Liberation Vendredi 29 Avril 2011

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REUTERS L’Egypte met les Palestiniens d’accord PROCHE-ORIENT L’accord entre le Hamas et le Fatah, conclu à la surprise générale mercredi au Caire, fait jubiler les Egyptiens, qui signent là le premier succès de la nouvelle orientation de leur politique internationale. Les délégués des deux factions rivales palestiniennes ont annoncé avoir surmonté toutes leurs divergences, y compris sur l’unifi- cation de leurs forces de sécurité. Après plus d’un an et demi de blocage complet, l’accord prévoit la formation d’un gouvernement de transition, en attendant des élections (présidentielle, législatives et Conseil national palesti- nien) d’ici à la fin de l’année. Il inclut également la libération de prisonniers politiques détenus par l’Autorité pales- tinienne. L’ensemble des mouvements palestiniens doit se réunir au Caire dans les prochains jours afin d’avaliser cet accord, qui pourrait marquer un tour- nant au Proche-Orient et secouer un processus de paix totalement paralysé depuis septembre 2010 PAGES 4-5 Le Conseil Karmitz renonce Objet de polémiques dès son installation en 2009, le Conseil pour la création artistique, présidé par le fondateur de MK2, a décidé de s’autodissoudre. PAGE 33 PRINCE- MOI, JE RÊVE! TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LE MARIAGE ROYAL SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER PAGES 28-29 REUTERS Marrakech, place terreur Hier, un attentat perpétré en plein centre de la cité marocaine a fait 15 morts, dont 6 Français. PAGES 2-3 EXEMPLAIRE OFFERT. NE PEUT ÊTRE VENDU 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9318 VENDREDI 29 AVRIL 2011 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Page 1: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

REU

TERS

L’Egypte met lesPalestiniens d’accordPROCHE­ORIENT L’accord entre leHamas et le Fatah, conclu à la surprisegénérale mercredi au Caire, fait jubilerles Egyptiens, qui signent là le premiersuccès de la nouvelle orientation de leurpolitique internationale. Les déléguésdes deux factions rivales palestiniennesont annoncé avoir surmonté toutesleurs divergences, y compris sur l’unifi-cation de leurs forces de sécurité.Après plus d’un an et demi de blocagecomplet, l’accord prévoit la formationd’un gouvernement de transition, en

attendant des élections (présidentielle,législatives et Conseil national palesti-nien) d’ici à la fin de l’année. Il inclutégalement la libération de prisonnierspolitiques détenus par l’Autorité pales-tinienne. L’ensemble des mouvementspalestiniens doit se réunir au Caire dansles prochains jours afin d’avaliser cetaccord, qui pourrait marquer un tour-nant au Proche-Orient et secouer unprocessus de paix totalement paralysédepuis septembre 2010

PAGES 4­5

Le ConseilKarmitzrenonceObjet depolémiques dès soninstallation en2009, le Conseilpour la créationartistique, présidépar le fondateur deMK2, a décidé des’autodissoudre.

PAGE 33

PRINCE­MOI,JE RÊVE!TOUT CE QUE VOUSAVEZ TOUJOURSVOULU SAVOIRSUR LE MARIAGEROYAL SANSJAMAIS OSERLE DEMANDER

PAGES 28­29 REU

TERS

Marrakech,place terreurHier, un attentatperpétré en pleincentre de la citémarocainea fait 15 morts,dont 6 Français.PAGES 2­3

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• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9318 VENDREDI 29 AVRIL 2011 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Un attentat à la bombe dans un café très fréquenté de la villea tué au moins quinze personnes dont six Français.La police évoque un kamikaze.

H ier en tout début d’après-midi,une terrible déflagration a souf-flé la terrasse du café-restaurantArgana, un lieu très fréquenté

par les touristes étrangers situé sur la placeJamâa el-Fna, en plein centre de Marra-kech. L’attentat –attribué par des témoinset un officiel marocain à un kamikaze quiaurait commandé un jus d’orange avant dedéclencher sa charge explosive, et pard’autres témoins à une valise piégée dépo-sée dans les lieux– a fait au moins 15 morts,la plupart étrangers.

PULVÉRISÉ. Six ressortissants français sontau nombre des victimes, parmi lesquelleson compte également d’autres Européens,des Tunisiens et trois citoyens marocains,selon la télévision publique 2M. Une ving-taine d’autres consommateurs ont été bles-sés, dont certains grièvement. Le premierétage du café, où de nombreux clientsavaient pris place pour avoir une vue sur laplace, a été pulvérisé par l’explosion. La fa-çade de l’établissement a par ailleurs été

dévastée. Un responsable de la préfecturede Marrakech a précisé que «des clous»avaient été trouvés «dans l’un des corps»,suggérant que la bombe était composéed’explosifs et de morceaux d’acier.«Il s’agit d’un acte terroriste, un acte crimineldélibéré, a affirmé Khalid Naciri, le ministremarocain de la Communication. Le Marocest confronté aux mêmes menaces qu’enmai 2003 et saura y faire face.» L’attentatd’hier est en effet l’attaque la plus meur-trière depuis les actions d’extrémistes isla-mistes à Casablanca, le 16 mai 2003, quiavaient fait 45 morts dont 12 kamikazes. En2007, une tentative d’attentat avait été dé-

jouée, toujours à Casablanca, mais seul l’undes trois kamikazes avait été tué.

ENQUÊTE. Le Maroc, un pays dont l’écono-mie est très liée au tourisme, avait plutôtété épargné depuis par les actions violentesainsi que par les révoltes qui secouent lemonde arabe depuis le début de l’année.Cependant, des manifestations en faveurde changements démocratiques ont eu lieuau mois de février et le roi Mohammed VIavait promis des réformes. Mi-avril, le mo-narque avait gracié de nombreux détenuspolitiques, dont des islamistes, dans ungeste d’apaisement à l’égard des contesta-taires.Le souverain, qui a succédé à son pèreen 1999, a immédiatement réagi à l’attentatd’hier pour le dénoncer et exiger que la po-lice et la justice tiennent le public informédes conclusions de leur enquête. De soncôté, le président français Nicolas Sarkozya condamné l’attentat dans un communi-qué et le parquet de Paris a ouvert une en-quête préliminaire confiée à la Directioncentrale du renseignement intérieur et à laSous-direction antiterroriste. •

Par GÉRARD THOMASL’ESSENTIEL

LE CONTEXTEL’explosion de Marrakech est l’attentatle plus meurtrier au Maroc depuis 2003.

L’ENJEUAucune organisation n’avait hier soirrevendiqué cet acte terroriste.

REPÈRES

400 m

Oliveraiede Babel Jédid

Jardin de l’Agdal

SquareFoucauld

QUARTIERDES TANNEURSSOUKS

KSOUR

ELMECHRA

Médina

PLACE

MARRAKECH

PalaisRoyal

Palaisel-Badi

Palais dela Bahia

Rue de la

Koutoubia

PosteBanque

Café deFrance

MosquéeMouassine

Maisondu Pacha

MosquéeBen Youssef

MosquéeSidi Bel Abbès

Koutoubia

50 m

Place Jamaâ el-FnaCafé Argana

N

A Marakkech, le Maroc frappé au cœur

MAROC

Saharaoccidental

ALGÉRIE

MALIMAURIT 500 km

Casablanca

Rabat

Marrakech

Sources : FMI, Pnud - chiffres 2010

MAROCPopulationEspérance de viePIBPIB par habitant114e sur 169 sur l’indicateur de développement humain

32 000 00071,84 ans

78 millards d’euros2 450 euros

M

Des enquêteurs examinent les débris sur le lieu de l’attentat, hier après­midi, à Marrakech. PHOTO YOUSSEF BOUDLAL . REUTERS

LES PRÉCEDENTS24 août 1994 Un grouped’islamistes ouvre le feudans le hall d’un hôtel deMarrakech, tuant deuxEspagnols et blessant deuxautres personnes.16 mai 2003 Casablancaest secoué par cinq atten­tats suicides qui font45 morts, dont 12 kamika­zes, et une centaine deblessés. La majorité desvictimes sont marocaines.13 août 2007 Un jeunekamikaze est grièvementblessé à Meknès en se fai­sant exploser avec unebonbonne de gaz près d’unautocar de touristes sansfaire de victimes.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 20112 • EVENEMENT

Page 3: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

A l’heure des révolutions, l’attentat renvoie le pays à ses années terroristes.

L’ombre jihadiste sur le printemps arabeA l’heure où le Maghreb et le Machrek sont

en pleine tourmente révolutionnaire, l’at-tentat d’hier à Marrakech sonne comme

un anachronisme. Il n’est pourtant pas si loin letemps des attentats spectaculaires me-nés par des émules d’Al-Qaeda. Le Ma-roc a connu, de 2003 à 2007, une vagued’attentats kamikazes qui a ébranlé le royaume.L’attentat d’hier semble renouer avec cette pé-riode sombre. Plusieurs éléments désignent eneffet la cible jihadiste. Le lieu d’abord, symboli-que et renommé: le café Argana est le plus connude la place Jamaâ el-Fna, elle-même la plus con-nue de Marrakech, la ville la plus touristique duroyaume chérifien. Les victimes ensuite: l’Arganaest connu pour être très fréquenté par les touris-tes et résidents étrangers. La cible et le mode opé-ratoire font penser aux attaques menées au milieude la décennie.Salafistes. La plus spectaculaire remonte au16 mai 2003, lorsque cinq attentats quasi-simul-tanés avaient été commis contre des restaurants,des hôtels et un cimetière juif. L’année suivante,plusieurs Marocains participaient aux attentatsvisant la gare d’Atocha, à Madrid (191 morts). En-fin en 2007, une série d’attaques avaient eu lieuà Casablanca: dans un cybercafé, dans un appar-

tement lors d’un raid policier et devant le consu-lat américain. A chaque fois, les auteurs venaientdes nombreux bidonvilles entourant la capitaleéconomique. Les groupuscules salafistes prospè-

rent dans cet environnement informelet abandonné par les institutions. Depetites cellules s’y radicalisent et pas-

sent à l’action sous l’impulsion d’un chef, à la foisguide spirituel et agent de liaison avec l’interna-

tionale jihadiste. Mais il y a aussi le cas de l’indi-vidu isolé, indétectable. En août 2007, à Meknès,un ingénieur, Hicham Doukkali, avait commisun attentat avec des explosifs qu’il avait confec-tionnés tout seul. Ce cadre moyen avait été blessé,sans toucher les touristes français visés.Pour mettre fin à cette série noire, le gouverne-ment avait multiplié les rafles dans les milieuxislamistes radicaux : ils seraient actuellement700 à 800 militants en prison. Parallèlement, leprogramme de construction destiné à remplacer

les bidonvilles a été accéléré, même si la tâche estsans fin tant la misère est grande. Notamment àMarrakech, où les achats massifs de riads dans lamédina attisent les rancœurs.Combattants. Sous la pression policière, les fi-lières jihadistes se sont réorientées vers l’envoide combattants en Irak. Depuis peu, la menacevient aussi du sud : 27 membres d’Aqmi (Al-Qaeda au Maghreb islamique) ont été arrêtés et

une cache d’armes a été démanteléeau Sahara occidental.Même si le Maroc n’avait plus connud’attentat depuis 2007, les rafles demasse et les procès expéditifs sepoursuivent à un rythme soutenu,sans qu’on sache vraiment si les in-

dividus arrêtés s’apprêtent vraiment à passer àl’action ou s’il s’agit des «suspects habituels»,tant les dossiers d’instruction sont opaques.Pour la première fois depuis longtemps, le roi Mo-hammed VI avait fait élargir, le 14 avril, 96 pri-sonniers politiques, dont des membres de la Sala-fia jihadia, responsable des attentats de 2003,dans le cadre de ses efforts pour calmer les velléi-tés révolutionnaires. Il y a de fortes chances quecette grâce soit la dernière avant longtemps.

CHRISTOPHE AYAD

Par NICOLAS DEMORAND

TragiqueLe terrorisme a resurgihier à Marrakech. Surcette miraculeuse placeJamaâ el-Fna, venue d’unautre temps que l’écrivainJuan Goytisolo décrivaitdans le Monde diplomatiquecomme un «univers defripiers et de porteursd’eau, d’artisans et degueux, de maquignonset de voyous, de filous auxmains soyeuses, de simplesd’esprit, de femmesde petite vertu, de fortsen gueule, de garnements,de débrouillards,de charlatans,de cartomanciens, detartufes, de docteurs à lascience infuse». Tout unmonde inscrit par l’Unescoau patrimoine immatérielde l’humanité, où unebombe a donc explosé.Comme le tragiquesouvenir d’une époqueque le printemps arabesemblait avoir congédiée.Car depuis des mois queces peuples se battent, ilsne se sont pas seulementdébarrassés d’autocratesvieillissants. Ils n’ont passimplement arraché desréformes aux régimesencore en place. Dans lemême mouvement, ils ontégalement disqualifiéles groupes terroristes,les apôtres de la violenceaveugle qui prospèrent surle terreau des dictatures etrevendiquent le monopolede l’opposition radicale.Renvoyés à leur néant.Pas un de leurs slogansne fut repris dans lesmanifestations de Tunis,du Caire ou de Casablanca.A aucun moment n’a surgi,chez ces peuples,l’hypothèse terroriste.L’attentat de Marrakechcible autant les touristesque le printemps arabe.S’il n’inversera pas lecours de cette histoire,espérons qu’il n’offrira pasaux appareils policiers unprétexte pour mater lesaspirations démocratiques.

ÉDITORIAL

A Marakkech, le Maroc frappé au cœur

ANALYSE

Offrant une vue imprenable sur la place Jamaâ el­Fna, le café Argana est très prisé des touristes. PHOTO YOUSSEF BOUDLAL . REUTERS

Pour mettre fin aux attentats des années2000, le gouvernement avait multiplié lesrafles dans les milieux islamistes: ils seraientactuellement 700 à 800 militants en prison.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 • 3

Page 4: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

LafamillepalestinienneseressoudeauCaireLe Hamas et le Fatah ont signé, mercredi,un accord parrainé par le nouveaupouvoir égyptien.Par CLAUDE GUIBALCorrespondante au Caire

R éconcilier les frères ennemis pales-tiniens. De longues années, HosniMoubarak s’y est cassé les dents.Pas ses successeurs. L’accord entre

le Hamas et le Fatah, conclu à la surprise gé-nérale mercredi au Caire, fait jubiler lesEgyptiens, qui signent là le premier succèsde la nouvelle orientation de leur politiqueinternationale. Joviaux, les délégués des deuxfactions rivales ont annoncé avoir surmontétoutes leurs divergences, y compris sur l’uni-fication de leurs forces de sécurité.Après plus d’un an et demi de blocage com-plet, l’accord prévoit notamment la forma-tion d’un gouvernement de transition, en at-

tendant la tenue d’élections d’ici à la fin del’année. Un scrutin simultané, regroupantprésidentielle, législatives et élections auConseil national palestinien, le parlement in-terne de l’OLP. Il inclut également la libéra-tion de prisonniers politiques déte-nus par l’Autorité palestinienne.L’ensemble des mouvements pales-tiniens doit se réunir au Caire dans les pro-chains jours afin d’avaliser cet accord, quipourrait marquer un tournant au Proche-Orient et secouer un processus de paix tota-lement paralysé depuis septembre 2010, datedu refus d’Israël de proroger un moratoire surla colonisation.

RODOMONTADES. La composition du futurgouvernement reste à déterminer. En raison

du maintien du Hamas sur la liste des organi-sations considérées comme terroristes par lesEtats-Unis et l’Union européenne, aucunmembre du mouvement islamiste ne devraitfigurer parmi les ministres, au risque de voircoupé le robinet des financements de l’Auto-rité palestinienne, essentiellement assuréspar les instances internationales. Des per-sonnalités «indépendantes», au profil detechnocrates, devraient ainsi gérer les affai-res courantes en attendant la tenue des élec-tions. Ce rapprochement inattendu des grou-

pes palestiniens, appuyé par lanouvelle donne régionale, pourraitmodifier l’équilibre des forces au

moment où l’Autorité palestinienne entenddemander la reconnaissance de l’Etat de Pa-lestine devant l’assemblée générale des Na-tions unies en septembre prochain.A couteaux tirés depuis la prise de contrôle dela bande de Gaza par le Hamas en 2007, lesdeux mouvements ne communiquaient plusque par le truchement d’Omar Suleiman, lepuissant chef des services de renseignementsde Moubarak. Mais son éphémère nomination

à la vice-présidence, pendant la révolution,a envoyé dans les limbes un homme dontl’aversion affichée envers le mouvement isla-miste n’a guère aidé à faire aboutir les précé-dentes négociations. Hosni Moubarak, éternelparrain du processus de paix et principal sou-tien du Fatah de Mahmoud Abbas, ne cachaitpas non plus son exaspération devant les ro-domontades du Hamas qui, à plusieurs repri-ses, a fait capoter à la dernière minute des ac-cords négociés par le Caire. En incarnant cerôle de «sage» du Proche-Orient, l’ex-raïspensait s’assurer auprès de Washington et dela communauté internationale le soutien né-cessaire à sa stabilité. En vain: le souffle dujasmin tunisien, qui a enflammé les rueségyptiennes jusqu’à son départ le 11 février,a eu raison de cette certitude.Conscient que la coopération affichée par leraïs avec Israël avait contribué à son impopu-larité, le nouveau pouvoir égyptien a multi-plié les déclarations, promettant un change-ment de stratégie, basée sur une attitude plusrigide à l’égard de l’Etat hébreu. L’accordentre les Palestiniens devrait vraisemblable-

RÉCIT

Azzam al­Ahmed, du Fatah (à gauche), Moussa Abou Marzouk (centre) et Mahmoud al­Zahar (droite), tous deux du Hamas, mercredi, au Caire. PHOTO KHALIL HAMRA. AP

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 20114 • MONDE

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REPÈRES

«Nous escomptonsque cet accordentre le Fatahet le Hamasfavorisera lesnégociations de paixavec Israël.»Mahmoud Abbasprésident palestinien, hier

Le Hamas (Mouvement derésistance islamique) a étécréé en 1987. Son objectifest la destruction de l’Etatd’Israël et la création d’unEtat islamique palestinien«élargi» (Israël, Cisjordanie,Gaza). Il prône la résis­tance armée contre Israël.Khaled Mechaal est actuel­lement à sa tête.

LES ÉLECTIONS EN PALESTINE

w La présidentielle se déroule au suffrage universel direct. La der­nière, en 2005, a été remportée par Mahmoud Abbas, qui assurel’intérim depuis 2009 et la fin de son mandat, puisque l’absenced’accord entre Fatah et Hamas empêchait la tenue de l’élection.w Les législatives permettent la désignation du Conseil législatifpalestinien. Le Hamas est sorti grand vainqueur du scrutinde 2006, avec 74 sièges sur 132. Participent aux votes les élec­teurs de le bande de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem­Est.

Le Fatah (Mouvement nationalpalestinien de libération) estfondé en 1959 par Yasser Arafat.Un temps privilégiée, la luttearmée est progressivementabandonnée à la fin desannées 80 au profit d’une actionpolitique pour une reconnais­sance de l’Etat palestinien parIsraël. Mahmoud Abbas, le pré­sident palestinien, dirige le parti.

ISRAËL

Mer

Méd

iterr.

MerMorte

Bandede Gaza

Cisjordanie

SYRIE

JORDANIE

50 km

Tel-Aviv

Jérusalem

ÉGYPTE

Avigdor Lieberman, le ministre israélien desAffaires étrangères, a menacé hier l’Autoritépalestinienne d’un «vaste arsenal de mesures»de rétorsion à la suite de l’accord. SelonLieberman, cet accord, «qui a franchi la lignerouge», va se traduire «par la libération decentaines de terroristes du Hamas détenuspar l’Autorité palestinienne» en Cisjordanie.Le Hamas estime pour sa part à «unecentaine» le nombre de ses militants détenuspar l’Autorité. Ehud Barak, ministre de laDéfense, a souligné que «l’armée et lesservices de sécurité useront d’une main de fer

pour faire face à toute menace».Réagissant dès mercredi soir, le Premierministre, Benyamin Nétanyahou, avait poursa part affirmé que Mahmoud Abbas,président de l’Autorité, devait «choisirentre la paix avec Israël et la paix avec leHamas» qui contrôle la bande de Gaza. Enrevanche, Haïm Ramon, un des dirigeantsdu Kadima, le principal parti d’oppositioncentriste, a appelé le Premier ministre àprésenter un plan de paix: «Le statu quoest une catastrophe d’un point de vuepolitique et sécuritaire pour nous.»

POUR ISRAËL, «LA LIGNE ROUGE A ÉTÉ FRANCHIE»

ment marquer le retour de l’Autorité palesti-nienne dans la bande de Gaza, condition sinequa non avancée par l’Egypte pour rouvrirde façon permanente le terminal de Rafah etdésenclaver l’étroit territoire palestinien. Unsouffle qui pourrait contribuer à désamorcerles tensions à la frontière, alors que la situa-tion sécuritaire très volatile dans le nord duSinaï est considérée comme «inquiétante»par des sources diplomatiques.

PRÉREQUIS. L’accord interpalestinien s’ap-puie en partie sur la médiation menée depuisplus d’un mois par le successeur d’Omar Su-leiman, Mourad Muwafi, ex-gouverneur duNord-Sinaï et ancien directeur des servicesde renseignements militaires, qui avait habi-lement géré la réouverture partielle de Rafahl’été dernier.Autre effet essentiel de la révolte arabe,l’ébullition syrienne a elle aussi contribué àassouplir les positions de Khaled Mechaal.

Le chef du Hamas en exil à Damas a long-temps affiché une attitude plus intransi-geante que la branche gazaouie du mouve-ment, contrainte à plus de pragmatisme.Mais le chaos auquel fait face Bachar al-As-sad oblige désormais Khaled Mechaal à assu-rer ses arrières en profitant de la nouvelledonne régionale.La réconciliation des factions palestiniennesétait considérée comme un préalable incon-tournable pour une reprise sérieuse du pro-cessus de paix. L’autre prérequis exigé par leQuartette (Etats-Unis, Union européenne,Russie et ONU) concerne l’arrêt des vio-lences et la reconnaissance de l’Etat d’Israël.Le Hamas y est théoriquement toujours op-posé mais, au Caire, Mahmoud al-Zahar, l’unde ses chefs, a assuré, sibyllin, qu’il n’y feraitpas obstacle : «Si le Fatah est prêt à assumerla responsabilité de négocier sur des absurdités,qu’il le fasse. S’ils parviennent à obtenir unEtat, tant mieux pour eux.» •

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 MONDE • 5

Page 6: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

Syrie:larévolteenpetitscomitésPartie dans un élan improvisé, la contestation se structureen «coordinations» dans les villes et villages, accueillantdes nouveaux venus qui y croient de plus en plus.Par HALA KODMANICorrespondance à Damas

«O n m’aurait décrit, il y a unmois, le mouvement decontestation tel qu’il évolueaujourd’hui dans différen-

tes villes du pays, j’aurais répondu quec’était de la pure fiction !» raconte unquadragénaire de la petite bourgeoisiesyrienne que l’on appellera Hassan.Fraîchement rallié à la protestation, ilcommence pourtant à croire à ce «sur-saut de dignité face à un ré-gime qui n’a rien à offrir».Comme l’écrasante majoritéde la population syrienne, ce salarié duprivé s’intéressait peu à la vie publique.Il appréciait même la «stabilité» politi-que et l’ouverture économique de cesdernières années et croyait à la volontéde réformer du président Bachar al-As-sad.Pourtant, ce provincial, installé à Da-mas depuis longtemps, n’a pas pu resterindifférent face au soulèvement des ha-bitants de son village d’origine (dont ilpréfère que nous taisions le nom), nisurtout face à la répression féroce qu’ilssubissent. Il est donc désormais mobi-lisé pour soutenir la révolte, avec sescousins, leurs voisins et une grandepartie des notables de son village.

BERCEAU. Comment a donc pu s’orga-niser en si peu de temps un mouvementde l’ampleur observée au moment desmanifestations de vendredi dernier,d’un bout à l’autre du territoire syrien,alors que tout l’espace public est ver-rouillé depuis des décennies ? L’étatd’urgence en vigueur interdit le ras-semblement de plus de trois personnesdans un lieu public, et les services desécurité et de renseignement infiltrentet surveillent systématiquement tout lemonde. En outre, les écoles, les univer-sités, les organisations de jeunesse, lessyndicats, les unions professionnelles,les médias, bien sûr, et même les mos-quées sont sous le contrôle étroit duparti Baas au pouvoir.Le mouvement de contestation s’est dé-veloppé spontanément et de façon im-provisée dans les différentes localitéssyriennes. Mais, depuis deux semainesenviron, il commence à se structurer.De nouvelles tansiqyat (mot arabe signi-fiant coordination) se créent tous lesjours dans les villes et villages du pays,et plus d’une dizaine d’entre elles ont

désormais leurs pages Facebook. Ontrouve bien sûr les tansiqyat de Deraa,Homs, Alep, Tartous, les principalesvilles du pays, mais aussi des coordina-tions dans plusieurs faubourgs et quar-tiers de Damas, comme Douma, Barzehou Midan, où des manifestations ontégalement éclaté.C’est donc très localement que la con-testation est apparue et s’est implantéeici et là, souvent motivée par le mécon-tentement de la population à l’égardd’un gouverneur corrompu ou d’un

chef de la sécurité trop zélé.«La pression et la répressiondu pouvoir ont poussé ce sou-

lèvement populaire à s’organiser», rap-pelle une native de Deraa, berceau,place forte et ville martyre de la révolte.Au lendemain de l’arrestation d’ungroupe d’adolescents de la ville, «c’estla mobilisation des familles, puis des chefsde tribus, dans cette région agricole auxréflexes bédouins, qui a donné forme aumouvement».

FUNÉRAILLES. Comme à Deraa, des co-mités locaux d’habitants et de jeunes sesont peu à peu constitués pour appeleraux manifestations, notamment à lasortie des prières du vendredi, puispour venir en aide aux blessés et orga-

niser les funérailles des «martyrs». Larépression, mais aussi «les campagnesd’intox et de manipulation médiatique etsécuritaire du régime ont révolté et soudéles gens», confirme un habitant deHoms, où «des bandes de salafistes»auraient semé la mort parmi la popula-tion, la semaine dernière, selon les mé-dias officiels. Peu à peu, des notables,des personnalités religieuses locales,ainsi que des ingénieurs, des avocats etdes médecins rejoignent les comités lo-caux, donnant plus de consistance aumouvement.Evoluant désormais en «coordina-tions», ces comités formés par coopta-tion parmi les habitants, dans les quar-tiers, les familles et les voisinages,apprennent à se protéger contre les in-dicateurs et les infiltrés du régime. Ilsmènent au jour le jour leurs actions sur

REPORTAGE

Défilés, vendredidernier, contre lerégime à Damas(en haut) et Homs(en bas), où unmanifestantblessé estsecouru par lafoule. PHOTOS AP(EN HAUT) ET REUTERS

REPÈRES

«[Les soldats] ontvidé les étagèresdes pharmaciesafin qu’on ne puissepas soigner lesblessés. Contre nousils font les lions,mais ce sont desagneaux face auxIsraéliens.»Abu Yousef al­Asemeeun habitant de Deraa

Mer

Méd

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anée

S Y R I E

Damas

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DeraaIS

LIBAN

TURQUIE

JORDANIE

IRAK

100 km

500C’est le nombre de mortsdepuis le 15 mars et ledébut du conflit en Syrie,selon l’organisationsyrienne des droits del’homme Sawasiah.

DES DÉFECTIONSAU PARTI BAASFormation fondée en 1947,le Baas est au pouvoir enSyrie sans discontinuerdepuis 1970. L’adhésionau parti est fortementconseillée aux Syriens quiveulent accéder à un cer­tain niveau de responsabi­lité dans la fonctionpublique. Ces derniersjours, 230 membres, soitune infime minorité, ontfait défection pour protes­ter contre la répression.

le terrain, relayés par les cyberacti-vistes, qui donnent une cohésion natio-nale au mouvement, par exemple enfaisant le lien entre les différentes coor-dinations. Les informations et les ap-pels, mais aussi les vidéos, sont envoyéspar SMS ou messages privés sur Face-book à la communauté en ligne, dontles membres se trouvent à l’intérieurcomme en dehors du pays. Ainsi, lapage «Syrian Revolution 2011», la plusimportante sur le réseau social, est-ellealimentée directement par ses120000 membres et des gestionnairesqui centralisent les informations et lan-cent les mots d’ordre de la mobilisation.

MESSAGES. Dans le même temps, desmouvements sur le terrain, comme lesappels au secours ou les invitations àmanifester, sont signalés par SMS à lapopulation par des correspondants dif-ficilement identifiables. Aujourd’hui, ilest impossible de passer une heure encompagnie d’un habitant de la capitalesyrienne sans que son portable ne semette à vibrer pour annoncer «un ras-semblement à la faculté de médecine deDamas» ou «une descente des forces desécurité dans tel quartier», mais aussipour signaler d’autres messages, que lesabonnés détectent instinctivement

comme venant des servi-ces de sécurité. Le régimea embauché et formé plusd’un millier d’agentspour surveiller et infiltrerles comptes Facebook sy-riens. Une mesure très in-suffisante : les contesta-

taires revendiquent une nettesupériorité technologique sur les spé-cialistes travaillant pour le pouvoir.En outre, «de nouveaux activistes, auxprofils tout à fait insoupçonnables, sont deplus en plus nombreux à participer aumouvement, souligne Hassan qui en estun bon exemple. Même des fonction-naires de diverses administrations aidentclandestinement les protestataires, no-tamment en leur fournissant des informa-tions de l’intérieur du système». C’estainsi que l’on a pu trouver, il y a quel-ques jours, sur les réseaux, la copie d’unplan que les services de sécurité allaientmettre en place pour contrer les mani-festations. «Depuis que le mur de la peurest tombé, les gens découvrent tous lesjours davantage la fragilité et la médio-crité du régime, conclut Hassan. Et ils enprofitent !» •

«De nouveaux activistes, aux profilstout à fait insoupçonnables, sont deplus en plus nombreux à participerau mouvement.»Hassan manifestant contre le régime

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 20116 • MONDE

Page 7: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

Des soldats investissent les foyers de contestationalors que l’opposition appelle à manifester.

Deraa quadrillé,la répression s’étendD eux logiques, l’une pas moins

inflexible que l’autre : celle durégime, qui s’est engagé dans

une répression à ce point systématiquequ’elle ne lui permet plus de marge demanœuvre; et celle de la contestationqui, ayant retrouvé la rue pour la pre-mière fois depuis 1982, se refuse de lâ-cher prise sous peine d’avoir versé sonsang pour rien et de subir, si le mouve-ment s’arrête, les piresexactions. Hier, les «Jeunesde la révolution syrienne»ont appelé de nouveau surFacebook à un «vendredi dela colère» en solidarité avecDeraa, où la protestation acommencé il y a six semai-nes et où la situation apparaît à présentcatastrophique.Selon des témoignages de résidents re-cueillis par l’agence Reuters, quelque50 tanks de la 4e Brigade mécanisée,commandée par Maher, le frère cadetde Bachar al-Assad, ont été déployésdans la ville. «Les soldats des forces spé-ciales sont entrés avec des chars T-72 etT-54 et ont organisé un bouclage total dela ville. Plus de nourriture, plus de médi-caments, et ils tirent sur les réservesd’eau. Puis, ils l’ont comme découpée enmorceaux, chaque quartier étant isolé del’autre», confirme Haytham Manna, quidirige depuis Paris la Commission arabedes droits humains.«Nous avons recensé les noms de 41 tués,dont une fillette de 6 ans, Majd Risai, etune fille de 15 ans, Shiraz Batak. Quatred’entre eux sont des réfugiés palestiniens.Nous avons aussi 40 disparus et quelque200 personnes arrêtées», ajoute-t-il. Cetactiviste se déclare aussi préoccupé parla situation sanitaire dans cette villede 120000 habitants: «La résistance ci-vile s’organise très bien. On a réussi àfaire entrer des médicaments; pour les vi-vres, c’est plus difficile. Comme ils tirentsur les voitures, on utilise des ânes et desbicyclettes pour les transporter.»Tensions entre soldats. Deraa ayantété investi, les forces syriennes encer-clent à présent d’autres foyers de con-testation, dont Douma (près de Da-mas), Nawa… «Le pouvoir a retenu laseule option militaire pour mettre fin à lacontestation. La question est de savoir si

Bachar al-Assad peut appliquer la mêmerépression que son père dans les an-nées 80», souligne le politologueKhattar Abou Diab.C’est dans ce contexte que, selon desdiplomates, des signes de mécontente-ments sont apparus dans l’armée etmême des tensions entre soldats et ser-vices secrets. Le chercheur Ziad Majedreste prudent : «Soit il y a vraiment des

officiers qui disent non à certains ordres–il y a même des noms qui circulent–, soitc’est le régime qui propage ces rumeursafin de faire peur, de montrer que l’appa-reil se divise et risque de ne plus être enmesure de garantir la sécurité des gens.»Car le régime joue tout autant de la peurque de la répression.Sanctions. Ce qui peut expliquer queles deux plus grandes villes syriennes,Damas et Alep, n’ont pas vraiment re-joint la contestation. «Quand elles bou-geront, le régime se sentira vraiment me-nacé», remarque Ziad Majed. Selon unesource syrienne, qui a requis l’anony-mat, «les patrons [sunnites, ndlr] desentreprises de ces villes, qui sont liés aurégime, demandent à leurs salariés dene participer aux manifestations souspeine d’être virés». S’ajoutent les crain-tes de la bourgeoisie et de l’administra-tion de voir la Syrie plonger dans lechaos et la guerre civile, à l’image del’Irak.Aujourd’hui, à Bruxelles, les ambassa-deurs des 27 Etats de l’Union euro-péenne, qui verse chaque année210 millions d’euros d’aides et de prêtsà Damas, doivent examiner une sériede sanctions. La position allemande,qui recommande un embargo sur lesarmes, est la plus en pointe. «Jus-qu’alors, le régime était convaincu qu’ilavait le feu vert des Occidentaux pourcontinuer la répression. Maintenant, ilrisque de souffrir», conclut KhattarAbou Diab.

JEAN-PIERRE PERRIN

«Soit il y a vraiment des officiersqui disent non à certains ordres,soit c’est le régime qui propage cesrumeurs afin de faire peur.»Ziad Majed chercheur

LE PARLEMENT EUROPÉEN FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

Un webdocumentaire de Samuel BOLLENDORFF et Olivia COLO

Rapporteur de criseprésententavec

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 MONDE • 7

Page 8: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

«S’il y a un plan ouune tentative pourinclure Abyei dans laConstitution du Sud-Soudan, nous nereconnaîtrons jamaisce nouveau pays.»Omar el­Béchir présidentdu Soudan, à propos d’unterritoire contesté au Sud­Soudan, qui doit accéder àl’indépendance en juillet

L a capitale du BurkinaFaso, Ouagadougou,est depuis mercredi le

théâtre d’une nouvelle mu-tinerie, celle des fonction-naires de police qui ont érigédes barricades autour deleurs casernes. Les tirs enl’air ont repris hier matin aucamp des CRS (Compagniesrépublicaines de sécurité),avant de s’étendre au com-missariat central de la capi-tale burkinabé. Ce mouve-ment d’humeur a ensuitepris une ampleur nationale,s’étendant à d’autres villesdu pays, notamment à Bo-bo-Dioulasso, dans l’Ouest.C’est la première fois quedes policiers se révoltent au

Burkina Faso. En revanche,des mutineries de militaires,dont ceux de la garde duprésident Blaise Compaoré,ont eu lieu ces dernières se-maines à Ouagadougou etdans plusieurs autres villes.Ils protestaient contre le re-tard de paiement de leurssoldes.C’est la violente répressiond’une manifestation étu-diante et la mort d’un jeunehomme, le 20 février à Kou-dougou, qui avaient alors misle feu aux poudres. Malgré latentative des autorités de lierle décès de l’étudiant à uneméningite, la contestations’est peu à peu étendue, no-tamment aux militaires,dont les mutineries en cas-cade, à partir du 15 avril, ontforcé Compaoré à quitter lacapitale, puis à leur payer lesarriérés de salaires et à chan-ger de Premier ministre. Il aainsi nommé à ce poste Luc-Adolphe Tiao, un ancienjournaliste, novice en politi-que. Ce dernier a formé un

gouvernement composé deproches et de fidèles du Pré-sident, qui s’est par ailleursattribué le ministère de laDéfense. Blaise Compaoré,un militaire arrivé au pou-voir en 1987 à la suite d’uncoup d’Etat, a également li-mogé les principaux chefs del’armée.Ces mesures n’auront serviqu’à retarder de nouvellesmanifestations de colèrecontre la vie chère et la lon-gueur du règne de Compa-oré. Aujourd’hui, la quasi-totalité des couches sociales,militaires, jeunes, élèves etétudiants, magistrats, com-merçants, personnels desanté, producteurs de cotonet, maintenant, policiers re-mettent le régime en cause.Bilan de ces manifestations:au moins six morts (dontquatre étudiants), des bles-sés, d’innombrables pillagescommis par les soldats mu-tins et des dégâts matérielsconsidérables.

GI.D.

LarévoltegagnelapoliceauBurkinaFasoAFRIQUE La contestation sociale contre le régime arepris à Ouagadougou et dans d’autres villes du pays.

Mahmoud Ahmadinejadserait sur le point demettre fin à son inhabituelsilence de près d’unesemaine. Le président ira­nien ne s’est plus exprimépubliquement depuisle 22 avril, au lendemain ducamouflet que lui a infligéle Guide suprême Ali Kha­menei en refusant le limo­geage du ministre duRenseignement. Alors queles rumeurs allaient bontrain sur un conflit aiguentre le Président et sesadversaires ultraconserva­teurs, plusieurs journauxiraniens ont annoncé hierune prochaine allocutionprésidentielle. Après avoir«boudé» deux Conseils desministres et annulé undéplacement officiel,Ahmadinejad serait doncsur le retour.

L’IRAN ATTENDLE DISCOURSD’AHMADINEJAD

L’HISTOIRE

A Koudougou, mercredi. PHOTO AHMED OUOBA.AFP

À CHAUD LA VILLE DE DEHIBA A ÉTÉ REPRISE DEUX FOIS HIER

Libye: les combats s’intensifient à la frontièreDe violents affrontements ont opposéhier insurgés et loyalistes libyensautour du poste frontière tuniso-li-byen de Dehiba, une place conquise lasemaine précédente par les rebelles.La première localité libyenne après leposte de Dehiba aurait été reprise auxinsurgés par des éléments des forcesdu colonel Kadhafi… qui l’auraientensuite reperdue hier soir.

Par ailleurs, l’ancien ministre libyende l’Intérieur, le général Abdel-FattahYounis, qui a fait défection pour pren-dre en charge le commandement del’insurrection contre le «guide su-prême», a exhorté les Occidentaux àlui livrer des hélicoptères et des mis-siles antichars. Le responsable des in-surgés a fait cette demande, hier, lorsd’une visite à Bruxelles durant la-

quelle il a cherché à gagner un soutienplus poussé de l’Union européenne etde l’Otan. L’armement des rebelles estune question qui divise la commu-nauté internationale. Après quaran-te-deux ans aux côtés du colonelKadhafi, le général Younis qualifieaujourd’hui son ancien chef«d’homme arrogant» qui «se battrajusqu’à la mort».

GPar PHILIPPE GRANGEREAU

Confucius chasséde la place Tiananmen

E n Chine, il n’y a pasque les dissidents quidisparaissent sans lais-

ser de traces. L’imposantestatue en bronze de Confu-cius, inaugurée le 10 janviersur la place Tiananmen, s’estmystérieusement évanouiedans la nuit de mercredià jeudi. Des palissades bleuescachent désormais l’empla-cement d’origine de cettesculpture de 17 tonnes quiavait été disposée devant lafaçade nord du Musée natio-nal, presque en face du por-trait de Mao ornant la portede la «paix céleste». L’aile laplus orthodoxe du régimeavait vu comme un blas-phème l’admission sur Tia-nanmen, où bat le cœuridéologique du pouvoir, dece «représentant du féoda-lisme» cent fois vilipendépar Mao (Libération du18 janvier).

Dans les années 70, Maoavait lancé une purge poli-tique en appelant à «casser lamaison Confucius». La statuedu sage hors de vue, les con-servateurs du parti jubilent.L’un des sites internet pro-maoïstes (Maoflag.net) exhi-bait hier une photo de la sta-tue de Confucius barrée ducaractère «chai» («à abat-tre»). Une grue spécialeaurait embarqué le monu-ment de 9,5 mètres de hautvers 3 heures du matin, mur-murent des Pékinois.

Mais personne ne sait où. NiTian Shanting, le porte-pa-role du Musée national quiavait dévoilé la statue qua-tre mois auparavant, ni sonsculpteur, Wu Weishan, quirefuse de s’exprimer. Aucunofficiel n’a donné la moindreexplication –vraisemblable-ment parce que la décisiona été prise au sommet duParti, à l’issue d’un débat quia produit beaucoup d’étin-celles.

Car en Chine, comme l’adéjà prouvé Mao, Confuciusest bien plus qu’un symboleculturel : c’est un champ debataille. Le renouvellementdu politburo, prévu pour l’anprochain, a déclenché unpugilat politique à l’issue in-certaine. Trois factions sedétachent, avec chacuneleur symbolique. Les enfantsde la vieille garde commu-niste, conduits par le vice-président Xi Jinping, tententde s’imposer en mettant enavant leur légitimité com-muniste, entre autres en glo-rifiant les valeurs moralesmaoïstes. Ils s’opposent auxpartisans du statu quo, re-présentés par l’actuelle di-rection, regroupée derrièrele slogan confucéen del’«harmonie». Les partisansd’une réforme politique,réunis derrière le Premierministre, Wen Jiabao, ontpour leur part été totalementmarginalisés. •

VU DE PÉKIN

Fait rarissime, une interview du génie des mathématiquesrusse, Grigori Perelman, a été publiée, hier, dans un jour­nal russe. Il y explique pourquoi il a renoncé à la récom­pense d’un million de dollars (0,7 million d’euros),octroyée l’an dernier par le Clay Mathematics Institutepour la résolution du problème de Poincaré. Il assure: «Jesais comment gouverner l’univers. Pourquoi devrais­jecourir après un million?!» Le mathématicien de 44 ans,qui vit avec sa mère dans un quartier excentré de Saint­Pétersbourg, n’en est pas à son coup d’essai. Il a déjàrefusé le prix de la Société mathématique européenneen 1996 et la médaille Fields en 2006. PHOTO AFP

GRIGORI PERELMAN EXPLIQUEENFIN POURQUOI IL REFUSE LES PRIX

LES GENS

BURKINA FASO

GHANA

MALI

CÔTE-D'IVOIRE

NIGER

TOG

O

BÉNIN

Ouagadougou

200 km

104C’est le nombre de cada­vres retrouvés depuis le11 avril dans des fossesclandestines de Durango,au nord du Mexique, aprèsla découverte hier dehuit nouveaux corps. Lesautorités de cette ville,située à 160 kilomètres desEtats­Unis, attribuent lesassassinats aux cartels dela drogue des Zetas.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 20118 • MONDEXPRESSO

Page 9: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

CÔTE­D’IVOIRE Le mercenaire dirigeait des commandos anti-Gbagbo.

IbrahimCoulibalytuéparlesforcesdeOuattaraA près le décès suspect

il y a quinze jours deDésiré Tagro, l’ancien

ministre de l’Intérieur deLaurent Gbagbo, la dispari-tion du sergent-chef IbrahimCoulibaly, tué mercredi parles forces d’Alassane Ouat-tara, jette une nouvelle om-bre sur le régime d’Abidjan.Surnommé «IB», cet officierà la carrure de basketteurétait, depuis la fin des an-nées 90, de tous les coups deforce – réussis ou avortés –qui ont émaillé l’histoire ré-cente de l’ex-colonie fran-çaise. Dans cet immédiataprès-guerre, il pouvait ap-paraître gênant, faisant pla-ner une menace sur son en-nemi juré, le Premierministre Guillaume Soro et,par ricochet, sur le nouveauprésident.Factions. Ancien garde ducorps de Ouattara, il étaitconsidéré comme le maîtred’œuvre de la rébellionde 2002 qui a coupé le paysen deux. Mais, depuis, «IB»était en conflit ouvert avec leclan de Soro, bombardé chefpolitique de la rébellion aprèscoup. En 2004, au termed’affrontements sanglantsentre deux factions rebelles,Soro l’avait emporté, margi-nalisant le sergent-chef. Enjuin 2007, nommé Premierministre par Gbagbo après

les accords de paix de Oua-gadougou, il avait échappéde justesse à un attentat àBouaké, qu’il imputait àl’inévitable «IB».Ces dernières semaines,l’ancien sergent-chef avaitsigné son retour en revendi-quant la paternité du «com-mando invisible» qui, dansle quartier d’Abobo, à Abid-jan, a tenu en échec lestroupes de Gbagbo durantplusieurs semaines, avantl’arrivée des Forces républi-caines de Côte-d’Ivoire(FRCI), acquises au tandemSoro-Ouattara. Depuis lachute de Gbagbo, «IB» –quis’était autopromu «géné-ral» – réclamait son dû, re-fusant de rentrer dans lerang, tout en proclamant sonallégeance à Ouattara. Il a

trouvé la mort dans l’assautlancé mercredi par les FRCIà Abobo. Officiellement, il aété tué dans les échanges detirs, mais certaines sourcesévoquent une exécution enbonne et due forme.Sa disparition ne mettra pasfin aux violences qui conti-nuent dans la capitale éco-nomique et dans l’ouest dupays. Selon plusieurs témoi-gnages recueillis par Libéra-tion, une chasse aux pro-Gbagbo réels ou supposés esten cours à Yopougon et Ad-jamé. Les FRCI sont égale-ment accusées de pillagesjusque dans les sièges desadministrations et des mi-nistères.Pascal Affi N’Guessan, prési-dent du parti fondé parGbagbo, le Front populaireivoirien (FPI), a été transféréà Bouna (nord), après avoirdonné une interview danslaquelle il dénonçait une«ambiance de dictature». Se-lon lui, les cadres et sympa-thisants du FPI «vivent dansla peur et la clandestinité».Gbagbo, lui, est détenu à Ko-rhogo (nord) dans une villaoù Félix Houphouët-Boignyséjournait jadis. Sa protec-tion rapprochée est assuréepar les FRCI, tandis que desCasques bleus gèrent la sécu-rité de l’enceinte. «Mais ilsne sont pas à l’intérieur»,

précise un hautr e s p o n s a b l eétranger. Faittroublant, le Co-mité internationalde la Croix-Rouges’est vu refuserl’accès au prison-

nier. Les FRCI ne voudraientpas que les délégués de l’or-ganisation le rencontrent entête à tête. Paris et l’ONU ontété sollicités pour débloquerla situation.«Lunettes». L’ex-PremièreDame, Simone Gbagbo, a ététransférée dans une autreville du Nord, à Odienné où,a précisé Ouattara à la Croix,elle a demandé «une Bible etdes lunettes». L’une de leursfilles, Marie-Antoinette Sin-gleton, installée aux Etats-Unis, a protesté, dans unelettre adressée mardi à Nico-las Sarkozy, contre le sortréservé à ses parents, «déte-nus et exhibés comme des tro-phées de guerre». Elle seplaint que Ouattara n’aittoujours pas répondu à sademande de visite.

En dépit de ce contextelourd, Nicolas Sarkozy aprévu d’assister à la cérémo-nie d’investiture d’AlassaneOuattara, le 21 mai à Ya-moussoukro. Le secrétairegénéral de l’ONU, Ban Ki-moon, a aussi annoncé savenue, ainsi que plusieursdirigeants africains.

SABINE CESSOUet THOMAS HOFNUNG

Depuis la chute de Gbagbo,«IB» réclamait son dû,refusant de rentrer dansle rang, tout en proclamantson allégeance à Ouattara.

Ibrahim Coulibaly. PHOTO AFP

OUGANDA Le chef de l’oppo-sition Kizza Besigye (photo)a été arrêté hier, pour la qua-trième fois en un mois. Ilvoulait organiser une mani-festation contre la hausse desprix des denrées alimen-taires. Yoweri Museveni, aupouvoir depuis 1986, a inter-dit toute manifestation de-puis sa réélection en février.PHOTO REUTERS

ARABIE SAOUDITE La policea arrêté 30 Chiites depuismercredi, dont deux blo-gueurs accusés d’avoir prispart à des manifestations àAl-Qatif, dans l’est du pays.Plus de 100 protestataireschiites sont détenus depuisdébut mars.

ESPAGNE Le groupe arméETA a annoncé hier dans unelettre qu’il renonçait àl’«impôt révolutionnaire».Ce prélèvement était une deses principales sources de fi-nancement.

THAÏLANDE­CAMBODGE Uncessez-le-feu préliminaire aété signé hier pour mettre finà un conflit frontalier à pro-pos de la paternité d’ancienstemples.

Espace de vente

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 MONDEXPRESSO • 9

Page 10: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

RamaYade,l’écharpéebelleLa droite reproche à l’ambassadriceà l’Unesco de bafouer son devoir deréserve en critiquant Nicolas Sarkozy.

L e Président est très mécon-tent de son ambassadriceauprès de l’Unesco.Au point qu’il serait

à deux doigts de la ren-voyer. «Oui, j’ai lu ça dans lapresse», commente effrontémentRama Yade, comme s’il ne s’agis-sait que d’une vague rumeur.Il est vrai qu’elle en a vu d’autres.Combien de fois aura-t-elle été me-nacée de châtiments qui ne sont ja-mais tombés? Virée, elle devait déjàl’être en 2008 après ses protesta-tions contre la visite de Kadhafi àParis. Et au printemps 2009 aprèsson refus de se présenter, comme le

lui demandait Nicolas Sarkozy, auxeuropéennes. Au bout du compte,elle aura tenu trois ans et demi augouvernement. Et quand elle en aété écartée, à l’occasion du rema-niement du 14 novembre, elle est

partie auréolée de sondagesflatteurs. De quoi agacer sesnombreux détracteurs qui

voudraient tant ouvrir les yeux desFrançais sur la vraie nature de cette«enfant gâtée» qui a «pris la grossetête».S’il faut encore punir Rama Yade,c’est qu’elle a bafoué le «devoir deréserve» auquel doit s’astreindretout ambassadeur. Le 10 avril, surFrance2, elle s’est dite en désaccordavec «la ligne politique» de Sarkozy.La ministre chargée de la Forma-tion, Nadine Morano, experte enmatière de réserve, l’a dit sans am-bages mercredi sur Europe1: si çane tenait qu’à elle, «il y a long-temps» que Rama Yade serait virée.En 2009, la même Morano n’étaitdéjà pas tendre: «Quand on est issud’une minorité, on a des devoirs aumême titre que les autres, on n’est pasune icône, on est là pour servir sonpays.» Deux ans plus tard, son ju-gement est définitif: Rama Yade estune «icône de l’ingratitude». Mêmele très arrangeant Gérard Larcher,président UMP du Sénat, y est alléde sa réprimande, poussant lacruauté jusqu’à suggérer que l’am-bassadrice prenne modèle sur l’ex-secrétaire général de l’UMP Phi-lippe Douste-Blazy qui, lui, a le bongoût de ne plus faire de politique.

«DÉRIVE». Devoir de réserve? Surun ton faussement ingénu, RamaYade confie de pas comprendre cequ’on lui reproche. Quand ce posteà l’Unesco lui a été proposé en dé-cembre, elle raconte avoir d’abord«décliné» au motif qu’elle ne vou-lait pas «quitter la politique». «Je ve-nais de rejoindre Jean-Louis Borloo,ce n’était pas pour disparaître aussi-tôt», rappelle-t-elle. Elle est deve-nue radicale-valoisienne, parce quele patron de l’UMP, Jean-FrançoisCopé, avait refusé de lui confier «lesquestions de cohésion sociale» à ladirection de l’UMP. Et elle n’a ac-

cepté d’être ambassadrice, qu’aprèsque l’Elysée lui a certifié qu’ellepourrait poursuivre ses activitéspolitiques. Après tout, elle n’étaitpas la première à être recasée à ceposte. En 1995, Jacques Chirac yavait placé Françoise de Panafieu,le temps d’un petit purgatoire dedix mois. Quand ce n’est pas àl’Unesco, le chef de l’Etat peut aussiinstaller ses ex-ministres en transità l’ambassade de France à l’OCDE.Le poste est actuellement occupé

par Roger Karoutchi qui ne se gènepas pour faire de la politique. «Ilvient d’être nommé secrétaire dépar-temental de l’UMP», faisait remar-quer Yade, la semaine dernière dansle Nouvel Observateur.De la politique, elle ne voit donc paspourquoi elle s’interdirait d’enfaire. Mercredi soir, elle animaitdans le XVIIIe arrondissement de

Paris un «bistro radical», et le21 avril, dans un autre café, place dela Bastille, elle lançait Allons en-fants, un club politique qui ne veutpas «laisser à Marine Le Pen l’ambi-tion d’incarner le renouvellement desélites». «Mon seul objectif, assure-t-elle, c’est de faire gagner mon campet de nous éviter un nouveau21 avril.» Comme Borloo, elle n’estpas tendre avec l’UMP de Copé. Elleparle de «dérive droitière», de «frac-ture idéologique» qu’illustrent, par

exemple, les propos deClaude Guéant sur cesFrançais qui ont «lesentiment de n’être pluschez eux». Alors quebeaucoup s’interro-gent sur la réalité de

son travail à l’Unesco – «Je ne saisabsolument pas ce qu’elle y fait», no-tait mercredi Jean-François Copé–,elle proteste qu’elle «fait le job» ets’investit «à 100% sur des sujets queje connais et qui m’intéressent».

«ESPIÈGLE». Trahi par sa «créa-ture», Sarkozy n’a que «ce qu’il mé-rite», lui qui «poussa le ridicule»

jusqu’à vouer à cet «enfant espiè-gle» «une admiration que rien nejustifie», notait hier Eric Zemmoursur RTL. Comme souvent, le chro-niqueur se fait l’écho de ce quen’ose dire une bonne partie de ladroite. Beaucoup ont été scandali-sés de l’entendre répondre à proposde l’éventuelle interruption de sacarrière à l’Unesco : «J’existaisavant, j’existerai après.» Non, di-sent-ils, Rama Yade «n’existaitpas», avant que Nicolas Sarkozy nela propulse le 14 janvier 2007 à latribune de son congrès d’investi-ture. Ce jour-là, la jeune femmed’origine sénégalaise avait bluffé25000 militants UMP en dénonçantla trahison de la gauche et en célé-brant les promesses du candidatSarkozy.Il se trouve que les temps ontchangé. C’est au tour d’Eric Zem-mour de faire un tabac devant lesmilitants UMP. Rama Yade, elle,assure avoir «des convictions à dé-fendre». Aux côtés de Jean-LouisBorloo qu’elle compte bien accom-pagner le plus loin possible, jus-qu’en 2012. •

Par ALAIN AUFFRAYPhoto VINCENT NGUYEN.RIVA­PRESS

De la politique, elle ne voit paspourquoi elle s’interdirait d’enfaire. Mercredi soir, elle animaità Paris un «bistro radical».

PROFIL

Rama Yade, née en décem­bre 1976 à Dakar, a étéen 2007 secrétaire d’Etat auxDroits de l’homme, puisen 2009 aux Sports. Limogéedu gouvernement en novem­bre 2010, elle est nomméeambassadrice à l’Unesco.

REPÈRES

«Avant, j’étais dansla brousse c’est ça?Et on m’a apprisla civilisation depuis?J’existais avant,j’existerai après.»Rama Yade le 22 avril, à proposde sa nomination à l’Unesco parNicolas Sarkozy

52%des Français ont «un juge­ment favorable sur l’action»de Rama Yade, selon le pal­marès Ipsos­le Point, réaliséles 8 et 9 avril auprès de950 personnes.

Rama Yade,le 21 avrilà Paris.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201110 • FRANCE

Page 11: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

1084157Aux termes d’un ASSP en date du 15/04/2011, il a été constitué une Société à Responsabilité Limitée présentant les caractéristiques suivantes :Dénomination :

LAFIRASiège Social : 101 avenue du Général Le-clerc 75685 Paris cedex 14Objet : Agencement, Menuiserie Géné-rale, Fabrication, Installation, EtudesCapital : 1 000 EurosDurée : 99 ans à compter de son imma-triculation au Registre du Commerce et des SociétésGérance : M. Brice ROBIN domicilié 40, Cour Lamarque de Plaisance - 33120 ARCACHON Immatriculation : RCS de PARIS

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu

de l’arrêté préfectoral n° 2010-357-1

Elle dit que ça la rend «malade». Martine Aubry, qui dres­sait son bilan de maire de Lille à mi­mandat hier dans lequartier populaire de Lille­Sud, assure avoir déjà tenu60% de ses promesses dans sa ville, mais ne pas arriver àêtre «heureuse» comme maire, quand elle voit «tous lesgens qui souffrent de misère et de pauvreté», «malgrétous les efforts pour rendre notre ville attractive». Pour«agir à la place» de l’Etat, elle dit travailler sur «l’emploi etla santé». Exemple: des «maisons de spécialité», avec leshôpitaux, «parce qu’il est inadmissible d’attendre huitmois un rendez­vous d’ophtalmologie pour son enfant».L’emploi? «Le chômage ne baisse pas dans notre pays,dans notre ville», dit­elle, annonçant, pour «le 6 mai», unprojet lillois en partenariat «avec des grandes entrepri­ses», parce qu’«un chômeur doit attendre six mois avantun premier rendez­vous, il n’y a plus de suivi individuel».Et les primaires au PS? «Ce que je veux, c’est qu’ongagne. Dès lors qu’on aura un président de la Républiquede gauche en 2012, quel qu’il soit, j’aurai fait mon job.»DSK? «Je le vois à chaque fois qu’il vient à Paris, maisvous ne le savez pas.» Toujours un bon candidat? «Trèstrès bon.» HAYDÉE SABÉRAN (à Lille) PHOTO AFP

À LILLE, MARTINEAUBRY FAIT DEL’EMPLOI ET LA SANTÉSES PRIORITÉS

PRIMAIRE Distancée dans lessondages, Ségolène Royal(photo) convie ses partisansà venir débattre à Parem-puyre (Gironde) cet après-midi. L’ex-ministre de l’En-seignement apporte son sou-tien aux parents d’élèves del’école maternelle de la ville,qui se battent contre la sup-pression d’une classe. «Je disaux Français de résister, de te-nir bon, de continuer à occu-per les écoles», a lancé mardil’ex-candidate à la présiden-tielle. PHOTO AFP

GAUCHE Jean-Pierre Chevè-nement affirme que s’il étaitau PS, il soutiendrait la can-didature d’Arnaud Monte-bourg à la primaire pour laprésidentielle. Dans un en-tretien publié ce matin dansla Croix, le président d’hon-neur du Mouvement républi-cain et citoyen, qui n’exclutpas d’être lui-même candi-dat, juge que le député PS deSaône-et-Loire ouvre «despistes intéressantes».

DÉTOURNEMENT Le site dela présidente du FN, mari-nelepen.com, a été piratéhier et avant-hier par deshackers. On a d’abord pu yvoir une femme portant unvoile, puis un extrait de des-sin animé, Mon petit poney.

PRÉCISION C’est Jean-MarieLe Guen et non pas, commenous l’avons écrit hier, Jean-Christophe Cambadélis qui aestimé que ce n’était pas lemoment pour François Hol-lande de «montrer ses bi-ceps».

«Je suis en tongs avecun chapeau de cow-boy, c’est une photode vacances, j’ai plusl’air d’un ploucqu’autre chose.»Daniel Durand­Decaudin,candidat aux cantonales, quidoit être sanctionné par leFN pour avoir posé enfaisant le salut nazi

28C’est le nombre de parlementaires d’Andorre, élus lorsdes législatives du 3 avril, dont le probable futur chefdu gouvernement de centre droit, Antoni Marti, quiont prêté serment hier. Le président et le vice­présidentdu Parlement, Vicenç Mateu et Monica Bonell, ont étéélus. Ils appartiennent tous deux à la coalition Démocra­tes pour Andorre, qui a remporté 20 des 28 sièges et faittomber le gouvernement du socialiste Jaume Bartumeu.Les nouveaux parlementaires, élus pour quatre ans, doi­vent désormais constituer les groupes parlementaires. Il yen aura deux: celui des Démocrates pour Andorre etcelui du Parti social­démocrate (6 sièges).

C et homme est lui aussicandidat à l’électionprésidentielle. A la pri-

maire socialiste pour com-mencer, mais il bout déjà,comme les plus importants,en évoquant le premier tour,le cas Nicolas Hulot ou celuide Jean-Louis Borloo. In-connu du grand public, Da-niel Le Scornet, 64 ans, croiten ses chances de «rénover»pour de bon la démocratie.Adhérent depuis 2007 du PS,où il n’a ni responsabilités nimandat électif, il s’est dé-claré en octobre candidat à laprimaire. Sérieusement? «Iln’y a rien de plus sérieux queça !» lance-t-il, faussementindigné qu’on ose poser laquestion. Dans la foulée,Le Scornet mène une campa-gne active sur Internet, viason blog, Facebook, des vi-déos et autres newsletters. Ila même fait appel à un atta-ché de presse.«Bloqué». Militant syndicalà la CGT jusque dans les an-nées 70, ancien président dela Fédération des mutuellesde France (FMF), proche denombreuses associations, ilse réclame de la société ci-vile. D’où son appel à casserl’hégémonie du politiquepour lui substituer une dé-mocratie débarrassée de la«verticale du pouvoir». Parmises propositions : installerdes citoyens dans 15% à 20%des sièges de décideurs, partirage au sort. «Nous sommesdans un système bloqué où l’onvoit toujours le même type depersonnes à la tête des institu-

tions. Il faut que la société semobilise», martèle-t-il.En 1999, il participe à la miseen place de la couverturemaladie universelle créée parMartine Aubry, avant d’êtrenommé au Conseil économi-que et social européen parNicolas Sarkozy. Un pieddans les institutions, unautre dans le militantisme,Daniel Le Scornet affiche unCV long comme le bras, qu’ilporte en étendard commepour attester de la crédibilité

de ses propositions. Il in-siste: «Je suis sûrement le so-cialiste qui a le plus voyagé àtravers la société.»Poids plume face aux élé-phants du parti, le candidatpour asseoir sa crédibilité.«C’est Martine Aubry qui m’aremis la Légion d’honneur»,rappelle-t-il pour signifierqu’il a le soutien de la pre-mière secrétaire. Ancien duPCF et de l’aile gauche ducourant mutualiste, il rejettel’idée d’appartenir à la gau-che du PS, se voyant en«rassembleur».Pourra-t-il aller au bout?«Mon problème, c’est d’avoirles parrainages. Je ne me faispas trop de soucis, car la pré-sence d’un candidat de montype, c’est la règle du jeu de laprimaire.» Pas sûr, à en croire

un responsable du PS quiconfie : «Le seuil (de parrai-nages) que nous avons mis enplace permet de faire le tri en-tre les petits candidats, commeManuel Valls, et les microsco-piques, comme Le Scornet.»«Respectable». Passageobligé, chaque prétendant àla primaire doit en effet ob-tenir le parrainage de 5% desparlementaires PS, ou de 5%des membres du conseil na-tional, ou de 5% des con-seillers régionaux ou géné-

raux du parti,ou encore de5% des mairessocialistes desvilles de plusde 10 000 ha-bitants. C’estla voie que

«DLS» semble privilégier. Ilsait pouvoir compter sur lesoutien de sa fédération del’Ardèche. Mais ses signatu-res doivent provenir de qua-tre régions différentes.Une règle fixée par le PS pouréviter la multiplication despetites candidatures. «C’estquelqu’un de tout à fait res-pectable, avec une expérienceutile au militantisme politique,esquisse Christophe Borgel,secrétaire national chargédes élections, mais ce n’estpas lui faire injure de dire quepersonne n’imagine qu’il ait lamoindre chance.» Pour Mar-tine Aubry en tout cas, lachose est entendue : «A lafin, il y aura maximum troiscandidats, peut-être quatre,mais j’en doute.»

MATHILDE BOUSSION

DanielLeScornet,label inconnuduPSPRIMAIRE Cet ancien syndicaliste veut se lancer dansla course à l’Elysée, s’il obtient assez de parrainages.

Quand un candidat encampagne rencontre leprésident de la Républiquesortant, de quoi parlent­ils? De champignons. «Vousêtes allés en forêt? Vousavez trouvé des cèpes?» ademandé hier FrançoisHollande à Nicolas Sarkozy,en visite officielle dans sondépartement de Corrèzepour parler de la filièrebois (lire aussi page 20).«Vous croyez que j’aiemmené Bernadette auxchampignons?» lui a rétor­qué Sarkozy, qui venaitd’arpenter la forêt de Dar­nets avec sa «bonne fée»Bernadette Chirac, réélueen mars conseillère géné­rale de Corrèze. L’épousede Jacques Chirac avaiten 2007 permis à Sarkozyde se réconcilier avec sonmari. Juste avantd’accueillir le chef de l’Etat,François Hollande avaitlancé une de ces boutadesdont il a le secret: «Ça vase couvrir, à mon avis il estarrivé!» Nicolas Sarkozy,dûment renseigné sur lespetites phrases du prési­dent du conseil général deCorrèze, a terminé son dis­cours en regardant le cielet renvoyé la balle: «Je nesais pas qui je dois remer­cier, mais il aurait pu pleu­voir!» Quant à Bernadette,elle était contente de sajournée: «Nicolas Sarkozym’a fait l’amitié de m’inviter.J’en suis très heureuse.»

ÉCHANGESFORESTIERSENTRE SARKOZYHOLLANDE

L’HISTOIRE

LES GENS

Daniel Le Scornet, 64 ans, est adhérent au PS depuis 2007. PHOTO MATHIEU ZAZZO

«Ce n’est pas lui faire injure dedire que personne n’imaginequ’il ait la moindre chance.»Christophe Borgel secrétaire nationaldu PS, chargé des élections

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 FRANCEXPRESSO • 11

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Unedisparueetl’ombredeLigonnèsColette Deromme, une mère de famille, s’est volatilisée le 15 avril. La veille, le suspect dansl’affaire des cinq assassinats de Nantes a dormi non loin de là. Des enquêteurs restent troublés.

D ans leur maison isoléedans les pins à Lorgues(Var), les parents tententd’occuper le temps. Le

père bricole, la mère repasse dansle salon, dos tourné aux fenêtres.Elle craint l’arrivée de gendarmesqui leur annonceraient le pire. Leurfille, Colette Deromme, 50 ans, adisparu depuis quinze jours. Aumoment où Xavier Dupont de Li-gonnès, recherché dans toute l’Eu-rope après le massacre de sa famille,se trouvait dans la région. La policejudiciaire, chargée de traquerl’homme, indique que l’enquête«s’oriente plutôt vers une coïnci-dence». Le parquet de Draguignanconfirme. Celui de Nantes, où s’estproduit le quintuple assassinat,semble nettement plus troublé. Lafamille de Ligonnès a vécu voilàdix-huit ans à Lorgues, tout près del’endroit où habite Colette De-romme. A-t-elle connu Xavier deLigonnès, comme l’affirmait hier lePoint? Selon les gendarmes chargésd’enquêter sur sa disparition, rienne permet encore de le dire.

SAC À MAIN. Jeudi 14 avril, jour oùXavier Dupont de Ligonnès a retiré30 euros à Roquebrune-sur-Argens(trente kilomètres de Lorgues)avant de dormir dans un hôtel de laville, Colette Deromme est partietravailler très tôt le matin, commed’habitude. Elle gère le rayon cré-merie d’un Intermarché situé àl’entrée de Lorgues. Attaque bienavant l’ouverture, vers 6h30. Puisrentre chez elle en début d’après-midi, sa journée terminée. On nel’a plus revue. Le vendredi 15, ellene s’est pas présentée au travail, augrand étonnement de sonpatron, qui décrit une em-ployée «ponctuelle» et «sé-rieuse».Le soir, vers 16 heures, sa plusjeune fille, Séverine, interne dansun centre de formation d’apprentisdes Arcs à quinze kilomètres deLorgues, l’a attendue à 16 heuresdevant son lycée. Comme sa mèren’arrivait pas, la gamine a appeléson frère Alexandre (29 ans). Ils ontfilé à la maison, qu’ils ont trouvéefermée à clé. Devant, la petite Fiatblanche de leur mère, avec à l’inté-

rieur son sac à main, les clés de lamaison, son téléphone portable,son tabac à rouler. Elle sembles’être volatilisée en arrivant chezelle, ou bien en repartant.Les parents ne croient pas plus àune fuite. Colette préparait l’anni-versaire prochain de Séverine(18 ans), venait de fêter celui deCindy (23 ans). Son père, Lucien,

décrit une femme «coura-geuse», «équilibrée». Et l’undes amis d’enfance de Co-

lette ajoute qu’elle a élevé ses qua-tre enfants bravement, faisant faceà pas mal de «déboires sentimen-taux». Quand la famille est arrivéeà Lorgues, en 1970, Colette avait10 ans. Ils venaient de Lille, le pèretravaillait dans le bâtiment. Elle agrandi là avant de partir en Alsaceau début des années 80, après sonmariage avec Dany, qui expliquequ’ils ont eu deux enfants (31 et29 ans), sont restés ensemble quatre

ans. Le divorce a été prononcé en1987. Colette est rentrée à Lorgues.A-t-elle pu rencontrer Xavier Du-pont de Ligonnès au début des an-nées 90 ? Dany n’en sait rien :«C’est seulement possible, puisqu’ilhabitait pas loin.» Les Dupont de Li-gonnès vivaient dans un hameauisolé, Château-Renard. Quelquesmaisons cossues, éloignées les unes

des autres. Des murs épais, des ar-bres hauts, des piscines creuséesdans les grands jardins. Mais la fa-mille n’a laissé aucun souvenir. Laplupart des habitants vivent depuismoins longtemps dans le hameau.Plus curieusement, l’ancien maire

de Lorgues, Barthélemy Mariani,qui fréquente assidument la pa-roisse, n’a aucun souvenir de cettefamille très pratiquante.

MENUISIER. Les Dupont de Ligon-nès sont partis ensuite à Saint-Maxime, ont eu deux enfants dansle Var, avant de retourner dansl’Ouest. A l’époque, Colette vivait

avec un ancienparachutiste,devenu menui-sier. Mais il adisparu brutale-ment, après luiavoir fait deuxenfants. Il serait

parti vivre à Madagascar. Personnene l’a revu. Elle a ensuite partagé lavie d’un autre homme, décédé dessuites d’une maladie au foie. Enville, les cafés où l’on invente toutce que l’on ne sait pas bruissent de-puis quinze jours de rumeurs. On

raconte entre autres que Coletteavait 100 000 euros de dettes. Pa-rents et gendarmes répondent quece n’est pas le cas. Elle avait investi100000 euros en février 2008 dansune société civile immobilière, avecla sœur de l’ancien compagnonmenuisier. Elles ont acheté la mai-son où Colette habite le premierétage, tandis que le rez-de-chaus-sée est loué au gérant d’une entre-prise. Qui ne sait pas si Colette adormi chez elle le 14 avril. En fé-vrier dernier, Colette est devenuegérante de la SCI. Les deux femmesétaient en désaccord, devaient pas-ser devant un conciliateur. Les gen-darmes ont perquisitionné chez labelle-sœur. Ils ont aussi fouillé lesvallons de la région, escarpés, touf-fus, parsemés de champs à la terresombre, avec d’innombrables puits.Le parquet a ouvert une informa-tion pour «disparition suspecte ouinquiétante». •

Par OLIVIER BERTRANDenvoyé spécial à Lorgues (Var)

Colette Deromme a-t-elle purencontrer Ligonnès au début desannées 90? Dany, son ex-mari n’ensait rien: «C’est seulement possible,puisqu’il habitait pas loin.»

RÉCIT

20 km

Lorgues

V A R

Fréjus

Toulon

ALPES-DE-HTE-PROVENCE ALPES-MAR

MerMéditerranée

UN QUINTUPLE MEURTRE EN DEUX TEMPS?REPÈRES

Colette Deromme. Son père, qui ne croit pas à une fuite, la décrit comme une femme «courageuse», «équilibrée». PHOTO REUTERS

15 avril : à 6h30, ColetteDeromme ne se présente pas àson travail. 17 heures: Deux deses enfants déclarent sa dispari­tion aux gendarmes. Dimanche17 avril : le parquet de Dragui­gnan ouvre une information judi­ciaire pour «disparition suspecteou inquiétante».

Le 1er avril, Xavier de Ligonnès aacheté du ciment, une bêche etune houe, puis, le 2 avril, 4 sacsde 10 kg de chaux. La découvertede Thomas, 18 ans, dans une«tombe distincte de celle desquatre autres membres de sa

famille peut laisser présumer qu’ila été tué après eux», selon leprocureur de Nantes. Cet étu­diant en musicologie à Angersaurait rejoint Nantes le 5 avril surun appel de son père prétextantun accident de sa mère.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201112 • FRANCE

Page 13: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

LE BAL6, impasse de la défense – 75018, Paris01 44 70 75 50Métro : Place de Clichy

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JAPON : REPRÉSENTER LA CATASTROPHEDEUX JOURS DE RENCONTRES AU BAL30 AVRIL ET 1ER MAI 2011AU CENTRE DE CES DEUX JOURNÉES, LES ENJEUX NOTAMMENT ÉTHIQUES, POLITIQUES, HISTORIQUES DES REPRÉSENTATIONS DE LA CATASTROPHE PAR LES CRÉATEURS ET LES MÉDIA JAPONAIS DEPUIS UN SIÈCLE.

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L a chasse aux Tunisiensest ouverte. Près de lafrontière italienne,

point d’entrée en France,mais également à Paris et enproche banlieue. Entre le sudet le nord de la France, lesconditions des interpella-tions varient. Mais l’obses-sion des pouvoirs publics estla même : éviter l’interven-tion d’un avocat ou d’unjuge.«Librement». Premièreétape, donc, l’interpellation.Objectif : contourner le pla-cement en garde à vue del’étranger, ce qui lui vaudraitl’assistance immédiate d’unavocat, obligatoire depuis le15 avril. L’astuce trouvée: nepas utiliser de menottes. «Si

les Tunisiens en ont, ils sont ensituation de privation de libertéet bénéficient donc du régimede la garde à vue. Du coup, lapolice ne leur en met pas et ditqu’ils suivent librementl’agent», dit Inge Verhagen,juriste de l’association Fo-rum réfugiés au centre de ré-tention administrative (CRA)de Nice.Autre astuce : ne pas placerl’étranger en centre de ré-tention où il bénéficie de ga-ranties procédurales. A Paris,par exemple, les Tunisienssous le coup d’un arrêté dereconduite à la frontière(APRF) n’ont pas été con-duits dans un CRA mais re-mis en liberté à l’issue de lagarde à vue. «Du fait de l’ap-plication de la directive retour[directive européenne, ndlr],ils ont sept jours pour quitter

volontairement le territoire»,explique-t-on à la préfecturede police (PP) de Paris. Saufque cette directive, n’ayantpas été transcrite en droitfrançais, ne s’applique pas, àmoins que les étrangers nes’en prévalent. Et, coïnci-dence, ils s’en prévaudraientjustement, affirme-t-on à laPP. Pendant ces sept jours,«on les incite à prendre contactavec l’Ofii [Office français del’immigration et de l’inté-gration] qui leur propose uneaide financière au retour»,poursuit la PP. 300 eurosplus le billet d’avion. Avan-tage, ceux qui choisissentcette solution ne passent pasdevant le juge des libertés(JLD) qui contrôle la légalité

de l’interpella-tion. A l’issue deces sept jours, lesétrangers «s’ex-posent au place-ment en réten-tion», poursuit la

préfecture. Peut s’en suivreune expulsion express, dansles 48 heures, avant l’inter-vention du JLD.Divisés. Si les associationsdénoncent cette situation,les politiques sont plutôt dis-crets. Les socialistes sont di-visés sur la question. Mer-credi, Bertrand Delanoë ainvité l’Europe et la France àtraiter les Tunisiens avec«humanité et dignité», esti-mant que «des solutions rai-sonnables et réalistes peuventêtre trouvées […] dans le res-pect des personnes et desdroits, qu’il s’agisse des ac-cords de Schengen ou de laconvention européenne desdroits de l’homme». Hier, ledéputé PS Manuel Valls a dé-claré, en revanche, ne pasêtre «choqué par le fait quel’on reconduise à la frontière

des migrants qui sont en situa-tion clandestine». «IIs n’ontpas vocation à rester sur le solfrançais, a-t-il ajouté. Jepense que la gauche doit êtreaussi très claire sur cette ques-tion-là.»

CATHERINE COROLLER

Mercredi, Bertrand Delanoëa invité l’Europe et la Franceà traiter les Tunisiens avec«humanité et dignité».

LesmigrantstunisiensexpulséssansvaguesCLANDESTINS Les autorités publiques usentde subterfuges pour éviter avocats et juges.

À CHAUD UN SONDAGE QUI «BALAYE DES STÉRÉOTYPES»

Les Français plébiscitent les HLMEn cette période de dépression écono-mique et crise exacerbée du logement,les Français considèrent les HLMcomme des acteurs de la cohésion so-ciale: 92% les jugent indispensableset 80% estiment qu’il n’y en a pas as-sez, selon un sondage TNS-Sofres réa-lisé pour le compte de l’Union socialepour l’habitat (USH) qui fédère l’en-semble des bailleurs sociaux. Les HLM

sont une solution vers laquelle setourner en cas de difficulté (85%).Pour 50%, ils ne discriminent pasdans l’accès au logement (seuls 11% lepensent concernant les bailleurs pri-vés). 44% des sondés estiment qu’ilspourraient un jour avoir besoin per-sonnellement d’un HLM, et ce chiffremonte à 50% s’ils songent à leurs en-fants. Au total, 58% affirment avoir

une «bonne image des HLM» qui lo-gent 4 millions de ménages et près de11 millions de personnes, 72% esti-ment qu’ils ont beaucoup progressésur le plan architectural. Thierry Re-pentin, sénateur (PS) et président del’USH s’est félicité de ces résultats qui«balayent pas mal de stéréotypes et declichés».

TONINO SERAFINI

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Après «La Justice bafouée»et «Une société de sur­veillance», la Ligue desdroits de l’homme (LDH) apublié hier son «étatannuel des droits del’homme» 2011, titré «LaRépublique défigurée» auxéditions de la Découverte(Libération d’hier). Danscette étude, plusieurs uni­versitaires et intellectuelsestiment que les quatrepremières années de laprésidence de Sarkozy ontmenacé les fondements dela République «laïque,démocratique et sociale»définie par l’article 1er de laConstitution de 1958. Lestextes qui composent cetétat annuel mêlent pointsde vue personnels et analy­ses des grandes tendancesde l’actualité des derniersmois. La LDH a par ailleurssigné avec une cinquan­taine d’organisations asso­ciatives et syndicales un«pacte pour les droits et lacitoyenneté», estimant quede nombreux contre­pou­voirs traditionnels ontperdu de leur efficacité.«La République défigurée»,La Découverte, 126 pages, 12 €.

LA LDH ET LESFONDEMENTS DELA RÉPUBLIQUE

LE RAPPORT

«Ce n’est pasune victoire,c’est le minimum:Jean-Marc Rouillana été réincarcérépendant deux anspour avoir prononcéune phrase.»Me Jean­Louis Chalansetavocat de l’ancien membred’Action directe, à l’annoncede sa mise en semi­libertéà partir du 19 mai

Jean­Pierre Hernandez dit «Pierrot», 75 ans, ancien de laFrench Connection et du milieu marseillais, a été entenduhier à Paris par la Commission de révision des condamna­tions pénales saisie par les avocats de Maurice Agnelet.Cet ex­avocat a en effet écopé en 2006 en appel de20 ans de réclusion pour le meurtre à la Toussaint 1977d’Agnès Le Roux, l’héritière du casino niçois le Palais dela Méditerranée, dont la voiture et le corps n’ont jamaisété retrouvés. Le jour du verdict, Pierrot Hernandez acommencé à ressasser les confidences anciennes de feuson pote voyou «Jeannot» Lucchesi à propos de ce «con­trat» qu’il aurait exécuté, puis les a révélées dans son livreConfessions d’un caïd (Libération du 11 mars). Le vieuxbandit se sent «soulagé» de pouvoir enfin innocenterMaurice Agnelet. P. T. PHOTO BRUNO CHAROY

PIERROT, L’ANCIEN CAÏD,SE SOULAGE DANSL’AFFAIRE AGNELET

LES GENS

JUSTICE Les familles des11 victimes françaises del’attentat de Karachi ont dé-posé une question prioritairede constitutionnalité pourcontester la loi du 29 juillet2009 qui a étendu le secretdéfense, auparavant restreintà des documents, aux lieuxles abritant, selon leur avo-cat, confirmant une infor-mation du Monde.

PISCINE Les premiers résul-tats des analyses réaliséessur le corps de Marie-FrancePisier ont révélé un tauxd’alcool important et uneprésence médicamenteuse(antidépresseur et antalgiqueà doses thérapeutiques).L’autopsie a trouvé peu d’eaudans les poumons mais l’hy-pothèse de la noyade n’estpas écartée.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 FRANCEXPRESSO • 13

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VOYAGE La Commission dé-partementale des paysages etdes sites a voté contre le pro-jet d’aire de stationnementdes gens du voyage qui de-vait être implantée au Bois deBoulogne, à Paris, et a ac-cepté celui prévu au Bois deVincennes.

ECOLE Le secrétaire d’Etat àla Fonction publique, Geor-ges Tron, s’est attiré les fou-dres des syndicats ensei-gnants après s’être «interrogésur le fait que 18 000 profes-seurs en primaire n’étaient pasdirectement en relation d’en-seignement avec les enfants».Le SNUipp et le SE-Unsa ont

dénoncé une «provocation»alors que 1 500 classes vontêtre fermées à la rentrée.

BETTENCOURT FlorenceWoerth, qui avait quitté enjuin 2010 la société Clymène,chargée de faire fructifier lesavoirs de Liliane Betten-court, a engagé une procé-dure pour licenciement abu-sif devant le conseil desprud’hommes de Nanterre.

EXHIBO Le directeur dugreffe du tribunal de grandeinstance d’Arras a été sus-pendu pour avoir montré desphotos de lui nu à des collè-gues femmes.

4mois ferme: c’est la con­damnation infligée à unhomme de 24 ans pourdes alertes à la bombeinfondées. Les tours Eiffelet Montparnasse ainsi quele théâtre du Châteletavaient dû être évacués le25 février. «Sur le momentje n’étais pas moi­même, araconté l’homme, j’avais budu whisky et fumé desjoints». La PJ avait réussi àremonter jusqu’à lui car ilavait réutilisé sa carte télé­phonique prépayée pourappeler son dentiste.

L ucile est arrivée entrain de Nancy, avecses parents. L’air de

rien, comme une jeune ly-céenne de 15 ans, à peine in-timidée. Hier, en fin de ma-tinée, elle a bataillé pendantune heure et demie avec leministre de la Santé.C’était un face-à-face dérou-tant: elle si jeune, lui si pro.Le 20 avril dans Libération,Lucile racontait son quoti-dien de diabétique, et surtoutdénonçait un arrêté qui ré-duisait le nombre de bande-lettes remboursées par l’As-surance maladie pour lesdiabétiques de type 2 : cesbandelettes servent à mesu-rer le taux de glycémie. A lalecture de ce texte, le minis-tre avait déclaré qu’il souhai-tait la rencontrer.«Peur». «Voilà, je voudraiscomprendre, lui dit d’embléeXavier Bertrand. Cet arrêté nevous concerne pas, car vousavez un diabète de type 1. Onl’a rédigé avec l’Associationfrançaise des diabétiques, iln’y a pas eu de levée de bou-cliers contre. Pourquoi votreréaction?» Lucile: «Je me suissentie concernée, parce quecela risque d’être un début. J’aipeur que cela s’étende.» Leministre: «Mais pourquoi nepas faire confiance? Je ne suispas là pour faire des économiesde bouts de chandelle.» Lu-cile: «Moi, j’ai ma lecture, j’aiun ami qui a le diabète detype 2. Parfois, on gâche desbandelettes, parfois il faut enfaire deux.»Puis, Lucile sort son lecteur

de glycémie et ses 4 types depiqûres. Et montre commentcela marche. Elle connaît toutpar cœur. «Depuis l’âge de8 ans, je m’autosurveille. J’enutilise 4 par jour. Mais parfoisj’en utilise toutes les deux heu-res. Je ne le fais pas par plaisir.Pourquoi le chiffre de 200 paran a-t-il été retenu? Les scien-tifiques ne sont pas des diabé-tiques. Moi, je le vis au quoti-dien. Moi, je pense que cettelimite imposée pose problème.»Xavier Bertrand écoute, in-siste: «Mais on a travaillé avecl’Association française desdiabétiques, elle était d’accord.On serait tapé de prendre unemauvaise décision.» Lucile,qui ne se démonte pas: «Maisil y a des décisions tapées quisont prises.» Etonnant dialo-

gue qui sort, un instant, desconvenances.Xavier Bertrand évoque soncollaborateur à la mairie deSaint-Quentin (Somme), quiest diabétique : «J’ai mis dutemps à comprendre pourquoià certains moments on ne pou-vait pas rentrer dans son bu-reau.» Lucile ne veut pas lâ-cher le débat: «Moi, je trouveque ce n’est pas du côté de lasanté que l’on doit faire deséconomies.» «Si on met l’ac-tion sur la prévention, note

Xavier Bertrand, alors onpeut faire des économies.Est-ce que franchement celaremet en cause la santé? Je nele crois pas.» Lucile: «On vavoir. Mais si on voit que l’ons’est trompé, cela va prendreun temps fou pour revenir enarrière. C’est cela qui estgrave. Revenir sur une déci-sion, cela prend beaucoup detemps, toujours. Et puis 200,je ne sais pas, qu’est-ce quecela veut dire ? Si on avait ditune bandelette par jour, celam’irait. Je ne dis pas que je nem’y serais pas opposée parprincipe, mais j’aurais quandmême accepté.»«Attention». Le ministre luidemande si – elle qui subitdes injections depuis douzeans tous les jours – «cela lui

fait toujours quel-que chose»…«Cela dépend desheures, du mo-ment. Parfois, c’estrien, mais je suisobligée de faire at-tention, tout letemps. L’après-

midi, je ne peux jamais prendreun goûter. Une glace ? Peut-être une fois par mois. Moi,quand je fais un écart de con-duite je le paye tout de suite,j’ai du mal à être optimiste»,raconte-t-elle. Xavier Ber-trand: «Je n’aime pas quandvous dites que j’ai fait une pe-tite brèche à notre système desanté. Je veux que l’on reste lemeilleur système du monde,c’est pour cela que je suis là.»Lucile hésite, puis sourit.

ÉRIC FAVEREAU

«Lesscientifiquesnesontpasdesdiabétiques»SANTÉ Lucile, jeune malade qui a témoigné le 20 avrildans «Libération», a rencontré Xavier Bertrand.

Cinq CRS de Deuil­la­Barre (Val­d’Oise) avaientun sacré moyen d’arrondirleurs fins de mois. L’affaireremonte au printemps2006: comme au bonvieux temps du Far West,en bandits de grand che­min, planqués le long del’A1, ils attendaient la dili­gence –un taxi en l’occur­rence– pour lui voler sesbiens. Les racketteurs sui­vent une stratégie bien hui­lée, opèrent la nuit, ciblentles taxis pour Roissy, etmenacent le chauffeurintercepté d’un retrait de6 points sur son permis.Tous les motifs d’infractionsont bons, mais les CRSont un faible pour «le nonrespect des distances desécurité». Aux victimesabasourdies, ils proposent«de s’arranger». La bandeprend tout ce qui dortdans la caisse: de 40 à290 euros. Les cinq com­pères ne nient pas les faits,seulement, ils «ne se rap­pellent plus très bien».L’habitude a brouillé lesmémoires, mélangé lesnoms et les visages. L’undes prévenus se souvientjuste «d’un ballon de bas­ket à l’avant d’un véhicule».Son collègue justifie: «Ilfaut bien comprendre lapression que nous mettaitla hiérarchie. Nous avionsdes quotas de contraven­tion à ramener, des comp­tes à rendre.» La juge lecoupe: «Mais vous nerameniez aucun comptepuisqu’au lieu de verbaliservous empochiez directe­ment l’argent en liquide. Jeme trompe?» «Euh… bahnon, vous vous trompezpas…» Le jugement a étémis en délibéré au 26 mai.MATHIEU PALIN

DES CRS TROPZÉLÉS TROUVENTLE BON FILON

L’HISTOIRE

Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, hier, à Paris, rencontrant Lucile. LAURENT TROUDE

Par VÉRONIQUE SOULÉ

Education: les rapportsfréquents des ministres

I l se passe toujours quel-que chose dans l’Educa-tion nationale. Même

pendant les vacances oùl’actualité sommeille et lesmobilisations contre les sup-pressions de postes faiblis-sent, on n’est pas à l’abrid’un rapport qui tombe.Comme le 11 avril celui deJean-Michel Jolion sur la ré-forme de la formation desenseignants (ou «mastérisa-tion»), l’un des grands rata-ges du quinquennat.

Sous Nicolas Sarkozy, troissujets dominent au palmarèsdes rapports. La «mastérisa-tion» d’abord : la plupartconcluent au désastre, et leministre de l’Education, LucChatel, répond qu’il est jus-tement en train de tout cor-riger. Les rythmes scolairessont aussi abonnés: presquetoutes les études critiquent lasemaine de quatre jours,mais le ministre a prévenuqu’il ne pourrait rien chan-ger avant 2013. La violencescolaire est, enfin, sujette àrapports : on a eu droit, le29 mars, à une première en-quête sur le harcèlement àl’école et une seconde estpromise au collège. Un rap-port, avec des propositions,a aussi été remis le 12 avril auministre, qui dévoilera lundiun «plan d’action».

Dès le début de son mandat,Nicolas Sarkozy a imposé lethème de la sécurité àl’école. Mais Xavier Darcos,son premier ministre del’Education, n’était pas unadepte des rapports et déci-dait à la hussarde. Au lende-main d’un incident tragique,il a ainsi lancé l’idée – viteabandonnée– d’équiper les

lycées de portiques de sécu-rité, comme dans les aéro-ports.Luc Chatel, nommé pour ra-mener la sérénité, com-mande, lui, volontiers desrapports et consulte des spé-cialistes. Sur la violence sco-laire, il a nommé l’expertEric Debarbieux à la tête d’unconseil scientifique. Il lui ademandé des rapports avecdes préconisations. Puis, il ena fait à sa tête, annonçant,lors des états généraux sur lasécurité de 2010, la suspen-sion des allocations familia-les pour absentéisme, unemesure qui ne figurait dansaucune recommandation.

Au-delà de leur contenu,l’intérêt des rapports est derythmer la communicationministérielle. Certains–comme sur les effets néga-tifs de la libéralisation de lacarte scolaire– tombent vitedans l’oubli, car ils ne ca-drent pas avec la ligne.D’autres, qui apportent del’eau au moulin ministériel,sont abondamment exploi-tés. Il est toutefois un sujetqui échappe au flot des rap-ports: l’impact des suppres-sions de postes sur les acquisdes élèves. Pour Luc Chatel,la chose est entendue :aucune étude n’a jamais dé-montré le moindre lien.Pourtant en 2006, l’écono-miste Thomas Piketty enavait publié une, concluantque des classes moins char-gées en ZEP permettaientaux élèves de progresser. Plusrécemment, le chercheurPascal Bressoux a fait savoirque son labo avait aussitrouvé un lien de cause à ef-fet. Mais on ne lui a jamaisdemandé de rapport. •

CARNET DE NOTES

«Si on voit que l’on s’esttrompé, cela va prendre untemps fou pour revenir enarrière.»Lucile à propos de la réduction dunombre de bandelettes remboursées

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201114 • FRANCEXPRESSO

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Renault: labravadedesanti-Ghosn

Le PDG de Renault-Nissan affronteaujourd’hui en AGdes actionnairesremontés contresa gestion de lafausse affaired’espionnage.

I l va y avoir du sport, cet après-midi, au Palais des congrès de Pa-ris. En montant sur la scène pouranimer l’assemblée générale (AG)

de Renault, le PDG, Carlos Ghosn, vadevoir affronter une ambiance hou-leuse, suite à la désastreuse vraie-

fausse affaire d’es-pionnage. Renaultcomptait sur le sacri-

fice de son numéro 2, Patrick Pélata,pour tourner la page. Cela n’a pas suffià calmer la grogne contre l’embléma-tique Ghosn, désormais pris pour ciblepar des petits actionnaires. Le cabinetde conseil aux actionnaires Proxinvesta lancé cette semaine une campagnecontre «le pouvoir incontesté d’un PDGincontrôlé» et les administrateurs«complaisants». Le cabinet appelle àrejeter les comptes et à voter contre lerenouvellement de Philippe Lagayette.Ce banquier préside le comité d’auditdu conseil d’administration, qui a en-tièrement blanchi Carlos Ghosn, pour-tant pas exempt de tout reproche –lePDG avait assuré sur TF1 avoir despreuves «multiples» de l’espionnage.

«INFAILLIBILITÉ PAPALE». «Ghosn afait des erreurs parce qu’il n’a pas decontre-pouvoir. Il est entouré d’adula-teurs, c’est le dogme de l’infaillibilitépapale !» dénonce le président deProxinvest, Pierre-Henri Leroy. Co-lette Neuville, présidente de l’Associa-tion de défense des actionnaires mino-ritaires, a la dent tout aussi dure :«Ghosn a fait la démonstration de sonincapacité à gouverner la société de ma-nière à inspirer confiance à ses équipes,aux salariés, aux actionnaires. On l’alaissé en place car tout le monde a l’airde considérer qu’il est irremplaçable.»C’est le nœud du problème.L’Etat comme les syndicats considè-rent en effet Ghosn comme intou-chable, car il est aussi PDG de Nissan,le japonais contrôlé à 43% par Renault.Avec le risque que son départ de Re-nault n’affaiblisse le français, déjà leplus faible des deux constructeurs del’alliance. «On ne sait pas faire sans lui.

Du coup, ça énerve des gens qu’il soitpassé entre les gouttes» grâce à sa dou-ble casquette, décrypte une source in-terne. Le leader de la CFDT, FrançoisChérèque, a résumé le sentiment gé-néral, hier matin sur France Inter: «Jetrouve étonnant que le PDG de Renaultsoit intouchable!» Avant d’ajouter, unpeu penaud, qu’il ne réclamait pas sondépart. Il est d’ailleurs peu probableque les résolutions soumises à l’AGsoient rejetées. D’autant plus quel’Etat (premier actionnaire avec 15%)ne s’y opposera pas. «Les votes sontverrouillés. Ghosn sera un peu chahuté,c’est tout», glisse un syndicaliste.

STOCK­OPTIONS. Proxinvest avaitpourtant levé des lièvres. A commen-cer par la rémunération du patron. Lerapport annuel de Renault mentionnequ’il gagne 1,2 million d’euros. Mais legroupe refuse toujours d’ajouter, mal-gré les recommandations de l’Autoritédes marchés financiers, que Ghosntouche aussi 8 millions supplémentai-res comme patron de Nissan. Un oublid’autant plus symbolique que Ghosnest soupçonné chez Renault de privilé-gier le constructeur japonais. Proxin-vest appelle aussi à refuser de voter leplan de stock-options 2011-2013, carRenault n’a pas, «contrairement à plu-sieurs sociétés du CAC 40», plafonné lenombre d’actions réservées au patron.Ghosn, qui a renoncé à ses optionscette année suite à l’affaire, pourrait serattraper les années suivantes.Les syndicats vont aussi faire pression.Les administrateurs salariés ont remishier au PDG une lettre signée par lescinq syndicats du groupe. Ils deman-dent à Ghosn de s’engager, lors del’AG, à poursuivre les négociations surles réformes «en profondeur» de l’en-treprise. Et soulignent la «défiance del’ensemble du personnel à l’encontre dela direction générale». De sources con-cordantes, c’est pour rassurer les trou-pes que Renault privilégie un recrute-ment interne pour remplacer PatrickPélata, qui sera aujourd’hui présent àl’AG, assis au premier rang mais pas àla tribune. Signe du malaise, un«groupe de cadres» anonymes a lancéune pétition de soutien à Pélata sur In-ternet, comme l’a révélé hier le Monde.Si l’Etat va confirmer pendant l’AGqu’il veut calmer le jeu, l’affaire mar-que une inflexion du rapport de forcesentre Ghosn et son actionnaire. «Pen-dant l’affaire, ils ne bougeaient plus lepetit doigt sans nous informer», souritune source gouvernementale. Les mi-nistres de l’Economie et de l’Industrievont bientôt convoquer Ghosn pourévoquer l’équilibre entre Renault etNissan ainsi que la stratégie indus-trielle. S’il a sauvé sa tête, le PDG sta-risé par le sauvetage de Nissan est bientombé de son piédestal. •

Par YANN PHILIPPIN

ANALYSE

15%C’est la hausse du chiffred’affaires de Renaultau 1er trimestre, qui a écoulé692607 véhicules, un record.

QUEL NUMÉRO 2 POUR RENAULT?REPÈRES

Le patron de Renault lors de la présentation de son plan stratégique, le 10 février. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

Trois cadres sont cités commeles successeurs possibles dePatrick Pélata, débarqué de ladirection générale le 11 avril. Cesont tous des fidèles de Ghosn,qui l’ont accompagné chez Nis­san: Carlos Tavares, vice­prési­

dent de Nissan pour la zoneAmériques; Philippe Klein,directeur du plan, du produit etdes programmes de Renault; etDominique Thormann, direc­teur financier. Un recrutementexterne n’est pas exclu.

Renault a annoncé, hier soir, avoirsoldé le contentieux avec les troiscadres accusés à tort d’espionnage.Seul Matthieu Tenenbaum a choiside réintégrer le groupe, à la directionstratégie et plan. Le conseil d’admi­nistration a validé les indemnitésaccordées aux trois hommes, dontRenault n’a pas publié le montant.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201116 • ECONOMIE

Page 17: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

U ne petite signature à7,5 milliards d’euros.Deux ans après la

baisse de la TVA à 5,5% dansla restauration – d’un coûtde 2,5 milliards par an–, legouvernement a renouveléhier, pour la période com-prise entre mi-2012 et mi-2015, ce taux réduit en faveurde la profession. En échanged’«engagements ambitieux»,a tenté de rassurer FrédéricLefebvre, secrétaire d’Etataux PME et à la Consomma-tion, qui a fait signer aux res-taurateurs un avenant aupremier «contrat d’avenir».Ambitieux ? En réalité, lesnouveaux engagements, no-tamment sur l’emploi, sontdeux fois moins élevés quedans le premier contrat, lui-même déjà fort peu respectépar les professionnels dusecteur.D’après le texte, les restau-rateurs s’engagent à créer20000 nouveaux emplois par

an. Or, selon Bercy, la pro-fession génère «naturelle-ment» 15000 emplois cha-que année. L’effort demandén’est donc que de 5000 em-plois annuels, un chiffre deuxfois moins élevé que sur lesdeux dernières années. Etalors même que la conjonc-ture est plus favorable. Lesprofessionnels devront aussiaccueillir 5000 jeunes par anen contrat de professionnali-sation. Un objectif là encoredivisé par deux. Quant à labaisse des prix, elle ne figurecarrément plus dans le nou-veau document…Si ces «ambitions» ont étérevues à la baisse, c’est peut-être aussi parce que le pre-mier contrat d’avenir est loind’avoir été respecté. En effet,la profession avait promis decréer 70 000 emplois surdeux ans : 20 000 emploispérennes et 20000 contratsde professionnalisation, enplus des 30 000 postes de

travail générés en tempsnormal. Soit, sur un an etdemi (du 1er juillet 2009 au31 décembre 2010, dernièresdonnées disponibles), prèsde 52 000 emplois.Or, selon l’Acoss, dont leschiffres sont pourtant plusgénéreux que ceux del’Insee, les restaurateursn’ont créé (contrats deprofessionnalisation inclus,c’est là l’astuce…) que37 000 emplois. Soit unedifférence de 15000 emploispar rapport aux engage-ments initiaux. La baisse desprix, elle, qui devait êtrede 3% (sur une période, il estvrai, indéterminée), s’estmuée depuis un an et demien une hausse, certes légère,mais réelle, de 0,1%.Autant «d’avancées histo-riques», estime Frédéric Le-febvre, qui justifient deremettre le couvert pourquatre ans.

LUC PEILLON

Lefebvre,royalaubaraveclesrestaurateursTVA Le contrat prolongeant l’imposition à 5,5% revoità la baisse les engagements, notamment sur l’emploi.

+0,91 % / 4 104,90 PTS3 537 383 362€ +5,43%

SUEZ ENVIRONNEME.VEOLIA ENVIRON.SOCIETE GENERALE

TECHNIPCAP GEMINISTMICROELECTRONI.

+0,09 %12 702,99-0,26 %2 862,32

+0,03 %6 069,90+1,63 %9 849,74

À VENDRE La petite stationde ski familiale d’Entre-les-Fourgs (Doubs) est à vendrepour un euro symbolique,l’association gestionnairen’étant pas en mesure de dé-bourser 80 000 euros pourréaliser d’importants tra-vaux d’entretien à faire tousles trente ans, a expliqué uneresponsable de la station.

TRADING Le groupe d’éner-gie GDF Suez a annoncé lacréation de GDF Suez Tra-ding, société rassemblant leséquipes de trading du groupeafin d’intervenir sur les mar-

chés de l’énergie. Dotée defonds propres d’un mil-liard d’euros, cette nouvellefiliale compte près de400 professionnels du tra-ding.

ÉTATS­UNIS Les chiffres decroissance du PIB américainpubliés hier ont confirmé lenet ralentissement de l’éco-nomie au premier trimestre.De janvier à mars, le Produitintérieur brut du pays n’aprogressé que de 1,8 % enrythme annuel, alors que lacroissance avait été de 3,1%pendant l’automne.

RETOUR SUR LE SUICIDE D’UN CADRE À FRANCE TÉLÉCOM­ORANGE

Stéphane Richard en appelle à la «solidarité»Suite au suicide, mardi, d’un cadre deFrance Télécom, Stéphane Richard, lePDG, a envoyé un message aux sala-riés, les exhortant à la vigilance car«chacun sait bien qu’un geste aussi fortpeut favoriser le passage à l’acte de per-sonnes en souffrance». Dans ce mes-sage destiné aux 100000 employés dugroupe en France, après l’immolationpar le feu, à Mérignac (Gironde), d’un

homme de 57 ans, Stéphane Richardsouligne que «la solidarité doit s’expri-mer avec encore plus de force dans lestout prochains jours» au sein de l’en-treprise. Le patron du groupe se dit«bouleversé par le geste terrible de l’unde [ses] collègues», évoquant un «mo-ment d’intense émotion» face à «cegeste qui témoigne d’un profond déses-poir». Hier après-midi, on apprenait

qu’une salariée de France Télécom, encongé depuis trois mois et qui devaitreprendre le travail, a tenté de se sui-cider mardi à Caen (Calvados) en es-sayant de «se taillader le poignet». Ladirection du groupe a précisé à l’AFPque sa blessure était «sans gravité» etque son geste était apparemment sanslien avec le suicide survenu en Gi-ronde.

A

La baisse de prix qui devait être de 3% s’est muée en hausse de 0,1%. PHOTO C.VENTEZOU.AFP

La nouvelle mérite d’êtrementionnée: le Rafale faitpartie des deux derniersavions de combat en licepour un contrat d’arme­ment de 12 milliards de dol­lars (8 milliards d’euros)destiné à équiper les forcesarmées indiennes de126 avions de combat. Bon,on ne s’affole pas, le faux­vrai contrat brésilien est làpour rappeler à Dassault ladure réalité des négocescommerciaux. Mais leRafale a quand mêmeévincé le F­18 Super Hornetet le F­16 des AméricainsBoeing et Lockheed Martin,ainsi que le Gripen du sué­dois Saab, ce qui n’est pasrien. Ce qui est sûr, c’estque le prochain avion decombat indien comblera aumoins en partie les intérêtsfrançais: le Rafale reste enlice avec l’Eurofighter, cons­truit par un consortiumformé par l’EuropéenEADS (46%), dont le siègeest à Paris, le BritanniqueBAE Systems (33%) et l’Ita­lien Finmeccanica (21%).L’Inde doit acheter directe­ment 18 appareils d’icià 2012 tandis que les108 autres seront construitsen Inde. Tout va donc sejouer sur les transferts detechnologies. Pour Dassaulten tout cas, ça urge, car leplan de charge militaire esttrès très vide. A.S.

EN INDE,LE RAFALEJOUE LA FINALE

L’HISTOIRE

«Lactalis veutdevenir le premieracteur mondial dansle lait. Très bien.Nous, nous voulonsrester le premieracteur mondial dansles produits laitiersultrafrais […].»

Franck Riboud le PDG deDanone, hier, à l’assembléegénérale des actionnaires

Le mensuel Acteurs publics revient à la charge contre laministre de l’Economie. Il affirme que, en investissantdans la société du fils du patron d’Oséo –défiscalisant aupassage son ISF–, Christine Lagarde n’a pas respecté unecirculaire signée de la main du Premier ministre en 2007.Elle stipule que les membres du gouvernement doiventobligatoirement confier à un tiers la gestion de leur patri­moine mobilier. En investissant directement 34929 eurosdans la SARL Applicatour de Stanislas Drouin, ChristineLagarde n’aurait pas respecté cette circulaire. «La minis­tre a en tout cas décidé de confier désormais la gestionde ses parts sociales dans Applicatour à un intermédiaireagréé», explique son entourage. Selon un juriste joint parLibération, «il n’y a là aucun élément pouvant donner lieuà poursuites, même s’il est clair qu’elle n’a pas respecté laprocédure. Fillon aurait raison s’il lui tapait sur les doigts.Son investissement n’a rien de malhonnête, mais il estmalencontreux». C.Al. PHOTO THOMAS SAMSON. AFP

CHRISTINE LAGARDEINVESTIT HORS DES CLOUS

LES GENS

35000emplois seront supprimés par le géant de l’électroni­que Panasonic d’ici à 2013. Le groupe japonais compteramener ses effectifs à environ 350000 personnes.Cette restructuration vise à éliminer les doublons aprèsl’absorption de Sanyo et Panasonic Electric Works.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 ECONOMIEXPRESSO • 17

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TAKAKO FUJIMATSU 35 ANS, A SURVÉCU AU TSUNAMI

«Je me sens forte, j’acceptemême de poser en jogging»Il faut la voir éclater de rirepour savoir qu’elle surmon-tera cette épreuve. TakakoFujimatsu vit pourtant seuleavec ses deux enfants. Ex-employée dans une coopé-rative de poisson, elle a sur-monté les quinze premiersjours en vivant dans un re-fuge de fortune : sans eau,sans nourriture ou presque.Sans électricité. Plus de2 000 personnes, vieux,faibles, y ont perdu la vie.«Moi, je suis déjà une survi-vante. Je n’ai dû mon salutqu’à une vieille femme quinous a dit de partir. Sans elle,nous serions morts.» Elle afui, vu sa maison balayée parune vague géante, la vieillese faire dévorer par les eaux.Elle n’a plus de nouvelles desa propre grand-mère. Lesvieux ont payé un tribut ter-rifiant au tsunami : 75%des 35 000 morts et dispa-rus.Les images la hantent? Ellesterrorisent encore son fils etsa fille, qui s’assombrissentà l’évocation du 11 mars. Ta-kako, 35 ans, se sent forte.«La preuve, j’accepte mêmede poser en jogging, dit-elleen riant. On va s’en sortir, aucourage. Je suis mère, et j’ai lafoi.» Inutile de l’interrogersur les responsabilités du

gouvernement, une préven-tion timide, une réponse ti-morée au drame. «Il n’y apas de responsabilité humaine.Cette catastrophe est natu-relle.» Le rapport à la nature

explique et excuse bien deschoses au Japon ? «C’estvrai.» En contrebas, on en-tend le bruit de coups depioches. Des abris temporai-res en construction.

Japon,l’archipel

desdéplacés

Ils ont tout perdu lors du tsunami ouont abandonné ce qu’ils possédaient

dans la zone interdite de Fukushima…Paroles de «réfugiés intérieurs»,

dans un pays traumatisé.

Par CHRISTIAN LOSSONet MICHEL TEMMANEnvoyés spéciaux à Hirota et Koriyama

S ept semaines après, et pourtant…Comme au lendemain du tsunami, lepays, traumatisé, vit toujours un étatd’urgence qui ne dit pas son nom. Les

jietai (les forces d’autodé-fense) semblent dépassées.Le nombre de morts et dedisparus paraît encore trèssous-estimé et le flot de dé-placés affole jusqu’aux hu-manitaires rompus aux exo-des massifs. «Les chiffresdisent des choses, mais ne di-sent pas tout», résume undes 136 000 sinistrés re-censé. Les 660 000 foyerssans eau, les 209 000 mé-nages sans courant ne suffi-sent pas…Il manque à cela des visages. Des hommeset des femmes, entre résignation et stoï-cisme, condamnés à reprendre vie dans l’undes 2 500 centres d’hébergement. Commeà Minamisanriku, où la promiscuité est larègle. Là, trois femmes, trois générations,dans 4 m2 délimités par des cartons. Et Kat-

sué, 16 ans, qui revit immuablement cettescène: «J’ai sauté du train avant le tsunami.Le conducteur est resté. Même les rails ont étébalayés.» A Karakuwa, petit bourg de pêcheréduit en ruines, Masafumi Chiba hante leslieux, se sent «autoréfugié», livré à lui-même. Il parvient à aligner des «c’est terri-ble, c’est terrible, c’est terrible»…

Les lieux peuvent être dé-pouillés et les survivantsdormir à même le sol : lanourriture ne manque plus.«Les dons de chaussures, detee-shirts» frôlent l’over-dose, dit une ONG. Le gou-vernement ? Il tarde à faireémerger des «shelters», desabris provisoires. S’en remetà des loteries pour attribuerdes logements sociaux.Quand la moitié (560 000)des gaijins – les étrangers –

ont quitté l’archipel, les exilés de l’intérieurfont face. Qu’ils soient «déplacés du nu-cléaire» ou du tsunami (lire ci-dessous). Ilsont tout perdu. Mais ont toujours quelquechose en main au moment de la photo. Unsac, un livre, un verre. Comme si le dénue-ment absolu imposait de ne pas se montrertotalement à nu. •

AKINORI MURAKAMI 35 ANS, A PERDU SA MAISON

«J’attends le feu vertpour retourner en mer»Akinori Murakami n’a pluspeur. Pour la ressentir ànouveau, il lui suffit de con-templer, au pied de l’écoleélémentaire qui lui sert derefuge, ce qu’il reste de Hi-rota: rien. Ce petit village àdeux pas de Rikuzentakata,a été englouti. «Comme uneexplosion atomique», dit-il.Pompier volontaire, cetostréiculteur a sauvé l’es-sentiel du tsunami : sa fa-mille. «Après le séisme, lorsde l’alerte tsunami, j’ai coururécupérer ma femme et monfils de 3 ans et on s’est préci-pité sur les hauteurs.» Samaison? «Envolée, et pas as-surée, comme la plupart desgens ici.» Pourtant, recons-truire –«j’ai perdu plus de sixamis pêcheurs, et je n’en airetrouvé aucun», expli-que-il–, Akinori Murakamis’en sent la force.Il sillonne seul le centred’accueil. A mis sa famille àl’abri, à Sendai, plus au sud.«J’ai toujours aimé mon mé-tier, mon rapport à la mer. Jereste ici en attendant de re-prendre mon job. J’attends lefeu vert de la coopérative.»Pas pour l’argent – «je ga-gnais moins que le Smic» ja-ponais, environ 1500 eurosmensuels –, mais pour la«liberté». Cette indépen-

dance que tant de tra-vailleurs de la mer rejettentdésormais. «Jamais plus je nela regarderai en face», ditainsi un pêcheur. «Moi oui»,reprend Akinori. Sa seule

hantise: être rattrapé par lenucléaire. Et que les rejetsde Fukushima lui interdisentce que le raz-de-marée nepourra faire : «Le droit detenter de revivre ici.»

Tokyo

OcéanPacifique

JAPON

KoriyamaHirota

500 km

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LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201118 • TERRE

Page 19: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

Des déplacés installés dans le gymnase d’un lycée de Watari, dans la préfecture de Miyagi, le 29 mars. Le Japon compte 2500 centres d’hébergement. PHOTO EUGENE HOSHIKO.AP

YUKI MATSUMOTO 37 ANS, A FUI LA ZONE INTERDITE

«Ma vie d’hier n’estqu’un souvenir»Il y a quelque chose de brisédans le regard de Yuki Mat-sumoto. Et, en elle, une for-midable résilience, commechez tant de victimes de lacatastrophe. Yuki écrit surnotre carnet son nom enkanji, les sinogrammes.Comme pour laisser unetrace. A 37 ans, elle s’envi-sage davantage comme unerescapée et tente de s’imagi-ner un futur. «Le séisme a étési puissant que j’ai cru mourir,dit-elle. Puis on a vu le tsu-nami. On a retenu notre souf-fle, avec mes enfants de 11 et13 ans. Jusqu’à ce que la cen-trale nucléaire, en laquelle onavait confiance, nous crachedessus.» Yuki était femmede ménage d’un hôtel du lit-toral, à Tomioka, triplementravagé. Elle sourit : «Ma vied’hier n’est qu’un souvenir.On doit tenter de repartir dunéant.» Oublier job commemaison.Elle habitait à Kawauchi, àmoins de 20 km de la cen-trale endommagée. En zonerouge. Yuki Matsumotoparle de sa vie entre paren-thèses quand Akira, un autredéplacé, s’interpose ; ilpleure. «Je n’ai même paspris une photo, pas un souve-nir, pas un yen, pas un papier,rien.» Il marque un temps.

«Ceux qui disent qu’on ne re-tournera pas chez nous avantdix ans mentent: j’y retourne-rai. Je veux mourir sur la terreoù je suis né.» Yuki se muredans le silence. Dans les

coursives du centre, des en-fants jouent à la Nintendo.Une télévision rappelle l’in-terdiction de franchir les20km autour de la centrale.«Un cimetière», dit Yuki.

FUMIHIKO SAKAMOTO 49 ANS, VIVAIT PRÈS DE FUKUSHIMA

«Je suis condamné à êtreun Japonais errant»C’est un immense com-plexe, glacial, à la périphériede la ville. Il est 21 heures,des déplacés dorment déjàdans des espaces délimitéspar des cartons : 2 m2 parpersonne en moyenne. Danscette impossible intimité,des écrans géants retrans-mettent des talk-shows.Soudain, il surgit. «Je suis unpoète», débute, dans unfrançais hésitant, FumihikoSakamoto. Un poète mau-dit: «Je suis né à Namie, dansla zone interdite. Je vivais àTomioka, la petite ville quiabritait Fukushima Daichi.»L’homme, âgé de 49 ans,trône près d’un des distribu-teurs de boissons, illusoirelieu de socialisation des exi-lés du nucléaire. Loin de To-mioka, ses 16000 habitants,son tunnel de Sakura, sescerisiers en fleurs, ses plageset sa prospérité jadis appor-tée par la centrale.Il dit : «Je ne reviendrai ja-mais. Je le sais. Je vais partirretrouver ma sœur à Niigata,avec mon père et ma mère. Etje vais écrire des haïkus.» Surun retour impossible. «Jesuis condamné à être un dé-placé, un Japonais errant.»Le 11 mars, le jour où sa viea basculé, Fumihiko Saka-moto «lisait, à la biblio-

thèque». Le lendemain, lacentrale a recraché un nuageradioactif. «On nous ad’abord évacués de la ville.Puis, plus tard, d’une école oùl’on avait trouvé refuge. Puis

ici.» A Kuriaki, toujourssous la menace fantôme dela centrale. Ici, on y venddes fraises locales. «Large-ment contaminées», résumeun expert.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 TERRE • 19

Page 20: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

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CLIMAT De très violents cyclones ont fait plus de 200 morts mercredi.

LesuddesEtats-UnisravagépardestornadesS ur les vidéos, nombreu-

ses, tournées par leshabitants, on dirait

d’énormes colonnes de fu-mée qui tourbillonnent à trèsgrande vitesse et ravagenttout. En quelques minutes,des rues entières ont été ré-duites en miettes ces der-niers jours dans le sud desEtats-Unis, par une succes-sion de tornades. Plus de200 morts ont été décomptésmercredi, surtout en Ala-bama (où l’état d’urgence aété déclaré), mais aussi dansles Etats voisins du Missis-sippi, de Géorgie, du Ten-nessee et en Virginie.Records. Les tornades, quise forment lorsque desmasses d’air chaud et hu-mide se combinent à desvents d’orage très violents,sont un phénomène assezcourant aux Etats-Unis, sur-tout en avril et mai. Celles decette année semblent parti-

culièrement nombreuses etdévastatrices, se rappro-chant, voire dépassant,les records enregistrés enavril 1974. Cette année-là,148 tornades avaient étécomptées en un seul jour,faisant 310 morts.A Tuscaloosa (Alabama), unhabitant pris dans une tor-nade a raconté comment samaison a d’abord «tremblé»,puis comment il a vu le ventarracher le toit et les fenê-tres. «On dirait que quelqu’unest passé avec une hache gé-ante pour couper tout ce quidépassait», a décrit un autre

résident, David Ikard, citépar Alabama Live. «Commesi une lame géante était passéedans tout le quartier.»Est-ce là encore une consé-quence du réchauffement ?La question est bien sûr po-sée, même aux Etats-Unis,mais aucun chercheur nesemble avoir pu établir unlien entre le réchauffementet les tornades. Une étudemenée en 2009 par desscientifiques de l’universitéde Géorgie suggérait plutôtque des automnes et hiversplus secs, dus au change-ment climatique, pourraientplutôt réduire le nombre detornades au printemps.Si la quantité de tornades anettement augmenté cesdernières années aux Etats-Unis, cela serait surtout dû àun recensement plus com-plet des troubles météorolo-giques. «De nos jours, on estau courant de la moindre bran-

che d’arbre abattue, expliqueGreg Carbin, chargé de lacoordination des alertes auService national de météoro-logie. Nous avons des yeuxpartout: des radars, des satel-lites… Il serait maintenant trèsdifficile pour une tornade depasser inaperçue.»Rêve américain. Maisl’homme a bien une respon-sabilité dans les dégâts occa-sionnés par ces phénomènes,soulignait récemment BryanWalsh, auteur du très bonblog Ecocentric, sur le sitedu Time Magazine. Si le nom-bre de victimes est aussiélevé aujourd’hui dans le suddu pays, c’est que le rêveaméricain d’accession à lapropriété se fait souvent dansdes bicoques en bois ou enpréfabriqué qui s’écroulentassez facilement.

De notre correspondanteà Washington

LORRAINE MILLOT

Les décombres de Pratt City, dans la banlieue de Birmingham, hier. L’Alabama a décrété l’état d’urgence. PHOTO REUTERS

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300 km

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La Fédération des forestiers privés de France, à l’initiativede la visite de Nicolas Sarkozy en Corrèze, hier, espéraitdes annonces concrètes: entre autres, la création d’unfonds d’investissement spécifique pour aider les 3,5 mil­lions de petits propriétaires forestiers (75% de la forêtfrançaise) à reboiser. «Il manque 30000 à 40000 hectarespour répondre à la demande du marché», indique Luc Bou­varel, directeur général de la fédération. Las, le chef del’Etat, dont le déplacement visait surtout à se montrer enterre chiraquienne et hollandaise (lire aussi page 11), s’estcontenté de proposer un vague aménagement de la fisca­lité (possibilité de bénéficier de crédits carbone, dispositifassuranciel plus incitatif…). Les forestiers, polis, s’estiment«entendus mais vigilants». PHOTO ERIC FEFERBERG. REUTERS

LA FILIÈRE BOIS NE BRANCHE PASPARTICULIÈREMENT LE PRÉSIDENT

35%C’est l’augmentation des sommes placées dans desInvestissements socialement responsables (ISR) soit68,3milliards d’euros en 2010. L’ISR correspond à des pla­cements éthiques sur des supports d’épargne dont lesémetteurs intègrent, en plus des critères financiers, descritères sociaux, environnementaux et de gouvernance.

«La Pologne pourrait devenir le premierou un des plus grands producteursde gaz en Europe.»Piotr Krzywiec, de l’Institut national de géologie dePologne. Le pays rêve de devenir un nouvel eldoradoénergétique grâce aux gigantesques gisements de gaz deschiste qui traversent le pays depuis la côte baltique, dans lenord, jusqu’au sud­est, sur près de 650 kilomètres.

GREENPEACE Le Japon in-terdit au Rainbow Warriorde s’approcher des côtesproches de Fukushima. Levaisseau amiral deGreenpeace n’a pas obtenud’autorisation pour effectuerdes mesures sur la qualité del’eau à l’intérieur des eauxterritoriales.

CUIVRE L’Europe a couvert45,7% de ses besoins encuivre grâce au recyclage

en 2009. Le chiffre était de42,2% l’année précédente.Russie comprise, l’Europe autilisé plus de 2,2 millions detonnes de cuivre recyclé.

SOLAIRE L’avion expérimen-tal Solar Impulse tentera sonpremier vol international lasemaine prochaine. Il partirade Suisse et rejoindraBruxelles, propulsé unique-ment par ses panneaux so-laires.

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SCIENCES • 21

Pour son dernier vol, la navette emmène en orbiteun détecteur spatial de particules révolutionnaire.

C e soir, la navette spatialeaméricaine Endeavour doits’envoler pour son 25e etdernier vol vers les étoiles.

Ce tir sera l’avant-dernierde l’ère de cet engin, unsystème de transport spatialréutilisable, sans précédent… Etsans successeur. Le dernier vol,avec Atlantis, est prévu pour la finjuin, trente ans après le premier, ce-lui de Columbia, le 12 avril 1981. Tantque la Nasa n’aura pas mis en ser-vice un nouveau système, à base defusées et de capsules à usage uni-que, les astronautesn’auront qu’un seulmoyen de rallier la sta-tion : les Soyouz quis’envolent de Baïko-nour.A bord de la navette, unéquipage de six astronautes 100%masculin – c’est rare – où l’on necompte aucun «bleu» de l’espace.Parmi eux, Roberto Vittori, un Ita-lien de l’Agence spatiale euro-péenne, dont c’est le troisièmevoyage dans l’espace… Mais le pre-mier en navette.Endeavour doit rallier la station spa-tiale internationale (ISS), à près de400 kilomètres d’altitude pour laravitailler en vivres, eau, matériels–la routine. Trois astronautes (MikeFincke, Drew Feustel et le CanadienGreg Chamitoff) vont réaliser quatresorties en scaphandre de six heureschacune – le «must» des activitésspatiales– afin d’installer ou d’en-tretenir des équipements à l’exté-rieur de l’ISS.

AIMANT. Dans la soute d’Endeavourse trouve aussi un colis exception-nel. Un formidable instrument dephysique baptisé AMS, Alpha ma-gnetic spectrometer. Fruit de l’obs-tination de son père, le Nobel dephysique américain Samuel Ting,puisque le projet remonte au débutdes années 90. Construit en Europeà 90% sous la houlette du Cern, leplus grand laboratoire de physiquedes particules de la planète, installéà frontière franco-suisse. Ce pre-mier détecteur de particules spatialose les dimensions des plus grandslabos terrestres.«7 tonnes, 5 mètres sur 4 sur 3», ré-sume Sylvie Rosier-Lees, duLaboratoire d’Annecy-le-Vieux dephysique des particules (CNRS) oùa été construite une partie de ce dé-tecteur. Il sera accroché à l’extérieurde l’ISS «jusqu’à la fin de sa vie»,annonce la Nasa… Autrement dit2020, selon les accords entreagences spatiales, mais probable-ment plus longtemps encore.Son objectif? Mesurer avec une pré-cision sans précédent les rayons

cosmiques qui traversent l’espace.Leur étude depuis le sol est délicate,en raison de la couverture de l’at-mosphère où ils se cognent et setransforment. Ainsi, AMS ne peutdétecter qu’environ 400 particules

par seconde au sol, contre25000 lorsqu’il sera attachéà l’ISS.

A l’aide d’un aimant produisant4000 fois le champ magnétique ter-restre, il va tordre la trajectoire desparticules électriquement chargéespuis en mesurer la masse, la vitesse,la direction, et les identifier. C’est,explique Sylvie Rosier-Lees, «le pre-mier télescope spatial à rayons cosmi-

ques». Ce monde des rayons cosmi-ques, constitué pour l’essentiel denoyaux d’hydrogène (des protons)et pimenté d’un peu d’hélium, vapasser d’une image assez floue à unedescription précise de sa composi-tion, en particulier en noyauxlourds, très minoritaires. Cette me-sure de précision va livrer des infor-mations inédites sur les monstres del’univers: trous noirs, étoiles à neu-trons, pulsars, et autres astres quiexpulsent violemment, en les accé-lérant presque à la vitesse de la lu-mière, des particules de matière quideviennent des rayons cosmiques.C’est dans ces rayons qu’AMS vatraquer deux gibiers de choix, dontl’existence est suspectée mais quin’ont jamais été observés: «La ma-tière noire et l’antimatière primor-diale», explique la spécialiste del’Institut de physique nucléaire etdes particules (IN2P3) du CNRS. Lamatière noire, c’est cette fameuse

«masse manquante» inventée dès lesannées 30 pour expliquer le mouve-ment des étoiles dans les galaxies etcelui des galaxies dans leurs amas.Une masse qui surpasserait de beau-coup la matière ordinaire. Pourtant,si toutes les mesures de mouve-ments dans l’univers confirmentson existence, aucune expérience delabo n’a pu mettre la main sur lesparticules qui la composeraient. SiAMS y parvient, il pourra en outreestimer la densité des particules dé-tectées.

FLOT. L’autre gibier, c’est l’antima-tière «primordiale», explique laphysicienne. Pas celle que les expé-rimentateurs fabriquent dans leursaccélérateurs, où celle que produi-sent des phénomènes astrophysi-ques, mais celle qui aurait survécuà la grande annihilation, peu aprèsle big-bang, lorsque matière et anti-matière sont entrées en contact.Pour la distinguer, elle doit se pré-senter sous la forme d’antihélium,un noyau formé de deux antiprotonset deux antineutrons. La traque seradélicate: «On cherche un antihéliumsur un milliard d’héliums détectés»,explique la physicienne.AMS, du moins son aimant et desdétecteurs depuis remplacés, a déjàvolé dans l’espace. Mais dix joursseulement, dans la soute de la na-vette Discovery, en 1998. De quoidémontrer que l’idée est bonne.Mais pas assez longtemps pour fairede la bonne physique. Avec AMS, leschercheurs de cette collaboration de16 pays, 500 physiciens, ingénieurset techniciens recevront un flotcontinu de mesures absconses.Commencera alors une longuetraque, à coups d’analyses mathé-matiques, au bout de laquelle notrevision de l’univers sera peut-êtrebouleversée. •

Par SYLVESTRE HUET

Le module va livrer desinformations inédites sur lesmonstres de l’univers: trous noirs,étoiles à neutrons, pulsars…

RÉCIT

175millions de kilomètres, c’estenviron la distance qu’auraparcourue Endeavourau cours de ses 25 missions.

LE MODULE AMSL’Alpha Magnetic Spectrometer,détecteur de particules spatial,est le fruit d’une collaborationinternationale et a impliqué plusde 500 physiciens, ingénieurset techniciens de 16 pays, dont laChine, travaillant dans 56 labora­toires. Le module pèse 7 tonnes,mesure 5 mètres de long, 4 delarge et 3 de haut. Il sera arrimé àla Station spatiale internationale.

REPÈRES

«Le cosmos est lelaboratoire ultime.»Sam Ting prix Nobel de physique, àl’origine de l’expérience AMS

«ENDEAVOUR»La navette américaine a étéconstruite après l’explosion audécollage de Challenger,en 1986. Elle a effectuésa première mission en 1993,pour mettre le téléscopeHubble en orbite.

Endeavour,auxportesdel’univers

La navetteEndeavour aucentre spatialKennedy. PHOTOREUTERS

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011

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RETOUR SUR LA DEMI­FINALE DE LIGUE DES CHAMPIONS REAL­BARÇA (0­2)

Mourinho dans la ligne de mire de l’UEFABarça-Real, le feuilleton continue.Hors du terrain. L’UEFA a annoncéhier l’ouverture d’une procédure dis-ciplinaire pour les «déclarations inap-propriées» de l’entraîneur madrilèneJosé Mourinho après la demi-finalealler de Ligue des champions. Le clubcatalan a lui décidé de saisir la com-mission de discipline de l’instanceeuropéenne. Expulsé lors du match

pour avoir applaudi ironiquement ladécision de l’arbitre d’exclure Pepe,son cas sera étudié le 6 mai. En confé-rence de presse d’après-match,«Mou» s’en était pris aux Catalans età leur entraîneur, Pep Guardiola :«Pourquoi il arrive toujours la mêmechose à chaque demi-finale ? […] Je nesais pas si c’est pour l’Unicef (le spon-sor maillot du Barça), je ne sais pas si

c’est le pouvoir de M. Villar (présidentde la Fédération espagnole de football)à l’UEFA. […]. Guardiola est un entraî-neur fantastique mais il a gagné une Li-gue des champions (en 2009) quej’aurais eu honte de gagner, avec lescandale de Stamford Bridge [contreChelsea en demi-finale, ndlr]. Et s’il ga-gne cette année, ce sera avec le scandaledu Bernabeu.»

A

L a lepénisation des es-prits aurait-elle gagnéles sphères dirigeantes

du foot français ? Aucundoute pour le site Mediapartqui affirmait hier: «Pour lesplus hautes instances du foot-ball, l’affaire est entendue: il ya trop de Noirs, trop d’Arabeset pas assez de Blancs sur lesterrains.»Le site Internet affirmemême que «plusieurs diri-geants de la Direction techni-que nationale (DTN) […] de laFédération française de foot-ball (FFF), dont le sélection-neur des Bleus en personne,Laurent Blanc, ont approuvédans le plus grand secret, fin2010, le principe de quotasdiscriminatoires officieux dansles centres de formation et lesécoles de foot du pays». Unchiffre de 30% aurait étéavancé. Précision: la FFF n’aaucun pouvoir pour imposer

ces quotas aux centres deformation des clubs, qui pri-vilégieront toujours les jeu-nes censés leur apporter destitres et/ou une bonne plus-value en cas de transferts.Acuité. La volonté de la DTNde diversifier les profils re-

crutés dans les centres deformation est connue. Le dé-bat s’est posé avec d’autantplus d’acuité l’été dernier,quand l’Espagne et ses mi-lieux de terrain de poche, aremporté le titre pendant quel’équipe de France et sesgrands costauds se vau-traient. La plupart des obser-vateurs s’accordent ainsipour dire que les profils pri-

vilégiés ces dernières annéesdans les centres de formation–des joueurs très athlétiqueset grands dès 12-13 ans– ontété l’une des causes de cemanque de diversité dans lamanière de jouer des Bleus.Mais, selon Mediapart, les

critères nou-veaux qui vontêtre mis enplace semblentêtre plus eth-niques et cul-turels que

techniques. Laurent Blancserait particulièrement surcette ligne. Lors de réunioninterne, il aurait déclaré :«Les Espagnols, ils disent :“Nous, on n’a pas de pro-blème. Des Blacks, on n’en apas”.» Il aurait égalementaffirmé qu’«il faut “limiter” lenombre des joueurs françaisayant une autre nationalité qui“partent jouer dans des équi-

pes nord-africaines ou africai-nes”.» Trop de jeunes «bina-tionaux», au final, opteraientpour leur pays d’origine.Selon Mediapart, les centresde formation de Lyon et deMarseille auraient com-mencé à appliquer cette dis-crimination. Rémi Garde, ledirecteur du centre lyonnais,conteste : «Ce n’est pas unequestion de couleur, mais unequestion de profil. On a tou-jours cherché à recruter desjoueurs qui avaient une cer-taine intelligence de jeu. Onécoutera les messages de laDTN mais pour l’instant, on nenous a encore parlé de rien.»Procès. Le nouveau DTN,François Blaquart qui assumele débat technique sur la for-mation à la française, démentqu’il serve d’alibi à des critè-res ethniques. Selon lui, «enaucun cas de manière institu-tionnelle, de manière officielle,de manière écrite, de manièrerapportée, ça n’a été évoqué».Selon Mediapart, «il n’est pasinhabituel d’entendre dans lescouloirs de la DTN des respon-sables parler des joueursmusulmans comme d’“isla-mistes”, de “gris” ou de “sar-rasins”.» Des propos quiconfortent le procès instruitcontre les Bleus après lefiasco du Mondial, ces «caïdsimmatures» stipendiés parRoselyne Bachelot. Un pro-cès fort bien démonté par lesociologue Stéphane Beauddans son livre Traîtres à lanation ? dans lequel il dé-nonce un langage qui «nonseulement caresse dans le sensdu poil une certaine opinionmais qui fait aussi peser defortes suspicions de déloyauténationale sur ce groupe desenfants d’immigrés».

QUENTIN GIRARD

«On écoutera les messages dela DTN mais pour l’instant, onne nous a parlé de rien.»Rémi Garde ducentredeformationdel’OL

DesquotasdeBlancsenéquipedeFrance?FOOTBALL Selon le site Médiapart, les dirigeants de la Fédérationfrançaise estimeraient qu’il y a trop d’Arabes et de Noirs chez les Bleus.

L’ancien recordman du monde de saut en hauteur (2,42m),le Suédois Patrik Sjöberg, révèle dans son autobiographie–Ce que vous n’aviez pas vu– avoir été victime d’abussexuel à l’âge de 11 ans par son entraîneur et beau­pèreViljo Nousiainen. Sjöberg, 46 ans aujourd’hui, explique queNousiainen, entraîneur de renom décédé en 1999, lui fai­sait subir des «examens scientifiques» pour mesurer ledéveloppement de ses muscles. «Je trouvais ça très offen­sant mais il me disait que c’était essentiel pour l’entraîne­ment», a déclaré l’ancien champion. Tout a pris fin lorsqueSjöberg a menacé de porter plainte. «Lorsque Viljo estmort, cela a été un soulagement pour moi car personnen’allait jamais savoir ce qui s’était passé, a­t­il expliqué à latélé suédoise. Je l’ai haï pour tout ce qu’il m’a fait subirmême si, d’un autre côté, il était indéniable que j’avaisaussi affaire à grand entraîneur.» PHOTO JACK MIKRUT. AFP

PATRIK SJÖBERG A ÉTÉ AGRESSÉSEXUELLEMENT PAR SON COACH

L’HISTOIRE

PATINAGE ARTISTIQUE LeCanadien Patrick Chan estdevenu champion du mondeen établissant un nouveaurecord 280,98 points hier àMoscou. Il devance le Japo-nais Kozuka et le Russe Ga-chinsky. Côté français, lechampion d’Europe, FlorentAmodio termine 7e, juste de-vant Brian Joubert.

NBA Chicago, Boston,Miami, Oklahoma sont qua-lifiés pour le second tour desplay-off. Les Spurs, nu-méro 1 à l’ouest sont menés3-2 par Memphis. Les Lakersmènent 3-2 contre New Or-leans comme Dallas face àPortland et Atlanta face àOrlando.

TENNIS Novak Djokovic dé-coré par l’église orthodoxeserbe. Le numéro 2 mondiala reçu la plus haute distinc-tion : la médaille de SaintSava. Le week-end dernier,il s’était vu remettre un pas-seport diplomatique qui luiépargnera les formalités auxfrontières.

RUGBY Le club londoniendes Wasps ne renouvellerapas le contrat de Serge Bet-sen. Autant dire que cela sentla retraite pour le troisièmeligne français (63 sélections)avec le XV de France, quis’est bâti une réputationmondiale de redoutable pla-queur et «chasseur den° 10».

18C’est l’âge, en mois, de Baerke van der Meij, la nouvellerecrue du club néerlandais de VVV­Venlo. Le club,actuellement avant­dernier du championnat de premièredivision réalise là un bon coup de pub. Le bambin a étérecruté d’après une vidéo postée sur Youtube où il met­tait plusieurs ballons dans une malle. Le communiquén’indique pas le poste du futur joueur.

«Je pars, et j’ai conscience que cette fois, jene reviendrai pas. Cela fait bizarre, j’aimece club. Je pensais finir ma carrière ici, c’estun club que je supporte depuis tout petit.»Frédéric Michalak a annoncé son départ en fin de saison duStade toulousain. Le prochain club du demi d’ouvertureinternational n’est pas connu

L’équipe de France en juin 2010 en Afrique du Sud. PHOTO FRANCK FIFE. AFP

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201122 • SPORTS

Page 23: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNathalie CollinNicolas Demorand Associéeunique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €.Coprésidents du directoire Nathalie CollinNicolas Demorand Directeur de la publication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher(éd. électronique)Christophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotOlivier Wicker (Next)Directeur artistique Alain BlaiseRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois(édition)Grégoire Biseau (éco-terre) Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et RichardPoirot (éd. électronique) Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] du développement Max ArmanetABONNEMENTS& 03 22 19 25 [email protected]É Directrice générale d’Espaces Libération Marie Giraud Espaces Libération 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67Publicité commer ciale,littéraire, financière, arts et spectacles. Publicitélocale et parisienne.Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),Imprimé en France Tirage du 28/04/11: 151 356 exemplaires.

Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP : C 80064.ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments

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H. I. Voilà ce que la grande majorité des salariéstouchera, quelles que soient les belles promessesprésidentielles. - II. SonCoupde grâce fut un coupliJéraire de maître en 1939. - III. Signal de départ.Joli jeu de balles en deuxième partie. - IV. Fidèleserviteur. Autre signal de départ. - V. Personnel.Fut longtemps cantonné à une très stricte réserveoutre-Atlantique. - VI. A la veille d’une belle noce- VII. Cours spinalien à contre-courant. - VIII. Dansle sang.Résistemal àuncoupdegel. - IX.Peut valoircombien.PermeJentd’hivernales volte-faces aprèsvolte-face. - X. Suit l’axe radial. A son châteaudansl’Aveyron. - XI. Vit peut-être le jour à Sion.V. 1. Ne saurait plus se tendre qu’ironiquement àl’écoutedes susdites promesses. - 2.Nebougeplusquand on arrive à bout de souffle. Vraiment pasbons. - 3.Ne fonças qu’après réflexion.MeJent ensituation délicate. - 4. Donne une belle couleurpourpre.Sontparmi lesmeilleurs. - 5.Tout s’ydécide.Naturellement fondamentales. - 6. Complètementabandonné.Etat en version royale. - 7. Eleva lepetitde sa soeur Sémélé. Devraient songer à cesserd’élireM. Santini. - 8. BouloJe. Finis par choisir uncamp. - 9. Veille à un laborieux confort.

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LES MOTS D’OISEAU I FEGD

H:I.Marchemal. II. Itérative. III.Grau. Inès. IV.Non-être.V.OCI.Réuni.VI.Némée.Rev.VII. Empiéta.VIII. Ennuis.TB. IX. Fat. Eével. X. EI. Adulte. XI. Encastrés.V:1.Mignonne fée. 2.Atroce.Nain. 3.Réaniment. 4.Crue.Emu.Aa. 5.HA.Trépieds. 6. Etiré. Iseut. 7.Mineure.VLR.8. Ave.NeJeté. 9. Lessivables.

XI

w LES MOTS D’OISEAU DDeess pprroommeesssseess,, ttoouujjoouurrss ddeess pprroommeesssseess......

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Interclubs allemands 2011Les Blancs jouent et gagnentB.Gharamian N. SlobodjanGata Kamsky champion des USA 2011. En rem-portant le match de départage 1,5 à 0,5 face à YuryShulman, l’Américain d’origine tatare remporte son2e titre consécutif, et son 3e depuis qu’il a fouléle sol des États-Unis. Il empoche 42 000 $. Né en1974, il fut en 1995 le n°4 mondial. Nous sauronsdès le mois prochain si son come-back est réussià l’issue de son match des candidats contre l’ex-tenant du titre bulgare Veseline Topalov. Mortelle nouveauté. Les nouveaux coups ont uneffet déstabilisant pour qui a bien appris sa leçon,bien souvent au-delà de la réelle portée échi-quéenne du coup. Celui a qui est infligé un tel défipeut se sentir obligé de punir le contrevenant, carce qui n’est pas théorique est forcément douteux.La bien-pensance existe aussi aux échecs! DDjjiinnggaarroovvaa ((22334499)) -- NNaabbaattyy ((22558811)) , partie jouée autournoi de Ravenne, Italie, début avril.11..CCff33 cc55 22..cc44 CCcc66 33..dd44 ccxxdd44 44..CCxxdd44 CCff66 55..gg33 CCaa55Kesako? 66..DDaa44 Touche pas à mon pion. 66......ee55 77..CCbb55aa66 88..CC55cc33 DDcc77 99..FFgg55 Z’y va. Je réfute. 99......CCxxcc44 Man-que pas d’air. Il me le prend quand même monpetit pion. Je vais le massacrer. 1100..FFxxff66 bb55 1111..CCxxbb55Et toc. La tactique c’est mon truc. L’a rien vu venirle poireau. 1111......aaxxbb55 1122..DDxxaa88 CCbb66 Oh non! C’estpas vrai! Il a l’échiquier bordé de nouilles! Ma dameest cuite.1133..DDxxcc88++ DDxxcc88 1144..FFgg55 FFbb44++ 1155..CCdd22 DDcc661166..ff33 hh66 00––11.. JJeeaann--PPiieerrrree MMeerrcciieerr

Le roi blanc est dans de salles draps, tandis quel’aQaque est au point mort. Il est temps de payerla note. 11...... FFaa66++ 22..RRdd22 TTee22++!! 33..FFxxee22 TTxxee22++ 44..RRdd11 DDxxçç22mmaatt..

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AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

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MMAATTIINN Nuageux au nord-est et cielassez chargé du Bassin rennais auxArdennes où le temps est plus insta-ble.

AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Orageux à l'est, l'instabi-lité s'étend au fil des heures ; temps pluscalme au sud-ouest.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

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VENDREDI

Une tendance orageuse se dessinedu Bassin parisien au nord-est ainsique sur les reliefs du sud.

SAMEDILes orages seront encore nombreuxsur le pays, plus fréquents dans l'ouestet vers les Alpes.

DIMANCHEer

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Le nucléaire aprèsFukushima?

Fukushima ! Jour aprèsjour cette nouvelle ca-tastrophe nucléaire joueles prolongations, rejoi-gnant Tchernobyl ausommet des désastresindustriels. Tchernobyl

nous était apparu comme la consé-quence d’un système d’économiedirigé. Désastre qui ne sauraitatteindre le monde libre et l’écono-mie de marché. Fukushima, signela défaite de cette prétention. AprèsTchernobyl, tous les experts du nu-cléaire prophétisaient que les le-çons seraient tirées interdisant toutnouvel incident. Vingt-cinq ans ontpassé et la globalisation ultralibé-rale se révèle aussi inefficace en lamatière que le système commu-niste. Fait plus inquiétant, cedrame survient au Japon, pays quel’on imaginait doublement immu-nisé pour ce genre de sinistre: parson excellence technologique, parle terrible traumatisme laissé parHiroshima et Nagasaki. Il nousoblige à reconsidérer radicalementla question du nucléaire, des éner-gies nécessaires à nos modes devie, ainsi que la foi aveugle que l’onavait dans le progrès. Alors, sortirdu nucléaire? Pas si simple! Chan-ger de mode vie, renoncer à noshôpitaux, TGV, à notre capacité deproduction industrielle, jusqu’où?Les énergies alternatives sont loinde remplacer les centrales nuclé-aires en capacité. Faut-il sortir dunucléaire? Peut-on le faire évoluerpour garantir sa sûreté et en com-bien de temps? La France peut-elleavoir son Fukushima ? Quel nu-cléaire après Fukushima ?

Nathalie Kosciusko-Morizet: Diffi-cile de parler maintenant d’unaprès Fukushima car nous sommesencore dans la crise. L’urgence estd’aider les Japonais qui craignentd’être mis à l’écart d’un point devue économique mais aussi hu-main. Fukushima doit d’abordpermettre de faire bouger les cho-ses en matière de sûreté nucléaire.Aujourd’hui, il n’existe pas de nor-mes contraignantes à l’internatio-nal, c’est pourtant indispensable.Le président de la République a de-mandé qu’au moment du G20, onprenne des initiatives pour essayerde combler cette lacune. Au niveaunational, l’urgence est de répondreà la question angoissante et très lé-gitime que nous posent beaucoupde Français: est-ce que ça peut ar-

river chez nous ? La première ré-ponse, c’est l’audit, commandé parle Premier ministre, des installa-tions nucléaires de base qui doitpermettre une meilleure compré-hension des systèmes de sûreté dechaque centrale. Le choix nucléaireest un choix très engageant quisuppose des débats périodiques, unminimum de consensus national,un niveau de sûreté maximal et unetransparence totale. Cette catas-trophe repose aussi la question dumix énergétique. Le premier sujetdevrait être la question de l’effica-cité énergétique et de l’énergie gâ-chée. La réalité, c’est qu’il n’y apas de système de production

d’énergie qui n’ait pas d’inconvé-nient. L’efficacité énergétique estune industrie dans laquelle nousavons des champions industrielscomme Saint-Gobain. C’est aussiun domaine où les emplois sontnon délocalisables. Un certainnombre d’outils de politique publi-que ont été développés par le Gre-nelle de l’environnement, ils de-vraient gagner plus de lisibilité àl’occasion de cette catastrophe.Dans le bâtiment, nous avons misen place le prêt à taux zéro pluspour le neuf. Le programme Habi-ter mieux encourage la réhabilita-tion. 1,3 milliard d’euros a été dé-gagé pour subventionner lestravaux des propriétaires modestesdont la facture énergétique dépasse10% des revenus. Je suis convain-

cue que les énergiesrenouvelables onttoutes sortes devertus, notammentcelle d’être vecteurd’innovation. En-core faut-il que l’ons’organise pour quel’innovation nous

concerne, crée de l’emploi cheznous. J’ai poussé au lancementd’un grand appel d’offres sur l’éo-lien offshore, 3 gigawatts d’uncoup pour pouvoir développer uneindustrie nationale. Nous avons lesmoyens de devenir leaders mon-diaux de l’éolien offshore. Les ob-jectifs du Grenelle en matièred’énergies renouvelables, c’est depasser de 10% à 23%. Pour le reste,même mettant l’accent sur l’effi-cacité énergétique, même en sou-tenant les énergies renouvelables,il faudra toujours de l’électricité debase et l’énergie nucléaire continueà faire partie de ce bouquet.Cécile Duflot : Il n’y a pas de sys-

tème de production énergétique quine présente d’inconvénient, d’ac-cord. Mais la catastrophe nucléairen’est pas un inconvénient. Ledrame de Fukushima était non mo-délisé, personne n’avait travaillésur le scénario qui se déroule parcequ’il n’existait pas. Tout le pro-blème de la production d’électriciténucléaire réside dans ce risque in-fime mais réel de la catastrophedont la particularité est son am-pleur considérable dans l’espace etdans le temps. Peut-on être sûr queça n’arrivera jamais en France ?Non, même si la probabilité est ex-trêmement faible. La question fon-damentale, c’est la question de laprise en compte du risque. Les éco-logistes souhaitent que l’on décidede manière assumée et politiquequ’un risque aussi considérable nedoit pas être engagé surtout quandon peut substituer à cette produc-tion d’électricité nucléaire un autretype de production. En 1973, PierreMessmer lance le programme élec-tronucléaire, 4 à 6 réacteurs par ansont construits jusqu’en 1985. Celaa été le fruit d’un volontarisme po-litique extrême qui a permis defaire de la France un champion in-dustriel, une rareté à l’échelle de laplanète, qui produit 80% de sonélectricité par la production nu-cléaire. Le nucléaire est devenul’ego de la France. A l’époque, laquestion des déchets avait déjà étéidentifiée mais elle devait se résou-dre rapidement. Aujourd’hui, per-sonne n’ose dire qu’on trouveraune solution pour désactiver lesdéchets radioactifs. L’horizon desortie du nucléaire peut être dumême ordre : un acte volontaire,politique, concerté. Il ne s’agit pasde fermer les centrales nucléairesdu jour au lendemain, mais de dire

Débat animé par MAX ARMANETRetranscrit par ANASTASIAVÉCRIN

«Les écologistes souhaitent que l’ondécide de manière politique qu’untel risque ne doit pas être engagésurtout quand on peut substituerun autre type de production.»Cécile Duflot d’Europe Ecologie–Les Verts

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Emission de MaxArmanet réaliséepar Ghislaine Davidet diffusée surFrance Cultureaujourd’hui à 18h20.

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Par NICOLASDEMORANDet MAX ARMANET

Le futurimpenséOrgueil de la technologiefrançaise, garant del’indépendanceénergétique, il y a peu,la grande majorité desFrançais plébiscitaitle nucléaire. Les risquesdécrits par lesprofessionnels de l’atomesemblaient si lointains.Après tout, Tchernobylétait le témoin de la faillitedu système communiste !Rien de tel dans cetteénergie, symbole detechnologie de pointedu monde capitaliste.Fukushima a tout changé !En atteignant l’un des paysréputé, à l’égal dela France, pour sa maîtrisede l’atome, en constatantla difficulté chronique àinformer les citoyens – unmois pour que les officielsadmettent leurimpuissance à maîtriserle développement de lapollution et reconnaîtreque Fukushima égale engravité Tchernobyl – lenucléaire à sérieusementécorné son créditlaborieusementreconstitué après ledésastre ukrainien. Lebilan terrible de lacontamination change ladonne : une zone de30 kilomètres de rayoninterdite à sa population,sans aucun calendrier deretour ; un an pour isolerla centrale, vingt ans pourla démanteler, un demi-siècle pour imaginerle commencement d’unfutur. Et si cette ruines’était passée à côté dechez moi, sur les bords dela Loire ou du Rhône ? Lenucléaire modifie l’échelledu temps ; rendantobsolète la dictature del’urgence et du retour surinvestissement instantané.Fukushima nous force àconstater que nous avonsinventé une magnifiqueindustrie mais que nousavons oublié de la penser.En réunissant NathalieKosciusko-Morizet etCécile Duflot, lors de notreForum de Rennes consacréau respect, un an avant laprésidentielle, nous avonsvoulu donner toute saplace à ce débat.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201124 • REBONDS

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qu’un scénario de sortie d’icià vingt, vingt-cinq ans, à qualité devie égale, est possible. Nous pou-vons faire autrement, c’est doncune question de choix politique,pas de choix technique.N.K-M.: Je n’irai jamais dire que lacatastrophe de Fukushima est uninconvénient, c’est une catastro-phe, mais je persiste à dire qu’on nepeut pas instantanément passerd’un mode d’énergie à l’autre. Onse ment en faisant des propositionsqui ont l’air séduisantes mais quid’un point de vue économique,n’ont pas de réalité. Si on voulaitfermer quelques centrales nuclé-aires et les remplacer par des cen-trales à gaz, il faudrait 30 milliardsd’euros d’investissement et unemultiplication par 8 des émissionsspécifiques du secteur électrique enCO2. Et si on voulait tout trans-former en énergie éolienne ou enénergie photovoltaïque, ça ne seraitpas possible. Les énergies renouve-lables sont des énergies intermit-tentes, on ne pourrait donc pasproduire la quantité nécessaire etça coûterait plus cher. Et puis, l’éo-lien est encore très mal accepté.C.D. : Des attaques scandaleusesont été faites contre l’éolien. On adit qu’on ne pouvait pas descendreen dessous de l’installation de cinqéoliennes simultanément. Desobligations sont faites aux produc-teurs et installateurs d’éoliennes dedevoir provisionner les coûts dudémantèlement. Mais si on avaitobligé les installateurs de centralesnucléaires à provisionner les coûtsdu démantèlement, je pense quejamais on aurait installé de centra-les nucléaires. Cette règle aurait dûêtre mise en place dans les an-nées 60. On est dépendant à 80%d’une source d’énergie. Il faudrait

installer de façon globalisée25000 éoliennes, ça peut semblerimportant, mais on a aujourd’hui280 000 pylônes à très haute ten-sion. Il y a une accoutumance col-lective à l’existence ces pylônes. Lenucléaire a conduit au gaspillagemassif de l’électricité. Il faut sedéshabituer de ce modèle très con-centré avec des pylônes à très hautetension. Nous devons discuter surle fond du scénario de sortie, c’esten cours en Allemagne. La Franceet le Japon sont les deux seuls paysà s’être mis une espèce de clochesur la tête qui nous empêchait deréfléchir, les Japonais vont y être

contraints dans des conditions ex-trêmement douloureuses. Si onpouvait avoir cette réflexion sansavoir besoin d’être confronté à unedifficulté d’une aussi grande am-pleur ce serait quand même plusintelligent. Pendant longtemps, lesénergies renouvelables ont été mal-traitées parce qu’il ne fallait faire deconcurrence à l’énergie nucléaire.Les ingénieurs qui ont travaillé surles énergies renouvelables ont étécaricaturés et ils disposaient enmoyenne de 2% des crédits de re-cherche en matière énergétiquequand le nucléaire a disposé de98% des crédits de recherche.N.K-M. : Il faut savoir que l’Alle-magne nous achète maintenantl’électricité, et va nous en acheterde plus en plus. Pendant longtempsles énergies renouvelables ont été

maltraitées. Mais depuis le Grenellede l’environnement, ce n’est plusle cas. Et si vous regardez le grandemprunt, la plupart des appels àprojet récent ont été lancés en fa-veur de l’industrie d’énergie dé-carbonée. La proportion entre nu-cléaire et énergies renouvelablesdans le grand emprunt est sanscommune mesure avec ce qui a puexister dans le passé en France.C.D. : Des efforts existent mais ilsne sont pas suffisants. Une des al-ternatives, c’est aussi la géother-mie profonde. C’est une source deproduction de chaleur immédiatenotamment en zone urbaine qui

est très peu coû-teuse. Elle a été sa-crifiée à la foisdans le développe-ment du chauffageélectrique etc om me nou sétions dans unepériode de pétrole

peu cher, à court terme, les usinesgéothermiques donnaient l’im-pression de coûter plus cher. Dansle domaine de l’eau sanitaire, onest ridicule. Suivant la composi-tion de votre famille, de l’enso-leillement et la taille de vos toitu-res, entre 30% et 70% de vosbesoins en eau chaude sanitairepeuvent être fournis par un sys-tème solaire qui n’est pas du pho-tovoltaïque et qui est peu coûteux.Des techniques simples existent,mais en termes d’investissement,elles sont très peu développées parrapport à ce qui devrait être. Il y aun choix volontariste qui doit êtrefait. Mais il ne pourra être fait tantque la décision de sortir du nu-cléaire ne sera pas prise. Quand onest en train de construire des EPR[réacteurs de 3e génération à eau

pressurisée, ndlr] quel est l’intérêtde vouloir développer de façonmassive les techniques permettantles économies d’énergie et d’éner-gies renouvelables ? Ce n’est pastrès logique.N.K-M.: Vous n’utilisez pas le mot,mais vous voulez nous faire croirequ’il y a en fait un complot pronu-cléaire qui empêche les énergiesrenouvelables de se développer. Sic’était le cas, pourquoi dans leGrenelle de l’environnement se se-rait-on fixé un objectif de 23% quin’a jamais été aussi ambitieux ?Pourquoi aurait-on mis autantd’argent du grand emprunt dansles énergies renouvelables? Pour-quoi aurait-on créé le crédit d’im-pôt développement durable ? Jecrois beaucoup aux énergies re-nouvelables mais il faut les déve-lopper pour que l’emploi en Franceen profite et non en important despanneaux solaires chinois.C.D.: Je ne crois pas à un complotorganisé avec des réunions secrètesau sous-sol de la centrale de No-gent-sur-Seine. La réalité c’est quenous sommes en retard. Regardezce qui se passe en Finlande, Sie-mens a décidé de rompre son con-trat avec Areva, ce qui montre quel’avenir du nucléaire est plus dif-ficile qu’on ne l’imagine. Il fautcommencer par arrêter la cons-truction des deux EPR en cours: nepas lancer Penly et arrêter Flaman-ville parce que cela ne va pas dansle sens de l’histoire. Il faut arrêteravec «soit la bougie, soit les émis-sions de gaz à effet de serre». Nousdevons travailler sur un plan àmoyen terme qui permet par l’effi-cacité énergétique et les énergiesrenouvelables de sortir du nu-cléaire, sans émission supplémen-taire de gaz à effet de serre. •

Nathalie Kosciusko­MorizetMinistre de l’Ecologie,du Développement dura­ble, des Transports etdu Logement

Cécile DuflotSecrétaire nationaled’Europe Ecologie–LesVerts

«Le choix nucléaire suppose desdébats périodiques, un minimumde consensus national, un niveaude sûreté maximal et une totaletransparence.»Nathalie Kosciusko­Morizet ministre de l’Ecologie

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Dessin de MATTHIASLEHMANN

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Page 26: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

Dans lalessiveuseà principes,Schengen

Où en sommes-nous avec l’Europe? Enguerre sur tous les fronts, l’Union sesupporte mal, toute bouleversée par descrises multiples qui toutes, l’une appe-lant l’autre, s’enclenchent fatalement,inéluctablement, pour générer chez lespeuples un formidable sentiment d’im-puissance. L’Union est nue. Sa «gouver-nance» va mal, ses frontières vont mal,son identité va mal. Et ses citoyens–ceux du moins qui aspiraient si fortaux jours de vin et de roses partagés–découvrent accablés que les grandsprincipes de sa Constitution (entérinéeici par voie parlementaire, après que dé-savouée par référendum en 2005) sonttous les jours impunément bafoués.Vrai qu’elle ne donna guère le sentimentde fonctionner, si l’on ose dire, l’UE,qu’en tant que traité encadrant uneéconomie – «la concur-rence libre et non faus-sée», souvenez-vous…Pourtant, hormis les banquiers et lesactionnaires, on en cherche encore lesbénéficiaires. La crise, nous dit-on. Lacrise économique venue d’ailleurs etcause de tous les maux, radote Sarkozy.Va pour la crise, qui n’est jamais quecelle du capitalisme mondialisé, maistout de même! Derrière elle, il y a, pouridentifier l’UE, la Hongrie qui, depuisjanvier, pour six mois la préside. Soit unpays qui vient de se doter d’une nou-velle constitution dont chaque articlecrache à la face du projet continental. LaHongrie qui met sa démocratie sous lacoupe de l’Eglise, bafoue la liberté de lapresse, caresse l’idée de rétablir la peinede mort et se prépare à interdire l’IVG…La Hongrie, dont la police observe brascroisés des milices fascistes ratonner lesRoms, la Hongrie, répétons-le, présidel’Europe. Apprécions ce fait, sur quoi ondétourne trop pudiquement le regard,mais qui constitue moins un paradoxequ’un état des lieux.Vint le «printemps arabe», avecl’euphorique perspective de ses prolon-gements tunisien et égyptien dans toutle Proche-Orient. Derrière des prin-cipes légitimes, proclamés en éclatantstrompe-l’œil, dans une nullité de diplo-matie continentale, un engrenage se miten place. Successivement, nos amis BenAli et Moubarak dégagèrent. Avec notreautre ami Kadhafi, en Libye, ce seraitplus rude; avec notre cher Al-Assad, ilsemble qu’en Syrie, ce soit tout bonne-ment inconcevable. Quoi qu’il en soit,en l’absence d’un commencement dedéfense commune, avec la France, sansl’Allemagne qui en est mais avec laGrande-Bretagne qui n’en est pas toutà fait, avec l’Otan qui la contrarie, quel-

que chose de l’UE s’en alla en guerre.On aurait tort de réduire l’expédition àune querelle opposant, à propos d’«en-lisement» dans les sables libyens,Claude Lanzmann à Bernard-HenriLévy (voir la tribune du premier dansle Monde du 18 avril, et la réponse du se-cond, par Gilles Hertzog interposé, dansLibération du 19 avril). Sous ses appa-rences mondaines et pétitionnaires, ellen’est pas drôle. Et nous-même, pa-reillement privé d’un débat démocra-tique qui eût encadré le processus, nousne faisons pas le malin.A l’acmé dudit processus, avec l’évoca-tion –mensongère– d’un raz-de-maréemigratoire venu de Tunisie, vient la re-mise en cause de Schengen.Oh, ce n’était pas la panacée que cetteconvention, permettant en théorie à un

miséreux, débarquant enEurope via Lampedusa,d’aller pour survivre s’y

faire exploiter plus ou moins clandes-tinement jusque dans la banlieue deStockholm. Mais c’était à tout le moinsun principe, l’affirmation minimale etpurement formelle d’un rien d’huma-nité commune. Un truc à peine propreà rassurer notre mauvaise conscienceeuropéenne et susceptible d’être à toutinstant suspendu. Sa mise à mort dési-rée par les tenants de toujours plus defrontières, le centriste Jean-Louis Bour-langes la rebaptise «le retour des égoïs-mes nationaux». Quelle blague, tout demême! Comme s’ils avaient jamais dis-paru, les «égoïsmes nationaux», dans lemachin que fédèrent les intérêts, multi-ples et contradictoires, des Etats-na-tions…Demain, comme hier et commeaujourd’hui, les Etats-nations enten-dront poursuivre la régulation des fluxmigratoires à leur seule convenance, enfonction de leurs seuls besoins deviande à usiner. Mardi, Sarkozy et Ber-lusconi (avec, en souffleurs respectifs,le Front national et la Ligue du Nord) nedisaient pas autre chose, en réclamantde conserver à Bruxelles plus de créditspour plus de contrôle. Depuis, à proposde Schengen, diverses éminences de di-verses écuries socialistes françaises ontdit tout, et également son contraire.

PS. Sur fond d’actualité qui sent mau-vais, c’est plus légitimement que jamaisqu’à l’occasion du 1er mai, on honorerala mémoire de Brahim Bouarram, jetéen Seine et noyé le 1er mai 1995 par desséides du FN. Rassemblement diman-che, de 11 heures à midi, pont du Car-rousel, à l’aplomb duquel le crime futperpétré.

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LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201126 • REBONDS

Page 27: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

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LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 ANNONCES • 27

Page 28: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

250 mV I C T O R I A S T R E E T

LE PARCOURSLONDRES

Source : Reuters

S A I N TJ A M E S ’ S

P A R K

Buckingham Palace

Palais Saint-James

Palais de Westminster

TAMISE

Abbaye de Westminster

REVU ET CORRIGÉ «Libé» a trouvé les réponses à toutesvos questions sur le «royal wedding». Enfin presque.

Un mariage etdes boniments

Par SONIA DELESALLE­STOLPERCorrespondante à Londres

moutons que d’habitants. Cette absti-nence sexuelle ne les empêcherait pasd’être un couple moderne qui partagetoutes les tâches: celui qui a nettoyé lestoilettes dort dans le lit et l’autre, dansle canapé. Ils alternent le lendemain. Etle soir après la partie de Trivial Pursuit,rien? Vraiment? Un suppo et au lit, onvous dit!

Mais pourquoi donc SarahFerguson, ex­épouse du princeAndrew, n’est­elle pas invitée ?Sarah Ferguson n’a pas reçu d’invita-tion à son nom (trop vulgaire, trop vé-nale, trop rousse, trop grosse, trop em-barrassante, trop tout). Mais miss toomuch sera là, affublée d’une perruquebrune, et accréditée sous le nom deCherie Blair pour commenter les nocespour Fox News. Sarah sera, as usual,sponsorisée par Weight Watchers.

Y aura­t­il une surprise ?Oui, il y a aura au moins une surprise.Le prince William a obtenu gain decause. Il atterrira devant WestminsterAbbey en hélicoptère Sea King, celuiqu’il pilote pour ses sauvetages en meret le même que celui dans lequel il avaitatterri, il y a quelques années, dans lejardin de Kate, histoire de la vamper.What a romantic! En revanche, le princeHarry ne portera pas l’uniforme naziqu’il avait enfilé lors d’une fiesta trèsarrosée. Il pourrait cependant porter lamoustache. Pour faire fureur ?

Qui donc est «oncle Gary» ?Le frère de la maman de la mariée. Ma-rié et divorcé au moins trois fois, four-nisseur de drogues diverses et variéesdans sa villa de Majorque, baptisée«bang bang villa». Kate et William yont passé des vacances. L’oncle Gary a

accueilli le futur roi avec un splendide:«Hello, fucker» («salut, enculé»). Iln’est pas confirmé que, sous le label«by appointment to her Majesty QueenElizabeth II», il sera le fournisseur offi-ciel d’ecstasy et de coke pour la soirée«très privée» à Buckingham palaceavec seulement 300 invités (sur les2000 présents à l’église).

Comment Kate ira­t­elle à l’église?Moderne, la jeune roturière a décidéque la Rolls Royce royale était sympapour se rendre à la noce, mais qu’elle nevoyait pas pourquoi il fallait nettoyer lesgraffitis peints sur la limousine par unebande d’excités lors d’une récente ma-nifestation. Donc, Kate arrivera àl’église avec «Fuck the cuts!» inscrit surune aile de la voiture et «Coupez-leur latête» sur l’autre. Cela fait plus «prochedu peuple», a-t-elle expliqué.

Qui sera donc la bruneassise à côté du prince Harry ?Il s’agit de Pippa Middleton, la jeunesœur de Kate. Pippa ? T’es sûre ? Laprésence de la jeune fille juste à côté deHarry fait partie du «complot Middle-ton» pour phagocyter la famille royale.La phase A du complot était le mariagede Kate et William, la phase B prévoit

les noces de Harry et de Pippa, d’icideux ou trois ans. La phase C verra lamise en ménage de James, plus jeunefrère de Kate, avec Béatrice ou Eugénie,princesses chevalines, filles du princeAndrew et de Sarah Ferguson. D’icivingt ans, les Windsor devraient avoirété remplacés par les Middleton.

Qu’est­il arrivé à la baguede fiançailles de Diana ?Kate l’a officiellement envoyée chez lebijoutier pour la faire resserrer. En fait,la bague qu’elle porte désormais est unfaux. Le véritable joyau a été revendu

I navouables ou inavouées, les qua-torze questions qui fâchent ou quiclashent sur les bas-côtés du ma-

riage princier. Une seule interrogationn’a pas trouvée réponse à son pied: quin’en a strictement rien à foutre ?

Kate Middleton portera­t­elledeux robes de mariée ?Les rumeurs les plus folles (surtout dansla communauté gay) courent sur la, oules robes, que portera Kate-Catherine.Libération peut révéler en exclusivitéqu’elle portera bien une robe blanchetraditionnelle, mais avec un petit«twist» en plus. Devant, la crèmechantilly attendue, dégoulinantecomme tout, mais dans le dos, soitpleine vue pour l’assistance, un filettransparent en dentelle noire, une «ja-lousie» simplement portée sur unstring. C’est la vision de sa chérie-dar-ling dans le même genre de robe, lorsd’un défilé de mode à l’université, quiavait fait chavirer le prince William.Stop (in the name of love), on a déjàmouillé un pack de Kleenex.

Le couple a­t­il consomméavant le mariage ?«Oh my God, of course not!», a répondul’attaché de presse du couple (justeavant de s’évanouir) aux questionspressantes de la presse. Donc, Kate etWilliam sont vierges l’un de l’autre. Cequi relève du sacerdoce amusant ou dufoutage de gueule, si on veut bien sesouvenir qu’ils sont ensemble depuishuit ans et partagent depuis deux ansune maison sur la charmante île d’An-glesey, au Pays de Galles, où paissentbeaucoup, mais alors beaucoup plus de

6h45 (heure locale, 5h45) Au palaisSaint­James, Kate se lève, parle avecses corn­flakes et leur confie qu’elle afait un rêve où elle épousait un prince.6h55 Déboule dans la chambre unbataillon de coiffeurs­maquilleurs­vi­sagistes­conseils­habilleurs. Panic! Ce

n’est pas un rêve mais une cellule decrise. 10h30 Kate ne décroche pasde son trip Cendrillon sous citrouille.Une vieille Rolls la mène à l’abbaye deWestminster. William s’y rend pard’autres moyens. Rollers? Vélib’?Skate? (Skate Middleton?) 11 heures

LE MARIAGE COMME SI VOUS Y ÉTIEZ

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201128 •

VOUS

Page 29: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

Le mercredi 29 juillet 1981, le toutnouveau Libération célèbre à safaçon le mariage des parents deWilliam: le prince Charles enlaçantlady Diana, seins nus. Mutatis mutan­dis, trente ans plus tard, il fut ques­tion du prince William nu, de face.Mais, légende ou réalité, il paraît quel’engin princier sortait du cadre.

Gérard Lefort, Raphaël Garrigos,Isabelle Roberts… Libé a mobiliséses meilleurs spécialistes royauxpour un liveblogging de la cérémo­nie. A partir de 11 heures.

• SUR LIBÉRATION.FR

By GÉRARDTHE STRONG

Le gros lotde KateNobodyDans le patronyme deKate Middelton, il y a du«middle», comme dansmiddle class. Certes leprince William n’épousepas la fille cachée deMargaret Thatcher etencore moins lachanteuse Susan Boyle,mais dans cette unionavec une roturière, il y aquelque chose d’unealliance de saison entrenoblesse et tiers état.Et la nuit de nocespourrait ressemblerà une nuit du 4 aoûtà l’envers : non pasabolir les privilègesmais suggérerau contraire qu’à laloterie du destin, Katea tiré le très bonnuméro. A l’heure où,en Grande-Bretagnecomme dans le reste del’Europe, l’ascenseursocial est bloqué ausous-sol de la crise, cen’est pas la moitié d’unsymbole. Comme siWilliam avait fait actede charité à l’adresse deson peuple martyriséen épousant une KateNobody. Sur l’air de Unjour, mon prince viendra,n’importe quelle jeuneAnglaise défavoriséepeut se demander : siKate, pourquoi pas moi ?Dans ce registre del’enfumage, plus connusous le nom d’opium dupeuple, la Royal BritishCompany a raté le coched’une innovation dansle monde féerique de latéléréalité : une PrincessAcademy. Ou mieux :Qui veut gagner la biteà William ?

LADY TO

PHO

TOS.

A.

Le «so chic» sac,pour aller traînerchez Leclerc avecKate et William.PHOTO LEON NEAL .AFP

prince. Et c’est encore pire depuis queson fils, William, charmant pour lecoup, surtout aux yeux des amateursd’œufs sur le plat au jambon, a annoncéson mariage. Alors voilà, un petit coupde bistouri, les oreilles recollées, le nezraccourci, les paupières repassées, lesdents redressées, et le tour est joué.Bon, après il faudra s’attaquer à Ca-milla. Un chantier de très longue ha-leine qui peut attendre l’après-mariage.

C’est quoi ce groupe sympa entenues colorées et plumes partout,installé du côté droit de la nef ?Dans un mariage, il y a toujours un in-vité embarrassant. En principe, c’est unoncle vicelard et porté sur le gin. Chezles royaux, ce sont d’autres royaux. Enl’occurrence, le roi Mswati III du Swa-ziland qui a insisté pour venir à la noceaccompagné de ses 14 femmes, de ses23 enfants et de leurs nounous. Forcé-ment, ça fait du monde à caser dansl’église. Et ça explique pourquoi Davidet Victoria Beckham seront assis dansle confessionnal, seul endroit où il res-tait de la place.

Est­il si frappant que cela que lenuméro 2 dans l’ordre d’accessionau trône épouse une roturière ?A y réfléchir, pas tant que ça. La der-nière roturière à épouser un héritier dutrône fut «Queen Mum» en 1923. D’ac-cord, Elizabeth Bowes-Lyon portait untitre, mais elle n’était pas princesse, cequi, pour la famille royale, était d’uncommun fini. Contrairement à Kate, quia rêvé pendant huit ans que le princeWilliam la demande en mariage, la«Queen Mum» a refusé à trois reprisesd’épouser le futur George VI. Mais unefois le oui prononcé, elle a gaillarde-ment pris son parti de la situation,usant et abusant des bibis à fleurs et te-nues aux couleurs pétantes, le toutagrémenté régulièrement de gins tonicbien tassés. Ce qui l’a tout de mêmeconservée pendant 101 longues années.Donc, Kate, qui a la réputation de s’ha-biller sobrement et de ne pas ou peuboire d’alcool, aurait peut-être intérêtà reconsidérer la question.

Quelles sont ces rumeurs à proposde l’absence de la mèrede la mariée à la cérémonie ?C’est une histoire de chiens. Cela faitpourtant six mois que Carole Middle-ton, mère de Kate, suit des cours ca-nins. Et paf, la semaine dernière, lors dela seule et unique rencontre entre «TheQueen» et les géniteurs de la roturièrefuture épousée, l’impair impardonna-ble. En dépit de multiples recomman-dations, la mère de la mariée, un peuintimidée, a trébuché sur l’un des89 corgis, ces saucisses à pattes adoréespar la souveraine, qui la suivent à latrace dans les couloirs de Buckingham.L’animal a couiné (queené?) tellementfort que, second impair, Carole n’a pus’empêcher de croiser le regard de lareine. Cette dernière a eu un pincementde lèvres hautement significatif et a dé-cidé in petto que l’invitation à la noce dela famille Middleton pourrait bien êtreretirée à la dernière minute.

Qu’est­ce que c’était que cetterépétition du mariage à la nuittombée, mercredi ?Ce n’était pas une répétition. En fait, ils’agissait du véritable mariage. Williamet Kate sont discrets, ont horreur de lapublicité et de l’attention des médias.Ils se sont donc épousés en clando mer-credi soir. Vêtus de sombre, ils ont pro-noncé leurs vœux devant le princeHarry et les parents de Kate. Ce matin,ce seront deux sosies, sélectionnés lorsd’un concours par Easyjet, qui remon-teront la nef de l’abbaye de Westmins-ter. Certains membres de la familleroyale seront également des sosies. Pourle prince Philip, 89 ans, époux de lareine Elizabeth II, il a été décidé d’utili-ser sa statue de cire exposée d’habitudeau musée de Madame Tussaud. Ce quiévitera les pincements de fesses à sesvoisines et les gaffes lourdingues dontil est un expert. •

pour assurer à la future mariée un ma-telas financier en cas de divorce. Aprèstout, tous les enfants de la reine ont di-vorcé et pas qu’un peu. Donc, mieuxvaut prévenir que guérir, s’est dit Kate.

Qu’est­ce qui a décidéle prince William à demanderenfin la main de «Waity Katy» ?Le devoir. C’est le Premier ministre Da-vid Cameron qui a très officiellementdemandé au prince William de deman-der sa main à Kate: «C’est dans l’intérêtdu pays et de son moral, c’est votre devoir,après tout, crotte !, il faut bien que vousserviez encore à quelque chose», a dit, unbrin cavalier, David Cameron au prince.

Comment ? Le prince Charlesa subi une opération ?Eh oui, l’héritier du trône, depuissoixante-deux ans, un record, en a rasla tasse de thé des quolibets. Non seule-ment il ronge son frein depuis des an-nées en attendant cette couronne quin’arrive pas, mais en plus, personne,mais alors personne n’a jamais appliquél’adjectif «charmant» à son titre de

Grandes orgues, chœurs en chaleurset Sir Elton John qui tient sa candle inthe wind chez lui. La routine. MidiSauf surprise (genre Kate: «Yes ouno? Je me tâte à mort»), c’est plié.Direction Buckingham et retour auréel pour Kate: au menu, soupe à lagrimace (Zabeth, sa beautiful mother)et merlan frit (Harry, son new beauf).

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 VOUS • 29

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LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201130 • VOUS

CONGÉ PATERNITÉen semaines de congé

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temps par jour«TRAVAIL NON RÉMUNÉRÉ»

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Pas de «congé paternité» dans les trois autres pays observés

E ncourager la natalité ?Œuvrer pour l’épanouisse-ment des femmes et deshommes, entre le travail et

leur vie de famille? Pas la peine dedégainer un «bébé bonus», commeen Espagne, où le gouvernementZapatero avait décidé en 2007 d’of-frir un chèque de 2500 euros à cha-que nouveau-né. Non, il faut fairedes crèches. Et encourager les pèresà partager des congés avec les mèresà la naissance des enfants. «Ren-voyer les femmes à la maison pourqu’elles fassent des bébés, cela nemarche pas, assure Olivier Théve-non, chercheur à l’OCDE(Organisation de coopération et dedéveloppement économiques). Leplus efficace pour assurer le bien-êtredes familles est d’investir le plus pré-cocement possible, notamment en dé-veloppant les modes de garde.» Cen’est pas un constat à la légère. Fé-condité, emploi des femmes, pau-vreté des familles, réussite scolaire,l’organisation a passé au scanner lespolitiques familiales de ses étatsmembres, en Europe aussi bienqu’en Australie ou aux Etats-Unis.Un rapport de 300 pages rendu pu-blic cette semaine (1).

FÉCONDITÉ. La France dont le tauxde fécondité est l’un des plus élevés

d’Europe ne s’en tire pas si mal, etson modèle peut faire baver les Es-pagnoles et les Italiennes, qui fontde moins en moins d’enfants. EnFrance, le taux d’emploi des femmesâgées de 25 à 54 ans, de 76%, est su-périeur à la moyenne de l’OCDE(71%). «Ces résultats positifs vont depair avec un important investissementréalisé en direction des familles»,poursuit l’OCDE. La France dépense3,8% de son PIB, c’est plus que lamoyenne de l’OCDE (soit54 600 dollars par an et par enfantde moins de 6 ans, contre 37 500dans l’OCDE). Mais il ne suffit pasde mettre la main au porte-mon-naie. Encore faut-il voir commentcette dépense publique se ventile.Par exemple, l’Allemagne, qui in-vestit presque autant que la France,cumule pourtant un taux de fécon-dité et un taux d’activité des fem-mes très bas. C’est qu’elle privilégieles allégements fiscaux et les aidesfinancières. Pas les services commela garde des bébés.

TRAVAIL. Mais la France pourraitfaire mieux. Seulement 38% desmères de trois enfants et plus tra-vaillent. Contre 44% en moyennedans l’OCDE. En France, 53% desmères avec un enfant de moins de3 ans ont un emploi. En Suède, ellessont 71%. Autre donnée: en France,32 % seulement des moins de 2 ans

en 2005 ont une place en crèche. Ilssont 73% au Danemark. L’OCDE re-lève aussi la diminution dansl’Hexagone de la prise en charge à lamaternelle des petits de 2 ans, pas-sée de 35% en 2003, à environ 10 %aujourd’hui, sans accroissement desautres modes de garde collectifs. Or,«l’accès précoce à l’école maternellefacilite le retour à l’emploi des mères»,note Olivier Thévenon. Faut-il rap-peler qu’en France, un tiers des580000 bénéficiaires du congé pa-rental –des femmes à 98%–, y sontcontraints car ils ne trouvent pas demodes de garde ?

TÂCHES DOMESTIQUES. Les politi-ques publiques ont des effets jusquedans l’intimité des foyers. Lapreuve? Dans les pays nordiques quiont instauré un congé de longue du-rée réservé aux pères, les tâches do-mestiques et parentales sont mieuxréparties. Alors que les Italiennesconsacrent, avec cinq heures vingt-six minutes par jour, presque quatrefois plus de temps que les Italiens àce que l’OCDE appelle «le travail nonrémunéré», en Suède, les hommesn’ont plus qu’une heure douze à rat-traper pour être à égalité avec lesfemmes. Les Français, eux, y pas-sent deux heures seize minutes…C’est encore deux heures de moinsque les femmes. •(1) «Doing Better for Families».

Par CHARLOTTE ROTMANÉTUDE Pour garantir travail desfemmes et égalité dans le couple,l’OCDE préconise d’investir dans

les modes de garde.

Où va donc crécher la parité?

Pour l’OCDE,les hommes devraientavoir droit et plussouvent recours aucongé parental. Celainciterait à un plusgrand partage desactivités domestiqueset de soin.

Le taux de fécondité en Franceatteint presque 2,1 enfants parfemme, permettant leremplacement des générations.

Pour l’OCDE, «les pays ayantdes taux d’emploi féminin plusélevés ont une répartition du“travail non rémunéré” pluséquilibré entre les sexes.»

Page 31: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 VOUS • 31

Par OLIVIER BERTRAND

Un vacqueyras suaveet romantique

L a première rencontres’était faite autourd’une tartine de truf-

fes, dans un dîner de vigne-rons. Quelqu’un avait ap-porté un gros champignonnoir soigneusement brosséqu’il débitait en belles lamel-les. Eric Bouletin les arrosaitde l’huile d’olive de Vac-queyras (Vaucluse). Une cen-taine d’oliviers et 16 hectaresde vignes: le domaine Rou-cas Toumba. L’un des plusintéressants dans le sud descôtes-du-rhône. Quelquesannées après le dîner auxtruffes, il fait goûterses 2008, à la sortie del’hiver, sous la tonnellede sa maison. Un vinconcentré, dont l’aciditésubtile prévient toutelourdeur et aidera àvieillir.

Bel exploit dans cetteannée très compli-quée. Le genre demillésime qui per-met de repérer lesmeilleurs vigne-rons, les plus précis.Pourtant Eric Bou-letin bataille pour levendre à l’export,l’année 2008 dans lavallée du Rhônen’ayant pas bonneréputation. C’est rude, ences temps difficiles, les vi-gnerons qui réussissent onttravaillé encore plus qued’habitude. Il en sembleblessé.Eric Bouletin est un romanti-que. Un paysan qui aimel’idée de désuétude. Quiadore la littérature, auraitsouhaité écrire. Il fait du vin.Il n’avait que 15 ans lorsqueson père est mort. Un an plustard, il arrêtait l’école pourtravailler avec sa mère. Et,bien après, a commencé àvinifier quelques pièces,conseillé par des anciens. Lacoopérative où il donnait son

vin en a pris ombrage et lui ademandé de choisir. Il n’apas beaucoup hésité. Ses vi-gnes sont très vieilles. Cer-taines parcelles de grenacheont été plantées en 1915. Celadonne peu de rendement,mais de très jolis jus. EricBouletin cultive cela en évi-tant la chimie. Adolescent, illisait la revue naturalistela Hulotte. Aujourd’hui, ilutilise des méthodes bio, sesent concerné par cette terre«qui façonne les hommes

autant qu’ils la travaillent».Cela lui demande plusd’efforts, plus de temps.Passer du désherbantirait plus vite. «Mais letravail est déjà dur, ré-pond-il. Si en plus je n’entire pas de fierté, je nepourrais plus.»

Ses vins sont pro-fonds, plein de ca-ractère. Loin desproduits consen-suels des gros do-maines obligés deplaire au plus grandnombre pour ven-dre en quantité. Unjour, en voyage auJapon, d’où vient lamère de son fils, ilest tombé sur un

«caviste extraordi-naire» qui proposait les

plus beaux domaines de lavallée du Rhône. Même lesraretés, dans les millésimesles plus recherchés. Et aumilieu, il y avait l’un de sesvins. Il en a pleuré. Ses vac-queyras sont en grenachemajoritairement (avec de lasyrah et du carignan).Ce soir-là, sous la tonnelleencore maigre, un verre degrenache pure extraite d’unfût de 2010 était d’une opu-lence suave, prometteuse.Dans un millésime réputé,les exportateurs n’auront pasbesoin de courage pour levendre. •

PARLONS CRUS

DR

CONGÉ PATERNITÉen semaines de congé

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FÉCONDITÉ

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ÉTATS-UNISFRANCE

ITALIEALLEMAGNE

SUÈDE

HONGRIEJAPON

ROY-UNI

évolution du taux de fécondité, en nombre d'enfants

1,74Moyenne OCDE

temps par jour«TRAVAIL NON RÉMUNÉRÉ»

FEMMESHOMMES

FRANCE

ALLEMAGNE

HONGRIE

ITALIE

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ROYAUME-UNI

ÉTATS-UNIS

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Pas de «congé paternité» dans les trois autres pays observés

Où va donc crécher la parité?

Source : OCDE

71,9

54,2 53,7 52,647,3

36,128,5

13,9

ALLEMAGNE

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en % du PIB, 2007

2,23%

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taux de travail pour une femmedont le plus jeune enfanta moins de trois ans, en %

TRAVAIL DES FEMMES

Les lettres aussi se recyclentMoins d’un Français sur trois sait que tous les papiers (passeulement les journaux et magazines) peuvent être triés etrecyclés, révèle une étude de TNS-Sofres. Dès qu’un papiera une valeur émotionnelle, les sondés n’y voient pas un dé-chet et préfèrent le brûler ou le déchiqueter avant de le mettreaux ordures. Ainsi, sur les 65 kilos de papier consommé paran et par personne en France, seuls 43% sont recyclés.

RectificatifA la suite de l’article «Labour et labeur libèrent», paru le26 avril, le cabinet Technologia, spécialisé dans la préventiondes risques professionnels, précise que la société Métanaturey est présentée à tort comme sa filiale. Toutes nos excuses.

La reproductionde nos petites annonces

est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

[email protected]

CARNET

DécèS

Isabelle et Jérôme,ses enfants,

Marc,Moniqueet leurs enfants

informent les amis de

Denise BONALqu'elle est partiele 24 avril 2011.

L'incinération aura lieuau crématoriumduPère-Lachaise, Paris (20è),

lemardi 3mai,à 10h15.

Ni fleurs ni couronnes.

Cet avis tient lieude faire-part

et de remerciements.

QUIMPERLE -ATHISMONS(91)

Nous avons la tristesse devous faire part dudécès de

M. Jacques DAVID

survenu à l'âge de 80 ans.

De la part deMme Simone DAVID,

née SOLON, son épouse,de ses enfants,

de ses petits-enfants,de ses amis

et de toute la famille.

Unhommage lui sera reundaujourd'hui vendredi

29 avril 2011 à 15 heures,au centre Funéraire deKerlétu

à LORIENT,suivi de la crémation à 15h30.

Ne recevant pas decondoléances, la famille

remercie sincèrement toutesles personnes qui prendront

part à sa peine.

Marlène PETITPIERRE,son épouse,

Mariette, François,Denis etMartin, ses enfantsont la douleur de vous faire

part dudécès de

M. Eric PETITPIERREAgent EDF

Né le 2 juin 1951

survenu le 25 avril 2011.

La cérémonie religieuse seracélébrée le samedi 30 avril2011 à 9 heures, en l'église de

Tournefeuille,suivie de l'inhumation au

cimetière Pahin

SouvenirS

Le 29 avril 2004Amady DIALLO nous quittait

Le tempsn'efface pasl'absence

Dans les pays où lesdépenses d’accueil dela petite enfance sontélevées, les femmestravaillent plus souventet les naissances sontplus nombreuses.

En France, 76% des femmes de 25­54 anstravaillent. Avec un enfant de moins de3 ans, elles ne sont plus que 53%.

Page 32: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

ARTS Le Grand Palais propose un chocesthétique entre le poète martiniquais,

le peintre cubain et Picasso.

Aimé Césaire,à coups de Lam

L e 6 avril, on a mis une plaque au Panthéonà la mémoire du poète martiniquais AiméCésaire, celui qui écrivait : «La négrailleaux senteurs d’oignon frit retrouve dans son

sang répandu le goût amer de la liberté.» Il est mortà 94 ans, le 17 avril 2008: «Il n’est pas question delivrer le monde aux assassins d’aube/ la vie-mort/la mort-vie/ les souffleteurs de crépuscule.»Deux hommages plus intimes et sensibles peuventlui être rendus: lire la Poésie, ses œuvres complètesrééditées l’an dernier aux éditions du Seuil, préfa-cées par Daniel Maximin et Gilles Carpentier; allervoir la petite exposition cohérente que, dans unesalle, le Grand Palais consacre aux échanges de Cé-saire avec deux peintres: le Cubain Wifredo Lam(1902-1982) et Pablo Picasso (1881-1973).

MÉTISSAGE. L’exposition est centrée sur unvoyage : celui du vapeur Capitaine Paul-Lemerlequi, en provenance de Marseille, accoste à Fort-de-France le 14 avril 1941. A son bord, outreClaude Lévi-Strauss, il y a André Breton et WifredoLam. L’équipée a été racontée par les voyageurs:la traversée dans Tristes Tropiques, la découvertede la Martinique et de Césaire par Breton, dans sa

Par PHILIPPE LANÇON

Pablo Picasso et Wifredo Lam à Vallauris, en 1954. PHOTO SDO. WIFREDO LAM. DR

La Réunion I (1942), de Wifredo Lam. PHOTO ADAGP PARIS 2011. COLLECTION PRIVÉEWifredo Lam et Aimé Césaire en 1968, lors d’un congrès culturel à La Havane. DR

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201132 •

CULTURE

Page 33: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

tigau, impeccable de cy-nisme, fait davantage penserà Lénine qu’à son succes-seur. Farce? Tragédie. Tel lediable de sa boîte, Stalinesurgit pour hanter et possé-der l’écrivain. Commencealors la petite musiquecruelle d’une illusion tyran-nique, qui entraîne Boul-gakov dans un jeu de dépen-dance mortifère. L’artiste abesoin de convaincre, refusede tricher. L’homme de pou-voir est tributaire du poète.La mécanique infernale semet donc en place en s’ap-

puyant sur le jeu précis desacteurs, gestes et dictionspesés. Boulgakov sombredans la folie et sa femme doitfuir.Infirmier. Traînant au débutde la pièce, le rythme finitpar s’emballer, sans jamaisapporter de réponse. Le pro-pre d’un être maléfique estde pouvoir se métamorpho-ser. Ici, le diable est en blanc.Il n’en est pas moins tour àtour fantôme, allégorie, Dieutout-puissant, dont la paroleseule peut délivrer Boul-gakov. Et lorsqu’une lumière

crue accuse les traits dupoète, échoué sur son banccomme dans un asile de fous,Staline a presque l’air d’uninfirmier. Mais dans sa Rus-sie, il n’y a pas de place pourla transcendance. L’idéal del’écrivain se heurte au maté-rialisme soviétique, qui nepeut que feindre sa bien-veillance. Jamais le poète nepourra convaincre. Exilédans son propre cauchemar,Boulgakov laisse la porte serefermer sur lui. D’un cla-quement lourd et métallique.

HÉLÈNE FERRARD

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20 invitations à gagner au total pour le jeudi 5 mai à 20 heures.

Pour recevoir une invitation pour deux personnes,adressez votre demande à :

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INVITATIONLibération et l’AthénéeThéâtre Louis-Jouvet vous invitent à découvrir Didon et Enée, le chef d’œuvre baroque de HenryPurcell, dans une mise en scène de Bernard Lévy.

Didon et Enée:Mise en page 1 28/04/11 11:40 Page1

préface de 1947 au Cahier d’un retour au pays natal.L’anecdote appartient à la légende des rencontresmagiques du surréalisme -qu’on y croie ou non,elle est devenue vraie. André Breton, entrant dansune mercerie afin d’acheter du ruban pour sa fille,tombe sur un exemplaire de la revue Tropiques. Ildécouvre les poèmes d’un inconnu de 27 ans, AiméCésaire : «Je n’en crus pas mes yeux : mais ce quiétait dit là, c’était ce qu’il fallait dire, non seulementdu mieux mais du plus haut qu’on pût le dire! Toutesces ombres grimaçantes se déchiraient, se disper-saient; tous ces mensonges, toutes ces dérisions tom-baient en loques: ainsi la voix de l’homme n’était enrien brisée, couverte, elle se redressait ici comme l’épimême de la lumière.»Et Breton, qui connaît Lam, rencontre Césaire.Echange de hasards symboliques, à plus d’un titre:le surréalisme, dans ce qu’il a de plus libertaire,trouve un nouveau territoire magique. Le vieil hu-manisme républicain –dévoyé par le colonialisme,la non-intervention en Espagne et les politiquesxénophobes des démocraties– reprend forme etorgueil par ses îles, ses lointains piétinés.Cette double impulsion s’inscrit dans un cadre an-tillais que, un peu plus au Nord, réveille l’île dontLam, métis de noir et de chinois, est le produit :Cuba. Là-bas, au même moment, négritude et mé-tissage sont révélés par des peintres, des écrivains,autour d’une revue fondamentale baptisée Orige-nes (Origines). Picasso, à Paris, communistecomme l’est alors Césaire, captera cette mâchoirenoire et lumineuse, cette morsure politique desformes par les descendants d’esclaves.

EAUX­FORTES. «Toutes ces ombres grimaçantes sedéchiraient, se dispersaient…»: c’est cela qu’on voitd’abord dans l’exposition, en commençant par cequi en est le cœur: de grands tableaux de Lam da-tant des années 40. Quatre d’entre eux viennentde la collection de son fils et valent le déplace-ment: Nañigo, Grande Composition II, Jour de fête,la Réunion I. Un Nañigo appartient à la société de-crète Abakwa, fameuse à Cuba.Dans la lignée de la célèbre Jungle exposée auMoMA de New York, Lam invente alors un cubismetropical où les ombres et les esprits de la santería(magie syncrétique cubaine) sortent de la forêt etse redressent, couteau en main, pour multiplierles angles de la fête et simplifier les consciences.Sous une vitrine, face à eux, un exemplaire espa-gnol de 1943 du Cahier d’un retour au pays natal.La première œuvre de Césaire a été publiée enaoût 1939 dans la revue Volontés. Sa traductrice,Lydia Cabrera, grande auteure et ethnologuecubaine, publiera plus tard ce chef-d’œuvred’anthropologie imaginaire: El Monte (traduit sousle titre la Forêt et les dieux, en 2003, aux éditionsJean-Michel Place).Il y a bien d’autres choses dans cette exposition enclair-obscur: les eaux-fortes, plus lourdes de sym-bole et de trait, que Lam consacre dans les an-nées 60 à des poèmes de Césaire; ses dessins issusdu carnet de Marseille de 1941; les pages de Corpsperdu, du même Césaire, accompagnées de dessinssobres de Picasso; une seule et splendide toile duCatalan, Visage gris foncé sur chapeau blanc, datantde 1947 et issue d’une collection privée: les passe-relles aiguës avec Lam apparaissent. Les différen-ces de traits aussi: Picasso ne pèse jamais sur l’os-sature d’un visage.L’expo nettoie l’œil qu’elle raye: on n’est pas chezles esclaves sentimentaux de la négritude ou dumisérabilisme. La joie décape la plainte, le talentsèche l’indignation, le rythme viole le discours.Tout a de la gueule, du nerf, des dents, du mouve-ment, tout rejoint ces vers de Césaire: «Nous som-mes âmes de bon parage/ corps nocturnes vifs de li-gnage/ arbres fidèles vin jaillissant.» •

LAM, PICASSO, CÉSAIRE.NOUS NOUS SOMMES TROUVÉSGrand Palais, galeries nationales, 1, avenuedu Général­Eisenhower, 75008. Tous les jours saufle mardi de 10 heures à 20 heures, nocturne le mercredi(22 heures). Fermé le 1er mai. Jusqu’au 6 juin.

THÉÂTRE A Vincennes, Juan Mayorga imagine un relation aussi névroséequ’improbable entre l’écrivain Boulgakov et le dictateur soviétique.

Staline se mue en diable blancdans «Lettres d’amour»LETTRES D’AMOURÀ STALINE de JUANMAYORGA ms Jorge Lavelli.Théâtre de la Tempête,Cartoucherie de Vincennes,route du Champ­de­Manœuvre,75012. Jusqu’au 29 mai.

D rôle de passion quecelle de Staline etBoulgakov. Le pre-

mier pouvait-il susurrer auxheures les plus secrètes de lanuit «je n’arrête pas de penserà toi ?», à l’auteur mystiquequi dépeignait les ruelles deMoscou? Dans la «fantaisie»de Juan Mayorga –le mot estdu dramaturge – Lettresd’amour à Staline, oui.Mikhaïl Boulgakov, écrivainet homme de théâtre né àKiev, vilipendé par la cri-tique pour ses pièces sati-riques, injurié tour à tourpour son apolitisme et sesidées «de droite», a bienentretenu une relation–épistolaire– avec Staline. Asens unique. Pendant dix an-nées, il multiplie les requêtespour séjourner à l’étranger.Le 18 avril 1930, le dictateurpasse un coup de fil. Maisl’espoir est vite déçu pourl’auteur, qui meurt en 1940dans la misère, sans jamaisavoir mis les pieds horsd’URSS.Cloîtré. Voilà pour la parthistorique. Car ce queMayorga propose ici ne s’ap-parente en rien à un exercicede reconstitution. C’est, ausens propre, la vision d’unedescente aux enfers qui sem-ble répondre à la question :dans quelle marmite Boul-gakov a-t-il pu écrire le Maî-tre et Marguerite, son œuvrela plus connue, à laquelle il aconsacré les douze dernièresannées de son existence ?Nous voici au moment fatidi-que, Staline est au téléphone.Cloîtré dans la misère d’unepièce unique trop meublée,l’écrivain déchu ne regardeplus Moscou par la fenêtre. Iltourne en rond. Sa femmetente vainement de briserl’isolement. Car Boulgakovaime Staline, d’un amourfou. Eparpillant les lettresautour de lui, il ressasse ledialogue interrompu commel’on ferait de paroles ano-dines prononcées par un êtrecher. Face à lui : le silence.Jusqu’à ce que le fantôme deStaline sorte du placard, tell’amant d’un vaudeville–détail piquant, Gérard Lar-

Le pouvoir accusait Boulgakov d’être «à droite», en URSS, dans les années 30. PHOTO LOT

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011 CULTURE • 33

Page 34: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

L’ annonce officielledevrait interveniraujourd’hui : un peu

plus de deux ans après soninstallation, en février 2009,le Conseil de la création ar-tistique, présidé par MarinKarmitz, doit annoncer sonautodissolution. Un sabor-dage qui mettra fin à unelongue controverse avec unegrande partie du mondeculturel, obstinément hostileà cet organisme créé ex ni-hilo par Nicolas Sarkozy.Le président de la Républiqueavait lancé la chose lors deses vœux au monde de laculture à Nîmes, le 13 jan-vier 2009. Dénonçant «l’em-pilement des subventions», ildisait vouloir «recentrer lesaides sur l’excellence artis-tique», et avait chargé leproducteur de cinéma MarinKarmitz de diriger ce conseilcomposé d’une douzaine depersonnalités, dont la choré-graphe Dominique Hervieu(directrice du Théâtre natio-nal de Chaillot), LaurentBayle (directeur général de laCité de la musique) et Lau-rent Le Bon (directeur ducentre Pompidou-Metz). Auministère de la Culture, la

mise en place du conseilavait suscité un malaise etété perçue comme unemarque de défiance à l’égardde Christine Albanel, la mi-nistre de l’époque.La première polémique avaitporté sur le financement dunouvel organisme – 10 mil-lions d’euros par an –, dont

beaucoup craignaient qu’ilsoit prélevé sur le budget duministère de la Culture(c’est, en fait, Matignon quia réglé l’addition). Très re-monté contre le conseil, leSyndeac (Syndicat nationaldes entreprises artistiques etculturelles), avait aussi portél’affaire sur le terrain juri-dique, dénonçant notam-ment une «prise illégale d’in-térêt», le conseil ayantattribué des subventions àdes établissements dirigéspar certains de ses membres.Malgré les critiques, leconseil aura impulsé unedouzaine d’actions d’enver-

gure, dont le projet Walls andBridges, pensé par Guy Wel-ter, directeur de la VillaGillet de Lyon, organisé cetteannée à New York, et centrésur des échanges franco-américains dans le domainedes sciences humaines etsociales ; ou l’Orchestre desjeunes Demos (dispositif

d’éducation mu-sicale et orches-trale à vocationsociale), destiné à450 enfants sanspratique anté-rieure. Et encore

le centre Pompidou mobile etle Pont culturel méditerra-néen. Emblématique –et trèscontestée–l’Ecole de cinémanomade, prévue à l’originesur une péniche et dirigéepar Abdellatif Kechiche n’apas encore été lancée.Le conseil vient de publierun gros document, consulta-ble sur son site (1), qui re-cense et évalue, y compris defaçon critique, l’ensembledes actions menées. Un bilanen forme de testament dontles leçons restent à tirer.

R.S(1) www.conseil­creation­artistique.fr

ADIEUX Lancé en 2009 par l’Elysée, le Conseil dela création artistique n’a jamais trouvé sa place.

La CommissionKarmitz se saborde

Dénonçant «l’empilementdes subventions», Sarkozyvoulait «recentrer les aidessur l’excellence artistique».

Chacun sa madeleine, cellede Talila, c’est le harengaux oignons. Et aussi le«leykekh», ce «gâteau rond,avec un trou au milieu, enforme de roue de secours»que ses parents, des juifspolonais émigrés à Parisen 1936, faisaient cuire tôtle dimanche matin dans le«palestiner top», le moulepalestinien. «Moi, cetteexpression, “palestiner top”,ça me faisait rêver, écrit­elle. J’imaginais leschameaux, les oliviers, ledésert, ça exotisait le ley­kekh qui était quand mêmetrès Europe centrale…»Pour en lire davantage, ilsuffit de se précipiter surce recueil de textes drôleset émouvants que vient depublier Naïve, des textesécrits par Talila à partir deses souvenirs d’enfancedans le Paris de l’après­guerre. Et pour les écouter,rendez­vous le 3 mai aumusée d’Art et d’Histoiredu judaïsme. Talila y lira sestextes tout en chantant leyiddish à sa façon, unique,bluesy et jazzy, accompa­gnée d’un piano, d’unecontrebasse, d’un bando­néon et de percus. A.S.Notre langue d’intérieur, deTalila et Franck Juery, éd.Naïve, 12 euros. Concert mardi3 mai à 20 heures au muséed’Art et d’Histoire du judaïsme.

UNE ENFANCEYIDDISH EN MOTSET EN NOTES

LE LIVRE

Cesaria Evora Immuablemélopée cap­verdienne GrandRex, 1, bd Bonne­Nouvelle,75002. Ce soir, 20 heures.

Nicolas Comment Premieralbum du photographe qui faitune incursion dans la chansonnew wave en talk­over noir etblanc, entre Gainsbourg et leVelvet Les Trois Baudets, 64, bdde Clichy, 75018. Ce soir, 20h30.

The Second WomanOpéra décalé, d’après JohnCassavetes, mis en scène parGuillaume Vincent, avecnotamment Jeanne CherhalThéâtre des Bouffes du Nord,37 bis, bd de la Chapelle, 75010.Jusqu’au 13 mai à 21h.

MÉMENTO

Samy Naceri condamné mais libreAu tribunal correctionnel de Paris, hier, l’ex-star de Taxi,Samy Naceri, a été condamné à cinq ans de prison, dont troisans et huit mois avec sursis pour un coup de surin en 2009.Une peine qui sera réaménagée et lui évitera la détention.

Christophe Honoré va clore CannesLes Bien-Aimés, de Christophe Honoré sera le film de clôturedu Festival de Cannes, projeté hors compétition dimanche22 mai, après la cérémonie du palmarès. Christophe Honoréavait été sélectionné en 2007 pour les Chansons d’amour.

Mort de la dramaturge Denise BonalComédienne, professeure au Conservatoire d’art dramatique,auteur de pièces (Légère en août, Portrait de famille, les Pasperdus...), Denise Bonal est morte le 23 avril à 90 ans.

Le déjà rituel Prix Vaudeville a tenu mercredi soir chezBofinger, cantine de feu Bashung aux temps Richard­Le­noir, son ultime séance littéraire. Le Vaudeville est mort àl’âge de raison, vive la Coupole. C’est au cœur de labohème montparno, à la Coupole, en effet, que l’histoirecontinue. Le 8 juin y sera remis le premier Prix de la Cou­pole, lors d’une soirée musicale avec Prince Miiaou, audancing du lieu. Sponsorisés par la chaîne des brasseriesFlo, les douze jurés journalistes (moins trois excusés) duprix ainsi relancé ont procédé à une sélection de saison–déposée, non sans minauderies, à 23 heures.Vies potentielles, de Camille de Toledo, n’ayant recueillique trois voix, les sept nominés, à 4 votes et plus, sont:Jean­Marc Roberts pour François­Marie, clin d’œil loucheau héros de l’affaire Bettencourt, chez Gallimard; Franz­Olivier Giesbert pour sa bio­édito Monsieur le Président,chez Flammarion; le chanteur Gérard Manset, qui partfavori avec Visage d’un dieu inca, à l’Arpenteur; GaspardKoenig et ses Leçons de conduite, chez Grasset. Plus :Occupe­toi d’Arletty, de Jean­Pierre de Lucovich (Plon),Ticket d’entrée, de Joseph Macé­Scaron, l’Eté 76, deBenoît Duteurtre (Gallimard). Le lauréat du 8 juin aurason livre en vitrine et un plat à son nom pendant un an.

LE PRIX VAUDEVILLE PASSESOUS LA COUPOLE

L’HISTOIRE

Woven Hand, messe rock noire à ParisParent crédible d’un Nick Cave, le fou de Dieuheroic gospel David Eugene Edwards, du Co-lorado, a plusieurs vies à son actif de quadra-génaire industrieux. D’abord des DenverGentlemen, en 1995, il est ensuite l’âme et lavoix incantatoire du groupe 16 Horsepower,avant d’œuvrer, de plus en plus allumé etnoir ensemble, comme Woven Hand.A ce titre, il a écrit deux musiques de ballet

pour les chorégraphes belges Wim Vanden-keybus et Ultima Vez.Ses albums – Mosaic (2006), Ten Stones(2008), The Treshingfloor (2010)– creusent lethème gothique en variations lancinantes surla rédemption et l’expiation, au cœur de safoi binaire de rejeton de prêcheur nazaréen.

PHOTO GARY ISAACSMaroquinerie, 23 rue Boyer. 75020. Ce soir, 20h.

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201134 • CULTURE

Page 35: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

RECETTES Cédant à la voguedes émissions culinaires à la télé,plusieurs magazines se sontlancés à l’assaut de ce créneaujuteux en version luxueuse.

La presseremiseà plats

L es Français ne cuisinentpas tant que ça. Ils passentmoins de temps aux four-neaux, quarante-huit mi-

nutes par jour, que la moyenne despays de l’OCDE, soixante-qua-tre minutes (1). Est-ce pour rattra-per ce défaut d’assiduité que, sui-vant la folie de la télé culinaire, denouveaux magazines sur le sujetparaissent en kiosque? La cuisinea toujours eu bonne presse depuisl’invention des recettes en fiches.L’obsession du manger sain l’a dé-cloisonnée du secteurpratique pour irradierailleurs. L’évolution dela société passe aussi parle maniement des casse-roles et un militantismede l’assiette.Julien Pham, 27 ans, ré-dacteur en chef de Fri-c o t e ( t i r é à50 000 exemplaires,4,50 euros), se trouvaitfort marri de ne pas sereconnaître dans les ti-tres existants : «Ils vi-saient soit ma grandesœur qui veut perdre14 grammes avant l’été,soit ma mère qui a enviede préparer facilementune blanquette de veau.»Cet «épicurien urbain»,comme il se définit, asouhaité créer un tri-mestriel bilingue (enfrançais et en anglais)qui donne dans la re-cette et les bons plans entoute modestie («Nousne sommes ni des criti-ques, ni des experts»)mais aussi dans le beau

(«Notre agence WAF publie avecsuccès le trimestriel tendance ShoesUp depuis 2004»).

PAPILLES. Même frustration chezZeste (tiré à 90 000 exemplaires,3,90 euros), trimestriel qui rôdeson numéro un chez les marchandsde journaux jusqu’en mai. «Il noussemblait qu’il manquait quelquechose entre les magazines élitistes surles recettes de chef et ceux plus popu-laires axés sur les fiches recettes»,explique Marie-Pierre Ombré-danne, directrice déléguée du pôleLifestyle au groupe Express-Rou-larta, auquel il manquait un fleuron

papilles au côté de ladéco.Même idée : la sociétéa changé, la manièrede cuisiner aussi. «Lestyle de vie des femmese t d e s h o m m e sd’aujourd’hui ne cor-respond plus à ce quevivaient nos grands-mères, renchéritMarie-Pierre Ombré-danne. Rythme accé-léré, familles recompo-sées et problématiqueéconomique.»Le «Cahier de recet-tes» propose parexemple des plats àmettre au four tout ense posant dans sonfauteuil, ou des recet-tes économiques àbase de boîtes de con-serve. Toutes les recet-tes sont testées et soi-gneusement rédigées,sans mettre par prin-cipe le degré de diffi-culté. Ça doit être sim-ple à concocter etserein.

L’idée de l’iconoclaste Grand Sei-gneur (tiré à 45 000 exemplaires,4,95 euros) vient d’un dîner pro-longé aux Portes, restau-QG del’équipe du mensuel Technikart.Olivier Malnuit, son rédacteur enchef, vante les soupers conviviauxdu Rocher de Cancale, un restau-rant parisien de la rue Montorgueiloù Brillat-Savarin instaura des réu-nions de dégustateurs au XIXe siè-cle. Point d’éloge du cordon-bleumais du bon client.Raconter ce qui sepasse autour de la ta-ble plutôt que dessus.Plaisir et gauloiserieau menu. Une tête decochon en une, garnie de bijoux surlit de soie, donne le ton. «Ras le boldu discours ambiant sur la cuisine etle mieux vivre, assène Olivier Mal-nuit. Notre magazine se veut une ré-ponse à une presse culinaire qui véhi-cule un état d’esprit qui tend àtransformer toutes les Français enménagères.»C’est l’esprit inverse du plus cher etluxueux Yam, comme Yann AllénoMagazine, (9,50 euros), lancé le25 janvier, et dont le numéro deuxétrenne en couverture une assietteblême où figurent des simili cuillè-

res remplies d’une délicate mixtureverte. Le cahier de 49 recettes«Grande table» et «Simple table»à l’intérieur enseigne qu’il s’agit de«dômes de noix de coquilles saint-jacques au poireau». Bigre. C’est le«magazine des chefs», celui de Yan-nick Alléno, grand chef au Meurice.«Nous ne souhaitions pas faire unénième magazine grand public, sou-ligne Philippe Rossat, directeur dela rédaction. Mais un titre destiné

aux amateurs de gastronomie.»Après le succès du premier numéro,vendu à 10000 exemplaires, ce bi-mestriel devrait s’ouvrir à d’autresgrands chefs.

DÎNETTE 2.0. Désormais, les hérosportent aussi toques et tabliers,traînant dans leur sillage aillé desenvies d’imitation. C’est le déno-minateur commun de Top Chef(M6) ou de Masterchef sur TF1. C’estde cette dictature de l’esthétiquepseudo-pédago que veut se distin-guer Fricote (du verbe fricoter,

«terme dont on a oublié le premiersens, avance Julien Pham. Notrechallenge : que les gens recommen-cent à l’utiliser.») La cuisine est de-venue un prétexte à communauté(3 600 «like» sur Facebook) et àcréativité autour du manger pourde faux. Pâtisseries en tissu, œufpyramidal sur le plat en pâte à mo-deler, images graphiques d’une dî-nette 2.0, l’alimentation n’y joueplus les coqs en pâte. Plus bateau,l’entretien décalé ou le déjeuner insitu avec une célébrité: Oxmo Puc-cino, dans un restau indien près dela Gare du Nord, ou avec FrédéricTaddeï au Cristal Room dans le pro-chain Grand Seigneur.Fricote popote son prochain dos-sier: «Pourquoi la France n’est-ellepas street food?» Oui, on se le de-mande. Apparemment plus tradi-tionnelle et franchouillarde sera laune du prochain Grand Seigneur, le1er juin : honneur au poulet rôti,servi par le photographe SachaGoldberger. Le prétexte resteraculturel et social. Après «le sexe àtable» et la «sarko-cuisine», onnous annonce en effet les restau-rants de la police. •(1) Lire le Panorama de la société 2011,sur le site www.oecd.org

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSELPhoto EMMANUEL PIERROT

En une du numéro 2 de Yam,«dômes de noix de coquillessaint-jacques au poireau». Bigre.

PHOTOS DR

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011

ECRANS&MEDIAS • 35

Page 36: Liberation Vendredi 29 Avril 2011

TÉLÉ Arte diffuse à partir de samedi une série glauque et oniriquesur une boîte de production de films X et ses habitants mystérieux.

«Xanadu», la queueentre deux chaisesXANADU série créée parSÉVERINE BOSSCHEMet réalisée par PODZet JEAN­PHILIPPE AMARSaison 1, 1 et 2/8. Arte, demain à 22h35.

P as très pratique de visionner Xa-nadu au boulot –«Nan, je mate pasYouPorn, c’est Arte ça, coco.» En

même temps, à l’image, et vas-y que jete lèche la «hum» par-ci, et vas-y queje te prends le «hum» comme ça, etvoilà que je te – bon là, on a fermé lesyeux. Du porno sur la res-pectable chaîne hexago-no-teutonne ? Les uns,rassurez-vous; les autres,remontez vos braguettes:si certaines scènes sen-tent un peu le stupre et lasueur, la série est olé-olé mais pas por-nographique. Elle raconte le destind’une famille à la tête de Xanadu, boîtede prod de films X, fondée et dirigée parun simili-Dorcel, Alex Valadine (le co-médien Jean-Baptiste Malartre).Non­dits. Xanadu est à la fois le nom del’empire, celui du lieu où se font lestournages et où vit la famille. Un ma-noir un peu décrépit, clin d’œil à la ba-raque du même nom dans Citizen Kane.Xanadu est une maison hantée par lespectre d’Elise Jess, la première femmede Valadine et mère de ses enfants,éternelle égérie de la marque, disparuemystérieusement des années plus tôt.Fil narratif de la saison, le patriarchepornocrate doit refiler cet empire ducul, en pleine transition, à ses enfants.

Car la maison Xanadu est à une périodecharnière de son histoire: les fesses en-tre le porno de papa, scénarisé et sili-coné, à l’image de l’égérie choisie parValadine –Vanessa Body, super VanessaDemouy botoxée et french-manu-curée–, et le porno gonzo, incarné parLou, débusquée dans la rue par la fillede Valadine.Autant vous le dire rapidos : Xanadun’est pas une série sur le hard. Son véri-table sujet, beaucoup plus classique,c’est la famille, ses secrets, ses non-

dits. Il y a bien quelques scènes decul crues, du sang, de la drogue, desbleus, du SM et des «soirées under-ground» un brin malsaines. Mais l’in-dustrie du hard reste un prétexte, une«arène», comme disent les théoriciensdu scénario. Un cadre qui donne le ton,la profondeur et l’ambiance de la série,glauque et onirique. C’est la familleconfrontée à Eros, comme celle descroque-morts de Six Feet Under l’étaità Thanatos. Xanadu déroule ce ques-tionnement: comment grandit-on dansles couloirs de cette étrange maison, oùmaman n’est plus en haut (elle a dis-paru, morte sans doute), et où papa esten bas, qui tourne un film porno («Toutdoux, le cunni, tout doux…»). Le toutpeuplé de hardeurs grands penseurs, tel

Brendon Hard On (Phil Hollyday, acteurporno dans la vraie vie) : «Ma queue,c’est mon seul diplôme.»On trouve vraiment à boire et à mangerdans Xanadu. Le très bon côtoie le trèsmoyen ; on s’enthousiasme pour sesaudaces, on est déçu par ses gros dé-fauts. Côté personnages, c’est un peuX comme Xanax : Xanadu est peupléd’un aréopage de gros dingos. La palmerevenant aux trois enfants Valadine,personnages les plus réussis. Laurent(Julien Boisselier), d’abord héritierdésigné, dont l’existence va basculer;Sarah, fille-mère fragile, secrète et ma-nipulatrice; et Lapo, fracassé et éthéré,réalisateur de porno expérimental auxdésirs sexuels un peu tordus. A part lesréjouissants Demouy et Hollyday, lesautres personnages sont décevants.Jolis flous. Et certaines situations peuplausibles : la série fait un grand écartfacial entre un scénario très imparfait(de Séverine Bosschem, Reporters), etune magnifique réalisation (de Podz,talentueux Québécois qui assure ladirection artistique de la série, et deJean-Philippe Amar, issu du monde dudocumentaire). L’intrigue de Xanadu estparfois peu convaincante, et s’achèvetrès maladroitement. Alors que tout aulong de la saison, on adore les jolis flous,les gros plans poétiques, les cadragesdécadrés, et les séquences comateuses.Le montage image et son est, lui aussi,très élégant, intuitif. Bref : tout lecontraire de «l’esthétique porno», si onose l’oxymore.

ISABELLE HANNE

Vanessa Demouy incarne Vanessa Body, égérie old school de la maison de production de pornos. PHOTO BENOÎT LINDER

C’ est la fin d’une époque, ou au moins d’uneexpérience. Katie Couric, première femmeprésentatrice d’un grand journal télévisé

aux Etats-Unis, la Christine Ockrent américainedonc, a confirmé mardi au magazine People ce quela rumeur annonçait depuis des semaines : ellefera bientôt ses adieux au journal du soir de lachaîne CBS. Son contrat, qui lui assurait un salairerecord de 15 millions de dollars par an (10,12 mil-lions d’euros), expire le 4 juin et ne sera pas re-nouvelé.En 2006, CBS avait recruté la belle Katie –blondeaux jambes bien galbées qu’elle sait aussi montrerà l’occasion– déjà célèbre présentatrice des mati-nales de NBC depuis 1991, pour «jouer les stars,faire du buzz et augmenter l’audience», rappelle lecritique télé du Time, James Poniewozik. Les deuxpremières missions ont été remplies, poursuitPoniewozik, mais la troisième était impossible,tout simplement car on demandait à Katie Couricde briller dans un genre : celui, «mourant», desmesses de l’information sur les grands réseaux na-tionaux de télévision. En 2006, son prédécesseurau CBS Evening News, Dan Rather, rassemblaitune audience moyenne de 7,5 millions de télé-spectateurs, contre 10,6 millions pour le journalde NBC et 9,7 millions pour celui d’ABC.

Cinq ans plus tard, sous la houlette de Katie Cou-ric, le CBS Evening News se classe toujours troi-sième, avec 6 millions de téléspectateurs, contre8 millions pour ABC et 9 millions pour NBC.L’échec de l’expérience Couric est depuis long-temps si flagrant qu’en 2007, la journaliste a eu leshonneurs de la série South Park: le «couric» y sertd’unité pour mesurer les… excréments.Première femme présentatrice, vingt-cinq ansaprès notre «reine Christine» donc, Katie Couriccompte tout de même à son actif des centainesd’interviews avec les grands de ce monde. Sonplus célèbre fait d’armes restant celle où elle a dés-tabilisé Sarah Palin, lors de la campagne présiden-tielle 2008, en lui demandant quels journaux ellelisait. Les plus optimistes imaginent maintenantque Katie Couric pourrait prendre la successiond’Oprah Winfrey qui doit bientôt abandonner sontalk-show diffusé sur ABC. Katie Couric a fait sa-voir qu’elle était en négociations avec plusieurschaînes, dont ABC, pour un format qui sera moins«limitatif» et lui permettra de mener des inter-views «plus étendues».

De notre correspondante à WashingtonLORRAINE MILLOT

DÉPART La première femmeprésentatrice d’un JTaux Etats-Unis va faireses valises en juin.

CBS: et couic,Katie Couric

Katie Couric officie à CBS depuis 2006 PHOTO AP

Les couloirs de cette étrange maisonsont peuplés de hardeurs grandspenseurs, tel Brendon Hard On:«Ma queue, c’est mon seul diplôme.»

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 201136 • ECRANS&MEDIAS

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«La capitalisation boursièrede Google, c’est 100 foiscelle de TF1. Apple, c’est50 fois», a pleurniché hierau Conseil supérieur del’audiovisuel (CSA), NoncePaolini, le patron de lapetite chaîne undergroundTF1. Le CSA organisait hierun raout sur la télé connec­tée, soit des téléviseurspermettant d’accéder àInternet, qui affole consi­dérablement les chaînestraditionnelles (Libérationdu 6 avril). Parce que si lesgros méchants Apple ouGoogle se mettaient à vou­loir croquer les droits télé,ça pourrait faire très mal.De plus, a insisté CosettePaolini, «iTunes paie quatrefois moins de TVA auLuxembourg, et Googlen’est taxé qu’à hauteur de5% sur la publicité grâce àun système compliqué delicences». Une situation«qui nous met dans unesituation de faiblessechronique». Heureuse­ment, le gouvernement avolé à la rescousse de nosmiséreuses en mettant enplace une mission quirendra ses recommanda­tions à la rentrée. Parmi lespersonnalités qui la com­posent: Marc Tessier, ex­président de France Télévi­sions, ou Martin Rogard,directeur de Dailymotion.Quant à Paolini, il a conclusa supplique dans un éclairde lucidité: «Tout opposel’Internet et la TV.»R.G. et I.R. PHOTO AFP

NONCE PAOLINI :CALIMÉRO DE LATÉLÉ CONNECTÉE

LES GENS

«La Croix» à la bannière du bimédiaLe quotidien de sensibilité catholique la Croix (Bayard Presse)a lancé hier une nouvelle formule placée sous le signe du bi-média, avec une édition quotidienne rajeunie et une déclinai-son web revue afin d’attirer de nouveaux lecteurs. «Cettemutation numérique de la Croix, dont l’âge moyen des lecteursest de plus de 60 ans, va permettre d’aller à la rencontre de nou-veaux publics, qui ont maintenant l’habitude de passer d’un sup-port à l’autre», a déclaré Dominique Quinio, directrice duquotidien. L’équipe de 90 journalistes travaillera aussi bienpour le papier que pour le site La-croix.com, en partiepayant. Pour 28 euros par mois, le lecteur aura droit à la Croixin extenso sur tous les supports. Le journal, diffuséaujourd’hui à 95 500 exemplaires (dont 88 % d’abonne-ments), espère passer la barre des 100 000 exemplaires.

M6 encore débouté face à TV-replay.frLa Cour d’appel de Paris a débouté M6 de ses demandes en-vers SBDS Active, qui exploite TV-replay.fr, un guide en lignede sites de catch-up TV (la télé de rattrapage), et l’acondamné à payer des dommages et intérêts. M6 estimait queSDBS «portait atteinte à ses intérêts» en permettant aux inter-nautes d’accéder directement à ses programmes en ligne sanspasser par les pages d’accueil des sites et donc sans fairemonter l’audience desdits sites. Pour SBDS, la décision dejustice «conforte TV-replay.fr dans la stratégie qui est la siennedepuis son lancement en avril 2009 de faciliter l’accès à l’offrelégale de programmes de télévision à la demande».

9millions d’euros, c’est lebénéfice, en progression,de Radio France en 2010.La radio publique expliquece bon résultat par «lamaîtrise des charges et labonne dynamique desrecettes propres, notam­ment publicitaires [descampagnes institutionnel­les, ndlr], après uneannée 2009 difficile».Radio France est engagéedepuis des lustres dans laréhabilitation de la Maisonronde qui, en 2010, lui auracoûté 51 millions d’euros.

Mardi prochain, Philippe Régnier quittera son poste dedirecteur de la rédaction du Journal des arts, pour causede licenciement économique. Jean­Christophe Castelain,le propriétaire de ce bimensuel, en prendra lui­même latête. Il occupait jusque­là cette fonction au magazine d’artl’Œil, qu’il possède également (groupe Artclair Editions)et où il sera remplacé par Fabien Simode.«Nous arrivons à la fin d’un long conflit judiciaire devantles prud’hommes, démarré il y a une dizaine d’années, etqui a trouvé une conclusion malheureuse pour nous il y aquelques semaines. Il nous faut le régler sans mettre enpéril l’équilibre financier du groupe», explique Castelain.Agé de 43 ans, Philippe Régnier était entré au Journaldes arts comme journaliste spécialisé en art moderneet contemporain en 1995, un an après la création du titre.Il en était devenu directeur de la rédaction en 2001,contribuant à faire de ce journal (19000 exemplairesau numéro, diffusion payée) une référence pourle monde artistique. HENRI­FRANÇOIS DEBAILLEUX

«LE JOURNAL DES ARTS»CHANGE DE DIRECTION

L’HISTOIRE

Cofondateur du vaisseau­mère Libération –dont ladoctrine était à sa naissance en 1973 une préfigurationde l’Internet 2.0: «Peuple, prends la parole et garde­la»–,Jean­Paul Sartre aurait apprécié cet hommage que luirend un certain OneMinuteGalactica sur YouTube. Carle film Existential Star Wars est un montage de Star Warssous­titré avec des citations du philosophe. C’est ainsique l’on peut découvrir R2D2 déclamer: «La vie humainecommence de l’autre côté du désespoir». A.H.http://t.co/3QHhL1O

JEAN­PAUL SARTRE WARS

VU SUR LE WWW

A LA TELE CE SOIR20h45. Famillesd’explorateurs.Télé-réalité présentéepar Denis Brogniart.23h25. Le resto :L’espoir d’une nouvellevie.Magazine.1h20. C’est quoil’amour ?Magazine présenté par Carole Rousseau.3h15. Trafic info.3h20. 50 mn inside.Magazine.

20h35. Signature.Série française :Épisodes 3 & 4/6.Avec Sami Bouajila.22h20. Avocats etassociés.Un enterrement de viede jeune fille.Série.23h10. TirageEuromillions.23h20. Semainecritique !Magazine présenté parFranz-Olivier Giesbert.

20h35. Thalassa.Magazine présenté parGeorges Pernoud.22h30. Soir 3.22h55. Vie privée viepublique, l’hebdo.Magazine présenté parMireille Dumas.0h10. Tout le sport.Magazine.0h15. Toute la musiquequ’ils aiment.L’heure de... GabrielBacquier.Divertissement.

20h55. Iron man 2.Film d’action américainde Jon Favreau, 117 mn,2010.Avec Robert DowneyJr, Don Cheadle.22h55. Percy Jackson -le voleur de foudre.Film fantastique deChris Columbus, 122 mn, 2009.Avec Logan Lerman,Brandon T Jackson.0h50. Concert privéKeren Ann.

20h40. Hunkeler etl’affaire Livius.Téléfilm de StefanJäger.Avec MathiasGnädinger, Buddy Elias22h15. Botox, un poisonà succès.Documentaire.23h05. L’indic et safamille.Documentaire.0h30. Court-Circuit.Magazine.1h25. Muriel.

20h45. Bones.Série américaine :Sans contrefaçon, La vérité masquée,Émancipation, Rien ne va plus.Avec Emily Deschanel.0h00. Earl.Père, impairs et passe,Vedettes d’un soir, La métamorphose, À moi la connaissance.Série.1h55. Tout le mondepeut jouer, le duel.

20h35. Rugby : Stade Français /Clermont-Auvergne.1/2 Finale de la AmlinChallenge Cup.Sport.22h30. Gala ni putes ni soumises 2010.Divertissementprésenté par Cyril Hanouna.0h15. Ces animaux quinous font rire.Divertissement.1h55. Doctor Who.

20h35. Moustaki,comme Ulysse...Documentaire.21h30. Café Picouly.Magazine présenté parDaniel Picouly.22h40. Émissiond’expression directe.22h45. C dans l’air.Magazine23h50. Parts deMarchais.Documentaire.0h45. Le peuple desordures.

20h35. Les GrossesTêtes.Invités : Laurent Baffie,Guillaume Gallienne,Les grosses têtes enfolie.Divertissementprésenté par Philippe Bouvard.23h50. Page 3, les filles du Sun.Documentaire.0h50. La mode, lamode, la mode.Magazine.

20h35. Familled’accueil.Téléfilm français :Le témoin.Avec Virginie Lemoine,Ginette Garcin.22h25. Familled’accueil.Téléfilm français :Mauvaise graine.Avec Virginie Lemoine,Ginette Garcin.0h05. X-Files : auxfrontières du réel.

20h40. Il était unefois...Grégory Lemarchal.Magazine.22h25. Il était une fois...Les scandaleuses deHollywood.Magazine.0h10. Close to Home.Une vie de mensonges,Conduitesdangereuses, Belles aubois dormant.Série.2h25. Music in the city.

20h40. Émissionspéciale : William &Kate : mariage royal.Documentaire.22h20. Kate & William :quand tout acommencé...Téléfilm de MarkRosman.Avec CamillaLuddington, NicoEvers-Swindell.23h50. Kate & William :les nouveauxromantiques.

20h35. Marlowe lechien policier.Téléfilm avec BillyUnger, StephanieMichels.22h10. L’école des fans.Invité : Michaël Youn.Divertissementprésenté par Philippe Risoli.23h05. Total wipeoutmade in USA.Divertissement.23h55. G ciné.Magazine.

20h40. Le meilleur deParis fait sa comédie.Spectacle.22h45. Paris fait sacomédie : galad’ouverture.Spectacle.0h30. Morandini !Magazine.1h40. 24 h Buzz.Magazine.2h15. Direct poker.3h30. Voyage au boutde la nuit.

20h40. Catchaméricain SmackDown.Sport.22h20. Catchaméricain Raw.Sport.0h00. Man vs Wild.Documentaire.1h45. Jeux Actu.Magazine.2h15. La nuit culturepub.Magazine.

20h35. Voyeurs.com.Téléfilm d’Éric StevenStahl.Avec Beau Bridges,Rosanna Arquette.22h10. Commandod’élite.Téléfilm de DolphLundgren.Avec Dolph Lundgren,Hristo Shopov, MelissaMolinaro.23h40. Nuit électro.Musique.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Royale empreinteFrance 5, 20h35Quelle journée, et qued’émotions… Et voilà qu’enplus, il y a un «Empreintes»sur ce vieux Georges,Moustaki comme Ulysse.

Royale bouletteParis Première, 21h40Ça y est, les deux dégéné­rés angliches, t’en peuxplus et tu commets l’irré­parable: les Grosses Têtesavec Frédéric Lefebvre.

Royale nouvelle vieTF1, 23h25Résultat : tu ne peux plussacquer personne. Colle­toi devant le Resto: l’espoird’une nouvelle vie, télé­réa­lité sociale, qu’ils disent.

LES CHOIX

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Par MATHILDE GOANECEnvoyée spéciale à Pripiat (Ukraine)

Pour la premièrefois des films ontété tournés cetteannée à l’ombre

de la centrale,«personnage»

de trois histoiresintimistes.

Tchernollywood

Mer Noire

Odessa

500 km

RUSSIE

POLO

GNE

UKRAINE

Tchernobyl

Pripiat

Kiev

TCHERNOBYL, 25 ANS APRÈS (3/3)

Les gardes vérifient à peine lespasseports, la barrière se lèveet le vieux minibus s’enfoncedans la «zone interdite» deTchernobyl, un anneau de30 kilomètres autour de lacentrale. Il est encore tôt, etla petite équipe du film fran-

çais la Terre outragée de Michale Boganim,alors en tournage en plein mois de février, seprépare à affronter le froid mordant de l’hiverukrainien. Le véhicule s’arrête à Pripiat,ville fantôme depuis l’évacuation de ses44000 habitants quelques jours après l’explo-sion du réacteur numéro 4, le 26 avril 1986.L’équipe s’apprête à pénétrer dans l’un des«décors» du film : l’ancienne école de laville, rongée par le temps, envahie par la vé-gétation. Mais l’un des gardes prend preste-ment les devants, sonde le sol contaminé et

mesure le taux de radiation. Verdict : deuxheures de tournage, pas une de plus, et inter-diction de s’éloigner. «On a des consignesprécises pour tout, confirme Inès de La Bé-vière, première assistante de réalisation. Onn’a pas le droit de boire ou de manger dans lazone, de poser des choses au sol sans bâche deprotection, de gratter la terre, et on se baladetout le temps avec un type qui a un dosimètre etqui nous dit: “Là on peut rester trois heures, làon peut rester six heures.” Et c’est variable à unmètre près.»

Le réacteur planetel un spectre

Avant de s’envoler pour l’Ukraine, tous ontfait des examens à l’Institut de radiopro-tection et de sûreté nucléaire (IRSN) à Pariset chacun porte au creux de la poche un ap-pareil qui enregistre les taux de radiationsauquel il est soumis. «C’est très spécial commeendroit, résume le chef décorateur, BrunoMargery. Là où nous sommes aujourd’hui, par

exemple, cette école, ces livres par terre, ces bu-reaux éclatés, les masques à gaz qui traînent.On est dans une ville totalement morte. Ici, tune touches à rien, et tu as devant toi, hélas, unvrai décor de cinéma.»Déserté par les hommes après avoir été co-pieusement pillé pendant des années, le siteest un vaste champ d’exploration pour cettedouzaine de personnes larguées dans un «si-lence quasi atomique», dit François Wale-disch, ingénieur du son. «Des endroits àl’abandon, j’en ai vu d’autres, dit-il, mais il ya quelque chose de spécial ici. Le silence est trèsprofond, surtout maintenant, en plein hiver, àtel point qu’il est difficile de réaliser des sonsd’ambiance. Un jour, je me suis éloigné del’équipe un moment avec mon matériel, et j’étaiscarrément au seuil de la perception auditive,quand le bruit de l’air forme une note ténue.C’était absolument tout ce que l’on entendait.»Depuis 1986, ce lieu dévasté a suscité une dé-bauche d’images documentaires pour les té-lévisions. Mais rares sont les cinéastes à s’être

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Actuellement en montage des images tour-nées cet hiver, la réalisatrice a reçu de pleinfouet le choc de Fukushima. «Je suis extrême-ment troublée, confie Michale Boganim. Ce quise passe actuellement au Japon, le manque d’in-formations claires, l’impuissance face à l’acci-dent, me rappelle ce qui se trouve dans mon film.Je pensais en tournant ici que cette histoire deTchernobyl faisait partie du passé, même si elleavait laissé des traces invisibles pour des décen-nies. Or la catastrophe se reproduit, et de sur-croît au Japon, un pays que l’on pensait moderneet bien préparé. C’est inimaginable.»Un jour, peut-être, espère Michale Boganim,on pourra parler librement de Tchernobyl.Mais à la censure s’ajoute une autre source desilence: le désintérêt des populations localespour un événement qui stigmatise l’Ukraineaux yeux du monde. De fait, Tchernobylsemble plus passionner les Occidentaux queles Ukrainiens comme le relève le photogra-phe Viktor Marushenko. Il était sur les lieuxquelques jours après l’explosion, en 1986, en-voyé par son journal pour couvrir l’arrivéede l’armée. Depuis, il a photographié la zoneinterdite sous toutes les coutures, il a accom-pagné des collègues de l’Ouest sur le terrain.«Le destin des liquidateurs, ces hommes venusde toute l’URSS, m’intéresse, explique ViktorMarushenko. Aujourd’hui, on n’a même pasde statistiques fiables qui permettent de savoirqui est mort, qui est invalide ou malade. Cer-tains attendent toujours les appartements quileur avaient été promis en récompense de leurhéroïsme, à l’époque. Mais malgré ce scandale,les gens ne veulent plus entendre parler de ça,surtout en Ukraine. Ils ne veulent plus avoird’émotions supplémentaires.»

Le cinéma ukrainien en manquechronique d’argent

Alors qu’Hollywood a mis cinq ans avant demettre en scène les attentats du World TradeCenter dans deux films à grand spectacle etgros budget (1), le cinéma ukrainien sera, lui,resté presque muet pendant un quart desiècle. «Il faut sans doute du temps pour digérercertains événements trop douloureux, remarqueMichale Boganim. En Israël, il y a eu un longdélai entre la guerre du Liban, celle de Kippour,et les fictions qui les ont mises en scène.»Producteur de Un innocent samedi, Oleg Ko-khan souligne «le déficit de films de fictions quiauraient permis de penser ce qui s’est passé, deformuler ce sentiment d’avoir survécu à la ca-tastrophe». Mais il voit surtout dans cette ab-sence l’illustration de la faiblesse du cinémaukrainien, en sous-financement chronique,qui ne doit sa survie qu’à l’aide des capitauxdu voisin russe. Arnold Kremenchutsky, di-recteur de la Commission ukrainienne dufilm et producteur, a une autre interpréta-tion, cynique, de ce silence de l’imaginaire:«Peut-être qu’il n’y a pas de bonne histoire àraconter à propos de Tchernobyl. Cela aurait étéplus intéressant si nous avions eu des milliers demorts, immédiatement je veux dire, avec dusang partout. Là, il y a eu une explosion, boum,et puis plus rien.»Olga Kurylenko, connue pour son rôle deJames Bond Girl dans Quantum of Solace, in-carne la jeune femme brisée du film de Mi-chale Boganim. Ukrainienne née à Odessa,elle se souvient de la catastrophe et de sagrand-mère, qui lui interdisait de «marchersous la pluie». «Mais aujourd’hui, les gens neparlent pas vraiment de la tragédie. Ils la por-tent en eux-mêmes.» Désormais, elle est aussiportée par d’autres, ailleurs. A l’écran. •(1) «Vol 93», de Paul Greengrass et «World TradeCenter», d’Oliver Stone sont tous les deux sortisen 2006.

risqués à la réalisation d’un film de fiction surTchernobyl. Et voilà que, cette année,25e anniversaire de la catastrophe, trois filmssont en cours de réalisation sinon déjà ache-vés : deux longs métrages – l’un français(la Terre outragée), l’autre russo-ukrainien(Un innocent samedi)– et un moyen métrageallemand (Sept ans d’hiver). Trois fictions,une «ruée», à l’aune du silence cinémato-graphique qui a pesé jusque-là sur cet acci-dent. Comment mettre en scène, en effet,une explosion nucléaire à la portée mondiale,cachée sciemment par un régime à bout desouffle, et si longtemps tabou ?Dans les trois films, déroulés sur le registre dupudique et de l’intimiste, le réacteur incan-descent plane tel un spectre. «C’est vraimentl’un des personnages du film», confiaitAlexander Mindadzé, le réalisateur russe deUn innocent samedi, achevé en début d’annéeet projeté lors de la dernière Berlinale. Sonhéros, un jeune secrétaire du Parti commu-niste de Pripiat, se trouve le jour de l’explo-sion pris entre deux feux: trahir le parti et lerégime en révélant à ses proches ce qui vientde se passer, ou se taire, et voir ses amis et safamille rester sous le feu nocif de la radioacti-vité.Dans le film de Michale Boganim, la réalisa-trice franco-israélienne de la Terre outragéeet auteur du documentaire remarquéOdessa… Odessa!, ce sont trois destins brisésnet par la déflagration qui se croisent et semêlent: Anya, jeune et jolie jeune femme, semarie le jour de la catastrophe. Piotr, son

époux, pompier, part à l’assaut du feu au seindu réacteur et meurt, fortement irradié.Dix ans plus tard, Anya vit toujours dans lazone, comme aimantée par l’endroit, et faitvisiter les lieux aux touristes étrangers, venusà Tchernobyl chercher des sensations fortes.Elle y croise un enfant à la recherche de sonpère mort le jour de l’explosion et un vieuxmonsieur qui cultive inlassa-blement la terre contaminée.«Le spectaculaire ne nous inté-ressait pas, explique LætitiaGonzalez, la productrice dela Terre outragée pour lesFilms du poisson. Ce que nousvoulions montrer, c’est que ce26 avril 1986, les gens ont con-tinué à vivre sans rien savoir. Ily a eu une vingtaine de mariages! A l’écran, lacatastrophe est invisible et pourtant, elle est là,tout le temps. On ne parle que de ça du début àla fin.» Dans le moyen métrage allemand oùle héros est un enfant, Pripiat abandonnéeapparaît juste comme un terrain de jeu, ex-traordinaire, et dangereux.

Scénarios sous surveillanceLes trois fictions évitent donc soigneusementle catastrophisme hollywoodien, mais aussile piège de l’imagerie soviétique qui avaittant à cœur de vanter le courage des «liqui-dateurs» de Tchernobyl, ces 600000 soldatset civils envoyés pour décontaminer le site.Mais le temps des mensonges et de la censuren’est pas tout à fait terminé, à en croire Mi-

chale Boganim. «L’image de Tchernobyl restetrès contrôlée par les autorités, raconte la jeuneréalisatrice qui a dû soumettre son scénarioau ministère des Situations d’urgence, encharge de la zone interdite en Ukraine. Nousavons été obligés d’en écrire un autre pour qu’ilsacceptent qu’on tourne ici. Et à présent, noussommes surveillés en permanence. Officiel-

lement, c’est pour notre sécurité. Moi, ça me faitrire. Il y a plus d’un million d’habitants qui viventdans des zones contaminées, tout autour de lazone interdite. Et ça, tout le monde s’en fiche.»Le tourisme à Tchernobyl, l’un des aspectsmajeurs de son film, a fait tiquer les autoritésukrainiennes: «Elles me reprochaient de mon-trer que mon personnage, Anya, est maladed’avoir été irradiée, et aussi de montrer quecette jeune femme continue de travailler dansla zone comme guide. Moi, je sais que des gensmalades travaillent ici, avec les touristes, oudirectement sur la centrale. Les gens qui vontréparer le sarcophage au-dessus du réacteurpendant dix ans sont eux aussi toujours soumisà des radiations très fortes. Mais ça, il ne fautpas le dire.»

«Des endroits à l’abandon, j’en ai vud’autres, mais il y a quelque chose despécial ici. Le silence est très profond,surtout en plein hiver, à tel point qu’il estdifficile de réaliser des sons d’ambiance.»François Waledisch sur le tournage de la Terre outragée

A gauche:Olga Kurylenko,James Bond Girldans Quantum ofSolace, estl’héroïne du filmde la Franco­IsraélienneMichale Boganim,la Terre outragée.

Ci­contre:sur le tournage.PHOTOBERTRAND MEUNIER.TENDANCE FLOUE

FrançoisWaledisch,l’ingénieur du sonde la fictionfrançaise tournéecet hiver.PHOTOBERTRAND MEUNIER.TENDANCE FLOUE

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PORTRAIT JEAN­BAPTISTE AUDOUSSET

nom de son compagnon, ni parler de leur relation, pourmieux la «préserver».«J’étais très heureux dans ma vie d’avant», dit-il simplement.Jean-Baptiste Audousset a grandi à Mulhouse. Son père estvétérinaire, sa mère élève les trois garçons. Ses parents lui onttransmis «une politesse, un respect des autres». Le fait «quetout n’est pas dû, que les choses se méritent». Et leur goût pourles expos, le théâtre et l’opéra. Dans son iPhone, Jean-BaptisteAudousset a aussi les derniers tubes à la mode et des hits desannées 80. Il s’intéresse à la politique, se sent plutôt de droite(«je suis un fidèle du Point»). Il dévore Douglas Kennedy ouTahar ben Jelloun. Son diplôme d’ingénieur en emballage enpoche, il décroche un beau job chez Givenchy. Il assure laconception technique des boîtes de rouge à lèvres ou de ma-quillage. Et il aime un garçon, rencontré durant ses études.«Ça ne regarde que moi, mais ça forge le caractère. Des person-nes avec qui je m’entendais très bien ne m’ont plus parlé parcequ’ils ne l’acceptaient pas. Mais j’ai toujours mené ma barque,tant pis si ça ne plaît pas aux gens. Surtout maintenant.»Ces dernières années, lorsqu’il prenait l’avion, Jean-BaptisteAudousset n’était rassuré qu’en couple. «C’était léger, maisje me disais que s’il y avait un accident, on partirait tous les deux,il n’y en aurait pas un qui resterait seul.» Il était «un peu tendu»lorsqu’il a dû revenir le premier de leurs vacances au Brésil.

Une semaine plus tard, ce matin du 1er juin 2009, il va ac-cueillir son compagnon à Roissy. Le vol est annoncé avec duretard. Des pompiers arrivent. Allers-retours entre les termi-naux en quête d’information, jusqu’à ce qu’une hôtesse l’em-barque dans un bus, où on lui annonce que l’avion a disparudes écrans radar. En début d’après-midi, le patron d’AirFrance vient leur annoncer qu’il n’y a plus d’espoir. La diguesaute. «On hyperventile, on a l’impression de manquer d’airmais en fait on en a trop. Heureusement, j’ai été très entouré.Ma mère et des amis sont venus tout de suite.»Il reçoit dans son appartement parisien, un lieu épuré, hautperché et baigné de lumière. Sur une étagère, une statuettedu Christ rédempteur qui veille sur Rio, et les petites plaquessouvenir reçues lors des deux cérémonies commémoratives.«C’est le seul appartement qu’on ait eu ensemble, il a tout refaità l’intérieur. Au début, je ne me voyais pas retourner y vivre.»Il y passe en coup de ventaprès l’annonce de l’acci-dent, pour récupérer des af-faires. «[Il] a changé d’endroittout le temps», dans sa fa-mille, puis chez des amis,pendant six mois. «On dis-cute, on essaie de s’occuper,de se balader un peu. Mais ony pense tout le temps, tout letemps.»Deux mots reviennent danssa bouche : «avancer» et«difficile». Comme un ré-sumé du parcours des fa-milles des victimes. Il s’estabonné à l’opéra et au théâ-tre, pour «s’occuper aumaximum». A parcourul’Australie et l’Inde en sacà dos. A saisi un nouveau job chez Guerlain, autre filiale deLVMH. Et s’est progressivement réinstallé, fin 2009, dans sonappartement. «J’ai réorganisé un peu les choses, en remontantde la cave certaines de ses objets que je voulais avoir près de moi.»Il dort sur le canapé durant deux mois, jusqu’à ce qu’il logedes amis. «Je ne pouvais pas faire autrement, donc je suis revenudans le lit. En même temps, c’était le moment.»Son engagement au sein d’Entraide et Solidarité AF447 l’aideaussi à «avancer». «C’est peut-être ambigu, mais paradoxale-ment ça me permet de penser à autre chose.» C’est-à-dire à larecherche de la vérité. «C’est essentiel pour deux raisons. Nousvoulons savoir dans quelles conditions nos proches nous ont quit-tés, s’ils ont souffert. Et il faut tirer très rapidement les consé-quences de l’accident pour qu’il ne se reproduise plus.»En août 2009, lorsqu’on lui propose de présider l’association,il sait que le combat sera long. Mais il ne s’attend pas à unetelle résistance du «petit milieu» de l’aéronautique. Il est con-vaincu que ces spécialistes ont échoué à traiter les problèmesdes sondes qui ont ensuite joué un rôle dans le crash. Le Bu-reau d’enquêtes et d’analyses (BEA) voit les victimes comme«les emmerdeurs de service. Ils ne supportent pas qu’on puisseémettre le moindre doute sur ce qu’ils disent». «On ne surveillepas l’Etat! Ne nous emmerdez pas!», lui a lancé l’ancien secré-taire d’Etat aux Transports, Dominique Bussereau, lorsquel’association a réclamé un poste d’observateur auprès duBEA… lequel s’est trompé en délimitant la troisième zone derecherches. L’association a alors milité pour une nouvelleopération, qui a permis de retrouver l’épave. «Nous sommesconvaincus que si nous n’avions pas mis la pression, cette phasen’aurait pas forcément été lancée.»Jean-Baptiste Audousset n’a «aucun désir de vengeance».Simplement de justice. Même s’il sait qu’un procès ne résou-dra pas tout. «Le plus difficile pour moi sera de rencontrerquelqu’un. Je ne l’envisage pas encore, même si tout le mondeme le souhaite.» Il vient d’utiliser les premières indemnitéscomme apport pour acheter un nouvel appartement. «Il fallaitque cet argent ait une signification. Ici, je n’aurais pas pureconstruire quelque chose.» Il aménagera son nouveau loge-ment dans le même «esprit» que l’ancien. «Si je rencontrequelqu’un, il faudra que la personne accepte qu’on soit, entreguillemets, “presque trois”.» Jean-Baptiste Audousset ditqu’il n’y a «pas d’oubli» possible. «Je ne peux pas me projeterdans quinze ans, mais je pense qu’il aura toujours cette pensée,cette petite plaie toujours ouverte. Mais ça ne m’empêche pasd’avancer.» •

Par YANN PHILIPPINPhoto RAPHAËL DAUTIGNY

EN 6 DATES

28 juillet 1979 Naissanceau Mans (Sarthe).2006 Ingénieur chezGivenchy puis Guerlain.1er juin 2009 Perd soncompagnon dans le crashdu vol AF447 Rio­Paris(228 morts).Septembre 2009Président de l’associationEntraide et SolidaritéAF447. 3 avril 2011Découverte de l’épavedans l’Atlantique.26 avril 2011 Début desopérations de remontéedes corps et des débris.

I l a suffi d’un SMS pour que tout se dérègle à nouveau.Il est 22 heures, ce dimanche 3 avril, lorsque Jean-Baptiste Audousset est prévenu que les débris du vol Rio-Paris ont été retrouvés dans les abysses de l’Atlantique.

Il y a d’abord «l’espoir» de trouver les boîtes noires et deconnaître, enfin, les causes de l’accident. Puis la confusionlorsqu’il apprend que des corps reposent dans la carcasse del’A330 d’Air France. Parmi eux, peut-être, celui de soncompagnon, qui a partagé sa vie pendant huit ans. «Au dé-but, je voulais qu’il reste où il était. Et puis on change d’avis, onne sait plus trop. Est-ce que j’ai envie qu’ils le retrouvent?» Lesoir, il «réfléchit beaucoup», ses insomnies ont repris. Il al’impression de «retomber», de revenir au lendemain ducrash.Président de l’association Entraide et Solidarité AF447,ce jeune homme de 31 ans est la voix et le visage des victimesfrançaises. Fine silhouette, regard franc. Sa parole est calme,sans colère, ni pathos, dans les médias comme en privé. «Lasouffrance, c’est quelque chose que je n’extériorise pas, que jegarde pour moi, même avec les très proches. Et pas seulementen ce qui concerne l’accident.» Il ne souhaite pas dévoiler le

Président de l’association des victimes du Rio-Paris,cet ingénieur a perdu son compagnon dans l’accident.

Vol de lui

LIBÉRATION VENDREDI 29 AVRIL 2011