélican. Olivier Baroux,avec LES TUCHE,exploite l’idée trèsneuve de prolos quigagnent au Loto pourrévéler que les riches nesont pas des gens trèstolérants.

D’AUTRESFILMS

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011IV • CINÉMA À L'AFFICHE

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MY LITTLE PRINCESSd’EVA IONESCOavec Isabelle Huppert, AnamariaVartolomei, Jethro Cave… 1h45.

My Little Princess n’est pas un pre-mier film comme les autres. Il estsuffisamment mystérieux, hanté etlittéralement empoisonné pourqu’on puisse voir avant tout en luiune fiction portant très haut unehistoire dérangée, un peu à la DarioArgento, un conte avec sa sorcièreet sa proie, ses maléfices et ses jeuxqui tournent mal, et dans laquellel’ambiguïté exerce la plus intègreterreur. Mais il se trouve que ceconte a aussi été le quotidien d’uneenfant dans le Paris du mitan desannées 70. Et que cette enfant, elleaussi s’appelait Eva Ionesco. Elleposait, maquillée en princesse et àpeine habillée pour les photos éro-tiques que prenait sa mère, Irina Io-nesco. Et pourtant affirme la réali-satrice de My Little Princess, «lamatière biographique n’est pas spé-cialement ce qui m’intéresse le plus aumonde. J’avais juste envie de raconterça». Est-ce parce qu’il est regardécomme une fiction que ce film ar-rive à tenir une gymnastique apriori impossible : tout dire, maissans accabler totalement. Aller jus-

qu’à montrer et démonter l’insou-tenable manipulation tout en fai-sant part, aussi, de ce qu’il y avaitdu parfum vénéneux d’une époquedans cette aventure à deux, où lamère, née d’un inceste, ne peuts’empêcher d’ôter à son tour l’en-fance de sa fille ; laquelle, appre-nant à se sentir regardée, consentà devenir cette petite poupée gla-moureuse et fardée: un scandale dedix ans.Froideur. «On me dit: “Mais quandmême les photos étaient très belles…”Mais les premières photos n’avaientrien d’artistique. C’était moi petitefille, les jambes écartées, point. Cettemanipulation était liée au miroir, àl’envie de ma mère de s’emparer et detrahir cette enfance pour se venger dela sienne.» Elle dit ça sans colère.Les mots d’Eva Ionesco sontcomme les images de son film, ilssont choisis avec précaution, pres-qu’avec froideur. Mais surtout ilsne laissent jamais le soin à qui quece soit de pouvoir les récupérer.Des images volent quelque chose devous que vos images reprennent. Etpeut-être est-ce là que se trouve lapremière nécessité du film: surtoutpas de faire de My Little Princess lelieu d’un lavage de linge sale en pu-blic, ou, pire, de la bonne chair àdébats, mais filmer ce qui a été

vécu comme pour reprendre ledroit dessus.C’est d’ailleurs troublant de voircomment le film se cherche dansson premier quart d’heure et com-ment il s’élève soudainement dèsl’instant où entre en jeu la photo-graphie, dès la seconde où recom-mence ce rituel qu’étaient deve-nues leurs séances. Mais à ceci prèsque trente-cinq ans après, c’est Evaqui dirige, et non sa mère. Et si laphotographie est sanctuarisée, ri-tualisée, elle est surtout désenvoû-tée, au sens fort du terme : «Ma

mère était une sorcière. J’ai dû, pourarriver à écrire ce film, penser mamère comme un serial killer. On peutvoir toute l’histoire comme un contedans lequel une petite fille se débatavec la magie noire. Et comme réali-satrice, j’ai dû inverser les miroirs.J’ai refait le trajet, j’ai recommencé lerituel pour inverser le rituel.» Undispositif qu’elle filme de loincomme si toutes les composantestroublantes et équivoques qui en-traient en jeu ne devaient pas man-

quer de place pour pouvoir entrerdans le champ, mais sansqu’aucune ne prenne le pas surl’autre. Et c’est l’incroyable dufilm, tout est là, en même temps,sur la même ligne: la manipulation,la folie, la confusion, le besoind’être aimé, le dégoût, le raffine-ment esthète, les vapeurs d’opium,le glamour triste, la bravade avant-gardiste, le flirt pédophile, le goûtmarqué pour la différence.Devant ces séances qui ont été vé-cues en deçà de toute morale, etqu’elle remet à son tour en scène en

dehors de tout pointde vue moral, on aenvie de lui dire quele secret même dece film, sa force, sabeauté, son équivo-que, c’est qu’il est

tout à la fois du côté de l’art et del’enfance. Il ne faut pas comptersur Eva Ionesco pour faire l’apolo-gie des photos de sa mère, mais ilne faut pas non plus attendre d’ellequ’elle les enferme dans la seule ré-pulsion. «Il y a un curseur entre l’af-faire Dutroux et Lewis Caroll. Onpasse quand même dans des eauxdangereuses ; l’enfance n’est pas enpaix, l’enfance est en danger. Il y ales photos très mode, où je suis en pe-tite princesse, et il y a eu, on l’oublie

trop souvent – mais pas moi –, lesphotos à caractère pédophiles, avecdu bondage, des phallus, de la nuditécrue, sans décorum, sans projectionartistique. Et puis il y a eu les filmsréalisés par d’autres, mais qu’elle mefaisait tourner au même âge: la Ma-ladolescenza ou Spermula. Lacensure les sortait dans des versionscoupées, mais il y a des scènes demasturbation, par exemple sur Sper-mula, qui ont été tournées, et j’avaisaux alentours de dix ans. On est loin,là, du projet artistique sous influencepréraphaélite. On est dans le scandalesexuel, dans une mécanique.»Photo vaporeuse. La musique deBertrand Burgalat, qui offre à EvaIonesco un des plus beau score en-tendu depuis longtemps, plongeantle film dans une douleur inquiète,trufaldienne, les costumes de Ca-therine Baba, les dialogues del’écrivain Marc Cholodencko (quitravaille régulièrement avec Phi-lippe Garrel), la photo vaporeuse deJeanne Lapoirie réinventent, autourd’Isabelle Huppert (qui arrive àjouer la mère sans la juger) et de lapetite Anamaria Vartolomei (in-croyable), un monde qui s’est placéhors du monde. Et cela sans vouloirentendre que l’artifice ne protègepas de la violence.

PHILIPPE AZOURY

AUX FRAIS DE LA PRINCESSEPOUPÉE Dans «My Little Princess», Eva Ionesco se réapproprie son passé de fille objet, exhibée par sa mère.

«Ma mère était une sorcière. J’aidû, pour ce film, penser ma mèrecomme un serial killer.»Eva Ionesco

Anamaria Vartolomei,princesse piégée.PHOTO PRODUCTIONSBAGHEERA

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 À L'AFFICHE CINÉMA • V

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S ur l’un des murs du salon de taille res-pectable du penthouse de Quentin Ta-rantino à Los Angeles, un artiste a peint

pour lui l’image de Cleopatra Wong déguiséeen nonne et flinguant tout ce qui bouge à lamitraillette. Assurant à des journalistes àl’époque de Kill Bill qu’il s’était inspiré deThey Call Her… Cleopatra Wong de BobbyA. Suarez, un obscur film d’action de 1978issu des zones humides du cinéma bis asiati-que, le cinéaste américain a mis du baume aucœur à l’ex-vedette Marrie Lee qui interpré-tait le rôle-titre, reconvertie depuis le tempsde sa gloire éphémère dans la vente de pro-duits de santé biologique à Singapour. MarrieLee sera présente samedi soir au Forum desImages à la nuit Filipino Fever qu’organise lefestival Paris Cinéma pour la projection decette première aventure de Cleopatra Wong,son chef-d’œuvre kitch où elle joue la dyna-mique miss Wong, un agent secret, star dudisco, kung-fu fighteuse en justaucorps ca-nari en lutte contre un gang de faux-mon-nayeurs ayant asservi un couvent. Le filmavait eu un succès international, en tout cassuffisant pour que d’autres épisodes soienttournés dans la foulée à toute vitesse et avecdes budgets dérisoires –notamment Dyna-mite Boy, où elle incarne la tante d’un horri-pilant gamin bionique doté de superpouvoirs.Marrie Lee fait partie de ce gotha aboli desstars du cinéma d’action des années 70 quifit florès aux Philippines et que célèbre le do-cumentaire australien Machete Maidens Un-leashed de Mark Hartley, à travers de nom-breuses interviews et extraits de films.Pendant une dizaine d’années, Manille et lesjungles alentour sont devenues l’arrière basede producteurs américains et européens quiont trouvé là des équipes de techniciensaguerris, des cascadeurs pas syndiqués, desfigurants à la tonne et des décors à l’exotismeparfait pour y planter toutes sortes de scéna-rios extrêmes. Parmi eux, Roger Corman, leréalisateur et producteur devenu une légendepour avoir notamment mis le pied à l’étrierà Scorsese, Coppola, Dante ou Bogdanovitch.Toujours en quête d’économie d’échellespour sa petite boutique des séries B (ou Z)potentiellement cultes, Corman sent le filonphilippin et via sa nouvelle boîte New WorldPictures, s’associe à des locaux tels Ci-rio H. Santiago pour la production exécutive

PHILIPPINES: NANARDS LAQUÉSACTION Nuit Filipino Fever samedi au Forum des images, avec le docu hommage «MacheteMaidens Unleashed». Nonne vengeresse, femmes ficelées et nain karatéka au programme.

Extrait du documentaire Machete Maidens Unleashed. PHOTO DR Weng­Weng, nain star des parodies trash de James Bond, ici dans For your Height Only. PHOTO MONDO MACABRO

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de nombreux sommets de la sous-culturepour drive-in. Quelques titres pour fixer lesesprits: Beast of Blood, Beast of the Yellow Ni-ght, The Big Doll House, The Hot Box, Womanin Cages, Black Mama, White Mama ou Sa-vage !…Cafards et cobras. Films d’horreurs aveccréatures verdâtres violant de pauvres fem-mes ficelées à des croix, thrillers tropicauxbourrés d’explosions potentiellement muti-lantes pour les cascadeurs et acteurs qui nebénéficiaient pas vraiment du même régimede protection qu’à Hollywood, nanars éroti-ques prenant la température lascive d’unpays au climat de sauna vapeur perpétuel, laFilipino Exploitation est un continent esthé-tique à la dérive. L’idée dominante consisteà donner les rôles féminins à de jeunes Amé-ricaines émancipées (elles ne restent jamaistrès longtemps habillées) et les rôles mascu-lins à des Philippins énervés. Courses de ca-fards de la taille d’un poney, attaques de co-bras, rats déboulant dans le champ de lacaméra, forment l’ordinaire du confort rootsde ces équipes qui doivent mettre en boîtedes kilomètres de pellicule en un minimumde temps. L’argent et les moyens logistiques,en réalité, ne manquent jamais puisque lecouple au pouvoir à partir de 1972, Ferdinandet Imelda Marcos, ont su très tôt privilégierl’industrie cinématographique, générant del’emploi, des liens privilégiés avec le show-biz américain et du spectacle pour abrutir lesmasses.L’armée peut ainsi mater dans le sang les re-bellions de maquisards dans une zone du payset venir avec ses hélicoptères tirer à blanc surdes opposants d’opérettes. Les scénarios deguérilla contre l’ordre injuste des prisons oula corruption des dirigeants se multiplientainsi sous la haute protection d’un état fascis-toïde. Imelda, le Papillon d’acier, s’intéressaitde près au cinéma au point de lancer unesorte de Cannes local avec édification d’unPalais dédié au 7e art qui s’effondra en coursde chantier sur les ouvriers. Une partie d’en-tre eux ne fut jamais retrouvée et on coula lescorps sous une chape de béton frais. Toutl’ambiguïté politique de cette joint-ventureamericano-philippine sous la houlette deCorman et que commentent rigolards desgens plutôt gauchistes comme Joe Dante ouJohn Landis, apparaît vraiment comme unépisode très atypique d’une ère pas encoreofficiellement globalisée, mais déjà bien rou-blarde et qui culmine avec le tournage méga-lomane d’Apocalypse Now.Agent 00. Parmi les nombreuses figures unpeu sidérantes de cet intermonde esthétique,on trouve le dénommé Weng-Weng, un nainportant une coupe au bol à la Gilbert Monta-gné, qui devint une star à travers des paro-dies de James Bond, notamment For yourHeight Only où il est l’agent 00 en costumeblanc, équipé de gadgets aberrants. Un arti-cle du site Trash Vidéo affirmait que Weng-Weng avait chanté une version de My Wayavec Imelda Marcos, ce qui semble une allé-gation inutilement blessante pour un hommequi avait l’air d’avoir beaucoup d’humour etqui est mort jeune. «Il avait un petit cœur, uncœur de poulet», assène brutalement un descinéastes interviewés dans Machete MaidensUnleashed. Les curieux pourront taper Weng-Weng sur Youtube et découvrir des extraitsoù on le voit détruire à coup de pied l’entre-jambe de ses ennemis ou être propulsé dansles airs avec une fusée fixée dans le dos. Unpur trip décadent.

DIDIER PÉRON

La Nuit Filipino Fever, samedi­dimanche auForum des images. A partir de 20h30: «MacheteMaidens Unleashed», documentaire de MarkHartley, en présence de Marrie Lee.Rens.: 0144766300.

Q uand la banlieue se re-garde, il y a ce quelquechose d’insaisissable qui

tient peut-être dans cette tiradede l’un des personnages du film:«Rue des cités raconte la vie degens différents. Car, oui, en ban-lieue, nous sommes différents.Même si on vit en France, on voitbien que la banlieue et Paris, cen’est pas le même monde.» Mer-credi soir dernier, dans un théâ-tre d’Aubervilliers, bondé pourcause d’avant-première, on ritavec les habitants de choses quisemblent pourtant infinimentviolentes. On trouve de la légè-reté là où la plupart des genspercevraient de la détresse. Ons’amuse d’une répartie où l’ondevrait déceler une misère demots.Brutalité. Il y a ceux d’Auber-villiers pour qui le film dit deschoses. Et puis il y a les specta-teurs venus d’ailleurs, pour quile film dit autre chose. «Faut-ilvenir d’un milieu pour le com-prendre ?» On en débattrait desheures, mais laissons plutôt leshabitants d’Aubervilliers seulsjuges de ce Rue des cités, un titreinspiré du nom d’une artère dela ville. «Ce qui est admirableavec Rue des Cités, c’est que labrutalité de la vie en banlieue y estsans cesse suggérée mais jamaismontrée», s’enthousiasme Sou-maya, venue de Clichy-sous-Bois. Le couple de réalisateursCarine May et Hakim Zouhani,originaires d’Aubervilliers, a faitle choix d’évacuer les thèmes,pourtant récurrent dans lesquartiers, des relations entre lesjeunes et la police. «C’est bien

vu, révèle Omar, professeur desport à Saint-Ouen. Les jeunesne se retrouvent pas forcémentdans des œuvres comme la Haine[de Mathieu Kassovitz, ndlr] ouMa 6-T va crack-er [de Jean-François Richet]. Dans ces films,il y a une mise en scène de la vio-lence en banlieue qui, si elle ex-prime une certaine réalité, traduitsurtout de façon inconsciente lafascination que peuvent éprouverces territoires aux yeux des réali-sateurs. Rue des cités se placeplus volontiers sous l’angle du té-moignage sociologique. Il n’estpas question d’y faire de la politi-que à l’emporte-pièce.» A la fa-çon d’un Coffee and Cigarettes,de Jim Jarmusch, plusieurs say-nètes s’y enchaînent, aiguisant,sous un noir et blanc dont onaurait aimé qu’il ne soit pas seu-lement justifié par un «esthé-tisme qui nous plaît», un regardsocial acerbe. Ainsi, on suit, unejournée, Adilse et Mimid, lavingtaine, en quête de boulot,de meufs, d’occupation etd’eux-mêmes.Transgénérationnel. Surtout,Rue des cités intéresse, car il netombe pas dans ce mal trop mé-diatique qui veut que la banlieuene se résume qu’à une terre des15-25 ans. C’est un film transgé-nérationnel. On y voit des ma-mans débonnaires et anxieusesdu chômage de leurs fils, despapys taciturnes, malades, descoiffeurs blédards sans le sou. Lasomme de leurs modestes maisconvaincantes apparitions (laplupart des comédiens ne sontpas professionnels) questionneen creux la société. Pourquoi

«RUE DES CITÉS», AUBAN DE LA SOCIÉTÉSAYNÈTE Le film «Rue des cités» a été présenté auxhabitants d’Aubervilliers, où il a été tourné. Reportage.

cette stigmatisation du langage?Pourquoi cette désertion médi-cale et psychiatrique? Pourquoicette ségrégation territoriale ?Gâteau. Et puis, il y a cettescène, éblouissante car elle n’estque ce qu’elle est. Un plan sé-quence fixe de plusieurs minutespendant lequel, un homme avecla trogne de celui qui s’est tropsouvent levé à l’heure où lestours sont encore éteintes, ra-conte un anniversaire. Il entredans une pâtisserie. Repère unjoli fraisier. Demande à la bou-langère de le lui emballer. Elles’applique, torsade le ruban. Illui demande de rajouter deuxpains. Elle se tourne, il prend legâteau, s’enfuit, et crie:«Désolé,madame, mais je ne peux pas faireautrement, je n’ai pas d’argent.»Quelques jours plus tard, il re-vient s’acquitter de sa dette à lagrande surprise de la boulan-gère : «Vous êtes revenu. Je nepensais pas. Vous êtes honnête,c’est bien.» Apparemment anec-dotique, cette scène incarne toutun propos. Hakim Zouhani évo-que une sorte de syncrétismeentre «une misère qui pousse par-fois au contournement des règleset l’humour salvateur qui s’en dé-gage, pour ne pas dire un certainridicule. En banlieue, théâtre de lapudeur et de la réputation, c’estcompliqué à mettre en scène.Pourtant, rire de sa condition,c’est être lucide sur celle-ci».Le film a été projeté au dernierFestival de Cannes par l’Acid(Association du cinéma indé-pendant pour sa diffusion), maisattend toujours un distributeur.

WILLY LE DEVIN

Marrie Leeen CleopatraWong, qui ainspiré Kill Billde Tarantino.PHOTO CLEOPATRAWRONG INTNL.PTE.LTD

«En banlieue nous sommes différents. On n’est pas dans le même monde», dit un acteur. PHOTO MILLERAND

Weng­Weng, nain star des parodies trash de James Bond, ici dans For your Height Only. PHOTO MONDO MACABRO

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 ZOOM CINÉMA • VII

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Film Semaine Ecrans Entrées Evolution CumulKUNG FU PANDA 2 (3D) 2 725 356 878 ­55 % 1 222 813L’ELEVE DUCOBU 1 471 268 351 – 268 351OMAR M’A TUER 1 247 172 029 – 172 029X­MEN : LE COMMENCEMENT 4 603 133 688 ­33 % 1 841 361VERY BAD TRIP 2 5 475 123 742 ­31 % 2 212 242

Cars 2, Bad Teacher, Green Lantern,Super 8, M. Popper et ses pingouins,X­Men: le commencement, Very BadTrip 2, Pirates des Caraïbes 42… lesommet du box­office de la semaineaux Etats­Unis donne une idée dubourrage de crâne à coup de masto­dontes uniquement estampillé pur

jus ricain. En France, nous sommesplus ouverts. Il suffit de regarder cepetit tableau: des blockbusters, cer­tes, mais aussi une comédie avec ElieSeimoun et un film de Roschdy Zemsur un fait divers retentissant, l’affaireOmar Raddad. Mieux, si l’on fouillebien, en dessous du tableau, on dé­

couvre que Pater d’Alain Cavalier,distribué sur 40 copies, fait le pleinavec 28 465 spectateurs, soit lameilleure moyenne de la semaine(710 de ratio salle/entrées). Marc­An­dré Grondin se plante en beautéavec Mike : 4696 entrées. Ben alorsles filles? On roupille?

BOX­OFFICE (SOURCE «ECRAN TOTAL»)

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PATERd’Alain Cavalier. 1h45C’est une fantaisie expérimentale, unfilm hors cadre par un cinéaste habi­tué à égarer son monde. Alain Cava­lier, s’est vu, pour rire, président de laRépublique et a décidé que le char­penté et sympathique Vincent Lin­don ferait un excellent Premier minis­tre. Le jeu de rôle, enfantin, permetmine de rien déshabiller le pouvoir,le filmant en l’état, ce qui, par effetd’inversion généralisé, rend de nou­veau ce jeu politicien désirable, intri­gant, humain. Toute chose qui désor­mais nous manque.

LA DERNIÈRE PISTEde Kelly Reichardt. 1h44.Il faut imaginer le Convoi des bravesde John Ford mixé avec le Gerry deGus Van Sant pour avoir une idée dela forte impression que produit laDernière Piste de Kelly Reichardt, duwestern slowcore sur une colonisa­tion­perdition déshydratée dans lesespaces brûlants de l’Oregon en1845. L’histoire de Meek, le guideignare qui largue ses clients dans ledésert, a existé et cette relecture desgrands épisodes migratoires et pion­niers au prisme du minimalisme artepovera est à ne pas rater.

MAFROUZA d’EmmanuelleDemoris. 12 heures en cinq volets.Mafrouza, quartier déshérité de laville d’Alexandrie en Egypte, s’estédifié sur une antique nécropole gal­lo­romaine. Quand la cinéaste vienty poser sa caméra, c’est un terraininondable, un endroit de poussièreet de boue dans lequel le voyou Has­san règne en prince pasolinien. Lui etle couple Badel et Ghada, ou encorel’épicier­cheik ennemi juré des Frèresmusulmans, les enfants rieurs for­ment la galerie de personnage decette fresque documentaire hallu­ciné. Chef­d’œuvre !

CINEMA

Quatorze écrans, cinq séances quotidiennes pendantdix jours, 250 films montrés (dont 200 longs), le festi­val de La Rochelle est à la fois relax et intense. Pourcette 39e édition, Prune Engler, la déléguée générale,adopte son principe de la non­spécialisation, c’est­à­dire une programmation mêlant anciens et moder­nes, muets et parlants, films pour adultes et produc­tions pour enfants. Rétrospective Buster Keaton (MaVache et moi, photo) , hommage à Bertrand Bonello

et au scénariste Jean­Claude Carrière (en leurs pré­sences), retraversée de la filmo mal connue –hormisles titres épiques– de David Lean, focus sur le Tcha­dien Mahamat­Saleh Haroun (revoir son Daratt, sai­son sèche, chef­d’œuvre)… La Rochelle montre aussicinq films du Québécois Denis Côté (dont Curling,en avant­première), inconnu de nos services. PHOTO DR39e festival de La Rochelle, du 1er au 10 juillet.Rens.: 0546515400

FESTIVAL LA ROCHELLE EN PANORAMIQUE

w La première image ?L’aube se lève sur le quartier del’EUR dans la banlieue de Rome.Pas un chat dans les rues, le grandsilence. Une femme marche seule.Elle porte une robe noire à enco-lure bateau et des escarpins. Ellevient de rompre avec son amantau terme d’une nuit lente et com-pliquée. C’est Monica Vitti dansl’Eclipse d’Antonioni. Débarrasséede tout ce qui pèse.w Le film (ou la séquence) qui atraumatisé votre enfance ?Blanche Neige est épargnée. Lechasseur trahit la méchante reineà cagoule de patineuse de vitesseet manteau bleu à haut col : ilbaisse son poignard et crie à la pe-tite: «Va-t-en, va-t-en, et surtoutne reviens jamais!» La princesse nese le fait pas dire deux fois, fuitdans la forêt obscure, où tout gé-mit, hurle et grince. Blanche Neigea tellement peur qu’elle finit partomber dans les pommes. J’ai fa-cilement peur au cinéma.wUne scène fétiche qui vous hante?La dernière scène de TropicalMalady d’Apichatpong Weera-sethakul: quand le tigre [la réin-carnation du paysan, ndlr] s’adresseau jeune soldat qui l’a chassé toutela nuit dans la jungle. L’animal estcalme et puissant, allongé dans unarbre, ses yeux jaunes brillent. Ilinterpelle le chasseur dans la clai-rière : «Hey you !» – face à faced’une douceur dingue.w Le film que vous avez le plus vu?Les Demoiselles de Rochefort deJacques Demy – je l’ai en DVD.Une injection de vitamine C, lajoie de chanter, de danser, d’ap-procher l’amour; l’angoisse de semanquer, de se croiser sans se voiret de se perdre pour toujours, etl’idée que soudain c’est mainte-nant ou jamais.w Qui vous fait rire?Louis de Funès. Dans le Corniaud,les Aventures de Rabbi Jacob ou en-

core l’Aile ou la cuisse quand sonvisage se couvre de boutons…ploc ! ploc ! Il a été gavé dans unrestaurant immonde où le cuistotécrase ses clopes dans la pâte àtarte.wLa bande originale qui vous trottedans la tête?Celle de l’Effrontée de ClaudeMiller –Sara Perche ti Amo. J’adorece film, qui est, pour moi, indisso-ciable de la chanson.w Le cinéaste absolu à vos yeux?Michael Cimino. Pour Voyage aubout de l’enfer, qui est un peu lefilm absolu à mes yeux.w Le monstre de cinéma dont vousvous sentez le plus proche?Il s’agit d’une femme agitée, bor-derline, qui du coup peut se mon-trer monstrueuse : c’est BéatriceHunsdorfer [Joanne Woodward], lamère de Ruth et Matilda dans lefilm de Paul Newman, De l’in-fluence des rayons gamma sur lecomportement des marguerites.wUne réplique que vous connaissezpar cœur?«Be with me my beloved love thatmy smile may not fade» –quand lavieille aveugle apporte au jeunetype le repas qu’elle lui a cuisiné,à la fin de Be with Me d’Eric Khoo.Et «A lot is my favourite number!»– ce que Mariel Hemingway ré-pond à Woody Allen quand il luidemande son chiffre préféré dansManhattan.w Un décor dans lequel vous auriezaimé vivre?La prairie du Nouveau Monde deTerrence Malick, et courir dans leshautes herbes qui bougent… AvecColin Farrell.w La dernière image?Michaël/Laure donne son prénomà la fin de Tomboy, une des plusbelles fins ouvertes que j’ai vuesau cinéma, une fin puissante etlimpide qui dit que ça ne fait quecommencer.

Recueilli par DIDIER PÉRON

Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.

«JE VEUX COURIRDANS LA PRAIRIEDE MALICK AVECCOLIN FARRELL»

SÉANCE TENANTEMAYLIS DE KERANGAL

Prix Medicis 2010 avec son romanNaissance d’un pont (Ed. Verticales),Maylis de Kerangal a participéau projet Sacha Lenoir, livrecollectif, cinq préparatifs à unfilm sur un même personnage(Ed. Capricci). PHOTO GONZALOFUENTES.REUTERS

LES CHOIX DE «LIBÉ»

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Parmalat:Lactalisboitdupetit-laitLe groupe français a pris les rênes de l’italien après une longue lutte politico-industrielle.

L es produits Parmalat changentd’emballage. Au terme d’une of-fensive éclair de quelques semai-nes, le groupe français Lactalis a

pris, hier, les rênes du groupe laitier italienmalgré les tentatives de blocage dugouvernement de Silvio Berlusconi.Sur le papier, la famille Besnier n’apas encore entièrement avalé son concur-rent transalpin puisqu’elle ne possède que29% de son capital. L’OPA sur le solde, lan-cée fin avril, ne prendra fin que le 8 juillet.Mais les jeux sont faits: à l’issue de l’assem-blée des actionnaires, qui s’est tenue hierà Parme, l’industriel français, principal ac-tionnaire de Parmalat depuis fin mars, aobtenu neuf des onze sièges du conseild’administration. En clair, le pouvoir. Uneopération qui propulse Lactalis au sommetde l’industrie laitière mondiale (avec unchiffre d’affaires cumulé de 14 milliardsd’euros).Menée dans la discrétion et presque dans lesecret, caractéristique de la famille Besnier,l’opération a été dès le départ perçuecomme inamicale par les autorités italien-nes. Une sorte d’affront à l’industrie natio-nale, à la culture alimentaire de la péninsuleet surtout à son cœur productif. Car Parma-lat a longtemps été l’une des fiertés du«made in Italy». Depuis Collecchio, aucœur de l’Emilie-Romagne, la famille Tanziavait créé un géant mondial du jus de fruit,du lait et des yaourts avec d’innombrablesfiliales, et une vitrine footballistique, leParma Calcio de «Gigi» Buffon et LilianThuram. Jusqu’au krach de 2003 révélantun endettement de plus de 14 milliardsd’euros, vingt ans de faux bilans et, au pas-sage, près de 100 000 petits épargnantsfloués.Reprise en main par le sauveur d’entrepri-ses Enrico Bondi, Parmalat a cependant, en

quelques années, retrouvé un potentiel in-dustriel et apuré ses comptes. Au point derevenir en Bourse et susciter les convoitises.

CONTRE­OFFENSIVE. C’est ainsi que le17 mars, Lactalis annonce qu’il détient 11%de la nouvelle structure. Moins d’une se-maine plus tard, le groupe français, qui fa-

brique les produits Président, Bridelou Lactel, dévoile qu’il a convaincutrois fonds d’investissement de lui

céder 15,3% supplémentaires. Le yaourt estamer pour le gouvernement Berlusconi qui,alors même qu’il fait de la défense de l’ita-lianité l’une de ses priorités, doit déjà digé-rer le rachat du joaillier Bulgari par le géantfrançais du luxe LVMH et assiste auxmanœuvres de l’assureur hexagonal Grou-pama sur FonSai. La presse transalpineparle alors «d’un encerclement» et «desFrançais qui nous dévorent».

En urgence, le ministre italien de l’Econo-mie, Giulio Tremonti, tente de bloquer leraid de Lactalis. Il fait notamment passer untexte, fin mars, permettant à la Caisse desdépôts italienne (CDP) de «prendre des par-ticipations dans des sociétés d’intérêt nationalen termes de stratégie sectorielle, de niveau del’emploi, de volume de chiffre d’affaires».Puis, il sollicite des banques et invite lesgroupes agroalimentaires italiens à organi-ser la contre-offensive. Pour gagner dutemps, Giulio Tremonti va même jusqu’àautoriser, sous certaines conditions, la pro-rogation de cent quatre-vingts jours duterme pour la tenue des assemblées généra-les des sociétés. Parmalat en profite pourrenvoyer la sienne à fin juin. Mais Lactalisne reste pas bras ballants.A l’aube du 26 avril, quelques heures avantle sommet bilatéral franco-italien de Rome,l’entreprise lavalloise annonce le dépôt

d’une OPA. Le début de la réunion entre Sil-vio Berlusconi et Nicolas Sarkozy est tendu.«Vous ne nous avez pas avertis», commente,irrité, le président du Conseil reprochant,selon un diplomate, à son interlocuteurfrançais une attitude cavalière. «Vous nonplus vous ne nous avez pas avertis avant d’an-noncer à la veille du sommet votre décisiond’intervenir militairement en Libye», répliquele chef de l’Etat français, alors que son en-tourage assure ne pas avoir été au couranten amont de l’initiative de Lactalis. «Ilsauraient voulu nous chier dans les bottes, ilsne s’y seraient pas pris autrement», va mêmejusqu’à commenter dans les couloirs unmembre de la délégation italienne. Au coursde la conférence de presse, Silvio Berlusconine peut s’empêcher de s’interroger: «Il estsingulier que l’OPA ait été lancée ce matin, lejour de notre rencontre», tout en excluantnéanmoins «de la manière la plus sûre quel’exécutif français ait été au courant».

MANETTES. Surtout, il donne, à con-trecœur, son feu vert à l’opération ne la ju-geant «pas hostile». Giulio Tremonti cher-che bien une ultime alternative à l’offre deLactalis. Mais les groupes italiens se défi-lent. Même les banques contactées renon-cent à surenchérir sur les 2,6 euros par titreproposés par le français. «Au moins, nousaurons obligé Lactalis à payer le prix», seconsole-t-on aujourd’hui à Rome. La presseitalienne reproche néanmoins à EnricoBondi, qui a annoncé son départ hier, de nepas avoir été capable d’empêcher, à traversune stratégie d’expansion internationale,le rachat de l’entreprise par un groupeétranger. De son côté, Lactalis rappelle quele succès de l’OPA réclame de détenir 55%des parts. Mais, désormais installée auxmanettes de Parmalat, la famille Besnier,avare de son cash, se contenterait volon-tiers d’une participation plus faible. Pourelle, la campagne d’Italie est sans doutedéjà terminée. •

Par ÉRIC JOZSEFCorrespondant à Rome

RÉCIT

L’OPA de Lactalisprendra finofficiellementle 8 juillet. PHOTOTONY CENICOLA. THENEW YORK TIMES. REA

2,6euros par action, c’est l’offre proposéepar Lactalis pour son OPA sur Parmalat.En mars, Lactalis avait déboursé2,8 euros par titre pour acheter 15,3% ducapital de l’entreprise italienne.

Parmalat, fleuron italienLe groupe compte 14000 salariés dans16 pays, en Italie mais aussi au Canada, enAmérique du Sud, en Australie et Afriquedu Sud. Il a enregistré en 2010 un chiffred’affaires de 4,3 milliards d’euros (+8,5%)et un bénéfice net de 282 millions.Le chiffre d’affaires du groupe Lactalis­Parmalat avoisinera les 14 milliards.

REPÈRES «Parmalat ne tomberapas aux mains desFrançais, elle restera ici.»

Umberto Bossi ministredes Réformes et fondateur du partipopuliste de la Ligue du Nord,le 26 mars

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LeStadefrançaischanged’èreAu bord de la faillite, le club de rugby parisien a été repris par l’homme d’affaires Thomas Savare.

D ans les mille et une péri-péties autour de la surviedu Stade français, uneénième pirouette –et pas

la moindre– est survenue lundi, enfin de journée à Marcoussis. Con-voqués par le conseilsupérieur de la Direc-tion nationale d’aideet de contrôle de gestion (DNACG)afin de présenter un projet assurantl’avenir financier du club, MaxGuazzini, son président et BernardLaporte, futur ex-administrateurfaçon Sancho Pança, allaient, pen-sait-on, poser leur tête sur le billot.Après que le Stade français a étémarabouté par un vrai-faux repre-neur canadien, la Facem, dirigéepar un pasteur escroc (Libération du24 juin), la situation semblait dé-sespérée. Or, en guise de redditionsynonyme de plongée en Pro D2,voire Fédérale 1, un sacré lapin estsorti du chapeau en la personne deThomas Savare, directeur générald’Oberthur Technologies. Classédans le Top 50 des plus grosses for-tunes nationales, l’homme provi-dentiel permet au club parisien derester dans le circuit…

MAX GUAZZINI VA­T­ILDISPARAÎTRE DU PAYSAGE ?Quand Max Guazzini entre dans lafarandole, au début des années 90,personne ne se souvient qu’il existe

à Paris un club ayant participé en1892 à la première finale du cham-pionnat de France. En friche, leStade français ne met pourtant quecinq ans à retrouver des couleurs(plein de couleurs) sous la houlettede l’ancien attaché de presse deDalida et homme fort d’NRJ. Senti-mental, têtu, roué, Guazzini s’in-

vestit corps et biendans le rugby enjouant volontiers sur la

fibre affective. Insensible auxrailleries, il fait entrer l’ovalie dansla sphère du spectacle, imagine desmaillots invraisemblables, un ca-lendrier gay friendly, des shows dé-mesurés (grotesques, diront les dé-tracteurs) au Stade de France. Soussa présidence, le club remportecinq titres nationaux, avant que levent ne tourne, à partir de 2008-2009. Toujours en première ligne,Guazzini se voit dorénavant propo-ser un poste de président d’hon-neur, qu’il pourrait trouver bienétriqué. Pour Laporte en revanche,c’est… la porte –comme à Bayonneet Bègles-Bordeaux, l’homme pro-videntiel a fait pschitt !

POURQUOI LES SAVARE METTENT­ILS DES RONDS DANS L’OVALE ?Fils du fondateur d’Oberthur Tech-nologies, le spécialiste français descartes à puce, cet ingénieur de42 ans passé par l’Ecole centrale deParis –et qui vient de reprendre ré-cemment les rênes de la société fa-miliale – est par ailleurs engagé

dans une très vaste réorganisationde son groupe. Il est actuellementen négociation pour céder 60% desa division cartes à puce (cartesSIM, cartes bancaires…), mais aussil’intégralité de son activité identité(cartes d’identité, passeports, per-mis de conduire…). Cet ensembleserait valorisé 1 milliard d’eurosenviron. Si l’opération se réalisait,le groupe pourrait alors se recentrersur l’activité fiduciaire (impressionde billets), dont les revenus ontprogressé de plus d’un tiers en 2010

et réalisent 14,5% du chiffre d’af-faires. Un recentrage qui aurait toutd’un retour aux sources puisque cegroupe qui emploie près de7 000 employés dans le monde etpèse un milliard d’euros de chiffred’affaires était à l’origine une im-primerie de billets, avant sa repriseen 1984 par Jean-Pierre Savare, lepère de l’actuel dirigeant, fondu derugby, comme son fils. A côté duPDG d’Oberthur, on trouve unepoignée d’investisseurs pour re-prendre le Stade français : Jacques

Veyrat, le patron sur le départ dugroupe de négoce Louis-Dreyfus,Richard Pool-Jones, l’ancien joueurdu club parisien, et Michel Glize,déjà actionnaire et administrateuren charge de la formation. Ce poolapporterait au total 9,5 millionsd’euros, permettant d’apurer le dé-ficit, soit 7,2 millions, et de bâtir leprojet de budget pour la saison2011-2012.

DU RUGBY CASSOULETAU RUGBY CAPITALISÉ ?L’intronisation de Thomas Savareau Stade français ne fait que renfor-cer une tendance lourde dans lerugby pro: l’immixtion d’investis-seurs fortunés qui, attirés par labonne image de la discipline, selancent dans l’aventure sportive,non sans espérer, bien sûr, un re-tour sur investissement. Jacky Lo-renzetti au Racing Métro 92 etMourad Boudjellal à Toulon ontboosté la tendance ces cinq derniè-res années. Le premier a fait for-tune dans l’immobilier (Foncia) etaussi misé sur le vignoble ; le se-cond, magnat de la bande dessinée,vient de confirmer son souhait des’engager corps et âme avec le RCT(Toulon). A Bayonne, l’équipe auxdents longues de la saison à venir,c’est le très médiatique lunetierAlain Afflelou, déçu du foot (Bor-deaux) qui est devenu l’actionnaireprincipal évinçant Francis Salago-ïty au terme de maints soubresautsen coulisses. •

Par GILLES RENAULTet CHRISTOPHE ALIX

DÉCRYPTAGE

Stade français­Toulouse,en mars 2010 au Stade deFrance. PHOTO JEAN­MARIEHERVIO. DPPI

REPÈRES

Un nouveau revers pour Ber­nard Laporte. Ecarté du Stadefrançais, l’ex­entraîneur du XVde France avait déjà échoué àreprendre Bordeaux­Bègles en2002 avec un mystérieuxhomme d’affaires mauricien.L’hiver dernier, il avait tenté des’incruster à l’Aviron bayonnaisqu’il a finalement quitté.

«C’est un investissementprivé, un investissementpassion. Je suis unsupporteur. Ce n’étaitpas possible que le Stadefrançais disparaisse.»Thomas Savare nouveauprésident du club

979En millions d’euros, c’est lechiffre d’affaires 2010d’Oberthur Technologies,la société désormais auxmanettes du Stade français.

La composition du Top 142011­2012: SU Agen, AvironBayonnais, Biarritz Olympique,Bordeaux­Bègles, CA Brive,Castres Olympique, ASMClermont, Lyon OU, Montpel­lier HR, Stade français Paris,Perpignan, Racing Metro 92,RC Toulon, Stade toulousain.Première journée le 28 août.

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 201118 • SPORTS

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Après l’exploit, la désillusion. Marion Bartoli s’est inclinée hier en quart de finale du tour­noi de Wimbledon, face à une invitée des organisateurs, la jeune allemande SabineLisicki, en trois sets (6­4, 6­7, 6­1). Au moins deux sets de trop pour Bartoli. Classée àla 62e place mondiale, Lisicki est en fait une fantastique serveuse qui sort de plusieursmois de galères physiques et qui a montré hier à Londres un jeu plus proche de son réelniveau. La Française, elle, a payé les efforts fournis la veille pour éliminer Serena Williams.Selon la numéro 1 française, le mental était là, mais plus le physique. «Après le deuxièmeset, je pensais que le match était pour moi, mais mon corps n’a plus suivi.» PHOTO AFP

WIMBLEDON MARION BARTOLI CHUTE EN QUART

L a vedette du 95e Opende France ne sera pasRory McIlroy, puisque

le Nord-Irlandais a finale-ment préféré se reposerquelque temps sur les lau-riers cueillis à l’US Open il ya deux semaines. Non, la ve-dette ce sera le parcours : leGolf national de Guyancourt(Yvelines), qui vient d’êtrechoisi pour être l’arène de laRyder Cup 2018, n’est pasmécontent de dérouler sousles caméras la jolie verdureque foulera l’élite mondialedans sept ans.Séduire. Reprenons. Lejeune Rory (22 ans) sera ab-sent malgré ses promesses,mais il y aura quand mêmedu beau monde entre demainet dimanche : l’AllemandMartin Kaymer, l’AméricainBubba Watson, le tenant dutitre espagnol Miguel AngelJiménez, les frangins italiensEdoardo et Francesco Moli-

nari, et un paquet de Fran-çais : Bourdy, Havret, Jac-quelin, Wattel et d’autres.Ensuite il y aura l’herbe, lesgenêts et les greens impecca-bles du golf national, ce par-cours que la fédération aconçu comme un «stade degolf» pour y accueillir degrandes compétitions etleurs publics. Mais la RyderCup, cette confrontation bi-sannuelle entre les Etats-Unis et l’Europe, il y avaitvraiment peu de chances del’y voir un jour. C’est que legolf professionnel français nebrille pas par ses performan-ces, et que, pour un parcourspublic, vouloir accueillir unecompétition «prestigieuse»qui ne fréquente habituelle-ment que des resorts de luxesemblait une ambition dé-mesurée. La fédération fran-çaise, qui portait la candida-ture, a pourtant suconvaincre les responsablesdu Tour européen. Victoired’une candidature purementsportive, payée par les licen-ciés (à raison de 3 euros paran pendant dix ans) ? Passeulement. Les organisateursde la Ryder Cup se sont aussilaissés séduire par la pers-pective d’un dîner de galadans la galerie des glaces du

château de Versailles, denuits au Trianon Palace (inté-gralement réservé pourl’événement) et des viréesparisiennes qui ne seront pasque culturelles. Comme la fé-dération est loin d’être naïve,elle s’est aussi attachée à bienremplir la rubrique «Oppor-tunités commerciales» (sic) dudossier de candidature.Label. En gros, la questiondu Tour européen était : sivous emportez la Ryder Cup,qu’est-ce que ça me rap-porte ? What’s in it for me?Via ses filiales European TourCourses et European TourDestinations, l’organisationprofessionnelle gagne pasmal d’argent en délivrantson label officiel à de nou-veaux parcours et à des opé-rations immobilières autourdes golfs. Comme le parcoursde Guyancourt existait déjàet qu’il ne se prêtait guère àla construction de villas deluxe, la fédération a promisde faciliter les démarches duTour en vue de l’ouvertured’un resort avec deux par-cours dans les Landes. Desappuis locaux seraient ga-rantis. Trois ou quatre sitesseraient à l’étude. Ainsi va lesport de haut niveau.

ÉDOUARD LAUNET

GuyancourtbienencourauprèsdelaRyderCupGOLF Pour la Fédération française, l’Open de Franceest l’occasion de promouvoir son parcours pour 2018.

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FOOT (1) Dimitri Payet s’estengagé pour quatre ans avecLille. L’ancien Stéphanois,qui voulait rejoindre le PSG,a finalement été attiré par laLigue des champions. Letransfert du joueur réunion-nais serait de 10 millionsd’euros.

FOOT (2) Emerson, le défen-seur brésilien de Lille, aété condamné à cinq moisde prison avec sursis et à10000 euros d’amende pourun délit de fuite après un ac-

cident de la route survenu àNoël dans la cité nordiste.

BASKET Les Bleues ren-contrent ce soir la Lituanieen quart de finale del’Euro 2011. En cas de vic-toire, les Françaises, tenantesdu titre, feraient un grandpas vers la qualification pourles JO de 2012, l’équipe vic-torieuse de l’Euro étant assu-rée d’aller à Londres. Lesquatre nations suivantes de-vront obligatoirement dispu-ter le tournoi pré-olympique.

La Française Hind Dehiba,demi­fondeuse suspenduede 2007 à 2009 après uncontrôle positif à l’EPO, aété autorisée à participer àla réunion d’athlétisme deLausanne, jeudi, par un tri­bunal suisse. Un coup durpour l’organisateur de la7e étape de la Ligue de dia­mant qui ne voulait pasl’engager en tant qu’ex­do­pée. «Si Hind Dehiba enfait la demande, j’ai l’obli­gation de la laisser courirjeudi», a expliqué l’organi­sateur Jacky Delapierre.Une fois sa peine purgée,l’athlète d’origine maro­caine s’était vu refuserl’accès aux grandes réu­nions internationales enEurope en vertu d’unerecommandation d’Euro­meetings, qui regroupe lesorganisateurs d’une cin­quantaine de meetings quiavaient pris l’engagementmoral de ne pas accueillirdes athlètes ayant été sus­pendus pour dopage lourd.Le cas Dehiba pourraitfaire jurisprudence.

UNE EX­DOPÉES’INCRUSTEÀ LAUSANNE

L’HISTOIRE 8C’est le nombre de joueurs exclus pour indisciplinede l’équipe de football du Mexique, qui participe àpartir de vendredi à la Copa America en Argentine.Selon la fédération mexicaine, ils ont été suspendus sixmois et sanctionnés d’une amende de 4170 dollars(2906 euros), à la suite d’incidents survenus dans unhôtel de Quito, en Equateur.

«Pour moi, il est indispensable qu’il y aitun lien entre les gens qui sont au bordde la route et les coureurs présents.»Christian Prudhomme directeur du Tour de France, sejustifiant d’avoir réservé à des équipes françaises les quatreinvitations dont il disposait

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 SPORTS • 19

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Conscients des effets de l’action hu-maine sur l’ensemble de la bios-phère, il paraît que les géologues sepréparent à nommer «anthropo-cène» l’actuelle période de l’histoirede la Terre. Reconnaissons d’abordla beauté de ce paradoxe : au mo-

ment même où l’on se désespère de la fin des humani-tés et des faiblesses de l’humanisme, au momentmême où l’on croit pouvoir parler d’une époque «pos-thumaine», ce sont les blouses blanches qui recon-naissent aux pauvres humains un rôle tellement im-portant dans la machinerie terrestre –comme si nousétions tous collectivement devenus la plus grande desforces géologiques. Nous serions plus forts et plus in-fluents que les volcans? Aussi puissants que la tecto-nique des plaques? Cela paraît invraisemblable. Etpourtant, aux yeux des géologues, l’humanité est de-venue cette espèce d’Atlas sur les épaules duquel repo-sent désormais l’assiette et l’assise de la planète.Avec ce rôle indéfiniment étendu de l’humain, l’hu-manisme est peut-être de retour, mais il faut recon-naître qu’il a une drôle de tête puisqu’il mêle la moraleà la géologie et qu’il confond dans le même terme lessciences dites «sociales» et celles dites «naturelles».Comme un anneau de Moebius, cette Terre qui sem-blait nous contenir, nous la contenons à notre tour parl’étendue même de nos actions. «Gaïa» est le nom que

certains savants donnentà ce ruban ou plutôt à cenœud coulant qui nousétranglera avant que nousne l’étranglions.Mais le paradoxe est aussipolitique. Vous vous sou-venez de ce slogan des so-

cialistes, il y a trenteans: «Changer la vie»? Nous sa-vons maintenant qu’il n’a pas été qu’une périlleuseutopie. Les humains modernisés semblent être parve-nus à «changer la vie» de presque tous les organismesdont ils ont croisé le chemin –volontairement ou non.Et pas seulement celle des baleines ou des ours polai-res. Il faut qu’un vivant soit vraiment bien dissimulé,plutôt coriace ou très menu pour avoir échappé à leuractivisme. Qu’on ne se plaigne pas de l’échec des ac-tions révolutionnaires: leur réussite a été telle au con-traire qu’il faut maintenant une autre révolution pourréparer les effets de la première. Quel sera le slogande ces nouvelles actions qu’il faut bien appeler contreou mieux alter-révolutionnaires? «Changer la façonde changer la vie» ? Une chose est sûre, il n’y a pasencore de politique qui soit adaptée aux tâches del’anthropocène.Qu’il faille modifier notre trajectoire, tout le mondecommence à en être d’accord. Sauf ceux qui vou-draient continuer comme avant, du temps de la mo-dernisation –mais ceux-là vivent sur une autre Terrequatre à cinq fois plus grande que la nôtre, la seulepourtant que nous ayons en partage. D’autres nousdemandent de décroître, en tout cas de nous faire pluspetits, plus discrets, ce qui reviendrait à plier notretaille de géant pour devenir une sorte d’Atlas modesteet frugal. Ce qui revient à nous demander d’abandon-ner nos ambitions, nos espoirs de conquête, notregoût pour l’artifice et l’innovation, sans oublier cettevolonté qui fut si belle de nous émanciper enfin detoutes nos chaînes. Qui nous dira comment continuerà nous libérer tout en prenant sur nos épaules l’écra-sant fardeau de cet Atlas tectonique ?On se souvient peut-être que, dans le roman de Mary

Shelley, le DrVictor Frankenstein s’accusait d’un péché–celui d’avoir été un apprenti sorcier–, pour en dissi-muler un autre, infiniment plus grave, celui d’avoir fuihorrifié devant sa créature laquelle n’est devenue unmonstre que parce que son auteur l’avait abandonnée.Au lieu de s’écrier, «Victor, arrêtez d’innover, decroire, de croître et de créer», il me semblerait plus fé-cond de lui dire enfin: «Dr Frankenstein, retournezdans votre laboratoire et donnez enfin un visage à votreébauche d’avorton.» Mais comment saurons-nous ren-trer dans les laboratoires pour reprendre à nouveauxfrais chaque détail de notre existence matérielle ?Ce paradoxe-là n’est pas le moindre: une révolutiondes détails qui exige de combiner l’innovation la pluséchevelée avec les précautions les plus attentives au sortdes milliards de commensaux dont nous dépendons etqui dépendent de nous.Et dans cet apprentissage impossible il faut entrer vite,car on assure que Gaïa ne nous laissera pas beaucoupde temps. Certains affirment même qu’elle nous feraitla guerre. Les guerres nous connaissons, mais com-ment croire qu’on peut gagner celle-là? Si nous ga-gnons contre elle, nous perdons et si nous perdonsnous perdons encore! Drôle de guerre vraiment. C’estque la ligne de front dessine une relation à la fois plusmenaçante et plus inventive, plus exigeante aussi,pour laquelle nous n’avons ni les bonnes passions,ni les bonnes intelligences.

Devant ce faisceau de paradoxes, on comprend quebeaucoup préfèrent nier les avertissements et douterdes sciences mêmes qui nous ont révélé le nom de no-tre période. Cet «anthropocène» ils le trouvent mar-qué par un anthropomorphisme de mauvais aloi. Ilsvoudraient que la nature continue comme avant à ser-vir de décor au théâtre des seules passions humaines.C’est pourquoi ils accusent volontiers les Cassandresde tenir des discours «catastrophistes» ou même«apocalyptiques». On leur donnerait volontiers rai-son puisque les apocalypses annoncées ne survien-nent jamais, pas plus celle de saint Jean que de l’hivernucléaire. C’est que les annonces de fin du monde nevisent pas la seule dissolution matérielle mais plutôtla révélation et surtout la conversion. On ne doit pasles prendre tout à fait littéralement. Quand Dürer des-sine les planches de sa géniale Apocalypse, il est con-vaincu à la fois que le monde va disparaître en 1500et qu’il va gagner beaucoup d’argent en les impri-mant… Mais on aurait tort de croire qu’il en est encoreainsi des discours qui annoncent l’irruption de Gaïadans notre vie –ou plutôt l’irruption de notre vie dansses boucles de rétroaction. Après tout, les géologuesne sont pas connus pour leur goût des métaphores,si bien que la fin de la nature indifférente et extérieurepourrait être infiniment plus littérale que celle deDieu. Contrairement à Godot, Gaïa risque, hélas, dene pas décevoir notre attente…

Les humains semblent avoirchangé la vie de presque tousles organismes dont ils ont croiséle chemin. Et pas seulement desbaleines ou des ours polaires.

Par BRUNOLATOURSciences­Po Paris

En attendant Gaïa, ou commentl’homme a changé la Terre

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 201120 • REBONDS

Page 29: Liberation Du 29 06

Vousavez ditfédéralisme?Alors…

Oui, mais comment faire? Il ne se passepratiquement plus de jour sans qu’unevoix ne s’élève en Europe, à droite, àgauche, au centre et ailleurs, pour direqu’il faut des politiques communes àl’Union européenne, qu’elle ne peutplus rester au milieu du gué sans risquerun délitement et que la crise grecque nele démontre que trop. Certains vontjusqu’à oser le mot de «fédéralisme»,d’autres pas, mais c’est bien l’idéefédérale qui revient en force, remise àflot par la simple logique.Pas plus qu’un Etat-nation doté d’unemonnaie nationale ne pourrait avoirautant de politiques que de régions,l’Union ne peut avoir autant de poli-tiques que de pays membres. Ses27 Etats ne peuvent plus se passer depolitiques sociale, industrielle et fiscalecommunes, d’une politique économi-que commune, car la monnaie uniqueet la libre circulation des marchandiseset des capitaux dansl’espace européen nepeuvent pas s’accom-moder de dumpings fiscal et social ausein de l’Union et de trop grands écartsd’endettement et de productivité entrepays partageant la même devise.Un enfant le comprendrait. Face auxcrises grecque, irlandaise et portugaiseet aux dangers de contagion qu’ellescomportent, l’enfant, qu’est l’Union,finit par le comprendre mais c’est làque vient à se poser la question de ladémocratie.Devant la menace d’incendie, dansl’urgence, les gouvernements euro-péens ont su s’asseoir sur les traitéspour créer un Fonds de solidarité finan-cière et épauler des pays que le krach deWall Street avait ébranlés ou quis’étaient dramatiquement écartés descritères de convergence. S’ils nel’avaient pas fait, l’Union serait en trainde couler sous nos yeux mais, la grandemajorité des gouvernements européensétant aujourd’hui à droite, ce sauvetages’est accompagné de prescriptions obli-gatoires dont la pertinence est extrême-ment discutable et, pire encore, cetteaustérité n’a pas été imposée par ungouvernement commun de l’Union,procédant d’une majorité élue.Dans la mesure où ce gouvernementn’existe pas et où les institutions com-munautaires elles-mêmes sont totale-ment éclipsées depuis plusieurs annéespar les gouvernements nationaux quiont comme jamais repris en main lescommandes de l’Union, ce sont les diri-geants français et allemands, le prési-dent et la chancelière de puissancesétrangères, qui ont imposé leur ordon-

nance aux pays en crise. Non seulementces mesures de restriction budgétaire etde privatisation sont aussi contestablesqu’impopulaires mais elles ont été dic-tées de l’étranger.On ne saurait mieux faire pour rendrel’Union haïssable et la tuer en voulantla sauver alors même que les Européensont besoin d’elle pour mutualiser leursinvestissements, se réindustrialiser etfaire face au dumping des pays émer-gents. Il ne s’agit plus d’assurer la paixmais de ne pas se laisser dépasser pard’autres continents, non plus de rem-plir un objectif atteint mais de survivreou de couler ensemble. Le fédéralismen’est pas qu’une évidence. Si l’idéefédérale revient en force, c’est qu’ellerelève de l’urgence mais comment luidonner corps ?Ce n’est pas en se lançant dans uneénième révision des traités qu’on y par-viendra. De nouveaux débats théori-

ques ne feraient qu’ag-graver les choses car lesmêmes mots renvoient

à trop de perceptions différentes maisla dynamique fédérale peut être relan-cée de deux manières, nullement con-traires aux traités actuels. La premièreserait que, dès les prochaines électionseuropéennes, les grands courants poli-tiques paneuropéens présentent des lis-tes et des programmes communs pourl’Europe, qu’ils annoncent que leur têtede liste deviendra président de la Com-mission s’ils obtiennent la majorité etque l’Europe élise ainsi un Premier mi-nistre et un gouvernement à même defaire jeu égal avec la représentation desEtats qu’est le Conseil européen.Ce gouvernement aurait ainsi une légi-timité européenne, celle d’une majoritéparlementaire et d’un mandat paneuro-péens. Comme dans toute fédération,il y aurait un exécutif procédant du suf-frage universel et une chambre desEtats chargée de défendre leurs intérêtspropres. Le tournant fédéral serait alorspris et l’autre voie à suivre, sans atten-dre, est celle que proposent les gauchesallemande et française.Ensemble, elles se sont engagées, la se-maine dernière, à promouvoir deconcert une taxation des transactionsfinancières, l’émission d’empruntseuropéens et l’harmonisation des poli-tiques fiscales et sociales des Etatsmembres. S’ils gagnent en 2012 et 2013,socialistes français et sociaux-démo-crates allemands mèneront une poli-tique européenne commune avaliséepar leurs électeurs. Compte tenu dupoids de leurs pays, un grand pas seraitfranchi.

DIPLOMATIQUES

Par BERNARDGUETTA

M. le futur président,déménagez à Saint-Denis!

Quel pourrait être le premier acte,hautement symbolique du futurou de la future présidente de laRépublique? Partir à Saint-Denis,en banlieue, dans le «9-3».

Quittant le VIIIe arrondissement, vous révé-lez la simplicité qui habite votre cœur: vousn’êtes pas intéressé par les ors de la Républi-que, les sabres des gardes républicains ou lespeintures du salon Murat; richesses et hon-neurs sont peu de chose à côté de votre désird’être proche du peuple, économe et mo-deste en ces périodes difficiles. Vous rendrezle palais de l’Elysée aux badauds du mondeentier, comme Versailles leur fut rendu.Outre son inappréciable caractère symbo-lique au pays de la monarchie républicaine(la proximité de la basilique de Saint-Denisconservant nos rois apaisera votre nostalgieet un simple décret suffira pour vous faire in-humer auprès d’eux), le déménagement aurade bonnes conséquences économiques.1) Les prix de l’immobilier entre Paris et labanlieue seront immédiatement rééquilibrés

grâce à l’installation de vos services, descourtisans, des lobbyistes divers. Votre nou-velle maison sera construite HQE, haute qua-lité environnementale, peut-être même sera-t-elle autosuffisante en énergie. Vos voituresélectriques encadrées de motos électriquesiront rapidement à Roissy.2) Une partie de l’Elysée serait transforméeen logements pour étudiants, voire en loge-ments sociaux. Le coût de la construction devotre nouvelle maison serait amorti par cettereconversion. Sans doute faudrait-il conser-ver le parc de 1,5 hectare pour le bonheur despassants et des lecteurs. On n’irait plus flânerau Luxembourg mais à l’Elysée.3) Enfin, votre acte symbolique aurait un ef-fet immédiat sur les dépenses publiques etvotre popularité : tous vos ministres iraientvers la simplicité, le coût du fonctionnementde l’Etat serait réduit, on verrait des prési-dents de région louer la sobriété, et vos con-citoyens, qui sont souvent des gens simples,seraient emplis d’admiration pour tant desimplicité qu’ils associeraient à de la compé-tence et à du souci du bien public. Vous serezévidemment réélu. Et nous vous en félicitonspar avance, comme de cette bonne décision.

Par NICOLAS BOUZOUet BERNARD MARIS Économistes

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LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 REBONDS • 21

Page 30: Liberation Du 29 06

VACANCES David S.,25 ans, enseignantstagiaire, achèvedans «Libération»la chronique de sapremière année,sans formation,au collège.

«Ne pasrevivre lamême rentréeque cetteannée»

S eptembre 2010. David S., 25 ans, profd’histoire-géo débutant, est jeté sansfilet dans l’arène d’un collège. Comme8000 autres nouveaux enseignants du

secondaire, il n’a pas eu de véritable formationprofessionnelle. Pour Libération, il accepte detenir un journal de bord. Nous en publionsaujourd’hui l’épilogue.

Mercredi 8 juinLa fin de l’année approche à grands pas et lestâches restantes s’accumulent. J’ai été inspectéau début du mois dernier. Les jours précédantce moment fatidique ont été particulièrementdésagréables. Mais l’inspection s’est très bienpassée. Les élèves (de ma meilleure classe) ontvraiment été supers. Dès le début de l’entre-tien, l’inspecteur a précisé que je n’avais pasde souci à me faire pour ma titularisation. J’aidonc abordé le dernier temps de l’année plusdétendu. Cependant, c’est une période un peutraître. Les beaux jours arrivant, les élèves onttendance à se détendre eux aussi. D’une part,

«J’ai décidé detravailler jusqu’audernier moment.»

PHOTO MARC ABEL.PICTURETANK

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 201122 •

VOUS

Page 31: Liberation Du 29 06

je ne veux pas prendre le risque d’un grandn’importe quoi, d’autre part, je veux finir lesprogrammes. Pour maintenir les quatrièmessous pression, j’ai prévu des évaluations jus-qu’au dernier moment. Je croule par consé-quent sous les paquets de copies. Les élèves ontfait des progrès et écrivent beaucoup plus.C’est une véritable source de satisfaction, maisje ne passe pas moins de trois heures par pa-quet de quatrième. Ajoutons à cela les moyen-nes et les bulletins à remplir, cette fin de tri-mestre sera à l’image du reste de l’année :sportive.

Jeudi 9 juinConseil de classe des quatrièmes C. J’ai pris pasmal d’assurance au cours de l’année devant lesélèves et auprès de mes collègues. Même dansla difficulté, je pense avoir trouvé ma place deprof dans ce collège. J’arrive donc plutôt con-fiant. Le principal entame le cas par cas encommençant par le début de la liste alphabéti-que. J’interviens quand cela me semble néces-saire, quand soudain le prof principal de laclasse propose un redoublement pour un élève.Un débat s’engage sur le bien-fondé et l’utilitédu redoublement en général et pour cet élèveen particulier. Je me sens tout à fait incapablede donner mon point de vue. Le prof principalpose sur moi un regard interrogateur. Je m’ensors en posant une fausse question. Je ne saisabsolument pas si un redoublement peut êtreprofitable à tel ou tel élève. Je me fais alorsmoins prolixe pour le reste du conseil.

Samedi 11 juin«Laura a trouvé le poste de ses rêves.» Voilà unmoyen bien plus efficace qu’un café serré pourse réveiller tôt un samedi matin. Le spot decampagne de recrutement de l’Education na-tionale me fait bondir. Le ministère supprimeplus de 15000 postes tout en faisant croire qu’ilen propose 17000. Postes pour lesquels la for-mation sera franchement à revoir au vu de lagalère des enseignants stagiaires cette année.

Mardi 14 juinLa plupart de mes quatrièmes ont eu leur con-seil de classe. L’ambiance est plus décontrac-tée, et la tentation de défier les adultes plusgrande : «Monsieur, on ne va pas travailler, leconseil est passé.» Je pense avoir compris com-ment préparer un cours, même si ce n’est pasencore parfait. Je vais essayer de diversifiermes cours pour la fin de l’année pour les ren-dre peut-être moins pesants. La préparationd’un bon cours, intéressant et efficace, n’estpas encore assurée. Autre tentative de leur partpour ne pas bosser: «Vous êtes là l’année pro-chaine ?» Cette question n’est pas nouvelle.Elle est même récurrente depuis la mi-mai. J’aisouvent répondu qu’ils verraient bien en sep-tembre, mais ils n’étaient pas dupes et reve-naient irrémédiablement à la charge. Objectif:savoir si le prof reste pour se permettre quel-ques écarts en cas de départ. J’ai trouvé uneparade. Je réponds que j’aurai bien deux troi-sièmes l’année prochaine, dont une où je seraiprofesseur principal. L’effet est radical, les élè-ves suivent le cours presque normalement.

Jeudi 16 juinNouvelle journée de forte tension. J’ai depuisla fin mai un projet d’affectation : un collègeen ZEP à La Courneuve. Je suis plutôt contentparce qu’il s’agit d’un poste fixe. Mais ce projetreste provisoire tant que les commissions pari-taires ne se sont pas réunies. Crispé, j’attendsle résultat depuis hier. Il a été plusieurs fois re-poussé. Le verdict tombe à 23h45, j’ai le poste.Je suis avec quelques amis et ma copine. Je lève

mon verre, franchement soulagé. La hantised’être TZR [titulaire sur zone de remplacement,ndlr] l’année prochaine est ainsi évacuée. Jevais devoir tout reconstruire, mais je n’auraipas à le faire tous les ans.

Vendredi 17 juinJe pense que je vais avoir un de mes premiersweek-ends tranquilles de l’année. Je fais monplanning. Je dois préparer la semaine de courspour les cinquièmes, faire des corrections etremplir les bulletins. Je mets quelques films surla justice au menu pour les quatrièmes. Si jeparviens à tout boucler aujourd’hui, je n’auraipas à toucher un bouquin jusqu’à lundi.

Samedi 18 juinBon, j’ai un peu traîné hier, mais promis, di-manche, je ne fais rien.

Lundi 20 juinJ’attaque la dernière semaine. Il faut vraimentque je reste concentré. Je suis fatigué et j’ai en-vie de relâcher la pression, mais les incidentsse sont multipliés dans le collège ces dernierstemps et je ne veux pas qu’il m’en arrive un.Je prépare les derniers conseils de classe descinquièmes. Je remplis les bulletins avec plusde sérénité. Je connais bien mes élèves mainte-nant, et mes appréciations me semblent perti-nentes. Fini le remplissage pour le remplissage,je ponctue mes «Excellent trimestre» ou «Assezbon trimestre» par des commentaires plus ap-profondis sur chaque élève.

Mercredi 22 juinDernier jour avec mes quatrièmes. Je leur sou-haite de bonnes vacances. Le climat dans laclasse est très calme. Les élèves de la qua-trième A me répondent poliment. Comme ilssont persuadés de me retrouver l’année pro-chaine, je leur annonce que finalement, je ris-que de ne plus être au collège. Mais là où je suis

le plus surpris, c’est avec la quatrième C. Ilsm’en ont fait voir de toutes les couleurs. J’airéussi à reprendre la main sur le derniertrimestre, mais je ne pensais pas que ce seraiteux qui témoigneraient les marques de sym-pathie les plus sincères à la fin de l’année.«Bonnes vacances, monsieur, et j’espère vousavoir l’année prochaine.» Je rentre chez moi as-sez troublé.

Jeudi 23 juinJe suis arrivé tôt ce matin pour ma dernièrejournée de cours. Les heures s’enchaînent etje dis au revoir à mes deux premières classes decinquième. J’ai décidé de travailler jusqu’audernier moment. J’ai la cinquième D de16 heures à 17 heures. Tout s’est très bien passéavec cette classe cette année. Ils n’ont jamaismanifesté la moindre hostilité ni la moindreremise en question, même quand mes coursétaient difficiles à cerner. J’ai un souvenir deflottement lors d’un cours sur le développe-ment durable. Ils m’ont regardé avec des yeuxronds pendant plusieurs minutes en train dem’empêtrer dans des explications fumeusessans jamais bavarder ni se déconcentrer. C’estaussi la classe qui a été parfaite le jour de moninspection. J’ai vraiment l’impression que nousavons construit une relation, ou du moins

quelque chose de spécial. J’ai donc décidéd’apporter un paquet de bonbons pour finir lecours dans la bonne humeur. J’écris le titre dela dernière partie du cours quand, soudain, unélève se lève et m’apporte un paquet. C’est uneboîte de chocolats et une carte signée par toutela classe: «Merci pour cette belle année.» Je lesremercie en bégayant, non pas d’énervementpour une fois, mais je suis ému et déstabilisé.A la fin du cours, je referme la porte pour ladernière fois passablement ébranlé. Pour l’ins-tant, seuls les souvenirs de bons moments re-font surface.

Vendredi 24 juinJe ne m’étais pas réveillé à 10h30 depuis bienlongtemps. Cette sensation tient presque dudécalage horaire. C’est encore un peu tôt pourfaire un bilan, mais je peux déjà jeter un regarden arrière. Même si tout se termine bien et queles derniers retours des élèves, des collègueset de l’inspecteur sont positifs, l’année a étériche, intense et surtout épuisante. Je penseque j’ai dû, comme l’ensemble des stagiaires,aller chercher au fond de moi pour trouver lesressources permettant de finir l’année. C’estvrai que je me sens plus sûr de moi, mais toutça s’est fait au prix d’efforts extrêmes et de pé-riodes de stress presque inhumaines. Il y a denombreux acquis mais aussi beaucoup de cho-ses à consolider et une formation à poursuivre.Cette réforme n’est pas la bonne formule pourentrer dans le métier. Etre placé en situationd’urgence permanente ne peut rien apporterde bon aux élèves. J’ai rarement eu le temps depenser correctement mes cours et les momentsde frustration ont été nombreux. Certes, nousavons appris à nager après avoir été jetés dansle grand bain, mais dans cette situation, cer-tains se noient ou coulent profondément avantde remonter à la surface. Les dégâts psycholo-giques et sociaux ont été importants par mo-ments. Une formation plus poussée et un ac-compagnement plus fort auraient pu éviter lesmoments de doute et de solitude. La solidaritéentre collègues, et surtout entre stagiaires, a

certainement pu éviter de cra-quer complètement, pour moi ycompris. L’existence de syndi-cats et d’une organisation destagiaires comme «Stagiaireimpossible» a été salvatrice.C’était rassurant de savoir quece comité s’est démené pour

obtenir des audiences au rectorat, au minis-tère, voire à l’Assemblée, et qu’il était possiblede se battre pour changer les choses. Le bilande l’année comporte aussi quelque chose d’ir-rémédiablement négatif. Nous n’avons rien puobtenir pour modifier la formation des ensei-gnants, malgré nos efforts. Il est quasiment as-suré que nos successeurs, les futurs lauréats auconcours, vont se retrouver dans la situationque nous avons vécue. Leur formation conduiteen même temps que le concours est plusqu’embryonnaire. Leur donner des classes àplein temps, c’est poursuivre dans la folie.

Lundi 27 juinStation Stalingrad, ligne 7. Je suis déphasé. Jereviens de La Courneuve après une demi-jour-née de visite dans mon prochain établisse-ment. Le premier contact est loin d’être néga-tif, et l’équipe pédagogique sembledynamique. Mais je me pose des questions.Est-ce que je suis assez formé pour enseignerdans un environnement totalement différentavec des élèves bien plus difficiles? Tout sem-ble à reconstruire et je ne veux pas revivre lamême rentrée que cette année. Donc reprisedu boulot à la mi-août, avec au programme :préparation de cours en avance (un luxe !) etlecture d’ouvrages pédagogiques. •

«Je croule sous les copies. […] Ajoutons àcela les moyennes et les bulletins à remplir,cette fin de trimestre sera à l’image du restede l’année: sportive.»David S. professeur d’histoire­géo

La reproductionde nos petites annonces

est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

[email protected]

CARNET

Décès

MarcGARANGERet les familles

GARANGER et LEPAGNOLont la douleur de vous faire

part dudécès de

CatherineGARANGER,

née LEPAGNOLcinéaste

survenudans sasoixante-troisième annéele 26 juin 2011 à Lambloreelle s'est envolée avec les

petits-oiseauxqu'elle aimait tant !

Bénédiction à l'Église deLamblore 28340,

le jeudi 30 juin 2011 à 14h30suivie de l'enterrement

au cimetiè[email protected]

Anne, sa compagne,Marie-Claude, sa sœur,Sa famille, Ses amis,

ont la profonde tristessede faire part dudécès de

Louis-Marc PILLETPhotographe

le 22 juin 2011, à l'issued'unemaladie qu'il acombattue avec tant decourage et d'élégance.

La cérémonie religieuse auralieu le jeudi 30 juin 2011, à10 h, à l'Auditoire deCalvin,place de la Taconnerie, 1204Genève, suivie à 14h30del'enterrement au cimetièredeMessery,Haute-Savoie.

Nous remercionschaleureusement la

doctoresseFrance Laurencet et l'équipede l'unité 40de l'Hôpital

de Bellerive del'accompagnement et des

soins apportésà Louis-Marc.

En lieu et place de fleurs,undonpeut être adressé en samémoire à la Ligue genevoisecontre le cancer (BanqueLombardOdierDarier

Hentsch&Cie, 11 rue de la Corraterie,Case postale 5215, 1211

Genève 11 CodeBIC : 8760,code SWIFT : LOCYCHGGcompte n° 510361.00 IBAN:CH100876 00000510 3610 0)

.Cet avis tient lieude faire-part.

AnneTurretttini,10, place duBourg-de-Four,

1204Genève.Marie-Claude Pillet,

20, rueAlbert Thomas, 75010Paris.

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 VOUS • 23

Page 32: Liberation Du 29 06

EXPOS Avec «Oceanomania», le plasticien américainconfronte ses œuvres aux collections du Rocher.

Mark Dion faitécho à Monaco

E n 1884, le prince Albert Ier

de Monaco gonfle les voilesde son Hirondelle jusqu’enmer du Nord et en Baltique.

Cinq ans plus tard, il révèle aux cu-rieux de l’exposition universelle deParis le fruit de ses découvertes :des espèces marines demeurées in-connues. Les collections du Muséeocéanographique du Rocher pro-viennent pour la plupart des vingt-huit campagnes scientifiques orga-nisées par ce prince voyageur. L’ar-tiste américain Mark Dion a pêchédans les réserves l’inspiration d’unprojet abyssal étendu entre le Mu-seum et le Nouveau Musée nationalde Monaco.

CHASSE AU TRÉSOR. Oceanomaniafait suite aux spectaculaires venuesde Damien Hirst et Huang YongPing dans la Principauté. En 2010,le Britannique et le Chinois étaientles figures de proue d’une proacti-vité culturelle souhaitée par l’ac-tuel souverain, Albert II. Avec MarkDion, Monaco met à l’honneur unartiste d’envergure internationale,enseignant à l’université Columbiade New York et célébré de la Tate auMoMa. Né en 1961, Dion est origi-naire de New Bedford, dans le Mas-sachusetts. De la «cité des balei-nes», où Melville a lui-mêmeharponné du cachalot, avant de

publier Moby Dick en 1851, l’artistea gardé le goût de l’iode.S’il manipule l’archivage commeon le faisait dans les années 60 (Ro-bert Moris, par exemple), sonconceptualisme, imprégné d’unegrande culture scientifique et natu-raliste, le rapproche d’avantage despeintres Walton Ford et Miquel Bar-celó. Au Musée océanographique deMonaco, l’artiste synthétise ces in-fluences dans une chasse au trésor.«C’est après avoir parcouru le bâti-ment dans tous les sens, des coulissesdu neuvième sous-sol, en passant parl’aquarium, jusqu’aux combles rare-ment visitées, que Mark Dion a ima-giné son Cabinet géant», expliquele conservateur Patrick Piguet. Dixmètres de hauteur, dix-huit delarge soit 180 m2 pour organiserdans la salle centrale du premier

étage une chambre des merveilles.La pièce fonctionne sur un plan or-thogonal : en abscisse (ligne hori-zontale), l’artiste a classé les objetsdu musée en fonction de leur quo-tient naturel et culturel. Tout à gau-che, dans des vitrines deconservation centenaires, des spé-cimens fossilisés. A droite, le sca-phandre de Klingert, la Machine deGeorges Claude ou les skis de Gun-nar Isachsen, témoins des effortsdéveloppés par la science pourconnaître les fonds marins. En or-donnée (ligne verticale), Mark Diona classé les objets selon leur taille:en haut de la bibliothèque, despoissons géants louchent sur le basde l’échelle comme ils le feraient,vivants, sur du plancton.Dans les autres salles du musée,l’artiste a mêlé ses propres œuvres

aux collections d’ostéologie : unhéron momifié dans du goudron(The Tar Museum – Heron, 2006),un esturgeon sur un lit de bimbelo-terie (The Sturgeon, 2010) ou unours polaire trimballant sur son dosun palmier (Iceberg and Palm Trees,2007). C’est que l’exposition s’ap-puie sur la campagne de recense-ment de la vie marine achevéeen 2010 et sur l’explosion de la pla-teforme pétrolière de BP la mêmeannée, dans le golfe du Mexique.S’il y a du militantisme chez Dion,il ne brouille jamais la valeur duprojet artistique. Pour s’enconvaincre, il n’y a qu’à voir lasuite d’Oceanomania au NouveauMusée national de Monaco.A la Villa Paloma, l’Américain s’estentouré d’une vingtaine d’artistesqui ont tous peint, sculpté ou con-

ceptualisé la vie marine et ses fan-tasmes. Sur la terrasse surplombantla baie, Peter Coffin installe une vi-gie, pirate scintillant, manchot,cul-de-jatte et aveugle.

PIEUVRE. A l’intérieur, Mark Dionexpose avec la complicité de Marie-Claude Beaud, la directrice, des ar-tistes peu montrés en France: unesuperbe pieuvre orange sur un tré-pied de Katharina Fritsch, un aqua-rium de David Casini caché derrièreune cheminée en marbre, un filmde Klara Hobza se préparant àplonger dans le Rhin, le Main et leDanube pour gagner la mer Noiredepuis la mer du Nord. Avec cesjeunes pousses, Monet et LucioFontana, un totem de Rose-MarieTrockel en l’honneur de Cousteau,un film de 1933 sur l’hippocampesigné Jean Painlevé et l’improbablesérie du mal-aimé Bernard Buffetdédiée à l’œuvre de Jules Verne,Vingt-Mille Lieues sous les mers.«L’une de mes plus grandes craintesétait de confronter des jeunes artistespresque inconnus en Europe àd’autres confirmés.» Que Mark Dionsoit tranquille, il a rassemblé sanslimitation de forme ou de généra-tion une belle délégation d’artistesdoués pour l’apnée. •

MARK DION OCEANOMANIAMusée océanographique de Monaco etVilla Paloma. Jusqu’au 30 septembre.Rens.: www.nmnm.mc, www.oceano.org.

Par ALEXIS JAKUBOWICZEnvoyé spécial à Monaco

Le Cabinet des curiositésde Mark Dion, au Muséeocéanographique.M. MAGLIANI B. PIOVAN. NMNM

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CULTURE

Page 33: Liberation Du 29 06

Le catalogue de la vente organisée par la famille du chauffeur à Drouot. PHOTO F. GUILLOT. AFP

E n moins d’un an, l’en-quête sur le vol pré-sumé de 271 œuvres de

Picasso, redécouvertes chezson ancien électricien, PierreLe Guennec, a pris une nou-velle tournure en s’orientantvers un trésor non moinsconsidérable, amassé par ce-lui qui fut le chauffeur del’artiste, Maurice Bresnu,surnommé «Nounours».Dans la foulée de l’audition àGrasse (Alpes-Maritimes) deClaudia Andrieu, juriste de laPicasso Administration, quireprésente la famille dupeintre, un réquisitoiresupplétif a été délivré le9 mai par le parquet. Unesemaine plus tôt, les épouxLe Guennec avaient été misen examen pour recel debiens volés.Tentaculaire. «Nous pen-sons que ces gens nous racon-tent des histoires sur la façondont ils sont entrés en posses-sion des œuvres. Il y a desincohérences dans leursdéclarations et certains élé-ments nous paraissentinvraisemblables», a faitsavoir le parquet. Après leMonde, le Parisien a livré denouveaux éléments sur cetteenquête devenue tenta-culaire. Une première alerteavait été donnée en dé-cembre, quand une vente àDrouot, provenant de lafamille du chauffeur, avaitété interrompue, certainespièces étant saisies parl’Office central de lutte con-tre le trafic des biens cultu-rels (OCBC). Dans ce lot sontapparues des œuvres appar-

tenant à Pierre Le Guennec.En fait, ils étaient apparen-tés : Nounours, qui vivaitapparemment grand train,était marié à JacquelineLe Guennec, la cousine dePierre. Décédée après sonépoux en 2008, sans enfant,elle avait fait de l’électricienà la retraite l’un de seshéritiers.Même famille ou mêmebande? Car le couple Bresnuaurait écoulé par dizaines

des œuvres du peintre. Il n’ya rien d’étonnant à ce que lechauffeur, qui a été plusieursannées un familier, ait reçudes dessins du maître. Pi-casso pouvait être généreux,mais il ne distribuait pas àtort et à travers son œuvre,dont il avait une haute cons-cience. Il prenait toujourssoin de dater et signer sesdessins dès qu’ils sortaientde l’atelier. Et d’écrire lenom du bénéficiaire.Problème : selon nos infor-mations, plusieurs centainesd’œuvres seraient passéesdans les mains des Bresnu,dont seulement une demi-douzaine portant la signa-ture de l’artiste. Nombred’entre elles auraient étévendues par le biais d’un an-tiquaire des puces et de mar-chands d’art moderne,comme feu Jan Krugier. Cer-

tains dessins sont parus dansun catalogue publié par unmarchand italien sous le titre«Picasso la collectionsecrète».Certificats. Mais ces élé-ments donnent aussi des bis-cuits à la défense : pourquoila succession n’a-t-elle pasréagi plus tôt, alors mêmeque Maya Picasso, la fille dupeintre, avait délivré descertificats d’authenticité ?Un des éléments à charge est

le témoignaged’un employé àtout faire desBresnu, qui vi-vait chez eux.Entendu touteune journéepar l’OCBC,

Domingo a assuré que lecouple ne se cachait pasd’avoir «tout volé». Maisdans le même temps, il seplaint de n’avoir pas été payépar eux pour son travail. Ap-paremment, devenue veuve,Jacqueline Bresnu n’étaitguère appréciée à Sérignac,le village du Lot où elles’était retirée et où l’on parled’«argent du malheur»… Unvrai feuilleton télé.Les Le Guennec, eux, protes-tent de leur innocence. Leurdéfense s’arc-boute : pourqu’il y ait recel, il faut prou-ver le vol, ce que rien pour lemoment n’établit. La justicetente d’accélérer le pas. Maisl’investigation, qui doits’étendre à plusieurs paysvoisins –on parle de compteen Suisse–, prendra des moissinon des années.

VINCENT NOCE

AFFAIRE Un employé décédé de l’artiste intéresse aussi lajustice dans l’enquête sur le vol présumé des 271 œuvres.

Picasso: de l’électricienau chauffeur

«Nous pensons que ces gensnous racontent des histoiressur la façon dont ils sont entrésen possession des œuvres.»Le parquet

Cinquante ans, vingt­sixalbums illustrés et autantd’épisodes palpitants de lasérie télévisée dérivée(les Chevaliers du ciel)après son décollage en flè­che du pont de Pilote(l’Ecole des aigles, dessi­née par Albert Uderzo), lasérie mythique de l’Alexan­dre Dumas de la bandedessinée, feu Jean­MichelCharlier, Tanguy et Laver­dure, pendant tricolore aulégendaire Buck Dannyaméricain du même, faitl’objet d’un concours aussicurieux que prestigieux.Soit «Tanguy et Laverdurecherchent dessinateur(trice)». Avis aux amateurs.Sous la haute autorité croi­sée de la famille du roman­cier avocat (dessinateur,rédac chef, globe­trotter,journaliste d’investigation,essayiste) et du festival BDde Chambéry en Savoie,35e édition, un jury de spé­cialistes sélectionnera,du 14 au 16 octobre pro­chains, un lauréat parmiles candidats ayant postuléà la succession de Jijé,Patrice Serres ou Coutelis.L’heureux élu graphiste severra proposer un contratd’édition pour illustrer unehistoire inédite de Jean­Claude Laidin, dansla droite ligne très strictede la saga des personnagespilotes d’élite et de l’auteurà l’imagination pharami­neuse, lui­même aviateurentre autres vertus huma­nistes.Renseignements sur lerèglement complet de cetappel à candidatures sousforme de concours:[email protected].

TANGUY ETLAVERDUREÀ ADOPTER

L’HISTOIRE

George Benson Figure jazzysoul FM des années 80 Olympia,28, bd des Capucines, 75009. Cesoir, 20 heures.

WU Lyf Le groupe le plusattendu du moment, sensationcrypto rock en provenance deManchester, dans une des pluspetites salles de Paris, d’oùgrosse surchauffe enperspective Point Ephémère,190, quai de Valmy, 75010.Ce soir, 20h30.

Brigitte Fontaine Nouvellevisite de l’exubérante chanteusede l’île Saint­Louis sur la based’un récent album de duosBataclan, 50, bd Voltaire, 75011.Ce soir, 20 heures.

MÉMENTO

L’Unesco a choisi l’agropastoralismeAjournée en 2007 et 2009, la candidature des Causses et desCévennes a enfin été retenue, et le territoire inscrit au patri-moine mondial de l’Unesco. L’Aveyron, le Gard, l’Hérault etla Lozère portent «le rôle universel de l’agropastoralisme d’unpaysage culturel évolutif et vivant».

Mort d’un ami de SpirouLes éditions Dupuis ont annoncé mardi dans un communiquéque Thierry Martens, rédacteur en chef belge du Journal deSpirou de 1968 à 1978, historien de la bande dessinée, roman-cier et scénariste (sous le pseudonyme d’Yves Varende), estdécédé lundi à l’âge de 69 ans. On lui doit notamment uneHistoire de la bande dessinée en France et en Belgique (1980).

Lady Gaga soupçonnéede malversationUn recours en nom collectif a été lancé contre Lady Gaga parun réseau juridique du Michigan (Etats-Unis). La starn’aurait pas reversé l’intégralité des sommes liées à la ventede bracelets, destinée à soutenir les victimes du séisme japo-nais du 11 mars. La chanteuse est accusée d’avoir gonflé lecoût de ces bracelets, vendus 5 dollars l’unité (3,5 euros), etd’avoir empoché les frais et taxes liés à leur transport.

«Peut-être John Lasseter sait-il que lesspectateurs américains aiment la vitesse,les histoires d’espionnage et les blaguesréférentielles […]. Ou que les enfants de12 ans n’en ont rien à foutre des critiques.»Lu sur Comic Riffs blog du Washington Post, pourla défense du dernier Pixar, Cars 2, descendu par la presse

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 CULTURE • 25

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PRESSE Les salariésont voté la grève.

«LaTribune»a un plan:social«Ç a nous a fait l’effet d’une

douche froide», décritun journaliste. Et mal-gré les températures

étouffantes à Paris, les salariésde la Tribune n’en ont pas sentiles bienfaits. Hier, la directiondu quotidien économique a an-noncé un plan social prévoyantla suppression de 17 postes, dont13 au service édition. Réponsedu berger à la bergère, les sala-riés ont aussitôt voté la grève(67 votes sur 71) et le journal nesera pas dans les kiosquesaujourd’hui.Dans un mail adressé hier à tousles salariés, la patronne de laTribune, Valérie Decamp, a évo-qué «un projet de réorganisationde l’entreprise» (comprendre :virer des gens) tout en faisantdu quotidien «le journal de réfé-rence en matière d’informationéconomique et financière» (com-prendre : on va faire plus avecmoins de gens, les gars). Dans ledétail, le plan consiste à fairefaire le travail de l’édition parles rédacteurs grâce à un nouveloutil informatique. Au passage,Valérie Decamp indique égale-ment «qu’il faudra inévitable-ment remettre à plat les 35 heu-res». Joie.La rédaction, les salariés, la So-ciété des journalistes et les syn-dicats ont dénoncé «un plan so-cial toujours inacceptable» qui,précisent-ils, «ne peut de sur-croît être négocié durant l’été, enl’absence des élus et des sala-riés». Et de mettre les points surles «i» de La Tribune: «La réali-sation d’un journal de qualité,dont l’offre éditoriale n’est pasencore définie clairement, sembleaujourd’hui techniquement in-compatible avec des effectifs ré-duits drastiquement.» Idée avan-cée par l’équipe: une baisse desplus gros salaires du journal…La Tribune ne compte plusaujourd’hui que 181 salariés,dont 85 journalistes. Le quoti-dien connaît une grave crise fi-nancière depuis des années, etla procédure de sauvegarde, quilui permet pour un temps de ge-ler ses dettes, a été prolongée,en juin, de six mois. En 2007,Alain Weill (BFM TV, RMC) avaitracheté la Tribune avant de lacéder pour un euro symboliqueà Valérie Decamp en 2010. Cel-le-ci n’a toujours pas trouvéd’actionnaire pour le quotidienqui a besoin de 5 millionsd’euros pour se renflouer.

R.G. et I.R.

Thierry Roland, Thomas Hugues et le goal «Greg» Coupet (de dos). Jean­Michel Larqué, lui, n’est pas loin. PHOTO S. CALVET

SHORT Pour compenser la baisse des droits télé, la Ligue de football professionnellance sa propre chaîne. Au programme: beaucoup de bla-bla et peu de matchs.

CFoot se tire un ballondans le piedB ien sûr, ils eurent des ora-

ges. Vingt ans d’amour,c’est l’amour fol. Millefois Jean-Michel Larqué

prit son bagage. Mille fois ThierryRoland prit son envol. Mais ilss’aiment encore, Jean-Mimi etTout-à-fait-Thierry, mêmerelégués qui sur M6, qui on ne saittrop où : voyez Larqué étreignantl’épaule de son Roland sur fond deplacards publicitaires de CFoot…La reconstitution de la vieille pairede commentateurs, c’était le cloude la présentation, hier, de lachaîne créée par la Ligue de foot-ball professionnel (LFP), en mêmetemps que, d’une certaine façon,la métaphore de cette nouvelletélé : rencontres historiques etmatchs de seconde zone.Cerise. L’engin verra le jourle 28 juillet prochain, sera dispo-nible à peu près partout – câble,satellite, ADSL– à commencer parla TNT payante pour 3,99 eurospar mois. L’objectif de CFoot? Of-ficiellement, être «le carrefour detous les footballs: amateur, féminin,international». Officieusement, ils’agit, pour la LFP, de se refaire lacerise face à la baisse des droitstélé (510 millions d’euros lors dutout dernier appel d’offres contre

600 lors du précédent). Et tenterde créer un contrepoids à la toutepuissance de Canal+ en matière defoot télévisé. Pas fastoche.Du coup, CFoot –détenue par lesclubs professionnels et la LFP quilui apportent son budget annuelde 30 millions d’euros– aligne lesvedettes. Enfin, faut voir… Outreles Roland-Larqué en tête de gon-

dole qui présenteront Version ori-ginale soit des redifs de vieuxmatchs dont ils ont été les com-mentateurs, la chaîne aura une vi-trine en clair façon Canal+, entre18 h 45 et 20 h 45, chargé de ra-meuter de l’abonné.C-Le Talk (et là, vous commencezà saisir que toutes les émissions oupresque se déclineront avec le «c»du nom de la chaîne) sera un genrede Grand Journal du ballon, copro-duit par RMC Sport et emmenépar David Astorga – qui a quittéTF1– et Julie Raynaud. En chroni-queurs du show, on compte déjàBernard Diomède, l’ancien ailier

d’Auxerre (oui, on a regardé surWikipédia), Peggy Luyindula pourles jeux vidéo (et aussi ex-footbal-leur, nous dit-on) et «Greg» carc’est ainsi qu’à CFoot, on appellele goal Grégory Coupet. Egalementannoncés, Rolland Courbis et sagrande gueule. Parce que, prévientJean-Michel Roussier, le présidentde la chaîne, CFoot «ne sera évi-

demment pas laPravda». Ah etpuis aussi ThomasHugues présen-tera le dimancheun grand entre-tien, nonobstant

l’exclusivité qui le lie pourtant àFrance Télévisions.Là, on vous voit venir: et les fem-mes ? Eh bien, nous assure EricHannezo, ancien patron de sportsde TF1 et désormais directeur desprogrammes de CFoot, «vous ver-rez beaucoup de filles sur cettechaîne, pour parler du foot fémininmais pas que». Monsieur est tropbon. Ainsi Alexandra Rosenfeldalias Miss France 2006 évoquerales clubs amateurs tandis queFrancesca Antoniotti que ses ta-lents de chanteuse dans Star Aca-demy 4 ont amené à devenir, oui,journaliste sportive, animera C-Le

Club, une émission «entre talk-show et late show».Tout ça, certes, fait beaucoup deparlotte et assez peu de matchs,non ? Il faut dire que la situationest étrange, qui voit la Ligue se cé-der à elle-même des droits qu’ellevend très cher aux chaînes de télé.«Ces droits nous appartiennent, in-dique Frédéric Thiriez. Si nousn’arrivons pas à les vendre, alorsnous pouvons les diffuser.»Affiche. C’est ainsi que tous lesdroits de la Ligue 2 n’ayant pas étéattribués, CFoot peut diffuser lemultiplex du vendredi soir plusl’affiche de chaque journée, aprèssa diffusion sur Eurosport. Ouibon d’accord mais, insiste Jean-Michel Roussier, «les six dernierschampions de France sont en Li-gue 2». Et même qu’il y aura aussides matchs de Ligue 1 : chaquemardi et chaque mercredi, soit en-tre trois et quatre jours après leurdiffusion sur Canal+ (ou sur lachaîne que va créer Al-Jezira, dé-sormais détentrice de certainsdroits de Ligue 1). Jean-MichelRoussier se refuse à se fixer desobjectifs d’audience et d’abonne-ment. C’est prudent.

RAPHAËL GARRIGOSet ISABELLE ROBERTS

Officieusement, il s’agit de tenterde créer un contrepoids à la toutepuissance de Canal+ en matièrede foot télévisé. Pas fastoche.

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Page 35: Liberation Du 29 06

A LA TELE CE SOIR20h45. Espritscriminel.Série américaine :Mauvaises influences,Tueuse de luxe,L’origine du mal.Avec Joe Mantegna,Matthew Gubler.23h15. Flashforward.Série américaine :Dernière ligne droite,Le jour J, Bienvenuedans le futur.Avec John Cho.1h35. 50 mn inside.

20h35. Le repaire de laVouivre.Série française :Épisodes 3 & 4/4.Avec Jean-Marc Barr,Claude Perron.22h15. Plein 2 Ciné.22h25. Une maisonpeut en cacher uneautre.Divertissementprésenté par Marine Vignes.0h15. Journal de lanuit.

20h35. Des racines & des ailes.Passion patrimoine del’Auvergne à la Lorraine.Magazine présenté parLouis Laforge.22h30. Soir 3.22h55. Ces gens quinous sauvent.Magazine présenté parRobin Durand.0h25. Tout le sport.0h35. Couleursoutremers.Magazine.

20h50.Bliss.Comédie américainede Drew Barrymore, 111 mn, 2009.Avec Ellen Page, MarciaGay Harden, KristenWiig.22h40. T-shirt stories.Documentaire.23h40. Comme les 5doigts de la main.Policier françaisd’Alexandre Arcady, 117 mn, 2009.Avec Patrick Bruel.

20h40. Rome.Série britannique :Bons augures, mauvaisprésages, Jeux dedupes, Octave devientun homme.Avec Kevin McKidd,Polly Walker.23h35. Si loin, si proche.Drame allemand deWim Wenders, 135 mn,1993.Avec Otto Sander.1h55. Asylum.

20h45. Pékin express :la route des grandsfauves.Épisode 11 - Demi finalesous tension.Jeu présenté parStéphane Rotenberg.23h30. Albert etCharlène : Le romand’un amourimpossible.Documentaire.0h40. Burn notice.Série.1h40. Météo.

20h35. Sniper 3.Film d’action américainde P.J. Pesce, 90 mn,2004.Avec Tom Berenger,Byron Mann, John Doman.22h10. Icarus.Film d’action de DolphLundgren, 88 mn, 2010.Avec Dolph Lundgren,Stefanie von Pfetten.23h40. Fear Island :L’ile meurtrière.Téléfilm.

20h35. La maisonFrance 5.Magazine présenté par Stéphane Thebaut.21h20. Silence, çapousse !Magazine.22h05.C’est notre affaire.Magazine.22h40. C dans l’air.Magazine.23h45. Planète insolite.Porto Rico.Documentaire.

20h35. Gad Elmaleh :L’autre c’est moi.Spectacle.22h40. Le cabaret newburlesque.Spectacle.0h10. Le mariage deDiana Spencer etCharles d’Angleterre.Documentaire.1h10. Paris Dernière.Magazine présenté par Philippe Besson.2h15. Programmes denuit.

20h35. Les Cordier,juge et flic.Téléfilm français :Mort d’un avocat.Avec Pierre Mondy,Bruno Madinier.22h25. Les Cordier,juge et flic.Téléfilm français :Dette mortelle.Avec Pierre Mondy,Bruno Madinier.0h00. Les anges de latélé, le mag.

20h40. Le bêtisier dela plage.Divertissementprésenté par Sandra Lou.22h20. Le grandbêtisier.Le bêtisier de Pâques.Divertissement.0h00. Incroyable mais vrai, le mag.Magazine.1h55. Music in the city.2h00. Incroyable maisvrai, le mag.

20h40. Hard Luck(Middleman).Drame américain deMario Van Peebles,101 mn, 2006.Avec Wesley Snipes,Cybill Shepherd.22h20. Jeu fatal.Téléfilm de Roel Reiné.Avec Steven Seagal,Renee Goldsberry, Paul Calderon.0h10. Jail : destinationprison.Documentaire.

20h35. L’instit.Carnet de voyageMadagascar.Avec Gérard Klein.22h05. L’instit.Téléfilm français :Carnet de voyage enGuyane.Avec Gérard Klein.23h35. Corneil etBernie.Jeunesse.23h55. Le monde foude Tex Avery.Jeunesse.

20h40. Présuméinnocent.Documentaireprésenté par Jean-Marc Morandini.22h50. Présuméinnocent.Documentaireprésenté par Jean-Marc Morandini.0h50. Morandini !Magazine.2h00. 24 h Buzz.Magazine.

20h40. Bébé à bord.Téléfilm de NicolasHerdt.Avec EmmanuelleBoidron, JenniferLauret, Yann Sundberg.22h20. Ali Baba et les40 voleurs.Téléfilm de PierreAknine.Avec Gérard Jugnot.1h40. Jeux Actu.2h05. La dynastie desdragons.

20h35. Le zap DirectStar.Divertissementprésenté par Claire Arnoux.22h30. Star report.Bienvenue àBimboland : Lesplaymates.Magazine présenté parClaire Arnoux.23h30. Enquête trèsspéciale.Magazine.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

AsthénieTéva, 20h35Les gars, on n’y croit plus.Et ce n’est pas ce 15 ans deséries Téva (Ally McBeal,Sex and the City…) qui vanous requinquer.

MélancolieM6, 20h45Et même Pékin Express,depuis que Denis et Césarsont partis, c’est d’untriste. La demi­finale, c’estça? Ouais, bof.

DéceptionFrance 2, 22h25Et ce Une maison peut encacher une autre qui s’atta­que à la déco sans redéco­rer la baraque pour devrai, c’est d’un déceptif…

LES CHOIX

TF1 a confirmé hier l’infor­mation qui n’était jusque­làqu’au conditionnel: lerecrutement de l’imitateurNicolas Canteloup pour unprogramme court de cinqminutes. L’humoriste –quipoursuit sa collaboration àla matinale d’Europe 1–sera face à Nikos Aliagasdans un décor de JT, avec,déclare le directeur desprogrammes de la Une,Jean­François Lancelier,«pour seule mission: fairerire le public». Et aussi, ouplutôt surtout, dézinguerPlus belle la vie. Car cenouveau rendez­vousdevrait être diffusé vers20h35, juste après le «vrai»JT de Laurence Ferrari etpile en face du soap mar­seillais de France 3, en têtedes audiences à cemoment­là. A cet horairestratégique, entre Scènesde ménages sur M6 (autregros succès), fin de JT,météo et tunnels de pub,ce sont près de 25 millionsde téléspectateurs qui zap­pent frénétiquement d’unechaîne à l’autre, soit le picd’audience de la télévision.PHOTO AFP

CANTELOUP,L’ARME ANTI«PLUS BELLELA VIE» DE TF1

LES GENS

Reportage bidon à TF1:les deux journalistes mis à piedLes deux journalistes auteurs d’un reportage bidon sur lecontrat de responsabilité parentale (CRP) diffusé jeudi der-nier au JT de 13 heures de TF1 ont été mis à pied (Libérationdu 25 juin). Frédéric Touraille, directeur général du quotidienNice-Matin et de sa filiale NMTV qui livre à la Une des sujetsclés en main, a justifié sa décision en évoquant des «préjudicesassez forts». Le reportage mettait en scène une mère en dé-tresse, sauvée par le CRP mis en place par le député UMP etprésident du conseil général des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti.Sauf que la mère était en réalité l’attachée de presse deCiotti… Elle a démissionné depuis.

1ertweet pour Benoît XVI.Le pape a rédigé hier, vers18 heures, son premiermessage sur le site demicroblogging, de moins de140 caractères comme il sedoit sur Twitter. Pour direquoi? Qu’il fait chaud dansle métro et qu’il envie deboire une bière? Qu’il esten train de regarderL’amour est dans le pré?Même pas. Benoît XVI faiten réalité de la retape pourle nouveau site du Vatican:«Chers amis, je viens justede lancer www.news.va/en.Loué soit notre SeigneurJésus­Christ! Avec mesprières et bénédictions!B. XVI» Et on apprend, auxpetits caractères quiaccompagnent son mes­sage, que B. XVI (nous nel’appellerons plus quecomme ça) a posté sontweet depuis son iPhone.

«France Télévisions n’est pas encore la télévision de tousles Français.» Cette phrase, leitmotiv du premier rapportdu comité permanent de la diversité dans l’audiovisuelcuvée 2010, est encore d’actualité cette année, nuancesen prime. L’édition 2011, rendue hier matin au ministère dela Culture, revient sur les quelques progrès effectuésen la matière tout en proposant de timides pistesde réflexion. Le comité, fondé en 2009 à l’initiative dePatrick de Carolis, ex­PDG de France Télévisions et pré­sidé par Hervé Bourges, veut promouvoir la diversitésociale et ethnoculturelle dans les chaînes télé publiques.Après un éloge posthume et consensuel de Nadia Samir,première présentatrice arabe sur une chaîne française(TF1), florilège d’autocongratulations au menu pour lesavancées jugées significatives sur France Télévisions.Entre autres, Audrey Pulvar nommée chez Ruquier, ouFrance Ô érigée comme modèle de la diversité. Le rap­port 2011 préconise une visibilité accrue des minorités àla fois à l’antenne, dans l’équipe mais aussi dans le con­tenu des programmes proposés. Révolutionnaire, quoi.Reste de bonnes intentions, mais concernant un nombrerestreint de personnes, comme des bourses et proposi­tions de stages chez France Télévisions accordées auxjeunes des banlieues. G.F. et M.W.

DIVERSITÉ : UN RAPPORT PÉTRIDE BONNES INTENTIONS

L’HISTOIRE

Par MARGAUX WARTELLE

Une histoire enlevéedu T-shirt

D u consommateurlambda au mondeunderground, avec

The Shoes en bande-son.Se présentant comme lachronique d’un incontour-nable, T-shirt Stories est doncla biographie d’un basique denotre garde-robe, aka le tee-shirt. Du blanc moulant sexyfaçon James Dean au T-shirtarty et branché en passantpar le plouc-donc-tendancepériode «ridicool», ce docu-mentaire retrace assez effi-cacement une histoire riche,commentée notamment pardes spécialistes de la mode,des collectionneurs aguerrisou encore des anonymes,tous convaincus des vertusdudit vêtement.

Car oui, le T-shirt est révéla-teur d’une époque ou d’unepersonnalité. Fans de hardrock en mal de logos rassem-bleurs, invention d’un style

«skate», symbole d’une jeu-nesse contestataire avec lemouvement punk, «WhiteTee» chez les «gangstas» ri-cains, et j’en passe: DimitriPailhe (journaliste) et JulienPotard (réalisateur) font l’in-ventaire des moments mar-quants de notre fringue pré-férée (ou pas).

Egalement au programme,une sucess-story à la cana-dienne avec le récit de DovCharney, créateur d’Ameri-can Apparel, ou l’engoue-ment inattendu pour ces T-shirts avec têtes de loups,clairs de lune et compagnie.Au final, un reportage diver-tissant et bien construit,avec une galerie de person-nages attachants, notam-ment Jonny Makeup, collec-tionneur déluré de T-shirts àl’effigie de Madonna.T­shirt Stories, documentaire,Canal+, ce soir, 22h40.

VU DE MA LUCARNE

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Le Golf Club les Ylangs est unlieu prisé, à Mayotte. Tout legratin de l’île aime s’y re-trouver autour d’une partiesuivie de quelques verres. Il yfait frais, peut-être trois ouquatre degrés de moins quesur la côte, et le site est ma-

gnifique. Le parcours, un neuf trous, baignedans une forêt de plantes tropicales et depieds d’ylangs-ylangs. Au crépuscule, lesodeurs dégagées par cette petite fleur jaunesi prisée des parfumeurs embaument le club-house, une bicoque au toit en tôle qui ne payepas de mine avec ses chaises et ses tables enplastique. Difficile d’imaginer qu’il y a trenteans, les neuf hectares du golf aujourd’hui es-sentiellement fréquenté par des mzungus(ainsi appelle-t-on les Blancs) étaient l’unedes plus importantes plantations d’ylangs-ylangs de l’île. Ici trimaient cueilleurs etcueilleuses en guenilles.Comme autrefois le clou de girofle, le café et

la vanille, l’ylang-ylang se meurt à Mayotte,cette petite île nichée dans la partie orientalede l’archipel des Comores, devenue, le31 mars, le 101e département français. «Si onne fait rien très rapidement, la filière risque des’effondrer», s’inquiète Isabelle Valade, unebotaniste spécialisée en écologie tropicale quitire l’alarme depuis une dizaine d’années.«L’époque du tout chimique est pourtant révo-lue, relève la scientifique. Depuis cinq ou sixans, les parfumeurs en sont revenu du recoursaux produits de synthèse.» Grasse, la capitalemondiale de la parfumerie, en Provence, ne

jure que par cette fleur qui embaume et semarie si bien avec d’autres essences. Ontrouve de l’huile d’ylang-ylang dans300 parfums pour femme dont Chanel n°5,Poison de Dior, l’Air du temps de Nina Ricci.Mais il n’empêche : cet extrait de Mayotte,réputé être le plus subtil, n’est plus compéti-tif. Dans les années 70, les Mahorais produi-saient près de 40 tonnes d’huile essentiellede Cananga odorata, c’était là leur premièreculture de rente. Avec l’île comorienne d’An-jouan, située à 70 kilomètres de ses côtes, in-dépendante de la France depuis 1975, ils do-

minaient le marché mondial. Aujourd’hui,ils en vendent moins de 2 tonnes. Mayottes’est fait doubler, et de loin, par les Comores.

Après le parfum, le bétonOriginaire d’Asie du Sud-Est, introduite danscette région de l’océan Indien à la fin duXVIIIe siècle, Cananga odorata a rapidementfait la réputation de Mayotte et d’Anjouan,devenues «les îles aux parfums», et de quel-ques-unes de leurs plus belles fortunes. Celledes Kakal est emblématique du destin del’ylang-ylang mahorais. Cette famille de pe-tits commerçants indiens émigrés à Mada-gascar, devenue l’une des plus puissantes dela région après avoir racheté, en 1958, uneplantation coloniale sur la grande île.En 1970, Ismail, le fils du patriarche, mise surMayotte et en quelques années, la Société desplantes à parfum de Mayotte (SPPM) devientun empire dont la pierre angulaire estl’ylang-ylang. Vingt ans plus tard, le fils d’Is-mail, Gamil, anticipe la fin de la fleur jaune:la France commence à investir dans l’île, elleconstruit des écoles, des routes, des hôpi-taux. Gamil Kakal pressent que l’avenir estau béton. Il abandonne cette filière, se lancedans la fourniture de matériaux du BTP, puisdans le ciment, le gaz, le riz, la grande distri-bution. Le groupe s’appelle Cananga, maisde la culture de la fleur, il ne reste rien dansl’empire Kakal.La conversion de cette entreprise familialeillustre bien les difficultés à maintenir àMayotte la culture d’une plante qui en futl’un des symboles. Si Gamil Kakal a prévuque les investissements de la France allaientfaire bondir la demande de béton, il a aussicompris que la filière survivrait mal à l’ex-plosion du niveau de vie qui découlerait deschangements préalables à sa départementali-sation. En quelques années, la fonction pu-blique est devenue la principale source d’em-

Par RÉMI CARAYOLCorrespondance à MayottePhoto VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS

Cette petite fleur jaune prisée des parfumeurset cultivée à bas coût a fait la fortune de l’île.Depuis les années 2000, la filière s’effondre.

MayotteDans la montagne mahoraise, sur l’exploitation agricole d’Omar Boitcha l’un des rares jeunes producteurs d’ylang­ylang.

L’ylang-ylangà l’agonie

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plois, les salaires ont été décuplés, rendantla cueillette de l’ylang-ylang dix fois pluschère à Mayotte que dans les îles voisines. Lesalaire minimum tourne ici autour de1 000 euros contre 80 euros à Anjouan et30 euros à Madagascar. «On ne peut pas riva-liser, constate Isabelle Valade. Cette fleur ris-que de connaître le même sort que le géraniumbourbon à La Réunion où la production est pas-sée de 12 tonnes à 2 tonnes avec l’introductiondu Smic.»Toute la chaîne de la filière s’effiloche. Chris-tian Oheix, 80 ans, est le dernier des sept«collecteurs» qui exportaient encorel’ylang-ylang dans les années 90. «Si jen’étais plus là, dit-il non sans raison, l’ylang-ylang serait mort.» Quand, en 1984, il débar-que de Madagascar avec Pochime, son épousemalgache d’origine chinoise, il découvre àMayotte «un terroir exceptionnel» et une con-currence à sa mesure. «On se tirait la bourreavec les autres collecteurs, se souvient-il. Il yavait de sacrées peaux de bananes sur notrepassage. Les Indiens faisaient passer des mes-sages via les imams qui, du minaret, criaient dene pas vendre l’huile aux Blancs.» Une époquerévolue. Les producteurs d’ylang-ylang sontdeux fois moins nombreux qu’il y a dix ans– beaucoup se sont re-convertis dans la bananeet le manioc – et prèsde 80% d’entre euxont plus de 50 ans. «AMtsangamouji, il y enavait 37, il n’en reste que3. Ils étaient 20 à Poroani,ils ne sont plus que 2», ditChristian Oheix qu’onappelle ici «PapaYlang».Quant aux cueilleurs, ilsont aussi déserté la fleurjaune. Longtemps, la ré-

colte était assurée par la famille du produc-teur. «Quand j’avais 12-13 ans, avec mes tanteset mes grands-parents, on allait tous auxchamps. On y allait aussi avec l’école cora-nique», se souvient Omar Boitcha, un pro-ducteur de la jeune génération.

Chasse aux clandestinsMais au fil de l’évolution de Mayotte, les tâ-ches agricoles sont devenues trop ingrates etpas assez bien payées pour les Mahorais. Lesproducteurs ont alors fait appel à lamain-d’œuvre clandestine abondante surl’île: près d’un tiers de ses 200000 habitantsserait en situation irrégulière. Mais, depuis2005, l’Etat a fait de la traque aux sans-pa-piers une priorité, expulsant plus de90000 personnes au terme de contrôles zélésmenés jusque dans les campagnes. Et lesclandestins ont à présent peur de travailler àdécouvert dans les champs. «Avant, on pou-vait aller cueillir sans risquer de se faire attraperpar la PAF [Police aux frontières, ndlr]. Plusaujourd’hui», raconte Faouzia, une cueilleusevenue clandestinement d’Anjouan à Mayottedans les années 2000. Comme elle, une qua-rantaine de femmes offraient leurs bras pourpresque rien –entre 30 et 50 centimes d’euros

le kilo de fleurs ramas-sées, soit pas plus de15 euros une grossejournée de travail. «LesMahoraises préfèrent tou-cher le chômage. Nous, ona besoin de travailler pourmanger et s’acheter unpeu de savon», expli-quait-elle il y a trois ans.Ces derniers temps,Faouzia et ses amies secachent.Jean-Paul Guerlain lui-même a fait les frais de

cette chasse aux clandestins. Le célèbre par-fumeur français qui a déclaré en octobre 2010«je ne sais pas si les nègres ont toujours telle-ment travaillé» en a fait bosser, pourtant,dans ses vastes plantations. En 1995, il avaitacheté plusieurs hectares de la Bambao, uneancienne société coloniale, sur lesquels tra-vaillaient des dizaines de producteurs. Unparfum (Mahora) est né de cette aventureéphémère. En 2002, l’inspection du travaila épinglé le parfumeur qui a aussitôt démé-nagé sa production, à Anjouan, d’où venaientla plupart de ses cueilleuses clandestines.«Dans nos rapports officiels, on le dit: la filièrene vivra que par le biais des Anjouanais», indi-que Ibrahim Moussa, un techni-cien un rien désabusé de lachambre d’agriculture deMayotte. «Il y a eu de nombreusesnégociations pour régulariser lesgens, mais ça n’a jamais abouti.»Pour sauver l’ylang-ylang maho-rais, l’Etat mise plutôt sur lacréation d’un pôle d’excellencerurale (PER). Sur le papier, toutest parfait. Un seul et même site aura plu-sieurs missions: accueillir les touristes, offrirun espace aux producteurs pour la distilla-tion et la commercialisation de l’huile essen-tielle, et développer la recherche pours’ouvrir aux nouvelles niches telles que l’aro-mathérapie. «C’est l’avenir de l’ylang-ylangmahorais, estime Isabelle Valade. On nepourra plus rivaliser avec les Comores et Mada-gascar sur le plan de la quantité. Il faut viser laqualité.» Coût estimé de l’opération, si ellevoit le jour : 3 millions d’euros.

Un pôle d’excellence ruraleVoilà qui fait bien rire Christian Oheix. «AMayotte, on est capable de financer des camionsréfrigérés pour transporter les fleurs, mais pasde se préoccuper de qui va les cueillir.» Aigri,

Papa Ylang ? Un peu. L’envie le tenaille dedécamper vers La Réunion, de fuir, commeil dit, «cette réserve de fonctionnaires». Pourlui, l’avenir est déjà écrit. «En 1929-1930, lesPhilippines exportaient 30 tonnes de fleurs. Puisles Américains sont arrivés, le niveau de vie aaugmenté et en 1931-1932, elles faisaient10 tonnes. Ça n’intéressait plus personne. Icic’est pareil: l’ylang-ylang sera bientôt bon pourle musée !» Hassani Soulaïmana, lui, croitdans l’avenir du pôle. Il n’a pas encore25 ans, mais il s’est déjà fait un nom dansl’île. Toute son enfance, il a vu son père tri-mer dans les champs pour pas grand-chose.Christian Oheix, il l’aime bien – «il a fait

beaucoup pour l’ylang-ylang» –, mais sontemps est passé, estime-t-il. Avec son père,Hassani vend aux touristes des crèmes anti-moustiques et des huiles de massage qu’il aélaborées en autodidacte, avec un laboratoirebasé à Annecy. Le pôle d’excellence rurale(PER) «répond parfaitement à ce qu’il faut fairede l’ylang-ylang», dit-il. Il a juste unecrainte: «Qu’on donne, encore une fois, la maî-trise du projet à quelqu’un venu de l’extérieur.Nos parents étaient des ouvriers, ils ne déci-daient de rien. Je ne veux pas vivre la mêmechose.» Installé, avec son ordinateur portabledans un banga, une case en torchis plantéesur les hauteurs de la propriété paternelle,Hassani Soulaïmana se donne moins de troisans pour ouvrir son propre labo et lancer sesproduits à la conquête du monde. •

«Cette fleur risque de connaître lemême sort que le géranium bourbon àLa Réunion où la production est passéede 12 tonnes à 2 tonnes avecl’introduction du Smic.»Isabelle Valade botaniste tropicale

30 km

MAYOTTE (FRANCE)

OcéanIndienMoroni

Dzaoudzi

Poroani

GRANDE COMORE

ANJOUANMOHÉLI

Unité de distillation de l’ylang­ylang à Mayotte. Son essence entre dans la composition de 300 parfums, dont Chanel n° 5, Poison, l’Air du temps.

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PORTRAIT AURÉLIE TROUVÉ

se lancer. En sachant qu’évidemment c’était perdu d’avancepuisque le fonctionnement de l’institution prévoit que pourêtre éligible, un candidat doit être présenté par un gouver-neur du Fonds, représentant d’un pays.Dans une lettre publique à Christine Lagarde, elle lui deman-dait de «présenter [sa] candidature, sans nécessairement la sou-tenir» afin de «confronter [leurs] points de vue», le sien s’ins-pirant, selon elle, de «la réflexion collective approfondie menéede longue date par la société civile internationale». L’annonced’une candidate d’Attac au FMI a fait le buzz, expression nou-velle dans le vocabulaire altermondialiste. Et Aurélie Trouvéest devenue en quelques semaines le porte-drapeau d’un«autre FMI», s’insurgeant contre la politique «néolibérale»de DSK, estimant Christine Lagarde «pire encore». «Si l’onavait su que ça marcherait autant, on serait allés beaucoup plusloin, regrette-t-elle presque. On s’est rendu compte que la can-didature d’Attac avait créé un vrai espoir. Le réseau internationals’est mobilisé.» Elle ajoute que la candidature effective auraitpu être possible puisqu’un militant d’une branche sud-amé-ricaine d’Attac est très proche du représentant du Venezuelaqui aurait pu déposer officiellement son dossier.Un autre FMI aurait donc été possible. Et donc un monde oùles plans d’austérité, «inefficaces, injustes et catastrophiques»,

seraient interdits, les transactions financières taxées, l’écolo-gie au centre du débat et l’économie mondiale «rééquilibrée».Les adeptes de politique-fiction s’amuseront à imaginer lesmines médusées que l’on aurait pu voir au siège de Washing-ton lors de son discours d’investiture, en cas d’élection.Aurélie Trouvé est économiste de formation, ce qui lui faitdire avec malice, qu’elle a «plus de compétences et connaîtmieux le sujet» que Christine Lagarde. Née à Chauny, enPicardie, en 1979, elle a grandi dans une famille politisée,«évidemment à gauche, très liée aux milieux associatifs».A Toulouse, elle étudie l’agronomie et s’oriente vers l’écono-mie, se spécialisant dans les politiques agricoles européen-nes, sujet de sa thèse de doctorat soutenue en 2007. Depuis,maître de conférences à Dijon, elle multiplie les allers-retoursentre la Bourgogne, Montreuil où elle vit avec sa fille et soncompagnon, et Paris «où la plupart de la recherche se fait».Parallèlement, elle s’astreint à sillonner les comités locauxd’Attac, «au moins une fois par mois».Aurélie Trouvé, qui refuse de dire pour qui elle votera à la pré-sidentielle, se définit comme «un pur produit d’Attac». Venueà l’altermondialisme par un professeur d’économie, JacquesBerthelot, elle commence à militer en 2002, au sein d’AttacCampus, coordination estudiantine du mouvement. L’asso-ciation, fondée en 1998, estalors à son apogée, multiplieles meetings et fait sensationà Gênes ou dans le Larzac.Elle gravit les échelons del’organisation qui comportealors une trentaine de mil-liers de membres.L’année 2006 marque untournant. Le mouvement esten perte de vitesse et l’élec-tion d’un nouveau conseild’administration est enta-chée par la révélation d’unefraude. Les militants, dont certains fondateurs, désertentAttac. Aurélie Trouvé confie que cette période a été «difficileà tous les niveaux»: «Je voyais des amis partir. Il fallait ramenerla base au cœur de l’assoce.» Elle se présente au scrutininterne, devient coprésidente, est réélue en 2009. L’associa-tion compte une dizaine de milliers de membres et salariequatre personnes à plein-temps dans ses petits locaux de l’estparisien.Son mandat s’achève dans un an et demi. Elle ne souhaite passe représenter, aimerait voir ailleurs «en gardant toujours unlien avec Attac, [sa] famille». Faire évoluer l’association versplus de collégialité aussi, relancer le conseil scientifique et,surtout, voudrait «humaniser le discours, en mettant plus deporte-parole en avant, en multipliant les interlocuteurs». Sa can-didature au FMI serait-elle une manière pour Attac de per-sonnaliser le débat, de profiter d’un «effet Besancenot»? Elleréfute avant de concéder qu’effectivement «ça peut aider»et de saluer la décision du trotskiste de refuser de se présenterà la présidentielle pour éviter la surmédiatisation.Le mouvement altermondialiste, dans sa forme organisée,a aujourd’hui une quinzaine d’années. Il a perdu une part desa puissance mobilisatrice et de sa renommée médiatique.«Le bilan d’Attac et d’autres organisations est complexe, recon-naît-elle, D’un côté, on voit Sarkozy faire voter la taxe Tobin enrécupérant le débat. Plus personne n’ose se présenter commenéolibéral. La recherche, dans tous les domaines, est de plus enplus portée vers nos thématiques. Mais, à l’inverse, les gouverne-ments et les politiques n’ont jamais été aussi dangereux. Il y aune réelle inadéquation.» Elle se dit intéressée par le mouve-ment des Indignés espagnols, estimant que ce genre d’initia-tive «interpelle les organisations classiques» comme Attac parleur spontanéité et leur force: «Nous vivons dans une époqueoù l’on voit proliférer des dizaines de micromouvements dispa-rates, qui viennent de la base, qui ont des objectifs précis. Histo-riquement, nous sommes dans un état proche de l’explosion, quirappelle l’avant-Front populaire, ou le pré-Mai 68. Il y a unerupture entre la situation sociale et les politiques.»Le décalage n’est pas seulement idéologique, il est aussi for-mel. Trouvé est venue à Lagarde, mais Lagarde n’est pas ve-nue à elle. Trouvé semble déçue de n’avoir reçu «aucune ré-ponse» de la lettre envoyée à la favorite des bookmakers pourla succession de DSK au FMI. Un courrier qu’elle avait pour-tant très cordialement conclu en demandant à madame laministre, d’agréer ses «salutations altermondialistes». •

Par CLÉMENT GHYSPhoto FRÉDÉRIC STUCIN. MYOP

EN 5 DATES

1979 Naissance à Chauny(Aisne). 2002 Milite au seind’Attac Campus. 2006Devient coprésidented’Attac. 2007 Soutient sathèse d’économie à Dijon.9 juin 2011 Déclare sacandidature à la têtedu FMI dans une lettrepublique à ChristineLagarde.

L e scénario a déjà été écrit, et tourné. En 1939, dansMr. Smith au Sénat, Frank Capra décrit l’arrivée inat-tendue d’un jeune boy-scout idéaliste et naïf (JamesStewart) dans les arcanes du pouvoir, à Washington.

Mais les chances étaient d’emblée maigres pour que le scriptdevienne réalité dans le cas d’Aurélie Trouvé, économiste de31 ans et coprésidente de la branche française de l’associationaltermondialiste Attac, qui a annoncé le 9 juin sa candidatureà la tête du FMI. Plusieurs raisons à cela. Primo, la jeunefemme n’a de commun avec les boy-scouts ni la naïveté nile genre, seulement un certain idéalisme. Deuzio, tous lesexperts ont parié sur l’élection à la tête de l’institution finan-cière de la ministre frenchy Christine Lagarde.Dans les locaux d’Attac, la jeune femme brune, en jeans, unpeu gênée d’être ainsi portraitisée, qualifie sa candidaturede «blague devenue sérieuse». Tout est parti des réseauxsociaux, Facebook ou Twitter – elle ne sait plus très bien –où des activistes ont émis l’idée d’un candidat de l’associa-tion. L’information est remontée, et une phrase a commencéà circuler: «Aurélie au FMI!» Elle a hésité, un peu, avant de

Coprésidente d’Attac-France, cette économiste de 31 anss’est symboliquement portée candidate à la tête du FMI.

Lagarde-barrière

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNathalie CollinNicolas Demorand Associéeunique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €.Coprésidents du directoire Nathalie CollinNicolas Demorand Directeur de la publication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertSylvain BourmeauPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher(éd. électronique)Christophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotOlivier Wicker (Next)Directeur artistique Alain BlaiseRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois(édition)Grégoire Biseau (éco-terre) Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et RichardPoirot (éd. électronique) Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] du développement Max ArmanetABONNEMENTS& 03 22 19 25 [email protected]É Directrice générale d’Espaces Libération Marie Giraud Espaces Libération 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67Publicité commer ciale,littéraire, financière, arts et spectacles. Publicitélocale et parisienne.Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),Imprimé en France Tirage du 28/06/11: 159 383

exemplaires. Membrede OJD-DiffusionContrôle. CPPP : C80064. ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteurs quela responsabilité du jour nal nesaurait être engagée en cas denon-restitution de documents

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H. I. Semble bien s’amuser à l’horizontale. - II. Lematin. - III. Travaux aisément réalisables à la bineHe.- IV.Ne devient vraiment libre qu’après demi touret répétition.Ce président costaricain donna sonnom à un plan de paix pour l’Amérique centralequi lui valut le Nobel en 1987. - V. Petite giroueHeen étamine sur le pont du bâtiment. Homme decoeur. - VI. Soit. Jours de planche dans la marine.- VII. Les occasionsde les croiser nemanquentpas.Bien installés en Espagne. - VIII. Objet de toutesles aHentions du Dr. Gariberts dans ces pages.Salut. - IX. Prochaine victimedesmarchés après laGrèce peut-être. Un élément souvent contrariant.- X. Fort utile précision. - XI. Couverte de terre.V. 1. Ennuie unpotentat russe. - 2. Bouffen’importequoi. Pronom. - 3. Une larve qui rend les peaux devache inutilisables. Trous des Iles. - 4. Toujours debon conseil pour les marchés. Peut faire mal aucrâne. - 5. Sorte de caryatide en version mâle.Neporte jamais rien à la remontée. - 6. Ali succéda àson successeur. Pas un fana de la bombe, c’est lemoinsqu’onpuissedire. - 7. Fondateurd’unegrandeécurie de F 1 à la fin des années 70. Le liménien. -8. Embellis. - 9. Toile fort absorbante.

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LES MOTS D’OISEAU G EEED

H:I. Déglingue. II. Epuisants. III.Diète.OIT. IV.OST.Roula.V.Miston. IM.VI.Mo.RI. PSU.VII.AHestées.VIII.Goum.Aléa. IX. Embaume.X.Nie.Minot. XI. Terrestre.V:1. Dédommagent. 2. Episiotomie. 3. Guets. Tuber. 4.Lit. Tréma. 5. Isérois. Umé. 6. Na. On. Tamis. 7. Gnou.Pèlent. 8. Utilisée.Or. 9. Est amusante.

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Tournoi de New-Delhi, Inde 2011Les Blancs jouent et gagnentB. Sasikiran N. LaznickaUne championne du monde hors de formeTenante du titre mondiale féminin en 2010, 3ejoueuse du monde à l’heure actuelle, meilleurejoueuse junior de la planète, Hou Yifan n’est pasdans son assieQe au tournoi de prestige AAI (AiportsAuthority of India) de New-Delhi. Dans la premièrepartie de l’épreuve, elle n’ a remporté aucun pointentier au bout de 5 parties. Il est vrai qu’elle est lamoins bien cotée des 6 grands maîtres de classemondiale qui participent à ce tournoi sur invita-tion et qu’elle a pris un bien mauvais départ. Après 5 rondes, le classement est le suivant: 1erCaruana (Ita) 4 pts; 2e Laznicka (Cze) 3,5 pts; 3eSasikiran (Ind, 2676); 3e So (Phi) 2,5 pts; 4e Negi(Ind, 2622) 1,5 pt; 6e Hou Yifan (Chn) 0,5 pt. Voici la partie qui lui a certainement sapé le moral:NNeeggii ((22662222)) -- HHoouu YYiiffaann ((22661122)) 2e ronde 11..ee44 cc55 22..CCff33CCcc66 33..dd44 ccxxdd44 44..CCxxdd44 gg66 La célèbre variante duDragon, quoi de plus naturel pour une Chinoise ?55..CCcc33 FFgg77 66..FFee33 CCff66 77..FFcc44 00––00 88..FFbb33 dd66 99..ff33 FFdd771100..hh44 aa55 1111..aa44 hh55 Un nouveau coup. 1122..DDdd22 TTcc88 1133..00––00––00 CCee55 1144..FFgg55 TTcc55 1155..RRbb11 TTee88 1166..TThhee11 DDcc88 1177..ff44CCcc44 1188..DDdd33 CCgg44 1199..TTee22 ff66 2200..ee55 ddxxee55 [20...fxg521.Ce4 Tc7 22.exd6 exd6 23.Cxd6+-] 2211..ffxxee55 ffxxgg552222..ee66 FFcc66 2233..FFxxcc44 CCee55??!! [23...Rh7÷] 2244..TTxxee55!! TTxxee552255..DDxxgg66 TTff88 2266..CCxxcc66 [26.Fd3] 2266......bbxxcc66 2277..FFdd33 TTff662288..DDhh77++ RRff88 2299..hhxxgg55 TTxxgg55 3300..CCee44++-- TTgggg66?? 3311..CCcc55Le coup que Hou n'a pas vu. 3311......TTgg55 3322..CCdd77++ 11––00..

L’ex-champion du monde FIDE Alexander Khalif-man vient de pousser gaillardement son pion enc5, et l’on a du mal à croire qu’il n’a pas vu le sim-ple: 11......TTxxff22++!!, sans réplique valable. Les blancs aban-donnent, car après 2.Rxf2 Fxe3+ et 3.Fxç1, ils n’ontplus qu’à changer de métier. JJeeaann--PPiieerrrree MMeerrcciieerr

SOLUTIONOMPN

w ECHECS .,/- NIVEAU ,

yzyzyzozjydyzqzqyzyzqzqzeskyzyzywzyawzyzzrzyguzyyfyzykwkzylyzyzy

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice Nice

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Limoges

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice

Ajaccio

NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréfort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

1 m/15º

MMAATTIINN Des orages le matin des Alpesaux frontières du nord-est. Plus fraiset sec près de l'Atlantique. Grisailledans le Sud-Ouest.

AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Localement orageux àl'est. Sec avec des éclaircies ailleurs. Plusfrais que la veille. Grisaille persistanteprès des Pyrénées.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

SELECTION MIN/MAX

AlgerBruxellesJérusalemLondresBerlinMadridNew York

Neige

1 m/15º

1 m/20º

0,3 m/20º

0,3 m/18º

0,6 m/20º

MERCREDI���

De belles et larges éclaircies en pers-pective. En revanche, les températuressont à peine de saison.

JEUDI���Temps plutôt ensoleillé dans l'ensem-ble, avec des températures qui reste-ront tout juste de saison.

VENDREDI��ER

0,6 m/22º

0,3 m/16º

12/2219/2515/23

20/2413/2320/3120/33

22/2613/2317/2812/2015/2815/3316/27

14/209/2011/198/21

12/2322/2817/26

0,6 m/15º

0,3 m/15º

0,3 m/20º

0,3 m/18º

0,6 m/20º

1 m/15º

0,6 m/15º

0,6 m/20º

0,3 m/18º

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LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 JEUX­METEO • 31

Page 40: Liberation Du 29 06

: Clouer les bandes

protégeant les arêtes

des bagages.

Atelier

Louis Vuitton.

Cré

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